we demain 3 extraits

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12 TTC FRANCE - www.cherche-midi.com - ISBN 978-2-7491-2475-9 une revue pour changer d’époque 3 une revue pour changer d’époque 3 En Suède, nous avons découvert la cuisine « sauvage » du chef Magnus Nilsson. Colorado : une jeune scientifique française témoigne sur les effets désastreux du gaz de schiste. Ces enfants de banlieue qui ont choisi MONDE WE DEMAIN SIGNENT LE MANIFESTE NOUVEAU LES PIONNIERS DU Leurs dessins originaux Leurs de dess ssin ins or orig ig i i na n ux pour la Planète Bleue Beethoven. Wikispeed, première voiture « open source ». Nathan Wolfe débusque dans la jungle les virus tueurs. Une arche de Noé pour sauver les graines . L’odyssée des sondes spatiales Voyager.

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WE DEMAIN 3 EXTRAITS

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Page 1: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

12 €

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une revuepour changer

d’époque

n°3

En Suède, nous avons découvert la cuisine

« sauvage » du chef Magnus Nilsson.

Colorado : une jeune scientifique

française témoigne sur les effets

désastreux du gaz de schiste.

Ces enfants de banlieue qui ont choisi MONDE

WE D

EMAIN

SIGNENT LE

MANIFESTENOUVEAU

LES PIONNIERS D

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Leurs dessins originauxLeurs dedessssinins ororigigggiinan uxpour la Planète Bleue

Beethoven. Wikispeed, première

voiture « open source ». Nathan Wolfe

débusque dans la jungle les virus tueurs. Une arche de Noé pour

sauver les graines. L’odyssée des sondes spatiales Voyager.

Page 2: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

CHERS INTERNAUTES,

-

NOUS VOUS PROPOSONS ICI DES EXTRAITS DU NUMÉRO 3 DE WE DEMAIN,

AVANT - NOUS L’ESPÉRONS ! - DE VOUS COMPTER PARMI NOS LECTEURS.

RENDEZ-VOUS CHEZ VOTRE LIBRAIRE, MARCHAND DE JOURNAUX

OU SUR NOTRE PLATEFORME DE VENTEET D’ABONNEMENT EN LIGNE.

-

Page 3: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

19703 — WE DEMAIN

p. 010 — REGARD SUR LA VILLE QUI CHANGE

Paris et ses nouveaux modes de vie.Reportage photo : Arnaud Robin

p. 012 — 100 MILLIONS D’EMPLOIS GRACE A L’ÉCONOMIE BLEUE ?Son concepteur, Gunter Pauli,

soutient qu’il suffirait de transposer à l’échelle industrielle les extraordinaires

technologies créées par la nature. Julien Millanvoye

p. 020 — SANDY A DOUCHÉ LES CLIMATOSCEPTIQUES

À la suite des ravages causés par l’ouragan, les Américains sont de plus

en plus nombreux à admettre la réalité des dérèglements climatiques.

Christelle Gérand

p. 028 — GABRIELLE PETRON « JE COMPRENDS LA MÉFIANCE DES

FRANÇAIS À L’ÉGARD DU GAZ DE SCHISTE »Cette scientifique du Colorado a découvert

le taux élevé de méthane provenant de l’exploitation des gaz non conventionnels.

Philippe Serieys

p. 001 — © Louis Quail / Corbis

© Enki Bilal / Planète Bleue

p. 006 — ÉDITO : François Siegel

p. 007 — ILS ONT SIGNÉ LE MANIFESTE WE DEMAIN

p. 036 — MON VILLAGE À L’HEURE DE LA TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

La première élue de Montdidier, en Picardie, a fait de sa commune

le laboratoire vivant de la transition énergétique.

Sylvain Morvan Reportage photo : Jean-Luc Bertini

p. 042 — APRÈS MONTDIDIER, D’AUTRES COMMUNES Y VIENNENT…

Du stockage de l’énergie solaire à la production d’électricité, elles sont de plus en plus nombreuses à miser

sur les énergies renouvelables. Sylvain Morvan

p. 044 — PHILIPPE VASSEUR « GRÂCE À JEREMY RIFKIN,

LE NORD-PAS-DE-CALAIS POURRAIT UN JOUR SERVIR D’EXEMPLE »

Interview : Sylvain Morvan

p. 046 — MÉTÉO-PLANÈTELe photographe et sa fondationGoodPlanet livrent les bonnes

et mauvaises nouvelles de la Terre. Yann Arthus-Bertrand

p. 052 — ELLEN MACARTHURVEUT CONVERTIR LE MONDE À L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Tout recycler à l’infini, du lave-linge aux déchets alimentaires, est la seule

solution viable sur le long terme, soutient la navigatrice anglaise qui a dit adieu à la voile pour relever

ce nouveau défi.Antoine Lannuzel

SOMMAIRE

p. 058 — FOOD INTO THE WILDAu cœur de la Suède, nous sommes allés

goûter la cuisine insolite de Magnus Nilsson qui, après avoir fait ses classes

auprès de chefs étoilés français, a ouvert son restaurant en pleine nature.

Sensations « sauvages » garanties.Nicolas Jury

DÉCHIFFRER P. 008

RESPIRERP. 034

SAVOURERP. 056

Page 4: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

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SOMMAIRE

p. 108 — À LA CHASSE DES VIRUS DANS LES FORÊTS TROPICALES

Le biologiste américain Nathan Wolfe débusque dans les jungles

les agents infectieux porteurs de futures pandémies.

Allan Kaval Photos : Brennt Stirton / Getty Images

p. 112 — DEMAIN TOUS CYBORGS ?Des puces électroniques sous la peau

aux prothèses bioniques, on se dirige vers une fusion

homme-machine.Cyril Fiévet

Illustration : Alina Lagarde

p. 120 — L’ÉCOLE DE L’AFRIQUE QUI GAGNE

À Ouagadougou, 2 000 étudiants venus de 30 pays africains suivent

les cours du 2iE orientés vers l’innovation et la croissance verte.

Yannick DemoustierPhotos : Thibault Dufour

p. 126 — DESTINATION L’INFINIVoyager 1, qui se trouve actuellement à plus de 18 milliards de kilomètres de la Terre en continuant d’envoyer

des signaux, est la première des deux sondes spatiales lancées

en 1977 à sortir du système solaire. Yves de Chazournes

p. 136 — ET SI DES EXTRATERRESTRES… L’astrophycienne française

Rosine Lallement suit depuis 1984 l’odyssée des deux sondes.

Interview : Yves de Chazournes

p. 098 — L’ART BRUT ÉPATE LES GALERIES

Conceptualisé par Dubuffet, ce mode d’expression inclassable

et longtemps méprisé connaît aujourd’hui

un engouement remarquable.Eric Tariant

Œuvres : Galerie Christian-Berst

p. 076 — LA PREMIÈRE VOITURE « OPEN SOURCE »

Une équipe de bénévoles, un budget des plus modestes et, en à peine

trois mois, une voiture à haute efficience énergétique. C’est le phénomène

Wikispeed créé par l’Américain Joe Justice. Benjamin Tincq

p. 082 — L’USINE DU FUTUR FERA FORTE IMPRESSION

L’imprimante 3D promet de simplifier la production de biens manufacturés.

Barack Obama y voit un moyen de faire refleurir l’industrie américaine.

Antoine Lannuzel

p. 088 — HACKERSPACES, FABLABS, L’AVANT-GARDE DE L’INDUSTRIE 2.0

Dans ces laboratoires communautaires et ces ateliers d’innovation,

se trouvent sans doute les inventeurs français de demain.

Camille Bosqué Photos : Gilles Leimdorfer

INVENTERP. 074

REGARDERP. 096

DÉCOUVRIRP. 106

Page 5: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

19903 — WE DEMAIN

p. 186 — BINDHESWAR PATHAK, LIBÉRATEUR DES INTOUCHABLES.Ce médecin a déjà fait installer

50 millions de toilettes dans toute l’Inde afin d’affranchir la caste sociale

la plus basse du ramassage des excréments. Olivier Cabrera, avec Shamengo

p. 190 — TEMPELHOF, LES PISTES DE LA LIBERTÉ

Fermé en 2008, l’aéroport historique de Berlin est devenu un agréable

lieu de loisirs autogéré. En attendant les promoteurs…

Lionel Guérin

p. 194 — CONTRE LA FAIM, DES CULTURES EN SAC

Lancée avec succès au Kenya par une ONG française, l’initiative

consistant à faire pousser des légumes dans de grands sacs permet à

des citadins démunis de se nourrir. Hugues Berthon

p. 196 — 2025, ODYSSÉE DU PARTAGE ?Avec le collectif OUISHARE,

nous avons imaginé un monde où le collaboratif aurait pris le pouvoir.

Olivier CabréraIllustrations : Mathilde Aubier

p. 206 — VIVE LA CORÉVOLUTION !Covoiturage, coworking, colunching…

La société du « co » est en marche.Anne-Sophie Novel

p. 209 — ABONNEMENT

p. 212 — LE MANIFESTE WE DEMAIN

p. 140 — LA CARTE POSTALE N’A PAS DIT SON DERNIER MOT

Elle a résisté à l’invasion du numérique et ne s’est au contraire

jamais aussi bien portée. Alexis Botaya, rédacteur en chef

de Soon Soon Soon

p. 146 — SOS GRAINES !Elles sont l’un des enjeux de demain,

mais elles sont menacées par la mondialisation et les géants

de l’agroalimentaire. Pour sauver ce trésor du vivant,

des conservatoires botaniques ont été construits, dont un, impressionnant,

dans le Spitzberg norvégien. Jean-François Mongibeaux

Photos : Muriel Hazan

p. 160 — LES ENFANTS DU RAP CHOISISSENT BEETHOVEN

Grâce à un projet d’apprentissage musical initié par le ministère

de la Culture, 450 jeunes des banlieues ont adopté la musique classique.

