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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique Thème 10 : Inflation et déflation I. Définition, mesure et évolution de l’inflation 1) Définitions et mesure 2) L’inflation conjoncturelle du XIXè siècle à 1945 L’Edit du Maximum (301) et la « Réponse au paradoxe de Malestroit » 1568 Le XIXe siècle : stabilité des prix et mouvements longs Les amples fluctuations de l’Entre deux guerres 3) L’inflation structurelle de 1945 au début des années 1980 ; produit de la régulation monopoliste Deuxième GM et reconstruction Les premières poussées inflationnistes (1957-1973) La poussée inflationniste entre 1974 et 1980 4) La désinflation à partir des années 1980 De l’inflation forte à la désinflation dans les 1980’s La grande modération à partir des 1990’s 5) La « lowflation » et la menace de déflationniste ; la stagnation séculaire II Les sources de l’inflation 1) L’inflation par la monnaie La théorie quantitative de la monnaie Le monétarisme 2) L’inflation par la demande 3) L’inflation par les coûts 4) L’inflation comme phénomène structurel et institutionnel Concurrence et stabilité des prix et des salaires au XIXe siècle Un contexte institutionnel favorisant l’inflation rampante dans les 30 glorieuses Déréglementation, mondialisation et modération des prix et des salaires 1

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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique

Thème 10 : Inflation et déflation

I. Définition, mesure et évolution de l’inflation

1) Définitions et mesure 

2) L’inflation conjoncturelle du XIXè siècle à 1945 L’Edit du Maximum (301) et la « Réponse au paradoxe de Malestroit » 1568 Le XIXe siècle : stabilité des prix et mouvements longs Les amples fluctuations de l’Entre deux guerres 

3) L’inflation structurelle de 1945 au début des années 1980   ; produit de la régulation monopoliste Deuxième GM et reconstruction Les premières poussées inflationnistes (1957-1973) La poussée inflationniste entre 1974 et 1980

4) La désinflation à partir des années 1980 De l’inflation forte à la désinflation dans les 1980’s La grande modération à partir des 1990’s

5) La «   lowflation   » et la menace de déflationniste   ; la stagnation séculaire

II Les sources de l’inflation

1) L’inflation par la monnaie La théorie quantitative de la monnaie Le monétarisme

2) L’inflation par la demande

3) L’inflation par les coûts

4) L’inflation comme phénomène structurel et institutionnel Concurrence et stabilité des prix et des salaires au XIXe siècle Un contexte institutionnel favorisant l’inflation rampante dans les 30 glorieuses Déréglementation, mondialisation et modération des prix et des salaires

III. Effets de l’inflation

1) Effets redistributifs entre créanciers et débiteurs

2) Inflation et chômage   : la courbe de Phillips

3) Effets sur l’activité économique et la croissance Un effet positif sur la demande ? Les effets sur la croissance (à long terme) Les bienfaits d’une faible inflation

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IV Les politiques de lutte contre l’inflation

V Le retour de la menace déflationniste ?

1) Les Effets positifs de la déflation2) Les Effets négatifs de la déflation

Alourdissement de la dette  Choc d’offre négatif ; Sous investissement Choc de demande négatif

3) La déflation   : stagnation réversible ou irréversible   ?

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Module 4 : Déséquilibres, régulation et action publique

Thème 10 : Inflation et déflationBibliographie : Besbakh P., inflation et désinflation, Repères, la Découverte

I. Définition, mesure et évolution de l’inflation

1) Définitions et mesure : L’inflation est une augmentation générale et durable des prix. Il s'agit d'un phénomène persistant qui fait monter l'ensemble des prix ; « un processus de hausse cumulative et auto-entretenue du niveau général des prix ». Ce qui est a priori, impossible dans une vision théorique en termes de marché 

3 intensités de l'inflation :- rampante : aux alentours de 5% : inflation de croissance, moteur, lubrifiant.- rapide : de 10% à 15%- galopante : au delà de 50%, hyperinflation ... en 1923 en Allemagne 16%/jour, actuellement au Vénézuela près de 1000% soit au rythme de 60-70% par mois

La désinflation décélération de la hausse des prix ; l'inflation ralentit et la hausse des prix est devenue moins forte.

La déflation désigne un déséquilibre qui se traduit par une tendance à une baisse généralisée et durable des prix, On parle aussi de « lowflation »

La stagflation est un néologisme construit à partir de la contraction de stagnation et d'inflation. Il s’agit d’une situation économique caractérisée par une croissance de l'activité nulle ou très faible et une inflation. La stagflation s'accompagne en général d'un taux de chômage élevé.

La mesure de l'inflation et l'indice des prix L'indice des prix à la consommation (IPC) est l'instrument de mesure de l’inflation. Il permet d'estimer, entre deux périodes données, la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages..C'est une mesure synthétique de l'évolution de prix des produits, à qualité constante (est ce possible ?). Il est publié chaque mois au Journal Officiel.

Problèmes de mesure : - choix du panier (indice synthétique). Pour le calcul de l'indice des prix, l'Insee suit les prix d'un éventail très large de produits et de services. Ils sont choisis de manière à couvrir l'ensemble des produits et services proposés aux consommateurs. Ils sont tenus secrets.

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- choix de la pondération, évolution des goûts et innovations. L'INSEE procède à unchangement de pondération régulièrement afin de tenir compte du changement dans la consommation des ménages et dans les ménage-types.

Finalement, il convient d'avoir à l'esprit que tout indice des prix est une convention sociale qui peut différer d'un pays à l'autre.

Cependant, pour arriver à la monnaie unique dans les délais, l'UE a été obligée d'avoir une statistique harmonisée des indices des prix. Depuis 1996, la Commission de I'UE sort un Indice Pondéré des Prix Harmonisé (IPCH).

2) L’inflation du XIXè siècle à 1945Problème aussi ancien que le début de l’économie marchande

a) l’Edit du Maximum (301) et la « Réponse au paradoxe de Malestroit » 1568L’Edit du Maximum énoncé en 301 condamne à la peine de mort ceux qui augmentent abusivement les prix.

Puis forte inflation en Europe au XVIe siècle dont l’analyse a donné naissance à la Théorie Quantitative de la Monnaie Constat de l’économiste Jean de Malestroit en 1566 dénommée le paradoxe de Malestroit selon qui, selon la terminologie plus moderne, le prix nominaux calculés en monnaies courantes ont bien augmenté mais non les prix réels rapportés à la parité or.

Ainsi, l’auteur avance, que l’opinion publique se trompe en se plaignant du renchérissement qui affecterait les biens dans l’économie depuis 300 ans. Selon lui, la hausse des prix des denrées n’est qu’une apparence si seuls sont considérés les prix monétaires (monnaie de compte, soit livres, sols et deniers). Si les denrées sont également considérées en prix réels (en or et en argent), alors on observe qu’aucune hausse réelle n’a eu lieu.

Les insuffisances de l’explication de Malestroit sont mises en évidence par Jean Bodin, en 1568 dans la « réponse aux paradoxes de Monsieur de Malestroit » qui introduit en qque sort la théorie quantitative de la monnaieIl prouve que les prix ont au moins triplé depuis 100 ans et que, même si l’on calcule en espèces métalliques, une partie de la hausse subsiste. Pour lui, la raison principale est constituée par l’abondance d’or et d’argent arrivant du nouveau monde et introduite en France par les remises des migrants, le solde positif de la balance commerciale et l’entrée des capitaux. L’analyse de Bodin est confirmée par les statistiques d’arrivée des métaux précieux en Europe.

Avec le recul, il semblerait que Malestroit ait vu juste pour la première moitié du XVIè, et Bodin ait vu juste pour la seconde

b) le XIXe siècle : stabilité et mouvements longsOn observe une relative stabilité des prix au XIXe siècle. 0.25% par an Ce fait est à relier évidemment, à l’extraordinaire période de stabilité monétaire au niveau international et aux politiques très sévères de surveillance du rapport entre masse monétaire et stock d'or réalisées par les différentes banques centrales et notamment la plus importante d'entre elles, la Banque d’Angleterre.

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Ceci répond aux désirs des nombreux rentiers anglais ou français vivant de prêts aux particuliers, ou d'achat de rentes d'Etat et autres emprunts russes. Cette stabilité est aussi à relier à la tendance à la baisse des prix industriels : gains de productivité, régulation concurrentielle. Des mouvements longs de prix (Kondratieff).

Ainsi, le Franc germinal subsiste avec la même parité vis à vis de l'or de 1802 à 1914, et la Livre Sterling de 1814 à 1914. Les périodes de croissance économique et d inflation au XIXème siècle correspondent à des découvertes de mines d'or.

Cette mentalité, comme la règle de prudence voulue par Ricardo au début du XIXème siècle voleront en éclat avec la « grande guerre ».

c) l’instabilité de l’Entre deux guerresL’inflation constante démarre après 1918 surtout en Europe et notamment du fait de l'endettement des Etats européens à la suite de la grande guerre. « C’est la première guerre mondiale qui marque la véritable entrée de la France dans l’ère de l’inflation « moderne » selon Picketty Les Hauts revenus en France au XXe siècle 2001

La hausse de prix est aisément explicable : - rareté de certaines productions industrielles et civiles,

- rareté relative de la main d’œuvre liée à la grande saignée de la guerre,

- et enfin, l’usage de la « planche à billets » pour résorber la dette de guerre de la France estimée à 125 Mds de francs or.

L'expérience du Cartel des Gauches entre 1924 et 1926 menée par le radical Herriot avec l'appui de la SFIO, se termine par le maintien de déficit budgétaire important et une inflation conséquente. De cette première expérience d'un gouvernement de gauche datent les deux idées-reçues suivantes : Celle des 200 familles qui a le pouvoir de briser les gouvernements de Gauche par le pouvoir de l’argent, et celle exprimée par la Droite qu'un gestion des finances publiques par la Gauche amène à une faillite financière et à l'inflation par démagogie et clientélisme électoral pour rallier les ouvriers.

