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CAROLINE PAGEOT
L’ÉLARGISSEMENT DE L’OTAN : ÉTUDE DE CAS DE LA CROATIE (1991 À NOS JOURS)
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en histoire pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.)
DÉPARTEMENT D’HISTOIRE FACULTÉ DES LETTRES
UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC
2007 © Caroline Pageot, 2007
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Résumé Ce mémoire porte sur l’élargissement de l’OTAN, à partir de l’étude du cas de la candidature de la Croatie. L’auteure y analyse comment l’élargissement de l’OTAN à la Croatie est représentatif de la transformation politico-idéologique de l’organisation et du nouveau rôle qu’elle s’attribue aujourd’hui au sein du système international post-Yalta. En centrant son étude sur un cas concret, l’auteure examine l’adéquation entre les grands principes de l’élargissement et leur application historique réelle, ce qui la porte à considérer la signification des conditionnalités politiques et militaires imposées à la Croatie pour son adhésion. En fin de compte, l’auteure évalue la candidature croate et démontre comment la perspective d’élargissement fait partie intégrante d’une stratégie de l’OTAN à l’égard des Balkans. Cette étude s’inscrit dans le domaine de l’histoire des relations internationales. L’approche développée et les choix méthodologiques adoptés sont inspirés des tenants de l’histoire immédiate et de la microhistoire.
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Abstract This master’s thesis focuses on NATO enlargement by a case study of Croatia candidature. The author examines how NATO’s enlargement to Croatia is representative of the organization transformation and of the new role taken currently in the post-Yalta system. Starting from this initial questioning, the author analyzes the historical meaning of this politico-ideological transformation of North Atlantic Alliance and by centering this study on a concrete case, she examines the adequacy between the great principles of enlargement and their real historical application. The author analyzes finally the significance of the political and military conditionalities imposed on Croatia for its adhesion. Ultimately, she evaluates its candidature and shows how this prospect for enlargement is an integral part of a NATO strategy for the Balkans. This research falls within the field of History of International Relations. Micro-History and Immediate History have inspired the methodological choices and historical approach developed here.
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Dédicace
Je dédie ce mémoire en premier lieu aux membres de ma famille que j’aime profondément, soit à ma mère Marthe Langlois, à mon père Jean-Marie Pageot et à mon frère Jean Pageot, qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. À eux, qui m’ont toujours soutenue et encouragée dans tout ce que j’ai entrepris dans ma vie et surtout, dans mes études. À nos discussions autour de la table qui ont nourri mon enfance, à nos débats d’idées musclés qui ont forgé mon sens critique. À eux, qui ont vite compris que la parole d’un enfant vaut de l’or et que c’est en le laissant s’exprimer que l’on en fait un citoyen averti et critique face au monde qui l’entoure. À eux enfin qui m’ont inculqué des valeurs et des principes qui me sont chers et auxquels je souhaite ne jamais déroger : l’intégrité, la compassion, l’équité et l’altruisme. Finalement, je les remercie de leur amour dont je n’ai jamais douté et qui, plus que tout, m’a permis d’avoir les moyens de mes ambitions et de travailler avec acharnement à l’atteinte de mes objectifs et de mes rêves.
Je dédie aussi ce mémoire à mes amis (es) et à mes proches. Je lève mon chapeau à
leur multitude de qualités qui font d’eux des gens si extraordinaires et si importants à mes yeux. Pour leurs oreilles attentives, leurs épaules consolatrices, leur parole juste et leur regard bon et généreux, je les remercie chaleureusement. Sans eux, peut-être n’aurais-je même pas entrepris l’élaboration de ce mémoire. Sans eux, peut-être n’y serai-je tout simplement pas arrivée ou du moins, y aurai-je pris moins de plaisir. Sylvie, Dominique, Caroline, Geneviève, Jean-Sébastien, Romain, Jonathan, Martin, Nicholas, Marc-Antoine, Dave, Mélissa, Caroline-Anne, Vincent, Lucie et tous les autres, merci mille fois!
Je dédie également ce mémoire à Sanja et à Olja qui, en m’apprenant leur langue,
ont eu la gentillesse de partager avec moi la richesse de leur culture. Tout en éveillant davantage mon intérêt sur ce sujet, ces connaissances quant à la culture m’ont été très précieuses lorsqu’est venu le temps d’étudier les questions d’ordre politique. Je les en remercie donc grandement.
Finalement, je remercie mon directeur de maîtrise, monsieur Renéo Lukic. Ses
cours au baccalauréat et à la maîtrise m’ont procuré une grande stimulation intellectuelle et ont été ceux parmi lesquels j’ai eu un intérêt des plus vifs. Sa façon de concevoir l’Histoire et les relations internationales m’a accompagnée tout au long de la rédaction de ce mémoire. J’espère ainsi que par mes écrits, je suis restée fidèle à son enseignement.
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Table des matières INTRODUCTION ................................................................................................................1
Sujet de recherche .......................................................................................................................................... 1 Problématique de recherche ........................................................................................................................... 3 Bilan historiographique.................................................................................................................................. 6 Approches et choix méthodologiques ............................................................................................................ 9 Identification, justification et critique du corpus de sources........................................................................ 13
CHAPITRE UN : L’OTAN dans la tourmente de l’après-guerre froide ......................19 I. L’OTAN en Europe du Sud-Est : entre débats et décisions...................................................................... 19
1.1 Débats concernant la transformation de la nature de l’OTAN.................................................. 19 1.2 Le Sommet de Rome de 1991 ................................................................................................... 20 1.3 Le Partenariat pour la paix (PpP) .............................................................................................. 22
II. L’OTAN en phase de transformation : l’intervention de type «hors zone»............................................. 24 2.1 L’application du principe d’intervention «hors zone» dans les Balkans ........................................... 24
2.1.1 L’intervention de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine .................................................................. 25 2.1.2 L’intervention de l’OTAN au Kosovo....................................................................................... 26 2.1.3 L’intervention de l’OTAN en Macédoine ................................................................................. 27
2.2 Bilan de l’intervention hors zone dans les Balkans ........................................................................... 28 III. L’élargissement de l’OTAN : du principe à l’application...................................................................... 29
3.1 Principes généraux ............................................................................................................................ 29 3.2 Du Sommet de Madrid aux élargissements subséquents ................................................................... 33
3.2.1 L’OTAN et la Russie face à l’élargissement ............................................................................. 33 3.2.2 L’influence américaine .............................................................................................................. 35 3.2.3 La première vague d’adhésions : de Madrid à Washington....................................................... 36
3.3 Le Sommet de Washington de 1999.................................................................................................. 38 3.3.1 Le Concept stratégique .............................................................................................................. 39 3.3.2 Le Plan d’action pour l’adhésion (MAP)................................................................................... 41 3.3.3 La deuxième ronde d’élargissement et ses suites ...................................................................... 42 3.3.4 Conclusion sur la perspective de l’élargissement pour les Balkans........................................... 45
CHAPITRE DEUX : Les conditionnalités à l’adhésion et le processus de réforme en Croatie..................................................................................................................................47
I. Réflexion sur l’utilisation de la conditionnalité par les organisations internationales et par l’OTAN...... 47 1.1 La conditionnalité en tant que concept du droit international ........................................................... 47 1.2 L’application concrète de la conditionnalité politique et militaire à la politique d’élargissement de l’OTAN ................................................................................................................................................... 49
II. Conditionnalités politiques...................................................................................................................... 52 2.1 Démocratisation de l’État .................................................................................................................. 52
2.1.1 La démocratisation de la Croatie et l’institution de l’État de droit à la suite du changement de pouvoir en 2000.................................................................................................................................. 53 2.1.2 Le renforcement de l’État de droit et la poursuite de la démocratisation depuis la victoire du HDZ aux élections de 2003 ................................................................................................................ 55 2.1.3 La transition du nationalisme ethnique vers le nationalisme civique et son incidence sur le traitement des minorités ..................................................................................................................... 60 2.1.4 La réforme du système de la justice .......................................................................................... 67
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2.2 La collaboration avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)...................... 69
2.2.1 La coopération du gouvernement de Racan avec le TPIY (2000-2003) .................................... 69 2.2.2 La coopération du gouvernement de Sanader avec le TPIY (2003- à aujourd’hui)................... 72 2.2.3 Le cas du général Ante Gotovina............................................................................................... 74
III. Conditionnalités militaires ..................................................................................................................... 76 3.1 La réforme des forces armées et du secteur de la défense par la transition du concept de la défense à celui de la sécurité ................................................................................................................................... 76 3.2 La démocratisation des forces armées et du secteur de la défense .................................................... 78
3.2.1 La dépolitisation des forces armées et du secteur de la défense ................................................ 80 3.2.2 Transparence dans les processus d’établissement des plans et des budgets de la défense nationale ............................................................................................................................................. 84 3.2.3 Renforcement de la société civile dans le cadre du processus de démocratisation du secteur de la défense et des forces armées........................................................................................................... 88
3.3 Réformes structurelles et réorganisation des forces armées et du secteur de la défense ................... 93 3.3.1 Le budget alloué au ministère de la Défense et aux forces armées croates ............................... 94 3.3.2 Réduction de la taille des forces armées croates et restructuration du ministère de la Défense 97 3.3.3 Recherche de l’interopérabilité avec l’OTAN : spécialisation du personnel civil et militaire et modernisation des forces armées croates.......................................................................................... 101 3.3.4 La participation aux opérations et aux missions de l’OTAN................................................... 105
4.1 Conclusion....................................................................................................................................... 107
CHAPITRE TROIS : L’adhésion en perspective ..........................................................108 I. L’approche régionale : pierre d’assise des partenariats .......................................................................... 108
1.1 La coopération régionale ................................................................................................................. 108 1.2 La Charte adriatique ........................................................................................................................ 110 1.3 La Croatie en tant que partenaire régional....................................................................................... 113
II. Perspectives du prochain élargissement ................................................................................................ 114 2.1 Adhésion individuelle ou collective? .............................................................................................. 114 2.2 Réflexion sur le prochain élargissement selon la perspective américaine ....................................... 117
CONCLUSION .................................................................................................................122
ANNEXE 1 – Ministère de la Défense de la Croatie......................................................126
ANNEXE 2 – Budget attribué à la défense en Croatie (2001-2006).............................127
ANNEXE 3 – Dépenses de défense des pays membres de l’OTAN (2001-2005) .........128
ANNEXE 4 – Dépenses de défense des pays ayant joint l'Alliance en 1999 (2001-2005)............................................................................................................................................129
ANNEXE 5 – Dépenses de défense des pays ayant joint l'Alliance en 2004 (2004-2005)............................................................................................................................................131
ANNEXE 6 – Dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2003-2006).........................................................132
ANNEXE 7 – Dépenses de défense affectées au personnel selon les pays membres de l’OTAN (2001-2005) .........................................................................................................134
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ANNEXE 8 – Projection des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2007-2008)...............................135
ANNEXE 9 – Répartition du personnel civil et militaire au sein du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2003-2005).........................................................137
Bibliographie .....................................................................................................................138
Sources :.............................................................................................................................138
Articles de périodiques, articles de journaux, interventions et rapports d’organisations non gouvernementales : ........................................................................143
Ouvrages spécialisés : .......................................................................................................148
Synthèses : .........................................................................................................................149
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Liste des tableaux Tableau 1 : Pourcentage du budget attribué à la défense selon le PIB et le budget d’État de
la Croatie (2001-2006)................................................................................................127 Tableau 2 : Dépenses de défense en pourcentage % du PIB des pays membres de l’OTAN
(2001-2005) ................................................................................................................128 Tableau 3 : Dépenses de défense de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque
en pourcentage % du PIB par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2001-2005)....................................................................................................................................129
Tableau 4 : Dépenses de défense en % du PIB de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2004-2005) .............................................................................................131
Tableau 5 : Dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates et leur part en pourcentage (2003-2006) ..........................132
Tableau 6 : Pourcentage % des dépenses de défense affecté au personnel selon les pays membres de l’OTAN (2001-2005) .............................................................................134
Tableau 7 : Projection du pourcentage % des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2007-2008) ..............135
Tableau 8 : Répartition du personnel civil et militaire au sein du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2003-2005)......................................................................137
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Liste des figures Figure 1 : Organigramme du ministère de la Défense de la Croatie...................................126 Figure 2 : Évolution du pourcentage du budget attribué à la défense selon le PIB et le
budget d’État de la Croatie (2001-2006) ....................................................................127 Figure 3 : Évolution des dépenses de défense de la Hongrie, de la Pologne et de la
République tchèque en pourcentage % du PIB par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2001-2005)..................................................................................................130
Figure 4 : Dépenses de défense de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque en pourcentage % du PIB par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2001-2005) 130
Figure 5 : Évolution des dépenses de défense en % du PIB de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2004-2005)...............................................................131
Figure 6 : Part des dépenses liées au personnel dans le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2003-2006)....................................................133
Figure 7 : Évolution du pourcentage % du budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates alloué au personnel (2003-2006) ............................................133
Figure 8 : Projection du pourcentage % des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates pour 2007..................136
Figure 9 : Projection du pourcentage % des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates pour 2008..................136
Figure 10 - Figure 11 - Figure 12 : Répartition du personnel civil et militaire au sein du ministère de la Défense et des Forces armées croates en 2003, 2004 et 2005............137
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Liste des abréviations et des acronymes ADM Armes de destruction massive AI Amnesty International ANP Programme national annuel ASA Accords de Stabilisation et d’association CAF Croatian Armed Forces CCNA Conseil de Coopération Nord-Atlantique CCP Conseil conjoint permanent OTAN-Russie CIA Central Intelligence Agency CLNM Loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales CNRS Centre national de la recherche scientifique COCONA Conseil de Coopération Nord-Atlantique CPEA Conseil de partenariat euro-atlantique CSCE Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe DCAF The Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces DCI Initiative sur les capacités de défense EUFOR European Union Force FBIS Federal Broadcast Information Service HDZ Hrvatska Demokratska Zajednica (Union démocratique croate) HNS Hrvatska Narodna Stranka (Parti populaire croate) HRK Hrvatska kuna HSLS Hrvatska socijalno-liberalna stranka (Parti social-libéral croate) HV Hrvatska Vojska (Armée croate) IESD Identité européenne de sécurité et de défense IESE Initiative pour l'Europe du Sud-Est IFOR NATO Implementation Force IHTP Institut d'histoire du temps présent IMO Institute for International Relations IPP Programme de partenariat individuel ISAF International Security Assistance Force IWPR Institute for War and Peace Reporting JNA Jugoslovenska Narodna Armija (Armée populaire yougoslave) KFOR NATO Kosovo Force LTDP Long Term Development Plan MAP Plan d'action pour l'adhésion/Membership Action Plan MoD Ministry of Defence
MORH Ministarstvo Obrane Republike Hrvatske (Ministère de la Défense de la République de Croatie)
NCO Non-Commissioned Officer
x
ONU Organisation des Nations Unies OSCE Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe
OSRH Oružane snage Republike Hrvatske (Forces armées de la République de Croatie)
OTAN/NATO Organisation du Traité de l'Atlantique Nord/North Atlantic Treaty Organisation
PARP Processus de planification et d'examen PECO Pays de l'Europe centrale et orientale PECSD Politique Étrangère Commune de Sécurité et de Défense (UE) PESC Politique étrangère et de sécurité commune (UE) PMSC/PfP Comité directeur politico-militaire du Partenariat pour la Paix PpP/PfP Partenariat pour la Paix/Partnership for Peace PWP Programme de travail du Partenariat RFY République fédérale de Yougoslavie SACEUR Commandant suprême des forces alliées en Europe SDP Parti social-démocrate
SEECAP Document d'évaluation commune sur les défis et perspectives en matière de sécurité régionale
SEEGROUP Groupe directeur sur la coopération en matière de sécurité en Europe du Sud-Est
SFOR NATO Stabilisation Force SPECTRA Separated Personnel Care and Transition TPIY Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie UCKM Armée de libération nationale de Macédoine UE Union européenne UEO Union de l'Europe occidentale URSS Union des républiques socialistes soviétiques US AF United States Armed Forces WNC World News Connection
INTRODUCTION
Sujet de recherche
Depuis la fin de la guerre froide, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
(OTAN) a dû procéder à une redéfinition de ses objectifs afin de conserver sa pertinence.
En effet, si l’article 51 du Traité de Washington de 1949, qui consiste en une garantie de
défense collective des membres en cas d’attaque armée contre une ou plusieurs parties,
visait implicitement le bloc communiste, la disparition de cet ennemi ampute l’OTAN de sa
principale raison d’être. Or, même si la désintégration de l’URSS implique la fin de la
menace soviétique, cela ne signifie pas nécessairement la disparition de toutes les menaces
qui pèsent sur la stabilité et la sécurité de la zone euro-atlantique. C'est ainsi que
l’éclatement de la fédération yougoslave et les guerres qui s’en suivirent ont mis à jour de
nouvelles menaces pour la stabilité et la sécurité en Europe. On assiste alors à une
extension de l’aire géographique et de la zone d’action de l’OTAN, car «[s’] il n’existe plus
de menaces substantielles [pour l’OTAN], on a découvert qu’il existe une multitude
d’incertitudes et de nouveaux risques en Europe»2. Pour reprendre la formule de Pascal
Pacallon, on peut dire que l’OTAN est passée après la guerre froide d’une «Alliance contre
l’URSS» à une «Alliance contre X» et l’OTAN fait maintenant face «à tout ce qui n’a pas
de nom»3 . En quête d’une nouvelle raison d’être, le règlement du conflit dans les Balkans a
donc été crucial pour l’OTAN, puisqu’il a permis l’élaboration d’une stratégie de gestion
des crises et des opérations de maintien de la paix dans le cadre des nouvelles réalités du
système international. En effet, en plus d’avoir donné à l’OTAN la possibilité de prouver la
supériorité de son appareil militaire (et de ce fait la supériorité de l’appareil militaire
américain), puisque ni l’Organisation des Nations Unies, ni l’Union européenne n’avaient
1 Voir Article 5, Traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949, disponible en ligne à l’adresse suivante :
http://www.nato.int/docu/fonda/traite.htm 2 Rémi HYPPIA, L’OTAN dans l’après-guerre froide : l’ouverture à l’Est. Montréal, éd. L’Harmattan, 1997,
p. 46, coll. «Raoul-Dandurand». 3 Pierre PASCALLON, «Les 50 années de l’Alliance Atlantique et de l’OTAN : de Washington (avril 1949) à
Washington (avril 1999)», dans Pierre PASCALLON, dir., L’Alliance Atlantique et l’OTAN, 1949-1999 : un demi-siècle de succès. Bruxelles, éd. Établissements Émile Bruylant, 1999. p. 30, coll. «Organisation internationale et relations internationales», n° 51.
2
pu parvenir à un règlement adéquat du conflit, cela a démontré le rôle prédominant que
l’organisation était appelée à jouer pour la protection de l’Europe.
Le processus de transformation de l’OTAN, qui se réalise de façon graduelle, s’est
développé autour de deux axes principaux : l’intervention dite «hors zone»4 et
l’élargissement. Les différents sommets de l’Alliance (Londres, Rome, Bruxelles, Madrid,
Washington, Prague, Istanbul, Riga) ainsi que les révisions apportées au concept
stratégique en 1991 à Rome et en 1999 à Washington marquent les principales étapes de ce
cheminement. Il en va de même en ce qui a trait à l’élargissement de l’Alliance qui, depuis
1999, s’est produit par vagues en réaction à la redéfinition stratégique de l’OTAN. Trois
pays ont pu ainsi rejoindre l’alliance en 1999 (la République tchèque, la Hongrie et la
Pologne), sept autres en 2004 (la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie,
la Roumanie et la Slovénie) et depuis, d’autres sont aussi devenus partenaires. C’est le cas
de la Croatie qui a, dès 1995, manifesté son désir de faire partie de l’OTAN. Or, les
structures autoritaires du régime rendaient illusoire une quelconque participation à cette
organisation, qui prône fondamentalement des valeurs démocratiques. Quoiqu’en 1998
l’OTAN ait analysé la possibilité de l’adhésion de la Croatie au Partenariat pour la paix
(PpP), ce n’est que le 25 mai 2000 qu’elle y fut admise, à la suite des changements
démocratiques introduits par le nouveau gouvernement entré au pouvoir lors des élections
du 3 janvier 2000. Un nouveau pas a ensuite été franchi par la Croatie en 2002 lorsqu’elle a
adhéré au Plan d’action pour l’adhésion (MAP), qui vise à fournir aux pays désirant joindre
les rangs de l’OTAN une aide particulière et ciblée, afin de leur permettre de respecter
rapidement les critères militaires, politiques, juridiques et économiques exigés par
l’organisation. Avec l’Albanie et la République de Macédoine5, la Croatie est à ce jour un
des États en lice dont l’adhésion est la plus probable.
4 Depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le recours de l’OTAN à l’article V a
placé la guerre contre le terrorisme au centre des préoccupations de l’Alliance atlantique et a du même coup justifié dans certains cas l’intervention de type «hors zone». Pour de plus amples renseignements concernant le rôle de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme voir : «L’OTAN et la lutte contre le terrorisme», Les dossiers de l’OTAN, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/issues/terrorism/index-fr.html
5 Pour des raisons de fluidité, nous utiliserons le terme «République de Macédoine» pour désigner l’ex-République yougoslave de Macédoine.
3
Problématique de recherche
Dans le cadre de ce mémoire de maîtrise, intitulé L’élargissement de l’OTAN :
étude de cas de la Croatie, il sera question de déterminer en quoi l’élargissement de
l’OTAN à la Croatie est représentatif de la transformation de l’organisation, qui a cours
depuis le début des années 1990, et du nouveau rôle qu’elle s’attribue au sein du système
international post-Yalta. Dans ce cas, nous considérons que la volonté de l’OTAN de
s’élargir est caractéristique du changement de mission qui s’est opéré en son sein depuis la
fin de la guerre froide. À partir du questionnement initial, portant sur les raisons justifiant
sa décision d’intégrer la Croatie, nous analyserons donc la signification historique de cette
transformation politico-idéologique de l’Alliance atlantique. Ce n’est cependant qu’en
centrant notre étude sur un cas concret que nous parviendrons à vérifier l’adéquation entre
les grands principes de l’élargissement (et tout ce que cela implique au niveau des relations
internationales) et leur application historique réelle. Nous pourrons ainsi mieux analyser la
signification des conditionnalités politiques et militaires imposées à la Croatie pour son
adhésion. Enfin, cela nous permettra d’évaluer la candidature croate et surtout, de
démontrer si cette perspective d’élargissement fait partie intégrante d’une stratégie de
l’OTAN à l’égard des Balkans. Nous sommes d’ailleurs consciente que l’étude de cas
aurait tout aussi bien pu porter sur la République de Macédoine ou sur l’Albanie, car ces
deux États sont aussi candidats à l’adhésion. Or, autant sur le plan politique que militaire, et
aussi par le fait que la Croatie est la dernière à avoir joint le Plan d’action pour l’adhésion
(MAP), nous jugeons que cette étude de cas est la plus représentative et qu’elle nous
permettra de mieux cibler toutes les stratégies visées par l’OTAN par sa politique
d’élargissement et son évolution politico-idéologique6. En fait, la représentativité du cas ici
présent ne remet nullement en question l’analyse qui aurait pu être faite à partir d’autres cas
(c’est-à-dire la République de Macédoine ou l’Albanie), sauf qu’à notre avis, elle montre
un éventail plus grand d’éléments significatifs.
6 Nous faisons particulièrement référence au fait que parmi les trois candidats en lice, la Croatie est la seule à
devoir répondre de ses actes devant le TPIY et dont la démocratisation de l’armée passe par une dépolitisation complète (l’armée nationale ayant été mise sur pied par le HDZ durant la guerre). Cela dit, ce sont des critères à respecter qui pèsent lourdement en ce qui concerne les conditionnalités politiques et militaires exigées par l’OTAN à la Croatie.
4
Cette large thématique nous portera d’abord à expliquer la présence actuelle de
l’OTAN en Europe du Sud-Est. En ce sens, nous nous pencherons sur les principaux débats
qui ont traversé l’organisation quant à sa pertinence dans le monde de l’après-guerre froide
et à la transformation de sa nature, notamment en ce qui a trait à la polémique entourant sa
politique d’élargissement. Il sera ainsi question de l’adaptation de l’OTAN à la nouvelle
réalité politico-stratégique et plus spécifiquement des événements qui ont poussé l’Alliance
à s’impliquer militairement et politiquement dans cette région du globe. D’une façon plus
détaillée, et dans l’optique de comprendre historiquement la mise sur pied de la politique
d’élargissement de l’OTAN, nous procéderons à une analyse et à une contextualisation des
programmes de partenariats développés avec les pays ayant exprimé le souhait d’entretenir
des relations étroites avec l’Alliance ou même de joindre ses rangs7. Nous parviendrons
alors à mieux cerner les intérêts que représente l’élargissement à l’Est pour l’OTAN et ses
membres et, de ce fait, ceux recherchés par l’adhésion de la Croatie.
Toujours afin d’expliquer les raisons qui poussent l’OTAN à appliquer sa politique
d’élargissement à la Croatie, nous analyserons les conditionnalités politiques et militaires
qui lui sont imposées, soit la réforme et la démocratisation de l’armée et du secteur de la
défense, la démocratisation de l’État (entre autres par l’institution d’un État de droit8, le
traitement des minorités et la réforme du système judiciaire) et la collaboration avec le
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)9. La liste des critères mise sur
pied par l’OTAN pour l’adhésion de nouveaux membres correspond d’une part à des
7 Principalement, nous nous attarderons au Partenariat pour la paix (PpP) et au Plan d’action pour l’adhésion
(MAP). Au chapitre 3, nous étendrons aussi l’étude à la Charte adriatique (qui a été signée par la Croatie, l’Albanie et la République de Macédoine, sous les auspices des États-Unis), puisque même si elle n’a pas été conclue entre l’OTAN et la Croatie, elle demeure tout de même une entente entre la Croatie et un des pays les plus influents de l’OTAN, sinon le plus.
