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LE MATÉRIEL DIDACTIQUE SERA-T -IL UN JOUR VRAIMENT MULTIMÉDIA? par Clément Laberge La question du matériel didactique est essentielle dans un dossier de cette nature. Elle est périlleuse car des enjeux économiques et culturels la sous-tendent. M. Laberge pose des questions qui ne pourront que nous faire avancer sur le chemin du changement qu’induit la présence des technologies dans notre univers quotidien. C’est à partir d’une TYPOLOGIE DU MATÉRIEL DIDACTIQUE qu’il campe les éléments qui sont les moteurs du changement. L’ÉDUCATION POUR UN AVENIR VIABLE ET SES OUTILS PÉDAGOGIQUES par Inês Lopes Préoccupée par l’éducation pour un avenir viable dans une perspective mondiale, l’auteure nous propose un répertoire d’outils pédagogiques qui, nous l’espérons, donneront aux enseignants l’impulsion pour se lancer dans des applications pédagogiques s’arrimant directement aux domaines généraux du Programme de formation de l’école québécoise. LA COMMUNAUTÉ DE PRATIQUES ET L ÎLOT DE RATIONALITÉ COMME MODÈLE DE FORMATION CONTINUE PROPOSÉ AUX ENSEIGNANTES ET AUX ENSEIGNANTS par Guy Lusignan LE PROJET DE RÉSEAUTAGE EN SCIENCE ET EN TECHNOLOGIE (RÉSCITECH) par Stefan Haag LE PORTAIL AU SERVICE DE LA PÉDAGOGIE par Sonia Sehili, Joanne Tremblay et Pierre Delisle Le terme de portail est utilisé couramment. Cette réalité nouvelle est parfois méconnue. Les auteurs nous précisent ce qu’est vraiment un portail et décrivent toutes les formes qu’il peut prendre, pour s’arrêter plus précisément sur LES CARACTÉRISTIQUES DU PORTAIL ÉDUCATIF. L’article nous donne également UN EXEMPLE D’UTILISATION qui démontre à quel point le portail évolue, et ceci, très rapidement. LES TIC FAVORISENT -ELLES UNE PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE TELLE QUE FREINET LA PRÉCONISAIT? par Nicole Tremblay et Sophie Torris Le propre des visionnaires est de passer l’épreuve du temps. Cet article nous propose une relecture de la théorie de Augustin Freinet, grand pédagogue du siècle dernier, sous l’éclairage nouveau des technologies de l’information et des communications. Il y est question des invariants pédagogiques et de l’actualisation dans la classe de cette approche en examinant les différents types de différenciation, soit : LA DIFFÉRENCIATION RELATIVE AU SENS DES APPRENTISSAGES, LA DIFFÉRENCIATION DES MÉTHODES, LA DIFFÉRENCIATION DES STRUCTURES. SPIRITUALITÉ OU RELIGIOSITÉ? ÉCHOS DUN COLLOQUE par Donald Guertin Un article qui relate les réflexions d’une centaine de personnes réunies par le Comité aux affaires religieuses (CAR) autour de la question du cheminement spirituel des jeunes en milieu scolaire, responsabilité qui incombe maintenant aux écoles, selon l’article 36 de la Loi de l’instruction publique. Les actes de ce colloque sont maintenant disponibles dans le site du CAR, à l’adresse suivante : http://www.meq.gouv.qc.ca/ affairesreligieuses LA PROFESSION ENSEIGNANTE AU TEMPS DES RÉFORMES par Luce Brossard Un colloque international organisé par le Centre de recherche interuni- versitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), qui réunissait près de 200 personnes. Au centre des préoccupations des chercheurs invités, la profession enseignante et la mutation du travail au sein de l’organisation scolaire dans le contexte d’une réforme. Les participants ont pu faire un tour d’horizon national et international de l’évolution de l’identité ensei- gnante dont cet article rend compte fidèlement. POUR ALLER PLUS LOIN : LA REVUE DES REVUES Un article sur les attitudes des enseignants vis-à-vis les TIC, à consulter sur le site de l’éducation nationale en France: www.education.gouv.fr/stateval En périphérie, des dossiers intéressants à consulter : Educational Leadership, mars 2004. Un dossier sur la lecture qui mérite le détour. www.ascd.org Le monde de l’éducation, juin 2004 s’intéresse aux tabous de la violence à l’école. Les cahiers pédagogiques, mai 2004, nous propose un dossier sur le travail en groupe qui rejoint nos préoccupations actuelles. www.cahiers-pedagogiques.com Un article du Courrier international, en date du 18 août 2004, intitulé : Adolescents : Les secrets de leur cerveau. Ce texte confirme des intuitions et bouscule bien des idées reçues (www.courrierinternational.com). sommaire – Internet Vie pédagogique, RECENSIONS Quelques nouvelles parutions. Un exemple stimulant d’enseignants et d’enseignantes qui ont décidé de prendre en charge leur développement professionnel. Un premier volet de l’article décrit la notion d’îlot de rationalité, métaphore pour illustrer une approche interdis- ciplinaire : ce nouveau défi que pose le programme de sciences et technologie au secondaire. L’article illustre la démarche que se sont donnée ces enseignants. Dans un deuxième temps, il est question plus spécifiquement de l’effet de la mise en place de RÉSCITECH sur les enseignants et les partenaires concernés, et dans la même foulée, les élèves.

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Page 1: Vie Pédagogique 132

LE MATÉRIEL DIDACTIQUE SERA-T-IL UN JOURVRAIMENT MULTIMÉDIA?par Clément LabergeLa question du matériel didactique est essentielledans un dossier de cette nature.Elle est périlleuse car des enjeux économiques et culturels la sous-tendent. M. Laberge pose desquestions qui ne pourront que nous faire avancersur le chemin du changement qu’induit laprésence des technologies dans notre universquotidien.C’est à partir d’une TYPOLOGIE DU MATÉRIELDIDACTIQUE qu’il campe les éléments qui sont les moteurs du changement.

L’ÉDUCATION POUR UN AVENIR VIABLE ET SES OUTILS PÉDAGOGIQUESpar Inês LopesPréoccupée par l’éducation pour un avenir viable dans une perspectivemondiale, l’auteure nous propose un répertoire d’outils pédagogiques qui, nous l’espérons, donneront aux enseignants l’impulsion pour se lancer dans des applications pédagogiques s’arrimant directement aux domainesgénéraux du Programme de formation de l’école québécoise.

LA COMMUNAUTÉ DE PRATIQUESET L’ÎLOT DE RATIONALITÉ COMMEMODÈLE DE FORMATION CONTINUEPROPOSÉ AUX ENSEIGNANTESET AUX ENSEIGNANTSpar Guy Lusignan

LE PROJET DE RÉSEAUTAGEEN SCIENCE ET EN TECHNOLOGIE(RÉSCITECH)par Stefan Haag

LE PORTAIL AU SERVICEDE LA PÉDAGOGIEpar Sonia Sehili, Joanne Tremblay et Pierre DelisleLe terme de portail est utilisé couramment. Cette réalité nouvelle est parfois méconnue. Les auteurs nous précisent ce qu’est vraiment un portail et décrivent toutes les formes qu’il peutprendre, pour s’arrêter plus précisément sur LES CARACTÉRISTIQUES DU PORTAIL ÉDUCATIF.L’article nous donne également UN EXEMPLED’UTILISATION qui démontre à quel point le portail évolue, et ceci, très rapidement.

LES TIC FAVORISENT-ELLES UNE PÉDAGOGIEDIFFÉRENCIÉE TELLE QUE FREINET LAPRÉCONISAIT?par Nicole Tremblay et Sophie TorrisLe propre des visionnaires est de passer l’épreuvedu temps. Cet article nous propose une relecturede la théorie de Augustin Freinet, grandpédagogue du siècle dernier, sous l’éclairagenouveau des technologies de l’information et descommunications. Il y est question des invariantspédagogiques et de l’actualisation dans la classede cette approche en examinant les différents typesde différenciation, soit : LA DIFFÉRENCIATIONRELATIVE AU SENS DES APPRENTISSAGES, LA DIFFÉRENCIATION DES MÉTHODES, LA DIFFÉRENCIATION DES STRUCTURES.

SPIRITUALITÉ OU RELIGIOSITÉ?ÉCHOS D’UN COLLOQUEpar Donald GuertinUn article qui relate les réflexionsd’une centaine de personnes réuniespar le Comité aux affaires religieuses(CAR) autour de la question ducheminement spirituel des jeunes en milieu scolaire, responsabilitéqui incombe maintenant aux écoles,selon l’article 36 de la Loi del’instruction publique.Les actes de ce colloque sontmaintenant disponibles dans le site du CAR, à l’adresse suivante : http://www.meq.gouv.qc.ca/affairesreligieuses

LA PROFESSION ENSEIGNANTEAU TEMPS DES RÉFORMESpar Luce BrossardUn colloque international organisépar le Centre de recherche interuni-versitaire sur la formation et laprofession enseignante (CRIFPE),qui réunissait près de 200 personnes.Au centre des préoccupations deschercheurs invités, la professionenseignante et la mutation du travailau sein de l’organisation scolairedans le contexte d’une réforme.Les participants ont pu faire un tourd’horizon national et internationalde l’évolution de l’identité ensei-gnante dont cet article rend comptefidèlement.

POUR ALLER PLUS LOIN : LA REVUE DES REVUESUn article sur les attitudes des enseignants vis-à-vis les TIC, à consulter sur le site de l’éducation nationale en France : www.education.gouv.fr/stateval

En périphérie, des dossiers intéressants à consulter : Educational Leadership, mars 2004. Un dossier sur la lecture qui mérite le détour. www.ascd.orgLe monde de l’éducation, juin 2004 s’intéresse aux tabous de la violence à l’école.

Les cahiers pédagogiques, mai 2004, nous propose un dossier sur le travail en groupe qui rejoint nos préoccupations actuelles. www.cahiers-pedagogiques.comUn article du Courrier international, en date du 18 août 2004, intitulé : Adolescents : Les secrets de leur cerveau.

Ce texte confirme des intuitions et bouscule bien des idées reçues (www.courrierinternational.com).

sommaire – InternetVie pédagogique,

RECENSIONSQuelques nouvelles parutions.

Un exemple stimulant d’enseignants et d’enseignantes qui ont décidé de prendreen charge leur développement professionnel. Un premier volet de l’article décritla notion d’îlot de rationalité, métaphore pour illustrer une approche interdis-ciplinaire : ce nouveau défi que pose le programme de sciences et technologie ausecondaire. L’article illustre la démarche que se sont donnée ces enseignants.Dans un deuxième temps, il est question plus spécifiquement de l’effet de lamise en place de RÉSCITECH sur les enseignants et les partenaires concernés, et dans la même foulée, les élèves.

Sept-oct 10/28/04 1:51 PM Page 4

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mot dela

rédac-tion

mot de la rédaction

COMME UN VERRE À MOITIÉ PLEINLe cancre l’est souvent par fidélité au regard que l’enseignant pose sur lui

Philippe Meirieu

Numéro 132Septembre-octobre 2004Revue québécoise de développement péda-gogique publiée par le Secteur de l’éducationpréscolaire et de l’enseignement primaire etsecondaire en collaboration avec la Directiondes communications et la Direction desressources matérielles.Secteur de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaireMinistère de l’Éducation600, rue Fullum, 10e étageMontréalH2K 4L1Tél. : (514) 873-8095Téléc. : (514) 864-2294Courrier électronique :[email protected] ADJOINTRobert BisaillonVie pédagogiqueDIRECTIONCamille MarchandCOMITÉ DE RÉDACTIONGhislaine BolducRéjeanne CôtéYvon CôtéSuzanne DesjardinsThérèse Des LierresNicole GagnonCamille MarchandArthur MarsolaisNathalie MichaudDaryl NessMarie-France NoëlMarthe Van NesteMarc-Yves VolcySECRÉTARIATJosée St-AmourCOORDINATION À LA PRODUCTIONMichel MartelDISTRIBUTIONFrance PleauSUPERVISION DE LA RÉVISION LINGUISTIQUESuzanne VinetPHOTOCOMPOSITION TYPOGRAPHIQUEET PHOTOGRAVUREComposition OrléansIMPRESSIONTranscontinental QuébecPHOTO DE LA PAGE COUVERTUREDenis GaronPUBLICITÉDonald BélangerTél. : (450) 974-3285Téléc. : (450) 974-7931Dépôt légal, Bibliothèque nationale du QuébecISSN 0707-2511Les textes publiés dans Vie pédagogique sontindexés dans le Répertoire canadien surl’éducation et dans Repère.Les opinions émises dans les articles de cette revue n’engagent que les auteurs et non le ministère de l’Éducation.Toute reproduction est interdite. Cependant, les étudiants et le personnel d’un établissementd’enseignement situé au Québec peuvent, à des fins personnelles ou d’enseignement,reproduire la totalité ou une partie des articlesfigurant dans la revue Vie pédagogique, à condition d’en citer la source, lorsqu’appli-cable. Toute autre reproduction, notamment à des fins commerciales, nécessite l’autorisation du titulaire de droit.Au Québec, on peut recevoir gratuitementVie pédagogique en écrivant à :Vie pédagogiqueService de la diffusionMinistère de l’Éducation3220, rue Watt, bureau 101Sainte-Foy (Québec) G1X 4Z7ou en consultant le sitewww.viepedagogique.gouv.qc.ca

98-0808

Lors du colloque sur l’Avenirde la profession enseignanteorganisé par le Centre de

recherche interuniversitaire sur laformation et la profession ensei-gnante (CRIFPE), en novembre 2004,Marc Durand, de l’Université deMontpellier, a convié les partici-pants à réfléchir sur le travail del’enseignant1. Ses observations de latâche réelle des enseignants per-mettent de réaliser que, trop souvent,nous avons tendance à projeter surla réalité de la classe le regard nor-matif d’un observateur qui évalue àpartir de critères trop éloignés de lasituation pédagogique.M. Durand a voulu mettre en avantl’importance pour l’enseignant oule formateur de développer l’atti-tude de celui qui observe en tenantcompte de tous les paramètres quisont propres à la situation concer-née. Cette constatation d’un spécia-liste de l’anthropologie cognitivenous permet d’analyser le regardque nous portons sur l’école et, parextension, sur le monde de l’édu-cation.En effet, combien de fois prenons-nous le temps et l’espace nécessairespour nous poser en observateurattentif qui essaie de comprendrece qui se déroule vraiment sous sesyeux? Nous arrive-t-il de considérerce qui se passe réellement, enessayant de comprendre la com-plexité des interrelations entre lesfacteurs d’influence?Or, la situation d’enseignement idéaleexiste-t-elle vraiment? Sur papier,certainement, mais dans la réalité,elle est soumise à de telles contin-gences que les éducateurs ont apprisà transiger avec les interférences.Ainsi, la séquence d’enseignementsans failles n’existe pas, si ce n’estdans un monde idéal, l’acte d’ensei-gner étant essentiellement pragma-

tique et incarné dans l’exercice dela fonction soumise quotidiennementau choc de la réalité.N’est-il pas arrivé un jour, à toutenseignant, de préparer le cours « parfait » pour le voir ensuite « sabo-té » par des facteurs non-prévisibles?Par exemple :

Les élèves sont excités par lesrésultats d’un concours ou, aucontraire, ils sont épuisés parle test qu’on leur a fait passerdans la matinée.On vous demande d’accueillirde nouveaux élèves et de lesintégrer, le jour même, auxactivités de la classe.

L’enseignant doit donc constam-ment négocier, ajuster et adapterses interventions en fonction dumonde extérieur à la classe.C’est d’ailleurs dans la consciencede cette réalité que, collectivement,il nous sera possible de nous don-ner des clés de lecture pour ana-lyser les pratiques et comprendrece qui se déroule sur le terrain.Toutefois, ne nous arrive-t-il pasquelquefois d’évaluer les résultatsdes élèves à partir de ce qui devraitêtre plutôt que de ce qui est, en cequi a trait autant aux méthodesd’enseignement qu’à celles d’éva-luation?Combien de fois entendons-nousparler de tout ce que les élèves nesavent pas et qu’ils devraient con-naître? Combien de fois les élèvessont-ils évalués en mettant en évi-dence uniquement ce qui n’est pasfait parfaitement, souvent surlignéen rouge? Combien de fois rendons-nous compte des acquis d’un élèvepar la négative?Nous agissons parfois comme sinous étions devant des verres àmoitié vides que nous devons rem-plir… C’est vrai. Les jeunes ont tantà apprendre!

Les éducateurs sont à certainsmoments dépassés, écrasés devantla tâche à accomplir et blâment par-fois ceux qui les ont précédés de nepas en avoir fait assez.Pourtant, pour faire baisser cetteforte pression, nous pourrionsplutôt considérer ce qui se passevraiment, ce qui existe effectivement,ce qui est acquis, pour en rendrecompte. L’élève ainsi observé seraitpeut-être encouragé par la recon-naissance de ce qu’il a fait, plutôtque d’être jugé sur ce qu’il n’a pasaccompli.On imagine que cette attitude pour-rait favoriser la réussite de l’élèvequi est considéré comme à risque;une réussite à sa mesure, lui qui n’apas toujours toutes les ressourcesinternes nécessaires pour contrerl’effet cumulatif de nombreusespetites dévalorisations.Pourquoi, à la fin d’une journéed’enseignement, ne pas reconnaîtrece qui a été accompli et ce que lesélèves ont appris, plutôt que de s’at-tarder à ce qui n’a pas été vu?Se donner le temps, consciemment,de reconnaître les bons coups et lesvictoires est un moyen intéressantpour contrer un discours négatifqui parfois occulte les belles actionspédagogiques, voilées par la sommedes gestes qui n’ont pas été posés.C’est ainsi que nous aurons le senti-ment positif de construire et d’aiderl’élève à avancer sur le long cheminde l’apprentissage. Une telle prisesur le réel dégagera un nouvel hori-zon pour apprécier le verre à moitiéplein que chaque élève nous tend.Camille MarchandVos commentaires nous intéressent,écrivez-nous par courriel à [email protected]

1. DURAND, Marc, L’enseignant en milieuscolaire, Paris, PUF, 1998.

PÉDAGOGIQUE5

2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

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VIE6 2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

dossier

L es technologies de l’informa-tion et des communications(TIC)ont de merveilleux outils

au service de l’apprentissage, parcequ’elles permettent de créer desréseaux d’échanges et de motiverles élèves par la nouveauté, l’effi-cacité et la rapidité de l’instrument.D’autre part, elles génèrent de nou-veaux savoirs et des connaissancesà mettre à jour constamment dans uncontexte de développement rapide;à titre d’exemple, il suffit de se rap-peler qu’en 1995, on commençait àpeine à parler d’Internet.

Les rapports aux savoirs mutentégalement. L’accessibilité amélioréeaux sources d’information en opèreune démocratisation et les TIC nousamènent donc à reconsidérer lerapport que le lecteur établit avec le texte, en modifiant les façons del’appréhender; les hypertextes et lapage Web composite, qui font appelà plusieurs langages, en sont desillustrations.Les TIC permettent également dedifférencier les approches, de décloi-sonner l’école en mettant en contact

des élèves de différentes classes et de milieux différents et d’offrirune interface entre les parents etl’école.Toutefois, celles-ci ne sont pas unepanacée, et pour éviter des dérives,elles demandent à être utiliséesavec discernement et surtout à êtreprises en compte dans tous lesaspects de la vie scolaire, car ellesont un impact général sur notremode de vie.Ne faut-il pas également se penchersur les questions d’éthique quepose l’utilisation des TIC?À l’image de l’avènement de l’im-primerie qui a changé le statut dulivre, on peut imaginer que les tech-nologies de l’information provoquentun changement « copernicien » quiinfluence la société en général.C’est donc à la lumière de ces cons-tats que les articles du présentdossier tentent de répondre auxinterrogations suivantes : • Quels sont les impacts des tech-

nologies de l’information et descommunications sur les rapportsentre les élèves, les enseignants et plus globalement sur la péda-gogie?

• Les TIC remettent en question nosfaçons de faire en nous invitant àchanger, mais de quelle façon?

• Elles sont souvent considéréescomme des outils au service de l’apprentissage; toutefois, negénèrent-elles pas de nouveauxtypes de connaissances?

• Peut-on parler d’une écolevirtuelle?

Ce dossier sur les TIC est doncincontournable. Et bien que ce sujet ait déjà été traité en 1998, Vie pédagogique se devait de l’ana-lyser de nouveau. D’ailleurs, notrecollaborateur, Yvon Côté a établi unparallèle intéressant entre 1996 et2004. Espérons, toutefois, que lesdifférents articles proposés pour-ront permettre de mieux cerner uneréalité qui change à un rythme quinous surprend souvent. Les lec-teurs pourront y trouver des pistesd’intervention et d’ajustement depratiques pour favoriser l’appren-tissage, que ce soit à travers destables rondes d’élèves et d’ensei-gnants ou des articles d’analyseproposés par Marie-France Laberge,André Roux et Clément Laberge.Nous vous proposons des témoi-gnages de pratiques novatricesrelatées par nos collaborateurs etun regard sur certaines idées toutesfaites, que Claude Séguin s’emploieà démonter.En complément de dossier, notresite Internet propose des articlesqui abordent des sujets chauds : lematériel didactique à l’ère d’Internetet la différenciation pédagogique.Il y est également question des res-sources offertes aux enseignants etenseignantes par la présentation deportails et du concept sous-jacent àleur mise en place.Bonne lecture.

LES TECHNOLOGIES

DE L’INFORMATION

ET DES

COMMUNICATIONS :

AU-DELÀ DES MURS

DE L’ÉCOLE

Photo : Denis Garon

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PÉDAGOGIQUE7

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EENTRE 1996 ET 2004, LE « N » A DISPARU…

par Yvon CôtéOn ne saura sans doute jamais quand, exactement,

au cours de cette période de huit ans, cette disparition est survenue.Mais en 1996, « N » s’accolait toujours à « TIC » et formait avec lui l’acronyme « NTIC » pour désigner les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication…

En 1996, en effet, on lesappelait encore les « NTIC »;huit ans plus tard, ça fait déjà

un certain temps que le qualificatif« nouvelles » est disparu et qu’on neparle plus que des « TIC ». Faut-ilpenser pour autant que cette « dis-parition » signifie une intégrationcomplète, assumée et pleinementvécue du phénomène? Détrompons-nous : pour beaucoup de mondeencore, ces technologies demeurenttrès nouvelles et parfois même,intimidantes.

La relecture du dossier sur les TIC,pardon! sur les NTIC, paru dans lenuméro de mars-avril 19961 de Viepédagogique, nous révèle biend’autres choses encore quand on lamet en parallèle avec celle du dos-sier sur… le même sujet, qui paraîtdans le présent numéro de la revue.Serez-vous pétris d’étonnement enapprenant que le compte rendu dela table ronde qui avait été tenuealors avec du personnel enseignantcontient le mot « Internet » exacte-ment… zéro fois?… Mais, encore

plus surprenant peut-être, combiende fois, pensez-vous, ce même motapparaît-il dans le compte rendu duprésent dossier de la table rondeavec des enseignants…? Dix fois…?Quinze fois ou plus…? Non : troisfois, bien comptées… Pourtant,l’émergence plus que spectaculairede la « Grande Toile », ces der-nières années, ne fait de doute dansl’esprit de personne et d’ailleurs,dans plusieurs autres articles parusdans le dossier de 1996, cettepoussée d’Internet était annoncée.

Nous vous proposons, dans le tableauci-contre, de prendre connaissanced’autres aspects des TIC tels qu’onen parlait en 1996 et tels qu’on enparle aujourd’hui, en 2004.Aux collaborateurs et collabora-trices qui ont raconté leurs expé-riences avec les « NTIC » dans ledossier présenté en 1996 dans Viepédagogique, nous lançons uneinvitation : écrivez-nous pour nousdire quel a été votre cheminementdepuis lors, où vous en êtes huit ansplus tard, quelles interrogationsdemeurent, etc. Votre témoignagesera déposé dans le site Internet deVie pédagogique.Vous aurez vite compris que, si l’es-pace qui nous était dévolu ici nousl’avait permis, nous aurions pu con-tinuer ainsi pendant quelques pages.M. Yvon Côté est chargé dedossier à la Direction des res-sources didactiques du minis-tère de l’Éducation et membredu comité de rédaction.

1. Vie pédagogique, no 98, mars-avril 1996,p. 15-38.

2. « De quel monde parlons-nous? », dansVie pédagogique, no 98, mars-avril 1996,p. 18.

3. « Risque-t-on de devenir analphabète sion ne sait pas utiliser les NTIC? », dansVie pédagogique, no 98, mars-avril 1996,p. 26.

4. Chiffres de l’enquête NETados 2004 duCEFRIO tels que rapportés par ClaudeSéguin dans son article intitulé Ce qu’onentend sur les TIC, dans le présentnuméro.

5. Enquête NETados 2004 du CEFRIO.6. « De quel monde parlons-nous? », dans

Vie pédagogique, no 98, mars-avril 1996,p. 19.

7. «Dix ans après», dans le présent numéro.8. «Que faut-il faire apprendre aux élèves?»,

Vie pédagogique, no 98, mars-avril 1996,p. 21.

9. « Protic, dix ans après », dans le présentnuméro.

10. « Enseigner avec les NTIC ou commentune équipe peut s’engager sur la voie del’école de demain », Vie pédagogique,mars-avril 1996, p. 27.

11.« Qu’en pensent les enseignants? », dansle présent numéro.

« Si la tendance se maintient, pourutiliser une expression chère auxmédias, les jeunes baigneront de plusen plus dans cette culture. » (RobertDavid2)

« Les NTIC doivent avoir une placeéquivalente à celle que l’on a donnée,au cours des siècles passés, à la lec-ture et à l’écriture. Tous peuvent etdoivent y être formés. » (MichelArcouet3)

« De même que l’action des “inter-nautes” a permis de promouvoir leconcept d’Internet, de même l’actiondes enseignants peut fournir des mo-dèles, orienter des pratiques. Il fautforger l’outil et, dans le contexteactuel, il serait malheureux d’en sous-estimer l’effet. » (Robert David6)

« Enfin, l’utilisation d’instrumentsefficaces contribuerait à la construc-tion des apprentissages. Or les nou-velles technologies de l’information etde la communication peuvent jouer cerôle. D’abord, leur effet sur la motiva-tion des élèves est connu. » (Tableronde avec des enseignants, compterendu de Luce Brossard8)

« Nous savons désormais que l’intégra-tion des NTIC suppose une bonne dosed’humilité et de détachement à l’égardde son propre rôle comme enseignantet nous savons enfin que les NTICappellent un décloisonnement desmatières. » (M. Desbiens, D. Drouin etC. Roussel10)

« 99 p. cent des adolescents ont accédé à Internet durant lessix mois précédant l’enquête. »4

« Il n’est pas nécessaire d’avoir tout de suite une utilisationdans 100 p. 100 des classes pour que 100 p. 100 des élèvessachent utiliser les TIC pour apprendre. Dans la planificationde l’enseignement, chaque école peut se demander si àchaque cycle, chacun des élèves sera sollicité, même si celan’est pas possible à chaque année. »5

« Les intervenants à PROTIC étaient non seulement motivéspar les possibilités pédagogiques de leur nouvel outil de tra-vail, l’ordinateur branché à Internet, mais par l’occasion quileur était fournie de faire l’école autrement et d’être soutenuspar l’école à cet égard. » (Thérèse Laferrière7)

« La motivation des élèves se traduit par leur engagement dansla tâche ou le projet d’apprentissage et de nombreuses heuresd’observation passées en classe PROTIC et en classe ordinairenous l’ont fait constater à maintes reprises. Cependant lamotivation n’est pas nécessairement constante et de tous les moments, et les élèves demeurent des adolescents avectous les intérêts et les réactions bien de leur âge. » (ThérèseLaferrière9)

« Sophie Hamel nous rappelle l’importance de respecter lesdifférences chez les enseignants, l’importance aussi du réseauhumain. Stéphane Côté pense qu’il faut inviter les enseignantsà partager entre eux ce qui se fait. “Regarder ce que tes élèvessont capables de produire, être spectateur et t’émerveillerdevant leur travail. Transmettre aux autres enseignants que lesrésultats dépassent de beaucoup l’investissement.” (Tableronde avec des enseignants, compte rendu de Marie-FranceLaberge11)

D’INTERNET

ET DES TIC

EN GÉNÉRAL

D’INTERNET

EN PÉDAGOGIE

DES TICET DE LA

MOTIVATION

DES ÉLÈVES

SUR LES TICET LES

ENSEIGNANTS

EN PARALLÈLECe qu’on disait en 1996 Ce qu’on dit en 2004

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DE BEAUX ADOS, PAS FORCÉMENT «TECHNOS»…par Yvon Côté

TABLE RONDE RÉUNISSANT DES ÉLÈVES DU SECONDAIRE« Je voudrais, moi aussi, vous remercier… »

N ous sommes aux derniersinstants d’une table ronderegroupant dix élèves de

deux écoles secondaires, l’écoleMonseigneur-Parent, de Saint-Hubert, sur la rive sud de Montréalet l’école Havre-Jeunesse, de Sainte-Julienne, dans Lanaudière. Ils sontvenus échanger avec nous sur laplace qu’occupent les technologiesde l’information et de la commu-nication (TIC) dans leur vie. Lesreprésentants de Vie pédagogique,déjà impressionnés par la qualitéde la participation et l’engagementque ces grands ados ont démontréstout au long de la séance, achèventd’être conquis par l’initiative de cetteparticipante… De longs cheveuxbruns encadrant un fin visage ovaled’où émerge un sourire espiègle :

« … car sans vouloir parlerau nom du groupe, je trouveque ç’a été très enrichissantpour moi aussi… c’est uneexpérience précieuse pournous… ».

C’est à peu près dans ces mots ques’est achevée cette rencontre. Nousdisons « à peu près », car des diffi-cultés techniques (fallait bien quecela arrive au moment d’une tableronde portant sur les technolo-gies…) ont fait que l’enregistre-ment sonore des échanges n’a pasété à la hauteur. Ce contretempsnous oblige à vous livrer un compterendu qui se limite à l’essentiel desidées et des propos recueillis auprèsde ces jeunes sur chacune desquestions qui leur ont été soumises.

ILS SONT BEAUX ET BELLES…Qu’ils ou elles s’affichent enProgressive Clothing, en RalphLauren ou autres vêtements à lamode, qu’elles soient « en nombril »ou non, qu’elles portent leur cellu-laire à la ceinture ou qu’ils portentdes boucles à l’oreille, ils sontbeaux et belles à regarder, beaux et

belles à écouter, beaux et belles à voir aller… Au point que lesadultes vieillissants que noussommes se surprennent à rêver quela relève saura transformer ce mondepas très joli que nous lui léguons…Ils vous regardent droit dans lesyeux, attendent patiemment quevous vous manifestiez et lorsquevous le faites, c’est avec attentionqu’ils vous écoutent et avec calmequ’ils vous répondent.Je sais, je sais, les ados d’aujour-d’hui ne correspondent pas tous àcette description idyllique… Maisles quatre filles et les six gars qui setrouvaient autour de la table cettejournée-là nous ont fait vivre deuxheures et demie de ravissement.D’entrée de jeu, la responsable deVie pédagogique a évoqué la dis-tance temporelle séparant ces adosdes adultes aux têtes plus ou moinspoivre et sel (et parfois même

des réalités bien ancrées dans lemonde technologique d’aujourd’huiet, pour les autres, des réalités diffé-rentes, associées à « leur » temps…Une fois bien posée cette « différen-ciation » entre eux et nous, il leur aété demandé de nous dire quelsétaient leurs loisirs préférés etquelle place occupait l’ordina-teur dans leur vie quotidienne.Pour ce qui est des loisirs, que laplanche à neige, le ski, le basket-ball, la bicyclette ou la natationsoient des activités régulières pourplusieurs n’a étonné personne;mais que l’ordi – et tout ce qui vientavec – soit, pour les uns, « trèsimportant », mais pour certains,constitue une activité parmid’autres, a constitué la premièresurprise de la journée, du moinspour certains d’entre nous. Nousnous serions attendus, jeunesseoblige, à ce que nos interlocuteursfassent grand état de la nécessité etde l’utilité de toute cette quincail-lerie. Mais c’est bien posément etsans remords aucuns (!…) qu’ilsont, comme ça, déclaré : « La com-pétition sportive me laisse peu detemps pour ce genre de choses… ».Ou encore : « Les TIC, c’est uneaffaire d’école, ce n’est pas unoutil quotidien pour moi. »En fait, pour plusieurs de ces ados,les TIC, si on y a accès à la maisonou à l’école, c’est tant mieux : çapeut être utile et amusant; maisbon, si on ne peut les utiliser parcequ’on n’a pas d’ordi sous la main,c’est « d’valeur », mais ce n’est pasun drame… Et lorsqu’on pianotesur un appareil, c’est souvent pourles usages les plus connus et lesplus faciles : un peu de traitementde texte, un peu de recherche dansInternet, une tentative ou deux de présentation « PowerPoint » etbeaucoup de clavardage et d’écoutede musique. On n’a pas l’impres-

sion, sauf pour deux ou trois d’entreeux, qu’ils ont une bonne idée del’ampleur que revêt la révolutiontechnologique et des immensespossibilités qui en découlent. Nonplus, d’ailleurs, qu’ils entrevoient lerevers de la médaille : les pièges et

ANNIE BLAIS

blanches…) qui allaient les écouter,en énumérant une série de mots quiont pour les jeunes d’aujourd’hui etpour ceux d’hier une significationfort différente : câble, cellulaire,programme, virus, surf, etc. Autantde vocables évoquant, pour les uns,

désillusions que ce raz de maréepeut charrier avec lui. Loin de nousl’idée de les en blâmer : comme autemps de Gutenberg et de sonmachin à imprimer, nous sommestoutes et tous plus ou moins cons-cients des bouleversements pré-sents et à venir découlant de larévolution numérique en cours.Ce qui donne lieu à certains para-doxes. Ainsi, en ce qui concerne lesjeunes, ils sont suffisamment coolpour ne pas s’emballer trop vite etse mettre à croire que les TIC vonttout régler, ce qui serait bien sûrune grave illusion, mais par ailleurs,ils n’entrevoient pas très bien toutce que la révolution des TIC est en mesure de leur apporter, ce qui pourrait aussi se révéler unecarence à la longue. Autrement dit,une partie de la réalité semble leuréchapper…

EDMOND-CLAUDE GARCIA-PELLETIER

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Se doutent-ils, par exemple, quel’école, telle qu’ils la connais-sent (et que, souvent, ils n’ap-précient guère…) pourraitdisparaître au profit d’institu-tions virtuelles?… Que cela estdéjà amorcé dans différentspays? Que seulement aux États-Unis, par exemple, il y a près de 200 de ces écoles virtuelles au primaire et plus de 400 ausecondaire?

Mais n’anticipons pas trop… etvoyons ce qu’ils avaient à dire con-cernant la façon dont elles et ils s’ysont pris pour apprivoiser les TIC.

OÙ ET COMMENT AVEZ-VOUSAPPRIS À VOUS SERVIRDES TIC?L’apprentissage des TIC s’est effec-tué pour ces jeunes à peu près éga-lement entre la maison et l’école,avec une légère dominance pourcette dernière (au moins deux outrois d’entre eux n’ont pas d’ordi-nateur à la maison). Mais, saufpour deux élèves, que cela se soitpassé à la maison ou à l’école, laprésence d’un adulte aidant a étédéterminante. Que cet adulte ait été le père ou la mère, un oncle ouun enseignant, son action a servi de catalyseur et, dans bien des cas,l’émule s’est empressé de dépasser

le maître qui, maintenant, a recoursà son ancien élève pour se mettre àjour… Scénario connu.D’autres, un peu moins nombreux,ont profité des connaissances en lamatière de leurs amis et quelques-uns ont largement bénéficié du coursInitiation à la science informa-tique qu’ils ont pu suivre à l’école.Ces derniers sont d’ailleurs parmicelles et ceux pour qui les TICsemblent avoir une grande impor-tance.Toutes et tous, ou presque, admettentque le « tâtonnement expérimental »(ou le « gossage »…) et l’observationde ceux ou celles « qui savaient »ont été abondamment exploités, soità deux ou trois, soit à l’occasiond’un cours particulier ou d’un pro-jet scolaire faisant appel aux TIC.Il est même arrivé à certains d’entreeux de « forcer la main », quelquepeu, à leur enseignant ou ensei-gnante qui hésitait et qui a finale-ment cédé de bonne grâce à leurspressions. Autre scénario connu dumilieu scolaire.

MAÎTRISEZ-VOUS TRÈS BIENUN ORDI OU AVEZ-VOUSL’IMPRESSION D’AVOIR ENCOREBEAUCOUP DE CHOSESÀ APPRENDRE?Ici, nous avons eu droit à notredeuxième surprise… encore unefois, pour certains d’entre nous dumoins. Car les réponses donnéesont varié d’un : « Je ne ressens pasle besoin d’en apprendre davan-tage… », à : « J’aimerais enapprendre un peu plus… pousserun peu plus loin pour avoir plusde plaisir à utiliser tout ce quecette technologie offre; si j’en ail’occasion, je suivrai des cours…»Ce qui, d’un côté, reflète une cer-taine naïveté et, de l’autre, cette ten-dance très nette à la consommation« pure et dure » répandue dansnotre société et chez les ados parti-culièrement. Il est ressorti assezclairement, en effet, que pour lamajorité de ces jeunes, les TIC et cequ’ils offrent constituent davantage

tence à l’utiliser – est aussi différentque de démonter une bicyclette pouren connaître le fonctionnement etles rouages au lieu de perfectionnersa technique dans les côtes ouailleurs.Pour au moins un élève, cependant,les TIC constituent des outils puis-sants et leur utilisation suscite chezlui un enthousiasme comparable àcelui découlant de la lecture d’unbon livre : « (…) t’apprends deschoses, mais tu veux aller plusloin, en savoir davantage… »Et quand, en sous-question, on leurdemande :« L’école vous a-t-ellesuffisamment aidés dans votreapprentissage des TIC? », lesréponses, cela va de soi, sont àl’image de leur intérêt pour lachose : si on « aime » les TIC,l’école aurait pu en faire davantage;mais si elles ne sont pas perçuescomme essentielles, alors l’école aété à la hauteur des attentes.

JEAN-SIMON GOUDREAU

un bien de consommation courantequ’un outil permettant, notamment,de donner libre cours à son imagi-nation et d’exploiter ses facultéscréatrices.Pour au moins deux de ces élèves,apprendre la programmation cons-titue un besoin, une obligationmême : « J’aimerais en savoirbeaucoup plus : on devait avoirdes cours de perfectionnement enprogrammation et on n’en a paseu : ça m’a beaucoup déçu… »Cela est intrigant dans la mesure où, les plus âgés d’entre nous s’ensouviendront, c’est souvent par descours de programmation « 101 »que s’est faite notre initiation à l’or-dinateur dans les années… loin,loin… et que nous étions doncheureux d’en sortir lorsque lesappareils sont devenus plus convi-viaux d’une part et que, d’autrepart, nous nous sommes renducompte que c’est ce que les ordina-teurs nous permettaient de fairequ’il était utile et intéressant d’ap-prendre et non comment la magies’opérait… Il est vrai que ce qu’onentend par « programmation »aujourd’hui et qui attire ces jeunesn’a plus rien à voir avec ce qu’onnous présentait alors, mais ildemeure que d’aller « voir ce qui sepasse dans la machine » – plutôtque de perfectionner sa compé-

Ce qui, par ailleurs, est ressorticlairement, c’est que plusieurs deces jeunes préfèrent que les TICsoient intégrées aux cours et nonqu’elles fassent l’objet d’un appren-tissage en soi; ils apprécient qu’ellessoient associées à des projets, à desactivités.Ainsi, une jeune fille a qualifié de « génial » le fait que des enseignants

STÉFANY LACROIX

GUILLAUME HURTUBISE

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Rleur aient permis, dans des coursoptionnels, de choisir des projetsqui les aidaient à cheminer dansl’apprentissage de la discipline con-cernée tout en s’initiant à l’utili-sation des TIC. Tous les projetsdevaient être réalisés en ayant

UTILISEZ-VOUS LES TIC POUR EFFECTUER VOSTRAVAUX SCOLAIRES?L’accès à un ordinateur ne leurétant pas toujours possible, certainsont répondu par la négative.D’autres ne le font que lorsque lestravaux demandés exigent beaucoupd’écriture. Ils ont alors recours au traitement de texte : « C’est pluspropre, plus présentable… », «…et plus lisible pour le prof…».Ici, on a vite compris qu’il ne s’agis-sait pas tant de faciliter la tâche àl’enseignant que de l’inciter à êtregénéreux dans son évaluation dutravail remis…Qu’arrive-t-il si l’enseignante oul’enseignant exige un travail manus-crit pour éviter que l’élève se servedes logiciels de correction pourprésenter « un beau travail à peuprès sans fautes »? Qu’à cela netienne, certains n’hésitent pas àtaper le texte à l’ordi, à le soumettreà la correction et à le transcrire à lamain ensuite…

« Mon prof n’avait jamais vu unetelle présentation. »À ce sujet, d’ailleurs, plusieursélèves connaissent déjà la règle debase qui veut qu’on ne surchargepas chacune des plages d’une telleprésentation (ce qu’ignorent beau-coup d’adultes qui ont recours à ce logiciel connu). En outre, lesplus hardis vont jusqu’à effectuerquelques démonstrations virtuellesen sciences.Quand l’un des adultes présentsleur a demandé, en corollaire àcette question, si le recours aux TICleur permettait, parfois, de réfléchirdifféremment, de planifier un tra-vail, on a senti un certain flotte-ment… Manifestement, ils n’ensont pas encore là dans l’utilisationde ces outils. Une question sem-blable ayant trait à la possibilité,non seulement de tirer des donnéesd’Internet, mais d’ajouter à la ca-gnotte, n’a pas non plus suscitébeaucoup d’interventions.De la même manière, quand on leura demandé : « Comment les TICont-elles influencé votre façond’apprendre? », cette question, denature un peu plus épistémologiqueou « méta-cognitive », a été suiviede quelques silences… De touteévidence, cela semble être davan-tage une préoccupation d’adultesqui ont des responsabilités éduca-tives. Pour eux, l’aspect fonctionneldes TIC a beaucoup plus d’impor-tance que la valeur intrinsèque decelles-ci. Ils sont « tombés dedansquand ils étaient petits » et leurdemander en quoi cela a changéquelque chose à leur vie (ou, ici, à leur façon d’apprendre), revient,à la limite, à leur demander pour-quoi ils sont nés à la fin du 20e siècleplutôt qu’avant…On a quand même pu constater quela recherche dans Internet cons-titue, pour plusieurs d’entre eux, unmode d’apprentissage différent,plus rapide et plus efficace (l’undes élèves présents avait même suivi

deux cours spécifiquement consa-crés à la recherche dans Internet).Ils ont également développé cer-taines habiletés à départager lesbonnes et les mauvaises référencesou données recueillies dans Internet :« Ça se voit tout de suite si c’estun amateur qui a déposé un textedans Internet… », « (…) justepar les fautes d’orthographe, desfois, on voit bien… ».Une autre élève voit dans Internet desoccasions de peaufiner ses apprentis-sages en chimie, par exemple, en ydénichant des exercices appropriés.

CÉCILE LAUZON

recours aux TIC et l’évaluation dutravail des élèves tenait compte decette exigence. L’élève en question abeaucoup apprécié que l’entraide etla collaboration entre les élèvesaient été à l’ordre du jour. Certainsont créé des pages Web, d’autres ontrédigé un roman, d’autres encoreont tracé un portrait mondial dudomaine abordé. Les travaux qu’ilsont faits ont été consignés dans leurportfolio personnel.Un autre élève nous a fait part d’uneexpérience semblable. Dans uncours de sciences, un enseignant ademandé à ses élèves de choisir unsujet parmi la demi-douzaine qu’ilavait proposés et de s’y investir toutau cours d’un semestre. Ici aussi, le recours aux TIC était fortementencouragé. Cela a donné lieu à desréalisations intéressantes et certainsde leurs auteurs ont connu la con-sécration lorsque leurs œuvres ontfait partie de l’expo-sciences de find’année.

AMINE MAHMOUDI

Mis à part le traitement de texte, le recours aux TIC pour effectuerdes travaux scolaires semble selimiter à quelques utilisations de « PowerPoint », lesquelles étonnentparfois le personnel enseignant :

MAXIME PERREAULT

ET LE « COPIER-COLLER », LA HANTISE DES PROFS…Certains enseignants exigent quetout travail effectué à l’aide d’Inter-net comprenne une bibliographieexhaustive; d’autres « (…) ap-prennent vite quel est le “ style ”de chacun de leurs élèves… », detelle sorte qu’ils discernent aisé-ment les « vrais » travaux du plagiat.