De 1926 à 1936, sous des gouvernements de droite, l'inflation française est maîtrisée, la monnaie nationale se positionne comme la devise de référence en matière de stabilité, de sérieux et de valeur et la France comme la championne de la stabilité des prix dans le monde industriel.. Le Franc fort est créé dans un premier temps par Poincaré qui, de 1926 à 1928, mène une politique de rigueur en matière de finances publiques, puis ramène la parité-or du Franc mais à un niveau plus modeste que celle du Franc Germinal. Puis, les gouvernements Tardieu et Laval contribueront à poursuivre l'heure de stabilité financière et monétaire malgré la Crise de 1929 à travers une politique orthodoxe en matière de finances publiques et même sous l'influence de J. Rueff, ministre des finances sous le gouvernement Laval, baissera les salaires des fonctionnaires de 10 % pour briser les rigidités à la baisse des prix.

De 1936-1939 retour de la gauche ; on assiste à une plongée dans le cycle inflation-dévaluation. Les accords Matignon ont accordé de fortes hausses de salaires aux ouvriers mais cette hausse du pouvoir d'achat sera de courte durée. En fait, mal acceptées par le patronat qui a cédé sous la pression du mouvement ouvrier, ces hausses seront vite comblées par des hausses non moins importantes des

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prix industriels de gros comme de détails. L'inflation par spirale Prix-salaires, amène le gouvernement Blum à dévaluer le Franc, une première fois en septembre 1936. Les trois années qui suivent ne seront qu'une répétition de ce schéma.

3) L’inflation de 1945 au début des années 1980

a) Deuxième GM et reconstructionForte inflation pendant la 2GM et la reconstruction: l’hyperinflation de l'après-guerre surtout en France (jusqu’à 50%), RU, Italie.

Forte inflation en France du fait :- La pénurie des biens et début de la guerre froide avec l'année 1947 → des hausses de salaires suite à la forte poussée de revendications salariales : prix très élevés des produits de première nécessité, marché noir, pénurie plus moins organisée mécontentent fortement les salariés qui, par des mouvements de grève importants, obtiennent de fortes hausses de salaire. Après le départ des ministres communistes en 1947, les conflits sociaux seront d'autant plus importants car la CGT et le PCF ne sont plus liés au gouvernement et les salaires augmenteront de 40% durant cette année. - La hausse du prix des matières premières (de 50% en 1951) consécutive à la guerre de Corée (1950-53) et à la menace d'une troisième guerre mondiale. Ceci entraîne un surcroît d’inflation par le mécanisme de l'inflation importée

b) Les 30 glorieuses et les poussées inflationnistes Selon Jean BOUVIER historien français (1920-87) : l’inflation est « une invention du 20ème siècle ». 19ème siècle : stabilité prix LT. France : taux d’inflation 0.25%/an.Entre-deux-guerres : alternance inflation (plus forte) et déflation subsiste.

Les 30 glorieuses sont une ère d’inflation permanente bien que modérée.Un contexte institutionnel favorisant la hausse des prix et des salaires mais aussi des chocs exogènes engendrent des poussées inflationnistes.

L’inflation de 1957-58 qui s’explique aux EU par les dépenses militaires (guerre froide) à 10% du PNB américain

La France connaît, pour sa part, une forte inflation (15.1% en 1958) liée aux déficits budgétaires causés par les dépenses d’armement (guerre de Suez, de décolonisation), les tensions sur le marché de travail qui enregistre un plein-emploi et aux circuits de distribution archaïques

L’inflation de 1960-63 (entre 3.5 et 5%)Aux EU, l'administration Kennedy/Johnson organisera un complément de sécurité sociale avec le Medicare et Medicaid. Les politiques monétaires expansives (non respect du SMI) ; création de $ par montée de l'endettement fédéral qui permettront le développement du marché des Eurodevises et également transmettra l'inflation américaine dans les autres zones économiques. En RFA, l'arrêt de l'immigration des allemands de l'Est avec la construction du mur de Berlin (1961) pose des tensions sur le marché du travail qui est au plein-emploi. Le déficit budgétaire causé par les dépenses sociales en forte hausse et la poussée des salaires liée à la situation du marché du travail, conduisent à une inflation de près de 4% jugée inopportune par la ''Buba''. Il est fait appel à la main d'œuvre turque (160 000 en 1959 et 1,3 million en 1966), le DM est réévalué pour décourager l'afflux de capitaux et le crédit est renchéri d'où une légère contraction de l'activité économique.

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En France, les luttes pour la 4ème semaine de congés payés (Renault 1962), l'arrivée de 900 000 « pieds noirs » occasionnent une poussée d'inflation et un déficit public.

Devant la nécessité de réduire la montée de l'inflation, VGE lance le plan de stabilisation en 1963 : - blocage momentané des prix, - encadrement du crédit, - essai de politique des revenus (tentative pour désindexer les salaires aux prix et promouvoir une progression raisonnable et négociée des salaires).Un front du refus très large s'installe alors.

L’inflation à partir de 1968 ≥ 5% C'est la première qui intervient simultanément dans les PDEM ; 1968-1973: taux d'inflation dans les pays de l'OCDE supérieurs à 5%

Le déficit budgétaire crée par la guerre du Vietnam En France, une hostilité politique au gouvernement Gaulliste de la part des jeunes et des ouvriers éclatera avec les « évènements de mai 68 » ; hausse des salaires et des prestations sociales obtenue aux accords de Grenelle

c) La seconde montée de l’inflation (1974-1980)

8% en moyenne dans les pays de l’OCDE sur la période 1975-79 (4% en RFA). Pics d’inflation en 1974-75 : 13,7% en France, 27% au RU, 9% aux USA.

Phrase de Pompidou : « mieux vaut l’inflation que le chômage »

Inflation par les coûts des matières premières D'abord, à partir de 1970, le prix du pétrole monte et annonce les chocs pétroliers de la décennie 70.

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1er choc pétrolier : prix du pétrole multipliés par 4. L'inflation importée est d'autant + forte qu'il y déjà de l'inflation. Le choc pétrolier révèle les tensions inflationnistes.2e choc pétrolier : prix multipliés par 3.

Inflation par le coût du travail Le Fordisme aussi joue un rôle non négligeable dans l’inflation par les coûts ; partage de la VA en faveur des salaires. En 1974 augmentation des salaires nominaux de 8% USA, 12% ALL, 17 % GB, 19 % FR, 16 % JAP

Il y a également la structure des prélèvements fiscaux (TVA introduite en 1954) et sociaux (cotisations sociales). Développement du « coin fiscal »

Inflation par la monnaie L'abondance de liquidités internationales notamment liée à la profusion de $ par les IDE américains et l'intervention militaire au Vietnam, est aussi un élément important de contexte inflationniste mondial.

Inflation par les structures des marchésOn peut aussi mettre l'accent sur les comportements tacites d'ententes, de cartels entre producteurs à mentalité corporatiste privilégiant les revenus au détriment de la collectivité

On peut également évoquer la structure de financement des investissements par l'endettement ; économie d’endettement

Enfin, la gravité des changements sociaux (fin de la « paysannerie traditionnelle, du petit commerce », exode rural, luttes ouvrières pour le pouvoir d'achat et la reconnaissance sociale et politique, conflits sur les valeurs sociales comme le mariage la place de la femme dans la société...), explique que l’inflation ait pu agir comme une drogue adoucissant les difficultés liés à la rapidité des évolutions.

La spirale inflationnisteL’inflation devient auto entretenue, cumulative, voire exponentielle. Elle cesse d’être contrôlable, et n’a besoin d’aucun élément extérieur pour se développer.

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Augmentation des salaires Masse monétaire croît Demande solvable supérieure à la productivité plus vite que production augmente plus vite qu’offre

Revendications salariales Augmentation des prixpour ajuster l’offre à la demande

La spirale inflationniste repose sur trois effets :Un effet cliquet. L’inflation résiste à la baisse. Les agents concernés ne veulent pas revenir en arrière. Les hausses de salaire sont acquises de façon définitive, même si leurs causes ont disparu. Et pire : le rythme d’augmentation de salaire et de prix est acquis, en sorte que les augmentations de salaires anticipent les augmentations de prix, qu’elles produisent donc.Un effet perroquet : chaque prix hisse le prix des autres produits derrière lui (ce qui est naturel parfois :par exemple lorsque l’augmentation du prix du pétrole se produit, il y a augmentation du prix de l’essence), même ceux qui n’ont pas de lien direct avec lui (chacun cherche à rétablir le niveau de ses prix relatifs, même s'il n'a pas de raison de monter son prix). Un effet de résonance : chaque agent économique demande la parité de revenu par rapport à l’inflation. Aussi une hausse des prix entraîne une hausse des revenus puis des prix à nouveau, par vague.

Résumé des différentes interprétations de l’inflationInflation par la monnaieThéorie quantitative de la monnaieVitesse de circulation fixe de la monnaieLaxisme des autorités monétairesAnticipations inflationnistes

Inflation par les coûtsAugmentation des salaires supérieure à la productivité.Augmentation des charges sociales et des impôts : L’Etat augmente la pression fiscale, et les agents économiques cherchent à la compenser.Epuisement des matières premières dont les prix augmententLes importations augmentent (courbe en J)Dépréciation de la monnaie nationaleCoût de l’endettement.

Inflation par la demandeInsuffisance de la capacité de productionBaisse du taux d’épargneDéthésaurisationEntrée de revenus supplémentaires (balance commerciale positive ou investissements de capitaux étrangers).Dépenses à effet productif différé.Goulets d’étranglement.Stimulation de la demande alors que le marché du travail et au plein-emploi

Inflation par les structuresRôle des syndicatsLégislation socialeConcentration des producteurs : les firmes motrices entraînent les prix à la hausse (structure oligopolistique du marché).Recherche de la hausse des profitsGlobalisation des négociations salariales : pas d’adaptation des hausses de salaires aux situations de chaque entreprise, impossibilité de négociation d'un partage acceptable de la valeur ajoutée.Inégalités des conditions de production : inflation de productivité (ajustement difficile des prix entre secteurs plus ou moins productifs).

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4) La désinflation à partir du début des années 1980

a) De l’inflation forte à la désinflation dans les 1980’s Désinflation marquée pour le RU : 5-6 % en 1982 et la France : 3% en 1986, mais la hiérarchie selon les pays change peu (inflation faible en RFA).

