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ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

Le prsent Rapport est le fruit dune collaboration entre les auteurs et lquipe de rdaction, sous la direction des rdacteurs en chef. Les remarques, interprtations et conclusions qui y sont exprimes ne refltent pas ncessairement les opinions de lOIM ou de ses Etats membres. Les dsignations employes et la prsentation des documents tout au long de louvrage nimpliquent pas lexpression par lOIM dune quelconque opinion quant au statut juridique dun pays, dun territoire, dune ville ou dune zone, ou de ses autorits, ou concernant ses frontires ou ses limites. Sauf indication contraire, le prsent volume ne comprend pas les donnes publies aprs juin 2011. LOIM croit profondment que la migration humaine et ordonne est bnfique pour les migrants et la socit. En tant quorganisation intergouvernementale, lOIM agit avec ses partenaires de la communaut internationale afin daider rsoudre les problmes oprationnels que pose la migration ; de faire mieux comprendre quels en sont les enjeux ; dencourager le dveloppement conomique et social grce la migration ; et de prserver la dignit humaine et le bien-tre des migrants.

Publi par : Organisation internationale pour les migrations 17 route des Morillons 1211 Genva 19 Suisse Tl: +41 22 717 91 11 Fax: +41 22 798 61 50 E-mail: [email protected] Internet: http://www.iom.int

2011 Organisation internationale pour les migrations (OIM) ISSN 1561-5502 ISBN 978-92-9068-621-7 e-ISBN 978-92-1-055228-8 Tous droits rservs. Aucun lment du prsent ouvrage ne peut tre reproduit, archiv ou transmis par quelque moyen que ce soit lectronique, mcanique, photocopie, enregistrement ou autres sans lautorisation crite pralable lditeur. Imprim en France par Imprimerie Courand et Associs.34_11

EQUIPE DE REDACTION DE LOIM

Rdacteurs en chef Responsable de la rdaction Rdacteurs

Comit consultatif et adjoints la rdaction

Coordination des publications Mise en page Traduction Attachs de direction Cartographie Edition

Gervais Appave, Frank Laczko. Md. Shahidul Haque. PARTIE A Chapitre I: Graeme Hugo*, Christine Aghazarm, Gervais Appave. Chapitre II: Rudolf Anich, Gervais Appave, Christine Aghazarm, Frank Laczko, Amir Kigouk. PARTIE B Chapitre III: Jrme Elie**, Christine Aghazarm, Gervais Appave, Frank Laczko, Rudolf Anich. Chapitre IV: Rudolf Anich, Gervais Appave, Frank Laczko, Pindie Stephen, Ricardo Cordero, Pooja Pokhrel, Sacha Chan Kam, Sarah Craggs, Anvar Serojitdinov, Patrick Corcoran, Aurelia Collados de Selva, Goran Grujovic, Jenna Iodice, Alexander Kapirovsky, Patrice Cluzant, Mike Gray, Chiara Milano, Fernando Calado, Daniel Redondo, Kristina Touzenis, Valerie Hagger. Maureen Achieng, Sacha Chan Kam, Ricardo Cordero, Sarah Craggs, Erika Laubacher-Kubat, Nuno Nunes, Robert Paiva, Navitri Putri Guillaume, Patrice Quesada, Bruce Reed, Pindie Stephen, Sarah Tishler, Irena Vojackova-Sollorano, Elizabeth Warn. Valerie Hagger. Joseph Rafanan. Carmen Andreu, Fabienne Witt, et lquipe du service de traduction. Frances Solinap, Antoinette Wills, Rudolf Anich, Christine Aghazarm. Gael Leloup, Patrice Cluzant, Rudolf Anich. Olga Sheean, Susan Parker.

* Universit dAdelade (Australie). ** Institut de hautes tudes internationales et du dveloppement, Genve (Suisse).

ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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REMERCIEMENTS

Lquipe de rdaction remercie tous les auteurs qui ont contribu au prsent ouvrage, et plus particulirement M. William Lacy Swing, Directeur gnral de lOIM, dont les orientations et les encouragements ont permis de mener bien cette publication. Nous remercions aussi tous les bureaux extrieurs, qui nont mnag aucun effort pour recueillir des donnes sur les activits de lOIM, ainsi que les collgues au Sige de lOrganisation, qui ont analys et fait la synthse de ces donnes. Lquipe de rdaction tient galement exprimer sa reconnaissance Jrme Elie, Rainer Mnz et Martin Ruhs pour leurs exposs dans le cadre de la srie de sminaires interinstitutions sur le Rapport Etat de la migration dans le monde. Toute notre gratitude va en outre au Gouvernement de lAustralie et la Fondation John D. et Catherine T. MacArthur pour le gnreux appui financier quils ont fourni en vue de llaboration et de la publication du Rapport Etat de la migration dans le monde 2011.

ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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TABLE DES MATIERES

EQUIPE DE REDACTION DE LOIM REMERCIEMENTS LISTE DE FIGURES, TABLEAUX, CARTES ET ENCADRES AVANT-PROPOS DU DIRECTEUR GENERAL RESUME PARTIE A CHAPITRE 1- BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION INTRODUCTION IMPORTANCE DE LOPINION PUBLIQUE SUR LA MIGRATION OPINION PUBLIQUE SUR LEMIGRATION ET LA MIGRATION DE RETOUR OPINION PUBLIQUE : SITUER LES CONCLUSIONS DES ENQUTES DANS LEUR CONTEXTE POLITIQUE ET MEDIAS : RLE, RESPONSABILITE ET EQUILIBRE CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE CHAPITRE 2- LA MIGRATION INTERNATIONALE EN 2010 ET 2011 TENDANCES MIGRATOIRES INTERNATIONALES EVOLUTION DES POLITIQUES DANS LE MONDE APERU REGIONAL AFRIQUE APERU REGIONAL AMERIQUES APERU REGIONAL ASIE APERU REGIONAL EUROPE APERU REGIONAL MOYEN-ORIENT APERU REGIONAL OCEANIE CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE

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3 3 5 17 21 25 37 41 49 49 58 63 65 69 72 76 79 82 84

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PARTIE B CHAPITRE 3- ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS : RENOUVEAU ET CROISSANCE DEPUIS LA FIN DE LA GUERRE FROIDE INTRODUCTION EVOLUTION DE LOIM DEPUIS 1989 OIM ET GESTION GLOBALE DES MIGRATIONS : REPONSES AUX TENDANCES MONDIALES LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE : UN ESPACE DACTION PUBLIQUE EN FORMATION CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE CHAPITRE 4- APERU STATISTIQUE DES ACTIVITES DE LOIM ENTRE 2001 ET 2010 INTRODUCTION MOUVEMENTS AIDE AUX MIGRANTS INTERVENTIONS DURGENCE EN CAS DE CRISE HUMANITAIRE ET ASSISTANCE DAPRES-CRISE RENFORCEMENT DES CAPACITES PUBLICATIONS DE LOIM

95 95 97 101 114 119 120 127 127 129 133 148 152 156

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ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | TABLE DES MATIERES

LISTE DE FIGURES, TABLEAUX, CARTES ET ENCADRES

CHAPITRE 1- BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATIONFigure 1. Inquitudes de lopinion face limmigration, 19742009 Figure 2. Avis favorables un accroissement de limmigration et dans un contexte daugmentation de la proportion dimmigrs dans la population dans certains pays de lOCDE, 19952003 Figure 3. Corrlation entre le niveau de chmage et la proportion de personnes jugeant les niveaux dimmigration trop levs (%), Australie, 19742010 Figure 4. Proportion de personnes interroges dans les pays de lUnion europenne qui estiment que les immigrants apportent beaucoup leur pays, 2006 Figure 5. Pourcentage de personnes interroges estimant que le nombre dimmigrs vivant en Allemagne est trop lev, 19842008 Figure 6. Attitude des Australiens envers les expatris (en % de personnes interroges) Figure 7. Impact de la couverture mdiatique de limmigration sur le niveau dinquitude de lopinion publique, 20002006 Figure 8. Contribution la croissance du PIB (%) par appartenance ethnique aux Etats-Unis dAmrique, 20002007 Figure 9. Rapport impts/prestations verses par les services sociaux publics aux Etats-Unis dAmrique, 2008 Tableau 1. Pourcentage suppos et rel de migrants dans la population de quatre pays transatlantiques, 2010 Tableau 2. Pourcentage de personnes estimant que le Royaume-Uni compte trop dimmigrants, 1999 et 2008 Tableau 3. Attitudes face au nombre dimmigrants admis (% des personnes interroges), chantillon de pays, 2003 Tableau 4. Opinion publique sur les niveaux dimmigration en Australie (%), chantillon dannes Tableau 5. Points de vue des gouvernements sur le niveau dimmigration, 1976, 1986, 1996 et 2009 Tableau 6. Les dix astuces connatre avant dentrer en contact avec les mdias Encadr 1. Principales questions se poser lors de lanalyse de sondages dopinion sur la migration Encadr 2. Campagne de sensibilisation des mdias italiens Encadr 3. Coup de projecteur sur les migrants Encadr 4. Quand la radio mle pdagogie et divertissement en Amrique du Sud Encadr 5. Les mdias sociaux au service de la comprhension interculturelle 7

8 11 12 15 19 27 30 31

8 13 16 16 22 32 6 26 29 35 36

CHAPITRE 2- LA MIGRATION INTERNATIONALE EN 2010 ET 2011Carte 1. Nombre de ressortissants de pays tiers que lOIM et le HCR ont aid rentrer chez eux au dpart de la rgion MOAN en juin 2011