INTERNET, ÇA RECÈLE AUSSIQUELQUES DANGERS, NON?La plupart des élèves présents ontdonné l’impression qu’ils étaienteffectivement conscients de certainsrisques liés à une utilisation inadé-quate d’Internet : les « mauvaises »rencontres par le clavardage, laqualité du français menacée par les

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nouveaux codes d’écriture propresau courriel, l’omniprésence de lalangue anglaise, etc., mais curieuse-ment, comme nous le verrons plusloin, c’est lorsque nous leur avonsdemandé comment ils envisageaientl’avenir des TIC en général, queleurs craintes les plus grandes sesont manifestées.Nous avons également posé la ques-tion suivante : « Si, demain matin,

vous n’aviez plus accès à unordinateur, qu’est-ce qui vousmanquerait le plus? »Toutes les réponses à cette questionont convergé vers l’eldorado quereprésentent les TIC à leurs yeux :l’abondance des informations et larapidité pour y accéder, la satisfac-tion de trouver ce que l’on chercheet la communication instantanée à l’échelle du globe (un élève araconté comment il était heureuxde pouvoir communiquer rapide-ment et fréquemment avec des per-sonnes de sa parenté qui vivent àl’étranger).

COMMENT ENVISAGEZ-VOUSL’AVENIR DES TIC?Les premières réponses à cettequestion annonçaient une vision « genre » dolce vita, un nouvelespoir d’une société des loisirs : « On va pouvoir tout faire…beaucoup s’amuser… ».Mais on a vite senti que tous nepartageaient pas nécessairementcette façon d’entrevoir le futur,notamment en ce qui a trait à la viesociale : « Avec le chat, les gens

auront tendance à s’isoler… », « Parfois, on se retrouve quatrefilles ensemble et l’une de nouss’éloigne pour aller “ chatter ”avec une cinquième!… », « Cer-tains font moins de sport… lisentmoins aussi… et il y a des pro-blèmes d’obésité… », « Il y a moinsde soupers de famille qu’avant… ».Certaines préoccupations d’ordreéconomique sont également ressor-

ties : « Il va y avoir moins d’em-plois; regardez ce qui se passedepuis les guichets automa-tiques… ».Par contre, on a également fait va-loir qu’« avec ou sans portables »,les élèves auront toujours besoind’encadrement et donc que laprésence des enseignants, peut-êtredavantage dans un rôle d’accompa-gnateur cependant, sera toujoursnécessaire.Et les adultes ont applaudi… nonseulement pour ce cri du cœur,mais pour l’ensemble des échangesque nous avons eus au cours decette table ronde.Ah! en passant, savez-vous quelmétier veut exercer la brunette ausourire espiègle qui nous a remer-ciés…? Je vous le donne en mille…Eh oui! vous avez deviné : elle seraenseignante…M. Yvon Côté est chargé dedossiers à la Direction des res-sources didactiques du minis-tère de l’Éducation.

ALES TIC À L’ÉCOLE OU « COMMENT LE MONDE A CHANGÉ

DEPUIS MA NAISSANCE »par Clément Laberge

dans les écoles d’ici et d’ailleurs,afin d’illustrer une réalité qui évo-lue rapidement, j’ai reçu un cour-riel inattendu :

Devant une telle coïncidence, j’aichoisi de répondre prioritaire-ment à mon jeune correspondant.Et c’est ainsi que le dialogue s’en-gagea.Clément : C’est avec plaisir que jevais tenter de t’aider, Victorin. Maisbeaucoup de choses ont changédepuis dix ans au sujet des tech-nologies dans les écoles. Je ne saispas trop par où commencer. Alors,avant que je te réponde, est-ce quetu peux m’expliquer pourquoi tu aschoisi ce thème?Victorin : C’est surtout parce queje suis curieux. Je trouve ça bizarre

que les adultes trouvent extraordi-naire qu’on ait autant d’ordinateursà l’école alors que moi, je trouve çajuste normal. Surtout que je netrouve pas que ce sont de très bonsordinateurs.Clément : C’est vrai que c’est unpeu étrange. Mais si tu savais tousles efforts que ça nous a demandésd’équiper les écoles d’ordinateurs,peut-être que tu comprendrais unpeu mieux.On a entrepris cette importanteopération en 1995. Tu avais un an.Jusqu’à ton entrée à la maternelle,on a investi dans les écoles à peu

A u moment précis où j’allaisamorcer la rédaction d’untexte devant faire état de la

présence des nouvelles technologies

DAVID TELLIER

SONYA ROULEAU

De : Victorin Sainte-MarieÀ : Clément LabergeSujet : Recherche sur les TIC à l’écoleMonsieur Laberge,Je m’appelle Victorin, j’ai 10 ans. Je vous écris parce que j’ai besoin devotre aide. À mon école, nous préparons une exposition sur le thème « Comment le monde a changé depuis ma naissance ». Chaque élève achoisi un thème différent. Moi c’est « Les technologies à l’école ». Est-ceque vous pouvez m’aider?Victorin

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nouveaux codes d’écriture propresau courriel, l’omniprésence de lalangue anglaise, etc., mais curieuse-ment, comme nous le verrons plusloin, c’est lorsque nous leur avonsdemandé comment ils envisageaientl’avenir des TIC en général, queleurs craintes les plus grandes sesont manifestées.Nous avons également posé la ques-tion suivante : « Si, demain matin,

vous n’aviez plus accès à unordinateur, qu’est-ce qui vousmanquerait le plus? »Toutes les réponses à cette questionont convergé vers l’eldorado quereprésentent les TIC à leurs yeux :l’abondance des informations et larapidité pour y accéder, la satisfac-tion de trouver ce que l’on chercheet la communication instantanée à l’échelle du globe (un élève araconté comment il était heureuxde pouvoir communiquer rapide-ment et fréquemment avec des per-sonnes de sa parenté qui vivent àl’étranger).

COMMENT ENVISAGEZ-VOUSL’AVENIR DES TIC?Les premières réponses à cettequestion annonçaient une vision « genre » dolce vita, un nouvelespoir d’une société des loisirs : « On va pouvoir tout faire…beaucoup s’amuser… ».Mais on a vite senti que tous nepartageaient pas nécessairementcette façon d’entrevoir le futur,notamment en ce qui a trait à la viesociale : « Avec le chat, les gens

auront tendance à s’isoler… », « Parfois, on se retrouve quatrefilles ensemble et l’une de nouss’éloigne pour aller “ chatter ”avec une cinquième!… », « Cer-tains font moins de sport… lisentmoins aussi… et il y a des pro-blèmes d’obésité… », « Il y a moinsde soupers de famille qu’avant… ».Certaines préoccupations d’ordreéconomique sont également ressor-

ties : « Il va y avoir moins d’em-plois; regardez ce qui se passedepuis les guichets automa-tiques… ».Par contre, on a également fait va-loir qu’« avec ou sans portables »,les élèves auront toujours besoind’encadrement et donc que laprésence des enseignants, peut-êtredavantage dans un rôle d’accompa-gnateur cependant, sera toujoursnécessaire.Et les adultes ont applaudi… nonseulement pour ce cri du cœur,mais pour l’ensemble des échangesque nous avons eus au cours decette table ronde.Ah! en passant, savez-vous quelmétier veut exercer la brunette ausourire espiègle qui nous a remer-ciés…? Je vous le donne en mille…Eh oui! vous avez deviné : elle seraenseignante…M. Yvon Côté est chargé dedossiers à la Direction des res-sources didactiques du minis-tère de l’Éducation.

ALES TIC À L’ÉCOLE OU « COMMENT LE MONDE A CHANGÉ

DEPUIS MA NAISSANCE »par Clément Laberge

dans les écoles d’ici et d’ailleurs,afin d’illustrer une réalité qui évo-lue rapidement, j’ai reçu un cour-riel inattendu :

Devant une telle coïncidence, j’aichoisi de répondre prioritaire-ment à mon jeune correspondant.Et c’est ainsi que le dialogue s’en-gagea.Clément : C’est avec plaisir que jevais tenter de t’aider, Victorin. Maisbeaucoup de choses ont changédepuis dix ans au sujet des tech-nologies dans les écoles. Je ne saispas trop par où commencer. Alors,avant que je te réponde, est-ce quetu peux m’expliquer pourquoi tu aschoisi ce thème?Victorin : C’est surtout parce queje suis curieux. Je trouve ça bizarre

que les adultes trouvent extraordi-naire qu’on ait autant d’ordinateursà l’école alors que moi, je trouve çajuste normal. Surtout que je netrouve pas que ce sont de très bonsordinateurs.Clément : C’est vrai que c’est unpeu étrange. Mais si tu savais tousles efforts que ça nous a demandésd’équiper les écoles d’ordinateurs,peut-être que tu comprendrais unpeu mieux.On a entrepris cette importanteopération en 1995. Tu avais un an.Jusqu’à ton entrée à la maternelle,on a investi dans les écoles à peu

A u moment précis où j’allaisamorcer la rédaction d’untexte devant faire état de la

présence des nouvelles technologies

DAVID TELLIER

SONYA ROULEAU

De : Victorin Sainte-MarieÀ : Clément LabergeSujet : Recherche sur les TIC à l’écoleMonsieur Laberge,Je m’appelle Victorin, j’ai 10 ans. Je vous écris parce que j’ai besoin devotre aide. À mon école, nous préparons une exposition sur le thème « Comment le monde a changé depuis ma naissance ». Chaque élève achoisi un thème différent. Moi c’est « Les technologies à l’école ». Est-ceque vous pouvez m’aider?Victorin

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près 70 millions de dollars chaqueannée pour acheter des ordina-teurs. Mais depuis que tu as com-mencé l’école, cela a beaucoupdiminué. Cette année, c’est à peuprès 10 millions de dollars quiserviront à acheter des ordinateurspour les écoles primaires et secon-daires du Québec.Cela veut dire que pendant que tu asappris à marcher, à courir, à parler,à attacher tes souliers, à écrire et àcompter, nous avons eu tout juste letemps d’installer les ordinateursdans les écoles et de commencer àapprendre à nous en servir. Et déjà,tous ces appareils se font vieux,comme tu le constates bien.Mais, dis-moi, qu’est-ce que tu faisgénéralement avec les ordinateurs àl’école?Victorin : Parfois on va au labo-ratoire d’informatique pour quechaque élève ait un ordinateur et onfait des exercices et des jeux édu-catifs. On retranscrit aussi destextes qu’on a composés dans laclasse et on les imprime pour fabri-quer un recueil. Il arrive aussiqu’on fasse des recherches dansInternet pour trouver de l’informa-tion sur des sujets comme les paysou les animaux. Mais c’est à peuprès tout. Pas de musique, pas devrais jeux, pas de téléchargements,pas de chat – Rien de ce que je faisavec mes amisClément : Internet… ça c’est ungros changement! Imagine-toi doncqu’il y a dix ans, Internet n’existait àpeu près pas. On n’en parlait mêmepas dans les écoles. Quand tu es né,il y avait dans tout Internet à peinequelques milliers de pages Web, etau Québec, moins d’une centaine.En comparaison, on estime aujour-d’hui qu’il doit exister jusqu’à 2 000 milliards de pages Web regrou-pées en 50 millions de sites Web.Mais ça, je comprends que ça net’impressionne pas parce que tu astoujours vécu dans cet univers. Etaujourd’hui, 89 p. 100 des enfantsde ton âge vont sur Internet à peuprès toutes les semaines!Un des problèmes, c’est que lesjeunes ne font pas la même choseque les plus vieux avec Internet…

C’est probablement ça qui expliqueque tu utilises des logiciels de télé-chargement de musique, de clavar-dage ou des systèmes de messagerieinstantanée chez toi ou chez tesamis, mais pas à l’école. La plupartdes profs ont de la difficulté à uti-liser tous ces logiciels et cherchentdes moyens de pouvoir s’en servirpour t’aider à apprendre — ce quireste évidemment le principal objec-tif de l’école.Mais dis-moi, est-ce qu’il y a aussiquelques ordinateurs dans ta classe?Parce qu’avant, on mettait presquetous les ordinateurs dans des sallesspéciales, les fameux laboratoiresinformatiques, mais de plus enplus, on préfère les installer direc-tement dans les classes.Victorin : Oui, depuis l’annéedernière, il y a deux ou trois ordi-nateurs dans chaque classe del’école. Ils nous servent surtout àcommuniquer avec d’autres écoles.Chaque matin, un élève est respon-sable de vérifier si une autre classenous a écrit par courriel, si desgens ont ajouté des commentairessur notre site Web ou toutes sortesde choses comme ça.Clément : Vous avez un site Web?Voilà qui est intéressant! À quoivous sert-il? Victorin : Le site Web, c’est nou-veau de cette année. C’est ma grandesœur qui nous l’a organisé. Elleappelle ça un « cybercarnet ». C’esttrès simple à faire. On a un mot depasse pour entrer dans le système;ensuite, on trouve une sorte de for-mulaire à remplir avec le textequ’on veut publier et hop!, il appa-raît sur notre site Internet. Des foison ajoute des images ou des petitsfilms qu’on fait avec la caméra de l’école (il y en a juste une danstoute l’école, alors on ne l’a passouvent!).Le site Web permet à nos parents devoir ce qu’on fait dans la classe et à d’autres classes de nous aiderdans certains projets. Les visiteurspeuvent nous faire des commen-taires et parfois, on établit une con-versation. Chaque classe de l’écolea un cybercarnet et on fait partied’un réseau de classes qui en ont

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RAu sujet de l’utilisation que les enfants font d’Internet :L’enquête NetAdos, initiée par le CEFRIO, permet de bien cerner lesprincipaux usages que les jeunes de 12 à 17 ans font d’Internet. Pourconnaître les résultats de l’enquête pour l’année 2004, consulter le sitesuivant : http://www.cefrio.qc.ca/Communiques/commun_55.cfmAu sujet des cybercarnets : Il s’agit d’un site Web qui permet depublier très simplement des textes ou des images sur Internet, qui nenécessite aucune connaissance technique et qui comporte des méca-nismes permettant de signaler automatiquement aux personnesintéressées toutes les mises à jour du site. Plusieurs outils expliquentcomment créer ce type de site, notamment Movable Type et SPIP, quisont déjà utilisés par plusieurs écoles. Le potentiel pédagogique d’un telsite est impressionnant. Pour en savoir plus : http://carnets.ixmedia.com/mario/archives/002424.htmlAu sujet de l’utilisation de la vidéo par les élèves : Le projet St@rest particulièrement intéressant pour avoir des exemples de ce que lesélèves parviennent à réaliser avec une caméra numérique dans un con-texte scolaire. Voir le site suivant : http://recit.cslaval.qc.ca/star/Au sujet des éléphants du Zoo de Granby : L’exemple est fictif,mais il réfère au type d’interaction « hors les murs de l’école » qui est privilégié par des projets comme Le monde de Darwin et Le Village Prologue. Pour en savoir plus : http://darwin.cyberscol.qc.ca ethttp://www.prologue.qc.ca/Au sujet des portails scolaires : Les portails scolaires sont des sys-tèmes qui visent à simplifier l’accès des élèves et des enseignants auxressources d’Internet. À partir d’un mot de passe, les utilisateurs dis-posent d’un environnement personnalisé qui leur permet d’aller sur leWeb, de lire leurs courriels, de consulter des ouvrages de référence oud’utiliser certains logiciels spécialisés. Plusieurs options s’offrent auxécoles et aux commissions scolaires qui souhaitent avoir un portail.Mentionnons particulièrement Collaba, probablement l’option la plussimple et MILLE, probablement la plus prometteuse. Pour en savoirplus, consulter les sites : http://www.collaba.ca et http://www.mille.caAu sujet des TIC à l’école, ailleurs dans le monde : Les donnéescomparatives sont relativement difficiles à trouver, mais le recoupementde nombreuses études indique que la différenciation se fait de plus enplus par les usages des technologies à l’école et de moins en moins parle nombre ou la qualité des équipements. À l’exception de projets parti-culiers basés sur l’utilisation d’ordinateurs portables, comme dans leMaine, dans certaines régions de France et à la Commission scolaireEastern Townships, par exemple, on peut dire que les systèmes sco-laires occidentaux sont à peu près tous comparables; ils se distinguentsurtout sur le plan des approches pédagogiques utilisant les TIC.Au sujet de la situation particulière du Québec : Le rapport finaldu plan ministériel d’intervention pour l’introduction des technologiesde l’information et des communications à la formation générale desjeunes et des adultes (le plan Marois) fournit les informations les plus àjour quant aux statistiques. On peut télécharger ce rapport à l’adressesuivante : http://www.meq.gouv.qc.ca/drd/tic/pdf/bilan5.pdfAu sujet des dons d’ordinateurs aux écoles : Le site Web deOrdinateurs pour les écoles du Québec donne toute l’informationdisponible à ce sujet. On peut y accéder à :http://www.opeq.qc.ca/Au sujet du soutien offert aux enseignants québécois : Le RÉCIT(Réseau pour le développement des compétences par l’intégration destechnologies) est la principale source de soutien aux enseignants quiveulent utiliser les technologies de l’information et de la communica-tion en classe. Pour en savoir plus : http://www.recit.qc.ca

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PÉDAGOGIQUE13

2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

aussi chacune un. Le plus l’fun,c’est qu’on a aussi un système quinous permet de savoir automatique-ment chaque matin ce que toutesles autres classes ont écrit et de leurrépondre facilement. Comme ça onpeut s’entraider et faire des projetsensemble. Même avec des classesdu Nouveau-Brunswick et d’Europe.On a aussi réalisé un projet où oncorrespondait avec le responsabledes éléphants au Zoo de Granby. Il nous a même envoyé des photos.Ça c’était cool!Clément : J’espère que tu sais quetu es vraiment chanceux, Victorin.Ta classe est probablement parmiles mieux organisées au Québec. Il n’y a pas encore beaucoup declasses qui ont une page Web aussidynamique. Les cybercarnets sontune chose encore très récente et oncommence à peine à les utiliserdans quelques écoles. Ça marchepresque toujours bien, parce quec’est très simple à utiliser et, jepense, parce que ça fait tomber lesmurs de l’école.Victorin : Faire tomber les murs del’école? Qu’est-ce que tu veux dire?Ma classe est très solide!;-)Clément : Pardonne-moi, c’est vraique ce n’est pas très clair. C’est uneexpression qui me tient à cœur,parce qu’il y quelques années, onvoyait Internet surtout comme unefaçon d’avoir accès à plus d’infor-mations dans la classe. On disaitqu’Internet était une grande biblio-thèque. Mais de plus en plus, on serend compte que c’est surtout unextraordinaire moyen de communi-quer et de collaborer avec des gens,même s’ils ne peuvent pas venirnous voir pour vrai. C’est ce quevous faites, non?Victorin : Oui, mais je trouve qu’iln’y a pas assez de classes qui fontcomme nous. Des fois on aimeraitcorrespondre avec plus de classes.On peut quand même le faire avecle courriel, presque toutes lesécoles en ont, mais ce n’est paspareil parce qu’on écrit à uneclasse à la fois et c’est moins l’fun.On a moins de commentaires desgens, aussi. Mais l’an prochain,peut-être que ça va changer, parce

que la directrice nous a dit qu’onaurait probablement un portail sco-laire. Elle dit qu’avec ça, chaqueélève aura son propre mot de passe,son adresse de courriel et plein delogiciels pour travailler ensemble àl’ordinateur. J’ai hâte!Clément : C’est vrai que ce serabien quand les écoles auront toutesleur portail pédagogique.Dis-moi, tout à l’heure tu disais quevous correspondez parfois avec desélèves d’autres pays. Est-ce que tupenses que l’utilisation d’Internet à l’école est bien organisée auQuébec? Où crois-tu que c’est mieuxailleurs, aux États-Unis ou en France,par exemple?Victorin : Je ne sais pas pour lesautres pays, mais je sais qu’il y abeaucoup plus d’ordinateurs aubureau de mes parents que dansmon école. J’aimerais qu’on en aitbeaucoup plus. Même que j’aime-rais qu’on ait tous un ordinateurportable, comme à l’école de moncousin.Clément : Tu as raison, l’ordinateurest beaucoup mieux implanté dansplusieurs milieux de travail quedans les écoles. Ça s’explique, maisc’est vrai que tu peux trouver çadécevant. C’est aussi vrai que plu-sieurs écoles commencent à penserqu’il faudrait un ordinateur pourchaque élève… mais ça coûte trèscher pour l’instant et ça soulèvebeaucoup de questions. Je ne pensepas que c’est une pratique qui segénéralisera avant la fin de ton par-cours scolaire, même si ce seraitsuper intéressant.La plupart des écoles que je connaischerchent plutôt à rendre facilel’accès à l’ordinateur et à Internet,en se disant que l’important, c’estqu’il y ait assez d’ordinateurs dansune école pour que tous les élèvespuissent y avoir accès aussi souventqu’ils en ont besoin; et cela peutvarier selon les écoles. Tu croisqu’il y en a un assez grand nombredans ton école?Victorin : Non, vraiment pas! Il enfaudrait au moins deux fois plus! Etdes plus rapides. Même les ordina-teurs neufs sont vieux!

Clément : Imagine-toi qu’il y a dix ans, il y avait dans les écoles du Québec un ordinateur pour 21 élèves, alors qu’aujourd’hui,selon le ministère de l’Éducation, il y en a un pour 7 élèves. Mais c’estvrai que ce n’est sans doute pas assezencore. Et même si on n’a plustellement d’argent pour acheter desordinateurs neufs, la situation con-tinue de s’améliorer, parce que le gouvernement du Québec etquelques entreprises donnent régu-lièrement leurs vieux ordinateursaux écoles. C’est pour ça que tu disque « même les ordinateurs neufssont vieux! ». L’année dernière, lesécoles ont reçu de cette façonpresque 10 000 ordinateurs, et cetteannée, ce sera plus de 90 000, selonle site Web de l’organisme qui super-vise la distribution des ordinateurs.Victorin : Ils donnent leurs vieuxordinateurs aux écoles au lieu deles jeter?Clément : C’est vrai que c’est unpeu surprenant, mais ce n’est peut-être pas si grave. Ça dépend de cequ’on veut faire avec les ordina-teurs à l’école.Victorin : C’est comme ça danstous les pays?Clément : À peu près. Quand on adécidé d’investir dans les ordina-teurs pour les écoles, le principalobjectif était de rattraper d’autresprovinces et d’autres pays, les États-Unis, en particulier. Aujourd’hui, onpeut dire que tous les pays occiden-taux sont à peu près dans la mêmesituation, avec environ un ordina-teur pour sept ou huit élèves (unpeu plus aux États-Unis, un peumoins dans la plupart des payseuropéens).Ce qui est le plus différent d’un paysà l’autre, c’est qu’à certains endroits,on laisse les enseignants explorereux-mêmes les nombreuses possi-bilités des TIC, alors qu’ailleurs, ondit carrément aux enseignants quoifaire. Au Québec, nous avons plutôtchoisi de laisser les profs explo-rer… avec un tout petit peu d’aide(heureusement ils peuvent comptersur le soutien de quelques pion-niers pour favoriser l’entraide!). Onpropose aussi aux profs quelques

projets auxquels ils peuvent sejoindre avec leurs élèves, mais ilssont assez rares. Le plus souvent, cesont les profs qui les inventent.Mais dis donc, on a pas mal fait letour de la situation des technologiesà l’école, que retiens-tu de tout ça?De quoi parleras-tu dans ton expo-sition? Comment le monde a-t-ilchangé à ce sujet depuis ta nais-sance, il y a dix ans?Victorin : Je ne sais pas trop… jevois bien que les adultes ont faitbeaucoup d’efforts, mais je ne com-prends pas vraiment pourquoi c’estsi compliqué d’avoir des ordinateursqui fonctionnent bien à l’école,alors que presque tout le mondedans ma classe en a un à la maison.Alors je pense que je vais dire quele monde des technologies dans lesécoles a eu le temps de changerdeux fois depuis que je suis né. Audébut, il n’y avait pas d’ordis dansles maisons, ni non plus à l’école.Ensuite, il y a eu des ordis neufsdans les écoles, et maintenant il y ades ordis neufs dans les maisons etde vieux ordis dans les écoles.Je dirai aussi qu’au début, quelquesprofs savaient mieux utiliser lesordinateurs que les élèves et quemaintenant ce sont les élèves quisavent le mieux le faire… mais quenous avons besoin des profs poursavoir comment bien se servir del’ordinateur pour apprendre… etpas juste télécharger de la musiqueou faire du chat!C’est à peu près ainsi que notreéchange de courriels a pris fin. Etsi j’ai cru bon rassembler par lasuite quelques informations com-plémentaires (voir l’encadré) j’aisurtout retenu de ma conversa-tion avec Victorin que le plusgrand défi qui attend les écoles ausujet des TIC, c’est d’arriver àtenir compte des usages que lesjeunes en font à la maison ouchez leurs amis. Que ce soit pours’en inspirer ou pour les contre-carrer, il faudra d’abord les com-prendre.M. Clément Laberge est consul-tant en éducation. On peut com-muniquer avec lui à l’adresse decourriel [email protected].

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Dans nos écoles, il y a en cemoment une préoccupationconcernant l’influence des

TIC sur les façons d’enseigner etd’apprendre. Les TIC transformentle rapport au savoir, la gestion declasse et les dispositifs pédago-giques… Vie pédagogique a vouluvérifier auprès des enseignantes etdes enseignants quelle est la placedes technologies de l’information etde la communication dans leur vieet comment se vit l’intégration desTIC en classe. C’est de cette problé-matique qu’ont discuté dix ensei-gnants et enseignantes du primaireet du secondaire lors d’une tableronde qui a eu lieu le 10 marsdernier.

QUELLES SONT LESCONDITIONS QUI FACILITENTL’INTÉGRATION DESTECHNOLOGIES DEL’INFORMATION ET DE LACOMMUNICATION EN CLASSE?Selon Claude Gagnon, bien que cer-taines connaissances techniques debase soient nécessaires, nul besoind’être expert pour s’y mettre. « Quandnous avons le désir de mener àterme un projet qui pour nous a dusens, les technologies s’intègrenttrès bien. Chez nous, même lesnovices ont embarqué dans le pro-jet Grammaire par la bande1 parcequ’ils étaient intéressés au projet…le projet c’est le moteur, finalement. »Michelle Fournier croit égalementque ça prend un minimum de con-naissances, mais souvent, les enfantssont rassurés de voir « que nousaussi, il peut nous en manquer desbouts et ils sont fiers de fouillerpour nous compléter, ça les motiveet eux nous motivent. Par contre,

il y a parfois des groupes d’élèvesqui nous freinent, car ils sont habi-tués de travailler dans les manuelset sont plus intéressés à continuercomme ça. » Patrice Prud’hommecroit qu’au secondaire, l’organisa-tion scolaire doit être revue pourfaciliter une réelle intégration desTIC, car actuellement, les ordi-nateurs sont très souvent au labo-ratoire et non en classe et dans

certaines écoles, dès septembre, ilfaut réserver la période de labopour l’année!Patrice Pichet est convaincu qu’ilfaut s’équiper personnellementpour se familiariser avec les TIC.Mais puisqu’il n’y a jamais eu de programme ou de politiquenationale de subvention pour lesenseignants comme ce fut le caspour les familles (programmeBrancher les familles), c’est diffi-cile pour plusieurs… Cela repré-sente une dépense pour du matérielqui, en plus, devient rapidementdésuet. « Nous avons un ordinateurdans la salle des profs pour douzepersonnes! Moi, c’est en ayantaccès à un ordinateur la fin desemaine, le soir ou pendant les con-gés que j’ai appris rapidement.L’école nous demande d’intégrercela et ne nous facilite aucunementla tâche; alors, comme nous pou-vons très bien actuellement, encinquième secondaire par exemple,donner nos cours de français sanscela, plusieurs ne changent doncpas du tout leur pratique…quandon sait que souvent l’accès à lamachine donne le goût de s’y mettrede plus en plus… c’est exponentiel,une fois qu’on s’y met… » AndréeTurcotte ajoute que les enseignantsqui vont en formation sont souventdes personnes qui étaient déjàintéressées par les TIC. Commentrejoindre les autres? Sophie Hamelajoute que lorsque quelques ordi-nateurs « plantent » en même temps,que les choses ne se déroulent pascomme prévu et que nous ne savonspas où ça va nous mener, il y aencore toutes sortes de peurs quisurgissent! « Mais les enfants, eux,n’ont pas peur, ça fait partie de leurvie. » Cet avis est partagé par

QU’EN PENSENT LES ENSEIGNANTS?par Marie-France Laberge

TABLE RONDE D’ENSEIGNANTS ET D’ENSEIGNANTES

Guy Boucher : Ensei-

gnant de sciences

humaines au secon-

daire, il a été parmi les

premiers étudiants à

travailler avec les TIC,

il y a 10 ans, au cégep

et à l’université. Il se

sert depuis longtemps

d’Internet et utilise de

plus en plus l’ordi-

nateur au fil des ans,

mais ça demeure un

outil… un outil qu’on

ne pourra plus éviter.

Patrice Pichet : En-

seignant de français en

cinquième secondaire

dans une petite école,

Patrice a été longtemps

technophobe, mais

depuis qu’il a bénéficié

du programme « Bran-

cher les familles sur

Internet », il est rapi-

dement devenu presque

« accro »; il a découvert

de multiples possibi-

lités d’utilisation des

TIC, puis… il ne fait

plus rien « à la main ».

Stéphane Côté, qui approuve : « Moiaussi, j’avais un jeune qui faisait deschoses que je ne pouvais pas faire;l’important, c’est de partager et lelevier, c’est la motivation des élèves. »Au tour de Patrice Prud’hommed’ajouter : « Au début, je voyais çatellement gros… puis finalement,

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Dans nos écoles, il y a en cemoment une préoccupationconcernant l’influence des

TIC sur les façons d’enseigner etd’apprendre. Les TIC transformentle rapport au savoir, la gestion declasse et les dispositifs pédago-giques… Vie pédagogique a vouluvérifier auprès des enseignantes etdes enseignants quelle est la placedes technologies de l’information etde la communication dans leur vieet comment se vit l’intégration desTIC en classe. C’est de cette problé-matique qu’ont discuté dix ensei-gnants et enseignantes du primaireet du secondaire lors d’une tableronde qui a eu lieu le 10 marsdernier.

QUELLES SONT LESCONDITIONS QUI FACILITENTL’INTÉGRATION DESTECHNOLOGIES DEL’INFORMATION ET DE LACOMMUNICATION EN CLASSE?Selon Claude Gagnon, bien que cer-taines connaissances techniques debase soient nécessaires, nul besoind’être expert pour s’y mettre. « Quandnous avons le désir de mener àterme un projet qui pour nous a dusens, les technologies s’intègrenttrès bien. Chez nous, même lesnovices ont embarqué dans le pro-jet Grammaire par la bande1 parcequ’ils étaient intéressés au projet…le projet c’est le moteur, finalement. »Michelle Fournier croit égalementque ça prend un minimum de con-naissances, mais souvent, les enfantssont rassurés de voir « que nousaussi, il peut nous en manquer desbouts et ils sont fiers de fouillerpour nous compléter, ça les motiveet eux nous motivent. Par contre,

il y a parfois des groupes d’élèvesqui nous freinent, car ils sont habi-tués de travailler dans les manuelset sont plus intéressés à continuercomme ça. » Patrice Prud’hommecroit qu’au secondaire, l’organisa-tion scolaire doit être revue pourfaciliter une réelle intégration desTIC, car actuellement, les ordi-nateurs sont très souvent au labo-ratoire et non en classe et dans

certaines écoles, dès septembre, ilfaut réserver la période de labopour l’année!Patrice Pichet est convaincu qu’ilfaut s’équiper personnellementpour se familiariser avec les TIC.Mais puisqu’il n’y a jamais eu de programme ou de politiquenationale de subvention pour lesenseignants comme ce fut le caspour les familles (programmeBrancher les familles), c’est diffi-cile pour plusieurs… Cela repré-sente une dépense pour du matérielqui, en plus, devient rapidementdésuet. « Nous avons un ordinateurdans la salle des profs pour douzepersonnes! Moi, c’est en ayantaccès à un ordinateur la fin desemaine, le soir ou pendant les con-gés que j’ai appris rapidement.L’école nous demande d’intégrercela et ne nous facilite aucunementla tâche; alors, comme nous pou-vons très bien actuellement, encinquième secondaire par exemple,donner nos cours de français sanscela, plusieurs ne changent doncpas du tout leur pratique…quandon sait que souvent l’accès à lamachine donne le goût de s’y mettrede plus en plus… c’est exponentiel,une fois qu’on s’y met… » AndréeTurcotte ajoute que les enseignantsqui vont en formation sont souventdes personnes qui étaient déjàintéressées par les TIC. Commentrejoindre les autres? Sophie Hamelajoute que lorsque quelques ordi-nateurs « plantent » en même temps,que les choses ne se déroulent pascomme prévu et que nous ne savonspas où ça va nous mener, il y aencore toutes sortes de peurs quisurgissent! « Mais les enfants, eux,n’ont pas peur, ça fait partie de leurvie. » Cet avis est partagé par

QU’EN PENSENT LES ENSEIGNANTS?par Marie-France Laberge

TABLE RONDE D’ENSEIGNANTS ET D’ENSEIGNANTES

Guy Boucher : Ensei-

gnant de sciences

humaines au secon-

daire, il a été parmi les

premiers étudiants à

travailler avec les TIC,

il y a 10 ans, au cégep

et à l’université. Il se

sert depuis longtemps

d’Internet et utilise de

plus en plus l’ordi-

nateur au fil des ans,

mais ça demeure un

outil… un outil qu’on

ne pourra plus éviter.

Patrice Pichet : En-

seignant de français en

cinquième secondaire

dans une petite école,

Patrice a été longtemps

technophobe, mais

depuis qu’il a bénéficié

du programme « Bran-

cher les familles sur

Internet », il est rapi-

dement devenu presque

« accro »; il a découvert

de multiples possibi-

lités d’utilisation des

TIC, puis… il ne fait

plus rien « à la main ».

Stéphane Côté, qui approuve : « Moiaussi, j’avais un jeune qui faisait deschoses que je ne pouvais pas faire;l’important, c’est de partager et lelevier, c’est la motivation des élèves. »Au tour de Patrice Prud’hommed’ajouter : « Au début, je voyais çatellement gros… puis finalement,

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je m’aperçois que les élèves font pasmal tous la même chose chez eux, à l’ordinateur; ils s’y connaissentdans certains domaines seulement. »Puis, Ahmed Bensaada précise qu’àl’université, on ne forme pas lesenseignants à la gestion de labosd’informatique. Il faut surmonter lapeur d’être ridicule, savoir utiliserles connaissances des élèves, prévoirun plan B. « Il ne faut pas oublierqu’il y a une différence entre savoir« pitonner » et faire un projet. J’aides exemples d’élèves qui, audépart, connaissent peu l’outil,mais qui réussissent de très bonsprojets intégrant les TIC. »

QUELS SONT LES EFFETSDE L’INTÉGRATION DES TICSUR VOS PRATIQUES?Les réponses jaillissent de toutesparts. D’abord, Nathalie Frigon pré-cise que lorsqu’on a un ordinateur,on peut avoir de nouveaux objectifsqu’on n’avait pas auparavant. « Parexemple, maintenant les élèvescréent un conte multimédia; cecim’amène alors à me demandercomment je vais organiser maclasse. C’est le fait de vouloir tra-vailler à l’ordinateur qui m’a faitmodifier mon approche : j’ai inclusle travail en sous-groupe, les ate-liers, j’ai ouvert ma porte à d’autresadultes, divisé ma classe pour faireparticiper au même projet desécrivains, des artistes, des pho-tographes, etc. Des parents sontvenus m’aider et là, j’ai eu àréfléchir à ce que je faisais avecceux qui ne travaillaient pas à l’or-dinateur… J’ai formé des équipesd’experts, certains enfants en cor-rigent d’autres, etc. » Nathalie aconstaté que les jeunes se découvrentdes forces et identifient aussi leursfaiblesses. « Le projet, c’est bien dif-férent, mon rapport à l’autorité achangé. Au projet suivant, les élèves

se sont organisés beaucoup pluspar eux-mêmes et ils venaient mefaire part de leurs besoins. Pour cequi est des apprentissages de base(écriture, lecture, arithmétique), je passe une grande partie de l’annéeà enseigner ces matières puisque je travaille en première année et jene crois pas qu’il soit nécessaired’utiliser l’ordinateur pour ces

apprentissages; je suis plus tradi-tionnelle sur ce plan, je me sersplutôt de l’ordinateur quand lesélèves intègrent leurs apprentis-sages dans leurs projets. »Pour plusieurs, intégrer les TICpermet de « raccrocher plusieursjeunes ». Patrice Prud’homme croitqu’il y a un « alignement favorablede planètes » actuellement : le tra-vail par projets, la coopération, les TIC… « Avec les élèves, on colleune réalité à des grands termes, destermes autrement tellement abstraitspour eux. Pour moi, ça se fait bienen exploitant les TIC. On garde aussides traces de travaux d’élèves surCD, puis tes pairs vont te voir(comme le réparateur Maytag…)pour avoir de l’aide, des conseils;cela crée de nouvelles interactions. »Pour sa part, Ahmed Bensaada aremarqué que sa relation d’autoritéest différente lorsqu’il est au labo-ratoire avec ses élèves. « Je suisplus souvent assis à discuter aveceux, on va chercher des infos, descourriels. Quand on développe cetype de relation, ça permet d’allerplus loin ensuite, dans d’autrescontextes. Les élèves m’envoient desfilms qu’ils ne peuvent pas mettredans leur projet parce qu’ils sonttrop lourds, ils me demandent deles transformer en GIF animé et jeleur montre comment le faire…L’informatique amène de nouveauxtypes d’interaction. Les élèves ontune évaluation par les pairs jumeléeà la mienne pour choisir quelstravaux seront mis en ligne à la findu projet; la moitié de la noteaccordée l’est par des élèves…puis, une publication sur le Web,c’est la meilleure motivation. »En ce qui concerne le dévelop-pement de compétences, AhmedBensaada précise que les projets de sciences incitent à intégrerl’anglais, parce que la plupart des

études scientifiques sont rédigésdans cette langue. « On traduit, onreçoit l’aide du prof d’anglais, puisde l’enseignant de français, on ouvrevers d’autres disciplines et on toucheà toutes les compétences transver-sales, sauf une. »Pour sa part, Stéphane Côté est con-vaincu que l’un des inconvénientsdu système même avec la réformeest que le jeune passe toutes sesclasses même s’il est en difficulté. « En sixième, j’ai des élèves deniveau troisième à sixième… Cesélèves vivent l’échec avec succès! Enétant promu à chaque année, ils ont

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Michelle Fournier :Enseignante de sixième

année au primaire,

Michèle fait partie du

groupe GRISE (Groupe

ressource en informa-

tique pour soutien aux

enseignants) de sa

commission scolaire.

Elle a reçu une forma-

tion pour pouvoir aider

d’autres enseignants à

acquérir quelques con-

naissances de base et

ne pas toujours avoir

à dépendre du tech-

nicien. Michelle est

une adepte. Il est rare

qu’une journée se

passe sans que l’ordi-

nateur en classe ne soit

utilisé.

Sophie Hamel : Ensei-

gnante de quatrième

année au primaire,

Sophie s’est impliquée

tout de suite quand le

Groupe GRISE a été

formé. Elle a cinq ordi-

nateurs en classe et a

accès à trois portables.

Les enfants sont très

motivés et veulent s’en

servir; ils sont souvent

« en projet » et tra-

vaillent mieux qu’avant.

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de l’expérience dans l’échec! Quatreprofs leur ont déjà dit : t’es capable,tu vas l’avoir, et ça ne marchejamais... L’informatique m’aide àleur faire vivre l’apprentissage sousune autre forme, je mets moins l’ac-cent sur l’aspect scolaire avec cesélèves et je trouve que j’arrive à leurfaire apprendre un peu plus. Je

tente d’enseigner à partir des vraieschoses, des choses qui les touchentplutôt que d’enseigner pour passerà la classe suivante. Les élèves quivivent des échecs à répétition com-mencent à vivre du succès véritable. »Stéphane constate que ses meil-leures équipes sont celles qui sontcomposées d’un élève fort en infor-matique, d’un autre fort en français,etc., car un projet de coopérationvéritable nécessite des experts dansdivers domaines. Beaucoup d’ap-prentissages personnels se fontautour du projet et de l’intégrationde l’informatique et les élèvesdeviennent plus efficaces.Andrée Turcotte précise que plu-sieurs volets de la réforme appellentdes changements de pratiques etnon pas seulement l’informatique.Les participants sont tous de cetavis. Michelle Fournier mentionneaussi l’écoute des enfants commeun facteur important de réussitepour mettre sur pied de nouvellesfaçons de faire; par exemple, à cer-tains moments de l’année, les jeunesn’en peuvent plus d’être placés enîlots ou en dyades. Il faut aussi êtrecritique par rapport à la réforme et savoir ce qui convient le mieux à chacun. Cette question amènePatrice Pichet à souligner « que noussommes avant tout des pédagogueset notre mission est d’amener lesélèves à se dépasser, à aller plusloin… à faire faire des petits pasaux plus faibles et des plus grandspas à d’autres. Les TIC aident, ellesmodifient nos pratiques, cela faitpartie de notre quotidien, mais ilfaut savoir regarder intelligemmenttous les moyens que nous avons ».Guy Boucher a aussi changé sesfaçons de faire dans ses activitésparascolaires. « J’ai intégré plus deTIC au parascolaire et on a rac-croché d’autres types de jeunes qui,

même en classe avec l’ordinateur,n’accrochent pas. J’ajouterais que,personnellement, le fait de rencon-trer d’autres enseignants lors decette table ronde aujourd’hui va

qui permet la différenciation et, parricochet, les TIC. Les participantss’entendent sur ce point. AndréeTurcotte précise que la différencia-tion, c’est pouvoir aller chercherailleurs ce qu’on n’a pas; il fautdonc se connaître, connaître sesforces, voir l’aspect positif de larelation avec les autres. SophieHamel a mis sur pied toutes sortesde façons d’organiser le temps etl’espace. Les TIC lui permettent detravailler avec le portfolio électro-nique, une belle voie de différencia-tion qu’elle explore de plus en plusavec sa classe. Andrée ajoute quel’enseignant veut que ses élèvesaiment aller à l’école. « Il fautsavoir à quoi rêvent nos élèves ettenter de les amener vers leursrêves. Si l’informatique répond àcela pour certains, tant mieux. La différenciation est essentielle,parce qu’il y a trop de décrochageet d’élèves en difficulté dans nosclasses et que nous voulons que lejeune ait le goût de continuer. » Unconsensus s’établit autour du faitque les TIC poussent en tout cas àréfléchir et à revoir ses pratiques.Claude Gagnon remarque que lesélèves en difficulté qui voient leurscopies claires et propres à l’ordi-nateur sont fiers d’eux. « Les TICpeuvent aider à faire faire des petitspas à certains… et donnent aussi legoût d’apprendre aux adultes ».Cette réflexion amène Stéphane àparler de la façon dont cela se passeavec son groupe-classe. « J’enseigneplusieurs périodes de façon tradi-tionnelle et une période par jour àl’ordinateur; j’essaie de rendre l’en-fant autonome – c’est un des objec-tifs importants de cette réforme – je l’aide à développer des com-pétences en français, oui… mais sije ne lui montre que ça, ce n’est passuffisant pour vivre dans la société

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R Andrée Turcotte :Après avoir enseigné

pendant vingt ans,

Andrée est maintenant

conseillère pédagogique

pour l’intégration des

TIC au primaire. Elle est

responsable du projet

conventionné RESCOL

SCIENTIC, qui génère

la rédaction d’articles

en sciences et techno-

logie.