Olivier DelahayePhotos : Thomas Haley

p. 170 — TOUS MUSICIENSÀ l’heure du tout numérique,

chacun peut désormais devenir créateur et diffuseur

de ses propres désirs sonores.Franck Weber et Julien Millanvoye

p. 174 — PLANÈTE BLEUESEUL, IL PARLE DU FUTUR

AU MONDE ENTIERDans le Vercors, Yves Blanc pilote

seul l’un des programmes radiophoniques les plus podcastés au monde.

Antoine Lannuzel

RALENTIRP. 138

ÉCOUTERP. 158

PARTAGER P. 184

Page 6: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

12

Page 7: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

1303 — WE DEMAIN

L’ÉCONOMIE BLEUE

CENT MILLIONS D’EMPLOIS…EN S’INSPIRANT DE LA NATURE

Julien Millanvoye

ET SI, POUR CRÉER DE NOMBREUX EMPLOIS, IL SUFFISAIT DE TRANSPOSER À L’ÉCHELLE INDUSTRIELLE

LES PRODIGIEUX COMPORTEMENTS DE LA NATURE ? C’EST LA CONVICTION DE GUNTER PAULI QUI, DANS

L’ÉCONOMIE BLEUE, PARU AUX ÉDITIONS CAILLADE EN 2011, A SÉLECTIONNÉ DES TECHNOLOGIES QUI N’ONT PAS

ATTENDU LE CERVEAU HUMAIN POUR SE DÉVELOPPER. RÉGULATION THERMIQUE DES TERMITIÈRES

SERVANT DE MODÈLE À DES SYSTÈMES COLLECTIFS DE CLIMATISATION, ÉLECTRICITÉ GÉNÉRÉE PAR

DES BALEINES INSPIRANT DES MODÈLES DE PACEMAKERS SANS PILE, SOIE ULTRARÉSISTANTE PRODUITE PAR

DES ARAIGNÉES TROPICALES POUVANT REMPLACER L’ACIER DES LAMES DE RASOIR…

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Page 8: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

20

L’OURAGAN SANDY A CAUSÉ LA MORT D’AU MOINS 110 PERSONNES EN AMÉRIQUE DU NORD, DÉTRUIT DES MILLIERS D’HABITATIONS, ET PLONGÉ LA MOITIÉ DE NEW YORK DANS L’OBSCURITÉ. ©

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Page 9: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

03 — WE DEMAIN 21

En juillet dernier, l’asphalte du tarmac de Charleston (Caroline du Sud) a fondu, engluant un avion de la compagnie US Airways. L’été le plus chaud jamais enregistré aux États-Unis depuis le début des relevés météorologiques, en 1895, a eu raison du bitume. Cette chaleur hors norme, mêlée à une absence de précipitations, a dévasté les récoltes de la moitié du pays et suscité les feux de forêts les plus importants jamais recensés. Vingt-six des cinquante États américains ont été déclarés en état de catastrophe naturelle. Pourtant, pour la première fois depuis 1984, le réchauffement climatique n’a été abordé dans aucun des trois débats télévisés. Il aura fallu que l’ouragan Sandy dévaste la côte Est une semaine avant les élections pour que les politiques s’emparent de la question. Après que l’ouragan a causé la mort d’au moins 110 personnes en Amérique du Nord, détruit des milliers de maisons et de magasins, et inondé une bonne partie du métro new-yorkais, le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, a déclaré, lors d’une conférence de presse : « Quiconque prétend qu’il n’y a pas de changement dramatique des conditions climatiques nie la réalité. » Le démocrate, candidat potentiel aux

ET L’AMÉRIQUE PRIT CONSCIENCE…Christelle Gérand

APRÈS L’OURAGAN SANDY, L’ENVIRONNEMENT A FAIT UNE ENTRÉE TARDIVE MAIS RÉELLE DANS LE PAYSAGE POLITIQUE AMÉRICAIN.

CETTE DEUXIÈME CATASTROPHE NATURELLE MAJEURE, APRÈS LA SÉCHERESSE HISTORIQUE DE L’ÉTÉ 2012, A CONDUIT DE NOMBREUX CHEFS D’ENTREPRISES

ET RESPONSABLES POLITIQUES À RECONNAÎTRE LA NÉCESSITÉ D’AGIR SANS ATTENDRE.

Page 10: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

28

GABRIELLE PETRON« JE COMPRENDS LA MÉFIANCE DES FRANÇAIS

À L’ÉGARD DES GAZ DE SCHISTE »Interview : Philippe Serieys

ALERTÉE PAR DES TAUX DE POLLUTION INEXPLIQUÉS RELEVÉS DANS LE NORD DU COLORADO, LA SCIENTIFIQUE FRANÇAISE ET SON ÉQUIPE DE LA NATIONAL OCEANIC

AND ATMOSPHERIC ADMINISTRATION (NOAA) ONT FAIT UNE DÉCOUVERTE RETENTISSANTE. UNE RÉVÉLATION QUI CONCERNE LES ÉMANATIONS DE MÉTHANE PROVOQUÉES

PAR L’EXPLOITATION DE GAZ NON CONVENTIONNELS DANS LES 16 000 PUITS DE LA RÉGION DE BOULDER, FORÉS POUR CERTAINS DANS DES ZONES D’HABITATION. DANS L’ENTRETIEN

QU’ELLE ACCORDE À WE DEMAIN, GABRIELLE PETRON DÉPLORE QUE LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION, QUI S’APPLIQUE, CHEZ NOUS, AUX GAZ DE SCHISTE, N’EXISTE PAS AUX ÉTATS-UNIS.

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Page 11: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

2903 — WE DEMAIN

« PLUS DE 6 000 CITERNES PERMETTENT DE STOCKER CETTE HUILE DANS LE BASSIN

DE DENVER. CES CUVES SONT UNE SOURCE IMPORTANTE D’ÉMISSIONS

DE PRODUITS POLLUANTS. »

WE DEMAIN : COMMENT A ÉTÉ PRISE LA DÉCISION D’ÉTUDIER LES ÉMISSIONS POLLUANTES DES GAZ NON CONVENTIONNELS ? GABRIELLE PETRON : Je n’ai pas cherché volontairement à étudier ce type de pollution. Pour tout dire, je n’avais aucune idée du nombre d’exploitations de gaz en fonctionnement au nord-est de Boulder. La NOAA venait d’acquérir pour notre équipe de nouveaux instruments de détection qu’elle avait installés dans une Toyota Prius. Pour la première fois, nous allions être capables de mesurer toutes les deux secondes le méthane et le CO2 présents dans l’air tout en nous déplaçant. Nous avions commencé cette étude en 2008 sans savoir ce que nous allions trouver. Nous pensions mesurer le CO2 au-dessus du bassin de Denver. C’est une spécialité du NOAA d’étudier l’impact de l’activité humaine sur la production de CO2. Aux États-Unis, les mesures sur les gaz à effet de serre ont commencé dans les années 2000 au moyen de tours de 300 mètres de hauteur permettant de réaliser des prélèvements toutes les dix minutes ainsi qu’avec des avions pour des échantillons en haute altitude. Ce qui nous a tout de suite étonnés, c’est la présence de méthane en quantité importante dans l’air. Il nous fallait en trouver la source et plusieurs possibilités se présentaient. Ça pouvait être dû au demi-million de vaches qui broutent dans le nord–est de Boulder, aux décharges à ciel ouvert ou encore à des fuites des gazoducs du réseau vieillissant de Denver. Un indice nous a alertés :cette présence de méthane était bien plus forte lorsque le vent venait de l’est. Nous sommes donc allés sur place. Et nous nous sommes retrouvés au milieu de 16 000 puits de gaz situés à quarante minutes de voiture du centre de Boulder.

ET QU’AVEZ-VOUS DÉCOUVERT ?GP : En comparant mes prélèvements aux données publiques d’une étude réalisée en 2006 par un autre organisme officiel, j’ai pu voir que mes échantillons avaient exactement la même signature chimique.

C’était donc évident qu’il s’agissait de gaz naturel s’échappant des installations. Nous avions aussi d’autres composants à identifier. La spécificité de l’exploitation gazière du bassin de Denver est due à la présence, en plus du méthane, d’un hydrocarbure qui est du gaz transformé en huile. Plus de 6 000 citernes permettent de stocker cette huile. Ces cuves sont une source importante d’émissions de produits polluants. Dans les États où tout est bien régulé, les vapeurs et les fuites de gaz sont brûlées. Dans d’autres, les gaz s’échappent librement dans l’atmosphère.

QUELLES ONT ÉTÉ LES RÉACTIONS LORS DE LA PUBLICATION DE VOS RECHERCHES ?GP : J’étais sur le terrain dans l’Utah quand le résultat de nos recherches a été publié dans le Journal of Geophysical Research. Le point qui a inquiété le public et suscité l’intérêt des journalistes a concerné notre estimation de la quantité de méthane présent dans l’air. Nous avions annoncé un pourcentage entre 2,3 % et 7 %, avec une valeur moyenne proche de 4 % alors que le chiffre national officiel est de 1,2 %. Ces chiffres ont suscité de nombreuses critiques et contre-attaques des opérateurs. Ils ont utilisé comme argument le fait que, à l’époque de nos prélèvements, de nombreuses fuites étaient dues à des valves peu étanches, mais que, depuis lors, ces équipements avaient été changés. En outre, la régulation s’est durcie dans le Colorado en 2008, et nos prélèvements avaient été réalisés en partie avant cette date. Nous analysons en ce moment de nouveaux prélèvements réalisés durant la période 2010-2012 et nous verrons si ces critiques sont bien fondées.

