unéleveurfribourgeoisœuvreà sauverlebraquedubourbonnais · 2012-09-07 · gérard andrey à...

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13 Animaux 6 SEPTEMBRE 2012 PUBLICITÉ CHIENS Un éleveur fribourgeois œuvre à sauver le braque du Bourbonnais Menacé de disparition à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ce magnifique chien d’arrêt a été tiré d’affaire grâce à l’engagement de quelques éleveurs français. En Suisse, le Fribourgeois Gérard Andrey contribue aussi à sa résurrection. S ous ses airs affables, Gérard Andrey a de la suite dans les idées et il est te- nace. Il ne lâche pas facilement son os, si l’on peut dire. «Depuis 1984, je rêvais d’acquérir un braque du Bourbonnais. C’est l’une des plus vieilles races de chien en France. L’une des dernières qui naisse avec une particularité génétique qui est une queue courte.» Gérard Andrey s’est longtemps adressé à des éleveurs français dans l’espoir d’acquérir un tel chien. Mais le braque étant devenu rare dans son pays d’origine (voir encadré ci-contre), le Fri- bourgeois devra attendre 2008, soit vingt- quatre ans après ses premières tentatives infructueuses, pour que son rêve se réalise. A force d’insistance, il réussit à acheter Dias, un mâle. Puis, en 2010, c’est une femelle, Fanny, qui a rejoint la ferme fa- miliale joliment rénovée de Cour- nillens. Grâce à Fanny, un heureux évé- nement est survenu en mai dernier. Elle a donné naissance à six chiots, dont l’un est malheureusement mort-né. Une pre- mière en Suisse pour cette race dont Gé- rard Andrey est, chez nous, le seul éle- veur. Chiots très recherchés Mais que deviendront ces jeunes chiots? «Ils sont très recherchés. J’aurais pu les vendre en Finlande et aux Etats-Unis», re- lève Gérard Andrey. Toutefois ce n’est pas l’aspect commercial qui l’intéresse, mais la pérennité de la race. «Un bourbonnais ne s’achète pas, il se mérite.» C’est pourquoi, l’éleveur tient à connaître personnelle- ment les futurs acquéreurs. Deux chiens resteront en Suisse romande, un partira au Luxembourg, et un autre à Heidelberg, en Allemagne, chez un fauconnier. Quant au dernier de la portée, une petite femelle nommée Hisca, elle demeurera à Cour- nillens. «Sa couleur, sa morphologie et son caractère me semblent les plus proches de l’idéal recherché pour la race. D’autre part, j’ai très vite remarqué qu’elle avait un très bon nez et d’excellentes prédispositions pour la chasse quand j’ai mis les chiots tous ensemble en présence d’un pigeon.» Chasseurs hors pair Non content d’élever des chiens sauvés de l’extinction, Gérard Andrey leur apprend aussi le métier de chasseur. C’est-à-dire qu’il entraîne et développe leur instinct naturel pour chasser les bêtes à plumes. C’est la raison pour laquelle il possède un élevage de pigeons. «La méthode consiste à enfermer un pigeon dans une cage reliée à un déclencheur automatique d’ouverture à distance. On place la cage en pleine nature, dans un grand champ par exemple. Lorsque le chien a flairé l’oiseau et trouvé la cage, il s’arrête et dresse une patte pour indiquer à son maître qu’il a localisé une proie. Il reste alors immobile jusqu’à ce que le maître ait déclenché l’ouverture automatique de la cage». Le volatile s’envole et, s’il était à la chasse, le maître devrait essayer de l’at- teindre d’un coup de feu. Mais à l’entraîne- ment, Gérard Andrey n’a toutefois pas d’arme. A la chasse, si l’oiseau est abattu, le chien va le chercher et le ramène à son maî- tre. Gérard Andrey est admiratif devant ses chiens: «Qu’ils parviennent à maîtriser leur instinct de chasseur pour rester im- mobiles devant leur proie, c’est une forme de sagesse qui est extraordinaire.» Gérard Gérard Andrey à l’entraînement en compagnie de «Dias». Les braques du Bourbonnais ont les poils courts, bien fournis et très doux au toucher. Ils sont très résistants aux grands froids. L’éleveur et dresseur fribourgeois en compagnie de «Harry» et «Hisca», issus de la première portée née en Suisse. Andrey est donc aussi chasseur. Mais comme il exerce le métier de garde- faune, il ne peut pas pratiquer son hobby dans son canton. Alors, il a pris un permis de chasse dans le canton de Neuchâtel. Il se rend aussi souvent en France, où il par- ticipe à des concours avec ses chiens et les confronte aux meilleurs braques de l’Hexagone. «Car les surfaces en Suisse sont petites pour bien s’entraîner avec les chiens et certains oiseaux comme la per- drix ou le faisan ont fortement diminué. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres éleveurs et surtout d’observer et jauger leurs bêtes en vue, peut-être, de fu- turs accouplements.» Mais comment lui est venue cette passion pour le bourbonnais? «Tout à fait par ha- sard en consultant un livre sur les races ca- nines en danger d’extinction. Je crois que ce qui m’a le plus ému, c’était la précarité de leur situation, parce que la race était mena- cée de disparition. Je l’ai ressenti comme un appel. Et leur beauté aussi m’a séduit.» Pierre-Alain Cornaz £ + D’INFOS http://descimesdor.atara.com BON À SAVOIR Tiré de l’oubli Un chien qui n’avait plus la cote, un registre généalogique en friche: il n’en fallait pas plus pour que le braque du Bourbonnais soit en voie d’extinction à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Heureusement, au début des années 1970, un éleveur français, Michel Comte, repère chaque fois qu’il en a l’occasion les chiens croisés avec d’autres races mais qui ont conservé l’une ou l’autre caractéristique du braque. Et il s’efforce de les acheter ou de les faire accoupler avec d’autres canidés aux caractéristi- ques idéales. Aujourd’hui, on peut dire que la race est sauvée même s’il y a encore peu de naissances dans le monde. C’est pourquoi chaque portée est saluée avec enthousiasme par les éleveurs comme Gérard Andrey. © SANDRA CULAND © PHOTOS SANDRA CULAND