Facteurs de désinflation : Politiques monétaires monétaristes, soft landing du $ Face à cette poussée des prix, la réaction viendra des autorités monétaires américaines, puis britanniques pour, ensuite, être suivie par toutes les autres banques centrales.Ainsi, en octobre 1979, la FED sous l'égide du très médiatique P. Volcker, directeur en titre de la banque centrale américaine, lance une politique sur le long terme, basée sur les principes monétaristes de l'école de Friedman :

Contre choc pétrolier ; effondrement du prix du pétrole de 1986, Evolutions institutionnelles à commencer par l’affaiblissement des syndicats :+ L'UAW aux USA accepte une réduction des salaires en échange de l'emploi de ces adhérents.+ Le TUC en GB passe de 43 millions d'adhérents à 9 millions avec réglementation des conflits sociaux sous le gouvernement Thatcher (1979-1984) + En Allemagne comme aux Pays-Bas, acceptation d'une modération des salaires en échange d'une politique plus en faveur du maintien de l'emploi (compromis de 1982 en Hollande). + Au Japon, la forte inflation de 1974 avait déjà permis au patronat de refuser les augmentations de salaire lors des traditionnelles « offensives de printemps » + En France, la désindexation salariale viendra avec le plan Delors de 1983 et la défaite électorale du PS en mars 1983 aux élections municipales qui fait suite à l'échec relatif du plan Mauroy de relance de 1982.

Modification en profondeur des mécanismes de fixation des salaires (individualisation et salaire au méritant) et d'un partage de la VA en faveur des entreprises.

- Passage à une économie de marchés financiers qui exerce une véritable ''tyrannie'' sur les pays menacés par un retour à l'inflation.

Légère reprise de l’inflation fin des 1980’s – début des 1990’s : 4-6% (RU, Italie et même Allemagne avec la réunification).

b) La grande modération à partir des 1990’sLa « grande modération » est l’expression popularisée par les travaux de Claudio Borio à la Banque des Règlements Internationaux (BRI) pour désigner l’environnement macroéconomique de la fin des années 1990 et des années 2000 jusqu’au déclenchement de la crise financière en 2007. Taux d’inflation inférieurs à 2 % dans la plupart des pays de l’OCDE à partir de 1994. Cas de la déflation japonaise (taux d’inflation maximum de 1.8% en 1997).

Trois séries de facteurs sont généralement invoquées pour expliquer la Grande modération des années 1990-2000 :

• La conduite de politiques monétaires plus efficaces contre l’inflation que ce soit au EU ou dans l’UE- l’indépendance des BC → ↑crédibilité de la politique monétaire de lutte contre l’inflation 

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- La construction européenne accentue encore plus la pression à une faible inflation avec letraité de Maastricht et la nécessité de faire converger les 15 pays dans une limite étroite de hausse de prix.- Mais aussi la réunification allemande qui a généré une inflation par le biais d une spirale prix-salaire (en 1992, les salariés ouest-allemands obtiennent jusqu'à 8% de hausses de salaire) entraîne une réaction violente de hausse des taux d intérêt de la « Buba » et de son président H. Tietmeyer. Les autorités monétaires et politiques françaises suivent alors la même démarche Et enfin, le fait que la BCE, comme toutes les institutions jeunes, cherche à asseoir sa crédibilité internationale comme aussi son indépendance vis à vis de l'option publique et des gouvernements européens. Le meilleur moyen est, alors, de bien faire son travail qui consiste, en premier lieu, à garantir la stabilité de la monnaie et donc celle des prix.

• Des facteurs structurels liés à la mondialisation et au décollage de grands pays émergents.La mondialisation et la concurrence qu’elle accentue sur le marché du travail, des matières 1ères, des capitaux ont constitué un autre vecteur du basculement vers un régime macroéconomique à basse inflation. Il en est résulté un changement fondamental des mécanismes de formation des prix. On est passé d’un régime de prix gouverné par les vendeurs à un régime de prix dominé par les acheteurs (Aglietta, Berrebi, Cohen, 2009).

Aujourd’hui, du fait de la concurrence internationale, le pouvoir de marché est du côté des acheteurs. Cette pression sur les vendeurs, qui joue dans le sens d’une basse inflation, est amplifiée par le caractère durable de la situation de surproduction (suroffre) à l’échelle mondiale liée au processus de globalisation.

- Par ailleurs, la concurrence des travailleurs des nouveaux pays émergents à forte population (Chine, Inde en particulier), nombreux et de plus en plus qualifiés, conduit à un processus de dépression salariale dans les pays avancés, ce qui renforce les pressions à la baisse des prix.

Les politiques de réforme du marché du travail et de la détermination des salaires. On peut ainsi considérer qu’en Europe continentale, en France et surtout en Allemagne, les politiques de remise en cause de l’indexation des salaires sur l’inflation et les gains de productivité, ont été l’instrument principal de la désinflation des prix.

- la globalisation financière et le passage à des économies de marchés financiers et à une forte concurrence sur le marché des capitaux et monétaires (faible taux d’intérêt)

• Un concours de circonstances favorables, résumé dans la littérature sous l’expression « Good luck » On peut y mettre- les NTIC et les gains de productivité dans la 2ème moitié des 1990’s (fin du paradoxe de Solow ?) - le développement de l’économie collaborative et ses rendements toujours croissants voire même selon l’économiste Jeremy Rifkin  « la nouvelle société du coût marginal zéro », titre de son livre publié en 2015, et « l’économie du gratuit »

5) La «   lowflation   » et la menace de déflation   ; la stagnation séculaire (dans le sens durable)

Une crainte très ancienne : la menace déflationniste, la stagnation séculaire

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L’hypothèse d’une stagnation séculaire a été exprimée pour la première fois en 1938 dans un discours prononcé par A. Hansen finalement publié en 1939. Hansen s’inquiétait d’un investissement insuffisant aux États-Unis et du déclin de la population après une longue période de forte expansion économique et démographique.

Les craintes de Hansen ne se sont pas vérifiées grâce au baby boom  et aux nouvelles découvertes technologiques. Aujourd'hui, il y a toujours des optimistes en ce qui concerne les effets du progrès scientifique mais personne ne prévoit un nouveau baby boom.

II Les sources de l’inflationL’inflation un déséquilibre sur un ou plusieurs des marchés : B&S, financiers, du travail ; mais lequel plus exactement ?

1) L’inflation par la monnaie : Un déséquilibre sur le marché monétaire   ?

a) La théorie quantitative de la monnaie

Les explications monétaires de l'inflation ont une filiation historique très ancienne. De l'explication par J. Bodin au XVIIème siècle de la hausse du prix du pain liée à l'abondance de métal précieux venus des Amériques, à la première version de David Hume en 1750 de la théorie quantitative de la monnaie, puis par Irving Fisher The Purchasing power of money 1911, les auteurs sont nombreux à présenter cette version de l’inflation.

Selon Hume et les autres, l’augmentation de la masse monétaire n’aurait aucune conséquence sur l'activité économique. Mais sur les prix certainement : « Doubler la quantité de monnaie sert seulement à faire monter le prix de toute chose sans autre conséquence .... car, c'est la proportion entre la monnaie et toutes les catégories de marchandises qui fixe leur valeur réciproque » En réalité, D. Hume distingue le court et le long terme. Sur le long terme, la quantité de monnaie ne change rien à l'activité économique ; seuls les prix changent ainsi que le phénomène de l'inflation. Par contre, sur le court terme, une hausse modérée des revenus et des prix stimule l'activité économique. Ce qu'appréciait Keynes qui disait que l'homme vit essentiellement dans le court terme et non dans un monde de longue période.

On sait que la théorie quantitative de la monnaie (TQV) fut reprise par Ricardo pour soutenir le projet de réforme de la Banque d'Angleterre et strictement circonvenir la création de billets à un certain stock d’or : le Currency School

b) Le monétarismeCependant les principaux défenseurs de cette vision économique au 20ème siècle seront bien sur les économistes de l'Université de Chicago sous la houlette de Friedman.Friedman, The Quantity Theory of Money – A Restatement (1956). « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ».

Ce dernier a construit une théorie complète pour réfuter point par point la thèse keynésienne du bien-fondé de l'intervention monétaire et budgétaire de l'Etat.

Friedman dans son analyse, part de la vieille équation quantitative de la monnaie : MV = PT ou PY

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2) L’inflation par un déséquilibre sur le marché des B&S   : un choc de demande   positif ? un choc d’offre négatif   ? Bien sûr, l’offre et la demande de B&S est liée à la quantité de monnaie en circulation.

Mais la demande peut augmenter même à offre de monnaie constante : - hausse de la consommation privée (ménages et entreprises) - hausse de la demande des administrations publiques liée à une politique de déficits publics. - hausse de la demande extérieure et donc de l'excédent des échanges commerciaux avec l'étranger.

La hausse de la demande engendre de l’inflation lorsque les capacités de production sont pleinement employées mais cela peut aussi arriver si les capacités de production sont sous employées.

De même s’il y a choc d’offre sur des B&S à faible élasticité prix : loi de King

Cependant, il est aisé de constater que le déséquilibre Offre-demande ne peut guère subsister à moyen et long terme dans une véritable économie de marché.

3) L’inflation par les coûts de production

L’inflation peut subvenir lorsque la hausse des salaires et/ou des charges salariales appeléaussi « le coin fiscal et social » (en comprenant le coût de la protection sociale qui pèse sur les salaires) dépasse celle de la productivité globale des entreprises. - par principe de productivité : les coûts du travail augmentent plus vite que la productivité, - par principe de parité (modèle Balassa Samuelson PED): demande d'alignement sur les autres salariés mieux payés de même qualification.- par principe de pouvoir d’achat : revendication de hausse salariale pour compenser la hausse des prix.Autant de situation qui impactent le partage de la valeur ajoutée et risque de se répercuter sur les prix à la consommation. Risque de boucle prix-salaires et spirale inflationniste

Mais aussi lorsque les consommations intermédiaires et produits de base augmentent parinflation importée et/ou par phénomène de change : dépréciation-dévaluation de la monnaie

Pourtant, ce schéma suppose un ensemble d'hypothèses très restrictives pour fonctionner ainsi : - La hausse initiale du coût des facteurs ne doit pas affecter seulement un agent ou une sorte d'agent économique mais un ensemble suffisamment important d'agents pour que le phénomène d'entraînement mimétique ou autre l’emporte.