Y A-T-IL D’AUTRES POLLUTIONS PRÉSENTES DANS L’AIR ?GP : Nous venons de communiquer sur les alertes à l’ozone que nous avons relevées en plein hiver dans le Wyoming et dans l’Utah. Ça ne s’était jamais vu auparavant. En général, nous rencontrons ces problèmes en été, quand il fait très chaud. Cette pollution à l’ozone est directement liée au méthane. Il ne peut en effet pas s’échapper dans l’atmosphère à cause des inversions de température et des montagnes qui entourent ces sites. Nous craignons de rencontrer prochainement le même problème dans l’ouest du Colorado.Comme nous disposons d’une loi stricte réglementant les émissions d’ozone, ces alertes vont peut-être permettre de réguler les émissions des champs pétroliers. Il y a aussi la présence de benzène qui, pour l’instant, a été un peu oubliée, car les chiffres moyens ne sont pas supérieurs à ce que l’on trouve au centre d’une grande ville en raison de la pollution occasionnée par les voitures. Pourtant, à certains moments de l’année, on relève des niveaux énormes de benzène autour des sites de forage, au moment des reflux, et à proximité des lagons d’évaporation.Ça représente un vrai danger pour les ouvriers et les riverains des forages. Enfin, c’est plutôt difficile à imaginer, mais on voit des embouteillages de camions au milieu des champs tellement l’exploitation d’un puits requiert de transports de matériaux (eau, sable, produits chimiques…) et de logistique pour assurer l’évacuation de l’eau de reflux. C’est une source de pollution supplémentaire non négligeable.

C’EST GRÂCE AUX ÉQUIPEMENTS EMBARQUÉS

DANS LEUR VOITURE HYBRIDE QUE GABRIELLE

PETRON ET L’ÉQUIPE DU NOAA ONT

DÉCOUVERT QUE LE TAUX ÉLEVÉ DE MÉTHANE ÉMANAIT

DE L’EXTRACTION DE GAZ NON CONVENTIONNELS.

Page 12: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

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XXXXXXXXXXXXXXX

Page 13: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

6103 — WE DEMAIN

MON VILLAGE À L’HEURE DE LA TROISIÈME

RÉVOLUTION INDUSTRIELLE Sylvain Morvan

Photos : Jean-Luc Bertini pour We Demain

SOUS L’IMPULSION DE SON ÉLUE, MONTDIDIER, UNE PETITE COMMUNE PICARDE, EST DEVENUE

LE LABORATOIRE VIVANT DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, ENJEU MAJEUR DE DEMAIN.

D’AUTRES VILLAGES EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER SUIVENT LA MÊME VOIE.

Page 14: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

46

UNE BALEINE AU LARGE DE LA PÉNINSULE VALDÉS, EN PATAGONIE : IMAGE EXTRAITE DU DERNIER FILM DE YANN ARTHUS-BERTRAND, PLANÈTE OCÉAN (2012).

MÉTÉO-PLANÈTE

LES BONNES ET MAUVAISES NOUVELLES DU FRONT DE L’ENVIRONNEMENT NOUS SONT RAPPORTÉES PAR LA FONDATION GOODPLANET. ELLES SONT ILLUSTRÉES

PAR DES IMAGES EXTRAITES DE PLANÈTE OCÉAN, LE DERNIER FILM

DE YANN ARTHUS-BERTRAND.

Page 15: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

4703 — WE DEMAIN

« J’ai commencé ma carrière de photographe dans la réserve nationale du Masai Mara, au sus-ouest du Kenya. J’étais parti y étudier les lions avec ma femme. J’y ai passé trois ans, pendant les-quels j’ai pu voir que, comme nous, ils jouent, ils font l’amour, ils s’occupent de leurs enfants, sont parfois joyeux, parfois inquiets… Les chercheurs nous mettent en garde contre l’anthropomor-phisme. Mais je crois que l’empathie est un moteur important de notre relation à la planète et à ses habitants, et je ressens cette empathie pour mes congénères et pour un grand nombre d’ani-maux. Je me sens proche d’eux – même si, bien sûr, c’est plus facile avec certaines espèces qu’avec d’autres. Cette empathie est un axe fondamental de ce que devrait être notre relation au monde. À mon retour en France, j’ai découvert un fait qui ne cesse de m’interroger : si l’on additionne l’ensemble de tous les vertébrés présents sur les terres émergées de notre planète (mammifères, oiseaux, reptiles), plus de 95 % de leur masse correspond aux ani-maux d’élevage. Nous avons créé des espèces ou des variétés, nous les entassons dans des usines ou des cités. Et nous avons relégué le monde sauvage à la portion congrue. Il ne s’agit pas de faire la leçon à l’Afrique ou à l’Asie puisque en Europe, nous avons anéanti cette partie sauvage et repoussé les grands prédateurs ou les grands herbivores (comme les chevaux sauvages ou les bisons) à des zones confinées. Nous n’arrivons même pas à cohabiter avec les rares loups ou ours qui subsistent. Mais comment protéger le monde sauvage ? Les approches sont nombreuses et complémentaires. L’une d’entre elles, trop peu connue, est celle empruntée par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), dont cette année 2013 marque le quaran-tième anniversaire. La CITES aborde la protection du monde sauvage d’une manière assez inattendue : du point de vue du commerce. Ce n’est pas ma manière de voir le monde, mais dans notre monde moderne où l’argent est le moteur ou la raison de tant de choses, c’est clairement un positionnement décisif. Et en quarante ans, elle a montré une efficacité unique. Des 35 000 espèces d’animaux et de plantes qu’elle protège, 100 % ont été sauvées ; aucune n’a disparu. Au final, je crois que c’est notre capacité à nous émouvoir qui pourra changer le monde et nous réconcilier avec la nature. Mais d’ici là, joyeux anniversaire à la CITES. »

« C’EST NOTRE CAPACITÉ À NOUS ÉMOUVOIR QUI POURRA CHANGER LE MONDE. »

Yann Arthus-Bertrand, président de la fondation GoodPlanet.

Page 16: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

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Page 17: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

5303 — WE DEMAIN

WE DEMAIN : EN 2009, À SEULEMENT 33 ANS, VOUS ABANDONNEZ LA VOILE POUR VOUS CONSACRER À LA PROMOTION D’UN NOUVEAU SYSTÈME ÉCONOMIQUE. POURQUOI CE VIRAGE ?ELLEN MACARTHUR : Lorsque vous faites le tour du monde sans escale, vous devez gérer des ressources limitées : nourriture, carburant, disques durs... De retour sur la terre ferme, j’ai pris conscience qu’il en était de même à l’échelle globale, sans pouvoir le mesurer. J’ai commencé alors à me nourrir de toutes les données disponibles sur l’état des ressources naturelles, la production, la consommation... Et la conclusion est que notre fonctionnement n’est pas viable à long terme. Je ne pouvais plus l’ignorer. Mais que faire ? Porter un message depuis mon bateau ? Quel message ? Il y avait là quelque chose qui allait au-delà de la navigation. J’ai donc pris la décision la plus difficile de ma vie, moi qui rêvais de faire le tour du monde depuis l’âge de 4 ans, qui vivais sur l’eau six mois de l’année : j’ai dit au revoir à la voile.

EN 2010, VOUS CRÉEZ LA FONDATION ELLEN MACARTHUR. AVEC CE MESSAGE : UN AVENIR DURABLE PASSE PAR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE. QUELLE A ÉTÉ LA GENÈSE DE CETTE STRUCTURE ?EM : En 2008, j’ai réuni une équipe de

quatre personnes. Les études répétaient que nous étions confrontés à un problème majeur… auquel nous n’avions toujours pas de réponse. La seule issue à l’époque était de dire : « Utilisons moins. » Or cela ne nous semblait pas une solution sur le plan économique. Encore moins une source d’inspiration et de créativité. Imaginez que, chaque année, une entreprise doive produire moins et, du coup, supprimer dix postes… Au bout de dix ans, combien de salariés lui reste-t-il ? Fin 2009, après de nombreux travaux et discussions avec des chefs d’entreprise et des scientifiques, nous avons compris qu’utiliser de la matière ne posait plus de problème si la conception même des produits leur permettait d’être recyclés. Le cabinet McKinsey, avec lequel nous avons travaillé à la rédaction d’un rapport économique dévoilé à Davos en 2012, nous a ensuite apporté la preuve chiffrée qu’un tel système était profitable. Les seules entreprises européennes du secteur manufacturier qui fabriquent « des biens complexes à durée de vie moyenne » pourraient ainsi économiser 380 milliards d’euros en augmentant leur taux de collecte et de réemploi, en jouant sur le design de leurs produits, sans que cela entraîne de modifications majeures de leurs processus. Et cela reste une estimation prudente.

LE CONCEPT D’ÉCONOMIE CIRCULAIRE N’EST PAS NOUVEAU…EM : Les idées étaient là, en ordre dispersé. En 1976 – l’année de ma naissance –, l’architecte et économiste suisse Walter Stahel publiait déjà un rapport où il développait le principe d’une économie s’appuyant sur des cycles bien définis(1). Il a également été le premier à parler de Cradle to Cradle. Un concept que Michael Braungart et William McDonough ont formalisé dans un ouvrage paru en 2002(2) puis réalisé avec un label décerné aux produits circulaires et non toxiques. L’idée de concevoir des objets pour qu’ils soient déconstruits est essentielle, mais nous voulions aller plus loin, c’est-à-dire repenser le système économique dans son ensemble, des aspects marketing aux modes de financement. Nous avons eu un déclic en 2009, lors de notre rencontre avec Ken Webster sur l’île de Wight, au siège de la fondation. Ce dernier avait écrit un petit livre(3) qui intégrait l’écologie industrielle, la biomimétique, la fonctionnalité… dans un système cohérent. Les discussions avec Ken ont duré trois jours. Il est aujourd’hui le directeur de notre programme éducatif.

