voeux aux parlementaires 2015

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Discours de M. le Président Vœux aux parlementaires Hôtel de Lassay, mardi 13 janvier 2015, 19h Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président du Sénat, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental Monsieur le Défenseur des Droits, Mesdames et Messieurs les parlementaires, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs les représentants des corps constitués, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales, Messieurs les Préfets, Mesdames et Messieurs, Après le moment historique que nous venons de vivre dans l’hémicycle, et je pèse mes mots, après cette Marseillaise chantée spontanément par tous les représentants d’un peuple libre, je vous souhaite la bienvenue à la présidence de l’Assemblée nationale. La nouvelle année s’est ouverte sous le signe du deuil et de la colère. Des tortionnaires, fanatisés par des marchands de fureur et de haine, ont profondément pollué l’imaginaire de quelques individus et les ont transformés en automates de la mort. Leur défi sanguinaire, ils l’ont porté au cœur même du pays. Au cœur de la démocratie, en touchant des journalistes, dont ils considéraient que

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Page 1: Voeux aux parlementaires 2015

Discours de M. le Président

Vœux aux parlementaires

Hôtel de Lassay, mardi 13 janvier 2015, 19h

Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental

Monsieur le Défenseur des Droits,

Mesdames et Messieurs les parlementaires, mes chers collègues,

Mesdames et Messieurs les représentants des corps constitués,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales,

Messieurs les Préfets,

Mesdames et Messieurs,

Après le moment historique que nous venons de vivre dans l’hémicycle, et je

pèse mes mots, après cette Marseillaise chantée spontanément par tous les

représentants d’un peuple libre, je vous souhaite la bienvenue à la présidence

de l’Assemblée nationale.

La nouvelle année s’est ouverte sous le signe du deuil et de la colère. Des

tortionnaires, fanatisés par des marchands de fureur et de haine, ont

profondément pollué l’imaginaire de quelques individus et les ont transformés

en automates de la mort.

Leur défi sanguinaire, ils l’ont porté au cœur même du pays. Au cœur de la

démocratie, en touchant des journalistes, dont ils considéraient que

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l’expression était une condamnation à la peine capitale. Au cœur de la

République, en assassinant de sang-froid, lâchement, des policiers, des

gardiens de nos libertés, nos remparts républicains contre les dangers de

l’existence. Au cœur de la population et de nos valeurs, en exécutant des

citoyens parce qu’ils étaient juifs.

Racistes, antisémites, incapables d’apprécier dans la vie humaine une

quelconque valeur à préserver, ils détestaient leur pays, son Histoire, son

action, ses beautés, sa cohésion, ils voulaient tout détruire, tout nier.

Ils parlaient au nom d’une religion que tout concorde à dire qu’ils ne la

connaissaient pas vraiment, puisqu’ils pensaient, eux et leurs complices, par

analogies grossières, amalgames grotesques et par sordides oukases.

Pour eux, la religion était une machine à désigner des cibles, une caution pour

nier, justement, tous les commandements de la nature, et en premier lieu celui

de ne pas supprimer son semblable.

Leurs idées n’étaient pas des idées, leurs valeurs n’étaient pas des valeurs.

Etre un assassin, être un agent de la sauvagerie et de la barbarie, ce n’est pas

suivre une religion.

En aucun cas, en aucun temps, sous aucune latitude, jamais, nulle part, ce

n’est pas pratiquer un culte. Ce n’est pas agir selon une idée. C’est être un

ennemi de tous les peuples, c’est trahir sa naissance, c’est s’outrager soi-

même.

C’est contre les ennemis du peuple, contre les ennemis de l’amour et de la

fraternité que nous sommes en guerre, et certainement pas contre les croyants

d’une religion dont ceux qui la trahissent commettent à la fois un crime contre

leur Etat et une hérésie contre leur foi.

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Ce défi de violence et de sang, ils l’ont porté à la République. Elle n’a pas

fléchi, elle n’a pas tremblé. Les institutions sont restées debout. Le peuple,

déjà levé, s’est mis à marcher, en masse, par millions, sans distinction de

croyances, d’idées politiques ou de valeurs morales.

« Marchons ! » s’est exclamée une voix nationale ! Le peuple a marché, il ne

s’arrêtera plus.

L’Assemblée nationale a réagi immédiatement, en publiant une déclaration

commune à tous les groupes politiques, ne laissant aucun doute, aucune faille

à sa détermination et sa lucidité. En lien avec le Président de la République,

son Premier ministre et son gouvernement, les parlementaires des deux

chambres se sont trouvés aux premières loges, partout où ils pouvaient, de la

représentation de la Nation. Et nous avons la volonté avec mon collègue le

Président Larcher de faire en sorte que le Parlement joue tout son rôle.

Et maintenant ? Nous représentons les Français. Nous les représentons d’où

nous venons, certains de leur ville, certains du monde rural, certains de la

montagne, certains d’Outre-Mer, certains de l’étranger.

Chacun peut apporter, à partir de son expérience locale ou personnelle, un

éclairage humain passionnant, j’en suis sûr, sur ces événements. En tant

qu’élu de la Seine-Saint-Denis, j’ai moi-même une longue expérience de la

manière dont les différences, les métissages, aboutissent à une harmonie

sociale confondante. Et je sais aussi combien des esprits avides de pouvoir et

de manipulation utilisent ces mêmes différences, sources potentielles de tant

de richesses, à des fins identitaires et excluantes.

