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Les Merode ou le syndrome de la peau de chagrin à Rixensart. Par EricMeuwissen « À Rixensart, les pauvres vivent sous la perpétuelle menace de se voir fermer, s'ils votent mal, l'accès des bois de Monseigneur. » Émile Vandervelde* (1898). Au château de Merode à Rixensart, les murs débordent de legs du passé. Pensez donc, le castel est dans la famille depuis 1715 1 . Nous sommes dans un « d'un des plus beaux châteaux du Brabant» 2 . Un domaine d'origine féodale qui appartient encore - bien que considérablement réduit - aux descendants plus ou moins directs des anciens seigneurs. Le cas mérite d'être souligné, car voici un « logis » ancestral ancré dans une continuité territoriale et historique. Rixensart fait ainsi partie des rares châteaux du Brabant wallon (avec Braine-le- Château et Jodoigne-Souveraine), correspondant à l'archétype des anciens logis seigneuriaux, ayant conservé tout ou partie de leurs vieux bâtiments, de leurs vieux meubles… Car les demeures des Merode débordent de richesses. Leur gendre Montalembert écrit « Ici les meubles sont opaques et noirs, les femmes aimables et peu disertes, vêtues de sombre; on devine plus de crucifix que de fleurs dans les chambres, mais on respire une atmosphère de droiture et de paix ». 1 Auparavant, il appartint au 16 e siècle aux célèbres familles de Croy puis à un homme d'armes relevant d'une famille riche et influente, à savoir les Spinola* avant d'aboutir par succession dans la famille de Merode qui le fit rebondir, par Oignies interposés, jusqu'à la branche de Westerloo. Marie Nicolassine de Merode, fille du marquis de Deynze hérita de sa tante Albertine Isabelle, veuve de Philippe Spinola, du château de Rixensart. En 1787, le patrimoine de la défunte (les seigneuries de Rixensart, Genval et Bourgeois) passe à son neveu Balthazar Philippe, comte de Merode-Monfort, marquis de Deynze et baron de Duffel. Le castel est séquestré comme bien d’émigré sous la révolution. En 1804 Balthazar-Philippe qui s’est enfui en Autriche, cède ses terres belges à sa nièce Marie Josèphe d’Oignies Grimberghe, épouse de Guillaume Charles de Merode. Rallié à Bonaparte, ce dernier entre en possession de Rixensart. Sur la succession des différents propriétaires de Rixensart, voir DE VOS (Charles) : Les seigneurs de Rixensart, Wavriensia, T. XIX, 1970, n° l, pp.11-25. 2 COSYN (Arthur) : LeBrabant inconnu. Bruxelles, 1911,p.223. Sur le château de Rixensart, voir notamment SANDER PIERRON : Histoire illustrée de la forêt de Soignes. T.III, Bruxelles, 1973. pp. 463-467. 1

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Les Merode ou le syndrome de la peau de chagrin à Rixensart.

Par EricMeuwissen

« À Rixensart, les pauvres vivent sous la perpétuelle menace de se voir fermer, s'ils votent mal, l'accès des bois de Monseigneur. » Émile Vandervelde* (1898).

Au château de Merode à Rixensart, les murs débordent de legs du passé. Pensez donc, le castel est dans la famille depuis 17151.Nous sommes dans un « d'un des plus beaux châteaux du Brabant»2. Un domaine d'origine féodale qui appartient encore - bien que considérablement réduit - aux descendants plus ou moins directs des anciens seigneurs. Le cas mérite d'être souligné, car voici un « logis » ancestral ancré dans une continuité territoriale et historique. Rixensart fait ainsi partie des rares châteaux du Brabant wallon (avec Braine-le-Château et Jodoigne-Souveraine), correspondant à l'archétype des anciens logis seigneuriaux, ayant conservé tout ou partie de leurs vieux bâtiments, de leurs vieux meubles… Car les demeures des Merode débordent de richesses. Leur gendre Montalembert écrit « Ici les meubles sont opaques et noirs, les femmes aimables et peu disertes, vêtues de sombre; on devine plus de crucifix que de fleurs dans les chambres, mais on respire une atmosphère de droiture et de paix ». Aujourd’hui pourtant, l’atmosphère autour du château semble bien lourde. L’atmosphère de paix à déserté les lieux. La famille a été fort éprouvée ces dernières années et n’a pas su s’adapter aux contraintes des temps nouveaux. L’avenir du château semble bien incertain3.

En novembre 2012, un article de « L’Avenir » nous apprend que : Jacqueline Blaimont est l’intendante du château. La princesse de Merode, âgée de 92 ans, lui a en quelque sorte laissé les clés de la gestion quotidienne. « J’ai coordonné tous travaux de ces dernières années. Il a, par exemple, fallu stabiliser les fondations, car le château a été construit sur du sable bruxellien. Pour le reste, il faut encore résoudre des problèmes de maçonnerie, de réfection de toiture, de drainage et d’égouttage. Malheureusement, la princesse m’a dit qu’elle ne souhaitait plus payer. Je ne suis donc pas certaine qu’il y ait encore des visites à l’avenir. Par ailleurs, la question de la descendance se pose. Les deux fils de la princesse n’ont pas d’enfant. Il faut résoudre cette question pour que le château reste dans la famille »4.

A Rixensart, la chaîne lignagère est rompue. La branche des Merode qui occupe encore le castel est arrivée en bout de course. Elle n’a plus de sève. Et l’on peut dire que sans l’intervention de la Région wallonne, le château, « patrimoine exceptionnel de Wallonie », aurait fini par glisser dans l’étang. Pour cette branche de la famille, l’hallali est proche.

1 Auparavant, il appartint au 16e siècle aux célèbres familles de Croy puis à un homme d'armes relevant d'une famille riche et influente, à savoir les Spinola* avant d'aboutir par succession dans la famille de Merode qui le fit rebondir, par Oignies interposés, jusqu'à la branche de Westerloo. Marie Nicolassine de Merode, fille du marquis de Deynze hérita de sa tante Albertine Isabelle, veuve de Philippe Spinola, du château de Rixensart. En 1787, le patrimoine de la défunte (les seigneuries de Rixensart, Genval et Bourgeois) passe à son neveu Balthazar Philippe, comte de Merode-Monfort, marquis de Deynze et baron de Duffel. Le castel est séquestré comme bien d’émigré sous la révolution. En 1804 Balthazar-Philippe qui s’est enfui en Autriche, cède ses terres belges à sa nièce Marie Josèphe d’Oignies Grimberghe, épouse de Guillaume Charles de Merode. Rallié à Bonaparte, ce dernier entre en possession de Rixensart. Sur la succession des différents propriétaires de Rixensart, voir DE VOS (Charles) : Les seigneurs de Rixensart, Wavriensia, T. XIX, 1970, n° l, pp.11-25.2 COSYN (Arthur) : LeBrabant inconnu. Bruxelles, 1911,p.223. Sur le château de Rixensart, voir notamment SANDER PIERRON : Histoire illustrée de la forêt de Soignes. T.III, Bruxelles, 1973. pp. 463-467.3L’Avenir, 26 mars 2015, p.9.4L’Avenir 30. 11. 2012, p.1.

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Château de Rixensart, vue du côté sud.

on assiste à Rixensart à la fin d’un monde, au délitement d’un castel et d’une famille, à l’épuisement d’une race, au crépuscule des princes locaux. Mal stabilisé sur ses sables

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bruxelliens, le château part à vau-l’eau… il glisse dans l’étang comme les Merode glissent dans les temps.

L’exaltation de la généalogie comme mesure du poids social.

Merode ! Quand on entend ce nom qui incarne tellement la fine fleur de l’aristocratie belge, on pense à celle que les Américains avaient surnommée « the mostbeautifulwoman in the world », la célèbre demi-mondaine Cléo de Merode* qui aurait été la maîtresse parisienne du roi Léopold II. Léopâtre et Cléopold disait-on à l’époque. On pense aussi à la station de métro « Merode » dédicacée en l’honneur de la grand-mère du prince Alexandre de Merode (+2002), bien connu pour être « le tombeur » aux Jeux olympiques de l’athlète dopé Ben Johnson5. Les plus érudits évoqueront aussi le comte Félix de Mérode qui fut notre second ministre d’État6. Les Merode sont « dignes des héros de l’antiquité ». Ils disposent de ce qui n’a pas de prix, mais qui vaut tout : une généalogie. Avec eux, il n’y a pas d’échec prénatal à surmonter. Pensons aux quatre pals de leur blason qu’un Merode traça sur son bouclier avec ses doigts trempés du sang de l’ennemi ou encore à ce comte de Merode qui lors d’une charge héroïque à Bergen-op-Zoon perdit ses quatre doigts suite à un coup de sabre de l’adversaire. Il n’en continua pas moins le combat, tenant les rênes de son cheval entre ses dents. Les Merode sont prestigieux. Car ils allient l’ancienneté (12e siècle quand même) et les charges exercées à la qualité de leurs alliances et à l’importance de leurs possessions. Ils font partie de notre patrimoine national au même titre que leurs châteaux. À chaque génération, voici des saints ou des guerriers, des députés, des ministres, des diplomates…Les Merode cultivent une sorte de mythologie lignagère issue d’une tradition multiséculaire. Ils ont le culte de l’ancêtre chevillé à l’âme. Ils regrettent ou ont regretté la liquidation par la Révolution du « système de l’hérédité » où le sort des individus est inscrit dans leur naissance. Voici des gens « qui sont », plus « qu'ils n'ont », (même s'ils ont beaucoup). Ils « sont » car pour eux, « être, c'est naître ». Leur domaine est moins source de richesse que de prestige. Il leur confère honneur et pouvoir. Ils ont fait de cette phrase de Montesquieu leur credo : « La propriété est la garantie des libertés publiques indispensables à l’indépendance de la famille. Les biens mobiliers viennent en dessous de la propriété foncière, car la terre ne corrompt pas comme l’argent, elle rapproche de la nature et fait mieux sentir la présence de Dieu. Elle est la source de l’honneur qui est le principe de la monarchie ». Leur mode de vie s’inscrit dans la durée. C'est l’exaltation de la généalogie comme mesure du poids social. Ils ont l’orgueil de la lignée. L'effet de continuité l'emporte sur l'effet de rupture dans la chaîne de la transmission du patrimoine foncier. « Bon rang ne peut mentir. » Ils sont originaires de la Rhénanie, du pays de Cologne dont ils ont été au Moyen-Age « nobles bourgeois afforains ». Tandis que la ligne aînée, (éteinte), restait fixée en territoire rhénan, la branche cadette, par ses alliances dans les Pays-Bas fut orientée très tôt vers nos

5 Alexandre de Merode* résidait notamment au château de Neffe, non loin de Saint-Gérard dans le Namurois. Un château acheté en 1925 par son grand-père le prince Jean de Merode (1864-1933), grand maréchal de la Cour et époux de Marie Louise, princesse de Bauffremont-Courtenay (1874-1955), fondatrice de l'Oeuvre nationale des invalides de guerre. Leur fils Frédéric* l'habita en 1933. Voir MERODE (Alexandre de) : Histoire de la terre de Neffe et ses seigneurs. OGHB, T. XVII, Bruxelles, 1970, pp 48-49. Le château se retrouva dans le patrimoine du comte Félix, passa à sa fille Marie-Théoduline * épouse Alof de Wignacourt *. Alexandre avait racheté en 1989 le château médiéval de Solre-sur-Sambre à Éliane de Wignacourt (1917-2006). Voir GHELLINCK VAERNEWIJCK (Xavier de) : Wignacourt. L.P, 1976, n°181, pp.2-5. MERODE (Alexandre de) : Solre-sur-Sambre et ses seigneurs. L.P, Mars-Avril 2002, n°338, p.120.6 TRAZEGNIES (Olivier de) : Félix de Merode (1791-1867). R.G, n°6, 2006, pp.57-67.

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provinces où elle s’installa dans les seigneuries de Pertersheim et de Westerlo. Dès le 16e siècle, ils occupèrent dans les Pays-Bas des fonctions auliques, militaires et diplomatiques. Cette fidélité à leurs « princes naturels » leur valut la dignité comtale du Saint-Empire et en

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1626 l’érection de la terre de Westerlo en marquisat. Par héritage, échurent aux Merode les principautés de Rubempré et d’Everberg. Et comme le remarque Baudouin d’Hoore : « les Merode sont champions en matière de mariages consanguins ». Et d’évoquer « une politique matrimoniale bien étudiée avec de riches héritières selon un phénomène ‘d’entonnoir’ »7.Au 19e siècle, sept Merode furent députés ou sénateurs, deux ministres, trois Merode occupèrent le poste de « grand maréchal » de la Cour. Sous l’Ancien Régime, ils sont grands d’Espagne, chevaliers de la Toison d’or, Grands Veneurs du Brabant, Grand Chambellan… Le prince de Rubempré8, Maximilien de Merode* tient sur la Place Royale à Bruxelles, un hôtel somptueux regorgeant de livres (une des plus anciennes bibliothèques du pays), de médailles, de tableaux parmi lesquelles des oeuvres de Rubens, Van Dyck, Breughel, Teniers9. Et habiter le quartier royal a cette époque, c'est jouir d'un cadre de vie exceptionnel, être environné de bâtiments à l'architecture moderne formant un ensemble homogène, c'est bénéficier depuis chez soi d'une vue sur une Place Royale prestigieuse.

Ils ont accès au « Salon Bleu ».

Avec les Ligne, les Croÿ, les d’Arenberg, les d’Ursel… les Merode ont accès au « Salon Bleu ». Il s’agit d’une pièce du palais royal où une société triée sur le volet était présentée au souverain à l’occasion de réceptions. Une tradition qui a disparu. Comme les bals de la Cour d’ailleurs10.Des Merode, il y en a à foison aujourd’hui. Pour faire simple, retenez qu’ils se divisent en trois grandes branches. La branche aînée (éteinte en 1977), est celle de Westerlo; la branche puînée (actuellement aînée) est celle de Rixensart ; et la branche cadette, celle d’Everberg et Loverval. Le vice-président du comité olympique international appartenait à cette branche cadette. Il en était même l’ultime brindille. Il était le petit-fils de la princesse Jean de Merode*, qui fut une des dames les plus remarquables du ‘high live’ de Belgique. Cette dernière était l’épouse du grand maréchal de la Cour de 1910 à 1929. La nomination de son mari à ce poste jeta un certain effroi. Le « monde » en resta tout interdit. Car Merode de la branche cadette passait pour le plus mal élevé des aristocrates. En revanche, il était adoré par les petits, les modestes et les « sans-grade »11.Max Léo Gérard* nous a laissé dans ses « Souvenirs », cette description du comte Jean de Merode* : «  Parmi les hommes que j’ai connus au Palais, le premier dans la hiérarchie de

7 D’HOORE (Baudouin) : Les archives de la famille de Merode : une source inépuisable pour les généalogistes. L.P, Mai-juin 2013.8 Sur les Rubempré, voir URSEL (Baudouin d’) : Princes en Belgique, Rubempré. 1686. L.P, Juillet-Août 2014, n°412. 9 L’hôtel de Rubempré est devenu par la suite le Gresham. Il se situe au coin de la rue de la Régence et du Musée, vis-à-vis de l’ancien palais du comte de Flandre (actuelle Cour des Comptes). Le grand veneur du Brabant en était propriétaire. Il vit d’un mauvais œil l’obligation qu’on lui imposait d’élever un bâtiment moderne à la place de la vénérable résidence qu’il avait remplie de beaux livres, de tableaux de maîtres et de collections. 10 Au « salon bleu », les chefs des maisons princières et ducales de Belgique pouvaient rencontrer le Roi et avoir des entretiens avec lui à l’occasion des grandes réceptions au palais. Les familles concernées étaient dans l’ordre alphabétique : Arenberg, Chimay, Croÿ, Ligne, Merode et d’Ursel. Avec l’évolution de la Cour, cet usage est tombé en désuétude.11 THIELEMANS (Marie-Rose) et VANDEWOUDE (Emile) : Le Roi Albert au travers de ses lettres inédites 1882-1916. Bruxelles, 1982, p.57. Voir aussi D’HOORE (Baudouin) : Quelques aspects de l’histoire de la noblesse belge au travers des archives du grand maréchal de la Cour (1909-1950). Bulletin de l’ANRB, Juillet 2007, p.68.

