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@ YI KING (Yi Jing, I Ching) traduit par Paul-Louis-Félix PHILASTRE (1837-1902) Un document produit en version numérique par Pierre Palpant, collaborateur bénévole Courriel : [email protected] Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web : http ://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec à Chicoutimi Site web : http ://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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première traduction intégrale en français du yi king datant de la fin du XIX ème siècle par Philastre.

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@

YI KING(Yi Jing, I Ching) Paul-Louis-Flix PHILASTRE (1837-1902)

traduit par

Un document produit en version numrique par Pierre Palpant, collaborateur bnvole Courriel : [email protected] Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales" dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi Site web : http ://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection dveloppe en collaboration avec la Bibliothque Paul-mile-Boulet de lUniversit du Qubec Chicoutimi Site web : http ://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

Le Yi king 2 Traduction P.L. F. Philastre

Un document produit en version numrique par Pierre Palpant, collaborateur bnvole,

Courriel : [email protected]

partir de :

YI KINGTraduit par Paul-Louis-Flix PHILASTRE (1837-1902)Editions Zulma, 1992, 890 pages. Premire dition, Ernest LEROUX, Paris, 1885 Polices de caractres utilise : Times, 10 et 12 points. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5 x 11. dition complte le 30 novembre 2004 Chicoutimi, Qubec.

Le Yi king Traduction P.L. F. Philastre

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TABLE

DESNote css

MATIRES

Introduction Conclusion Formules annexes (1 - 2) Postface Koua : Dfinitions Ordre Oppositions Table Table analytique PREMIRE PARTIE1. - Khien, activit 2. - Khouen, passivit 3. - Tshouen, naissance des tres 4. - Mong, dvelopp. de lintelligence 5. - Su, lattente 6. - Song, le doute 7. - Shi, le groupement de la foule 8. - Pi, lassociatio n 9. - Siao tshou, petit arrt 10. - Li, les rgles rituelles 11. - Thae, prosprit 12. - P i, dcadence 13. - Thong jen, identit des hommes 14. - Tae yeou, grand avoir 15. - Khien, modestie 16. - Yu, satisfaction 17. - Souei, entranement et action de suivre 18. - Kou, les causes 19. - Lin, troubles et surveillance 20. - Kouan, lobjet de lobservation 21. - She ho, couper court lerreur 22. - Pi, orner et rgulariser 23. - Po, user peu peu, dclin 24. - Fou, retour en sens oppos 25. - Wou wang, absence dirrgularit 26. - Tae tsou, grand arrt 27. - Yi, la nourriture 28. - Tae kuo, ce qui est grand traverse 29. - Khan, chute dans la bme 30. - Li, jonction et sparation

DEUXIME PARTIE31. - Hien, linfluence 32. - Heng, perptuit 33. - Thouen, se retirer en arrire 34. - Ta tshang, parfait panouissement 35. - Tsin, progression en avant 36. - Ming yi, blessure 37. - Kia jen, hommes de la famille 38. - Khouei, opposition 39. - Kien, difficult 40. - Kiae, dlivrance 41. - Souen, dcroissance 42. - Yi, croissance 43. - Kouae, dtermination 44. - Keou, rencontre (conjonction) 45. - Tsouei, rassemblement, runion 46. - Sheng, naissance, lvation 47. - Khouen, misre 48. - Tsing, le puits 49. - Ko, modifier, changer 50. - Ting, trpied 51. - Tshen, lobjet, lustensile 52. - Ken, larrt 53. - Tsien, progression en avant 54. - Kouei mei, mariage 55. - Fong, grandeur 56. - Lou, voyageur, tranger 57. - Souen, entrer 58. - Touei, plaire 59. - Hoan, sparation 60. - Tsie, dfinir, rgler 61. - Tshong fou, confiance, certitude 62. - Siao kuo, petit excs 63. - Ki tsi, dj tabli 64. - Vi tsi, pas encore tabli

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NOTE

CSS

I. Quelques modalits de circulation spcifiques au Yi king. Dans chacune des 64 sections du livre, la prsentation trs similaire, on trouvera en premire page, 1+6 courtes sentences. Un clic sur le symbole [] aprs la premire sentence permet le retour la table des matires. Un clic sur lune des sentence s conduit la sous-section o, aprs son rappel, la sentence est commente. Un clic sur lhexagramme repris en tte de chaque sous-section permet de revenir la section. Au bas des 1+6 sentences, deux symboles rouges : < et >. Un clic sur le < permet daccder lhexagramme correspondant tudi sur le site dexpression anglaise : http://www.sacred-texts.com/ich/index.htm, traduction de James Legge. Ce trs riche site reprend par ailleurs bon nombre des traductions du sinologue anglais. Un clic sur le > permet daccder lhexagramme correspondant tudi sur le remarqueble site de lassociation franaise des professeurs de Chinois (traduction allemande du Pre Richard Wilhelm, adaptation franaise dtienne Perrot. Par rapport CSS : autre traducteur, autres commentateurs du texte) : http://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijing II. Prsentations Les rfrences au Yi king sont trs nombreuses dans les ditions CSS, notamment chez Henri Cordier, Henri Maspero, Marcel Granet, Lon Wieger. Il est galement instructif dexplorer les classiques, par exemple le Tso tchouan, avec les mots hexagramme, devin, achille, : quelques exemples, concernant Pi Ouan, Ki Iou, Mou Kiang ou Mou tseu. Mais aussi le Chou king ou le I-li. Les deux sites prcits sacred-texts et afpc fournissent galement une prsentation dtaille.

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T A B L E

D E S

K O U A

Khouen 2

Po 13

Pi 8

Kouan 20

Yu 16

Tsin 35

Tsouei 45

Pi 12

Khien 15

Ken 52

Kien 39

Tsien 53

Siao kuo 62

Lou 56

Hien 31

Thouen 33

Shi 7

Mong 4

Khan 29

Hoan 59

Kiae 40

Vi tsi 64

Khouen 47

Song 6

Sheng 46

Kou 18

Tsing 48

Souen 57

Heng 32

Ting 50

Tae kuo 28

Keou 44

Fou 24

Yi 27

Tshouen 3

Yi 42

Tshen 51

She ho 21

Souei W.wang 17 25

Ming yi 36

Pi 22

Ki tsi 63

Kia jen 37

Fong 55

Li 30

Ko Thong jen 49 13

Lin 19

Souen 41

Tsie Tshong fou Kouei mei Khouei 60 61 54 38

Touei 58

Li 10

Thae 11

Tae tshou 26

Su 5

Siao tshou Ta tshang Tae yeou Kouae 9 34 14 43

Khien 1

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I N T R O D U C T I O NLe Yi king est considr par les Chinois comme le plus antique monument de leur littrature ; toutes les coles sont daccord sur ce point. Daprs un passage des Rites de Tsheou, le magistrat charg de la surintendance de la divination avait dans ses attributions la surveillance des rgles poses par les trois livres appels Yi, ou des Changements. Le premier de ces trois livres tait intitul Lien shan, Chane des montagnes, cest --dire succession ininterrompue de montagnes. Ce titre provenait de la classification adopte des hexagrammes, dont le premier figurait la montagne sur la montagne ; le symbole adopt tait les nuages manant des montagnes. Le second tait intitul Kouei mang, Retour et Conclement, parce quil ntait aucune question qui ne pt y tre ramene et que toutes sy trouvaient caches et contenues. Le dernier avait pour titre Tsheou 1 yi, Changements dans la rvolution circulaire, ce qui exprimait que la doctrine du livre des changements stend tout et embrasse toutes choses dans son orbe. Cette explication des titres de ces trois ouvrages est personnelle son auteur et nest appuye sur aucun texte faisant autorit ; elle nest plus admise par personne ; je la crois cependant plus prs de la vrit que les autres, qui vont suivre. On remarque, dautre part, que Shen Nong, hros ant -historique, est quelquefois appel Lien Shan Shi, ou Li Shan Shi ; de mme aussi, Hoang Ti, autre hros, est aussi appel Kouei Tsang Shi ; ces deux expressions Lien shan et Kouei tsang tant donc galement des vocables de rgnes, on en dduit que ce titre de Tsheou yi vient aussi du vocable de la maison de Tsheou. Cette dernire supposition est officiellement et universellement admise aujourdhui. Mais quelques critiques font ce sujet des objections trs plausibles ; il rsulte du texte de quelques formules, ou sentences du Yi king, attribues Wen Wang, fondateur de la dynastie de Tsheou, que ces sentences auraient forcment d tre crites postrieurement la mort de Wen Wang. On en a conclu quune partie des formules seulement devait tre attribue Wen Wang et le reste Tsheou Kong, son fils. Du passage des Rites de Tsheou, cit plus haut, on conclut encore que le Lien shan tait le livre des Changements, ou Yi king, de la premire dynastie (Hia) ; que le Kouei tsang tait celui de la seconde dynastie (Sheang), et que le Tsheou yi fut celui de la troisime dynastie (Tsheou). On admet que le fond du livre tait le mme et que la forme seule diffrait quelque peu. Les deux premiers ont disparu sans laisser dautre trace que celle de leurs titres mentionns dans les Rites de Tsheou. Le Yi king, tel quil nous est parvenu, est luvre de plusieurs personnes.1

Tsheou, mouvement circulaire, rvolution embrassant tout lunivers. Et aussi, nom dun fief dont le prince feudataire fonda la troisime dynastie impriale de la Chine.

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La substance primitive est une srie de soixante-quatre hexagrammes ; ces hexagrammes sont forms avec deux sortes de traits : un trait plein et un trait bris . La tradition rapporte que Fou Hi contemplant le ciel, puis baissant les yeux vers la terre et en observant les particularits, considrant lapparence des oiseaux et les productions de la terre, les caractres du corps humain et ceux des tres et des choses extrieures, commena par tracer huit koua, ou trigrammes, avec les deux lignes en question ; ensuite, combinant ces huit premiers koua simples deux deux, il en forma soixante-quatre hexagrammes ; cest l son uvre et la trame du Yi king. Wen Wang, prince feudataire, sujet du dernier empereur de la dynastie des Sheang, exil et intern comme suspect, rdigea, pendant son bannissement, pour chacun de ces soixante-quatre signes, une formule de quelques mots, en exprimant la valeur gnrale. Son fils Tsheou Kong composa son tour une formule pour chaque trait de chaque hexagramme. Plus tard, Khong Tse, reprenant leur uvre, composa plusieurs commentaires particuliers quon dsigne ensemble, et assez arbitrairement, sous la rubrique de Dix coups daile ; ce sont : 1. Les formules dterminatives , commentaires ou gloses des formules attribues Wen Wang ; 2. Les formules symboliques , commentaires des formules attribues Tsheou Kong ; 3. L expression parle de la reprsentation graphique de la forme, ou expressions des reprsentations , commentaire spcial aux deux premiers koua ; 4. Les formules annexes , quon dsigne gnralement sous la rubrique de Grand Commentaire et qui embrassent tout louvrage un point de vue gnral en rsumant la doctrine de Khong Tse sur cette question ; 5. La dfinition des koua ; 6. L ordre des koua expliquant lordre de classification des hexagrammes ; 7. Les oppositions des koua autre vue sur leur ordre de classification. Les Chinois attachent une haute importance tablir que la tradition orale de lensei gnement de la doctrine contenue dans le Yi king na jamais t interrompue ; ils citent les matres et leurs disciples et continuateurs depuis Khong Tse jusquaux philosophes de la renaissance des lettres, sous la dynastie des Song. Le Yi king ne fut point condamn par lEmpereur Shi Hoang Ti ; ce prince ny vit quun livre de divination dont la destruction semblait inutile au plan quil poursuivait.

