urban is me

24
‘’De plus, la recherche de la clarté et de la précision juridique renvoie automatiquement vers une conception très fonctionnaliste des plans d’urbanisme. Elle devient ainsi contradictoire avec le caractère nécessairement aléatoire d’une démarche réellement participative’’ 1 ‘’Notre culture administrative présente des caractéristiques voisines, encore aggravées par la centralisation et la surproduction législative dont les effets pervers ont été notés à différentes reprises dans cet ouvrage‘’ 2 ‘’Dans les deux cas, le sentiment d’une permanence effectivement nécessaire conduit à des attitudes d’autosatisfaction et de refus du dialogue ainsi qu’à la tentation constante d’agir de manière technocratique. La création de l’ENA n’a rien arrangé dans la mesure où elle a conduit, trente ans après, à la formation d’une structure sociologique de type aristocratique qui tend à monopoliser tous les pouvoirs en se posant comme une élite multiforme, à la fois politique, administrative et économique. Tous les grands noms de la sociologie française ont souligné les risques de blocage qui en résultent‘’ 3 ‘’La nécessité de développer les pratiques d’un urbanisme de gestion se heurte là à des obstacles très sérieux, qui expliquent sans les justifier certaines dérives vers des pratiques peu orthodoxes. Rien ne semble plus urgent que de sortir l’urbanisme de l’enlisement juridique dans lequel il s’enfonce. L’obsolescence des mécanismes 1 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 170 2 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 171 3 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 171

Upload: shona-zucchero

Post on 23-Jun-2015

59 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Urban is Me

‘’De plus, la recherche de la clarté et de la précision juridique renvoie automatiquement vers une conception très fonctionnaliste des plans d’urbanisme. Elle devient ainsi contradictoire avec le

caractère nécessairement aléatoire d’une démarche réellement participative’’1

‘’Notre culture administrative présente des caractéristiques voisines, encore aggravées par la centralisation et la surproduction législative dont les effets pervers ont été notés à différentes reprises

dans cet ouvrage‘’2

‘’Dans les deux cas, le sentiment d’une permanence effectivement nécessaire conduit à des attitudes d’autosatisfaction et de refus du dialogue ainsi qu’à la tentation constante d’agir de manière technocratique. La création de l’ENA n’a rien arrangé dans la mesure où elle a conduit, trente ans après, à la formation d’une structure sociologique de type aristocratique qui tend à monopoliser tous les pouvoirs en se posant comme une élite multiforme, à la fois politique, administrative et économique. Tous les grands noms de la sociologie française ont souligné les risques de blocage qui

en résultent‘’3

‘’La nécessité de développer les pratiques d’un urbanisme de gestion se heurte là à des obstacles très sérieux, qui expliquent sans les justifier certaines dérives vers des pratiques peu orthodoxes. Rien ne semble plus urgent que de sortir l’urbanisme de l’enlisement juridique dans lequel il s’enfonce. L’obsolescence des mécanismes administratifs de l’urbanisme de croissance n’est plus contestable. Le glissement vers un gouvernement des juges est trop contradictoire avec la demande générale d’une participation plus active pour qu’on puisse l’accepter sans réagir. Mais le risque subsiste de voir une conception bureaucratique nouvelles remplacer celle qui est en place. Pour ne prendre qu’un exemple, les mouvements écologistes ne cessent de réclamer de nouveaux textes législatifs pour imposer leurs vues sur des questions touchant à l’aménagement de l’espace, sans trop se soucier de la contradiction

évidente avec leurs plaidoyers en faveur de la participation‘’4

‘’Aura-t-on le courage et l’énergie nécessaire pour briser le cercle vicieux ? Saura-t-on laisser les maires qui le souhaitent développer plus largement des pratiques participatives innovantes ? Pour avancer, une phase d’expérimentation habilement organisée et judicieusement observée serait indispensable. Serons-nous capables, pour une fois, d’éviter le piège de la réforme conçue dans les cénacles parisiens et imposée d’en haut, et d’accepter de libérer les initiatives locales  ? Les rares tentatives faites dans ce sens, et notamment l’histoire des OPAH, montrent qu’il est facile et efficient

1 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1702 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1713 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1714 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 171

Page 2: Urban is Me

de procéder ainsi. Encore faut-il avoir la volonté de desserrer le carcan juridique, préalable

indispensable pour ne pas retomber dans nos ornières habituelles‘’5

‘’D’un point de vue méthodologique, approfondir l’exploration de cette voie est indispensable pour apprendre à organiser des rapports plus fructueux entre élus, professionnels et habitants, pour qu’ils apprennent ensemble à mettre en relation leurs mémoires collectives, ce qui constitue la clé des

nouvelles méthodes‘’6

‘’Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, la pratique de l’urbanisme de gestion a peu de chance de stimuler les imaginations débordantes. Ses méthodes tendent à rejoindre, au plan théorique, les positions conservatrices de la tendance culturaliste en urbanisme. Elles sont plus difficilement conciliables avec l’esprit moderniste, avec la conviction que l’invention d’une ville de l’avenir relève, au moins en partie, de la capacité de proposer des arrangements spatiaux et des vocabulaires

architecturaux résolument différents de ceux hérités du passé‘’7

‘’Patience, prudence, pragmatisme, participation sont les vertus cardinales dans la pratique d’un urbanisme de gestion. Elles ne trouvent leur efficacité que dans des démarches professionnelles ordonnées par le recours systématique aux sciences humaines, clé d’une volonté de savoir sans

laquelle la volonté d’action risque toujours de se laisser guider par des fantasmes‘’8