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Comte Félix de Merode, 1791 - 1857

1919 à 1924, était le comte Jean de Merode, qui fut fait prince en 1930 et, assurément, ce titre était singulièrement justifié. Le comte donnait en effet l’impression de la très haute noblesse. Il était grand, un peu voûté quand je l’ai connu, avec de grandes moustaches hérissées et une toilette, si l’on peut dire, qui n’appartenait qu’à lui. Il s’habillait avec une fantaisie vraiment

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de grand seigneur. Combien de fois l’ai-je vu avec un veston noir, une chemise de couleur, un petit nœud, un pantalon de couleur et des souliers jaunes, sans parler d’un feutre que son garde-chasse n’aurait pas voulu porter. Il arrivait de sa propriété d’Everberg dans une affreuse petite voiture qu’il conduisait lui-même, et qui faisait un tel bruit de ferraille qu’on l’entendait déjà de la rue de Bréderode. Tel quel, il avait vraiment grand air »12. Cette fonction de grand maréchal explique sans doute pourquoi, on retrouve depuis notre indépendance, cinq Merode successifs comme commissaire de la Société Générale13. Ils représentaient chaque fois leurs intérêts, mais aussi et surtout ceux de la famille royale. Car les Merode sont très proches de la Cour. Ils sont « grand maréchal » de père en fils14. Leurs épouses sont ‘dame d’honneur’ de la Reine… Mais ils sont aussi très présents dans notre histoire politique au 19e siècle. Comme quoi, selon une célèbre formule « pour monter haut... il suffit parfois de bien descendre ». Reste qu’en ce début du 21e siècle, on ne les aperçoit plus aux avant-postes du pays. Comme si leur puissance et leur aura s’étaient quelque peu émoussées.

Un train pavoisé de drapeaux.

La foule l’aperçut de loin, tant le convoi s’acheminait lentement. Il y avait d’abord le « remorqueur » (la locomotive) pavoisé de drapeaux tricolores et de drapeaux noirs. Suivaient douze voitures dont la première était une voiture funèbre tendue de draperies noires et blanches, parfaitement décorées pour la circonstance et surmontées d’une croix. Après avoir franchi la gare de La Hulpe, voici celle de Rixensart. Autour de cette dernière règne le silence. Et tandis que le train ramenant de Bruxelles la dépouille mortelle du comte de Merode entre en gare, la foule se recueille. Il est 10h30 en ce jeudi 12 février 1857. Dans le train ont pris place les plus importantes personnalités du royaume. Le comte a droit à des funérailles nationales. La Chambre des Représentants a même suspendu ses travaux. Elle assiste en corps aux funérailles. Un « honneur sans exemple » devait même écrire son fils dans une lettre de remerciement adressée à la Chambre. Une manifestation sans précédent. Car avec le décès du comte de Merode, le Palais de la Nation perd « un de ses plus éminents représentants », une des pièces maîtresses de l’opinion conservatrice dans l’arrondissement de Nivelles, « une des gloires les plus pures du pays » dira même son adversaire politique le libéral Rogier.* Dans l’assistance, il y a de nombreux catholiques bien sûr, mais aussi et le fait est remarquable pour l’époque plusieurs libéraux. Car le défunt fut un des symboles de la politique unioniste. C’était un catholique très libéral et indépendant d’opinion. On remarquait la présence du ministre des Finances, le Brainois Mercier*, du sénateur libéral Mosselman15, de l’ancien procureur du Roi de Nivelles, le député Hippolyte Tremouroux* (libéral), du député libéral François Mascart*, fermier et bourgmestre d’Ohain, du très catholique redouté

12Souvenirs pour mes enfants. Max Léo Gerard. Edité par KURGAN VAN HENTERIJCK (G), Bruxelles, Palais des Académies, 2012, p 64.13 Le comte Louis de Merode* fut commissaire de la Société Générale de 1866 à 1877 et le comte Charles de Merode de Westerloo commissaire en 1878 et 1879.14 Le comte Jean de Merode (1864-1933) fut grand maréchal de la Cour entre 1910-1929. Entre 1950 et 1951, son fils Amaury de Merode (1902-1980) occupa également le poste. Le comte Jean de Merode était le frère du comte Werner, ancien Grand Maître de la maison de la reine Marie-Henriette et de la comtesse Renée de Merode, épouse du comte John d’Oultremont*. 15MEUWISSEN (Eric) : Foncièrement riches. MosselmanBoël, Goblet d’Alviella. Jodoigne, 2013.

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et redoutable procureur général de Bavay* sans oublier plusieurs membres de la famille Robiano de Braine-le-Château16. Le train funèbre entre en gare et le clergé entonne le chant des morts. Le cortège s’apprête à traverser le village dont les chemins suivant l’usage sont jonchés de paille. La foule est considérable et recueillie nous apprend le « Journal de Bruxelles ». Partout sur le passage du

16 MEUWISSEN (Eric) : Le si petit monde du « grand monde » de Braine-le-Château. Bulletin. Cercle historique et folklorique de Braine-le-Château et de régions voisines, n°22, Avril 2007, 24 p.

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convoi, les villageois se découvrent, partout, ils s’agenouillent. Et puis, c’est l’arrivée à l’église castrale. Elle est tendue de noir et ornée des armoiries des Merode. De nombreux cierges y brûlent. L’atmosphère est solennelle. Le corps du comte Félix repose désormais à Rixensart où pourtant il n’aurait jamais habité.

Un catholique très libéral.

Ainsi prit fin la vie d’un membre d’une des familles parmi « les plus opulentes du pays ». Le comte était « détenteur d’une fortune immense » disait-on à l'époque 17. Lyrique son biographe écrit : « Il représentait un nom qui brille glorieusement dans les annales des monarchies les plus puissantes de l’Europe »18. Ses amis qui l'appelaient « le prince indigène » songèrent un instant à lui faire déférer en 1830 la couronne de Belgique. On évoquait déjà à l’étranger l’élévation probable de cet aristocrate catholique au trône. Mais ce dernier ne voulait pas en entendre parler19. Pourtant, le comte de Merode n’aurait certainement pas fait un mauvais Roi. La Révolution belge le vit ne jouer rien moins que « sa fortune et la grande existence de sa famille ». De plus, « c’était un catholique très libéral et indépendant d’opinion ». Et cela suite à la longue fréquentation de Lamennais* et dans une moindre mesure de l’oncle de sa femme, le « républicain libéral considéré comme le plus grand citoyen des Deux Mondes » marquis de La Fayette*. Son château fut un foyer des idées libérales de l’époque19. Il avait fréquenté Madame de Staël,  une femme célèbre qui selon son expression «  a brillé dans les derniers temps par son génie libéral et son esprit ». Merode passait selon son gendre Montalembert* pour « intelligent, mais rustique à l'excès et d'une culture plutôt sommaire »20. Il est vrai que le comte vit simplement. Il n’est pas amateur de chasse et de chiens comme les gens de sa caste à l’époque. Et il déclare dans un discours en 1843 : « Je ne suis pas dominé par des goûts magnifiques. En ce qui me concerne personnellement, l’habitation la plus modeste me suffirait »21. Il occupa à plusieurs reprises des postes ministériels. Fin 1833, il se vit confier le portefeuille des Affaires étrangères. Le terrible et très réactionnaire comte de Dietrichstein*, dans un rapport en tant que chargé d’affaires au prince Metternich* écrit alors : « M de Merode passe généralement pour un homme de peu de capacité et de beaucoup d’entêtement. Il tient au parti ultra catholique par ses propres relations de famille et au parti français par sa femme qui est une proche parente de M de Lafayette* ». Et d’ajouter perfide :

17 THONISSEN (J.J) : Vie du comte Félix de Merode. Louvain, 1861, Sur l’auteur jurisconsulte et homme politique (1816-1891). Voir B.N, T.XXV, col 112.18 Ibidem, p.316. Félix de Merode, membre du gouvernement provisoire, député, fut tour à tour ministre de la Guerre, des Affaires étrangères, des Finances et ministre d'État. JUSTE (Théodore) : Le comte Félix de Merode, membre du Gouvernement provisoire, ministre d’État, représentant. D’après des documents inédits. Bruxelles, 1872, X, pp.69-76. Voir aussi DUCHESNE (Eugène) : Le comte Félix de Merode. A.N, 187, 1991, pp.266-277.19 Lettre de Charles Rogier à Firmin Rogier. Février 1831. DISCAILLES (Ernest) : Un diplomate belge à Paris. ARB, Mémoires, Collection in 4°, Deuxième série, T III, Bruxelles, 1908, p.82. Voir aussi GARSOU (Jules) : La Fayette et la Belgique. Le Flambeau, Septembre 1934, pp.299-313.20 CASTILLON DU PERRON (Marguerite) : Montalembert et l'Europe de son temps. Paris, 2009, p 267.21Discours prononcé par monsieur le comte Félix de Merode, membre de la Chambre des Représentants, sur la question du domaine forestier, incidemment liée à la discussion du traité avec la Hollande. (tiré à part de 6 p).

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« ce n’est pas d’un ministre de cette trempe qu’on peut s’attendre à des facilités de la part du gouvernement belge pour arriver enfin à la solution du différend hollando-belge »22.

Évidemment le côté libéral du bonhomme Merode n'était pas fait pour plaire à un réactionnaire comme Metternich*. Jusqu’à l’âge de 40 ans, c’est-à-dire, jusqu’en 1830, Félix de Merode ne résidait pas en Belgique. La famille vivait surtout en France où elle occupait le château de Trélon, entré par

22 Renseignements sur le comte F de Merode, ministre intérimaire des Affaires étrangères. n°1731, Décembre 1833, p.62 in DE RIDDER (Alfred) : Les débuts de la légation d’Autriche à Bruxelles. Lettres du comte de Dietrischstein 1833-1834. Dison, 1928,

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mariage dans la famille au 16e siècle. « Ce domaine avec ses beaux bois et magnifiques étangs » d’une contenance de 2000 ha, est situé non loin de Maubeuge, à une dizaine de kilomètres de la frontière belge. Le comte faisait cependant de courts séjours chez son père Charles-Guillaume à Bruxelles. La Révolution belge l’y surprend. C'est un des rares aristocrates à s'impliquer dans les événements révolutionnaires. Sans doute parce que sa famille est frustrée parce que Guillaume Ier * lui a témoigné trop peu d'intérêt. Nommé membre de la « Commission de sûreté publique », il avance une somme considérable pour ramener l’ordre en venant en aide aux ouvriers victimes des troubles.

« Cessez de me donner sans cesse du ‘Monsieur le comte’ ». 

Le comte Félix de Merode incarne dans la Belgique de 1830 « la  puissance et la gloire ». Cette puissance qui nimbe les grands propriétaires fonciers. Cette gloire qui les hisse au Parlement et au Gouvernement. Il fait partie de ces propriétaires très traditionnels et à fort relent d'Ancien Régime qui avancent encore au 19e siècle, leur arbre généalogique comme l’étalon de leur poids social. Ils se figent dans le culte narcissique de leur sang et de la contemplation des portraits de leurs ancêtres.Merode s’était d’ailleurs déclaré lors des séances du Congrès national, partisan « d’un Sénat à vie, composé de notables propriétaires ». Pourtant, ce n’est pas dans les fauteuils rouge et or de l’opulent hémicycle qu’il parade, mais sévèrement assis sur le ‘cuir de veau’ vert de la Chambre des Représentants. Cette assemblée que les Constituants de 1830 avaient pourtant voulue ‘populaire’ et destinée à la petite bourgeoisie en ‘habits râpés et mauvais parapluie’. Ce qui explique que les députés touchaient une indemnité à la différence des sénateurs. Mais indemnités ou pas, ce fut un voeu pieux, car le tiers des bancs de la Chambre fut finalement occupé par des députés tellement nantis qu’ils auraient pu être… des sénateurs.C’est le cas du comte de Merode, mais aussi d’autres aristocrates comme Vilain XIIII*, ou le prince Joseph de Chimay*, qui avec ses 7.000 francs d’impôts fonciers, ne se balade pas tout de même pas « en habits râpés » ou avec «  un mauvais parapluie ».  Bien qu’appartenant à la grande aristocratie du pays, l’honorable comte de Merode se veut cependant dans l’hémicycle très « peuple ». « Son élocution parfois bizarre, mais pleine d’originalité », « sa simplicité et sa rude franchise » le rendent vite sympathique aux députés. Il est « vif et mordant » et aussi « d’un esprit facile à s’emporter ». Le citoyen de Merode y refuse même le titre de « Monsieur le comte » dont le président Raikem* entend le gratifier à chacune de ses interventions. Et de s’exclamer soudain en pleine séance du 3 septembre 1835: -« Il n’y a pas de titre ici Monsieur le Président. Cessez de me donner sans cesse du « Monsieur le comte. Certes, je ne repousse pas ce titre en dehors de cette enceinte, mais je ne lui donne aucune valeur ».