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ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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CHAPITRE 4- APERU STATISTIQUE DES ACTIVITES DE LOIM ENTRE 2001 ET 2010Figure 1. Nombre total de personnes rinstalles, par rgion de dpart, 20012010 Figure 2. Principaux mouvements lis laide au rapatriement librement consenti, par rgion, 20012010 Figure 3. Nombre de bnficiaires de programmes daide au retour volontaire et la rintgration, 20002010 Figure 4. Programmes daide au retour volontaire et la rintgration, par rgion de dpart et darrive (%), 2010 Figure 5. Nombre de bnficiaires de laide au retour volontaire et la rintgration, 10 principaux pays de dpart et darrive, 2010 Figure 6. Nombre de prises en charge individuelles de victimes de la traite, 20002010 Figure 7. Nombre total de victimes de la traite prises en charge, par sexe et par ge (%), 20002010 Figure 8. Nombre total de victimes de la traite prises en charge, par type dexploitation (%), 20002010 Figure 9. Services dappui en matire dimmigration et de visas, par type, 20062010 Figure 10. Nombre de demandes de services dappui en matire dimmigration et de visas qui ont t traites, 20062010 Figure 11. Nombre de migrants forms, 20012010 Figure 12. Nombre total dvaluations sanitaires, par pays de destination, 20012010 Figure 13. Evaluations sanitaires de rfugis et de migrants, par sexe et par ge (%), 2004 2010 Figure 14. Nombre total dvaluations sanitaires, par rgion dorigine, 20012010 Figure 15. Dpenses de promotion de la sant et dassistance sanitaire aux migrants, par rgion (%), 20012010 Figure 16. Dpenses de promotion de la sant et dassistance sanitaire aux migrants (millions de dollars E.-U.), 20012010 Figure 17. Dpenses dassistance sanitaire aux populations migrantes vivant une situation de crise (millions de dollars E.-U.), 20012010 Figure 18. Dpenses totales dassistance sanitaire aux populations migrantes vivant une situation de crise, par rgion (%), 20012010 Figure 19. Nombre de projets durgence et daprs-crise, 20012010 Figure 20. Nombre total de projets durgence et daprs-crise, par rgion, 20012010 Figure 21. Nombre de bnficiaires des 10 principaux projets durgence ou daprs-crise (milliers), 2010 Figure 22. Nombre estim de bnficiaires des activits de renforcement des capacits, 20012010 Figure 23. Nombre de personnes ayant bnfici de cours et de formations sur le droit international de la migration (DIM), 20042010 Figure 24. Revue International Migration nombre total dabonnements souscrits par des bibliothques et de tlchargements darticles par an, 20012010 Tableau 1. Principaux programmes de vote depuis ltranger, 20012010 Carte 1 : Nombre de personnes ayant bnfici dune aide la rinstallation, par rgion de dpart et nationalit, 2001-2010 Carte 2 : Nombre de personnes ayant bnfici dune aide la rinstallation, par rgion darrive et nationalit, 2001-2010 Encadr 1. Chiffres cls des 60 annes dexistence de lOIM Encadr 2. Sources des donnes 129 130 134 134 135 136 137 137 138 139 142 143 144 144 145 146 147 147 148 149 150 152 155 156 151

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ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | LISTE DE FIGURES, TABLEAUX, CARTES ET ENCADRES

AVANT-PROPOS DU DIRECTEUR GENERALLe Rapport Etat de la migration dans le monde 2011 : Bien communiquer sur la migration, le sixime du genre, est plus particulirement consacr aux ides que se fait le public de la migration. Etant donn que, selon toute probabilit, la migration internationale continuera de prendre de lampleur et de gagner en complexit, la socit de demain sera sans doute caractrise par une diversit sociale et conomique plus grande. Lintgration harmonieuse des migrants dans la socit daccueil et, plus gnralement, la faon dont la communaut dans son ensemble envisage la migration comptent parmi les dfis politiques majeurs auxquels seront confronts les Etats Membres de lOIM. La partie A du Rapport 2011 analyse la faon dont les reprsentations et les attitudes faonnent lopinion publique et, ce faisant, influencent laction des pouvoirs publics. Elle examine en outre limportance qui revient aux mdias dans la diffusion de linformation et le faonnement de lopinion et des politiques. Le Rapport Etat de la migration dans le monde 2011 met en relief la ncessit dadopter des stratgies novatrices pour modeler une image positive des migrants et de la migration dans lopinion. Il souligne quil est indispensable damliorer la comprhension et la reconnaissance des avantages de la migration, dlaborer des politiques davantage fondes sur des faits, et de veiller une meilleure participation des migrants eux-mmes. La partie A passe galement en revue les principales tendances de la migration observes en 2010 et 2011 sous langle de laction publique, de la lgislation, de la coopration internationale et du dialogue sur la migration lchelle mondiale, avant de retracer quelques-unes des tendances rgionales profondes sur la scne migratoire. En hommage au soixantime anniversaire de lOIM, en 2011, la partie B montre, dans un survol historique, comment la conception de la migration dfendue par lOrganisation et ses activits de gestion des migrations ont volu en rponse aux profondes mutations politiques, conomiques et sociales qui se sont produites depuis la fin de la guerre froide. Un aperu statistique des activits programmatiques mises en uvre par lOIM ces dix dernires annes (2001-2010) complte ce tableau. Comme par le pass, le prsent rapport est le fruit de consultations et dune collaboration avec des spcialistes extrieurs et des collgues de lOIM. Nous les remercions pour leurs nombreuses contributions. Nous remercions aussi chaleureusement le Gouvernement de lAustralie et la Fondation MacArthur pour leur fidle soutien financier.

William Lacy SwingDirecteur general

ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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RESUME

La migration internationale, plus que tout autre domaine daction publique, fait lobjet de reprsentations errones dans le discours public et politique, tout en tant profondment influence par lopinion. En dpit de la rvolution des communications, nombreux sont ceux qui demeurent mal informs de lampleur, de la porte et du contexte socioconomique des flux migratoires. Bien communiquer sur la migration est essentiel, car toute gestion des migrations suppose de grer aussi lide que la socit se fait des migrants. Informer avec exactitude les parties prenantes et le grand public sont peut-tre les moyens daction les plus importants mettre en uvre dans les socits confrontes une diversit croissante. Les socits riches de comptences et dexpriences diffrentes sont mieux mme de mettre profit leurs ressources humaines pour stimuler la croissance. La migration est justement lun des moyens favorisant lchange de talents, de services, de comptences et dexpriences. Pourtant, elle reste trs politise et souvent mal perue, malgr la ncessit vidente de diversification dans les socits et les conomies actuelles, en mutation rapide. Quoi quil en soit, lampleur et la complexit de la migration internationale sont normalement appeles crotre sous leffet du creusement des disparits dmographiques, des nouvelles dynamiques politiques internationales, des rvolutions technologiques et des rseaux sociaux, ce qui aura des rpercussions profondes sur la composition socioconomique et ethnique des socits. Cette volution obligera les pouvoirs publics relever de nouveaux dfis pour intgrer les migrants dans la socit daccueil et, plus gnralement, pour faire en sorte que la migration soit bien vcue par lensemble de la communaut. Dans ce contexte, limage des migrants dans leurs socits dorigine et daccueil revt une importance fondamentale. Le Rapport de lOIM Etat de la migration dans le monde 2011 : Bien communiquer sur la migration examine sans dtour les problmes qui se font jour en cette poque de mondialisation et de mobilit humaine sans prcdent, et appelle un changement radical dans notre faon de communiquer sur la migration. Pour tirer profit de la diversit rsultant de la migration et des enjeux de cette diversit, il y a lieu de mener un dbat politique et public clair et transparent. Maintenir le statu quo prsente un triple risque : 1. La politisation persistante des dbats ne peut que renforcer les proccupations sectaires, au lieu de servir des intrts plus vastes, nationaux, rgionaux et internationaux. Lun des principaux cueils que les promoteurs dun dbat rationnel doivent viter est dutiliser la question pour masquer dautres problmes politiques, sociaux et conomiques. 2. Comme la frontire entre un dbat raliste et honnte sur les enjeux de la migration et lexploitation de strotypes et de boucs missaires est souvent tnue, les tentatives pour encourager un dbat quilibr risquent de se perdre en justifications face aux propos ngatifs qui prvalent, plutt que dimprimer ces changes un tour constructif.

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3. Les efforts dintgration et de rintgration seront invitablement affaiblis tant que les migrants eux-mmes ne seront pas uniquement lobjet, mais aussi les acteurs du dbat sur la migration. En outre, le Rapport passe en revue les tendances de la migration et les principaux enjeux des politiques migratoires en 2010 et 2011. En hommage au soixantime anniversaire de lOIM, une section spciale retrace les politiques et les oprations menes par lOrganisation depuis sa cration.

SATTAQUER AUX IDEES REUES SUR LES MIGRANTS ET LA MIGRATIONBien quil soit de plus en plus largement admis que les migrants peuvent crer du capital social par-del les frontires, que la diversification culturelle est un facteur de stimulation de lentreprenariat, ou quune population active multiculturelle est particulirement rentable, les migrants sont globalement mal perus dans de nombreuses socits. Cette image ngative des migrants sexplique en partie par le fait que les flux migratoires sont plus visibles et plus divers que jamais, soulevant des questions sur lutilit de la migration qui, laisses sans rponse, conduisent une distorsion de linformation et des reprsentations errones.

Comprendre lopinion et les ides que se fait le publicLopinion et les ides du public sur la migration varient dun pays lautre et lintrieur de chaque pays (parfois mme entre sous-groupes dune mme communaut). Elles varient aussi dans le temps. Cest pourquoi, il est impossible disoler une opinion publique particulire, alors mme que les arguments qui se rclament de cette opinion occupent souvent une place prpondrante dans le discours politique et public. Les constatations prsentes dans ce Rapport, qui reposent sur un examen dtaill denqutes et danalyses denqutes existantes menes lchelle mondiale, dgagent quelques-uns des principaux facteurs qui influencent lopinion, ainsi que les lments qui sont souvent au cur des sentiments hostiles prdominants. Lune des grandes constatations est la surestimation du nombre de migrants dans un pays ou une rgion donne, que ce soit en valeur absolue ou en proportion de la population. Cette tendance est encore plus marque sagissant des migrants en situation irrgulire. Les tudes montrent aussi que, lorsquon fournit aux personnes interroges un complment dinformation sur les migrants et la migration avant de leur demander si elles pensent quil y a trop de migrants, leurs rponses sont gnralement plus favorables. Les conclusions sont donc influences par les ides les plus couramment admises, la faon dont les questions sont formules (avec ou sans biais) et la signification du terme migrant aux yeux des personnes interroges (travailleur migrant, rfugi, demandeur dasile, migrant irrgulier). Le sens attribu ce terme peut aussi influer sur ce que pensent les personnes interroges de la contribution des migrants. La grande majorit des tudes, toutefois, sintressent essentiellement aux opinions et reprsentations dans les pays de destination. Beaucoup moins de recherches empiriques ont t consacres lmigration ou au retour sous langle du pays dorigine, bien que ces deux facteurs soient de plus en souvent reconnus comme des enjeux extrmement importants de laction publique. Des enqutes de moindre envergure ou des tudes qualitatives font apparatre

