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32 À PARTIR DU XII E SIÈCLE, les élites univ ersi- taires, cléricales et laïques, s’intéressent aux « artes magicæ ». Cet engouement est facilité par l’accès aux textes grecs, transmis par les Arabes, et traduits en latin pr incipa- lement en Sicile et en Espagne m usulmane. L’apport le plus novateur concerne la philosophie , les disciplines du quadri- vium (arithmétique, géométrie, astronomie, musique), l’al- gèbre, la médecine et l’astrologie . Les Occidentaux redé- couvrent Aristote, Euclide, Ptolémée, Hippocrate, Galien, mais bénéficient aussi des tr avaux des Arabes Al-Khwa- rizmi (algèbre), Rhazès (médecine), Avicenne (médecine et philosophie), Al-Kindi et Al-Farabi. Les « artes magicæ » n’y sont pas absents : Hugues de Santalla, un mozarabe, traduit en latin des traités d’astronomie, d’alchimie, d’astrologie et de géomancie. Gérard de Crémone traduit également un traité de géomancie. Le roi de Castille et de Léon, Alphonse X le Sage, fait traduire en latin le Sefer Raziel [ill. 4], traité kabba- listique en hébreu, puis en 1256 le Picatrix, traité en ar abe (voir HIM n° 9). Dans le contexte de revivification culturelle des XII e et XIII e siècles, les clercs usent de nouvelles méthodes et de nouvelles références de travail. Hardiesse et curiosité sont de mises. On recherche le savoir total, et l’on assume le recours à des pratiques occultes. Nature et surnaturel deviennent au même titre des sujets d’étude. De grandes « sommes » magiques voient le jour. XII E -XIII E S. LA MAGIE SAVANTE ET LA RENAISSANCE DU XII E SIÈCLE n Christine LEMAIRE-DUTHOIT 1 Homme en train de cueillir des plantes médicinales, copie du Secretum secretorum, célèbre traité sur l’astronomie, l’alchimie et la géomancie. Schlatt, Eisenbibliothek, ms. 20, f° 1 r°.

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À PARTIR DU XII E SIÈCLE, les élites univ ersi-taires, cléricales et laïques, s’intéressent aux « artes

magicæ ». Cet engouement est facilité par l’accès aux textes grecs, transmis par les Arabes, et tr aduits en latin pr incipa-lement en Sicile et en Espagne m usulmane. L’apport le plus novateur concerne la philosophie , les disciplines du quadri-vium (arithmétique, géométrie, astronomie, musique), l’al-gèbre, la médecine et l’astrologie . Les Occidentaux redé-couvrent Aristote, Euclide, Ptolémée, Hippocrate, Galien, mais bénéfi cient aussi des tr avaux des Arabes Al-Khwa-rizmi (algèbre), Rhazès (médecine), Avicenne (médecine et philosophie), Al-Kindi et Al-Farabi. Les « artes magicæ » n’y sont pas absents : Hugues de Santalla, un mozarabe, traduit en latin des traités d’astronomie, d’alchimie, d’astrologie et de géomancie. Gérard de Crémone traduit également un traité de géomancie. Le roi de Castille et de Léon, Alphonse X le Sage, fait traduire en latin le Sefer Raziel [ill. 4], traité kabba-listique en hébreu, puis en 1256 le Picatrix, traité en ar abe (voir HIM n° 9).

Dans le contexte de revivifi cation culturelle des XIIe et XIIIe siècles, les clercs usent de nouvelles méthodes et de nouvelles références de travail. Hardiesse et curiosité sont de mises. On recherche le savoir total, et l’on assume le recours à des pratiques occultes. Nature et surnaturel deviennent au même titre des sujets d’étude. De grandes « sommes » magiques voient le jour.

XIIE-XIIIE S.

LA MAGIESAVANTE

ET LA RENAISSANCE DU XIIE SIÈCLE

n Christine LEMAIRE-DUTHOIT

1

Homme en train de cueillir des plantes médicinales, copie du Secretum secretorum, célèbre traité sur l’astronomie, l’alchimie et la géomancie.

Schlatt, Eisenbibliothek, ms. 20, f° 1 r°.