Ahmed Bensaada :Enseignant de science

physique au secondaire,

Ahmed est, à l’école,

considéré comme Mon-

sieur Informatique. La

technologie est com-

plètement intégrée à sa

vie. Véritable techno-

phile (doté d’un sens

critique bien aiguisé et

de cinq adresses de

courriel pour répondre

à différents besoins!),

il est responsable du

site Web ainsi que

du comité des TIC de

son école et fait partie

de l’équipe Cyberscol,

dans le projet Sciences

animées.

m’amener à modifier égalementmes pratiques. Primaire et secon-daire ensemble, parler de nos bonscoups, c’est très énergisant. »

QUELS LIENS FAITES-VOUSENTRE L’EXPLOITATION DESTIC ET LA DIFFÉRENCIATION?Ahmed Bensaada fait remarquerque c’est la pédagogie par projets

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actuelle. Selon les capacités de cha-cun, je leur apprends à résoudredes problèmes. Nous avons eu de ladifficulté à gérer le son dans notreprojet cinéma? Alors, nous l’avonstransformé en film muet! Oui, ça

demande des investissementsincroyables, mais je suis fier de direqu’ensuite, 22 jours par année, je ne travaille pas… Ce sont lesélèves qui prennent les choses enmain; ils présentent leur projet àd’autres classes, par exemple. Ilsutilisent l’informatique en situationauthentique… D’autres jeunesviennent les féliciter pour leursfilms! Je peux “ leur faire mangerbien de la misère ” pour qu’ils tra-vaillent ensuite à l’ordinateur. »

COMMENT VOUS SENTEZ-VOUSPAR RAPPORT À L’ÉVOLUTIONSI RAPIDE DES TECHNOLOGIES?Patrice Prud’homme souligne quecertains sentent une pression et que ça n’a pas de raison d’être : «Le logiciel libre, les nouvelles appli-cations… pourtant, ce qui devraitcompter, c’est ce qu’on fait avec ».Ahmed ajoute qu’il ne faut pas toutsuivre à la lettre; l’évolution est trèsrapide, mais il faut tout de mêmeêtre dans l’air du temps. Certainsproblèmes que l’on éprouvait avantsont maintenant résolus, il faut lesavoir. Un autre participant précisequ’il se rallie aux standards interna-tionaux; c’est là que le monde del’éducation peut faire pression.Pour Claude Gagnon, si on n’ap-plique pas la différenciation entreles enseignants, ces outils peuventfaire peur. On n’a pas le temps demaîtriser quelque chose avant queça change. « Si on a des forces,aidons les autres pour qu’ils ne sesentent pas envahis. » Par contre,Guy Boucher constate que le chan-gement fait tout le temps peur et enéducation, c’est connu, ça prend dutemps! « Quand on sera dans unenouvelle phase technique, certainsviendront d’entrer dans la phaseprécédente. C’est toujours commeça. »

QUELLES SERAIENT LESCONDITIONS FACILITANTES POURAMENER LES ENSEIGNANTS« TECHNOLOGIQUEMENTTIMIDES » À OSER?Sophie Hamel nous rappelle l’im-portance de respecter les différenceschez les enseignants, l’importanceaussi du réseau humain. StéphaneCôté pense qu’il faut inviter lesenseignants à partager entre eux cequi se fait. « Regarder ce que tesélèves sont capables de produire,être spectateur et t’émerveiller devant

leur travail. Transmettre aux autresenseignants que les résultats dé-passent de beaucoup l’investisse-ment. Dans ma classe, j’ai souventtrois évaluations de niveaux diffé-rents (comme au plongeon); l’élèvedécide ce qu’il peut passer. On peutcommencer à proposer des solu-tions plutôt qu’uniquement desproblématiques. » Andrée Turcottesoutient que les enseignants ontbesoin d’être rassurés car c’est vraique ce n’est pas du tout simple,avec 29 élèves. « Quand ils ont vécuune seule réussite, des fois c’est ledépart! » Michelle Fournier rap-pelle qu’il faudrait que des genscomme elle (GRISE) soient de nou-veau libérés pour accompagner desenseignants. « Maintenant qu’il y abeaucoup de retraités et de nou-veaux profs, ça devrait être refait. »On s’entend pour dire qu’il faut aussiparler de la motivation des ensei-gnants. Ahmed Bensaada accom-pagne des collègues qui se lancentdans des projets de sciences. « Cer-tains profs travaillent avec moi pourla première fois et l’année suivante,je ne les revois plus parce que c’esttrop de travail : il faut vérifier lesréférences, voir si le contenu estbon, parfois les élèves t’apportentune information dont tu n’as jamaisentendu parler et qu’il faut allervérifier… c’est énorme, et la pre-mière année, c’est encore plus detravail! Pour aller chercher desgens pour les projets, il faudraitvraiment leur libérer des périodes. »Par ailleurs, en général on avouequ’avant que les TIC ne deviennentun outil efficace, il faut se former, il faut comprendre ce qu’ellespeuvent apporter et souvent on lefait en dehors des heures de tra-vail… Certains ne mettront pas toutce temps! Il faudrait reconnaître letemps nécessaire à l’introduction

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Nathalie Frigon : En-

seignante de première

année à l’école privée

Selwyn House, où

chaque enseignant a

son portable, Nathalie

a accès à un équipe-

ment assez important.

Depuis cinq ans,

Nathalie réalise des pro-

jets de création litté-

raire et artistique avec

ses jeunes élèves. Elle

perçoit différemment

son rôle auprès des

élèves ainsi que son

rapport au savoir : le

transfert d’expertise

est plus fréquent, on

cherche à créer une

communauté d’appre-

nants aussi bien en

classe qu’à distance et

il y a aussi interaction

de l’être humain avec la

machine…

Patrice Prud’homme :Après avoir travaillé à

Carrefour Éducation, il

est maintenant anima-

teur au Service local du

RÉCIT (Réseau des

personnes-ressources

pour le développement

des compétences par

l’intégration des tech-

nologies). Patrice se

perçoit comme un

« technophobe guéri ».

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des TIC en pédagogie dans la tâchede l’enseignant, au moins pour uncertain nombre d’années. Ça prendaussi un leadership pédagogique : le directeur devrait identifier lespersonnes dans son équipe qui ont

assurer une intégration en classequi soit signifiante, enrichissante etstimulante.De plus, il est clair que le milieu del’éducation se trouve actuellementen recherche, en phase de tâton-nement par rapport à l’intégrationdes technologies de l’information etde la communication en classe.Mais à cette phase correspond àtout le moins une attitude assezrépandue d’ouverture vis-à-vis lechangement proposé, les enseignantspouvant maintenant entrevoir cer-taines possibilités d’utilisation desTIC. Plusieurs projets de plus en plusconcrets et étoffés sont en train denaître. Selon les participants à notretable ronde, les caractéristiques desTIC favoriseraient l’adoption d’uneapproche socioconstructiviste quiplace le jeune au centre du pro-cessus d’apprentissage et qui met en avant la construction plutôt que la transmission de connaissances.L’utilisation des TIC en classe seraitun vecteur de changement péda-gogique permettant de modifier lerapport au savoir des enseignants etdes élèves, ainsi que le rôle de cha-cun. Plus qu’un simple objet d’ap-prentissage, les TIC deviennent unnouveau moyen pour l’enseigne-ment et l’apprentissage et nousassistons peu à peu à une modifica-tion graduelle des croyances et despratiques des enseignants.Mme Marie-France Laberge estanimatrice au Service nationaldu RÉCIT - Domaine des langues.

1. S’amuser et créer en jouant avec lesrègles de grammaire, est-ce possible?Grammaire par la bande propose unedémarche stimulante où l’élève devient lecréateur d’une bande dessinée mettant enscène des personnages qui évoluent dansun monde où les règles sont la trame del’aventure.

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Claude Gagnon : En-

seignant au primaire,

il fait aussi partie du

groupe GRISE de la

Commission scolaire

des Chênes. Il a mis

beaucoup de temps,

ces dernières années, à

travailler à l’intégration

des TIC en classe, mais

il fait la part des

choses… il n’y a pas

que « l’ordi »! Claude

gère le site Web de

l’école et a également

un site de classe inté-

ressant, ce qui favorise,

entre autres, le senti-

ment d’appartenance

des élèves.

Stéphane Côté : En-

seignant de 6e année,

il apprécie le fait d’avoir

d’abord enseigné l’édu-

cation physique, car il

a toujours appris aux

élèves à coopérer.

Donner un sens à l’ap-

prentissage : c’est là où

il tente de travailler le

plus fort… augmenter

l’estime de soi, entre

autres au moyen de

l’ordinateur, représente

pour lui une priorité

et il est également

très important que les

jeunes constatent le

résultat de leurs ef-

forts, qu’ils voient le

visage des autres

jeunes s’illuminer!

CONCLUSIONIl semble donc que les TIC soient là pour rester et qu’étant donné lavaleur ajoutée qu’elles apportent àde nombreuses sphères du travail del’élève et de l’enseignant, on seraitfou de s’en passer! Cependant, tousles enseignants rencontrés aujour-d’hui rappellent l’importance duregard critique nécessaire pour

des forces sur ce plan, organiser unplan de formation et d’accompa-gnement et ne pas compter que surdes bénévoles.D’autre part, Nathalie Frigon sedemande si on incite suffisammentles enseignants à s’interroger ausujet de la réforme. « Je fais partied’un groupe très critique et je croisque c’est bénéfique, mais comme jetravaille dans un établissementd’enseignement privé, on sent peut-être moins la pression qu’à l’écolepublique pour appliquer tout ça. »Nathalie parle aussi de sa décou-verte d’un colloque qui lui a offertdes pistes de travail et de réflexion :« Je suis tombée en amour avecl’AQUOPS, un colloque où je suisalimentée par des idées riches,stimulantes, intéressantes; finale-ment, nous nous rendons comptequ’il y a des idées qui ont un impactimportant sur les relations avec lesautres enseignants et sur le travaildes élèves. Le questionnement estvraiment important; ensuite, nousexpérimentons tranquillement dif-férentes choses qui ne nous sontpas imposées d’en haut, mais quenous partageons plutôt entre nous. »Sophie Hamel trouve que si tout lemonde faisait la même chose, ceserait moins intéressant, « alorsc’est aussi très bien que des ensei-gnants d’autres classes se focalisentsur autre chose que les TIC, surd’autres types de projets ». Stéphanerenchérit : « Les profs devraient pas-ser aux jeunes leurs forces, leurspassions aussi. » Cependant, il fautformer, accompagner, outiller lesenseignants et comme le dit ClaudeGagnon : « Comment apprendre labicyclette sans bicyclette à la mai-son? Outillons les profs! »

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O ù sont les maîtres en inté-gration pédagogique desTIC? Si nous sommes des

maîtres en devenir, en quoi devons-nous l’être au juste? Avec toutes lestâches qui nous incombent, cer-taines revêtant un caractère urgentsur le plan relationnel en réponse àdes besoins essentiels, pourquoiest-il nécessaire d’accorder unepriorité à l’intégration pédagogiquedes TIC?C’est un rêve de partenariat entre lemonde scolaire et le monde univer-sitaire qui m’a amenée à participerà une recherche en intégrationpédagogique des TIC. Comme j’étaisvraiment débutante en matièred’habileté à utiliser les TIC, je mesuis sentie poussée dans la piscine,en eau profonde; il a bien fallu quej’apprenne à nager! Après cetteexpérience, comment ne pas êtreen accord avec la politique du pas àpas?Je suis donc sortie de cette piscineen ayant compris qu’avant de nousengager dans un partenariat avec lemonde universitaire, il fallait s’as-surer d’avoir l’appui de la directionde notre école et obtenir que lemonde universitaire veuille bienécouter et respecter notre réalitéscolaire. Mais j’en suis sortie égale-ment fascinée par l’accès possible àd’innombrables sources d’informa-tion et particulièrement aux facilitésde communication qu’offre Internet;celles, entre autres, qui nous per-mettent de communiquer avec unmembre de notre famille ou un amiqui vit au loin ou de consulter unexpert.Avec l’arrivée des ordinateurs dansnos classes, que se produit-il? Bienentendu, il faut d’abord que vosélèves aient accès aux ordinateurs!Si c’est le cas, quels types d’activitésleur proposez-vous? Le site Appui-Motivation, basé sur les recherchesde Roch Chouinard (2004), nous

fournit une grille intéressante pouranalyser la qualité de nos interven-tions en classe.Si vous commencez à peine votreapprentissage des TIC, je com-prends qu’un monde inconnu, quel’on ne peut s’approprier sans yaccorder beaucoup de temps,provoque des résistances. Ce nesont pas tous les enseignants quisont attirés par les activités à l’ordi-nateur. En effet, le concept desintelligences multiples ne se limitepas aux enfants. Que dire desdangers évidents associés aux TIC, les sites indésirables, par exemple, de même que le manque d’activitéphysique de plusieurs jeunes? Où sesitue notre responsabilité?La réforme de l’école québécoise amis en lumière la nécessité d’ap-porter des changements importantsdans la relation maître-élève afinqu’elle joue mieux son rôle. Ici,c’est à partir du point de vue de l’in-tégration des TIC que des modifica-tions dans la relation maître-élèvesont abordées pour en arriver à uneéventuelle transformation.

LA RELATION MAÎTRE-ÉLÈVEEST-ELLE MODIFIÉE OUDOIT-ELLE SE MODIFIER...• PARCE QUE LE MONDE DE

L’ORDINATEUR A ENVAHI TOUTES

LES SPHÈRES D’ACTIVITÉ

MODERNES?L’arrivée des ordinateurs dans nosclasses est récente et, pour certainsd’entre nous, l’événement est encoreen gestation. Ainsi, le monde de larecherche ne peut pas prétendre àune grande connaissance. Mais lemouvement est inévitable, les ordi-nateurs envahissent tous les domainesd’activité publics et privés. L’écoledoit, avec discernement, aider lesjeunes à faire face à cette réalité.Affirmons-le tout de suite, noussavons que l’ordinateur ne rem-placera jamais l’apport essentiel

d’une bonne relation pédagogique.Même si certains experts ont laisséentendre que l’ordinateur pouvaitdevenir notre meilleur ami, peut-être parce qu’il fait preuve d’unepatience infinie, nous espéronsqu’ils pourront également recon-naître les richesses incommensu-rables des relations humainesréelles. Nous sommes à l’ère nonseulement du partage de nos dif-férentes expertises, mais aussi de lacréativité qui peut naître d’une col-laboration novatrice.Dans cet ordre d’idées, pourdevenir une véritable organisationapprenante, Peter Senge et ses col-laborateurs (2000) affirment quel’art de la conversation est consi-déré comme plus important que lesordinateurs et la recherche sophis-tiquée. Ils ajoutent qu’il est néces-saire de communiquer concernantdes questions difficiles, quand nossentiments entrent en jeu à proposde nos droits ou lorsque deuxprincipes valables sont en conflit.Nous ne pouvons pas faire l’écono-mie du travail d’équipe nécessaire.Oui aux ordinateurs, pour avoiraccès à la culture, mais apprenonssurtout à mieux vivre ensemble. Il faut être aveugle pour ne pas voirl’envahissement du monde écono-mique au moyen des ordinateursprésents dans nos écoles. Mettredes freins n’apparaît pas être lasolution, mais en composant avec letrain grande vitesse des TIC, lescitoyens les plus responsables denotre société peuvent-ils donnerune direction à ce mouvement?

• ...PARCE QUE L’ÉCOLE NE DOIT PAS

RESTER INDIFFÉRENTE AU FAIT

QUE LA CLASSE DOMINANTE SE

DISTANCE ENCORE PLUS AVEC

L’AVÈNEMENT DES TIC?C’est un fait qu’avec l’avènementdes TIC le pouvoir de la classe domi-nante s’est accru. Il s’agit d’un outil

puissant, qui peut servir à construirecomme il peut servir à détruire. Delà la nécessité d’instaurer la qualitéde l’éducation, elle-même essen-tielle à la qualité de la vie sur laterre.À cet égard, Petrella (2000) nousmet en garde quant à l’éducationpour la ressource humaine, oucomment l’éducation pour et par lapersonne a pu être évincée. L’édu-cation est vue comme un instru-ment de survie, à l’ère de lacompétitivité mondiale; elle a ététransformée en un « lieu » où l’onapprend une culture de guerre (« mieux réussir que les autres et àleur place ») plutôt qu’une culturede communauté (« vivre ensembleavec les autres dans l’intérêtgénéral »).Cependant, nombreux sont ceux quicroient et travaillent à une éduca-tion fondée sur une perspectiveplanétaire, comme en rend comptele rapport de Hrimech et Jutras(1997). L’éducation dans une pers-pective planétaire repose sur uneconviction, celle qu’il est souhai-table – voire indispensable à lasurvie de l’humanité – que l’êtrehumain ait l’occasion de se déve-lopper de manière équilibrée etharmonieuse dans le respect de lapersonne, dans la paix, la justice,l’honnêteté, l’entraide, la solidarité,le respect des autres et la foi enl’humanité.Il importe donc d’assurer unesolide formation sur le plan desvaleurs afin que nos élèves aient le goût de devenir des citoyensresponsables. Comme le dit bienLouise Dupuis Walker (1997) dansson analyse du potentiel extraor-dinaire de la ressource éducative que constitue le réseau Internet, cette haute technologie qui permet une ouverture sur le monde exigecependant que les personnes qui

FASCINÉE MALGRÉ LES DIFFICULTÉS!Réflexions d’une enseignante sur la transformation de la relation maître-élève

à travers son expérimentation en intégration pédagogique des technologies de l’information et de la communication (TIC).

par Céline Gravel

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VIE20 2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

s’en servent apprennent quelquechose de fondamental qui est lepropre de l’école : dégager le sensde l’information, c’est-à-dire l’exa-miner avec un esprit critique.Puisqu’il n’y a pas toujours desadultes présents lorsque les jeunesutilisent Internet, il vaut mieuxcommencer dès leur jeune âge àdévelopper leur jugement. Pourtous les enfants avec qui les parentsdiscutent peu ou qui ne sont pasencouragés à développer un espritcritique, l’école n’est-elle pas unacteur de premier plan?

• ...PARCE QUE C’EST LA LOI

ET QUE, DANS SON NOUVEAU

CURRICULUM, LE MINISTÈRE DE

L’ÉDUCATION LE DEMANDE?La réforme de l’école québécoise(2000) propose de nombreuxchangements aux enseignants. Deschangements qui veulent favoriserdes apprentissages. Nous savons,pour qu’il y ait apprentissage, qu’ilest nécessaire que les activités aientdu sens, de la signification pour lesélèves. Est-ce qu’il peut en êtreautrement pour les enseignants?Plusieurs de ces changementsnécessitent de profondes remisesen question; nous avons doncbesoin de temps pour réfléchir etpour partager nos expériences.Nous ne pouvons pas effectuer tousles changements en même temps.Le domaine des TIC semble pouvoirêtre un levier de changement effi-cace.Plusieurs conditions sont néan-moins à mettre en place relative-ment au matériel, au soutientechnique et à la formation pouratteindre les objectifs fixés. Il s’agitd’un domaine très exigeant dans leprocessus de changement. Maispour tous ceux et celles qui aimentapprendre, de plus en plus deressources sont accessibles.Dans nos écoles, nous aurionsavantage à mettre à profit les dif-férentes forces que nous avonsdéveloppées comme enseignants.Pour l’intégration pédagogique desTIC, je trouve très efficace que lesoutien technique soit donné aux

élèves en notre présence, pourrépondre à des besoins dans laréalisation de projets.

• ...PARCE QUE NOUS NE POUVONS

PLUS PRÉTENDRE DÉTENIR

TOUTES LES CONNAISSANCES

NÉCESSAIRES?L’enseignant n’est plus le granddétenteur de la connaissance. Lesélèves apprennent plus vite que nousà utiliser les TIC, alors que pour lesadultes débutants, elles créent sou-vent une surcharge cognitive. Voilàun bel exemple d’adaptation pro-fonde!Personnellement, j’ai découvert quela solution est de faire preuve d’hu-milité et de savoir puiser dans lesforces de nos élèves. Il est avan-tageux de s’intéresser aux sourcesd’information et aux activités édu-catives accessibles sur Internet.Avoir des élèves experts dans laclasse pour répondre à des besoinstechniques s’avère efficace et pré-cieux. On constate à quel point ilspeuvent développer leurs habiletésdans un contexte d’entraide.Mais parfois les élèves risquent defureter, sans travailler à des appren-tissages qui leur seraient profitables.Sans vouloir tout contrôler, notrerôle d’enseignant est indéniablequant aux prises de conscience àfavoriser. Entre autres, pour ne pas se laisser envahir par les nom-breuses sources d’information, ils’agit de cibler quelques bonnessources et de prendre le tempsd’approfondir, de focaliser sur dessavoirs et des habiletés.Il est intéressant de noter qu’avecles ordinateurs, la plupart du tempsnous nous retrouvons physique-ment du même côté que nos élèveset non plus constamment face àeux, dans une position autoritaire.Nous regardons dans la mêmedirection, nous nous intéressonsensemble à une source d’informa-tion extérieure.Il y a quelques années, je n’invitaispas aussi souvent mes élèves à con-sulter des documents ou des per-sonnes-ressources sur Internet.Nous avions appris à l’université à

préparer nos leçons en demeurantmaître de la situation du début à lafin. Aujourd’hui, les questions sontouvertes et les réponses multiples.Non seulement parce que nos con-naissances ont augmenté, maisparce que nous avons accès à dif-férentes personnes à travers lemonde qui ont des vécus différentset des systèmes de valeurs qui leursont propres. Les ordinateurs nenous apprendront pas à fairepreuve de sagesse, mais ils peuventpermettre de créer des liens et defavoriser la compréhension entredifférentes communautés.

• ...PARCE QU’UNE CLASSE FERMÉE

SUR ELLE-MÊME NE RÉPOND PAS

AUX BESOINS DES JEUNES?Il faut admettre qu’une classe fer-mée sur elle-même et ayant commeseuls outils le papier et le crayon nerépond pas aux besoins des jeunes.À plus forte raison si les élèves ontvécu de nombreux échecs avec cesmêmes outils. Pour garder nosélèves éveillés, il faut leur présenterdes activités qui les intéressent. Ilfaut aussi trouver un équilibre entreles activités individuelles, en équipeet en groupe, des activités qui per-mettent d’effectuer régulièrementdes liens entre les concepts ensei-gnés et ce que vivent les jeunes.Actuellement, notre classe colla-bore avec des classes de France àl’aide du courriel, du clavardagepédagogique et de la vidéocommu-nication. Il est beaucoup plus facilede valoriser la nécessité d’un travailde qualité auprès de nos jeuneslorsque nous savons qu’il s’inscritdans une collaboration interna-tionale. Écrire à notre correspon-dant est fort différent d’effectuer letravail seulement parce que notreprof nous l’a demandé. N’allez pascroire qu’il s’agit ici de sélectionnernos meilleurs élèves comme celapouvait se faire traditionnellement.Tout un chacun dans la classe peuts’investir selon ses capacités. Dansun tel contexte, l’enseignant quitteson statut de juge et prend à cœurla réussite de ses élèves. Il y a uneacceptation et un respect des dif-

férences à développer d’un milieu àl’autre. Nous apprenons à nousconnaître pour mieux tendre versune communauté d’apprentissage.Cela dit, nos activités stimulantesn’ont pas toutes besoin d’ordina-teurs. Nous n’avons qu’à penser àl’expression par les arts. Dans unautre domaine, par exemple, lorsde notre dernière activité de vidéo-communication où une partie desélèves communiquaient avec leurscorrespondants sur le thème « Cequi nous caractérise! », les autresanimaient des activités auprès desenfants de la maternelle sur lesthèmes du poisson d’avril et duprintemps. Plusieurs jeunes ontpréféré l’expérience en maternelleà celle de la vidéocommunication.

• ...PARCE QUE L’ORDINATEUR

NOUS OFFRE DE NOMBREUSES

POSSIBILITÉS DE METTRE

EN PLACE DES ACTIVITÉS

STIMULANTES POUR LES ÉLÈVES?Il est bien vrai que déjà nousretrouvons de nombreuses activitésstimulantes sur Internet conçuespour favoriser des apprentissages.Nous ne sommes pas tenus dedébuter par des activités d’enver-gure pour bénéficier de l’effet stimu-lant que peut produire l’utilisationde l’ordinateur. Auparavant, jen’avais jamais donné de dictée àdeux élèves travaillant à l’ordi-nateur. Cette activité fournit uncontexte de coopération qui estencourageant. Réaliser une produc-tion écrite à partir d’une image quel’élève a lui-même choisie, c’estnouveau et stimulant.Il existe des logiciels éducatifs fort intéressants. L’emploi des ordi-nateurs est motivant parce que cesderniers offrent une rétroactionobjective et immédiate, ce qui per-met aux apprenants d’évaluer leursprogrès et de connaître leur niveau decompétence. Une activité stimulantefavorisant l’attention, les élèves ferontdes acquis sans qu’il soit nécessairede mettre trop de pression.Pour une première fois cette année,à l’aide du traitement de texte Wordet du courriel, j’ai collaboré avec

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PÉDAGOGIQUE21

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certains jeunes à la productiond’ordres du jour et de procès-verbaux des réunions du conseild’élèves de l’école, sans trop alour-dir la tâche des élèves du primaire.Ces dernières années, l’ordinateurfacilitant la production de différentsdocuments, j’ai pu personnaliserdavantage certaines activités d’ap-prentissage. Par exemple, au lieu deréfléchir à une situation hypothé-tique, il semble plus facile pour lesélèves de résoudre un problèmemathématique où ce sont leurscompagnons de classe qui ont àpartager les coûts liés à un voyagequ’ils veulent organiser pour la finde l’année scolaire.Je ne sais pas encore ce que larecherche révèlera au sujet de la diffusion de productions d’élèvesdans Internet, cela étant une pra-tique nouvelle. Il se peut qu’elleproduise des effets positifs sur l’es-time de soi. Un danger possibleserait peut-être de gonfler l’orgueildes jeunes.Avec les années, il sera de plus enplus facile de trouver dans Internetdes démonstrations de procédésscientifiques qui dépasseront noscapacités d’expliquer avec des motset des livres. L’aspect visuel nousfournit dans une forme attrayante etsouvent interactive des sourcesd’information qui peuvent plusfacilement favoriser l’engagementdans la tâche.

• …PARCE QUE L’ORDINATEUR

NOUS OFFRE DES POSSIBILITÉS

DE DIFFÉRENCIATION?Certains élèves arrivent en classeavec un ou quelques champs d’in-térêt bien définis tandis que d’autressont en avance sur les programmes.Il s’avère pertinent d’accorder del’importance à ce qui les attire pouren comprendre les fondements etidentifier les besoins des jeunes.Les activités liées à l’ordinateurn’ont pas à être identiques pourtous. Elles peuvent répondre facile-ment à des besoins et à des rythmesdifférents.

L’ordinateur peut nous aider àréduire le temps de classe utilisépour donner des explications à toussimultanément, alors que nos élèvesont des niveaux différents d’acquisi-tion qui sont appelés à s’accentuer.Ainsi, nous avons plus de tempspour entrer en contact en tantqu’alliés auprès des élèves et pourreconnaître les forces des uns etdes autres. Mais attention, l’accès à l’ordinateur ne doit pas êtreuniquement réservé aux élèves lesplus avancés.L’école a la responsabilité d’offrirdes activités stimulantes aux enfantsqui ont vécu ou qui vivent des situa-tions pénibles en dehors des heuresde classe. Le fait de vivre des acti-vités sociales sécurisantes et bienencadrées permet à ces jeunes destructurer leur identité. En brisantl’isolement dans lequel ils risquentde s’enfermer, nous favorisons ladécouverte de la valeur des appren-tissages pour toute la vie.J’ai apprécié davantage le courrierélectronique lorsqu’il m’a permisde communiquer avec un élève quitenait un discours suicidaire alorsque sa famille quittait la région.Effectivement, depuis près d’un an,il m’écrit de temps à autre. Oui àune ouverture sur le monde, maisprenons bien soin des jeunes quenous côtoyons. Selon Cyrulnik(2003), la figuration du coup, del’événement traumatisant, dansnotre monde intérieur, est unecoproduction entre le récit intimeque se construit le blessé et l’his-toire qu’en fait son contexte cultu-rel. Nous sommes donc impliquésdans les solutions. Nous pouvonstravailler à canaliser la colère, une forme d’énergie, dans un sensconstructif.Lorsque l’un de mes élèves dutroisième cycle a cru qu’il discutaitavec une jeune fille du futur, surInternet, devais-je y voir une pertede contact avec la réalité ou uneoccasion de l’aider à mieux saisir lanotion de futur? Le danger existe defaçon prégnante si personne n’est là

pour recueillir les impressions oules questionnements de nos jeunes.Aspy et Roebuck (1990) se sontappuyés sur l’hypothèse de Rogersau sujet des liens qui existent entrele développement affectif des jeuneset leur développement intellectuel.Selon les mêmes auteurs, l’empa-thie, la congruence et la considéra-tion positive seraient les ingrédientsde base de l’enseignement. Ajouterà cela des stratégies efficaces, quedifférents logiciels peuvent mettreen lumière, fait que nos élèvesseront gagnants.

• ...PARCE QUE L’ORDINATEUR

FACILITE LA RÉALISATION DE

PROJETS LIÉS AUX COMPÉTENCES

QU’IL FAUT DÉVELOPPER DANS

UN PROJET DE VIE?Il existe sur le Web une généreusebanque de scénarios, de projetsvraiment intéressants pour lemonde scolaire. Nous pouvonsnous en inspirer ou tout simple-ment, ce que je trouve très judi-cieux, bâtir des projets avec nosélèves à partir de leurs centres d’in-térêt. Ainsi nous reconnaissons leurpouvoir de décision, de contrôla-bilité sur la tâche. Il importe departager le pouvoir avec nos élèvesafin qu’ils apprennent à choisir.À toutes les étapes de la démarched’un projet, soit l’intention, la plani-fication, la réalisation et la pré-sentation, les ressources qu’offrel’ordinateur peuvent être exploitées.En pédagogie par projets, l’abou-tissement d’un travail réalisé enéquipe donne à tous les élèves lapossibilité de réussir, à des niveauxdifférents. D’un projet à l’autre, des défis doivent être relevés en lec-ture, en écriture et dans d’autresdomaines d’apprentissage.La réalisation de projets en classeest liée à une conception plusglobale d’un projet de vie. « Avoir un projet de vie, c’est se poser en sujet capable d’infléchir sonpropre avenir, et non en victimepassive d’un destin. » (MohammedCherkaoui, cité par Delannoy,1997)

Il est vrai que je suis fascinée parles performances des TIC et par lesnouveaux apprentissages qu’ilsgénèrent, mais je crois qu’il est pri-mordial de maintenir surtout unefascination à l’égard des personnesque sont nos élèves. Il est néces-saire de permettre aux jeunes de se réaliser en classe en s’intéressantà leurs discours, à ce qu’ils res-sentent, en leur donnant l’occasiond’être en relation avec leurs pairs,en leur permettant de bouger et enmettant en place une gestion parti-cipative. Paradoxalement, la grandevitesse de développement des TICmet en évidence la nécessité deprendre le temps d’être avec nosélèves. Tout comme l’intégrationpédagogique des TIC peut, chez lesélèves, contribuer au plaisir d’ap-prendre.Mme Céline Gravel est ensei-gnante au 3e cycle du primaireà l’école Sainte-Thérèse, de laCommission scolaire des Rives-du-Saguenay.

Références bibliographiquesASPY, David et Flora ROEBUCK. On n’ap-prend pas d’un prof qu’on n’aime pas,Montréal, Actualisation IDH, 1990.CHOUINARD, Roch. Appui-Motivation, [Enligne], 2004, [www.appui-motivation.qc.ca].CYRULNIK, Boris. Le murmure des fan-tômes, Paris, Éd. Odile Jacob, 2003.DELANNOY, Cécile. La motivation. Désir desavoir, décision d’apprendre, Paris,Hachette, 1997.DUPUIS-WALKER, Louise. « L’Internet : unoutil de planétarisation scolaire? Quelquesconsidérations éthiques », dans Hrimech, M. et F. Jutras, Défis et enjeux de l’édu-cation dans une perspective planétaire,1997, p. 95-106.HOURST, Bruno. Au bon plaisir d’apprendre,Paris, Dunob, 2002.HRIMECH, Mohamed et France JUTRAS.Défis et enjeux de l’éducation dans uneperspective planétaire, Sherbrooke, Édi-tions du CRP, 1997.PETRELLA, Riccardo. L’éducation, victimede cinq pièges, Montréal, Éd. Fides, 2000.SENGE, Peter et autres. La cinquième disci-pline. Le guide de terrain, Paris, ÉditionsFirst, 2000.

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Le virtuel… univers impal-pable, nouveaux langages etmodes de vie, pratiques du

réseau, phénomène culturel et so-cial. Optimisme, confiance, inquié-tude? Entre réalité et virtualité, nosjeunes en formation doivent trouverl’équilibre.

UNE CIVILISATIONDE L’IMMATÉRIELQu’est-ce que le réel? Et le virtuel?Et l’imaginaire? Bien que ces ques-tions ne constituent pas le thèmeprincipal du présent article, il im-porte d’y consacrer quelques lignes.Des philosophes croient qu’il y aune nature humaine commune, unecertaine universalité de l’humain : la raison, la mémoire et la volontéseraient ce qui nous unifie. Pour cequi est de la réalité, comme le disaitHéraclite, tant qu’on est éveillé onest tous dans le même monde, maisquand on rêve, chacun s’enfuit dansson propre univers. Pour certains, il existe diverses formes de réalité,des réalités plurielles (dont fait par-tie le monde virtuel) et il imported’amener son esprit à en saisir lesnuances. Par exemple, la réalité estaccessible à notre connaissance,mais l’abstraction aussi fait partieintégrante de la réalité. L’imagi-naire, quant à lui, serait un dépas-sement du réel… Et le virtuel? Ce peut être l’idée ou encore lareprésentation, la simulation, l’illu-sion extrême. Il est cependantintéressant de noter que, malgré leconcept d’univers factice souventrattaché au monde virtuel, nousvivons dans une société d’ordrematériel, de consommation, rela-tivement factice elle aussi…Puisque le virtuel est déjà trèsprésent dans la vie de nos jeuneset que ses diverses facettes conti-

nueront à se multiplier, commen-çons à explorer ses rivages.Selon Quéau (2002), ce serait « une bonne pédagogie, pour com-mencer d’apprendre à douter, qued’éprouver des systèmes de repré-sentation alternatifs. Le virtuel n’estpas qu’un lieu de fuite hors dumonde, c’est aussi un lieu d’actionqui est doté d’une certaine crédibi-lité… Le virtuel est le moyen d’agirà l’échelle planétaire, à l’échelledes idées, il a cet immense avantagede nous proposer une réalité alter-native qui fonctionne, et qui nouspermettra de travailler, de rencontrerles autres et d’agir sur le monde ».Pensons par exemple au virtuel(simulation) qui nous prépare àêtre encore plus actif dans lesdomaines du réel : la chirurgie,l’économie, l’aviation... Quand onrevient au réel, on a la possibilité decomparer deux niveaux de réalité;mais une des principales inquié-tudes liées à ces nouveaux universréside dans la possibilité de fuir leréel pour le virtuel. Selon Huriet(1998), « l’attrait est que le réelrésiste tandis que le virtuel obéit ».Peut-on alors s’adresser au substi-tut pour obtenir une satisfactionéquivalente? C’est une questiond’acuité… sucre ou édulcorant? Le réel finira-t-il toujours pas nousrattraper? Nous devons être respon-sables de ce qui nous arrive dansnotre environnement immédiat réelet local. Bref, c’est une approchepédagogique intéressante, selonQuéau (2002), de nous habituer àchanger de régime, de vision et decompréhension. Cela correspondau fait de migrer hors du mondepour aller dans un autre. En reve-nant dans le réel, on pourra yimporter les modalités d’action ou

de solidarité qu’on aura rencon-trées dans le virtuel, et réciproque-ment. « Ce qui paraît intéressant,c’est le va-et-vient, la comparaison,la compétition entre les deux modesde réalité, l’un complétant l’autre. »Toutefois, il manquera toujours aumonde virtuel cette densité, cettesubstance propre aux territoireshumains réels. Naviguer en territoireaffectif fait appel à la sensibilité.Il semble que l’image devenant unecopie de plus en plus conforme dumonde réel, son attrait croît avecl’usage et la représentation prendde plus en plus de place par rap-port à la chose réelle. Dans lemonde virtuel, l’écran donne accès àune infinité de possibilités. Il donneaccès à tout et tout de suite; pourplusieurs, il y a quelque chose demagique là-dedans! Au fil desdécouvertes et des progrès, il devientégalement de plus en plus difficilede distinguer ce qui est spécifique-ment humain de ce qui est spéci-fiquement technologique. Ce quinous préoccupe ici, c’est que lesjeunes sont gavés de messages, queces images auditives et visuelles ontun attrait incontestable sur eux,mais que le recul réflexif nécessairene fait souvent pas partie de ce àquoi nous les initions, le jeunerestant alors dans une zone floue àmi-chemin entre le réel et l’imagi-naire. L’acquisition de règles moraleset sociales s’avère souvent défi-ciente.L’éducation à la virtualité devraitdonc amener l’enfant à se cons-truire dans ce monde d’images :– en sachant qu’il est faux;– en en discutant, comme pour

tant d’autres sujets, avec lesadultes qui participent à saformation.

TOUT SEUL ENSEMBLEOU NOUVELLES CONDITIONSDE SOLIDARITÉ?Une des dérives importantes duvirtuel est la perte du sentimentd’exister dans la réalité, être dans leréel l’avatar d’un personnage virtuelplutôt que l’inverse. Un de ses plusformidables exploits est la culturede réseau, une descendante directede la culture scientifique. Dans lesparagraphes suivants, nous navi-guerons d’un pôle à l’autre de cetespace où les notions d’identité etde communauté prennent un nou-veau sens.L’identité, c’est l’image qu’un indi-vidu a de lui-même et c’est aussil’ensemble de ses voies formellesd’identification vis-à-vis de ses sem-blables; ces dernières années, desidentités numériques (numérisationde nos caractéristiques identitaires :ADN, empreinte oculaire, empreintevocale, mots de passe, etc.) et desidentités virtuelles (utilisées sur lesréseaux entre autres) se sont ajou-tées. La permanence, l’unité et laréalité physique de l’identité sontdes points de référence de moins enmoins solides dans l’univers virtuel.

VIVRE PAR PROCURATION

Au Japon, on appelle otaku l’indi-vidu qui est plus fasciné par levirtuel que par le réel. On parlequasi uniquement de jeunes hommesâgés de 15 à 30 ans; ces derniers nevivent que par procuration, la tech-nologie étant l’ami qui ne demanderien en retour. Les otakus sont engénéral des collectionneurs (d’ob-jets, de données) qui en viennent àabsolument tout savoir sur un sujet;puisqu’ils ne sortent pas de chezeux et sont rivés à leur écran àlongueur de jour, ceux qui arriventà gagner leur vie le font justement

RÉEL, VIRTUEL : UN ÉQUILIBRE À MAINTENIRpar Marie-France Laberge et André Roux

« … une existence épanouie est alors un juste équilibre entre ces différentes composantes. Nous ne sommes finalement que des êtres sur le fil du rasoir devant jongler sans cesse entre nos personnages

pour éviter de sombrer définitivement dans l’un d’eux et de nous y perdre. » (tiré du blogue1 d’un internaute, le 29 février 2004)

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grâce à l’expertise qu’ils ont déve-loppée. Les autres vivent tout sim-plement indéfiniment chez leursparents (en grande majorité à l’aisefinancièrement). La société japo-naise étant beaucoup plus hermé-tique que la nôtre et la pressionsociale beaucoup plus grande, « l’otaku québécois » serait surtoutun individu dont l’isolement estcausé par son rapport à la technolo-gie; il ne souffrirait pas (encore…)de tous les problèmes importantsidentifiés chez les jeunes Japonais.Aux États-Unis, les otakus sontassimilés aux nerds car leurspréoccupations ludiques sont assezsemblables. Pour ces jeunes, il estplus facile de parler par l’entremisede l’ordinateur que de communi-quer avec un véritable être humain;ils recherchent la sécurité dans cenouvel espace. « Timides, peu sûrsd’eux-mêmes, ils découvrent l’amourpar procuration, tombant amou-reux de petites poupées en résine,d’héroïnes de dessins animés ou devedettes fabriquées sur mesure. »Les messageries électroniques repré-sentent leur moyen de communica-tion privilégié « où ils n’apparaissentque sous un pseudonyme. La cons-titution de ces réseaux aboutit à la création d’une véritable cultureunderground, avec ses références,ses points de rendez-vous, sa légende,son langage. » Barral (1999)

UNE CULTURE DU PARTAGE

Toutefois… Internet, c’est aussiune mise en commun d’objectifs,

d’efforts, de résultats dans le sensde co-construction, participation,partage. Ce sont des communautésqui communiquent sur le réseau defaçon horizontale en mettant enavant un sens de la gratuité quin’obéit plus aux logiques commer-ciales habituelles, cette culture serapprochant plutôt de celle des uni-versitaires ou de membres d’asso-ciations. Celui qui, lors d’un exposé,d’un atelier, d’une conférence oud’un forum, fait part de ses idées à ses collègues, espère reconnais-sance et échange. On ne paie pasles idées, on les met en communpour faire progresser le savoir col-lectif. L’aventure du logiciel libre est l’une des plus intéressantes quisoient à cet égard : non hiérarchique,décentralisée et en développementcontinu grâce à des milliers d’indi-vidus. Duplication infinie, sans coûtou presque, et mise à dispositioninstantanée sont deux critères com-plètement opposés à ceux desphilosophies matérialistes. Si vousn’avez pas quelque chose, vous dis-cutez avec ceux qui sont suscep-tibles de l’avoir et vous faitesensuite de même dès que l’occasionse présente. Internet peut servir àéditer ses propres contenus et nonseulement à aller en chercher. Onpeut aussi y recueillir de l’informa-tion et la traiter, différente de celledes médias de masse qui est « mâ-chée » d’avance. Il faut ici seresponsabiliser, mettre en pratiqueson esprit de recherche et son senscritique, se fixer des buts, se doterde grilles d’analyse. « Le réseau » aun impact sur les trois visées duProgramme de formation : cons-truire sa vision du monde, struc-turer son identité et développer son pouvoir d’action. La vision que nous avons de nous-mêmes et dumonde qui nous entoure dépend denombreux facteurs et subit de nom-breuses influences. Tous les acteursdu monde scolaire devraient aiderle jeune à se connaître, à se con-struire et à développer un pouvoird’action dans les diverses commu-nautés auxquelles il appartiendra.

Vivre une ou plusieurs vies à l’écrandevient vite, pour certains jeunes,plus intéressant que le monde réel;si tel est le cas, c’est entre autresparce qu’ils sentent qu’ils n’ont pas de pouvoir d’action sur leurmonde. Pour avoir un pouvoir d’ac-tion, il faut être capable d’imaginerles choses autrement et aller cher-cher ce qui nous manque pouratteindre nos objectifs. Les jeunescontrôlent une bonne part de leur monde virtuel (du moins lepensent-ils), c’est ce qui les attiretant. Cependant, dans notre monderéel, celui qui fait preuve de réflexionet d’ouverture généreuse aux autrestrouvera aussi une voie vers le pou-voir d’action dans sa communauté.

traire, si les relations horizontalesqui ont cours dans le monde virtuelse transposent dans la réalité de laclasse, pour qu’élèves et enseignantsjoignent leurs forces respectives.L’avènement des TIC apporte desmodifications importantes de l’en-vironnement humain; notre espècedoit être capable de s’adapter : êtresévolués, conscients, adaptés à leurenvironnement physique et social,capables de raisonnement et d’émo-tions, c’est ce que nous tendons à être et à développer chez nosélèves.Parler de culture technologiquesignifie mettre l’accent sur un con-tenu ou un ensemble de savoirs etsur une forme qui ramène à unefaçon de voir, de penser, de vivre.Selon Dubet (2003), « la seule cul-ture commune contemporaine estcelle qui est martelée par la publi-cité directe ou déguisée dans sessupports médiatiques au premierrang desquels, la télévision : cultede la réussite individuelle, apologiede la consommation présentéecomme la source du bonheur,marchandisation des rapports hu-mains, sacralisation de l’argent… »Fort heureusement, on trouve deplus en plus de classes où s’élaboreune véritable culture humanistefondée notamment sur la coopé-ration, l’apprentissage de la démo-cratie, les échanges réciproques desavoirs, etc. La question à se posermaintenant est la suivante : Dans lemonde scolaire, disposons-nousd’une culture technologique suf-fisante pour appréhender les évo-lutions qui ne cessent de semultiplier?Pouvons-nous comprendre, utiliseret gérer les TIC? Cela signifie ne passeulement apprendre commentfonctionne notre équipement, maisse demander pourquoi et quandnous devrions nous en servir.Pouvons-nous suivre un peu lesquestions technologiques soulevéesdans l’actualité ou effectuer desactivités technologiques courantes?Si la réponse est non, nous avonsdonc besoin « de mettre le grosorteil à l’eau » sur le plan personnel

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ÊTES-VOUS « ONLINE » OU « OFFLINE »?Comme la vision du monde del’enseignant influence celles quedéveloppent ses élèves, l’adulte sedoit d’avoir au moins une culturetechnologique de base pour que lesjeunes puissent avoir accès auxmoyens pour atteindre leurs buts etsatisfaire leurs besoins dans unmonde où le virtuel investit de plusen plus le réel.Sans cette culture technologiqueminimale, on parlera d’habitués etd’exclus, de rupture sociale, de fosséde générations. Présentement, unegénération est à apprendre ce quela génération précédente n’a pasappris. Qu’est-ce que ça implique?Rien de dramatique, bien au con-

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et en ce qui a trait aux aspects péda-gogiques du réseau et des TIC. Pourprévoir un peu les usages qui s’im-poseront au reste de la société, onpeut aussi regarder aller les jeunes,car leur appropriation des TIC estsouvent plus avancée.