8 Nous considérons notamment qu’en Croatie, l’établissement d’un État de droit passe par le promotion du nationalisme civique, en opposition au nationalisme ethnique, tel qu’appliqué avant 2000. Cela est justifié par le fait que lorsque la notion de «nation» se substitue à celle de l’«État de droit», la «nation» en vient à justifier à elle seule l’État (nationalisme ethnique), alors que celui-ci devrait l’être par la démocratie (nationalisme civique). Ces concepts, ainsi que leur application au contexte politique croate, seront explicités au chapitre 2.
9 Il importe de souligner que la condamnation des criminels de guerre est une phase obligée de la réconciliation nationale et surtout, qu’elle représente une rupture fondamentale avec l’idéologie du nationalisme ethnique, étape essentielle dans l’instauration d’une démocratique viable. Cela représente donc une des conditions fondamentales dont la Croatie devra s’acquitter afin de joindre les rangs de l’OTAN.
5
exigences visant plutôt la standardisation et l’interopérabilité10 de l’appareil militaire de
tous les membres et d’autre part, à la compatibilité du système de valeurs dont l’OTAN fait
la promotion, d’où l’accent mis d’une façon de plus en plus importante sur les exigences
d’ordre politique. Il va donc de soi que l’on exige des candidats une homogénéisation
politique de même qu’une complémentarité militaire effective afin de ne pas perturber la
cohésion des membres et surtout, de rendre possible l’adaptation à long terme de l’OTAN
au nouveau contexte politique et stratégique euro-atlantique. En analysant le concept de la
conditionnalité et l’application stratégique qu’en fait l’OTAN, plus particulièrement en ce
qui concerne le contexte croate, nous insisterons sur les divers critères d’intégration, qu’ils
soient militaires ou politiques, et sur l’asymétrie et la hiérarchie qui prévalent dans les
relations entre l’OTAN et la Croatie. La nécessité pour la Croatie de se conformer aux dits
critères et d’effectuer les réformes appropriées apparaîtra alors comme faisant partie d’un
plan à long terme de l’OTAN pour la région et comme étant le reflet de sa transformation.
Considérant que les critères démocratiques sont au cœur des réformes exigées, l’atteinte de
ceux-ci rapproche davantage la Croatie de l’adhésion, qui devient alors à portée de main.
À la suite du bilan de l’avancement des réformes politiques et militaires en Croatie,
nous tenterons en fin de compte une évaluation de la candidature croate. Cela nous portera
à analyser la stratégie de l’OTAN pour la Croatie et pour les Balkans. Selon la logique de
l’OTAN, nous traiterons de la nécessité de la Croatie de participer à la coopération
régionale, par le biais notamment de la Charte adriatique. Nous insisterons d’ailleurs sur la
volonté marquée de l’OTAN, et plus particulièrement des États-Unis, d’une participation
active de la Croatie à l’intérieur du cadre de cet accord. Par ailleurs, puisque la Croatie est
candidate au même titre que la République d’Albanie et la République de Macédoine, nous
examinerons brièvement quelles sont les probabilités d’une adhésion individuelle ou
collective, ainsi que ce qui pourrait justifier les deux options. Par rapport à la rhétorique
officielle selon laquelle chaque adhésion est évaluée sur une base individuelle,
principalement en fonction de l’atteinte des conditionnalités fixées pour l’adhésion, nous
tenterons de voir si la stratégie actuelle de l’OTAN à l’égard des Balkans concorde avec ce
10 Le terme «interopérabilité» est utilisé dans cette étude afin de décrire le caractère compatible et conciliable
entre les différents appareils militaires des pays membres ou partenaires dans le cadre des opérations de l’OTAN.
6
discours ou si elle répond à d’autres impératifs. Il s’agira donc en définitive d’établir la
signification historique de la volonté d’un prochain élargissement de l’OTAN, dont ferait
partie ou non la Croatie.
Cette étude historique couvrira une période de temps s’étendant du Sommet de
l’OTAN à Rome les 7-8 novembre 1991 à nos jours. Comme notre problématique est
centrée sur un aspect particulier de la transformation de l’OTAN, soit sur sa politique
d’élargissement, nous nous concentrerons sur la période qui suit l’élaboration de l’Étude
sur l’élargissement de l’OTAN, dont les résultats ont été rendus publics en 1995. En ce qui
a trait à notre étude de cas sur la Croatie, nous jugeons que ce n’est qu’à partir du
changement de pouvoir et de la composition d’un nouveau gouvernement après les
élections du 3 janvier 2000 que la collaboration avec l’OTAN devient plus sérieuse et que
l’on peut commencer à envisager une réelle volonté d’intégration de part et d’autre. De fait,
cela constituera le point de départ privilégié de l’étude de cas. Puisque ce mémoire est
rédigé alors que la Croatie est toujours candidate à l’adhésion, et que l’on ne peut prévoir
avec certitude si elle fera partie ou non de la prochaine vague d’élargissement de l’OTAN,
indubitablement cet écrit fera date. Il n’en demeure pas moins que cela restera, nous
l’espérons, le reflet le plus fidèle que possible d’un contexte historique émergeant.
Bilan historiographique
Ce projet de mémoire s’insère dans le domaine de l’histoire des relations
internationales au XXe et au XXIe siècle. Par «relations internationales», on entend
littéralement les relations entre les États, d’où la conception traditionnelle voulant que
«l’étude des relations internationales s’attache surtout à analyser et à expliquer les relations
entre les communautés politiques organisées dans le cadre d’un territoire, c’est-à-dire entre
les États»11. Bien que n’étant pas fausse, nous préférons cependant la définition de Daniel
11 Pierre RENOUVIN et Jean-Baptiste DUROSELLE, Introduction à l’Histoire des relations internationales,
Paris, éd. A. Colin, 1991 (4e mise à jour), p. 1, coll. «Sciences politiques».
7
Colard, la jugeant moins restrictive12. Selon cette définition, «[...]l’étude des relations
internationales englobe les rapports pacifiques ou belliqueux entre États, le rôle des
organisations internationales, l’influence des forces transnationales et l’ensemble des
échanges ou des activités qui transgressent les frontières étatiques»13.
L’histoire des relations internationales est un domaine relativement nouveau en
histoire. Lorsque l’on en tente une certaine périodisation, on remarque que celle-ci est
indissociable du contexte historique auquel elle se rattache. Ainsi, nous pourrions associer
l’histoire des relations internationales à trois périodes en particulier, depuis les années 1960
à nos jours. Tout d’abord, façonnée par le contexte de la guerre froide et de la
décolonisation, la première période (1960-1980 environ) est caractérisée par une vision
marxiste des relations internationales, qui sous-tend que le développement des sociétés est
le résultat de la lutte des classes et des rapports de production14. La notion d’impérialisme
est ainsi au centre des études. Contrairement à la thèse de Renouvin, «le matérialisme
historique et dialectique donne la primauté à l’économique sur le politique, c’est-à-dire à
«l’infrastructure» sur la «superstructure»15. Puis, vers les années 1980, notamment par les
travaux de René Girault, une nouvelle période historiographique prend le relais. Celle-ci est
caractérisée par une «approche perceptionniste et culturelle»16. Cette nouvelle approche
historique met l’accent sur l’histoire des représentations et des imaginaires sociaux et, par
le biais de chercheurs comme Jean-Jacques Becker, Pierre Laborie et Pierre Milza, esquisse
une réflexion sur le rapport entre opinion publique et politique extérieure17. Finalement, la
chute de l’URSS et des démocraties populaires ainsi que la fin du monde bipolaire forment
la troisième période historiographique. Elle correspond entre autres à la recherche d’un
nouvel ordre mondial, de même qu’à la réévaluation de la notion de puissance et du rôle de
12 Marie-Claude Smouts fait remarquer à ce sujet que le jeu des relations internationales ne se fait plus qu’au
niveau de l’État puisque les acteurs internationaux sont multiples et «de nature très hétérogène». Voir Marie-Claude SMOUTS, Les organisations internationales, Paris, éd. A. Colin, 1995, p. 6, coll. «Cursus; Droit et science politique».
13 Daniel COLARD, Les relations internationales de 1945 à nos jours, Paris, éd. Masson, 1993 (1977), p. 21, coll. «U», série Droit.
14 Soulignons que des auteurs comme Renouvin et Duroselle sont en marge de cette vision marxiste des relations internationales.
15 Daniel COLARD, op. cit., p. 37. 16 René GIRAULT, Être historien des relations internationales, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p.
15, coll. «Publications de la Sorbonne», série internationale, 56. 17 Ibid.
8
l’État sur la scène internationale. C’est à cette dernière période historiographique
qu’appartient notre étude.
Les objets d’étude sont bien entendu tributaires de la périodisation à laquelle ils se
rattachent. Le dernier stade historiographique, qui correspond à la réalité historique
actuelle, est notamment le fait d’études sur la régulation du système international, le rôle
des organisations internationales, des organisations gouvernementales et non
gouvernementales, et la prolifération des acteurs internationaux18. On remarque par ailleurs
que de plus en plus, les historiens des relations internationales jouent avec la relation entre
la politique intérieure et extérieure des États lorsqu’il s’agit de comprendre soit le jeu
international soit les décisions prises sur le plan national19.
Les historiens ont de façon générale peu traité des organisations internationales,
préférant laisser cet objet d’étude aux politologues. Les historiens des relations
internationales sont ceux qui parmi les historiens s’y sont quand même le plus attardés, et
ce, plus particulièrement après 1989, c’est-à-dire depuis le début de la dernière période
historiographique. L’objet de cette étude, l’OTAN, est une organisation internationale et est
ainsi caractéristique de ce dernier stade historiographique. Selon la définition donnée par
Marie-Claude Smouts, «une organisation internationale peut donc se définir comme un
ensemble structuré de participants appartenant à des pays différents et coordonnant leur
action en vue d’atteindre des objectifs communs»20. Qui plus est, cette étude suit la dernière
tendance en histoire des relations internationales, puisque nous croyons en la nécessité de
mettre en relation le jeu entre la politique intérieure et extérieure des États pour comprendre
le nouveau contexte politique international. En ce sens, nous nous associons à l’observation
de Pierre Milza, selon laquelle «[...] les spécialistes de l’histoire des relations
internationales ont été conduits à chercher de plus en plus dans la politique intérieure des
États (pression de l’opinion publique, nécessités économiques, stratégies des partis 18 D’un point de vue plus strictement européen, on note aussi l’augmentation significative des études sur les
facteurs d’unité de l’Europe et de l’identité européenne lesquelles, même si elles étaient une réalité avant, ont connu un net essor depuis l’instauration de l’Union européenne en 1992.
19 Cette observation est relevée par Pierre Milza, tel que cité dans Gérard, NOIRIEL, Qu’est-ce que l’histoire contemporaine? Paris, éd. Hachette, 1998, p. 27, coll. «Carré Histoire», 170.
20 Marie-Claude SMOUTS, Les organisations internationales, Paris, éd. Armand Colin, 1995, p. 12, coll.«Cursus; Droit et science politique».
9
politiques) la principale clé permettant d’expliquer le jeu international»21. Dans la
prochaine partie, nous expliciterons nos approches et justifierons par le fait même nos
choix méthodologiques.
Approches et choix méthodologiques
Si cette étude fait partie du domaine de l’histoire des relations internationales, elle
s’inspire aussi grandement de l’approche développée par les tenants de l’histoire du temps
présent (ou histoire immédiate)22. L’histoire du temps présent peut être définie «[...] comme
[étant]un domaine de recherche s’intéressant à cette mince fraction du passé dont les
acteurs sont toujours en vie»23 ou encore «[...]comme celle d’une période chronologique au
cours de laquelle coïncid[ai]ent le moment étudié et celui de son étude»24. En France, c’est
sous l’influence de l’histoire politique et à la suite des recherches sur la Seconde Guerre
mondiale que «[...]le temps présent finit par réintégrer pleinement le champ scientifique»25.
Son institutionnalisation devient effective lors de la création par le CNRS (Centre national
de la recherche scientifique), en 1978, de l’IHTP (Institut d’histoire du temps présent), sous
la direction de François Bédarida. En Allemagne, ce sont les études tentant de
«[...]comprendre les raisons du nazisme, de la guerre, de la partition du pays, qui
explique[nt] l’apparition de la Zeitsgeschichte (histoire contemporaine) développée au sein 21 Ibid 22 Pour plusieurs historiens, «[...]l’expression «temps présent», permet aussi de prendre de la distance avec
une «histoire immédiate» qu’ils jugent trop journalistique», M. Trebish, IHTP, 1993, tel que cité par Gérard, NOIRIEL, op.cit., p. 27. Ce «déficit de scientificité» du terme de l’histoire immédiate est aussi souligné par François Bédarida dans François BÉDARIDA, Méthodologie et pratique de l’histoire du temps présent, Correspondances, Bulletin scientifique de l’IRMC, n°42, oct. 1996, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.irmcmaghreb.org/corres/textes/bedarida.htm Dans notre cas, nous considérons que toute histoire est contemporaine et nous ne reconnaissons pas le manque de scientificité du terme «histoire immédiate». À l’instar entre autres de Benedetto Croce, qui affirmait que «toute histoire est contemporaine car l’historien écrit toujours au présent» (tel que cité par G. NOIREL, op.cit., p. 7) et de Saint-Augustin qui, à propos du temps, arguait dans ses Confessions «[qu’]il n’y a de passé et d’avenir qu’à travers le présent», nous croyons que toute histoire est présente (et peut, par le fait même, être immédiate) et que son immédiateté ne lui enlève pas son caractère scientifique, tant et autant que la réflexion est de nature historique et suit les méthodes de la discipline. Nous utiliserons donc sans préférence le terme «histoire du temps présent» et «histoire immédiate».
23 Gérard NOIREL, op.cit., p. 27. 24 Pieter LAGROUE, «De l'actualité de l'histoire du temps présent», dans L'histoire du temps présent, hier et
aujourd'hui, Bulletin de l'IHTP, n° 75, juin 2000, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.ihtp.cnrs.fr/dossier_htp/htp_PL.html
25 Philippe TÉTART, Petite histoire des historiens, Paris, éd. Armand Colin, 1998, p. 78, coll. «Synthèse; histoire», n°14.
10
des nouveaux instituts universitaires du même nom»26. En ce qui a trait aux États-Unis et à
la Grande-Bretagne, cet engouement pour l’étude du passé récent s’est produit plus
rapidement. En effet, dès 1966 le Journal of Contemporary History est créé, se faisant ainsi
la voix des historiens de la modern history dont les recherches étaient centrées sur le passé
proche27.
Le temps d’institutionnalisation de l’histoire du temps présent met en exergue la
réticence de certains historiens quant à l’étude des périodes plus récentes, ce qui est
particulièrement vrai pour les historiens français28. Ceux qui s’y opposent arguent, au point
idéologique, l’impossibilité d’objectiver l’histoire récente et au niveau méthodologique, le
difficile accès aux archives officielles ainsi que la surabondance des sources et leur
hiérarchisation. Ce sont ces raisons qui expliquent en partie le vide historiographique que
nous mentionnions à propos de l’objet d’étude que sont les organisations internationales.
Pour répondre à ces critiques, les tenants de l’histoire du temps présent ont pour leur part
rétorqué, par rapport à la notion d’objectivité, que malgré le fait que «tout historien est
prisonnier de son temps»29, «ce n’est pas par rapport au temps qu’il faut envisager
l’objectivité des sciences humaines, mais en fonction du questionnement qui est adressé
aux sources»30. Donc, considérant le fait qu’un historien ne peut complètement se détacher
de sa contemporanéité et que ses recherches sont le reflet des préoccupations actuelles de la
société qui l’entoure, l’historien se doit «de se présenter comme «témoin involontaire»»31,
et a le devoir de rendre la réalité actuelle intelligible 32. Pour ce faire, il doit emprunter une
démarche rigoureuse et demeurer critique par rapport aux diverses sources qu’il exploite.
La surabondance de sources, bien que représentant un défi au niveau du classement et de la
26 Gérard NOIREL, op.cit., p. 24. 27 Ibid 28 Notons que l’ouverture des archives officielles américaines, trente ans après leur création, s’est faite
beaucoup plus tôt aux États-Unis qu’en Europe, ce qui a entre autres stimulé plus vivement l’intérêt des historiens américains pour l’étude du passé récent. Voir à ce sujet Laurent CÉSARI, «L’histoire des relations internationales», dans Jean HEFFER et François WEIL, Chantiers d’histoire américaine, Paris, éd. Belin, 1994, p.121, coll. «Histoire et Société; Cultures américaines».
29 René Girault est ici cité par Robert Frank, dans la préface de René GIRAULT, op. cit., p. 9. 30 Gérard NOIREL, op. cit., p. 23. 31 René GIRAULT, op. cit., p. 15. 32 «Défendons le principe de base très simple : l’histoire est fondée sur l’idée qu’il existe une réalité
extérieure dans le monde et que celle-ci est susceptible d’être rendue intelligible», selon François BÉDARIDA, op. cit., disponible en ligne à l’adresse suivante :
http://www.irmcmaghreb.org/corres/textes/bedarida.htm
11
hiérarchisation, procure aussi certains avantages, dont celui de permettre une étude
beaucoup plus approfondie, puisque les sources sont de nature variée.
Au point de vue méthodologique, notre démarche relève de l’étude de cas qui, en
histoire, fait partie de ce que l’on appelle la microhistoire. Robert E. Stake, dont certains
des travaux ont porté sur les études qualitatives, définit l’étude de cas de la façon suivante :
«Case study is the study of the particularity and complexity of a single case, coming to
understand its activity within important circumstances»33. Toujours selon Stake, l’étude de
cas se distingue par l’intérêt qui est porté au sujet et non par les méthodes d’enquêtes
utilisées34. Comme méthode de recherche, elle est donc la combinaison entre un processus
d’enquête à propos d’un cas et le produit de cette enquête35. Il est important de noter qu’il
existe plusieurs types d’études de cas, puisque par l’emploi de cette méthodologie, plus
d’un objectif peut être poursuivi. Dans ce cas précis, nous nous revendiquons de l’étude de
cas heuristique, telle que définit par Harry Eckstein :
[...]the case study is regarded as an opportunity to learn more about the complexity of the problem studied, to develop further the existing explanatory framework, and to refine and elaborate the initially available theory employed by the investigator in order to provide an explanation of the particular case examined36.
Cette définition rejoint aussi celle de Stake, concernant l’étude de cas de type instrumental,
qui sous-tend que la particularité du cas observé permet d’éclairer le chercheur sur une
réalité qui lui est plus grande, bien qu’il faille apporter un bémol à la généralisation
possible afin de ne pas déborder du cadre de ce que l’étude du cas peut nous apprendre et
nous permettre de généraliser37.
33 Robert E. STAKE, The Art of Case Study Research, Thousand Oaks, éd. Sage Publications, 1995, p. xi. 34 Idem., «Case Studies», dans Norman K. DENZIN et Yvonna S. LINCOLN, Handbook of Qualitative
Research, 2e éd., Thousand Oaks, éd. Sage Publications, 2000, p. 435. 35 Ibid., p. 436. 36 Selon la définition de Harry Eckstein, tel que cité dans Alexander L. GEORGE, «Case Studies and Theory
Development : The Method of Structured, Focused Comparison», dans Paul Gordon LAUREN, Diplomacy : new approaches in history, theory, and policy, New York, éd. Free Press, 1979, p. 51-52.
37 «The purpose of a case report is not to represent the world, but to represent the case», Robert E. STAKE, op. cit., p. 448.
12
Certains historiens voient encore d’un œil défavorable la tentative d’étendre l’étude
de cas à la réalité historique, posant ainsi la question de la représentativité du cas observé et
la justesse du processus de généralisation. Exception faite du refus de la théorisation, on
retrouve quand même en histoire un courant qui s’y rapproche, soit la microhistoire.
Popularisée en France lors de la traduction du livre Le pouvoir au village38, la microstoria
s’est d’abord développée au sein de la revue Quaderni Storici (dont les historiens qui se
revendiquaient de ce courant ont repris en main après 1970). C’est ainsi que l’article «Le
nom et la manière», de C. Poni et C. Ginzburg (1981), «[...]propose aux historiens de
délaisser l’étude des masses ou des classes pour s’intéresser aux individus»39, proposant
alors une autre approche de l’histoire. Plusieurs types d’études empruntant la microhistoire
ont vu le jour, dont les plus connues sont à caractère social et culturel. Parmi les traits qui
leur sont caractéristiques, soulignons particulièrement le principe de la réduction ou du
changement d’échelle40, lequel permet de mettre l’accent sur l’objet d’observation. Même
si la méthodologie propre à la microhistoire peut être appliquée à différents types d’études,
en finalité son utilisation sous-tend les mêmes objectifs, soit «[...]que les études de cas
peuvent être représentatives d’un «exceptionnel normal», qui éclaire aussi sur la totalité du
social»41. Notons toutefois, à l’instar de Giovanni Levi, «que la microstoria n’a jamais été
rigoureusement définie dans un ensemble de textes théoriques»42.
Notre mémoire s’inspire donc de l’approche développée par les historiens du temps
présent et se rattache de façon méthodologique à l’étude de cas, telle que proposée en
histoire par les tenants de la microhistoire. En analysant la politique d’élargissement de
l’OTAN à travers l’étude de cas de la Croatie, nous cherchons à en comprendre davantage
les subtilités. Parce qu’elle participe d’ores et déjà au processus, la Croatie est donc par sa
candidature un indicateur concret de la transformation de l’OTAN et de la redéfinition de
son intérêt stratégique. En ce qui a trait à la justesse du processus de généralisation, nous 38 Giovanni LEVI, Le pouvoir au village : histoire d'un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, éd.
Gallimard, 1989, xxxiii-230 pages. 39 Gérard NOIREL, op. cit., p. 110. Noirel souligne, par le fait même, que l’article en question peut être
considéré «[...]comme le premier programme du mouvement», ibid. 40 Ibid, p.111. 41 Jean Maurice BIZIÈRE et Paul VAYSSIÈRE, Histoire et historiens : Antiquité, Moyen Âge, France
moderne et contemporaine, Paris, éd. Hachette Supérieur, 1995, p. 221, coll. «Carré Histoire», 28. Dans le cas de la présente étude, nous dirions plutôt «qui éclaire aussi sur la totalité du politique».
42 Propos de Giovanni Levi tels que cités dans Ibid, p.112.
13
référons à ce que Stake disait à ce sujet, dans le sens où nous ne tentons pas ici d’expliquer
une réalité qui déborde le cadre de ce que notre cas peut nous renseigner. Notre cadre
d’étude est l’élargissement de l’OTAN et ce n’est que dans cette perspective que nous
interrogeons notre cas.
Identification, justification et critique du corpus de sources
Dans le cas de cette étude, les sources principales sont celles émises par l’OTAN,
lesquelles peuvent être consultées par le biais de leur site Internet. Les documents que l’on
y trouve et qui sont analysés dans le cadre de cette recherche sont abondants et de nature
variée. Parmi ceux-ci, notons d’abord le manuel de l’OTAN, qui est un véritable guide pour
comprendre cette organisation, que ce soit par rapport à son origine, à son fonctionnement,
à son rôle, etc. Puis, nous avons aussi consulté les textes fondamentaux, parmi lesquels font
partie les textes juridiques et les accords officiels (Traité de Washington de 1949,
déclarations, protocoles et résolutions, statut de l’organisation et représentation d'États tiers,
accords sur le statut des forces et des quartiers généraux militaires, accords de
normalisation) et les principaux documents d’orientation (Étude sur l’élargissement de
l’OTAN, Initiative sur les capacités de défense, Concept stratégique (1999), Plan d’action
pour l’adhésion (MAP), etc.). Nous nous sommes aussi attardée à l’étude des communiqués
de presse et des diverses déclarations publiées (entre autres celles produites lors des
différents sommets, de Rome à Istanbul). De plus, nous avons étudié les discours prononcés
lors des étapes clés de la transformation de l’Alliance atlantique ainsi que les comptes
rendus de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, plus particulièrement ceux qui avaient
trait à l’élargissement et/ou à la Croatie. Enfin, les études publiées dans la Revue de
l’OTAN à propos de l’élargissement et/ou de la Croatie ont aussi été des documents
précieux pour notre analyse.
Toutes ces sources, émises directement par l’OTAN, sont à la base de notre
questionnement initial. Toutefois, celles-ci n’ont pas été les seules à être étudiées. Il
importe de souligner qu’elles ont été confrontées et ont été mises en perspective avec des
sources provenant de d’autres origines. C'est ainsi que nous avons consulté des documents
14
de différents organes de l’administration croate (ministère de la Défense (MORH),
ministère des Affaires étrangères, Parlement, etc.), de l’Union européenne, de l’OSCE,
d’Amnesty International (AI) et de multiples autres organisations non gouvernementales et
centres de recherche. De surcroît, nous avons utilisé comme sources des entrevues
accordées par des responsables de l’OTAN auprès de certains journalistes et chercheurs en
relations internationales. Nous avons aussi eu l’occasion de discuter directement avec
certains de ces responsables, de même qu’avec un représentant de la Mission de la Croatie à
l’OTAN, ce qui nous a permis de confronter nos idées avec les principaux artisans de
l’élargissement, tant du côté croate que de celui de l’Alliance atlantique43.
On retient de cette étape, qui consistait à identifier les sources qui ont été employées
pour cette analyse, que cette recherche repose sur une abondance de sources dites
primaires. Contrairement à d’autres types d’études historiques, les sources primaires n’ont
pu être utilisées exclusivement. Dans le domaine de l’histoire des relations internationales,
chacune des sources apporte en fait sa partie de réponse. Prises seules, elles conduisent la
plupart du temps à des réalités tronquées, lesquelles peuvent mener à une interprétation
erronée d’un phénomène.
