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Rapport n° 51815-BF Burkina Faso Promouvoir la croissance, la compétitivité et la diversification Mémorandum économique sur le pays Volume III : Améliorations des facteurs de croissance 10 septembre 2010 PREM 4 Région Afrique

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Rapport n° 51815-BF

Burkina Faso

Promouvoir la croissance, la compétitivité et la diversification

Mémorandum économique sur le pays

Volume III : Améliorations des facteurs de croissance

10 septembre 2010

PREM 4

Région Afrique

Document Banque mondiale

5

viii

ANNÉ FISCALE

1er janvier –1er décembre

Équivalents monétaires

Unité Monétaire : Franc CFA (FCFA)

1 dollar US : 487,23 FCFA

(à partir du 24 septembre 2010)

POIDS ET MESURES

Système métrique

ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS

AFD

Agence Française de Développement

AICB

Association interprofesionnelle du coton du Burkina

ANVAR

Agence nationale de valorisation de la recherche

ARTEL

Autorité de régulation des télécommunications

AVD

Analyse de viabilité de la dette

AZ

Anglo Zimele

BAD

Banque africaine de développement

BCEAO

Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest

BNLA

Brigade nationale de lutte anti-fraude de l’or

BUMIGEB

Bureau des mines et de la géologie du Burkina

CCIC

Comité consultatif international du Coton

CDMT

Cadre de dépenses à moyen terme

CEAS

Centre écologique Albert Schweitzer

CEDEAO

Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CFDT

Compagnie française pour le développement du textile

CID

Circuit informatisé de la dépense

CIE

Logiciel de comptabilité intégré de l’État

CIRAD

Centre de coopération internationale pour la recherche agronomique

CNRST

Centre national de la recherche scientifique et technologique

COGES

Comité de gestion (sanitaire)

CONAGESE

Conseil national pour la gestion de l’environnement

CRA

Chambre régionale d’agriculture

CSPS

Centre de santé et de promotion sociale

CSRP

Crédit de soutien à la réduction de la pauvreté

DAAF

Direction des affaires administratives et financières

DCMP

Direction Centrale des Marchés Publics

DEP

Direction des Études et de la Planification

DGB

Direction générale du budget

DGCOOP

Direction générale de la coopération

DGE

Direction générale de l’environnement

DGMGC (DGM)

Direction générale des mines, de la géologie et des carrières

DGTCP

Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique

DOS

Document d’orientation stratégique

DSRP

Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté

DTS

Droits de tirage spéciaux

EDIC

Étude diagnostique sur l’intégration du commerce

EDS

Enquête démographique et de santé

EIE

Étude de l’impact sur l’environnement

ENEP

École nationale des enseignants du primaire

ERFP

Évaluation de la responsabilité financière dans les pays

FAO

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization of United Nations)

FASO COTON

Société cotonnière privée

FCFA

Franc de la Communauté Financière Africaine

FMI

Fonds monétaire international

FRPC

Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance

FRSIT

Forum national pour la Recherche Scientifique et des Innovations Technologiques

GAMA

Gestion de l’environnementale dans les exploitations minières artisanales (Pérou)

GoB

Gouvernement du Botswana

GPC

Groupement de producteurs de coton

GTZ

Agence de coopération technique allemande pour le développement (Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit)

HIPC-AAP

Evaluation et Plan d’action des PPTE (Highly-Indebted Poor Country - Assessment and Action Plan)

IADM

Initiative d’allégement de la dette multilatérale

ICA

Évaluation du climat de l’investissement

ICAC

Comité consultatif international du coton (International Cotton Advisory Committee)

ICRR

Rapport sur l’achèvement, la mise en œuvre et les résultats (Implementation Completion and Results Repor)

IDA

Association internationale de développement

IGAME

Inspection générale des activités minières et énergétiques

IGE

Inspection générale d’État

IGF

Inspection générale des finances

INERA

Institut de l’environnement et des recherches agricoles

INSD

Institut national de la statistique et de la Démographie

IPC

Indice des prix à la consommation

IRCT

Institut de recherche du coton et des textiles exotiques

IRD

Institut de recherche pour le développement

IRSAT

Institut de recherche en Sciences appliquées et Technologies

ITIE

Initiative sur la transparence dans les industries extractives

JSAN

Note consultative conjointe FMI-BM (Stratégie d’Assistance Nationale)

LPD

Lettre de politique de développement

MAHRH

Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques

MAMS

Maquette pour les simulations des ODM

MEBA

Ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (du Burkina)

MEDEV

Ministère de l’Économie et du Développement

MEF

Ministère de l’Économie et des Finances

MEP

Mémorandum économique pays

MMCE

Ministère des Mines, des Carrières et de l’Énergie

MnO2

Dioxyde de manganèse

MS

Ministère de la Santé

MTC

Ministère de la Culture, du Tourisme et de la Communication

OCDE

Organisation pour la coopération économique et le développement

ODM

Objectifs de développement du millénaire

OFINAP

Office national des Aires Protégées

OHADA

Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMS

Organisation mondiale de la santé

ONAPAD

Observatoire national de la pauvreté et du développement humain durable

ONATEL

Office national des télécommunications

ONG

Organisation non gouvernementale

ONGI

Organisation non gouvernementale internationale

ONTB

Office national du tourisme Burkinabè

ONUDI

Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

OPA

Organisation de producteurs agricoles

ORCADE

Organisation pour le Renforcement des Capacités de Développement

OSC

Organisation de la société civile

P2O5

Pentoxyde de phosphore

PAPISE

Plan d’actions et programme d’investissements du secteur de l’élevage

PAFASP

Programme d’appui aux filières agro-sylvo-pastorales

PAMS

Simulateur macroéconomique pour l’analyse de la pauvreté

PAP

Programme d’actions prioritaires

PDDEB

Plan décennal de développement de l’éducation de base

PGE

Plan de gestion environnementale

PIB

Produit intérieur brut

PME

Petites et moyennes entreprises

PNB

Produit national brut

PNDS

Plan National de Développement Sanitaire

PNDSA

Programme national de développement des services agricoles

PNGT

Programme national de gestion des terroirs

PNUD

Programme des Nations Unies pour le développement

PPTE

Pays pauvres très endettés

PRECAGEME

Projet de renforcement des capacités nationales du secteur minier et de gestion de l'environnement

PRGB

Programme de Renforcement de la Gestion budgétaire

PRSP-APR

Rapport d’étape annuel sur la mise en œuvre du DSRP

PSO

Plan stratégique opérationnel

RDP

Revue des dépenses publiques

REMP

Rapport d’évaluation des marchés publics d’un pays

RE-SAP

Rapport d’étape de la stratégie d’assistance-pays

RONC

Rapport sur l’observation des normes et codes

SAP

Stratégie d’assistance-pays

SBI

Indice de viabilité budgétaire (Botswana)

SDR

Stratégie de développement rural

SFI

Société financière internationale

SIGASPE

Système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l’État

SITARAIL

Société internationale de transport africain par rail

SMEELP

Programme d’autonomisation des petites et moyennes entreprises (Mozambique) (Small and Medium Enterprise Empowerment Program)

SNAT

Schéma national d’aménagement du Territoire

SOCOMA

Société cotonnière privée

SOFITEX

Société cotonnière privée (la plus importante)

SONABEL

La société nationale d’électricité

SONABHY

Société nationale burkinabè d’hydrocarbures

SOPAFER-B

Société de gestion du patrimoine ferroviaire du Burkina

SP-PPF

Secrétariat permanent pour le suivi des politiques et programmes financiers

STC-PDES

Secrétariat technique pour la coordination des programmes de développement économique et social

TIC

Technologies de l'information et de la communication

TOD

Textes d’orientation de la décentralisation

TOFE

Tableau des opérations financières de l’État

TVA

Taxe à la valeur ajoutée

UE

Union européenne

UEMOA

Union économique et monétaire ouest-africaine

UICN

Union internationale pour la conservation de la nature

UMOA

Union monétaire ouest-africaine

UNPC-B

Union nationale des producteurs de coton du Burkina Faso

WTTC

World Travel and Tourism Council

Vice Président

:

Obiageli K. Ezekwesili

Directeur Pays

:

Madani Tall

Directeur de secteur

:

Marcelo Giugale

Administrateur de secteur

:

Miria Pigato

Chef de projet

:

Gilles Alfandari

Table des matières du Volume III

Volume iii – AmÉlioration des facteurs de croissance9

Faire face à la croissance démographique9

Introduction9

Une augmentation phénoménale de la population10

Une population de plus en plus jeune12

Changement démographique : trop tard, trop lent17

Les décennies perdues : leçons apprises21

Des changements nécessaires : 50 ans ou un siècle ?22

Les taux de fécondité sont essentiels pour réaliser la transition démographique24

Un besoin urgent de traiter des questions démographiques25

Conclusions et recommandations de politiques27

POLITIQUES PUBLIQUES ET INSTRUMENTS DE MARCHÉ POUR LA RÉDUCTION DE LA VULNERABILITÉ29

La vulnérabilité du Burkina Faso face aux chocs29

Conclusions et recommandations de politiques50

RÉPONDRE AUX BESOINS EN infrastructure pour soutenir la croissance53

Planification spatiale et développement de l’infrastructure56

Critères de choix public et projets d’infrastructures59

Cadre pour le développement des partenariats public/privé65

Défis et opportunités70

Conclusions et recommandations de politiques97

AMÉLioration de l’interMEDiation financIERe101

Un secteur financier limité dominé par les banques102

Un cadre institutionnel et réglementaire inadéquat103

Une intermédiation financière peu viable104

Un accès limité pour les PME et dans les zones rurales105

Une concentration excessive sur le secteur du coton106

Conclusions et recommandations de politiques107

Options de politiques pour l’espace budgÉtaire et les changements structurels109

Une analyse basée sur des modèles109

Analyse des changements structurels110

Création d’espace budgétaire118

Utilisation de l’espace budgétaire128

Conclusions et recommandations de politique économique134

Références………………………………………………………………………………………………..156

Liste des Annexes

Annexe 9 : Données et principaux indicateurs démographiques138

Annexe 10: Hypothèses sur les projections démographiques140

Annexe 11: Simulation des effets à long terme de l’accroissement des dépenses deplanification familiale141