APPRENDRE GRÂCE ÀLA SIMULATION DU RÉELDécouvrir le réel grâce au virtuel…L’apprentissage par la simulation et le jeu, voilà sur quoi travaillentde nombreux chercheurs (et cer-tains depuis un bon moment déjà,au Massachusetts Institute ofTechnology, entre autres). D’aprèsRieber (1998), c’est en rendant leprocessus d’apprentissage intéres-sant en lui-même – non pas le seulrésultat – que l’on peut obtenir le plus de motivation chez l’ap-prenant. Et c’est le jeu qui, selonlui, est susceptible d’y parvenir aumieux. Comme nous l’expliqueFrété (2002), Rieber appelle « seri-ous play » le type d’expériencesd’apprentissage intense dans les-quelles les enfants autant que lesadultes s’engagent, auxquelles ilsconsacrent volontairement desquantités énormes d’énergie et detemps et dont ils retirent en mêmetemps un grand plaisir. L’adjectif « serious » est employé pour éviterune dévalorisation de l’expérienced’apprentissage qui peut avoir lieuau cours d’un jeu. Negroponte, duMIT Media Lab, parle de «hard fun»pour décrire cette approche del’apprentissage.En ce qui concerne le « flow »,identifié par Csikszentmihalyi (1990),il se rapporte spécifiquement aujeu. Il s’agit de cet état de satisfac-tion que l’on expérimente lorsquel’on se sent « porté » par une acti-vité. Les gens qui se trouvent telle-ment engagés et absorbés parcertaines activités ont l’impressionde « flotter » avec elles. Pour ressen-tir le « flow », l’intérêt de l’activité ad’abord une grande importance etil faut savoir se concentrer; ensuite,l’impression de découverte et decréativité amèneront l’apprenant àfaire des efforts cognitifs impor-tants. Pour que cette sensation

puisse se produire, il faut la motiva-tion, un défi à la mesure du joueur,des buts bien définis, une rétroac-tion claire et la possibilité pour l’in-dividu de se sentir en contrôle totalde la situation. On s’aperçoit alorsque les « ingrédients » nécessaires àla génération d’un tel état sont lesmêmes que ceux utilisés pourdécrire les environnements éduca-tifs intrinsèquement motivants. C’estla motivation qui permettra ledéclenchement de l’apprentissageet l’entretien du désir de persisterdans la tâche qui rendra l’élève plusautonome. L’approche construc-tiviste de l’apprentissage fournitdeux éléments qui semblent être enrapport avec la théorie du « flow » :l’apprentissage en situation et l’ap-prentissage autogéré. En effet, l’au-thenticité de la tâche dans laquellel’apprenant est plongé ainsi que sonautodétermination sont deux fac-teurs clés de cette approche et sontà la base de tout investissement pro-ductif de l’apprenant.Toute simulation, et non seulementle jeu, est une reproduction de laréalité dans laquelle les élèvesréagissent comme si la situationétait réelle; elle offre un mode d’ap-prentissage efficace basé sur l’ex-périence.Au cours d’une simulation, les par-ticipants apprennent à partir de cequ’ils font et ils doivent faire faceaux problèmes et aux conceptsdans l’action. C’est donc une mé-thode d’apprentissage active où leformateur joue plutôt le rôle d’unfacilitateur. Pouvoir comparer ceque nous voyons avec ce que nousavons vécu dans un autre environ-nement nous rend plus créatifs;c’est un autre avantage de ce typede situation.

L’ACCROISSEMENT OUCOMMENT APPRENDRE AUXJEUNES À CRÉER UN LIENENTRE LE VIRTUEL ET LE RÉELLe concept d’accroissement est entrain de changer le rapport desjeunes à la réalité. Ce concept puis-sant développé par Englebart etLicklider, du MIT, au début desannées 60, tient pour assuré que la

machine va accroître le potentiel del’humain, lui permettant de raffinerses actions, d’ajuster son parcours,de nuancer son discours, voire demieux structurer sa pensée.Durant la plus grande partie du XXe siècle, l’équipement technique a prévalu sur les systèmes d’opé-ration, qui sont restés plutôt élé-mentaires et nullement conviviaux.L’usager, souvent démuni, étaittotalement dépendant du technicienet du programmeur. Ce n’est qu’audébut des années 80, avec l’intro-duction du système d’exploitationStar de la compagnie Xerox (quirendait accessible pour la premièrefois une interface d’utilisationdirecte2) qu’un système d’exploita-tion parvenait à assujettir le systèmed’opération d’un ordinateur… Defaçon exponentielle, la machineservile allait céder sa place à lamachine accompagnatrice. Le servi-teur se transformait en compagnon.Au même moment, plusieurs fabri-cants de produits électroniquescommercialisaient les premiersjeux vidéos, rendant disponiblesdes univers virtuels dont le réalismevisuel allait inciter de plus en plus àconfondre le réel et le virtuel. Dansces micromondes, tout est factice et facile; même les gestes les plustéméraires restent sans conséquenceset peuvent être effacés grâce à latouche RESET. Très vite, une ques-tion surgissait : les technologiesallaient-elles permettre d’accroîtrele potentiel des jeunes ou allaient-elles devenir le catalyseur d’unabrutissement collectif?

QUAND L’ÉLÈVE SE PERDDANS LE VIRTUEL? ! 15 mars 2004 – LorsqueYann avait 10 ans, il se servait del’ordinateur pour ses loisirs etpour ses études. Trois ans aupa-ravant, à l’âge de 7 ans, lorsqu’ilavait commencé à réaliser destravaux scolaires avec la ma-chine, il avait peur que lapoubelle de son système d’ex-ploitation ne déborde à chaquefois qu’il y déposait des do-cuments.

Aujourd’hui, Yann a 15 ans. Il continue à faire ses travauxsur ordinateur. Il y insère touteune série de renseignementspris à gauche et à droite sur leWeb et dont la fiabilité est sou-vent douteuse. Il met plus l’ac-cent sur la forme que sur lecontenu de ses travaux.Pendant ses moments de loisir,il est engagé dans une jouted’épopée fantastique en réseau.Il a de plus en plus de difficultéà se dissocier de Zorh, le per-sonnage qu’il y incarne. Il passeaussi de plus en plus de temps àclavarder avec des inconnus etde moins en moins de tempsavec ses amis, lesquels, d’ail-leurs, se font de plus en plusrares depuis quelques années.Yann ne réfléchit plus beaucoup,il zappe et il « copie-colle » sansréserve… Il est devenu com-plètement dépendant de la tech-nologie.

Les jeunes de la « Net Generation »font face au risque de confondreréalité et imaginaire lorsqu’ilsopèrent dans des mondes virtuels.Est-il possible de prévenir cetteconfusion, d’éclairer leurs rapportsavec les technologies?

QUAND LE JEUNE CONFONDVIRTUEL ET RÉEL? ! Gabrielle, 11 ans, a adopté il y a quatre mois Milkshake,une vache laitière disponible surwww.vacheland.com. Chaquejour, elle lui prodigue les soinsnécessaires, « fait le train » ets’occupe de la ferme. Alors quela petite famille se retrouve au chalet un samedi matin,Gabrielle se rend compte qu’ellen’a pas réservé les servicesd’une fermière substitut, une « Vache Sitter ». Une grosse peinese lit sur son visage. Sa mère luireproche d’avoir de la peinepour une vache virtuelle. « Jesais bien que ma vache n’est pasvraie mais ma peine, elle, estvraie! ».

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Certains prétendent qu’il faut con-trôler la navigation des jeunes sur leWeb. D’autres affirment qu’il estnécessaire de réduire le tempsqu’ils passent devant l’ordinateurou encore qu’on doit leur interdirede jouer à des jeux d’aventure. Detelles mesures peuvent à courtterme limiter les actions des jeunes,mais elles ne modifient en rien leurreprésentation de la réalité.Plus l’usager est réduit au statut deconsommateur, plus il est à risquede se perdre dans le virtuel, d’endevenir dépendant. Par contre, plusil est conscient et maître de sesactions, plus il pourra développerses capacités en partenariat avec lamachine. Il pourra tirer profit de la puissance de la technologie etaccroître son potentiel en relationavec la machine. Nous devons doncen tant que parents, enseignants et éducateurs favoriser pour nosjeunes le développement d’uneautonomie intellectuelle et affectiveen rapport avec les technologies.

QUAND LA TECHNOLOGIEABRUTIT LES INDIVIDUS?! Dans son livre Fahrenheit 451,Ray Bradbury montre des per-sonnes qui participent à un quiztélé en répondant à des ques-tions simplistes grâce à unemanette de contrôle. Les gens nelisent plus (c’est interdit par la loi) et ne regardent que desbandes dessinées aux phylac-tères vides.

L’ALLIANCE RÉEL-VIRTUELNE PEUT RÉUSSIR QUE SI ELLEEST RÉINVESTIE DANSLE MONDE RÉEL TANGIBLEDepuis une vingtaine d’années,nous avons accès par l’ordinateur àun monde multimédia qui, dans unespace virtuel, nous fournit unecertaine représentation de la réa-lité. Cet environnement virtuel nousdonne également l’occasion d’ac-céder à des micromondes. Il nousest donc possible de manipuler desobjets virtuels, de les déplacer oude les modifier… Qu’il s’agisse desystèmes d’exploitation, de logicielsde simulation, de périphériques desaisie de données ou de jeux d’aven-ture, nous avons à notre dispositiondes outils qui nous permettentd’observer, de modéliser et de con-trôler la réalité virtuelle projetéesur nos écrans, d’agir dans desmondes imaginaires et, de plus enplus, d’avoir une emprise sur laréalité tangible.

QUAND L’ÉLÈVE SE SERT DUVIRTUEL POUR ACCROÎTRESON POTENTIEL?! Mars 1996 – Karine vientd’avoir 11 ans. Elle est suiviedepuis trois ans par une ortho-pédagogue (en dénombrementflottant). Un jour, alors queKarine effectue un travail defrançais que lui a proposé l’in-tervenante, elle demande unepaire de ciseaux et de la colle.L’orthopédagogue lui fait obser-

ver qu’il ne s’agit pas d’un bri-colage, mais d’une leçon defrançais. La fillette lui répondqu’elle le sait très bien, maisqu’elle aimerait tout de mêmeavoir des ciseaux et de la collepour découper et réorganiser la liste de mots avec lesquelselle travaille pour en faire desphrases.Quelques semaines plus tard,alors qu’elle se promène dansson quartier, elle pense à unesolution pour embellir un ter-rain vacant et pollué, une solu-tion qu’elle a découverte paressais et erreurs en jouant àSimCity.Présentement, Karine travaille leschéma narratif à l’aide d’unidéateur. Elle est en train de sur-monter sa difficulté à planifierce qu’elle veut écrire. En uti-lisant cet outil, elle a beaucoupplus d’idées et elle parvient à lesdévelopper plus facilement. Ellepeut illustrer l’histoire qu’elle seraconte dans sa tête. Pour lapremière fois depuis qu’elle està l’école, Karine va participer aujournal de classe.Au début, Karine était le plussouvent une spectatrice contem-plative, se contentant de regarderles autres travailler à l’ordinateur.Malgré une apparente passivité,elle a tout de même saisi le poten-tiel d’un des outils fondamen-taux de toutes les applicationsde bureautique : le découpage etla réorganisation de textes. Sonsens de l’observation lui a per-mis de réinvestir les fonctionscopier et coller dans sa réalitéquotidienne et de découvrir, enjouant, des principes de gestionde son environnement qu’elle a pu réutiliser dans la réalitétangible. Les schémas concep-tuels qu’elle commence à déve-lopper à l’aide de l’idéateur luipermettent de prendre confianceen sa capacité de communiquerpar l’écriture.

Dans un contexte où l’apprenant estconscient et à l’affût d’informations,

capable d’expression et doté d’unéquilibre affectif minimal, il peutcomprendre et assumer ce qu’ilfait. Il est en mesure de maintenirun équilibre heureux entre le réel etle virtuel.

DES OUTILS COMPLEXES POURDES TÂCHES COMPLEXESSi l’écriture et par la suite l’im-primerie ont permis aux humainsd’utiliser des codes et des symbolespour exprimer leur pensée, les tech-nologies de l’information et de lacommunication sont en train, pourleur part, de transformer notrefaçon même de penser et de nousreprésenter la réalité et notre façond’agir sur elle. La linéarité et la per-manence de l’écrit font progressive-ment place à la modularité et à lasystémie des environnements virtuelsqui ont un impact signifiant sur notrefaçon de créer et d’apprendre. Alorsque les médias conventionnels don-naient peu de place à l’erreur dansla version finale du document, lesmédias électroniques permettent deretoucher sa production ou de lamodifier à son gré. Nul besoin detout recommencer. Il est par consé-quent possible d’arriver, en y mettantle temps et l’effort, à une versionfinale qui soit satisfaisante.

QUAND LE VIRTUELFAVORISE LA CRÉATIVITÉCOLLECTIVE?! Juin 2003 – À la soirée degala de l’école secondaireAlexis-Bouthiller, les élèves dugroupe d’anglais sont trèsfébriles. Ils présentent leur toutedernière production vidéo auxparents et aux invités réunisdans la salle.Paul-André, un des élèves dugroupe, est à l’arrière-scène. Il se rappelle les moments fortsde cette belle aventure qu’ilvient de vivre avec ses cama-rades de classe. Cette année,tous ses cours d’anglais ont étécentrés sur la production defilms vidéo.À l’automne, ses camarades ontété initiés à la vidéo numérique

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avec une partie des textes écritsà l’aide d’une application d’édi-tique. L’autre partie du texte estretouchée pour en faire un mes-sage vocal, une annonce quisera diffusée à la radio scolaire.La consigne de leur enseignantest claire : faire en sorte queleur public cible soit bien identi-fié et transformer le messageécrit en message oral en tenantcompte des règles apprises pourobtenir une communicationorale efficace. Le message seraretouché plusieurs fois pourl’améliorer et le rendre con-forme aux exigences. Au mêmemoment, une sous-équipe estdéléguée pour trouver sur leWeb une musique accrocheuselibre de droits pour rehausser lapub. Cette annonce publicitairesera enregistrée en format numé-rique. L’affiche est impriméepuis installée à différents lieuxstratégiques de l’école et duquartier. L’annonce publicitaireest diffusée à la radio étudianteet versée dans le site Web del’école. Au même moment… undes équipiers se charge de tenirla comptabilité à l’aide d’unfichier électronique qu’il a conçupour faire les calculs des dé-penses et des ventes.

DU RÉEL VERS LE VIRTUEL

Un mois plus tard, le directeurde l’établissement que fréquententJoël et ses coéquipiers déposeles fonds amassés dans uncompte bancaire… jusqu’auprochain projet de Joël ou del’un de ses camarades de classe.Demain, les élèves de la classeferont une évaluation de l’en-treprise de leurs camarades (à l’aide d’une grille conçuequelques jours plus tôt parl’équipe de Joël). :-)

On a ici un exemple d’énergie créa-tive qui permet à un groupe d’élèvesde faire des apprentissages signi-fiants à l’aide des technologies,dans l’esprit du Programme de for-mation de l’école québécoise. Lestechnologies de l’information et dela communication que les jeunes

utilisent permettent un accroisse-ment de leur potentiel individuel etcollectif.Les élèves sont mobilisés, ils tra-vaillent à partir d’axes de certainsdomaines généraux de formation(Orientation et entrepreneuriat,Médias, etc.). Ils développent leurscompétences intellectuelles, métho-dologiques et de coopération. Ilstouchent à au moins deux com-pétences disciplinaires. Ils ont lachance de voir leur travail régulépar leurs pairs. Ils ont la satisfac-tion de voir les retombées de leurimplication. Pendant tout ce temps,ils ont transité de façon créative etconstructive entre le réel et le virtuel,les technologies leur permettantd’accroître leur potentiel.Ces élèves sont en train de devenirdes virtuoses de l’ère du numérique.Mme Marie-France Laberge et M. André Roux sont animateursau Service national du RÉCIT-Domaine des langues

Références bibliographiquesBARRAL, É. Otaku, les enfants du virtuel,Paris, J’ai Lu, 2001.CSIKSZENTMIHALYI, M. Flow : The psycholo-gy of optimal experience, New York, Harperand Row, 1990.DUBET, F. Pour tenter d’éclairer le conceptde culture commune, [En ligne], 2001,[http://assoreveil.org/culture_commune.html].FRÉTÉ, C. Le potentiel du jeu vidéo pourl’éducation, [En ligne], 2002, [http://tecfa.unige.ch/perso/frete/memoire/memoire/memoire-cath.pdf].HURIET, C. Rapport d’information n°169 -Images de synthèse et monde virtuel,.[Enligne], 1998, [www.senat.fr/rap/o97-169/o97-169_mono.html].QUÉAU, P. Cyberespace ou le jeu ver-tigineux du virtuel, [En ligne], 1995,[www.humains-associes.org/no7/ha.no7.queau.1.html].RIEBER, L. P. Conception et implémenta-tion de scénarios pédagogiques riches, [Enligne],1998, [http://tecfa.unige.ch/proj/seed/catalog/docs/gueret03/html/gueret03-schneider.html].TAPSCOTT, D. Growing Up Digital : The Riseof the Net Generation, Toronto, McGrawHill, 1998.

1. Blogue : n. m. Page Web évolutive et nonconformiste présentant des informationsde toutes sortes, généralement sousforme de courts textes mis à jour régu-lièrement, et dont le contenu et la forme,très libres, restent à l’entière discrétiondes auteurs.

2. Système d’exploitation visuel doté d’unbureau sur lequel reposent des docu-ments et des dossiers représentés par desicônes tels ceux offerts sous Windows,Mac OS et KDE sous Linux.

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Rlorsqu’ils ont monté, tournépuis édité un extrait de HarryPotter. Pendant l’hiver ils ontproduit leur version de la Guerredes tuques… sans neige!Et ce soir, ils présentent unesérie de vignettes qu’ils ontcréées de toutes pièces.

Alors que bien des jeunes ne fontque « consommer » du cinéma,Paul-André et ses camarades declasse produisent des films. Ils ontaccès à un univers virtuel qui était,il y a encore quelques années,réservé à des réalisateurs et à desproducteurs qualifiés. Paul-André etses camarades ont travaillé fortdurant toute l’année scolaire. Trèsfort. La première fois qu’il a vu unextrait de leur premier film, il ademandé à son enseignante lapermission de refaire une scène. Il avait constaté à quel point il neparlait pas assez fort et n’articulaitpas bien les mots lorsqu’il s’expri-mait en anglais. Puis, à la suite duvisionnement de la reprise, il ademandé qu’on reprenne encore lascène, car cette fois, il parlait tropvite. En mars, lui et ses équipiersont demandé à leur enseignante lapermission d’entrer à l’école durantles journées pédagogiques afin dereprendre le découpage du film. Lasemaine précédente, ils avaientinséré de nouvelles transitions entreles scènes et, après les avoir vision-nées, étaient tous d’accord pourdire que cela ne fonctionnait pas.Personne n’a jamais parlé d’au-torégulation à Paul-André. Mais latechnologie lui a fourni des outilsperformants qui facilitent le regardcritique et la prise de conscience etpermettent l’apport des correctifsnécessaires.

L’ACCROISSEMENT AUSERVICE DES SITUATIONSD’APPRENTISSAGE COMPLEXESSans supervision, un jeune peutfacilement s’égarer sur la voie duvirtuel. Toutefois, si on lui fournitun encadrement flexible, il pourrafaire une utilisation créative dumonde virtuel qui préserve le lienavec le monde réel.

QUAND LA TECHNOLOGIEREHAUSSE LE NIVEAUDE CONSCIENCE,D’IMPLICATION ET DECRÉATIVITÉ D’UN GROUPE?! DU RÉEL VERS LE VIRTUEL

Joël veut organiser une vente de T-shirts pour amasser des fondspour sa classe. Avec l’accord deson enseignante, il rassembleune petite équipe. À l’aide d’unidéateur, ils font l’inventaire des ressources humaines, maté-rielles et technologiques dont ilsauront besoin pour mener leurprojet à terme. Leur schéma estretouché à plusieurs reprises(et il continuera de l’être tout aulong du projet).Les équipiers resteront toujoursen contact, même pendant lessoirées et les week-ends à lamaison, pour échanger leursidées grâce au carnet virtuelauquel ils accèdent sur le portailde leur commission scolaire.

DU VIRTUEL VERS LE RÉEL

Une équipe va sur le Web pourtrouver un grossiste qui peutfournir des chandails qui leurseront livrés par la poste dès lelendemain. Une autre équipe secharge de créer un nouveaulogo à l’aide d’une applicationde graphisme…

DU RÉEL VERS LE VIRTUEL

Finalement, les infographistes enherbe optent pour la numérisa-tion d’un logo créé « à la main »par l’« artiste » de la classe… ilsretouchent l’œuvre numériséepour y ajouter un jeu de formesgéométriques qui sert de cadreet ils y inscrivent le nom del’école.

DU VIRTUEL VERS LE RÉEL

Le logo est imprimé sur un pa-pier spécialement conçu pouren permettre le transfert sur leschandails.Pendant ce temps… une autreéquipe se charge d’écrire unmessage publicitaire, d’abord àl’aide de l’idéateur, puis avec untraitement de texte et un cor-recteur. Une affiche est montée

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S’éveiller à d’autres cultures.Partager des émotions au-delà des distances. Commu-

niquer avec des personnes éloignées.Recevoir des conseils d’un virtuosede la musique. Voilà quelques expé-riences que des élèves de l’écolesecondaire Hormisdas-Gamelin1

ont vécues.L’école secondaire Hormisdas-Gamelin (Commission scolaire auCœur-des-Vallées) est située àGatineau (secteur Buckingham),dans la région de l’Outaouais.Comment ses élèves ont-ils pucommuniquer avec des élèves deKangiqsualujjuaq, au Québec, deToronto, en Ontario, et de Gander, à Terre-Neuve? Parce que leur écoleest un des rares établissements auQuébec qui sont équipés d’unetechnologie permettant des vidéo-conférences.

UN PEU D’HISTOIREÀ l’instigation du Centre derecherches sur les communicationsCanada2, en 2000, des enseignantsde diverses localités du Canada serencontrent virtuellement pourpartager leurs connaissances, leursquestions sur la pédagogie par pro-jets et sur la technologie de lavidéoconférence. C’est le point dedépart de cette aventure. Par lasuite, l’école secondaire Hormisdas-Gamelin reçoit l’équipement néces-saire, grâce au financement deCanarie3 et de sa commission sco-laire, pour tenir des vidéoconfé-rences dans ses murs. Dorénavant,les enseignants n’ont plus à sedéplacer à Ottawa et les élèvespeuvent participer aux activités.

UN PEU DE TECHNOLOGIELes écoles ont recours à CA*net4pour favoriser les rencontres vir-tuelles en direct par l’entremise duCentre de recherches sur les com-munications Canada. Ce type deconnections permet de transmettresimultanément une très grande

quantité d’informations et de lafaire parvenir à une vitesse plusaccélérée qu’avec les liens du réseauInternet. Cette classe virtuelle utiliseune infrastructure sur réseau àlarge bande (fibre optique) qui luipermet de se servir des outils multi-médias et des logiciels.

AU DÉPART : LA PRINCIPALEDIFFICULTÉDisons-le franchement. Pour vivredes expériences virtuelles, l’écoledoit acquérir un équipement sophis-tiqué, mais où trouver l’argent?Puis, une fois que l’on a les outils, il faut en assurer le fonctionnementet la maintenance : par qui? Quoiquele coût ne soit pas exorbitant sur cedernier chapitre, il est tout demême là. L’appui des commissionsscolaires et des directions d’écoleest alors crucial, ainsi que l’en-thousiasme d’enseignants ou d’en-seignantes, telle Brigitte Lussier qui assure la coordination du projet Canarie à l’école secondaireHormisdas-Gamelin.

PARTONS À LA DÉCOUVERTEDE TROIS EXPÉRIENCESVIRTUELLES VÉCUESEN 2003-2004PREMIÈRE EXPÉRIENCE : LA VALISE D’HANA4

Connaissez-vous ce récitécrit par Karen Levine5?Oui, répondent des élèvesde l’école secondaire

Hormisdas-Gamelin (Commissionscolaire au Cœur-des-Vallées), de l’école Saint-Germain-de-Saint-Laurent (Commission scolaireMarguerite-Bourgeoys) et de l’écoleprimaire W.O. Mitchell, à Ottawa. Ilsl’ont lu, s’en sont imprégnés et sesont rencontrés virtuellement pouren discuter. Quelle expérience6!Qui est Hana? Cette petite fille estnée le 16 mai 1931 dans un villagetchèque. Elle est juive. À 13 ans, enoctobre 1944, elle est déportée au

camp de concentration d’Auschwitz.Elle part avec sa valise de cuir brundoublée de tissu à pois. Dès lelendemain de son arrivée, elle estenvoyée dans une chambre à gaz.Qu’avait-elle apporté dans sa pré-cieuse valise?Cette valise, une jeune Japonaise à l’origine du Centre de ressourcesde l’Holocauste pour enfants àTokyo, Fumiko Ishioka, l’a trouvée.Un nom y est inscrit : Hana Brady.Après de nombreuses péripéties, la jeune Japonaise est parvenue à joindre le frère d’Hana, GeorgeBrady. Il est vivant et demeure àToronto.Le projet des trois écoles viséesdébute donc le 4 novembre 2003.Les enseignants qui y prennent partse rencontrent virtuellement pourplanifier les activités à venir. Puisc’est au tour des élèves de faireconnaissance le 14 novembre. Ilfaut se présenter, établir le contactet se familiariser avec la techno-logie.C’est le branle-bas de combat dansles classes. Les élèves lisent leroman, en discutent et, en équipe,préparent de courts exposés créa-tifs. Une des compétences dévelop-pées se lit ainsi : « Mettre en œuvresa pensée créatrice en créant despoèmes, chansons et constructionsen arts plastiques en lien direct avecles émotions déclenchées par lalecture du livre et des discussionsen classe. » Les élèves sont émuspar cette histoire. Ils s’interrogent.POURQUOI? Pourquoi en 1940?Pourquoi en 2004? Une question estensuite posée à tous les élèves : Quemettriez-vous dans votre valise dansune pareille circonstance?Dans la classe de Stéphanie Girard(quatrième secondaire), tous lesélèves participent aux activités pré-paratoires. Huit d’entre eux, choisispar leurs camarades, acceptent deles représenter lors des vidéocon-férences.

Le 25 novembre, c’est le grand jour.L’auteure du livre est présente, ainsique la traductrice (le livre écrit enanglais a été traduit dans plus dequinze langues). Un porte-parolede Bibliothèque et Archives Canadaa apporté plusieurs objets (lettres,photos, morceaux de vêtements).Un des survivants est là aussi, prêt àtémoigner. À tour de rôle, un repré-sentant de chaque école parle auxautres : il présente son école et lestravaux effectués en classe. Deséchanges s’engagent alors, surtoutavec le rescapé de l’Holocauste :Comment se déroulait la vie de tousles jours au camp de concentration?Qu’est-il arrivé à sa famille? Com-ment étaient les Allemands qui diri-geaient le camp? Les élèves ont lesyeux grands ouverts, sans oublierleurs oreilles et… leur cœur!Lorsque les huit représentants de laclasse de Stéphanie Girard reviennentdans leur propre classe, les ques-tions fusent et les émotions sontpartagées. Cette dernière vidéocon-férence n’aura duré que 75 minutes,mais les apprentissages durerontprobablement toute la vie.

DEUXIÈME EXPÉRIENCE : PARTAGER

SA PASSION DE LA MUSIQUE…C’est la musique qui réunit virtuel-lement des spécialistes avec desenseignants et leurs élèves branchés.

LÀ OÙ TECHNOLOGIE RIME AVEC HUMANITÉ ET SENTIMENTSpar Thérèse Des Lierres

SONIA OUELLET

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Depuis deux ans, cette activité sedéroule en anglais pendant toutel’année scolaire de façon régulière.MusicGrid7 chapeaute ces rencon-tres. Tous les participants sontreliés grâce à une technologie depointe, mais c’est grâce à laMUSIQUE que la magie opère! Lespossibilités sont variées : enseigner,piloter une ou plusieurs classes,s’entraider entre élèves, mettre enplace des projets de collaboration,discuter avec des professionnels,diriger un orchestre, écouter desindividus ou des groupes jouer,chanter, composer, etc.Tous les élèves de Sonia Ouelletparticipent aux activités à unmoment ou l’autre. Par exemple, aucourant du mois de septembre,l’ensemble vocal de l’école secon-daire Hormisdas-Gamelin (activitéparascolaire) a chanté un descouplets de l’hymne national duCanada. Les quatre autres écolesont alors fait de même, tandis quele refrain était entonné par desélèves d’une école de Toronto. Unepremière rencontre à travers lamusique et le chant!Le temps des fêtes! Qui n’entend pasdes airs de Noël à cette période? Les élèves de l’ensemble vocal leschantent avec leurs camaradesrépartis dans tout le Canada. C’estaussi pendant cette période que lesélèves de l’harmonie Contre-Temps(activité parascolaire) interprètentune pièce musicale et écoutentleurs compagnons s’exécuter égale-ment, et ce, toujours virtuellement.De vraies rencontres dans la joie deNoël!

Chaque mardi, un virtuose d’unespécialité (session de jazz) ou d’uninstrument (clarinettiste, flûtiste,corniste, percussionniste) est enligne. Les élèves qui jouent de cetinstrument se rendent dans la salleprévue (là où micros et technologiesont installés, bien sûr). Ils sont unpeu stressés : la présence d’un pro-fessionnel de renom y est pourquelque chose, mais aussi celle desautres élèves. Ils doivent jouer de leur mieux : plusieurs yeux etoreilles les voient et les entendent!Ils redoublent d’efforts. S’il est vraique le défi est plus grand, il fautbien avouer que la fierté du travailbien fait est au rendez-vous et legoût de faire encore mieux laprochaine fois. La motivation faitdes miracles! C’est ainsi que la tech-nologie permet à un expert d’entreren contact, en même temps, avecplusieurs jeunes de divers horizonset de partager sa passion.Recevoir des cours particuliersd’un musicien renommé? C’est pos-sible grâce à une technologie plusrestreinte qui, cette fois, permet derassembler virtuellement des parti-cipants qui se trouvent dans deuxsalles éloignées.La classe d’« option musique » (huitcours de musique sur un cycle deneufs jours) de Sonia Ouellet a puprofiter de l’expérience de M. PaceSturdervant à Ottawa. Quelle expé-rience pour ces élèves de se trouvervirtuellement, pendant deux cours,face à un trompettiste de renom!Tout le monde est au rendez-vous.Ce grand musicien travaille avectout le groupe, intervenant avec dif-

férentes sections d’instruments,selon les besoins.Chaque rencontre est très significa-tive pour les élèves. Ils voudraientque ces audiences soient plus nom-breuses, mais ils s’aperçoivent aussiqu’exceller en musique demandede faire des efforts et… de s’exer-cer! Il faut bien assimiler ce quel’on vient d’apprendre en le repre-nant maintes et maintes fois, seuld’abord puis en groupe pourasseoir les compétences indivi-duelles et organisationnelles.Depuis le 31 mars, le projet est offi-ciellement terminé. À l’heureactuelle, l’évaluation est en cours etles résultats sont à venir. Si lebateau repart, pour Sonia Ouellet, il n’y a aucune hésitation : elle seraà bord. Quel enrichissement pourune enseignante! Cette expériencelui a permis, dit-elle, de recevoirune formation, en même temps queses élèves, équivalente à un atelier àun congrès de la Fédération desassociations de musiciens éduca-teurs du Québec (FAMEQ). Parexemple, M. Pace Sturdervant l’amotivée à mettre beaucoup d’éner-gie sur la maîtrise de la sonorité desinstruments, sans négliger une bonnerespiration et un bon soutien del’air cumulé. Toute une différencesonore lorsqu’on le fait bien, pré-cise-t-elle! Sonia Ouellet est con-vaincue que ses élèves sentent, euxaussi, cette amélioration. Elle a pufacilement réintégrer toutes cescourtes séances de formation nonseulement dans la classe partici-pante, mais aussi dans toutes sesclasses. C’est ainsi que les plusgrands apprentissages musicauxpeuvent se faire à travers leséchanges humains, l’expérience etla coopération, conclut-elle.Inutile de poser la question auxélèves. Ils l’ont dit à plusieursreprises : s’il y a un autre départ, ilsseront également du voyage!

TROISIÈME EXPÉRIENCE :L’EXPÉDITION DU

CAPITAINE BERNIER8

« Partir, voyager et découvrir denouveaux horizons. Tel était le désirdu célèbre marin de L’Islet, le capi-

taine Joseph-Elzéar Bernier. » Ainsicommence l’exposition virtuelle duMusée maritime du Québec9. Audébut du xxe siècle, le capitaine etson équipage entreprennent uneexpédition qui les conduira dans lesîles arctiques. C’est alors la ren-contre de deux cultures : franco-phone et inuite.S’inspirant de cette exposition, leMusée virtuel du Canada10 met enavant un projet pilote de classevirtuelle. Pour le secteur franco-phone, trois écoles y participent (à Gatineau, à Kangiqsualujjuaq et à Ottawa). Le 22 février 2004, les enseignants qui ont choisi d’yprendre part se rencontrent virtuel-lement, avec un porte-parole du Mu-sée, pour la présentation du projet.Trois jours plus tard, cinq élèves deYanik Francœur (première secon-daire), enseignant d’histoire et de géographie, sont fin prêts.Comme les élèves d’Ottawa et deKangiqsualujjuaq, ils ont visité l’ex-position virtuelle sur le capitaineBernier; ils se sont documentéset… ils ont préparé des questions!Le moment est irremplaçable. Eneffet, à Kangiqsualujjuaq, deuxaînés inuits et un interprète accom-pagnent les élèves. Ils sont là pourles jeunes, prêts à répondre à leursquestions : À quoi peut ressemblerune journée typique dans votre vie?Comment sont vos rapports avec lesBlancs? Quelles sont les activitésdes jeunes de notre âge dans votrecommunauté?... La fascination estévidente : entre des cultures, desgénérations, des langues différentes.Quel rendez-vous!La prochaine rencontre virtuelle estplanifiée pour la fin de février. Lesparticipants sont alors appelés àprésenter une expédition qui a eulieu à peu près à la même périodeque celle du capitaine Bernier, maisdans leur région respective. Le tra-vail est intense, car le temps estlimité. Cependant, ils sont tous au rendez-vous. Les élèves deKangiqsualujjuaq traitent d’uneexpédition inuite typique (chasse etpêche), ceux d’Ottawa, du colonel Byet ceux de Gatineau, de l’expéditiondes bûcherons à travers la légende

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YANIK FRANCOEUR ET PIERRE CHALIFOUR

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de la chasse-galerie. Des aventu-riers, il y en a dans chaque région!Pour la dernière rencontre vir-tuelle, soit celle du 10 mars, c’estau tour des élèves de s’imaginereux-mêmes de grands explorateurs.Où aller? Avec qui? Comment sepréparer? Que faut-il apporter?Voilà quelques questions, parmid’autres, auxquelles un explorateurdoit répondre avant de partir. Quece soit pour le Parc de la Gatineau(Ottawa), la Chine (Kangiqsualujjuaq)ou la lune (Gatineau)!C’est la première année qu’un telprojet existe : il est présentement enévaluation. Comme le soulignePierre Chalifour11, cette activité per-met d’emmener le Musée virtuel duCanada dans les salles de classe et,par ricochet, de le faire connaître.Pour Yanik Francœur, son désir estque ce projet ait lieu de nouveaul’an prochain. Son rêve? Faire par-ticiper tous ses élèves à un projetplus vaste et avoir davantage de

temps pour le réaliser. Il insiste surl’engagement des cinq élèves parti-cipants : ils y ont mis beaucoup detemps, d’énergie, de détermination,de sérieux; ils se sont documentésavec acharnement et rigueur; et ilsont posé des questions de tousordres. Yanik est convaincu qu’ilpourrait faire vivre cet engouementà tous les élèves de sa classe.

EN CONCLUSIONLes enseignants rencontrés ont lesyeux brillants lorsqu’ils parlent dece qu’ils ont vécu dans ces projets,et ce, en dépit des difficultés tech-niques, d’agencement des horaires,de réservation de salles, de sur-charge de travail pour encadrer les élèves ou de la technologie àapprivoiser! Ils y ont appris à mettreen pratique quelques approchespréconisées par la réforme, commel’ouverture interculturelle et leurrôle de guide dans les apprentis-sages des élèves. Ce n’est peut-êtrepas la voie de l’avenir, mais c’estcertainement une voie qui per-mettra aux citoyens de demain de s’ouvrir à d’autres cultures, àd’autres langages, à d’autres façonsde voir la vie et, qui sait, de tra-vailler davantage pour la paix!Mme Thérèse Des Lierres estprofesseure au Départementdes sciences de l’éducation del’Université du Québec enOutaouais.

1. Nos plus sincères remerciements àBrigitte Lussier pour l’organisation de la rencontre qui a permis la rédaction du présent article ainsi qu’à SoniaOuellet, Stéphanie Girard et YanikFrancœur pour leur collaboration. Ilssont tous enseignants à l’école secon-daire Hormisdas-Gamelin. Merci égale-ment à Pierre Chalifour, du Musée virtueldu Canada, pour sa participation à larencontre.

2. Voir le site suivant : www.crc.ca.3. Voir le site suivant : www.canarie.ca.4. Il s’agit d’un projet mené par la

Bibliothèque nationale du Canada encollaboration avec le Conseil national derecherches du Canada et la classevirtuelle du Centre de recherches sur lescommunications Canada.

5. Hurtubise, Montréal, 2002.6. Voir le site suivant : rtsq.grics.qc.ca/

video_en_classe/club_de_lecture.htm.7. Voir le site suivant : www.musicgrid.ca.8. Ce projet a été réalisé avec la collabora-

tion du Musée virtuel du Canada, duRéseau canadien d’information sur lepatrimoine, du Centre de recherches surles communications Canada et du Con-seil national de recherches du Canada.

9. Voir le site suivant : www.ilititaa.org.10. Voir le site suivant : www.museevirtuel.ca.11. M. Chalifour est agent de programme

d’investissement au Musée virtuel duCanada.

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BRIGITTE LUSSIER

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FINTERNET FAIT VOYAGER

LES ÉLÈVES DE L’ÉCOLE SECONDAIRE PÈRE-MARQUETTEpar Réginald Fleury

F aire de l’éducation inter-culturelle dans un cours demathématiques? À première

vue, le défi peut paraître difficile à relever. Pourtant, en utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC) commeoutil d’exploration internationale,des élèves de première secondaireont découvert les monnaies denombreux pays et la richesse cul-turelle de leur propre classe.

UNE ÉCOLE QUI FAIT PLACEÀ LA DIVERSITÉETHNOCULTURELLEL’école secondaire Père-Marquette,située dans le quartier Rosemont à Montréal, accueille 1 200 élèvesqui représentent bien la réalitéethnographique métropolitaine. Desjeunes québécois issus de famillesétablies ici depuis des décennies oudes siècles en côtoient d’autresissus d’une immigration récente.On y recense 54 pays d’origine,incluant la France et le Canada.Bien sûr, le français est la langue detous les échanges, mais, à la mai-son, ce sont près de 40 langues dif-férentes qui sont parlées par lesélèves. Sept classes d’accueil et unservice de soutien linguistique ontla responsabilité de donner uncoup de main aux élèves qui nemaîtrisent pas encore le français.Riche de cette diversité culturelle,l’école secondaire Père-Marquette acependant une lourde responsabi-lité, soit celle d’assurer l’intégrationet l’égalité des chances pour tousces élèves. Elle le fait d’abord enayant un personnel qui représentebien la diversité culturelle montréa-laise, mais aussi en mettant sur pieddes projets qui favorisent l’appren-tissage coopératif.

LES TIC ET L’ENSEIGNEMENTEN ÉQUIPEDurant l’année scolaire 2003-2004,plusieurs cours de première secon-daire ont été jumelés dans un con-texte d’enseignement en équipe :français et géographie, français etécologie, mathématique et informa-tique. Implantée conformément à lastratégie d’intervention Agir autre-ment, cette approche a pour objec-tif de faciliter la réalisation deprojets pédagogiques complexespour les élèves qui arrivent toutjuste de l’école primaire.Par ailleurs, l’école a fait des effortsconsidérables durant les dernièresannées pour s’équiper sur le planmultimédia. Ordinateurs, écrans,projecteurs, logiciels et camérasdigitales, cet ensemble d’outils estdésormais à la disposition des élèveset des enseignants pour diversifierles moyens d’accéder à l’infor-mation et de communiquer leursréalisations.C’est la combinaison de l’enseigne-ment en équipe et des ressourcestechnologiques qui a donné nais-sance au projet communémentappelé « Math-info » à l’école secon-daire Père-Marquette. Ce projetutilise les avantages pédagogiquesdes TIC pour aider les élèves depremière secondaire à mieux com-prendre les mathématiques. Par desjeux, des activités d’exploration etdes exercices virtuels, les élèvesapprennent et comprennent lesmathématiques différemment.Pour tous les groupes de premièresecondaire, deux cours de mathé-matiques sur huit (par cycle de neufjours) sont consacrés à des activitésspéciales. Durant ces cours, chaqueélève dispose d’un ordinateur, etsurtout de deux enseignants plutôtqu’un, pour le guider à travers sesapprentissages.

Dans un tel cadre, il devient plusfacile de créer des activités d’ap-prentissage complexes, où les élèvesdoivent mettre à contribution ungrand nombre de ressources pourréussir à résoudre un problème.Lorsque ce dernier est situé dans uncontexte international, les ressourcesculturelles des élèves prennent alorsune valeur considérable.