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Page 1: Unéleveurfribourgeoisœuvreà sauverlebraqueduBourbonnais · 2012-09-07 · Gérard Andrey à l’entraînement en compagnie de «Dias». Les braques du Bourbonnais ont les poils

13Animaux6 SEPTEMBRE 2012

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CHIENS

Un éleveur fribourgeois œuvre àsauver le braque du BourbonnaisMenacé de disparitionà la fin de la DeuxièmeGuerre mondiale,ce magnifique chiend’arrêt a été tiréd’affaire grâce àl’engagement dequelques éleveursfrançais. En Suisse,le FribourgeoisGérard Andreycontribue aussià sa résurrection.

Sous ses airs affables, Gérard Andreya de la suite dans les idées et il est te-nace. Il ne lâche pas facilement son

os, si l’on peut dire. «Depuis 1984, je rêvaisd’acquérir un braque du Bourbonnais.C’est l’une des plus vieilles races de chienen France. L’une des dernières qui naisseavec une particularité génétique qui estune queue courte.» Gérard Andrey s’estlongtemps adressé à des éleveurs françaisdans l’espoir d’acquérir un tel chien. Maisle braque étant devenu rare dans son paysd’origine (voir encadré ci-contre), le Fri-bourgeois devra attendre 2008, soit vingt-quatre ans après ses premières tentativesinfructueuses, pour que son rêve se réalise.A force d’insistance, il réussit à acheterDias, un mâle. Puis, en 2010, c’est unefemelle, Fanny, qui a rejoint la ferme fa-miliale joliment rénovée de Cour-nillens. Grâce à Fanny, un heureux évé-nement est survenu en mai dernier. Ellea donné naissance à six chiots, dont l’unest malheureusement mort-né. Une pre-mière en Suisse pour cette race dont Gé-rard Andrey est, chez nous, le seul éle-veur.

