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VENDREDI18AVRIL2014P CULTURE 16

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NÉCROLOGIE

Claude Weisbuch,un maître du dessin s’en est alléIL INCARNAIT une certaine tradi-tion de la gravure française qui luia valu l’attachement de nombreuxcollectionneurs et bibliophiles àtravers le monde. À commencer enAlsace où l’artiste était défendudepuis plus de trois décennies parle galeriste et éditeur strasbour-geois Thierry Lacan qui lui consa-cra de nombreuses expositionsainsi qu’une importante et mémo-rable rétrospective en 1999 :Claude Weisbuch est décédé di-manche, à Paris, à l’âge de 87 ans.Originaire de Thionville, l’artisteavait développé un style, basé surla virtuosité du dessin, qui lesituait quelque part entre les XVIIe

et XIXe siècles. Ses maîtres avaientpour noms Callot et Daumier. Sonpropos : traquer les travers de lacomédie humaine dans une ex-pressivité, sinon une théâtralisa-tion, qui constituait sa marque defabrique immédiatement identifia-ble. Combien de scènes équestrespleines de lyrisme ou de violonis-tes virevoltants – ses sujets deprédilection – décorent aujour-d’hui les intérieurs de nombreuxAlsaciens ?L’artiste entretenait aussi une fibretrès littéraire qui l’amena à illus-trer plusieurs textes majeurs –leDom Juan de Molière, le Horla deMaupassant, Le Prince de Machia-

vel ou encore Horace de Corneille…Si son esthétique très maniéristepouvait paraître étrangementdatée, en tout cas en parfait déca-lage avec ce que défendent lesinstitutions d’art contemporain,Weisbuch se contentait de répon-dre d’un sourire calme : « Êtrerévolutionnaire, c’est aussi s’ap-puyer sur des traditions. » Effecti-vement, il ne les reniait pas.Ses obsèques auront lieu mardiprochain, au Crématorium du PèreLachaise, à Paris. Le cimetière,rappelons-le, où est enterré Balzac.André Breton aurait appelé cela“un hasard objectif”.

S.H.

Claude Weisbuch.PHOTO DNA

BADEN-BADEN Osterfestspiele

Scandaleuses années vingt !

RECRÉATION réussie au théâtrede la ville, un joli édifice inau-guré en 1856 par un opéra deBerlioz, grâce à la collaborationefficace avec les acteurs etchanteurs de l’Akademie Mu-siktheater heute et de musi-ciens de la Philharmonie deBerlin, sans oublier les con-cours locaux d’un Collegiummusicum et de la musique deLichtenthal, qui avait participéà la première de 1927.Les tenants de la révolutionartistique dans les terriblesannées vingt se posaient lesquestions essentielles sur lerôle du théâtre : le rôle del’individu et du collectif, lalittérature et le quotidien, lavérité et l’illusion, et y appor-taient leur réponse par le mé-lange des genres, ou par l’affir-mation d’une certitudedémentie aussitôt par soncontraire. Qu’est-ce que lapersonnalité quand l’individun’en a pas ?

Une ville qui n’existe pas…Démonstration dès le prologue,qui a débuté sur le parvis duthéâtre. Des clowns débarquantd’une limousine ont interpelléune statue et en fonction de laréponse du personnage sculptéont démantelé le monument,tandis que la musique humpa-humpa sonnant du balcon se

disloquait dans les dissonan-ces. Funérailles célébrées àl’intérieur du théâtre au son del’orgue de Hindemith.Le compositeur et Brecht, quien signait le texte, avaientmarqué assez vite après lacréation leur désaccord.Mais les Mahagonny-Songs sesont fort bien enchaînés auLehrstuck par la réitération desquestions du texte sur dessituations plus complexes parl’intervention, très au pointdans le déroulement du specta-cle, de groupes d’acteurs, chan-teurs et musiciens de l’orches-tre, mais aussi une thématiqueélargie dans Mahagonny, à larecherche d’une ville qui n’exis-te pas – ou ailleurs à la chuted’un avion, qui fait allusion à lafois au vol de Lindbergh et à lacrise de 29.La dramaturgie de MartinaSchutz et la mise en scèned’Alexader Fahima ont accéléréprogressivement le mouvementscénique tournant et fait sesuccéder musicalement denombreux styles de référencepopulaire ou d’un très classiquecontrepoint.Le public n’a plus crié au scan-dale comme il y a 90 ans,quand la radicalité idéologiquedes propos brechtiens et laprovocation des musiques deWeill et de Hindemith ont cho-qué les bien-pensants de laRépublique de Weimar. Aucontraire, on a salué la trèsbelle performance de tous lesprotagonistes que cet importantrappel historique a rassemblés.