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C’est la pér iode des « Sommes », vastes compilations de savoirs tels le Speculum Majus de Vincent de Beauvais ou le Librum de proprietatibus rerum de Barthélémy l’Anglais. Si les clercs sont les premier s à par ticiper à ce renouv eau, ils ne sont plus les seuls. Certains ont maille à par tir avec l’Église pour la hardiesse de leur pensée . Ainsi l'École de Char -tres regroupe plusieurs philosophes et intellectuels : Fulbert de Chartres (fondateur), Thierry de Chartres, Yves de Char-tres, Bernard de Chartres, Guillaume de Conches, Gilbert de la Porrée, Jean de Salisbury, Bernard Silvestre ou Bernard de Tours. Ces savants se livrent à l’étude de Platon et le confron-tent avec le christianisme. Dans ce contexte vivifi ant, la magie est dite « sa vante » parce qu’elle fait appel à des connais-sances livresques et à des suppor ts différents de ceux de la magie populaire . Elle est illustrée par des hommes aussi remarquables qu’Albert le Gr and et Roger Bacon, mais toujours condamnée offi ciellement. Même si le quatrième concile de Tolède de 633, présidé par Isidore de Séville (voir encadré), distinguait les magiciens des devins (aruspices, « arioli », augures, « sortilegi »), la magie restait confondue non seulement avec les autres arts occultes comme la divination, mais a vec la sorceller ie, l'hérésie, le paganisme, et la nécromancie . Il faut attendre le déb ut du XIIIe siècle pour qu’elle reçoive une sorte de reconnaissance. Des clercs comme Gundisalvus (v . 1105/10-v. 1181), arche-vêque de Ségovie, traducteur d’ouvrages arabes en latin, et Daniel de Morley (1140-1210), prêtre anglais qui séjourna à Tolède, distinguent la « magie naturelle », licite, de la magie démoniaque, illicite. La diversifi cation des « statuts » de magi-ciens à partir du XIIe siècle permet une relative tolérance de certaines pratiques.

LES GRIMOIRESLe grimoire est un « livre de magie » qui « se présente comme un mélange de recettes , aussi bien pour guér ir certains maux que pour conjurer ou invoquer les démons, obtenir tel avantage, fabriquer des talismans et des amulettes, lever ou jeter des sorts, etc. » (C. Lecouteux). Il est conseillé de faire baptiser les grimoires par un prêtre qui leur donne un nom et recom-mande leur possesseur aux puissances inf ernales, en les sommant de venir y apposer leur cachet. Selon D. Camus, « la r aison d’être d’une telle procédure est moins de revi-vifi er le pouv oir magique que de lui conf érer un surcroît de puissance susceptib le de le mettre hor s d’atteinte des moyens traditionnellement employés pour s’y opposer . Par la consécration, les ar mes ordinaires de la pur ifi cation ou du désenvoûtement, notamment l’eau consacrée et le f eu, deviendraient inopérantes. Ceci expliquerait la résistance de tels objets au feu et à l’eau sanctifi ée ».Les principaux grimoires sont attribués à des personnalités de l’Église. Certains sont restés célèbres. L’« Enchiridion » aurait été offert à Charlemagne par le pape Léon III, pour lui porter chance. À côté des pr ières, des psaumes et des citations de « L’Évangile selon saint Jean », l’ouvrage comporte des signes magiques, sceaux angéliques, pentacles, et de curieuses orai-sons : « Oraison contre toutes sortes de charmes, enchante-ments, sortilèges, visions, possessions, obsessions, empêche-ment maléfi que de mariage, et tout ce qui nous peut arriver par le maléfi ce des sorciers ou par l'incursion des diables ».Le « Livre des conjurations » ou Grimoire du pape Honorius, daté de 1220 en viron (pourtant diffi cilement attribuable

Portrait d’Albert le Grand, Thomas de Modène, fresque, 1350.