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ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | RESUME

que lopinion publique varie considrablement, les migrants tant tantt considrs comme ayant abandonn leur pays dorigine, tantt comme des hros nationaux. Les opinions sont galement faonnes par des facteurs tels que la dure du sjour ltranger, les incidences sur la communaut ou la famille reste au pays, la situation conomique du pays dorigine, et la comprhension du processus migratoire ou de lexprience des migrants ltranger. Cependant, ces reprsentations et opinions ne sont pas statiques et ne se forment pas non plus toutes seules. Dans les pays dorigine comme de destination, elles subissent linfluence de facteurs socioconomiques et dmographiques, tels que lge, le niveau dinstruction, le type demploi et lorientation politique. Bien que ces facteurs agissent de manire assez constante sur lopinion, positive ou ngative, les observations montrent que celle-ci peut changer et change effectivement sous leffet, en particulier, de relations plus troites avec les migrants et dune meilleure comprhension de ce quest ou nest pas un migrant. Les attitudes sont aussi souvent faonnes par des facteurs contextuels. En priodes de rcession conomique, lorsque les taux de chmage sont levs, ou en priodes de troubles ou de conflits politiques, des doutes surgissent quant lutilit de la migration. Dautres observations montrent que ces situations donnent gnralement lieu des programmes ou des discours politiques restrictifs et un discours plus ngatif dans les mdias. Cependant, ces inquitudes, mme quand elles sont fortement ressenties, dpendent aussi de lactualit et peuvent sestomper lorsque les conditions samliorent. Si lon sintresse de plus prs lopinion publique, on saperoit que mme en priodes de rcession ou de crise conomique, durant lesquelles lhostilit lencontre des migrants peut tre plus forte, la migration nest pas le principal sujet de proccupation. Elle nen est pas moins rgulirement voque dans les sondages dopinion, ce qui na rien dtonnant compte tenu de son caractre transversal et des liens quelle prsente avec des questions socioconomiques plus gnrales. Le caractre populiste des dbats actuels sur la migration dans de nombreuses rgions du monde a cr un climat dans lequel il nest que trop facile de considrer les migrants comme tant directement ou indirectement responsables du chmage, de linscurit et de labsence de cohsion sociale, entre autres. Ces inquitudes, qui prennent racine dans des transformations bien plus complexes, ne disparatront pas par la vertu de politiques migratoires plus restrictives. Sattaquer unilatralement la migration revient envoyer le mauvais message, savoir que la migration est effectivement lorigine du problme suppos, et ne permet pas de rpondre aux proccupations fondamentales de la population, qui sont ou non lies la migration proprement dite. Un examen plus attentif de ce qui se dissimule derrire les rsultats des sondages dopinion fait clairement apparatre que les opinions ne sont pas toujours dfavorables et que les proccupations profondes exprimes dpassent souvent le cadre de la migration.

Mdias, politique et informations disponiblesIl est communment admis que la mobilit est une caractristique de la socit contemporaine et, jusqu un certain point, il est galement entendu, reconnu, voire accept que la migration est bnfique pour lconomie. Cependant, une communication dforme sur la migration peut enclencher un cercle vicieux aboutissant des informations errones, relayes par les politiques publiques, les mdias et le grand public, et qui, leur tour, peuvent fausser le discours tous les niveaux. Laction publique et le discours politique peuvent donc jouer un rle dterminant dans la faon dont les migrants sont considrs au sein des socits dorigine et daccueil. A cet gard, tant le fond que la forme du discours des pouvoirs publicsETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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sur les migrants et la politique migratoire sont dterminants. A lvidence, la migration est souvent le sujet fourre-tout qui masque les peurs et les incertitudes de la population relatives au chmage, au logement ou la cohsion sociale (dans les pays de destination), ou encore la perte ou au gaspillage de capital humain et la dpendance conomique (dans les pays dorigine). Bien quil soit impossible dtablir des liens directs de cause effet entre les informations diffuses par les mdias et lopinion ou llaboration des politiques, linfluence des mdias est relle maints gards. Les conclusions de lanalyse du contenu des mdias prsentes dans le Rapport montrent que ceux-ci sont souvent la principale source dinformation (statistiques, tendances, analyse) de la population sur les migrants et la migration. En outre, les mdias peuvent orienter le dbat en privilgiant certains aspects de la migration (comme le statut irrgulier), en assurant une couverture pisodique ou en exagrant les faits. Le dsquilibre de linformation peut aussi tre la consquence de la commercialisation croissante des mdias depuis vingt ans. Malgr le volume croissant de donnes disponibles sur les cots et avantages de la migration, on observe un dcalage entre les producteurs (universitaires, politologues) et les utilisateurs (responsables politiques, mdias, grand public) de linformation. Le Rapport voque plusieurs raisons cela : le discours tend se focaliser sur la politique au dtriment des faits (les opinions de parties prenantes cls, comme les employeurs, sont, par exemple, souvent peu relayes) ; les tudes universitaires nont que rcemment commenc traiter la migration comme une question prioritaire part entire ; les responsables politiques prouvent des difficults communiquer les faits et chiffres de la migration paralllement aux politiques correspondantes ; labsence dvaluation systmatique des politiques migratoires ne permet pas de dterminer celles qui sont efficaces ; enfin, les mdias ne savent pas comment rendre compte avec exactitude des questions de migration. Le faible recours aux donnes disponibles pour laborer les politiques migratoires (ou le dtournement de ces donnes des fins politiciennes), et labsence dvaluation des incidences de ces politiques peuvent conduire attribuer facilement lchec de ces politiques aux migrants. Enfin, les images inexactes vhicules sur les migrants et la migration influent directement sur les migrants eux-mmes. Dans les pays daccueil, les grands mdias servent de point de rfrence aux nouveaux arrivants, les informant sur la socit dans laquelle ils vivent dsormais. Les donnes disponibles montrent que les migrants sont trs conscients du portrait ngatif et fond sur des strotypes donn deux, notamment dans les mdias, ce qui peut leur donner un sentiment de marginalisation si aucune mesure nest prise ou si leurs points de vue ne sont pas relays de manire quitable.

La marche suivreLe Rapport met en lumire plusieurs exemples de bonnes pratiques suivies par les pouvoirs publics, la socit civile, les organisations internationales et les mdias qui se sont efforcs de bien communiquer sur la migration. Ces initiatives se sont attaches, par exemple, promouvoir une image positive des migrants et de leur contribution, en dissipant les mythes de la migration par des campagnes dinformation et en donnant aux migrants la possibilit de raconter leurs expriences. Pour avoir une incidence durable, toutefois, ces initiatives ont souvent besoin dtre dveloppes, dtre adaptes aux contextes locaux et, surtout, dtre soutenues par une forte volont politique, elle-mme inscrite dans une stratgie long terme.

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ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | RESUME

1) Elaboration dun discours sur la migration ouvert, nuanc et exhaustifIl y a lieu dlargir le dbat sur la migration pour quil ne tourne pas indfiniment autour des mmes problmes, rels ou imaginaires (qui sont les uns et les autres largement relays), mais sintresse la situation dans son ensemble. Il est important que ce nouveau dbat nourrisse le discours dominant et ne se contente pas dy ragir. Deux questions sont communment poses pour lancer les discussions sur la migration et aider formuler une politique migratoire : 1) Que faut-il faire au sujet des groupes de migrants dj prsents dans le pays ? 2) Que faut-il faire au sujet des futurs migrants ? Pour mener un dbat constructif et mieux inform, il faut commencer par examiner dun peu plus prs la place que pourrait, de manire raliste, occuper la migration dans la planification dmographique, sociale et conomique. Sous cet angle, il pourrait tre possible de recadrer le discours de faon quil dbouche sur un rsultat majoritairement admis ou consensuel, et ne se perde plus dans des querelles de clocher. Le discours devrait, en outre, dpasser les frontires et investir des enceintes multilatrales telles que les processus consultatifs rgionaux, le Dialogue international sur la migration de lOIM, ou le Forum mondial sur la migration et le dveloppement (FMMD).

2) Dpolitisation du dbat et prise en compte sans dtour des sujets de proccupationLes ides ngatives sur la migration reposent souvent sur des parti pris, et non sur des faits. En tout tat de cause, il est indispensable dexaminer les effets positifs et ngatifs dans un esprit douverture et dimpartialit. Le discours doit aussi tenir compte de lintrt gnral du pays, et non se focaliser sur les intrts de couches particulires de la socit. Beaucoup dtudes consacres aux effets positifs potentiels de la migration sappliquent la socit et lconomie dans leur ensemble. Ces messages risquent de perdre de leur force si lon resserre lobjectif sur des sous-groupes particuliers de la socit ou de lconomie. Pour autant, il ne faut pas ngliger les inquitudes de la population locale mesures susceptibles denrayer la migration irrgulire, ou pressions dmographiques sur les infrastructures locales, par exemple. Il est prfrable dexpliquer lopinion ce qui a t efficace ou inefficace, sans rejeter sur les seuls migrants la responsabilit de lchec de certaines mesures. Le manque dinformations facilement accessibles au public et traitant directement de tous ces problmes est peut-tre la principale cause dune incomprhension persistante. La diffusion dinformations traitant des proccupations du moment et expliquant clairement les droits des nationaux et des non-nationaux contribue lever les malentendus et permet que les politiques soient perues comme justes et respectueuses des droits de chacun.

3) Collaboration avec les mdias pour parvenir une couverture mdiatique objectiveLes mdias influencent considrablement le discours public, faonnent lopinion et, ce faisant, agissent sur toutes les parties prenantes, notamment les dcideurs et les politiques. Do la ncessit de poser la question fondamentale suivante : Comment peut-on amener les mdias prsenter une image plus objective de la migration et de ses effets ? Pour que linformation soit objective, il faut viter les gros titres reprenant lenvi le mme problme, la sur- ou sous-reprsentation de groupes particuliers, et les strotypes. Il faut galement admettre que les migrants ne forment pas un groupe homogne et que la migration est souvent lie bien dautres enjeux publics.ETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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Les pouvoirs publics jouent un rle crucial dans la cration dun climat social et politique propice au traitement juste et fidle de linformation et la bonne utilisation des donnes disponibles. Limpulsion politique est donc importante pour donner une image plus nuance de la migration, ce qui fait peser une grande responsabilit sur les dirigeants politiques, mme sils ne doivent pas tre les seuls montrer la voie suivre. Dautres parties prenantes, comme la socit civile, le secteur priv et les milieux universitaires, ont aussi un rle non ngligeable jouer. Elles pourraient collaborer davantage avec les mdias que par le pass. Bien que lide puisse susciter un certain malaise dans les milieux journalistiques, il incombe aux autres parties prenantes de nouer le dialogue avec les mdias pour faire en sorte que ceux-ci soient mieux informs de la complexit des questions migratoires. Il est galement essentiel de donner des indications sur la faon de traiter la migration. Renforcer les capacits des reporters et des journalistes, notamment, par des formations ou des documents dinformation peut aider crer un noyau de spcialistes qui seront mme daborder le sujet de manire plus objective. Laccs des lignes directrices sur la faon de parler de la migration constitue un bon point de dpart. Dans lidal, ces indications devraient aussi porter sur llaboration de stratgies de communication, pour ce qui concerne les chercheurs, et sur ltablissement de partenariats au sein des mdias. Les chercheurs, en effet, peuvent jouer un rle dterminant en sattachant replacer leurs conclusions dans le contexte politique et le cadre daction considrs, et prendre une part active au dbat, exploitant pour ce faire les donnes disponibles et leurs connaissances spcialises, sans compromettre leur intgrit intellectuelle. La diffusion dinformations compltes exige en outre de lever les obstacles la diversit dans les mdias. Llimination des discriminations structurelles dans les grands organes dinformation et lintgration de personnes dorigines diverses sont essentielles pour battre en brche les contenus discriminatoires en prsentant des points de vue diffrents.