MARC MUNCH

Q Autre représentation : samedi19 avril à 14 h au théâtre deBaden-Baden.

Le festival de Pâques de laPhilharmonie de Berlin aréuni dans un spectacle dethéâtre musical les Maha-gonny-Songs de Weill et leLehrstück de Hindemith, quisuscitèrent, en 1927et 1929, le scandale lors deleur création à Baden.

De Weill à Hindemith : scandaleuses années vingt. DOC REMIS

STRASBOURG Late Night au Maillon

Après la catastrophe

DES GRAVATS entourent la scèned’une salle de bal. Dans le fond,des chaises, sur le côté une des-serte avec verres et bouteillesd’eau. Tout près, un poste detélévision ébruitera des extraitsdu film de Godard, Le Mépris.Bientôt la magnifique musiquede Georges Delerue retentirad’une langueur envoûtante. Onne s’en lasse pas.

Une ambiance ténébreuse entou-re la projection non-futuristed’un après-guerre, d’une catas-trophe. Suivant le mouvementde la musique, trois couples vire-voltent, les corps des femmesbasculent. Mains enlacées, col-lées, visages aimantés, les postu-res élégantes font tournoyer lapoussière du temps. Font valdin-guer les souvenirs tard dans cet-te nuit post-apocalyptique.Valse à contretemps, Late Nightdéploie l’originale dramaturgiedu Blitz Theatre Group d’Athè-nes. Qui se souvient ici des filmsde Chris Marker, La Jetée et Onachève bien les chevaux de Syd-ney Pollack. Blitz mène uneguerre éclair aux codes de la re-présentation. Dans l’obstinationd’un schéma repris en boucledanse/prise de parole, Late Night

convoie une mélancolie inconso-lable.Quand les corps suspendent leurdanse, ce sont les bouches quis’entrouvrent. Et face au micro,chaque interprète –magistrauxChristos Passalis, l’un des fonda-teurs, Maria Filini, Sophia Kok-kali, Medie Megas, Fidel Tala-boukas et Giorgos Valaïs– fouillesa mémoire, empoigne le passé.« À l’époque » surgit de la chro-nique d’un état de siège, y re-fluent les baisers, des sensationsanciennes. De Postdam à NoviSad, via Paris, les récits font par-tager le regret de la vie d’avant.Dans une mise à distance quiconjure l’annonce inéluctable dela mort, le désastre qui transfor-ma l’Europe en champs de rui-nes.Et pourtant les corps résistent,emportés par des défis aussi dé-risoires que ridicules. Comme sion retrouvait la naïveté des jeuxde l’enfance. « Nous nous étionstrompés », constate l’un d’entreeux. « Nous sommes devenus ceque nous vomissions », répondun autre.La fin de la révolution est ensan-glantée. Marx peut bien être lephilosophe du XXIe siècle, legrand traumatisme fasciste atout balayé. Depuis, la libérationdes corps dansants éloigne pro-visoirement la tragédie. R

VENERANDA PALADINO

Résistance désenchantée : Late Night. PHOTO VASSILIS MAKRIS

Ombré de mélancolie, LateNight du Blitz Theatre Groupfait tourbillonner six resca-pés, témoins d’une guerre,d’une catastrophe qui aessoré les idéologies commel’amour. Et pourtant lescorps résistent, dansentavec la mort et font valserencore la vie.

EN BREF

VOLMUNSTER

Moulin d’Eschviller

Le comédien Luc Schillinger et lemusicien Philippe Aubry proposentune déambulation sonore poétiqueà travers le musée de la scierie duMoulin d’Eschviller. Sous le gestedu musicien, les objets du muséedeviennent d’étonnants instru-ments de musique. Les mots ditset chantés par le comédien s’im-miscent dans cette trame musicalepour conter le bois dans tous sesétats. Lundi 21 avril à 14 h 30 et16 h 30 au moulin d’Eschviller àVolmunster. Prix d’entrée : 3 € pourles adultes, 2€ pour les enfants(chasse aux œufs comprise).

STRASBOURG

De l’art et des bistrotsOnze bars accueillent du 20 avrilau 3 mai des artistes de toushorizons pour la manifestationannuelle How I became famous in abar, à l’initiative de L’InterfaceGrand Est, association qui proposedes événements visant à rappro-cher la création artistique de la vie.Vingt-six spectacles sont au pro-gramme, conçus par des artistes,des créateurs, des performeurs quiont une petite lubie : qu’elle passepar un texte à donner, un son àémettre, l’envie d’élargir une idée,qu’elle se concrétise ou pas en unetentative spectaculaire. Entréelibre, chapeau à l’issue de chaqueproposition. Le programme détailléest consultable sur linterface.org

MUSIQUE Herbert Leonard sort un nouvel album

Demi-tour,marche

Vous avec sorti en mars votrenouvel album. Pourquoi l’avoirintitulé Demi-Tour ?