‘’Les cadastres, lorsqu’ils sont refaits, désignent la commune comme propriétaire de ces terrains. Les services fiscaux aiment les catégories claires et universelles conformes à nos traditions républicaines. Mais dans la mémoire de vieux Mourians, ces terrains conservent le statut de « patecq commun » attesté par les vieux cadastres du siècle dernier. La coutume provençale désignait ainsi certains lieux, tels que les aires de battage, que les paysans utilisaient en commun pour leurs travaux agricoles. L’usage des patecqs était réservé aux seuls propriétaires du hameau, à l’exclusion des locataires. On ne pouvait les mettre en culture et même la décision d’y planter un arbre devait être prise en

commun‘’9

5 Jean- Paul Lacaze : ‘’Renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1726 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1727 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1808 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1829 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 187

Page 3: Urban is Me

‘’L’urbanisme d’Etat, cette exception française qui aura duré quarante ans, à connu trois périodes bien distinctes du point de vue méthodologique. Né en 1943 pour organiser la reconstruction des villes détruites dans le contexte idéologique du régime de Vichy, il se concentrera dans une première phase sur l’élaboration de plans d’ensemble confiés à la responsabilité s’architectes en chef. Le bilan de la reconstruction reste assez largement positif par l’efficacité de la mise en œuvre, la variété des modèles adoptés et le fait que les habitants des villes reconstruites ont pu intégrer ces formes nouvelles ou

inspirer du passé dans leurs mémoires collectives‘’10

‘’Une nouvelle pratique de l’urbanisme naît ainsi. La DATAR, créée en 1962, contribuera, à une échelle complémentaire, à préciser les méthodes de cette planification stratégique. L’urbanisme antérieur reposait sur la notion de projet, de la définition d’un « état futur souhaitable » de la ville ou du quartier, par une démarche en marche d’escalier entre un avant et un après. Mais il n’avait pas les moyens de s’assurer que les multiples décisions individuelles qui font la croissance des villes peuvent converger vers l’objectif proposé. Cet urbanisme de composition urbaine avait pourtant donné de bons résultats pour la reconstruction des villes détruites pendant la guerre. Mais le mot même de reconstruction impliquait une vision statique, justifiée dans le contexte de l’époque par un consensus assez clair pour que l’Etat prenne les choses en mains et efface le plus vite possible les traces des désastres et un contexte de stagnation démographique et économique qui sévissait depuis la guerre de

1914‘’11

‘’Mais j’avais trop observé le milieu de l’administration centrale pour le rejoindre sans appréhension. Et il se confirma vite qu’un regard aiguisé par l’initiation aux sciences humaines et l’habitude de décortiquer les apparences pour mettre à jour les logiques des comportements ne vous y rend pas spécialement populaire. La vie quotidienne y est rendue agréable par la grande qualité des personnes et une tradition de familiarité qui se traduit par un tutoiement assez général. Mais les enjeux de pouvoir et le carriérisme induisent des comportements férocement égoïstes de plus en plus éloignés du sens du

service public‘’12

‘’Dans les textes des auteurs de l’époque antérieure à la révolution de Delouvrier, plusieurs thèmes jouent un rôle fondateur de ce que l’on appelle le plus souvent l’urbanisme fonctionnaliste.

Tout d’abord, ils revendiquent pour l’urbanisme le statut d’une discipline, d’une authentique science de la ville, dont la mise en œuvre constitue une condition pour que les habitants puissent accéder à un véritable bonheur. Des objectifs concrets d’hygiène et d’aisance sont certes évoqués et opposés à la situation de fait qui régnaient dans les villes, mais l’ambition du discours va beaucoup plus loin, jusqu'à une vision quasi-messianique des effets moraux et sociétaux qui doivent résulter de la mise en ordre de la ville conformément aux canons de la doctrine fonctionnaliste. La situation de fait des villes

10 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1111 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 1712 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 39

Page 4: Urban is Me

est présentés de manière extrêmement négative, en allant jusqu’à la caricature. Chacun a en mémoire les diatribes de la Corbusier contre la rue, ce « chemin des ânes ». était-il donc nécessaire d’en rajouter pour tenter de convaincre des vertus prêtées au modèle urbain moderne ? l’ambition des socialistes utopistes du 21ème siècle, l’un des courants fondateurs de la pensée urbanistique, reste présenté dans de tels discours. On en retrouvera encore un écho lointain dans l’un des slogans de la campagne électorale du Parti socialiste lors des élections présidentielles de 1981 sous la forme condensée

« changer la ville, changer la vie »’’ 13

‘’Marcel Roncayolo m’encouragea à poursuivre l’analyse méthodologique des situations concrètes d’élaboration des décisions d’urbanisme. Quelques lectures de sciences politiques étaient nécessaire pour mieux cadrer le sujet présenté dans le « que sais-je ? » les méthodes de l’urbanisme, publié en 1990, et dont les versions ultérieures s’enrichiront au fur et à mesure que de nouvelles pratiques verraient le jour. L’analyse méthodologique repose sur quelques principes simples qu’il n’est pas inutile de rappeler brièvement ici.