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-« Excusez- moi » lui répond penaud alors le président, « mais comme vous signez ‘comte F de Merode’, je croyais pouvoir vous appeler ainsi ».« Monsieur le comte » se veut donc sans apprêt. « S’il manquait de calme et de pondération, il avait le goût des responsabilités » notait un observateur, tandis que le roi Léopold Ier disait de lui : « Il est si bon que je lui pardonne ses vivacités ». Et à défaut de ceindre la couronne de Belgique, le voilà nommé ministre d’État (avec voix délibérative), le 12 novembre1831. Il est le second personnage du royaume à avoir pu bénéficier de ce titre. (Le premier ministre d’État de Belgique fut Paul Devaux*)23. Merode fut par la suite élu député de l’arrondissement de

23 Après Paul Devaux*, il fut le deuxième ministre d’État, nommé le 12 novembre 1831.

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Nivelles sans interruption jusqu’à sa mort en 185724. Il eut quand même une petite frayeur lors des élections de 1841 où il ne sauva son siège que grâce à... sa propre voix ! À la Chambre, Merode s’oppose au chemin de fer. Il ne se laisse pas emporter par la « railway mania ». « On sacrifie tout à la manie du chemin de fer ». Ce qui lui vaut cette réplique du ministre Rogier considéré comme le « père politique des chemins de fer » :  « Merode n’aime pas que le peuple voyage et que les populations aient trop de rapports entre elles » 25. Il plaide aussi en 1852 pour que la ligne du Luxembourg passe par Wavre plutôt que par Ottignies.Le député Merode se signala encore dans l’hémicycle par le sauvetage en décembre 1832 du Lion de Waterloo, ce tertre qualifié par Alexandre Gendebien* « d’odieux à la France » et « d’emblème du despotisme et de la violence »26. Il combattit aussi énergiquement l'acceptation du traité des 24 articles, se montra très belliqueux et fut chargé d'aller solliciter l'appui du roi Louis Philippe. Un épisode nous révèle le caractère de « Monsieur le comte ». En 1834, la Chambre se réunit en comité secret pour décider si les représentants porteraient un signe distinctif quand ils se rendraient aux fêtes de la Cour. Une plaque d’argent ciselée à porter sur l’habit fut alors proposée. Merode qui la trouvait vraiment trop mesquine, la jeta sur le plancher et l’écrasa rageusement sous ses pieds. Exit la plaque d’argent et place à un habit brodé avec le nom représentant gravé sur les boutons. On lui doit aussi en 1842 un vibrant hommage à la Forêt de Soignes que certains révèrent selon une proposition de la section centrale de 1843 de déboiser complètement, ne laissant subsister que le bois de la Cambre. « Bruxelles n’a pas de fleuve, laissons-lui au moins sa parure » s’exclama-t-il dans un plaidoyer écologique très en avance sur les idées de son temps27. Il évoque le rôle de la forêt pour arrêter les tempêtes, diviser les orages, purifier l’air, distribuer l’eau et alimenter les sources. « Plus nous avancerons dans l’avenir, plus on appréciera la conservation d’un si beau domaine. Aujourd’hui, les abbayes sont détruites. Les anciennes seigneuries se divisent rapidement. Chacun autrefois se faisait honneur de garder de beaux bois. Aujourd’hui ceux des particuliers sont successivement abattus presque sans réserve. […] Or le voisinage de la forêt qui existe encore, embellit singulièrement le séjour de cette ville »28.

24 TORDOIR (Joseph) : Rixensart, facettes de l’activité électorale du comte Félix de Merode. Wavriensia. T. LLI, 1992, n°3, pp. 88-103.25 HYMANS (Louis) : Histoire parlementaire de la Belgique… op cit ; T I, p.744.Voir aussi PAULY (Joseph) : Le chemin de fer et le parlement 1835-1860. Bruxelles, 1935, pp.35-36. 54-55, 73, 104-105. L’opposition de Merode au railway fut tenace. Et cela à un moment où il n’y avait plus à la Chambre que deux ou trois membres persistant à critiquer l’œuvre des chemins de fer.26Ch des R. Séance du 29 décembre 1832. Voir HYMANS (Louis) : Histoire parlementaire de la Belgique. T I, 1878-1880, pp. 90-91. Merode déclare : « Je ne vois pas plus de raisons pour démolir le Lion de Waterloo que les Autrichiens n’en ont trouvé pour démolir en 1815 la colonne Vendôme ». Sur le sujet voir MERGET (Robert) : Le Lion de Waterloo. Revue Nationale, n°338, Janvier 1962, pp.1-6. 27Discours prononcé par monsieur le comte Félix de Merode, membre de la Chambre des Représentants, sur la question du domaine forestier, incidemment liée à la discussion du traité avec la Hollande. (tiré à part de 6 p). 28 Ibidem.

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En séance, il réplique au député Jean Pirmez* qui vient de déclarer : « les forêts doivent disparaître avec la civilisation. Elles doivent être défrichées » (sic !). Mérode déclare que « bien au contraire, il faut les maintenir vu les résultats fâcheux des défrichements (inondations) »29. Peut-être a-t-il eu écho des propos de Chateaubriand qui devant la Chambre des Pairs s’élevait en 1817 contre le projet de vendre 150.000 hectares de forêts de l’État que l’on prétendait affecter à la caisse d’amortissement et déclarait pour la circonstance : «  au lieu de ces immuables patrimoines où la même famille survivait à la race des chênes, vous

29 M B. n°336, 2 décembre 1842, Ch des R, Discussion du budget.

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aurez des propriétés mobiles où les roseaux auront à peine le temps de naître et de mourir avant qu’ils n’aient changé de maîtres »30.En France, il acheta un manoir dans l’Aisne uniquement en vue de le sauver de la destruction. Il acquit également les ruines de l’abbaye de Foigny. Fait peu connu, il soutint la politique coloniale de Léopold Ier et il prit une part active dans le financement de la tentative malheureuse des Belges au Guatémala. Ce que la presse appelait en 1845 « la mystification du Guatémala ». Merode s’y rendit acquéreur d’une zone de 2.500 ha31. L'aventure fut un échec lamentable. L'orgueil, la cupidité et le manque de sens des réalités eurent raison de l'opération. Hompesch* s'y ruina et la société fut mise en liquidation. Enfin, notons encore qu’il a contribué à ce qu’une statue de Godefroid de Bouillon fut érigée à Bruxelles.

Bien que « chrétien, austère, observateur rigide de tous les préceptes du catholicisme » 32, Merode fut aussi franc-maçon33. Plus tard, gêné par des révélations, il prétendit « n'être entré en maçonnerie qu'à la suite d'une mystification». Car entre temps, l'Église avait dénoncé «les ateliers maçonniques comme le repaire de la crapule et la lie de la scélératesse et du libertinage». Enfin, tout traditionaliste qu’il était, ce grand propriétaire foncier diversifia quelque peu sa fortune puisqu’on le retrouve en 1853 parmi les membres fondateurs de la « Royale Belge »34.

30 CHATEAUBRIAND : Mémoire d’outre-tombe. T.II, Livre 25, chapitre 8, La Pléiade, Gallimard, 1951, pp14-15. L’auteur s’élève contre le projet de vendre 150 000 hectares de forêts de l’Etat que l’on prétendait affecter à la caisse d’amortissement. 31 Félix de Merode était membre fondateur en 1841 de la « Compagnie belge de colonisation ». Les fondateurs avaient le droit de choisir et d’acquérir jusqu’à concurrence de 404.666 ha, par lots de 20.233 ha dans telles parties des terres non occupées qui leur conviendrait, du département de Vera-Paz, État du Guatemala, république de l’Amérique centrale. Le premier des quinze fondateurs cités était Félix de Merode. On retrouvait aussi parmi eux, le châtelain de Piétrebais en Grès, le prince Guillaume de LoozCorswaren*, l’agent de change François Joseph de Pouhon*, le futur directeur de la Société Générale, le député Laurent Veydt*, le comte de Hompesch*, le marquis Charles de Trazegnies*… Voir Pasinomie. Année 1841, n° 934, p.596. Le 7 octobre 1841. Arrêté royal qui autorise la S.A dite « Compagnie belge de colonisation ». Voir aussi : Compagnie belge de colonisation fondée sous le patronage du Roi. Collection de tous les documents relatifs au Guatémala, Bruxelles, Lesigne frères, 1842. Voir encore LAFONTAINE (Marc) : L’enfer belge de Santo Tomas. Le rêve colonial brisé de Léopold Ier. Quorum., 1998, pp.29-34 et DE CLERCK (Huguette) : Le cauchemar guatémaltèque. Les Belges au Vera-Paz de 1842 à 1858. Bruxelles, 2003,108 p. 32 THONISSEN (J.J) : Vie du comte… op cit; p.316.33 Félix de Merode fut initié à la loge l'Union des peuples, en novembre 1830. Une loge fondée par les plus fervents maçons révolutionnaires. VAN BRABANT (Piet) : Les francs-maçons. Hadewijch, 1990, p.105.34 M.B, 22 février 1853, n°53. Arrêté Royal autorisant la constitution de la société anonyme dénommée «  la Royale Belge ».

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Passés maîtres dans l’art des unions matrimoniales.

« Monsieur le comte » est alors allié à tout ce que l'Europe recense comme grandes familles35. Des familles, il va s’en dire qui ne descendent pas de Conventionnels, de régicides ou autre acheteurs de biens nationaux, ces « biens maudits » qui devaient « priver de la rosée du ciel »  les audacieux qui se risquaient à les acquérir.Pas de mariages bourgeois non plus. Pas de « gens de peu » ni de Rachel, où de Rebecca, encore moins d’Américaines fortunées. Pas de

35 MARTIN (Georges) : Histoire et généalogie de la maison de Merode. 1999, Lyon, 2000, 254 p.

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« fumier matrimonial » sur les terres sacrés de la famille. Ici on ne troque pas ses écus (héraldiques) contre « un gros sac » pour reprendre l’expression de Proust. Avec les Merode et leurs unions, voici l’internationale du sang bleu. En France, les Merode épousent et épouseront des Lévis-Mirepoix, Laguiche, Grammont, Montalembert, La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, Gontaut-Biron, Lur-Saluces, Moustier, Rochechouart, Bearn, Villefranche, Guébirant, de Vogüé... Autant de familles françaises particulièrement prestigieuses dont certaines donnèrent leurs noms à plusieurs rues et avenues de Rixensart. « Monsieur le comte » épouse quant à lui Rosalie de Grammont, la fille du grand seigneur de Villersexel (Haute-Saône). À savoir, la fille du marquis de Grammont* qui passait pour l’un des plus grands propriétaires fonciers locaux. C’était « un grand notable qui garda toute sa vie une attitude conservatrice, catholique... mais libérale36. Comme il se doit en pareilles circonstances, le marquis de Grammont est grave, la mère désolée et la mariée triomphante. L’épouse de « monsieur le comte » était donc la nièce de Mademoiselle de Noailles* (Louise), qui périt sous la Terreur le même jour que sa mère (comtesse de Noailles) et sa grand-mère (née Cossé Brissac). Toutes trois « éternuèrent le même jour dans le sac » (comprenez passèrent à la guillotine). Rosalie de Grammont était aussi la nièce par alliance du marquis de La Fayette*.Signalons aussi pour l’anecdote que la nièce de ‘Monsieur le comte’ fut une princesse de Monaco et à ce titre trisaïeule de Rainier III37. D'autres Merode convolent avec des princes de Croÿ, d'Arenberg, Massimo, Lancelloti. Le mariage du châtelain de Neffe (Namur), le prince Jean*, avec la princesse Marie-Louise de Bauffremont, fille d'une Bourbon d'Espagne, en fit des descendants de Louis XIV38. Bref les Merode appartiennent bien à la fine fleur de l’aristocratie européenne. Une aristocratie certes très cosmopolite, mais qui pratique néanmoins une stricte endogamie. On se marie « entre soi ». L‘un des rares qui fit exception à cette règle le paya chèrement. Il s’agit du prince Maximilien-Léopold, fils de Louise Brigitte, héritière de Rubempré et d’Everberg.

36 BRELOT (Claude Isabelle) : Grands notables du Premier Empire. Jura, Haute Saône, Doubs. n°4, CNRS, Paris, 1979, pp.89-90. Théodule, marquis de Grammont a épousé en 1786 Rosalie (M elle de Montclar) (1767-1852). Cette dernière était la sœur de Clotilde (Melle d’Epernon) (1763-1788), épouse du vicomte de Thésan. Elle était aussi la sœur d’Adrienne (Melle d’Ayen) (1759-1807), épouse du marquis de La Fayette*. 37 La fille de Werner, Antoinette, comtesse de Merode*, épousa en 1846 Charles III Honoré Grimaldi, prince régnant de Monaco qui fut pour la petite histoire, fondateur de la ville de Monte-Carlo ainsi que du casino. (Voir à ce sujet : ROBYNS DE SCHNEIDAUER (Louis) : Souvenirs belgo-monégasques. In La Libre Belgique 11 avril 1956 et Michel PICHOL (Michel) & Pierre DELANNOY (Pierre) : La saga des Casinos.1986, pp.81 et suivantes). En 1854, le couple demeurait au château de Marchais dans l'Aisne. Il vend en 1855 et 1856 alors au profit d'Augustin de Thomaz* la terre d'Ermeton-sur Biert en deux fois d’abord 258 ha et puis 125 ha, soit 377 ha pour le prix total de 850.000 francs. Cette somme servira à payer l'achat des domaines de Marchais et de Liesse (commune de Sissonne dans l'Aisne) acquis par la duchesse de Valentinois (Antoinette de Merode*). La princesse de Monaco avait hérité de ce bien d’Ermeton en 1848 de sa mère Victoire Louise de Spangen, un bien qui venait des Flaveau de la Raudière. La princesse de Monaco s'éteignit dans le palais ancestral des Grimaldi en 1864. Son mari lui survécut jusqu'en 1889. Ils furent les parents du prince Albert.38 Louise (1819-1868), la fille de Werner, châtelain d'Everberg, a épousé un Pozzo di Cisterna (1789-1824) dont la fille unique Marie sera la femme d'Amédée de Savoie, duc d'Aoste, élu roi d'Espagne en 1870 sous le nom d’Amédée Ier. La maison d'Aoste est une branche cadette de la maison de Savoie (famille qui régna sur l'Italie jusqu'en 1946), issue d'Amédée Ier, duc d'Aoste, deuxième fils de Victor-Emmanuel II (1848-1878).

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Ce chevalier de la Toison d’or était le dernier membre de la lignée qui porta au 18e siècle le titre héréditaire de ‘Grand Veneur de Brabant’. Pour avoir osé s’unir avec une ‘fille du peuple’, - une blanchisseuse !- l’Impératrice Marie-Thérèse* lui enleva tous ses titres et le fit même jeter en… prison à la citadelle d’Anvers39. Sa « servante » fut quant à elle séquestrée au

39 Maximilien-Léopold, prince de Rubempré et d’Everbergh (1710-1773) a eu en légitime mariage avec sa roturière (Catherine Ocremans) deux filles dont l’aînée épousa Philippe Maximilien de Merode (1729-1773). Voir MERODE (princesse Jean de) : Deux siècles et demi à Everberg. Souvenirs. 1932 complétés par MERODE (Alexandre de). L.P, Juillet-août 2004, n°352, pp.243-278.

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couvent des Sœurs noires à Louvain. Mais le prince tint bon « quoique cette créature fut affreusement laide, qu’elle soit âgée de 46 ans (cacochyme donc !), qu’elle n’ait ni manière ni esprit… ». Cette alliance si disproportionnée créa à l’époque « un scandale épouvantable »40. Le retentissement de ce mariage scabreux fut si énorme, rappelait dernièrement feu le ‘prince olympique’ que deux cents ans plus tard, on évitait pudiquement d’évoquer en famille cette aventure. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Merode ont bien retenu la leçon.Ils sont même passés maîtres dans l’art des unions matrimoniales. Une politique qui leur a permis au fil des siècles de sauvegarder malgré les révolutions et les difficultés de toutes sortes quelques fiefs d’origines médiévales. Ils n’ont jamais hésité à se marier entre parents proches. Rien ne les a jamais arrêtés, ni la disproportion d’âge, ni la consanguinité, du moment qu’il s’agissait de sauver la « maison de Merode ». Ils ont ainsi préservé quelques ensembles remarquables, même si, aujourd'hui, ils sont considérablement réduits. Qu'on pense à Westerlo, Rixensart, Everberg...

« L’insubmersible » Charles-Guillaume, maire de Bruxelles.