Annexe 12: La méthode MAMS145

Annexe 13: Simulations avec MAMS pour analyser les changements structurels et les déterminants de la migration des travailleurs des zones rurales vers les zones urbaines149

Liste des Tableaux

Tableau 3. 1 : Population par tranches d’âge 0-4, 5-9 et 10-14 (des deux sexes),14

Tableau 3. 2 : Densification de la population au Burkina Faso, 2005-203019

Tableau 3. 3 : Différences des caractéristiques des ménages selon l’état de vulnérabilité41

Tableau 3. 4 : Opinion des industriels sur les coûts des facteurs (en %)53

Tableau 3. 5 : Infrastructures et activités minières au Burkina Faso55

Tableau 3. 6 : Participation publique et privée dans les infrastructures au Burkina Faso63

Tableau 3. 7 : Typologie des accords entre les entités publiques et privées sur la base du degré de partage de risque67

Tableau 3. 8 : Prix, coûts et marges bénéficiaires du transport international78

Tableau 3. 9 : Coûts des télécommunications91

Tableau 3. 10 : Structure du secteur bancaire102

Tableau 3. 11 : Structure du secteur financier (2007)102

Tableau 3. 12 : Accès aux banques au Burkina Faso105

Tableau 3. 13 : Intensité factorielle, par secteur1112

Liste des Graphiques

Graphique 3. 1 : Croissance de la population au Burkina Faso, 1950-2005 (en milliers)11

Graphique 3. 2 : Accroissement net de la population et accroissement de la population avec émigration, Burkina Faso, 1950-2010 (‰)12

Graphique 3. 3 : Pyramides des âges en 1960, 1990 et 201013

Graphique 3. 4 : Nombre annuel de naissances, Burkina Faso, 1950-205014

Graphique 3. 5 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2030(variante16

Graphique 3. 6 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2030 (variante faible)16

Graphique 3. 7: Taux bruts de natalité et taux bruts de mortalité, 1950-2005 (en milliers)17

Graphique 3. 8 : Espérance de vie à la naissance (pour les deux sexes) et taux global de fécondité, Burkina Faso, 1950-201018

Graphique 3. 9 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2050 (variante élevée)23

Graphique 3. 10 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2050 (variante faible)24

Graphique 3. 11 : Cumul des précipitations saisonnières par rapport au rendement national du coton, 1978-200736

Graphique 3. 12 : Prix moyens du transport en 200776

Graphique 3. 13 : Notes comparatives LPI, 200779

Graphique 3. 14 : Coût comparatif de l’électricité au Burkina Faso et dans les pays voisins (en FCFA/KWh)85

Graphique 3. 15 : Accès aux TIC92

Graphique 3. 16 : Espace budgétaire dans le scénario à priorités119

Graphique 3. 17 : Espace budgétaire dans le scénario d’aide120

Graphique 3. 18 : Espace budgétaire dans le scénario des recettes, 2007–2030 (recettes en pourcentage du PIB)121

Graphique 3. 19 : Comparaison de l’espace budgétaire dans les scénarios de priorité, d’aide et de recettes122

Graphique 3. 20: Espace budgétaire et accroissements des dépenses - Scénario de recettes 2007-2030 (recettes et dépenses en pourcentage du PIB)122

Graphique 3. 21: Changements cumulatifs du PIB réel, 2007–2030 (différence par rapport au scénario de référence en pourcentage)123

Graphique 3. 22: Balance commerciale et absorption125

Graphique 3. 23 : Taux de change réel (déflaté avec l’IPC), 2007–2030 (différence par rapport au scénario de référence en pourcentage de dépréciation)126

Graphique 3. 24 : Impact sur les OMD126

Graphique 3. 25 : OMD 4—Taux de mortalité des moins de cinq ans, 2007–2030 (différence par rapport au scénario de référence en pourcentage)127

Graphique 3. 26 : Impact sur la répartition des revenus par type de ménage128

Graphique 3. 27 : Accroissements des dépenses en termes nominaux et réels130

Graphique 3. 28 : Impact sur le PIB réel, scénario d’aide 2007–2030 ; différence par rapport au scénario de référence en pourcentage)131

Graphique 3. 29 : Impact sur la balance des paiements132

Graphique 3. 30 : Impact sur les OMD133

Graphique 3. 31 : Impact sur la répartition des revenus par type de ménage134

138

Volume iii – AmÉlioration des facteurs de croissance

La croissance à long terme au Burkina Faso dépendra non seulement de l’amélioration de la compétitivité sur le plan international et de la diversification de la structure industrielle du pays, mais aussi de nombreux autres facteurs. Les facteurs fondamentaux de la fonction de production à long terme du pays, y compris son capital humain, physique et financier, seront essentiels pour créer une base solide pour une croissance durable et partagée. Cette section examinera successivement « la population », « l’infrastructure physique » et « les finances » et la façon dont ces facteurs contribueront au développement économique du pays. On considère la population comme une ressource à la fois pour développer l’offre de main-d’œuvre et comme un défi pour faire face à la transition démographique et atténuer la vulnérabilité de la population par le biais d’instruments efficaces de gestion de risque et de filets de sécurité sociale. L’infrastructure souligne, d’une part, le rôle des transports et des TIC pour sortir le pays de l’isolement géographique et, d’autre part, l’importance du secteur de l’énergie comme facteur clé du développement industriel. La finance est essentielle d’un point de vue privé et public, par l’amélioration de l’intermédiation financière et de meilleures dépenses publiques entraînant des implications macroéconomiques et un impact sur l’effort pour atteindre les OMD.

Faire face á la croissance démographiqueIntroduction

Le consensus qui prévaut aujourd’hui reconnaît que la croissance démographique persistante en Afrique subsaharienne constitue un obstacle majeur à la réalisation de ses objectifs de développement et, en particulier, celle des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) (Ndulu et al. 2007). La croissance démographique rapide accroît les groupes d’âge plus jeunes (base de la pyramide de population), augmentant la demande des fonds publics particulièrement dans les secteurs de l’éducation et de la santé (Guengant, 2007). Ceci affecte les économies potentielles du Gouvernement et des ménages et conduit à la réduction tant en capital humain que physique, compromettant la croissance économique actuelle et future. Cependant, si une période de croissance démographique rapide est suivie d’une période de croissance plus lente (souvent provoquée par une baisse de la fécondité), les rapports de dépendance diminueront. Ceci peut inverser les effets négatifs de la structure d’âge en un potentiel de « dividende démographique » d’une part plus importante de personnes en âge de travailler et susceptibles de contribuer positivement à la croissance économique. Ce scénario demande que des politiques et des programmes appropriés soient d’abord mis en place pour déclencher ce « dividende démographique » pour ensuite profiter des avantages (Birdsall et al. 2001). Cependant, certains chercheurs soutiennent encore que la taille de la population et sa densité contribuent à la croissance économique (Collier, 2007) bien qu’il ne soit pas toujours évident de savoir comment réduire la croissance démographique, même si elle est jugée souhaitable.

Toutes ces considérations s’appliquent au Burkina Faso, un des pays dont la population augmente le plus rapidement en Afrique subsaharienne. Le taux annuel de croissance a été estimé à 3,1 % entre les recensements de 1996 et 2006 comparativement à un taux annuel de 2,5 % pour toute l’Afrique subsaharienne (République du Burkina Faso, 2008d). L’augmentation rapide de la population du Burkina Faso, qui s’est accélérée au cours des dernières années, aura sans doute un impact sur les résultats socio-économiques du pays pour les 50 prochaines années. Étant donné que la croissance économique s’est ralentie et que les progrès dans la lutte contre la pauvreté sont en stagnation, le principal défi sera de maintenir les indicateurs socio-économiques à leurs niveaux actuels. Ceci implique qu’il faut créer des opportunités d’emplois pour absorber la main-d’œuvre croissante et gérer l’exode rural par la création de pôles de croissance secondaires et des centres urbains. La croissance démographique rapide a aussi des implications budgétaires considérables pour le financement des investissements en capital humain. Malgré d’importantes améliorations ces dernières années, le Burkina Faso continue à n’atteindre que de maigres résultats en termes de niveau de développement humain. Une population très jeune et en augmentation rapide accroît la nécessité d’une expansion des services sociaux de qualité, particulièrement dans l’éducation et la santé.

La croissance démographique rapide appelle des programmes de santé génésique et en direction de la population, plus proactifs et espérés plus efficaces. En particulier, les interventions visant et, à déclencher une baisse de la fécondité et, à faciliter l’accès à la contraception, sont jugées comme étant les plus importantes et les plus urgentes. Elles permettront au Burkina Faso d’accélérer sa transition démographique et de progresser plus rapidement pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). En outre, les avantages pour la santé de la transformation démographique répondent aux aspirations de la population. Les enquêtes dans les pays d’Afrique subsaharienne montrent de plus en plus une grande demande non satisfaite en matière de planification familiale, même dans les zones rurales reculées. Par ailleurs, des taux de fécondité plus élevés ont un impact négatif sur les taux de survie et la l’état de santé des enfants et de leurs mères. Par conséquent, les bénéfices pour la santé de la transition démographique sont extrêmement très importants.