Tout d’abord, le champ des décisions d’urbanisme est discontinu. La hiérarchie formelle de plans d’échelles différentes s’emboîtant les uns dans les autres schéma nationale ـــ d’aménagement du territoire, schémas régionaux, d’agglomération et de secteur, POS, plan partiel n’est ـــ qu’une abstraction bureaucratique plus dangereuse qu’utile, car elle fait perdre beaucoup de temps à rechercher des pseudo-cohérences formelles au lieu de se concentrer sur les problèmes réels.

Cette discontinuité du champ conduit à distinguer deux domaines complémentaires l’un de l’autre. D’une part, une police de la construction constitue un socle général d’encadrement des initiatives privées. Cet urbanisme réglementaire est nécessaire pour préciser les limites de ce qui peut être autorisé, mais visiblement insuffisant pour apporter des réponses pertinentes dans tous les cas. D’autre part, des problèmes d’urbanisme surgissent de temps à autre dans le discours public. Leur apparition n’est pas toujours prévisible. L’importance que l’opinion publique y attache peut se révéler sans commune mesure avec les appréciations portées par les experts. Le manque de logements, les embouteillages, les pollutions, l’insuffisance de certains équipements ou services publics sont, dans l’ensemble, assez bien tolérés par nos concitoyens. Mais à tout moment, un incident mineur ou une cause non perceptible peuvent provoquer une prise de conscience, déclencher une sorte de réaction en chaîne obligeant les responsables publics à se saisir de la question.

Le développement progressif de la démocratie locale et le rôle croissant des associations de défense de l’environnement ont considérablement accru ce mode de surgissement d’une demande sociale qu’il n’est plus possible d’analyser exclusivement en termes de besoins quantifiables. De telles demandes combinent en effet des attentes concrètes avec des attitudes qui relèvent clairement des aléas de la vie politique. Ce constat n’autorise donc pas à présenter l’urbanisme comme une discipline autonome ayant sa propre cohérence. Il se situe à l’intérieur d’un champ plus vaste, celui des politiques urbaines, et, pour l’essentiel, de la gestion des villes et des agglomérations. Car il n’est pas rare que, même quand la demande initiale est exprimée en termes d’urbanisme, une analyse plus fine montre que les attentes qui s’expriment recevront une réponse plus pertinente par d’autres moyens, par exemple en modifiant le mode de gestion d’un réseau d’équipements publics.

13 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 44

Page 5: Urban is Me

Le deuxième principe organisateur du champ de l’urbanisme consiste à montrer qu’il n’existe pas une démarche professionnelle standard répondant à toutes les catégories de problèmes, mais plusieurs types de démarches. Chaque type privilégie l’un des aspects particuliers de l’espace urbain. Cette expression commode risque en effet d’occulter le caractère fortement polysémique de la notion. L’espace urbain est à la fois une donnée géographique, un espace bâti et organisé, un nœud de réseaux techniques enchevêtrés, un point fort de l’espace économique, un ensemble de marchés de biens immobiliers et de services, un espace social porteur d’une histoire et d’une culture locale, un domaine spécifique dans le champ de la politique. Les problèmes qui émergent dans la demande sociale résultent d’une pénurie quantitative ou d’une perte de sens ou d’efficacité de l’un des systèmes caractéristiques de cet espace. Ils concernent donc l’un des aspects de la ville, et leur analyse doit faire appel en priorité à l’une des professions qui concourent à la réflexion interdisciplinaire en urbanisme.

Même si le travail collectif est de bonne qualité, même si les élus responsables savent jouer leur rôle avec une largeur de vue et une sensibilité politique de nature à fonder une démarche pertinente, une culture professionnelle particulière jouera donc un rôle organisateur dans la démarche. Et cette culture apportera, de manière explicite ou non, un système de valeurs particulier qui influencera le système de décision. Pour arrêter le plan d’un quartier neuf (et donc pratiquer un urbanisme de composition), la perception de l’espace projeté par l’architecte-urbaniste reste un mode de travail incontournable. Aussi démocrate que l’on soit, il faut tout de même rappeler de temps en temps le proverbe britannique : « un dromadaire, c’est un cheval de course dessiné par une commission ». L’esthétique a ses lois propres, qui ne se maîtrisent que par un long apprentissage permettant l’acquisition d’une culture professionnelle spécifique. Avoir du goût ne suffit pas pour devenir architecte-urbaniste.

De même, une démarche de planification stratégique conduit à analyser la ville comme un système, au sens de la théorie des systèmes, c’est-à-dire comme l’imbrication de plusieurs sous-ensembles (logements, lieux de travail, commerces, voirie, réseaux techniques, etc.) comportant entre eux des relations spécifiques dont on peut modéliser le fonctionnement. Sans entrer dans le débat difficile sur la pertinence et les règles de bonne conduite d’une telle démarche, il est clair que le pilotage d’une étude de ce type implique prioritairement des ingénieurs et des économistes qui se référeront aux valeurs d’efficacité et de rendement qui structurent leur bagage intellectuel.