- Les structures économiques doivent être très éloignées de celles décrites dans le schéma de la CPP : rigidité des prix sur les marchés des B&S ou encore sur le marché du travail. Plus exactement, elles doivent être oligopolistiques avec des organisations patronales et syndicales qui structurent les comportements économiques en les schématisant à l'extrême : « price maker ».

- Pour que le mécanisme se développe et s'amplifie en spirale inflationniste, il faut également que le 13

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partage des gains de productivité se déroule dans un climat de luttes sociales intenses avec une rareté de l'offre de travail et une situation proche du plein-emploi. Ce fait explique alors que les entreprises cèdent plus facilement en cas de revendications syndicales portant sur les salaires.

- Enfin, la spirale est facilitée si l’ouverture de l’appareil productif et les importations ne sont pas trop importantes. Si tel n’est pas le cas, concurrence des produits étrangers et limite de la hausse des prix

Comme on aura pu le constater, les hypothèses restrictives de ce type d’inflation (régulation monopolistique) font qu'elle aura particulièrement marqué une époque : celle des « trente glorieuses ». Force est de constater que la croissance actuelle est faiblement redevable de ce type d'explication.

4) L’inflation comme phénomène structurel et institutionnel

A travers l’observation des faits historiques, on peut établir une corrélation entre le contexte institutionnel, le mode de régulation économique et les rythmes d’évolution des prix

Dans les économies agraires, les crises (frumentaires) sont des crises inflationnistes car loi de King et politiques mercantilistes.

A l’inverse, on observe une stabilité des prix et des salaires au XIXe siècle ; les crises industrielles du XIXe siècle sont plutôt des crises déflationnistes. La « régulation concurrentielle » caractérisée par une flexibilité des salaires et de l’emploi favorise une évolution en phase des prix et de la production.

Pendant les « trente glorieuses », on a pu constater que les pays les plus inflationnistes possédaient des structures économiques plus propices que d'autres à la spirale prix-salaires. L’inflation rampante de cette période peut s’expliquer par une altération de la régulation concurrentielle et la mise en place d’une régulation monopoliste : - structure oligopolistiques des marchés via les concentrations technique, économique, financière des entreprises ; politiques protectionnistes- évolution des structures socioculturelles et développement de l’organisation ouvrière : lutte pour le partage de la VA, la consommation, la défense des revenus- rôle croissant de l’Etat

A l’inverse, la montée des prix des produits de base sur la période 2000-2008 (3e choc pétrolier) s’est faite sans générer d’inflation

Il y avait donc toutes les raisons de penser qu'il était possible que l'inflation mondiale reparte. Or ce ne fut pas le cas. Cela s’explique par la mise en place d’un nouveau mode de régulation favorisant la stabilité des prix :- Politiques macroéconomiques de lutte contre l’inflation. - une mise en concurrence des marchés du travail dans le cadre de la mondialisation économique → une déréglementation du marché du travail (plus grande flexibilité),- intensification de la concurrence sur les marchés des B&S et importations de B&S en provenance de pays à bas coûts, - une mise en concurrence des sources de financement ; remise en cause des économies d’endettement au profit d’économies de marchés financiers cette fois à l’échelle mondiale dans le cadre d’une globalisation financière ; - Mais aussi bien sûr par gains de productivité.

III. Effets de l’inflation 14

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1) Effets redistributifs de l’inflation entre créanciers et débiteurs

Au cours d’une période inflationniste : - la valeur réelle des actifs (liquidités, créances) diminue ; les créanciers s’appauvrissent. L’inflation, notamment en impliquant une baisse des taux d’intérêt réels, entraîne « l’euthanasie du rentier et du capital oisif » (Keynes (1936, chapitre 24)) ce qui est, selon Keynes, source d’équité

- et la valeur réelle des dettes en d’autres termes le taux d’intérêt réel diminue ; les débiteurs doivent moins et « s’enrichissent ». De manière générale, l'épargnant est victime et le débiteur est gagnant.

Dès lors, L’inflation pénalise - les détenteurs de monnaie liquide- les détenteurs de créances (créanciers) nominales stables, non indexées qui n'ont pas réussi à se prémunir contre l'inflation.

- les exportateurs (qui auront plus de mal à vendre leurs produits plus cher) et, par effet domino, leurs fournisseurs- les agents qui subissent une perte de pouvoir d'achat masquée par une hausse nominale du revenu non indexée à l’inflation, en d’autres termes ≤ inflation ;

L’inflation favorise- les débiteurs, les emprunteurs qui voient leur charge d'endettement diminuer au fil des années d'inflation.- les créditeurs qui ont réussi à se surprotéger contre l'inflation via produits dérivés- les détenteurs d'actifs : ex de l’immobilier (par opposition aux détenteurs de monnaie)- les détenteurs de stocks (lorsque ceux-ci ont été achetés avant ou en début de hausse des prix)- les importateurs (qui vendront plus facilement les produits étrangers dont le prix n'a pas de raison d'augmenter autant) et leurs clients (qui dépenseront moins, en terme réel, pour le même produit)

L’inflation est relativement neutre pour- les détenteurs de revenus indexés sur l'inflation et qui, de ce fait ne se trouvent pas perdants au jeu de l'inflation

- les créditeurs qui se sont correctement protégés

L’inflation provoque des adaptations- pression accrue en faveur de l'indexation des revenus sur l'inflation → spirale inflationniste selon FRIEDMAN car les salariés raisonnent a moyen terme en termes reels donc se rendent compte de l’inflation, donc que leur pouvoir d’achat est amputé, donc exigent nouvelles hausses salariales, ce qui accentue l’inflation etc.- hausse de l'endettement (puisqu'il est plus avantageux d'être débiteur que créancier)- incitation à investir (arbitrage en faveur des actifs productifs et de l'endettement, au détriment de la détention de monnaie et la situation de créancier) - hausses préventives des prix, des loyers, des taux de crédits, ...- révision des anticipations (accréditation de l'idée qu'un nombre croissant d'agents économiques agissent ou vont agir pour se prémunir de l'inflation)Mais aussi risque de fuite devant la monnaie, voire même « dollarisation »

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Pour Stephan Zweig dans son livre Le monde d’hier, «il faut le rappeler sans cesse, rien n’a aigri, rien n’a rempli de haine le peuple allemand, rien ne l’a rendu mûr pour le régime de Hitler comme l’inflation… Toute une génération n’a jamais oublié ces années, ne les a jamais pardonnées à la république allemande. » 

2) la courbe de Philipps   : un arbitrage possible entre inflation et chômage

L’inflation peut elle agir sur le chômage ? y a-t-il lieu d’arbitrer entre inflation et chômage ?Sujet HEC 2016 : Les Etats ont ils encore à arbitrer entre le chômage et l’inflation ?

Dès les années 1930, Keynes met en évidence l’importance de l’action conjoncturelle et contracyclique des Etats. Ils peuvent agir sur l’inflation et l’emploi, mais aussi utiliser l’inflation pour l’emploi. On retrouve ces idées dans les grands modèles keynésiens : courbe de Phillips, carré magique de Kaldor, modèle IS/LM de Hicks (1937) et Hansen (1956)

Phillips publie en 1958 une étude intitulée “The relation between unemployment and the rate of change of money. Wage rates in the United Kingdom 1861-1957".  “Croissance des salaires et chômage au RU (1861-1967) »

Il obtient une relation empirique présentant quatre caractéristiques essentielles 

- elle est décroissante :

- elle n’est pas linéaire :

- elle est stable et continue :

- La courbe coupe l’axe des abscisses en un point, correspondant dans l’étude de Phillips à un taux de chômage de 5,5%

Prolongeant Phillips, Lipsey puis Samuelson et Solow ("Analytical aspects of anti inflation policy", 1960) transforment la relation initiale de Phillips en une relation entre taux de chômage et taux d’inflation. Afin d’opérer le changement d’ordonnée, il est nécessaire d’expliciter la relation qui unit variation des salaires nominaux et variation des prix :

Ces gains de productivité sont de l’ordre de 3% au Royaume-Uni entre 1861 et 1957 : pour une hausse des salaires de 3%, l’inflation doit donc être nulle. 

Cette relation, dite courbe de Phillips, met en évidence une relation inverse entre chômage et inflation: une diminution du chômage entraîne une accélération de l’inflation, une augmentation du chômage entraîne un ralentissement de l’inflation. Deux pans de l’analyse économique jusqu’alors séparés sont mis en conflit ; un conflit entre stabilité des prix et plein-emploi apparaît, qualifié par Samuelson de " cruel dilemme ". 

Lipsey a appelé ce point de jonction NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment) : c’est le taux de chômage garantissant la stabilité des prix. Le NAIRU, ou « taux de chômage naturel » selon les monétaristes est défini par l'OCDE comme le « taux de chômage d'équilibre vers lequel le chômage converge, en l'absence de chocs d'offre temporaires, une fois que le processus d'ajustement dynamique de l'inflation est achevé » ; c’est une sorte de chômage de plein emploi

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Selon la synthèse néokeynésienne, lorsque le taux de chômage est supérieur au NAIRU, il est alors possible de mettre en place une politique monétaire expansive, accomodante sans risque de provoquer des tensions inflationnistes. En revanche, toute tentative de faire tomber le taux de chômage sous le seuil du NAIRU par des politiques budgétaire et monétaire « de relance » serait vaine et n'aurait comme conséquence que d'augmenter le taux d'inflation sans faire diminuer le chômage

Il est variable selon les paysL'OCDE et le FMI publient régulièrement des estimations du NAIRU pour la plupart des pays développés.

Pays Moyenne 1990-94 2000 2014Allemagne 6.8% 8.0% 6.3%Etats Unis 6.0% 5.3% 6.1%France 9.2% 9.0% 9.2%Grèce 8.4% 10.6% 16.8%Japon 2. 9% 4.0% 4.3%Norvège 4.7% 3.8% 3.3%Royaume Uni 8.8% 6.1% 6.9%

La critique monétariste de l’arbitrage entre inflation et chômage Milton Friedman montre en 1968 dans The Role of monetary policy, que l’arbitrage entre inflation et chômage existe à court terme mais disparaît sur le long terme.  En effet, l’illusion monétaire n’existant qu’à court terme, la relance monétaire ne peut que réduire le chômage de manière fallacieuse et transitoire (anticipation adaptative).