A Rixensart , comme ailleurs, les seigneurs de jadis ne sont plus que de « simples châtelains », des notables dépourvus de leurs anciens privilèges. Le temps « des levrettes » est fini. Les pratiques ont changé. Fini de rendre la haute, la basse et la moyenne justice. Le château est tombé en dérogeance. Les «  nouvelles dîmes » consistent maintenant en simples fermages. Le château n’est plus qu’une parure mondaine pour un seigneur désormais métamorphosé en « citoyen ». Mais la fin de l'Ancien Régime ne signifie absolument pas la disparition de la mainmise des aristocrates sur la grande propriété. La suppression du régime seigneurial a laissé subsister les droits privés du seigneur sur son domaine. Le Code civil de Napoléon en fait en 1804, une propriété exempte de toutes contraintes. La terre perd son statut de bien noble inaliénable.Avec la Révolution française, le « notable » remplace le noble, le seigneur a disparu et le châtelain a pris le relais, le plus souvent dans la même personne. Le voilà prêt a largement bénéficier du système ploutocratique mis en place par le nouveau régime. Ses membres sont passés sans trop de problèmes, du statut de « seigneurs féodaux », à celui de « propriétaires », mais le château reste le symbole de l’identité aristocratique. Il devient une sorte de « parure mondaine, relevant désormais de la sphère privée », pour reprendre les termes d’Isabelle Brelot.41

« Il y a des hommes qui après avoir prêté serment à la République une et indivisible, au Directoire en cinq personnes, au Consulat en trois, à l’Empire en une seule, à la première Restauration, à l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire, à la seconde Restauration ont

40 Finalement Marie-Thérèse* lui rendit en 1754 les charges de Grand Veneur de Brabant et de Grand Fauconnier des Pays-Bas. Voir WAUTERS (Alphonse) : Histoire des environs de Bruxelles. Livre huitième, Bruxelles, 1973, pp.414-415.41BRELOT (Isabelle) : Le château au XIXe siècle : Les reconversions symboliques d’un château sans pouvoir. In : Châteaux et pouvoir Xe-XIXe siècles. Bordeaux, 1996, p.193.

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Comte Charles-Guillaume de Merode, 1762 - 1830

encore quelque chose à prêter à Louis Philippe : je ne suis pas si riche » s’amusait dans une belle formule Chateaubriand. Né sous le système féodal, « cette religion de la terre », il n’avait que vingt ans lorsque Joseph II* l’envoya à La Haye, en qualité de ministre plénipotentiaire. Comme il voulait représenter

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dignement son souverain, il emprunta 400.000 florins sur sa terre de Westerlo. La conquête de la Belgique par les armées républicaines l’obligea à fuir.

Son univers s'écroule alors durant cette période si courte et si dense. Cette période au cours de laquelle l'ancien édifice féodal qui se lézardait « saute comme par un coup de mine » pour reprendre l'expression de Pirenne *. La vie devient alors fort pénible pour les membres de la noblesse; les uns émigrent, les autres plus nombreux demeurent. C'est l'époque d'humanitarisme, de raison raisonnante, des excès de la tyrannie jacobine, des fêtes décadaires, des saturnales de la révolution. Autant de manifestations qui faisaient horreur à ce « suppôt de l'Ancien Régime » qu'était « l'insubmersible ». Car c'était un grand féodal qui espéra jusqu’à la fin de sa vie « la restauration des seigneuries » et qui n’hésitait pas à professer que « tout ce qui s’était passé sur le plan administratif après 1794 était illégal ». Comme bon nombre de gens de sa caste d’ailleurs. La description faite par un ancien commissaire du directoire en 1809 les définit bien : « Ils sont toujours les mêmes, hauts, fiers et dédaigneux. Ils méprisent cordialement tous et chacun des membres du gouvernement soit civil, soit militaire qui ne doivent leurs places qu’à leurs talents ou mérites personnels. Les anciens titres sont portés, respectés et en grande vénération chez eux ; ils n’en demandent point de nouveaux de peur de s’encanailler. »42

Mais bientôt les choses s'arrangèrent. Napoléon le radia de la liste des émigrés et en fit un sénateur43. Et pour la somme de 360.000 francs, « l’insubmersible » put s’estimer heureux de récupérer les parties de ses domaines historiques de Trélon et de Westerlo. Il occupa en 1805 le poste de maire de Bruxelles44. Sous le régime hollandais, il continua à se montrer partisan du rétablissement de l’Ancien Régime (justice seigneuriale et divisions des États en trois ordres).Il était encore assez riche pour prêter serment à Léopold Ier , mais seule sa mort en 1830, l’empêcha de rallier ce nouveau souverain. Les régimes passent. Les dynasties restent. Les Merode perdurent. Le lien à la terre se maintient. N’oublions pas que la Révolution n’a pas mis l’argent au cœur de la hiérarchie sociale, mais bien la propriété. Et le grand notable est d’abord un grand propriétaire. Et pour les Merode, la terre est tout. Elle vit, elle palpite. C’est leur cœur. Écoutons Balzac : « Le comte de Mortsauf … frappa la terre avec sa canne et me dit avec un accent horrible : voilà ma vie ». Car la terre reste le bien noble par excellence et l’illustration du nom ne serait rien sans la puissance de la grande propriété foncière.

42LOGIE (Jacques) : De Brumaire à Leipzig : l’opinion en Belgique face au régime napoléonien. in : L’administration napoléonienne en Europe, adhésion, résistance. (S.dir), PEYRARD (Christine), POMPONI (Francis), VOVELLE (Michel). Publication de l’Université de Province, p. 125.43 AZIMI (Vida) : Les premiers sénateurs français. Consulat et Premier Empire 1800-1814. Picard, Paris 2000, p.240. Elle signale à la page 93 : une note du 16 prairial an XIII qui rapporte que M de Merode Westerloo possède plus de huit cent mille livres - ses biens sont répartis dans treize à quatorze départements et nécessitent une administration active. (Archives Nationales, AF IV, 1052).44 OP DE BEECK (Evrard) : Un « maire » de Bruxelles, Charles-Guillaume, comte de MerodeWesterloo. F.B, n°282, Juillet 1994. pp. 130-139. Maire de Bruxelles de 1805 à 1809, puis sénateur (où il fut l’un des deux opposants en 1810 de la spoliation des biensde Pie VII). Après la chute de l’Empire, il devint grand maréchal de la Cour des Pays-Bas ! Son dernier acte politique fut en 1829 la signature de la pétition pour la liberté de l’enseignement et de la presse.

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Frédéric de Merode, 1792 - 1830

Un riche héritier.

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L’insubmersible Charles-Guillaume est avant tout un héritier. Un très riche héritier même. Par l’extinction des MerodeDeynze (branche cadette des MerodeWesterloo), il était resté le seul rejeton de sa Maison. Il en était devenu à dix ans le chef vu l’extinction des quinze différentes branches de la famille45. Ajoutez à cela son mariage à l’âge de 16 ans avec la comtesse d’Ongnies de Mastaing, princesse héritière de Grimberghe, fille unique et dernière héritière d’un des plus grands seigneurs de son temps et vous aurez une idée de l’extraordinaire opulence du bonhomme46. Son alliance lui amena une pléiade de châteaux. Il récolta ainsi outre les biens d'Ongnies-Grimberghe, les biens d'une branche éteinte, les Merode-Deinze (biens de sa belle-mère). Et par ici les castels de Ham-sur-Heure47, Rixensart, Duffel...Selon le rapport secret sur les notables destiné au Roi Guillaume, il est crédité de 150.000 florins de revenus. Pour point de comparaison, le duc d’Arenberg l’est de 300 à 400 000 florins, de même que le comte Mercy-Argenteau (150.000 florins). « L’insubmersible » fait donc partie des plus riches propriétaires des Pays-Bas. Plus riche que le baron de Lierneux de Presles et le duc de Beaufort Spontin (120.000 florins) ou le duc d’Ursel (100.000 florins)48. « L’insubmersible » ne sera jamais belge. Il est mort en février 1830, à l’âge de 68 ans. Son carrosse fut le dernier, qui suivant l’antique usage, resta drapé de noir pendant six mois. À son décès, il ne comptait plus ni ses châteaux, ni ses forêts, ni les frontières qui les séparaient. On en dénombrait une bonne trentaine. Un ensemble qui fut partagé entre les cinq enfants de ‘Monsieur le Comte’.Sa fille Françoise, épouse du comte de Thiennes* (Lombize), hérita des châteaux de Brugelette, Horst, Crupet, Severy, Wancenne, Faulroeulx, Aeltre, Estaires et Mersicourt49. Ses quatre fils se partagèrent le reste.  Il y avait l’aîné, le sénateur Henri* – « qui rêvait de rétablir le pouvoir du pape sur les rois et le pouvoir des rois sur les peuples » ; le puîné, le député Félix (‘monsieur le comte’) et le cadet, le député français Werner*qui laissa à son décès en 1840 un patrimoine de 4530 ha (surtout dans le Nord de la France et le Doubs). Quant au quatrième fils, Frédéric, il était décédé sans postérité à l’âge de 38 ans dans les combats pour l'indépendance de la Belgique à Berchem en 1830. Blessé à la cuisse droite, il tombe, mais tire encore deux coups. Quatre volontaires parviennent cependant à le poser sur leurs fusils et l’emportent loin du champ de bataille. Il est resté célèbre pour ses formules « En avant, les Braves ne se rendent pas». Et suite à sa blessure : « Accrochez ma cravate à

45 Voir MERODE (Henri de) : Souvenirs du comte de Merode-Westerloo, sénateur du royaume. Bruxelles, 1864, (2 vol.).46 URSEL (Baudouin d’) : Princes en Belgique. OngniesGrimberghe 1777. L.P, Nov-dec 2013, pp.516-526. Marie Josèphe d’Oignies, fille unique d’Othon Henri d’Ongnies et de Marie Philippine de Merode Deinze. Othon Henri avait hérité en 1777 la principauté de Grimberghe qui lui avait été léguée par sa cousine Maximilienne Thérèse d’Ongnies, épouse de Ferdinand Gaston Joseph Alexandre, duc de Croy. Marie Josèphe a épousé en 1778 Guillaume-Charles de Merode. Seuls de leur nom, ils concentrent entre leurs mains les biens des Merode-Westerloo, des Merode-Rubempré, des Merode-Deynze, des Merode-Houffalize, des Merode-Waroux ainsi que ceux des Oignies de Mastaing. Ils possèdent plus de trente châteaux.47 Le château passa aux Merode en 1456 par le mariage de Margueritte d’Argenteau, mère et héritière de Louis d’Enghien. Après la Révolution, les comtes de Merode qui préférèrent habiter leur château de Loverval, abandonnèrent pendant plus d’un siècle le château de Han-sur-Heure entouré de 256 ha rien que dans la commune. Il fut ensuite restauré en 1900 par la comtesse Louis de Merode et son gendre John d’Oultremont. Les Merode gardèrent Ham-sur-Heure jusqu’en 1941, date du décès de la comtesse John d’Oultremont (petite-fille du comte Werner, frère de Félix), née en 1859 comtesse Victurienne de Merode. L’administration communale acheta le château en 1952 contre six millions de francs belges. 48 BETERAMS (F.G.C) : The High Society belgo-luxembourgeoise au début du gouvernement de Guillaume I er, roi des Pays-Bas (1814-1815). Cultura, Wetteren, 1973, XVI.49 Sur Françoise de Merode, épouse du comte de Thiennes .Voir MEUWISSEN (Eric) : Richesse oblige. La Belle Epoque des grandes fortunes. Racine, 1999, pp59-87. Rien qu’à Brugelette, elle possédait plus de 208 ha et à Barry plus de 231 ha.

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Frédéric et Félix de Merode.

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votre drapeau, comme cela je serai encore avec vous »50. Ou encore lors de son amputation, au milieu de sa douleur aiguë et en riant : « Me voilà terriblement écourté… Ce n’est rien, ce sont là Messieurs les fruits de la guerre ».Les principaux journaux le désignaient comme le chef futur de l’État : « s’il survit à l’amputation, disaient-ils, il faut le proposer au Congrès…». Il ne survit pas et on proposa le rôle à son frère Félix.

L'aîné, Henri*, reçut les domaines de Merode et Westerlo (3000 ha), occupés par la famille depuis le 15e siècle ainsi que, du côté maternel, le domaine de Grimbergen51. Le cadet Werner* (décédé à l’âge de 43 ans en 1840), s’installa à Everberg52. Il obtint Ham-sur-Heure, propriété de la famille depuis 1487 ! Il avait épousé une des plus riches héritières du pays,- « le plus grand parti de la Belgique »- la comtesse de SpangenUytternesse* qui lui laissa sept enfants53. Elle était la sœur de la grand-mère maternelle du Roi Albert Ier. Elle amena dans sa corbeille les domaines de Loverval, Salmonsart, Ermeton-sur-Biert54, Ny55… et par la suite la ferme de Mellemont à Thorembais-les-Béguines56. Le patrimoine foncier de la défunte s'élevait à 3.463 ha et la masse partageable nette à 10,8 millions de francs57. député Félix (‘monsieur le comte’) et le cadet, le député français Werner*qui laissa à son décès en 1840 un patrimoine de 4530 ha (surtout dans le Nord de la France et le Doubs).

50 VAN THIELEN et STAS : Une de nos gloires nationales. Le comte Frédéric de Merode (1792-1830). De Schakel, XI, 1956, pp.3-32.51 Voir MERODE (Henri de) : Souvenirs du comte de Merode-Westerloo, sénateur du royaume. Bruxelles, 1864, (2 vol.).52 En 1928 le domaine d'Everberg faisait 227 ha (CDB. NM. n°1293). Voir encore MERODE (princesse Jean de) : Deux siècles et demi à Everberg. Souvenirs.1932 complétés par MERODE (Alexandre de). L.P, Juillet-août 2004, n°352, pp.243-278. THION (A) : Les archives de Merode au château d’Everberg. Archives, bibliothèques et musées de Belgique, 1930, pp. 97-106.53 L’épouse de Werner, comte de Merode, était la fille unique de François, comte de SpangenUytternesse*, chambellan de S.M le roi Guillaume des Pays-Bas.54 BELVAUX (Marc), GENARD (Christian) : Ermeton-sur-Biert. Les seigneurs et le château. 2004, p.60.55 GILLAUX (J) : Le domaine de Loverval. Excursion mars 1797 forestière en 1908. BSCF, 1909, pp.278-292. Le domaine était propriété de Louis de Merode (1821-1876). Il passa à son fils le sénateur Werner de Merode (1855-1914). Il était bourgmestre de Loverval. La propriété a une étendue boisée de 1200 ha. Elle s'étend sur le territoire des communes de Loverval (344 ha), Couillet, Bouffioulx, Acoz, Gerpinnes, Jamioulx et Marcinelle (309ha). Le fils de Werner, Louis de Merode* vendit le château et son parc de 100 ha et se ‘replia’ sur Habay-la-Vieille et son château dit de « La Trapperie ». Un château arrivé en 1920 dans son patrimoine via sa femme Marie de Moustier* fille d’Édouard et de Pauline Octavie de Curel*, famille apparentée aux célèbres maîtres de forges lorrains, les Wendel. Et c’est ainsi que les Merode devinrent actionnaires d’un des plus importants groupes sidérurgiques européens. Aujourd’hui, le noyau du domaine de Loverval (250 ha) appartient à Albert Frère qui y a établi le siège de la Compagnie nationale à portefeuille (CNP). Quant au château, il a été vendu aux Sœurs de la Charité de Gand.56 En 1833, Louise Victoire Albertine Xavière comtesse de SpangenUytternesse (1797-1845) acheta, avec 154 bonniers de terres, pour 222.766 francs la ferme de Mellemont AE, (LLN), Cons Hyp, Nivelles. Transcription, n°3119. Acte n°52. Elle passa par héritage à sa fille unique et seule héritière Louise de Merode* (1819-1868), épouse du prince de la Cisterna (1789-1864). Au décès de Louise survenu à Turin en 1868, ce fut sa fille unique Marie, née princesse de la Cisterna et épouse d'Amédée de Savoie, duc d'Aoste (qui occupa un temps le trône d'Espagne en 1870-1873) qui hérita de la propriété. Voir AE, (LLN), EDD. Perwez. Portefeuille 5248. Déclaration de succession (n°269). La ferme d’Emelmont compte 153 ha et est estimée à un peu plus d’un million de francs. Décédée en 1876, la duchesse d’Aoste laissa la ferme à ses trois enfants, les princes Emmanuel, Louis-Amédée et Victor Emmanuel de Savoie. Depuis 1986, elle est passée dans le patrimoine de Casimir Bourbon-Lubomirsky de Savoie. (CDB, NM, n° 199) 161 ha en 1925, idem en 1969. Ces derniers l'ont revendue il y a peu à la famille Rigo, les fermiers exploitants. Voir MEUWISSEN (Eric) : La ferme de Mellemont à Thorembais-les Béguines. Des Merode à la tante de l’archiduc Lorenz. B.T, n°4, 1995 et TORDOIR (Joseph) : Auguste Boucher (1853-1918). Député du Brabant wallon. Beauvechain, 1994, p.l0 et TORDOIR (Joseph) : Sur les ruines de Villers au quartier d’Emellemont. Wavriensia, T. LII, n° 4 et 5, 2003, pp.145-148.57 BELVAUX (Marc), GENARD (Christian) : Ermeton-sur-Biert. opcit ;2004, p.63.