Une augmentation phénoménale de la population

La plupart des régions du monde sont passées par le processus de la transition démographique. Ce processus est défini par un transfert progressif d’un système démographique traditionnel avec un semi-équilibre élevé (forte mortalité et forte natalité) vers un système démographique moderne avec un semi-équilibre faible (faible mortalité et faible natalité). Le transfert aboutit à l’accélération du taux de croissance de la population et apporte des changements majeurs dans la structure par âge. Durant la transition démographique, le premier changement important est une baisse de la mortalité, qui se produit grâce aux améliorations des conditions de survie, en particulier celles de la petite enfance. Ces améliorations des conditions de mortalité sont le plus souvent exogènes comme en témoignent les campagnes de vaccination et les programmes de lutte contre le paludisme et la diarrhée (la réduction de la mortalité qui s’ensuit est la principale cause des taux rapides de croissance). Le début du déclin de la fécondité, qui se produit souvent avec décalage dans le temps, marque la deuxième phase de la transition démographique. La baisse de la fécondité contribue à réduire les taux de croissance de la population. Comme mentionné, les structures par âge changent aussi tout au long du processus de transition démographique, puisque les jeunes deviennent moins nombreux à cause de la baisse de la fécondité (par conséquent, le nombre des adultes dans la population augmente). Ceci a des conséquences importantes pour le développement du capital humain et pour la croissance économique. Enfin, la transition démographique est accompagnée en général de plusieurs transformations dans le contexte socio-économique et d’un accroissement de l’urbanisation.

La population estimée du Burkina Faso à la mi-2008 est de 14,7 millions (extrapolation des chiffres du recensement de 2006 qui a donné une population totale de 14 millions ; République du Burkina Faso, 2008d). On estimait la population totale du Burkina Faso à 4 millions en 1950, 4,6 millions en 1960, 5,4 millions en 1970, 6,8 millions en 1980, 8,9 millions en 1990 et 11,9 millions en 2000  (Graphique 3.1 ; données de la Division de la population des Nations Unies). Ceci représente près d’un quadruplement de la taille de la population en un peu plus de 50 ans (Annexe 9), une situation similaire à l’expérience de certains pays en Afrique occidentale et centrale.

Le taux de croissance de la population du Burkina Faso s’est accéléré au cours des 55 dernières années. Le taux net de croissance (c’est-à-dire les naissances moins les décès en tenant compte du solde positif ou négatif de l’émigration) est estimé par la comparaison des résultats du recensement. Le taux de croissance était d’environ 2 % autour de 1960 et avait augmenté de 3 % par an au début des années 1980. On l’estime aujourd’hui à 3,1 % (comparaison des recensements de 1996 et de 2006), supérieur d’un demi-point de pourcentage à celui de l’Afrique subsaharienne. Un taux de croissance annuel de 3,1 % signifie que la population doublera en 22 ans environ (données de la Division de la population des Nations Unies extraites du document World Population Prospects : The 2006 Revision).

Graphique 3. 1 : Croissance de la population au Burkina Faso, 1950-2005 (en milliers)

Source : United Nations, World Population Prospects 2006.

L’émigration a été massive dans le passé mais a diminué ces dernières années. Le Burkina Faso a connu une forte émigration entre 1950 et 2000. On estime qu’un million et demi de Burkinabè vivent dans les pays avoisinants, essentiellement en Côte d’Ivoire (une autre estimation donne le chiffre d’1,1 million d’émigrants ; Banque mondiale, 2008 : a). Entre 1950 et 1980, l’émigration a représenté plus d’un cinquième de la croissance nette de la population (Graphique 3-2). Cependant comme au Mali, pays voisin (Banque mondiale 2009g : 27), l’émigration semble avoir diminué ces dernières années avec un phénomène de retour migratoire (la ligne supérieure du Graphique 3-2 franchit la ligne de l’augmentation nette de la population après 2000). Par conséquent, l’émigration ne peut plus agir comme une soupape de sécurité pour la croissance rapide de la population, à moins que les conditions politiques et économiques ne s’améliorent dans les pays d’accueil (hypothèse optimiste).

Graphique 3. 2 : Accroissement net de la population et accroissement de la population avec émigration, Burkina Faso, 1950-2010 (‰)

Source: United Nations, World Population Prospects 2006.

Une population de plus en plus jeune

Étant donné la croissance rapide de la population, la population du Burkina Faso a rajeuni, comme le montre la structure par âge de la population (pyramide des âges). La répartition de la population par âge et par sexe en 1960, 1990 et 2010 est presque parfaitement pyramidale (Graphique 3-3). Une structure par âge aussi jeune est caractéristique des populations qui n’ont pas encore commencé la dernière étape de la transition démographique, à savoir la baisse de la fécondité, et est similaire à la situation rencontrée dans la plupart des pays d’Afrique occidentale et centrale. En 2006, on comptait 100 femmes pour 93,4 hommes (République du Burkina Faso, 2008d), un chiffre qui s’explique par l’émigration des hommes.

Le Burkina Faso a connu une augmentation dramatique dans le chiffre absolu des naissances. Ceci est illustré par le Graphique 3-4. Il y avait environ 200 000 naissances vivantes en 1950 contre 600 000 aujourd’hui. Le nombre de naissances continuera d’augmenter ou se stabilisera suivant les différents scénarios de projection des Nations Unies, à savoir fécondité élevée, moyenne ou faible (Nations Unies, World Population Prospects 2006). Ce n’est que dans le cas d’un scénario de faible fécondité que le nombre annuel des naissances se stabiliserait à son niveau actuel de 600 000 naissances (après un pic de 700 000 naissances) dans environ 35 ans, c’est-à-dire vers 2050. Ce grand nombre de naissances a, bien sûr, des implications énormes, en particulier dans le secteur de l’éducation.

La taille de la population d’âges plus jeunes a augmenté de façon spectaculaire, comme le montre le Tableau 3-1. Le nombre d’individus dans la tranche d’âge de 0 à 14 ans a augmenté de 4,2 millions en 1990 à plus de 7 millions en 2010, soit une augmentation de 70 % en vingt ans. Une conséquence directe de cet accroissement rapide a été le manque de prestations de service dans l’éducation et la santé pour tous ces jeunes. Ceci est illustré par les mauvais résultats dans le domaine de l’éducation ainsi que le montrent les résultats du dernier recensement de la population effectué en 2006. Les résultats scolaires sont médiocres, non seulement au niveau du primaire mais aussi dans les niveaux du secondaire et du tertiaire, où les résultats sont encore plus consternants.

Graphique 3. 3 : Pyramides des âges en 1960, 1990 et 2010

(7.2-140-4-2,5-2-1,5-1-0,50-2,5-2-1,5-1-0,50Burkina Faso : 1960: 4,6 millions, 1990: 8,9 millions, 2010: 16,1 millions196019902010Nombre pour chaque groupe d’âge en millions 00,511,522,500,511,522,520-2470-7480 +50-5460-6440-4430-34HommesFemmes)

Source : United Nations, World Population Prospects 2006.

Graphique 3. 4 : Nombre annuel de naissances, Burkina Faso, 1950-2050

Source : United Nations, World Population Prospects 2006.

Tableau 3. 1 : Population par tranches d’âge 0-4, 5-9 et 10-14 (des deux sexes),

Burkina Faso, 1990-2030 (en milliers)

Année

Baisse lente de la fécondité

Baisse rapide de la fécondité

(ISF = 4,35 en 2030)

(ISF = 3,35 en 2030)

Tranche d’âge

Tran. d’âge

Tran. d’âge

Tran. d’âge

Tran. d’âge

Tran. d’âge.

Tran. d’âge

Tran. d’âge

0-4

5-9

10-14

0-14

0-4

5-9

10-14

0-14

1990

1693

1357

1172

4222

1693

1357

1172

4222

1995

1973

1564

1329

4866

1973

1564

1329

4866

2000

2240

1829

1534

5603

2240

1829

1534

5603

2005

2541

2092

1799

6432

2541

2092

1799

6432

2010

2977

2382

2057

7416

2739

2382

2057

7178

2015

3338

2811

2347

8496

2891

2586

2347

7824

2020

3665

3174

2775

9614

3009

2748

2552

8309

2025

3908

3511

3139

10558

3122

2882

2718

8722

2030

4134

3769

3479

11382

3153

3011

2855

9019

ISF= indice synthétique de fécondité

Source : UN, Population Division, 2006 Population Projections

La base de la pyramide de population s’élargira entre maintenant et 2030, mais plus rapidement selon le scénario de fécondité élevée que celui de faible fécondité[footnoteRef:1]. Ceci est illustré par la comparaison des pyramides de population en 2030, en supposant soit un lent déclin de la fécondité (variante élevée des Nations Unies) soit un déclin rapide de la fécondité (variante faible des Nations Unies) (Graphiques 3-5 et 3-6). Le Graphique 3-6 montre que seules des baisses accélérées de la fécondité – entraînant rapidement un nombre relativement plus faible de naissances – peuvent commencer à changer la forme de la base de la pyramide. La base de la pyramide doit devenir rectangulaire pour permettre la formation du capital humain, surtout dans le domaine de l’éducation (Annexe 10). [1: Depuis que ce rapport a été préparé, de nouvelles prévisions démographiques ont été effectuées pour le Burkina Faso. Voir J.P. Guengant, M. Lankoande, E.T.M.V. Tapsoba, et B. Zanou. (2009). Recensement général de la population et de l’habitation de 2006 (RGPH-2006). Résultats définitifs. Projections démographiques 2007-2050. Ouagadougou : Ministère de l’Économie et des Finances.]

En 2006, la population burkinabè entre 0 et 14 ans représentait 46,4 % de la population (la moyenne en Afrique subsaharienne était de 43 %). De plus, les jeunes adultes de 15 à 24 ans représentaient aussi en 2006, 20 % du total de la population. Par conséquent, la population burkinabè de moins de 25 ans en 2006, constituait près des deux tiers de la population du pays (République du Burkina Faso, 2008d). Cette jeunesse est fondamentale pour l’avenir démographique du pays. Ce sont les décisions prises par les individus de ce groupe d’âge concernant le nombre d’enfants désirés ainsi que ceux déjà nés, qui détermineront la croissance de la population au XXIe siècle. Même si ces jeunes gens ont moins d’enfants que leurs parents, le grand nombre de jeunes en âge de procréer agira sur la croissance future de la population ; un phénomène démographique connu sous le nom d’élan démographique.