UN SYSTÈME OÙ TOUT SE RECYCLE À L’INFINI… POURQUOI POUSSER L’EXIGENCE SI LOIN ?EM : Parce que c’est la seule solution viable à long terme. Avec trois milliards de nouveaux consommateurs d’ici à 2020 et des ressources limitées à des tarifs toujours plus volatils, l’économie linéaire n’est plus tenable. Dix ans ont suffi pour que la baisse des prix observée durant un siècle s’arrête ! D’où l’intérêt d’un schéma découpé en deux filières. La première, dite « biologique », concerne les matériaux élaborés pour retourner dans le cycle naturel. Cela évite le gaspillage et crée de la valeur. Par exemple, les déchets alimentaires peuvent servir à produire du biogaz ou des engrais biologiques. La seconde, dite « technique », englobe les produits manufacturés qui peuvent être reconditionnés ou déconstruits à la fin de leur vie, puis réutilisés. Prenez un lave-linge usagé. En le reconditionnant au lieu d’en fabriquer un nouveau, le constructeur réalise des économies. Le consommateur aussi : il ne paie plus la possession de l’objet mais son utilisation, soit le lavage.

ELLEN MACARTHURELLE VEUT FAIRE DE L’ÉCONOMIE

UN ÉCOSYSTÈMEInterview : Antoine Lannuzel

LA NAVIGATRICE ANGLAISE A DÉLAISSÉ LES TOURS DU MONDE À LA VOILE POUR UN NOUVEAU DÉFI ENCORE PLUS AMBITIEUX :

CONVERTIR LA PLANÈTE À L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE, UN SYSTÈME QUI RECYCLE TOUT À L’INFINI, DU LAVE-LINGE

AUX DÉCHETS ALIMENTAIRES.

Page 18: WE DEMAIN 3 EXTRAITS

54

INTERVIEW : ELLEN MACARTHURRESPIRER

VOITURE, VÉLO, TONDEUSE À GAZON... AUJOURD’HUI, TOUT OU PRESQUE PEUT ÊTRE MIS EN COMMUN. COMMENT S’ARTICULENT L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ET L’ÉCONOMIE DU PARTAGE ?EM : Des systèmes comme le Zipcar (voiture en libre-service, ndlr) fonctionnent bien. Cela ne signifie pas que, demain, tout se partagera. Pour la machine à laver, on paiera au nombre de lavages effectués, mais elle pourra rester individuelle. Cela dit, en Allemagne, les solutions collectives de buanderies dans les parties communes de certains immeubles ne cessent de se multiplier. On s’en approche déjà avec le portable. Achète-t-on la propriété de son téléphone ou seulement son utilisation ? Lorsque l’iPhone 14 sort, veut-on encore du 13 ? La fonctionnalité est l’un des piliers de l’économie circulaire. Pour traduire tous ces principes en réalité économique, il faut créer des business models qui assurent la circulation des matériaux techniques. Dans un téléphone, on trouve de l’or, de l’argent, des terres rares… Même en petites quantités, ce sont des matières de grande valeur, dont la quasi-totalité est aujourd’hui perdue.

À LA RENTRÉE PROCHAINE, UN COLLÈGE-LYCÉE ANGLAIS SUR DEUX SENSIBILISERA LES ÉLÈVES À L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE. COMMENT AVEZ-VOUS MIS EN PLACE CE DISPOSITIF ?EM : Il y a un an, nous avons embauché et formé une équipe « d’officiers de terrain ». Leur mission, grâce à des kits pédagogiques, est d’aider les profs de sciences et de technologie à enseigner l’économie circulaire aux 14-19 ans. La démarche est actuellement testée dans quatre cents écoles et sera étendue à 2 200 établissements dès la rentrée. Les universités s’y intéressent aussi. Nous y menons des projets de recherche soutenus par nos partenaires financiers. Comme National Grid, qui gère les lignes à haute tension en Angleterre et qui veut embaucher des jeunes capables de bâtir leur modèle de demain. Enfin, pour faire le lien entre le monde de la recherche et le business, nous avons un rôle de think tank (groupe de réflexion, ndlr) composé d’experts indépendants.

LE BUSINESS EST UN AUTRE DE VOS CŒURS DE CIBLE. EN QUOI LE MONDE DE L’ENTREPRISE DÉTIENT-IL LES CLÉS DU PASSAGE À L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ?

EM : Si National Grid, British Telecom and Cisco, Renault ou B&Q sont devenus nos partenaires, c’est que ces groupes croyaient en ce nouveau modèle, conscients que le leur n’était plus viable à long terme. Pour eux, l’économie circulaire est attractive car elle suscite la créativité. Dans ma vie précédente, j’ai beaucoup travaillé avec les entreprises pour le financement de mes projets. Cela a été essentiel pour comprendre qu’elles sont capables d’innover rapidement. Cela dit, pour que le système fonctionne efficacement, les entreprises ne doivent pas agir chacune de leur côté mais ensemble.

COMMENT MESURER LE DEGRÉ D’AVANCEMENT DES ENTREPRISES ? L’ATTRIBUTION DU LABEL « CRADLE TO CRADLE » AUX CRITÈRES EXIGEANTS EN MATIÈRE D’ÉCOCONCEPTION EST-ELLE SUFFISANTE ?EM : Le rôle de ce label « produits » est important, mais il faut également, comme vous le soulignez, pouvoir se forger une idée sur le niveau d’avancement des entreprises, donc un outil de mesure plus systémique est souhaitable. Nous commençons à réfléchir à cette problématique.

EN REVANCHE, VOTRE ACTION SEMBLE MOINS ORIENTÉE VERS LE MONDE POLITIQUE. N’A-T-IL PAS LUI AUSSI SON RÔLE À JOUER ?EM : Les études macroéconomiques nous montrent que la transition est possible avant même d’envisager des changements législatifs. Cela n’exclut pas de créer des conditions plus favorables via l’action politique. C’est pourquoi nous collaborons avec la Commission européenne, sur l’invitation du commissaire Janez

Potocnik. En France, nous entretenons des liens assez étroits avec le Conseil économique, social et environnemental qui s’intéresse à l’économie circulaire, tant sur le plan économique que comme nouveau modèle de société. Nous sommes prêts à parler à quiconque juge nos idées intéressantes, mais hors de question d’appartenir à un courant politique. La fondation souhaite rester neutre et indépendante.

QUELS SONT LES PAYS LES PLUS EN AVANCE ?EM : On voit des bourgeons apparaître à de nombreux endroits. La Chine parle beaucoup d’une transition vers une économie circulaire qu’elle a d’ailleurs inscrite en bonne place dans ses deux derniers plans quinquennaux. Aux États-Unis, on peut citer le fabricant de moteurs Caterpillar ou Michelin qui facture ses pneus de camion au kilomètre parcouru et les recycle une fois usés. En Europe, l’Allemagne et la Hollande sont les deux pays les plus en avance. Par exemple, le groupe Desso, basé aux Pays-Bas, commercialise des moquettes recyclables à l’infini.

OÙ EN EST-ON EN FRANCE ?EM : Des initiatives existent, comme chez Renault, l’un de nos partenaires financiers. Dans son usine de Choisy-le-Roi, le constructeur démonte, nettoie et reconstruit les moteurs des voitures de son réseau. Puis chaque moteur – mais aussi les boîtes de vitesse ou les pompes à carburant – est testé, avant de quitter l’usine avec les mêmes garanties que s’il était neuf. Et à des prix beaucoup plus bas ! En effet, 75 % de l’énergie et des matériaux nécessaires à la fabrication d’un moteur sont consommés lors de

ACHÈTE-T-ON LA PROPRIÉTÉ DE SON TÉLÉPHONE

OU SEULEMENT SON UTILISATION ? LORSQUE L’IPHONE 14 SORT,

VEUT-ON ENCORE DU 13 ?

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l’extraction et de la production des matières premières. Nous discutons aujourd’hui avec le groupe pour monter d’autres projets de ce type. Autre exemple : en partenariat avec l’université de Lorraine, la plate-forme industrielle Ecorevia s’est installée sur un ancien site Michelin où l’on régénère aujourd’hui des pneus. D’une manière générale, si l’aventure commence à peine, beaucoup d’entreprises cherchent à démarrer la transition.

COMMENT LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES, DONT L’OBJECTIF RESTE AUJOURD’HUI D’ÉCOULER UN MAXIMUM DE VOITURES NEUVES, PEUVENT-ILS VÉRITABLEMENT INTÉGRER L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ? EM : Cela suppose de changer les infrastructures et les mentalités, un bouleversement qui ne se fera pas du jour au lendemain. D’autant qu’en France, le débat sur l’état de l’industerie automobile est assez houleux... Il ne s’agit pas seulement de modifier le design des véhicules pour pouvoir les déconstruire en fin de vie, mais aussi de repenser la mobilité : une voiture pour qui, pour quoi ? La tendance est à la collaboration, avec des initiatives comme celle de Better Place, qui propose un parc de modèles électriques couplés à des sources d’énergies renouvelables et à des stations d’échange de batteries, avec des projets pilotes en Australie, en Israël et au Danemark. Pour Renault et Nissan, qui sont les plus gros investisseurs dans le secteur de l’électrique, cela peut être une solution tangible. Il devient d’autant plus urgent d’instaurer un autre modèle que ces douze derniers mois, certains fabricants ont dû dépenser 500 millions d’euros supplémentaires… à cause de la hausse du coût des matières premières.