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Félix de Merode, 1791 - 1857

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Dans le patrimoine du puîné, alias 'monsieur le comte', échurent les châteaux de Rixensart, Bourgeois, Trélon, Bevers, Wallers, Petersheim-Lanaeken. Sans oublier, l’hôtel Merode Deinze rue aux Laines à Bruxelles (il s’agit du petit hôtel aujourd’hui démoli, le grand hôtel passant aux Merode-Westerloo)58. En 1863, Charles de Merode-Westerloo, président du Sénat, consentit à abandonner à l’État deux hectares sur lesquels se trouve aujourd’hui le Palais de Justice. Il abandonna aussi quatre ares et demi pour le prolongement de la rue de la Régence.

Le grand hôtel de Merode sis en face du Palais de Justice est le bâtiment le plus ancien et le plus riche en histoire de la Place Poelaert. Un témoin historique du « quartier du Sablon » parmi les nombreux hôtels particuliers ayant appartenu aux plus prestigieuses familles belges et bruxelloises (Les Epinoy, les Lalaing, les Lannoy…). La famille Merode l’a loué en 2008 pour 36 ans à l’homme d’affaires Stéphan Jourdain* qui a décidé d’y installer dans les 2800 m² de la demeure, une partie des activités de son célèbre Cercle de Lorraine (sis château Fond Roy, avenue Prince d’Orange à Uccle). Tout y a été restauré pour un montant de 3 millions d'euros. En juin 2001, Baudouin de Merode déclarait alors : «  Je suis triste de me séparer de cet immeuble constitué au 17e siècle par le duc de Bournouville »59.

Montalembert, « ce chevalier du Christ ».

À Rixensart, ce sont les régisseurs qui tiennent le château. ‘Monsieur le comte’ n'y habita jamais60. Il y fit tout au plus de courts séjours. Et cela à l’instar de ses deux fils Werner*, député français, et François-Xavier et de ses trois filles61. Sa fille Anne faisait pourtant exception en consentant y séjourner. Grande, mince, brune aux yeux bleus et à la chevelure superbe, elle s'amourache, au château de Trélon en 1836, d'un homme qui relève depuis l'âge de 21 ans de la Chambre Haute. Il n’est rien moins qu’un pair de France,  « le plus beau titre après celui de Roi de France » disait Balzac.Elle brûlait pour celui qui passait alors pour « l’apôtre de la liberté », le comte de Montalembert*62. Un homme « qui marche tout droit devant lui, contre l'adversaire, glaive en main et cuirasse au soleil » pour reprendre l’expression de Sainte-Beuve*.

58 BORCHGRAVE D’ALTENA (Comte J de) et GHELLINCK (Joseph de) : L'hôtel Merode-Westerloo. M.H.A, Mai 1969, pp.4-6. DEMETER (Stéphane) : L’hôtel de Merode à Bruxelles. D.H&J, n°143, Mars 2006, pp.20-25.59 En juin 2011, Sogemad, l'immobilière propriétaire de l'hôtel Merode (où est logé le Cercle de Lorraine) et du bâtiment attenant de sept étages (le Regency) situés place Poelaert ont été vendus au français Bernard Boone, résident en Belgique. Voir La Libre Belgique, 22 juin 2011.60 Pourtant, lors de la fondation de la Royale Belge en 1853, Félix de Merode comparaît chez le notaire et déclare comme lieu de domicile : Rixensart. M.B, 22 février 1853, n°55.61 Marie Théoduline (1817-1909), fille aînée de « monsieur le comte », convola avec le marquis de Wignacourt*, Alof de son prénom (1813-1897). Elle vivait à Paris, en son hôtel du boulevard Saint-Germain. En 1858, lors du partage des biens de son père Félix, elle hérita d’un lot comprenant le château de Solre-sur-Sambre et de bois en bordure de la frontière française. La soeur cadette Marie Anne (1818-1904) épousa en 1836, Charles Forbes, comte de Montalembert*. Elle reçut des biens au hameau de Bourgeois. Leur soeur cadette Albertine (1839-1872), née du second mariage de son père, prononça ses voeux à Paris et obtint la ferme de Froidmont De VOS (Charles) et GILSON (Paul) : Rixensart, les deux fermes de Froidmont.Wavriensia, T.XII, 1964, n°1, pp.18-39.62 CHERUBIN DE RENAIX (Père) : Ascendances royales et impériales de la comtesse Charles de Montalembert, née comtesse Anne de Merode, et de sa postérité. Bruxelles,1922, 33p. Les ascendances les plus lointaines sont Bermude Ier, roi des Asturies au VIIIe siècle, Egbert, roi de Wessex au IXe siècle Voir aussi l’article de CABANIS (José) : Montalembert ou la difficulté d’être catholique. RDDM, Novembre 1976, pp.351-361. AUBERT (Roger) : Correspondance entre Charles de Montalembert et Adolphe Dechamps 1838-1870. UCL, Bibliothèque de la R.H.E, Fasc 69, Bruxelles, 1993. pp.84-85. MEAUX (baron de) : Montalembert et la liberté d'enseignement. R.G, 15 juin 1934, pp.664-683. d'YDEWALLE (Charles) : Il y a 100 ans, Montalembert. Bulletin de l'ANRB, n°102, pp.81-85.

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Charles Forbes René, comte de Montalembert, 1810 - 1870

Encore une chance qu'avec un tel bonhomme, Anne de Merode connaisse son catéchisme sur le bout des doigts, l'Ancien et le Nouveau Testament, qu'elle parle comme lui l'anglais,

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possède quelques notions d'histoire, de géographie et joue passablement du piano. Et surtout qu'elle descende de sainte Élisabeth de Hongrie. « Certes, elle est belle » note Montalembert dans son Journal, « mais sa voix me déplaît extrêmement. Elle a des pieds convenables, des dents magnifiques, mais la main trop grosse, la bouche trop grande avec une lèvre supérieure trop mince, le front trop petit et le teint un peu bourgeonné; sa taille quoiqu'un peu trop plate est bien prise et sa démarche élégante ». Lors d'une excursion à l'abbaye de Villers, Montalembert a profité de son lorgnon pour bien l'examiner en détail, tout en ne ratant rien... de l'abbaye.

Mademoiselle de Merode ayant réussi son examen, le mariage avec « l’angesse » peut se profiler. Encore faut-il avoir le consentement de père Merode. « Monsieur le comte » lui fait parvenir une lettre qui ne roule « que sur des questions d'argent ». Il tient à lui préciser la quasi-absence de dot de sa fille. « Je ne jouis guère que de cinquante mille livres de rente et je ne peux grever pour l'instant mon capital indivis avec mes frères et sœurs ». Durant les fiançailles, le couple est surveillé de près. Montalembert est indigné par le rigorisme et l'étroitesse d'esprit des Merode, sans parler de la grand-mère Grammont, « la pire de tous; collet monté et implacable ». Le mariage a finalement lieu à Trélon63.Montalembert, c'était quand même une belle « prise » pour les Merode. Il passait pour « un des hommes les plus importants de son siècle », « une des plus grandes existences que la vieille noblesse ait produite de nos jours ». Mais il fut aussi « un des hommes les plus détestés du siècle »64. Toute sa vie, il chercha à réconcilier catholicisme et libéralisme. Le personnage avait des goûts de luxe, sans être un homme d'argent. Il était aristocrate jusqu’au bout des ongles. Il rejetait la liberté « forte en gueule » et avant tout égalitaire de la démocratie républicaine. Ses intérêts de grand propriétaire (dans le Doubs notamment) étaient alors inquiétés par la menace du partage des biens tantôt sous la forme violente du pillage, tantôt sous la forme légale des réformes socialistes. Représentant de la grande propriété foncière, il ne manquait jamais l'occasion d'attaquer la « nouvelle propriété, celle de l'industrie ». Il voyait dans leur opposition la marque d'un conflit entre deux formes de civilisation.

Pourtant, il était le seul personnage vraiment illustre de la nouvelle assemblée issue du coup d’État de Napoléon III. « L’homme qui ose rester debout quand les autres se courbent ». Mais il ne sera pas réélu aux élections de 1857.

Montalembert est un serpent », disait de lui le ministre de Napoléon III, « le caporal-duc » Persigny*, « mais je l’écraserai ». Victor Hugo qui eut plus d’une joute oratoire avec lui, évoquait « son sifflement ». Il racontait qu’on avait gravé au-dessus de sa plaque à l’Assemblée nationale « de la société de Judas » et à côté « séide imbécile ». Montalembert de son côté compare l'Assemblée nationale à « une cave sans air et sans jour où j'ai passé six ans à lutter contre des reptiles ». Les Goncourt évoquaient « sa voix un peu nasillarde, son élocution aisée, sa méchanceté enjouée, son onction spirituelle »65. Ce catholique libéral passait alors pour un aristocrate de race et de sang assez « méprisant », « le zouave intellectuel de la foi ». La princesse Mathilde*, fille de Jerôme Bonaparte*, le traitait de « jésuite et de cafard » 66

63 CASTILLION DU PERRON (Margueritte) : Montalembert et l'Europe de son temps. Paris, 2009, pp.243-250.64 Ibidem.65 GONCOURT (Edmond et Jules de) : Journal, mémoire de la vie littéraire. 29 avril 1863. T I, Robert Laffont, Bouquins, p.959.

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L’année 1858 lui sera également pénible. Il se plaint dans ses « Mémoires » des tensions nées suite au règlement de la succession de son beau-père Merode. C'est à cette époque que le

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château de Maîche en Franche-Comté entra dans le patrimoine du couple, suite à la cession du château par Werner à sa soeur. Ce « chevalier du Christ », égaré en plein 19e siècle qui frémit tellement à l’idée d’une « dictature jacobine » qu’il en approuve (avant de déchanter) le coup d’État de Napoléon III, disait de lui-même « je suis le premier de mon sang qui n’ait guerroyé qu’avec la plume ». Ce grand polémiste consentit toutefois à séjourner parfois dans le castel si vraiment seigneurial de son beau-père à Rixensart. Ce « fils de Croisés » qui n'entendait pas reculer devant les « fils de Voltaire » se voulait le « défenseur du clergé et de l’épiscopat français tout entier ». Il passait pour le contempteur par excellence de la Révolution française. C’était un pourfendeur de la démocratie, « cette grande débauchée » et « sa tyrannie du nombre », un dénonciateur virulent de la « barbarie industrielle »... bref un grand propriétaire aristocratique dans toute sa splendeur. Le baron de Haulleville* écrivait alors: « nous autres, Belges, nous considérons M de Montalembert comme des nôtres, non seulement parce qu'il était le gendre de notre Félix de Merode, mais aussi parce que ses idées et ses oeuvres répondaient si bien à nos aspirations les plus chères... Lorsqu'il venait en Belgique, il se sentait comme chez lui. La Belgique de 1830 avait été pour lui une sorte de modèle politique »66.À Rixensart, il rédigea une partie de son œuvre intitulée « Les Moines d’Occident ». On l’imagine d’ici «  avec sa figure pleine, ses traits de vieil enfant triste, ses longs cheveux gris, blancs et plats et sa longue redingote boutonnée haut, très semblable à une soutane, rentrant d’une promenade dans le parc, contournant le bassin octogonal, pénétrant dans le château par le petit portail Est. Tout en traversant la grande galerie du premier étage, il jette un regard à la cour d’honneur et gagne sa chambre flanquée de lambris et de plafond à caissons -«  la chambre dite des fleurs » située dans l’aile Est du château… ». Une chambre dans laquelle le grand orateur médite, écrit, dort (dans un lit à colonnes) et souffre. Il souffre mentalement d’avoir été blâmé par le pape en 1864 pour ses propos d’une audace incroyable pour l’époque, en faveur de la liberté et de la tolérance, prononcés un an auparavant au Congrès de Malines. Un Congrès où il livra quatre heures durant et devant 4.000 personnes subjuguées et sous un tonnerre d’applaudissements « son testament politique ». C’est le fameux thème de « l’Église libre dans un État libre ». L’académicien Xavier Marmier* l’évoque aussi dans son Journal : « comme un être violent et passionné. On est en droit de douter de la sincérité de son catholicisme quand on le voit si orgueilleux et si haineux. Certainement Calvin n’a pas haï Servet plus que ce fervent catholique Montalembert ne hait son adversaire catholique Veuillot et la haine qu’il a vouée à l’empire des Bonaparte ressemble parfois à une sorte de frénésie »67. A Rixensart, il souffre physiquement de l’abcès qui le torturait et qui l’emporta en 1870.Reste que dans sa retraite aristocratique de la « perle des Ardennes brabançonnes », l’écrivain a reçu la visite de 198 personnes dont en 1867 celle du comte de Paris (Louis Philippe d’Orléans héritier présomptif), de Mgr Dupanloup* ce prélat très frotté de légitimisme, resté d'Ancien Régime et répugnant à la démocratie. Sans oublier celle du duc d’Aumale*. Ce dernier se souvient dans son discours de réception à l’Académie française qui l’avait élu au fauteuil de Montalembert, de la dernière vision qu’il eut du grand aristocrate de race et de sang au château de Rixensart. « C’est là, dans un vieux manoir du Brabant que j’ai contemplé ce cher et illustre malade, étendu sur le lit qu’il ne quittait plus; une longue barbe blanche entourait son loyal visage ; sa parole était toujours vive , animée pleine d’indignation contre lemal et d’enthousiasme pour le bien, gourmandant le scepticisme des uns, la paresse des autres,

66 DE HAULEVILLE (Proper) : Portraits et silhouettes. Bruxelles, 1888, p.203.67MARMIER (Xavier) : Journal (1848-1890). Droz, Genève, 1986, T II, p.102

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mais avec un ton nouveau pour moi, avec je ne sais quoi d’indulgent et de majestueux, avec la sérénité du chrétien qui sait que ses heures sont comptées… »68. Le castel de Rixensart fut pendant ces moments, le refuge du parti catholique. Apprenant la mort de Montalembert, le pape qui ne l'appréciait pas du tout aurait dit : « il avait un grand

68 BORDEAUX (Henri) : Le duc d’Aumale et le domaine de Chantilly. RDDM, 1er mai 1957, p.25.

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ennemi à vaincre, la superbe », tandis que son grand pourfendeur à « trogne de sanglier », Louis Veuillot*, qui l'avait pourtant insulté et calomnié pendant des années, écrivait dans L’Univers : « Il a été celui qui a rendu à l’Église les services les plus grands et les plus dévoués ». La comtesse Montalembert, née Merode, resta veuve pendant…34 ans69. Elle ne séjourna alors plus qu'occasionnellement à Rixensart. On lui doit, ainsi qu’à sa fille Catherine, religieuse chez les Dames du Sacré Cœur, la mutilation du « journal » que Montalembert avait commencé à tenir à l’âge de 12 ans.