L’année dernière, quand on m’aproposé de refaire un nouvelalbum, je me suis posé la ques-tion : “Et si c’était le dernier, tuferais quoi ?” J’ai choisi de faireun demi-tour sur moi-même etde revenir au rhythm and blues.J’avais très envie de reprendredes chansons de mon premierdisque Si je ne t’aimais qu’unpeu. J’ai donc choisi cinq chan-sons sur cet album, j’en ai ra-jouté deux autres que je chan-tais à l’époque mais que je n’aijamais enregistrées, ainsi quequatre nouveaux titres, tou-jours dans l’esprit des années60 d’Otis Redding, d’ArethaFranklin, etc. Et ces chansons,je les ai traitées comme on lestraitait alors ; je voulais les lais-ser baigner dans leur jus pourqu’elles sonnent comme à l’épo-que.

Otis Redding vous a influencé ?

C’est sûr ! Otis est mon « king »à moi. À l’époque déjà, je préfé-rais le rock’n’roll noir – ChuckBerry, Little Richard – au rockblanc à la Elvis. Alors, quandOtis a débarqué, je suis immé-diatement tombé amoureux. Lachanson Big O est d’ailleurs uncri d’amour pour mon idole…

Du coup, ce retour au rhythmand blues, c’est un plaisir per-sonnel ?

Oui, c’est un peu mon bébé àmoi. Il y a deux ans, j’ai répon-du à la demande car c’est mamaison de disques qui m’avaitdemandé de faire un album. Ilfallait alors être à la mode, en-registrer les chansons desautres, faire plus de duos…

Pour Demi-tour, j’ai voulu faireautre chose, sortir de cette ima-ge de chanteur romantique.

Que pensez-vous de l’évolutionde la musique aujourd’hui ?

Je suis un peu old school, et jereste conscient que chaque gé-nération a besoin de ses pro-pres idoles. Je suis devenu artis-te à une époque où il fallaitfaire ses preuves en studio.Aujourd’hui, faire un disque està la portée de tout le monde.Mais c’est la méthode utiliséeq u i a c h a n g é . L e s s t a r sd’aujourd’hui sont plus éphé-mères… Mais les choses sontplus difficiles. Heureusement,les gens ont toujours besoin demusique !

Vous êtes né à Strasbourg etavez grandi ici. Quelle imagegardez-vous de l’Alsace ?

Aujourd’hui, j’ai 69 ans. Je suisparti quand j’en avais 20. Je ne

renie pas l’Alsace, bien au con-traire, mais cela me paraît loin.J’ai grandi dans une famille trèspauvre, mes parents étaient néssous le régime allemand et neconnaissaient que très peu lefrançais. Du coup, je ne parlaisquasiment qu’alsacien aveceux.À présent, je le comprends en-core mais j’ai perdu la prati-que…Ma carrière musicale a com-mencé en Alsace comme guita-riste, d’abord avec les Jets, aveclesquels on était les rois deStrasbourg. Puis, après l’armée,j’ai rencontré les Lionceaux,avec lesquels je suis parti entournée. J’ai ensuite commencéà chanter, et je ne suis jamaisrevenu…J’habite depuis une trentained’années à Barbizon, près deFontainebleau. Je me sens unpeu obligé d’être dans la régionparisienne parce que 90 % dumétier se fait ici.

Et pour la suite ? Commentvoyez-vous les choses ? Unetournée est-elle programmée ?

Tout dépendra du retentisse-ment de l’album. Si ça marche,je ferai une tournée et peut-êtremême un autre album. Ce quiest sûr, c’est que j’adore la scè-ne. Pour le reste, je ne sais pasquelle est l’espérance de vied’un Herbert Léonard, tant ar-tistiquement que physique-ment… Je me dis que tout peutarriver. J’ai l’âge de prendre maretraite depuis presque dix ans.Mais j’aime trop ce métier et lascène pour arrêter maintenant.Maintenant, je ne compte pasmourir sur scène. Quant à sa-voir quand j’arrêterai… On ver-ra ! R

PROPOS RECUEILLIS PAR

SOPHIE DUNGLER

Q En concert à 20h30 le 16 mai aucentre culturel Pierre-Messmer deSaint-Avold et le 17 mai à la sallepolyvalente d’Oberhaslach.

Herbert Leonard. PHOTO DNA – MARC ROLLMANN

Herbert Leonardvientdesortir unnouvel album,Demi-tour,où il revientà sonpremieramour, le rhythmandblues. EntretienaveccetAlsaciendesouche.

(Dernières Nouvelles d'Alsace, 18.04.2014)