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Ce rsum trs succinct est tir des premires lignes de lintroduction de ldition offi cielle de la dynastie rgnante 1. Nous allons la complter de quelques renseignements moins orthodoxes. Fou Hi est un mythe ; la tradition le reprsente avec de lgres protubrances en forme de cornes sur le front. Pour tre moins gracieux, le symbole nen est pas moins le mme que le croissant lunaire que Diane porte sur le front. Selon moi, Fou Hi symbolise les phases de la lune, rsultant du mouvement apparent du soleil et de la lune autour de la terre considre comme centre. Fou Hi assistant la sparation du Chaos do naissaient le Ciel et la Terre en comprit la gense ; plus tard il vit un cheval-dragon sortant dun fleuve et prit pour rgle les figures apparentes sur son dos. Ces figures, quon appelle le Tableau du fleuve , sont formes de points ronds, noirs ou blancs, groups dans un certain ordre, et ce fut, dit la tradition, daprs ces signes que Fou Hi traa les huit premiers koua simples (trigrammes). Javance enc ore que le dragon symbolise le lever du soleil et le cheval, trs probablement, son coucher ; que les figures qui forment ce tableau reprsentent des astres et des constellations ; quenfin les deux traits et , premiers lments des koua, reprsentent ou symbolisent deux grands moments dans la marche combine et apparente du soleil et de la lune et que la base fondamentale du Yi king est essentiellement une observation astronomique. Les koua, ou diagrammes, reprsentent tous galement la srie des phases de la lune. Aprs Fou Hi, le premier commentateur est Wen Wang. Pour les Chinois ce personnage est indiscutablement historique. Je suis certainement seul contre tous en avanant quil est permis de douter. Le brevet dauthenticit historique est dlivr par le Shou king ; or, je considre cette autorit comme suspecte et essentiellement sujette discussion. Trs certainement, il a d exister un personnage appel Wen Wang ; je nen doute pas ; mais entre le rle que le Shou king lui attribue et la ralit il peut y avoir une distance considrable. Tous les peuples qui ont une antiquit attribuent les grandes inventions du gnie humain, les grands faits mmorables, tel ou tel de leurs grands hommes ; le fait rappel est souvent dfigur mais il a toujours un fond de vrit ; le personnage a presque toujours exist, mais il peut souvent ny avoir rien de commun entre le hros et luvre quon lui attribue. Il est mme trs probable que souvent, aprs un certain laps de temps, la tradition transpose le mrite de lacte sur la tte dun autre personnage dont la gloire plus rcente fait oublier le hros prcdent. Je souponne que tel est le cas pour Wen Wang ; mais quil soit ou non lauteur de la premire glose, je ne crois pas que le titre Tsheou Yi vienne du vocable de la dynastie de Tsheou. Aprs Wen Wang et son fils Tsheou Kong, le premier commentateur rellement historique est Khong Tse. premire vue, son uvre nest gure moins obscure que celle de ses devanciers.

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Un magnifique exemplaire de cette dition est conserv la bibliothque de Lyon.

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La perscution des lettrs par Shi Hoang Ti plongea dans un dsarroi complet et pour plusieurs sicles toutes les traditions littraires ; sous les Han il sagit plus de reconstituer les textes et de les collationner que de les claircir. Bien que le Yi king net pas t pros crit, son tude resta stationnaire et il faut franchir dun bond une priode de quinze sicles pour passer de Khong Tse une cole nouvelle qui, sous la dynastie des Song, releva un moment la gloire des lettres chinoises. Tsheou Tse, le premier dans les temps modernes, reprit dune faon originale ltude du Yi king et en dduisit un systme cosmogonique qui, sans tre neuf, rsume sous une forme brve et nette les conceptions et la doctrine de tous ses devanciers. Tsheng Tse, son disciple, crivit un commentaire traditionnel complet du Yi king ; selon moi, cest le plus remarquable, bien que lcole chinoi se moderne donne la prfrence celui de Tshou Hi, un peu postrieur, et intitul Sens Primitif. Depuis Tshou Hi, on a encore dlay beaucoup dencre et noirci normment de papier, mais on na plus rien crit doriginal sur le Yi king ; les taostes ont, il est vrai, compos un pastiche intitul Thai huien king qui na aucune valeur relle. La mine semble puise, mais, en ralit, cest le gnie dun pe uple qui est engourdi. Les Chinois ne cherchent plus, ils conservent ; ifs se cramponnent la tradition admise et leur unique souci est de se maintenir toujours daccord avec elle. Cependant, la vrit ne perd jamais compltement ses droits, mme en Chine. On trouvera dans un ouvrage du P. de Prmare, publi en 1878 par MM. A. Bonnetty et P. Perny, de nombreuses citations dauteurs chinois do rsulte que bon nombre des meilleurs esprits quait produit la Chine considrent que la vritable interprtation du Yi king sest perdue la mort de Khong Tse et quon nen connat plus le vrai sens. Le livre que je cite ici, Vestiges des principaux dogmes chrtiens tirs des anciens livres de la Chine, est une uvre trs remarquable et trs digne dtude, non pour y suivre la pense et les vues exclusives de lauteur, dont la grande rudition et le haut sens critique taient enchans par la foi, mais pour y trouver, runis et groups, un nombre trs considrable dindices prcieux sur la vritable valeur des livres classiques de la Chine. De tels travaux ont certainement d ne pas tre trangers aux perscutions diriges un peu plus tard contre les jsuites, en Chine, par les catholiques plus orthodoxes ; si la face de la mdaille considre par le P. de Prmare tait sduisante pour des hommes dune foi inbranle, le revers pouvait bon droit alarmer des esprits plus froids et plus clairvoyants. Pour ce qui nous importe en ce moment, il suffit de citer le Ve point discut p. 30 et suivantes ; la thse du P. de Prmare, la Connaissance de la vritable doctrine des King est entirement perdue chez les Chinois, s y trouve surabondamment prouve, exclusivement par des tmoignages chinois. Considr par les Chinois, le Yi king est avant tout un livre de divination ; telle est sa forme, tel est son usage, et cest dans ce sens quil est comment et expliqu. Ce nest ni le lieu ni le moment de rechercher pourquoi cette forme a t choisie par les auteurs du livre ; il suffit de justifier en quelques mots lutilit de cette tradition et son intrt. Or :

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1. En chinois, le mot na presque jamais de sens absolument dfini et limit ; le sens rsulte trs gnralement de la position dans la phrase, mais avant tout de son emploi dans tel ou tel livre plus ancien et de linterprtation admise dans ce cas. Ici, point de racines au-del desquelles on natteint plus et qui justifient le sens des drivs dans les divers idiomes ou dialectes dune mme famille ; le mot na de valeur que par ses accep tions traditionnelles. On na pas, ma connaissance, tir tout le parti possible de cette particularit de la langue chinoise, au point de vue de ltude et de la recherche de la nature relle du langage humain. Le mot chinois nous apparat comme si , expression naturelle et spontane dune pense abstraite trangre aux circonstances et aux conditions de la vie animale de lhomme, celui-ci, saisissant dans cette pense un rapport avec les circonstances et les conditions de sa vie, avait emprunt le son de cette expression pour crer sa parole raisonne. De l, ncessit absolue, pour ltude de la langue chinoise, de connatre les sources originales de la littrature, et, entre ces sources, la plus antique et la plus importante est incontestablement le Yi king. 2. Si on ne considrait que les diagrammes, il serait absolument impossible dy dcou vrir aucune ide intelligible ; les formules de Wen Wang, de Tsheou Kong, et mme celles de Khong Tse ne seraient gure plus comprhensibles sans la Tradition, cest --dire sans les commentaires de Tsheng Tse et de Tshou Tse, qui la rsument. Il est donc indispensable de traduire en entier ces deux commentaires qui contiennent, dune faon complte, toutes les notions des Chinois en fait de naturalisme, de morale et de philosophie. De plus, ces deux commentaires sont des modles excellents du meilleur style chinois, clair et simple, encore prserv du got amphigourique des modernes 1. Donc, le Yi king, considr dans son ensemble, est encore indispensable tous ceux qui, dans un but quelconque, veulent connatre les ides chinoises sur toutes ces questions. 3. Je ne mentionne provisoirement que pour mmoire le ct le plus srieux et le plus intressant, mon point de vue, de ltude de ce livre ; jen ai parl ailleurs, et je laisse ceux qui auront la patience den lire la traduction, juger du bien fond des hypothses et des opinions que jai mises en commenant sur la vraie origine du Yi king. Enfin, jajouterai encore que cette traduction franaise aura au moins le mrite de la nouveaut. Je nai trouv dans les renseignements bibliographiques dont je dispose, que la mention dune seule traduction de ce livre : y King antiquissimus sinarum liber quem ex latina interpretatione P.

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Cette apprciation du style ne peut naturellement pas stendre la mthode dexposition et aux longueurs qui en rsultent.

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Regis aliorumque ex Soc. Jesu PP., edidit julius Mohl, 1834. Stuttgarti et Tubing, 2 vol. 1. Beaujeu, le 21 mars 1881. P.- L.- F. PHILASTRE

1

A. Wylie, Notes on chinese literature, p. XIV.

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AVERTISSEMENT AU LECTEUR Cette dition prsente le texte canonique du Yi king (en italique), suivi des deux commentaires traditionnels de Tsheng Tse et de Tshou Hi (en romain). Le Yi king est constitu de 64 koua : un koua est un hexagramme, form de deux trigrammes, ou koua simples. Il y a huit koua simples, qui assembls deux deux forment les 64 koua tracs par Fou HI. Les textes en italique qui suivent les caractres chinois sont les formules initiales attribues Wen Wang sur chaque koua, et celles attribues Tsheou Kong sur les six traits qui composent le koua. Les autres textes en italique, notamment les commentaires des formules dterminative et symbolique, sont attribus Khong Tse (Confucius). Dautres commentaires attribus Khong Tse sont souvent cits par Tsheng Tse et Tshou Hi ; ils sont rappels dans leur intgralit la fin du volume : les Formules annexes, les Dfinitions des koua, lOrdre des koua, et les Oppositions des koua. Philastre a repris quelques commentaires supplmentaires qui apparaissent sous les titres Dfinitions diverses (extraits dun recueil de citations de divers commentateurs) et jugements (gloses impriales de ldition officielle de la dynastie des Ming). Le Shi king est le Classique de la posie, le Shou king est le Classique des documents, et le Li king, le Classique des rites. Khong Tse (Khong Fou Tse) est aussi appel Fou Tse, ou Tse, le Matre, ou encore lhomme saint ; il sagit bien sr de Confucius (550 ? 479 avant Jsus-Christ). Paul-Louis-Flix Philastre (1837-1902) est le premier traducteur du Yi king en franais. Il a galement traduit un code du droit annamite et chinois.