Les sources analysées sont en quantité abondante, mais non pas nécessairement la
même valeur quant à notre étude. Par rapport au site de l’OTAN, on constate en effet que
certains documents jettent les bases d’une nouvelle orientation ou d’une redéfinition
stratégique de l’organisation. Ceux-ci revêtent pour nous une importance capitale. Il s’agit
principalement des textes juridiques, des accords officiels, des documents d’orientation et
des diverses déclarations publiées lors des sommets de l’OTAN. D’autres, par contre, sont
43 De la délégation canadienne, remercions à cet effet M. Charles Court (représentant permanent adjoint du
Canada auprès de l'OTAN), du personnel international de l’OTAN, messieurs Jamie Patrick Shea (Deputy Assistant Secretary General for External Relations (août 2003-2005), Director Policy Planning (2005- )), Chris Morffew (Air Force Analyst and PARP Country Officer, Defence Policy and Planning Division), Steffen Elgersma (Euro-Atlantique Integration and Partnership Directorate, Political Affairs and Security Policy Division) et Jean-Pierre Ollivier (Executive Officer, Public Diplomacy Division), de la Mission Permanente de la République de Slovénie auprès de l’OTAN, M. Jurij Rifelj (Ministre Conseiller) et enfin, de la Mission de la République de Croatie à l’OTAN, M. Davor Ivo Stier (Premier Secrétaire). Pour sa grande disponibilité, son efficacité et son accompagnement pendant ces journées d’entrevues, nous tenons aussi à remercier sincèrement l’implication de Mme Mieke Bos, de la Délégation canadienne conjointe auprès de l’OTAN (Agent Politique et Affaires publiques).
15
plutôt considérés comme étant d’un second ordre, car ils n’instituent pas nécessairement de
nouvelles réalités ou ils n’effleurent qu’en partie notre problématique. Ce sont
généralement les communiqués de presse et les discours. Ces documents demeurent
cependant nécessaires, puisqu’ils permettent de renforcer notre compréhension du sujet et
surtout, de conserver un esprit de continuité par rapport à l’orientation politique et militaire
de l’organisation. D’une façon pragmatique, cela permet donc de confronter le côté pratique
de la diplomatie aux grands principes qu’elle sous-tend. Souvent, ce sont aussi les
documents les plus récents que nous pouvons consulter. En ce qui a trait à la Revue
semestrielle de l’OTAN, les études qu’on y retrouve apportent souvent des précisions quant
à plusieurs questions relatives à l’organisation. Sur certaines questions, elles permettent
généralement une meilleure compréhension que la lecture seule des textes fondamentaux,
car elles font référence à des informations qui ne transparaissent pas dans ceux-ci ou qui
sont moins évidentes à déceler lors d’une première analyse.
Force est donc de constater que l’analyse des sources provenant du site Internet de
l’OTAN apparaît comme étant une phase obligée. D’ailleurs, les ouvrages des historiens
des relations internationales que nous avons consultés en effectuant le bilan
historiographique du domaine de recherche nous ont révélé que tous ceux qui avaient
comme objet d’étude central une organisation internationale avaient comme base les
sources émises par celle-ci. Si on se réfère de la même façon aux historiens du temps
présent, nous constatons que ces derniers réfèrent comme nous à une variété de sources qui
dépasse l’analyse seule des archives officielles, nous entendons par là les documents
officiels d’accès public, les archives publiques, les documents médiatiques, les entrevues,
etc. Bien entendu, la problématique choisie fait en sorte que tous n’exploitent pas
nécessairement les mêmes documents, mais l’essentiel est quand même qu’ils s’y réfèrent
de prime abord. D’après nous, c’est le choix des sources avec lesquelles sont confrontées
celles provenant de l’OTAN qui peut être différent. À ce stade-ci, peut-être la subjectivité
de l’historien entre-t-elle en ligne de compte? On constate effectivement que le choix des
autres sources est tributaire de la vision de l’historien par rapport à son objet d’étude. Cela
rend-il le choix de sources arbitraire? Pas forcément. Dans la mesure où l’historien tient
16
compte de son inévitable partialité et arrive à justifier ses choix, l’arbitraire fait plutôt place
à logique44.
Pour répondre à notre problématique, nous avons donc utilisé des sources provenant
d’autres origines que celles de l’OTAN. Les informations factuelles nécessaires à la
recherche ont été puisées en partie dans divers journaux et instituts de recherche, notons
particulièrement le Courrier des Balkans, qui effectue la traduction de plusieurs journaux
croates et d’études sur la Croatie, le service FBIS (Federal Broadcast Information Service)
accessible par le réseau World News Connection (WNC), qui permet l’accès à la traduction
(en langue anglaise) de plusieurs journaux croates, l’Institute for War and Peace Reporting
et The Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces (DCAF), dont l’étude
sur le secteur de la défense et les forces armées croates (CAF) est l’une des plus complètes
(même si elle date de 2003). Enfin, nous avons aussi référé à l’occasion au site Internet du
gouvernement et du ministère de la Défense de la Croatie (MORH) et à celui de
l’Ambassade de Croatie à Paris pour certaines informations de base à propos du
gouvernement croate et de ses activités.
En ce qui concerne les sources produites par l’Union européenne (UE),
l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), Amnesty International
(AI), etc., la justification de leur utilisation repose sur le fait que l’État croate et ces
organisations entretiennent des liens étroits, lesquels vont dans le sens de la collaboration
avec l’OTAN. Qui plus est, les documents provenant de ces organisations sont beaucoup
plus complets et réguliers que ceux de l’OTAN. En effet, chacune à leur façon, ces
organisations produisent des rapports détaillés sur le contexte politique, social, économique
et/ou militaire de la Croatie. Elles s’attardent ainsi à des sujets tels que le processus de
démocratisation, l’État de droit, la justice, le retour des réfugiés, etc. Leurs critères 44 «Le lien qui s’établit entre les structures mentales, les réflexes méthodologiques du chercheur et le champ
historique sur lequel il travaille conserve toujours quelque chose d’irrationnel, d’inexplicable. Rendre sous une forme conceptuelle accessible l’intuition qu’on a du passé (ou du présent) et faire que ce cadre soit à la fois assez souple pour permettre de tenir compte d’informations (ou de données) nouvelles et assez ferme pour demeurer cohérent constituent une gageure permanente». Voir Thierry HENTSCH, «Histoire et théorie des relations internationales : pour une étude critique de la société mondiale», dans Saul FRIEDLÄNDER, Harish KAPUR et André RESZLER, dir., L’historien et les relations internationales : recueil d’études rendant hommage à Jacques Freymond, Genève, éd. Institut universitaire de hautes études internationales, 1981, p.109.
17
d’évaluation étant les mêmes que ceux de l’OTAN, les informations que ces rapports nous
ont fournies ont été capitales et nous ont permis surtout de conserver le fil temporel des
réformes en Croatie depuis 2000. Nous reprochons d’ailleurs au site Internet de l’OTAN de
ne pas permettre l’accès à de tels types de documents. Par exemple, le Annual National
Program, qui est produit par chaque pays faisant partie du MAP pour rendre compte du
niveau d’avancement de ses réformes, serait particulièrement intéressant à consulter dans le
cadre d’une recherche de ce type. Mais ces rapports ne sont pas disponibles pour une
consultation publique. Lorsque l’OTAN publie des rapports plus analytiques, cela se fait
par le biais de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, et ce, dans une moindre mesure,
puisque les conclusions formulées ne trouvent pas d’écho dans le temps d’une façon
régulière et ciblée. D’autres informations peuvent aussi être décelées dans les discours ou
les comptes rendus des sommets, mais celles-ci ne sont pas précises et sont plutôt le reflet
de conclusions générales.
Les sources sélectionnées à partir du site Internet de l’OTAN sont celles qui
constituent le cœur de notre recherche et sont, paradoxalement, tout et rien à la fois.
Entendons par là que ces dites sources, en même temps qu’elles nous fournissent les
informations essentielles et obligées nous permettant de cimenter notre recherche, peuvent
paraître vides de sens si elles ne sont pas confrontées à des sources provenant d’une autre
origine ou à des études ponctuelles. L’examen attentif des sources indépendamment les
unes des autres permet certes de dégager les orientations générales de l’organisation et les
mesures entreprises en ce sens, mais nous remarquons rapidement les limites d’une telle
approche lorsque vient le temps d’analyser les tendances profondes de l’organisation. La
confrontation avec d’autres sources a donc permis de passer à un stade supérieur d’analyse.
Cela, en plus d’approfondir notre compréhension sur la nature de la collaboration entre les
différents acteurs, nous a aussi porté à vérifier s’il y avait concordance ou discorde entre ce
que l’on observe à l’analyse des différentes sources. Cette procédure de confrontation des
sources, qui suit l’étape de la contextualisation à proprement parler, se nomme la
triangulation. Ce processus est utilisé dans le cas des études qualitatives. Plus précisément,
Stake définit triangulation comme étant : «[...] an effort to see if what we are observing and
18
reporting carries the same meaning when found under different circumstances»45 et «[...] a
process of using multiple perceptions to clarify meaning, verifying the repeatability of an
observation or interpretation»46. Par cette procédure, on parvient à des résultats très
intéressants puisque que cela nous oblige à mettre en perspective les données recueillies et
à les intégrer dans un ensemble plus vaste de connaissances. Ainsi, cette méthode permet
d’établir une distance raisonnable par rapport à la source, de façon à faire en sorte que l’on
puisse l’intégrer dans un contexte plus large et en dégager le processus historique. Dans ce
cas en particulier, tout cela servira en fin de compte à déterminer en quoi l’élargissement de
l’OTAN à la Croatie est représentatif de la transformation de l’organisation, qui a cours
depuis le début des années 1990, et du nouveau rôle qu’elle s’attribue au sein du système
international post-Yalta.
45 Robert E. STAKE, The Art of Case, op. cit., p. 113. 46 Idem, «Case Studies», op. cit., p. 443.
19
CHAPITRE UN : L’OTAN dans la tourmente de l’après-guerre froide
I. L’OTAN en Europe du Sud-Est : entre débats et décisions
1.1 Débats concernant la transformation de la nature de l’OTAN
La fin de la guerre froide a remis en cause une des raisons d’être de l’OTAN. Si, à
Washington, il allait de soi que l’Alliance atlantique devait subsister, cela n’était pas aussi
clair en Europe. Étant en train de négocier le Traité de Maastricht, qui allait plus tard
instituer l’Union européenne, on envisageait alors déjà la mise en place d’une Politique
étrangère et de sécurité commune (PESC), dont l’Union de l’Europe occidentale (UEO)
aurait pu en être le principal instrument47. Plusieurs débats sur la raison d’être de l’OTAN
dans le monde de l’après-guerre froide ont donc eu cours. À l’instar de René Hyppia, on y
remarque trois principaux courants de pensée. Le premier, plus pessimiste, considère que
l’OTAN n’a toujours été qu’un pacte de défense collective, c’est-à-dire une alliance
militaire traditionnelle, mésadaptée en quelque sorte au nouvel environnement de sécurité.
Le second, plus optimiste, présuppose que les succès passés de l’OTAN sont garants de ses
succès futurs. En ce sens, l’OTAN saura s’adapter aux nouvelles réalités sécuritaires. Le
troisième, plus cynique, croit que tant que les États-Unis «[…]l’avenir de l’OTAN est
assuré tant et aussi longtemps que les États-Unis considéreront que cette organisation leur
permet de maintenir leur présence militaire et leur hégémonie dans l’élaboration des
politiques et des prises de position de l’OTAN sur la sécurité de l’Europe»48.
En ce qui concerne les débats sur l’adaptation de l’OTAN au monde de l’après-
guerre froide, nous ne devons pas non plus négliger l’influence des pays de l’Europe
centrale et orientale (PECO) concernant les orientations de l’OTAN. En effet, la dissolution
47 Jean-Christophe ROMER, «La recomposition de l’ordre international», dans COLAS, Dominique, dir.,
L’Europe post-communiste. Paris, éd. Presses universitaires de France, 2002, p. 591, coll. «Premier cycle». 48 Rémi HYPPIA, op. cit., p. 79.
20
du pacte de Varsovie et de l’URSS a entraîné un vide sécuritaire devant être comblé49.
Cette inquiétude sécuritaire s’est traduite, dès 1990, par une demande de la part de la
Pologne, de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie de joindre les rangs de l’OTAN50. En fait,
les PECO souhaitent alors entreprendre tout ce qu’il leur est possible de faire pour joindre
les structures occidentales. Bien qu’elle ne soit déjà pas particulièrement imposante à cette
époque, l’UEO fait tout de même partie des possibilités envisagées51. Or, étant
particulièrement soucieux de leur sécurité et désirant par-dessus tout construire un rempart
contre les possibles volontés de la Russie de conserver la sphère d’influence qu’elle
détenait du temps de l’URSS, les PECO ne croient pas en la capacité de l’UEO d’assurer
intégralement leur sécurité. En fait, comme le souligne William Hopkinson, l’intérêt des
PECO se mesure à celui du désintérêt russe, dans le sens où l’association avec l’UEO est
perçue comme un «non-événement»52. L’intégration à l’OTAN s’est donc imposée comme
étant la solution la plus avantageuse pour l’heure. En effet, jugée plus facile que celle à
l’Union européenne, elle permet dès lors une certaine intégration à l’ouest de même qu’elle
est jugée plus propice à la stabilisation de la région. Tout compte fait, «[...]dans la mesure
où ils ont tendance à prendre la défense au sérieux, certains […] [jugent] plus facile,
politiquement et militairement, de se concentrer sur leur propre défense territoriale que de
mettre sur pied même les plus modestes des capacités mobiles actuellement nécessaires
pour la PECSD»53. Les pressions des PECO sont donc d’ores et déjà perceptibles alors que
débute en novembre 1991 le Sommet atlantique de Rome.
1.2 Le Sommet de Rome de 1991
Au début des années 1990, les réflexions au sujet de l’OTAN portaient en grande
partie sur «la réduction des effectifs, l’adaptation des structures militaires de l’OTAN aux
49 Marie-Claude SMOUTS, op. cit., p. 48. 50 Même la Russie fait mine de se montrer candidate à la fin de l’année 1991. Voir à cet effet Marie-Claude
SMOUTS, ibid. 51 En 1992, le processus d’institutionnalisation entre l’UEO et les ex-pays de l’Est a abouti, ce qui ne les a
toutefois pas satisfaits. Voir William HOPKINSON, «Élargissement : une nouvelle OTAN», Institut d’Études de Sécurité ; Union de l’Europe occidentale, Paris, octobre 2001, p. 592, coll. «Cahiers de Chaillot», n°49.
52 Ibid, p. 607. 53 Ibid, p. 606.
21
nouvelles réalités politico-militaires en Europe et la recherche de nouveaux rôles pour
l’alliance, tels que celui du maintien de la paix [Oslo, 1992]»54. On procède ainsi à la
révision du concept stratégique, où la vision élargie de la sécurité est pour la première fois
exposée. Selon cette nouvelle définition, désormais la vision élargie de la sécurité
«[...]englobe les aspects politiques, économiques, sociaux et écologiques et de la
défense»55. Se faisant, l’Alliance atlantique passe d’une organisation de défense
traditionnelle à une organisation chargée de la sécurité globale en Europe56. Dans cet ordre
d’idées, il devient apparent que l’Alliance conçoive l’atteinte de ses objectifs par des
moyens plus politiques que militaires, même si bien entendu ces derniers ne sont pas
écartés. Seulement, pour sa survie, il est alors primordial pour l’OTAN d’envisager la
promotion de la stabilité et de la sécurité de la zone euro-atlantique par des moyens autres
que militaires. C’est dans l’optique d’assurer sa pérennité et de renouveler sa stratégie
sécuritaire qu’il faut donc concevoir le Sommet de Rome de 1991.
Malgré la volonté marquée des anciens membres du Pacte de Varsovie de joindre au
plus vite les rangs de l’OTAN, la question de l’élargissement à proprement parler est
encore très peu envisagée par l’organisation. Cela résulte entre autres des problèmes
potentiels en découlant, dont la relation avec la Russie57 et l’identité européenne à
l’intérieur de l’OTAN58. Plutôt, l’OTAN crée le COCONA (ou CCNA), dont l’objectif
principal est de permettre le dialogue entre les PECO ainsi que d’offrir certaines
possibilités d’association avec les pays membres, notamment par la «coopération en
matière de démocratisation et de contrôle civil des armées de l’ex-pacte de Varsovie, de
54 Rémi HYPPIA, op. cit., p. 79. 55 Marie-Claude SMOUTS, op. cit., p. 151. 56 Voir à cet effet, ibid. 57 Dans le sens où toute adhésion des anciens du Pacte de Varsovie est considérée par Moscou comme un
irritant, la tendance de l’OTAN est alors de conserver de bonnes relations avec la Russie dans un contexte politique ressemblant alors davantage à une «paix froide» (expression tirée de Audrey DONADEY, «L'élargissement de l'OTAN vu de Russie», Regards sur l’Est, dossier «1989-1999, en attendant l’Europe», 01 novembre 1999, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.regard-est.com/home/breve_contenu.php?id=73).
58 Concernant l’identité européenne à l’intérieur de l’OTAN, Marie-Claude Smouts souligne à juste titre que du temps de la guerre froide, la mainmise américaine sur l’OTAN et leur ingérence dans les affaires européennes étaient tolérés par l’Europe, puisqu’elle répondait à un besoin vital de sécurité. Or, la fin de la guerre froide a remis en cause la logique des blocs et, par le fait même, a conduit au questionnement sur la place de l’Europe à l’OTAN et des États-Unis en Europe.
22
formation des officiers, d’organisation de manœuvres conjointes, [etc.]»59. Cette tentative
de répondre aux demandes du groupe de Visegrad60 n’a cependant pas comblé ses attentes,
particulièrement parce que le COCONA n’offrait pas les garanties de l’article 5, ce à quoi il
tenait d’une façon primordiale. En fait, le COCONA, en plus d’éluder en partie la question
de l’élargissement, faisait partie d’un plan américain pour concurrencer la CSCE : «[...]on
assiste ici à une tentative de «fidélisation» de l’Europe post-communiste aux modes de
fonctionnement des structures atlantiques, première étape d’une intégration de cet espace
dans une logique euro-atlantique au détriment d’une logique paneuropéenne»61.
1.3 Le Partenariat pour la paix (PpP)
Conscients tout de même des limites du COCONA, les ministres de la Défense des
pays membres de l’OTAN se sont réunis en octobre 1993, par l’intermédiaire du secrétaire
américain à la défense Les Aspin, afin de mettre sur pied un programme d’intégration
complémentaire, et mieux adapté aux besoins des PECO62. Présenté en 1993, le PpP a été
officiellement adopté lors du Sommet de Bruxelles de 1994.
Implicitement destiné à calmer l’impatience des PECO, le PpP a pour principal
objectif «[…] d'accroître la stabilité, de réduire les menaces et d'établir des relations plus
étroites entre les pays partenaires et l'OTAN ainsi que les autres pays partenaires»63 et ce,
en concordance avec les principes démocratiques promus par l’organisation. Le PpP est
proposé à tous les anciens pays du bloc de l’Est, Russie comprise. Il propose
particulièrement l’établissement d’une interopérabilité des forces armées des pays
partenaires dans le cadre des missions de maintien de la paix. Pour ce faire, ils seront donc
associés à des exercices militaires de l’OTAN, à des opérations de sauvetage ou de 59 L’URSS est aussi conviée, mais sa dissolution a conduit plutôt à l’intégration de toutes ses républiques
périphériques. Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 593. 60 Le groupe de Visegrad a été formé le 15 février 1991. Il comprenait à l’origine la Tchécoslovaquie, la
Pologne et la Hongrie. Depuis la dissolution de la Tchécoslovaquie, il est maintenant composé de quatre membres, parmi lesquels se sont ajoutées la République tchèque et la République de Slovaquie. Pour de plus amples renseignements quant aux objectifs et aux activités du groupe de Visegrad, voir Visegrad homepage en ligne à l’adresse suivante : http://www.visegradgroup.org/main.asp
61 Jean-Christophe ROMER, p.594. 62 La réunion des ministres de la Défense a eu lieu les 20 et 21 octobre 1993 à Travemünde (Allemagne). 63 «L’OTAN transformée», OTAN – Division Diplomatie publique, Bruxelles, 2004, p. 16, disponible en ligne
à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/nato-trans/nato-trans-fre.pdf
23
maintien de la paix, de même qu’ils disposeront d’observateurs permanents dans certaines
instances de l’organisation64. Les avantages qu’ils en retirent tiennent surtout du fait que,
dans l’éventualité où leur sécurité est compromise, ils pourront alors consulter les États
membres, conformément à l’article 4 du Traité de Washington65. En contrepartie, les
partenaires s’engagent, tant au niveau politique que militaire, à:
• prendre un certain nombre de grands engagements politiques visant à protéger les sociétés démocratiques;
• défendre les principes du droit international; • s'acquitter des obligations découlant de la Charte des Nations Unies, de la
Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'Acte final d'Helsinki66, ainsi que des accords internationaux sur le désarmement et la maîtrise des armements;
• s'abstenir de recourir à la menace ou à la force contre d'autres États; • respecter les frontières existantes; • régler les différends par des voies pacifiques; • promouvoir la transparence dans les processus d'établissement des plans et
des budgets de défense nationale, à établir le contrôle démocratique des forces armées et à mettre en place la capacité d'action conjointe avec l'Alliance dans les opérations humanitaires et de maintien de la paix67.
Afin de fixer les objectifs propres à chaque pays, un Programme de partenariat individuel
(IPP) est ainsi approuvé conjointement par chaque pays partenaire avec l’OTAN. Celui-ci
est renouvelé à tous les deux ans, en fonction des priorités et des besoins du pays partenaire
concerné68.
64 Marie-Claude SMOUTS, op. cit., p. 49. 65 Ibid. 66 Les principes de l’Acte final d’Helsinki (1975) sont les suivants: I. Égalité souveraine, respect des droits
inhérents à la souveraineté ; II. Non-recours à la menace ou à l'emploi de la force ; III. Inviolabilité des frontières ; IV. Intégrité territoriale des États ; V. Règlement pacifique des différends ; VI. Non-intervention dans les affaires intérieures ; VII. Respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction ; VIII. Égalité de droits des peuples et droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ; IX. Coopération entre les États ; X. Exécution de bonne foi des obligations assumées conformément au droit international. Voir à cet effet Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe – Acte final, Helsinki, 1975, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.osce.org/documents/mcs/1975/08/4044_fr.pdf
67 Voir «L’OTAN transformée», op.cit, p. 16-17. 68 La liste des activités contenues dans le Programme de partenariat individuel (IPP) est exposée dans le
Programme de travail du Partenariat (PWP). D’ailleurs, en vue d’établir les objectifs à atteindre dans l’optique de l’interopérabilité avec les forces armées de l’OTAN, un Processus de planification et d’examen (PARP) est offert par l’OTAN à chacun des pays partenaires. Voir à ce sujet ibid, p. 17.
24
Les plans mis sur pied par l’OTAN, que ce soit le COCONA, le PpP ou même
l’IPP, ne correspondent alors toujours pas aux exigences émises par les PECO. En effet,
aucuns n’incluent les avantages de la défense mutuelle, relatifs à l’article 5, ce qui est
particulièrement regrettable pour les PECO, lesquels s’intéressent à l’organisation
davantage pour sa fonction initiale de défense territoriale que pour ce vers quoi elle tend,
c’est-à-dire un rôle de sécurité globale à l’intérieur de la zone euro-atlantique. Qui plus est,
la dernière proposition de l’Alliance ne garantit nullement leur admission future à l’OTAN.
En ce sens, le PpP est perçu par les PECO comme une sorte d’antichambre, d’où ils
n’accéderaient jamais au statut de membre à part entière. Nonobstant l’insatisfaction et
l’impatience grandissante des PECO, le fait est qu’avant 1994, l’OTAN a réussi à éviter de
s’engager sur la voie de l’élargissement. Progressivement, et en fonction surtout de
l’évolution du contexte international, deux voies se sont principalement offertes à l’OTAN
afin de conserver sa raison d’être dans le monde de l’après-guerre froide : l’intervention
dite «hors zone» et l’élargissement69.
II. L’OTAN en phase de transformation : l’intervention de type «hors zone»
2.1 L’application du principe d’intervention «hors zone» dans les Balkans
Les premières applications du principe de l’intervention «hors zone» ont lieu lors
des guerres de Bosnie-Herzégovine. Il importe de souligner, à l’instar de Hopkinson, que
ces conflits ne revêtent pas pour les Européens et les Américains un caractère obligatoire.
La décision d’intervenir militairement ou non se mesure donc à la volonté politique des
États70, et non à des considérations géographiques71. Cela est spécialement le cas à propos
des interventions de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en République de
69 Marie-Claude Smouts, dans son ouvrage intitulé Les Organisations internationales (datant de 1995),
affirme aussi que «deux possibilités sont explorées : une projection des forces de l’OTAN «hors zone» dans le cadre d’activités de maintien de la paix, l’élargissement de l’Alliance atlantique à de nouveaux membres». Voir Marie-Claude SMOUTS, op. cit., p.150.
70 William HOPKINSON, op. cit., p. 15. 71 Laurent ZECCHINI, «La seconde vie de l'OTAN», Le Monde, 22 avril 2004, p.14.
25
Macédoine, lesquelles reflètent le renouvellement de l’OTAN en tant qu’organisation de
sécurité, dont l’existence est jugée nécessaire pour maintenir la sécurité et la stabilité de la
zone euro-atlantique. Qui plus est, il est essentiel de percevoir l’engagement de l’OTAN
dans les Balkans comme étant une des raisons justificatives de sa présence en Europe du
Sud-Est. En ce sens, nous devons aussi concevoir l’influence de ces interventions dans la
mise en branle du processus d’élargissement.