QUELLES SERAIENT LES CONSÉQUENCES DE L’AVÈNEMENT DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE SUR L’EMPLOI ET LA CROISSANCE ?EM : Des secteurs qui emploient massivement aujourd’hui emploieront moins demain, c’est certain. Mais d’autres branches en profiteront et cela devrait s’équilibrer. Nous travaillons avec Walter Stahel afin d’en avoir une idée plus précise et nous avons publié un petit graphique « indicatif » qui n’est, bien sûr, qu’une ébauche. Si, à présent, dans l’automobile, l’extraction et la production de matières

premières font travailler toute une chaîne de salariés, à l’avenir, les activités de reconditionnement seront génératrices d’emplois non délocalisables. Rendez-vous à Choisy-le-Roi et vous constaterez que plusieurs centaines d’employés sont déjà à l’œuvre. L’intérêt économique est réel. Prenez deux sociétés, l’une exerçant dans l’économie linéaire, l’autre dans l’économie circulaire. Laquelle est la plus résistante ? Celle qui voit le prix des matières premières augmenter de 500 millions d’euros ou celle qui fabrique un produit démontable et ré-exploitable ?

LA CRISE ÉCONOMIQUE EST-ELLE UN FREIN OU UNE OPPORTUNITÉ POUR PASSER À L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ?EM : Une opportunité. Plus personne ne peut ignorer les problèmes que pose le système actuel. Au World Economic Forum, désormais, l’expression clé est la « recherche de nouveaux modèles ». La transition nécessite des investissements, ce qui n’est pas simple en période de crise. Mais d’une part, les entreprises qui ne changeront pas ne résisteront pas, et d’autre part, c’est un vrai levier de croissance.

VOUS AVEZ MONTRÉ QUE VOUS ALLIEZ AU BOUT DE VOS RÊVES. À QUEL HORIZON ESPÉREZ-VOUS VOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE PRENDRE LE POUVOIR ?EM : Impossible à dire. À l’évidence, pas dans cinq ans. À l’âge de 4 ans, j’ai rêvé de faire le tour du monde. Si je souhaitais partir le plus vite possible, j’ai dû patienter vingt ans. La certitude, c’est que le besoin de transition est de plus en plus fort. Et qu’il s’agit, je le répète, d’une opportunité économique immédiate. Il est donc important de le faire maintenant. Quel intérêt auraient nos partenaires à

promouvoir l’enseignement de l’économie circulaire aux étudiants si ces derniers n’exploitent leurs connaissances que dans cinquante ans ? Pour toutes ces raisons, je pense que les choses iront plus vite qu’on l’imagine. Il n’y a pas de ligne d’arrivée, mais la fondation œuvre à rapprocher l’horizon du changement.

DIFFICILE DE SE QUITTER SANS ÉVOQUER LES GAZ DE SCHISTE, AUXQUELS VOTRE PAYS, LA GRANDE-BRETAGNE, A DIT OUI, DANS LE SILLAGE DES ÉTATS-UNIS. L'EXPLOSION DU NOMBRE DE FORAGES PEUT-ELLE ÊTRE UN FREIN AU DÉVELOPPEMENT DE L'ÉCONOMIE CIRCULAIRE ?EM : Ce modèle tend vers la fin de notre dépendance aux énergies fossiles, dont les gaz de schiste font partie. À ce titre, ils ne constituent pas une solution à long terme. Sans entrer dans ce débat spécifique, j'estime que c'est l'ensemble du système qu'il faut examiner, et pas seulement se dire « on commence à manquer de pétrole, trouvons vite un remplaçant » sans remettre les pratiques en question, sans faire appel à l'innovation. Trop souvent, on oublie que les technologies modernes, si elles font l'objet d'investissements sérieux, peuvent faire considérablement baisser la consommation d'énergie.

(1) En 1976, Walter Stahel et Genevieve Reday ont remis

à la Commission des communautés européennes un

rapport intitulé Potential for Substitution Manpower

for Energy. Le texte, qui préconise la réutilisation

et le recyclage des produits, a été édité en 1982 sous

le titre Jobs for Tomorrow (Vantage Press).(2) Cradle to Cradle : Remaking the Way We Make

Things, de William McDonough et Michael Braungart,

North Point Press, 2002.(3) Sense and Sustainability, de Ken Webster,

TerraPreta, 2009.

DEMAIN, LES ACTIVITÉS DE RECONDITIONNEMENT SERONT GÉNÉRATRICES

D’EMPLOIS NON DÉLOCALISABLES.

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MAGNUS NILSON EST RENTRÉ EN SUÈDE POUR Y CRÉER SON RESTAURANT AUJOURD’HUI CÉLÈBRE, APRÈS AVOIR FAIT SES CLASSES AUPRÈS DE GRANDS CHEFS FRANÇAIS. WE DEMAIN EST ALLÉ GOÛTER LA CUISINE «SAUVAGE» DE CE MAÎTRE DE LA NOUVELLE GASTRONOMIE SCANDINAVE.

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JOE JUSTICE EXULTE DEVANT LE MODÈLE DE WIKISPEED DONT LA CARROSSERIE ULTRALÉGÈRE A ÉTÉ FAÇONNÉE EN TROIS JOURS ET POUR 800 DOLLARS.

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« Mon nom est Joe Justice. La journée, je suis consultant en management. Le soir et le week-end, je dévoue mon temps à Wikispeed. » Avec son nom de superhéros, cet Américain de 33 ans, originaire de Seattle, a fondé une entreprise atypique, dont la mission est pour le moins ambitieuse : « Résoudre rapidement des problèmes sociétaux. » Son projet phare est la fabrication d’une voiture à haute efficience énergétique. Avec une consommation de 2,3 l/100 km, une vitesse de pointe de 239 km/h et une accélération de 0 à 100 km/h en cinq secondes, la Wikispeed SGT01 affiche des performances défiant les standards de l’industrie automobile, tout en se conformant aux tests de sécurité routière les plus exigeants. Pour la mettre au point, pas besoin de milliers de salariés ni de R&D coûteuse : le premier prototype a été élaboré par une équipe de bénévoles, avec un budget des plus modestes... en à peine trois mois. Wikispeed compte aujourd’hui 150 membres bénévoles répartis dans dix-huit pays. Certains ont un bagage technique et ont fait leurs armes au MIT,

WIKISPEED LA PREMIÈRE VOITURE

« OPEN SOURCE »Benjamin Tincq

SI HENRY FORD ÉTAIT ENCORE PARMI NOUS, COMMENT S’Y PRENDRAIT-IL POUR RÉINVENTER LES MÉTHODES

DE PRODUCTION INDUSTRIELLE ? À COUP SÛR, IL TRANSPOSERAIT À LA PRODUCTION DE VOITURES

LES MÉTHODES « AGILES » HÉRITÉES DU DÉVELOPPEMENT DE LOGICIELS « OPEN SOURCE ». HENRY FORD N’EST PLUS

DE CE MONDE, MAIS IL A UN DESCENDANT SPIRITUEL : JOE JUSTICE, FONDATEUR DE WIKISPEED ET PIONNIER

DE LA TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE. —

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L’USINE DU FUTURVA FAIRE FORTE IMPRESSION

Antoine Lannuzel

« L’USINE AU SALON », ÉCRIVIONS-NOUS DANS LE PREMIER NUMERO DE WE DEMAIN À PROPOS DE L’IRRUPTION ANNONCÉE DE L’IMPRIMANTE 3D À LA MAISON.

DÉJÀ, LES TECHNIQUES DE FABRICATION ADDITIVES RÉVOLUTIONNENT LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION. BARACK OBAMA Y VOIT MÊME LA PERSPECTIVE

D’UNE RELOCALISATION DES EMPLOIS INDUSTRIELS.

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Selon le département de l’Énergie, la fabrication additive pourrait contribuer à rendre l’industrie américaine plus compétitive en faisant baisser sa note énergétique de 50 %, en accroissant le degré de personnalisation des produits et en accélérant leurs délais de livraison. « Cet institut permettra de s’assurer que les emplois industriels ne prennent pas racine dans des pays comme la Chine, mais ici, aux États-Unis. C’est comme cela que nous remettrons des salariés au travail et construirons une économie qui dure », tonnait le président, alors candidat à sa réélection. Un argument de campagne extravagant ? Détrompez-vous : le secteur de la fabrication additive, actuellement au sommet du « cycle des technologies émergentes » du cabinet d’analyse et de Gartner, pourrait peser 3,1 milliards de dollars en 2016 et 5,2 en 2020 (1) !

AUBAINE CRÉATIVE Nourrissant des ambitions affirmées, la fabrication additive, i.e. prototypage rapide ou stéréolithographie, est pourtant presque trentenaire. En juillet 1984, le procédé technique fît l’objet d’un brevet déposé par un ingénieur français, Jean-Claude André, qui mena des recherches dans les laboratoires de l’École nationale supérieure des industries chimiques de Nancy. Mais l’aventure s’arrêta là et c’est un Américain, Charles W. Hull, dépositaire d’un second brevet un mois plus tard, qui fit fructifier cette trouvaille. Hull est aujourd’hui à la tête de la société 3D Systems, l’un des leaders mondiaux de l’impression 3D, dont la valeur est estimée à 1,7 milliard d’euros à Wall Street.

La troisième révolution industrielle s’est trouvé un symbole. Connectée au réseau, synonyme de fabrication personnalisée à moindre coût logistique et écologique, l’imprimante 3D sera à l’industrie du XXIe siècle ce que la machine à vapeur fut aux manufactures du XIXe. Alors que son « aïeule » convertissait le charbon en force productive, cette machine-là change les bits en atomes. Autrement dit, en objets réels, tranche par tranche, grâce au dépôt puis à la solidification de poudre ou de résine à base de plastique, de métal, de bois… Un mode de fabrication « par addition » qui présente l’immense avantage de ne consommer que la matière nécessaire à la fabrication des objets, contrairement aux méthodes « soustractives » traditionnelles.