4) Reconnaissance des migrants comme des acteurs part entire de linformationA lvidence, lun des plus grands dfis que doivent relever ceux qui souhaitent promouvoir une image objective de la migration et des migrants est de donner la parole ces derniers. Les donnes disponibles montrent clairement que plus les non-migrants ont de contacts personnels avec les migrants, moins ils ont tendance porter sur ceux-ci un regard ngatif. Trop souvent, les migrants sont considrs comme des figures passives du dbat sur la migration, que ce soit dans leur pays dorigine ou de destination. Que les ides fausses rsultent du discours politique ou du traitement mdiatique, lun des meilleurs moyens de les faire reculer et de limiter leurs effets sur les migrants est de confrer ceux-ci un rle actif dans le dbat public. Plusieurs solutions sont possibles : accorder plus de place aux mdias ethniques aux cts des grands organes dinformation, faire entrer la diversit dans ces derniers, ou encore encourager lutilisation des nouveaux outils des mdias sociaux pour permettre aux migrants dlargir leur audience et de donner une image plus fidle de qui ils sont et de ce quils font.

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MIGRATION INTERNATIONALE : EXAMEN ANNUEL 2010/2011La lente sortie de crise montre la capacit dadaptation de la migration internationaleLa priode 2010/2011 a t marque par une lente et parfois hsitante sortie de crise, aprs la pire rcession mondiale depuis des dcennies. Les taux de croissance du PIB de la plupart des pays revenu lev sont redevenus positifs au dbut de 2011, tandis que les indicateurs de croissance de nombreuses conomies mergentes et en dveloppement affichaient leur bonne sant. Toutes sortes de prdictions sur les effets de la migration avaient t avances mesure que se dveloppait la crise, mais elles nont t que partiellement vrifies par les donnes recueillies sur le terrain. A maints gards, la crise conomique de 2008/2009 et ses rpercussions ont reproduit lchelle mondiale ce qui stait pass au niveau rgional lors de la crise conomique asiatique, dix ans plus tt : i) bien que certaines tendances mondiales aient t releves, des disparits considrables ont pu tre observes aux niveaux rgional et local ; ii) les populations de migrants constitues sur plusieurs dcennies nont gure chang dans lensemble ; iii) de nombreux signes dun ralentissement des flux migratoires vers les pays de destination ont t nots ; iv) beaucoup de grands pays de destination ont revu la baisse les objectifs de leurs programmes dimmigration, soit en prvision dune diminution de la demande de main-duvre migrante, soit simplement pour protger leur march du travail intrieur ; et v) les craintes quant une forte diminution des rapatriements de fonds se sont rvles infondes ; aprs un repli relativement limit, les envois de fonds ont bien repris en 2010 et devraient continuer de crotre dans les annes venir. De faon gnrale, la migration internationale a montr sa capacit dadaptation face aux ralentissements conomiques, et on peut sattendre un accroissement de lampleur et de la complexit des flux migratoires dans les prochaines dcennies.

Laugmentation du nombre de dplacements induits par des facteurs environnementaux souligne la ncessit de renforcer les capacits, la consultation et la coordinationLes catastrophes naturelles particulirement dvastatrices survenues en 2010, telles que le tremblement de terre en Hati, ont continu de mettre en relief lincidence des facteurs environnementaux sur les schmas migratoires et la ncessit, pour les pouvoirs publics, de se prparer grer les mouvements de population dclenchs par de tels vnements. Sil est indubitable que les responsables politiques sintressent de plus en plus aux questions lies aux changements climatiques et environnementaux (accords de Cancn et Convention de Kampala, par exemple), de nombreux Etats ne disposent toujours pas des capacits ncessaires pour rsoudre de faon globale et cohrente les difficults qui en rsultent. Les accords de Cancn, en reconnaissant la migration comme une composante de ladaptation, ont fait progresser lintgration de la migration dans les plans dadaptation aux changements climatiques, mais, lchelle nationale, cette intgration reste faire de manire systmatique.

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Crise au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : coup de projecteur sur la LibyeDepuis le dbut de 2011, des troubles sociaux et politiques (surtout au Moyen-Orient et en Afrique du Nord) ont donn lieu des mouvements de travailleurs migrants pris dans des conflits dans leur pays de destination, qui avaient besoin daide pour rentrer chez eux un phnomne rarement vu une telle chelle par le pass. En labsence daide internationale, ces migrants sont confronts au choix difficile de rester sur place en attendant la fin des hostilits, ou de fuir vers un pays voisin. Dans le contexte de la crise libyenne en cours, et en coopration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les rfugis (HCR), lOIM a organis lvacuation de 143 000 travailleurs migrants vers leur pays dorigine (chiffre au 31 mai 2011). Il reste des difficults surmonter pour rpondre aux besoins actuels des personnes vacues et de celles qui pourraient tre bloques dans le pays. Par ailleurs, plusieurs pays dAfrique et dAsie ont besoin daide pour rintgrer les nombreux travailleurs migrants de retour qui ont quitt la Libye.

Le Forum mondial sur la migration et le dveloppement reste une enceinte efficace de dialogue et de collaboration dans le domaine de la migrationEn 2010, la prsidence mexicaine du Forum mondial sur la migration et le dveloppement stait employe renforcer la coopration entre les pays dorigine et de destination en introduisant les notions de responsabilit partage, davantages collectifs et de partenariats. En 2011, lapproche adopte par la prsidence suisse a plutt vis mettre profit les principaux rsultats des runions prcdentes du FMMD et appliquer les recommandations qui en dcoulaient laide de divers outils de planification (comme le manuel du Groupe mondial sur la migration, Mainstreaming Migration into Development Planning). Au niveau rgional, certaines avances majeures ralises dans le cadre des processus consultatifs rgionaux (PCR) par exemple, la suite des runions ministrielles organises par le Dialogue sur la migration en Afrique australe (MIDSA) et le processus de Colombo devraient inciter les pouvoirs publics renforcer le dialogue inter-Etats et se concerter sur des questions de migration prsentant un intrt commun. Dventuelles synergies et autres possibilits de coopration entre le FMMD et les PCR dans le domaine de la gestion des migrations mergeront lors des prparatifs du deuxime Dialogue de haut niveau des Nations Unies sur les migrations internationales et le dveloppement, qui se tiendra New York en 2013.

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SPECIAL SOIXANTIEME ANNIVERSAIRE DE LOIM APERU HISTORIQUE DE LACTION DE LORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONSUne organisation mondiale qui aide ses Etats Membres mieux grer la migrationCre en 1951, voil 60 ans, lOrganisation internationale pour les migrations (OIM), initialement appele Comit intergouvernemental provisoire pour les mouvements migratoires dEurope , est aujourdhui la seule organisation dote dun mandat mondial sur la migration. Tout au long de son histoire, lOIM a mis en uvre des programmes qui visent rpondre aux changements et aux vnements cls dans le monde, et anticiper les problmes et les tendances venir. Si, initialement, lOrganisation se consacrait essentiellement la rinstallation des rfugis et des autres personnes dplaces par la Seconde Guerre mondiale en Europe, son ventail de services sest largi au fil des annes tant sur le plan gographique que sur celui des domaines traits. Elle revt dsormais une dimension mondiale, dfend des intrts plantaires et dispose de la capacit dagir dans chaque rgion du globe, tout en restant concentre sur son objectif essentiel, savoir uvrer de concert avec ses Etats Membres pour promouvoir une gestion des migrations ordonne et respectueuse de la dignit humaine. Ces vingt dernires annes, conformment son approche globale de la gestion des migrations, lOrganisation a toff son portefeuille de programmes pour y inclure un ventail complet de services destins aux migrants, aux Etats Membres et aux parties prenantes intresses. De fait, il est apparu trs tt que le transport des migrants et des rfugis impliquait bien plus que le simple mouvement de ces populations dun lieu un autre, et quil ne pouvait tre men bien sans la fourniture simultane dautres services essentiels. Aujourdhui, les activits mondiales de lOIM recouvrent tous les aspects de la gestion de la migration. LOIM reconnat que les migrations contemporaines sont un processus complexe, et, dans son approche globale de leur gestion, elle tient compte des liens entre la migration et les questions politiques, sociales et conomiques du moment, afin de maximiser les avantages et les contributions quapportent les migrants la socit. Actuellement, les programmes de lOIM portent sur les lments suivants : facilitation de la migration (migration de mainduvre ou mouvements lis des situations durgence ou daprs-crise), lutte contre les mouvements illicites tels que la traite des tres humains, gestion efficace des frontires, rinstallation, intgration des migrants dans les socits daccueil, retour volontaire et rintgration des migrants, fourniture de soins mdicaux, et programmes de renforcement du potentiel de dveloppement de la migration. Paralllement ses oprations sur le terrain, lOIM semploie activement, depuis vingt ans, alimenter et soutenir les instances multilatrales de consultation sur la migration internationale. Bien que ces instances soient informelles et naient pas de caractre contraignant, elles jouent un rle important dans lamlioration de la coopration, de la coordination et de la cohrence internationales dans le domaine de llaboration des politiques. Bon nombre de ces processusETAT DE LA MIGRATION DANS LE MONDE 2011 | BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

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consultatifs sont rgionaux par nature mais, ces dernires annes, le FMMD a offert une tribune plus large dchanges dinformations et de dbats. LOIM est galement apparue comme une source majeure dinformations spcialises sur la migration, ayant publi plus de 600 rapports sur le sujet au cours des dix dernires annes. Au fil des ans, les publications de lOIM sont devenues des outils de communication de plus en plus importants, et les tudes quelle a menes lui ont permis dlaborer un nombre croissant de nouveaux programmes pour rpondre aux questions de migration mergentes.