LES MONNAIES DU MONDEL’activité Les monnaies du monde1

portait sur les opérations sur lesnombres décimaux. Elle partaitd’une compétence que les élèvesavaient déjà acquise au primaire etdans leur quotidien en manipulantde l’argent. Cependant, le fait d’ex-plorer un autre système monétairepermettait de consolider les habi-letés qu’ils possédaient déjà, tout enpoussant plus loin le niveau de maî-trise des concepts liés aux nombresdécimaux.Divisée en trois étapes de deuxcours de 90 minutes, l’activité pro-posait d’abord une découverte del’euro. Durant cette étape, les élèvesdevaient déterminer les noms despays qui utilisent l’euro et effectuerdes opérations simples sur despièces de monnaies. Grâce auxactivités virtuelles du site Wisweb2,chaque élève pouvait manipuler lespièces européennes, additionner etsoustraire des nombres décimauxou multiplier un nombre décimalpar un nombre entier.Déjà à cette étape, les connais-sances des élèves sur les autres paysétaient mises à profit. Les élèvesd’origine européenne récemmentimmigrés faisaient figure de réfé-rence au sein des groupes. D’unautre côté, plusieurs élèves dont lafamille était établie au Québecdepuis un certain temps révélaienteux aussi la diversité de leurs

origines, leurs grands-parents ouarrière-grands-parents étant venusde pays européens.Durant la deuxième étape, les élèvesavaient pour tâche de déterminer,pour quinze pays donnés, la capi-tale et le nom de la monnaie utiliséeainsi que sa valeur par rapport audollar canadien. Pour cette partie del’activité, les sources d’informationétaient le dictionnaire, l’encyclopé-die virtuelle et le réseau Internet,sans oublier les connaissances per-sonnelles des élèves.Évidemment, un réseau d’échangedes connaissances s’est créé autourdes élèves dont le pays d’originefaisait partie de la liste, ceux-cin’ayant pas à chercher bien loinpour trouver la capitale ou la mon-naie utilisée. Dans leur recherched’information, les élèves se sontintéressés aux origines de leurscamarades. Dans plusieurs cas,même si un élève ne venait pas d’undes pays sur la liste, la proximitégéographique de son pays d’origineet de celui qui était recherché faisaitquand même de cet élève une réfé-rence. En outre, le plurilinguismede quelques-uns a été mis à profit,car certains des sites explorésétaient en anglais ou en espagnol.Déjà, la diversité du bagage cultureldes élèves était devenue un sujetd’exploration pour l’ensemble dugroupe, mais la partie de l’activitétraitant de la valeur relative desmonnaies par rapport au dollarcanadien a vraiment éveillé leurcuriosité sur la réalité économiquedes autres pays. Pour répondre à cette curiosité, l’expérience desélèves issus d’une immigrationrécente devenait la meilleure sourced’information.Par exemple, en déterminant qu’unpeso chilien vaut aujourd’hui moins

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d’un cent canadien ou que, inverse-ment, un dollar canadien vaut plusde 450 pesos chiliens, les élèvesétaient un peu déboussolés. Ceuxqui ne connaissaient que la mon-naie canadienne ne pouvaient s’ima-giner des valeurs si différentes dansd’autres systèmes monétaires. Cesont les élèves d’origine chilienneou sud-américaine qui ont purépondre à leurs questions :• « Il y a des pièces de 100 pesos au

lieu d’avoir des pièces de 1 cent etil existe des billets de 10 000 pesosau lieu des billets de 20 dollars. »

• « Un paquet de gomme à mâchercoûte 200 pesos. C’est beaucoupde pesos, mais ça vaut à peu près50 cents. Dans le fond, c’est moinscher là-bas. »

• « Avec 1 million de dollars, tut’achètes une super belle maison,alors qu’avec 1 million de pesostu t’achètes un super bon ordi-nateur. »

Les discussions ont été très intéres-santes, notamment lorsque lesélèves se sont mis à comparer lavaleur de certains objets d’un pays à l’autre, par exemple, celle dupaquet de gomme à mâcher, maisaussi dans le cas des vêtements, de la nourriture, des disques com-pacts, du billet d’entrée au cinéma,etc.En plus des notions mathématiques(inverses multiplicatifs) et socioéco-nomiques, cette activité a amené lesélèves à parler de macroéconomie.En effet, la ressource principaleutilisée pour cette partie de l’acti-vité était le site de la Banque duCanada. Grâce à cette source, lesélèves avaient accès à une informa-tion très actuelle et ils étaient mêmeen mesure de saisir la dynamiquerelative aux fluctuations des valeursmonétaires. Ayant remarqué que lestaux de change variaient d’unejournée à l’autre, les élèves se sontquestionnés sur les raisons et lesconséquences de tels changements.Bien sûr, les enseignants ont reprisleur rôle de référence pour parlerdes causes de la variation quoti-dienne des taux de change, mais

c’est le témoignage d’un élèvearrivé d’Argentine qui en montraitle mieux quelques conséquencespossibles sur la vie de jeunes deleur âge. Ainsi, grâce à l’expérienced’un de leurs camarades, les élèvesse sont interrogés sur les facteursqui peuvent amener des familles àimmigrer au Québec.Dans la troisième et dernière étapede l’activité, les élèves devaientd’abord retrouver l’origine de septobjets achetés par un globe-trotterayant parcouru le monde, avantd’en déterminer la valeur en dollarscanadiens. Ici, les élèves dévelop-paient une habileté à multiplier desnombres décimaux entre eux.Comme aux autres étapes, mais icide façon plus marquée, ce sont lesconnaissances des élèves sur descultures autres que la leur qui ontété valorisées. Par exemple, bienqu’il n’y ait eu aucun élève d’originebrésilienne dans les groupes, unemajeure partie d’entre eux a pudéterminer sans difficulté la prove-nance du chandail de soccer jauneet vert de l’équipe nationale duBrésil.Bref, l’activité Les monnaies dumonde, d’abord centrée autourd’apprentissages concernant lesmathématiques, par son contexteinternational et grâce à de l’infor-mation sur d’autres pays obtenuepar les TIC, a aussi permis à tous lesélèves de première secondaire del’école Père-Marquette de vivre une

belle expérience d’éducation inter-culturelle.

LES TIC ET LA VALORISATIONDU BAGAGE CULTURELPour l’activité Les monnaies dumonde, les TIC ont été utiliséescomme moyens de trouver et deprésenter une information actuelle,venant de plusieurs sources dif-férentes. Les compétences trans-versales relatives à l’utilisation denavigateurs, de moteurs de rechercheet de cédéroms ont donné auxélèves une grande autonomie dansleur quête de renseignements surles différents pays. Plusieurs ontmême réutilisé des sources d’infor-mation découvertes dans leur coursde géographie.Le contexte d’exploration interna-tionale est, bien entendu, plus quepropice à l’éveil d’un intérêt desélèves pour le bagage culturel fortdiversifié de certains de leurs cama-rades. Cependant, l’utilisation auto-nome des TIC a fait que les élèvesont pu prendre un rôle très actifdans la recherche d’information surles autres pays. Ainsi, les élèves nese faisaient pas simplement racon-ter une histoire sur un autre pays,mais ils participaient à la construc-tion des connaissances du groupe.Par exemple, c’est un élève d’ori-gine non pas chinoise mais québé-coise qui a expliqué à son groupepourquoi la ville de Beijing s’ap-pelait aussi Pékin.

L’utilisation des TIC a aussi permisune plus grande exploration despays par la quantité d’images misesà la disposition de tous, notammentdans Internet, sur les drapeaux, lasituation géographique, les piècesde monnaie, les villes et les pay-sages de chacun. Dans la dernièrepartie de l’activité, des élèves ontmême déniché une vidéo qui leur apermis de reconnaître le son d’undes objets achetés par le globe-trotter : le stealdrum.L’utilisation des TIC a donc pouravantage, en milieu multiethnique,de donner accès à un vaste réper-toire d’informations écrites, visuelleset même auditives sur les paysd’origine des élèves.

LE RAPPORT AU SAVOIRLa démocratisation de l’accès à l’in-formation engendrée par les TIC aun impact direct sur le rapportqu’entretiennent les élèves, maisaussi les enseignants, avec les con-naissances abordées en classe.L’une des répercussions est d’abordle développement d’une approchecritique dans la recherche desources d’information. En effet,lorsqu’une requête produit jusqu’àun million de résultats sur unmoteur de recherche, c’est seule-ment en remettant en question lapertinence de chacun qu’un élèveréussira à déterminer le site quiconvient le mieux à ses besoins.De même, la possibilité de trouversur Internet des informations con-tradictoires est plus élevée que dansdes livres. Avant l’avènement d’In-ternet, la fiabilité d’un documentutilisé en milieu scolaire était rare-ment mise en doute. Maintenant,l’accès à un nombre incalculable desites par les élèves fait qu’il est diffi-cile pour les enseignants de trierl’information avant que les élèves yaient recours. Ce rôle est transféréaux élèves eux-mêmes, qui doiventdorénavant s’interroger sur la cré-dibilité des sites qu’ils consultent,surtout lorsque deux sites présententdes informations contradictoires.

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B eaucoup d’enseignants ontcommencé à exploiter lestechnologies de l’informa-

tion et de la communication (TIC)en classe. Depuis quelques annéeset dans plusieurs matières, cettecompétence transversale a desracines bien implantées. Vie péda-gogique a rencontré une équiped’enseignantes et d’enseignants duCollège de l’Assomption1 qui exploiteles TIC principalement dans l’en-seignement des sciences humaines2.En vue d’en savoir plus sur leurspratiques, différentes questions ontété abordées, par exemple, les rai-sons qui ont motivé l’exploitationdes TIC, les principaux effets surl’enseignement et l’apprentissage, lesuivi des élèves, la perception desenseignants et celle des élèves demême que les difficultés éprouvées.

UNE RÉFLEXION À LA BASEDU CHANGEMENTPour Norbert Viau, enseignant d’his-toire et de géographie de cinquièmesecondaire, après un peu plus devingt ans d’expérience, le passagede l’enseignement traditionnel àl’exploitation des TIC est la con-séquence d’une réflexion sur sonenseignement. Une réflexion qui estalimentée par des lectures sur l’ensei-gnement stratégique et des ouvragesde Philippe Meirieu ainsi que parl’observation attentive des compor-tements d’apprentissage des élèves.Cette réflexion l’a conduit, il y a envi-ron huit ans, à se poser la questionsuivante : « Mes élèves réussissent,mais apprennent-ils vraiment? »C’est en voulant répondre à cettequestion que Norbert Viau a étéamené à revoir ses pratiques d’en-seignement qui étaient appréciéesdes élèves et efficaces dans la mesureoù ces derniers réussissaient trèsbien.Un changement s’imposait, certes,mais pas n’importe lequel. Le dis-

positif que Norbert Viau veut mettreen place doit faire de la classe unlieu d’apprentissage plutôt qu’unlieu d’enseignement. Le dispositifdoit permettre à l’élève d’avoir entout temps à sa disposition les infor-mations nécessaires à la réalisationde ses travaux. Il doit favoriser lacollaboration entre les élèves parun aménagement matériel appro-prié de la classe qui facilite letravail en équipe et développer leur sens des responsabilités. Enfin, il est important que les change-ments apportés puissent permettreà l’enseignant d’aider l’élève quandcelui-ci en a besoin et d’assurer unmeilleur suivi de son apprentissage.Parallèlement à sa réflexion et unpeu de manière fortuite, NorbertViau découvre un outil très efficacepour accéder à des informationsnombreuses et actuelles et soutenirl’apprentissage dans le domaine dessciences humaines : Internet. Enexplorant le Web, il se rend alorscompte que des enseignants seservent des TIC en classe et qu’ilexiste des programmes ayant pourobjet de développer leur utilisation,comme le programme Rescol.Il y a donc environ cinq ans, NorbertViau et son collègue FernandLaberge, enseignant d’histoire dequatrième secondaire, conçoiventun projet pour exploiter les TIC enclasse. Ils le présentent à la direc-tion, laquelle accepte d’y donnersuite. Dès l’année suivante, deuxsalles sont équipées chacune d’unedouzaine d’ordinateurs reliés enréseau et branchés à Internet pour« qu’il y ait une intégration cons-tante des TIC », précise NorbertViau.L’expérience est positive et a uneffet d’entraînement auprès d’autresenseignants qui décident alors de selancer dans une entreprise sem-blable. Ainsi, Louise Proulx s’estengagée dans l’aventure il y a trois

DES CLASSES OUVERTES SUR LE MONDE, AU COLLÈGEDE L’ASSOMPTIONpar Guy Lusignan

Par ailleurs, les TIC et l’éducationinterculturelle ont ceci d’intéressantqu’ils peuvent changer le rapportau savoir entre l’enseignant et sesélèves. Ainsi, en raison d’une utili-sation plus fréquente des TIC surcertains sujets, il n’est pas rare devoir un élève posséder plus de con-naissances en la matière que sonprofesseur. Il en va souvent demême lorsqu’on aborde des ques-tions relatives à des pays, culturesou communautés différentes.Reconnaître ces connaissances etmême donner à un élève le rôle deréférence, habituellement réservé àl’enseignant, est un facteur impor-tant d’intégration pour n’importequel élève, quelle que soit son ori-gine. Reconnu pour ses compétencesparticulières sur un sujet, il devientcelui qui peut répondre aux ques-tions de ses camarades et même àcelles de son enseignant.Chez les élèves issus d’une immigra-tion récente, cette reconnaissancedevient particulièrement intéressanteparce qu’elle permet une valorisa-tion de leur culture, leur indiquantque celle-ci a une place dans lasociété québécoise. Cette recon-naissance symbolise aussi pour cesélèves la réciprocité de l’intérêtentre la culture d’accueil et la leur.Dans le cas des élèves qui ontparticipé à l’activité Les Monnaiesdu Monde, on a pu observer, d’unepart, le développement d’une curio-sité des élèves envers leurs cama-rades d’une culture différente et,d’autre part, une diminution de lagêne qu’éprouvent certains élèves à

parler de leurs origines et de leurbagage culturel. En intégrant àd’autres activités subséquentes deséléments relatifs à la diversité, il aété possible de maintenir les acquisdéveloppés ici et même d’aborderd’autres aspects de l’éducationinterculturelle.

LES TIC ET LADIVERSIFICATION DESCONTEXTES D’APPRENTISSAGEL’activité Les monnaies du mondeétait basée sur l’emploi des TICcomme outils d’apprentissage etprésentait l’avantage principal desituer des thèmes mathématiquesdans un contexte réel et interna-tional. Cette mise en situation avaitnon seulement un intérêt didac-tique, mais elle permettait aussi devaloriser la diversité culturelle.C’est donc surtout par une diversifi-cation des contextes d’appren-tissage, ici à l’aide des TIC, qu’il aété possible d’aborder un aspect del’éducation interculturelle.Il va sans dire que Les Monnaies duMonde est un exemple ponctueld’intégration de l’éducation inter-culturelle dans une activité péda-gogique. Susciter une ouverture à ladifférence chez les élèves et favo-riser l’harmonie dans la diversitésont des préoccupations qui néces-sitent une approche plus large,globalement intégrée aux activitésd’apprentissage et à la vie scolaire.L’avantage qu’offrent les TIC dansune telle approche globale d’éduca-tion interculturelle, c’est que parles sites Internet, les vidéos, la mu-sique et les images, il est possibled’intégrer l’exploration culturelleaux activités d’apprentissage quoti-diennes.M. Réginald Fleury est ensei-gnant à l’école secondairePère-Marquette, de la Commis-sion scolaire de Montréal.

1. Voir le site suivant : www.csdm.qc.ca/p_marquette_s/Projets/math116/Activités%20Math-Info.htm.

2. [http://www.fi.uu.nl/wisweb/welcome_en.html]

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B eaucoup d’enseignants ontcommencé à exploiter lestechnologies de l’informa-

tion et de la communication (TIC)en classe. Depuis quelques annéeset dans plusieurs matières, cettecompétence transversale a desracines bien implantées. Vie péda-gogique a rencontré une équiped’enseignantes et d’enseignants duCollège de l’Assomption1 qui exploiteles TIC principalement dans l’en-seignement des sciences humaines2.En vue d’en savoir plus sur leurspratiques, différentes questions ontété abordées, par exemple, les rai-sons qui ont motivé l’exploitationdes TIC, les principaux effets surl’enseignement et l’apprentissage, lesuivi des élèves, la perception desenseignants et celle des élèves demême que les difficultés éprouvées.

UNE RÉFLEXION À LA BASEDU CHANGEMENTPour Norbert Viau, enseignant d’his-toire et de géographie de cinquièmesecondaire, après un peu plus devingt ans d’expérience, le passagede l’enseignement traditionnel àl’exploitation des TIC est la con-séquence d’une réflexion sur sonenseignement. Une réflexion qui estalimentée par des lectures sur l’ensei-gnement stratégique et des ouvragesde Philippe Meirieu ainsi que parl’observation attentive des compor-tements d’apprentissage des élèves.Cette réflexion l’a conduit, il y a envi-ron huit ans, à se poser la questionsuivante : « Mes élèves réussissent,mais apprennent-ils vraiment? »C’est en voulant répondre à cettequestion que Norbert Viau a étéamené à revoir ses pratiques d’en-seignement qui étaient appréciéesdes élèves et efficaces dans la mesureoù ces derniers réussissaient trèsbien.Un changement s’imposait, certes,mais pas n’importe lequel. Le dis-

positif que Norbert Viau veut mettreen place doit faire de la classe unlieu d’apprentissage plutôt qu’unlieu d’enseignement. Le dispositifdoit permettre à l’élève d’avoir entout temps à sa disposition les infor-mations nécessaires à la réalisationde ses travaux. Il doit favoriser lacollaboration entre les élèves parun aménagement matériel appro-prié de la classe qui facilite letravail en équipe et développer leur sens des responsabilités. Enfin, il est important que les change-ments apportés puissent permettreà l’enseignant d’aider l’élève quandcelui-ci en a besoin et d’assurer unmeilleur suivi de son apprentissage.Parallèlement à sa réflexion et unpeu de manière fortuite, NorbertViau découvre un outil très efficacepour accéder à des informationsnombreuses et actuelles et soutenirl’apprentissage dans le domaine dessciences humaines : Internet. Enexplorant le Web, il se rend alorscompte que des enseignants seservent des TIC en classe et qu’ilexiste des programmes ayant pourobjet de développer leur utilisation,comme le programme Rescol.Il y a donc environ cinq ans, NorbertViau et son collègue FernandLaberge, enseignant d’histoire dequatrième secondaire, conçoiventun projet pour exploiter les TIC enclasse. Ils le présentent à la direc-tion, laquelle accepte d’y donnersuite. Dès l’année suivante, deuxsalles sont équipées chacune d’unedouzaine d’ordinateurs reliés enréseau et branchés à Internet pour« qu’il y ait une intégration cons-tante des TIC », précise NorbertViau.L’expérience est positive et a uneffet d’entraînement auprès d’autresenseignants qui décident alors de selancer dans une entreprise sem-blable. Ainsi, Louise Proulx s’estengagée dans l’aventure il y a trois

DES CLASSES OUVERTES SUR LE MONDE, AU COLLÈGEDE L’ASSOMPTIONpar Guy Lusignan

Par ailleurs, les TIC et l’éducationinterculturelle ont ceci d’intéressantqu’ils peuvent changer le rapportau savoir entre l’enseignant et sesélèves. Ainsi, en raison d’une utili-sation plus fréquente des TIC surcertains sujets, il n’est pas rare devoir un élève posséder plus de con-naissances en la matière que sonprofesseur. Il en va souvent demême lorsqu’on aborde des ques-tions relatives à des pays, culturesou communautés différentes.Reconnaître ces connaissances etmême donner à un élève le rôle deréférence, habituellement réservé àl’enseignant, est un facteur impor-tant d’intégration pour n’importequel élève, quelle que soit son ori-gine. Reconnu pour ses compétencesparticulières sur un sujet, il devientcelui qui peut répondre aux ques-tions de ses camarades et même àcelles de son enseignant.Chez les élèves issus d’une immigra-tion récente, cette reconnaissancedevient particulièrement intéressanteparce qu’elle permet une valorisa-tion de leur culture, leur indiquantque celle-ci a une place dans lasociété québécoise. Cette recon-naissance symbolise aussi pour cesélèves la réciprocité de l’intérêtentre la culture d’accueil et la leur.Dans le cas des élèves qui ontparticipé à l’activité Les Monnaiesdu Monde, on a pu observer, d’unepart, le développement d’une curio-sité des élèves envers leurs cama-rades d’une culture différente et,d’autre part, une diminution de lagêne qu’éprouvent certains élèves à

parler de leurs origines et de leurbagage culturel. En intégrant àd’autres activités subséquentes deséléments relatifs à la diversité, il aété possible de maintenir les acquisdéveloppés ici et même d’aborderd’autres aspects de l’éducationinterculturelle.

LES TIC ET LADIVERSIFICATION DESCONTEXTES D’APPRENTISSAGEL’activité Les monnaies du mondeétait basée sur l’emploi des TICcomme outils d’apprentissage etprésentait l’avantage principal desituer des thèmes mathématiquesdans un contexte réel et interna-tional. Cette mise en situation avaitnon seulement un intérêt didac-tique, mais elle permettait aussi devaloriser la diversité culturelle.C’est donc surtout par une diversifi-cation des contextes d’appren-tissage, ici à l’aide des TIC, qu’il aété possible d’aborder un aspect del’éducation interculturelle.Il va sans dire que Les Monnaies duMonde est un exemple ponctueld’intégration de l’éducation inter-culturelle dans une activité péda-gogique. Susciter une ouverture à ladifférence chez les élèves et favo-riser l’harmonie dans la diversitésont des préoccupations qui néces-sitent une approche plus large,globalement intégrée aux activitésd’apprentissage et à la vie scolaire.L’avantage qu’offrent les TIC dansune telle approche globale d’éduca-tion interculturelle, c’est que parles sites Internet, les vidéos, la mu-sique et les images, il est possibled’intégrer l’exploration culturelleaux activités d’apprentissage quoti-diennes.M. Réginald Fleury est ensei-gnant à l’école secondairePère-Marquette, de la Commis-sion scolaire de Montréal.

1. Voir le site suivant : www.csdm.qc.ca/p_marquette_s/Projets/math116/Activités%20Math-Info.htm.

2. [http://www.fi.uu.nl/wisweb/welcome_en.html]

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ans. Sa salle de classe est alors amé-nagée en conséquence et équipéed’ordinateurs branchés au réseauInternet. Après 28 ans d’enseigne-ment, elle considère ce changementcomme « un second début ». PourMartin Tessier, enseignant de mathé-matique et d’informatique, les TICsont un objet d’apprentissage. À sesyeux, il est souhaitable que l’appren-tissage et l’utilisation de certainslogiciels ou, encore, la recherched’informations sur le WEB ne soientpas des exercices futiles mais sefassent en fonction de certains con-tenus. Comme il lui est difficile detoujours vérifier la validité desinformations trouvées et présentéespar les élèves, il décide alors detravailler avec Louise Proulx dansune perspective interdisciplinaire :« Quand je leur fais faire uneprésentation avec le logiciel Power-Point, Louise valide les informationshistoriques et je ne m’occupe quedes aspects informatiques de la pré-sentation. » L’informatique commeobjet et l’informatique comme outild’apprentissage se marient biendans des situations semblables. À sapremière année d’enseignement,dès son arrivée au Collège del’Assomption en septembre 2003,Cynthia Lizotte se lance dans l’ex-ploitation des TIC : « L’enseignementtraditionnel correspond moins à mapersonnalité […] j’aime organiser,coordonner et gérer les choses. »

UNE DÉMARCHE PÉDAGOGIQUEÀ PLUSIEURS VOLETSL’exploitation des TIC en classerepose sur une démarche généralecomprenant trois volets principaux,soit la préparation de l’activité, saréalisation par les élèves et le travailde supervision et d’encadrementeffectué par les enseignantes et lesenseignants.

LA PRÉPARATION DE L’ACTIVITÉ

C’est sur la qualité de la planifica-tion de l’activité que repose l’exploi-tation des TIC en classe. Chaqueprojet est planifié avec minutie. Ilfaut établir les objectifs à atteindre,prévoir un scénario général pour saréalisation, déterminer la nature dutravail final, préparer les docu-ments nécessaires à la réalisationde certaines étapes et repérer lessites et les ressources virtuellesprésentes sur le réseau Internet. Deplus, il faut valider les informationset les organiser sur le site Web del’enseignant pour que les élèvespuissent y accéder en tout temps,que ce soit à la maison ou à l’école.Enfin, les enseignants doivent inté-grer une évaluation interactive àcertaines étapes de la réalisation etfaire connaître les critères de l’éva-luation finale.Selon Norbert Viau, « évoluer versune approche comme celle-là, c’esttrès exigeant, surtout lors de la pré-paration des activités ». FernandLaberge va dans le même sens : « Enclasse, on circule, on va d’uneéquipe à l’autre… ça coule douce-ment. C’est parce que c’est le résul-tat de nombreuses heures depréparation de cette activité. C’estbeaucoup. Il faut avoir une bonnebase documentaire de référence. Etc’est long à trouver. » Pour sa part,Cynthia Lizotte précise que l’ensei-gnant doit avoir déjà fait larecherche avant d’amener les élèvesà réaliser un projet : « On ne peutpas lancer les élèves dans unerecherche sans savoir ce qui existe,sans connaître le niveau de diffi-culté qu’ils vont rencontrer dans lestextes ou les informations. » PourLouise Proulx, il est important debien circonscrire la documentationdisponible sur le Web pour aider

les élèves à faire leur travail, car « en deuxième secondaire, il ne fautpas noyer l’élève avec plusieurssources d’information si l’on neveut pas le perdre ».

LA RÉALISATION DE L’ACTIVITÉ

Pour les élèves, la réalisation d’uneactivité s’inscrit dans une démarchedynamique dans la mesure où ilsdoivent faire des choix, organiser etplanifier le travail, tenir un journalde bord, prendre la responsabilitéd’assumer individuellement destâches et collaborer à la productiondu travail final. C’est après avoirpris connaissance du projet et desobjectifs à atteindre que les élèves,en équipe de quatre, se partagentles tâches pour la recherche d’in-formations. Par exemple, en cin-quième secondaire, dans leur coursde géographie, des élèves de chaqueéquipe ont décidé d’effectuer leursrecherches à l’ordinateur, tandisque d’autres réunissaient des infor-mations dans des ouvrages mis à la disposition de la classe comme l’État du monde 2003 ou 2004 ouencore Quid 2003. Après avoirterminé sa quête d’informations,chaque élève a soumis les résultatsde ses recherches à son équipe quiles a analysés au moment d’unemise en commun. Cette étape dudéroulement est importante dans la mesure où chaque élève doit ex-pliquer aux autres membres del’équipe les informations qu’il atrouvées et répondre à leursquestions. Dans certains cas, à lademande des membres de l’équipe,des élèves sont appelés à continuerleurs recherches pour compléterleur travail. À l’étape de la mise encommun, les élèves font une syn-thèse des informations recueillies.Cette synthèse constitue le travailfinal. De plus, les élèves de l’équipeévaluent la qualité de leur démarcheet font évaluer leur production parl’enseignant. Dans bien des cas, lestravaux font l’objet d’une présenta-tion à la classe et sont ensuite réu-nis sur le site Web de l’enseignant.

LA SUPERVISION ET L’ENCADREMENT

DES ÉLÈVES

L’un des grands avantages de cetteapproche est que l’enseignant peut

superviser le travail de chacune deséquipes à l’intérieur d’une heure decours. Une supervision qui « permetde connaître rapidement les élèves,leur façon d’apprendre et de tra-vailler », précise Fernand Laberge.Même si les enseignants n’en sontpas encore rendus à l’individualisa-tion pédagogique, ils peuvent adap-ter leur enseignement en tenantcompte des différences observéesdans les équipes. En effet, chacunede celles-ci est responsable d’unaspect précis du projet global,accomplit les activités à son rythmeet est supervisée par l’enseignantqui l’accompagne durant le dérou-lement. Fernand Laberge précise : « le suivi que je fais d’une équipe àl’autre est très différent : des équipes,je les lance… et je sais que ça va être terminé correctement etrapidement. Pour d’autres équipes, je dois pratiquement les tenir par lamain. Je peux me le permettre. C’estde l’évaluation formative. »Pour superviser les équipes, lesenseignants ont recours à différentesapproches. Certains privilégient latenue d’un journal de bord où lesélèves consignent les renseigne-ments utiles sur le déroulement dutravail, tandis que d’autres ensei-gnants fixent des dates de tombée,des points de chute pour les dif-férentes étapes de la réalisation duprojet. Chaque équipe doit alorsrencontrer l’enseignant pour faireapprouver son calendrier ou faireévaluer les activités menées à bien àl’une ou l’autre des étapes avantd’entreprendre la suivante. Si letravail accompli ne satisfait pas aux critères de qualité, l’ensei-gnant donne des conseils aux élèves et ceux-ci doivent reprendre lesparties moins satisfaisantes. PourNorbert Viau, cette stratégie d’inter-vention a aussi l’avantage « d’inté-grer l’évaluation à l’apprentissage etde fournir une régulation externeaux équipes ». Cynthia Lizotte ajoute :« L’élève travaille à l’ordinateur, etça me permet d’aller voir leséquipes, de vérifier où elles en sontrendues, ce qu’elles font, commentse déroulent leurs recherches… Enprocédant de cette façon, j’ai plusde temps à passer avec l’élève. »

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Pour l’encadrement, et cela est vrai-ment exceptionnel, tous les jours, àdifférents moments de la journée etle soir à 19 h et à 21 h, Norbert Viaurelève ses courriels et répond à sesélèves qui lui demandent de préciserou encore de clarifier des consignesou des informations. À son avis, cetype d’encadrement correspond auconcept de la classe éclatée : « Quel’élève soit à la bibliothèque ou en période de travail personnel àl’école ou à la maison, s’il a desdoutes, s’il a besoin de l’aide del’enseignant, il peut l’avoir trèsrapidement, parfois, immédiate-ment. Tandis qu’avant il attendait aucours suivant, même quand celui-ciétait deux jours plus tard. Mainte-nant, on peut parler d’une régulationimmédiate du travail de l’élève. »Pour Norbert Viau, « l’ordinateur estun outil qui doit absolument s’inté-grer à l’intérieur d’une démarche ».Cette démarche complexe favorisecependant un processus actif d’ap-prentissage au cours duquel l’élèvereçoit le soutien constant de l’en-seignant et de ses camarades declasse.

DES EXEMPLES DE PROJETS

Au Collège de l’Assomption, lesenseignants conçoivent différentstypes de projets au cours d’uneannée. Certains sont disciplinaireset réalisés par les élèves d’une seuleclasse. D’autres sont interdiscipli-naires et conçus pour être travaillésdans deux matières. Ces projetspeuvent prendre plusieurs formesselon les enseignants ou selon lesclasses. Ainsi, en deuxième secon-daire, Louise Proulx a planifié uneactivité qui consistait à construireun musée virtuel ayant pour thème :« L’Égypte des pharaons ». En équipe,les élèves devaient développer unsujet, par exemple, le Nil et l’agri-culture, la momification et la vieéternelle, les temples et les pyra-mides. La recherche s’effectuaitalors à partir de documents écritsou de références virtuelles trouvéessur le site Web de l’enseignante. Lestravaux produits ont ensuite étéréunis sur son site pour constituerle musée virtuel.

Pour sa part, Cynthia Lizotte, ensei-gnante de géographie de troisièmesecondaire, a fait faire une recherchesur l’exploitation forestière. Lesélèves avaient pour tâche d’aborderleur recherche en adoptant despoints de vue différents, tels ceuxdes Amérindiens, des fonction-naires provinciaux, des travailleursforestiers ou des compagnies pape-tières. Après le visionnement du filmde Richard Desjardins, L’erreurboréale, les élèves cherchaient desinformations sur les sites Webretenus par l’enseignante. Les résul-tats des recherches pouvaient servirà préparer des débats ou bien êtresoumis à la classe sous forme deprésentations PowerPoint ou surdes affiches.Dans le cours d’histoire de qua-trième secondaire, Fernand Labergea fait travailler les élèves sur leRégime français. Différents travauxont été exécutés en équipe et lesélèves les ont réunis dans un jour-nal électronique propre à chacundes groupes d’histoire de cet ensei-gnant. Parmi les travaux, men-tionnons ceux qui ont traité dugouvernement royal, du commercedes fourrures, du régime seigneu-rial et du rôle de l’Église. Le journalde ces groupes a été publié sur lesite Web de l’enseignant et lestravaux pourront être consultés aucours des années subséquentes.En cinquième secondaire, dans lesclasses d’histoire de Norbert Viau,les élèves ont fait une recherche surla crise irakienne. Les travaux desdifférentes équipes devaient cons-tituer un dossier complet sur la ques-tion. Pour effectuer leurs recherches,les élèves pouvaient consulter lesdiverses sources d’information pro-posées sur le site du cours.

Par ailleurs, d’autres travaux ont étémenés dans une perspective inter-disciplinaire avec un enseignantd’anglais de troisième secondaire.Par exemple, en 2003-2004, destravaux de recherche ont été effec-tués sur les Amérindiens par lesélèves du cours d’histoire de qua-trième secondaire. Les résultats deleurs recherches ont été réutiliséspar les élèves du cours d’anglais detroisième secondaire3.Aux projets disciplinaires et inter-disciplinaires s’ajoutent des projetsmultimatière. Ces projets d’enver-gure sont conçus pour être réaliséspar des élèves de différentes dis-ciplines et classes. Ainsi en a-t-il été du projet Démocratie réalisé en 2003-2004 (voir l’encadré). Unprojet multimatière sur le Moyen-Orient, favorisant une intégrationverticale en sciences humaines dela deuxième à la cinquième secon-daire, a été achevé en 2002-20034.À noter que ce type de projets estprésenté à l’ensemble des élèvessous forme d’exposition des travauxlors de la Semaine de l’universsocial au Collège de l’Assomption,événement qui se tient habituelle-ment vers la fin du mois d’avril.

UN PROJET MULTIMATIÈREPour mieux comprendre notremonde : la démocratie.Dans ce projet multimatière5, laproblématique générale consis-tait à initier les élèves aux basesde certains enjeux à la foishistoriques, sociologiques etéconomiques et à les situer géo-graphiquement. Par l’intermé-diaire d’une problématique quiamène les élèves à s’intéresser àde nombreux sujets touchant l’actualité, le projet a favorisé laproduction de travaux variés qui

ont été présentés à tous lesélèves du Collège sous formed’affiches lors de la Semaine del’univers social qui a eu lieu du19 au 23 avril 2004.Les visées pédagogiques du pro-jet étaient explicites et concer-naient d’abord l’exploitation destechnologies de l’information etde la communication (TIC).Ainsi, en cours de réalisation,les élèves devaient-ils utiliser lesTIC pour la recherche d’infor-mations et la télécollaboration(babillard électronique, forum),communiquer de l’informationà des élèves de classes diffé-rentes de personne à personneen utilisant le courriel ou à desgroupes d’élèves, soit directe-ment en se servant, par exemple,des logiciels de présentationcomme PowerPoint, soit en dif-féré en créant un site Internet.Comme autres visées pédago-giques du projet, mentionnonsl’acquisition d’une démarche de travail rigoureuse pour larecherche, le choix, l’organisa-tion et la présentation de l’infor-mation.Voici quelques exemples de sujetsqui ont été traités. Dans le coursd’histoire 414, sur le thème dela démocratie parlementaire,des équipes d’élèves ont effec-tué des recherches sur laChambre des communes et leSénat, l’Assemblée nationale,l’exercice du droit de vote, etc.Dans le cours d’histoire 534,sur le thème « Aux origines de ladémocratie », des sujets ont étéproposés aux élèves : les pen-seurs et les idées à l’origine de la démocratie moderne; ladémocratie en péril lors desannées 20 et 30; et la démo-cratie américaine. En équipe,les élèves ont alors approfondil’un ou l’autre des sujets précé-dents en réalisant une recherchesur un aspect en particulier :Jean-Jacques Rousseau, philo-sophe du Siècle des lumières;Thomas Jefferson, son action etses idées; Démocratie et fascisme

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en Italie; Démocratie et nazismeen Allemagne; etc.Dans un projet multimatière, lesite Web de chaque enseignantprésente les différents sujets etles références que les élèvespeuvent consulter dans des ency-clopédies virtuelles ou sur le sitede revues historiques ou autres.Les élèves y trouvent égalementles objectifs, la démarche pourexécuter le travail, des con-signes sur la façon de rédigerune problématique ou de for-muler des hypothèses ainsi queles critères d’évaluation.Pour en savoir plus, consulter lesite des enseignants du Collègede l’Assomption : [www.classomption.qc.ca] et le site de NorbertViau : [www.norbertviau.ca].

COMMENT LES ENSEIGNANTSET LES ÉLÈVES PERÇOIVENT-ILSCETTE APPROCHE?Norbert Viau est conscient que lefait d’utiliser l’ordinateur n’est pasune fin en soi. Pour cet enseignant,« l’ordinateur est un outil derecherche d’informations mises àjour, c’est un outil qui force l’élèveà s’organiser. Il faut qu’il planifieson utilisation. C’est un outil quil’aide à développer son esprit cri-tique. Il doit analyser et gérer soninformation. » Louise Proulx abondedans le même sens. Elle considèrel’informatique comme « un outilparmi d’autres… qui permet à

l’élève de découvrir et de se ques-tionner au lieu de boire desparoles. Un outil qui permet auxélèves de travailler à leur proprerythme tout en sachant que le travaildevra être terminé trois semainesplus tard. »Du côté des élèves, les réactionssont souvent mitigées. Ainsi,Norbert Viau et Fernand Labergeont constaté que, pour les élèves,l’intégration constante des TIC ne va pas de soi : « Pour des élèveshabitués à de l’enseignement tradi-tionnel, c’est difficile de penser quela classe est d’abord un lieu d’ap-prentissage plus qu’un lieu d’en-seignement. » Comment expliquerce phénomène? D’abord, tous lesélèves n’aiment pas utiliser l’ordi-nateur, pour différentes raisons.Certains, parce que cet instrumentleur est peu familier, d’autres parcequ’ils préfèrent traiter de l’informa-tion dans des imprimés, commel’affirme une élève : « Dans un livre,on peut repérer l’information plusrapidement. » Un autre élève dira :« Dans un manuel, on est certainque l’information est vraie. Ce n’estpas toujours le cas avec les infor-mations trouvées sur Internet. »Selon Norbert Viau, il était plusfacile pour un élève de passerinaperçu dans un cours magistral :« Quand je donnais des coursthéoriques, soit que l’élève « em-barquait » et aimait cela, soit qu’ilse mettait « au neutre » et gardaitles yeux ouverts sans participer.Dans une approche comme celleque l’on a mise en place, il ne peutfaire cela. Je détecte très vite l’élèvequi est « au neutre ». J’interviensplus rapidement… il y a moinsd’élèves qui perdent leur temps etils ont la pression de l’équipe. »S’il est vrai que l’apprentissage avecl’informatique est plus intéressantdans la mesure où l’élève peutprendre des initiatives et être plusautonome, il n’en demeure pasmoins que c’est le type de projets etla façon dont le déroulement estprévu qui jouent un rôle détermi-nant sur la motivation. Pour LouiseProulx, l’intérêt des élèves « dépendde la tâche, des exigences, du sujet,

de l’effort que ça demande, maissurtout ça dépend de l’élève lui-même. Des élèves vivent parfois desmoments difficiles en dehors de laclasse… ».Interrogés sur la question des avan-tages qu’ils perçoivent, des élèvesdiront ceci : « La recherche d’infor-mations sur le Web nous apprend àtravailler par nous-mêmes. C’estplus utile. On se souvient mieux. »Un autre élève fera ressortir unaspect intéressant : « Quand l’en-seignant parle, il ne peut pas tou-jours capter ton attention. Puis toutle monde a le même cours en plus.C’est limité. Avec l’ordinateur, onpeut aller où l’on veut puis apprendreplus, aller chercher plus de détails.Moi j’aime mieux ça comme ça. »Pour sa part, Étienne verra d’autresavantages, particulièrement le rap-port plus individualisé qu’il a avecson enseignant, « mais aussi le pou-voir de travailler en équipe et decollaborer à la réalisation d’un tra-vail ». Selon Justine, cette approcherend les élèves plus débrouillards,plus autonomes : « On est obligé de chercher. Dans le manuel, laréponse se trouve à la page 158,par exemple. On ne cherche paslongtemps. C’est plus vite, mais çan’aide pas l’apprentissage. » Étiennementionne encore que la recherchesur Internet permet d’apprendrebeaucoup plus : « Dans un coursordinaire, on apprend seulement ceque l’enseignant nous enseigne.Avec Internet, on fait plus d’appren-tissage. » Enfin, comme l’affirmeJulie : « Sur Internet, on ne trouvepas tout de suite, on lit autre chose,on apprend autre chose, et c’estbon pour notre culture générale. »

CONCLUSIONDes enseignants de sciences hu-maines du Collège de l’Assomptionont misé sur l’exploitation des TICpour rénover leurs pratiques péda-gogiques et faire de la classe un lieud’apprentissage dans lequel lesélèves développent leur autonomieet se responsabilisent. La démarchemise en place favorise le travail encollaboration et permet aux élèvesde réaliser des projets à leur

rythme. Ils ont alors accès en touttemps aux informations à la dispo-sition de tous sur le Web. À noterque, dans la plupart des cas, lessites contenant les informationsutiles à la réalisation du travail ontdéjà été repérés et organisés parl’enseignant sur son propre site. Ladémarche mise en place permetainsi à l’enseignant de superviserles élèves, de leur fournir une régu-lation externe au moment appropriéet d’intégrer l’évaluation formativedans le processus d’apprentissage.Dans l’ensemble, on peut affirmerqu’il y a environ cinq ans, les ensei-gnants du Collège de l’Assomptionqui ont mis en place un dispositiffavorisant l’exploitation des TIC enclasse avaient déjà compris que « lacompétence à exploiter les TIC[…] nécessite à la fois l’accès àdes ressources adaptées et un enca-drement soutenu [et qu’] il importedonc d’offrir aux élèves un environne-ment stimulant pour leur apprendreà traiter l’information, à créer et àcommuniquer à l’aide des TIC6 ».M. Guy Lusignan est consultanten éducation.

1. Le Collège de l’Assomption, fondé en1832, est un établissement privé quiaccueille plus de 1 200 élèves, garçons etfilles, qui poursuivent des études secon-daires. Le tiers d’entre eux est inscrit auProgramme d’éducation internationale.

2. Vie pédagogique a rencontré le 3 mars2004 M. Norbert Viau, enseignant degéographie (534) et d’histoire (534), M. Fernand Laberge, enseignant d’his-toire (414), Mme Louise Proulx, ensei-gnante d’histoire (214), Mme CynthiaLizotte, enseignante de géographie (314),et M. Martin Tessier, enseignant de mathé-matique-informatique de 2e secondaire,ainsi que plusieurs de leurs élèves. M. Norbert Viau nous a généreusementaccordé une entrevue d’une heure et nousa fourni l’occasion d’assister à l’un de sescours. M. Fernand Laberge, pour sa part,nous a invité à assister à l’un de ses cours.Nous les en remercions.

3. Voir le site de Fernand Laberge : [www.fernandlaberge.qc.ca].

4. Voir le site des enseignants du Collège del’Assomption : [www.classomption.qc.ca].

5. Ce projet regroupe les cours suivants :Géographie 314, Histoire 414, Éducationéconomique 514, Anglais 514, Histoire534 et Géographie 534.

6. Ministère de l’Éducation, Programme deformation de l’école québécoise, Ensei-gnement secondaire, premier cycle, Gou-vernement du Québec, 2003, p. 46.

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L e projet PROTIC nous inté-resse toujours par sa péren-nité et son rayonnement.

Bien qu’il ait été initié en 1994, il propose officiellement depuis1997 un modèle qui intègre les uti-lisations des TIC à l’enseignement et

à l’apprentissage. Les élèves qui par-ticipent à ce programme réussissentbien et manifestent une motivationqui n’est plus simplement produitepar l’effet de la nouveauté.En 2003, ce projet a été reconnu auniveau international par l’Organisa-

tion de coopération et de dévelop-pement économique-secteur éducatif(OCDE) et il suscite toujours lemême engouement chez les élèveset les parents. Ici, la technologien’est pas une fin en soi, elle permetplutôt de diversifier et d’adapter

aux besoins de chaque élève dessituations d’apprentissage pour déve-lopper des habiletés et construiredes connaissances utiles dans unmonde en perpétuel changement.