En 2006, il y avait 99 personnes à charge pour 100 adultes au Burkina Faso, ce qui est typique d’un pays avec une structure de population très jeune, similaire à celles de l’Afrique occidentale et centrale. Ce coefficient, appelé le rapport de dépendance en fonction de l’âge, est défini comme le nombre de personnes à charge dans une population (les personnes âgées de moins de 15 ans et de plus de 65 ans) divisé par le nombre de personnes dans la population active (ceux qui ont entre 15 et 64 ans). Ce rapport de dépendance mesure le poids socio-économique supporté par la population active. Cependant, ceci est approximatif car ceux qui sont en âge de travailler ne travaillent pas nécessairement et ceux qui sont comptabilisés comme personnes à charge ne sont pas nécessairement dépendants.

Graphique 3. 5 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2030(variante élevée)

(10-140-4-2,5-2-1,5-1-0,50-2,5-2-1,5-1-0,50Burkina Faso : Variante élevée, Prévisions des Nations-Unies (2006)1990: 8,9 millions, 2010: 16,2 millions, 2030: 28,0 millions199020102030Nombre pour chaque groupe d’âge en millions 00,511,522,500,511,522,520-2470-7480 +50-5460-6440-4430-34HommesFemmes)

Source : United Nations, World Population Prospects 2006

Graphique 3. 6 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2030 (variante faible)

(10-140-4-2,5-2-1,5-1-0,50-2,5-2-1,5-1-0,50Burkina Faso : Variante faible, Prévisions des Nations-Unies (2006)1990: 8,9 millions, 2010: 16,0 millions, 2030: 25,0 millions199020102030Nombre pour chaque groupe d’âge en millions 00,511,522,500,511,522,520-2470-7480 +50-5460-6440-4430-34HommesFemmes)

Source : United Nations, World Population Prospects 2006

Changement démographique : trop tard, trop lent

La croissance démographique dramatique vécue par le Burkina Faso a été déclenchée par de très substantielles baisses dans les niveaux de mortalité tandis que les taux de fécondité sont demeurés pratiquement constants. Ceci est illustré par le Graphique 3-7, qui montre l’évolution des taux bruts de natalité et des taux bruts de mortalité au Burkina entre 1950 et 2005. Le taux brut de natalité (TBN) est le nombre annuel de naissances pour 1 000 habitants et le taux brut de mortalité (TBD) est le nombre annuel de décès pour 1 000 habitants également. Le taux naturel de croissance démographique est la différence arithmétique entre ces deux taux bruts (le taux de croissance est exprimé en pourcentage). L’écart se creuse entre les taux bruts de natalité et de mortalité depuis 1950 et explique l’accélération de la croissance de la population. De nouveau, ce phénomène s’est produit dans la plupart des pays d’Afrique occidentale et centrale.

Graphique 3. 7: Taux bruts de natalité et taux bruts de mortalité, 1950-2005 (en milliers)

Source: United Nations, World Population Prospects 2006.

La mortalité a considérablement diminué grâce à des améliorations importantes dans le secteur de la santé et des services aussi bien qu’au niveau de l’hygiène et de l’assainissement. La baisse de mortalité s’est manifestée surtout dans la mortalité infantile (moins d’un an) et juvénile (de moins de 5 ans). Par conséquent, le taux brut de décès a diminué de moitié en 50 ans, allant de 31,1 à 15,7 pour 1 000 individus pour les périodes, respectivement, de 1950-1955 et de 2000-2005. Le taux de mortalité infantile a régulièrement diminué et est maintenant estimé à 89 décès pour 1 000 naissances vivantes, ce qui est légèrement plus élevé que le taux moyen pour la région subsaharienne estimé à 89 pour 1 000 naissances vivantes (Population Reference Bureau, 2009). Le taux de mortalité infantile, estimé à 191 pour 1 000 naissances vivantes, est aussi en diminution. Toutefois, il demeure plus élevé que le taux moyen pour l’Afrique subsaharienne estimé à 146 pour 1 000 en 2007. Bien que les taux de mortalité infantile et juvénile soient toujours élevés au Burkina Faso, ils devraient continuer à baisser dans l’avenir. Ceci entraînerait une accélération de la croissance démographique si la fécondité ne diminue pas ou si la fécondité diminue seulement à un rythme très lent.

Les données disponibles (incomplètes) concernant la mortalité des adultes montrent que l’espérance de vie à la naissance a presque doublé depuis 1950 (Graphique 3-8). L’espérance de vie à la naissance est estimée à 57 ans en 2009 pour les deux sexes (moyenne subsaharienne : 51 ans). Le Burkina Faso ne connaît pas de grave épidémie de VIH/SIDA. En 2007-2008, le taux de prévalence du VIH était estimé à 1,6 % des adultes entre 15 et 49 ans. Dans le même temps, la prévalence du VIH pour l’Afrique subsaharienne a été estimée à 5 % mais seulement à 2,5 % pour l’Afrique occidentale (données UNAIDS ; voir Population Reference Bureau, 2008). Bien que le VIH/SIDA constitue une cause majeure de décès au Burkina Faso, l’épidémie de VIH/SIDA ne devrait pas, en principe, interrompre la baisse de la mortalité en général et ne devrait pas non plus empêcher l’achèvement de la transition démographique.

Graphique 3. 8 : Espérance de vie à la naissance (pour les deux sexes) et taux global de fécondité, Burkina Faso, 1950-2010

L’indice synthétique de fécondité (ISF) était estimé à 6,2 enfants en moyenne dans le recensement de 2006, égal au niveau observé en 2003 dans l’enquête démographique et de santé (EDS). L’ISF, qui est le nombre moyen d’enfants qu’une femme pourrait avoir durant sa vie féconde, avait atteint 7,8 enfants par femme durant la période 1970-1980 et est resté très élevé. Les taux de fécondité ont diminué lentement depuis les années 1980 si bien que les taux de fécondité en 2005 sont presque identiques à ceux des années 1950. Le Burkina Faso n’a pas entamé la dernière phase de sa transition démographique à savoir une baisse soutenue de la fécondité déclenchée par la révolution contraceptive.

Au total, et comparé à ceux de l’Amérique latine et de l’Asie, le changement démographique au Burkina Faso semble arriver trop tard et trop lentement (May, 2005 ; Ross et Robinson, 2007). Malgré des baisses significatives des taux de mortalité, surtout infantile et juvénile, les taux de fécondité sont restés très élevés (6,2 enfants par femme). Comme mentionné ci-dessus, les taux de fécondité n’ont pas beaucoup baissé depuis les années 1990 et sont quasi similaires aux chiffres observés dans les années 1950. De plus, le déclin de la fécondité est très lent (la Division pour la population des Nations Unies prévoit un léger recul de la fécondité à partir de la période 2005-2010). Dans l’ensemble, la dernière étape de la transition démographique burkinabè connaît un retard de près de 50 ans en comparaison avec le reste du monde. Ainsi, les dernières 20 à 30 années semblent être des « décennies perdues »  en ce qui concerne la transition démographique rapide du Burkina Faso.

Les dispositions relatives aux investissements en capital humain sont compromises

La première conséquence de la croissance démographique rapide passée a été une augmentation dramatique de la densité de population. Le Burkina Faso compte 56 personnes par kilomètre carré, soit presque le double de la densité subsaharienne en général. La densité de la population burkinabè était de 15 personnes seulement par kilomètre carré en 1950, mais la densité a rapidement augmenté au cours des 55 dernières années (données de la Division de population des Nations Unies extraites du document World Population Prospects : the 2006 Revision).

La densification de la population burkinabè va s’accélérer à l’avenir. Cependant, les chiffres de densification future dépendront des niveaux de fécondité. Le Tableau 3-2 montre les densités de population en 2005 et celles prévues pour 2030 suivant les hypothèses de fécondité élevée et faible des populations émises par les Nations Unies.

Tableau 3. 2 : Densification de la population au Burkina Faso, 2005-2030

Année

Prévision en cas de baisse lente de la fécondité

Prévision en cas de baisse rapide de la fécondité

(ISF = 4,35 en 2030)

(ISF = 3,35 en 2030)

Densité

Densité/terre cultivable

Densité

Densité/terre cultivable

(par km2)

(par km2)

(par km2)

(par km2)

2005

51

365

51

365

2010

59

425

58

419

2015

69

493

66

476

2020

79

569

74

535

2025

90

649

83

595

2030

102

735

91

656

Sources : Tabutin & Schoumaker (2004) et calculs des auteurs

La densification de la population sera encore plus dramatique en ce qui concerne les terres cultivables. La densité de population actuelle par terre cultivable qui était déjà estimée à 365 personnes par kilomètre carré en 2005 devrait doubler entre 2005 et 2030 avec un lent déclin de la fécondité. L’augmentation sera presque égale au double même si la fécondité baisse plus vite (Tableau 3-2). Ceci aura des conséquences importantes pour la préservation des écosystèmes. De plus, la densification rapide des terres arables augmentera la fragmentation de la taille des terrains cultivables. À cela s’ajoute le fait que la pression démographique pourrait accélérer le besoin en bois de chauffe pour la cuisine. Enfin, l’augmentation des coefficients des eaux de ruissellement, malgré une diminution de la pluviométrie, indique l’érosion du sol induite par l’augmentation des activités humaines sur la couverture terrestre (Diello et al. 2006).