2.1.1 L’intervention de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine
La première mission «hors zone» de l’OTAN s’est déroulée en Bosnie à la suite
d’une demande d’assistance formulée par l’ONU. Celle-ci a commencé le 12 avril 1993,
alors que l’OTAN a commencé à faire respecter l’interdiction de survol au-dessus de la
Bosnie, tel que cela avait été dicté par la résolution 816 du Conseil de sécurité des Nations
Unies. Puis, en août et septembre 1995, l’OTAN a procédé à des frappes aériennes afin de
lever le siège de Sarajevo, ce qui a contribué à renforcer l’équilibre des forces et a mené à
la signature des Accords de Dayton72. Jusqu’en 1995, l’OTAN s’est donc attardée à
«fournir un appui aérien rapproché à la force de protection des Nations Unies au sol» et au
«contrôle et [à] l’imposition du respect des sanctions dans l’Adriatique ainsi que dans la
zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Bosnie-Herzégovine»73. Après la signature des
Accords de Dayton, l’OTAN a par la suite entrepris un autre type de mission, soit celle de
l’imposition de la paix. L’IFOR, qui est une force multinationale dont le mandat est donné
par l’ONU, a ainsi été mise en place afin d’assurer le respect des Accords de Dayton. Elle a
amorcé ses opérations en décembre 1995 et les a terminées un an plus tard, soit en
décembre 1996. Cette force a plus tard été remplacée par la SFOR, dont le mandat a été
cette fois de stabiliser et de maintenir la paix. Principalement, elle a eu pour mission
d’empêcher la reprise des hostilités afin de permettre l’instauration d’un climat favorable à
la poursuite du processus d’imposition de la paix, dont l’appui aux diverses organisations
non gouvernementales faisait partie intégrante. L’amélioration de la situation politique et
sécuritaire en Bosnie a conduit l’OTAN à réduire peu à peu ses effectifs, et ce, jusqu’au 10
72 Ibid, p. 12. 73 Ibid.
26
décembre 2004, où s’est effectué un transfert de mission entre l’OTAN et l’UE. Même si
l’EUFOR remplace désormais la SFOR comme force de stabilisation en Bosnie, l’OTAN
conserve tout de même une mission de soutien ainsi qu’un quartier général à Sarajevo afin
de travailler de concert avec l’EUFOR dans quelques domaines, dont la traque des fugitifs
soupçonnés de crimes de guerre par le TPIY74.
2.1.2 L’intervention de l’OTAN au Kosovo
La violence politique et la répression qui a sévi au Kosovo a conduit l’OTAN, dès
1998, à menacer de frappes aériennes la RFY de Milosevic si celle-ci ne mettait pas un
terme à la violence dans la province du Kosovo. L’acceptation par Milosevic de se
conformer aux exigences internationales a alors, dans un premier temps, conduit l’Alliance
atlantique à annuler le recours prévu à la force. Or, à cause de la nouvelle escalade de la
violence en 1999, l’OTAN a décidé de procéder à des frappes aériennes contre le régime
yougoslave (RFY) afin de le forcer à se conformer aux exigences internationales, lui
intimant de mettre fin à la répression politique et ethnique dans la province du Kosovo. Le
24 mars 1999, des bombardements intenses contre la RFY ont débuté. L’objectif était le
retrait complet des forces militaires serbes au Kosovo pour y mettre en place une présence
militaire internationale et pour que cessent les violations des droits de la personne75. Par le
biais de bombardements aériens menés sous les auspices des États-Unis, l’OTAN a eu
raison de l’armée de la RFY. Après une campagne aérienne de 78 jours, l’opération Force
alliée a pris fin et un plan de paix a été signé le 10 juin 1999. Cela a mené à l’instauration
d’une vaste force multinationale, la KFOR (menée par l’OTAN et mandatée par l’ONU),
afin de contribuer à la restauration de la paix et de la sécurité. Le Kosovo est encore
aujourd’hui un protectorat de l’ONU et son statut final n’est toujours pas décidé. La
présence de la KFOR demeure donc encore nécessaire afin de préserver un climat de
sécurité.
74 Pour de plus amples détails sur la nature des opérations de l’IFOR et de la SFOR, voir «L’OTAN
transformée», op. cit., p.30-33. 75 Voir à ce sujet le chapitre 5 du manuel de l’OTAN et la partie intitulée Origines et le déroulement du conflit
consulté en ligne à l’adresse suivante: http://www.nato.int/docu/manuel/2001/hb050301f.htm
27
Même si la légitimité de l’intervention de l’OTAN dans les Balkans a pendant
longtemps été une source de polémique et que son efficacité a été discutable sur certains
plans, il n’en demeure pas moins que l’Alliance atlantique est parvenue à renforcer son rôle
en matière de gestion des crises. L’OTAN a aussi démontré une fois de plus sa suprématie
militaire et le rôle essentiel qu’elle est appelée à jouer pour la défense de l’Europe. Par le
fait même, l’OTAN est donc parvenue à légitimer de nouveau sa présence dans les Balkans.
2.1.3 L’intervention de l’OTAN en Macédoine
Lors de la crise du Kosovo, l’OTAN a dû développer une collaboration sur le plan
logistique avec certains pays de la région, non membres de l’Alliance. À cet effet, la
République de Macédoine, qui avait jusque-là réussi à éviter la guerre, a procuré une aide
substantielle à l’OTAN lors de son intervention au Kosovo, notamment en servant de terre
d’accueil à des milliers de réfugiés kosovars et en permettant l’acheminement de l’aide
humanitaire par son territoire. Or, l’intervention militaire de l’OTAN au Kosovo a
profondément bouleversé l’équilibre des forces dans la région, déstabilisant ainsi les pays
voisins du Kosovo, dont la République de Macédoine. Cela a contribué au renforcement de
l’expansionnisme et du nationalisme albanais en République de Macédoine76.
L’exacerbation des tensions entre le gouvernement macédonien et la guérilla albanaise a
atteint son paroxysme en mars 2001, provoquant une confrontation armée entre les deux
ethnies. L’OTAN et l’Union européenne sont alors intervenues de concert dans un effort de
diplomatie préventive. Puis, dès juin 2001, l’OTAN a répondu d’une façon affirmative à
une demande officielle émanant du gouvernement de la République de Macédoine, en
apportant une aide militaire dans le cadre de la démilitarisation des forces armées
albanaises de l’UCKM et en assurant la sécurité des observateurs internationaux. Cette aide
était cependant conditionnelle au cessez-le-feu et à l’accord des deux parties en ce qui a
trait à l’élaboration d’un plan de paix. Des troupes de l’OTAN ont ainsi été déployées dès
le mois d’août 2001 et la mission de l’OTAN a pris fin en mars 2003. Le flambeau a alors
été transmis à l’Union européenne, dont le mandat s’est achevé en décembre 2003. 76 Pour toute l’analyse sur la modification de l’équilibre des forces dans la région à la suite de l’intervention
de l’OTAN au Kosovo, voir Renéo LUKIC, L’Agonie yougoslave (1986-2003). Les États-Unis et l’Europe face aux guerres balkaniques, Québec (Canada), éd. Presses de l’Université Laval, 2003, pp. 377-439.
28
2.2 Bilan de l’intervention hors zone dans les Balkans
L’intervention dans les Balkans a su redonner à l’OTAN une place primordiale dans
l’architecture sécuritaire post-Yalta. En s’adaptant à la nouvelle réalité stratégique du
monde de l’après-guerre froide, l’OTAN s’est transformée en un instrument efficace de
règlement et de gestion des crises. L’intervention «hors zone» a donc permis à
l’organisation de s’octroyer un rôle qui, au début des années 1990, ne lui était pas de facto
assigné. Mais bien qu’au niveau militaire il soit clairement apparu que l’implication de
l’OTAN était nécessaire au règlement du conflit, l’expérience dans les Balkans a aussi
montré la nécessité d’un rôle élargi pour l’OTAN dans la région. Au fil des
développements dans les Balkans, l’Alliance atlantique a progressivement adapté son
approche quant à la gestion des crises en y intégrant les principes de l’intégration et de
l’association. Plus qu’une intervention «hors zone» déployée de façon traditionnelle, c’est-
à-dire au niveau strictement militaire, la mission de l’OTAN a évolué en une assistance à
long terme tant au niveau politique que militaire auprès des pays en question.
Dans la plupart des cas, il s’avère impossible de recréer un contexte politico-
économique semblable à celui qui prévalait avant une crise. Dans cette perspective, il
impute donc aux organismes qui gèrent les opérations de maintien de la paix de favoriser
des solutions à long terme, c’est-à-dire d’aider les États à mettre en place la démocratie
libérale. Puisque le règlement à long terme des crises et le rétablissement de la paix et de la
stabilité ne peuvent se faire qu’avec une parfaite coordination entre les mesures militaires et
civiles77, l’OTAN a donc entrepris de favoriser l’adaptation des États des Balkans aux
structures transatlantiques, notamment par la promotion de ses valeurs fondamentales.
77 «Peacekeeping past and Present», Revue de l’OTAN de l’année 2001, édition Web, vol. 49, n° 2, été 2001.
Consulté en ligne à l’adresse : http://www.nato.int/docu/review/2001/0102-01.htm
29
III. L’élargissement de l’OTAN : du principe à l’application
3.1 Principes généraux
Les parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au Traité tout autre État européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent
Traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. Tout État ainsi invité peut devenir
partie au Traité en déposant son instrument d'accession auprès du gouvernement des États-Unis
d'Amérique. Celui-ci informera chacune des parties du dépôt de chaque instrument d'accession78.
- Article 10, Traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949
Suscitant toujours bien des débats, la politique d’élargissement de l’OTAN prend
tout de même de la substance à partir de 1995, soit après la publication de l’Étude sur
l’élargissement. L’analyse critique du contenu de cette étude nous révèle les principes
fondamentaux qui ont trait à la politique de l’élargissement. Nous tenterons donc ici de
dresser un portrait global de cette étude afin de comprendre tous les enjeux théoriques mis
en lumière par cette étude79.
Le chapitre un énonce les objectifs et les principes de l’élargissement, lesquels
stipulent que l’OTAN, tout en demeurant une alliance strictement défensive, a pour objectif
d’étendre la sécurité et la stabilité dans la zone euro-atlantique par l’adhésion de nouveaux
membres. Les principes de l’élargissement de l’OTAN sont à l’effet que les nouveaux
membres doivent se conformer à toutes les dispositions du Traité de Washington, ce qui
implique entre autres de remplir certains critères démocratiques, de travailler à la
consolidation d’une défense commune et d’encourager les relations de coopération et de
partenariat transatlantique. Le chapitre deux détermine les moyens à prendre pour faire en
sorte de remplir les objectifs fixés. L’idée globale est celle de l’instauration d’une «Europe
sans divisions». Pour ce faire, l’OTAN semble vouloir prendre en considération les
78 Voir Article 10, Traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949, disponible en ligne à l’adresse suivante :
http://www.nato.int/docu/fonda/traite.htm 79 «Étude sur l’élargissement», OTAN Documents fondamentaux, septembre 1995, est disponible en ligne à
l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/fonda/ela-9501.htm
30
possibilités offertes par les diverses organisations qui œuvrent dans la même sphère
d’action (notamment l’UE, l’UEO et l’OSCE) et de développer de bonnes relations avec
elles, de même qu’avec la Russie. Le chapitre 3 traite quant à lui de la contribution du PpP
et du CCNA au processus d’élargissement, eux qui demeureront dans tous les cas le cadre
fondamental à partir duquel les pays partenaires développeront des relations de coopération
avec l’OTAN, dans le but d’une préparation à l’adhésion. Le PpP et le CCNA s’engagent
aussi à renforcer leur engagement dans la sécurité européenne en concordance avec les
principes de l’ONU et de l’OSCE. Le chapitre 4 élabore une stratégie d’action, de façon à
ce que l’élargissement renforce l’efficacité de l’Alliance, sans que cela lui nuise quant à ses
fonctions essentielles et à ses nouvelles missions, notamment en ce qui concerne les points
suivants : la défense collective, la structure de commandement, les renseignements, les
aspects financiers et l’interopérabilité. Cette partie élabore de plus une stratégie
d’investissement au service de la sécurité «[…]utilisé[e] pour accélérer le processus
d’assimilation des nouveaux membres» et une nouvelle politique budgétaire et
d’administration. Le chapitre 5 stipule simplement que les nouveaux membres ont les
mêmes droits et obligations que les membres actuels et, que de ce fait, ils doivent se
conformer totalement au Traité de Washington. Enfin, le chapitre 6 expose le fait que les
modalités d’adhésion sont celles qui sont contenues dans l’article 10 du Traité de
Washington. Il stipule que chaque invitation à l’adhésion se fait au cas par cas et qu’il
n’existe ainsi aucune règle préétablie à ce sujet. Bref, l’Étude sur l’élargissement dénote
une volonté de la part de l'OTAN de mettre en application cette politique pour certains
pays, dans le but de renforcer la stabilité et la sécurité de la zone euro-atlantique, tout en
demeurant fidèle aux principes du Traité de Washington de 1949. Cette soudaine
importance donnée à l’élargissement de l’OTAN s’intègre dans une perspective plus large,
qui est celle de la transformation de l’organisation, de son adaptation au monde de l’après-
guerre froide et du rôle qu’elle entend jouer dans le nouveau système international.
On peut dire qu’à partir de cette étude, l’idée de l’élargissement suit son chemin et
en 1997, soit lors du Sommet de Madrid, elle reçoit alors une application politique réelle.
Du fait que l’OTAN a une multitude d’intérêts à servir, les objectifs reliés à l’élargissement
31
sont multiples et divergent selon les pays. Voici donc ceux qui, selon Hopkinson, sont à
prendre en considération :
• Renforcer et consolider l’OTAN en tant qu’organisation; • Promouvoir la stabilité et la sécurité des États, membres actuels et
potentiels, voire non membres; • Accroître la sécurité et la stabilité de l’ensemble de la zone euro-atlantique; • Aider à construire une architecture de sécurité avec l’UE et sa politique
européenne commune en matière de sécurité et de défense (PECSD), etc.80
En se replongeant dans le contexte politique de l’époque, on constate qu’ayant
appris de l’expérience yougoslave, l’OTAN voit de plus en plus l’élargissement comme une
politique contribuant «[...] à prévenir les conflits, car la perspective d’une adhésion invite
les pays candidats à résoudre les différends avec leurs voisins et à accentuer les efforts de
réforme et de démocratisation»81. En somme, il s’agit donc d’«[...]étendre la sécurité euro-
atlantique et [d’]accroître la puissance, la cohésion et la vitalité de l’OTAN, sans nuire aux
intérêts de sécurité d’un quelconque pays tiers»82.
Du fait que les pays souhaitant adhérer doivent être à la fois «des fournisseurs et des
consommateurs de sécurité»83, il apparaît alors évident qu’ils se doivent de répondre à
certaines conditions. Sans nous étendre pour le moment sur les motivations du choix de
celles-ci ou sur les modalités de leur application, voici brièvement ce en quoi consistent ces
conditions :
• établir un système politique démocratique et une économie de marché fonctionnelle;
• oeuvrer au bon traitement des populations minoritaires (conformément aux directives de l'OSCE);
• avoir réglé tous leurs différends avec leurs voisins et être attaché au règlement pacifique des différends en général;
• faire en sorte que les relations civilo-militaires dans leur pays soient conformes aux normes démocratiques;
80 William HOPKINSON, op. cit., p.83-84. 81 Voir le document intitulé «Renforcer la sécurité et étendre la stabilité grâce à l’élargissement de l’OTAN»,
OTAN – Division Diplomatie publique, Bruxelles, avril 2004, en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/enlargement/enlargement_fr.pdf
82 Voir à ce sujet, «L’OTAN transformée», op.cit, p. 20. 83 «Renforcer la sécurité et étendre la stabilité grâce à l’élargissement de l’OTAN», loc.cit.
32
• avoir la capacité et le désir d'apporter une contribution militaire à l'Alliance et de réaliser l'interopérabilité avec les forces des autres membres84.
Dès lors que les conditions d’admission sont remplies ou que l’on juge que les
progrès réalisés sont suffisants, l’OTAN peut alors inviter le ou les pays en question à
entreprendre les pourparlers en vue d’une adhésion éventuelle85. Cette première étape vise
tout d’abord à réitérer la volonté des pays partenaires de joindre les rangs de l’OTAN, mais
aussi et surtout, à démontrer la volonté et la capacité de continuer à progresser sur la voie
des réformes. C’est d’ailleurs à ce moment qu’est décidé le montant qui sera alloué au
budget de l’OTAN et qu’une évaluation est réalisée sur les progrès effectués et sur ceux
qu’il reste à faire. La deuxième étape consiste à ce que les ministres des Affaires étrangères
des pays invités envoient une lettre au siège de l’OTAN afin de confirmer par écrit leur
volonté d’intégrer les structures de l’OTAN. Ils doivent pour ce faire fournir un échéancier
précis quant à l’achèvement des réformes entreprises. La troisième étape est celle de la
préparation par l’OTAN du protocole d’accession pour chacun des pays invités. La
quatrième étape consiste en la ratification des protocoles d’accession par les pays membres,
cela en concordance avec les procédures et exigences nationales. C’est alors que le
Secrétaire général de l’OTAN invite les pays en question à joindre le Traité de l’Atlantique
Nord. Enfin, à la cinquième étape, les pays invités deviennent officiellement membres de
l’OTAN, après que cela ait été accepté ou voté par chacun des parlements nationaux des
pays membres. Ils déposent alors au Département d’État des États-Unis les documents
faisant foi de leur accession au statut de membre.
Bien que l’Étude sur l’élargissement de l’OTAN marque le pas de l’expansion de
l’Alliance, plusieurs questions restent encore en suspens. En effet, l’Étude expose les
modalités de l’élargissement et fournit un cadre justificatif à celles-ci, mais ne révèle
aucune information quant à leur temps d’application et à l’identité des pays qui seront
invités. La question est alors de déterminer quels seraient les pays dont l’adhésion
favoriserait davantage la sécurité et la stabilité de la zone euro-atlantique et ce, sans nuire à
84 «L’OTAN transformée», op. cit., p. 21. 85 Pour tout ce qui concerne les étapes menant du statut de partenaire à celui de membre, voir «The Road to
NATO Membership», disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/comm/2002/0211-prague/more_info/membership.htm
33
la cohésion de l’organisation et quel sera le moment favorable pour procéder à un
élargissement?
Le choix des pays candidats à l’adhésion met en exergue les dissensions des pays
membres au niveau des intérêts politiques nationaux. Pour l’Alliance atlantique, dont la
transformation est en cours, il s’agit donc de gérer l’élargissement de sorte que cela ne
nuise pas à la stabilité de l’organisation, à la cohésion des membres et que, somme toute,
cela lui permette de mieux s’adapter au nouveau contexte international en intégrant de
nouveaux membres qui, tant sur le plan militaire que politique, peuvent lui permettre de
mener à bien les nouvelles missions qu’elle s’est fixée.
3.2 Du Sommet de Madrid aux élargissements subséquents
La publication de l’Étude sur l’élargissement fournit à l’OTAN un cadre théorique
pour sa future expansion. L’Alliance semble alors prête, sur papier, à mettre de l’avant cet
aspect de sa transformation. Or, au cours des années qui suivent la publication de ce
rapport, il apparaît clair que l’OTAN n’a pas de plan spécifique et que les pays qui seront
appelés à joindre l’organisation ne sont pas encore tous ciblés. Comme cette volonté
d’expansion représente pour l’OTAN un aspect relativement nouveau de sa stratégie,
plusieurs questions doivent encore être réglées et on ne peut prévoir précisément quelles
seront les conséquences de cette politique, tant au plan interne qu’externe. À l’aube du
Sommet de Madrid, plusieurs tergiversations ont cours quant au nombre de pays invités à
joindre les rangs de l’Alliance en 1999.
3.2.1 L’OTAN et la Russie face à l’élargissement
Parmi les facteurs réfrénant les volontés expansionnistes de l’OTAN, au plan
externe, il est important de rappeler la crainte qu’engendre la question de la réaction russe.
En effet, la Russie voit d’un mauvais œil l’incrustation de l’OTAN dans ce qui était jadis sa
sphère d’influence. Les inquiétudes des pays membres ne sont peut-être pas étrangères non
plus à la menace de l’emploi de la force dans les milieux militaires russes, qui est révélée
34
par des plans de frappes nucléaires contre la Pologne et la République tchèque publiés en
octobre 1995, à la suite de «fuites»86. Bien qu’il apparaisse déjà peu probable que la Russie
mette en application ces plans, il n’en demeure pas moins que la méfiance des pays de
l’OTAN par rapport aux intérêts de la Russie n’est toujours pas dissipée, et qu’il faudra en
tenir compte lorsque sera venu le temps de décider des pays qui seront invités à adhérer.
Afin de trouver des alternatives à l’élargissement à proprement parler, quelques
autres solutions ont été proposées par la Russie, dont la création d’une zone tampon
démilitarisée et même, l’adhésion russe87! Mais malgré l’irritation que cela provoque en
Russie, et malgré le désir de restreindre l’expansion de l’OTAN, la perspective de
l’élargissement s’avère pour elle très avantageuse sur le plan politique et militaire88. En
effet, comme le souligne Jean-Christophe Romer : «[...]en 1996, il est clair que la
perspective d’élargissement de l’OTAN est devenue une réalité et que, dans ces conditions,
il convient de faire monter les enchères pour faire payer le plus cher possible ce que la
Russie sait devoir concéder»89. En ce sens, la Russie obtient de l’OTAN que, même si
l’élargissement a lieu, cela n’augmente pas son potentiel militaire, ce qui revient à dire que
«[...]l’OTAN s’engage à ne pas déployer de forces nouvelles et notamment d’armes
nucléaires sur le territoire des nouveaux pays membres»90.
Au plan politique un Conseil conjoint permanent OTAN-Russie (CCP) est mis en
place pour favoriser le dialogue entre les parties. Les négociations entre la Russie et
l’OTAN aboutissent à Paris le 27 mai 1997 par la signature de l’Acte fondateur sur les
relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’OTAN et la Fédération de Russie91,
86 Voir à ce sujet Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 605-606. 87 Ibid, p. 605. 88 Pourtant, en novembre 1993, un document produit par le Service de renseignement extérieur russe (SVR)
(«Les perspectives d’élargissement de l’OTAN et les intérêts de la Russie») concluait que : «[...]les inconvénients d’un élargissement l’emportent largement sur les éventuels avantages que pourrait retirer la Russie». Voir à ce sujet Ibid, p. 603-604.
89 Ibid, p. 604. 90 Ibid, p. 608. 91 Le texte de l’Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’OTAN et la
Fédération de Russie est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/fonda/actfnd-a.htm
35
lequel règle en partie la question de l’élargissement en rapport avec la fédération russe92.
Somme toute, le message envoyé à la Russie par l’OTAN est on ne peut plus clair :
«L’élargissement va dans le sens d’un renforcement de la sécurité européenne qui est aussi
l’intérêt de Moscou avec laquelle l’OTAN s’engage à développer ses relations», «par
contre, aucun pays – et cet avertissement s’adresse clairement à la Russie – ne saurait avoir
un droit de veto sur les décisions de l’Alliance»93. Alors que s’amorcent les négociations
entre les pays membres pour déterminer quels seront les pays invités à joindre
l’organisation au Sommet de Washington, le «facteur russe» demeure un élément à prendre
en compte, surtout si l’on considère son potentiel d’instabilité pour la situation sécuritaire
régionale.
3.2.2 L’influence américaine
Que ce soit au niveau de l’intervention «hors zone» ou encore de celui
l’élargissement, l’influence des États-Unis a été prédominante en ce qui a trait à la
manifestation d’une réelle volonté politique au sein de l’OTAN. En effet, on remarque que
le débat sur la nécessité de l’élargissement de l’OTAN est tributaire des changements
survenus dans la politique extérieure américaine. Au niveau national, on retrouve plusieurs
raisons qui justifient ce changement d’orientation du président américain quant à la
question de l’élargissement. Notons parmi ceux-ci la nomination, à l’été 1994, de Richard
Holbrooke au poste de secrétaire d’État chargé des questions européennes94 et la campagne
électorale à venir (présidentielle et sénatoriale)95.
92 La conclusion de cet accord est à l’effet que «[l]a Russie reconnaît naturellement le droit de tout État à voir
sa sécurité garantie et en ce sens, comprend les préoccupations des pays de l’Europe centrale qui ne sauraient faire exception à ce principe. Néanmoins, la sécurité d’un État ne saurait être garantie au détriment de celle d’un autre État, en l’occurrence la Russie». Voir Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 605.
93 Ibid, p. 596. 94 Au sujet du rôle de Richard Holbrooke dans le développement de la politique d’élargissement, James M.
Goldgeier affirme que si Anthony Lake [National Security Adviser] a joué le rôle de concepteur, Richard Holbrooke en était l’exécuteur. Voir à ce sujet James M. GOLDGEIER, Not Whether but When : The U.S. Decision to Enlarge NATO, Washington, D.C., éd. Brookings Institution Press, 1999, p.11.
95 Jean-Christophe Romer souligne le fait que plusieurs sénateurs voulant s’approprier les votes des importantes minorités hongroises et polonaises auraient plaidé en faveur de l’élargissement de l’OTAN. Voir donc à ce sujet Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 595.
36
Au début des années 1990, les États-Unis étaient assez réticents par rapport à la
question de l’élargissement, comme le montre la politique hésitante du gouvernement
américain avant 199496. Puis, l’élargissement est apparu comme une façon de favoriser un
contrepoids aux européanistes au sein de l’OTAN, de justifier la présence américaine en
Europe, particulièrement par l’élargissement de leur cercle d’influence, et de légitimer leur
intervention sur des questions de sécurité européenne. La décision d’élargir l’OTAN, et
d’établir en contrepartie un partenariat avec la Russie, a ainsi fait son chemin dans tous les
organes de l’administration américaine97. On constate donc que la soudaine importance
donnée à l’élargissement de l’OTAN correspond au début de l’implication américaine
active dans les Balkans98 et à l’élaboration d’une politique plus cohérente de leur part en ce
qui a trait à la définition de leur intérêt national vital.