UN PROJET QUI S’INSCRIT DANS LA DURÉE ET L’EXCELLENCE : LE PROJET PROTIC

En 1994, lorsque le pro-gramme PROTIC a été mis enavant, notre intérêt en tant

que partenaire universitaire étaitdouble : offrir aux futurs maîtres unenvironnement de stage à la finepointe de la technologie et partici-per, par l’entremise d’une démarcheréflexive basée sur des observationsdocumentées, au développementd’un environnement d’apprentis-sage à la mesure des attentes indi-viduelles et collectives dans unesociété en voie de renouveler sonrapport à l’information.L’Université Laval développait à cemoment-là son réseau d’écolesassociées pour la formation pratiquedes futurs maîtres, le perfectionne-ment professionnel et la recherchecollaborative. Elle s’inscrivait ainsidans un mouvement nord-américaind’amélioration de la formation desenseignants par le renforcementdes partenariats université-milieuscolaire. Il lui était même possibled’investir encore davantage danscertaines écoles par la voie de larecherche subventionnée. Tel a étéle cas à l’école Les Compagnons-de-Cartier. Nos propres recherches1 sesont concentrées sur l’évolution despratiques pédagogiques et organisa-tionnelles dans la classe en réseau.Les intervenants de PROTIC étaientmotivés non seulement par les possi-bilités pédagogiques de leur nouveloutil de travail, l’ordinateur bran-

ché à Internet, mais par l’occasionqui leur était fournie de faire l’écoleautrement et d’être soutenus parl’école à cet égard. Le modèle dedépart comportait trois volets : ordi-nateurs branchés, travail d’équipeet pédagogie par projets. Quant auxstagiaires en enseignement, ilsétaient, et demeurent, à la foisattirés par la nouveauté et inquiets àl’idée de réussir à relier apprentis-sage par projets et curriculum et à gérer de façon appropriée ladynamique d’une classe.L’équipe d’intervenants a mis enplace progressivement les élémentsd’une pédagogie constructiviste,voire socioconstructiviste, en classePROTIC : les notions d’intentionna-lité, de compétence et de participa-tion active de l’élève, de communautéd’apprentissage, d’activité authen-tique, d’autorégulation, d’échafaudageet d’apprentissage en profondeuront pris ancrage2. Comme l’écrivaitPea (1996), « les contextes sociauxsont très importants. Ils incluentnon seulement la technologie maisson contenu, les stratégies d’ensei-gnement utilisées à la fois dans les logiciels et dans la classe ainsi que l’environnement de classe lui-même. De manière récurrente, lesrecherches constatent que les effetsdes meilleurs logiciels peuvent sevoir neutraliser par une utilisationinadéquate et que des logiciels demauvaise conception sont utilisés

habilement par des enseignantspour l’atteinte de buts d’apprentis-sage importants. »Il en va de même au regard du rôleque joue l’ordinateur connecté auréseau Internet sur la motivation del’élève. Au départ, la mise en œuvredu programme PROTIC a étééclairée par certaines expériencesanglo-saxonnes dont les Computer-supported Intentional LearningEnvironements (CSILE), en 1989 etles Apple Classrooms of Tomorrow(ACOT), en 1995. Les études menéesà ce sujet reconnaissaient l’acqui-sition de compétences d’ordretechnologique. De plus, elles indi-quaient que l’augmentation de lamotivation des élèves était l’un desrésultats les plus prometteurs del’utilisation d’ordinateurs en classe(Means et Olson, 1995; voir aussiGrégoire, Bracewell et Laferrière,1996) pour autant que l’on y mettel’accent sur l’apprentissage inten-tionnel et que l’on fournisse lesformes de soutien technologique etpédagogique nécessaires à cette fin(Bereiter et Scardamalia, 1989).Means et Olsen avaient observé,entre autres, que les enseignantsdécrivaient une augmentation de lacollaboration chez les élèves et del’enseignement entre élèves (13 cassur 17). PROTIC s’est implanté demanière à permettre aux élèves dedévelopper bien sûr leur compé-tence technologique, mais aussi

leurs capacités de gestion de leurtravail individuel et d’apprentissageavec d’autres. L’organisation phy-sique de la classe encourage le tra-vail en équipe de trois ou quatreélèves ainsi que l’accès à de l’infor-mation et à des simulations surInternet. Les occasions fournies auxélèves d’enseigner à leurs cama-rades et d’apprendre de ces derniers(projets d’équipe ou collectifs) demême que l’extension de l’activitéde la classe au moyen de logicielsde communication et de télécolla-boration (courriel, sites Web, cla-vardage et forums électroniques),utilisés à l’école comme à la mai-son, font partie de l’environnementd’apprentissage des élèves inscrits àce programme.Une étude conduite par Legault etLaferrière (2001)3 avait pour objetprincipal d’examiner les répercus-sions de l’implantation d’une péda-gogie par projets assistée parl’ordinateur en réseau dans desclasses PROTIC sur l’organisationpédagogique de la classe, les straté-gies d’apprentissage adoptées parles élèves, la satisfaction de leursbesoins, le choix de leurs buts sco-laires, les croyances qui les motiventet leur engagement. Pour cette étude,182 élèves de troisième secondairerépartis dans six classes ont réponduà des questionnaires portant sur lescaractéristiques de leurs classes,sur les croyances qui les motivent

DIX ANS APRÈSpar Thérèse Laferrière

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et sur leurs démarches d’apprentis-sage en français et en mathématiques.Les six classes correspondaient àtrois contextes différents, soit deuxclasses PROTIC, deux classes d’enri-chissement et deux classes ordi-naires.Les perceptions des élèves desclasses PROTIC ont été comparées àcelles des autres classes concernantle français et les mathématiques.Les résultats ont indiqué que le cli-mat des classes Protic se distinguaitde celui des autres classes par lacollaboration et l’investigation et,dans une moindre mesure, par l’in-novation et l’individualisation. Lesstratégies d’apprentissage différaientprincipalement sur les plans de la construction de connaissances,du traitement en profondeur descontenus et, dans la classe demathématiques, de l’autorégulation.D’autre part, dans les classesProtic, les « buts d’évitement » serévélaient moins importants, tandisque les « buts de maîtrise » l’étaientplus dans la classe de mathéma-tiques. Les mêmes élèves exprimaientplus de satisfaction quant à leursbesoins dans le cas des mathéma-tiques, accordaient plus de valeurau français et aux mathématiques ets’engageaient plus dans la classe defrançais.

Concernant les relations entre lesvariables, l’efficacité personnelledes élèves était liée à la satisfactiondes besoins d’appartenance et depouvoir et à l’adoption de buts demaîtrise. La valeur accordée auxmatières était rattachée positive-ment à l’organisation pédagogiquede la classe, à l’adoption de buts demaîtrise et négativement à l’adop-tion de buts d’évitement. Quant à l’engagement, il était coordonnésignificativement aux stratégiesadoptées par les élèves, dont l’auto-régulation des apprentissages.Par ailleurs, la motivation desélèves se traduit en règle généralepar leur engagement dans la tâcheou le projet d’apprentissage : denombreuses heures d’observationspassées en classe PROTIC et enclasse ordinaire nous l’ont fait cons-tater à maintes reprises. Cependant,la motivation n’est pas nécessai-rement constante ni de tous lesmoments, et les élèves demeurentdes adolescents avec tous lescentres d’intérêt et les réactionsbien de leur âge.La place faite à l’activité cognitiveest l’objet actuellement d’investiga-tions diverses. Ainsi, les stagiairesen enseignement s’interrogent surleur rôle (guide, médiateur) enclasse PROTIC, et leur base de don-nées, « Knowledge Forum », ne cessede croître en cette matière. La direc-trice adjointe de même que lesenseignantes et les enseignantsréfléchissent ensemble au sein deleur communauté professionnelled’apprentissage aux meilleures con-ditions à installer et à maintenir. Deson côté, une enseignante chercheà optimiser la communication péda-gogique dans une classe en réseau,et nombreux sont ses textes réflexifsà cet égard. À les analyser, on cons-tate que le rôle de l’enseignant tientà la formulation d’intentions péda-gogiques qui tiennent compte desobjectifs du programme scolaire,de l’intentionnalité de l’élève, del’équipe de travail ou de la commu-nauté d’apprentissage. Ce rôle tientégalement à la lecture que l’ensei-

gnant fait de l’état d’avancement del’élève ou des élèves, à la mise enplace des conditions d’apprentissageet d’élaboration de connaissances, ycompris les leçons, les rencontresd’orientation, de coordination etd’évaluation du travail individuel, degroupe ou de la communauté d’ap-prentissage. L’accompagnement desélèves dans leur cheminement d’ap-prentissage s’exprime par une com-munication qui leur donne accèsaux informations pertinentes ou auxidées de leurs camarades. Les notionset les concepts explorés par lesélèves permettent de nommer avecjustesse ce qu’ils investiguent, toutcomme ces faits et interprétationsseront repris dans le but de pour-suivre la construction du sens.D’autres enseignants ont exploré,au cours de la présente année, lespossibilités de simulations dans ledomaine des mathématiques et dela science et l’un d’entre eux amême guidé des élèves particulière-ment motivés et habiles dans leurparticipation à une communauté depratique qui se consacre à la con-ception et à l’expérimentation etdont le noyau principal est constituéd’ex-stagiaires PROTIC (CoPains).Bref, le potentiel de l’ordinateur enréseau pour motiver le travail desélèves est là. Cependant, la classe enréseau exige plus que des ordina-teurs branchés. L’équipe d’interven-tion et de recherche PROTIC s’occupedonc à comprendre les conditionspédagogiques et organisationnellesqui doivent régner pour assurer laréussite des élèves.Mme Thérèse Laferrière estprofesseure au Départementd’études sur l’enseignement etl’apprentissage de la Facultédes sciences de l’éducation del’Université Laval.

Références bibliographiquesAPPLE CLASSROOMS OF TOMORROW [ACOT].Changing the Conversation about Teaching,Learning, and Technology : A report on tenyears of ACOT research, Cupertino, CA,Apple Computer, 1995.BEREITER, C. et M. SCARDAMALIA.« Intentional Learning as a Goal ofInstruction », dans L. B. Resnick (Ed.),Knowing, Learning, and Instruction :Essays in Honor of Robert Glaser, Hillsdale,NJ, Lawrence Erlbaum Associates, 1989, p. 361-392.COGNITION AND TECHNOLOGY GROUP ATVANDERBILT. « Designing Environments toReveal, Support, and Expand our Children’sPotentials », dans S. Soraci & W. J. McIlvane(Eds.), Perspectives on FundamentalProcesses in Intellectual Functioning : vol. 1—A survey of research approaches, Stamford,CT : Ablex, 1998, p. 313-350.MEANS, B. et K. OLSON. Technology’s Rolein Education Reform : Findings from anational study of innovating schools.Washington, DC, U.S. Department ofEducation, Office of Educational Researchand Improvement, 1995.ROY, PEA, « Learning and Teaching withEducational Technologies », dans H.J.Walberg & G.D. Haertel (eds.), EducationalPsychology : Effective Practices and Policies,Berkeley, CA, McCutchan Publishers, 1996.SHEINGOLD, K. et M. HADLEY. AccomplishedTeachers : Integrating Computers intoClassroom Practice, New York, Bank StreetCollege of Education, Center for Technologyin Education,1990.

1. Financement obtenu du Fonds FCAR(1998-2001) et du Réseau des centres d’ex-cellence en téléapprentissage (1995-2002),Programme des centres d’excellence,Conseil de recherches en sciences hu-maines, Ottawa.

2. Voir le document collectif Gestion de laclasse, communauté d’apprentissage(2001) : [www.tact.fse.ulaval.ca/tact2/ress2.html].

3. LEGAULT, F. et T. LAFERRIÈRE. Impactd’une pédagogie de projet assistée parl’ordinateur en réseau sur les croyancesmotivationnelles et l’engagement autravail des élèves du secondaire. Étudeprésentée sur concours au Colloque duProgramme pancanadien de rechercheen éducation 2001 (PPRE) « La technolo-gie de l’information et l’apprentissage »,2002, [cmec.ca/stats/pcera/RSEvents02/FLegault_OFR.pdf].

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A près quelques années d’exis-tence et devant la réputationdu Programme de formation

intégrant les nouvelles approchespédagogiques et les technologies de l’information et des communi-cations, dit « PROTIC », la revue Vie pédagogique ne pouvait résisterà la tentation de mieux circonscrireles conditions qui ont permis laréussite et la persistance du pro-gramme en question.C’est donc dans cette intention que je me suis rendu à l’école LesCompagnons-de-Cartier (Commis-sion scolaire des Découvreurs) poury rencontrer quelques-uns des ensei-gnants de PROTIC.Je n’avais jusque-là que peu entenduparler du programme et, commemonsieur ou madame Tout-le-monde, j’avais surtout retenu quechacun des élèves de PROTIC étaitéquipé d’un ordinateur portable et branché sur Internet. En con-sultant le site du programme[www.protic.net] en vue de ma ren-contre avec la responsable etquelques enseignants, j’ai tout desuite découvert que l’intégrationdes TIC à l’apprentissage, bienqu’elle soit un élément fondamentaldu programme, n’était pas – loin delà – le seul aspect qui caractérisaitce programme. Les TIC semblaientplutôt constituer un catalyseur per-mettant d’appliquer des stratégiespédagogiques variées et de voirémerger une communauté d’ap-prentissage.

À QUOI TIENT LA MOTIVATIONDES ÉLÈVES?Comparativement à d’autres pro-grammes du secondaire qui se dis-tinguent par un curriculum enrichiou par la pratique intensive d’unediscipline artistique ou sportive,PROTIC est axé sur une philosophieéducative – un credo, diront certainsspécialistes – dont les grands prin-cipes étaient déjà énoncés par leConseil supérieur de l’éducation dansson rapport annuel de 1969-1970,intitulé L’activité éducative, soit la

reconnaissance de l’élève commeagent premier de ses apprentis-sages, auprès de qui l’enseignantjoue un rôle d’accompagnateur.Ainsi, l’élève s’engagera activementdans sa formation dans la mesureoù il sera placé dans des « situa-tions d’apprentissage signifiantes etvariées qui représentent pour luides défis et l’incitent à utiliser sesstratégies cognitives et métacogni-tives pour construire ses savoirs etdévelopper sa personnalité » (Cadrede référence de PROTIC 1997).Les élèves inscrits à PROTIC ne sontpas nécessairement tous parmi lesplus « performants » – certains, parexemple, peuvent éprouver des dif-ficultés concernant le français oules mathématiques –, mais ils nesont pas non plus caractérisés pardes difficultés à fonctionner dansune classe ordinaire. À noter que78 p. 100 des élèves sont de sexemasculin. Cependant, ils «demeurentdes adolescents… » (entendre, « parfois indisciplinés ») : les ensei-gnants considèrent néanmoins queleurs élèves sont généralement plusmotivés, voire beaucoup plus queceux de l’enseignement ordinaire.Cela se manifeste par le temps sup-plémentaire consacré à la réalisa-tion d’un projet, la qualité destravaux ou des présentations (sou-vent supérieure à toutes les exi-gences que l’on pourrait avoir à leur endroit), la disponibilité àaccompagner – sous supervision del’enseignant – d’autres élèves quiéprouvent des difficultés dans unematière ou l’autre… Le fait detravailler à des projets personnelspermet à des élèves, peut-être plusfaibles dans certaines matières sco-laires, de démontrer des aptitudesparticulières qu’ils n’auraient pumettre en valeur dans un autrecadre d’apprentissage. Plusieursélèves développent ainsi leurs apti-tudes d’entrepreneur, de créateur,de leader, de critique, etc.PROTIC se caractérise donc toutautant par la pédagogie par projets,l’interdisciplinarité, l’apprentissage

coopératif, le titulariat, le tutorat, le développement des compétencestransversales… que par l’ordina-teur portable et l’utilisation d’Inter-net. D’ailleurs, les TIC n’y font pasl’objet d’un enseignement disci-plinaire, mais sont plutôt intégréesaux disciplines et aux projets mul-tidisciplinaires réalisés par lesélèves. Plus exactement, ceux-ci nesont pas amenés à se « spécialiser »dans les TIC mais à «développer uneculture technologique », laquelle estpartout présente. Le curriculum est,à peu de chose près, le même qu’à l’enseignement ordinaire : tous les élèves sont cependant inscrits en anglais, langue d’enseignement(même s’ils suivent l’enseignementen français); le fait que les ensei-gnants du programme assument aumoins deux disciplines dans unemême classe offre la possibilité de moduler les heures consacrées àchacune des matières, sans compterque cette organisation permet auxenseignants de mieux connaîtrechacun des élèves et de répondreaux besoins particuliers.

L’ENGAGEMENTDES ENSEIGNANTSLe discours pédagogique des ensei-gnants m’a grandement rappelécelui que j’avais entendu lors demes visites dans quelques écolesalternatives de Montréal, au milieudes années 90. PROTIC rappelleégalement la « voie technologique »destinée à certains élèves du secon-daire. Et mes interrogations étaientquelquefois les mêmes que cellesqui me venaient en tête à l’époque.« Avec la pédagogie par projets et

l’intégration des matières, notam-ment, n’y a-t-il pas risque de laisseréchapper des connaissances essen-tielles? » Réponse : Il est souventétonnant de constater le nombre de« savoirs déclaratifs » (dates, nomsde lieux et de personnages, événe-ments, etc.) que les élèves vontchercher à partir d’une vaste ques-tion comme la suivante : « Qu’est-cequi a provoqué la chute de l’Empireromain? » ou à quel point ils peuventabondamment documenter le dos-sier du problème de l’eau enCalifornie. « Les élèves qui travail-lent principalement à l’ordinateurseront-ils techniquement prêts à « subir » les examens du ministèrede l’Éducation pour ce qui est dufrançais, de l’histoire ou de la géo-graphie? » Réponse : Les enseignantstiennent compte de cette réalité etveillent à ce que les élèves puissentquand même posséder les exi-gences de base pour répondre àleurs besoins… Bref, les ensei-gnants manifestent un enthousiasmepeu commun, qui va bien au-delàde l’utilisation des TIC. De plus, tantsur le plan intellectuel et cognitifque sur le plan social et affectif, lesobjectifs poursuivis au sein de PRO-TIC sont sensiblement les mêmesque ceux de la réforme qui débu-tera bientôt au secondaire.N’y aurait-il pas moyen de mettre enœuvre les mêmes stratégies péda-gogiques sans utiliser l’ordinateurbranché sur Internet? Théorique-ment, peut-être. Cependant, selonles enseignants rencontrés, les TICreprésentent l’outil par excellencepour mettre en œuvre les ap-proches pédagogiques modernes.

RENCONTRE AVEC QUELQUES ARTISANSpar Claude Beauchesne

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2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

Par exemple, pendant que les élèvestravaillent une notion à l’aide d’unlogiciel, ceux qui ont davantage dedifficulté (20 p. 100) peuvent béné-ficier de plus d’attention de la partde l’enseignant. Pas besoin d’acheter30 exemplaires du même manueld’histoire : il vaut mieux en acheter2 ou 3 de plusieurs manuels… Lesrecherches dans les manuels sontcomplétées par la consultation dessites où il est question du sujettraité, et vice-versa. L’informationobtenue par les uns est transmiseaux autres…Toutefois, il y a plus. Des facteursorganisationnels jouent certaine-ment un rôle dans la motivation desélèves. Les enseignants de PROTIC

sont sélectionnés en fonction deleur intérêt à participer au pro-gramme et de leur capacité à enincarner les grandes valeurs péda-gogiques. Les élèves peuvent sesentir davantage inspirés par lesenseignants qui, tout comme eux,ont demandé à prendre part à l’ex-périence.

L’AVENIR…PROTIC est généralement méconnuou mal connu, même dans lesécoles primaires du territoire de laCommission scolaire des Décou-vreurs – où des élèves de sixièmeannée pourraient désirer s’y inscriredès le début du secondaire. Il sub-sisterait encore quelques préjugés

liés à l’aspect ludique de l’utili-sation de l’ordinateur. Il faut direque PROTIC a été implanté en1997-1998, soit après tous lesautres programmes déjà connus,notamment les programmes « Arts-études » et « Sports-études » ainsique le Programme d’éducationinternationale.Bien que PROTIC suscite l’intérêtdes chercheurs, non seulement auQuébec mais aussi à l’étranger, lesprincipaux acteurs se font très pru-dents lorsqu’il est question d’im-planter un programme semblableailleurs. Il ne suffit pas de fournirdes ordinateurs portables aux élèveset de les brancher sur Internet. Etbien que la philosophie de PROTIC

corresponde parfaitement à celledu Ministère, notamment en ce quia trait au développement des com-pétences transversales, il est loind’être assuré que le réseau de l’édu-cation au Québec est globalementprêt à prendre un tel virage.Dans les faits, la constitution devéritables équipes formées d’en-seignantes et d’enseignants motivéset compétents prêts à inciter lesélèves à s’engager dans leurs ap-prentissages de même qu’une orga-nisation scolaire souple sont deuxconditions de réussite incontour-nables.M. Claude Beauchesne est consul-tant en éducation.

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LE QUÉBEC ENGLISH SCHOOLS NETWORK (QESN) : ILLUSTRATION D’UNE COMMUNAUTÉ APPRENANTEpar Christiane Dufour et Sylwia Bielec

C omment le QESN-RÉCIT[www.qesnrecit.qc.ca]aborde-t-il la formation

des enseignants au sein de la com-munauté anglophone? En mettantl’accent sur des stratégies et despratiques variées qui rassemblentdes personnes-ressources et spé-cialistes des divers paliers de l’édu-cation. Il contribue ainsi à créerdes communautés dynamiquesqui font en sorte que les idéesnovatrices trouvent plus rapide-ment racine. C’est pourquoi sadevise est « Communiquer, colla-borer, communauté ».Le Québec English Schools Network(QESN-RÉCIT) est surtout connupar sa présence sur le Web. Son siteoffre aux enseignants et aux autresagents d’éducation du milieu sco-laire un ensemble de ressourcespour l’enseignement et l’apprentis-sage. Cependant, le QESN-RÉCIT estbeaucoup plus qu’un site ou unecollection de sites. Derrière cespages HTML colorées bat le cœurd’un réseau en croissance, qui sedéveloppe en répondant aux besoinsde ses membres.

LA CRÉATION D’UNECOMMUNAUTÉ APPRENANTEAu QESN-RÉCIT, le travail se faitsimultanément sur deux axes. Lepremier consiste à expérimenterdes pratiques pédagogiques et àdévelopper une expertise concer-nant l’intégration des technologiesde l’information et de la communi-cation (TIC) dans l’apprentissage.Le référentiel pour ce travail inclutune pédagogie active et une visionsocioconstructiviste de l’appren-tissage liées au Programme de for-mation. Le second axe mise surl’utilisation des TIC pour communi-quer à l’ensemble du réseau despratiques issues de la communautéanglophone. Toutes les activités duQESN-RÉCIT s’insèrent à l’intérieurde ces deux axes complémentaires etont pour objet la formation profes-sionnelle des enseignants membresdu réseau.Les principales activités du QESN-RÉCIT sont articulées autour dequatre grandes fonctions intime-ment liées :• rassembler les acteurs autour

de projets et de problématiquesvariés;

• établir et soutenir les groupes detravail et de recherche;

• alimenter la discussion autour depratiques en cours d’expérimen-tation;

• propager de nouvelles pratiqueset ressources issues du milieu.

LES PROJETS INNOVATEURSLe QESN-RÉCIT rassemble desacteurs du milieu éducatif autourde projets et de problématiquesvariés afin qu’ils puissent bénéficierd’un soutien, d’un encadrement et d’un accompagnement. C’est surcette base qu’a commencé leQuébec English Schools Network en1993, alors que l’on cherchait uneréponse aux problèmes d’isolementet de qualité d’enseignement dansles écoles anglophones en région.Dès le départ, ce réseau avait choiside rassembler les enseignants autourde projets pédagogiques centrés surla télécollaboration entre leursclasses. Quelle était la technologiede l’époque? CC :Mail et son réseaude serveurs de courrier électro-nique soutenus par les animateursdes CEMIS et par la GRICS.

L’intuition à la base de ce choix estque l’on ne peut pas forcer la crois-sance d’un réseau. On peut seule-ment mettre en place des conditionset créer des occasions pour ras-sembler les gens autour de projetscommuns afin d’alimenter la dis-cussion et l’expérimentation dans lemilieu. Dès le départ, cette formulea fait ses preuves. Des pratiquespédagogiques novatrices ont étéintroduites dans les classes tout enassurant soutien et formation auxenseignants selon leurs besoins et à petits pas tout au long du pro-cessus.

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Par exemple, pendant que les élèvestravaillent une notion à l’aide d’unlogiciel, ceux qui ont davantage dedifficulté (20 p. 100) peuvent béné-ficier de plus d’attention de la partde l’enseignant. Pas besoin d’acheter30 exemplaires du même manueld’histoire : il vaut mieux en acheter2 ou 3 de plusieurs manuels… Lesrecherches dans les manuels sontcomplétées par la consultation dessites où il est question du sujettraité, et vice-versa. L’informationobtenue par les uns est transmiseaux autres…Toutefois, il y a plus. Des facteursorganisationnels jouent certaine-ment un rôle dans la motivation desélèves. Les enseignants de PROTIC

sont sélectionnés en fonction deleur intérêt à participer au pro-gramme et de leur capacité à enincarner les grandes valeurs péda-gogiques. Les élèves peuvent sesentir davantage inspirés par lesenseignants qui, tout comme eux,ont demandé à prendre part à l’ex-périence.

L’AVENIR…PROTIC est généralement méconnuou mal connu, même dans lesécoles primaires du territoire de laCommission scolaire des Décou-vreurs – où des élèves de sixièmeannée pourraient désirer s’y inscriredès le début du secondaire. Il sub-sisterait encore quelques préjugés

liés à l’aspect ludique de l’utili-sation de l’ordinateur. Il faut direque PROTIC a été implanté en1997-1998, soit après tous lesautres programmes déjà connus,notamment les programmes « Arts-études » et « Sports-études » ainsique le Programme d’éducationinternationale.Bien que PROTIC suscite l’intérêtdes chercheurs, non seulement auQuébec mais aussi à l’étranger, lesprincipaux acteurs se font très pru-dents lorsqu’il est question d’im-planter un programme semblableailleurs. Il ne suffit pas de fournirdes ordinateurs portables aux élèveset de les brancher sur Internet. Etbien que la philosophie de PROTIC

corresponde parfaitement à celledu Ministère, notamment en ce quia trait au développement des com-pétences transversales, il est loind’être assuré que le réseau de l’édu-cation au Québec est globalementprêt à prendre un tel virage.Dans les faits, la constitution devéritables équipes formées d’en-seignantes et d’enseignants motivéset compétents prêts à inciter lesélèves à s’engager dans leurs ap-prentissages de même qu’une orga-nisation scolaire souple sont deuxconditions de réussite incontour-nables.M. Claude Beauchesne est consul-tant en éducation.

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LE QUÉBEC ENGLISH SCHOOLS NETWORK (QESN) : ILLUSTRATION D’UNE COMMUNAUTÉ APPRENANTEpar Christiane Dufour et Sylwia Bielec

C omment le QESN-RÉCIT[www.qesnrecit.qc.ca]aborde-t-il la formation

des enseignants au sein de la com-munauté anglophone? En mettantl’accent sur des stratégies et despratiques variées qui rassemblentdes personnes-ressources et spé-cialistes des divers paliers de l’édu-cation. Il contribue ainsi à créerdes communautés dynamiquesqui font en sorte que les idéesnovatrices trouvent plus rapide-ment racine. C’est pourquoi sadevise est « Communiquer, colla-borer, communauté ».Le Québec English Schools Network(QESN-RÉCIT) est surtout connupar sa présence sur le Web. Son siteoffre aux enseignants et aux autresagents d’éducation du milieu sco-laire un ensemble de ressourcespour l’enseignement et l’apprentis-sage. Cependant, le QESN-RÉCIT estbeaucoup plus qu’un site ou unecollection de sites. Derrière cespages HTML colorées bat le cœurd’un réseau en croissance, qui sedéveloppe en répondant aux besoinsde ses membres.

LA CRÉATION D’UNECOMMUNAUTÉ APPRENANTEAu QESN-RÉCIT, le travail se faitsimultanément sur deux axes. Lepremier consiste à expérimenterdes pratiques pédagogiques et àdévelopper une expertise concer-nant l’intégration des technologiesde l’information et de la communi-cation (TIC) dans l’apprentissage.Le référentiel pour ce travail inclutune pédagogie active et une visionsocioconstructiviste de l’appren-tissage liées au Programme de for-mation. Le second axe mise surl’utilisation des TIC pour communi-quer à l’ensemble du réseau despratiques issues de la communautéanglophone. Toutes les activités duQESN-RÉCIT s’insèrent à l’intérieurde ces deux axes complémentaires etont pour objet la formation profes-sionnelle des enseignants membresdu réseau.Les principales activités du QESN-RÉCIT sont articulées autour dequatre grandes fonctions intime-ment liées :• rassembler les acteurs autour

de projets et de problématiquesvariés;

• établir et soutenir les groupes detravail et de recherche;

• alimenter la discussion autour depratiques en cours d’expérimen-tation;

• propager de nouvelles pratiqueset ressources issues du milieu.

LES PROJETS INNOVATEURSLe QESN-RÉCIT rassemble desacteurs du milieu éducatif autourde projets et de problématiquesvariés afin qu’ils puissent bénéficierd’un soutien, d’un encadrement et d’un accompagnement. C’est surcette base qu’a commencé leQuébec English Schools Network en1993, alors que l’on cherchait uneréponse aux problèmes d’isolementet de qualité d’enseignement dansles écoles anglophones en région.Dès le départ, ce réseau avait choiside rassembler les enseignants autourde projets pédagogiques centrés surla télécollaboration entre leursclasses. Quelle était la technologiede l’époque? CC :Mail et son réseaude serveurs de courrier électro-nique soutenus par les animateursdes CEMIS et par la GRICS.

L’intuition à la base de ce choix estque l’on ne peut pas forcer la crois-sance d’un réseau. On peut seule-ment mettre en place des conditionset créer des occasions pour ras-sembler les gens autour de projetscommuns afin d’alimenter la dis-cussion et l’expérimentation dans lemilieu. Dès le départ, cette formulea fait ses preuves. Des pratiquespédagogiques novatrices ont étéintroduites dans les classes tout enassurant soutien et formation auxenseignants selon leurs besoins et à petits pas tout au long du pro-cessus.

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VIE44 2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

De nos jours, le QESN-RÉCIT con-tinue d’offrir des projets de télécol-laboration qui ont été élaborés enéquipe avec des enseignants, desconseillers pédagogiques et des ani-mateurs du RÉCIT (Réseau pour ledéveloppement des compétencespar l’intégration des technologies).Ces projets, dans lesquels la tech-nologie s’intègre de façon naturelle,sont centrés sur le Programme deformation et s’inspirent de la péda-gogie par projets. Pour participer àces projets de télécollaboration, lesenseignants doivent y inscrire leursclasses. Ils ont alors accès à un sitede soutien exhaustif et à la présenced’un animateur en ligne qui leuroffre de l’assistance pédagogique ettechnique. De plus, ils bénéficientde l’aide de l’animateur du RÉCITde leur commission scolaire qui faitpartie intégrante du réseau de sou-tien. Ces projets de Form@ction(Learn-by-Doing) s’adressent auxenseignants qui souhaitent réaliseravec leur classe un projet TIC surInternet mais qui n’osent s’y aven-turer seuls parce qu’ils manquentd’expérience ou sentent le besoind’être accompagnés lors de leurspremières expérimentations. D’autresconnaissent mieux les TIC, maisveulent apprendre à réaliser desprojets qui en tirent profit sur leplan pédagogique. Les projets deForm@ction permettent donc auxenseignants de se former et de seperfectionner dans l’action, selonleurs besoins spécifiques, avec unanimateur qui leur sert de guide etqui leur offre de l’aide technique.Plus de 650 classes ont déjà par-ticipé à ces projets depuis leurimplantation. Les évaluations et larétroaction des enseignants indiquentqu’ils sont enthousiastes, qu’ils ont

progressé dans leur cheminementd’intégration des TIC, que l’environ-nement éducatif de leur classe s’entrouve enrichi et qu’ils apprécientparticulièrement le soutien qu’ilsreçoivent tant en ligne que loca-lement1.

LE PERFECTIONNEMENTPROFESSIONNELPAR LA RECHERCHE-ACTION

Il existe souvent, dans le milieu sco-laire, des îlots d’innovation isolésqui ne sont pas conscients du poten-tiel de leur travail. Il s’agit d’en-seignants et d’enseignantes qui sontau stade de la réflexion quant àl’adoption de nouvelles pratiquesou d’écoles qui veulent essayer desapproches différentes2.Chaque année, le QESN-RÉCIT créeet soutient des groupes de travail etde recherche. Il rassemble des ensei-gnants de plusieurs commissionsscolaires autour d’une probléma-tique, le portfolio par exemple. Uneéquipe de soutien composée deconseillers pédagogiques, anima-teurs du RÉCIT, chercheurs et tech-nologues en éducation les encadreet accompagne ces groupes surplace et à distance. Le résultat? Cesenseignants novateurs sont en con-tact avec des collègues qui partagentleurs objectifs et font face auxmêmes défis. Ils implantent de nou-velles pratiques dans leurs classestout en bénéficiant de la proximitéde collègues et de personnes-ressources avec qui ils peuvent con-fronter leurs idées.La force de ces groupes réside dansle croisement entre la recherche-action et le perfectionnement pro-fessionnel. Le cheminement de tousles membres et leur collaborationfavorise une compréhension parta-gée d’une problématique particu-lière. Les idées et les pratiques filtrentalors plus rapidement et sont adop-tées facilement. Ce genre de groupede travail permet ainsi le perfec-tionnement professionnel par larecherche-action.

ALIMENTER LA DISCUSSIONDANS LE MILIEUSouvent, à l’invitation d’un groupe,le QESN-RÉCIT a l’occasion de travail-

ler avec des enseignants novateurspour documenter leurs pratiques.Ainsi, plusieurs projets qui illustrentdes pratiques exemplaires en fran-çais, langue seconde, ont été pu-bliés sur le site Portes françaises3.Le projet « Iroquois Beadwork –Cultural Portraits of the Past andPresent » a été documenté en col-laboration avec des enseignants, leMusée McCord et le centre culturelKanien’kehaka Raotitiohkwa et pu-blié dans Le centre de ressourcesen univers social 4.Ces démarches donnent l’occasionaux enseignants de discuter de leurprojet ainsi que de réfléchir surleur démarche et de la clarifier envue de la partager. La communautéenseignante prend alors connais-sance de nouvelles pratiques péda-gogiques dont elle peut s’inspirer,outre qu’elle a accès à la banquedes ressources créées.Le QESN-RÉCIT a souvent constatéque les acteurs du milieu scolairequi expérimentent de nouvelles pra-tiques, qui expliquent à d’autres cequ’il font dans leur classe et quipublient sur son site deviennent descatalyseurs importants de change-ment dans leurs écoles ou commis-sions scolaires respectives. Le faitd’articuler leur vécu avec l’aided’une personne-ressource du QESN-RÉCIT dans le but de publier undocument sur le site leur donne unrecul qui, souvent, en fait d’excel-lents animateurs ou accompagna-teurs. La publication de leur travailleur donne la crédibilité et la recon-naissance qui assurent que l’on feraappel à eux. Ils ont une précieuseexpérience de première ligne etpeuvent en faire profiter d’autresenseignants.Par l’entremise d’ateliers, de pré-sentations et de sessions de partageà l’école, à l’échelle de la commis-sion scolaire ainsi qu’à des congrès,les expériences et les réflexions deces acteurs alimentent la discussiondans le milieu. Les contenus, héber-gés sur le site du QESN-RÉCIT, serventde documents de présentation et desoutien pour les communicateurs,qu’il s’agisse des enseignants eux-mêmes ou d’autres membres de lacommunauté.

UN RÉSULTAT VISIBLEPour propager les nouvelles pra-tiques issues du milieu, le QESN-RÉCIT mise donc sur son site Webqui sert de vitrine pour le réseau.Cependant, le véritable moteur duchangement et de la formation pro-fessionnelle réside dans la synergiequi se développe au sein des groupesd’enseignants avec qui il travaille.Ces groupes forment des « commu-nautés de pratique » qui s’établissentautour des multiples stratégies etpratiques pédagogiques mises enœuvre dans le milieu : « L’émer-gence et la croissance d’une tellecommunauté dépendent notam-ment de l’alliance de l’attention, dudialogue et de l’entraide, consi-dérés comme des attitudes enra-cinées dans des valeurs et seprolongeant dans des comporte-ments, des façons de faire, desmoyens d’action et des structuresde soutien5. »Les dirigeants du QESN-RÉCIT ontconstaté que lorsqu’ils réunissentainsi des enseignants dynamiques,des conseillers pédagogiques, desreprésentants du ministère de l’Édu-cation, des animateurs du RÉCIT,des chercheurs universitaires et desmuséologues… tous progressent!Le travail concerté de ces multiplespersonnes a pour résultat que lesidées novatrices trouvent alors plusfacilement racine dans l’ensembledu milieu scolaire.Mmes Sylwia Bielec et ChristianeDufour font partie de l’équipede soutien et de développementdu QESN-RÉCIT.

1. Pour les projets de Form@ction duQESN-RÉCIT : [www.qesnrecit.qc.ca/cc/ldoann.htm].

2. School Reform in Québec : Lead and PilotSchools : [www.qesnrecit.qc.ca/reform/bestprac/leadsch/index.php]; Vie de cycle :[www.qesnrecit.qc.ca/reform/schoolorgs/cyclelife/index.php].

3. Projets de portes françaises : www.qesnrecit.qc.ca/fls/projets.htm.

4. Iroquois Beadwork : www.qesnrecit.qc.ca/socialsciences/beadwork/index.html.

5. GRÉGOIRE, R. Communauté d’appren-tissage : Attitudes fondamentales. Projetde recherche sous la direction de ThérèseLaferrière, [En ligne], 20 décembre1998, [www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/prj-7.1/commune3.html] (19 mai 2004).

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P our plusieurs, MarshallMcLuhan a été un précur-seur, en annonçant dès les

années soixante que les technolo-gies joueraient un rôle central enéducation. Mais plus de 50 ansavant McLuhan, un autre vision-naire, Thomas Edison, prédisaitdéjà un grand avenir aux technolo-gies dans les écoles. En effet, en1911, peu de temps après avoirréalisé un film destiné à l’éduca-tion, Edison déclarait : « Les livresseront incessamment désuets.[…] Il est possible d’enseignertoutes les facettes du savoirhumain par le film. Notre systèmed’éducation sera complètementtransformé d’ici dix ans ». Celafait donc près d’un siècle que l’onpromet aux technologies un rôlemajeur dans l’éducation.Au Québec, c’est dès la fin des an-nées soixante-dix que les enseignantsinitient les élèves à l’ordinateurainsi qu’à l’utilisation de certainslogiciels. Le Québec semble doncpromis à un bel avenir en décidant,deux ans avant la France, d’investirde façon massive dans l’achat de 70 000 ordinateurs pour les écoles1.Malheureusement, l’aventure desordinateurs de Comterm-Matra(voir Lemieux, 1992) fait reculer leQuébec, qui se retrouve, au débutdes années 90, au dernier rang desprovinces canadiennes pour lenombre d’élèves par ordinateur.Après cet échec, il faut attendre lemilieu des années 90 pour que laquestion de la pénurie d’ordina-teurs dans les écoles refasse lesmanchettes. Les écoles du Québecont deux fois moins d’ordinateursqu’elles ne le devraient, selon unrapport de l’Organisation de coopé-ration et de développement écono-miques (OCDE) de 1996. Il fautattendre la fin des années 90 pourvoir le Québec réellement émerger

sur la scène canadienne. En effet, le14 juin 1999, le ministre de l’Édu-cation François Legault annonceque toutes les écoles du Québecsont branchées2, qualifiant de grandsuccès le plan d’action ministérielrelatif aux technologies de l’infor-mation et de la communication. LeQuébec devient ainsi la premièreprovince du Canada où toutes lesécoles ont un accès à Internet.Parallèlement à cette annonce,L’élève rapaillé, de Robert Bibeau,est publié sur Internet3. Ce texte,que plusieurs n’hésitent pas à quali-fier de pamphlet, fait couler beau-coup d’encre des deux côtés del’Atlantique. Bibeau (1999) prétendcarrément – et avec raison – queles TIC sont présentes partout dansla société sauf dans les classes desécoles du Québec. Écoles branchéeset pédagogie débranchée, voilà quipourrait résumer les conclusionsde son manuscrit. Il reprend ainsicertains des propos de chercheursbelges qui affirmaient quelquesannées plus tôt que « les établisse-ments où l’on peut réellementconsidérer que les NTI sont utili-sées sur une base régulière pourtransmettre des connaissances etfaire acquérir des compétencespar les élèves restent très peunombreux » (Depover et Strebelle,1996, p. 76).Finalement, au tournant du XXIe siècle,l’intégration des TIC en éducationest également marquée par uneforte volonté du gouvernement duQuébec de permettre à tous lesélèves d’être outillés et d’être for-més aux défis technologiques de lasociété du savoir. Le ministère del’Éducation croit que l’école, enplus de veiller à développer descompétences technologiques chezles élèves et de favoriser l’intégra-tion des TIC dans l’ensemble desdisciplines scolaires, doit aussi

« amener tous les élèves à diversi-fier l’usage qu’ils en font [destechnologies] et à développer unsens critique à leur endroit »(MEQ, 2001, p. 28). Cette volontés’est traduite par de nombreuxinvestissements dans les écoles,notamment pour l’achat d’équipe-ments, le soutien technique et l’aidepédagogique. Une des actions con-crètes du gouvernement du Québecpour aider les enseignants à inté-grer les TIC de façon pédagogique apermis la création du Réseau pourle développement des compétencespar l’intégration des technologies4

(RÉCIT), qui a remplacé les Centresd’enrichissement en micro-infor-matique scolaire (CEMIS).Bien que les prédictions d’Edisonaient tardé à se concrétiser, nousserions tentés de croire, en 2004,que nous n’en sommes pas trèsloin. Nous sommes aussi à mêmed’espérer que les enseignants nou-vellement formés disposent descompétences nécessaires pour faireun usage régulier et pédagogique

des technologies. Est-ce vraiment le cas?

LES TIC ET LA FORMATIONDES MAÎTRES AU QUÉBECDepuis 1990, le ministère de l’Édu-cation du Québec invite les uni-versités québécoises à repenser laformation des maîtres, et ce, enrecourant à divers savoirs ancrésdans des pratiques exercées enmilieu scolaire telles que les stages(MEQ, 1997). Par ailleurs, l’Étatconvie depuis longtemps les facul-tés d’éducation à favoriser l’inté-gration des TIC en formation à laprofession enseignante, dans uneperspective de cohérence de laformation initiale des enseignants avec les nouvelles réalités scolaires(MEQ, 1997). C’est le 29 janvier1997 que le ministère de l’Éduca-tion du Québec lance son plan d’in-tervention intitulé Les technologiesde l’information et de la commu-nication en éducation. Pour leMEQ, l’objectif « […] est de contri-buer à une meilleure préparation

LES FUTURS ENSEIGNANTS DU QUÉBEC SONT-ILS BIEN PRÉPARÉS À INTÉGRER LES TIC?par Thierry Karsenti

Un jour, les gens apprendront à travers des circuits électroniques.Marshall McLuhan, 1965

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des futurs enseignants et ensei-gnantes […] au regard de l’in-tégration des TIC dans leurenseignement. » Dans ce pland’action, on déplore le manque depréparation des futurs enseignantsconcernant l’utilisation des TIC : « […] Le nombre de cours offertsest faible […] ». On reprocheégalement aux universités de con-sidérer la formation technologiquecomme « une spécialité et noncomme un instrument d’applica-tion générale en didactique et enpédagogie. » (MEQ, 1997).D’une formation centrée exclusi-vement sur les TIC, nous sommespassés, dans plusieurs facultésd’éducation des universités duQuébec, à une « intégration trans-versale » des TIC, c’est-à-dire quel’on souhaite retrouver les TIC nonpas dans un seul cours de la forma-tion des maîtres, mais plutôt dansl’ensemble des activités du pro-gramme de formation. Ce virage fait notamment suite au documentministériel La formation à l’ensei-gnement : les orientations, les com-pétences professionnelles (MEQ,DIRECTION DE LA FORMATION INI-TIALE DU PERSONNEL ENSEIGNANT,2001). Ce document regroupe douzecompétences que devraient maîtriserles futurs enseignants à l’issue deleur formation. La Compétence 8,qui traite particulièrement des tech-nologies de l’information et de la

communication, est ainsi formulée :« Intégrer les technologies de l’in-formation et des communicationsaux fins de préparation et depilotage d’activités d’enseigne-ment-apprentissage, de gestion del’enseignement et de développe-ment professionnel ».Quoique ce virage d’orientation dela formation initiale des maîtres –d’une formation technologique àune formation axée surtout sur l’in-tégration pédagogique des techno-logies – constitue un juste retour dubalancier, il y a dans cette façon de faire un certain danger. Si onsouhaite retrouver les technologiesdans l’ensemble de la formation, ne risquent-elles pas aussi de seretrouver nulle part? N’aurait-il pasété plus sage d’ajouter un nouveaucours au programme? Est-ce que lefait de voir des professeurs et deschargés de cours utiliser le logicielPowerPoint de Microsoft pourenseigner de façon magistrale est legage d’une formation qui vise àdévelopper des compétences enmatière de TIC5? Il est facile d’endouter. Cette incertitude relative-ment aux nouveaux aménagementsde la formation des maîtres nous aamenés à nous questionner sur lacompétence des futurs enseignantsà intégrer les TIC. C’est ainsi quenous avons décidé d’entreprendrel’une des plus importantes enquêtessur les TIC et la formation des

maîtres jamais réalisées en Amériquedu Nord ou en Europe6.