LOIM en chiffres : 20012010La croissance de lOIM a t particulirement forte ces dix dernires annes : le nombre de ses Membres est pass 132 Etats, son budget a quadrupl et ses activits se sont considrablement diversifies. Bien que des statistiques sur les oprations de lOIM dans le monde aient t communiques ponctuellement par le pass, cest la premire fois quune vue densemble est publie. LOIM recueille des statistiques sur ses programmes et projets oprationnels dans plus de 133 pays. Ces statistiques comprennent des donnes sur les personnes aides depuis la cration de lOrganisation en 1951. Les donnes reproduites dans le Rapport Etat de la migration dans le monde 2011 couvrent les dix dernires annes et portent sur diffrents types dactivits lies aux mouvements (rinstallations ou rapatriements, notamment), mais aussi sur dautres formes dintervention qui se sont considrablement dveloppes au fil des ans, comme la facilitation de la migration de main-duvre, laide aux victimes de la traite, laide au retour volontaire et dautres modalits dassistance aux migrants. Plus de 60 millions de personnes (notamment des personnes dplaces lintrieur de leur propre pays, des rfugis, des migrants en dtresse et des ex-combattants) ont bnfici dinterventions durgence de lOIM lors de crises humanitaires, et dune assistance daprs-crise de 2001 2010. LOIM a aid 810 000 rfugis se rinstaller dans un pays tiers de 2001 2010. Au total, 130 610 personnes ont bnfici dune aide au titre des programmes de rapatriement de lOIM sur la mme priode. Prs de 330 000 migrants ont reu une aide au retour volontaire et la rintgration (AVRR) dans plus de 170 pays depuis 2000. Ces dix dernires annes, lOIM a ralis plus de 46 000 prises en charge de victimes de la traite. LOrganisation a facilit le recrutement et lemploi denviron 20 000 travailleurs trangers temporaires de 2003 2010. Entre 2001 et 2010, 352 328 migrants ont bnfici des activits de formation de lOIM. Entre 2006 et 2010, lOIM a trait 382 133 demandes de services dappui en matire dimmigration et de visas. Plus de 1,5 million de migrants ont bnfici dune assistance sanitaire durant le voyage et dvaluations sanitaires de 2001 2010.

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Rle de lOIM lavenirAprs des annes de croissance rapide, plusieurs domaines, dont la migration et le dveloppement, ont pris de lampleur et resteront des lments essentiels de laction de lOIM. Dautres domaines, plus rcents comme la migration induite par les changements environnementaux gagneront en importance, et lOrganisation y joue un rle minent de chef de file. LOIM poursuivra ses activits traditionnelles, tout en restant ouverte aux tendances mergentes et en ragissant rapidement aux situations de crise. Le renforcement des capacits des Etats Membres et des autres parties prenantes en matire de gestion des migrations, tel quexpos dans le Rapport Etat de la migration dans le monde 2010 de lOIM, est vou occuper une place de plus en plus centrale dans laction de lOrganisation. Le dbat sur lapproche globale de la gestion des migrations, notamment sur llaboration dun modle appropri de gouvernance internationale des migrations, se poursuivra certainement. Les activits de recherche et de forum continueront dvelopper ce thme et rechercher les moyens de rendre la coopration internationale plus efficace, y compris par le truchement de mcanismes comme le FMMD et les PCR. LOIM coopre de plus en plus souvent avec divers mcanismes interinstitutions et participe lquipe de pays des Nations Unies dans plusieurs endroits. Officiellement, toutefois, elle conserve son statut dobservateur auprs de lONU, avec les avantages et les inconvnients que cela reprsente sur le plan des interventions et du lancement de nouvelles initiatives. Il est certain que les Etats Membres suivront cette question avec intrt. Dsormais fermement ancre dans le tissu social de notre socit mondiale, la migration continuera de gagner en importance et en intrt politique dans un avenir prvisible. Ces soixante dernires annes, lOIM est reste la pointe du dbat sur la migration, adaptant sa vision et ses oprations lvolution des tendances migratoires. Seule organisation dote dun mandat mondial sur la migration, elle aura un rle central jouer lavenir, tant sur la scne internationale quau service de ses Etats Membres.

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PARTIE

A

CHAPITRE 1- BIEN COMMUNIQUER SUR LA MIGRATION

INTRODUCTIONLa migration internationale, plus que tout autre domaine daction publique, fait lobjet de prsentations dformes des faits, tout en tant profondment influence par lopinion. La comprhension des migrations contemporaines a considrablement progress grce aux travaux thoriques fonds sur lconomie noclassique, la nouvelle conomie des mnages, la thorie du dualisme du march du travail, la thorie des rseaux, la thorie des systmes mondiaux, la causalit cumulative ou encore les rcentes avances de la thorie du transnationalisme (Massey et al., 1993, 1998 ; Vertovec, 2001). Les recherches empiriques consacres la migration sont aussi de plus en plus nombreuses. Toutefois, ni la thorie ni la recherche ne semblent avoir autant influ sur llaboration des politiques que le discours politique, les informations rapportes par les mdias et lopinion publique sur la nature, le but et les incidences socioconomiques de la migration. Ces dbats sinscrivent dans un contexte migratoire mondial dont ltendue et la complexit risquent fort de crotre sous leffet du creusement des disparits dmographiques, des nouvelles dynamiques politiques internationales, mais aussi des rvolutions technologiques et des rseaux sociaux. Dans de nombreuses rgions du monde, cette volution est dj luvre. Les tendances dmographiques, sociales, environnementales, politiques et conomiques long terme ont eu et continueront davoir un impact considrable sur lampleur et les schmas des mouvements migratoires. Ces flux migratoires ont souvent de profondes rpercussions sur la composition socioconomique et ethnique des socits, ce qui pose aux pouvoirs publics de nouveaux dfis, consistant intgrer les migrants dans la socit daccueil et, plus gnralement, faire en sorte que la migration soit bien vcue par lensemble de la communaut. Tous les pays ou presque tant confronts la migration dune manire ou dune autre, les socits prennent conscience que le choix qui soffre elles nest pas de savoir si mais plutt comment elles doivent sadapter aux changements. Accepter une socit en mutation et plurielle exige de se pencher sur des questions fondamentales quant la nature de la socit et au tissu social, mais galement sur des aspects trs pratiques concernant la structure, lorganisation et le fonctionnement des institutions, politiques et rglementations publiques, afin de trouver un juste quilibre entre les avantages conomiques et sociaux de la migration et les cots qui en dcoulent.

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Dans ce contexte, limage des migrants dans leurs socits dorigine et daccueil revt une importance fondamentale. Bien quil soit de plus en plus largement admis que les migrants peuvent crer du capital social par-del les frontires, que la diversification culturelle est un facteur de stimulation de lentreprenariat, et quune population active multiculturelle est particulirement rentable, les migrants sont globalement mal perus dans de nombreuses socits. La frontire entre un dbat raliste et honnte sur les enjeux de la migration et lexploitation politique de strotypes et de boucs missaires est souvent tnue. Limage ngative des migrants sexplique en partie par le fait que les flux migratoires sont plus visibles et plus divers que jamais, soulevant des questions qui, laisses sans rponse, se traduisent par une distorsion de linformation et des reprsentations errones. A lvidence, les migrants en gnral, ainsi que les personnes de nationalits ou de groupes ethniques donns, sont souvent stigmatiss dans les pays de destination. Cette stigmatisation lencontre des migrants existe galement dans les pays dorigine, entretenue par lide quils ont abandonn leur pays, ou par les espoirs et attentes irralistes des familles de migrants et des communauts dorigine. Une communication dforme sur la migration peut enclencher un cercle vicieux aboutissant des informations errones, relayes par les politiques publiques, les mdias et le grand public, et qui, leur tour, peuvent fausser le discours tous les niveaux. Laction publique et le discours politique peuvent donc jouer un rle dterminant dans la faon dont les migrants sont considrs au sein des socits daccueil. A cet gard, le discours des pouvoirs publics quant au fond et la forme sur les migrants et la politique migratoire est un enjeu essentiel. Linformation et lducation du public sont peut-tre les moyens daction les plus importants mettre en uvre dans les socits aux prises avec la migration, dans la mesure o toute gestion des migrations suppose aussi de grer lide que la socit se fait des migrants. Dans un premier temps, ce chapitre analyse les constatations relatives aux ides et attitudes du public quant la migration dans diffrents pays du monde et lincidence de celles-ci sur la formation de lopinion et, par ricochet, sur les politiques. Il sintresse ensuite au contexte dans lequel ces ides et attitudes sont faonnes, et au rle que jouent les mdias par linfluence quils exercent sur lopinion et la manire dont ils relaient celle-ci. Il comprend galement des exemples de bonnes pratiques appliques par les pouvoirs publics, la socit civile et les mdias. Enfin, il sinterroge sur les moyens permettant de mieux communiquer sur les questions de migration cls, de faon amliorer llaboration des politiques et sassurer une meilleure participation des migrants eux-mmes.