Un troisième principe général consiste à souligner que les décisions d’urbanisme, dès qu’elles ont des conséquences notables, présentent un caractère structurellement inéquitable. Très peu de textes soulignent cet aspect du problème qui relève pourtant du simple bon sens. Les problèmes à traiter résultent d’une pénurie ou de l’exacerbation des concurrences pour l’utilisation de certains espaces ou de certains réseaux d’équipement. Les réponses ne peuvent jamais contenter tout le monde. Les avantages ou aménités supplémentaires dont bénéficieront certains groupes ou catégories de citoyens entraîneront, pour d’autres, des inconvénients, des pénibilités ou des surcoûts. L’analyse méthodologique des cas concrets le met clairement en évidence.

Comment arbitrer entre des catégories d’habitant ? il ne paraît pas nécessaire ici d’argumenter longuement pour montrer que le mode de décision adapté à des problèmes de cette nature ne se situe pas dans le champ des techniques ni dans celui de l’art urbain, mais relève d’une approche politique. Ces remarques rejoignent donc les commentaires présentés à plusieurs reprises et qui ne sont plus guère contestés aujourd’hui. L’urbanisme ne peut prétendre à s’organiser comme un domaine autonome, il n’est qu’un aspect particulier d’une problématique plus générale comme le suggère le parallélise étymologique des mots urbanisme et politique.

Page 6: Urban is Me

Un dernier principe général vient compléter le dispositif méthodologique sous la forme d’une hypothèse qui n’a pas suscité, à ma connaissance, de réfutation. Il semble bien exister un effet de résonance entre, d’une part, les types de démarches professionnelles définies ci-dessus et, d’autre part la nature des processus de décisions. il est donc légitime d’ajouter, dans le tableau qui résume les caractéristiques des différents types de méthodes (cf. tableau ci-dessous), une colonne supplémentaire indiquant le mode de décision. La composition urbaine renvoie à un mode autocratique, la planification stratégique relève d’une gestion technocratique, la participation cherche à

mettre en œuvre des pratiques démocratiques »’’14

‘’Les collègues étrangers ne cachent pas leur surprise et leur incompréhension quand on essaie de leur expliquer que le pouvoir d’urbanisme a été transféré chez nous, d’un grand coup de baguette magique, de l’Etat qui le monopolisait depuis quarante ans à quelque 36 700 communes ! Tout a été dit sur les effets d’une mesure excellente dans son principe, mais aussi mal préparée et aussi inadaptée aux réalités de la géographie économique et sociale. Les règles méthodologiques élémentaires qui permettent d’aboutir à une gestion décentralisée efficace ont été rejetées au nom de principes peu réalistes et notamment de l’interdit jeté sur toute subordination d’une collectivité territoriale à une autre, interdit bien théorique lorsque les financements croisés sont devenus une règle pratique généralisée. En Allemagne, les plans locaux d’urbanisme sont approuvés par les Länder, et la

démocratie semble s’en accommoder sans difficulté majeure’’15

‘’Tout d’abord, les maires n’ont pas demandé, comme on pouvait s’y attendre, une révision générale du code de l’urbanisme. Les outils créés par la loi de 1967-SDAU, POS, droit de préemption et ZAC pour aller à l’essentiel –leur étaient devenus familiers. Ces outils étaient donc de bonne qualité

puisqu’ils se sont adaptés aisément à un nouveau mode d’élaboration des décisions’’16

‘’La décentralisation de l’urbanisme a eu pour effet pratique de concentrer tous les pouvoirs dans les mains du maire, dès lors que ce dernier détient une autorité de fait sur son conseil municipale, ce qui est vrai dans la grande majorité des cas réels. C’est lui qui élabore la règle d’urbanisme en dirigeant l’élaboration du POS et la négociation des ZAC, les pouvoirs correspondants étant bien plus importants que l’approbation formelle en séance du conseil. C’est toujours lui qui applique la règle en délivrant les permis de construire. C’est encore lui qui est chargé de veiller au respect de la règle ; au nom de ses pouvoirs de police, il doit poursuivre les infractions comme les constructions sans permis ou le non-respect de certaines clauses d’un permis accordé. Une telle superposition de rôles entre clairement en contradiction avec les grands principes de séparation des pouvoirs posés dès le 18 ème

siècle comme une règle de base de toute gestion démocratique’’17

14 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 5015 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 6316 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 63