LES RÉSULTATS D’UNEENQUÊTE MENÉE AUPRÈS DE6 998 FUTURS ENSEIGNANTSET ENSEIGNANTES DU QUÉBECNous présentons ci-après les princi-paux résultats de notre recherche :une enquête menée auprès dequelque 6 998 futurs enseignants etenseignantes qui étudient dans lesneuf universités francophones duQuébec offrant un programme deformation initiale à l’enseignement.Les résultats des analyses statis-tiques nous renseignent d’abord surles personnes qui ont répondu auquestionnaire : 84 % de femmes et16 % d’hommes, ce qui est la répar-tition que l’on retrouve en généralen formation des maîtres au Québec.La proportion de femmes est toute-fois beaucoup plus forte dans leprogramme de formation initialedes maîtres au préscolaire et au pri-maire (94 %). Les données recueil-lies fournissent aussi un éclairagefort intéressant sur les attitudes etles compétences relatives aux TICpour les enseignants nouvellementformés. Mais comme nous avonsinterrogé des personnes qui effec-tuaient un stage, les résultats decette étude permettent égalementun coup d’œil privilégié sur l’utili-sation des technologies dans prèsde 7 000 classes du Québec.

LES FUTURS ENSEIGNANTSET ENSEIGNANTES ETLA MAÎTRISE DES TICNous avons posé diverses questionssur les technologies afin de mieuxcomprendre l’accès que les futursenseignants ont à ces outils, maisaussi leur degré de maîtrise desTIC. Les résultats de notre enquêtemontrent que 95 % de ces derniersont accès à un ordinateur à leurdomicile, et que 85 % ont aussi uneconnexion Internet. Quelque 91 %se considèrent « bons » à « experts »en ce qui a trait à l’utilisation dutraitement de texte, outil dont ilsfont surtout usage pour la planifica-tion et la gestion de l’enseignement.Toutefois, lorsqu’il est question del’utilisation d’un logiciel de présen-tation (PowerPoint), plus de 55 %indiquent se sentir « novices », etmoins de 1 % se considèrent commedes experts. En ce qui a trait à lacréation de pages Web, c’est prèsde 86 % des répondants qui se con-sidèrent novices, et moins d’unrépondant sur 700 se considère « expert ». En résumé, on observeque les futurs enseignants ont engrande majorité un accès aux TIC.Néanmoins, en ce qui a trait à lamaîtrise d’outils (logiciels) pouvantêtre utilisés en salle de classe (logi-ciels de présentation ou de créationde page Web), ils ne se disent pasdes utilisateurs chevronnés. Ce résul-tat peut paraître surprenant, surtoutlorsque l’on sait qu’un logiciel deprésentation comme PowerPointexiste depuis bientôt vingt ans. Ence qui a trait à la création de pagesWeb, une habileté qui, pour plu-sieurs, est au cœur des innova-tions pédagogiques en classe, il estsurprenant de constater que tantd’enseignants se sentent toujoursnovices.

ATTITUDE DES FUTURSENSEIGNANTS ETENSEIGNANTES ENVERSLES TICDe nombreuses études ont montréque des facteurs humains tels que lamotivation et le sentiment de com-pétence sont susceptibles d’appuyer

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ou d’inhiber l’usage des technolo-gies en classe (Karsenti, Savoie-Zajcet Larose, 2001; Ungerleider, 2002).Nous n’avons pas été surpris par lesrésultats de notre enquête qui mon-trent qu’une motivation élevée et un fort sentiment de compétence àl’égard des TIC vont de pair avecune plus grande utilisation enclasse. Le constat est le même quantà la valeur pédagogique accordéeaux TIC : plus le futur enseignant oula future enseignante trouve qu’ilest important pour les élèves d’ap-prendre à l’aide des TIC, plus lestechnologies seront mises à profiten classe. Les résultats de notreétude ont toutefois ceci de particulierque ce sont les facteurs humains (lamotivation, le sentiment de compé-tence et la valeur pédagogique accor-dée aux TIC) qui expliquent le plusleur utilisation – ou non – par lesfuturs enseignants et enseignanteslors de leurs stages. Il semble ainsique les habiletés technologiques etl’équipement – pourtant des condi-tions essentielles à l’intégration desTIC – ne suffisent pas. Intégrer lesTIC en classe, c’est aussi une ques-tion de motivation et d’attitude.

FORMATION PRATIQUE(STAGES) ET TICDans la dernière section de l’en-quête, nous cherchions à mieuxcomprendre si les futurs enseignantset enseignantes avaient l’occasiond’intégrer les TIC en contexte d’en-seignement, durant leur stage. Nousavons obtenu à ce sujet, croyons-nous, les résultats les plus intéres-sants de notre enquête. À la question« Lors de votre dernier stage,avez-vous utilisé les TIC? », 46 %des participants ont répondu « ja-mais » ou « très rarement ». Pourl’ensemble des répondants inscritsdans le programme d’enseignementau préscolaire et au primaire, l’uti-lisation est toutefois plus fréquente(35 % indiquent n’avoir jamais ouavoir très rarement utilisé les TIC).En ce qui a trait aux personnesinscrites au programme d’enseigne-ment au secondaire, mis à part le cours d’informatique ou encorel’utilisation des TIC pour la planifi-

cation de l’enseignement, c’est prèsde 95 % qui indiquent n’avoir jamaisou avoir très rarement utilisé lesTIC en classe. La différence entrel’usage des TIC que font les ensei-gnants en classe au primaire et ausecondaire est donc majeure etdevrait nous amener à réfléchir surle mode d’organisation de l’écolesecondaire. Il est aussi intéressantde noter que quels que soient lesprogrammes d’études, ce sont tou-jours les femmes qui utilisent leplus les TIC, et ce, de façon trèssignificative.À la question « Dans quel contexteavez-vous utilisé les TIC au coursde votre dernier stage? », celles etceux parmi les futurs maîtres quiavaient utilisé les TIC ont répondu :

• pour de la recherche d’infor-mations et de la navigation surInternet (souvent pour la pré-paration de leçons ou d’acti-vités) (42 %);

• pour des projets, des travauxet des activités réalisées avecles élèves (23 %);

• comme appui pédagogique(par exemple, la création de présentations PowerPoint)(15 %);

• pour faire de la gestion, de laplanification et de l’organi-sation de l’enseignement (parexemple, pour comptabiliserdes notes à l’aide d’un chif-frier) (13 %);

• pour de la communicationavec le courrier électronique,les forums ou encore les sitesde clavardage (8 %);

• pour l’initiation des élèves àl’informatique (7 %).

CONCLUSIONLes sondages et les enquêtes com-portent toujours une certaine marged’erreur et il faut souvent fairepreuve de prudence dans l’analyseet l’interprétation des donnéesrecueillies. Néanmoins, commenous avons interrogé un nombretrès important de futurs enseignantset enseignantes (6 998), on nepourra pas dire que notre échan-tillon n’est pas représentatif. C’est

plus de 60 % des futurs enseignantsformés au Québec qui ont réponduà notre enquête. Nous aurionscertes pu présenter toutes les utili-sations novatrices et exemplairesque nous avons pu observer (etelles sont souvent impression-nantes), mais l’objectif de notreétude était de savoir si, de façongénérale, les futurs enseignants sontconvenablement préparés à intégrerles TIC. C’est pourquoi notre ana-lyse a surtout porté sur « l’ensembledes répondants », et non sur l’utili-sation exemplaire que font des TICcertains enseignants.

L’ÉCOLE SECONDAIRE DOIT-ELLEÊTRE REPENSÉE?Alors que le ministère de l’Édu-cation s’interroge sur l’avenir etl’organisation des cégeps, les résul-tats de l’enquête que nous avonsréalisée nous amènent à nous ques-tionner sur l’organisation de l’écolesecondaire au Québec. Comment sefait-il que l’utilisation des TIC à desfins pédagogiques dans les écolessecondaires soit rarissime, en par-ticulier dans un contexte où l’onobserve une utilisation de plus enplus fréquente des TIC dans d’autresdomaines de la société? L’intégra-tion des TIC est-elle incompatibleavec un contexte où les enseignantsdoivent régulièrement changer declasse pour enseigner? Est-ce qu’em-mener ses élèves au laboratoired’informatique – local souventréservé aux cours d’informatique –représente « un parcours du com-battant »? Certes, plusieurs écolessecondaires – comme c’est le cas à la Commission scolaire de Lavalou encore à la Commission sco-laire des Draveurs, en Outaouais –innovent avec des laboratoiresdédiés à l’intégration pédagogiquedes TIC pour les autres disciplinesd’enseignement, mais il s’agit làd’initiatives ponctuelles qui nereflètent pas nécessairement la ten-dance générale dans le réseau desécoles secondaires au Québec. Lesconclusions d’une récente étude del’OCDE (2004), Completing thefoundation for lifelong learning :An OECD survey of Upper Secondary

Schools, montrent comment l’amé-nagement des heures d’enseignement,l’organisation de la classe… et lafaible compétence technopédago-gique des enseignants ne permettentpas une véritable intégration desTIC dans les classes du secondairede quelque quinze pays industria-lisés. Le rapport met d’abord enévidence que l’utilisation des TICest « décevante » dans les établisse-ments d’enseignement secondairede ces pays, et ce, même si d’im-portantes dépenses en équipementau cours des 20 dernières annéesont permis de faire entrer les tech-nologies dans la quasi-totalité deces établissements scolaires. Lesconclusions reflètent cette décep-tion : l’utilisation de l’informatiqueà des fins pédagogiques dans l’en-semble des écoles secondaires deces pays est sporadique.Plusieurs diront donc qu’il ne fautpas s’inquiéter car ce rapport con-corde avec les résultats que nousavons obtenus, et ce, même si ni leCanada ni le Québec n’ont participéà cette étude de l’OCDE. On diraque c’est une bien mince consola-tion de constater que nous sommes,comme bien d’autres, « hors piste ».Ne serait-ce pas plutôt une occasionpour notre système éducatif de sedémarquer et d’innover sur le plande l’intégration pédagogique desTIC dans les écoles secondaires?

LES CONDITIONS GAGNANTESSEMBLENT EN PLACEAU PRIMAIREÀ l’enseignement primaire, les résul-tats de notre enquête montrent quela plupart des futurs enseignantsont la possibilité d’emmener leursélèves dans une salle où l’on retrouveplusieurs ordinateurs. De surcroît,près de 30 % des classes sont équi-pées d’ordinateurs (le nombred’appareils varie de 1 à 7). Cettecombinaison des moyens – un labo-ratoire informatique et quelquesordinateurs dans la classe – laisseentrevoir plusieurs possibilités pourl’intégration pédagogique des TICpar les futurs enseignants et ensei-gnantes du primaire. Les possibi-lités sont donc là. Il faut cependant

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s’assurer que la formation de cesenseignants leur permette d’enbénéficier pleinement.

QUATRE ANNÉES POURAPPRENDRE À CRÉERUNE PAGE WEB?Les résultats de notre enquête ontmis en évidence que les futurs ensei-gnants et enseignantes maîtrisent engénéral très bien le traitement detexte après quatre années de forma-tion à l’université. En ce qui a traitaux logiciels de présentation, onremarque toutefois que moins de 1 % se considèrent experts. Quant àla création de pages Web, c’est unehabileté qui ne semble aucunementmaîtrisée par la majeure partie desrépondants. Plusieurs soulignerontque c’est un résultat « normal » etque les enseignants n’ont pas àmaîtriser les outils technologiquescomplexes pour intégrer les TIC enclasse. Cette affirmation est tout à fait sensée. Mais, de nos jours, la création de pages Web fait-elleencore partie des technologies avan-cées et complexes? Avec quelque550 milliards de documents surInternet et plus de 7,5 millions denouvelles pages Web créées chaquejour (Varian et Lyman, 2002), il estdifficile de concevoir la création depages Web comme une habiletétechnique avancée. Surtout quedans certaines formations, il a étédémontré qu’une page Web peutêtre créée en quelques minutes.Comment se fait-il donc que, aprèsquatre années de formation à l’uni-versité, si peu de futurs enseignantsse sentent en mesure de créer unepage Web ou de déposer des docu-ments sur Internet? On dit que leréseau Internet débordera d’icipeu, car il n’a de place que pour4,7 milliards d’adresses différentes(c’est d’ailleurs pour cette raisonqu’un nouveau système sera bientôtmis en place, le IPv6, qui acceptera340 milliards de milliards de mil-liards de milliards d’adresses7).Pourquoi les enseignantes et lesenseignants nouvellement formésne pourraient-ils pas participer à ladiffusion d’informations sur Inter-net? C’est pourtant une des fonc-

tions des TIC mise en avant dans le Programme de formation del’école québécoise, puisqu’il estclairement indiqué que les TIC « constituent non seulement desmoyens de consultation de sourcesdocumentaires, mais aussi desmoyens de production » (MEQ,2001b, p. 10). Comment concevoirla « production » à l’aide des TIC sil’on n’est pas en mesure de créerdes pages Web, une compétencejugée de plus en plus fondamentale?

FAUT-IL RÉAJUSTER LAFORMATION INITIALE DESENSEIGNANTS RELATIVEMENTÀ LA COMPÉTENCE 88?Même si certains résultats de notreenquête peuvent être interprétés dediverses façons, un élément sembledifficile à expliquer : comment sefait-il que près de la moitié desfuturs enseignants et enseignantesindiquent ne pas avoir utilisé les TIClors de leur dernier stage, alors quetoutes les écoles du Québec sontéquipées de laboratoires d’informa-tique et que toutes sont branchées à Internet depuis 19999? N’est-cepas là un constat étrange pour unesociété qui figure parmi les plusbranchées de la planète? Commentpeut-on présumer que la Compé-tence 8 sera maîtrisée par les nou-veaux diplômés en enseignement si,d’une part, les universités diminuent(ou diluent) les formations TIC et,d’autre part, plus de 50 % des ensei-gnants en formation n’ont pas l’oc-casion d’utiliser les TIC lors desstages? Est-ce là vraiment la « for-mation intégrée et ancrée dansdes lieux de pratique » (MEQ,DIRECTION DE LA FORMATION INI-TIALE DU PERSONNEL ENSEIGNANT,2001, p. 25) suggérée par le mi-nistère de l’Éducation dans sondocument d’orientation pour laformation à l’enseignement? Avantque la situation ne s’aggrave, ilsemble donc urgent de veiller à ceque les futurs enseignants et ensei-gnantes reçoivent une formation àl’intégration des TIC qui leur per-mette de développer les compé-tences visées par le ministère del’Éducation. Et au-delà d’une juxta-

position des modes de formation,ce qu’il faut plutôt viser, c’est une sorte d’alternance intégrative(Malglaive, 1994) qui « permetd’articuler ensemble, dans lemême temps et non dans desprocessus de formation séparés,la formation aux savoirs et la for-mation aux savoir-faire dans lecontexte réel de l’action » (MEQ,DIRECTION DE LA FORMATION INI-TIALE DU PERSONNEL ENSEIGNANT,2001, p. 26).La dernière étude du CEFRIO10

montre que plus de 99 % des jeunesde 12 à 17 ans ont déjà utilisé Internet. Dans un monde où lesjeunes – ceux des écoles primaireset secondaires – vivent à l’heure destechnologies et où Internet devientpour plusieurs la première sourced’accès à la connaissance, la forma-tion des futurs enseignants et ensei-gnantes aux usages pédagogiquesdes TIC nous semble des plus im-portantes. De plus, alors que pen-dant plusieurs années nous noussommes opposés aux formationstrop technologiques à l’université,nous constatons aujourd’hui, enparticulier considérant les résultatsde l’enquête que nous avons menée,qu’elles ont peut-être encore leurplace (avec évidemment quelquesaménagements).

POURQUOI UNE FORMATIONTECHNOPÉDAGOGIQUE?Pourquoi est-il important de formerles futurs enseignants et ensei-gnantes relativement aux TIC, maisaussi en ce qui a trait aux usagespédagogiques de ces dernières?Premièrement, cela leur permettrade mieux enseigner tout en tenantcompte des réalités de la société.Deuxièmement, cela permettraaux jeunes à qui ils enseignent demieux apprendre.Troisièmement, l’utilisation desTIC par leurs maîtres devrait insuf-fler une motivation scolaire accrueaux élèves.Quatrièmement, il semble im-portant, comme le souligne le minis-tère de l’Éducation du Québec,d’amener les jeunes à développerun esprit critique à l’égard des tech-

nologies et de leurs usages. Et unetelle chose ne semble possible quesi les futurs enseignants et ensei-gnantes maîtrisent à la fois les TIC,et leurs usages en classe.Cinquièmement, les enseignanteset les enseignants doivent être enmesure de faire face à la mutationdu rapport au savoir qui s’est instal-lée chez les jeunes. Le livre et l’en-seignant ne sont plus les premièressources d’accès à la connaissance :c’est à Internet que revient cet hon-neur. Mais ce n’est pas un mal ensoi, au contraire, et ce, même siplusieurs s’inquiètent de la grande« désinformation » que l’on observesur Internet. Les informations con-tradictoires existent depuis fortlongtemps et elles ne font que per-durer avec Internet. La découvertede l’Amérique n’a-t-elle pas été – àtort ou non – attribuée à AmerigoVespucci, dans un ouvrage impriméà 1 000 exemplaires au début duXVIe siècle avant d’être finalementconcédée à Christophe Colomb? Lesexemples sont nombreux.Sixièmement, si on se réfère autexte signé par Marie-FranceLaberge, Communiquer à l’heured’Internet, dans le numéro 131 deVie pédagogique, il semble impor-tant que les enseignantes et lesenseignants nouvellement formés

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puissent amener les élèves à commu-niquer de façon efficace en utilisantles technologies. Mais commentréussir un tel exploit si les ensei-gnants eux-mêmes ne maîtrisentpas les outils de communicationemployés de façon quotidienne parun nombre de plus en plus impor-tant de jeunes?Septièmement, une meilleure for-mation technopédagogique ouvriraaux enseignants et aux enseignantesqui viennent d’entrer en fonction denombreuses occasions de partage,par l’adhésion à des réseaux dontplusieurs visent à faciliter l’inser-tion professionnelle.Huitièmement, il semble que lafaible compétence en matière deTIC des personnes qui ont participéà notre enquête indique que les uni-versités qui ont retranché de leurformation initiale des maîtres uncours portant sur les TIC l’ont peut-être fait de façon trop hâtive, sansen mesurer pleinement les con-séquences.Neuvièmement, enfin (et ce nesont pas tous les acteurs de l’édu-cation qui partagent cet avis), lestechnologies ne remplaceront jamaisla nourriture intellectuelle, affectiveet sociale que les enseignantes et lesenseignants peuvent procurer à

leurs élèves : il est donc importantqu’ils soient à la fois conscients desinnombrables avantages découlantde l’intégration des TIC, tout enétant informés des limites de cesdernières ainsi que des écueils quisont parfois inhérents à leur utili-sation.M. Thierry Karsenti est titulairede la Chaire de recherche duCanada sur les TIC et l’édu-cation et chercheur au Centre de recherche interuniversitairesur la formation du personnelenseignant de la Faculté dessciences de l’éducation del’Université de Montréal.

Références bibliographiquesBIBEAU, R. L’élève rapaillé, [En ligne], 1999,[http://ntic.org/guider/textes/div/rapail2.htm].DEPOVER, C. et A. STREBELLE. « Fondementsd’un modèle d’intégration des activités liéesaux nouvelles technologies de l’informationdans les pratiques éducatives », dans Baron,G.-L. et É. Bruillard, Informatique et éduca-tion : regards cognitifs, pédagogiques etsociaux, Paris : INRP, 1996.KARSENTI, T., L. SAVOIE-ZAJC et F. LAROSE. ,Éducation et Francophonie, no 29, vol. 1,(Revue électronique : www.acelf.ca/revue/index.html), 2001.LABERGE, M.-F. « Communiquer à l’heured’Internet », Vie pédagogique, no131, avril-mai 2004, p.16-21.LEMIEUX, P. « Réflexions libres sur l’État et laculture », dans Sauvageau, F., Les politiquesculturelles à l’épreuve. La culture entrel’État et le marché, Québec, Institut qué-bécois de recherche sur la culture, 1992, p. 151-169.MALGLAIVE, G. « Alternance et compétences »,Cahiers pédagogiques, no 1, 1994, p. 26-28.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.Programme de formation de l’école québé-coise. Éducation préscolaire et enseigne-ment primaire, Québec, 2001.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DIRECTION DE LA FORMATION INITIALE DU PERSONNELENSEIGNANT. La formation à l’enseigne-ment. Les orientations, les compétencesprofessionnelles, Québec, 2001.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.Les technologies de l’information et de lacommunication en éducation. Plan d’in-tervention, enseignement universitaire,Québec, 1997.OCDE. Les technologies de l’information etl’avenir de l’enseignement post-secondaire,Amsterdam, Presses de l’OCDE, 1996.OCDE. OECD survey of upper secondaryschools, Amsterdam, Presses de l’OCDE,2004.

UNGERLEIDER, C. « Information andCommunication Technologies in Elementaryand Secondary Education : A State of the ArtReview », dans Actes du Colloque 2002 duProgramme pancanadien de recherche en éducation (PPRE) : La technologie del’information et l’apprentissage, Toronto,Conseil des ministres de l’Éducation duCanada, 2002.VARIAN, H. et P. LYMAN). How much infor-mation? Berkely, CA, University of Californiain Berkeley, 2002.

1. Le 4 juillet 1983, le ministre de l’Éduca-tion, M. Camille Laurin, lançait un planpour l’utilisation pédagogique de l’ordi-nateur. De son côté, le ministre GilbertPaquette, responsable du nouveau minis-tère de la Science et de la Technologie,présentait la même année un projet quivisait à équiper les écoles du Québec dequelque 70 000 ordinateurs.

2. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.Allocution du ministre Legault, [Enligne], 1999, [http://www.meq.gouv.qc.ca/CPRESS/cprss99/c990614.htm].

3. Le portail des NTIC : [http://ntic.org/guider/textes/div/rapail2.htm].

4. [http://www.recit.qc.ca]5. Il s’agit là de la plus fréquente utilisation

des TIC par les formateurs à l’université.6. Cette enquête a été réalisée grâce à une

subvention du Conseil de recherche ensciences humaines du Canada (CRSH).

7. [http://www.commentcamarche.net/internet/ipv6.php3]

8. Intégrer les technologies de l’informa-tion et des communications aux fins depréparation et de pilotage d’activitésd’enseignement-apprentissage, de gestionde l’enseignement et de développementprofessionnel.

9. Source : Allocution du ministre Legault :[http://www.meq.gouv.qc.ca/CPRESS/cprss99/c990614.htm]

10. [http://www.cefrio.qc.ca]

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CE QUE L’ON ENTEND SUR LES TIC Quelques idées reçuespar Claude Séguin

«L es TIC, c’est comme le téléphone, ce n’estqu’un outil, et l’on n’a

pas à s’occuper de ça dans lesécoles. »Il est vrai que les technologies del’information et de la communica-tion (TIC) sont des outils, maisquels outils! L’arrivée des TIC estcomparable à d’autres innovations :l’imprimé à la Renaissance, leschiffres arabes et le zéro au MoyenÂge ou la révolution de l’écriturealphabétique 1 300 ans avant Jésus-Christ. En effet, l’accès planétaire etinstantané à l’information est bienun changement majeur… pour

ceux qui en tirent parti. La simpli-cité de l’outil TIC cache le fait queson usage est intimement lié à despratiques disciplinaires et demandeun apprentissage plus sophistiquéque celui du téléphone : si cher-cher dans Google semble si simple,trouver ce que l’on cherche estune autre histoire. Si certains élèvesen sont arrivés à une bonne maî-trise par leur seule pratique, il nefaut pas croire que c’est le cas pourla totalité des élèves.Cependant, le personnel enseignantn’est pas interpellé que par l’ac-quisition de cette compétence. Il aaussi à se préoccuper des questions

d’éthique dans ce domaine (traiterdu droit d’auteur, du plagiat, desméfaits en ligne ou sur le réseau),des questions de sens critique (caron trouve du pire et du meilleur surla toile mondiale) et des questionsde sécurité et de protection de la vieprivée des jeunes lorsqu’ils utilisentInternet.L’enseignant ne peut pas ignorer àquoi les élèves ont accès de nosjours ni se fermer à leurs questionsou leurs préoccupations : les TICfont partie désormais de l’universculturel des jeunes. On lira à cesujet l’enquête NETados du Centrefrancophone d’informatisation des

organisations(CEFRIO), qui fait unportrait des 12-17 ans sur Interneten 2003 : www.cefrio.qc.ca/rapports/Net_Ados_2003.pdf (la version 2004devrait être publiée sous peu).« Grâce aux TIC, j’ai trouvé unefaçon de valoriser les garçonsde mon groupe : je fais tou-jours appel à un garçon pourme dépanner ou dépanner lesautres. »On comprend la préoccupation devaloriser tous les élèves d’uneclasse en leur proposant des tâchesoù ils réussissent, mais il ne fautpas associer les TIC à un univers « garçon », car les filles autant que

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puissent amener les élèves à commu-niquer de façon efficace en utilisantles technologies. Mais commentréussir un tel exploit si les ensei-gnants eux-mêmes ne maîtrisentpas les outils de communicationemployés de façon quotidienne parun nombre de plus en plus impor-tant de jeunes?Septièmement, une meilleure for-mation technopédagogique ouvriraaux enseignants et aux enseignantesqui viennent d’entrer en fonction denombreuses occasions de partage,par l’adhésion à des réseaux dontplusieurs visent à faciliter l’inser-tion professionnelle.Huitièmement, il semble que lafaible compétence en matière deTIC des personnes qui ont participéà notre enquête indique que les uni-versités qui ont retranché de leurformation initiale des maîtres uncours portant sur les TIC l’ont peut-être fait de façon trop hâtive, sansen mesurer pleinement les con-séquences.Neuvièmement, enfin (et ce nesont pas tous les acteurs de l’édu-cation qui partagent cet avis), lestechnologies ne remplaceront jamaisla nourriture intellectuelle, affectiveet sociale que les enseignantes et lesenseignants peuvent procurer à

leurs élèves : il est donc importantqu’ils soient à la fois conscients desinnombrables avantages découlantde l’intégration des TIC, tout enétant informés des limites de cesdernières ainsi que des écueils quisont parfois inhérents à leur utili-sation.M. Thierry Karsenti est titulairede la Chaire de recherche duCanada sur les TIC et l’édu-cation et chercheur au Centre de recherche interuniversitairesur la formation du personnelenseignant de la Faculté dessciences de l’éducation del’Université de Montréal.

Références bibliographiquesBIBEAU, R. L’élève rapaillé, [En ligne], 1999,[http://ntic.org/guider/textes/div/rapail2.htm].DEPOVER, C. et A. STREBELLE. « Fondementsd’un modèle d’intégration des activités liéesaux nouvelles technologies de l’informationdans les pratiques éducatives », dans Baron,G.-L. et É. Bruillard, Informatique et éduca-tion : regards cognitifs, pédagogiques etsociaux, Paris : INRP, 1996.KARSENTI, T., L. SAVOIE-ZAJC et F. LAROSE. ,Éducation et Francophonie, no 29, vol. 1,(Revue électronique : www.acelf.ca/revue/index.html), 2001.LABERGE, M.-F. « Communiquer à l’heured’Internet », Vie pédagogique, no131, avril-mai 2004, p.16-21.LEMIEUX, P. « Réflexions libres sur l’État et laculture », dans Sauvageau, F., Les politiquesculturelles à l’épreuve. La culture entrel’État et le marché, Québec, Institut qué-bécois de recherche sur la culture, 1992, p. 151-169.MALGLAIVE, G. « Alternance et compétences »,Cahiers pédagogiques, no 1, 1994, p. 26-28.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.Programme de formation de l’école québé-coise. Éducation préscolaire et enseigne-ment primaire, Québec, 2001.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DIRECTION DE LA FORMATION INITIALE DU PERSONNELENSEIGNANT. La formation à l’enseigne-ment. Les orientations, les compétencesprofessionnelles, Québec, 2001.MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.Les technologies de l’information et de lacommunication en éducation. Plan d’in-tervention, enseignement universitaire,Québec, 1997.OCDE. Les technologies de l’information etl’avenir de l’enseignement post-secondaire,Amsterdam, Presses de l’OCDE, 1996.OCDE. OECD survey of upper secondaryschools, Amsterdam, Presses de l’OCDE,2004.

UNGERLEIDER, C. « Information andCommunication Technologies in Elementaryand Secondary Education : A State of the ArtReview », dans Actes du Colloque 2002 duProgramme pancanadien de recherche en éducation (PPRE) : La technologie del’information et l’apprentissage, Toronto,Conseil des ministres de l’Éducation duCanada, 2002.VARIAN, H. et P. LYMAN). How much infor-mation? Berkely, CA, University of Californiain Berkeley, 2002.

1. Le 4 juillet 1983, le ministre de l’Éduca-tion, M. Camille Laurin, lançait un planpour l’utilisation pédagogique de l’ordi-nateur. De son côté, le ministre GilbertPaquette, responsable du nouveau minis-tère de la Science et de la Technologie,présentait la même année un projet quivisait à équiper les écoles du Québec dequelque 70 000 ordinateurs.

2. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC.Allocution du ministre Legault, [Enligne], 1999, [http://www.meq.gouv.qc.ca/CPRESS/cprss99/c990614.htm].

3. Le portail des NTIC : [http://ntic.org/guider/textes/div/rapail2.htm].

4. [http://www.recit.qc.ca]5. Il s’agit là de la plus fréquente utilisation

des TIC par les formateurs à l’université.6. Cette enquête a été réalisée grâce à une

subvention du Conseil de recherche ensciences humaines du Canada (CRSH).

7. [http://www.commentcamarche.net/internet/ipv6.php3]

8. Intégrer les technologies de l’informa-tion et des communications aux fins depréparation et de pilotage d’activitésd’enseignement-apprentissage, de gestionde l’enseignement et de développementprofessionnel.

9. Source : Allocution du ministre Legault :[http://www.meq.gouv.qc.ca/CPRESS/cprss99/c990614.htm]

10. [http://www.cefrio.qc.ca]

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CE QUE L’ON ENTEND SUR LES TIC Quelques idées reçuespar Claude Séguin

«L es TIC, c’est comme le téléphone, ce n’estqu’un outil, et l’on n’a

pas à s’occuper de ça dans lesécoles. »Il est vrai que les technologies del’information et de la communica-tion (TIC) sont des outils, maisquels outils! L’arrivée des TIC estcomparable à d’autres innovations :l’imprimé à la Renaissance, leschiffres arabes et le zéro au MoyenÂge ou la révolution de l’écriturealphabétique 1 300 ans avant Jésus-Christ. En effet, l’accès planétaire etinstantané à l’information est bienun changement majeur… pour

ceux qui en tirent parti. La simpli-cité de l’outil TIC cache le fait queson usage est intimement lié à despratiques disciplinaires et demandeun apprentissage plus sophistiquéque celui du téléphone : si cher-cher dans Google semble si simple,trouver ce que l’on cherche estune autre histoire. Si certains élèvesen sont arrivés à une bonne maî-trise par leur seule pratique, il nefaut pas croire que c’est le cas pourla totalité des élèves.Cependant, le personnel enseignantn’est pas interpellé que par l’ac-quisition de cette compétence. Il aaussi à se préoccuper des questions

d’éthique dans ce domaine (traiterdu droit d’auteur, du plagiat, desméfaits en ligne ou sur le réseau),des questions de sens critique (caron trouve du pire et du meilleur surla toile mondiale) et des questionsde sécurité et de protection de la vieprivée des jeunes lorsqu’ils utilisentInternet.L’enseignant ne peut pas ignorer àquoi les élèves ont accès de nosjours ni se fermer à leurs questionsou leurs préoccupations : les TICfont partie désormais de l’universculturel des jeunes. On lira à cesujet l’enquête NETados du Centrefrancophone d’informatisation des

organisations(CEFRIO), qui fait unportrait des 12-17 ans sur Interneten 2003 : www.cefrio.qc.ca/rapports/Net_Ados_2003.pdf (la version 2004devrait être publiée sous peu).« Grâce aux TIC, j’ai trouvé unefaçon de valoriser les garçonsde mon groupe : je fais tou-jours appel à un garçon pourme dépanner ou dépanner lesautres. »On comprend la préoccupation devaloriser tous les élèves d’uneclasse en leur proposant des tâchesoù ils réussissent, mais il ne fautpas associer les TIC à un univers « garçon », car les filles autant que

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les garçons doivent s’en servir.Attention aux messages qui viennentrenforcer les stéréotypes sociaux.Bien que l’écart entre l’accès auxTIC chez les garçons et les filles soitpresque nul, les comportementsmais surtout les types d’utilisationet les attitudes diffèrent. Pourquoiles filles ne seraient-elles pas aussihabiles que les garçons à se servirde l’ordinateur qu’à dépanner lesutilisateurs, voire l’ordinateur lui-même? Il y a vingt ans, autant degarçons que de filles se destinaientà la programmation, mais le ratioest aujourd’hui de 10 pour 1 :devinez en faveur de qui?1

«Pour que 100 p. 100 des élèvessortent des écoles avec unebonne compétence en matièrede TIC, il faut que 100 p. 100du personnel enseignant s’enserve en classe. »Bien que le Programme de forma-tion de l’école québécoise fassemaintenant une place significativeaux TIC et propose de les intégrer àla classe, tous les enseignants nesont pas devenus subitement à l’aiseavec les TIC et en mesure d’en tirerparti sur le plan pédagogique.Il n’est pas nécessaire d’avoir toutde suite une utilisation des TIC dans100 p. 100 des classes pour que100 p. 100 des élèves sachent s’enservir pour apprendre. Dans laplanification de l’enseignement,chaque école peut se demander si,à chaque cycle, chaque élève serasollicité, même si cela n’est paspossible chaque année.Le soutien aussi est important.Plusieurs écoles ont d’ailleurs misen place un service professionneld’aide aux enseignants : certainsd’entre eux sont libérés de leurtâche pour apporter ce soutien.D’autres écoles ont mis sur pied desbrigades d’élèves experts en TIC(BEETIC) pour soutenir le person-nel enseignant : la grande majoritédes problèmes d’utilisation sont eneffet des difficultés mineures quedes élèves peuvent régler. Ainsi, dès1996, une petite fille de 5 ans étaitl’experte de l’éducation préscolaire :elle savait mettre l’ordinateur soustension, manipuler avec soin les

cédéroms, lancer les applications,naviguer dans un récit animé etl’enseigner aux autres élèves. Huitannées plus tard, ces savoir-fairesont courants dans les classes etpeuvent être mis à profit. La valeurn’attend pas le nombre des années!« Avec les TIC, on a un accèsglobal, planétaire et instantanéà l’information. »Tout n’est pas rose sur la grandetoile. L’information n’est pas aussiabondante en français qu’en an-glais. C’est souvent un fouillis, et lesdonnées sont partiales, partielles,voire éclatées. Comme tout un cha-cun peut publier sur la grande toilemondiale, cela signifie qu’il y abeaucoup d’informations poubelle.Les utilisateurs doivent aussi fairedes efforts et consacrer de l’énergiecognitive à apprendre de façon con-tinuelle et à se débrouiller dans desenvironnements virtuels qui changenttrop souvent.Du côté des aspects positifs et,comme on dit, « incontournables »,notons que tout s’améliore et devientplus fiable, plus rapide et que lecoût d’acquisition de ces technolo-gies baisse toujours. La quantité decontenus numérisés augmente ennombre, mais elle se diversifie aussi :le Web devient la bibliothèque nu-mérique et la médiathèque de laplanète.Si les livres se vendent toujours aus-si bien, n’est-ce pas parce qu’ilscorrespondent à un besoin? Toute-fois, ceux qui utilisent beaucoup leWeb pour trouver de l’informationne sont-ils pas ceux qui lisent beau-coup de livres?« Les élèves ne lisent plus, ils nefont que jouer à l’ordinateur. »L’enquête NETados 2004 du CEFRIOdémontre, qu’au contraire, les plusfervents utilisateurs d’Internet (dixheures par semaine ou plus) ontune vie culturelle fort active : ilssont de plus grands cinéphiles, deplus grands amateurs de théâtre, de plus grands adeptes de spec-tacles et de concerts, de plus grandslecteurs de journaux et de maga-zines ainsi que de plus grands ama-teurs de téléphone et de télévisionque ceux qui utilisent Internet trois

heures ou moins par semaine.D’autre part, l’intensité de l’usaged’Internet ne paraît avoir aucuneinfluence sur la fréquentation desbibliothèques scolaires et munici-pales.« Tous les emplois seront tou-chés par les TIC. »Depuis quelques années, la trèsgrande majorité des emplois profes-sionnels, voire les emplois de cadre,nécessitent sinon une maîtrise deces technologies, au moins une trèsbonne compréhension. Il demeurequ’un certain nombre d’emploispourraient bien ne jamais êtretouchés par les TIC, ou l’être defaçon tout à fait marginale et sur unmode répétitif : plusieurs emploisdans les services, certains petitscommerces, par exemple. Cepen-dant, tous les citoyens seronttouchés dans la mesure où l’onaura un gouvernement en ligne. Eneffet, qu’est-ce qu’un gouvernementen ligne si les citoyens, eux, ne lesont pas? Des programmes du gou-vernement du Québec comme Fa-milles branchées (terminé en 2003)et Villages branchés [http://www.risq.qc.ca/reseau/villages/index.php]assurent l’accès futur au gouverne-ment en ligne.Il ne faut pas oublier que l’appren-tissage de la lecture reste un préa-lable à l’utilisation des TIC : elle est nécessaire à ces activités et serévèle toujours indispensable pouragir en citoyen avisé. Sans compterqu’il faut être familiarisé avec la lec-ture dans le contexte de l’informa-tion présentée en ligne. Dans ce casprécis, tous les élèves, à titre defuturs citoyens, seront touchés parles TIC.« Je ne peux pas exiger desélèves qu’ils utilisent Internetdurant mon temps de classe : il n’y a pas assez d’appareils à leur disposition. Impossiblepar ailleurs de l’imposer endehors de la classe, car ceserait injuste pour les élèvesqui n’y ont pas accès. »Même s’il n’y a pas suffisammentd’ordinateurs à l’école, il n’en restepas moins que les élèves y ont accès àla maison, ainsi qu’à la bibliothèque

scolaire, au centre communautaire,à la bibliothèque municipale ouencore chez leurs amis et amies.Les chiffres récents de l’enquêteNETados 2004 du CEFRIO auprèsde 1 043 foyers indiquent qu’auQuébec :• 99 p. 100 des adolescents ont

accédé à Internet durant les sixmois précédant l’enquête;

• 88 p. 100 des adolescents ontaccédé à Internet durant les septderniers jours avant l’enquête;

• 83 p. 100 sont branchés à lamaison;

• 65 p. 100 de ceux qui sontbranchés à la maison, le sont àhaute vitesse et 54 p. 100 de l’en-semble des élèves sont branchés àhaute vitesse, ce qui est unebonne majorité;

• 35 p. 100 ont utilisé les biblio-thèques municipales pour accé-der à Internet;

• 97,5 p. 100 se déclarent à l’aisepour faire une recherche surInternet (Google).

Il y a deux ans, un groupe d’adoles-cents américains interrogés sur leuremploi des TIC à l’école déploraientle peu d’usage que leurs ensei-gnants en faisaient et souhaitaientavoir toutes les semaines des défisde recherche d’information surInternet. N’en sommes-nous pas aumême point présentement?M. Claude Séguin travaille à laDirection des ressources didac-tiques du ministère de l’Édu-cation.

1. Dix fois plus de garçons que de filles se sont inscrits au programme Informa-tique 420 en 2001 et cette proportion est en continuelle croissance depuis 1984. La même chose s’observe auprès des effec-tifs étudiants, soit le total des élèves quisuivent effectivement des cours d’informa-tique en 2003, le ratio est de 10,43 gar-çons pour une fille. Les filles semblaientse retrouver plus nombreuses en Tech-niques d’intégration multimédia 582.A1,mais dans l’effectif étudiant, la proportionde garçon augmente rapidement : 2.3 gar-çons en 2001, 2,8 en 2002 et 3,37 pourune fille, en 2003.

DO

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R

FIN

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PÉDAGOGIQUE51

2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

DLA CLASSE MULTIÂGE PAR CHOIXpar Claudine Lajeunesse, Mylaine Fournier et Jean Archambault

D ans la façon actuelle defaire l’école, avoir des élèvesd’âges multiples dans sa

classe est inconcevable, à moinsque l’on ne puisse faire autrement.En effet, selon cette conception del’école, on s’attend plutôt à avoirdes groupes d’élèves les plus homo-gènes possible, on se concentre surles contenus d’apprentissage plutôtque sur le développement de com-pétences et l’on enseigne encore « en années » (alors que ces der-nières n’existent plus, ni dans leProgramme de formation, ni dansle régime pédagogique, ni dansl’organisation scolaire, et ce, depuis1997). Toutefois, lorsqu’il est im-possible de faire autrement, onforme, bien à regret, ce que l’onappelle encore des « classes multi-programmes »1, bien qu’il n’existemaintenant qu’un seul Programmede formation.L’optique dans laquelle s’inscrit letexte qui suit est radicalement dif-férente. Il présente nos témoignages :ceux de deux enseignantes de pre-mier cycle, accompagnées du con-seiller pédagogique de leur école,qui ont choisi d’enseigner dans desclasses multiâges à partir de l’annéescolaire 2000-2001 et qui ont main-tenu ce choix depuis. Pour choisird’enseigner de cette manière, nousavons dû changer notre façon devoir l’apprentissage et l’enseigne-ment et la rendre plus conforme àce qui est connu de la façon dontl’être humain apprend2. Pour choisird’enseigner selon ce modèle, nousavons cru et croyons toujours, defait, que chaque élève apprenddifféremment en construisant gra-duellement, à sa manière, le mondequi l’entoure. Nous estimons aussique l’apprentissage est un pro-cessus continu, progressif plutôtqu’une séquence, qu’une accumu-lation ou qu’une série d’étapes.Nous affirmons enfin que la diver-sité est une réalité dont il faut tenircompte, mais aussi une valeur àpromouvoir et un gage de richesse,

dans une communauté d’appren-tissage. Ces changements dans lafaçon de concevoir l’apprentissageet l’enseignement sont à la base deceux qui sont mis en place à l’heureactuelle dans l’organisation scolaire.

DES CHANGEMENTS ÀL’ORGANISATION SCOLAIREEn 1997, l’énoncé de politiqueéducative, L’école, tout un pro-gramme, indiquait une nouvelleforme d’organisation de l’ensei-gnement à l’école. Dorénavant,« l’école primaire sera découpéeen trois cycles de deux anschacun de façon à : échelonnerl’enseignement selon des étapespluriannuelles qui correspondentmieux à la psychologie de l’enfantet aux stades de son dévelop-pement ».C’est à partir de l’appropriation decet énoncé de politique par l’équipede l’école Bienville et de la com-préhension de cette nouvelle orga-nisation que se sont formées deséquipes de cycle. Chacune a alorsamorcé des réflexions sur lesmodes d’organisation des groupesd’élèves. En effet, puisque l’écoles’organise en cycles et que le Pro-gramme de formation est lui-mêmeaménagé ainsi, nous avons jugé bonde remettre en question les regrou-pements traditionnels d’élèves etl’organisation des groupes. Cesréflexions devaient aboutir à laprise de décision, par les équipesde cycle, en rapport avec l’organi-sation des groupes d’élèves.

LES AVANTAGES ET LESINCONVÉNIENTS DES TYPESDE REGROUPEMENT D’ÉLÈVESAu cours de l’année 1999-2000, lorsd’une rencontre de notre équipe decycle (celle du premier cycle), nousavons analysé les choix de regrou-pement d’élèves qui s’offraient ànous :• l’enseignement « en années », soit

la classe traditionnelle;• le bouclage (looping), aussi

appelé « cycle d’apprentissage

pluriannuel », c’est-à-dire le faitd’enseigner aux mêmes élèvespendant toute la durée du cycle(deux ans);

• la classe multiâge, ce qui signifieavoir dans la même classe unnombre équivalent d’élèves desdeux groupes d’âge (6-7 ans et 7-8 ans).

Lorsque nous avons dû mettre enévidence les avantages et les incon-vénients de chaque mode de regrou-pement, nous avons vite constatéque nous reconnaissions peu d’in-convénients, mais peu d’avantagesaussi, à continuer à enseigner selonle modèle traditionnel. Par contre,nous en trouvions beaucoup plus aubouclage et à la classe multiâge.Voici le résultat de notre réflexion.

LE BOUCLAGEEnseigner aux mêmes élèves pen-dant deux ans permet de gagner dutemps au début de la seconde annéedu cycle, surtout en ce qui a trait àla gestion de la classe : les règles etle fonctionnement de la classe sontconnus et des élèves et des parents.Le bouclage permet de conserver etmême de renforcer les liens affec-tifs entre les élèves mêmes ainsiqu’entre les élèves et nous. Lesparents nous connaissent et noussommes bien au courant des forceset des difficultés de nos élèves.