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« Les magiciens (magi) sont ceux qu’on désigne vulgairement sous le nom de malfaisants (malefi ci) à cause de l'ampleur de leurs méfaits. Ils perturbent les éléments, troublent l’esprit des hommes, et, sans absorption d’aucune potion, seulement par la violence de leurs incantations, ils tuent. Ils osent tourmenter grâce aux démons qu’ils ont invoqués, pour que n’importe qui anéantisse ses ennemis par ces arts mauvais. Ils utilisent même du sang et des victimes et touchent souvent au corps des morts. »

LES MAGICIENS VUS PAR ISIDORE DE SÉVILLE

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au pape Honorius Ier, condamné pour hérésie en 680), a été décrit comme étant peut être l’ouvrage le plus démoniaque jamais écrit, rassemblant tous les r ituels de la magie noire . Les conjurations s’adressent à Satan, Belzébuth ou Asta-roth. La tr adition rapporte que le pape Honor ius portait lui-même un pentacle cerclé faisant pacte a vec les f orces les plus obscures de la magie cérémonielle . On dit que ce talisman, à la mor t du Saint-Père, s’incrusta profondément dans son thorax. Honorius aurait compilé dans ce gr imoire des éléments tirés d’autres textes tels les « Cla vicules de Salomon » ou le gr imoire « Verum ». L’ouvrage précise que « les or aisons ne ser vent pas seulement contre les pér ils et les dangers auxquels les hommes sont sujets sur la ter re et sur la mer, en les gar antissant de leur s ennemis déclarés et secrets, en les préser vant de toutes mor sures de bêtes féroces, enragées et venimeuses, poisons, armes à feu, incen-dies, naufrages, chutes, mais elles les mettent aussi hor s d’at-teinte des tonner res, foudres, tempêtes ; de plus, leur effi -cacité n’est pas bor née à préser ver du mal, elle s’étend à rendre heureux ceux qui en font usage ».

LE « GRAND ALBERT » Parmi les plus célèbres grimoires de tous les temps fi gurent les deux ouvrages appelés « Le Grand Albert » et « Le Petit Albert ». Malgré la censure et les pour suites, ils ont été maintes f ois réédités. Ils sont attribués, sans doute à tort, à Albert le Grand (Albert le Teutonique, Albert de Cologne , ou Maître Albert,

Surnommé Doctor mirabilis en raison de sa science prodigieuse, ce philosophe, savant et alchimiste anglais est considéré comme l'un des pères de la méthode scientifi que. Pour lui, « aucun discours ne peut donner la certitude, tout repose sur l'expérience ». Roger Bacon (1214-1294) a été accusé en son temps de magie et de sorcellerie. On lui a attribué le célèbre Miroir d'alchimie, en fait écrit par un Pseudo-Roger Bacon, au XVe siècle. Ce texte décrit la fabrication de la pierre philosophale. Il soutient que la médecine des métaux prolonge la vie et pense que l’alchimie, science pratique, justifi e les sciences théoriques (et non plus l’inverse) : le premier, il voit le côté double (spéculatif et opératoire) de l'alchimie. Mais son opinion générale reste conforme à l'enseignement de l'Église : « On ne peut rien objecter aux mathématiques qui sont une partie de la philosophie, mais seulement aux mathématiques qui sont une partie de la magie. C'est contre ces dernières que les saints ont parlé, alors qu'ils exaltaient les vraies mathématiques. Car les mathématiques sont doubles, les unes sont superstitieuses quand elles soumettent toutes les choses et le libre arbitre à la nécessité et qu'elles prétendent à une connaissance du futur ». Roger Bacon est en fait un adversaire de la magie : « Tout ce qui ne peut être compris comme opération de la nature et de l'art ou bien est surnaturel ou bien est un phénomène illusoire […] Deux erreurs : les uns nient tout ce qui est surnaturel, et les autres, dépassant la raison, tombent dans la magie. Il faut se garder de ces nombreux livres qui contiennent des vers, des caractères, des oraisons, des conjurations, des sacrifi ces, car ce sont des livres de pure magie. »

ROGER BACON : SORCIER OU PRÉCURSEUR DE LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE ?

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Gygès trouvant un anneau magique d’invisibilité,

Valère Maxime, Facta et dicta memorabilia, 3e quart XVe

s. Paris, BnF, ms. fr. 289 f° 316.