Friedman et Phelps introduiront la notion de « chômage naturel » dont le niveau, plus ou moins élevé, résulte des caractéristiques structurelles réelles des marchés du travail et des produits de base, y compris les imperfections du marché, le coût de la collecte d'informations sur les offres d'emploi et les disponibilités de main-d'œuvre, salaire minimum, prix administrés, les coûts de mobilité, etc.

Ce taux est indépendant du taux d'inflation et la politique monétaire ne peut pas modifier durablement le taux de chômage.

En effet, si le gouvernement s’engage dans une relance monétaire, il provoque une accélération de d’inflation (théorie quantitative de la monnaie), qui entraîne elle-même une baisse du salaire réel. A court terme, les agents sont bien victimes de l’illusion monétaire : ils ne s’aperçoivent pas immédiatement que leur salaire réel a baissé ; compte tenu de cette baisse du salaire réel, les entrepreneurs augmentent leur demande de travail et le taux de chômage baisse en dessous du NAIRU. A court terme, la relation décroissante entre chômage et inflation est vérifiée.

Mais cet arbitrage n’est pas durable : dans un second temps, les agents anticipent la hausse des prix et réclament un réajustement salarial ; le salaire réel retrouve son niveau de départ et l’on revient au taux de chômage d’origine… mais avec un taux d’inflation plus élevé.

L’inflation n’est pas une condition pour baisser le chômage, c’est un « mal absolu » qu’il faut éradiquer : tournant libéral des années 80’s.

 

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La critique des nouveaux classiques (NEC) de l’arbitrage entre inflation et chômage  Le courant des nouveaux classiques (Lucas, Muth, Sargent, Wallace, Barro) constitue une radicalisation de l’analyse friedmanienne de la courbe de Phillips. Cette radicalisation repose sur l’hypothèse des anticipations rationnelles : les agents anticipent parfaitement les conséquences d’une décision, ils ne sont donc jamais victimes de l’illusion monétaire. 

Dans ces conditions, si l’Etat mène une politique monétaire expansive, les agents anticipent immédiatement l’augmentation du taux d’inflation et réclament aussitôt des hausses de salaires : la relance n’a aucun effet sur le chômage, ni à long terme ni à court terme, et se traduit uniquement par une accélération de l’inflation. Pour les nouveaux classiques, la courbe de Phillips est une droite verticale, à court terme et à long terme.

Les faits en matière d’arbitrage entre inflation et chômageUn arbitrage qui marche jusqu’au milieu des 1970’sLe prolongement de Phillips par Samuelson et Solow, vérifié empiriquement dans les années 1960, constitue l’un des fondements des politiques de relance pratiquées alors, notamment les « politiques de stop and go » utilisées dans l'ensemble des PDEM jusqu'en 1980.

Les politiques de « stop and go »

  Principaux objectifs Principaux moyens Risques

Politique de relance : go

Stimulation de la croissance

Augmentation des revenus Inflation

Deficit Budgetaire déséqulibre extérieurPol Mo: baisse du Ti Surchauffe de l'économie

Politique de rigueur :

stop

Lutte contre l'inflation Modération des revenus Ralentissement de la croissanceRétablissement des

équilibres extérieursLimitation du déficit ext.

Pol Mo: hausse du Ti Hausse du chômage

Résultats : taux de croissance annuel moyen de 5% en France avec un chômage de 3% mais au prix d’une inflation rampante comme l’ont montré Lorenzi, Pastré et Toledano (la crise du XXème siècle) Déclaration de Pompidou « mieux vaut l’inflation que le chômage ». une pression pour privilégier le chômage sur l’inflation même si cela risque de se faire dans le cadre d’un conflit inter générationnel ;

Un arbitrage entre inflation et chômage largement remis en question   à partir de 1973 , car :- Factuellement. Les chocs pétroliers remettent en question la validité de la courbe de Phillips (le chômage et l’inflation progressent simultanément). La stagflation décrédibilise les politiques keynésiennes

Théoriquement. Dans les années 1970-80 s’opère aussi et surtout un changement de paradigme. On assiste au retour des théories classiques et néoclassiques (Hayek).

Institutionnellement. Ces théories ont influencé le personnel politique (Reagan, Thatcher) et ont motivé des changements institutionnels. Les BC seront rendues indépendantes et auront à suivre des politiques de règles. La politique monétaire va donc être séparée de la politique budgétaire et rendue indépendante. Les Etas ne peuvent donc plus vraiment faire d’arbitrage, la BC peut le faire. De leur

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côté, les Etats peuvent utiliser la politique budgétaire pour lutter contre le chômage, mais ce levier se heurte à la crise des dettes publiques

Il convient donc de redéfinir les relations entre chômage et inflation ainsi que l’influence de l’Etat sur ces dernièresToutefois, face à la crise de 2008-2009, alors que les pays de l’OCDE connaissent en moyenne une récession de 4.5%, les Etats et les Banques centrales ont fait le choix de politiques inflationnistes (baisse des taux d’intérêt directeur, injection de liquidité, voire mesures non conventionnelles, et côté budgetaire : prime à la casse pour soutenir le marché automobile et éviter une chute des prix, etc. D’où l’aggravation des comptes publics et de la dette publique à l’échelle mondiale. La relance de 2008 s’enracine dans la tradition keynésienne

A l’heure de la menace de la stagnation séculaire (Summers, Gordon, Cowen), les Etats doivent tenter de renouer avec l’inflation et l’emploi grâce à des politiques structurelles (et pas seulement conjoncturelles) et en soutenant l’innovation.

D’autant plus qu’à partir des 2015’s on s’aperçoit que le plein emploi voire les tensions sur les marchés du travail des PDEM (Allemagne, EU par ex) ne génèrent plus de tensions inflationnistes

3) Effets de l’inflation sur l’activité économique et la croissance

a) Un effet positif sur la demande ?A priori non Friedman avait coutume de conclure que l'inflation est comme une drogue avec accoutumance. Au début, l'effet est entraînant puisque les agents constatent que leurs revenus nominaux augmentent rapidement, que leur endettement se réduit aussi d'année en année. Mais, progressivement, les effets pervers se révèlent plus importants. La spirale prix-salaire s'emballe à un niveau de plus en plus élevé, les agents économiques ne raisonnent plus sur la réalité mais sur l'idée de toujours gagner plus même si c'est nominalement et non réellement et, peu à peu, le calcul économique des entrepreneurs est déstabilisé.Friedman, dans sa vision pessimiste a-t-il forcément raison ?

Toutefois, l’inflation peut stimuler la consommation et serait même le moteur de la croissance selon Keynes En effet, l’inflation peut stimuler la consommation, par « illusion monétaire », « effet richesse » lorsqu’ils constatent que leurs revenus nominaux augmentent rapidement, que leur endettement se réduit aussi d'année en annéeMais aussi par « effet d’anticipation » et de « fuite devant la monnaie » par crise mimétique.

- Elle peut stimuler l’investissement via l’incitation à l’endettement (effet levier) suite à une comparaison entre le « taux d’intérêt réel » et le « taux d’intérêt naturel» à savoir le rendement marginal net du capital. La théorie monétaire de l’économiste suédois Knut Wicksell repose sur le concept de taux d’intérêt naturel. Ce taux théorique est déterminé par le rendement marginal net du capital Le taux d’intérêt naturel guide l’accumulation du capital

Ainsi si « taux d’intérêt réel » ≤ « taux d’intérêt naturel» (situation qui peut arriver en période d’inflation si en même temps phase de mutations du progrès technique, du redéploiement des structures de production, des engouements de l’esprit d’entreprise) → effet levier

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- Mais elle peut, au contraire, favoriser l’épargne par « effet d’encaisses réelles négatifs ». Arthur Cecil Pigou a suggéré une hypothèse reposant sur l'idée que la monnaie est une richesse. Cette hypothèse revient à admettre que les agents maintiennent constamment le rapport entre la valeur réelle des encaisses monétaires ou des actifs monétaires (M/P) et leurs demandes de biens de consommation et de biens de production (C+I).Pigou suppose que les épargnants souhaitent simplement maintenir la valeur de leur portefeuille (d’actifs réels et financiers, de créances et de dettes) M/P : si cette valeur croît, (effet d’encaisses réelles positifs) le surplus dégagé servira en fait à alimenter la demande de biens de consommation. Le mécanisme de cet effet Pigou repose sur l'idée que l'augmentation de (M/P) accroit la richesse des agents, lesquels se sentant plus riches, consomment et investissent plus.A l’inverse si baisse de M/P du fait de l’inflation, baisse de la richesse des agents (effet d’encaisses réelles négatifs) qui se sentant plus pauvres vont consommer et investir moins

A l’observation, l'effet Pigou s'observe surtout en cas de faible inflation ; au delà d'un certain seuil, l'effet de fuite devant la monnaie devient prédominant.

b) Les effets de l’inflation sur la croissance (à long terme) Barro (1995) a recherché le lien entre l'inflation et la croissance économique en utilisant un grand échantillon comportant plus de 100 pays de 1960 à 1990. Ses résultats empiriques ont montré qu'il existe une relation significativement négative entre l'inflation et la croissance économique si certaines caractéristiques des pays (l'éducation, le taux de fécondité, etc....) sont maintenues constantes. Plus spécifiquement, une hausse de 10 % d’inflation par an réduit le taux croissance réel par tête de 0,2 à 0,3 points par an.

A moyen terme : risque de spirale puis de crise inflationniste. L'inflation est un phénomène cumulatif qui s'auto entretient : « la hausse des prix nourrit la hausse des prix ». L'inflation forte est dangereuse car elle entraîne des comportements de fuite de la monnaie : les agents économiques préfèrent consommer plutôt que d'épargner car anticipent une inflation encore + forte d'autant que l'inflation les taux d'intérêts réels.

Par ailleurs, dans un contexte de globalisation, perte de compétitivité prix et dégradation de la balance courante mais également des comptes financiers car les pays sont mis en concurrence auprès des investisseurs qui placent leurs capitaux là où les taux de change sont élevés ; or l’inflation abaisse le taux de change et crée de l’incertitude sur l’évolution future du niveau des prix : ce que les investisseurs fuient car ne peuvent rien anticiper. Le duo : forte inflation/faible valeur de la monnaie, amène à un doute des opérateurs financiers sur la solidité de l'économie nationale.