LA CLASSE MULTIÂGELa classe multiâge a tous les avan-tages du bouclage parce qu’il s’agitbel et bien de ce type d’ensei-gnement. En effet, l’enseignante nemodifie presque pas son grouped’élèves pendant deux ans. Chaqueannée, seulement la moitié dugroupe passe au cycle suivant. Unavantage propre à la classe multiâgeest que, lors de chaque début d’an-née, la moitié du groupe est consti-tuée d’« anciens » élèves, c’est-à-dired’élèves qui connaissent les règleset le fonctionnement de la classe etqui peuvent donc guider les nouveaux.Lors de cette rencontre de l’équipede cycle, les discussions ont été

plutôt animées : certaines d’entrenous exprimaient leur intérêt pourla classe multiâge, d’autres soute-naient l’impossibilité de mettre enœuvre cette façon de faire dans unmilieu aussi défavorisé que celuidans lequel nous travaillons3, etsurtout au premier cycle, alors queles élèves sont encore peu auto-nomes. Enfin, des enseignantes ontaffirmé que la planification et l’en-cadrement d’une classe multiâgesont des tâches très exigeantes etqu’il y aura toujours un des deuxprogrammes à la remorque del’autre.

POURQUOI AVOIR CHOISILA CLASSE MULTIÂGE?Nous sommes les deux seulesenseignantes de l’équipe du pre-mier cycle à avoir choisi une classemultiâge. Les autres ont préféré lebouclage. Le primaire étant main-tenant organisé par cycles de deuxans et l’enseignement devant s’ef-fectuer à partir d’un programmepar cycles, il n’existe donc plus de « coupure » entre les deux annéesdu cycle. Voilà pourquoi toutes lesenseignantes du cycle ont abandon-né l’enseignement « en années ».D’autre part, recevoir au début dupremier cycle vingt élèves qui neconnaissent pas le métier d’élève(c’est-à-dire travailler pour ap-prendre, faire les travaux demandés,suivre les consignes, respecter lesrègles, etc.), c’est tout un défi! Déjà,dans les classes ordinaires, on trouvedes élèves fort différents les uns desautres et qui ont des compétencesdiverses. Dans les faits, les classesordinaires sont hétérogènes et lesenseignants y font déjà une formede classe multiâge avec les élèvesfaibles et les élèves forts. Ces cons-tatations nous avaient conduites àsouhaiter pouvoir différencier notrepédagogie. Nous utilisions déjà l’ap-prentissage par les autres élèves etnous avions observé que l’autono-mie des élèves était favorisée par la place que nous leur laissions en

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classe. En outre, nous souhaitionsque les jeunes réussissent mieux.Pour ce faire, nous voulions les voirplus motivés, plus engagés et plusactifs quant à leur apprentissage.Nous avons vérifié nos attentes etnotre conception de la classe multi-âge en faisant la visite d’une classede ce type au premier cycle d’uneécole innovatrice. Cette visite nous aaussi permis d’améliorer notrecompréhension de la façon dontl’élève apprend et du rôle que doitjouer l’enseignant pour faciliter cetapprentissage. La réflexion devaitporter en même temps sur la con-ception de l’apprentissage et del’enseignement et sur les modes deregroupement des élèves, parti-culièrement en ce qui a trait à laclasse multiâge. Voici à quoi cetteréflexion nous a menées :• voir tous les élèves plutôt que voir

seulement deux classes;• ne pas concevoir l’apprentissage

par classes;• connaître l’élève en tant qu’indi-

vidu plutôt qu’avoir une vision dedeux groupes;

• utiliser un seul programme pourtous les élèves plutôt que deuxprogrammes (le Programme deformation résout en partie cettedifficulté puisqu’il n’est plusélaboré selon des années);

• proposer nécessairement des si-tuations signifiantes, concrètes etlarges pour développer des compé-tences plutôt qu’une tâche uniquepour chaque classe.

Ces réflexions et ces changementsde pratiques nous ont conduites àconclure que, dans le contexted’une conception qui suppose ladifférenciation pédagogique et dansune logique de développement de compétences dans des cycles dedeux ans, la classe traditionnelle (« en années ») et la classe où deuxprogrammes étaient enseignés con-curremment n’avaient plus de sens.Nous avons donc décidé de nousjeter à l’eau, sans nos collègues, etnous avons commencé la classemultiâge.

COMMENCER LA CLASSEMULTIÂGENos débuts en classe multiâge n’ontpas été de tout repos. Avant mêmel’arrivée de nos élèves, nous nousétions penchées sur ce que nousvoulions vraiment que nos classesdeviennent. Nous avions choisi untel fonctionnement parce qu’il étaiten accord avec nos valeurs : laclasse multiâge se voulait le lieu parexcellence où allaient se vivre lerespect des différences, l’accroisse-ment de l’autonomie des élèves,l’entraide et la solidarité. Commentprésenter ce nouveau fonction-nement aux élèves? L’éclatement des différences qu’allait créer laclasse multiâge allait-il marginaliserquelques élèves? Comment briser lapensée « par années d’enseigne-ment » déjà si solidement ancréechez les élèves du premier cycle et chez leurs parents? Les élèves de première année ne sont pas les « bébés » qu’il faut instruire, pas plusque les élèves de deuxième annéene sont les experts, supérieurs auxplus jeunes, qui déversent leursavoir sur eux…Compte tenu de ces considérations,le premier mois a principalementété axé sur l’instauration d’un cli-mat de classe solide, tout commeon l’aurait fait dans une classe ordi-naire, mais avec le souci particulierde faire naître l’unité « classe » quin’allait plus rendre possible lacomparaison entre les élèves. Peuimporte à quel échelon l’élève sesitue, il construit son savoir aucontact des autres. C’est l’essencemême du socioconstructivisme, à labase de la réforme. Nous avonsdonc rapidement transmis notreenthousiasme pour la nouvelleclasse multiâge à notre groupe.Lors d’une discussion, les élèvesont eux-mêmes énoncé les avan-tages à apprendre dans une telleclasse.À force d’essais et d’erreurs, en effec-tuant fréquemment des retours surnos expériences, nous en sommesvenues à clarifier nos croyancespédagogiques. Nous nous souve-

nons avec humour d’une activitécombinée où les élèves de « pre-mière » avaient à exécuter unetâche et les élèves de « deuxième »,une autre tâche complètement dif-férente. Quel cauchemar! La gestiond’une telle activité était carrémentinsensée. Nous n’avons plus jamaistenté l’expérience! Ensemble, nousavons convenu de ce que nousvoulions : un élève au centre de sesapprentissages, qui construit sonsavoir et développe ses compé-tences au contact des autres élèves,où la prise en considération desrythmes d’apprentissage maximisela réussite de nos élèves et…

DES ACTIVITÉS OUVERTESC’est alors que nous en sommesarrivées à planifier des activitésouvertes. Des activités où chaqueélève, peu importe son niveau ouson âge, pourrait y trouver soncompte et progresser. Cette décou-verte devait être déterminante pournotre gestion des apprentissages.En effet, la situation d’apprentissagelarge, ouverte, allait nous permettrede simplifier notre planification(une seule au lieu de deux), de par-tir d’où les élèves étaient rendus etde mettre en application l’approchesocioconstructiviste. En fait, la classemultiâge nous forçait à élargir notrechamp de compétences avec lesélèves. Il ne pouvait plus être ques-tion d’enseigner pour l’élève moyen.Cependant, comment adapter lestâches et les activités? Comment favo-riser le développement de chacundes élèves de la classe? Commentcréer un fonctionnement optimalpour tous? En fait, le fonction-nement de la classe n’a pas telle-ment changé. Nous nous sommesrendu compte qu’il y avait plusieurstypes d’activités qui pouvaient sedérouler en classe multiâge. Le tra-vail sous forme de projets est undes moyens que nous privilégions.Tout en tenant compte du rythmedes élèves, nous travaillons la moti-vation, l’engagement, le goût d’allerplus loin et la résolution des con-flits. Chaque jeune y va selon cequ’il est, en donnant très souvent le

meilleur de lui-même. L’apprentis-sage avec les autres élèves est trèsvalorisé. En effet, dans nos classes,la première personne-ressourcen’est pas l’enseignante mais plutôtl’élève lui-même. Nous favorisonspar le fait même la compétencetransversale « coopérer ». Ainsi, lesélèves sont amenés à s’entraider etils le font de manière naturelle.C’est un moyen de consolider leursapprentissages et de faire de lamétacognition, pour les plus vieux,et c’est aussi un moyen de se dépas-ser, pour les plus jeunes.Par ailleurs, nous utilisons ledécloisonnement pour aborder desconcepts plus pointus. Ce moyennous permet aussi d’aller plus enprofondeur dans des contenus dis-ciplinaires. Nous nous en servonsparticulièrement pour les mathéma-tiques et occasionnellement pour lalecture. Nous travaillons égalementpar ateliers. Ceux-ci permettent auxélèves de développer leur autono-mie, de mettre en pratique ce qu’ilsont appris et de l’exercer. En outre,ils donnent à l’enseignante l’occa-sion d’offrir un soutien plus indi-viduel à ceux qui en ont besoin.

CE QUE NOUS RETIRONSDE NOTRE EXPÉRIENCEAprès trois années de travail enclasse multiâge, nous avons pu tirerplusieurs avantages de ce fonction-nement. Un des bénéfices majeursd’une telle classe est la continuitédes apprentissages. En effet, pourune enseignante, pouvoir suivreindividuellement ses élèves pendantdeux années permet de ne pasdramatiser leurs difficultés aprèsune seule année. Cela permet ausside mettre en place des stratégiesd’intervention qui s’échelonnent surune période plus longue et qui sontmoins contraignantes et plus effi-caces. Les élèves parviennent à voirles apprentissages sur un cycle dedeux ans et sont stimulés par cetteprogression qu’ils observent quoti-diennement.En ce qui a trait aux apprentissagesscolaires, les élèves sont à même de

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vivre un plus grand éventail de situa-tions en travaillant avec d’autresjeunes qui progressent différem-ment d’eux et qui sont rendus à desniveaux divers. Dans les domainessocial et affectif, les élèves déve-loppent un sens de la communautéainsi que de l’entraide et apprennentles uns des autres lorsqu’ils s’aident.L’enseignant n’est plus la personne-ressource première de la classe.Ces valeurs se transmettent facile-ment dès le début de l’année auxnouveaux arrivants. Notre gestionde classe est facilitée par cet appren-tissage de la culture de la classe.La classe multiâge nous a aidées àreconnaître que les élèves se déve-loppent à des rythmes différents etde diverses façons, et à repérer lapédagogie qui convient pour tou-cher chacun des jeunes. C’est en cesens que la pédagogie est centrée

sur l’élève. Enseigner dans uneclasse multiâge rend évidente lanécessité d’offrir aux élèves dessituations d’apprentissage ouvertesqui permettent de répondre davan-tage à leurs besoins. Ces situationsouvertes augmentent leur motivation.D’autre part, se lancer dans unetelle entreprise sans travailler enéquipe serait vouer le tout à l’échec.D’abord parce que l’échange entreles enseignants est primordial, maisaussi parce que différencier lapédagogie exige une ouverture etun décloisonnement qui permettentde mettre en commun nos res-sources. Par exemple, lorsque nousréunissons les élèves autrement quepar leur groupe d’appartenance(par groupes de besoins, de centresd’intérêt, etc.), nous sommes appe-lées à travailler avec des élèves desdeux groupes. Cela suppose que

nous devenions coresponsables desélèves. La coresponsabilité impliqueen retour une nouvelle forme degestion des élèves et permet d’opti-miser la communication du che-minement des jeunes entre lesenseignants.Enfin, nous trouvons tellementd’avantages à la classe multiâge querevenir à la classe ordinaire seraitimpensable à nos yeux. La classemultiâge a élargi nos horizons etelle nous a permis de changer notrerôle et de transformer nos pratiques.C’est un lieu de questionnement etde développement professionnelque nous continuons à découvrirensemble.Mmes Claudine Lajeunesse etMylaine Fournier sont ensei-gnantes au premier cycle à l’écoleBienville de la Commission sco-laire de Montréal, tandis que

M. Jean Archambault fait main-tenant partie de l’équipe deprofessionnels au Programmede soutien à l’école mon-tréalaise du ministère de l’Édu-cation. Au moment d’écrire cetarticle, il était conseiller péda-gogique à l’école Bienville.

1. L’appellation « classe multiprogramme »convenait lorsque l’objectif premier étaitde couvrir le programme. Il existait alorsdes programmes d’études annuels. Maisavec la réforme de l’éducation, l’objectifétant plutôt de faire apprendre les élèvesen tenant compte des différences dans lesfaçons d’apprendre, les programmesannuels ne font plus de sens, pas plus quele regroupement des élèves selon leurâge. C’est pourquoi nous utilisons leterme « classe multiâge ».

2. Ces travaux ont pu être réalisés en partiegrâce au financement du Programme desoutien à l’école montréalaise du minis-tère de l’Éducation.

3. L’école Bienville se situe au neuvièmerang des écoles défavorisées de l’île deMontréal.

LDES ÉLÈVES TIENNENT BOUTIQUEÀ L’ENSEIGNE DES « TRÉSORS D’ALBERT »

La polyvalente de Thetford Mines met en œuvre un projet original de préparation au marché du travail et d’apprentissage de l’entrepreneuriat.

par Paul Francœur

L a région de l’Amiante n’estguère le pays fantôme qued’aucuns imaginent par suite

du ralentissement radical dansl’exploitation de ses vastes mines.Bornée par un horizon de terrils etde crassiers, la ville de ThetfordMines affiche pourtant une allurefraîche. Après une brève période dedépression, il y a une dizaine d’an-nées, sa population n’a pas tardé àprendre en main son destin. On yobserve maintenant les signes d’unevigoureuse renaissance, notammentavec la multiplication des petites etmoyennes entreprises, un peu à lamanière beauceronne.Par diverses initiatives, la poly-valente de Thetford Mines participeà ce renouveau socioéconomique.Ainsi, en juin 2002, un groupe d’en-seignants des cheminements parti-culiers transitoires (CPT) décidaient

d’associer et de coordonner leursefforts dans l’application de troisprogrammes : éducation manuelleet technique (EMT), préparation aumarché du travail (PMT) et éduca-tion à la vie économique (EVE) (cedernier étant un programme d’éta-blissement). De cette heureuseconcertation a surgi la créationd’une boutique de grande classe, « Les Trésors d’Albert », qui, depuisquelques mois, a fièrement pignonsur rue au pavillon Albert-Carrier.

PETITE HISTOIRED’UN GRAND PROJETCe chantier s’est naturellement arti-culé autour d’un noyau dur de troisenseignants, assurés du soutien actifde la directrice adjointe, ChantalHallée : Ghyslain Cliche (EMT), JulieCôté (PMT) et Nathalie Jolicœur(EVE). Cependant, tous les ensei-

gnants des CPT ont appuyé cette ini-tiative dès le départ et y collaborentactivement : Alain Bisson, Chantal

Raby, Louis L’Archevêque, NicoleFréchette, Julie Labrecque et LuciePoulin.

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vivre un plus grand éventail de situa-tions en travaillant avec d’autresjeunes qui progressent différem-ment d’eux et qui sont rendus à desniveaux divers. Dans les domainessocial et affectif, les élèves déve-loppent un sens de la communautéainsi que de l’entraide et apprennentles uns des autres lorsqu’ils s’aident.L’enseignant n’est plus la personne-ressource première de la classe.Ces valeurs se transmettent facile-ment dès le début de l’année auxnouveaux arrivants. Notre gestionde classe est facilitée par cet appren-tissage de la culture de la classe.La classe multiâge nous a aidées àreconnaître que les élèves se déve-loppent à des rythmes différents etde diverses façons, et à repérer lapédagogie qui convient pour tou-cher chacun des jeunes. C’est en cesens que la pédagogie est centrée

sur l’élève. Enseigner dans uneclasse multiâge rend évidente lanécessité d’offrir aux élèves dessituations d’apprentissage ouvertesqui permettent de répondre davan-tage à leurs besoins. Ces situationsouvertes augmentent leur motivation.D’autre part, se lancer dans unetelle entreprise sans travailler enéquipe serait vouer le tout à l’échec.D’abord parce que l’échange entreles enseignants est primordial, maisaussi parce que différencier lapédagogie exige une ouverture etun décloisonnement qui permettentde mettre en commun nos res-sources. Par exemple, lorsque nousréunissons les élèves autrement quepar leur groupe d’appartenance(par groupes de besoins, de centresd’intérêt, etc.), nous sommes appe-lées à travailler avec des élèves desdeux groupes. Cela suppose que

nous devenions coresponsables desélèves. La coresponsabilité impliqueen retour une nouvelle forme degestion des élèves et permet d’opti-miser la communication du che-minement des jeunes entre lesenseignants.Enfin, nous trouvons tellementd’avantages à la classe multiâge querevenir à la classe ordinaire seraitimpensable à nos yeux. La classemultiâge a élargi nos horizons etelle nous a permis de changer notrerôle et de transformer nos pratiques.C’est un lieu de questionnement etde développement professionnelque nous continuons à découvrirensemble.Mmes Claudine Lajeunesse etMylaine Fournier sont ensei-gnantes au premier cycle à l’écoleBienville de la Commission sco-laire de Montréal, tandis que

M. Jean Archambault fait main-tenant partie de l’équipe deprofessionnels au Programmede soutien à l’école mon-tréalaise du ministère de l’Édu-cation. Au moment d’écrire cetarticle, il était conseiller péda-gogique à l’école Bienville.

1. L’appellation « classe multiprogramme »convenait lorsque l’objectif premier étaitde couvrir le programme. Il existait alorsdes programmes d’études annuels. Maisavec la réforme de l’éducation, l’objectifétant plutôt de faire apprendre les élèvesen tenant compte des différences dans lesfaçons d’apprendre, les programmesannuels ne font plus de sens, pas plus quele regroupement des élèves selon leurâge. C’est pourquoi nous utilisons leterme « classe multiâge ».

2. Ces travaux ont pu être réalisés en partiegrâce au financement du Programme desoutien à l’école montréalaise du minis-tère de l’Éducation.

3. L’école Bienville se situe au neuvièmerang des écoles défavorisées de l’île deMontréal.

LDES ÉLÈVES TIENNENT BOUTIQUEÀ L’ENSEIGNE DES « TRÉSORS D’ALBERT »

La polyvalente de Thetford Mines met en œuvre un projet original de préparation au marché du travail et d’apprentissage de l’entrepreneuriat.

par Paul Francœur

L a région de l’Amiante n’estguère le pays fantôme qued’aucuns imaginent par suite

du ralentissement radical dansl’exploitation de ses vastes mines.Bornée par un horizon de terrils etde crassiers, la ville de ThetfordMines affiche pourtant une allurefraîche. Après une brève période dedépression, il y a une dizaine d’an-nées, sa population n’a pas tardé àprendre en main son destin. On yobserve maintenant les signes d’unevigoureuse renaissance, notammentavec la multiplication des petites etmoyennes entreprises, un peu à lamanière beauceronne.Par diverses initiatives, la poly-valente de Thetford Mines participeà ce renouveau socioéconomique.Ainsi, en juin 2002, un groupe d’en-seignants des cheminements parti-culiers transitoires (CPT) décidaient

d’associer et de coordonner leursefforts dans l’application de troisprogrammes : éducation manuelleet technique (EMT), préparation aumarché du travail (PMT) et éduca-tion à la vie économique (EVE) (cedernier étant un programme d’éta-blissement). De cette heureuseconcertation a surgi la créationd’une boutique de grande classe, « Les Trésors d’Albert », qui, depuisquelques mois, a fièrement pignonsur rue au pavillon Albert-Carrier.

PETITE HISTOIRED’UN GRAND PROJETCe chantier s’est naturellement arti-culé autour d’un noyau dur de troisenseignants, assurés du soutien actifde la directrice adjointe, ChantalHallée : Ghyslain Cliche (EMT), JulieCôté (PMT) et Nathalie Jolicœur(EVE). Cependant, tous les ensei-

gnants des CPT ont appuyé cette ini-tiative dès le départ et y collaborentactivement : Alain Bisson, Chantal

Raby, Louis L’Archevêque, NicoleFréchette, Julie Labrecque et LuciePoulin.

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À la fin de l’année scolaire 2001-2002,l’équipe des enseignants des CPT –qui regroupent environ 70 élèvesparmi les 250 qui sont inscrits àl’un ou l’autre volet des chemine-ments particuliers – s’est interrogéecollectivement au sujet des moyensà mettre en œuvre aux fins suivantes :• favoriser l’autonomie des élèves;• accroître leur responsabilité per-

sonnelle et leur motivation quantaux apprentissages;

• les amener à maîtriser diversestechniques de travail;

• les initier au travail d’équipe;• rehausser leur estime d’eux-

mêmes et leur sentiment d’appar-tenance à un groupe;

• développer chez eux diversescompétences transversales et spé-cifiques liées au Programme deformation;

• leur permettre d’expérimenter lesréalités du marché du travail etdu fonctionnement courant d’uneentreprise;

• assurer une intégration progres-sive des matières au programmedans la perspective de la réformescolaire.

Et l’on entendait poursuivre cesobjectifs ambitieux au moyen d’unprojet mobilisateur et rassembleur,à partir d’une réalité précise : lacohabitation de quelques ateliers deproduction qui foisonnaient enordre dispersé. Ces activités s’étaient

développées parallèlement, sur l’ini-tiative de chaque enseignant. Parexemple :• Depuis sept ans, Ghyslain Cliche a

créé et développé un créneauparticulier dans ses ateliers : lafabrication d’une gamme de déco-rations et de cadeaux de Noël, enbois peint. Ces produits ont atteintla notoriété, et la demande vacroissant. Les fruits de sa créati-vité abondent : des soldats « casse-noisettes » de toutes tailles; destrios de chandelles décoratives,miniatures ou géantes; des triosde chanteurs; des tambours; desbonhommes de neige; des mai-sons pour enfants; des pellesdécoratives; des traîneaux déco-ratifs; des plaques (numéro deporte); etc.

• Pour sa part, Julie Côté a lancéune chocolaterie dans le contexted’activités parascolaires. Ces frian-dises connaissent des pointes deproduction à l’occasion des fêtesde Noël, de la Saint-Valentin et dePâques;

• De son côté, Lucie Poulin a missur pied un atelier de fabricationd’articles en cuir (capteurs derêves, porte-clés, ceintures, étuis àcrayons, étuis à ceintures, liseuses,sacs, porte-monnaie) et d’articlesen acrylique (tic-tac-tœ, porte-clés, sous-verres, horloges debureau, cabanes d’oiseaux) dont

la qualité est reconnue et pourlesquels les débouchés se mul-tiplient;

• Enfin, Nathalie Jolicœur a mis aupoint la fabrication de petits savonsde fantaisie qui se présentent defaçon variée (par exemple, asso-ciés à une chandelle dans uneassiette décorative).

En juin 2002, on convenait doncque cette production diversifiée,souvent de très bonne qualité, méri-tait une meilleure visibilité et unmécanisme plus efficace de mise enmarché. C’est alors que s’imposadans les esprits le concept de créa-tion d’une boutique. Cette propositionfit l’unanimité. Le projet polarisaitet unifiait les objectifs entrevus,avec l’avantage d’être concret et defaire appel à une grande variétéd’aptitudes.Ce moyen ingénieux allait permettrenotamment de mobiliser les élèvesqui terminaient le cycle des CPT ets’apprêtaient à s’inscrire en forma-tion professionnelle ou à se dirigervers le marché du travail. Il leurferait vivre une expérience réelled’entreprise, étayée par la mise enœuvre d’un programme d’établisse-ment axé sur l’éducation à la vieéconomique. Une quinzaine d’élèvespourraient s’initier sur le vif à lagérance d’une petite entreprise,tandis que les autres en assureraientla production par leurs travaux enateliers.

BILAN D’UNE PREMIÈRE ANNÉEDE FONCTIONNEMENTDès le mois de septembre 2002,dans le contexte de l’implantationdu programme d’établissement « Éducation à la vie économique »,on proposa donc aux élèves desCPT la constitution d’une mini-entreprise dont ils seraient les arti-sans. On examina d’abord avec euxla structure d’une coopérative, eton travailla à l’aménagement d’unlocal et à sa décoration (PMT etEVE). Tant et si bien que, le samedi23 novembre 2002, toute la popula-tion de Thetford Mines était conviéeà l’inauguration de la boutique àl’occasion d’une journée portesouvertes. La réponse du public

atteignit alors un niveau inespéré etles ventes furent nombreuses. À laconférence de presse qui précédale lancement, la participation desélèves fut massive et active. Ils trou-vèrent dans cet événement publicune stimulation à s’engager plus àfond dans le projet – ce qui n’avaitpas été le cas au début de l’année.Les enseignants avaient même dûinsister pour les mettre en mou-vement.À la suite de cette inauguration offi-cielle, la boutique ouvrit ses portestous les mardis et jeudis, de 12 h 15à 13 h 15, avec la possibilité decommandes téléphoniques en touttemps. La vente au comptoir étaitassurée par des élèves, en présenced’un enseignant. L’intérêt du publicest demeuré constant, le défi étantd’accorder le rythme de productionà celui des ventes.Au printemps 2003, la boutiques’est donné une vitrine permanentede publicité et d’exposition, sous laforme d’un élégant stand situé dansle hall de l’entrée principale desélèves.

ATELIERS DE TRAVAILLa polyvalente de Thetford Mines,conçue au départ pour recevoirplus de 3 000 élèves, en compteaujourd’hui environ 1 600, ce quilaisse une marge de manœuvredans l’aménagement des espaces.Les ateliers consacrés au travail dubois occupent deux grandes sallesinsonorisées, situées en demi-sous-sol. Les ateliers sont équipés dequelques appareils de base, maissans excès. On encourage en effet letravail des mains, dans un style arti-sanal, afin de conserver à l’ouvrierla maîtrise maximale de son pro-duit. Les travaux de menuiserieoffrent toute une variété d’interven-tion (marquage, découpage, pein-ture, etc.), laissée au choix dechaque élève, en fonction de sesgoûts, de ses aptitudes naturelles oudes apprentissages qu’il entendmaîtriser. On s’efforce d’appliquercette liberté de choix dans les autresateliers (cuir, acrylique, chocola-terie, savons).

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Si la conception de l’article à fabri-quer relève surtout de l’enseignant,les étapes de production propre-ment dite sont du ressort des élèves.Le contrôle de la qualité est princi-palement fondé sur la responsabi-lité personnelle de chaque artisan,invité à parfaire un produit que lui-même serait désireux d’acquérir.Les exigences de la mise en marchéincitent en effet l’élève à surveillerla bonne qualité de son œuvre. Lachaîne de travail nécessite évidem-ment un minimum de supervisionobjective de la part des enseignants,mais aussi, à l’occasion, de quelquesélèves à qui on a confié des respon-sabilités à diverses étapes.Cette production fait souvent l’objetde commandes à l’avance. Le prix devente est calculé à partir du coût dumatériel auquel on ajoute 10 p. 100.Le profit éventuel sert au finance-ment des activités de fin d’annéedes élèves.

PREMIER BILANDE L’OPÉRATIONEn juin 2003, on procéda à l’éva-luation de la première année d’ac-tivité. On distribua un questionnairedans lequel chacun des élèves par-ticipants a pu exprimer ses com-mentaires, positifs ou négatifs, etses suggestions pour la suite duchantier. À l’occasion d’un retouren groupe sur les résultats compilésde cette consultation, on engageades échanges et des discussions.Enfin, cette démarche collective futcomplétée par une rencontre per-sonnelle avec chacun et chacune,afin de prendre en considérationles réactions individuelles à cetteexpérience communautaire.Le bilan général de l’opérations’avère nettement positif, tout enmettant au jour la nécessité dequelques correctifs, adaptations etaméliorations :• L’intérêt des élèves, plutôt faible

au début de l’année, s’est ensuiteraffermi à la suite d’un contactdirect avec la réaction du publicdevant le résultat de leurs efforts.La reconnaissance officielle deleurs réalisations a grandement

contribué à leur revalorisationpersonnelle. Désormais, on comptemettre un effort particulier sur la publicité et la promotion desproduits;

• La visibilité des œuvres des 70 élèves des CPT se trouve enforte hausse, à l’école même etparmi la population. On fait main-tenant appel à eux pour diversesformes de contribution dans ledomaine de leur spécialité. Ils entirent un légitime motif de fierté etse montrent de plus en plus soli-daires de leur activité collective;

• La collaboration entre les ensei-gnants s’est révélée excellente,bien qu’ils déplorent le manquede temps pour une meilleureconcertation courante de leursinterventions. Ce projet a souventdébordé l’horaire officiel detravail;

• L’appui de la direction ne s’estjamais démenti, en particulier parune ouverture à l’égard desdemandes répétées en provenancedes élèves et des enseignants.Tous les frais liés au projet ont étéremboursés à même le budgetcourant de l’école, sans recours àdes allocations supplémentaires,subventions spéciales ou pro-grammes particuliers;

• La contribution de la coopérativedes élèves et de la caisse scolaire,gérées par des enseignantes etdes enseignants retraités, fut pré-cieuse sur le plan technique(recherches, achats de matériel,etc.);

• La Commission scolaire deL’Amiante a aussi prêté son con-cours pour l’organisation de laconférence de presse, à l’au-tomne 2002.

PREMIÈRE BOUTIQUEDU GENRE AU QUÉBECSous la forme qui la distingue, il semble que la boutique « LesTrésors d’Albert » n’ait point d’équi-valent dans d’autres écoles duQuébec. Cette expérience à carac-tère unique manifeste le dynamismed’une région – autrefois repliée envase clos autour de ses puits de

mine – qui, à titre d’agent principal,assume le défi de son développe-ment économique et convie sesjeunes à entrer dans ce mouvementde responsabilisation.L’expérience témoigne aussi de lamarge de manœuvre dont peut dis-poser une équipe d’enseignants,créative et solidaire, quand elle estanimée et soutenue par une direc-tion ouverte. Elle confirme, dansune certaine mesure, la viabilité desorientations de la réforme scolaireà l’école secondaire.Soulignons enfin que le succès dece projet s’explique essentiellementpar la mise en interrelation d’ungroupe d’enseignants au profil par-ticulièrement imaginatif, dynamiqueet engagé. Ghyslain Cliche, parexemple, illustre dans sa démarcheprofessionnelle les caractéristiquesqui se trouvent aussi chez ses col-lègues immédiats, selon diversesnuances :• la qualité de sa longue expérience

en formation professionnelle ettechnique;

• la créativité qu’il manifeste dansla conception de ses scénariosd’apprentissage;

• son engagement personnel dansle milieu socioéconomique (il adéjà occupé la fonction de pro-maire dans la municipalité);

• un sens aigu des réalités pra-tiques qui ne paralyse pas sonélan; et, surtout,

• un profond souci d’ouvrir uneperspective d’avenir à tous cesjeunes dont il se considère commeresponsable à titre d’éducateur.

Deux prix d’excellence ont déjàsouligné le mérite de cette initiativeexceptionnelle : le Prix d’excellencedu jury du Concours québécois enentrepreneuriat local et une men-tion spéciale pour une innovationpédagogique de la Fédération descommissions scolaires du Québec –section Chaudière-Appalaches.S’il ne vous est pas loisible d’allerfaire du lèche-vitrines à ThetfordMines, vous pouvez du moins con-sulter le site Web de cette boutique :www.csamiante.qc.ca/albert-carrier(voir « Trésors d’Albert »).M. Paul Francœur est consul-tant en éducation.

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enseignants une plus grande satis-faction au travail. N’est-ce pas lerêve de chacun, adulte ou enfant, de« se sentir bien » à l’endroit où l’onse trouve?Certaines pratiques me sont appa-rues favorables à l’installation d’untel climat en classe :• prendre du temps chaque matin

pour accueillir les élèves, être làtout simplement pour recevoir lespetits mots ou les petits « maux »qui peuvent parfois compromettreles apprentissages.

• prévoir des périodes régulièresde rencontres individuelles oùl’on peut discuter du suivi desprojets, des difficultés scolaires,mais aussi du vécu de l’élève à lamaison ou à l’école. Cela peut sefaire durant les périodes de lec-ture silencieuse, de travail person-nel ou de récupération.

Je vous laisse sur les propos colorésde Dominique Demers, extraits deson roman jeunesse Une drôle deministre, que je lisais aux parentsde mes élèves lors de notre rencon-tre au début de l’année :

ÉVÉNEMENTS À VENIRCOLLOQUE DE LA COMMISSION PROFESSIONNELLEDES SERVICES ÉDUCATIFS DE L’ASSOCIATION DES CADRES SCOLAIRES DU QUÉBEC (ACSQ)

ImpressionsRENCONTRE AVEC UN ÊTRE REMARQUABLE : RÉACTIONS ET OPINIONS D’UNE ENSEIGNANTEpar Danielle Roy

J’Tout au long de l’entrevue, M. Lopezparle de la recherche d’un justeéquilibre entre autorité et ten-dresse. « Être soi-même » c’est doncêtre simple, vrai et sans artificesauprès des enfants. N’est-ce pas se rappeler aussi que l’on a été soi-même un enfant : se souvenirdes fous rires, des récréations ou despapiers qui circulent sous les bu-reaux nous aide à prendre du recul,face à ces « gentils petits monstres ».Entrer en relation, c’est aussi per-mettre l’échange et le rapprochement.Par besoin de sécurité, l’enseignantou l’enseignante a souvent tendanceà se centrer sur un contenu àenseigner, au détriment parfois dutemps qu’il ou elle pourrait con-sacrer à établir et développer unclimat agréable. Par contre, monexpérience m’a confirmé que lesouci d’entretenir une relation res-pectueuse avec les élèves entraînechez ces derniers l’éveil, la curiositéet l’intérêt envers l’apprentissage.De plus, ce climat de complicité, derespect et même parfois d’humourdans la salle de classe apporte aux

J’ ai eu la chance d’assister àl’entretien de M. Roch Denis,recteur de l’Université du

Québec à Montréal (UQAM) avecGeorges Lopez1, cet instituteurexceptionnel que nous avons puvoir évoluer dans sa classe multi-programme, en Auvergne, dans le documentaire Être et avoir, deNicolas Philibert. Exceptionnel nonpas à cause de ses méthodes péda-gogiques révolutionnaires, mais dansson approche simple et humaineenvers ses élèves.Lors de son témoignage, M. Lopez asuggéré aux enseignantes et ensei-gnants d’oser « être eux-mêmes »avec leurs élèves, de se montrerdisponibles à eux et d’entretenir undialogue chaque fois que la situa-tion le permet. Ce message pro-fondément humain peut apparaîtreici comme une naïve évidence etpourtant, dans les débats actuels enéducation traitant de métacognition,de socioconstructivisme ou d’en-seignement par compétences, nousavons tendance à oublier cet élé-ment qui constitue la base de notredémarche pédagogique.

« Gustave-Aurèle avait la bouchegrande ouverte. Il venait de lire lanouvelle politique rédigée par sonamie. C’était totalement impossible,parfaitement impensable… et toutà fait merveilleux! Il y était écrit queles enfants devaient absolumentapprendre à faire des bulles avant lafin de leur sixième année. Qu’il étaitégalement très important qu’ilsapprennent à courir plus vite que levent, à fabriquer des cerfs-volants, àvoyager dans des livres drôles oueffrayants, à élever des animaux exo-tiques, à inventer des mets extrava-gants… Mademoiselle Charlotteparlait aussi de la nécessité d’ap-prendre à calculer et à écrire sansfautes, mais elle ne s’y attardait paslongtemps. “ Les enfants heureuxapprennent vite et mieux ”, écrivait-elle simplement. »Mme Danielle Roy est ensei-gnante à l’école Saint-Gabriel-Lalemant de la Commissionscolaire de Montréal.

1. Cet entretien a eu lieu lors du colloqueLes 40 ans du rapport Parent, le 4 avril2003, au Palais des Congrès, à Montréal.

La Commission professionnelle desservices éducatifs de l’Associationdes cadres scolaires du Québecannonce la tenue de son 12e col-loque, qui aura pour thème : « Diffé-renciation pédagogique : utopie oustimulant créatif? ».Le colloque aura lieu les 8, 9 et 10 décembre 2004, à l’Hôtel Hiltonde Québec.

Renseignements et inscription :Association des cadres scolaires du Québec1195, avenue Lavigerie, bureau 170Sainte-Foy (Québec) G1V 4N3Tél. : (418) 654-0014Téléc. : (418) 654-1719Site Internet : www.acsq.qc.ca

UN MERCI BIEN SPÉCIAL

À…

Yannick Gagné

pour sa précieuse collaboration

à la production du présent numéro,

durant le stage qu’il a effectué à

Vie pédagogique

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lus,vus etentendus

GUÉNETTE, PIERRE. ENJEU TOLÉRANCE. ÉDITIONS NOVALIS, OTTAWA, 2003.COLLECTION IMAGINAIRE PLURIEL

SOUS LA DIRECTION DE

HÉLÈNE RÉGNIER, 99 P.

TOLÉRANCE ET INTOLÉRANCE :ENJEU!« Qu’est-ce qui est bien, qu’est-cequi est mal? » Voilà une question à laquelle nous avons tous dûrépondre à plusieurs reprises dansdes situations diverses. Personnen’ignore que la conduite humaineest une dimension de la vie quipréoccupe et soulève des débats,parfois mouvementés. « Choisir estsouvent difficile », affirme PierreGuénette, auteur d’Enjeu tolérance(p. 16). Dans cet ouvrage, il pro-pose aux jeunes et aux adultes unedémarche claire et pertinente pourréfléchir sur la question de latolérance et de l’intolérance, unedémarche pour décider d’agir, caril y a enjeu.Conçu comme un outil pédago-gique, l’ouvrage de Pierre Guénetteest bien illustré; le repérage estclair et facile; les ressources ont étéchoisies avec soin et sont variées :textes, définitions, liste d’organismes,dossiers thématiques, tableaux,questionnaires, liste de repères, etc.Le tout est regroupé au sein d’unedémarche précisée par quatre ques-tions : Que se passe-t-il? Qu’est-ceque je peux faire? Qu’arrivera-t-il?Qu’est-ce que je décide de faire?Dans cet ouvrage pratique, l’auteurpropose en fait une réflexion fouil-lée et soutenue par un processussimple et explicite. L’enseignant ytrouvera des pistes concrètes àexploiter en classe, y puisera desréflexions signifiantes pour soutenirses interventions et pourra exploiterune démarche probante de réflexionéthique sur des réalités humaines.

lus, vus et entendus

PÉDAGOGIQUE57

2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

En outre, ce livre permet aux élèvesune lecture autonome : soutenuspar des interventions ponctuelles del’enseignant, ils entreront dans ladémarche réflexive proposée et,ainsi, seront en mesure de relireleurs expériences personnelles.Précisons que Pierre Guénette traitede la question de la tolérance enabordant également celle de l’in-tolérance. En listant des pistes d’ac-tion, il démontre que la toléranceest le seuil minimal du respectnécessaire au mieux-vivre ensemble.À ce sujet, il cite Abauzit (p. 77) : « Tolérer n’est évidemment pas unidéal, ce n’est pas un maximum,c’est un minimum. » En outre, il faitréférence aux propos de VladimirJankélévitch (p. 78) : « La toléranceest donc un moment provisoire. »L’ouvrage de Pierre Guénette rejointfort bien l’intention de la collection« Imaginaire pluriel » de Novalis (p. 7) : c’est « un livre pratique[qui] permet au lecteur de s’inves-tir de tout son être et de découvrirquelque chose de nouveau sur lui-même et sur les relations avec lesautres ». Cet outil pédagogique pra-tique permet aussi à toute personnequi le souhaite de faire le point etde réfléchir sur ses relations avecles autres.Donald Guertin

DALONGEVILLE, ALAIN ET MICHEL HUBER,SITUATIONS-PROBLÈMES POUR

ENSEIGNER LA GÉOGRAPHIE

AU CYCLE 3, 2002, COLLECTION

PÉDAGOGIE PRATIQUE À L’ÉCOLE,HACHETTE ÉDUCATION, 223 P.Peu de livres proposent des idéesconcrètes pour enseigner des situa-tions-problèmes en géographie.Aussi, je souhaiterais que tous lesenseignants lisent l’ouvrage deDalongeville et Huber. Bien sûr, cesidées s’inscrivent dans une culture

française et les « problèmes » nesont pas toujours transposablesdans des « situations » scolairesquébécoises. Peu importe. Leurlivre offre une occasion de réfléchirsur ce qu’est une « géographie parproblèmes ».Un « mode d’emploi » facilite la lec-ture des 22 situations d’enseigne-ment proposées. Chaque chapitreéclaire l’animation de l’enseignantet le travail sur les représentationsdes élèves; un développement infor-matif aide les enseignants à faire lepoint sur le sujet traité; des réfé-rences bibliographiques sont aussisuggérées.Que peut apporter cette lecture à un enseignant de géographie? Il ytrouvera une intention pédagogiquequi se rapproche des orientationsdu Programme de formation del’école québécoise (2002). Il ypuisera des idées pour intégrer àson enseignement des énigmes, desobstacles cognitifs, des contradic-tions, des contrastes, des points devue d’acteurs aux champs d’intérêtdifférents; il aura le sentiment d’en-richir son propre rôle en classe etd’être beaucoup plus que ce « guidetechnicien », rôle auquel on leréduit parfois. Enfin, il y trouverades idées pour rendre plus stimu-lante l’utilisation de documents enclasse et en faire autre chose quedes fiches à remplir.Malgré tout ce qui s’est écrit depuisune quarantaine d’années en scienceet en éducation sur la problémati-sation des objets d’étude, la péda-gogie de la situation-problème engéographie en est encore à ses pre-mières armes. Aussi cette lecturecontribue-t-elle à l’avancement dedivers chantiers de travail.Un de ces chantiers concerne lanotion même de situation. Dansleur ouvrage, les auteurs mettentsurtout l’accent sur le problème.

Cependant, la construction de lasituation, c’est-à-dire du contextequi donne du sens au problème, etl’articulation de la situation auproblème sont très importantes. Lessituations sont des morceaux deculture proposés à des élèves, eux-mêmes situés dans le temps et dansl’espace. Dans ce sens, il m’a sembléque toutes les situations-problèmessoumises par Dalongeville et Hubern’étaient pas de même valeur ni demême portée éducative.Cette remarque conduit à un autrechantier, celui de la construction dela géographie scolaire. Le contenude cet ouvrage soulève des ques-tions fondamentales sur ce quedevient la géographie à l’école. Carl’élaboration de situations-problèmesinflue sur les contenus mêmes de lagéographie enseignée. Sur ce plan,les liens conceptuels établis avec lagéographie savante française m’ontparu manquer parfois de transpo-sition didactique. Il est clair que,dans l’école québécoise, cette trans-position didactique doit être ac-compagnée d’une « transpositionculturelle », tant la formation géo-graphique des enseignants est dif-férente!Ces nouveaux contenus géogra-phiques (idées directrices, questions,enjeux, arguments, raisonnements,acteurs sociaux), il importe que lesprincipaux intéressés aient des occa-sions de s’y former et d’en débattre.Dans l’attente de ces formations, à supposer qu’elles viennent unjour, la lecture de l’ouvrage deDalongeville et Huber est un élé-ment incontournable dans le con-texte de la réforme scolaire.Suzanne Laurin

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VIE58 2004Vie pédagogique 132, septembre-octobre

histoire de rireChers lecteurs et lectrices, cette rubrique vous est ouverte. Ne soyez pas égoïstes, faites-nous partager les « bons » mots de vos élèves ou les faits cocasses,absurdes même, dont vous êtes les témoins dans vos classes ou dans l’école. Adressez vos envois à : Vie pédagogique, ministère de l’Éducation, 600, rue Fullum,10e étage, Montréal (Québec) H2K 4L1. Sous la direction de M. Stéphane Lauzon, enseignant d’arts plastiques, les illustrations qui suivent ont été effectuéespar des élèves du Collège Marie-Clarac.

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À quel titre travaillez-vous en éducation ou vous intéressez-vous à ce domaine?• administrateur scolaire 13• commissaire d’école 14• directeur d’école ou directeur adjoint 15• enseignant 16• étudiant 17• personnel du ministère de l’Éducation 18• professionnel non enseignant 19• parent 20• autre 65

« La nuit, pour éviter les moustiques, il faut dormir avec un mousquetaire. »

DE LA NOUVEAUTÉ!!! Si vous résidez au Québec, vous pouvez maintenant vous abonner à Vie pédagogique ou, le cas échéant, procéder à votre changement d’adresse sur lenouveau site Internet de la revue : http://www.viepedagogique.gouv.qc.ca

« La peau de la vache sert à garder la vache ensemble. »

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