3.2.3 La première vague d’adhésions : de Madrid à Washington
Dès 1996, à la suite d’une annonce faite par le Secrétaire général de l’OTAN Javier
Solana, il est clair que l’élargissement aura lieu et que c’est à Madrid que l’on sera à même
de savoir quels pays seront invités à joindre les rangs de l’Alliance atlantique. Le choix des
pays est pourtant loin d’être fixé. Aux trois pays dont la candidature est pratiquement
certaine d’être retenue, nous parlons ici de la République tchèque, de la Pologne et de la
Hongrie, certains pays (dont le Canada, l’Italie et la France) voulaient que l’on invite aussi
la Slovénie et la Roumanie99. En fin de compte, l’OTAN et les États-Unis en décident
autrement. Étant donné la place prédominante dont jouissent les États-Unis à l’OTAN, ils
détiennent de ce fait une grande influence lorsque vient le temps de choisir les candidats à
l’adhésion. Comme le souligne William Hopkinson : «[...]tout candidat soutenu par les
Américains sera presque certainement invité à adhérer»100. C’est ainsi que le président
96 Il est d’ailleurs pertinent de souligner qu’avant que le Président Clinton n’entre en fonction en 1993, le
gouvernement américain ne faisait que commencer à prendre conscience des nouvelles menaces à la sécurité dans le monde de l’après-guerre froide. Voir à cet effet James M. GOLDGEIER, op. cit., p. 3.
97 En ce qui concerne tout le processus décisionnel américain concernant l’élargissement de l’OTAN, voir James M. GOLDGEIER, op. cit.
98 L’Étude sur l’élargissement de l’OTAN est produite en 1995 pendant la phase de la signature des Accords de Dayton, lesquels sont conclus sous les auspices des États-Unis.
99 Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 596. 100 Voir William HOPKINSON, op. cit., p.97.
37
Clinton annonce unilatéralement le 12 juin 1997 que seuls trois pays seraient invités à
joindre les rangs de l’OTAN, soit la République tchèque, la Pologne et la Hongrie101. On
procède donc à un élargissement restreint à trois pays, lesquels sont «suffisamment avancés
sur la voie démocratique, n’ont pas de problème particulier en matière de défense, et ont un
soutien relatif du Congrès américain»102. Pour ce qui est de la Slovénie et de la Roumanie,
à qui l’adhésion échappe, leur cas est mentionné dans la Déclaration de Madrid, laquelle
stipule que : «En ce qui concerne les pays qui aspirent à devenir membres, nous
reconnaissons avec beaucoup d'intérêt et prenons en considération les développements
positifs dans le sens de la démocratie et de la primauté du droit intervenus dans un certain
nombre de pays d'Europe du sud-est, en particulier la Roumanie et la Slovénie»103. Malgré
tout, le débat sur la pertinence de l’élargissement ne s’éteint pas à Madrid, bien au
contraire104.
Au Sommet de Madrid de 1997, les pays membres de l’OTAN sont conscients de
l’inachèvement des réformes militaires en République tchèque, en Pologne et en Hongrie.
En effet, dès 1997, l’examen de la situation militaire des pays appelés à joindre l’Alliance
atlantique fait état de carences importantes au niveau de l’interopérabilité avec l’OTAN. De
fait, les critères militaires exigés étaient alors loin d’être remplis et surtout, ne le seraient
certainement pas de sitôt. Par exemple, «le ministère polonais de la Défense reconnaissait
[…] que seuls 30% des objectifs d’interopérabilité seraient atteints à l’horizon de 2002»105.
La revue Defense news106 faisait quant à elle état du fait que : «l’équipement de l’armée
tchèque est vieux et proche de l’obsolescence», «[la marine polonaise] est très en deçà des
normes de l’OTAN et qu’aucun de ses bâtiments n’est à même de participer à des
opérations conjointes en termes de commandement et de contrôle» et «que le système de
101 Voir Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 597. 102 Ibid, p. 4. 103 «Déclaration de Madrid sur la sécurité et la coopération euro-atlantiques», OTAN - Communiqué
de Presse M-1(97)81, 8 juillet 1997, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/pr/1997/p97-081f.htm
104 Jean-Christophe Romer note parmi les critiques les plus acerbes celles du Premier ministre français Michel Rocard et du diplomate, soviétologue et penseur américain George Kennan, tous deux fortement opposés à l’élargissement de l’OTAN. Voir Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 598.
105 Ibid, p. 600. 106 Le site Web de la revue Defense News est accessible à l’adresse suivante : http://www.defensenews.com/
38
défense anti-aérienne hongrois est inopérant»107. Aussi, les pays membres de l’OTAN
savent que le coût de l’élargissement sera très élevé pour ces pays et que les moyens
financiers dont ils disposent pour y remédier sont limités. Puisque la capacité des nouveaux
membres à défrayer ces coûts est mise en doute, la question du coût total de l’élargissement
pour l’OTAN prend ainsi beaucoup d’importance lors des débats108. En considérant donc
que les pays appelés à joindre les rangs de l’OTAN en 1999 n’ont pas complété en totalité
les réformes militaires exigées, et qu’ainsi ils ne remplissent pas les critères
d’interopérabilité avec l’OTAN, et que de surcroît ils sont financièrement indisposés à les
compléter dans les délais requis, il apparaît évident que l’élargissement répond davantage à
des critères politiques que militaires109. Ainsi, on ne se surprendra pas que les trois pays
soient admis tout juste avant le Sommet de Washington (23-25 avril 1999), soit le 12 mars
1999110. Officiellement, cela s’explique par le fait que l’on souhaite la participation des
nouveaux membres lors du sommet devant se tenir à la fin avril. Officieusement, leur
adhésion anticipée donnait de nouveaux appuis à ceux qui à l’OTAN étaient pour des
frappes aériennes sur le Kosovo, lesquelles ont débuté le 24 mars 1999.
3.3 Le Sommet de Washington de 1999
Le Sommet de Washington est certes reconnu parce qu’il a accueilli la première
vague d’élargissement de l’après-guerre froide, mais aussi parce qu’il représente une étape
clé dans le processus de transformation de l’Alliance atlantique. Lors de ce sommet, les
chefs d’État des pays membres de l’OTAN ont élaboré leur stratégie commune de défense,
107 Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 599. 108 Cela est particulièrement vrai aux États-Unis, où la question de l’élargissement subit une baisse de
popularité dans l’opinion publique. De 67% de la population en accord avec l’élargissement en septembre 1997, on passe à 49% en mai 1998. Malgré tout, le Sénat américain approuve l’élargissement à 80 voix contre 19, le 30 avril 1999). Voir ibid, p. 600.
109 En ce qui concerne certains groupes de pression aux États-Unis, on pourrait aussi dire que l’élargissement est économiquement avantageux. En effet, Jean-Christophe Romer nous fait remarquer que parmi les plus grands défenseurs de l’élargissement aux États-Unis, on retrouve le complexe militaro-industriel (CMI), lequel a tout à gagner de l’ouverture d’un nouveau marché en Europe centrale. Voir ibid.
110 La cérémonie a eu lieu aux États-Unis dans la ville d’Independence (Missouri), là où a vécu l’ancien Président américain Harry S. Truman, qui a joué un rôle majeur lors de la création de l’OTAN en 1949. Voir à ce sujet James M. GOLDGEIER, op. cit., p. 1.
39
«fondée sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit»111.
Ils ont pris la décision de contribuer au maintien de la stabilité et de la sécurité dans la zone
euro-atlantique par la prévention et la gestion des crises menaçant directement ou
indirectement un ou des États membres. Pour ce faire, l’OTAN a approuvé un nouveau
Concept stratégique, a développé l’Initiative pour l’Europe du Sud-Est (IESE), a parachevé
les travaux sur la mise en place et l’interopérabilité d’une Identité européenne de sécurité et
de défense (IESD), a signé le traité de l’Initiative sur les capacités de défense (DCI), a pris
des dispositions pour renforcer le Partenariat pour la paix (notamment en favorisant la
coopération entre les pays non membres et en approfondissant le dialogue avec les autres
organisations internationales, dont l’Union européenne), a mis sur pied le Plan d’action
pour l’adhésion (MAP) et surtout, a réitéré sa volonté d’élargir l’Alliance.
3.3.1 Le Concept stratégique
Le Concept stratégique de 1999, élaboré par l’OTAN, représente le pilier de sa
politique de défense et de sécurité. Il est fondé sur l’évolution de l’Alliance depuis la mise
en place du concept stratégique de 1991. Il vise entre autres l’augmentation de l’efficacité
du Partenariat pour la paix et il met de l’avant la promotion de la coopération avec les pays
alliés pour leur éventuelle participation à ses opérations, notamment en ce qui concerne les
interventions «hors zone». C’est à l’intérieur de ce cadre que l’Initiative pour l’Europe du
Sud-Est (IESE) a aussi été pensée, dans l’optique de «promouvoir la coopération régionale
ainsi que la sécurité et la stabilité à long terme dans la région»112. Le Concept stratégique
mise de surcroît sur une collaboration plus étroite avec les autres organisations
internationales, plus particulièrement avec l’Union européenne, avec qui l’OTAN a des
intérêts stratégiques communs et complémentaires113. De ce fait, l’OTAN a développé
l’Identité européenne de sécurité et de défense (IESD), pour que l’Europe puisse occuper à
111 Pour tout ce qui a trait aux résolutions adoptées lors du Sommet de Washington, voir «La Déclaration de
Washington signée et publiée par les chefs d'État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord tenue à Washington les 23 et 24 avril 1999», OTAN – Communiqué de Presse NAC-S(99)63, 23-24 avril 1999, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.nato.int/docu/pr/1999/p99-063f.htm
112 Voir à ce sujet le chapitre 3 du manuel de l’OTAN à l’adresse suivante: http://www.nato.int/docu/manuel/2001/index.htm#CH3
113 Ibid.
40
l’avenir une plus large responsabilité dans le domaine de la sécurité et de la défense en
prenant une part plus active dans le déroulement des opérations de maintien de la paix et de
prévention des crises114. Ainsi, l’OTAN permet à ses alliés européens d’agir
unilatéralement, tout en leur permettant d’utiliser ses structures, lorsqu’elle-même n’est pas
impliquée militairement115. En somme, le Concept stratégique réitère les tâches de sécurité
fondamentales de l’organisation, soit :
• Fournir l’une des bases à la stabilité dans la région euro-atlantique; • Constituer une instance de consultation pour les questions de sécurité; • Exercer une fonction de dissuasion et de défense face à toute menace
d’agression contre l’un quelconque des États membres de l’OTAN; • Contribuer à la prévention efficace des conflits et s’engager activement
dans la gestion des crises; • Promouvoir de vastes relations de partenariat, de coopération et de dialogue
avec d’autres pays de la région euro-atlantique116.
L’approbation par les membres de l’OTAN du nouveau concept stratégique établit donc les
termes du nouveau rôle que l’OTAN s’est octroyé en matière de défense et de sécurité. Plus
encore, il officialise la politique de l’élargissement et expose les projections de l’Alliance
quant aux futures adhésions :
Elle [l’Alliance] compte, dans les années à venir, lancer de nouvelles invitations à des pays désireux et capables d'assumer les responsabilités et les obligations liées au statut de membre, et dès lors que l'OTAN aura déterminé que l'inclusion de ces pays servirait les intérêts politiques et stratégiques généraux
114 Il est à noter que le développement d’une Identité européenne de sécurité et de défense a été mis de l’avant
lors du Sommet de Bruxelles de 1994 par l’Administration Clinton, sous les pressions de la France qui dès lors, a tenté un rapprochement avec l’OTAN en réintégrant certaines instances qu’elle avait délaissées depuis les années soixante. Voir à ce sujet, Pascal Pacallon, op. cit., p. 19-20 et 28. Nous aimerions aussi souligner le paradoxe américain, soulevé par les analystes français, de la soudaine impulsion donnée à la mise en place d’une défense européenne. En effet, de leur réticence initiale au projet d’une défense européenne «les États-Unis ont choisi d’approuver sans réserve le principe [d’une Europe émergente] et d’en contester toute expression concrète», voir à cet effet Charles ZORGBIBE, Histoire de l’OTAN, Bruxelles, éd. Complexe, 2002, p. 189, coll. «Questions à l’Histoire». Pour une explication du paradoxe américain, voir aussi Christophe Réveillard, «La défense européenne : l’autre modèle pour l’Union européenne?», Institut international d’études stratégiques, dans Géostratégiques, mars 2001, n°3, à l’adresse suivante: http://www.strategicsinternational.com/f3defenseeu.htm
115 L’objectif étant ici d’aider l’Union européenne à développer un rôle de sécurité crédible et de renforcer la relation transatlantique en créant des «forces séparables mais non séparées».
116 «L’OTAN transformée», op. cit., p. 4.
41
de l'Alliance, accroîtrait son efficacité et sa cohésion, et renforcerait la sécurité et la stabilité européennes en général117.
3.3.2 Le Plan d’action pour l’adhésion (MAP)
En ce qui concerne la politique d’élargissement de l’OTAN, une autre innovation a
été mise sur pied lors du Sommet de Washington, soit le Plan d’action pour l’adhésion
(Membership Action Plan – MAP). Le MAP est un plan auquel les candidats à l’adhésion
doivent maintenant participer s’ils veulent un jour joindre les rangs de l’organisation. Il
vise globalement à aider les candidats à remplir les conditionnalités politiques et militaires
exigées par l’OTAN en vue de l’adhésion. Soulignons toutefois que la participation au
MAP ne constitue en aucun cas une promesse d’adhésion de la part de l’OTAN.
Ce programme est le résultat des leçons tirées de l’élargissement de 1999. En effet,
s’étant aperçue que les pays appelés à joindre ses rangs en 1999 avaient, depuis Madrid,
ralenti le rythme de leurs réformes, l’OTAN a mis sur pied un plan visant à mieux encadrer
les candidats. Le MAP permet à l’OTAN de suivre les progrès des candidats quant aux
réformes entreprises et surtout, de leur procurer une aide essentielle quant à la poursuite de
celles-ci. Ces éléments principaux sont les suivants :
• la soumission par les pays candidats d’un programme national annuel relatif à leur préparation à une éventuelle adhésion et portant sur des questions politiques et économiques, des questions de défense, de ressources et de sécurité et des questions juridiques ;
• un mécanisme de retour d'informations ciblé et transparent sur les progrès accomplis par les pays candidats, comprenant la fourniture de conseils d'ordre politique et technique, ainsi que la tenue de réunions annuelles entre tous les membres de l’OTAN et chaque pays candidat au niveau du Conseil afin d'évaluer les progrès ;
• une formule de planification de la défense applicable aux pays candidats, prévoyant l'élaboration et l'examen d'objectifs de planification agréés118.
117 Voir «Le Concept Stratégique de l’Alliance», OTAN – Communiqué de Presse NAC-S(99)65, 24 avril
1999, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/pr/1999/p99-065f.htm 118 Voir à ce sujet, «Renforcer la sécurité et étendre la stabilité grâce à l'élargissement de l'OTAN», disponible
en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/enlargement/enlargement_fr.pdf et «L’élargissement de l’OTAN : le Plan d’action pour l’adhésion», Digithèque de l’OTAN, disponible à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/enlargement/html_fr/enlargement04.html
42
Par le MAP, l’OTAN se donne les moyens de réaliser l’élargissement de façon plus
structurée et surtout, «évite» que les pays appelés à joindre l’Alliance ne le fasse sans avoir
complété de façon satisfaisante les réformes exigées pour l’adhésion. Bien sûr, le degré de
satisfaction peut varier en fonction des intérêts politiques de l’OTAN ou de ses membres.
Ainsi, malgré leur soumission aux exigences du MAP, les pays qui ont joint l’Alliance en
2004 (c’est-à-dire la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Roumanie
et la Slovénie) n’avaient pas non plus complété en totalité leurs réformes. Quoi qu'il en soit,
le MAP constitue quand même, d’une certaine façon, une police d’assurance pour l’OTAN,
qui souhaite la poursuite des réformes. En ce qui concerne le cas de la présente étude, ce
sont les critères exigés dans le cadre du MAP qui seront analysés. L’évaluation du degré de
réalisation des réformes en Croatie nous permettra alors de comprendre la concordance
entre la nature de ces réformes et les objectifs poursuivis par l’OTAN en Croatie, et même
dans les Balkans.
3.3.3 La deuxième ronde d’élargissement et ses suites
La première vague d'élargissement de 1999, conduite d'une façon plutôt
expérimentale (du fait justement qu'elle était la première de la période de l'après-guerre
froide), a mené à la mise sur pied de programmes tels que le MAP, afin de réglementer
davantage le processus de candidature. Pourtant, bien que la politique d’élargissement soit
encadrée de façon plus rigoureuse, il demeure impossible de déterminer avec plus de
précision les attentes réelles de l’OTAN en ce qui la concerne. À cet effet, on remarque que
même après le premier élargissement de 1999, la polémique entourant le bien-fondé de
l’élargissement ne s’éteint pas totalement, bien que son application ne soit pas vraiment
remise en cause. Au contraire, le processus semble s’institutionnaliser de plus en plus au fil
des différents sommets de l’Alliance.
Un des premiers réflexes après l’élargissement de 1999 est d’en estimer le coût total
pour l’OTAN et ses membres. On a à ce titre estimé qu’en 1999, l’élargissement a coûté
43
environ 1,5 milliard de dollars US à ses membres, lequel coût sera réparti sur 10 ans119.
Dans le cas de la part américaine, elle s’élève à quelque 400 millions de dollars US
(toujours répartis sur 10 ans)120. Les coûts relativement élevés s’expliquent par la nécessité
des pays nouvellement admis de réaliser l’interopérabilité des forces armées et continuer les
transitions politiques et économiques exigées par l’OTAN. Bien que le prix financier soit
élevé, l’OTAN et les États-Unis y trouvent tout de même leur compte, puisque par
l’admission de nouveaux États, ils fortifient l’architecture sécuritaire de la zone euro-
atlantique. Le débat sur le coût relatif de l’élargissement englobe aussi, à l’inverse, celui
d’un éventuel non-élargissement, lequel ne serait pas que financier. Le Général Joseph W.
Ralston US AF, Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) et
Commandant en chef des forces armées américaines en Europe, explique ainsi les coûts
potentiels d’un non-élargissement :
Nous devons également tenir compte du coût potentiel d'un non élargissement (sic). Les pays candidats ont, de bonne foi, consenti des efforts pour devenir membres de l'Alliance et pris des positions politiques pour appuyer celle-ci lors des récents conflits. Leurs élus ont fait de l'adhésion à l'OTAN un élément important de leur ordre du jour et se sont attachés à renforcer l'appui du public à l'Organisation. Sur le plan militaire, la coopération et le soutien exceptionnels dont nous avons bénéficié en termes de contributions de troupes, d'utilisation de l'infrastructure et de droits de passage risqueraient d'être remis en cause121.
En somme, loin d’être une décision de nature économique ou militaire,
l’élargissement apparaît comme étant une décision de nature politique et sécuritaire. C’est
d’ailleurs dans cette optique qu’il faut envisager la deuxième vague d’adhésions en 2004.
C’est aussi le cas en ce qui concerne l’évaluation des candidatures en cours.
L’émergence d’un nouveau contexte politique et sécuritaire à la suite des
événements de septembre 2001 a exigé un ajustement par rapport à l'orientation stratégique
de l'OTAN. La nouvelle lutte antiterroriste a ainsi changé la donne quant aux priorités de
l'OTAN et de ses membres, ce qui est particulièrement vrai en ce qui a trait à
l'élargissement. Cela concerne aussi les opposants à l’élargissement, nous faisons ici 119 Voir Joseph RALSTON, Comment réussir l'élargissement de l'OTAN, Département d’État américain, mars
2002, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://usinfo.state.gov/journals/itps/0302/ijpf/fralston.htm 120 Ibid. 121 Ibid.
44
référence plus spécifiquement à la Russie. En effet, même si la Russie a émis des objections
lors de la dernière ronde d’élargissement de l’OTAN, aucune mesure n’a concrètement été
prise par Moscou afin de faire avorter le projet, même en ce qui concerne l’enjeu représenté
par les États baltes122. La légitimation idéologique et la nouvelle crédibilité donnée par les
États-Unis à un interventionnisme armé dans le cadre de la lutte antiterroriste ont revêtu un
caractère primordial pour la Russie, dans le sens où cela lui a permis de se sortir de son
enlisement international par rapport à la guerre en Tchétchénie. Dans ce contexte, la
nouvelle collaboration américano-russe dans la lutte contre le terrorisme semble donc avoir
fait passer la question de l’élargissement au second plan123. Ainsi, le 29 mars 2004, au
Sommet de Prague, l’OTAN a officiellement admis sept nouveaux membres, sans trop de
frictions avec la Russie. Après avoir complété deux élargissements depuis la fin de la
guerre froide, on constate que le «facteur russe» représente un risque beaucoup moins grand
pour l’Alliance atlantique. Bien que l’OTAN tente toujours de juger du degré d’irritabilité
que pourrait provoquer un autre élargissement pour la fédération russe, le changement de
contexte sécuritaire après le 11 septembre 2001 fait en sorte que l’élargissement en soi n’est
plus menacé par la peur de la réaction de la Russie. En fait, lors d’un éventuel
élargissement à la Croatie, l’influence russe pourrait se faire valoir par la négociation de
certains critères d’adhésion relevant par exemple du stationnement de troupes, de
l’instauration de bases militaires, d’armes, etc. Comme chacune des adhésions se fait au cas
par cas, les négociations menant au statut de membre peuvent être soumises à diverses
influences, dont celle de la Russie.
Dans un autre ordre d’idées, Nicole Gnesotto souligne que dans le cas où «[...]la
lutte anti-terroriste (sic) présuppose des actions militaires de prévention ou de coercition,
les considérations géographiques redeviennent importantes»124. L’élargissement
comporterait en ce sens des avantages géographiques non négligeables, tels que des bases,
122 Laurent Zecchini du journal Le Monde a souligné, à juste titre, que malgré son irritation face aux
élargissements combinés de l’UE et de l’OTAN, la Russie se doit tout de même de conserver de bonnes relations avec les deux organisations puisque cela lui sert de prétexte à des négociations avec elles. Voir Laurent ZECCHINI, «La seconde vie de l'OTAN», Le Monde, 22 avril 2004, p.14.
123 Voir à ce sujet Gilbert ACHCAR, «L'OTAN à la conquête de l'Est», Le monde diplomatique, janvier 2003, p.18, aussi disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.monde-diplomatique.fr/2003/01/ACHCAR/9855
124 Nicole GNESOTTO, préface, dans William HOPKINSON, op. cit., p. viii.
45
des espaces aériens et des territoires plus étroitement reliés entre eux. Cela étant dit, les
pactes de partenariat que l’OTAN a signés avec de nombreux États (par exemple le PpP) lui
procurent déjà la plupart de ces avantages125. En ce qui a trait aux États-Unis, les nouvelles
adhésions leur procurent de nouveaux alliés au sein de l’organisation pour mener à bien
leurs missions, favorisant une sorte de clientélisme à leur égard. Dans cette optique, l’autre
partie de la thèse de Gnesotto, selon laquelle «l’utilisation de l’OTAN dans la nouvelle
configuration anti-terroriste (sic) semble confirmer cette volonté américaine de combiner le
soutien politique maximal des allés avec la liberté d’action maximale de l’Amérique» nous
paraît judicieuse. Cela expliquerait d’ailleurs le changement d’attitude du président
américain George Bush, se prononçant soudain en juin 2001 pour un vaste élargissement. À
ce sujet, Sean Kay (ancien conseiller au Département d’État américain) soutient que, de ce
fait, «Washington manifestait une baisse d’intérêt pour l’utilité militaire de l’OTAN»126. Il
apparaît désormais clair que l’élargissement ne revêt plus seulement un caractère militaire,
mais aussi et surtout, politique et sécuritaire.
3.3.4 Conclusion sur la perspective de l’élargissement pour les Balkans
Au travers ses multiples interventions dans les Balkans et par les plans de
partenariats qu’elle a su développer, l’OTAN a somme toute réussi le pari de son adaptation
à la nouvelle réalité politico-militaire de l’après-guerre froide. Or, même si par ses
nouvelles missions l’Alliance atlantique a su conserver sa raison d’être, il n’en demeure pas
moins que la nature de sa stratégie reste difficile à cerner. En fait, «[...]l’OTAN n’a pas de
politique propre : elle est le reflet des décisions prises par ses États membres»127. Les
fonctions et les objectifs de l’OTAN sont donc multiples et ne sont pas tous officialisés.
Aussi, dans l’optique où les États-Unis occupent une place prépondérante à l’OTAN, et que
125 Alors que certains diplomates de l’OTAN nous ont souligné l’intérêt de ces considérations géopolitiques,
d’autres plutôt ont souligné leur caractère dépassé, rappelant que ce type de considérations importait davantage lors de la guerre froide.
126 Sean KAY, «Growing Pains: the Debate on the Next Round of Nato Enlargement», Center for Defense Information, 2002, 126 pages, tel que cite par Sylvaine PASQUIER, «Les défis de l’élargissement», L’express, 21 novembre 2002, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/otan/dossier.asp?ida=364497
127 William HOPKINSON, op. cit., p.46.
46
les objectifs de leur politique étrangère diffèrent de ceux de certains de leurs alliés, il arrive
souvent qu’il y ait une non-concordance en ce qui a trait aux priorités de l’OTAN.
Dans le chapitre suivant, nous entamerons d’abord une réflexion sur la
conditionnalité en tant que concept du droit international. Cette théorisation nous portera à
définir ses applications actuelles au sein de la société internationale et plus spécifiquement,
à analyser l’utilisation dont en fait l’OTAN dans le cadre de sa politique d’élargissement.