Effet néfaste sur la qualité de l’information véhiculée par les prix.

Nécessite des politiques de redressement très douloureuses ;

c) Les bienfaits d’une faible inflationfaible inflation = Monnaie forte et forte croissance : Barou et Kreiger dans Les Grandes économies, paru en 1989, parlent de cercle vertueux pour l’économie ouest-allemande depuis 1945

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Faible inflation = monnaie forte = désinflation compétitive = nécessité de faire une compétitivité/qualité ou produit fortes = industrie « price-maker » = excédent commercial important = entrée de devises = monnaie forte et faible inflation Inspiré de l’ordolibéralisme : la mission éco de l’Etat est de créer et maintenir un cadre normatif permettant la concurrence libre et non faussée entre les entreprises Etat = ordonnateur

Ces arguments ont tellement porté, que le Traité de Maastricht est marqué par l'idée d'une maîtrise très forte des équilibres monétaires et financiers peut-être au détriment de ce qui pourrait unir plus politiquement et socialement des citoyens issus de culture différente.Cette culture du modèle rhénan a largement été critiquée par plusieurs auteurs tant libéraux que keynésiens craignant que « le malade ne meurt en bonne santé »

IV Les politiques de lutte contre l’inflation

Si on reprend l’  « effet d’encaisse réel » de Pigou, l’inflation peut se résoudre d’elle-même sans qu’il ne soit nécessaire d’adopter une quelconque politiqueEn effet, Pigou suppose que les épargnants souhaitent simplement maintenir la valeur, le pouvoir d’achat de leurs encaisses, de leur portefeuille M/P : si cette valeur M/P croît, le surplus dégagé servira en fait à alimenter la demande de biens de consommation. A l’inverse si sa valeur baisse du fait de l’inflation, le manque à gagner se traduira par une baisse de la demande de biens de consommation et donc une baisse des prix.

Mais comme on l’a vu précédemment cet effet Pigou ne se réalise qu’en cas de faible inflation. Si tel n’est pas le cas, il faut que cet effet soit accompagné de politiques de lutte contre l’inflation

D’abord avec des politiques budgétaires de rigueur : Restriction budgétaire en baissant les dépenses publiques et augmentant les impôts,

Des politiques monétaires restrictives qui répondent, elles, à l’impératif de change fort. Les Classiques quantitativistes (comme FRIEDMAN) préconisent de contrôler la croissance de la masse monétaire par rapport à celle de la production réelle. Or une politique de restriction monétaire ne fonctionne que si elle est crédible auprès des agents, ce qui suppose l’indépendance des banques centrale de l’Etat (Banque de France 1994) 

De plus, un financement du déficit par les marchés financiers est préconisé car basé sur une épargne existante donc sans nouvelle création monétaire , à l’image de BCE qui ordonne à ses pays membres de ne pas monétiser leur dette.

Une politique d’une modération de la hausse des salaires (actions sur le salaire minimum : désindexation des salaires, sur les rémunérations dans le secteur public)

Mais à condition que la modération des salaires ne soit pas trop forte. En effet, La restauration des taux de marge est une condition nécessaire mais pas suffisante à la reprise de l’investissement car la désinflation provoque un « effet de massue » de WICKSELL (les taux d’intérêt réels sont très élevés ≥ taux naturels et donc n’incitent pas à l’investissement) d’autant plus fort si la demande effective est faible à cause de la modération des salaires.

Mais aussi via des politiques réglementaires de contrôle des prix : mise en place d’un prix plafond qui présentent toutefois des limites : baisse du surplus du producteur et hausse du surplus du

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consommateur mais au total baisse du surplus collectif, effets de rattrapage après la levée du blocage, hausse de prix préventives par anticipation d’un blocage. Ce qui explique que cela n’est plus pratiqué. Les gouvernements optent davantage aujourd’hui pour une politique de la concurrence dans le sens d’une intensification de la concurrence qui aboutira à une baisse des prix

On remarque une inégale efficacité des politiques de lutte contre l’inflation selon les pays Ainsi, ces politiques ont été mises en œuvre et se sont révélées très efficace pour les premiers à entrer dans la lutte contre l’inflation : l’Allemagne ou la Corée du Sud, Mais moins efficaces en France par exemple car cela a contribué à aggraver le chômage (courbe de Philips) sans doute à cause des caractéristiques du chômage français car il a eu un « effet d’hystérèse » avec des chômeurs de longue durée

Conclusion : La désinflation , longtemps objet d’un large consensus car garantissant un cadre favorable à la profitabilité des entreprises et à la compétitivité, a permis en l’espace d’une décennie de faire passer d’une inflation à deux chiffres à environ 2% depuis 1993 . Cependant, le maintien d’un taux de chômage élevé et la faiblesse de la croissance actuelle invite à s’interroger sur les limites de cette stratégie. où en est on aujourd’hui, conséquences de la lutte contre l’inflation : une déflation

V Le retour de la menace déflationniste ?

Pression à la baisse de tous les prixCela est du à des crises boursières comme en 2001 (conjoncturelles) A des chocs financiers auxquels on ne répond pas ex : 1930, 1990 au Japon, Ou auxquels on répond trop tard : Ex 2008

Mais aussi pour des raisons structurelles comme l’explique l’Ecole de la régulation (BOYER) : du passage d’une régulation monopoliste (jusque dans les 1970’s) à une régulation concurrentielle et mondialisée 

1) Effets positifs de la déflationLes néo-classiques considéraient l'inflation comme un phénomène positif et inévitable. Elle avait alors avis des effets positifs :

- La déflation est une sorte de purge, étape nécessaire dans l’assainissement d’un cycle de destruction créatrice de Schumpeter et condition à la reprise ; d’où les qques politiques procycliques en réaction à la crise des années 30, plus grande crise déflationniste de l’histoire.Elle est considérée comme un mal nécessaire dans le cadre d’une orthodoxie monétaire de change fixe au détriment du chômage (erreur de Churchill en 1925 qui aurait coûté l’emploi de 700 000 anglais)

- Elle peut se résorber d’elle-même par Effet d’encaisse réelle ou effet Pigou : baisse des prix → hausse valeur des titres et donc excès d’encaisse → hausse du PA et donc hausse de la consommation et donc hausse des prix.

- Elle oblige à améliorer la compétitivité prix, mais encore et surtout la compétitivité hors prix afin de soutenir la demande intérieure et extérieure

2) Effets négatifs de la déflation

Mais cela peut être plus grave que cela car la déflation peut entraîner un ralentissement de la croissance voir une stagnation économique

a) Alourdissement de la dette

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L’article d’Irving Fisher The Debt-Deflation Theory of Great Depressions (1933).est devenu un classique. C’est ici que Fisher a exposé sa théorie de la déflation par la dette. Il pense que deux facteurs jouent un rôle majeur dans le cycle d’affaires : le surendettement et la déflation “qui survient quelques temps après”. Et il considère les crises économiques de 1837, 1873 et 1929-1933 comme d’importants exemples d’épisodes de déflation par la dette.

Selon Fisher, nous avons les étapes suivantes dans une crise de la déflation par la dette : 

Une spirale déflationniste liée au surendettement "à la Fisher"

b) Choc négatif d’offre Pourquoi ce choc négatif d’offre ?

Car sous-investissement chronique expliqué par les taux d’intérêt réels élevés et les anticipations mauvaises (taux réel même si très bas ≥ taux naturel Wiksell) →l’économie mondiale dégage davantage d’épargne qu’elle ne génère d’investissements productifs

Ainsi en 2008 Sous investissement lié à une politique monétaire insuffisante ; des taux d’intérêt réels encore trop élevés pour une productivité marginale insuffisante, une révolution des NTIC qui reste à venir, la difficulté des économies à transformer les technologies en croissance.

Selon certains experts, contrairement aux RI, les NTIC ne génèrent pas tant de gains de productivité que cela ; les bulles ayant surestimé leurs effets. Robert J. Gordon est de son côté le principal chantre du pessimisme technologique. D'après lui, la croissance de la productivité a connu un renouveau au cours des années quatre-vingt-dix avec la diffusion des nouvelles technologies d’information et de communication, mais le potentiel attaché à ces innovations serait à présent épuisé. Le taux de croissance de la productivité a désormais retrouvé la tendance qu'il suivait avant les années quatre-vingt-dix, soit un taux de 1,5 % par an, et pour Gordon il se maintiendra durablement à ce faibleHormis la BCE, les grandes banques centrales des pays avancés ont fait descendre rapidement leurs taux directeurs (taux nominaux) à la barrière de taux zéro. Mais le taux d’intérêt réel (faible inflation) de marché au moment du paroxysme de la crise était très supérieur au taux naturel. Il s’ensuit que le taux directeur de la politique monétaire en termes réels aurait dû descendre au-dessous de -3% pour faire repartir l’investissement productif. Comme l’inflation diminuait avec toutes les conséquences négatives de la crise (baisse des salaires et augmentation du chômage), le taux d’intérêt naturel est toujours en dessous du taux réel induit par la politique monétaire. C’est pourquoi les politiques non conventionnelles n’ont eu qu’une efficacité mitigée. Notamment elles n’ont pas permis de faire repartir vigoureusement l’investissement privé.

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Or, de nombreuses études ont montré comment un ralentissement cyclique prolongé de l’investissement se transformait en diminution du potentiel de croissance par dégradation de la qualité des facteurs de production : dégradation de l’employabilité de la main d’œuvre (effet d’hystérèse) avec le chômage de longue durée, diminution du rythme du progrès technique incorporé au capital avec le ralentissement du renouvellement, innovation technologique handicapée par l’engourdissement des « esprits animaux ».

Donc, le risque est grand de voir le PIB s’éloigner de plus en plus de sa tendance potentielle de long terme car effet cumulatif 

 De plus, l’épargne excédentaire mondiale qui n’est pas venue financer des investissements productifs, se traduit par une prise de risque excessive dans le système financier et une bulle sur les marchés financiers ou immobiliers.

c) Choc négatif de demande Baisse des prix et de salaires →baisse de la demande →baisse des prix et des salaires → baisse de la demande, etc.Cercle vicieux de déflation par la demande, créant un attentisme des agents qui reportent au maximum leur consommation = baisse de la demande effective de Keynes, baisse investissement etc .