Comme la plupart des pays subsahariens, le Burkina Faso connaît une urbanisation rapide. Selon le recensement de 2006, 22 % de la population burkinabè est urbaine. Depuis l’Indépendance, la population urbaine a été multipliée par un facteur de 11 et la population rurale par un facteur de 3. La population urbaine augmentera encore plus rapidement avec un lent déclin de la fécondité et moins rapidement avec une baisse rapide de la fécondité. On peut prévoir que la population urbaine doublera en 15 ans environ et la population rurale environ en 30 ans. La population de la capitale Ouagadougou et de sa périphérie semi-urbaine est en train d’augmenter rapidement, approchant le chiffre d’un million et demi en 2006, soit 10,5 % de la population totale. Le recensement de 2006 a compté près d’un demi-million d’habitants dans la ville secondaire de Bobo-Dioulasso. Près de 10 autres petites villes sont aussi en train de croître rapidement (République du Burkina Faso, 2008d). L’afflux rapide de la population vers les zones urbaines aura des conséquences profondes pour la création de nouveaux emplois dans le secteur moderne de l’économie. Ceci ne sera accompli que par la création de pôles de croissance et le développement des petites villes actuelles.

Malgré l’augmentation phénoménale de la population urbaine, la population burkinabè demeure principalement rurale. Selon le recensement de 2006, 78 % de la population est rurale. Comme mentionné ci-dessus, le temps de doublement de la population rurale (30 ans) est deux fois plus long que celui de la population urbaine (15 ans). Dans l’ensemble, la population burkinabè est concentrée dans la région centrale du pays et dans le Bassin de la Volta, région occidentale du pays. Les indicateurs socio-économiques dans les régions rurales sont à la traîne comparés à ceux des zones urbaines (May et al. 2006). De plus, une population rurale nombreuse et dispersée géographiquement pose des problèmes logistiques pour la prestation de services, en particulier pour l’éducation et la santé.

La croissance démographique rapide mettrait en péril l’investissement en capital humain, particulièrement dans les domaines de l’éducation et de la santé. La sollicitation des ressources gouvernementales pour fournir ces services augmentera rapidement. Le fardeau des dépenses publiques pour l’éducation primaire pour tous (sans parler de l’éducation secondaire) et pour les services de santé exclura les dépenses en infrastructure pour la croissance. Les rapports de dépendance croissants (à savoir le nombre de personnes à charge par adultes) réduiront l’épargne et les investissements en capital physique, imposant un retard dans la croissance économique et le développement.

La croissance démographique rapide entraînera aussi d’importantes conséquences pour l’économie. La jeunesse de la population et les taux de dépendance élevés ont des répercussions sur la productivité du travail, la transformation structurelle, l’épargne et la croissance. En particulier, la croissance rapide de la main-d’œuvre entraînera des défis pour l’emploi, la transformation structurelle et la productivité de la main-d’œuvre. Cependant, si le Burkina Faso pouvait faire baisser ces taux de dépendance élevés, le pays pourrait probablement saisir les avantages d’un « dividende démographique » qui stimulera l’épargne privée et la croissance économique (Annexe 11).

Les décennies perdues : leçons apprises

Les pays d’Afrique subsaharienne ont engagé des efforts majeurs pour réduire les niveaux de pauvreté et atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)[footnoteRef:2]. Toutefois, pour atteindre les objectifs d’ici à 2015, il faudra une expansion substantielle des services sociaux (en éducation et santé). Une telle expansion des services est problématique lorsque la croissance démographique est très élevée, la structure d’âge très jeune et la base de la pyramide de population très large et en expansion. [2: Les OMD sont huit objectifs limités dans le temps (fixés pour l’année 2015) auxquels ont adhéré les états membres des Nations Unies et les institutions internationales pour le développement. Leurs objectifs spécifiques sont de (1) réduire l’extrême pauvreté et la faim ; (2) assurer l’éducation primaire pour tous ; (3) promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; (4) réduire la mortalité infantile ; (5) améliorer la santé maternelle ; (6) combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies ; (7) préserver l’environnement ; et (8) mettre en place un partenariat mondial pour le développement.]

En fait, la réalisation de sept des huit OMD dépendra des futurs résultats démographiques. On ne peut atteindre le premier objectif, à savoir la réduction de la pauvreté, qu’avec une famille de taille réduite. Les ménages pauvres, qui ont le plus grand nombre d’enfants, ont les plus grandes difficultés pour assurer l’accès à l’éducation, la santé et la nourriture. Ils ont aussi un accès plus réduit au travail rémunéré. Le deuxième objectif, visant à assurer l’éducation primaire, ne peut pas être atteint en 2015 avec des populations d’âge scolaire doublant tous les 20 ans. L’égalité des sexes (OMD 3) est cruciale dans un pays où les « droits en matière de reproduction » ne sont que nominaux. Les OMD 4 et 5 concernant la mortalité infantile et la survie maternelle auront une influence directe sur les résultats démographiques. Ils ne peuvent être atteints lorsque la moitié des grossesses sont à risque parce qu’elles sont précoces, tardives, trop nombreuses et/ou trop rapprochées. L’OMD 6 ne peut être mis en œuvre qu’avec des établissements de santé suffisant et du personnel adéquat difficile à rassembler lorsque la population double tous les 20 ans. Enfin, l’OMD 7, sur l’environnement durable, appelle aussi une réduction du taux de croissance de la population. Ceci est le seul moyen de réduire la pression démographique sur les écosystèmes (Guengant, 2008).

L’augmentation phénoménale de la population a mis le Burkina Faso « hors des rails » pour atteindre les OMD d’ici 2015, et les deux décennies depuis 1990 semblent avoir été « perdues ». Le nombre de personnes ayant besoin de services de santé, d’éducation, de services économiques et autres est élevé et en augmentation. Ceci signifie que le montant de ressources, de main-d’œuvre et d’infrastructures nécessaires pour atteindre les OMD est aussi en train d’augmenter. Ainsi, les efforts de développement pour atteindre les OMD ne devraient pas négliger l’importance et les bénéfices d’un ralentissement de la croissance démographique.

Le fait de répondre aux besoins en services de planification familiale pourrait aider à réduire la croissance démographique et rendre l’atteinte des OMD plus facilement réalisable et abordable. Les besoins non satisfaits en planification familiale au Burkina Faso sont nombreux : environ 29 % des femmes mariées en âge de procréer veulent espacer ou limiter les naissances, mais n’utilisent pas actuellement de méthode contraceptive (à ce jour, seules 13 % des femmes mariées utilisent une méthode de contraception moderne). Bien que « l’augmentation de l’accès et de l’usage du planification familiale ne soit pas un des OMD […], cela pourrait influencer d’une manière favorable l’atteinte de plusieurs des objectifs (OMD) » (USAID, n.d.). De plus, ces efforts de planification familiale contribueront directement aux objectifs de la réduction de la mortalité infantile et de l’amélioration de la survie maternelle (OMD 4 et 5). Satisfaire les besoins non satisfaits des familles en planification familiale éviterait environ 240 000 décès d’enfants et 5 000 décès maternels à la date butoir de 2015. Enfin, atteindre cinq objectifs (OMD 2, 4, 5, 6 et 7) en répondant aux besoins non satisfaits de planification familiale entraînerait une économie de coûts qui justifierait les coûts additionnels de planification familiale par un facteur de près de 3 pour 1 (USAID, n.d.). L’impact d’une plus lente croissance de la population sur l’atteinte des OMD est aussi illustré par des simulations avec MAMS (modèle pour les simulations concernant les OMD) (Annexe 11).

Des changements nécessaires : 50 ans ou un siècle ?

Les taux de fécondité sont liés aux changements sur les déterminants directs et intermédiaires de fécondité. Une approche équilibrée des interventions sur les déterminants est nécessaire. Les deux types d’intervention sont mutuellement compatibles et les effets des déterminants intermédiaires doivent être renforcés par des interventions sur les déterminants proches. Seules les combinaisons de ces deux leviers politiques différents permettront d’accélérer la transition de fécondité.

Les modifications dans les déterminants immédiats de la fécondité qui affectent directement la fécondité sont faisables et efficaces. Au Burkina Faso, au cours de la période de 2003-2006, le taux de prévalence contraceptive (TPC) pour les méthodes modernes a augmenté de 1,1 point de pourcentage par an (et de 0,8 point de pourcentage par an pour toutes les autres méthodes). De plus, un mouvement passant des méthodes de contraception traditionnelles aux méthodes modernes s’est effectué durant la même période. Cependant, des efforts supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine et le défi pour l’avenir sera de réaliser des augmentations du TPC de l’ordre de 1,5 point de pourcentage par an pour les méthodes modernes. Ceci aidera à compenser le fait que la période non féconde après l’accouchement s’est raccourcie de 2 mois entre 1996 et 2003 et est estimée actuellement à 20 mois. Toutefois, il y a moins de femmes exposées au risque de concevoir : le nombre de femmes qui vivent en couple a diminué depuis 1996 de 0,5 point de pourcentage par an. Aujourd’hui, on estime que 75 % des femmes vivent en couple et on prévoit que cette proportion devrait diminuer davantage jusqu'à atteindre 65 % en 2030. Cette tendance devrait aussi diminuer le taux de fécondité.

Les taux élevés de fécondité ont aussi des conséquences néfastes pour la santé, surtout pour les mères et leurs enfants. Il faut d’abord noter que la politique de négligence en faveur des programmes de planification familiale a imposé beaucoup de souffrances aux mères et aux bébés burkinabè. Le fait qu’une mère a en moyenne 6,2 enfants et que la mortalité infantile est presque d’un bébé sur cinq (191 pour 1 000 naissances vivantes) veut dire que chaque mère burkinabè verra au moins un de ses enfants mourir avant l’âge de 5 ans et la probabilité est certainement plus élevée pour les mères pauvres et en milieu rural. Ensuite, les taux élevés de fécondité sont préjudiciables en termes de taux de mortalité maternelle et de morbidité et augmentent le risque de complications durant la grossesse, d’avortements informels, d’accouchements non assistés, de grossesses à risque chez les adolescentes, d’un manque d’espacement des naissances et finalement entraînent un taux élevé de mortalité infantile.