Un député français et un colonel mitré.

Le premier fils de ‘monsieur le comte’, Werner*, naquit en 1816 et vécut à Paris, dans le « conservatoire des élites et des vieilles perruques » au Faubourg Saint-Germain. Il obtint la nationalité française en 1839. Il siégea comme député à l’Assemblée nationale de France et même comme sénateur. Xavier, le second fils, « enfila les bas violets » pour devenir le « pétulant » camérier secret du pape. Une sorte de « colonel mitré » de Pie IX qui passa à la postérité sous le nom de ‘Monseigneur de Merode’. Une situation de famille qui déplut au grand journal libéral « l’Indépendance belge ». On y lit : « Il est des noms qui obligent. Parmi ces noms dont la Belgique a le droit d’être fière, se place au premier rang celui de Merode. Il se rattache à tous les grands souvenirs de notre patrie. C’est une race qui brille dans notre passé, dans toute notre histoire. On voudrait pouvoir la retrouver sans cesse parmi les représentants éminents de la nationalité belge. Eh bien que devient cette famille depuis quelques temps ? Où se retrouvent ses différents membres ? Ne sont-ils pas dispersés, ne semblent-ils pas disparaître peu à peu de notre histoire ? L’un siège à la Chambre de députés en France, l’autre est attaché à l’ambassade de France à Vienne. Presque toutes les alliances contractées par ses membres dans ces derniers temps le sont à l’étranger… La résolution qu’a prise M de Merode de rejoindre l’état ecclésiastique, nous paraît anachronique70.

Dans un premier temps, le château de Rixensart échut au « grand ministre de Pie IX ». D'un caractère très vif, -basé sur la foi, la mortification et la charité- Monseigneur était sujet à de terribles colères lorsqu’on le contredisait. Un jour que le pape lui fit remarquer : « Je me demande Monseigneur, comment vous pourrez célébrer la sainte messe demain matin, après une colère pareille ». Il répondit sans se démonter : «  Mais Votre Sainteté la dit bien dans des cas pareils ».  Né en 1820, il était le plus jeune fils de ‘monsieur le comte’. C’est lui qui organisa l’armée du pape en ce compris les zouaves pontificaux. Il faisait un peu fonction de ministre de la Défense nationale du Vatican.

69AE, (LLN), EDD, Wavre I. Année 1905. Déclaration de succession n°144. Marie Henriette de Merode, veuve Montalembert, laisse un actif de 515.832 francs, matérialisé par ses propriétés à Overijse (71 ha), à Rosières (3 ha), à Limal (2 ha) et à Genval (2 ha).70L’Indépendance belge. 15 décembre 1847. p.2

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Château de Rixensart, portail d’entrée.

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Il finança d’ailleurs sur ses propres deniers une caserne du dernier cri au Camp Prétorien. Il consacra de fortes sommes de son patrimoine privé - il disposait d’une fortune personnelle lui assurant un revenu annuel de 40.000 francs-or- à des travaux d’utilité publique et à améliorer le sort du soldat pontifical. À sa descente de charge, lorsqu’il fut victime de la diplomatie vaticane, ce « fut un beau tapage ». Il fut sacrifié en raison de son opposition au rapprochement de la France de Napoléon III avec l’État italien. Il des spéculations immobilières. Et là, alors que les Romains le prenaient pour un fou, il prouva qu’il n’était pas dépourvu du sens des affaires. Et il réussit à revendre ses terrains dix, voire vingt fois le prix d’achat. D’aucuns ont même dit qu’il voulait « haussmanniser » Rome. En tout cas, il créa un nouveau quartier autour de la ‘Via Nazionale qui se révéla une mine d’or. Mais n’allez pas croire que Monseigneur de Merode se vautrait pour autant dans la pourpre cardinalice. Il dormait sur une planche et passait ses hivers sans feu ». Il décédera prématurément à l’âge de 54 ans en 1874 à la veille de son élévation au cardinalat. Il repose au Vatican dans le cimetière germanique71. Sa déclaration de succession nous apprend outre qu’il est décédé à Rome qu’il disposait de 251 ha de terres, bois, prés avec château et ferme à Rixensart. Le tout évalué à plus d’un million de francs72. Il légua le château de Rixensart à son frère français, Werner. C’est l’époque où le conseil communal note  avec dépit : « l’étendue de la commune est de 838 ha et deux propriétaires (Werner et sa sœur) en possèdent 554 ha. Mais ces deux propriétaires habitent la France ! Werner décéda en 190573. Il légua sa propriété à son fils tout aussi français qui lui, Herman74. Il fallut attendre l’arrière-petit-fils de ‘Monsieur le comte’ pour que les Merode se rappellent la Belgique et l’existence du castel de Rixensart. En attendant, ce fut le règne tout puissant des régisseurs-bourgmestres. Jusqu’en 1925, la famille Merode n’habite donc pas le château de Rixensart. Ce sont les « maires du palais », comprenez les régisseurs-bourgmestres, Jules Bosquet* (réélu à l'unanimité en 1872 avec 34 voix) et Paul Terlinden* qui y résident successivement. Du fait qu'ils étaient aussi bourgmestres de la commune, gens, bêtes et biens ne dépendent plus que de leur autorité. Une affaire de chevaux - Jules Bosquet se plaignant d'être imposé sur six chevaux- nous apprend que le régisseur-bourgmestre ne réside au château qu'à la bonne saison, qu'il y reçoit sa mère et son beau-frère Auguste Nieuwenhuys*75.

71 Sur François Xavier de Merode, voir LAMY (T. J). B.N, T. XIV, col. 581-590. AUBERT (Roger) : Mgr de Merode, ministre de la guerre sous Pie IX. R.G, Mai 1956, pp.1102-1116 et juin 1956, pp.1316-1335 et AUBERT (Roger) : La chute de Mgr de Merode en 1865. Rivista di StoriadellaChiesa in Italia. T.IX, 955, pp. 331-392 et Mgr de Merode, ministre de la guerre sous Pie IX. Les Cahiers Léopoldiens, n°4, Série II, Avril-mai 1961, pp. 65-76. BESSON (évêque de Nismes) : Mgr Frédéric-François-Xavier de Merode, ministre et aumônier de Pie IX, archevêque de Mélitène. Sa vie, son oeuvre. Paris, 1898. LAMY (Chanoine T.J) : Monseigneur de Merode. Revue catholique de Louvain, 1847. BRASSEUR CAPPART (A.M) : La chambre de Monseigneur. F.B, Mars 1968, n°177, pp.48-66.72 AE, (LLN), EDD, Wavre II, Portefeuille n°4670. Déclaration n°43. François Xavier de Merode. Total de l’actif : 1.098 788 francs.73 AE, (LLN), EDD, Wavre I, n°396. Déclaration de succession n°145 (année 1906), de Charles Werner de Merode dont le seul et unique héritier est le comte Herman. L’actif de la succession s’élève à 1.615.943 francs, matérialisée par 488 ha sous Rixensart, 2 ha sur Limal et 49 ha sous Rosières. 74 Herman vivait à Paris où il s’éteignit en 1924 en son hôtel de l’avenue Van Dyck. Herman hérita de la totalité des biens de ses parents. Il avait bien un frère, mais qui décéda en 1879 à l’âge de 24 ans des suites d’un bizutage à l’école militaire de Saint-Cyr. Bizutage ayant consisté à lui faire mesurer dans le plus simple appareil, alors qu’il gèle à pierre fendre, la grande cour de Saint-Cyr avec un bois d’allumette. (MERODE (Alexandre de) : Solre-sur-Sambre et ses seigneurs, les Jauche, Barbançon, Mortagne, du XIIe au XVe siècle. L.P, Mars-avril 2002, n°338, p 126.75 MONET (Vally) : Rixensart à travers les âges. Curiosités d'un demi-siècle de vie publique 1871-1921. Les Ardennes Brabançonnes, 1961, p.29.

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Prince Félix de Merode, 1882 - 1943

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Le futur prince (1930) Félix qui s’est pourtant fait naturaliser belge n’y vit pas. Il réside au domaine de Petersheim, sis à Lanaken non loin de Maestricht. Au 19e siècle, le domaine de Rixensart était plutôt délabré. « Le carillon de la tour carrée est détraqué. Les trois côtés du château qui donnent sur le parc sont d'une architecture plus négligée encore que la façade. À l'ouest, les murs sont lézardés et n'ont point de fenêtre. Le parc qui s'étend au pied du château a dû être fort beau, lorsqu'il était moins laissé à l’abandon. Les pièces d'eau s'envasent de jour en jour » notaient en 1864 les historiens Tarlier et WautersIl fallut que le plus ancien domaine des Merode, le château de Petersheim, partit en cendres pour que Félix de Merode s’y installe.

Rixensart, c’était la « garenne »

De retour à Rixensart, le futur prince Félix résista à son architecte qui lui conseillait de raser le château de briques orangées (grâce au jaune d’œuf mélangée à la boue) pour y bâtir une grande villa. Le prince opta pour une impressionnante restauration. Il fit appel en 1935 à Raymond Pelgrims de Bigard* pour réaménager la cour intérieure et les abords de la propriété. Il s'agissait de restaurer non seulement le château, mais de ressusciter aussi les jardins en terrasse, de réaligner les toits et les tours, de consolider les clochetons et de raffermir les grilles rouillées. Détruite par un incendie en 1937, il remplaça la chapelle castrale par une église en style néo-roman. Il profita de la période troublée liée à la Seconde Guerre pour procéder à d’importants remaniements des jardins. Cela permit au personnel de maison d’éviter la déportation. Ainsi, un grand jardin à la française y a été implanté à contre-courant de l’histoire. Avec l'aide de son épouse, l’opulente duchesse Françoise de Clermont-Tonnerre, il transforma complètement l'intérieur pour lui donner une décoration à la française : boiseries venant du château de Nérac (Lot-et-Garonne) et du château de la duchesse à Ancy-le-Franc (Yonne)76 , meubles précieux et portraits de personnages liés à l'histoire des deux grands noms européens. Car à côté des Merode, la famille de la duchesse n'était vraiment pas en reste, les Clermont-Tonnerre représentant «dix siècles d'histoire ». Et leur castel d'Ancy-le-Franc passait pour une magnifique approche de la perfection, un chef-d’œuvre, une merveille, une sorte de palais italien composé d'un quadrilatère de nobles bâtiments encadrant une admirable cour d'honneur. Madame de Sévigné rapporte que François Joseph de Clermont-Tonnerre a vendu pour cinq millions une terre de 22 villages autour d'Ancy-le-Franc à Anne de Souvré, veuve du marquis de Louvois. Sa duchesse lui apporta aussi le domaine de Serigny non loin de Beaune (Côte d’Or)77.Le prince Félix acquit les bois de Bierges et de Limal78.

76 C’est au château d’Ancy-le-Franc (env 1586) que l’influence de l’architecte italien Sebastiano Serlio* est la plus sensible. On lui doit à Venise le palais Zeno (1531). Il donna aussi des dessins pour l’hôtel de Ferrare à Fontainebleau. Sur Ancy-le-Franc, voir le fonds Berlaymont : D’HOORE (Baudouin) : Inventaire des archives de la famille Berlaymont. Bruxelles, 2006, AGR, n°383, publication 4539. SUFFERT (Georges) : Saint-Fargeau, Ancy-le-Franc. Châteaux ressuscités. Arthaud, 1983. FROMMEL (Sabine) : Sebastiano Serliot. Architecte de la Renaissance. pp. 84-87. 77 La duchesse de Clermont-Tonnerre avait amené dans son héritage le château d'Ancy-le-Franc (200 km au sud-est de Paris). Un palais du XVIe siècle, qui subsiste toujours. Appartenant aux Clermont-Tonnerre, vendu à Louvois au XVIIe siècle, le château retourna dans la famille Clermont-Tonnerre en 1845. Depuis, celle-ci n'a cessé de l’habiter. La seule différence, c'est qu'aujourd'hui, par voie de succession, il est lapropriété des princes de Merode. Ce château s'ajoute ainsi aux cinq castels que le couple possédait en France (Trélon, Serrigny, Serrant...). Sur cette famille voir : PAISNEL (Etienne) : La noblesse au XIXe siècle, entre rupture et continuité.Aimé Marie Gaspard de Clermont-Tonnerre, un symbole ? Annales de Normandie, n°1 et 2, Mai 2007, pp.49-74. Voir aussi GRAMMONT (Élisabeth de) : La famille de Clermont-Tonnerre depuis l’an 1070. Paris, 1950. 78 Bois de Limal et Bierges acquis également en 1925 par le futur prince Félix de Merode (1930).

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La famille du prince Félix de Merode.

Le prince Félix (1930) voyait grand. Il fut le dernier Merode à Rixensart à avoir un réel pouvoir. Après lui, commença le morcellement du pouvoir et de la propriété. Il faut dire qu’il

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eut neuf enfants ! Rixensart disait-on dans la famille avec une petite pointe d’ironie un peu méprisante : « c’était la Garenne ». Pensez donc, six garçons, trois filles. Entre 1910 et 1927, il y a quasi une naissance tous les deux ans. Le premier en 1910 puis successivement en 1912, 1913, 1915, 1917,1919, 1921, 1923 et le dernier en 1927. Et tous se marieront et hériteront d’un neuvième de la fortune paternelle79. Et cela en 1943, lorsque le prince décéda d’une crise cardiaque en roulant à vélo dans la propriété de son cadet fils à Serrigny. Il avait 61 ans.

Entre Yquem et Pommard et Corton

Jusqu’il y a peu, le frère de l’actuelle châtelaine de Rixensart, le comte Alexandre de Lur-Saluces menait la grande vie. Notable parmi les notables, Bordeaux en avait fait un demi-dieu. Ses dépenses y étaient somptuaires. Un million de francs français pour refaire les sanitaires du château (tout en pierre avec fontaine d’eau tiède). Nous sommes dans le Sauternais chez le gérant du meilleur vin liquoreux de la planète, à savoir ‘Yquem’. Il faut dire qu’on ne produit qu’un verre d’Yquem par pied de vigne et que la cueillette ne s’y fait pas par grappe, mais grain à grain. Durant trente ans, Alexandre dirigea le prestigieux domaine. Et cela avec seulement 7 % des parts. Le véritable propriétaire était en fait Eugène, le frère aîné de la châtelaine de Rixensart (il détenait 47 % des parts)80.Mais les liens des Merode avec le vin ne se limitaient pas à Yquem. Françoise (+2007), la soeur cadette de la châtelaine de Rixensart avait épousé le prince Florent de Merode (+2008) soit le frère de son mari. Ce dernier qui passa son enfance à Rixensart , s’était établi à Serrigny en Côte d’Or dans une propriété qu’il a héritée de sa mère, née Clermont-Tonnerre. Il y vivait au coeur d’un domaine de 300 ha de vignes d’où sortent chaque année les meilleures bouteilles de Pommard 81.