Chiots très recherchésMais que deviendront ces jeunes chiots?«Ils sont très recherchés. J’aurais pu lesvendre en Finlande et aux Etats-Unis», re-lève Gérard Andrey. Toutefois ce n’est pasl’aspect commercial qui l’intéresse, mais lapérennité de la race. «Un bourbonnais nes’achète pas, il se mérite.» C’est pourquoi,l’éleveur tient à connaître personnelle-ment les futurs acquéreurs. Deux chiensresteront en Suisse romande, un partira auLuxembourg, et un autre à Heidelberg, enAllemagne, chez un fauconnier. Quant audernier de la portée, une petite femellenommée Hisca, elle demeurera à Cour-nillens. «Sa couleur, sa morphologie et soncaractère me semblent les plus proches del’idéal recherché pour la race. D’autre part,j’ai très vite remarqué qu’elle avait un trèsbon nez et d’excellentes prédispositionspour la chasse quand j’ai mis les chiots tousensemble en présence d’un pigeon.»

Chasseurs hors pairNon content d’élever des chiens sauvés del’extinction, Gérard Andrey leur apprendaussi le métier de chasseur. C’est-à-direqu’il entraîne et développe leur instinctnaturel pour chasser les bêtes à plumes.C’est la raison pour laquelle il possède un

élevage de pigeons. «La méthode consiste àenfermer un pigeon dans une cage reliée àun déclencheur automatique d’ouverture àdistance. On place la cage en pleine nature,dans un grand champ par exemple. Lorsquele chien a flairé l’oiseau et trouvé la cage, ils’arrête et dresse une patte pour indiquer àson maître qu’il a localisé une proie. Il restealors immobile jusqu’à ce que le maître aitdéclenché l’ouverture automatique de lacage». Le volatile s’envole et, s’il était à lachasse, le maître devrait essayer de l’at-teindre d’un coup de feu. Mais à l’entraîne-ment, Gérard Andrey n’a toutefois pasd’arme. A la chasse, si l’oiseau est abattu, lechien va le chercher et le ramène à son maî-

tre. Gérard Andrey est admiratif devant seschiens: «Qu’ils parviennent à maîtriserleur instinct de chasseur pour rester im-mobiles devant leur proie, c’est une formede sagesse qui est extraordinaire.» Gérard

➊ Gérard Andrey à l’entraînement en compagnie de «Dias». ➋ Les braques duBourbonnais ont les poils courts, bien fournis et très doux au toucher. Ils sont trèsrésistants aux grands froids. ➌ L’éleveur et dresseur fribourgeois en compagnie de«Harry» et «Hisca», issus de la première portée née en Suisse.

Andrey est donc aussi chasseur. Maiscomme il exerce le métier de garde-faune, il ne peut pas pratiquer son hobbydans son canton. Alors, il a pris un permisde chasse dans le canton de Neuchâtel. Ilse rend aussi souvent en France, où il par-ticipe à des concours avec ses chiens et lesconfronte aux meilleurs braques del’Hexagone. «Car les surfaces en Suissesont petites pour bien s’entraîner avec leschiens et certains oiseaux comme la per-drix ou le faisan ont fortement diminué.C’est aussi l’occasion de rencontrerd’autres éleveurs et surtout d’observer etjauger leurs bêtes en vue, peut-être, de fu-turs accouplements.»Mais comment lui est venue cette passionpour le bourbonnais? «Tout à fait par ha-sard en consultant un livre sur les races ca-nines en danger d’extinction. Je crois que cequi m’a le plus ému, c’était la précarité deleur situation, parce que la race était mena-cée de disparition. Je l’ai ressenti commeun appel. Et leur beauté aussi m’a séduit.»

Pierre-Alain Cornaz £

+ D’INFOS http://descimesdor.atara.com

BON À SAVOIR

Tiré de l’oubliUn chien qui n’avait plus la cote, unregistre généalogique en friche: il n’enfallait pas plus pour que le braque duBourbonnais soit en voie d’extinction à lafin de la Deuxième Guerre mondiale.Heureusement, au début des années1970, un éleveur français, Michel Comte,repère chaque fois qu’il en a l’occasionles chiens croisés avec d’autres racesmais qui ont conservé l’une ou l’autrecaractéristique du braque. Et il s’efforcede les acheter ou de les faire accoupleravec d’autres canidés aux caractéristi-ques idéales. Aujourd’hui, on peut direque la race est sauvée même s’il y aencore peu de naissances dans le monde.C’est pourquoi chaque portée est saluéeavec enthousiasme par les éleveurscomme Gérard Andrey.

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