Page 7: Urban is Me

‘’ sur le plan des pratiques juridiques et commerciales, la brutalité de la décentralisation a provoqué dans un premier temps une vaste crise d’adolescence parmi les élus. Débarrassés sans transition ni préparation d’une tutelle administrative qui leur pesait, les élus ont usé avec délices, et parfois un peu abusé, d’une liberté qui leur paraissait totale. Les grands groupes privés qui dominent le BTP et les services publics se sont employés à les faire rêver à des projets mirifiques basés sur des montages financiers plus ou moins orthodoxes. Les associations de défense de l’environnement, et les cours régionales des Comptes, ainsi que les tribunaux dans les cas les plus graves, durent s’employer à

remettre un peu d’ordre.’’18

‘’ Les avatars de la planification stratégique

la planification stratégique sort, quant à elle, plus mal en point de la décentralisation aux deux échelles

où elle se pratiquait, le SDAU et l’aménagement du territoire’’19

‘’Avoir fait du SDAU un document ayant une portée juridique constituait une double erreur

méthodologique ‘’20

‘’La donnée essentielle consiste dans le fait que loi impose que les POS et les ZAC soient « compatibles » avec le SDAU dès lors qu’il en existe un approuvé. Le flou de cette notion de

compatibilité a fortement contribué à la dérive juridique qui sera évoquée par la suite’’21

‘’L’obsession juridique est familière à notre administration : rien ne peut avoir de valeur à ses yeux qui ne soit méticuleusement organisé par une panoplie d’articles de loi, de décrets et de circulaires

d’application’’22

‘’Le désintérêt croissant pour la planification stratégique a pour conséquence que le POS devient, dans les faits, le support presque unique de la planification urbaine. La plupart des SDAU dorment dans les tiroirs. Les associations de défense de l’environnement les exhumeront pour tenter d’y trouver des arguments juridiques susceptibles de faire annuler les décisions qu’elles contestent. Elles y réussiront

17 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 6418 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 6619 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 6620 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 6621 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 6622 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 67

Page 8: Urban is Me

d’autant mieux que beaucoup de municipalités, dans l’euphorie de la décentralisation, avaient pris certaines libertés avec un droit de l’urbanisme qui est, d’une manière générale, rigide et terriblement

compliqué’’23

‘’ La pratique de l’urbanisme risque alors de basculer vers un « gouvernement des juges » à l’américaine. Que dire dans de tels cas des systèmes de valeurs qui servent à fonder les décisions ? La tendance est trop récente et trop partielle pour que l’on puisse en tenter une analyse méthodologique. La question est cependant clairement posée de la légitimité de l’intervention d’un magistrat comme « urbaniste d’appel », alors que la plupart d’entre eux, avec tout le respect que je leur dois, n’ont pas

reçu une formation en rapport avec une telle responsabilité’’24

‘’Mais Ségolène Royal voulait sa grande loi sur le paysage. Comme trop souvent dans de pareils cas, le code de l’urbanisme, déjà pléthorique, s’est enrichi de quelques articles supplémentaires pour

imposer une annexe paysagère dans les dossiers de demande de permis de construire ‘’25

‘’du point de vue méthodologique, la prise en compte des enjeux écologiques et la fin de la croissance conduiront en effet à des changements complets de perspective. Les méthodes correspondantes n’en sont qu’à une première phase de tâtonnements. En ce qui concerne les procédures d’urbanisme à l’échelle des agglomérations, la démarche DTA peut se révéler fructueuse si elle permet de remplacer progressivement les SDAU par des documents plus simples qui se contentent de pointer un petit nombre d’objectifs et de mesures de protection, sans chercher une illusoire cohérence globale. Le pari sera gagné si, un jour, il devient possible de supprimer le SDAU dans l’arsenal du code de l’urbanisme, et si les rédacteurs des DTA savent et peuvent se contenter d’aller à l’essentiel sans céder

à la tentation de tout colorier sur la carte ‘’26

‘’Une approche en termes inspirés des méthodes du marketing devient alors incontournable. Il ne s’agit plus de produire ce que « l’urbaniste » a envie de proposer, mais de détecter ce que les clients

auront envie d’acheter’’27

23 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 7024 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 7125 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 7226 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 9127 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 133

Page 9: Urban is Me

‘’ Mais que demande le peuple ?

les choses ne se sont pas faites en un jour. L’homo urbanisticus, citoyen standardisé de la programmation urbanistique, n’existe en fait pas plus que son cousin l’homo economicus doté d’une fonction de satisfaction qui lui permettrait de ne jamais se tromper dans ses choix. De telles simplifications ont été inventées pour tenter de théoriser le comportement statistique des consommateurs. L’exercice reste peut-être utile pour faciliter l’acquisition de connaissances scientifiques, mais même cela est devenu objet de débat. N’est-il pas clair que la croissance économique repose désormais sur les mécanismes du désir et les phénomènes d’imitation bien plus que sur la satisfaction de besoins au sens strict du terme ? en matière de programmation préalable au lancement d’un programme d’urbanisme, il en va de même. Les besoins solvables et insatisfaits sont de venus l’exception. La concurrence entre offreurs de terrains ou de logements place désormais, presque partout, l’acheteur en position dominante. Une approche en termes inspirés des méthodes du marketing devient alors incontournable. Il ne s’agit plus de produire ce que « l’urbaniste » a envie de proposer, mais de détecter ce que les clients auront envie d’acheter. Or les préférences des acheteurs et locataires potentiels de logements restent assez largement orientées par les jeux d’images sociales, telles qu’elles sont présentes dans les mémoires collectives. Pour les équipements et services publics, les préférences des utilisateurs semblent bien s’organiser par des voies comparables. En matière de choix éducatifs, par exemple, les parents discutent entre eux pour évaluer les performances des différents établissements ; ils se réfèrent ensuite à cette forme de mémoire collective pour tenter de mettre leurs enfants dans telle ou telle école en rusant avec les règles d’affectation que l’administration tente de leur imposer.