À Rixensart, les Merode détenaient deux tiers du village !

« À Rixensart, les propriétés des comtes de Merode opposent une barrière à l’envahissement et j’ai cet espoir qu’ils n’en morcelleront pas un arpent, qu’ils garderont intacts les bois… »lisait-on dans un article de « L’Éducation populaire » daté du 18 septembre 1902. Las, morcellement, il y eut et pas un peu. Actuellement, le domaine qui entoure le château de Rixensart n'est plus qu'un pâle reliquat de ce qu'il fut jadis. Il est loin le temps où ‘monsieur le comte’ Félix possédait en 1834 pas moins de 63% de la superficie du village, soit 537 ha !

79 L’aîné Xavier (1910-1980) châtelain de Petersheim, fut bourgmestre de Lanaken; il reçut le château et des fermes entre Gembloux et Namur (Franquenay140 ha). Philippe (1913-1974), époux de Micheline de Gontaut-Biron, obtint Trélon qui appartenait à son oncle Fréderic (1881-1930). Albert (1915-1958), président du « Secours d’hiver » (fut adopté par la branche aînée, restée sans progéniture) s’installa au Limbourg. François (1917-1983) hérita de Chimay. Henri (1919-1962) reçut Rixensart et Florent (1927) Serrigny (appartenant à sa mère Clermont Tonnerre). Mélanie (née en 1921) hérita du Beau Site (18 ha) à Rixensart.80Le milliardaire Bernard Arnault (LVMH) a pris le contrôle d'Yquem en 1999. Les 188 ha du domaine changèrent de mains à concurrence de 600 millions d'anciens francs belges. Ensuite le comte Alexandre de Lur Saluces est devenu l'allié de Bernard Arnault. Voir LACHAUD (Stéphanie) : Yquem aux XVIIe et XVIIIe siècles, ou la quête d'une identité vinicole. Histoire, Economie, Société. n°4, décembre 2007, pp.1-13.81 La princesse de Merode hérita du château, en 1940, à la mort de Philibert (1871-1940) le huitième duc de Clermont-Tonnerre. Sur la famille de Clermont-Tonnerre, voir CHAFFANJON (Arnaud) : Les grandes familles qui ont fait la France... op cit, pp.61-67. Voir aussi GRAMMONT (Elisabeth de) : La famille de Clermont-Tonnerre depuis l’an 1070. Paris, 1950. Cette famille tient un des premiers rangs parmi celles qui constituent la haute noblesse française. Le 5e duc Aimé Marie Gaspard de Clermont Tonnerre (1779-1865) disposait d'un domaine de 1200 ha autour de son château de Glisolles.

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Ceci faisait de Rixensart une sorte « d’îlot féodal » au lendemain de l'indépendance belge82.82 VANDERVELDE (Émile) : La grande propriété foncièrer en Belgique. Paris 1900

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Pour trouver un pareil exemple de main mise foncière sur tout un village, il faut se rendre à Trélon (Nord de la France) où la famille Merode possédait au 19e siècle 78 % de la superficie du village (soit 3000 ha) ou à Franc-Warêt chez le marquis d'Andigné* ou à Freux chez les Goffinet*. Mais à l'encontre de Franc-Warêt83, isolé et comme protégé dans ses bois et ses champs, loin des communications avec la ville voisine, Rixensart disposait d'une gare. En 1840, la commune avait déjà 1340 habitants. Ceux-ci seront 1600 en 1890. Puis brusquement ce fut l'essor 2385 habitants en 1910, 3475 en 1934. La partie du domaine des Merode situé à proximité de la gare, sur la croupe de la colline, devint terrain à bâtir. Et bonjour les spéculateurs. La propriété ne cessa donc de se réduire comme une peau de chagrin. Aujourd'hui, il ne reste plus que 128 ha sur Rixensart, 14 ha sur Rosières et une centaine d’hectares sur Bierges84. Soit un bloc d’environ 250 ha de bois. La famille Merode ne détient plus que 15% des 852 ha de Rixensart (avant fusion). Le phénomène d'érosion est particulièrement impressionnant. Il se répète d'ailleurs dans les communes avoisinantes où la famille possédait également des biens: Bierges85, Rosières86, Limal87. Le code civil a eu raison de la puissance des Merode. Il a fallu faire des lots égaux pour chaque enfant. Les successions ont ainsi éparpillé les terres et les fermes jadis d’un seul tenant. À chaque génération, le domaine fut divisé. Parfois, les héritiers essayent de maintenir une certaine cohérence. Ainsi les filles de la comtesse Montalembert, qui héritèrent de 200 ha (dont 110 sur Rixensart) ont constitué en 1907 une société pour éviter de sortir d’indivision88.

83 Le village de Franc-Warêt, situé en dehors des grands axes, a conservé la physionomie du temps de ses grands seigneurs. Le domaine est considéré comme le domaine le plus beau et le plus imposant du plateau limoneux namurois. Il s'étend aujourd'hui encore sur 1600 ha d'un seul tenant de Noville-les-Bois à Gelbressée. Le parc et les étangs couvrent 120 ha et 400 ha sont boisés. Sept grandes fermes sont dispersées dans les terres. Le domaine est resté dans la famille depuis le 17e siècle, passant par mariage des Groesbeeck aux marquis de Croix et enfin aux marquis d'Andignée*. 84 Les possessions sur Rixensart ont évolué comme suit : 537 ha en 1834 (CDB,VM, n° 61. (Lieux-dits: Landelutte, Pré du Château, Château, Bois de Rixensart, Froidmont,Village, CortilJérome, Vieille Taille, Bourgeois, Caillou, Moulin de Genval, Grande Bruyère, le Héron, Sept Bonniers, Marie Monseu, Glain...); 550 ha en 1845 (CDB,VM, n° 61), 543 ha en 1861 (au décès de Félix de Merode en 1857, le patrimoine familial est fractionné en trois lots: le « colonel mitré » François-Xavier reçoit le château et les terres environnantes, soit 251 ha en 1861 (CDB, VM, n° 696). Albertine (1839-1872), religieuse au couvent du Sacré-Cœur de Rome, hérite de la ferme de Froidmont. (CDB, VM, n° 697): 176 ha en 1861. (Lieux-dits: Bois de Rixensart, Fond Marie Monseu). Et Marie-Anne (1818-1904), épouse Montalembert reçoit les biens de Bourgeois où se trouvait le château du Baillois (CDB.VM, n° 698): 116 ha en 1870. Par la suite, le « colonel mitré » légua sa part à son frère aîné Werner (1816-1905) (CDB, VM, n° 697): 430 ha en 1876. Les descendants de ce dernier conservant le château jusqu'à nos jours.) 552 ha en 1898Herman (fils de Werner): 430 ha (CDB,VM, n° 697) ; de Montalembert, veuve Marie-Anne (CDB,VM, n° 698). 409 ha en 1927. Les 409 ha se répartissent comme suit: 280 ha pour Félix (le filsd'Herman). (CDB, NM, n° 1894, 100 ha pour Frédéric, Thérèse et Albertine (les frères et sœurs de Félix) (CDB, NM, n° 1892) et 29 ha pourAmédée de Clermont-Tonnerre (le mari d'Albertine de Merode). (CDB, NM, n°2240).169 ha en 1962.85Bierges : entre 1926 et 1962, les biens des Merode sur Bierges passent de 88 ha à 44 ha (CDB, NM, n°1503). (Lieux-dits: Champ de la Justice, Bois de Bierges, les Bruyères, Angoussart...). En 1973, il reste 37 ha sur Bierges.86 En 1845, les Merode ont 35 ha sur Rosières. Ils n'en ont plus que 14 en 1990. (Lieux-dits: Ferme du Plagniau, Pré de Rosières, Boerenbosch).87Limal : les biens des Merode passent à Limal de 143 ha en 1927 à 42 ha en 1951 (CDB, NM, n° 1433). (Lieux-dits : Beau-Champ, Ferme de la Bourse, Fond du Fletry, Bois de Limal, Cortil Riquet, Les Chaudières, Barivaux...).88 A.M. Société immobilière de Rixensart constituée en date du 27 décembre 1907 par les quatre filles de la comtesse Montalembert, née Anne de Merode (+1904). Il s’agit d’un domaine de 200 ha dont 110 ha sur Rixensart, 3,5 ha sur Rosières, 2 ha sur Limal, 2 ha sur Genval et 71 ha sur Overyse. A Rixensart, le domaine s’étend du Bois du Héron à celui de la Vieille Taille (avenue de Villefranche) et au champ de Froidmont. (CDB,

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Herman de Merode et sa famille.

Mais tout cela n’empêcha pas les ventes. Déjà en 1912, le notaire du Roi, Édouard Du Bost* acquit du comte Herman de Merode, 7,4 ha au lieu-dit Champ de Froidmont89. En 1931,

89NM, n° 698). Lieux dits: Hameau du Glain, Grande Bruyère, Avenue Provinciale, Sept Bonniers , Belle Place, Baillois , Le Héron…). Tout le versant de la vallée de la Lasne appelé «  Bois du Baillois » appartenait à la comtesse Montalembert. Entre les années 1910 et 1920, des terrains furent vendus et les “avenues” sont tracées.

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environ 35 ha sis sous Rixensart furent vendus par le prince Félix (1930) au chevalier Jacques Demeure*90. La belle ferme de Froidmont a également été vendue91. La ferme de Woo à Rosières connut le même sort en 191992. La famille se sépara aussi en 1910 d’un peu plus 6 ha aux lieux-dits : Les Sept Bonniers et Étang Monseu au profit d’Albert Joseph Carton de Wiart*. Il y fit ériger le château du Héron qui deviendra la maison communale en 1950. Les terres de Bourgeois (le domaine du Belloy notamment) furent également vendues. Elles ont a été mises en ventes et loties en 1923 par les héritiers de la comtesse Montalembert.Mais les grandes ventes eurent lieu surtout après 1950. Les Merode ont cédé beaucoup de terres à une série de sociétés immobilières. Le Village Expo, le Beau Site, le Quartier royal, le Fond Marie Monseu, la Mare aux Loups... sont autant de lotissements installés sur les anciennes terres de la famille princière. Partout, leur patrimoine foncier a fondu comme neige au soleil. De même, il ne reste rien des terres qu’une autre branche de la famille posséda jadis à Corroy-le-Grand, Vieusart et Corbais93. Il en va également pour celles de Geest-Gerompont à Ramillies94.Le domaine foncier se réduit sans cesse. Les Merode ont bien du mal à s’adapter au nouvel ordre social. Ils n’ont pas réussi à conserver leurs vastes ressources foncières de jadis, alors inhérentes au statut, au prestige et à la fortune de leur caste. Il est vrai que ces grands aristocrates sont les héritiers de « ces gens de lignages qui déconsidéraient le commerce ou la banque » décrits par Marguerite Yourcenar. Et elle ajoutait : « Ils sont, ou ce qui compte

Elles sont les premières de Rixensart qui ne comprenait que des rues à l’époque (av de Montalembert, des Acacias et des Sorbiers). Buffin Paul: Portrait des rues de l’ancienne commune de Rixensart 1996. p.88. Sur Edouard Casimir Jules Du Bost*, voir : Notaires belges. Notes biographiques et professionnelles. Bruxelles, 1902, pp.72-79. Il résidait à Rixensart au château de Bois- là-Haut aujourd’hui détruit. Un château que l'on devait à l'architecte Octave Flanneau*, qui fut un collaborateur de Henri Maquet*.90 Voir aussi A.M, 13 septembre 1968, n°2633-1. Immobilière de Froidmont (constitution). Le chevalier (1928) Jacques Demeure* (1892-1972) a épousé Marcelle Rolin (1894-1977). En 1973, il était propriétaire à Lasne de 29 ha sis autour de sa propriété de la rue d’Ottignies (n°9). Lieu-dit: Culot, Hayette, Renipont, Tienne Saint Roch…). Le lotissement Bois Chapelle est d’ailleurs l’oeuvre de la famille Demeure. Jacques Demeure* était le cousin germain de Jean Demeure (né en 1926) administrateur délégué Unerg (acronyme de Unions de Centrales et d’Electrogaz), administrateur d’Ebes, Intercom et Électronucléaire.).91 La ferme de Froidmont était dans le patrimoine des Merode depuis 1717. Le frère du prince Félix (1930), Frédéric en avait héritée. Une grande partie des terres fut vendue en 1920 au baron Du Bost* (Château du Bois La Haut). La ferme et le reste des terres, soit 35 ha (Froidmont, Cortil Jérôme, avenue de l’Avenir, rue de Limal) furent cédés au chevalier Jacques Demeure*-époux Rolin en 1931 (CDB, NM. Rixensart, n°2244). Les familles Demeure et Du Bost décident de lotir en 1972 et elles firent donation de la ferme à la fabrique d’église. Celle-ci céda aux Dominicains trois ailes de la cour pour y créer une nouvelle communauté. La grange datée de 1773 devient l’église paroissiale. Voir BUFFIN (Paul) : Portrait des rues de l’ancienne commune de Rixensart. 1996, p.60.92 Elle fut revendue par Thérèse (1885-1962,) la soeur du futur prince Félix. Elle avait épousé Henri de Tulle de Villefranche* (1880-1946). Ils revendirent en 1910 la ferme de Woo à Rosières (aussi appelée de Rosierbois) au comte Juan d'Alcantara de Gand (CDB, VM, n°705): 86ha en 1908, 123 ha en 1924. Elle est aujourd'hui la propriété de la famille Snyers. 93 Devenue chanoinesse du Chapitre de Sainte-Waudru à Mons, Marie de Merode Montfort (décédée en 1787) va agrandir le domaine de Rixensart par l'achat de biens dans les environs de Corroy-le-Grand, Vieusart et Corbais. En 1864, on retrouve ainsi la ferme du Mont à Corroy (77 ha) en possession de la comtesse Françoise Louise Ghislaine de Merode (née en 1787) domiciliée à Lombize (CDB. VM n°283). 94Geest-Geronpont (CDB, VM, n° 1480): 73 ha appartenant au marquis Amedée de Clermont-Tonnerre* (en 1898-1990) qui avait épousé en 1922 Albertine de Merode (1899-1992), soeur du prince Félix. Ramillies (CDB, VM) Louis de Merode 31 ha.

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davantage se veulent, propriétaires terriens... »95. Ils ont des actes. Ils ont de la branche. Ils résident dans le château ancestral de la dynastie. Pour combien de temps encore ?

Un îlot féodal en plein 19e siècle

95YOURCENAR (Marguerite) ; Souvenirs pieux. Essai et Mémoire, La Pléiade, Gallimard, 1994. p.752.