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IMPORTANCE DE LOPINION PUBLIQUE SUR LA MIGRATIONDe nombreuses tudes ont t consacres lopinion du public sur la migration et les migrants qui, pour la plupart, sintressent aux pays de destination. Cependant, malgr lattention croissante porte aux avantages potentiels de lmigration pour les pays dorigine, les attitudes sur lmigration et les migrants dans ces pays nont gre t tudies de manire systmatique (Nations Unies, 2006 ; Banque mondiale, 2006 ; CMMI, 2005). Le prsent chapitre comble cette lacune en sappuyant sur des tudes qualitatives ralises petite chelle ainsi que sur des enqutes comparatives rgionales, nationales et internationales. Il reste nanmoins que la qualit des tudes sur les attitudes du public face la migration est trs ingale. Les tudes sur lattitude du public dpendent fortement des enqutes et des sondages dopinion. Or, il est important de garder lesprit que ces mthodes sont critiques, la fois sur le plan technique et sur la faon dont les rsultats sont interprts. Considrer que les rsultats dune enqute refltent lopinion publique peut en effet poser problme divers gards1. Tout dabord, cela revient dire que toute personne est en mesure de se forger une opinion sur nimporte quel sujet, ce qui conduit souvent ngliger limportance des non-rponses dans lchantillon sond. Ensuite, lagrgation des rponses individuelles comme reprsentative dune opinion publique, alors que les rponses ne sont pas toujours les produits dun cadre de rflexion commun, peut faire croire, tort, lexistence dun consensus (OCDE, 2010). Dans certains pays, lopinion publique nest pas tudie avec la mme rigueur que dautres domaines. Ainsi, une valuation dtudes sur limmigration et lopinion publique en Australie a montr quen labsence dune vritable culture de la recherche dans ce domaine, les sondages dopinion devenaient le jouet des mdias, les journalistes tant juste tenus de produire des manchettes provocatrices (Markus, 2011). Cette mme valuation a galement cit plusieurs exemples denqutes dopinion en Australie dont les questions taient partiales ou influenaient les personnes interroges : la formulation des questions, leur position dans lenqute, ainsi que lchantillon, la mthode et le mode dadministration de lenqute conduisaient les personnes rpondre par oui ou par non. Aussi, ce qui pourrait tre considr comme lopinion de la majorit sur un ventail de questions laisse dans bien des cas une impression de flou et mme dincohrence, car une personne interroge peut souvent se dclarer favorable la fois lassimilation et au multiculturalisme, ou prconiser la diversit culturelle tout en se disant proccupe par les divisions que celle-ci engendre (ibid.). Cette mme tude rapporte en outre quune analyse des mdias a fait apparatre une tendance gnralise rendre compte de ces rsultats de sondage biaiss sur un mode sensationnel. Parmi les autres facteurs qui ajoutent limprcision des rsultats des sondages figure labsence de dfinition commune des termes migrants et migration . Dans tous les pays, on trouve de nombreuses catgories de migrants ; or, un grand nombre denqutes omettent de prciser les groupes viss. Les personnes interroges peuvent entendre le terme1

Outre les difficults abordes dans cette section, il convient de souligner que la majorit des tudes ne prcisent pas la composition de lchantillon utilis. Selon la porte de ltude, celui-ci peut aussi inclure des migrants, ce qui risque de fausser les rsultats dans un sens ou un autre.

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migrant de diverses faons, et avoir des points de vue diffrents selon les catgories de migrants. Bien souvent, les enqutes ne refltent pas la complexit de ces attitudes. Les enqutes et sondages dopinion sur la migration font donc problme si leurs mthodes sont contestables. En revanche, sils sont analyss la lumire de facteurs contextuels, ils peuvent apporter de prcieux clairages, comme nous le verrons dans les sections qui suivent. Cependant, un examen minutieux et critique des sources dopinion est un pralable indispensable tout dbat clair et objectif sur les questions de migration lchelle locale, nationale et internationale. Lencadr 1 prsente une liste de questions types dont les analystes des sondages dopinion sur la migration pourraient sinspirer lorsquils interprtent les rsultats. Encadr 1. Principales questions se poser lors de lanalyse de sondages dopinion sur la migration La mthode utilise est-elle solide et srieuse ? Le sondage dfinit-il clairement les termes migrant et migration ? Lenqute est-elle reprsentative de lensemble de la population ? Les questions incitent-elles les personnes interroges rpondre dans un sens plutt que dans un autre ? Comment les non-rponses ont-elles t prises en compte ? Les questions refltent-elles toute la complexit des attitudes, ou obligent-elles les personnes interroges rpondre de faon manichenne ? Lenqute a-t-elle t mene loccasion dun vnement susceptible dinfluer sur les rsultats ?

Opinion publique sur limmigration et facteurs dinfluenceLimiter notre comprhension de lopinion publique aux gros titres serait primitif et simpliste. (Kleemans et Klugman, 2009, p. 19)

Les apprciations que portent les populations sur la migration, telles quelles sont prsentes par les sondages, sont souvent dfavorables, et daucuns pensent que cette tendance sest renforce ces dernires annes. Ce qui est sr, cest que lopinion publique sur la migration varie dun pays lautre et lintrieur de chaque pays, mais aussi dans le temps. On observe des diffrences selon les sous-groupes de population dun mme pays, ce qui peut galement rvler la prsence de facteurs ou de problmes externes. A cet gard, il est souvent trompeur de parler de lopinion publique, alors que les points de vue sont trs divers, de mme que leur intensit. Pour mieux comprendre les attitudes lgard de la migration, il faut analyser ces diffrences et variations. Cette section examine quelques-uns des principaux facteurs qui influencent lopinion, ainsi que les grandes diffrences dattitude au sein de la population face la migration.

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Niveaux dimmigration rels, supposs et souhaits, et statut des migrantsLaugmentation relle des flux migratoires ou, plus exactement, la mesure dans laquelle les niveaux supposs de migration sont considrs comme inacceptables , ont souvent un effet pernicieux sur lopinion publique. Certains attribuent galement la monte gnrale de linquitude et de lhostilit lgard de la migration non seulement laccroissement des flux de migrants, mais aussi leur rythme (Papademetriou et Heuser, 2009). Quels que soient lampleur ou le rythme des migrations, lopinion est aussi influence par le statut des immigrants rgulier ou irrgulier. Les niveaux souhaits de migration ne se rduisent donc pas un simple problme de chiffres, sans lien avec les questions dorigine et de statut des migrants. La figure 1 montre quau Royaume-Uni, le pourcentage de la population qui se dit proccupe par la hausse de limmigration ces 10 dernires annes a augment paralllement aux niveaux dimmigration. Il a par ailleurs t constat que, depuis les annes 1960, les Britanniques jugent les niveaux de migration trop levs, et que cette opinion a assez peu vari en dpit des fluctuations des niveaux rels de migration, ce qui donne penser que cest limportance accorde aux questions migratoires qui a volu ces dernires annes (Hurrell, 2010).Figure 1. Inquitudes de lopinion face limmigration, 19742009

Source : Adapt d Ipsos MORI et Bureau national des statistiques du Royaume-Uni, 1974-2009 (cit dans Page, 2009).

Une tude de lOCDE (2010), comparant les donnes des enqutes ISSP (Programme international denqutes sociales) menes en 1995 et 2003 dans diffrents pays de lOCDE, a conclu que, sur cette priode, la population des pays considrs tait devenue de moins en moins favorable limmigration mesure que les flux migratoires augmentaient (voir la figure 2).

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Figure 2. Avis favorables un accroissement de limmigration et dans un contexte daugmentation de la proportion dimmigrs dans la population dans certains pays de lOCDE, 19952003Augmentation de la proportion dimmigrs dans la population entre 1995 et 2003 (points de %) volution de la proportion dindividus souhaitant une augmentation des flux migratoires entre 1995 et 2003 (ratio)

Proportion dindividus favorables une augmentation des flux migratoires en 1995 (%)

Augmentation de la proportion dimmigrs dans la population entre 1995 et 2003 (points de %)

Note : Pourcentages calculs en excluant les non-rponses. Donnes pondres. Source : OCDE, 2010 : 120 (http://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2011-en).

Mme si ces constatations semblent indiquer un lien entre les chiffres et les opinions dfavorables, il est important de garder lesprit que, dans les pays de destination, la population mconnat souvent lampleur et la nature de la migration ainsi que les politiques qui influent sur ces paramtres. Une tude couvrant huit pays daccueil (Canada, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni et Etats-Unis dAmrique) a montr que dans chacun deux, les personnes interroges avaient tendance largement surestimer le nombre de migrants (Transatlantic Trends, 2010, p. 6), comme lindique le tableau 1. Pour dterminer si la connaissance des faits tait susceptible dentraner un changement dattitude, on a demand un premier groupe de personnes, aprs leur avoir prcis le nombre rel de migrants, si elles estimaient quil y avait trop , beaucoup, mais pas trop ou trop peu de migrants dans leur pays ; un second groupe sest ensuite vu poser la mme question, mais sans informations complmentaires. Il est apparu que les personnes du premier groupe avaient moins tendance dire quil y avait trop de migrants dans leur pays. Les ides errones sur le nombre rel de migrants sont monnaie courante dans les pays de destination, et cest l un aspect essentiel car, comme le souligne le rapport dun sminaire Policy Network (Hurrell, 2010), la question de savoir si le niveau dimmigration est ou non appropri est la principale ligne de faille du dbat sur limmigration .Tableau 1. Pourcentage suppos et rel de migrants dans la population de quatre pays transatlantiques, 2010Pays Italie Espagne Etats-Unis dAmrique CanadaSource : Transatlantic Trends, 2010, p. 6.

Pourcentage suppos 25 21 39 39

Pourcentage rel 7 14 14 20

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Aux Etats-Unis dAmrique, des donnes concordantes font apparatre que la majorit de la population prconise une rduction du niveau de migration ou un maintien au niveau actuel. Les sondages Gallup, dont les sries chronologiques comptent parmi les plus longues et sont les plus utilises, tudient les questions dimmigration depuis les annes 19602. En gnral, les sondages rvlent que seule une courte majorit (58 % en 2001, 51 % en 2006 et 50 % en 2009) estime quil faut diminuer la migration. Fait intressant, les sondages Gallup montrent que, depuis 2001, limmigration est considre par la majorit des personnes interroges (58 % en 2003, 67 % en 2006 et 57 % en 2010) comme une bonne chose pour le pays. Dans les enqutes de 2006 et de 2008, une forte majorit des personnes interroges (74 % et 79 %, respectivement) considrent en outre que les immigrants illgaux (en situation irrgulire)3 ne prenaient pas le travail des nationaux, puisquils occupaient des postes faiblement rmunrs dont les Amricains ne voulaient pas. Les enqutes de Gallup font tat dune opinion publique plus favorable limmigration et aux immigrants que dautres enqutes, comme celles menes par Vision Critical/Angus Reid Public Opinion. A la fin de 2010, une tude effectue par cette socit a tabli que 57 % des personnes interroges estimaient que limmigration avait des consquences ngatives aux Etats-Unis dAmrique, que 39 % souhaitaient voir le nombre dimmigrants lgaux baisser, et que 56 % considraient que les immigrants illgaux prenaient le travail dAmricains. En 2006, le Pew Hispanic Center4 a analys une srie de sondages raliss au dbut de lanne 2006, et a conclu que la question de savoir si, dans lensemble, limmigration est une bonne chose pour le pays semblait diviser lopinion en deux camps presque gaux. En revanche, les Amricains ntaient pas daccord sur les niveaux souhaits dimmigration lgale (rgulire), puisque environ un tiers dentre eux taient favorables au maintien de limmigration lgale ses niveaux actuels, tandis quun autre tiers souhaitaient la voir diminuer. Une proportion infrieure prconisait un accroissement de limmigration lgale, et la plupart des Amricains considraient limmigration illgale comme un problme grave. Peu dtudes ont t consacres aux attitudes lgard des immigrants dans les pays en dveloppement ou nouvellement industrialiss. Cependant, une enqute nationale mene en 2006 auprs de 3 600 citoyens sud africains adultes dans le cadre du Southern African Migration Project a montr que la part de ceux qui souhaitaient une interdiction totale de limmigration tait passe de 25 % en 1999 37 % en 2006. En outre, 84 % des sonds estimaient que lAfrique du Sud autorisait trop de ressortissants trangers entrer sur son territoire (Crush, 2008). En Malaisie, au Sngal, en Tanzanie et au Venezuela, des pourcentages analogues de personnes interroges se sont dclares favorables un durcissement des restrictions et des contrles de limmigration (Pew, 2007). Il est difficile de dterminer dans quel sens voluent les attitudes lgard de la migration mesure que la proportion de migrants dans la population totale augmente et/ou que ceux-ci sont considrs comme intgrs dans la communaut. Dans une enqute World Values Survey, il a t demand 214 628 personnes, dans 86 pays, si elles voyaient une objection avoir un voisin migrant. Comme on pouvait sy attendre, le pourcentage dobjections a t faible dans