Les caractéristiques locales des facteurs sociologiques correspondants s’imposent alors comme une méthode incontournable d’identification de ce qu’il est possible et souhaitable d’envisager, sans apporter pour autant de garantie de succès en raison de la subjectivité qui introduit des facteurs aléatoires dans les décisions d’achat, en raison aussi des effets de la dynamique sociale, positive ou négative, qui se produira au cours de la phase d’appropriation initiale des lieux nouvellement aménagés ou des équipements mis en service.

Un travail considérable a été accompli au cours des quarante dernières années pour produire des logements de tous types, équiper les banlieues et les zones rurales, améliorer l’ambiance urbaine des centres-ville. Presque partout, les demandes solvables sont désormais faciles à satisfaire sans nécessiter d’intervention massive et directe des pouvoirs publics. La situation actuelle de l’urbanisme en résulte. On peut même penser que la fin de cet énorme effort d’équipement, qui a transformé un pays encore massivement rural après la guerre en la quatrième puissance économique qui persiste depuis 1973.

La demande brute de biens et de services par la clientèle solvable devient ainsi de plus en plus marginale. Elle est remplacée par d’autres catégories de « besoins » dont trois doivent aujourd’hui être prises en compte dans les études préalables d’urbanisme.

La première concerne la demande solvable. Il s’agit le plus souvent de demandes de confort, d’accroître les avantages pratiques ou symboliques qui permettent d’attirer ou de retenir les citoyens qui ont la possibilité effective de choisir. Le débat actuel sur les petites cliniques d’accouchement en offre une illustration caractéristique. Le pourcentage des grossesses à risque, celles qui nécessitent un suivi médical précis est heureusement limité à un taux de l’ordre de 1%. Il en résulte qu’un service hospitalier d’accouchement ne peut prétendre à un bon niveau de compétence technique que s’il pratique plusieurs milliers d’accouchements par an. Les petites cliniques n’enregistrent que quelques

Page 10: Urban is Me

centaines de naissances par an, et leur coût de fonctionnement est plus élevé que celui des grands services. Les responsables des services de santé publique prônent donc des regroupements qui allieraient heureusement une gestion moins coûteuse et une meilleure efficacité. Mais toute proposition de fermer une petite clinique locale se heurte à de vives oppositions. La demande sociale, dans ce domaine, privilégie clairement le confort résultant de la proximité de la clinique à la performance de l’équipe médicale.

De manière plus générale, l’essor périurbain répond à une série d’avantages explicites en termes de confort : moindres nuisances, surtout en ce qui concerne le bruit, proximité de la nature, grand facilité de circulation et de stationnement. Et même si un rossignol peut émettre autant de décibels qu’un camion, son chant relève de la qualité discrète et non de la nuisance subie !

Dans le domaine des demandes de confort, la décision d’urbanisme relève d’arbitrages difficile entre la satisfaction des préférences des habitants, l’égalité d’accès aux services publics, l’objectif général d’une meilleure maîtrise des dépenses publiques, les effets des décisions sur l’emploi local. Le caractère politique de cet arbitrage et de la manière de le préparer l’emporte donc, une fois de plus, sur la recherche d’une optimisation technique ou économique.

La seconde catégorie concerne des demandes de frustration. Le phénomène du désir mimétique joue à plein dans l’émergence des demandes correspondantes. Si toutes les communes voisines sont dotées d’un stade, d’une salle polyvalente ou d’une piscine, il devient inacceptable que la mienne ne dispose pas des mêmes avantages. La décentralisation a considérablement accru de tels effets de concurrence, au point de conduire à des suréquipements souvent manifestes. Mais avant de la critiquer, il convient de rappeler que les méthodes de programmation bureaucratiques ne donnaient pas, on l’a noté dans le chapitre 2, de résultats plus convaincants. La sagesse consiste donc à miser dans ce domaine sur le principe de subsidiarité et sur le désir des citoyens contribuables de freiner la croissance des impôts locaux.

Ici aussi, la préparation des décisions ne peut se limiter à des bilans d’avantages et d’inconvénients, aussi fins soient-ils. Le contexte de la prise de décision s’est clairement déplacé vers le champ sociopolitique.

La troisième catégorie est la plus préoccupante et la plus difficile à traiter. Il s’agit de la croissance des demandes non solvables, particulièrement inquiétante en matière de logement. Les réponses efficientes passent nécessairement par des péréquations ou par la prise en charge sur des budgets publics. Ces demandes prennent toute leur ampleur dans la question des quartiers en difficulté ; elles débouchent sur ce qu’il est convenu d’appeler la politique de la ville. Il est nécessaire, en effet, d’organiser l’action dans le temps long et à l’échelle de l’agglomération tout entière pour tenter d’apporter des réponses adaptées à la nature de telles demandes et, notamment, pour tenter d’éviter l’effet de ghetto résultant de la concentration de groupes d’habitants marginalisés. Et ceci au moment où l’urbanisme opérationnel ne permet plus guère de développer les solutions de péréquation des charges foncières entre constructions privées, d’une part, logement social et équipements, d’autre part, ce qui a longtemps facilité une meilleure dispersion des programmes de construction HLM.