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v. 1200-1280, cf. ill. 2), mathématicien, géographe, médecin, philosophe, théologien, un des espr its les plus br illants du XIIIe siècle. Il enseigne la philosophie à P aris, commentant Aristote, puis fonde à Cologne un institut de théologie dont Thomas d’Aquin est un des élèv es les plus illustres. Il est ensuite archevêque de Cologne, puis de Ratisbonne , et enfi n nonce apostolique en Pologne. On le dit alchimiste car il aurait reçu le secret de la pier re philosophale et l’aur ait transmis à son élèv e Thomas d’Aquin. Comme Gerber t d’Aurillac, il aurait fabriqué un automate, l’« androïde ». Malgré ses déné-gations, il passe pour un puissant magicien. Le « Grand Albert », ou plus exactement le « Livre des secrets d'Albert le Grand sur les ver tus des herbes , des pier res et de certains animaux » fut vr aisemblablement commencé v ers 1245. Sa première édition latine date de 1493, et sa f orme défi nitive se fi xe aux alentour s de 1580. Il n’est tr aduit en

français qu’en 1703. Il est divisé en quatre livres. Le Livre I traite de la génération, de l’infl uence des astres sur la concep-tion et la naissance des enfants, des mer veilleux effets des cheveux de femme, des monstres, de la façon de connaître si une femme enceinte attend un garçon ou une fi lle, du venin que les vieilles f emmes portent dans les yeux. Le noyau de l’ouvrage, le « Livre de la réunion », a été écrit au XIIIe siècle et se consacre aux v ertus des plantes, de cer taines pierres, de certains animaux, et aux mer veilles du monde , des planètes et des astres. Cette dernière partie comprend de nombreuses références à des auteur s grecs, juifs et ar abes. Le Livre III présente un tr aité sur la v ertu des fi entes, des théories sur les ur ines, les punaises et autres par asites, les vieux souliers et la pour riture. Il donne des recettes pour amollir le f er, manier les métaux, dorer l’étain, nettoyer les ustensiles de cuisine… Le Livre IV s’intéresse à la

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Le traité du Sefer raziel, traité kabbalistique,

était toujours en usage au XIXe siècle, comme

en témoigne ce feuillet.©

BnF

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physiognomonie, avec des remarques et des obser vations sur les jours fastes et néfastes, des remèdes contre la fi èvre, des purgatifs, des cataplasmes.Le « Gr and Albert » accompagné à par tir de 1668 du « Petit Albert », en latin, connaît une fortune considérable : la première édition fr ançaise paraît à Lyon en 1516, d’après l’originale parue en Italie en 1477. Le « Petit Albert » reste pendant des siècles le livre de référence pour les sorciers de village et les bergers jeteurs de sorts. On y voit « la manière de nouer et de dénouer l’aiguillette , la composition de divers philtres, l’art de savoir en songe qui on épousera ; des formules pour faire danser involontairement, pour faire multi-plier les pigeons, pour gagner au jeu, pour rétablir la qualité du vin gâté, pour faire des talismans, découvrir les trésors, se servir de la main de gloire ; pour obtenir l’eau ardente et le feu grégeois, la jar retière et le bâton du v oyageur, l’anneau d’invisibilité [ill. 4], la poudre de sympathie , l’or ar tifi ciel, et enfi n des remèdes contre les maladies, et des gardes pour les troupeaux ».

LES MOINES ET L’ALCHIMIEL’alchimie est à la frontière de ce que per met et interdit l’Église, mais elle n’a jamais été condamnée comme héré-tique. Les moines s’y intéressent donc. Vers les années 1140, le Livre du secret de la création contenant la Table d'Émeraude est traduit par Hugues de Santalla, puis par Jean de Séville. Le Secretum Secretorum [ill. 1], traduit par Philipe de Tripoli vers 1243, est un des livres les plus conn us du Moyen Âge. On attribue à Élie de Cor tone (1180-1253), deuxième ministre général de l'Ordre des frères mineur s de 1232 à 1239, un traité d’alchimie. Les chapitres généraux des Dominicains ordonnent à leur s frères de remettre à leur s supérieurs les écr its alchimiques en leur possession, et même , en 1321, de les détr uire. La règle s’étend : en 1295, un règlement fr anciscain interdit de détenir, lire et écr ire des tr aités alchimiques. L’exemple de Roger Bacon (encadré) montre que ces interdictions ne frei-nent pas la curiosité. En France, Jean de Roquetaillade (v . 1310-1366), moine au couvent d’Aurillac, passe la majeure par tie de ses vingt dernières années empr isonné à Avignon pour avoir violem-ment critiqué les puissants. Il est accusé d’hérésie , de magie et de fausses prophéties. Il a des visions apocal yptiques qui inquiètent ses supér ieurs, critique la papauté d’A vignon et annonce l’arrivée de l’Antéchr ist pour 1366. Le ministre provincial d’Aquitaine le fait inter ner au couvent de Figeac , puis à Martel et à Brive. En 1345, il profi te d’un transfert pour convaincre ses gardiens de le conduire en Avignon auprès du