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Voir http://www.gallup.com/poll/1660/ Immigration.aspx LOIM prfre parler de migration rgulire ou irrgulire. Cependant, pour reprendre prcisment les formulations adoptes dans les sondages, nous avons t parfois amens employer les termes migration lgale et illgale dans le prsent document. Voir http://pewhispanic.org/files/factsheets/18.pdf

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plusieurs grands pays dimmigration (comme lAustralie, la Nouvelle-Zlande, lEspagne et la Suisse). En revanche, il est lev dans plusieurs autres pays o les niveaux de migration sont importants, notamment au Moyen-Orient et dans certaines parties de lAsie. Cette raction de rejet sexplique peut-tre par la relative nouveaut du phnomne migratoire dans ces pays, ainsi que par la spcificit de la dynamique migratoire dans ces rgions. Il apparat toutefois clairement quil nexiste aucune corrlation systmatique entre lacceptation des migrants et leur part dans la population nationale. Tout porte nanmoins croire que les diffrentes catgories dimmigrants ne sont pas perues de la mme faon. Ainsi, lOCDE a observ que lopinion publique est gnralement mieux dispose envers les rfugis quenvers les autres migrants, mme si, dans les pays qui acceptent beaucoup de rfugis, la population est davantage proccupe par les consquences de la migration quailleurs (OCDE, 2010). En outre, les attitudes varient selon le pays dorigine des immigrants.

Economie, emploi, ingalits et niveau suppos de contribution des migrantsSelon lenqute World Values Survey prcite, les attitudes lgard de la migration sont fortement influences par les possibilits demploi (Kleemans et Klugman, 2009). Dans la plupart des 52 pays couverts en 20052006, la majorit des personnes interroges approuvaient les restrictions en matire de migration, et nombre dentre elles associaient ces restrictions la situation de lemploi. Cependant, plusieurs pays prsentant un niveau de dveloppement humain moyen lev (selon lindice du dveloppement humain)5 taient favorables un durcissement des restrictions en matire migratoire, quel que soit le volume demplois disponibles (ibid.). Lexistence dune corrlation entre les attitudes lgard de limmigration et les possibilits demploi ressort aussi clairement des donnes des sries chronologiques australiennes. La figure 3 montre que la proportion dAustraliens estimant que les niveaux dimmigration sont trop levs suit de prs le taux de chmage pendant la priode 19742010. Une nette relation entre les attitudes envers la migration et le niveau du chmage a t constate dans 34 pays (Kleemans et Klugman, 2009). En Europe, les lments dinformation disponibles laissent aussi penser quen priode de ralentissement conomique, lopinion se retourne contre les immigrants (Kessler et Freeman, 2005).

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Voir http://hdr.undp.org/fr/statistics/hdi/

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Figure 3. Corrlation entre le niveau de chmage et la proportion de personnes jugeant les niveaux dimmigration trop levs (%), Australie, 19742010

Source : Markus, 2011.

Dans les pays o lingalit (mesure par le coefficient de Gini6) est plus forte, on a davantage tendance penser que les nationaux devraient tre prioritaires sur le march du travail (Kleemans et Klugman, 2009). Il nen reste pas moins que, dans des pays prsentant des niveaux dingalit analogues, cette prfrence nationale peut tre perue de faon assez diffrente. En outre, dans les pays o le PIB est lev, la population est plus rticente laisser entrer des migrants (politique de limmigration), mais se montre mieux dispose leur gard une fois quils sont prsents sur le territoire : elle est favorable lgalit de traitement sur le march du travail, et voit gnralement moins quailleurs un inconvnient avoir un migrant comme voisin (ibid.). Par ailleurs, les inquitudes quant la situation de lconomie ou de lemploi sont dues non seulement aux possibilits du travail et aux ingalits face lemploi, mais aussi au sentiment que les migrants prennent le travail des nationaux ou obrent les ressources du pays. La question de la corrlation entre la migration et lemploi soulve donc celle, plus vaste, de la nature et du niveau des contributions des migrants leur socit daccueil. L encore, on observe de grandes disparits selon les pays. LEurobaromtre standard de la Commission europenne (2006) a cherch jauger lopinion publique des pays de lUnion europenne sur, entre autres, la contribution des migrants. Les personnes interroges devaient indiquer si elles taient ou non daccord sur laffirmation suivante : Les immigrants apportent beaucoup notre pays. La figure 4 montre la proportion de personnes interroges qui sont daccord. En moyenne, dans lUnion europenne, 40 % de la population tait daccord, mais une petite majorit (52 %) ne ltait pas. Cependant, comme lillustre la figure 4, il existe des variations considrables dun pays lautre. Des niveaux daccords suprieurs la moyenne ont t observs en Finlande, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal et en Sude. linverse, les niveaux daccord taient trs bas dans plusieurs pays dEurope de lEst.

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Pour plus dinformations, voir le site http://stats.oecd.org/glossary/detail.asp?ID=4842 (site consult le 22 aot 2011).

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Figure 4. Proportion de personnes interroges dans les pays de lUnion europenne qui estiment que les immigrants apportent beaucoup leur pays, 2006Pays Sude Portugal Irlande Luxembourg Finlande Pays-Bas Royaume-Uni Danemark France Grce Italie Union europenne (25) Belgique Espagne Autriche Pologne Allemagne Chypre Slovnie Malte Lituanie Hongrie Rpublique tchque Estonie Lettonie Slovaquie Roumanie Bulgarie % 79 66 56 56 54 53 47 45 44 43 41 40 40 40 37 33 30 30 28 21 20 19 17 16 16 12 43 2361 % - 100 % 51 % - 60 % 41 % - 50 % 31 % - 40 % 0 % - 30 %

Source : Adapt de la commission europenne, 2006.

Une enqute sur les conditions de vie au Qatar a montr quune majorit crasante de nationaux apprciaient la contribution des trangers au dveloppement du pays, en raison de leur ardeur au travail (89 %) et de leur savoir-faire (89 %) (SESRI, 2010). Ils reconnaissaient en outre que la prsence dtrangers (expatris et travailleurs migrants) ouvrait le pays de nouvelles cultures. Cependant, ils taient quelque 75 % penser que le nombre de travailleurs trangers faisait peser une lourde charge sur les services de sant du pays (ibid.). Selon une enqute de lOrganisation internationale du Travail (OIT) (2010) sur limage des travailleurs migrants en Rpublique de Core, en Malaisie, Singapour et en Thalande, la majorit des personnes interroges considraient que ces travailleurs taient ncessaires pour pallier les pnuries de main-duvre ; en Rpublique de Core et Singapour, 80 % des sonds en moyenne estimaient quils apportaient une contribution nette lconomie (contre 40 % en Thalande et un peu moins de 40 % en Malaisie). A loppos, une enqute mene en 2006 en Afrique du Sud a conclu que les migrants taient largement considrs comme une menace pour le bien-tre socioconomique du pays, 67 % des personnes interroges estimant que les

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migrants puisaient les ressources , et 62 % prtendant quils prenaient les emplois des nationaux (Crush, 2008). Comme nous le verrons plus en dtail dans les sections qui suivent, ces ides sinscrivent souvent dans des contextes socioconomiques et culturels plus larges, et ne peuvent pas tre analyses sparment.

Age, milieu socioconomique, appartenance ethnique, situation gographique et niveau dtudesLes attitudes lgard de la migration varient galement considrablement selon les sousgroupes lintrieur des pays, en fonction de lge, du statut socioconomique et du niveau dtudes. Le lien entre lge et les attitudes est manifeste, comme en tmoigne lexemple du Royaume-Uni, o la population ge est indniablement la plus hostile la migration (voir le tableau 2). Entre 1999 et 2008, toutefois, cest dans les tranches dge infrieures que lon a relev la plus forte augmentation du nombre de personnes estimant que le Royaume-Uni comptait trop dimmigrants. Le tableau fait galement apparatre une importante diffrence entre les catgories socioprofessionnelles, les ouvriers qualifis se montrant les plus hostiles.Tableau 2. Pourcentage de personnes estimant que le Royaume-Uni compte trop dimmigrants, 1999 et 2008ge 15-29 30-49 50-64 Plus de 65 Catgorie socioprofessionnelle Cadres suprieurs et professions intellectuelles suprieures Professions intermdiaires (C1) Ouvriers qualifis (C2) Ouvriers non qualifis et personnes vivant dune pension dEtat 1999 44 51 64 69 1999 48 47 60 65 2008 67 67 71 78 2008 63 70 75 74 Variation en % +23 +16 +7 +9 Variation en % +15 +23 +15 +9

Source : Ipsos MORI, juin 1997juin 2008, cit dans Page, 2009. Note : La catgorie des professions intermdiaires (C1) comprend les agents de matrise, les employs ainsi que les cadres moyens, et les professions intermdiaires administratives et intellectuelles. Selon la nomenclature des catgories socioprofessionnelles adopte au Royaume-Uni, la catgorie des ouvriers qualifis (C2) regroupe les mnages dont le soutien de famille principal occupe un emploi manuel qualifi ncessitant un apprentissage ou une formation (plomberie ou mcanique automobile, par exemple).