Une baisse lente ou rapide de la fécondité dans les 40 prochaines années apporterait des changements démographiques au Burkina Faso soit dans 50 ans, soit dans un siècle. Elle entraînerait aussi des différences significatives dans la taille des groupes d’âges jeunes comme en témoignent les bases des pyramides de population (Graphique 3-9 et Graphique 3-10). Avec une baisse lente de la fécondité, le bas de la pyramide des âges continuera à s’élargir (Graphique 3-9). Cependant, avec une baisse plus rapide de la fécondité, la base de la pyramide commencera à prendre une forme plus rectangulaire dès 2030 (Graphique 3-10) et, en 2050 la transition de fécondité sera bien entamée comme le montre le recul des groupes d’âge de 0-4, 5-9 et 10-14 (Graphique 3-10).

Graphique 3. 9 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2050 (variante élevée)

(10-140-42,521,510,502,521,510,50Burkina Faso : Variante élevée, Prévisions des Nations-Unies (2006)1990: 8.9 millions, 2010: 16.0 millions, 2050: 42.5 millions199020102050Nombre pour chaque groupe d’âge en millions 00,511,522,500,511,522,520-2470-7480 +50-5460-6440-4430-34HommesFemmes)

Source : Auteurs

Graphique 3. 10 : Pyramide des âges en 1990, 2010 et 2050 (variante faible)

(10-140-42,521,510,502,521,510,50Burkina Faso : Variante faible, Prévisions des Nations Unies (2006)1990: 8.9 millions, 2010: 16.0 millions, 2050: 32.8 millions199020102050Nombre pour chaque groupe d’âge en millions 00,511,522,500,511,522,520-2470-7480 +50-5460-6440-4430-34HommeFemme)

Sourc e: Calculs des auteurs.

Les taux de fécondité sont essentiels pour réaliser la transition démographique

On peut s’attendre à ce que les taux de mortalité continuent à diminuer rapidement au Burkina Faso. D’abord, comme mentionné précédemment, les estimations initiales sur l’impact de l’épidémie de VIH/SIDA ont été récemment révisées à la baisse. Ensuite, l’amélioration des taux de mortalité pourrait s’accélérer avec l’extension des interventions pour la réduction de la mortalité infanto-juvénile (à savoir les programmes de vaccination, de lutte contre le paludisme et de réhydratation par voie orale). Par conséquent, le taux de croissance démographique continuera à augmenter rapidement à moins que les taux de fécondité ne commencent à diminuer. L’émigration, importante par le passé, qui semble s’être ralentie dans les dernières années ne pourra pas réduire la croissance démographique rapide à moins que les conditions ne s’améliorent dans les pays d’accueil (comme nous l’avons noté, il s’agit d’une hypothèse optimiste).

Les taux de fécondité sont le principal moteur de la transition démographique. Comme nous l’avons montré, les taux de fécondité sont très élevés au Burkina Faso et n’ont pas sensiblement diminué au cours des 50 dernières années. Des taux de fécondité constamment élevés accompagnés de taux de mortalité en déclin expliquent l’accélération de la croissance démographique. Ainsi, le seul moyen de rétablir l’équilibre entre les principales composantes démographiques serait de provoquer un déclin de la fécondité.

Les principaux déterminants de la fécondité sont aussi bien socio-économiques (déterminants intermédiaires) que biologiques et liés au comportement (déterminants immédiats). Les déterminants indirects ou intermédiaires comprennent des variables telles que l’éducation, le revenu, la mortalité infantile et le statut de la femme. De plus, les chercheurs ont souligné l’importance des changements culturels et des changements d’attitude, car ceux-ci peuvent inciter les couples à avoir moins d’enfants (Cleland et Wilson, 1987). Les déterminants directs ou immédiats incluent la probabilité de grossesse (pourcentage de femmes qui vivent en couple), l’usage de contraceptifs (lié en partie à la disponibilité de services de planification familiale), les taux d’avortement et de stérilité pathologique et l’infécondité après l’accouchement (résultat direct de l’abstinence après l’accouchement et de la durée de l’allaitement).[footnoteRef:3] [3: L’effet relatif de chacun de ces déterminants immédiats sur l’indice synthétique de fécondité (ISF) a été illustré dans un modèle développé par Bongaarts (1978) et Bongaarts et al. (1994). On utilise souvent ce modèle pour étudier les effets du changement de l’âge au mariage et de l’usage de la contraception sur la fécondité.]

Les déterminants intermédiaires de la fécondité sont extrêmement importants bien qu’il y ait souvent un décalage entre les changements de ces variables et leurs répercussions sur la fécondité. L’éducation des filles, en particulier, semble être une des variables clés qui contribuent à diminuer la fécondité (Hugon, 2007). De plus, l’éducation des filles offre des avantages qui se transmettent aux autres générations (ceci signifie que les enfants de mères instruites auront elles-mêmes des taux de fécondité inférieurs et de meilleures conditions de santé). D’autres déterminants intermédiaires de la fécondité comprennent, mais sans s’y limiter, l’amélioration des conditions de travail pour les femmes, les politiques d’égalité des sexes (un meilleur statut pour les femmes) et des réformes juridiques concernant l’âge du mariage. Cependant, bien que tous ces changements soient souhaitables et nécessaires, ils ne se traduisent pas toujours en une réduction immédiate des taux de fécondité.

Les interventions de politiques sur les déterminants immédiats sont essentielles pour l’évolution du futur tracé de la fécondité (Guengant et May, 2007). Non seulement elles ont un effet immédiat sur les taux de fécondité mais elles sont aussi sensibles à des programmes d’interventions directes. Elles comprennent, mais sans s’y limiter, l’accès aux méthodes contraceptives, l’implication des hommes dans les décisions en matière de reproduction, des programmes de sensibilisation, des campagnes d’information, d’éducation et de communication (IEC) ainsi que les campagnes de communication de changement de comportement (CCC).

Un besoin urgent de traiter des questions démographiques

Les principales stratégies de développement burkinabè devraient plus directement aborder les questions démographiques. L’évolution démographique généralement prise en compte dans tous les documents stratégiques (depuis le Document stratégique de réduction de la pauvreté [DSRP] jusqu’à l’étude Burkina Faso 2025) ne se fera pas automatiquement, mais sera probablement accomplie par des politiques plus proactives (2003, 2005 et 2007a). Par ailleurs, ces stratégies utilisent des statistiques de population et de planification familiale et des estimations qui sont très optimistes, telles que des statistiques de services exagérées, à la place de résultats d’enquêtes (République du Burkina Faso, 2008a). De même, les taux de scolarisation nets et bruts estimés par le ministère de l’Éducation sont plus élevés que ceux obtenus par le recensement de 2006. Enfin, il faut renforcer la coordination entre ces stratégies car, pour l’instant, ces documents sont établis par des équipes différentes utilisant des statistiques diverses.

La Politique nationale de population, révisée en 2000, est encyclopédique et trop vaste pour relever efficacement les énormes défis démographiques (République du Burkina Faso, 2000b). Les efforts dans le domaine de la population et de la santé génésique exigeront des efforts constants et soutenus de programmation et un système de suivi et d’évaluation (S&E) solide. Au lieu de cela, la politique démographique actuelle présente un large éventail d’interventions qui ne sont pas circonscrites dans le temps et qui manquent d’objectifs quantitatifs précis. Les documents programmatiques, tels que les stratégies de santé, ne traitent pas directement la question des taux de prévalence contraceptive (Ministère de la Santé, 2000 et 2001). Même les documents spécifiques, tels que celui de la stratégie de la sécurité contraceptive, demeurent trop vagues et n’utilisent pas d’outils de planification quantitative (Ministère de la Santé, 2005).

Il est urgent de légitimer à nouveau les interventions dans le domaine de la population et de la santé génésique. Ceci peut être fait en mettant l’accent sur cinq raisons primordiales qui sont les suivantes :

· La nécessité d’accélérer la transition de la fécondité, surtout lorsque la mortalité diminue plus rapidement qu’autrefois ;

· L’impact de la croissance démographique dans les secteurs sociaux (éducation et santé) et de l’emploi, y compris les nouveaux venus sur le marché de l’emploi, en particulier dans les zones urbaines, qui augmenteront parce que les perspectives d’émigration se sont détériorées récemment ;

· L’importance de la croissance démographique par rapport à la croissance économique par habitant (Ndulu et al. 2007). L’économie se porte bien au Burkina Faso (plusieurs récoltes exceptionnelles, la montée en flèche de la construction liée à l’aide extérieure, etc.) mais la situation économique demeure fragile. De mauvaises récoltes sont toujours possibles et l’aide extérieure peut diminuer. En outre, la récente crise alimentaire et les émeutes qui en ont découlé dans les villes, la réduction des recettes et des dépenses de l’État et la fragilité du secteur cotonnier (qui fait vivre 3 à 4 millions de personnes) – tous ces facteurs menacent les perspectives de pérennité socio-économique ;

· Le besoin de programmes d’information, d’éducation et de communication (IEC) et de communication pour le changement de comportement (CCC) visant à promouvoir l’égalité des sexes et les droits génésiques ;

· La nécessité d’étendre des services de qualité en matière de contraception pour encourager la demande et de répondre aux besoins non satisfaits en planification familiale.

Conclusions et recommandations de politiques

Le changement démographique au Burkina Faso a été trop tardif comparé à celui de l’Amérique latine et de l’Asie et trop lent, particulièrement en ce qui concerne le déclin de la fécondité. Malgré des efforts impressionnants pour réduire les taux de mortalité, la fécondité est restée très élevée à 6,2 enfants en moyenne par femme. La soupape de sécurité que représentait l’émigration n’existe plus comme ce fut le cas dans la seconde moitié du XXe siècle. Le Burkina Faso n’a pas abordé sérieusement la dernière étape de sa transition démographique. La croissance rapide de la population a empêché le Burkina Faso d’atteindre ses objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). En particulier et malgré des efforts considérables dans le secteur de l’éducation, le Burkina Faso n’a pas été capable d’inscrire tous les enfants à l’école primaire, sans parler des scolarités de niveaux secondaires et tertiaires où les résultats ont été lamentables.