Nous analyserons ensuite les conditionnalités politiques et militaires imposées à la Croatie
pour son adhésion. Considérant que l’établissement d’une démocratie viable représente
l’exigence principale de l’OTAN en matière de conditionnalité politique, nous dresserons le
bilan de la démocratisation de la Croatie à la suite du changement de pouvoir en 2000, puis
en 2003. Aussi, en tenant compte du fait que l’État de droit est un élément fondamental
d’un État démocratiquement stable et que son institution est en soi une exigence de
l’OTAN pour l’adhésion, nous évaluerons son efficience. De cette étape, où nous serons
également parvenue à mettre en contexte le cadre dans lequel les principales réformes
politiques ont vu le jour et ont évolué, nous raffinerons notre analyse de la démocratisation
de l’État en étudiant les exigences ayant trait à l’amélioration du traitement des minorités et
du retour des réfugiés ainsi que celles à propos de la réforme du système judiciaire et de la
collaboration avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). En ce qui
concerne les conditionnalités militaires, nous nous attarderons à analyser les exigences liées
à la démocratisation de l’armée et du secteur de la défense ainsi que les réformes
nécessaires à la transition des activités de défense à celles de sécurité. Selon chacun des
types de conditionnalités exigées, l’analyse portera sur le degré de réalisation des réformes.
En fin de compte, nous pourrons évaluer la représentativité de ces critères quant à la
transformation de la nature de l’Alliance, et plus spécialement, tenter de déterminer leur
rapport à la stratégie envisagée par l’OTAN pour la Croatie.
47
CHAPITRE DEUX : Les conditionnalités à l’adhésion et le processus de réforme en Croatie
I. Réflexion sur l’utilisation de la conditionnalité par les organisations internationales et par l’OTAN
1.1 La conditionnalité en tant que concept du droit international
Dans le domaine des relations internationales, la conditionnalité est un concept
relativement nouveau. Cette notion réfère habituellement «[...] à l’idée de soumettre un
droit ou un avantage au respect d’un certain nombre de critères, d’engagements ou de
pratiques»128. Lorsque de surcroît, on dit qu’elle est politique, on considère généralement
qu’elle doit répondre aux impératifs suivants : «[...] le respect de la démocratie, de l’État de
droit, des droits de l’homme [...]»129. Or, la professeure Catherine Schneider, dont plusieurs
études et allocutions ont porté sur le concept de la conditionnalité et son rapport à
l’élargissement de l’Union européenne, fait valoir qu’il serait quelque peu réducteur de
limiter la définition de la conditionnalité politique à ce «triptyque» établi par le Conseil de
l’Europe, puisque d’autres exigences plus spécifiques doivent souvent être prises en
compte. À cet égard, elle cite le respect des minorités et la bonne gouvernance130. En outre,
la conditionnalité n’est pas que politique, mais peut aussi être économique, militaire, etc.
Elle revêt donc plusieurs formes. Entre autres, on distingue la conditionnalité dite négative
(ou brutale), de la conditionnalité positive (ou constructive)131, qui se différencient par leur
128 Catherine SCHNEIDER, «L’Union Européenne et la Conditionnalité politique», Communication au forum
de Nijni Novgorod consacré à la contribution du droit international et du droit européen à la définition et à la défense de la démocratie, de l’État de droit et du respect des droits de l’homme, Nijni Novgorod, juillet 2004, p. 1, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://web.upmf-grenoble.fr/espace-europe/cesice/chercheurs/schneider/textes/conditionnalite_politique_Nijni_Novgorod.pdf
129 Ibid. 130 Idem, «Réflexion sur le rôle de la conditionnalité politique dans l’affirmation de l’Union européenne
comme acteur global dans le nouvel ordre mondial», Intervention du professeur C. Schneider, Académie européenne d’été des PEJM de Grenoble et Rennes, 2005, p.1, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://web.upmf-grenoble.fr/espace-europe/academie2005/DOCACETE2005/interventionschneider05.doc
131 Catherine SCHNEIDER et Edwige TUCNY, «Réflexions sur la conditionnalité politique appliquée à l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale», PEJM de Grenoble, Grenoble, 16 janvier 2002, p.2, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://web.upmf-grenoble.fr/espace-europe/cesice/chercheurs/schneider/textes/condschneiderettucny.doc
48
mode de fonctionnement. Ainsi, la conditionnalité négative prévoit des sanctions ou encore
la suspension des accords en cas de non-conformité avec les critères exigés par
l’organisation à un État tiers. La conditionnalité positive, quant à elle, répond plus à une
«logique de coopération»132 (ou d’accompagnement), voire à une forme de tutelle.
La conditionnalité politique en tant qu’instrument du droit international a pendant
longtemps été inutilisée, notamment à cause de l’interprétation que l’on faisait alors de la
Charte des Nations Unies et de son article 2-7133. En effet, selon cet article : «Aucune
disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires
qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à
soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente
Charte [...]»134. Ainsi, dans la logique de la guerre froide, l’imposition de conditionnalités
politiques menant à l’adoption d’un régime politique déterminé ne pouvait être envisagée
par le droit international. Le droit européen, quant à lui, a reconnu plus tôt ce principe, alors
que le Conseil européen a décidé d’exiger pour l’adhésion des membres le respect du
«triptyque» démocratie, État de droit et droits de l’homme, de même que celui de la
Convention Européenne des droits de l’homme135. Aujourd’hui, la conditionnalité politique
est l’instrument de prédilection de plusieurs organisations internationales et de bailleurs
d’aide internationale, comme la Banque mondiale et le FMI. Elle est aussi de plus en plus
utilisée dans le processus d’élargissement des organisations internationales, dont l’Union
européenne et l’OTAN.
Lorsque l’on tente une évaluation de l’efficacité de la conditionnalité en droit
international, d’une part on constate que peu importe celle qui est utilisée, son emploi mène
souvent à de «fortes iniquités»136 ou, à tout le moins, à une profonde asymétrie entre
132 Catherine SCHNEIDER, «Réflexion sur le rôle de la conditionnalité politique dans l’affirmation de
l’Union européenne comme acteur global dans le nouvel ordre mondial», loc.cit., p.2. 133 En ce qui concerne l’historique du concept de la conditionnalité en droit international et en droit européen,
voir idem, «L’Union Européenne et la Conditionnalité politique», loc.cit, p.2. 134 «Charte des Nations Unies», chapitre 1 art.2.7, disponible en ligne à l’adresse suivante :
http://www.un.org/french/aboutun/charte1.htm 135 Catherine SCHNEIDER, «L’Union Européenne et la Conditionnalité politique», loc.cit., p. 2. 136 «Coopération internationale et droits de l’Homme : rapport du groupe de travail présidé par Mme
Catherine Lalumière», Haut Conseil de la coopération internationale, République française, 10 juillet
49
l’organisation qui l’emploie et l’État qui la subit. Cela est d’autant plus vrai lorsque l’État
en cause est politiquement ou économiquement faible. Alors, les critères exigés seront
beaucoup plus sévères. D’autre part, lorsqu’il s’agit de conditionnalités politiques,
l’imprécision des critères s’y attachant contribue souvent au non-respect de ceux-ci137.
L’évaluation de la conformité des États en vertu des critères politiques imposés est
d’ailleurs très subjective et difficile à juger. Malgré ces quelques réserves que nous croyons
justifiable de soulever quant à l’efficacité de la conditionnalité, elle demeure tout de même
un instrument très utile pour les organisations internationales souhaitant imposer leurs
normes et leurs valeurs.
1.2 L’application concrète de la conditionnalité politique et militaire à la politique d’élargissement de l’OTAN
Les conditionnalités exigées par l’OTAN aux pays candidats visent la mise en place
de réformes tant au niveau politique que militaire. À travers les divers plans comme le PpP,
le MAP, IPP, etc., l’OTAN fournit aux candidats un cadre approprié pour l’atteinte des
objectifs fixés en vue d’une éventuelle adhésion. La plupart de ces exigences sont
nécessaires, et prévisibles, puisqu’elles mènent à la conservation d’une communauté de
valeurs ainsi qu’à l’interopérabilité des forces armées avec celles des membres. Sans
l’atteinte de ces exigences, la coopération entre les États serait impossible. Ceux-ci ne
pourraient donc pas participer efficacement à la défense collective par leurs contributions
aux opérations et aux missions de maintien de la paix. Ces conditionnalités sont aussi le
reflet de la transformation de l’Alliance et surtout, de sa nouvelle conception de la sécurité.
Considérant que les menaces à la sécurité ne sont pas que militaires, mais aussi politiques,
la sécurité reposerait d’abord et avant tout sur des États démocratiques et stables
économiquement, politiquement et militairement. L’atteinte des exigences fixées par
l’OTAN est donc essentielle pour joindre ses rangs.
2001, p.4, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.hcci.gouv.fr/travail/rapports_avis/upload/rapdtshomme.pdf
137 Ibid.
50
Du fait simplement que l’OTAN détient le dernier mot lorsque vient le moment
d’inviter un État à joindre ou non ses rangs, ces critères font foi de loi. Instaurés par elle, le
niveau de réalisation de ceux-ci dépend tout autant de son interprétation. D’une façon qui
est caractéristique de la plupart des organisations internationales, il existe aussi une
asymétrie et une hiérarchie qui prévaut entre l’OTAN et ses candidats à l’adhésion. C’est
ainsi que l’organisation pourrait, si elle le désirait, fermer la porte à un membre ayant
réalisé les réformes exigées et en exiger d’autres, ou même décider pour des raisons
politiques de l’adhésion d’un membre dont la réalisation des réformes est inférieure à ce qui
avait été planifié (comme cela s’est déjà vu lors de l’élargissement de 1999). Dans cet ordre
d’idées, il s’avère donc que même si les conditionnalités politiques et militaires fournissent
un cadre théorique à l’intérieur duquel les États doivent se soumettre en vue de l’adhésion,
la décision définitive n’en demeure pas moins de nature politique et sujette aux intérêts
stratégiques des États membres. Or, au fur et à mesure que l’OTAN s’adapte à la nouvelle
réalité sécuritaire, elle perfectionne aussi sa politique d’élargissement.
L’institutionnalisation des conditionnalités mène donc à l’instauration d’un processus de
candidature plus strict. Même si l’OTAN conserve tout de même le dernier mot lorsque
vient le temps d’inviter ou non un État à se joindre au Traité, l’achèvement des réformes
suppose normalement l’adhésion du candidat. Rappelons tout de même qu’à cette étape,
l’OTAN a déjà affiché son intérêt face à la candidature de l’État en question, notamment en
permettant un partenariat accru au sein du MAP.
Même si la conditionnalité n’a pas été conçue de prime abord pour la politique
d’élargissement de l’OTAN, elle est devenue au fil des ans un instrument de choix. Dans
son étude intitulée «Security Institutions as Agent of Socialization? NATO and the "New
Europе"»138, Alexandra Gheciu argue entre autres que la conditionnalité politique a permis
la «socialisation» par l’OTAN des partenaires et des candidats à l’adhésion. On peut définir
la «socialisation» comme étant : «[...] a process of inducting actors into the norms and rules
of a given community»139. Ainsi, en imposant des conditions telles que la démocratie, l’État
de droit, le respect des droits de la personne, l’économie de marché, etc., l’OTAN a exigé
138 Alexandra GHECIU, «Security Institutions as Agent of Socialization? NATO and the "New Europе"»,
International Organization, vol. 59 (édition spéciale), automne 2005, pp.973-1012. 139 Ibid., p.976.
51
de ses partenaires qu’ils se conforment à ses valeurs et à sa vision du monde. L’émergence
d’un cadre normatif commun a donc permis la «socialisation» des candidats à l’adhésion140.
Dans cette perspective, l’OTAN aurait été un excellent promoteur des normes de la
démocratie libérale dans le domaine de la sécurité en Europe centrale et orientale141.
Dans l’optique de l’élargissement, l’OTAN tend à utiliser la conditionnalité dite
positive. L’Alliance suit donc une logique d’accompagnement qui lui permet, au travers les
nombreux forums consultatifs, les séminaires, les centres d’entraînement, etc., d’inculquer
aux candidats sa vision de la sécurité. L’OTAN se place donc en position de tuteur afin de
former les décideurs des États partenaires selon les normes prescrites par l’organisation.
À chacune des étapes que la Croatie a franchies en vue de l’adhésion à l’OTAN, elle
s’est vue imposer plusieurs conditionnalités politiques, dont certaines, comme la
collaboration avec le TPIY (et plus spécialement l’arrêt du général Gotovina), le traitement
des minorités, la réforme du système de la justice, lui étaient particulières. Les autres
concernaient avant tout la démocratisation de l’État et l’institution de l’État de droit. Au
niveau économique, l’OTAN a exigé de la Croatie qu’elle possède une économie de marché
viable. À ce propos, l’évaluation du respect de la conditionnalité peut se calquer sur celle
de l’Union européenne. En effet, l’Union européenne étant beaucoup plus exigeante que
l’OTAN sur ce point, le début des pourparlers avec la Croatie en vue de l’adhésion
constitue une garantie en soi pour l’OTAN; nous ne nous y attarderons donc pas. Au niveau
militaire, l’OTAN a imposé sa vision de la sécurité par l’application de conditionnalités
liées à des concepts tels que la transparence, l’imputabilité, la société civile,
l’interopérabilité, etc.
140 Ibid., p.983. 141 Ibid., p.974.
52
II. Conditionnalités politiques
2.1 Démocratisation de l’État
Dans la perspective d’adhésion à l’OTAN, les exigences ayant trait à la
démocratisation de l’État sont fondamentales, puisqu’il s’agit avant tout de rejoindre une
communauté de valeurs, la communauté transatlantique, dont la démocratie est au centre
des principes fondateurs142. L’objectif final pour les candidats est alors de parvenir à
l’établissement d’un État de droit et d’une démocratie viable. Les moyens d’y parvenir
varient toutefois d’un État à l’autre, de par la distinction entre la nature même de ceux-ci et
de leur histoire. Ainsi, même s’il n’existe pas qu’un modèle de démocratie, celui qui doit
être adopté est déterminé par l’organisation qui fixe les critères : l’OTAN. En ce sens,
même si certaines réformes peuvent paraître suffisantes pour l’État qui les met en
application, elles peuvent être insuffisantes pour l’organisation qui doit les évaluer. Outre
les divergences d’interprétations possibles, la difficulté de juger du niveau d’avancement
des réformes démocratiques est aussi due au fait que le processus s’inscrit souvent dans la
longue durée. Afin de rendre les réformes effectives, de nombreuses lois et mesures sont
adoptées par les États, mais leur application tarde parfois à avoir lieu, c’est-à-dire d’une
façon intégrale, sans ambiguïtés et surtout, irréversible.
142 Le prélude du Traité de l’Atlantique Nord de 1949 stipule que les États sont : «[…]Déterminés à
sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit[...]».Voir, «Le Traité de l’Atlantique Nord», OTAN Documents fondamentaux, Washington DC, 4 avril 1949, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/fonda/traite.htm Il est intéressant de souligner, à l’instar de Stéphane Roussel («L’instant kantien» : La contribution canadienne à la création de la « Communauté nord-atlantique», 1946-1951», Canada and the Early Cold War, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.dfait-maeci.gc.ca/department/history/coldwar_section05-en.asp), le fait que certains penseurs de l’école libérale des relations internationales aient pu discerner, plus particulièrement en l’article II, une propension de l’OTAN à l’idéal kantien de la paix perpétuelle, selon lequel «les démocraties ne se font pas la guerre entre elles» (Projet de paix perpétuelle de Emmanuel Kant (1795)). Aussi, selon les constructivistes cette fois, ce phénomène (de la paix démocratique) pourrait s’expliquer «[...]par l'internationalisation des valeurs et des normes libérales. Les liens privilégiés qu'entretiennent entre eux les États démocratiques se manifesteraient par l'application de normes touchant au règlement pacifique des différends, à la consultation régulière, à la recherche du consensus et à l'égalité des acteurs. En d'autres termes, les dirigeants de ces États appliqueraient, dans leurs relations mutuelles, l'équivalent des normes qui guident leurs actions au niveau interne. Les constructivistes ne se proposent pas seulement d'expliquer l'absence de guerre entre les États démocratiques, mais aussi la dynamique de leurs relations de coopération», voir aussi à cet effet, ibid.
53
2.1.1 La démocratisation de la Croatie et l’institution de l’État de droit à la suite du changement de pouvoir en 2000
Le changement de pouvoir en Croatie, suivi par l’adhésion au PpP le 25 mai 2000, a
mené au début d’un long processus de réformes au sein de l’État et du système de la
défense croate. En effet, lors des élections de janvier 2000, le HDZ, qui monopolisait le
pouvoir depuis l’indépendance en 1991, a subi une défaite écrasante face au SDP (sociaux-
démocrates) de Ivica Racan. Remportant 95 des 151 sièges au Parlement143, Racan est alors
nommé au poste de Premier ministre. Le mécontentement à l’égard de l’ancien parti au
pouvoir était «avant tout d’ordre social», le pays étant plongé en pleine récession
financière, le chômage atteignant presque les 30% de la population et la corruption des
élites politiques étant devenue flagrante144. En outre, l’attitude du HDZ pendant l’ère
Tudjman, caractérisée par son attitude anti-européenne, son refus de collaborer avec le
TPIY, le mauvais traitement infligé aux minorités et le mauvais dossier en matière des
droits de la personne, avait plongé la Croatie dans un isolement diplomatique qui rendait sa
situation nationale et internationale précaire145. Le fait est que si le contexte national et
international pendant la guerre avait favorisé l’homogénéisation de la volonté politique au
sein de la population, ce n’était plus le cas en 2000. La politique menée alors par le HDZ,
qui était la cause de l’isolement international de la Croatie et était indubitablement liée à la
précarité de son économie, ne parvenait plus à la régulation sociale. Le changement de
gouvernement en Croatie en 2000 a marqué ainsi le début d’une collaboration plus active
avec diverses organisations internationales, dont l’OTAN. Le nouveau gouvernement de
Racan a mis alors en branle le processus des réformes exigées entre autres par l’OTAN
dans le cadre du PpP (puis à partir de 2002 dans celui du MAP), mais aussi par plusieurs
autres organisations internationales comme l’UE.
143 Renéo Lukic, op. cit., p. 481, note bibliographique n°31. 144 Un scandale concernant la crise bancaire a éclaté avant les élections et l’a ainsi révélé officiellement au
grand public. Voir à ce sujet, CHÂTELOT, Christophe. «Succession». Ambassade de Croatie en France, 17 janvier 2000, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr/actualites/succession.htm
145 Par exemple, à cause des politiques menées par le HDZ, la Croatie était le seul État de l’ex-Yougoslavie (à part la Serbie) à être exclu des programmes de coopération de Bruxelles, de même que le FMI lui refusait depuis 1999 un prêt de près de 300 millions de dollars, lequel était primordial à son redressement économique. Voir Ibid.
54
L’arrivée au pouvoir de la coalition menée par Ivica Racan et l’élection de Stjepan
Mesic au poste de Président ont considérablement changé la face politique croate, autant
d’un point de vue national qu’international. Au point de vue idéologique, en mettant un
terme à l’application des préceptes sous-tendus par le nationalisme ethnique, tel qu’il avait
été exercé sous le gouvernement précédent, le nouveau gouvernement de coalition est ainsi
parvenu à réaliser des avancées importantes en ce qui a trait à la démocratisation de l’État
et à l’institution de l’État de droit. Au niveau constitutionnel, des modifications à la
Constitution ont été apportées en 2000, faisant passer la Croatie d’un système semi-
présidentiel à une démocratie parlementaire146. Cela a permis entre autres de pallier
certaines carences démocratiques qui étaient dues à la trop grande concentration des
pouvoirs entre les mains du Président, legs du régime précédent. L’objectif principal de ces
amendements a été dans un premier temps de réduire les pouvoirs du Président en
renforçant celui du Parlement et du gouvernement afin de parvenir à un rééquilibrage
adéquat. Néanmoins, la Constitution amendée laisse tout de même un rôle important au
Président, entre autres dans le secteur de la défense où il demeure commandant en chef des
forces armées, avec la responsabilité de la défense et de l’indépendance de l’intégrité
territoriale de l’État147. Dans un deuxième temps, l’abolition de la Chambre haute
(Chambre des régions) a aussi permis l’accélération du processus législatif148.
Au niveau de la politique étrangère, l’amélioration des relations avec la Bosnie-
Herzégovine a contribué à l’intensification du dialogue avec l’OTAN149. Cependant, étant
confronté à d’intenses rivalités au sein de la coalition150, les progrès concernant les
146 La Constitution actuelle de la République de Croatie a été adoptée le 22 décembre 1990. Des modifications
y ont par la suite été appliquées les 15 décembre 1997, 16 novembre 2000 et 2 avril 2001. Le texte officiel est disponible par Internet sur le site de la cour constitutionnelle de la République de Croatie à l’adresse suivante : http://www.usud.hr/default.aspx?Show=ustav_republike_hrvatske&m1=27&m2=50&Lang=en
147 Pour de plus amples informations quant au rôle exercé par le président dans le secteur de la défense, voir Timothy EDMUNDS, «Defense reform in Croatia and in Serbia-Montenegro», The Adelphi Papers, vol.360, issue 1, octobre 2003, p.16. Toutefois, comme les conséquences liées à l’imprécision de la Constitution sur le rôle du président dans ce secteur interfèrent sur la mise en œuvre des réformes, cela sera aussi explicité dans la section du chapitre portant sur les conditionnalités militaires.
148 Voir le Document de travail des services de la commission – Croatie – Stabilisation et association – rapport 2003, Bruxelles, 2003, p. 5, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://europa.eu.int/
149 En ce qui a trait à l’amélioration des relations bilatérales entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine voir, Renéo LUKIC, op. cit., p. 482.
150 Le gouvernement de coalition de Racan a d’ailleurs dû démissionner en juillet et un nouveau a été formé à la fin du même (avec Racan toujours à sa tête).
55
réformes du secteur de la défense et de l’armée, de l’économie et de la justice ont quant à
eux tardé davantage et débuté d’une façon plutôt lente151. Au niveau de la relation entre la
Croatie et le TPIY, la collaboration pendant cette période est restée plutôt nébuleuse, le
gouvernement mené par Racan étant aussi continuellement confronté à l’hostilité des
groupes de vétérans et du HDZ152. Ayant failli à redresser rapidement la situation
économique en Croatie153 et ayant tenté l’application de mesures relativement impopulaires
au sein de la population, le gouvernement s’est retrouvé en mauvaise posture lors du
déclenchement des élections en 2003, d’autant plus qu’il devait s’appuyer sur une coalition
de partis demeurée fragile tout au long de son mandat.
2.1.2 Le renforcement de l’État de droit et la poursuite de la démocratisation depuis la victoire du HDZ aux élections de 2003
Dans une étude publiée en 2002, l’Institute for War and Peace Reporting prévoyait
que le parti qui triompherait lors des élections de 2003 serait celui qui «s’appuiera sur la
déception des gens par rapport aux pauvres résultats économiques du gouvernement»154. Il
suffisait pour le HDZ de Sanader, en plus de contester le présent gouvernement, d’effectuer
un rejet du passé Tudjman en avouant les erreurs commises, de façon à regagner la
confiance de la communauté internationale et surtout, de l’électorat. Sanader a dès lors
entrepris de changer l’image nationaliste du HDZ en une image modérée de parti de centre-
droit pro-européen155.
151 Selon le rapport 2003 de la Commission des communautés européennes : «Le gouvernement semble
incapable de faire avancer de façon décisive des réformes essentielles dans les domaines économique, judiciaire, militaire et de l’administration publique dans la mesure où il est constamment confronté à des querelles internes». Voir Document de travail des services de la commission – Croatie – Stabilisation et association – rapport 2003, op. cit., p. 5, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://europa.eu.int/
152 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 62. 153 Certaines mesures économiques impopulaires imposées par le FMI, par de fortes pressions, ont notamment
fait en sorte que le problème du taux de chômage élevé n’a pas été réglé de même que le bas niveau de production industrielle. Voir à ce sujet Amadeo WATKINS, «PpP Integration: Croatia, Serbia & Montenegro», Conflict Studies research Centre, Camberly, 2004, p.4, coll. «CSRC: Balkans Series, 04/05». Disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.da.mod.uk/CSRC/documents/balkans/04(05)-AW.pdf/file_view
154 Ibid. 155 Ibid.
56
À propos du «renouveau» du HDZ, il est essentiel de rappeler que lorsque Ivo
Sanader a pris la tête du parti en 2000, le HDZ était relativement isolé par rapport aux
autres partis. Cela a été confirmé à nouveau par les élections régionales et municipales de
2001, où il n’a pas non plus eu réellement la possibilité de former des coalitions
majoritaires dans la plupart des régions156. De surcroît, le parti demeurait fragile de
l’intérieur, ayant perdu depuis peu son chef charismatique et étant dévoré par des luttes
intestines. En mai 2002, lors de la convention de Zagreb, il est en effet apparu clairement
que le HDZ était ainsi encore une fois divisé entre les ultranationalistes et les modérés, les
uns voulant préserver l’héritage autocratique de Tudjman, et les autres souhaitant un avenir
plus démocratique et conservateur. De son côté, Ivo Sanader peut être considéré sans
conteste comme un modéré au sein du HDZ. Sa conception du parti est inspirée du modèle
des partis conservateurs européens. Son principal rival était Ivic Pasalic qui, en plus de
tremper dans l’illégalité, voulait revenir aux politiques très contestées de l’ère Tudjman,
dont la révision des Accords de Dayton (cela afin d’intervenir dans les affaires internes de
la Bosnie et de créer une troisième entité croate157). À la veille de la campagne électorale de
2003, Sanader avait réussi à écarter les radicaux du parti, dont Pasalic. D’autres, qui étaient
considérés comme faisant partie de l’aile radicale sous Tudjman, nous pensons notamment
à Vladimir Seks, semblent plutôt s’être rangés parmi les modérés. Malgré tout, même si
Sanader a réussi à écarter ses opposants au sein du parti, certains des modérés demeurent
réticents à ses nouvelles politiques, plus particulièrement celles ayant trait aux minorités
nationales et à la collaboration avec le TPIY.