Mais il faut surtout relever que la première et la troisième catégorie de demandes tirent les dispositifs d’action urbanistique dans des directions opposées. Leur conjonction reste passablement contradictoire et conduit donc à de sérieuses difficultés quand il s’agit de définir les objectifs politiques de l’action d’urbanisme ou les priorités budgétaires. La détente rapide des marchés fonciers et immobiliers ne pouvait qu’accroître les tendances ségrégatives qui, soit dit en passant, sont une constante de l’histoire des villes. Ces tendances résultent tout naturellement du rôle des images sociales et des mémoires

Page 11: Urban is Me

collectives. Les choix résidentiels des citoyens s’expliquent par la recherche de sécurité et d’identité. Au-delà de la subjectivité des choix, ces motifs conduisent à un conformisme évident qui consolide les

images sociales des quartiers recherchés, mais pénalise durablement celles des quartiers dépréciés’’28

‘’Le citoyen citadin dispose désormais de trois moyens pour peser sur les décisions qui concernent son cadre de vie. Les deux premiersــ le bulletin de vote et l’engagement associatif revendicatif ــ ont été largement étudiés et commentés. Mais le troisième, et de loin le plus efficace, est rarement pris en compte, faute d’une connaissance suffisante des mécanismes de choix résidentiels. Il s’agit du camion

de déménagement’’29

‘’L’étude du cas de l’urbanisme patrimonial, c’est-à-dire de l’ensemble des dispositifs de protection des monuments historiques, des sites et des secteurs sauvegardés, permet de mieux comprendre les difficultés particulières à ce domaine. On sait, en effet, que le contrôle exercé par les architectes des Bâtiments de France (ABF), en tant que responsables des services départementaux d’Architecture provoque des conflits récurrents avec les maires. Ces derniers critiquent souvent des attitudes qu’ils estiment trop rigides et insuffisamment participatives. Ils ont du mal à admettre que les décisions de l’ABF ne puissent être contestées que dans des conditions très limitatives, par un recours au ministre

de la Culture, et ne débouchent pas sur une concertation locale’’30

‘’la raison de fond tient au fait que le patrimoine monumental et urbain appartient à notre mémoire collective nationale. Cette dernière ne serait pas préservée dans un contexte participatif débouchant sur des ajustements locaux. Ce type de problèmes appelle donc un traitement délibérément technocratique

reposant sur une compétence professionnelle tout à fait spécifique’’31

‘’L’alchimie d’un urbanisme opérationnel réussi passe ainsi par des détours peu prévisibles. Mais, à la fin de out, c’est bien la manière dont les habitants s’approprient les lieux qui jouera le rôle de juge de la réussite. Avec leurs camions de déménagement, par leurs comportements de ruse et les détournements des usages prévus par les programmeurs, ces habitants reprennent tranquillement le pouvoir de discrimination et de marquage social durable de l’espace. Nul professionnel ne peut

prétendre échapper à cette loi d’airain des jugements populaires qui tranchent a posteriori’’32

28 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 13229 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 13730 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 14231 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 14232 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 145

Page 12: Urban is Me

‘’Ce tour d’horizon des méthodes doit être complété en évoquant la notion de développement durable. Là aussi, le nouvel angle d’attaque suggéré apporte un éclairage intéressant à la nécessité de penser désormais en termes d’écosystèmes naturels ou artificiels imbriqués les uns dans les autres, écosystèmes qu’il s’agit de préserver ou de faire évoluer avec la prudence requise pour ne pas compromettre le grand avenir. Il paraît possible de considérer que ces écosystèmes constituent eux aussi des sortes de mémoires collectives matérielles, mémoires d’échelles géographiques très variées, de la planète jusqu’au local, et qui ont leur logique propre. L’aménagement durable (que différents auteurs traduisent par l’expression imagée de « ménager l’espace plutôt que de l’aménager ») implique une connaissance préalable approfondie des écosystèmes régionaux et locaux et un art de l’action progressive et en douceur qui recoupe sous de nombreux aspects les commentaires présentés plus haut à propos de l’urbanisme opérationnel’’33

‘’Les praticiens les plus actifs écrivent peu. Ils se contentent le plus souvent de décrire ce qu’ils ont fait, cédant parfois à la tentation de la justification a posteriori’’34

‘’Le bilan des connaissances utile pour aborder le domaine est fort bien synthétisé dans les deux anthologies de référence citées en tête de la bibliographie, celle de François Choay et celle de Marcel Roncayolo et Thierry Paquot. Mais ce bilan ne débouche toujours pas sur des propositions précises en termes de savoir-faire, ce n’est d’ailleurs pas leur rôle. Avant d’aborder avec les étudiants les modalités de mise en œuvre d’un urbanisme de gestion, trois étapes préparatoires restent nécessaires’’35