À cause du retard pris dans la transition de fécondité, le Burkina Faso a connu une augmentation de population phénoménale. Ceci est illustré par la densification de la population surtout sur les terres arables. Depuis l’Indépendance, la population urbaine a été multipliée par 11 tandis que la population rurale a triplé. Aujourd’hui, le Burkina Faso doit assimiler 600 000 naissances vivantes chaque année, par rapport à 200 000 en 1950. La taille des groupes d’âge jeunes est en train de croître rapidement également, mais le nombre de jeunes se trouverait réduit si la fécondité venait à baisser. Enfin, l’accroissement rapide de la population a des conséquences à long terme sur l’économie dans les domaines de la productivité du travail, de la transformation structurelle, de l’épargne et de la croissance. L’urbanisation s’accroît très rapidement et des petites villes, en plus de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, devront accueillir une main-d’œuvre croissante.

Les décennies perdues avant d’amorcer un déclin de la fécondité ont fourni certaines leçons. D’abord, les stratégies de développement, incluant des programmes de réduction de la pauvreté, n’ont pas vraiment tenu compte de l’importance des variables relatives à la population. De plus, ces stratégies n’ont pas été cohérentes par rapport à la variable de la population et sont fondées sur des statistiques et des prévisions trop optimistes. Même la version de la Politique nationale de population (République du Burkina Faso, 2000b) a été trop générale et trop timide pour s’attaquer à l’immense tâche à venir. Ensuite, les défis du développement par une croissance démographique rapide n’ont pas été pleinement compris et traités au Burkina Faso. Ces défis exigent un engagement soutenu dans le secteur de la population et de la santé génésique ainsi qu’une meilleure compréhension des conséquences d’une croissance rapide de la population sur les investissements en capital humain.

Les changements démographiques, dont le Burkina Faso a besoin, peuvent être introduits en 50 ans avec des interventions décisives sur la fécondité ou prendront un siècle avec les politiques de laisser-faire. Un changement démographique rapide au Burkina Faso exigera des interventions efficaces et proactives sur les déterminants à la fois immédiats et intermédiaires de fécondité. Ceci demandera un engagement soutenu et des politiques axées sur des résultats de la part du Gouvernement burkinabè et le soutien de ses partenaires au développement. De telles politiques devraient permettre la formation du capital humain surtout dans l’éducation. Elles devraient aussi avoir un impact très positif sur la santé des mères et de leurs enfants. Enfin, elles répondraient avant tout aux aspirations profondes des plus importants acteurs du développement, à savoir, les Burkinabè eux-mêmes.

Pour traiter les questions démographiques et de santé génésique, le rapport recommande les mesures suivantes :

· Repositionner les questions de population dans les stratégies de développement, développer un discours public positif sur la planification familiale, et préparer une composante bien documentée sur « Population, développement et santé génésique » qui doit être incluse dans la nouvelle Stratégie pour une croissance accélérée et un développement durable pour 2011-2015 (SCADD). En particulier, il faut accomplir les tâches suivantes :

· Mettre à jour les prévisions démographiques et simuler divers objectifs pour les taux de prévalence contraceptive au sein du cadre général des droits de la reproduction ;

· Exposer clairement les objectifs et les échéances énoncés dans la nouvelle  « Déclaration du Gouvernement sur les droits de la population et de la reproduction » dans la Politique nationale de santé, la Politique de santé génésique, la Stratégie de sécurité des produits de santé génésique et la Politique sur l’égalité des sexes – et formuler celles ayant des objectifs quantitatifs en utilisant des prévisions démographiques à jour ;

· Budgétiser totalement les politiques démographiques dans la nouvelle SCADD ;

· Disséminer une courte brochure et une affiche pour sensibiliser les dirigeants de haut niveau et les décideurs sur l’importance des dynamiques relatives à la population et la santé génésique.

· Améliorer l’offre de services de planification familiale pour répondre à la demande non satisfaite de contraception moderne. En particulier :

· Ouvrir une rubrique spécifique dans le budget pour l’achat et la distribution de produits contraceptifs et de santé génésique ;

· Organiser des campagnes nationales d’information, d’éducation, de communication et de communication de changement de comportement pour contribuer à accroître le taux de prévalence contraceptif d’au moins 1,5 point de pourcentage par an ;

· Mobiliser les partenaires au développement afin d’obtenir des financements nécessaires pour les produits contraceptifs et de santé génésique en vue d’atteindre les objectifs de la « Déclaration ».

POLITIQUES PUBLIQUES ET INSTRUMENTS DE MARCHÉ POUR LA RÉDUCTION DE LA VULNERABILITÉLa vulnérabilité du Burkina Faso face aux chocs

Typologie des risques

Le Burkina Faso est un pays en développement pauvre situé au Sahel et très dépendant d’une seule matière première ; l'économie burkinabè reste très vulnérable aux chocs climatiques défavorables et extérieurs, y compris les termes de l'échange, l’envolée des prix des produits alimentaires et des hydrocarbures. L’Encadré 3-1 fournit une typologie des risques auxquels le pays est directement exposé.

Encadré 3. 1 : Typologie des principaux risques auxquels le Burkina Faso est exposé

Les risques économiques (choc en termes commerciaux)

L'agriculture constitue plus d'un tiers du PIB du Burkina Faso. Jusqu’au le boom minier des dernières années, le coton et le bétail étaient les deux principaux produits d'exportation du Burkina. La capacité d’exportation limitée du pays le rend vulnérable face à la volatilité des cours mondiaux des produits agricoles et entraîne des fluctuations imprévisibles des revenus des ménages dans les zones rurales, en plus de l’instabilité des recettes d'exportation et des finances publiques du pays. Ces risques économiques peuvent réduire l'accès des ménages aux produits alimentaires par la perte de sources de revenus entraînée due soit au chômage soit à la réduction de revenus provenant de l'agriculture, du petit commerce et de la fabrication à petite échelle.

Les risques naturels (l'insécurité alimentaire)

Tout comme dans la plupart des autres pays d'Afrique subsaharienne, il y a au Burkina une forte corrélation entre la production agricole et la pluviométrie. Les activités agricoles du pays restent à haut risque en raison des fluctuations intra-annuelles. En outre, les pics de précipitations varient beaucoup d'une année sur l’autre. La variabilité des rendements agricoles, donc des niveaux de revenus des agriculteurs (la consommation/le bien-être) et des coûts de production en augmentation sont liés aux pertes plus élevées, à l'irrigation, au traitement des infections et aux insecticides. Les risques environnementaux affectent négativement la production moyenne sous forme de dégradation des sols et baisse de la productivité, mais aussi par l’augmentation des coûts unitaires de production.

La stabilité régionale

Le Burkina est un pays enclavé, qui dépend de ses voisins pour la livraison de marchandises entrantes et sortantes du pays et cette dépendance géographique rend l'économie du pays vulnérable à toute instabilité politique dans la région. Par exemple, le conflit en Côte d'Ivoire a affecté l'économie du Burkina de plusieurs façons : (i) l'interruption des échanges commerciaux en raison des difficultés de transport de marchandises en provenance et à destination du port d'Abidjan par la route et le chemin de fer ; (ii) le manque à gagner du Gouvernement en raison d’un ralentissement des importations devrait entraîner la baisse des recettes fiscales (douanières) ; (iii) l'augmentation des dépenses dues au retour des immigrés au Burkina Faso ; et (iv) la réduction des transferts de fonds des travailleurs émigrés.

Les risques pour la santé

Le mauvais état de santé du pays est caractérisé par un taux élevé de mortalité juvénile et infantile, de mortalité maternelle, de fécondité ainsi que de la prévalence relativement élevée du VIH/SIDA. La malnutrition est également très répandue. Le paludisme est la principale source de morbidité et de mortalité infantile au Burkina tout comme les maladies liées à la diarrhée et les infections aiguës des voies respiratoires sont les autres causes les plus fréquentes. Les épidémies récurrentes de rougeole et de méningite cérébro-spinale sont également des préoccupations majeures au Burkina Faso. De tels risques frappent plus durement les enfants et augmentent leur insécurité alimentaire immédiate. Ces risques liés à la santé augmentent aussi la vulnérabilité en ayant un impact négatif sur les résultats scolaires en raison des taux d’absentéisme plus élevés et d’une capacité cognitive moindre due à un mauvais état nutritionnel. En outre, les risques de santé impliquent une perte de temps de travail soit périodiquement soit en permanence, ce qui signifie moins de revenus et moins d’accès aux produits alimentaires, la réduction de la capacité d’absorption des éléments nutritifs à la fois macro et micro et dans les cas où la majorité d'une communauté est touchée, la production alimentaire se réduit localement.

La sécheresse et la famine

L’impact de la sécheresse sur la production alimentaire et la famine sont les risques prédominants rencontrés par les villageois burkinabè. Une évaluation des risques et de la vulnérabilité a été lancée en 2002, fondée sur des enquêtes à la fois quantitatives et qualitatives (Banque mondiale, 2002). Presque tous les villageois ont été affectés par ces deux chocs à plusieurs reprises au cours de la période 1999-2002, sans qu’aucun individu ne se soit totalement remis des effets négatifs de ces chocs. Bien que la famine puisse être considérée comme une conséquence majeure de la sécheresse, les villageois perçoivent ces deux risques comme distincts.