Tout cela est-il que, lors de sa campagne publicitaire internationale, le HDZ s’est
efforcé de projeter une nouvelle image, soit celle d’un parti dont les idées ont été
renouvelées, mettant plus que possible en valeur les appuis obtenus auprès des partis de
centre-droite européens. Il a aussi affiché une tolérance envers les minorités, laquelle
diffère énormément des discours tenus par Tudjman et ses acolytes, en affirmant que «les
156 «La gauche confirme, la droite résiste», Ambassade de Croatie en France20-05-2001, disponible en ligne
à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr / 157 Voir à cet effet Dominic HIPKINS, «Croatie : le HDZ confiant de son renouveau», IWPR, 08-03-2002,
traduit en langue française par Pierre Dérens et disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.balkans.eu.org/
57
minorités nationales ne constituent pas un obstacle mais une richesse pour la Croatie»158.
Aussi, il a condamné le nationalisme ethnique prôné dans le passé par le HDZ, notamment
dans un document préparé pour la Mission croate aux Nations Unies : «Whereas during the
war emotional and inappropriate language was used in private and public arena so as to
generalize guilt and strengthen feelings of hate and division»159. Au niveau national, la
campagne publicitaire faisait cependant encore appel à l’occasion aux sentiments
nationalistes et traditionalistes de l’électorat160. Par exemple, lors d’un discours à Imotski
durant la campagne électorale, il affirme que le parti de Racan devait être battu «pour les
victimes qui sont tombées durant la Guerre patriotique, pour les 35000 invalides de guerre,
pour les 130 martyrs, les mères veuves, pour tous ceux qui ont été humiliés et pour toutes
les privatisations, pour tous les défenseurs [de la patrie] dont les droits ont été bafoués»161.
Des déclarations de la sorte ont divergé avec l’image réformiste que Sanader tentait de
projeter à propos de son parti.
Cependant, même si durant la campagne électorale de 2003 Sanader a encore, à
l’occasion, fait appel aux sentiments nationalistes de la population, il n’en demeure pas
moins que son programme constitue à lui seul une rupture non négligeable avec celui dont
Tudjman se prévalait et comporte plusieurs éléments favorisant la démocratisation et l’État
de droit. Tout d’abord, au niveau international, il s’est engagé à continuer au cours de son
mandat les efforts en vue de l’intégration prochaine de la Croatie aux institutions
internationales telles que l’Union européenne et l’OTAN et de ne rien faire ayant comme
effet de ralentir le processus d’adhésion. Il s’est, par le fait même, engagé à ce que son parti
ne s’oppose pas aux demandes d’extraditions formulées par le TPIY, ce que le
gouvernement de Racan avait plutôt fait avec mollesse sous son mandat, redoutant d’être la
cible de l’opposition et d’être accusé de trahir les intérêts nationaux. Ensuite, sur le plan
158 «Ivo Sanader a formé son gouvernement», Ambassade de Croatie en France, 23-12-2003, disponible en
ligne à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr / 159 «Program of the Government of the Republic of Croatia on Establishment of Trust, Accelerated Return,
and Normalization of Living Conditions in the War Affected Regions of the Republic of Croatia», Croatian Mission to the United Nations, document disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.un.int/croatia/statement/doc/doc_program.html
160 Voir à ce sujet Anna MCTAGGART, «Croatie: le HDZ, «réformé» veut reprendre du service», IWPR, 20-11-2003, traduit en langue française par Alexandre Billette et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.balkans.eu.org/
161 Ibid.
58
national, Sanader s’est prononcé en faveur du retour des réfugiés serbes de Croatie, par la
mise en application de politiques concrètes pour le favoriser. Il a alors demandé aux Serbes
déplacés «[…] de revenir au pays, assurant qu’ils auraient le droit de réclamer leur
maison»162. Enfin, le HDZ s’est engagé à faire en sorte d’augmenter les échanges avec les
pays voisins, et plus particulièrement avec la Serbie, et de contribuer au redressement de la
situation économique de la Croatie. Le HDZ a finalement été reporté au pouvoir le 23
novembre 2003, remportant 66 des 152 sièges au Sabor (Parlement), contre 64 pour la
majorité sortante, et ce, avec 33,22% des suffrages exprimés (34,91% si l’on tient compte
du vote de la diaspora croate)163. La tendance qui ressort de ces élections législatives est un
glissement au centre des deux principaux partis croates, soit le HDZ et le SDP.
Dès qu’il a pris le pouvoir, Sanader a insisté pour que les énergies soient mises sur
le redressement de l’économie et sur la réforme de l’État. Il s’avère que le HDZ est peut-
être le parti le mieux placé pour effectuer ces réformes. En effet, la légitimité que lui
confère le fait d’avoir été le «parti-père» de l’indépendance lui permet entre autres de
mettre en application certaines politiques difficiles (tant au niveau économique, politique,
culturel et social), qui auraient sans doute valu au SDP d’être accusé de trahir les intérêts de
la nation. Ces accusations ont bien peu d’effet sur le HDZ. D’ailleurs, lorsqu’un journaliste
a interrogé Sanader sur les propos tenus par Ivic Pasalic (maintenant chef du Bloc croate),
qui à propos des mises en accusation des généraux croates à La Haye l’accusait de «haute
trahison», celui-ci a complètement ignoré ses propos et s’est contenté de répliquer à brûle-
pourpoint : «Qui est cet homme?»164. Bien sûr, à l'inverse, le HDZ pourrait aussi être le
mieux placé pour réduire à néant tous les efforts dans le sens de la démocratisation, si
jamais il se décidait à renouer avec son passé nationaliste. Pour l’instant, à l’exception de
quelques petites anicroches, les engagements pris et les actions posées ne vont pas en ce
sens.
162 Drago HEDL, «La Croatie dans la tourmente post-électorale», 09-01-2004, traduit en langue française par
Pierre Dérens et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.balkans.eu.org/ 163 «Victoire de la droite: le HDZ devra composer avec les centristes et les libéraux pour gouverner», 02-12-
2003, document provenant du site Internet de l’Ambassade de Croatie en France, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr /
164 Andrea LATINOVIC, «Croatian PM Sanader Views Government’s Accomplishments, Indictments Front ICTY», Vjesnik, 10-04-2004, traduit par FBIS et disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wnc.dialog.com/
59
En effet, d’après le dernier rapport de la Commission des communautés
européennes, qui évalue les critères politiques ayant trait à la démocratie et à l’État de droit
au même titre que l’OTAN, «la Croatie dispose d’institutions démocratiques stables qui
fonctionnent correctement, respectent les limites de leurs compétences et coopèrent entre
elles. Les élections de 2000 et 2003 ont été libres et équitables. L’opposition joue un rôle
normal dans le fonctionnement des institutions» et «il n’y a pas de problème majeur en ce
qui concerne la garantie d’un État de droit et le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales»165. Malgré plusieurs efforts fournis dans le cadre de la lutte contre la
corruption, le problème n’est cependant toujours pas réglé.
La succession des pouvoirs en Croatie a eu un impact indéniable sur la mise en
application des réformes allant dans le sens de la démocratisation et de l’institution de
l’État de droit. De fait, dans un cas comme celui-ci, où les réformes sont exigées par une
tierce organisation, leur réel essor dépend plus que tout de la volonté politique des
dirigeants en place. À partir du changement de pouvoir en 2000, et cela s’est continué aussi
après les élections de 2003, la Croatie a entrepris des réformes majeures quant à la
démocratisation et l’État de droit. En manifestant son désir de joindre les rangs
d’organisations internationales telles que l’OTAN, elle a en effet dû se mettre au diapason
de leurs exigences. Dans le cas des exigences fixées par l’OTAN, elles sont dans plusieurs
cas subsidiaires à celles de l’Union européenne. Elles n’entrent donc pas en confrontation,
mais se confortent plutôt entre elles. Dans l’optique de l’adhésion à l’OTAN, la mise en
branle des réformes a d’abord permis à la Croatie de joindre le PpP, et puis sa persévérance
l’a ensuite menée à adhérer au MAP. Mais malgré tous les efforts investis par le
gouvernement au pouvoir de 2000 à 2003, les possibilités d’adhésion auraient pu être
considérablement réduites, voire anéanties, si le nouveau gouvernement de Sanader avait
décidé de faire volte-face. Jusqu’à ce jour, tel n’est pas le cas.
165 Ibid., p. 40.
60
2.1.3 La transition du nationalisme ethnique vers le nationalisme civique et son incidence sur le traitement des minorités
Pendant la présidence de Tudjman, de 1990 à sa mort en 1999, il est admis que la
Croatie a été dirigée par un régime autoritaire qui tirait sa justification doctrinale d’un
nationalisme ethnique avoué et appliqué166. Se refusant idéologiquement au pluralisme
politique, le régime ressemblait davantage à une «démocrature» qu’à une démocratie. Il
s’avère que l’idéologie politique du HDZ associait l’État à la nation et la nation au parti, ce
qui excluait donc tous les autres partis politiques qui, dès lors, devenaient des partis contre
la nation. Dans le sens où la notion de «nation» se substituait à celle de l’«État de droit», la
«nation» en venait à justifier à elle seule l’État, alors que celui-ci aurait dû l’être par la
démocratie. Le virage démocratique impliquait donc une transition du nationalisme
ethnique vers le nationalisme civique167, ce qui a été entrepris par le gouvernement
subséquent.
Une phase obligée de cette renonciation à l’ethnonationalisme a donc été de
contrecarrer «le postulat irréaliste qu’il doit y avoir une coïncidence totale entre les
166 En Croatie, l’ethnonationalisme a pris une forme politique avec la fondation du HDZ (Hrvatska
Demokratska Zajednica), de Franjo Tudjman, le 17 juin 1989 et sa prise de pouvoir en avril 1990. Contrairement à l’ère communiste où la question du nationalisme était taboue, c’est sur celle-ci que s’est appuyé le nouveau parti de Tudjman pour fonder sa légitimité (Diane MASSON, L’utilisation de la guerre dans la construction des systèmes politiques en Serbie et en Croatie 1989-1995, Paris, éd. L’Harmattan, 2002, p. 106, coll. «Logiques politiques»). Or, pour que l’ethnicisme soit accepté, la réconciliation à l’intérieur de la nation était nécessaire, c’est-à-dire qu’il fallait passer par une certaine homogénéisation nationale autour de la notion d’ethnicisme (Marina GLAMOCAK, La transition guerrière yougoslave, Paris, éd. L’Harmattan, 2002, p. 236). En ce sens, le modèle privilégié de l’État-nation est devenu celui de l’État ethnique. Cela a été assuré par diverses mesures discriminatoires (notamment envers les Serbes de Croatie, dont la surreprésentation était perçue comme ayant été encouragée par les dirigeants communistes de la Yougoslavie, menés par les Serbes de Belgrade) et institué par la Constitution de décembre 1990, stipulant que la République de la Croatie était «l’État national du peuple croate et l’État de ceux qui appartiennent aux autres nations et minorités tout en étant ses nationaux […]», contrairement à celle de 1974, qui soulignait plutôt que la République de Croatie était «l’État national du peuple croate et l’État du peuple serbe de Croatie» (Paul GARDE, Vie et mort de la Yougoslavie, Paris, éd. Fayard, 2000, p.278).
167 L’opposition entre le nationalisme civique et ethnique réside dans le fait qu’ils s’appuient sur des définitions différentes de la nation et de la citoyenneté. Ainsi, la notion de nationalisme civique renvoie au fait que «la nation se modèle […] sur les limites de l’État préexistant, tout citoyen de l’État est ipso facto membre de la nation […]» (Paul GARDE, tel que cité par Renéo LUKIC, op. cit., p. 25) alors que le nationalisme ethnique vise la création d’un État ethnique où l’ethnie correspond à la nation et la nation à l’État. Dans ce cas, les frontières politiques ne correspondent donc pas nécessairement aux limites de l’État national. Il est par le fait même constitué de minorités nationales (Renéo LUKIC, ibid.).
61
frontières ethniques et politiques»168. Le nouveau gouvernement de Racan a dû prendre des
dispositions afin que les diverses minorités soient reconnues comme «des conationaux de
plein droit»169. Cela signifiait aussi qu’il se devait de contribuer par des mesures concrètes
au retour des réfugiés serbes, à l’annulation des politiques discriminatoires à l’égard des
minorités, ainsi qu’à toute prétention territoriale envers la Bosnie-Herzégovine (soit veiller
au respect des Accords de Dayton de 1995). Dès le début de son mandat, le président Mesic
s’est prononcé pour un rapprochement avec la Bosnie-Herzégovine et a déclaré «nous [la
Croatie] respectons sans ambiguïté aucune, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la
Bosnie-Herzégovine voisine, ce qui sous-tend le financement transparent des institutions
bosno-croates»170. Dans un autre ordre d’idées, il s’est engagé à ce que le retour des
réfugiés serbes soit une priorité pour son gouvernement171. Une Déclaration commune a
donc été signée avec la République serbe de Bosnie en mars 2000172. Le gouvernement de
coalition mené par Racan a aussi mis en œuvre la même année une série de mesures en
faveur du respect des droits des minorités, comme il l’a déclaré dans un article réalisé pour
le compte de la Revue de l’OTAN : «Nous avons par conséquent lancé un processus visant à
amender toute législation discriminatoire sur les principes de l’inviolabilité de la propriété
privée et de l’égalité de tous les citoyens devant la loi»173.
Si l’on tente un bilan des réalisations du gouvernement de coalition mené par Racan
en rapport avec les promesses tenues en ce sens, on perçoit que, malgré une sincère volonté
politique de parvenir à la réalisation intégrale de celles-ci, il a manqué de moyens 168 Pierre KENDE, «Du nationalisme en Europe centrale et orientale», dans : Alain GRESH, dir. À l’Est, les
nationalismes contre la démocratie?, Bruxelles, éd. Complexe, 1993, p. 20, coll. «Interventions». 169 Ibid. 170 Voir à ce sujet Renéo LUKIC, op.cit, p.482. La citation est présente dans ibid., mais a été prise dans son
intégralité dans Stjepan MESIC, «La nouvelle Croatie vers la nouvelle Europe», Le Monde, Paris, 26-27 mars 2000, p. 15. À cet effet, Racan a pour sa part affirmé à l’automne 2000 que «depuis notre arrivée aux affaires, nous avons mis fin aux transferts directs de militaires entre nos forces armées et le Conseil de défense croate, l’élément bosno-croate des forces armées de la Fédération de Bosnie. Nous avons aussi coupé les communications directes et les liens hiérarchiques qui existaient entre les deux institutions militaires. En outre, depuis la signature d’un accord d’aide financière avec la Fédération de Bosnie, au mois de mai, les transferts financiers entre la Croatie et le ministère de la Défense de la fédération sont devenus transparents». Voir à cet effet Ivica RACAN, «À la recherche du temps perdu», Revue de l’OTAN, édition Web, vol. 48, n° 2, été-automne 2000, p. 8-9, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/review/2000/0002-03.htm
171 William BARTLETT, Croatia : Between Europe and the Balkans, London, éd. Routledge, 2003, p.144, coll. « Postcommunist states and nations», vol. 16.
172 Ibid. 173Ivica RACAN, loc.cit.
62
politiques et surtout, de temps pour y parvenir totalement. D’importantes avancées sont
toutefois enregistrées et de nombreuses mesures adoptées entre 2000 et 2003, bien que les
résultats tangibles restent quand même en deçà des exigences des organisations
internationales comme l’OTAN et l’UE, respectivement dans le cadre du PpP (et du MAP à
partir de 2002) et des Accords de Stabilisation et d’association (ASA). Si l’on compare les
conclusions des rapports des diverses organisations internationales qui se sont penchées sur
le cas de la Croatie entre 2000 et 2003174, on ne constate aucun manquement répréhensible
quant à l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, tel que cela avait été promis par
Mesic et corroboré par Racan. Cela est aussi confirmé par le rapport de 2003 de la
Commission des communautés européennes selon lequel : «le gouvernement croate a
continué d’entretenir des relations claires et transparentes avec la Bosnie-Herzégovine,
dans le respect total de sa souveraineté et de son intégrité territoriale»175. Par rapport au
traitement des minorités, Racan a affirmé en 2000 avoir «[...]lancé un processus visant à
amender toute législation discriminatoire sur les principes de l’inviolabilité de la propriété
privée et de l’égalité de tous les citoyens devant la loi»176. Ce processus a effectivement
abouti, non sans remous, à la promulgation le 13 décembre 2002 de la Loi constitutionnelle
sur les droits des minorités nationales (CLNM). Cette loi stipule que «[...]la Croatie rejette
(Art. 2) et interdit (Art. 4) toute forme de discrimination et précise que la protection des
minorités fait partie intégrante de l’ordre démocratique établi en Croatie (Art. 3), ce que
garantissent la Constitution et la Loi constitutionnelle (Art. 4)»177. Cette loi a
174 Pour cette période (et ensuite pour celle qui couvrira le présent mandat du HDZ de Sanader), nous nous
sommes attardée plus longuement à ceux d’Amnesty International (AI), de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation pour la Sécurité et la Collaboration en Europe (OSCE), car concernant cette problématique ils étaient les plus complets et correspondaient mieux à nos exigences quant à l’obtention d’un bilan annuel (conforme au point de vue du contenu et de la méthodologie d’une année à l’autre). On peut consulter les rapports d’Amnesty International par le biais de leur site Internet à l’adresse suivante : http://www.amnesty.org/, ceux de l’Union européenne à cette adresse : http://europa.eu.int/index_fr.htm et ceux de l’OSCE à l’adresse suivante : http://www.osce.org/croatia/. Il est à noter que les rapports d’Amnesty International couvrent l’année précédant sa parution, par exemple le rapport de 2005 couvre la période de temps s’étalant de janvier à décembre 2004, ce qui n’est pas le cas des deux autres organisations. Ceux de l’OSCE sont produits deux fois l’an, et ceux de l’UE une fois l’an, sauf exception. En ce qui concerne les rapports annuels de la sous-commission de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, ils ne sont disponibles pour la Croatie que lorsque la sous-commission y a effectué une visite, ce qui n’est pas le cas par exemple en 2005, ce qui explique leur omission.
175 Document de travail des services de la commission – Croatie – Stabilisation et association – rapport 2003, p. 13, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://europa.eu.int/index_fr.htm
176 Ivica RACAN, loc.cit. 177 Voir à cet effet «Les minorités nationales en Croatie», Ambassade de Croatie en France, disponible en
ligne à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr/croatie/minorites.htm#4. Par rapport aux difficultés
63
considérablement amélioré la représentativité des minorités dans tous les organes des
l’État. Néanmoins, au terme de leur mandat en 2003, il subsistait toujours de nombreuses
discriminations à l’égard des minorités et beaucoup devait encore être fait pour pallier aux
exigences internationales. Le gouvernement croate a aussi dû mettre beaucoup d’efforts
pour résoudre la question concernant le retour des réfugiés et surtout, celle de la restitution
et de la reconstruction des propriétés. La loi sur la reconstruction passée en 2000 a éliminé
les dernières dispositions juridiques discriminatoires178. Tout au cours de la période 2000-
2003, les progrès sont demeurés lents, notamment à cause de la polémique entraînée au sein
de la population et de l’opposition. À la fin de 2003, beaucoup d’efforts se devaient donc
encore d’être réalisés. Voici, selon le rapport d’Amnesty International, comment la
situation quant au retour des réfugiés apparaît à la fin de 2003 :
Selon le gouvernement, environ 9000 membres de minorités étaient rentrés en Croatie au cours des 11 premiers mois de l’année. Nombre de ces retours ne se sont cependant pas faits dans des conditions de réinstallation durable [...]. Ceux qui cherchaient à rentrer chez eux se heurtaient toujours à de sérieuses difficultés pour récupérer leurs biens, les pouvoirs publics appliquant la législation avec mollesse et sans grande cohérence.
Des dizaines de milliers de réfugiés serbes n’étaient toujours pas en mesure de regagner leur foyer d’avant-guerre. La plupart d’entre eux avaient été dépouillés de leurs droits locatifs à l’issue de procédures judiciaires inéquitables engagées en leur absence. Le gouvernement a promis de mettre à leur disposition des logements sociaux, mais il n’a pas proposé de réparations à ces anciens locataires pour la perte de leurs droits, ce qui ne faisait que renforcer la discrimination dont étaient victimes les Serbes désireux de revenir vivre en Croatie179.
Le parti du SDP de Racan quitte le pouvoir en 2003 en ayant transformé l’image de
la Croatie, lui permettant ainsi de mettre fin à son isolationnisme international. Au point de
rencontrées quant à l’adoption de cette loi, notons que la pression internationale a été déterminante dans à l’adoption d’un compromis. Voir notamment à cet effet ibid. et le Document de travail des services de la commission – Croatie – Stabilisation et association – rapport 2003, p. 10, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://europa.eu.int/index_fr.htm
178 Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, Commission des communautés européennes, Bruxelles, 20 avril 2004, p.29, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://europa.eu.int/index_fr.htm
179Amnesty International, Croatie - rapport 2004, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/report2004/hrv-summary-fra
64
vue de la transition démocratique, la coupure a été radicale par rapport au gouvernement
qui lui précédait. Même si cela ne s’est pas réalisé sans difficultés, en tant que Premier
ministre Ivica Racan est parvenu aussi à poser les balises permettant l’amélioration du
traitement des minorités et du retour des réfugiés. Cependant, à la fin de son mandat, les
réformes n’étaient pas encore à terme et n’avaient pas atteint les exigences fixées par les
organisations internationales.
Le changement de pouvoir en 2003 est entouré d’un vent de scepticisme à l’égard
du HDZ qui sort vainqueur des élections. Dès lors, il convient de se demander si la
transformation du parti est réelle et si l’évolution politico-idéologique a bel et bien eu lieu.
La question de la transition du nationalisme ethnique vers le nationalisme civique se
retrouve ainsi au cœur des préoccupations, puisqu’elle a une grande incidence sur le
traitement des minorités et du retour des réfugiés. En décembre 2003, Sanader a été nommé
par le président Mesic au titre de Premier ministre et a formé son gouvernement. La plupart
des membres sont bien entendu issus du HDZ, exception faite de deux ministères. La
nouveauté dans la composition du gouvernement tient plus au fait que de nombreux postes
d’adjoints ministériels ont été accordés à des représentants des minorités nationales, dont
les Serbes de Croatie, ce qui représente pour le HDZ un premier pas à l’encontre des
mesures appliquées sous Tudjman, visant à purger la fonction publique des représentants
serbes180. Même si cet état de fait est notable, autant d’une façon pragmatique que
symbolique, des efforts doivent encore être consentis afin de parvenir à garantir une
représentation véritablement proportionnelle des minorités, tel que cela est prescrit par la
Loi sur les droits des minorités nationales181. En effet, il appert que les minorités sont
encore sous-représentées au sein des organismes administratifs et judiciaires182.
180 Afin d’être en mesure d’évaluer la transformation du HDZ, nous considérons comme nécessaire d’une part
de vérifier si cela se traduit par une opposition quant à la logique qui prévalait lorsque le parti était au pouvoir pendant l’ère Tudjman, puis d’autre part de déterminer si cela suit la même tangente que celle empruntée par le SDP de Racan.
181 Proposition de décision du conseil relative aux principes, aux priorités et aux conditions figurant dans le partenariat pour l’adhésion avec la Croatie, Bruxelles, 9 novembre 2005, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://europa.eu.int/
182 Cet état de fait est soulevé dans les deux derniers rapports que nous avons de l’UE datant respectivement du 20 avril 2004 et du 9 novembre 2005, soit Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne et Proposition de décision du conseil relative aux principes, aux priorités et aux conditions figurant dans le partenariat pour l’adhésion avec la Croatie, op. cit.
65
En début de mandat, Sanader a effectué plusieurs gestes symboliques pour prouver
sa bonne foi, spécialement en ce qui a trait aux minorités. Sous Tudjman, la plupart des
campagnes concernant les minorités visaient à leur ostracisme ainsi qu’à l’étouffement de
leurs particularismes et de leurs traditions. Sanader, qui a affirmé au début 2004 que «nous
ne percevons pas les minorités comme un problème mais comme une richesse, ce qui veut
dire la pleine égalité et la dignité de tous les citoyens de la Croatie»183 a, à l’opposé, tenté
de mettre en application son affirmation en posant certains gestes concrets184. On sent donc
chez Sanader une réelle volonté d’améliorer le traitement des minorités, dont la plus
importante est composée des Serbes, et de mettre sur pied des politiques efficaces en ce
sens. D’ailleurs, dans plusieurs entretiens qu’il a accordés, il a garanti personnellement sa
volonté et celle de son parti de mettre en application les promesses électorales faites à ce
sujet. Selon un rapport du Conseil national des minorités, des progrès ont été réalisés par
rapport aux droits des minorités, notamment du point de vue législatif185. Le Conseil a mis
l’accent sur plusieurs lois ayant pour but de favoriser l’utilisation des langues nationales,
particulièrement dans le domaine de l’éducation et de la culture, ainsi que sur
183 Slobodanka AST, «Croatie, les premiers signaux controversés du gouvernement Sanader», Vreme, 08-01-
2004, traduit en langue française par Persa Aligrudic et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.balkans.eu.org/
184 C'est en ce sens qu’il a, par exemple, assisté à la fin 2003 à la réception du Noël orthodoxe serbe à Zagreb, souhaitant même à ceux qui y assistaient un «joyeux Noël» à la façon traditionnelle serbe, soit en s’exclamant «Hristos se rodi» («Christ est né»). Aussi, alors que Tudjman s’est efforcé pendant des années de «croaciser» la population italienne d’Istrie en menant une lutte sans merci contre «l’irrédentisme istrien», Sanader est même allé jusqu’à s’adresser dans leur langue lors d’un discours prononcé dans la région istrienne. La confrontation entre l’Istrie et le HDZ, qui prévalait sous Tudjman, a donc plutôt fait place à la conciliation, du moins jusqu’à ce jour. Toujours dans l’optique d’une rupture avec le radicalisme du nationalisme ethnique, Sanader a affiché son rejet de la valorisation du passé oustachi en participant à la célébration du jour du Souvenir pour les victimes de l’holocauste le 26 janvier 2004 et à cette occasion, il s’est même exprimé publiquement en ces mots : «Grâce à Dieu, en Europe et dans le reste du monde les gens sont tout à fait conscients qu’il ne faut pas que de tels crimes puissent jamais se répéter». Voir à cet effet Drago HELD, «Croatie : adieu au folklore oustachi?», IWPR, 04-02-2004, traduit en langue française par Pierre Dérens et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.balkans.eu.org/). Dans la même optique, il a aussi visité le 16 mars 2004 le Monument Jasenovac, commémorant la mémoire des victimes du plus gros camp de concentration des Balkans durant la Deuxième Guerre mondiale. Sous le gouvernement Tudjman, la réhabilitation partielle du régime oustachi d’Ante Pavelic était considérée comme l’expression justifiée du nationalisme croate. Or, de plus en plus, le présent gouvernement parle d’instaurer une loi interdisant la glorification du passé oustachi.