Albert le Grand aurait reçuLE SECRET DE LA PIERRE PHILOSOPHALE

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L’homme zodiacal. Tableau des marées, positions de la Lune, Atlas catalan, 1375.

Paris, BnF, ms. espagnol 30, planche 1.

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pape Clément VI, sous prétexte de lui présenter une requête. Il plaide sa cause devant le Consistoire , mais est emprisonné. Les autorités lui demandent néanmoins de mettre par écr it ses prédictions. Il rédige alors le Librum perfectum secretorum eventuum, qui annonce la venue de l’Antéchrist en 1366, son règne jusque 1370, sa défaite et l’avènement de Gog en 2370. Jean de Roquetaillade s’est livré à des travaux alchimiques, et il est l’inventeur de la notion de « quintessence », obtenue grâce à des distillations successives de l’« aqua ardens » (alcool). Il fait de l’alcool un cinquième élément, que l’on peut extr aire des métaux, des plantes, des fl eurs, des fruits, du bois, du sang, pour fabriquer des remèdes et un élixir de longue vie.

L’ASTROLOGIE ET LA DIVINATIONL’astrologie est étudiée depuis longtemps dans les monas-tères. Les Lunaria et Zodiologia du Haut Mo yen Âge sont encore d’usage courant. Mais à partir du XIe siècle, les traduc-tions d’ouvrages arabes se répandent en Occident, à la fois grâce au travail des traducteurs espagnols, et à la faveur des croisades. Les Arabes ont assuré la tr ansmission de l'hér i-tage grec, en par ticulier de Ptolémée. Les noms de Al-Kindî (v. 800-870), ou de Albumasar (v. 805-886) sont attachés au développement de l’astrologie. Le recours à l’astrologie juive, liée à la Kabbale, est également essentiel.

La plupart des clercs médiévaux s’intéressent à l’astrologie et à la divination, malgré les interdictions. Saint Thomas d’Aquin écrit : « Toute divination use , pour connaître l'a venir, du conseil ou de l'aide des démons ». Les mots « sors, sortilegum, sortilegus » concernent souvent la divination. À partir du XIIe siècle, les progrès de l’astronomie et des mathématiques fournissent des outils techniques plus performants aux astro-logues qui y gagnent en crédibilité. En 1186, William, clerc du constable (gouverneur) de la ville de Chester, établit l’horos-cope du 16 septembre . La confrontation de ses résultats avec ceux obtenus à l’aide de modèles informatiques actuels en a démontré l’exactitude . Gui Bonatti (v . 1210-v. 1296), astrologue fl orentin, donne des conseils aux clercs qui veulent faire carrière, en leur per mettant de connaître leur a venir, leurs chances d’obtenir des bénéfi ces et des dignités ecclé-siastiques. En 1408, John de Foxton, vicaire du Yorkshire, écrit son Liber cosmographia, où il traite de physiognomonie et de chiromancie. La géomancie est une technique divinatoire qui passionne clercs et laïcs. De 1350 à 1600, les astrologues peuplent les cour s princières. On en v eut pour preuve les inventaires des bib liothèques comme celle de Mar guerite de Flandre, épouse du duc de Bour gogne Philippe le Hardi, de Richard II d’Angleter re, ou de Louis XI, mentionnant de nombreux traités d’astrologie.

Alchimie : instruments de distillation, alambic, cornue, fourneau, soufflet. Livre d’Abraham le Juif, XVIIIe s. – Paris, BnF, ms. 14765, planche 1.

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