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P R E M I R E

P A R T I E

TSHOU HI. Tsheou, nom dune dynastie ; yi 1, titre du livre. Les koua, ou diagrammes, qui constituent la substance premire de ce livre, furent primitivement tracs par Fou Hi ; ils expriment le changement par jonction et le changement par modifications progressives, do le titre de livre des changements. Les formules y ont t adjointes par Wen Wang et par Tsheou Kong 2, do le nom de Tsheou joint au titr e. Comme le volume des lames de bambou, sur lesquelles il tait crit, tait gros et lourd, on le divisa en deux livres : premire et seconde parties 3. Le King, ou texte, comprend les traits tracs par Fou Hi, les formules de Wen Wang et Tsheou Kong, et galement les dix livres de Commentaires, uvre de Khong Tse, en tout douze livres. Le1

Yi, les Chinois disent que le caractre qui reprsente ce mot est compos de deux autres caractres reprsentant lun le soleil et lautre la lune. Ce mot symbolise la loi fondamentale dvolution qui est le fond de la doctrine admise du livre. Mappuyant sur le Shuo wen (le plus ancien dictionnaire chinois), je nie cette origine : le caractre yi, dans sa forme antique est compos du caractre [], soleil, et du caractre wou, qui exprime la ngation imprative. Si Shan Tshen Shi dit : Le soleil disparat, la lune surgit ; le froid cesse et est remplac par la chaleur ; le jour et la nuit, lobscurit et la clart se succdent sans fin ; tel est le cours ordinaire de la marche (tao) des phnomnes clestes. Les hommes saints, en lobservant pour faire le livre des changements, ne firent que mettre en lumire la loi immuable (li) de croissance et de dcroissance de la ngativit et de la positivit. Si la positivit crot, la ngativit diminue ; si la ngativit grandit, la positivit se dissipe ; une priode de croissance et une priode de dcroissance, telle est la loi (tao) du ciel. Lhomme qui tudie le livre des changements connatra la raison dtre (li) du bonheur et du malheur, de la dcadence et de llvation, et la voie rationnelle (tao) selon laquelle il convient davancer ou de reculer, de laquelle enfin rsulte le salut ou la perte. Lin Tshouen Wou Shi dit que de ce temps (poque o vivait Fou Hi) le caractre yi nexistait pas encore ; il y avait des figures et pas de texte. Plus tard, lorsquon inventa les caractres, on commena runir les deux caractres jie (soleil) et yue (lune) pour former le caractre yi. 2 Wen Wang, pre du fondateur de la dynastie des Tsheou, composa ses formules pendant son internement, vers 1150 A. C . ; Tsheou Kong aurait rdig les siennes vers 1100 ( ?). 3 Cette opinion est combattue par Shouang Hou Hou Shi avec ses raisons assez probantes tires de lordre suivant lequel les koua, ou dia grammes, sont rangs et de lingalit des deux parties. Cette ingalit semble plutt tre une consquence dun plan adopt par Wen Wang. Il fait remarquer que la premire partie dbute par les koua khien et khouen qui expriment le commencement de la transformation de lther et que la seconde partie dbute par les koua hieng et heng qui expriment le commencement de la forme.

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dsordre fut, dailleurs, mis dans ces textes par les divers philosophes confucens 1. Dans les temps modernes, Tshiao Shi, le premier commena corriger ces erreurs, mais il ne put cependant pas encore reconstituer compltement lancienne forme du texte. Lu Shi, son tour, rtablit la distinction entre les deux volumes de texte et les dix volumes de commentaires, en revenant ainsi lancienne distribution de Khong Ts e.

1

Jemploie ce terme doublement inexact faute den trouver un autre suffisamment appropri. Le terme chinois pour dsigner la doctrine en question est Jou ; les adhrents sont appels Jou shi ou docteurs de la reprsentation graphique de limage (Wen sha). Cest donc d une doctrine plus antique quil sagit et non pas dune doctrine particu lire Khong Tse.

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1. Khien Khien en haut

Khien en bas

1. Khien : Cause initiale, libert, bien, perfection

[]8. Premier trait nonaire : dragon cach ; ne pas agir. * 10. Deuxime trait nonaire : dragon visible dans la rizire ; avantage voir un grand homme. * 12.Troisime trait nonaire : l activit de l homme dou dure tout le jour ; le soir, il est encore comme proccup. Danger ; pas de culpabilit. * 14. Quatrime trait nonaire : parfois il saute dans les abmes ; pas de culpabilit. * 16. Cinquime trait nonaire : dragon volant dans le ciel ; avantage voir un grand homme. * 18. Trait suprieur nonaire : dragon lev ; il y a regret. * 20. Emploi des traits nonaires : dans la troupe des dragons visibles, aucun ne prcde les autres ; bonheur.

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1. Khien. 1. Khien : Cause initiale, libert, bien, perfection 1. TSHENG TSE. Dans la plus haute antiquit, lhomme saint commena par tracer les huit koua 2 : la voie rationnelle (tao) des trois causes actives 3 tait ds lors complte. Il se servit ensuite de cette base en combinant ces huit koua simples deux deux par superposition, pour embrasser la totalit des modifications dans lunivers, et cest ainsi quil obtint les koua parfaits de six traits. Le koua simple khien, rpt sur lui-mme constitue le koua parfait khien. Khien exprime le ciel, Ti-thien. Thien, le ciel, cest la substance et la forme du ciel ; khien, cest la nature et le sentiment du ciel 4. Khien quivaut force daction ou activit kien 5 ; lactivit s ans repos est appele khien. Or, lorsquil sagit du ciel ( thien), si on en parle dune faon absolue, cest la voie rationnelle ou morale (tao) ; cest prcisment : le ciel qui, dailleurs, ne soppose point 6. Si on en parle en distinguant, alors, au point de vue de la forme et de la substance, on dit le ciel (thien) ; au point de vue de la puissance qui rgit, on dit le pouvoir suprme ti ; au point de vue de laction et des effets 7, on dit esprits et gnies ; au point de vue des effets transcendantaux, on dit lesprit 8 ; au point de vue de la nature et du sentiment, on dit khien, ou activit .

1

Les feuilles de larbre commenant pousser, cest laction de la cause initiale ; les fleurs souvrant, cest la libert dexpansion ; les fruits qui se nouent, cest le bien ; ces fruits se dveloppent et mrissent, cest la pure t ou perfection (Tshou Hi). 2 Les huit koua primitifs de trois traits. 3 San tsae. Essentiellement, le caractre tsae reprsente un germe vgtal perant la terre. De l, est-il dit, par extension, le sens de force, capacit productive et causative, et enfin lemploi de ce mot pour dsigner les qualits et les talents. Dans le cas actuel, ce mot sert former une expression technique qui dsigne le ciel, la terre et lhomme, considrs comme les trois causes des lois physiques, intellectuelles et morales. 4 Cest seulement par figure que ces termes sont employs en parlant du ciel. La nature, cest le naturel particulier de ltre considr ; le sentiment est leffet manifest du nature l. Tsheng Tse dit : La substance ou essence de lactivit, cest sa nature ; les effets de cette activit sont ce quon appelle le sentiment. 5 Le vritable sens du mot tsin est haut, lev . 6 Citation dun passage ult rieur. 7 Les phnomnes naturels tels que la pluie, la foudre, etc. 8 Les esprits et gnies ne sont rien que laction et la raction, la contraction et la dilatation (de lther) ; laction et les effets en sont les manifestations visibles. Quant lesprit, cest une expression pour dsigner la cause mystrieuse de toutes choses. Cette cause mystrieuse et transcendante rside prcisment dans lesprit ; lorsquelle se manifeste et quon la voit dans

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Cette activit, exprime par le mot khien, est lorigine et le commencement de tous les tres et de toutes choses 1 ; cest pour cela qu e le koua reprsente le ciel, la positivit, le pre, le prince. Cause initiale, libert, bien, perfection, sont ce quon appelle les quatre vertus 2 . La premire exprime par le mot yuan, cest le commencement de tous les tres et de toutes choses. La seconde, exprime par le caractre heng, cest la croissance de toutes choses ; la troisime, exprime par le caractre [] , cest la facult de satisfaction des besoins, tels quils rsultent de la condition de chaque tre ; la quatrime, exprime par le caractre tsheng, cest le dveloppement normal et parfait de toutes choses. Les koua khien et khouen, seuls 3 ont ces quatre vertus ; dans les autres koua, elles se modifient selon le sujet, de sorte que la premire exprime spcialement et exclusivement le bien et la grandeur ; la troisime consiste surtout dans la droiture et la fermet, et les substances de la seconde et de la quatrime correspondent dans chaque cas la nature spciale du sujet. Le sens de ces quatre vertus est large et tendu. TSHOU HI. Ces six traits sont le koua trac par Fou Hi. Le trait plein est appel ki, ou unit ; cest le nombre de la positivit. Khien, cest la force daction, ou activit, exprime par le mot kien ; cest la nature de la positivit. Dans les annotations 4, le caractre khien est le nom du koua de trois traits ; celui den bas est le koua intrieur ; celui den haut est le koua extrieur 5. Dans le texte, le caractre khien est le nom du koua de six traits. Fou Hi leva les yeux et regarda ; il les baissa et examina. Il vit que la ngativit et la positivit ont la dualit et lunit pour nombres. Il traa donc un trait simple pour symboliser la positivit et un trait double pour symboliser la ngativit. Il vit quune ngativit et une positivit ont chacun e lapparence dengendrer une ngativit ou une positivit ; aussi, partir den haut et en montant, il traa encore un second, puis un troisime trait, pour achever les huit koua simples primitifs. Il vit que la nature de la positivit est lactivit et que la plus grande de ses formes ralises est le ciel ; cest pour cela que le koua compos de trois traits simples fut nomm khien et quil lattribua la reprsentation du ciel. Les trois traits complts, les huit koua achevs, ilson action et ses effets on dsigne cette action et ces effets par les termes esprits et gnies. Mais quant ce qui ne peut tre atteint, on lappelle lesprit (Tsheng Tse). 1 Tsheng Tse nest pas fort loign du taosme ; ici, ses paroles se rapportent au moins autant au livre de Lao Tse quaux paroles de Wen Wang. 2 Vertus attributives. 3 Selon Tsheng Tse les deux caractres khien et khouen nexistaient point antrieurement et ils ont t imagins pour exprimer des ides difficiles rendre clairement . 4 Le terme que je traduis par Commentaire traditionnel exprime plus spcialement la transmission dune doctrine. Celui qui est traduit par annotations signifierait aussi bien commentaire, mais il a le sens dexpliquer, prciser le sens des mots. 5 Parce que lorsque les koua sont rangs sur une circonfrence lun se trouve en dedan s et lautre en dehors par rapport au centre.