Ce à quoi il faut ajouter :- le creusement des inégalités intenationaux et intranationaux- le maintien dans le sous développement d’une partie de la planète (le continent africain)- la difficulté pour les émergents à passer le cap du développement (absence de politiques de croissance endogène, pénurie d’ingénieurs, d’infrastructures, etc.) alors qu’ils concourent à la déflation par les salaires dans les PDEM + debt deflation

Par ailleurs la déflation est contagieuse et autoentretenue. Caractère dépressif de l’économie avec cercle vicieux : hausse de la dette → report des achats et baisse de la demande → baisse des investissements car taux d’intérêt réel élevé et anticipations mauvaises (taux réel ≥ taux naturel Wiksell) → baisse des prix→ hausse de la dette, etc.

La spirale déflationniste

Hausse des taux d'intérêt réels Baisse de l'investissement Compression des salaires

Baisse de la consommation Baisse de la production Hausse du chômageHausse du des coûts desremboursements par rapport aux revenus

Etat et entreprises baissent leurs dépenses Report des achats et de l'investissement

Baisse des prix

d/ Des épisodes historiques de déflation.

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1 La grande dépression 1873-1896.

Elle a été due à 2 phénomènes :

Il y a eu un ralentissement des découvertes d'or, qui a provoqué une contraction de la masse monétaire. Cette grande dépression est caractérisée par une baisse des prix lente, ce qui n'est pas compatible avec une croissance économique.Il y a une forte croissance de la productivité liée à des chocs technologiques. Ils sont nombreux à la fin du 19ème siècle :

Amélioration des transports avec la généralisation du train (mais après le boom de 1853-1870, la demande pour la construction de chemin de fer s'épuise et cesse de tirer la croissance.

Diffusion de l’énergie électrique Progrès en matière de sidérurgie : passage du charbon de bois à la houille, ce qui fait baisser le

prix de l’acier par 3 en une vingtaine d’années.Il y a donc des progrès technologiques qui vont plus vite que la croissance économique.

2 La Grande-Bretagne dans les années 20 :

La fin de la guerre en 1918 amène à un retour à la vie civile et provoque un boom économique. Mais dès 1920 il y a une récession en Grande-Bretagne, alors que les autres pays connaissent un boom économique (les années folles). Pendant quelques années la Grande-Bretagne, et surtout les dirigeants anglais sont persuadés qu’il leur faut revenir à l’ordre antérieur à la guerre. C’est-à-dire au temps où la Grande-Bretagne est la puissance impériale du monde. Son objectif est donc de revenir à la parité or de la livre d’avant-guerre, alors que pendant la guerre les prix ont été multipliés par 5.

La crise en Grande-Bretagne commence par la baisse des exportations.

Exportations en millions de livres Indice volume

1913 525 100

1920 1334 71

1921 703 50

1927 709 79

1929 730 82

Entre 1913 et 1927 les exportations anglaises ont baissé de 21%, pendant qu’elles augmentaient de 18% dans le reste du monde. La politique de livre forte oblige à avoir une politique extrêmement restrictive avec une montée des taux d’intérêt, ce qui permet de rétablir en 1925 la convertibilité or de la livre. On s’aperçoit que cette politique est contreproductive.

3 Cas de l’Allemagne   des années 30

Ce qui a amené le nazisme c’est la déflation des années 30. Brüning (1885-1970) avait 2 solutions au début des années 30 :

Il y avait un problème de compétitivité de l’Allemagne, donc la 1ère solution était la déflation.La 2ème solution était la dévaluation.

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Le problème central est que l’Allemagne doit verser des réparations aux pays alliés suite au traité de Versailles. Pour verser ces réparations il faut que l’Allemagne dégage des surplus à l’exportation. Pour dégager des surplus il faut que l’Allemagne soit compétitive. La dévaluation lui semble une mauvaise idée, car la dette de guerre est libellée en dollars-or, donc toute dévaluation augmente d'autant plus le coût des remboursements. Il a donc l’idée « diabolique » de faire baisser les prix et les coûts en Allemagne pour améliorer la compétitivité allemande et donc provoquer des déséquilibres dans les pays avec lesquels l’Allemagne commerce, de façon à ce que ces pays renégocient le montant des réparations allemandes en échange de l’arrêt de la politique d’hyper compétitivité.

Cette politique suppose un affaiblissement des syndicats que Brüning obtient : entre 1930 et 1931 les salaires baissent de 20 à 25% sans qu’il n’y ait aucune grève dans le pays. Ce type de politique a une conséquence : les recettes fiscales chutent. Il réduit donc les dépenses publiques de façon à rétablir l’équilibre budgétaire. En même temps il lance une politique de construction avec pour objectif de baisser le prix des loyers de 80%.

Cette politique aboutit à une forte augmentation du chômage, les marges des entreprises fondent, l’investissement se contracte, et les exportations n’augmentent pas compte tenu de la conjoncture récessioniste des autres pays partenaires (les exportations sont déterminées par la compétitivité, mais aussi par le revenu du reste du monde, qui eux sont en chute libre).

Cette politique ruine la classe moyenne (en plus du chômage qui touche les ouvriers), qui va porter Hitler au pouvoir en 1933 (30 Janvier).

4 Déflation française de 1935.

La crise de 1929 touche moins la France que tous les autres pays. Il y a deux raisons à cela :

La dévaluation Poincaré : c’est la dévaluation des 4/5, ou le franc à 4 sous (1928). Le franc de 1932 est très compétitif sur les marchés internationaux. Il protège la France de la crise.La structure productive de la France est conservée, elle reste traditionnelle. Il y a beaucoup de petits paysans, de petits commerces, et des artisans. Le résultat est qu’entre 1929 et 1934 le revenu national a baissé de 10%, alors qu’il a baissé de 25% en Grande-Bretagne et aux USA et de 30% en Allemagne. Cette baisse a une conséquence puisque les recettes publiques baissent, et les dépenses publiques augmentent. Le déficit devient considérable puisqu’en 1932 il représente 25% du budget de l’Etat. La particularité de la France est que l’essentiel de l’épargne est placé en terre, en immobilier, donc le déficit de l’Etat est difficile à financer. Il faut augmenter les taux d'imposition pour y parvenir, donc provoquer un effet d’éviction de l’investissement privé par la dépense publique.

Le gouvernement a à cette époque de solutions :

Il peut dévaluer afin de restaurer la compétitivité, surtout après la dévaluation de la livre en 1931 et du dollar en 1932. Sauf que cette dévaluation n’a pas d’influence directe sur la restauration des finances publiques.Laval en 1935 décide une baisse de 10% des dépenses publiques, qui avaient déjà été baissées de 10% l’année précédente par Doumergue (mais la décision n’avait pas très bien fonctionné). Appuyé par Rueff (à l'époque ministre des finances) qui prétend en bon libéral que la crise est due au fait qu’on n’a pas laissé les prix jouer leur rôle régulateur, Laval décide par décret de baisser le salaire des fonctionnaires de 10%, mais pour faire bonne mesure il décide de baisser les tarifs du gaz et de l’électricité. Dans la réalité les prix avaient déjà baissé de 30 à 35%, ce qui signifie que les salaires réels des fonctionnaires avaient augmenté fortement mais Laval avait oublié qu’il ne fallait pas toucher à la valeur nominale des salaires (on lui reprochait de ne pas avoir créé l’inflation). . Le résultat de cette politique est que les fonctionnaires vont être outrés de la baisse de leurs salaires nominaux, et vont voter l’année suivante pour le front populaire.

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Très curieusement 1935 est marqué par une reprise économique. Elle est due au fait que la Banque de France a mis en place une politique monétaire accommodante. On a donc une politique budgétaire restrictive, et une politique monétaire accommodante. Mundell dit qu’on peut utiliser en sens contraire les outils de la politique économique. C’est ce que fait la Banque de France sans le faire exprès bien sûr, puisque Mundell écrit 30 ans plus tard.

5 Cas de la déflation Japonaise des années 1990 :

Les années 70 sont marquées au Japon par une très forte croissance économique. La rupture va intervenir suite aux accords du Plazza (accord du soft landing du dollar, il faut faire revenir le dollar à une valeur plus conforme à la parité du pouvoir d’achat). Cette politique a induit du côté du Japon, qui cumule à l’époque des excédents commerciaux (comme en Chine ou en Allemagne actuellement), une forte montée du taux de change puisque le Yen va s’apprécier de 90% par rapport au dollar entre 1985 et 1988. Cette montée du Yen face à toutes les autres monnaies s’appelle l’Endaka. La banque du Japon réagit en ayant une politique monétaire très laxiste visant à aider les entreprises japonaises face à la montée du Yen. Cette politique très laxiste aboutit à une inflation d’actifs qui se concentre sur les marchés immobiliers et sur la bourse. Par exemple la valeur du Nikkei est multipliée par 8 entre 85 et 90. Le Nikkei est à 5 000 points en 1985, il passe à 40 000 points en 1990… et est en 2010 à 11 000 points (il se trouve à 25 000 points en début 2018) La bulle éclate en 89. En 2 ans le Nikkei perd 60% de sa valeur. Les banques qui ont placé leur argent à la bourse manquent de fonds propres. Elles sont donc contraintes de vendre à perte leur actifs (des actions, des terrains, des immeubles) ce qui accentue les pertes. La valeur des actifs détenus par les particuliers diminue, et par conséquent les ménages sont dans l’incapacité de rembourser leurs emprunts, donc les banques vont aussi accumuler des créances douteuses sur les ménages. Les banques réduisent le crédit, ce qui provoque un crédit Crunch.

En 1994, 7 organismes de crédit immobilier font faillite, mais c’était des filiales de grandes banques. Et par conséquent ils entrainent leur maison mère dans leur chute. 3 grandes banques font faillite, et tout le crédit interbancaire se retrouve bloqué au Japon. Le gouvernement est obligé de réagir :

On procède à la nationalisation de certaines banques, et à l'injection de fonds dans les banques puisque le gouvernement met 12% du PIB dans les banques. Cette politique est un échec puisque les créances douteuses augmentent plus vite qu’on ne les apure. La Bojo fini par réagir et baisse ses taux d’intérêt à 0%, c’est ce qu’on appelle une politique de ZIRP.