Je connais ces voix funestes qui chantent à l’oreille d’enfants de

l’immigration la mélodie grinçante de l’impossibilité de l’égalité républicaine.

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Et pourtant, je le vois tous les jours dans ce département que j’aime tant, la

France de la République, elle est possible, elle est là, devant nos yeux, elle est

déjà si belle, elle est pleine de promesses. Vivre ensemble est possible.

Il faut, bien sûr, faire vivre l’esprit du 11 janvier au sein de ce Parlement.

C’est à nous, représentants du peuple, de veiller sur la flamme du 11 janvier

comme l’armée veille sur la flamme du soldat inconnu.

Tout d’abord, en restant uni. Bien entendu, le fracas des arguments, de la

dialectique, reprendra vite entre ces murs. Mais est-il si utopique de certes ne

pas être d’accord, mais de ne pas céder sur nos valeurs, de ne pas céder à la

facilité de la peur ? Et, surtout, de nous mettre d’accord sur ce qu’est la

France. Car, de grâce, que cesse le dénigrement de la France. Que cesse cette

haine de soi qui depuis trop longtemps mine les fondements de la confiance

nationale. La France est une République, indivisible, à l’ambition sociale

affichée depuis sa fondation, à l’ardeur réformatrice jamais démentie.

Partout sur le territoire, les promesses du rêve de justice, d’égalité et

d’intégration ne sauraient être trahies sans fracturer un corps social que toutes

les perversités et les tyrannies exploiteront avec avidité.

Et que cesse aussi la repentance.

Quand une attaque de cette ampleur endeuille un pays, oui, bien sûr, tout doit

être fait pour comprendre ce qui s’est passé, et notamment ce qui doit être

amélioré dans le fonctionnement des rouages des services publics. Du

renseignement bien sûr, dans la surveillance des présumés terroristes pour que

plus jamais cela puisse survenir. De l’école aussi, pour que tous les enfants de

France soient ceux de la République et de ses idéaux.

Mais attention. Nous n’avons pas été naïfs, nous ne découvrons pas les

risques du terrorisme, notre pays ne doit pas s’abandonner à une surenchère

de procédures d’exception pour feindre une fermeté. La lutte contre le

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terrorisme a fait l’objet de nombreuses lois dont la dernière, défendue par

l’actuel ministre de l’intérieur, a fait des pas importants. La République ne

découvre pas ses ennemis.

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé il y a quelques minutes

des mesures particulières pour améliorer l’action de nos forces de maintien

de l’ordre et de cohésion sociale. L’Assemblée nationale prendra toutes ses

responsabilités et se mettra au travail pour réussir ce grand défi porté à notre

arsenal législatif et national.

Comme elle vient de montrer que l’unanimité républicaine est possible, en

votant, à l’instant, par un consensus de tous les bancs, l'autorisation de la

prolongation de l'intervention des forces françaises en Irak.

Comme le gouvernement l’a déjà laissé entendre, notre tâche abordera tous

les domaines d’action : Internet, les conditions d’enfermement, le suivi des

individus, l’apologie du terrorisme.

Unité donc.

Unité de la Nation, mais aussi Autorité de l’Etat.

L’esprit du 11 janvier ne descendra pas durablement sur les hommes et les

femmes de France tout seul, comme par miracle. Dans les rues de France, il y

avait une affirmation de dignité, mais il y avait aussi un appel. Un appel à

l’Etat.

L’autorité de l’Etat, c’est la puissance d’une force publique qui ne perd pas le

contrôle de ses territoires, qui assure la permanence et la fertilité des services

publics partout et tout le temps.

Un Etat fort, un Etat dont le glaive s’abat naturellement et sévèrement sur les

fanatiques de l’effroi.

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Un Etat fort en guerre contre la barbarie et le terrorisme, mais aussi un Etat

influent, dont la voix porte en Europe et dans le monde.

Un Etat qui, j’en suis convaincu, par la voix de son Président de la

République, convaincra l’Europe d’agir sur les politiques de solidarité,

d’éducation, sur ses leviers sociaux. Une Europe qui saura, après son

ambitieux plan d’investissement récent, que cette nouvelle phase de solidarité

ne fait que commencer, et que la France, c’est vrai, l’inspire, la soutient et

l’assiste. On récolte toujours la paix si on moissonne des services publics, de

l’école à la sécurité, de la culture à la justice.

Dès le 11 janvier, l’année était sérieusement commencée. Le maître mot de

Résistance était sur toutes les lèvres, avant ou après les couplets de la

Marseillaise.

La France des Lumières, de la confrontation d’idées, la France qui sut se faire

aimer de toutes les jeunesses, de tous les amants de la Liberté par sa double

nature de pays impertinent et de pays intelligent, cette France ne peut

abdiquer sans que jaillissent de la Terre les mains vengeresses de nos glorieux

aînés.

Résistance et Intelligence sont les allégories indissociables de notre Nation

debout, que rien ne sut réduire, et surtout pas les appels au dénigrement ou à

l’exclusion.

En naissant dans les larmes, l’année nouvelle nous rappela que si nous

sommes mortels, la République ne l’est pas.

Vive la République. Vive la France.