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augmenta encore trois fois dun trait, pour en porter le nombre six, cest --dire quau -dessus de chacun des huit koua simples, il ajouta successivement chacun de ces mmes signes, pour former les soixante-quatre koua parfaits. Dans ce koua, les six traits sont tous des traits simples ; le koua simple infrieur et le koua simple suprieur sont tous les deux le koua simple khien de sorte quil exprime la puret de substance de la positivit et lextrme activit, et cest pour cela que le nom, khien, et la reprsentation symbolique, le ciel, ne changent ni lun ni lautre. Les mots yuan, heng, li, tsheng, sont la formule attache ce diagramme par Wen Wang, pour dfinir les prsages fastes ou nfastes du koua entier ; cest ce quon appelle thouan, ou formule dterminative d un koua. Le mot yuan exprime la grandeur 1 ; le mot heng, lintelligence ; le mot li, lutilit ; le mot tsheng, la droiture et la fermet. Wen Wang considra la voie rationnelle de lactivit comme exprimant la grandeur de lintelligence et lextrme droiture. Aussi lorsquen consultant le sort, on obtient ce koua, et quaucun des six traits ne se modifie 2, le sens divinatoire exprim est quil faut possder une grande intelligence et qualors il y aura certainement avantage parla droiture et la fermet ; ces conditions remplies, il est possible de garantir le succs final de lentreprise. Cest ainsi que les hommes saints, en faisant le livre des changements, ont appris aux hommes consulter le sort par le moyen de lcaille de la tortue ou par celui d es brins de paille et quil est possible, par ces moyens, datteindre lide pure et exacte au sujet de lentreprise et de laccomplissement dune chose ou dune affaire. Ceci est applicable tous les autres koua. DFINITIONS DIVERSES. Khong Shi Ying Ta dit : Koua signifie mettre part ; cela veut dire suspendre part, en le mettant en vidence, le symbole dune chose, pour servir davis aux hommes ; cest pour cela que ces signes sont appels koua. Ce koua khien symbolise essentiellement le ciel. Le ciel est form par laccumulation de tout lther positif, cest pourquoi les six traits de ce koua sont tous positifs. Une fois quil est trac, on ne le nomme pas thien, ciel, mais khien. Le mot ciel est le nom de la substance dtermine ; khien est lex pression qui dsigne leffet de cette mme substance. Aussi, les Dfinitions des koua disent : khien, activit ; cela exprime que la substance du ciel a lactivit pour effet. Les hommes saints qui firent le livre des changements eurent essentiellement en vue linstruction des hommes : ils voulurent que ceux-ci prissent les effets du ciel pour modle et non pas quils se rglassent sur sa substance, aussi appelrent-ils ce koua khien et non pas thien, ciel 3. Tshou Tse dit encore : Les quatre caractres yuan, heng, li,1

Tshou Hi adopte une lecture que je nai pas suivie dans la traduction du texte, aussi il est indispensable de prciser en rptant le terme chinois du texte. 2 Expressions techniques, termes de divination qui seront expliqus plus tard. 3 La pense du commentateur est difficile saisir. Sagit -il de vouloir que les hommes se rglent sur les saisons, sur les lois de la nature, pour pourvoir aux soins de leur existence matrielle, comme sur les lois morales quon prtend dduire de laction des phnomnes

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tsheng, ntaient essentiellement, dans lide de Wen Wang, rien autre chose dans le cas des deux koua khien et khouen que lorsquil sagit de tout autre koua. Ce ne fut qu lpoque o Khong Tse fit le Commentaire des Formules dterminatives et l Expression des reprsentations que, lui, le premier, les considra comme dsignant les quatre vertus des deux premiers diagrammes, tandis que, dans les autres koua, il leur laissait leur ancienne valeur. Ce nest pas que lide de chacun de ces deux hommes saints soit diffrente, mais chacun met en lumire un point de vue distinct. Aujourdhui ceux qui tudient ce livre doivent dailleurs se pntrer de son esprit, sans se laisser influencer par les prventions et sen assimiler la substance, dans chaque cas, selon lide contenue dans les textes primitifs 1. Les passages dissemblables ne sont dailleurs pas mutuellement en dsaccord et personne ne doit sen rapporter son propre jugement et se permettre mal propos de nouvelles interprtations 2. Hou Shi Ping Wen dit : Tous les commentateurs expliquent ces quatre caractres comme exprimant quatre vertus ; le Sens primitif seul, les considre comme une simple formule divinatoire 3. 2. dit : Qu elle est grande la cause initiale de l activit (khien) ! Toutes choses lui doivent leur commencement 4 ; c est le ciel tout entier !LE COMMENTAIRE TRADITIONNEL DE LA FORMULE DTERMINATIVE

TSHOU HI. La formule dterminative, ou thouan, cest prcisment la formule attache au koua par Wen Wang (...) 5. Le commentaire, cest lexplication de la formule du texte, ou king, donne par Khong Tse ; ceci sapplique tout ce qui, dans la suite, est appe l commentaire traditionnel (tshouan).

naturels, pour rgler leur conduite et leurs murs, dans tous les cas, sans entrer dans aucune spculation inutile sur la nature elle-mme du principe premier dont rsultent ces lois et cette action ? 1 Sous cette ambigut, Tshou Hi laisse voir que, selon lui, on doit surtout sen rapporter lide quil attribue Wen Wang. 2 Cest l tout lesprit de lensei gnement chinois depuis Khong Tse. Laxiome : Magister dixit na jamais eu nulle part autant de vale ur quen Chine. 3 Sens primitif , titre du commentaire de Tshou Hi. Les Jugements , titre des gloses impriales dans ldition de la dynastie des Ming intitule grande dition complte , reviennent sur lopinion de Tshou Hi et se donnent une certa ine peine pour prouver que, tout en disant le contraire, Khong Tse tait justement de lavis de Wen Wang. 4 Devoir le commencement, littralement : tre dou de commencement, cest tre redevable de la cration de lther constitutif. tre dou de la vie, cest acqurir et raliser la forme. (Tshou Hi). 5 Le passage saut explique les mots premire partie . Dans certaines ditions, au lieu de suivre la formule du diagramme, le commentaire forme un livre spar, divis comme le texte en premire et seconde partie.

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JUGEMENTS. Le commentaire traditionnel de la formule dterminative, cest lexpli cation de lide de Wen Wang donne par Khong Tse. Dabord il explique le nom ; ensuite il explique la formule. Dans lexplication du nom, il se sert indiffremment du symbo le, des proprits des deux koua simples et de la substance du koua parfait lui-mme. Quelquefois il tient compte de tous ces lments simultanment ; dautres fois il nen emploie quun ou deux ; cest toujours lide expose dans la premire phrase du commentaire quon doit considrer comme la plus importante . TSHOU HI. Ce commentaire claire le sens du mot khien, simplement au moyen de la voie immuable (tao) du ciel. De plus il nonce sparment les quatre caractres de la formule, quil considre comme exprimant quatre vertus ou proprits, afin den faire ressortir clairement la valeur. Ce premier paragraphe explique dabord le sens du pre mier, yuan. Qu elle est grande , exclamation admirative ; yuan, grandeur, commencement. Le mot yuan, ici appliqu au caractre khien, cest le grand principe do pr ocde la vertu du ciel ; la naissance de tous les tres est due cette grandeur et cest cette gran deur qui constitue leur commencement. De plus il est encore considr comme exprimant la premire entre les quatre vertus attributives et comme stendant du principe au rsultat de la vertu du ciel, cest pourquoi le texte dit : Cest le ciel tout entier 1. DFINITIONS DIVERSES. Les neuf commentaires du livre des changements 2 disent : Khien, puret de la substance de la positivit ; symbole du ciel, (...) yuan, commencement de lther. Les Sujets de dissertations 3 de Tshou Hi disent encore : Yuan, cest le point de dpart de leffet, et la raison dtre des trois termes suivants : libert, bien et perfection, y est virtuellement contenue, au point que ce qui est lintelligence ( heng), ce qui est le bien (li), ce qui est la perfection (tsheng), cest toujours laction de ce qui est exprim par le mot yuan ; cest ainsi que ce mot yuan implique en luimme les quatre vertus. Si on en parle en distinguant, alors, la grandeur et la libert (yuan et heng) sont la libre expansion du vrai ; le bien et la perfection (li et tsheng) sont la consquence du vrai ; la substance et leffet sy trouvent certainement. En en parlant au point de vue de leffet, cest la grandeur, yuan, qui prdomine ; en en parlant au point de vue de la substance, cest la puret qui prdomine. Ils disent encore : Le mot yuan exprime le principe en vertu duquel le ciel et la terre engendrent les tres et les choses ; cest lide de la vie. Dans le mot heng, libert, cest la continuit de lide de la vie qui se trouve exprime. Dans le mot li, bien, cest la possibilit de satisfaction aux conditions de la vie. Dans le mot tsheng, perfection, cest la ralisation de

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Cest le ciel tout entier ! en effet le mot thien, ciel, semploie seulement pour exprimer la forme et la substance ; khien yuan, la grandeur de lactivit, cest ce qui fait que le ciel est le ciel. (Tshou Hi). 2 Titre dun recueil de comment aires. 3 Titre dun ouvrage contenant un recueil des opinions mises sur toutes sortes de sujets par Tshou Hi ; ne layant point lu, je ne puis rpondre de lexactitude de la traduction du titre.

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lide de la vie. Lorsquon nomme lhumanit 1, cest prcisment de cette pense quil sagit ; lhumanit, cest essentiellement lide de la vie. Cest par lide de la vie que la piti germe dans le cur ; si on provoque cette ide, le germe de la piti se manifeste immdiatement ; sil sagit de la rpulsion quinspire le vice, cest que lhumanit sefface et que le devoir slve et se montre ; sil sagit de la modestie et de lhumilit, cest lhumanit qui disparat et fait place la biensance ; sil sagit du vr ai et du faux, du pour et du contre, lhumanit fait place la raison. Quant lhomme dpour vu dhumanit, comment donc pourrait -il encore avoir le sentiment du devoir et des convenances ou de la raison ?

3. Les nuages marchent, la pluie tend son effet ; les genres des tres se perptuent dans la forme 2. TSHOU HI. Cest lexplication du mot heng, ou libert, dans lactivit (khien). DFINITIONS DIVERSES. Yu Shi Yen dit : Plus haut le Commentaire traditionnel emploie lexpression tous les tres ; ici il est question des genres des tres . Tous , ou totalit, et genres ont des valeurs communes et dautres qui sont diffrentes. Le mot yuan, cause initiale, exprime lorigine du don de lther 3 ; il nest pas encore possible de faire de distinction, aussi on dit, en gnralisant, tous, totalit. Mais quand il sagit de la libert, heng, alors le courant branle la molcule du fluide 4 ; la forme se manifeste, et dans chaque cas il y a lieu de distinguer daprs lampleur ou lexigut, entre ce qui est lev ou bas, aussi le commentaire spcialise en employant le mot genres .