La déflation commence à s’installer, les prix baissent, donc la valeur des dettes augmente. Quand les prix baissent, les taux d’intérêt monétaires ne peuvent pas descendre sous les 0%, donc les taux d’intérêts réels augmentent ce qui freine l’investissement. Les entreprises sont forcées de brader leurs stocks et leurs avoirs pour se désendetter, ce qui accroît la déflation. C’est l’effet Fisher.

En 2003, le Nikkei est à 7830 points. En décembre 1989, au point le plus haut de la bulle, le Nikkei était à 39 000 points. La crise bancaire semble s’achever entre 2004 et 2006. La Bojo rachète des titres financiers des banques, puis leurs créances douteuses. On peut donc dire qu’elle est la 1ère à exercer une politique monétaire non conventionnelle, qui la fait passer de la situation de préteur en dernier ressort à créancier en dernier ressort.

La crise de 2008 va faire retomber le Japon dans la déflation, en particulier en cause du ralentissement de la demande Européenne, et des difficultés de relations politiques avec la Chine, qui évidemment vont avoir des conséquences sur les relations commerciales.

Les effets nocifs de la déflation :

Les pertes sur les actifs : -73% pour le Nikkei, -66% pour l’immobilier. Ces baisses ont produit un effet de richesse très constricteur sur la demande.Compte tenu de la déflation, les salaires sont gelés ce qui est assez logique puisque la déflation même en cas de salaire gelé, provoque une augmentation de pouvoir d’achat. Mais ce gel provoque une baisse de la consommation pour 2 raisons

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Les salariés raisonnent en salaire nominal, donc ont l’impression que leur salaire n’augmente plus et freinent leur consommation à cause de ça. La déflation induit aussi une modification des prix relatifs. Or les prix des biens du quotidien n’ont pas baissé, ils ont même eu tendance à augmenter. D'où une impression de perte de pouvoir d'achat, car on voit plus les prix qui augmentent que ceux qui baissent, surtout quand les prix qui augmentent sont ceux du quotidien, et ceux qui baisse constituent des achats rares.

Dans la déflation il y a un rôle essentiel des anticipations, et les anticipations déflationnistes entrainent la déflation.

En 2013 quand Shinzo Abbé est élu il met en place un plan de relance de 175 milliards d’euros composé essentiellement de rénovation d’infrastructures et de garantie de prêts pour les PME. Ce plan de relance provoque très rapidement un début de retour de la croissance économique, ce qui conduit le gouvernement à proposer une réduction de dépenses publiques pour 2014, et une hausse de la TVA. On n’a pas de recul suffisant, mais il semble que ces politiques amènent à une nouvelle situation de dépression. Le deuxième niveau de politique montre que Shinzo Abe a "violé" le gouverneur de la BC en lui disant que s’il n’atteignait pas un objectif de 2% d’inflation il le "virait" (ce qu'il a fait en 2014). Il a ainsi obligé la Bojo à racheter des actifs de la dette d’Etat, et surtout elle a encouragé les autres banques à faire des prêts aux particuliers. Pourtant, malgré toutes ces politiques, le Japon a encore du mal à sortir de la déflation,

6 La politique déflationniste de la zone euro depuis 2010

En 2016 les prix ont augmentés de moins de 1% en Europe. Draghi a estimé que la zone euro n’était pas en déflation puisque les prix continuent d’augmenter. On peut en douter si on prend en compte l'effet Boskin.

Les liquidités sont très abondantes en Europe, les taux d’intérêt sont bas. On a donc une situation monétaire qui devrait conduire à l’inflation. Mais ces liquidités vont s’investir dans les matières premières, et aussi sur des actifs financiers. (La bourse de Paris a atteint 5300 pts ce qui est son point le plus haut depuis 2008, alors qu’elle ne représente en rien la situation économique française, ce qui provoque un processus d’appauvrissement des actionnaires des entreprises. C’est en raison des placements des liquidités sur le marché financiers car l’abondance monétaire ne peut pas provoquer une hausse des prix).

Dans un certain nombre de pays on a des baisses des prix et surtout des baisses de salaires (Espagne -8%, Portugal, Grèce, Chypre). En Europe on est lowflation. Ce néologisme est intéressant puisqu’il y a encore une petite augmentation des prix, mais pas dans tous les pays. Et en même temps on est déjà dans la déflation salariale. Dans la low-déflation on entend indétermination puisqu’on est dans une situation où l’on n’est pas capable de savoir si l’on va basculer dans la déflation ou pas. Dans un article récent du Monde on peut voir une analyse qui dit que la meilleure chose que pourrait faire la BCE pour lutter contre la déflation c’est empêcher qu’elle ne se produise. Certains pays sont déjà rentrés dans un cercle déflationniste. Les prix baissent, le PIB baisse, les recettes fiscales baissent, par réaction on augmente les impôts, cela provoque une contraction de la demande, dès lors les magasins ferment, et les entreprises font faillites faute de demande. Ce type de politique attire les penchants vers l’extrême droite.

C’est l’ensemble de la zone euro qui est engagée dans une course à la déflation compétitive. Chaque pays cherche à baisser les coûts et à baisser les salaires puisque les dévaluations ne sont pas possibles. Cependant la déflation n’est pas neutre sur le pouvoir d’achat. Certaines entreprises arrivent à maintenir les prix, voire même les augmenter (exemple : Apple). Les impôts aussi augmentent partout en Europe, donc le pouvoir d’achat se réduit. Cette situation d’in-déflation se caractérise par des prix qui montent encore, et des salaires qui baissent, donc il y a un appauvrissement généralisé.

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La première remarque théorique : Keynes disait que la déflation ne rééquilibrait rien du tout contrairement à ce que racontait Pigou, car si les revenus disponibles baissent encore plus vite que les prix, la constriction de la demande sera encore plus rapide que les gains de productivité. Une déflation compétitive n’a aucun effet à l’égard des pays à l’extérieur de la zone ca la monnaie européenne flotte.

La deuxième remarque : l’idée de faire un ajustement de compétitivité relative par la déflation va avoir un délai de réalisation très long (voir lartickle sur les ajustemenst de balances courantes en Europe).

Cette politique a un effet Fisher très particulier car elle accentue le surendettement des Etats qui par conséquent sont dans l’incapacité de mener des politiques sociales efficaces pour protéger leur population.

On sent donc très bien une double menace : - Une menace à l’intérieur des Etats avec des partis fascisants qui prennent une place de plus en plus grande.- La montée de partis eurosceptiques, voir antidémocratiques qui menacent la surive de l'Union Européenne.

e) Les politiques anti-déflationnistes

Le risque déflationniste est pris très au sérieux par la BCE. Les politiques pour contrer la déflation sont diverses mais pas évidentes à mettre en œuvre, et peu assurées dans leurs résultats.

- Favoriser le crédit bancaire

Augmenter le crédit bancaire des particuliers et des entreprises est le meilleur moyen de stimuler l'activité. Cette politique se heurte bien sûr à la timidité des banques en cas de crise (elles anticipent des défaillances de leurs débiteurs) et au refus des agents économiques de s'endetter (en cas de déflation, les remboursements se font plus lourds). Son succès dépend donc largement des anticipations des agents économiques. C'est la raison pour laquelle les taux d'intérêt de la BCE aux banques privées sont proches de 0%.

- Relancer l'investissement

Cette relance se fait en grande partie à travers le plan Juncker. Il s'agit de soutenir la demande pour relancer l'investissement (on a donc une politique monétaire souple qui vise à rendre possible l'investissement et une politique budgétaire qui a pour objectif d'augmenter les capacités de production pour que les entreprises investissent.

- Redonner confiance

La confiance est ce qui manque le plus aux agents économiques. Or, elle est la base des anticipations des consommateurs (qui constituent la demande effective, en grande partie) et celle des entrepreneurs (et leurs "esprits animaux").

Les politiques de rigueur menées dans de nombreux pays d'Europe qui baissent les salaires et les prestations sociales, l'impression que les réformes structurelles ne sont pas achevées, et donc que cette politique va se poursuivre conduit les Européens à une attitude frileuse vis-à-vis de l'avenir. Dans ce contexte, ils épargnent ou n'investissent pas.

Il est nécessaire de redonner confiance dans les systèmes sociaux, mettre en place une politique budgétaire coordonnées, ne pas faire porter tout l'effort d'ajustement compétitif aux seules nations déficitaires et mettre en place un système fiscal plus coordonné.

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- Assouplir la politique monétaire.

Pour forcer les banques à prêter au secteur privé, une politique de QE consistant à racheter directement de la dette souveraine des Etats permet d'assécher une partie de la clientèle des banques afin de les obliger à rechercher des clients privés plus risqués. Cette politique qui représente une injection de monnaie de 1000 à 1500 milliards d'euros a été mise en place début 2015.

- D'autres politiques

- Krugman a suggéré de relever la cible d'inflation de 2 à 4%, appuyé par O. Blanchard, économiste en chef du FMI. Cela laisserait plus de marge de manœuvre à la BCE, en cas de menace de déflation, pour agir. En même temps, cet objectif augmente l'efficacité des politiques de taux d'intérêt, donc de la politique monétaire en général. Enfin, il accélère les rééquilibrages compétitifs entre nations, et permettra quelque peu de réduire l'endettement des Etats.

- La Suisse a commencé à pratiquer des taux d'intérêt négatifs (ce qui aboutit à taxer les dépôts de particuliers pour les encourager à dépenser au lieu d'épargner). Le risque est évidement que les particuliers retirent leur argent des banques, la monnaie divisionnaire ne pouvant être taxée.

- Rogoff a suggéré de supprimer l'argent liquide, ce qui efface de facto la borne zéro des taux d'intérêt en empêchant les individus de contrer les effets de' la politique monétaire. Cette décision aurait en outre l'avantage de neutraliser l'argent du crime organisé. Néanmoins, on peut objecter à cette mesure le fait que les banques centrales gagnent beaucoup d'argent en pratiquant le seigneuriage, et que cette mesure limite la liberté individuelle, puisqu'il n'est plus possible de faire des paiements anonymes.

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