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«Il y a trop longtemps que nous dépendons du comte de Merode. Nous ne voulons plus de ses classes ni de son église. Nous sommes littéralement attachés à la patte »96. En 1908, un conseiller communal n’en peut plus. Il sort de sa réserve. Il ose dire tout haut à monsieur le régisseur-bourgmestre Terlinden* ce que beaucoup pensent tout bas. À savoir qu’il en a assez de l’omnipotence de la famille Merode. C’est alors l’époque où d’étroites relations personnelles unissent le « maître » et ses « paysans ». Il est leur protecteur naturel et les conseille « paternellement ». Le paternalisme dans son expression la plus pure, règle les rapports de l’aristocratie foncière et de leurs paysans. On constate qu’une quasi-servitude économique prolonge la servitude légale. Et tout cela en connivence avec le « clocher ». Car à Rixensart, la famille Merode fait en ce début du 20e siècle la pluie et le beau temps. Les propriétaires absents ont délégué tous leurs pouvoirs à Paul Terlinden* avocat et bourgmestre97. Un homme qui appartient à une dynastie de régisseur bourgmestre puisque son beau-père Jules Bosquet* et les père et grand-père de ce dernier étaient déjà intendants des biens Merode à Rixensart. Ces familles gèrent le domaine et habitent le château depuis la fin du 18e siècle. Et cela jusque dans les années ‘20’, époque du retour des Merode à Rixensart.

Paul Terlinden*, « potentat aux moustaches fines et artistiquement cirées » selon l’hebdomadaire« L’Union libérale » fut bourgmestre pendant 36 ans (jusqu’en 1921). Un premier magistrat « de gravure de mode » si l’on en croit « L’Union libérale » qui note en 1906 : « le maïeur est plus rare que les jours ensoleillés… les routes sont dans un état épouvantable. L’eau s’est absentée pendant six semaines »98. Et comme il est régisseur du château, on lui reproche d’être soumis à ses employeurs : « un domestique en chef reste un domestique, même s’il est aussi premier au village »99.Paul Terlinden* tient donc tout le village dans sa main. C’est l’époque où raconte le leader socialiste Emile Vandervelde *: «les éléments étrangers suspects de libéralisme sont écartés avec un soin jaloux. Pour obtenir la moindre parcelle de terre... il faut montrer patte blanche. Les pauvres vivent sous la perpétuelle menace de se voir fermer, s'ils votent mal, l'accès des bois de Monseigneur. Par contre, ceux qui sont bien notés jouissent de certains avantages. Quand ils se bâtissent une maison, on leur fournit le bois de charpente gratuitement ou à très bon compte. On occupe dans les bois ou dans les champs, à travailler aux chemins ou à étendre les bouses de vache sur les pâtures, assez bien de vieux ouvriers repoussés de partout ailleurs. Quand ils sont tout à fait impotents, on leur donne des secours, voire même une petite pension ». Émile Vandervelde conclut (en 1898) : « Nous trouvons en action sur les terres de Rixensart le système de protection et de dépendance... contre lequel les populations tendent de plus en plus à s'insurger ». Des pressions sont ainsi couramment exercées sur les fermiers, qui craignent de se voir retirer leurs terres s'ils mettent par exemple leurs enfants à l'école sans dieu.

96 CLAES PINSON (Colette) et WYNANTS (Paul) : Une fondation de la famille de Merode : l'école des filles de Rixensart. RHRBW, 1988, n°4, T. 2, pp.254-282.97 STENGERS (Jean) (s dir) : Index des éligibles au Sénat (1831-1893). Bruxelles, 1975, p. (108).98L’Union Libérale, 9 juin 1907. Citée par PINSON (Colette): Rixensart et la famille de Merode… op cit ; p.52.99 Ibidem, p.53.

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«Bourgmestre et régisseur, j'avais tout le pouvoir»

Pour comprendre comment les choses ont évolué au 20e siècle, nous avons rencontré, en 1990, le dernier régisseur-bourgmestre de la famille de Merode : Léopold Gilson*. Pendant quarante-trois ans, il fut le successeur d'une dynastie de régisseurs-bourgmestres catholiques à Rixensart.

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Alors âgé de quatre-vingt-cinq ans, il nous racontait en 1992 : « Jusqu'en 1925, les Merode ne résidaient pas au château de Rixensart. Quand le comte Félix de Merode est revenu de son château de Lanaken pour vivre à Rixensart, il a cherché un nouveau régisseur. Suite à une recommandation du curé, le comte choisit mon père qui était instituteur en chef. Par la suite, mon père est devenu échevin des Finances et de l'Instruction ».Léopold Gilson* se rappelle la date à laquelle il a succédé à son père. « C'était en 1927. J'étais alors secrétaire du parti catholique local, le comte Félix en était le président. En 1946, j'ai été élu et suis devenu échevin des Finances et de l'Instruction, tout comme mon père. À partir de 1952, je suis devenu bourgmestre. Et je le suis resté pendant dix-huit ans. J'étais donc régisseur et bourgmestre. Autant dire que j'avais tout le pouvoir. »Léopold Gilson se souvient que la famille n'a rien vendu de 1943 à 1951, la succession du prince Félix n'étant pas terminée. Puis les ventes ont repris et notamment servi à payer les droits de succession. De l'autre côté de l'avenue Royale, le Quartier royal a été grignoté petit à petit à partir de 1951. Il y a eu aussi 22 ha qui furent vendus à RIT (aujourd’hui GSK). Ajoutez à cela qu’en l’espace de quelques années, les Merode de Rixensart durent faire face à pas moins de trois successions. Trois successions en vingt ans ont presque eu raison de leur fortune immobilière à Rixensart. « Cela a coûté des sommes folles. C'est pourquoi ils ont tant vendu ». Le quartier du Beau Site, c’était la partie héritée par la princesse Mélanie. Son mari, le comte Christian de Renesse* petit-fils du sénateur Mosselman100 a voulu absolument le lotir. Il a vendu en 1955 environ 18 ha de bois à Matexi, une société flamande spécialisée dans les lotissements101. Pour sa mère, ce fut la consternation. Car ce lotissement fut ressenti comme un coup de poignard dans la partie droite du domaine en venant de Wavre. « La princesse Félix aurait mis n’importe quel prix pour éviter ce lotissement » se souvient, Léopold Gilson. « Car elle avait déjà racheté toute une série de lots à ses enfants pour pouvoir maintenir un territoire cohérent ». En 1957, son fils, l’héritier de Rixensart; le prince Henri, a lui vendu ses terres sises autour de Trélon pour racheter les parts de ses frères et soeurs sur Rixensart. Il a aussi vendu une partie des propriétés de sa femme, née Lur-Saluces. Il a ainsi reconstitué tant bien que mal le domaine sur Rixensart, Rosières, Limal et Bierges, soit en 1958 un bloc de 230 ha (dont 128 sur Rixensart).

100 MEUWISSEN (Eric) : Foncièrement riches. Mosselman, Boel, Goblet d’Alviella. Jodoigne 2013. 101Matexi A.M, 30-31 juillet 1945, n°10356 -Les actionnaires principaux en sont les familles Bostoen (constructions), Van de Vyvere* et Verstraete. Fondée en 1945, Matexi (contraction de Maatschappijtotexploitatie van immobiliën) s’est spécialisé dans les lotissements résidentiels. La société se rapprocha pour cela de la vieille aristocratie, peu préparée à rentabiliser de manière intelligente ses domaines. Matexi a fêté son soixantième anniversaire en 2005. Le groupe Matexi se compose désormais de deux holdings, Matexi et Brufin qui travaillent sous une même direction. Le premier regroupe les activités immobilières, le second les autres. Voir aussi CDB, NM, n°3512. Rixensart 16 ha et Limal 2ha. CDB, NM, n° 3236.

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Un golf en échange du sauvetage du château

Avec le retrait de Léopold Gilson en 1970, les Merode perdent leur dernier régisseur-bourgmestre et par la même occasion leur pouvoir sur la commune. Depuis, les choses se sont encore plus dégradées pour la famille. Les bois ne sont plus entretenus et le château n’est plus au top.

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Les châtelains de Rixensart avaient placé un moment tous leurs espoirs dans la constitution d’un golf. Las, le projet ne put se réaliser pour des questions d’aménagement du territoire (en 2001 le Conseil d’État ayant annulé la modification partielle du plan de secteur qui avait été décidée par la Région wallonne afin d’y implanter un golf). Pourtant, la société américano-suisse qui soutenait le projet avait l'ambition de faire de ce golf le plus somptueux d'Europe. Elle prévoyait d’y investir la somme d’un milliard de francs. Quant aux bois, peu entretenus, ils sont saccagés par les motos vertes et autres 4 x 4. Les Merode n'ont plus de personnel pour entretenir le domaine. Un entretien qui coûterait, selon le prince Antoine, 2 millions de francs par an à la fin des années nonante.

Qu'elle est loin l'époque où, au début du siècle, Arthur Cosyn pouvait écrire en parlant du bois de Rixensart: « À voir ces imposantes futaies, on sent qu'elles ne sont pas livrées à une main inexperte, ni à un homme d'affaires, soucieux uniquement de ‘faire de l'argent’. Les maîtres du domaine ont compris qu'ils peuvent concilier le soin de leurs intérêts avec la préoccupation de garder intacte la beauté de cette antique forêt seigneuriale. On voit qu'ils ont l'amour d'une nature plantureuse, où le pittoresque s'allie au grandiose »102.

Depuis cette époque bénie, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de la Lasne. Il est vrai que la surface financière des Merode s'est considérablement réduite et qu'ils n'ont pas un empire industriel comme les Solvay, les Boël ou les Janssen pour faire face aux charges d'une grande propriété foncière. Toute la différence est là. Ils n'ont pour eux que leurs alliances matrimoniales et leur arbre généalogique... Mais quand la famille génère d’un coup neuf enfants, les conséquences deviennent catastrophiques pour l’intégrité de la fortune et du domaine paternel. Cet « effet garenne »a appauvri de façon très conséquente la famille. Peut-être le prince Félix aurait dû méditer cette phrase de l’écrivain français de la Varende* : « Ayez seulement trois enfants et en deux générations le domaine n’existera plus. Il n’en restera que l’habitation qui sans son hinterland de rapport devient une charge accablante ». Alors avec neuf enfants… il y a de quoi finir en chaussettes.

La fin d’une époque.

Si la fortune foncière de la famille perdura durant tout le 19e siècle, ce ne fut plus le cas par la suite. Pourtant, au début du 20e siècle et malgré les morcellements successifs, les Merode possédaient encore : 1600 ha dans la province de Brabant (Everberg, Grimbergen, Rixensart...), 1500 ha en Flandre-Orientale (Buggenhout), des milliers d'hectares en Campine, dont 886 ha à Petersheim (Lanaken), 3000 ha à Westerlo, sans oublier les 1200 ha de terres à Loverval en Hainaut et en France les 2000 ha à Trélon103. Puis commencèrent les morcellements et les ventes. Grimbergen, laissé à l'abandon après avoir brûlé en 1944, a été cédé à la commune en 1978. Le plus ancien domaine de la famille, Petersheim à Lanaken, a été vendu en 1971 par le chef de la maison de Merode. De même que le château de Ham-sur-Heure qui leur appartenait pourtant depuis le 15e siècle (maison communale depuis 1952). Il y eut ensuite la séparation d’avec le grand hôtel de Merode de la place Poelaert. L’étape suivante pourrait être le château de Rixensart.

102COSYN (Arthur) : Le Brabant inconnu. Bruxelles,1911, p.225.103104 La maison de Merode est intimement liée à Trélon depuis des siècles, à la suite du mariage de l’héritière, Louis de Blois avec Louis de Merode-Houffalize. Le château et une grande partie de l’ancien domaine forestier sont restés dans la famille qui l’occupe aujourd’hui en la personne de la princesse Philippe de Merode. Le château, réaménagé par Parent en 1860 domine le parc confinant à la forêt voisine. La forêt de Trélon a une superficie de 428 ha sous les communes de Trélon, Eppe, Willies. Sur la dévolution de Trélon, voir B. J , T XVII, n°55, 10 juillet 1859, pp.898-901. Tribunal civil d’Avesnes.

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Bref, cinq générations après la mort de « l’insubmersible » Charles-Guillaume, ses descendants, sans être dans le besoin, ont juste réussi à maintenir vaille que vaille quelques châteaux. Ils n’occupent plus que les châteaux de Rixensart, Westerlo104, Everberg, Neffe, Trélon, Habbay. Et la branche jadis aînée de la famille105 vient de vendre en janvier 2004 pas moins de 1476 ha de terre et de bois autour de son domaine de Westerlo (1925 ha). Prix de la transaction 23 millions d’euros106. Les descendants de cette branche en sont même réduits à louer à une société l'ancestral château de famille, ainsi que le bel hôtel de maître de la rue aux Lainesnon loin du palais de justice. Un hôtel dont le grand salon décoré en 1780 est un des plus vastes de Bruxelles. Reste qu'au milieu de toutes ces mutations foncières, il existe toujours (en dépit d’un incendie en date du 19 juin 2000) dans l'Eiffel, le SchloszMerode sis non loin de Düren. C'est un phénomène unique en Europe puisque les aïeux de la famille princière l'ont édifié au 12 e siècle et que la 24e génération l’occupe encore. Nous sommes là en présence de membres d’un corps unique, défiant le temps. On n’échappe pas à ses hérédités.

104 A savoir le vieux château de Westerlo propriété de la famille depuis 1429. Voir OP DE BEECK :Vijf honderd jaar familie de Merode te Westerlo.HeemkringAnsfried Westerlo, 1982, 104 p. Voir aussi Westerlo en de familie de Merode 995-1850. AGR, Brussel, 1991, 37 pp (catalogue 106).Voir encore : A.M, 7 mai 1950, n°9878, pp.2529-2533. Société forestière de la Nethe (en néerlandais Nethebosbouw). Elle gère un peu moins de 2000 ha. Dont 762 ha sur Herselt, 352 ha sur Averbode, 263 ha sur Tessenderloo, 246 ha sur Westerlo, 135 sur Varendonk. Le capital est fixé à 40 millions.Le nouveau château deWesterlo édifié en 1910 à l’initiative de Jeanne de Merode (1853-1944) abrite aujourd’hui les services de la commune. Une belle drève menait en ligne droite à l'abbaye norbertine de Tongerloo. 105 La branche des Merode Westerlo s’éteint en 1977. L’aîné de la famille Charles de Merode (1887-1977) époux de Marguerite de Laguiche n’eut pas d’enfant. Le couple adopta alors en 1947 le neveu Albert, marié à Henriette de Voguë. 106 L’annonce de la vente de 1500 ha par la famille déchaîna les passions. La Région flamande et l’ASBL Fondation pour le paysage campinois unirent leurs efforts pour cetteacquisition. Ironie de l’histoire, une partie (479 ha) de ces1500 ha (dont la forêtd'Everboden (Averbode) avait été achetée le 20 mai 1833 par Louise Jeanne de Thésan*, épouse du comte Henri de Merode (frère de ‘Monsieur le comte’ Félix) lors des grandes ventes de la Société Générale. Voir TALLIER (Pierre-Alain) : A propos de l’évolution des bois et forêts dans le département des Deux Nethes et dans la province d’Anvers de la fin du XVIIIe siècle à nos jours. Lach. Liber AmicorumCoppen Herman. AGR, Bruxelles, 2007, T II, pp.1013-1053.

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