4.

1

Le commentateur prend les cinq vertus comme objet dap plication de lexplication qui prcde ; lhumanit, jen, est le pivot de ces cinq vertus. 2 Littralement : scoulent dans le courant de la forme. 3 Cest par cette cause cratrice que la chose et doue de lther dont elle est forme. 4 Courant de leau au moment o le liquide sbranle et commence couler.

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La fin et le commencement sont clairs d une grande lumire ; les six situations se prsentent avec le temps. Suivant le temps aussi, monter les six dragons pour parcourir le ciel 1. TSHOU HI. Le commencement, cest la grandeur, yuan 2 ; la fin dsigne la perfection. Ce qui est sans fin na pas de commencement ; sans perfection rien ne constituerait la grandeur (yuan). Ceci exprime que, lhomme saint pr ojetant une grande clart sur la fin et le commencement de la voie rationnelle de lactivit ( khien), on voit les six situations du koua 3 se prsenter chacune avec le temps, et quemployer le moyen de ces six positivi ts pour parcourir la voie rationnelle trace par le ciel, cest vritablement l la grandeur (yuan) et lintelligence ( heng) de lhomme saint. DFINITIONS DIVERSES. Tshou Hi dit : se prsentent avec le temps : cest --dire que chacune survient en son temps ; ainsi, selon quil (le dragon) est plong ou visible, quil vole ou quil bondit, cest toujours dans le temps opportun.

5. La voie de l activit 4, c est la modification et la transformation. Chaque chose se conformant exactement sa nature et sa destine, maintenant, en sy accordant, l extrme harmonie ; c est l le bien et la perfection. TSHOU HI. La modification, cest la transformation progressive ; la transformation cest laccomplissement parfait de la modification. Ce que reoivent les tres, cest leur nature ; ce que le ciel leur confre, cest la destine 5. Lextrme harmonie, cest lassem blage et la runion de la ngativit et de la positivit, lther harmoniquement coagul. Chaque chose se conformant exactement, cest --dire se conformant son tat originel au moment o elle vient la vie. Maintenir en sy accordant, cest --dire conserver lintgrali t de cet tat aprs la naissance. Ceci exprime que les1

Ce nest pas sans hsitation et sans crainte de subir linfluence du commentaire troit de Tshou Hi, que ce sens est adopt. 2 Le sens donn au mme mot variant avec le commentateur, il en rsulte pour le traducteur lobligation dintercaler souvent le terme chinois dans le texte franais. 3 Situation, terme technique pour dsigner certaines situations symbolises par chacun des six traits. 4 Khien, ciel, activit. Voir la formule nl ; tao, voie logique, rationnelle, morale ; la morale consquence naturelle de la loi cleste, ou raison dtre, li. 5 Mme ide envisage successivement au point de vue de celui qui reoit et de la puissance qui impose ou confre.

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modifications et les transformations de la voie rationnelle de lactivit ne sont jamais autre chose que le bien, et que tous les tres ont chacun leur nature et leur destine, afin de se perptuer sans dgnrescence. Ce passage a pour objet lexplication du sens des termes bien (la) et perfection ( tsheng) 1. DFINITIONS DIVERSES. Tshou Tse dans les Sujets de dissertations dit : Maintenir en sy conformant lextrme harmonie, cest prcisment entretenir cette raison dtre de la vie et sy conformer. La runion 2 des deux thers du ciel et de la terre, cest le ciel et la terre maintenant en sy conformant cette raison dtre de la cration des tres ; luvre de cration et de transformation est incessante, et aprs que les tres ont t transforms et sont venus la vie, chacun de ces tres maintient dans sa sphre cette raison dtre de la vie, et il sy conforme. Sil ne la maintenait pas en sy conformant, alors il ny aurait plus dtres. Hou Shi Ping Wen dit : En en parlant daprs la distinction entre les deux thers, alors, la modification est le mcanisme qui produit tous les tres ; cest la cause initiale et la libert (yuan, heng) ; la transformation est le mcanisme dans lequel sabsorbent les tres : cest le bien et la perfection (li, tsheng). Si on en parle au point de vue de la circulation dun seul ther, la modification est le progrs, la transformation est lachvement.

6. Elle prcde tous les tres 3 ; tous les tats sont galement en paix. TSHOU HI. Lhomme saint est au -dessus de tout ; il dpasse tous les tres en lvation et il agit lui-mme comme la modification et la transformation de la voie rationnelle de lactivit. Chaque tat possde ce quil lui faut, et tous sont en paix. Cest encore chaque chose se conformant exactement sa nature et sa destine et maintenant, en sy accordant, lextrme harmonie. Il sagit ici d u bien et de la perfection (li et tsheng) chez lhomme saint. En effet, quand il en a t parl dune faon gnrale, il a t dit que yuan, la grandeur, exprime le commencement de la naissance des tres ; que heng, libert, exprime leur multiplication florissante ; que li, le bien, est leur tendance la reproduction de lespce 4et que tsheng, la1

Dans les sujets de dissertations , Tshou Hi donne comme exemple de cette puissance de conservation du genre, qui rside dans chaque tre, le grain qui devient germe, puis fleur, puis grain, et qui se reproduit sans varier dans ses transformations. 2 Les deux mots yin yun , quon expliqu e par lexpression runion des thers du ciel et de la terre sont peu ou point compris. Ils paraissent signifier rellement cause et effet. 3 Selon lexplication donne par Tshou Hi, il faudrait lire : Il prcde, au lieu de : Elle prcde. Je rapporte laction de prcder la voie de lactivit, voir la formule n 2. 4 Littralement : tendre la semence et achvement de la semence.

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perfection, consiste dans lachvement rgulier de cette reproduction. Du moment o la semence est parfaite, la radicule sen chappe, elle peut tre plante et vivre. Cest ainsi que les quatre vertus se suivent en cercle, sans point de dpart. Mais toutefois, dans le cycle de ces quatre conditions, le souffle de la vie circule et agit sans qu lorigine il y ait intermittence ou point de dpart ; cest par l que la grandeur, yuan, contient implicitement lessence des quatre vertus et rsume le ciel tout entier 1. Ce qui fait que jen parle au point de vue de lhomme saint, cest que telle est lide de Khong Tse. Effectivement, il considre ce koua comme reprsentant lhomme saint 2, occupant la situation du ciel 3, pratiquant la loi morale du ciel, de sorte quil en rsulte un sens divinatoire exprimant lextrme pacification. Bien que les expressions quil emploie et le sens quil donne aux caractres aient quelque chose dtranger lancien texte de Wen Wang, cependant, le lecteur doit chercher dans chaque texte lide qui y est contenue, de telle sorte que ces ides diverses soient galement admissibles et sans contradiction entre elles. Ceci est encore applicable dans le cas du koua khouen. TSHENG TSE 4. La formule place au-dessous du koua, ou diagramme, est ce quon appelle thouan, ou formule dterminative. Fou Tse 5 la suit et lexplique, et son propre commentaire est couramment appel du mme nom de formule dterminative . La formule appele thouan traite du sens dun koua pris dans son ensemble et sans avoir gard au sens particulier de chaque trait ; aussi, ceux qui le savent, en examinant la formule dterminative, embrassent dans leur pense plus de la moiti de ce quil y a en dire. Quelle est grande la cause initiale de lactivit ! exclamation admirative sur la grandeur de la voie suivant laquelle la cause initiale de lactivit est lorigine de toutes choses. Entre les quatre vertus att ributives, yuan, la cause initiale, ou facult causative, est comme lhumanit entre les cinq vertus ordinaires 6. un point de vue particulier cest une chose distincte ; en parlant au point de vue absolu, elle implique toutes les quatre1

Tshou Hi ne voit dans la formule du koua quune simple formule divinatoire que Khong Tse aurait, plus ou moins propos, interprte au point de vue de la loi immuable qui rgit le monde. Quant ce quil avance plus bas que Khong Tse, en crivant ces quelques phrases, avait en vue de peindre la voie morale et rationnelle de lhomme saint , cest peut -tre exact, mais il faudrait tre bien sr de sentendre sur ce que Khong Tse entendait alors par cette expression. Exotriquement il pouvait tre question de lhomme suprieur, du prince modle qui gouverne les hommes comme le ciel gouverne le monde, mais il me semble quen ralit il sagit du soleil, gnrateur et cause physique de la vie sur la terre et quenfin les royaumes ne sont que les divisions du zodiaque, dtermines par les douze conjonctions annuelles. 2 Cette expression, qui souvent dans ces commentaires dsigne Fou Hi, Wen Wang, Tsheou Kong ou Khong Tse est employe ici dune faon gnrale, lhomme parfait. 3 Le rang suprme ; le rang souverain de lempereur, pontife et reprsentant la providence et la justice divine sur la terre. 4 Lorsque, comme dans le cas actuel, le commentaire de Tsheng sapplique en un seul paragraphe plusieurs propositions commentes sparment par Tshou Hi, il a fallu intervertir lordre chronologique et placer le commentaire de Tshou le premier. 5 Une des appellations qui dsignent Khong Tse. 6 Humanit, devoir, biensance, raison et foi.

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vertus. Toutes choses lui doivent leur commencement, cest le ciel tout entier ; il sagit de la cause initia le ; la cause initiale de lactivit exprime dune faon gnrale et complte la voie rationnelle du ciel. La voie de laction du ciel commence 1 tous les tres ; tous doivent leur origine au ciel. Les nuages marchent ; la pluie tend son effet ; les genres des tres se perptuent dans la forme. Il sagit de la libert ( heng). La voie immuable du ciel agit par un mouvement sans fin ; elle engendre tous les tres. La fin et le commencement de la voie du ciel sont clairs dune grande lumire, de sorte quon voit les six situations du koua se prsenter chacune avec le temps. Le premier et le dernier traits du koua sont le commencement et la fin de la voie rationnelle du ciel ; profiter 2 de linstant de chacun de ces traits, tel est le mouvement du ciel. Pour parcourir, cest --dire pour correspondre au mouvement du ciel. La voie rationnelle de lactivit, cest la modification et la transformation ; elle engendre tous les tres ; immenses ou minimes, levs ou bas, chacun selon sa propre espce se conforme exactement sa nature et sa destine. Ce que le ciel confre, cest la destine ; ce que les tres reoivent, cest leur nature. Maintenir en sy accordant l extrme harmonie, cest le bien et la perfection. Maintenir, veut dire faire subsister dune faon perma nente ; saccorder, veut dire que lharmonie est continue. Maintenir, en sy accordant, lextrme harmonie, cest suivre le bien et la perfection ; la voie rationnelle du ciel et de la terre est permanente et ternelle ; elle maintient, en sy accordant, lextrme harmonie. Le ciel est lanctre de tous les tres ; le roi est la souche laquelle se rattachent tous les tats. La voie de lactivit prc de la foule des tres et les mille varits se dveloppent librement. La voie rationnelle du prince consiste surveiller, du haut de son rang prminent, le plan de la providence, tandis que tout entre les quatre mers 3 suit son gouvernement et sy soum et ; si le prince ralise et met en action la voie rationnelle du ciel, alors tous les tats jouissent galement de la paix 4.