Il a fallu attendre le 15 août 2012 pour que le potentiel industriel de l’impression 3D soit reconnu au plus haut niveau. Ce jour-là, Barack Obama inaugurait dans l’Ohio le premier des « 15 centres d’excellences » qui formeront l’Institut national de l’innovation pour la fabrication additive (NAMII). Dirigée par les départements de la Défense, de l’Énergie et du Commerce, avec le concours d’universités, d’organismes comme la NASA, et d’ONG, la structure a déjà reçu 30 millions de dollars de dotations de l’État et 40 millions du secteur privé.

DANS UN LIEU MI-MAGASIN MI-USINE, DES MACHINES

ROBOTISÉES CONFECTIONNENT DES HABITS

SUR MESURE. CE CHROMO ANONYME FUTURISTE

ISSU D’UNE SÉRIE ÉDITÉE PAR L’IMPRIMERIE

VILLEMARD EN 1912 ANTICIPE L’IMPRESSION 3D !

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AU/TMP/LAB, L’ESPACE EST PARTAGÉ ENTRE HACKERS ET BIOHACKERS. LES BITS,

CIRCUITS ÉLECTRONIQUES ET IMPRIMANTES 3D CÔTOIENT LES TUBES À ESSAI, MOLÉCULES

ET SOLUTIONS DE « LA PAILLASSE », LABORATOIRE D’EXPÉRIMENTATION BIOLOGIQUE.

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MI-FABRIQUES, MI-LABOS, DANS LES CAVERNES DE L’INDUSTRIE 2.0

Camille Bosqué

Photos : Gilles Leimdorfer pour We Demain

IL Y A LES « HACKERSPACES », CES LABORATOIRES COMMUNAUTAIRES

OÙ DES CRÉATIFS MULTIPLIENT LES EXPÉRIENCES INÉDITES.

ET, DANS UN MÊME ESPRIT DE PARTAGE, IL Y A LES « FAB LABS », CES ATELIERS

D’INNOVATION OÙ LES USAGERS SE RÉAPPROPRIENT LES TECHNOLOGIES

POUR INVENTER ET FABRIQUER. PLACE À L’INNOVATION !

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L’ART BRUT ÉPATE LES GALERIESÉric Tariant

Œuvres : Galerie Christian-Berst

HORS NORMES, SPONTANÉ, INCLASSABLE. LONGTEMPS MÉPRISÉ PAR LES INSTITUTIONS ARTISTIQUES, L’ART BRUT, CONCEPTUALISÉ PAR DUBUFFET,

CONNAÎT AUJOURD’HUI UN ENGOUEMENT IMPRESSIONNANT. LES EXPOSITIONS ATTIRENT LES FOULES

ET LES PRIX DES ŒUVRES S’ENVOLENT.

Le lieu rappelle les docks de Londres. Passé le porche d’en-trée résonnant d’airs de jazz, on débouche dans une cour. Là, de grandes flèches rouge vif nous guident vers une enfilade d’esca-liers accrochée à un immeuble en briques rouges. Encore trois volées de marches et nous y sommes. Après avoir accueilli plus de 350 000 visiteurs à Londres, Turin et Moscou, ce musée sans port d’attache s’est arrimé, cet automne, quelques semaines boule-vard Raspail, à Paris. Parquets fatigués, murs défraichis et lumière glauque. C’est dans cette ancienne école désaffectée que James Brett, le fondateur londonien du Museum of everything, a choisi

d’exposer 500 œuvres de sa riche collection d’art brut. Drôle d’en-droit pour rendre hommage aux créateurs de cet art spontané, longtemps dissimulé dans les asiles psychiatriques, les milieux spi-rites et les jardins secrets d’originaux visionnaires. Signe d’un réel engouement pour ces créations plastiques spontanées et inclas-sables, ni l’esthétique déglinguée du lieu, ni le parcours muséal spartiate n’ont dissuadé les amateurs venus en nombre. Multiplication des publications et des expositions, montée en flèche de la fréquentation des espaces qui lui sont dédiés, envolée des prix sur le marché. L’art brut explose. Pas moins de cinq expo-

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GRÂCE AUX RELATIONS DE CONFIANCE QU’IL A PATIEMMENT ÉTABLIES AVEC LA POPULATION LOCALE, NATHAN WOLFE (PRÉCÉDÉ PAR UN PISTEUR) A PU FAIRE DES FORÊTS TROPICALES CAMEROUNAISES SON TERRAIN DE RECHERCHE PRIVILÉGIÉ.

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CHASSEUR DE VIRUSAllan Kaval

Photos : Brent Stirton/Getty images

SIDA, SRAS, H5N1, POUR LE BIOLOGISTE AMÉRICAIN NATHAN WOLFE,

CES GRANDES ÉPIDÉMIES AURAIENT PU ÊTRE DIAGNOSTIQUÉES EN AMONT.

LES PLUS MEURTRIÈRES AYANT ÉTÉ TRANSMISES À L’HOMME PAR

DES ANIMAUX, CE CHERCHEUR EXPLORE LES FORÊTS D’AFRIQUE ET D’ASIE AFIN

DE DÉCOUVRIR LES AGENTS INFECTIEUX SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER

DE FUTURES PANDÉMIES.

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AUTOMUTILATION OU FACULTÉS AUGMENTÉES ? COMME LEUR MAÎTRE

AMAL GRAAFTRA ILS S’IMPLANTENT DES PUCES SOUS LA PEAU.©

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LES PIONNIERS DE L’AFRIQUE QUI GAGNE Yannick Demoustier

Photos : Thibault Dufour pour We Demain

AVEC L’INSTITUT INTERNATIONAL D’INGÉNIERIE DE L’EAU ET DE L’ENVIRONNEMENT (2iE), OUAGADOUGOU EST DÉSORMAIS UN PÔLE D’EXCELLENCE DU CONTINENT.

FUTURS INGÉNIEURS ET CHERCHEURS, SES 2 000 ÉTUDIANTS, VENUS DE 30 PAYS, Y REÇOIVENT UN ENSEIGNEMENT ORIENTÉ VERS L’INNOVATION ET LA CROISSANCE VERTE.

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À l’ombre du mur de la case, sous le regard des enfants curieux, Odette prélève les eaux usées avec précaution. Étudiante en troisième année de licence « Eau et assainissement » à l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE), implanté à Ouagadougou, elle aime ce travail de terrain, « plus concret que les cours ». Avec Thierry, étudiant camerounais également en troisième année de licence, elle participe au projet Ameli-Eaur, réalisé en partenariat avec l’université d’Hokkaido au Japon, projet qui vise à développer les technologies d’assainissement des eaux en zone rurale et péri-urbaine afin de les utiliser pour les cultures. C’est l’un des nombreux projets de recherche qui ont lieu à 2iE où chercheurs, ingénieurs et étudiants planchent sans relâche afin de trouver des solutions dans des domaines variés mais complémentaires : eau, assainissement, environnement, énergie, électricité et génie civil. Que la solution provienne d’une technologie nouvelle, dernier cri, ou du système D, peu importe, pourvu que les solutions fonctionnent et soient scientifiquement analysées et vérifiées. Par exemple, le projet Ameli-Eaur est consacré à la mise au point de toilettes à compost, déjà testées en Indonésie, qui permettent de séparer et traiter fèces, urine et eaux grises (eaux usées domestiques servant pour la vaisselle, la lessive, le nettoyage…), les déchets retraités sont ensuite utilisés pour la

petite culture. Depuis un an, ces toilettes, adaptées au contexte sahélien, où les ressources en eau sont limitées, ont été installées dans l’un des villages-pilote peuls, situé à 35 kilomètres au nord-est de Ouagadougou, aux alentours de Siniaré, la ville où est né l’actuel président du Burkina Faso, Blaise Compaoré. Le meeting qui se tient sous les arbres, à l’approche des élections, n’intéresse pas les étudiants de 2iE venus travailler dans la région. Diallo Idrissa est bien plus captivé par ses plantations de maïs et de gombos, dont les fruits, utilisés comme condiment, sont consommés tout au long de l’année en Afrique. Il montre fièrement à Odette et à son collègue camerounais Thierry les plants de maïs qu’il a pu récolter grâce à l’utilisation de l’urine traitée au soleil, riche en azote, et des eaux grises assainies. Il est tellement satisfait par le système Améli-Eaur qu’il a déjà replanté du maïs sans attendre les équipes de 2iE qui suivent l’évolution du projet. Sans doute un peu grisé du succès de sa toute petite exploitation, il a même rajouté des graines : « Un peu », se défend-il. « Un peu beaucoup ! », lui rétorque la directrice du projet, inquiète que cela fausse les données.

80 BOURSES DE L’ÉTAT FRANÇAIS L’institut 2iE se situe en face de l’université publique de Ouagadougou. Il accueille près de 30 nationalités sur son campus. Un autre site, Kamboinsé, se trouve à une demi-heure en voiture. C’est là où l’on trouve les matériels plus imposants : deux stations météorologiques conçues pour mesurer l’impact du réchauffement climatique dans la région.

MÊME PENDANT LA PAUSE, LES ÉTUDIANTS

DE 2iE CONTINUENT DE TRAVAILLER

À L’EXTÉRIEUR DES LOCAUX.