Les risques sociaux

Au niveau des ménages, les risques sociaux, économiques, sanitaires et du cycle de vie affectent principalement l’accès aux produits alimentaires et à leur consommation. Pour les ménages qui vivent de l’agriculture de subsistance sans source de revenus de remplacement ou sans accès aux marchés, de tels chocs peuvent aussi réduire la disponibilité alimentaire. Des événements du cycle de vie, comme les funérailles ou les mariages, entraînent souvent d’importantes dépenses supplémentaires qui réduisent les ressources disponibles pour l’achat des produits alimentaires. De même, les maladies, l'infirmité et les blessures entraînent des dépenses supplémentaires et la baisse des emplois et des revenus et peuvent conduire à la consommation d’aliments pauvres en nutriments.

Risques le long de la chaîne de valeur agricole

Les intermédiaires s’exposent à des risques divers à différents stades de la chaîne de valeur agricole. Les agriculteurs burkinabè et les intermédiaires de la chaîne d'approvisionnement sont particulièrement vulnérables aux risques du taux de change et de la volatilité des prix des matières premières.

La compétitivité de la filière coton est devenue plus vulnérable face aux chocs des facteurs extérieurs en raison de la fluctuation des taux de change du CFA par rapport au dollar US et des multiples transferts financiers relatifs aux recettes d'exportations et aux paiements à l'importation. Le taux de change est l'une des principales variables macro-économiques qui influent sur la compétitivité globale de l'économie ainsi que la dynamique de la filière coton et la performance du secteur. Le coton est commercialisé en dollars sur les marchés mondiaux, mais les producteurs ouest-africains sont payés en francs CFA. L'appréciation de l'euro vis-à-vis du dollar aggrave la compétitivité des producteurs de coton érodant leurs marges bénéficiaires. L'appréciation de l'euro couplée à une hausse de l'IPC a entraîné les producteurs de coton dans des difficultés budgétaires. Un taux de change défavorable menace la viabilité financière du secteur et intensifie les effets néfastes de la pauvreté. Actuellement, il n'existe aucun mécanisme de compensation des paiements des importations en dollars US sur les recettes des exportations en dollars US avant la conversion des devises en CFA par les sociétés d'égrenage de coton du Burkina Faso, ce qui éviterait ainsi les coûts de transaction non négligeables de la conversion des devises au détriment de la rentabilité du secteur du coton. (Voir la section sur la Dynamique des taux de change et la compétitivité).

Les agriculteurs burkinabè font face à deux problèmes distincts des risques de prix. Le premier se rapporte à l'incertitude des prix de la campagne agricole en cours : les agriculteurs consacrent du temps et des apports matériels selon leurs attentes au début de la campagne agricole. D’une part, si les prix d’achat s’avèrent inférieurs aux prévisions, les producteurs ne pourront pas couvrir les coûts matériels d’entrée, tandis que si les prix augmentent, les agriculteurs ne pourront tirer profit des opportunités du marché. Le second problème se rapporte à la chute durable des prix qui compromet leurs moyens d'existence. Le refus du risque conduit les agriculteurs à réduire les apports dans la mesure où les prix des récoltes sont soumis à l'incertitude. Par conséquent, l'incertitude des prix tend à réduire les rendements et donc les revenus. Étant donné que les chocs négatifs sont susceptibles d’avoir un impact sur l’investissement ainsi que la consommation, ces effets peuvent s’étendre à long terme et continuer après le rétablissement des prix (Raddatz, 2005).

Les intermédiaires sont sensibles à la variabilité des prix et même une légère baisse sur une période peut facilement effacer les marges bénéficiaires. Les exportateurs font face à la fois aux risques de change et aux risques politiques, en particulier aux risques liés à la disponibilité et aux modalités des permis d'exportation. Les banques ont une exposition indirecte au risque, résultant du risque d’insolvabilité associé au prêt aux intermédiaires exposés à des risques précis. Une baisse du prix des matières premières peut entraîner une incapacité de remboursement de l'intermédiaire qui a beaucoup de matières premières et a emprunté pour financer les opérations de la chaîne d'approvisionnement. Lorsque les banques ont connu ces cessations de paiements, elles deviennent réticentes à prêter au secteur. La réduction de l'accès au crédit dans la chaîne d'approvisionnement et l’augmentation du coût du crédit (où il est disponible) deviennent ainsi des résultats directs des risques de prix mal gérés.

Les Gouvernements sont eux aussi exposés directement ou indirectement à la rentabilité du secteur du coton. L’exposition directe vient des recettes fiscales ou des subventions budgétaires lorsqu’elles dépendent du niveau des prix. L’exposition peut être indirecte lorsque les gouvernements agissent soit implicitement soit explicitement comme garants des fonds de stabilisation et des organismes parapublics. C'est certainement le cas au Burkina Faso où la recapitalisation du Fonds de lissage a entraîné un passif conditionnel sur le bilan gouvernemental de près de 1 % du PIB et une quote-part de 65 %. En outre, le Gouvernement est exposé à la garantie de la dette des sociétés cotonnières. À la fin de l'année 2006, 44 milliards de FCFA ont été restructurés sur une période de cinq ans (PASF, 2008).

Le Burkina Faso et le Fonds de lissage

Le Fond de lissage (FdL), qui est géré par l'Association du Fonds de lissage (AFDL), a été créé en accord avec l'association de commercialisation du coton burkinabè (qui rassemble les producteurs et les sociétés cotonnières). Un nouveau mécanisme de fixation d’un prix plancher garanti aux producteurs de coton a été introduit au début de la saison en avril 2007, déterminé à partir des moyennes mobiles quinquennales du prix mondial de l'Indice Cotlook A exprimé en francs CFA au niveau FOB. L'écart entre le prix plancher et le prix mondial est financé par le fonds de lissage. Toutefois, après paiement du soutien des prix du marché aux producteurs après la grave crise de la saison 2005-2006, les estimations actuelles suggèrent qu'à moins qu’un capital additionnel soit constitué, une ligne de crédit d'au moins 30 millions d'euros sera nécessaire pour que le fonds de lissage puisse être crédible dans la fourniture du soutien des prix dans l'avenir (PASF, 2008).

Les fonds de lissage des prix ne tiennent pas compte de la gestion de risques. Les fonds de lissage, dont le but est d’atténuer l’effet des chocs de prix, ne visent pas à empêcher ces chocs ou à remédier à la tendance à la baisse. L'objectif est double. À court terme, ces fonds permettent d'éviter une possible explosion du lien entre les coûts fixes et les coûts variables en cas de chute spectaculaire de la production. L'objectif à moyen terme est de maintenir les tendances prévisibles de la production. Les fonds de lissage ne peuvent absorber qu'une partie limitée des effets potentiels des chocs de prix. Les fonds de lissage ne suppriment pas les problèmes de gestion de risques ; ils transfèrent tout simplement l'exposition des prix à court terme des agriculteurs au fonds sans gérer le risque ainsi transféré.

Les régimes de stabilisation couverts sont plus susceptibles d'être financièrement viables que les régimes de stabilisation non couverts. La stabilisation des prix (ou lissage) est fondamentalement différente de la gestion des risques de prix (Gilbert, 2007). La stabilisation est une activité qui se rapporte à l'épargne tandis que la gestion des risques est une activité contractuelle. Le fonds de lissage du coton du Burkina Faso est structuré comme un mécanisme de stabilisation puisqu’il offre un programme d'épargne collective qui fonctionne selon le principe de limitation des versements par le niveau de l'épargne accumulée les années précédentes. Cependant, le fonds de lissage du coton lui-même n’a pas encore couvert son exposition au risque, qu’il s’agisse de prix, des fluctuations des taux de change ou des précipitations.

Se rapprocher de la détermination des prix aux producteurs axée sur le marché

La résolution de la tendance à la baisse des cours mondiaux du coton passe inévitablement par des stratégies de diversification et d'amélioration de l'efficacité. Le manque d'incitations des sociétés cotonnières à réduire leurs coûts ou maximiser leur prix de vente est une préoccupation lorsque le prix de vente réel (par opposition aux prix du marché) détermine le niveau du Fonds de soutien des prix ainsi que la prime versée aux producteurs. Le coton n’est plus rentable pour les petits agriculteurs qui ne peuvent pas atteindre un rendement rentable minimum de 900 kg/ha (Gergely, 2008). Le fonds de lissage doit être clair dans son objectif de réduction de l'impact de la volatilité des prix sur les producteurs de coton sans interférer avec les signaux du marché relatifs à l'impact de l’augmentation mondiale de l'approvisionnement en coton associée à une demande morose qui a entraîné une baisse des prix à l'exportation de l'industrie mondiale du coton.

La garantie d’un prix plancher aux producteurs, non couvert, soutenu par le fonds de lissage introduit l’exposition des prix des matières premières pour l'industrie cotonnière burkinabè et par conséquent pour le Gouvernement du Burkina Faso. Les prix à la production fixés sans mécanismes d'ajustement deviennent insoutenables quand les prix mondiaux chutent nettement en dessous du prix plancher. La réduction répétée du mécanisme de soutien des prix et l’absence actuelle du fonds de lissage laissent suggérer qu'un mécanisme de couverture plus robuste doit être instauré. Toutefois, les alternatives proposées jusqu'à présent ont tendance à faire appel à plus de capitalisation du fonds de stabilisation et un meilleur accès aux lignes de crédit pour contenir l'écoulement régulier des fonds, de ce qui est en fait un mécanisme de stabilisation des revenus pour les producteurs de coton contre la baisse des prix mondiaux du coton.

Évoluer vers la détermination des prix fondés sur le marché en fixant le prix au producteur au début de la saison sur la base du prix coté à la bourse des matières premières à terme. Le fonds de stabilisation devrait utiliser les marchés à terme mondiaux pour déterminer l'engagement du prix à la production pour l'année de récolte. Une annonce de prix à la production fondé sur les prix du coton sur les marchés à terme mondiaux réaffirme l'engagement des autorités à réduire la dépendance du secteur coton aux subventions et aux appels répétés des sociétés d’égrenage à la capitalisation. Les avantages d'un prix à la production fondé sur les prix des marchés à terme devront assurer que le mécanisme de signalisation du prix du marché ne so