7.

1 2

Elle les cre. Cest le mme mot traduit par monter dans la formule n4. 3 Lunivers. 4 Le prince, cest lempereur ; les (tats) sont les tats feudataires relevant du pontife suprme.

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LE COMMENTAIRE TRADITIONNEL DE LA FORMULE SYMBOLIQUE dit : L action du ciel, c est l activit ; l homme dou 1, limite, en s efforant sans cesse.

TSHENG TSE. La formule symbolique place la suite dun koua explique limage symbolique de ce koua ; la formule symbolique place la suite de la formule dun trait explique limage symbolique de ce trait particulier. Chaque koua, ou diagramme, prend une valeur symbolique qui sert constituer une rgle. Le sens symbolique de recouvrir en abritant et dengendrer, attribu la voie rationnelle du koua khien est le plus tendu et le plus important ; tout autre quun homme saint est incapable de le raliser en le mettant en pratique. Aussi, dans le dessein que tous les hommes indistinctement puissent y trouver une rgle la porte de chacun, le commentaire ne relve rien que la pratique de lactivit. Lextrme activit suffit certainement pour illustrer la voie immuable du ciel ; lhomme dou limite en sefforant sans cesse, il se rgle sur lactivit de laction du ciel. TSHOU HI. Les symboles, ce sont les deux symboles des koua simples infrieur et suprieur, ainsi que ceux des six traits de ces deux koua simples ; ce sont les formules annexes par Tsheou Kong. Le ciel est limage symbolique du koua khien. Toutes les fois quun hexagramme est form par la rptition du mme trigramme, le sens attribu ce koua simple est toujours rpt ; dans le cas actuel seulement, il nen est point ainsi ; le ciel est un et unique. Mais du moment o il est question de laction du ciel, on voit quil sagit de sa rvolution diurne, suivie de nouvelles rvolutions identiques. Cest encore limage symbolique dune rptition continue ; sans une extrme activit, cette action serait impossible. Lhomme dou en fait sa rgle pour ne pas laisser altrer lnergie de la vertu du ciel 2 par les dsirs humains, de sorte quil ne cesse pas ses pro pres efforts.

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Terme scolastique qui dsigne un tat de perfectionnement infrieur la saintet et suprieur la simple sagesse. 2 Lhomme sa naissance est dou du principe de toutes les vertus, lois du ciel.

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1. Khien. 8. Premier trait nonaire : dragon cach 1 ; ne pas agir. TSHENG TSE. Le trait infrieur est considr comme le premier ; le chiffre neuf est la perfection dans les nombres positifs, aussi on lemploie pour dsigner les traits positifs. La raison dtre 2 na pas de forme visible, aussi on emploie une image symbolique pour clairer le sens. Dans le koua khien, cest le dragon qui est pris comme image symbolique 3. Le dragon, considr comme tre, cest une intelligence 4 dont les modifications sont illimites, aussi on le choisit comme symbole des modifications et transformations de la voie rationnelle de lactivit exprime par le mot khien. Lther de l a positivit diminue ou crot, lhomme saint avance ou recule ; le premier trait nonaire est en bas du koua, il est considr comme constituant le point de dpart du commencement des tres. Au moment o lther positif vient germer, lhomme saint est enc ore au berceau 5 ; il est comme le dragon encore cach, et il ne peut pas encore agir de lui-mme ; il convient quil se dveloppe dans lombre en attendant le moment opportun. TSHOU HI. Premier trait nonaire, cest la dsignation du trait positif, plac as du koua. Toutes les fois quon trace un koua, cest en commenant partir den bas et en montant, aussi cest le trait infrieur qui est considr comme le premier. Dans les nombres positifs, le chiffre neuf exprime la vieillesse et le chiffre sept, la jeunesse 6 ; ce qui est vieux se modifie, ce qui est jeune ne se modifie pas, et cest pour cela que les traits posi tifs sont appels traits nonaires. Dragon cach ; ne pas agir : cest la formule attache par Tsheou Kong pour dterminer la valeur faste ou nfaste dun trait, et ce quon appelle aussi formule dun trait. Cach, invisible ; dragon, tre positif. Le premier trait1 2

Cach : plong, immerg, invisible. La raison dtre dune chose, li, cest la cause ; tao, la voie rationnelle, est leffet de cette raison dtre et la loi qui en dcoule. 3 Cette formule est la premire de celles quon nomme formules symboliques ; cest luvre de Tsheou Kong. 4 Esprit, ling (), in telligence immatrielle, sans corps. 5 Littralement : inclin et minime ; ces deux termes du texte sont ceux quon emploie en parlant des astres leur lever et leur coucher. 6 La positivit dj vieille est sur le point de se transformer en ngativit jeune, et inversement. Ces termes et plusieurs qui suivent sont techniques et employs dans la divination ; on en trouvera plus tard lexplication.

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positif est en bas du koua, il ne peut pas encore tendre son effet et le dvelopper, aussi limage symbolique est celle du dra gon cach et le sens divinatoire dit : Ne pas agir. Toutes les fois quon rencontre le koua khien 1 et que ce trait se transforme 2, il convient de considrer cette image symbolique et den mditer le sens divinatoire. Ceci est applicable au sujet de tous les autres traits. DFINITIONS DIVERSES. Tshen Shi Lin Shi dit : Employer lappellation dragon, cest emprunter une image symbolique ; les thers du ciel et de la terre montent et descendent ; la voie logique (tao) de lhomme dou comporte laction et la retraite. Le dragon, considr comme tre, peut voler comme il peut plonger dans les eaux ; cest pour cela quon emprunte son image pour servir de terme de comparaison avec les facults de lhomme dou. Le premier trait nonaire se rapportant ltat d u dragon encore cach et invisible, la formule dit : Ne pas agir 3.

9. Dragon cach ; ne pas agir : la positivit est en dessous 4. TSHENG TSE. Lther positif est en dessous ; lhomme dou est plac dans une position infime, il ne doit pas encore agir. TSHOU HI. Positivit, dsigne le trait nonaire ; en dessous, cest --dire cach.

1

Terme de divination ; on recherche dabord le koua, puis le trait particulier correspondant la question pose. 2 Autre terme technique pour la divination. 3 Tshou Hi dit que la raison ou pense morale contenue dans les formules est infinie dans ses applications, et que, pour ce motif, Tsheng Tse peut en faire des dductions sans fin. Mais, ajoute-t-il, ce nest pas l le sens primitif du Yi king . Selon lui, ce sens primitif se rduit une simple formule divinatoire : la positivit tant cache ne peut produire son effet ; cest le dragon cach, donc on ne doit pas agir. Il faut sen tenir l, mditer l e sens et ensuite on en dduit naturellement les attributions et les applications toutes les circonstances. Si, au contraire, on prend comme Tsheng Tse, les applications possibles pour des dfinitions, on perd de vue ce que montre essentiellement le Yi king (cest --dire la matire agissant par une loi ou force qui en est insparable). Tsheng Tse a rpondu davance cette critique en sadressant un prcurseur de Tshou, qui avait soutenu que chaque trait ne com portait que la seule ide exprime dans la formule correspondante, en disant que ce serait rduire la morale et la philosophie trois cent quatre-vingt quatre axiomes, cest --dire les circonstances dans lesquelles lhomme peut se trouver, trois cent quatre -vingt-quatre cas. 4 Shouang Hou Hou Shi avance que cest ici quon rencontre pour la premire fois le terme, positivit ; le terme oppos, ngativit, se rencontre pour la premire fois dans la formule correspondante du second diagramme. Cette remarque a son importance.

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1. Khien. 10. Deuxime trait nonaire : dragon visible dans la rizire ; avantage voir un grand homme. TSHENG TSE. La rizire, cest la surface de la terre. Il est sorti et visible sur la terre ; sa vertu est dj manifeste. Si on en parle au point de vue de lhomme saint, cest le temps o Shouen cultivait la terre et se livrait la pche 1. Avantage voir un prince dou dune grande vertu 2 poursuivre et pratiquer sa morale ; de mme, le prince a avantage voir le sujet dou dune grande vertu 3 pour sen faire aider dans lachvement de son uvre 4. Lunivers a avantage voir lhomme dou dune grande vertu, afin dtre imprgn de son influence bienfaisante. Le prince dou dune grande vertu, cest le cinquime trait nonaire. La substance de chacun des deux koua khien et khouen est immlange ; elle ne se partage pas en duret nergique et mallabilit ; aussi, dans ces deux koua, cest liden tit de qualits qui est considre comme constituant la correspondance sympathique 5. TSHOU HI. Deuxime, cest --dire le second en montant partir du trait infrieur ; dans la suite, observer cette manire de compter. Le second trait nonaire possde la duret nergique, lactivit, la justice et la droiture 6 ; il merge et cesse dtr e cach ; son influence bienfaisante atteint les tres : cest ce que ceux -ci ont avantage voir, aussi son image symbolique est un dragon visible dans la rizire, et le sens divinatoire est : avantage voir un grand homme.1

Dtail de la vie de Shouen, alors quil navait pas encore t appel au pouvoir par Yao et quil menait la vie agricole, dans lobscurit. 2 Yao. 3 Shouen. 4 En lassociant son rgne. 5 Termes techniques. Les traits qui occupent le mme rang dans chacun des deux koua simples superposs passent pour se correspondre sympathiquement. En gnral, il ny a correspondance quautant quun trait reprsente lunit et lautre la dua lit. Ici, le cinquime et le second trait font exception et sils se correspondent sympathiquemen t, cest cause de leurs vertus communes. 6 Positivit, duret nergique et activit ; ngativit, douceur et mallabilit. Le deuxime trait et le cinquime sont, chacun, au rang intermdiaire dun des koua simples, de l la condition de milieu et de justice . En gnral la droiture consiste ce que le trait soit positif sil occupe un rang impair et ngatif sil occupe un rang pair ; cependant, suivant le cas, les commentateurs ne sont jamais embarrasss pour trouver une raison concluante lorsque ces conditions ne sont pas remplies et que le sens admis, quil faut tou jours justifier, rclame lide de droiture.

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Bien que le second trait nonaire noccupe pas encore une situation dfinie 1, cependant sa vertu, qui est celle dun grand homme, est dj vidente ; un homme ordinaire serait incapable de rpondre ces indications, aussi lorsquon rencontre ce trait 2 se modifiant, il exprime uniquement quil y a avantage voir cet homme et non pas un autre. En effet, ce terme dsigne encore le grand homme plac dans une situation infrieure et reprsent par le second trait ; de cette faon, ce trait et la personne qui consulte le sort sont considrs respectivement comme un hte et son hte 3 et la rgle laquelle chacun est soumis est la mme ; si celui-ci possde les vertus du dragon visible, il aura avantage voir le grand homme qui occupe un rang suprieur et qui est reprsent par le cinquime trait nonaire.