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VOYAGER POUR L’INFINIYves de Chazournes

Photos : Nasa

LANCÉES EN 1977 POUR UNE MISSION D’ENVIRON CINQ ANS AUTOUR DES PLANÈTES

DU SYSTÈME SOLAIRE, LES SONDES AMÉRICAINES VOYAGER 1 ET 2 ONT,

À LA SURPRISE DE LEURS CONCEPTEURS, MIS LE CAP SUR L’INFINI. AUJOURD’HUI,

TRENTE-SIX ANS APRÈS, À PLUS DE 18 MILLIARDS DE KILOMÈTRES

DE LA TERRE, VOYAGER 1, QUI CONTINUE D’ÉMETTRE, EST LE PREMIER ENGIN CRÉÉ

PAR L’HOMME À FRANCHIR LA FRONTIÈRE DU SYSTÈME SOLAIRE.

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© Photos : DR / Grace Robertson / Anouk / Dallenbach

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À CÔTÉ DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE COMMUNICATION, CES PETITES IMAGES CARTONNÉES À VOCATION TOURISTIQUE,

SENTIMENTALE, HUMORISTIQUE OU ÉVÈNEMENTIELLE PARAISSENT ASSEZ RINGARDES. ELLES NE SE SONT POURTANT JAMAIS AUSSI

BIEN PORTÉES. LE SOCIOLOGUE PHILIPPE VIALLON EXPLIQUE COMMENT LES CARTES POSTALES ONT RÉSISTÉ À L’INVASION DU NUMÉRIQUE.

CARTE POSTALE 1, E-MAIL 0Alexis Botaya, rédacteur en chef de Soon Soon Soon

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DANS LE SPITZBERG NORVÉGIEN, PLANTÉE JUSQU’À 120 MÈTRES SOUS TERRE, CETTE ÉTRANGE CONSTRUCTION EN BÉTON EST À LA FOIS LE FORT KNOX ET L’ARCHE DE NOÉ DE LA GRAINE. BAPTISÉE « SVALBARD GLOBAL VAULT », ELLE ABRITE DES CENTAINES DE MILLIERS DE BOÎTES SCELLÉES CONTENANT LES VARIÉTÉS DE SEMENCES ISSUES DU MONDE ENTIER ET MENACÉES DE DISPARITION.

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SARAH SAFA ET SON FRÈRE MORAD DEVANT LEUR IMMEUBLE DU QUARTIER SAINT-EXUPÉRY, À BONNEUIL-SUR-MARNE. SARAH, QUI A DEPUIS ARRÊTÉ LE VIOLON, A CRÉÉ LE « BONNEUIL COMEDY CLUB » POUR Y FAIRE DU MONOLOGUE COMIQUE.

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L’AVENIR MUSICALEST ENTRE NOS MAINS

Franck Weber(1) avec Julien Millanvoye

FAÇONNÉE DEPUIS DES MILLIERS D’ANNÉES, STOCKÉE DEPUIS QUELQUES SIÈCLES,

LA MUSIQUE EST À L’AUBE D’UNE RÉVOLUTION. À L’HEURE DU TOUT-NUMÉRIQUE, PERSONNALISABLE ET COLLABORATIF, CHACUN PEUT DEVENIR CRÉATEUR

ET DIFFUSEUR DE SES PROPRES DESIRS SONORES GRÂCE À DES SITES, DES LOGICIELS

ET DES INSTRUMENTS… INATTENDUS.

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un autre morceau) et la condamnation du mashup (mélange de deux morceaux pour en créer un troisième) ont fait long feu. La question ne sera bientôt plus : de qui est la musique que j’écoute ? Mais : pour quelle utilisation est la musique que j’interprète ?

30 000 APPLICATIONS MUSICALES Un grand nombre d’outils existe déjà : prenez quelques secondes pour observer ce que l’on nomme encore un Smartphone. Cette machine est devenue, en peu de temps, la plus créative des plates-formes de création musicale. On y trouve de tout et en grande quantité. Du jouet qui fait du bruit au jeu qui permet d’apprendre le rythme, en passant par des enregistreurs et modificateurs de toute sortes. Tout cela, c’est du son. On peut y remixer sa voix, produire de la musique générative (musique construite par des algorithmes personnalisables, dont l’exemple le plus fameux est sans doute Bloom adaptation pour iPhone du travail de Brian Eno), jouer les DJ avec des platines virtuelles, avoir accès à des milliers d’instruments – dont certains très exotiques –, et même piloter sans fil un concert au stade de France. Tout cela, c’est du son. Sur la plate-forme d’Apple par exemple, on trouve 30 000 applications musicales. Une sur deux propose soit un instrument, soit une expérience d’écoute active, et les éditeurs professionnels mettent dorénavant à disposition des versions allégées de leurs synthétiseurs ou de leurs boîtes à rythmes. Figure, de Propellerhead, en est un exemple.

Sur le Web – devenu en quelques années un espace pour faire et non plus simplement pour consulter –, des instruments connectés permettent la production collaborative de musique, histoire de faire un « bœuf » ou une jam en live avec des amateurs du monde entier, directement depuis son navigateur. Il n’est pas impossible que des labels s’emparent de ce vivier pour trouver de nouveaux talents, mais surtout, et c’est

home studio, à la fois ateliers et lieux de diffusion. Concrète, électro-acoustique, hip-hop, techno... En tant qu’auditeur, nous apprécions sans réserve la diversité des styles, mais nous sommes toujours emprisonnés dans un cadre immuable. Celui de la musique linéaire, qui va d’un point A à un point B et nous laisse peu de plaisirs annexes. Play, Pause, suivant...Rien de plus, rien de moins. Or, l’un des apports récents de l’ordinateur à la création musicale est de transformer cette dimension.

L’ÈRE DE L’APPROPRIATION DES OUTILS L’accaparement des contenus et des territoires culturels par ceux qui en font commerce est-elle sur le point d’être dérangée ? Si l’on ne peut reprocher à « l’agriculture musicale intensive » d’avoir prospéré, on doit prendre acte de l’évolution des pratiques. Notamment de la tendance à l’autonomisation des passionnés de musique. La multiplication de ces formats dits « composites », ainsi que l’explosion des productions sur le réseau, interpellent ceux qui pensent que nous entrons dans l’ère de l’appropriation des outils et surtout des techniques.

Cette question se pose particulièrement au sujet de la musique, que l’on invoque immanquablement pour débattre de piratage, de licence globale ou de partage de fichiers. Il est vrai que le droit d’auteur tente – tant bien que mal – de faire respecter l’ancien régime en installant des contrôles frontaliers à l’endroit des musiciens et des consommateurs (plate-forme très encadrée, Gestion numérique des droits [GND]…). Sans doute, le juridique souhaite marquer ici la différence conceptuelle entre le créateur et l’auditeur, qui lui est indispensable pour exister. Mais nous entrons dans une autre séquence, car la notion même de droit d’auteur est impuissante à contrôler un espace où le pirate, lui aussi, est créateur. La controverse du sampling (échantillon sonore d’un morceau existant utilisé dans

Au moment où il nous semble que la musique poursuit lentement son cheminement à travers les âges, un grand nombre de pratiques nouvelles révolutionnent nos habitudes. Dans un présent que chacun peut constater sur-informatisé et connecté, la musique est le théâtre d’expérimentations et trace les pistes d’expériences sonores futures.

UN CADRE IMMUABLE Depuis les premières tentatives d’enregistrement du XIXe siècle jusqu’aux innovations futuristes qui voient le jour en ce moment même, en passant par les laboratoires des années 1950, l’intervention et l’utilisation des machines n’ont cessé de bouleverser notre approche de la musique et du son. On sait qu’à l’heure actuelle, les principaux mouvements musicaux se construisent avec des outils numériques dans des

À L’ÉCOLE NATIONALE SUPÈRIEURE DE CRÉATION

INDUSTRIELLE DE PARIS (ENSCI), DES ÉTUDIANTS

INVENTENT LES MOYENS DE PRODUCTION SONORE

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LA PLANÈTE BLEUE EST UN OVNI RADIOPHONIQUE ÉCOUTÉ DANS LE MONDE ENTIER. C’EST AUSSI UNE COLLECTION DE DISQUES QUI RÉUNIT L’AVANT-GARDE MUSICALE DES CINQ CONTINENTS ET DONT CHAQUE VOLUME EST HABILLÉ PAR L’UN DES PLUS GRANDS DESSINATEURS DE SCIENCE-FICTION. AU TRAVERS DE CES CRÉATIONS EXCLUSIVES SIGNÉES ENKI BILAL, COSEY, LÉO, NICOLAS MALFIN OU ENCORE MOEBIUS ET MARVANO, WE DEMAIN VOUS CONVIE À UN VOYAGE DANS LE FUTUR. ET À LA RENCONTRE D’YVES BLANC, QUI PILOTE SEUL LE VAISSEAU DEPUIS LES HAUTEURS DU VERCORS.

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LE DOCTEUR PATHAK (ICI EN VISITE À NEW-DELHI AVEC LA PRINCESSE DE BELGIQUE, EN 2010) EST AUJOURD’HUI IDOLÂTRÉ PAR LES INTOUCHABLES, QUI SE PARENT DE BLEU POUR SYMBOLISER LEUR LIBÉRATION.

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Bindheshwar Pathak n’aime pas se bercer de mots, qu’il peine de toute façon à trouver. Mais ne vous fiez pas à ses paupières tombantes et son débit cotonneux. Aux envolées verbeuses et donneuses de leçons, ce docteur en sociologie indien de 69 ans préfère l’action discrète et pérenne. La productrice et réalisatrice Catherine Berthillier, fondatrice de la plate-forme d’informations positives Shamengo(1) a eu « la chance », dit-elle, de rencontrer ce pionnier, chez lui, à New Delhi. Depuis, elle en est convaincue : Bindheshwar Pathak « mérite un prix Nobel ». Mais qu’a donc fait ce bon génie, marié et père de plusieurs enfants, encore largement méconnu chez nous ? Il a osé libérer le peuple banni des Intouchables. L’œuvre de sa vie.