‘’La première consiste à rappeler comment la démarche d’urbanisme a pris forme au siècle dernier, à commenter ses tentatives infructueuses de fonder une »science des villes » qui puisse revendiquer un statut disciplinaire incontestable. Le rappel de l’avatar fonctionnaliste s’impose également pour montrer que ses principes, aussi discutables qu’ils soient, n’en constituent pas moins le vocabulaire de base de la production courante d’urbanisme réglementaire : POS, PAZ et leurs règlements. L’urbanisme reçoit une première définition provisoire comme une volonté d’action, ce qui conduit à ouvrir la question des modalités de la décision’’36

33 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 14734 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 14835 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 15136 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 151

Page 13: Urban is Me

‘’La seconde étape, rapide elle aussi, consiste en une analyse plus précise de deux objets principaux à prendre en compte : la ville d’une part, et le logement, d’autre part. il s’agit de montrer et d’illustrer le caractère fortement polysémique des deux notions correspondantes. Cela permet de justifier la nécessité des approches pluridisciplinaires et surtout de commencer à montrer comment les facteurs économiques, sociologiques, psychologiques et culturels interagissent entre eux à l’occasion des prises de décision individuelles et collectives’’37

‘’La troisième étape aborde directement le thème de la formation des prix fonciers et immobiliers. Elle commente les lignes directrices décrites dans les chapitres précédents et s’appuie utilement sur des enquêtes rapides qui suffisent pour commencer à mettre en évidence les rapports existants entre les images sociales et les prix. L’étude d’un marché local du logement à l’intérêt de pouvoir s’appliquer à des échelles variées et d’être utile dans tous les cas de figure. Elle permet de faire prendre conscience de l’interférence constante, dans les décisions prises par les candidats au logement, entre le butoir financier, les références d’ordre sociologique qui renvoie aux thèmes des images sociales et de la mémoire collective et les comportements d’ordre purement affectif.

Cette étape centrale se conclut par une nouvelle définition de l’urbanisme en tant que travail sur les images sociales des quartiers existants ou) créer, travail visant à agir sur la mémoire collective des habitants concernés’’38

‘’La présentation ultérieure des principaux champs de l’urbanisme de gestion, tels que je les ai décrits brièvement ci-dessus (urbanisme patrimonial, urbanisme réglementaire, urbanisme opérationnel, urbanisme participatif, développement urbain durable), peut alors se développer en référence à des principes généraux qui créent des liens entre ces divers champs et donnent plus de cohérence à l’analyse des pratiques usuelles’’39

‘’Le premier rôle est le plus difficile. La conception architecturale est source d’anxiété constante. Tout ce qui aura été bien conçu et réalisé avec soin paraîtra tellement évident que la plupart des utilisateurs ne remarqueront même pas la qualité de l’œuvre. Par contre, la moindre erreur saute aux yeux et provoque de vives réactions’’40

37 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 15138 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 15239 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 15240 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 159

Page 14: Urban is Me

‘’ La généralisation des concours pousse dans ce sens. Les architectes ont raison de la critiquer, surtout dans la manière où elle se pratique actuellement en France. Le système des concours a eu un rôle utile, dans un premier temps, pour dynamiser la profession, tourner la page après les longues dictatures intellectuelles de la tradition des Beaux-arts puis du fonctionnalisme, faire surgir de nouveaux talents. En se généralisant, le système est devenu pervers ; il rend plus difficile l’indispensable complicité entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre comme entre architecte d’opération et architecte-urbaniste. Plus grave encore, il fait basculer l’architecture vers le système de la mode’’41

‘’Pour être sélectionné comme candidat aux concours, il faut être publié dans les revues d’architecture. Pour être publié, il faut gagner ou être remarqué lors des concours, ou encore produire des architectures de papier suffisamment novatrices, c'est-à-dire montrer que l’on est à la pointe de la mode. Pour cela, il est indispensable de démoder ce qui était auparavant la dernière mode. Ce jeu infernal peut amuser tant qu’il s’agit de vêtements. L’architecture tend à y perdre son rôle urbanistique et social consistant à proposer une lecture claire et significative pour tous du rôle des bâtiments. Nos villes se meublent ainsi de plus en plus d’ « objets célibataires », souvent beaux, mais qui laissent perplexes, parce qu’il est impossible de savoir quelle est leur fonction : palais de justice ? Bourse du travail ? Conservatoire de musique ? Allez savoir…’’42

‘’En effet, la lecture d’un paysage est « cosa mentale » au même titre que la peinture dans la définition qu’en donnait Léonard de Vinci. Elle fait appel à de nombreuses références culturelles présentes dans notre mémoire, et la richesse des émotions qu’elle suscite dépend du sens que nous attribuons ainsi à ce qui ne serait sans cela qu’une collection d’objets végétaux et minéraux’’43

41 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 16242 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 16343 Jean- Paul Lacaze : ‘’renouveler l’urbanisme, prospective et méthodes ‘’, presses de l’école nationale des ponts et chaussées, paris 2000, p 164

Page 15: Urban is Me