11. Dragon visible dans la rizire : l effet de sa vertu se rpand universellement. TSHENG TSE. Visible sur la terre, sa vertu et son action transformatrice atteignent les tres par une extension universelle 4.

1

Cest partir du troisime rang que le trait indique une situation ; le troisime rang est la situation du sujet ; le quatrime indique la situation du grand dignitaire, du ministre ou conseiller du prince ; le cinquime rang indique la situation du prince. 2 En consultant le sort. 3 Expression trs usite pour exprimer que deux personnes, ou mme deux choses, occupent des positions respectivement analogues lune par rapport lautre. Cest aussi une allusion aux rgles rituelles de la biensance. 4 Comme le soleil commenant slever ; bien quil ne soit pas encore au mridien, cependant sa clart stend dj sur toutes choses ( Pan kien tong sha). Lou Shi Hi Sheng dit : Lther positif visible dans la rizire engendre les vgtaux pour lusage des hommes ; lhomme saint visible au monde amliore peu peu les tres par son enseignement.

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1. Khien. 12. Troisime trait nonaire : l activit de l homme dou dure tout le jour ; le soir, il est encore comme proccup. Danger ; pas de culpabilit. TSHENG TSE. Bien que le troisime rang reprsente la situation de lhomme, ce tr ait est en mme temps le trait suprieur dans la substance du koua simple infrieur ; il reprsente celui qui na pas encore quitt les rangs infrieurs et qui est dj distingu par son illustration ; cest le moment o la renomme de la vertu transcendante de Shouen 1 se rpandait. Jour et nuit, sans se laisser aller la ngligence, il est essentiellement proccup par la crainte, de sorte que, bien que plac sur un terrain prilleux, il ne commet cependant point derreurs 2. Lorsquil sagit dun homme plac dans une condition infrieure et chez qui les vertus du prince sont dj manifestes 3, lunivers tend venir lui ; le pril et les motifs de crainte sont vidents. Bien quil soit question de ce qui est relatif lhomme saint, si la formule ne comportait pas un avertissement, comment pourrait-elle tre considre comme constituant un enseignement pour les hommes ? Cest l lesprit dans lequel le Yi king a t rdig. TSHOU HI. Nonaire, trait positif ; troisime rang, situation positive : rptition de duret nergique sans justice 4. Il occupe le rang suprieur du koua simple infrieur, cest l un terrain prilleux. Mais sa nature et sa substance 5 sont la duret nergique et lactivi t, cest donc limage symbolique de lactivit incessant e, de la crainte et du danger, ce qui fait que

1 2

Qui devint le second empereur des temps historiques, selon Khong Tse Le mme mot a le sens de faute, erreur, culpabilit ; le choix du sens de ce mot dpend de celui de la phrase. 3 Allusion lhistoire de Wen Wang, alors que simple feudataire, sa vertu lui attirait les sympathies de lempire et, e n mme temps, les perscutions jalouses du dernier empereur de la dynastie des Sheang. 4 Les rangs impairs sont positifs ; un trait positif plac un rang positif indique la rptition de la qualit de duret nergique. Il est sans justice parce quil no ccupe pas le milieu dun koua simple. 5 Sa nature, cest sa qualit de trait positif ; sa substance, cest --dire le koua simple dont il fait partie, et, dans ce cas, cest le koua simple khien, activit. Toutes ces expressions sont des termes techniques qui se prsentent continuellement au sujet de chaque trait ; pnibles saisir, dabord, on sy habitue facilement ensuite et leur nombre est en somme trs limit.

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tel est le sens divinatoire 1. Lexpression (lhomme dou) dsigne celui qui consulte le sort ; la formule exprime que sil peut avoir cette sollicitude tranquille et cette circonspection, bien que plac sur un terrain prilleux, il ne commet point de fautes 2.

13. Activit qui dure tout le jour ; retourner et revenir dans la mme voie (tao). TSHENG TSE. Quil avance ou se recule, quil se meuve ou demeure en repos, il faut toujours que ce soit daprs la voie morale (tao). TSHOU HI. Retourner et revenir, ide qui exprime la rptition de laller et du retour en marchant dans la mme voie.

1

Dans les formules symboliques annexes chaque trait par Tsheou Kong, le premier membre de phrase indique limage symbolique attribue ce trait et le second est une formule divinatoire qui donne la clef de la rponse la question pose par celui qui consulte le sort. 2 Tshou Hi dit : Ce trait est nonaire, cest --dire positif, il occupe un rang positif (impair) : donc cest un excs de positivit ou nergie. Ntant pas au milieu, il manque de justice. Il occupe le rang suprieur dans sa sphre, ce qui constitue un pril. Il doit donc sans cesse dvelopper son activit tout le jour et tre encore sur ses gardes le soir, bien que ce soit l le temps ordinairement consacr au repos. Alors, malgr le pril, il ne commettra point de fautes. Telle est exactement lide de lhomme saint qui a crit la for mule.

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1. Khien. 14. Quatrime trait nonaire : parfois il saute dans les abmes 1 ; pas de culpabilit 2. TSHENG TSE. Labme est le lieu de repos du dragon ; parfois, expression qui marque lincertitude, elle marque que ce nest point absolu. Il saute ou ne saute pas ; sil saute, cest seulement au moment opportun et pour chercher le repos. Le mouvement chez lhomme saint nest jamais sans rapport avec le moment o il a lieu. Cest le temps o Shouen faisait ses expriences pour tablir le calendrier 3. TSHOU HI..- Parfois, expression de doute et dindtermination. Sauter, parvenir brusquement dans un milieu sans avoir aucun accs pour y atteindre 4, spcialement sans voler. Abme, le vide des espaces suprieurs o les profondeurs des gouffres marins, lieux profondment obscurs et insondables, sjour des dragons. Comme lorsque, tant descendu dans la rizire, il arrive quil saute et slve, par consquent en se dirigeant vers le ciel. Il est nonaire, cest --dire positif ; le quatrime rang est une position ngative ; il occupe le rang infrieur du koua simple suprieur : donc cest une circonstance qui implique le changement et la rforme, un moment o il y a indtermination sur lopportunit davancer ou de reculer, et cest pourquoi telle est limage symbolique. Le sens divinatoi re est que, si on peut avancer ou reculer suivant lopportunit et la convenance du moment, il ny aura point derreur ni de culpabilit.

15. Parfois il saute dans les abmes ; en avanant, pas de culpabilit.

1

Il passe du troisime rang au quatrime, cest --dire dun koua simple dans lautre ; il franchit la distance et saute pour aller occuper le rang infrieur dans le koua simple suprieur, le fond. 2 Expression qui indique un danger, un inconvnient inhrent la voie suivie, mais qui sera compens par les avantages qui rsultent moralement de cette voie. 3 Allusion lhistoire de Shouen, dans le Shou king. 4 Comme le poisson qui bondit hors de leau.

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TSHENG TSE. Apprcier quil y a possibilit et avancer, prcisment dans le moment opportun, de sorte quil ny a pas de culpabilit. TSHOU HI. Il est possible davancer, sans quil y ait obligation davancer.

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1. Khien. 16. Cinquime trait nonaire : dragon volant dans le ciel ; avantage voir un grand homme. TSHENG TSE. Il avance siger dans la situation du ciel 1. Du moment o lhomme saint possde la situation du ciel, l avantage, pour lui, consiste voir lhomme de grande vertu qui est en bas, au -dessous de lui 2, pour achever ensemble de rgler les affaires de lunivers 3. Dun autre ct, lunivers a videmment avantage voir le prince dou de grandes vertus. TSHOU HI. Duret nergique, activit, justice et droiture ; avec cela il occupe la situation prminente, comme celui qui avec la vertu de lhomme saint occupe la situation qui revient un homme saint. Cest pour cela que telle quelle est limage symbo lique et la rgle dinterprtation divinatoire est la mme que dans le cas du second trait nonaire. Seulement, celui qui a avantage voir, cest le grand homme plac dans la situa tion suprieure. Si celui qui consulte le sort possde cette situation, cela exprime quil aura avantage voir le grand homme plac dans un rang infrieur et reprsent par le second trait nonaire.

17. Dragon volant dans le ciel : le grand homme agit. TSHENG TSE. Laction du grand homme, le fait de lhomme saint. TSHOU HI. Agir, faire.

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Le rang suprme ; le prince ralise sur la terre le plan de la providence ; il reprsente le ciel et maintient sa loi parmi les hommes. 2 Le second trait. 3 Nouvelle allusion lassociation de Shouen lempire.

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1. Khien. 18. Trait suprieur nonaire : dragon lev ; il y a regret. TSHENG TSE. Le cinquime trait nonaire, la plus haute de toutes les situations ; justice et droiture, indication de la limite extrme du moment opportun ; ce niveau dpass, cest lexcs dlvation 1. Aussi il y a des regrets. Lorsquil y a excs 2, il y a regret. Lhomme saint, seul, sait avancer et reculer, demeurer ou disparatre, sans jamais commettre dexcs dans son action, de sorte quil nen arrive point aux regrets. TSHOU HI. Suprieur est la dsignation particulire du trait le plus lev dans un koua. Le caractre kang exprime lide que la hauteur convenable est dpasse et quil n y a plus possibilit de descendre. La positivit tant parvenue lextrme limite de llvation, si elle se meut, elle doit ncessairement avoir des regrets, cest pourquoi tels sont limage symbolique et le sens divinatoire.

19. Le dragon lev a des regrets ; ce qui est compltement achev ne peut durer longtemps 3. TSHENG TSE. Ce qui est compltement achev doit se modifier ; il y a regret.

1

Le texte chinois du commentaire emploie le mme mot traduit dans la formule parle mot lev . Pour justifier un sens admis, les commentateurs lui attribuent la valeur de excs dlvation , quil na rellement point. 2 Le mme mot signifie : trop, excs, faute et erreur. 3 Le terme chinois traduit par compltement achev , signifie plein et sapplique, par exemple, la pleine lune.