UNE VIE DE SOUFFRANCES Tout a commencé en 1968, année historique. Le docteur Pathak raconte le jour J avec l’humilité des héros du quotidien, et cette esquisse de sourire qui ne quitte pas son visage. « J’ai vu un garçon portant une chemise rouge se faire attaquer par un taureau. Des passants se sont précipités pour l’aider. Mais soudain, l’un d’entre eux a crié que l’enfant était un Intouchable, alors tout le monde s’est détourné. Je l’ai emmené à l’hôpital, mais il n’a pas survécu. Ce jour-là, j’ai pris l’engagement de restaurer la dignité des Intouchables. » Ainsi, Pathak

a réalisé le rêve de Gandhi dont il reste un indéfectible disciple. Comme le Mahatma, le brahmane de New Delhi est assurément « une grande âme ». De celles qui changent le monde sans faire de bruit. Avec persévérance. Il en fallait pour imposer son idée folle : envoyer les Indiens aux toilettes. Gandhi l’avait proclamé… sans parvenir à changer la donne : « Personne ne doit gagner sa vie en nettoyant et transportant les excréments des autres ». Depuis 5 000 ans, c’est le sort des Intouchables. Et une vie de souffrances. Dans la société indienne hiérarchisée, les castes supérieures refusaient tout contact avec ces miséreux, obligés, pour survivre, de ramasser les excréments de leurs congénères dans des seaux portés sur la tête. Et cela malgré la Constitution indienne de 1947, date de l’indépendance, qui élevait les Intouchables à égalité avec les castes supérieures. Durant l’année 1968 donc, et dans le cadre de ses études de sociologie, Pathak voyage à travers l’Inde, vivant avec des familles de scavengers, ces Intouchables éboueurs, qui deviennent tout à la fois ses sujets d’observation et d’indignation. Cette expérience in vivo, éprouvante et édifiante, persuade le sociologue Pathak que ce métier d’éboueur est dégradant, inhumain même, et peut avoir un effet destructeur sur la société indienne dans son ensemble. Il réalise aussi que « les Intouchables n’ont pas le droit de manger

avec les autres castes, d’entrer dans un temple pour prier, et d’utiliser les bains publics ». Une discrimination contre laquelle Patakh va désormais se battre chaque jour. Avec comme seules armes, des toilettes. Et son ONG, le Sulabh Sanitation Movement, qui fédère bientôt 50 000 volontaires. Sa profession de foi est digne du Mahatma : « Personne ne doit déféquer dehors et chaque maison doit disposer de toilettes en Inde ». La défécation à ciel ouvert, alors une tradition en Inde en l’absence de toilettes publiques ou privatives, est source d’une mortalité infantile record et de toutes sortes de maladie.

INNOVER ET INVENTER Faute de meilleure solution à son époque, Gandhi recommandait l’enfouissement des excréments. Ce qui revenait finalement à s’enfouir la tête dans le sable devant un tel fléau. Pathak, après la lecture de plusieurs livres, se convainc que son projet de société a besoin de la technique pour être mené à bien. C’est là toute l’originalité de son action. Dès le départ, il comprend qu’il doit, avec ses compagnons, innover et inventer des toilettes propres, faciles à installer et à utiliser, efficaces et peu chères. Aidé de quelques ingénieurs de bonne volonté, il trace les plans de ses toilettes Sulabh, génialement simples. Scepticisme et dérision accompagnent leurs premiers pas. « Mon père était très

BINDHESHWAR PATHAKIL A LIBÉRÉ LES INTOUCHABLES

Olivier Cabréra, avec Shamengo

EN 1968, IL A PRIS L’ENGAGEMENT D’AFFRANCHIR LA CLASSE SOCIALE INDIENNE LA PLUS BASSE DE LA TÂCHE QUI LUI INCOMBAIT DEPUIS 5 000 ANS : RAMASSER ET TRANSPORTER

LES EXCRÉMENTS DES AUTRES. LE DOCTEUR BINDHESHWAR PATHAK EST EN PASSE DE GAGNER SON COMBAT EN INSTALLANT PLUS DE 50 MILLIONS DE TOILETTES DANS LES MAISONS

INDIENNES. DIGNE HÉRITIER DE GANDHI, IL EST DEVENU L’AMBASSADEUR DE LA PLATE-FORME VIDÉO SHAMENGO QUI VA À LA RENCONTRE DES « PIONNIERS DU NOUVEAU MONDE ».

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FERMÉ EN 2008, L’AÉROPORT TEMPELHOF A ÉTÉ INVESTI PAR LA POPULATION BERLINOISE.

SES PELOUSES ET SON TARMAC RESTENT AUJOURD’HUI À LA MERCI DES PROMOTEURS IMMOBILIERS

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de 500 terrains de football ouvert du jour au lendemain aux habitants et aux visiteurs de Berlin la bouillonnante. Chaque jour, depuis deux ans, Carsten traverse Tempelhof à vélo d’est en ouest. « Au moins, ici, zéro voiture, sourit-il, avant d’analyser : l’économie se porte mal à Berlin, et le seul secteur qui crée de l’emploi est celui du tourisme. Vu le succès qu’a remporté ce parc en si peu de temps, sans que cela coûte le moindre centime à la municipa-lité, il serait idiot de dépenser de l’argent pour le transformer, construire des logements pour riches et casser ce miracle urbain. » Des jeunes « Easyjet-setters » branchés aux touristes américains, tous se pressent à Berlin, ville créative, bienveillante et bon marché. En 2011, la cité est devenue la troisième destination européenne, der-rière Londres et Paris, dépassant Rome. Tempelhof et le Schiller-kiez, un quartier adjacent, sont particulièrement prisés. Le parc n’est pas qu’une attraction touristique. Avec ses 386 hectares, il est aussi l’épicentre d’une nouvelle culture urbaine. Le lieu de tous les possibles, « parfait pour se retrouver en famille, faire des grillades et fumer la chicha », estime Aslan, un habitant du quartier d’origine turque. Envie de laisser votre chien courir sans laisse ? Direction l’espace prévu à cet effet. De faire voler votre cerf-volant ? De jouer avec votre avion télécommandé ? De faire du skate (ou du surf quand il neige) avec une voile de kitesurf ? Vous êtes au bon endroit. Vous pouvez aussi tout simplement boire un verre dans un bar, alangui dans l’une des chaises longues plantées çà et là, ou vous promener sur les anciennes pistes d’atter-rissage, y faire du roller, jogguer, répéter une pièce de théâtre, faire

À 360 degrés, le ciel offre un spectacle saisissant. Vous n’êtes pas en pleine mer, mais au beau milieu de l’une des villes les plus animées et excitantes d’Europe. Bienvenue dans le parc de Tempelhof, un océan de verdure au cœur de Berlin. Mais cet éden est menacé par plusieurs projets d’aménagement de la mairie. Pour sauver leur poumon vert, de plus en plus des Berlinois se mobilisent. Tempelhof ? La dernière fois que la plupart d’entre nous avons entendu ce nom, c’était au lycée. En juin 1948, l’URSS imposa un blocus à Berlin-Ouest. Les Américains le déjouèrent en instau-rant un pont aérien 324 jours durant pour assurer le ravitaille-ment de la ville. Utilisé ensuite à des fins civiles, cet endroit chargé d’histoire a fermé ses portes le 30 octobre 2008, après un référendum local et des années de valses-hésitations des autorités face à l’activisme d’une partie de la population. Beaucoup de Ber-linois ne voulaient plus en effet d’un aéroport en plein centre-ville, d’autant que, les derniers temps, il n’était fréquenté que par 600 000 voyageurs par an.

UNE NOUVELLE CULTURE URBAINE La fermeture du site signe sa renaissance. Totalement inat-tendue. La ville, surendettée, flirte continuellement avec la fail-lite : 59 milliards d’euros de dette en 2011 pour 3,5 millions d’ha-bitants, l’équivalent de trois exercices budgétaires ! À quelque chose, malheur est bon : le 8 mai 2010, à la suite d’une mobili-sation citoyenne qui empêche de le céder à un promoteur pour un euro symbolique, le parc est ouvert au public. L’équivalent

TEMPELHOF, MIRACLE URBAIN ÉPHÉMÈRE ?

Lionel Guérin

EN À PEINE DEUX ANS, L’AÉROPORT HISTORIQUE DE LA CAPITALE ALLEMANDE EST DEVENU UN LIEU DE LOISIRS AUTOGÉRÉ. MENACÉ PAR DES PROJETS IMMOBILIERS, CET IMMENSE TARMAC PARSEMÉ DE PELOUSES DOIT SON DESTIN À LA MOBILISATION

CITOYENNE. ON Y CÔTOIE DES CHARS À VOILE, DES MARAÎCHERS DU DIMANCHE, DES ARTISTES, DE VIEUX PROMENEURS BERLINOIS… MAIS JUSQU’À QUAND ?

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2025, LA VIE SHAREOlivier Cabréra

Illustrations : Mathilde Aubier

EN ASSOCIATION AVEC LE COLLECTIF OUISHARE, NOUS AVONS IMAGINÉ

CE QUE SERAIT UN MONDE OÙ LE COLLABORATIF AURAIT PRIS LE POUVOIR. NOUS VOICI EN 2025,

DANS LE QUOTIDIEN D’UN « SHARER » POUR QUI TOUT SE PARTAGE

OU S’ÉCHANGE, DU TOIT AU REPAS, EN PASSANT PAR LA RÉPUTATION.

UTOPIE ?