Des tendances similaires sont releves en Australie et en Allemagne, bien que les tudes analyses ne permettent pas de conclure une volution de lopinion dans les tranches dge infrieures. Dans une enqute ralise en Allemagne, lopinion la plus favorable lgard des migrants a t observe chez les 1624 ans, encore que cela puisse tenir au fait que les jeunes ont plus de contacts avec les migrants, notamment parce quils comptent des amis et des connaissances parmi ces derniers. Environ 65 % des jeunes portaient un regard positif sur les migrants, contre 32 % chez les 60 ans et plus (Abah, 2009). En Australie, lhostilit envers les migrants est le plus gnralement exprime par des personnes qui ont plus de 65 ans, sont sans diplme ni qualifications post-scolaires ou professionnelles, dcrivent leur situation financire laide dexpressions comme fins de mois difficiles ou pauvre , occupent un emploi de

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type conducteur dengins, agent de conduite ou manuvre, mentionnent une appartenance religieuse mais pratiquent peu, et qui sont veuves ou divorces (Markus, 2010). Le niveau de qualification et la situation gographique sont galement apparus comme dimportants facteurs dinfluence dans lanalyse des donnes denqutes ESS (European Social Survey) et ISSP effectue par lOCDE, qui a montr que les travailleurs peu qualifis taient gnralement plus favorables des politiques restrictives, et que ceux des zones rurales avaient davantage tendance considrer la migration comme prjudiciable (OCDE, 2010). De mme, en Malaisie, en Rpublique de Core, Singapour et en Thalande, les rsultats denqutes donnent penser que ceux qui connaissent des travailleurs migrants et entretiennent avec eux des relations professionnelles ou sociales sont mieux disposs leur gard (OIT, 2010). Les tudes des attitudes font aussi rgulirement ressortir que les niveaux dinstruction levs sont associs des sentiments positifs lgard de la migration (Rothon et Heath, 2003 ; McLaren et Johnson, 2004 ; Statistique Canada, 2003 ; Commission europenne, 2006). Cependant, si lon croise les niveaux dinstruction, le PIB et lindice du dveloppement humain, on obtient un scnario plus nuanc : les groupes sociaux trs instruits sont plus favorables la migration dans les pays riches que dans les pays pauvres (Kleemans et Klugman, 2009). En outre, selon lanalyse denqutes de Kleemans et Klugman, il existe une corrlation positive entre toutes les variables associes au niveau de revenu et la catgorie socioprofessionnelle et les attitudes lgard de la migration, et les personnes qui vivent dans les grandes villes portent un regard plus positif sur la migration (2009). En outre, les sondages et les tudes montrent invariablement que les personnes issues de limmigration tendent gnralement tre favorables la migration (Pew Research Center, 2006 ; CMMI/IPPR, 2004). Cependant, on observe des variations entre les migrants ns ltranger et ceux de deuxime gnration, ns dans le pays daccueil, dont les opinions peuvent, au fil du temps, se rapprocher de celles de la population autochtone.

Importance du facteur tempsLes tudes saccordent montrer que les reprsentations, les attitudes et les opinions lgard de la migration et des migrants varient au fil du temps. Bien que les attitudes de certains groupes soient profondment enracines et inflexibles, lopinion publique dans son ensemble peut changer et change effectivement, ce qui souligne limportance de prsenter au grand public des informations srieuses et objectives. Cette variabilit est encourageante pour tous ceux qui luttent contre les informations errones, les prjugs et lintolrance qui caractrisent parfois le discours public sur la migration. Plusieurs tudes font apparatre cette tendance vers un changement de mentalits. La figure 5, par exemple, montre comment limage de limmigration a volu en Allemagne entre 1984 et 2008. Daprs les observations dAbah : Si lhostilit envers les migrants a pu tre forte par moments [] un processus de familiarisation sest mis en place, qui a conduit une acceptation plus grande des immigrants par le grand public (2009, p. 31). On a constat une volution analogue sur une priode prolonge en Australie et aux Etats-Unis dAmrique, mesure quaugmentait le nombre de migrants (Suro, 2009 ; Betts, 2005).

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Figure 5. Pourcentage de personnes interroges estimant que le nombre dimmigrs vivant en Allemagne est trop lev, 19842008

Source : Institut fr Demoskopie Allensbach, cit dans Abah, 2009. Note : Les donnes se rapportent aot 1984, juin 1998, dcembre 2004 et mars 2008. * Les donnes pour 1984 concernent uniquement lAllemagne de lOuest.

Cependant, cette volution vers une meilleure acceptation au fil du temps nest en aucun cas linaire, et peut tre influence par divers autres facteurs. Au Royaume-Uni, par exemple, les inquitudes du public propos de limmigration ont atteint des niveaux sans prcdent ces 10 dernires annes, avec un point culminant en 2008. Il a fallu la monte des proccupations dordre conomique dues la crise financire mondiale pour les faire reculer (Page, 2009). Le cas de lAustralie offre un autre exemple de la variabilit de lopinion. Comme le souligne Markus (2011, p. 6), lAustralie (de mme que le Canada) compte parmi les pays les mieux disposs lgard de limmigration. Markus en donne une illustration avec les donnes reproduites au tableau 3, tires de lISSP. Ces donnes indiquent quen 2003, lAustralie arrivait juste derrire le Canada (68 %), avec 61 % de personnes interroges dclarant souhaiter que le nombre de migrants venant dans le pays augmente ou reste en ltat. Ce chiffre nest que de 44 % aux Etats-Unis dAmrique, 30 % en Allemagne, 22 % au Royaume-Uni et 18 % en Russie. Cependant, Markus (2011, p. 8) sappuie sur les donnes de plusieurs sondages (y compris ceux raliss par la Fondation Scanlon) pour montrer limportante variabilit du pourcentage de la population qui considre le nombre dimmigrants comme tant peu prs satisfaisant ou trop faible. Le tableau 4 indique que ce pourcentage est pass de 28 % en 1997 57 % en 2003, avant de retomber 46 % en 2010.

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Tableau 3. Attitudes face au nombre dimmigrants admis (% des personnes interroges), chantillon de pays, 2003Evolution souhaite du nombre de migrants arrivant dans le pays Augmentation Maintien au mme niveau 39 38 39 39 32 41 28 30 32 32 26 29 24 26 22 16 13 Augmentation + maintien au mme niveau 68 61 49 49 44 44 43 42 41 39 34 31 30 30 29 22 18 Diminution

Canada Australie Espagne Danemark Etats-Unis dAmrique Portugal Nouvelle-Zlande Sude Irlande Autriche France Hongrie Allemagne Ouest Pays-Bas Norvge Royaume-Uni Fdration de Russie

29 23 10 10 11 3 16 12 9 7 8 2 5 4 7 6 4

32 39 52 51 56 56 57 58 59 61 66 69 70 70 71 78 83

Source : ISSP Research Group, 2003, cit dans Markus, 2011, p. 7. Note : Lenqute australienne a t mene auprs de 2 183 personnes du 27 aot au 24 dcembre 2003. La question tait assortie de cinq rponses possibles : Pensez-vous que le nombre actuel de migrants arrivant en [PAYS] devrait tre : fortement augment ; lgrement augment ; maintenu au mme niveau ; lgrement rduit ; fortement rduit ? Les sous-totaux peuvent varier de +/-1 % en raison des arrondis (ZA, 2005, cit dans Markus, 2011).

Tableau 4. Opinion publique sur les niveaux dimmigration en Australie (%), chantillon dannesAnne 1996 1997 2001 2002 2003 2005 2007 2009 2010 Trop levs 62 64 41 41 37 39 36 37 47 A peu prs adquats/trop faibles 32 28 54 54 57 56 53 55 46

Source : Markus, 2011, p. 8.

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OPINION PUBLIQUE SUR LEMIGRATION ET LA MIGRATION DE RETOURLe plus souvent, lanalyse des attitudes lgard de la migration et des migrants internationaux sintresse au volet destination du processus, autrement dit, limmigration. Or, la migration a galement un profond retentissement sur les pays de dpart et leur population. La question de lmigration se pose avec une acuit croissante, non seulement parce quelle gagne en importance, mais aussi parce que ses incidences sur le dveloppement deviennent de plus en plus videntes depuis quelques annes (Banque mondiale, 2006). Comme pour limmigration, les attitudes et les reprsentations lgard des migrants peuvent donc influer sur la formulation des politiques et vice-versa. Pourtant, peu de recherches empiriques ont t consacres lopinion publique sur lmigration, surtout dans les pays en dveloppement, qui sont devenus dimportantes sources de migration vers les conomies revenu lev et dautres pays en dveloppement. On dispose de quelques enqutes qualitatives petite chelle qui, toutefois, ne sintressent gure la migration de retour. Cependant, les choses voluent car le retour est de plus en plus souvent considr comme une composante essentielle du cycle de la migration. Lenqute mene en 2002 dans 44 pays dans le cadre du projet Pew Global Attitudes Project7 a rvl que lmigration tait considre par une part non ngligeable de la population comme un problme trs important dans un certain nombre de pays, surtout en Amrique latine (Honduras [63 %], Argentine [58 %], Guatemala [53 %] et Mexique [52 %]). Des inquitudes au sujet de lmigration ont galement t releves en Bulgarie (58 %) et en Afrique du Sud (52 %). Cependant, la faon dont les migrants ou les migrants de retour sont perus par la population ou les pouvoirs publics est variable, allant du sentiment dabandon llvation des expatris au rang de hros nationaux. En outre, les opinions semblent aussi tre faonnes par des facteurs tels que la dure du sjour ltranger, les incidences sur la famille ou la communaut reste au pays, et la situation conomique qui prvaut dans le pays dorigine. Au Mexique, le Pew Research Center a interrog en 2009 1 000 adultes qui, dans leur majorit (62 %), ont dclar que, sils le pouvaient, ils ne sinstalleraient pas aux Etats-Unis dAmrique, alors quune importante minorit dentre eux (33 %) se sont dit prts le faire. Parmi ces derniers, 55 % (soit 18 % de lchantillon total) ont estim quils taient prts tenter leur chance sans autorisation. Prs de la moiti des personnes interroges (48 %) pensaient quil ntait pas bon pour le Mexique que tant de ses ressortissants vivent aux Etats-Unis dAmrique, tandis que 42 % ont exprim lopinion inverse. Environ 81 % ont considr comme tant trs problmatique le fait que les Mexicains quittent le pays pour trouver du travail ltranger. Une tude petite chelle ralise dans quatre provinces du Viet Nam fait galement apparatre des divergences de vues sur lmigration mme si, dans leur majorit, les personnes interroges y taient favorables. Des tudes quantitatives et qualitatives ont rvl que la plus grande partie de la population, ainsi que les autorits locales tous les chelons, dfendaient la migration de main-duvre. La majorit des personnes interroges pensaient que la migration tait bnfique la fois pour leur famille et pour la communaut. Elles taient 11 % tre dfavorables la migration.

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Voir http://pewglobal.org/files/pdf/165.pdf

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