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1. Khien. 20. Emploi des traits nonaires : dans la troupe des dragons visibles, aucun ne prcde les autres ; bonheur. TSHENG TSE. Employer les traits nonaires 1, cest se placer dans la voie de la duret nergique et de lactivit. Pui sque la positivit considre 2 fait partie de la substance du koua khien, cest donc la puret immlange dans la duret nergique. La duret 3 et la mallabilit 4 se corrigeant mutuellement constituent la justice, tandis quici, cause de lunit de substance de la duret nergique, il y a excs dans cette nergie. Voir 5 la troupe des dragons, cest --dire regarder le sens des divers traits positifs de ce koua ; aucun ne prenant le pas sur les autres, cest un prsage heureux. Considrer la duret nergique, comme tant la premire condition raliser dans lunivers, cest une voie logique de malheur. TSHOU HI. Employer les traits nonaires 6, signifie que toutes les fois quon consulte le sort et quon rencontre des traits positifs, on les considre toujours comme ayant les qualits du nombre neuf et on ne leur suppose jamais celles du nombre sept ; cest, en effet, la rgle commune pour les cent quatre-vingt-douze traits positifs des divers koua. Cette rgle est pose ici, parce que, dans ce koua, la positivit est immlange, et parce quil est prsent le premier. De plus, la formule donne par lhomme saint enseigne que, lorsquon rencontre ce koua et que tous les traits se modifient, cest prcisment ce sens divinatoire quil faut appliquer. Effe ctivement, si les six positivits se modifient toutes, il sagit de la duret nergique susceptible de douceur ; cest une voie logique de bonheur, cest pour cela que cette formule exprime limage symbolique dune troupe de dragons dont aucun ne prend le pas sur les autres, et que, si celui qui consulte le sort est dans ces mmes conditions, ce sera un prsage heureux. Le commentaire traditionnel du Tshouen tsieou 7 dit : La transformation du koua khien en koua khouen dit 1 :1

Le gnie de la langue chinoise permet de lire : emploi de la nonarit en forgeant un substantif qui exprime ltat ou la qualit de ce qui est nonaire ou plus correctement de ce qui tient la nature du nombre neuf. 2 Les traits nonaires considrs. 3 Exprime par les traits positifs. 4 Exprime par les traits ngatifs. 5 Cest le mot traduit par visible , dans la formule. Selon quon le lit kien ou hien, le mme caractre a lun ou lautre de ces deux sens. Tsheng Tse en adopte un, Tsh ou Hi lautre. 6 Cest encore une autre lecture des mmes mots de la formule. 7 Commentaire dun des cinq King

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Dans la troupe des dragons visibles, aucun ne prcde les autres ; prsage heureux. En effet, cest prci sment lide contenue dans la formule du koua khouen, dont la substance est galement immlange : perfection de la jument , etc 2.

21. Emploi des traits nonaires : La vertu du ciel ne doit pas tre estime au-dessus des autres. TSHENG TSE. Lemploi des traits nonaires, cest la vertu du ciel. La vertu du ciel est la positivit et la duret nergique ; employer la duret nergique dune faon rpte, et lestimer comme primant les autres, serait commettre un excs. TSHOU HI. Exprime que la duret nergique et la positivit ne doivent pas tre les qualits prdominantes des tres ; cest pour cela que les six positivits se modifient toutes. Le prsage est heureux. Depuis les mots : Laction du ciel... jusqu la fin de la formule (n 7), cest ce que les anciens philosophes 3 appelaient la grande formule symbolique ; depuis les mots : Dragon cach... et en continuant (n 9), cest ce quils appelaient les petites formules symboliques. Dans les autres koua, cette mme remarque est encore applicable.COMMENTAIRE SUR LEXPRESSION DES REPRSENTATIONS 4

TSHOU HI. Ce livre revient sur les ides dj mises dans le commentaire de la formule dterminative (du n 2 au n 6) et les commentaires des formules symboliques (ng 7, 9, 11, 13, 15, 17 et 19), afin dpuiser le sens abstrait du sujet dans les deux koua khien et khouen. Quant aux dfinitions relatives aux autres diagrammes, on peut prendre ce commentaire pour rgle et procder par analogie et dduction.

1

Titre dun livre. Si tous les traits de lun de ces deux diagrammes se transforment la fois, le rsultat de cette transformation est videmment lautre dia gramme. 2 Voir la formule n 58. 3 Les disciples de la doctrine de la reprsentation graphique de limage. 4 Lun des commentaires de Khong Tse ; reprsentation graphique de limage dans les caractres. Sens des mots reprsents par les caractres.

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22. La cause initiale, c est ce qu il y a de plus primordial dans le bien 1 ; la libert, c est la runion de toutes les beauts ; le bien 2, c est l harmonie des devoirs ; la perfection, c est la tige qui supporte toutes choses. TSHENG TSE. Les autres koua nont que la formule dterminative et les formules symboliques ; pour les deux koua khien et khouen, seuls, a t fait le commentaire sur lexpression des reprsentations, afin den claircir le sens. Ce commentaire analyse la voie rationnelle de lactivit ( khien), et il en dduit lapplication aux choses humaines. La cause initiale, la libert, le bien, la perfection, sont les quatre vertus de koua khien ; chez lhomme, la cause initiale sera la cause de toute bont ; la libert sera la runion de toutes les beauts ; le bien sera laccord harmonique aux devoirs ; la perfection sera leffet de cette cause considre comme tuteur ou base de toutes choses. TSHOU HI. Le mot yuan exprime la puissance capable de commencer (crer), la vie des tres ; cest la vertu du ciel et de la terre et aucune ne prcde celle-ci. Aussi, dans les saisons, cest le printemps ; dans lhomme, ce sera lhumanit et ce quil y a de plus lev dans la bont sous tous les rapports. La libert, cest la libre expansion des tres vivants. Parvenus ce point, les tres ne sont jamais sans beaut, aussi, dans les saisons, cest lt ; dans lhomme ce sera la biensance et la runion de toutes les beauts. Le bien, cest le dveloppement des tres vivants selon leurs aptitudes et les conditions particulires de leur nature ; ils ont chacun ce qui leur convient et ne se nuisent pas entre eux. Aussi, dans les saisons, cest lautomne ; dans lhomme, ce sera le devoir et la possession de lharmo nie des lois de sa condition. La perfection, cest le dveloppement parfait des tres vivants ; la raison dtre de leur reproduction est complte et entire, suffisante dans chaque cas selon le lieu de leur habitation. Aussi, dans les saisons, cest lhi ver ; dans lhomme ce sera lintelligence et cela constituera le point dappui (tronc, tuteur) de toutes choses. Le tronc 3, cest le corps de larbre et ce qui supporte les rameaux et les feuilles, en leur donnant un point dappui. DFINITIONS DIVERSES. Heang Shi Ngan She dit : La bont, la beaut, le devoir sont autant de noms diffrents du bien. Dans le dbut de toutes choses, cest le bien ; toutes les perfections du bien constituent le beau ; la possession par chacun de ce qui lui est d constitue le devoir ; ce que le devoir tablit constitue le fait. Il ne sagit que dune seule et mme raison dtre sous quatre noms diffrents..., le mot tronc dsigne ce qui peut sou tenir et maintenir.1 2

Shien, bont, bien ; ce nest plus le mot li du texte. Li, le caractre de la formule n 1. 3 Cest le mot du texte traduit, suivant le sens de la proposition, par tronc, souche, tuteur, tige, point dappui, etc.

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Tshou Hi dit encore : le mot droiture ne peut pas exprimer compltement le sens du mot perfection ; il faut employer simultanment, dans la dfinition, les deux termes droiture et fermet et alors seulement le sens commence tre complet.

23. L homme dou ralise l humanit suffisamment pour s lever au-dessus des hommes ; il honore la socit suffisamment pour se conformer la biensance ; il fait le bien aux tres suffisamment pour s accorder au devoir ; sa perfection et sa fermet sont suffisantes pour soutenir toutes choses. TSHENG TSE. Constituer sa propre rgle selon la loi dhumanit symbolise dans le koua khien, telle est la voie morale du prince et de lhomme plac dans une position mi nente, et cette voie est suffisante pour lever au-dessus du niveau ordinaire des hommes. Raliser lhumanit, ces t raliser les vertus exprimes par le mot yuan du texte ; apprcier et sefforcer dimiter, cest ce quon appelle raliser. Pouvoir comprendre et apprcier les beauts de la libert dans les relations, cest se conformer la biensance ; ce qui nest pa s la biensance nest pas la consquence de la raison dtre, comment cela pourrait-il tre considr comme constituant la beaut ! Sans la raison dtre, comment y aurait -il libert 1 ? Saccorder au devoir 2, cest pouvoir tre bienfaisant envers les tres. Comment serait-il possible de ne pas se conformer ce qui est juste et de ne point faire le bien aux tres ? La perfection et la fermet sont ce qui permet dtre le soutien et le tuteur de toutes choses. TSHOU HI. Puisquil considre lhumanit 3 comme constituant ce quil doit tendre raliser, il en rsulte quil ny a pas un seul tre qui ne soit compris dans son amour, et cest pour cela que cest suffisant pour llever1

Cest la libert dexpansion et de dveloppement dans les limites traces par les lois de la nature. 2 Yi TshaeTshen Shi dit : Le devoir et le bien, si on en parle au point de vue du cur de lhomme, sont le premier, la consquence de la raison dtre pose par le ciel et, le second, ce qui engendre le dsir chez lhomme. Si on en parle au point de vue de la raison dtre cleste, alors le bien cest la consquence convenable (le droit) qui rsulte du devoir, et le devoir est la raison dtre du bien. Assurer quitablement le bien dans tout lunivers, cest conduire tous les tres de telle faon que chacun se conforme exactement sa nature et sa destine. Cette double dfinition du devoir et du bien, considrs au point de vue absolu, et relativement la nature humaine, est bien prs dtre irrprochable. 3 Le mot jeu, traduit par le mot franais humanit, nexprime cependant pas exactement la mme ide. Pour les Chinois, jeu exprime la possession complte de toutes les vertus qui sont lapanage de lhomme ; cest la conformit aux l ois de la nature humaine, telles quelles rsultent de son cur et de sa raison.

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au-dessus des hommes. Tmoignant sa bont ce quil rencontre 1, il en rsulte quil nest jamais sans se conformer la bien sance 2. Dirigeant les tres de faon que chacun ait ce qui lui est avantageux, il nest aucun devoir auquel il ne soit satisfait. La perfection et la fermet consistent savoir reconnatre en quoi consiste la droiture et sy maintenir avec fermet ; cest ce quon appelle : connatre et ne pas abandonner 3, et cest suffisant pour quil soit le tuteur et la base de toutes choses 4.

24. L homme dou pratique ces quatre vertus ; cest pourquoi le texte dit : activit, cause initiale, libert, bien, perfection. TSHENG TSE. Pratiquer ces quatre vertus, cest se conformer lactivit exprime par le koua khien. TSHOU HI. Sans lextrme activit de lhomme dou, il est impossible de les pratiquer, aussi la formule dit : khien, cause initiale, libert, bien, perfection. -Ici finit le premier paragraphe ; il revient sur lide exprime dans la formule dterminative et ne diffre en rien des paroles de Mou Keang rapportes dans le commentaire traditionnel du Tshouen tsieou. Quelquun doutait si lantiquit avait dj connu ces dfinitions ; Mou Keang les nona et Fou Tse les recueillit galement ; aussi, dans la suite du texte, on distingue en faisant prcder le commentaire des mots Tse dit (le Matre dit), afin de montrer clairement que lorsquil sagit dopinions exprimes par Khong Tse, les commentateurs ont voulu spcifier que les propositions qui prcdent (ns 22, 23 et 24) sont des dfinitions qui viennent de lantiquit.

25.

1 2

Tshou Hi dnature quelque peu le sens de la formule n 23. Ce terme chinois na pas dquivalent en franais ; il exprime lensemble des rgles et lois rituelles qui rgissent les actions des hommes dans leurs relations sociales, depuis la politesse et la convenance, et aussi les prescriptions et les devoirs religieux. 3 Cita