185 Pour tout ce qui a trait aux conclusions de ce rapport voir, «Ethnic Minorities Council Notes Progress in Croatia’s Treatment of Minorities», Hina, 20-02-2004, traduit par FBIS et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://wnc.dialog.com/
66
l’augmentation du budget alloué aux minorités186. Néanmoins, des cas de discriminations
graves continuent d’être enregistrés. Selon un rapport d’Amnesty International, datant du 4
août 2005, «Les Serbes de Croatie sont toujours victimes de discrimination pour ce qui est
de l’accès à l’emploi et de la reconnaissance d’autres droits sociaux et économiques; des
affaires de harcèlement et de violence à l’égard de Serbes de Croatie continuent d’être
signalées»187. Le rapport de 2006 de Human Rights Watch conclut même à une
recrudescence soudaine des violences à l’égard des Serbes de Croatie au cours de l’année
2005188. Les incidents violents à caractère ethnique auraient d’ailleurs été plus fréquents
que ce qui avait été enregistré au cours des dernières années189.
Dans un autre ordre d’idées, le gouvernement de Sanader a aussi signé un accord
avec les représentants de la communauté serbe de Croatie par rapport au retour des
réfugiés. Cet accord stipule que tous les réfugiés qui désirent revenir en Croatie et habiter à
nouveau leur demeure le peuvent et surtout, que leurs droits de propriété seront respectés,
car ils sont garantis par la Constitution190. Cependant, un problème majeur et «humanitaire»
persiste puisque ces maisons ou appartements sont dorénavant habités par d’autres
personnes et qu’on ne peut bien entendu les jeter tout bonnement à la rue. Le processus de
reconstruction et de restitution des propriétés n’est pas encore tout à fait clos, mais comme
cela figure parmi les priorités fixées à court terme pour la Croatie, d’après les conclusions
de la Proposition de décision du conseil relative aux principes, aux priorités et aux
conditions figurant dans le partenariat pour l’adhésion avec la Croatie de l’UE, qui date
de novembre 2005, nous sommes à même de supposer que le processus tire à sa fin191.
186 Par rapport à 2003, le budget alloué aux minorités a en effet augmenté de 10%, passant à près de 24
millions de kunas (à titre indicatif, 1 CAD équivaut à ce jour à un peu plus de 5 HVK), ibid. 187 «Croatie - Opération tempête: justice n'a toujours pas été rendue dix ans après», Amnesty International, 4
août 2005, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/Index/FRAEUR640022005?open&of=FRA-332
188 Human Rights Watch – rapport 2006, p. 348, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.hrw.org/wr2k6/wr2006.pdf
189 Ibid., p. 347. 190 Interview de Daniel BUKUMIROVIC auprès d’Ivo Sanader, «Croatia’s Sanader Wants Ethnic Serb
Refugees to Reclaim Property», Radio B92, 02-03-2004, traduit par FBIS et disponible par écrit à l’adresse suivante : http://wnc.dialog.com/
191 Dans son rapport de 2004, l’UE souligne : «il ne semble qu’aucun retard important n’ait été pris dans la mise en œuvre du programme de reconstruction des 16 000 maisons restantes et que celui-ci devrait être achevé d’ici la fin de 2005, ce qui faciliterait le retour d’environ 48 000 personnes». Voir à ce sujet, Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, op. cit., p. 30.
67
Cette donnée a été corroborée en octobre 2006 par la ministre des Affaires étrangères et de
l’Intégration européenne Mme Kolinda Grabar-Kitarovic, selon laquelle le processus serait
dans sa phase terminale. En effet, des quelques 20 000 maisons ayant été occupées,
seulement 18 ne seraient toujours pas libres192. Ainsi, avec l’achèvement de ces mesures, le
retour des réfugiés devrait aussi être facilité.
2.1.4 La réforme du système de la justice
Dans l’optique de l’instauration de l’État de droit, la réforme du système judiciaire
apparaît comme étant une autre étape nécessaire du processus de réforme, entrepris en
Croatie pour son adhésion aux organisations internationales telles que l’OTAN et l’Union
européenne. À cet effet, la Croatie a adopté en novembre 2002 un document sur la
«réforme du système judiciaire» ainsi qu’en juillet 2003, un plan opérationnel193. Malgré
une augmentation en 2003 du budget de l’État visant l’application de la réforme de la
justice, les progrès sont restés bien marginaux194. Dans son rapport de 2003, l’Union
européenne a noté : «Le fonctionnement de l’appareil judiciaire reste un problème sérieux»
et «Les retards accumulés dans certaines branches de l’appareil judiciaire minent l’État de
droit»195. Il a donc été primordial pour le gouvernement de Sanader, alors qu’il a pris le
pouvoir, d’effectuer des réformes significatives au niveau du système judiciaire, tel que
cela avait été promis lors de la campagne électorale. Le système judiciaire considéré
comme étant «complètement inadapté aux standards européens», il s’est engagé à effectuer
plusieurs réformes structurelles, à réviser la loi sur l’exécution des décisions judiciaires et à
192 «Address by H.E. Mrs. Kolinda Grabar-Kitarovic, Minister of Foreign Affairs and European Integration of
the Republic of Croatia», Session plénière - Assemblée parlementaire de l’OTAN, Québec (Canada), 17 novembre 2006. La transcription est disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.nato-pa.int/default.asp?SHORTCUT=1073
193 Brièvement, la stratégie de la réforme structurelle consistait à : «[...]la mise en place d'un système de formation professionnelle, l'allégement de la charge de travail des tribunaux et la simplification des procédures en justice [...] l'adoption de nouvelles lois, l'achat d'équipement et le pourvoi des postes vacants dans le secteur judiciaire [...]». Voir à ce sujet Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, op. cit., p. 19.
194 Document de travail des services de la commission – Croatie – Stabilisation et association – rapport 2003, op. cit., p. 6.
195 Ibid..
68
revoir le Code pénal196. Dans cet ordre d’idées, le Parlement a adopté en janvier 2004 des
modifications à la loi sur les tribunaux, mais comme l’observe l’Union européenne dans
son rapport de 2004 : «la mise en œuvre de toutes ces mesures exigera des efforts
substantiels de la part des autorités croates»197.
En outre, selon la Mission de l’OSCE en Croatie, des obstacles majeurs au retour
des réfugiés ont trouvé leur origine dans la dysfonction du système judiciaire croate. En
effet, conformément à ce rapport, «la moitié des Serbes arrêtés pour crimes de guerre en
2002 était des réfugiés récemment rentrés au pays», une tendance qui s’est poursuivie au
moins jusqu’au début de l’année 2003198. Il se trouve par ailleurs que ceux-ci semblent
«être désavantagés à tous les niveaux de la procédure judiciaire en comparaison aux
Croates»199. À cet égard, beaucoup de procès injustes ont été répertoriés. Par cela, nous
entendons, par exemple, des procès ayant lieu dans un milieu hostile, une protection des
témoins déficiente, des verdicts discriminatoires, etc. Il y a aussi lieu de noter que la
discrimination s’est poursuivie à l’endroit des minorités, lesquelles sont accusées en un
beaucoup plus grand nombre que les Croates (dont les militaires et policiers), ce qui a créé
un obstacle au retour des réfugiés. Dans son rapport de juin 2005, la mission de l’OSCE en
Croatie a d’ailleurs souligné à ce propos que de nombreux cas de procès injustes ont été
soumis à la Cour européenne des droits de l’Homme au cours des dernières années200. Elle
recommande donc à la Croatie «de continuer vigoureusement les efforts pour réformer le
système judiciaire et administratif [...]» afin que la situation se résolve201. Cette volonté
marquée de poursuivre les réformes judiciaires a de surcroît été réitérée par Jaap de Hoop
Scheffer en avril 2006, rappelant qu’il s’agissait là d’un important secteur de réforme pour
l’OTAN202. Dans le cadre de son cinquième cycle à l’intérieur du MAP, la Croatie portera
196 Hugues BEAUDOUIN, «La Croatie courtise l’UE», Eupolitix, 14-01-2004, disponible en ligne à l’adresse
suivante : http://www.eupolitix.com/fr/ 197 Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, op. cit., p. 19-20. Voir aussi ce
rapport pour le détail de toutes les lacunes structurelles du système judiciaire croate. 198 Background Report: Domestic War Crime Trials 2002, OSCE, 1er mars 2004, disponible en ligne à
l’adresse suivante : http://www.osce.org/documents/mc/2004/03/2185_en.pdf 199 Ibid. 200 Background Report: ECHR Cases Involving Croatia as of August 2005, OSCE, 12 août 2005, disponible
en ligne à l’adresse suivante: http://www.osce.org/documents/mc/2005/08/16068_en.pdf 201 Ibid. 202 Bruno LOPANDIC, «Interview Jaap de Hoop Scheffer, NATO Secretary General», Vjesnik, 13 avril 2006,
disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/en/vijesti_main_en.asp?id=115
69
donc une attention particulière à cet enjeu et travaillera notamment sur un programme
national anti-corruption203.
2.2 La collaboration avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)
Il importe de souligner que la condamnation des criminels de guerre est une phase
obligée de la réconciliation nationale et surtout, qu’elle représente une rupture
fondamentale avec l’idéologie du nationalisme ethnique. Elle est, de ce fait, une étape clé
du processus de la démocratisation de l’État en Croatie. Étant donné qu’elle est considérée
comme étant un facteur essentiel de la stabilité à long terme dans la région, la pleine et
entière collaboration avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)
revêt une importance significative pour les organisations internationales telles que l’OTAN.
Il s’agit donc d’une conditionnalité exigée en vue de l’adhésion.
2.2.1 La coopération du gouvernement de Racan avec le TPIY (2000-2003)
Le changement de pouvoir en 2000 a été marqué par une amélioration de la
collaboration entretenue par la Croatie avec le TPIY. Le rapport du 7 août 2000 émis par le
Tribunal mentionne à cet effet que «[...]les relations avec ce pays ont montré de très nets
signes d’amélioration»204. Dans cet ordre d’idées, un Accord de siège entre la Croatie et
l’antenne du Bureau du Procureur à Zagreb a été conclu et le gouvernement a reconnu la
compétence du TPIY pour juger les crimes commis par les forces armées croates en
Croatie, entre autres pendant les opérations «Éclair» et «Tempête»205. Techniquement,
entre 2000 et 2003, les progrès concernaient avant tout l’accès aux archives et aux témoins
ainsi que la réalisation de quelques projets d’exhumations. Cependant, comme l’a relevé la
Procureure en 2002 : «[...]des problèmes subsistent pour obtenir certains documents ou
203 «Address by H.E. Mrs. Kolinda Grabar-Kitarovic, Minister of Foreign Affairs and European Integration of
the Republic of Croatia», op. cit. 204 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, rapport 2000, A/56/352-S/2001/865, 7 août 2000,
p.32, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/rappannu-f/2000/AR00f.pdf 205 Ibid.
70
joindre des témoins particuliers»206 et en 2003 : «[...] des problèmes subsistent pour obtenir
un accès rapide à certains documents pour les besoins des enquêtes en cours»207. En fait,
même si la coopération avec le TPIY a été meilleure pendant le mandat du gouvernement
de coalition mené par Racan que lors de celui de Tudjman, celle-ci est tout de même
demeurée lente et sujette à de nombreux obstacles. Malgré sa volonté de coopérer de
manière plus efficace avec le Tribunal, le gouvernement de coalition s’est heurté à
l’hostilité des groupes de vétérans208 et du HDZ. Cela explique en partie le fait qu’aucun
accusé croate n’ait été transféré au TPIY par le gouvernement croate en 2001 et 2002209. En
fait, Rahim Ademi, accusé le 8 juin 2001, s’est livré de lui-même au Tribunal en juillet
2001, le général Ante Gotovina, accusé le 21 mai 2001, s’est enfui (les autorités croates ont
d’ailleurs été largement pointées du doigt à ce sujet) et, enfin, le général Janko Bobetko,
accusé le 17 septembre 2002, est décédé en avril 2003. Ce dernier cas illustre parfaitement
l’imbroglio politique dans lequel était pris le SDP de Racan dans sa collaboration avec le
TPIY.
Le 23 septembre 2002, le TPIY a fait parvenir au gouvernement croate un mandat
d’arrêt contre le général Bobetko, lui ordonnant de rechercher, d’arrêter et de transférer
ledit accusé210. Afin d’en annuler l’exécution, le gouvernement croate a argué un
manquement aux formalités procédurales de la part du Tribunal211. En fait, le principal
litige concernait la responsabilité de commandement, à laquelle on a imputé la faute au
général, qui a par ailleurs été aussi accusé sur une base individuelle. Plus précisément, 206 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, rapport 2002, A/57/379-S/2002/985, 4 septembre
2002, p.43, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/rappannu-f/2002/AR2002-f.pdf 207 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, rapport 2003, A58/297-S/2003/829, 20 août 2003,
p.59, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/rappannu-f/2003/AR03-f.pdf. Il est à considérer par contre que «l’accès aux divers témoins et archives s’améliore».
208 Il est à noter que les groupes (ou associations) de vétérans jouissent d’une grande influence au sein de l’armée et de la société en Croatie, et ce, en raison du rôle qu’ils ont joué pendant la guerre.
209 Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, op. cit., p. 32. 210 On peut consulter l’acte d’accusation du TPIY contre Janko Bobetko à l’adresse suivante :
http://www.un.org/icty/indictment/french/bob-ii020917f.htm 211 Afin de connaître d’une façon exhaustive la nature des échanges entre le TPIY et le gouvernement croate
et les arguments évoqués de part et d’autre, voir à cet effet le document intitulé Décision relative aux requêtes de la République de Croatie contestant la décision portant confirmation de l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt portant ordre de transfèrement, TPIY, 29 novembre 2002, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/bobetko/appeal/decision-f/bob-dec291102f.htm. Aussi, pour un compte rendu de l’affaire Bobetko en date du 10 octobre 2002, voir «Background Report : The ICTY and General Janko Bobetko», OSCE, 6 pages, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.osce.org/documents/mc/2002/10/1978_en.pdf
71
selon ces accusations, Bobetko «[...]being directly responsible for his own acts in planning
and ordering as well as for the acts of his subordinates about which he knew or should have
known and which he failed to prevent or punish»212. Le fondement même de l’opposition
croate par rapport à l’acte d’accusation résidait dans le fait que l’on a remis en cause la
légalité de l’opération militaire à laquelle il a participé (l’opération de la poche de
Medak213) au cours la «guerre patriotique» (Homeland War). L’argumentation du
gouvernement croate se résumait ainsi :
[...] the Government argues that since the facts of the Homeland War, and the Medak Pocket Operation in particular, «[...] are historically and legally commonly known and recognized», the Trial Chamber would be involved in the «unnecessary proving of facts». By confirming the indictment, the judge «[...] implicitly confirmed the argument that the Medak Pocket Operation was planned as an illegal operation to achieve unlawful (criminal) aims. Such an assessment is legally and politically unacceptable to the Republic of Croatia, and contradicts generally known facts and international law»214.
Le débat sur l’acte d’accusation de Bobetko a vite dominé la scène politique croate,
où la signification s’est mutée en une polémique populaire autour de la responsabilité
croate pour les crimes de guerre215. Le refus de transférer le général et la contestation de
son acte d’accusation par le gouvernement croate a permis aux associations de vétérans et
au HDZ de favoriser une homogénéisation des sentiments populaires autour de cette
affaire216. Politiquement, le gouvernement s’est donc retrouvé en mauvaise posture quant à
212 Ibid., p. 1. 213 «Selon l’Acte d’accusation [du TPIY], la poche de Medak s’étendait sur une superficie d’environ cinq
kilomètres de large et six kilomètres de long au sein de la Republika Srpska Krajina auto-proclamée. Avant l’attaque, environ 400 civils serbes y habitaient. Il est également allégué dans l’Acte d’accusation qu’avant et après l’opération militaire croate de la poche de Medak, entre les 9 et 17 septembre 1993, Rahim Ademi et Mirko Norac, agissant seuls et/ou de concert avec d’autres, dont Janko Bobetko, ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes suivants : exécution illégale de civils serbes et de soldats serbes faits prisonniers et/ou blessés dans la poche de Medak ; traitements cruels et inhumains infligés aux civils serbes et aux soldats faits prisonniers et/ou blessés dans la poche de Medak ; destruction de biens privés appartenant à des civils serbes de la poche de Medak [...]». À ces accusations, s’ajoute aussi la destruction de bâtiments, le pillage systématique de biens appartenant à des civils serbes et la terrorisation de la population civile majoritairement serbe. Voir, à cet effet, la fiche d’information sur l’affaire Ademi et Norac (IT-04-78), disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/cases-f/index-f.htm
214 Ibid., p. 3. 215 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 19. 216 Critiquant tout de même la démarche suivie par le TPIY lors de la mise en accusation de Bobetko, le
Président Mesic s’est quant à lui prononcé pour une pleine et entière collaboration de la Croatie avec le TPIY et s’est objecté publiquement, le 25 septembre 2002, à la politisation du dernier acte d’accusation du
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l’issue de cette mésentente avec le TPIY puisque, en cédant aux demandes du Tribunal, il
se voyait considéré comme un «traître à la nation», provoquant la hausse de la popularité
du HDZ, tandis qu’en ne le faisant pas, il perdait sa crédibilité d’un point de vue
international217. La Croatie a finalement obtenu du Tribunal que Bobetko ne soit pas
immédiatement jugé en raison de son âge et de son état de santé218. Il est décédé le 29 avril
2003, sans que son procès ait eu lieu219. En fin de compte, cet épisode, combiné à la fuite
du général Gotovina en 2001220, a largement entaché la crédibilité de la Croatie auprès des
organisations internationales et a miné pour un temps sa collaboration avec le TPIY221.
2.2.2 La coopération du gouvernement de Sanader avec le TPIY (2003- à aujourd’hui)
Étant donné les mauvaises relations qu’avait entretenu le HDZ avec le TPIY alors
qu’il était au pouvoir et la résistance au sein de ses rangs face à l’ouverture dont tentait de
faire preuve le gouvernement de coalition de Racan, il était justifié de se demander, lors de
sa prise de pouvoir en 2003, quelle relation allait-il maintenant entretenir avec le Tribunal?
TPIY et à la manipulation des faits qui s’en est suivie :« He [Mesic] rejected the politicization in Croatia of the latest ICTY indictment and manipulation of its facts by certain political forces [...]»; «However, the President criticized ICTY authorities for having failed to discuss relevant facts with General Bobetko prior to issuing the indictment. He also alluded to the possible failure of certain Government leaders for inadequately preparing Croatia for the latest ICTY indictment [...]». Voir «Background Report : The ICTY and General Janko Bobetko», op.cit., p. 4. La prise de position de Mesic lui a d’ailleurs valu les foudres de l’opposition, entre autres des associations de vétérans et du HDZ, qui est même allée jusqu’à invoquer la clause d’«impeachment». Voir à ce sujet Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 19.
217 «The veterans’ associations have a particular influence on the ICTY issue, where they tap into a far wider popular unease over the question of Croatian responsibility for war crimes. In the latter part of 2002, these associations were prominent advocates of the government’s refusal to transfer former General Janko Bobetko to The Hague. In doing so, they helped to mobilise popular feeling on the issue and ensure that any climbdown on the transfer would be politically costly to the government and beneficial to the HDZ. Voir à cet effet, ibid.
218 Voir le document intitulé Décision relative à la requête du Procureur aux fins de la tenue d’une audience consacrée à l’état de santé de l’accusé et de mesures connexes, TPIY, 19 mars 2003, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/bobetko/trialc/decision-f/030319.pdf
219 Voir Ordonnance mettant fin à la procédure engagée contre Janko Bobetko, TPIY, 24 juin 2003 disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/bobetko/trialc/order-f/030624.htm
220 On peut également consulter l’acte d’accusation du TPIY contre Ante Gotovina à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/indictment/french/got-ai040224f.pdf
221 En réponse aux pressions de la communauté internationale visant à ce qu’elle améliore sa coopération avec le TPIY, la Croatie a adopté à la fin de 2003 la Loi sur la protection des témoins et la Cour suprême a reconnu, en principe, la notion de responsabilité de commandement. Voir à cet effet Avis sur la demande d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, op. cit., p. 32.
73
Le gouvernement de Sanader allait-il tenir ses engagements? Quelle serait sa position dans
le dossier Gotovina?
En début de mandat, Sanader a réitéré la pleine et entière collaboration de la Croatie
avec le TPIY, affirmant toutefois que cela ne relevait pas de lui, mais bien du ministère de
la Justice. Le cas de Gotovina est ainsi devenu, selon ses paroles, «légal et non
politique»222. Un pas très significatif a ensuite été réalisé en mars 2004, alors que deux
généraux croates ont été livrés au TPIY avec l’assentiment du gouvernement Sanader, soit
Mladen Markac et Ivan Cermak223, puis six dirigeants croates de Bosnie-Herzégovine. La
nouvelle coopération du HDZ avec le TPIY lui a d’ailleurs valu un avis favorable de la
Procureure en chef Carla Del Ponte auprès de la Commission européenne en 2004. La
Commission a ainsi indiqué dans son rapport annuel que «le Procureur est satisfait de la
coopération que lui apportent à présent les autorités croates. Celles-ci devront cependant
continuer de faire tout leur possible jusqu’à ce qu’Ante Gotovina soit transféré à La
Haye»224. Son appréciation de la coopération entre Zagreb et le Tribunal s’est cependant
transformée au cours de 2004, puisqu’aucun progrès dans l’affaire Gotovina n’avait été
enregistré. Dans les derniers mois précédant l’ultimatum de l’Union européenne de mars
2005225, la Croatie a tenté tant bien que mal de redoubler d’efforts dans le but de localiser
Gotovina. Quoi qu'il en soit, les résultats sont demeurés insatisfaisants pour le TPIY226.
222 Voir Drago HELD, «Croatia: Sanader Trapped by Gotovina Dilemma», IWPR, 23-01-2004, disponible en
ligne à l’adresse suivante : http://www.iwpr.net/ 223 Selon l’acte d’accusation, ils sont accusés d’avoir participé à une entreprise criminelle alors qu’ils avaient
«le pouvoir, l’autorité et la responsabilité de prévenir et de punir les sérieuses violations au droit humain international commises par les forces croates durant l’opération Tempête». On peut consulter intégralement l’acte d’accusation du TPIY contre Mladen Markac et Ivan Cermak à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/indictment/french/cer-ai051214f.htm
224 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, rapport 2004, A/59/215-S/2004/627, 16 août 2004, p. 73-74, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/rappannu-f/2004/AR04-f.pdf
225 Ayant accédé au statut officiel de candidat à l’Union européenne le 18 juin 2004, la Croatie devait entreprendre les négociations en vue de son adhésion en mars 2005. Or, considérant que la Croatie ne faisait pas tout en son pouvoir pour arrêter Ante Gotovina, l’UE a décidé de lui imposer un ultimatum, fixant au 17 mars 2005 la date butoir pour livrer le général. Ayant échoué à cette exigence, l’UE a alors décidé de reporter à une date indéterminée les pourparlers avec la Croatie.
226 Carla Del Ponte a affirmé à ce sujet en mars 2005 (traduction non officielle d’AI) : «Ante Gotovina est à la portée des autorités croates et, tant qu’il n’aura pas été livré à La Haye, on ne pourra pas dire que la Croatie coopère pleinement avec le tribunal international», et, toujours selon le rapport d’AI, elle aurait précisé que «pas plus tard qu’en mars 2004, les services de renseignements croates menaient des opérations contre le personnel du Tribunal». Voir à cet effet «Préoccupations d’Amnesty International sur la mise en œuvre de la «stratégie d’achèvement des travaux» du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie», Amnesty
74
Cela a abouti à l’émission d’un avis défavorable concernant la coopération de la Croatie
avec le TPIY, émis par la Procureure à la Commission européenne, et cela a eu pour
conséquence le report des négociations avec l’Union européenne.
2.2.3 Le cas du général Ante Gotovina
En Croatie, beaucoup s’opposaient à son extradition, puisque même s’il est un
présumé criminel de guerre aux yeux du TPIY, plusieurs le considèrent encore comme un
héros. Ceux qui s’y opposaient font partie pour la plupart des inconditionnels du HDZ et de
la droite radicale227. En outre, au sein de la population, Gotovina jouissait aussi, et jouit
encore, d’un très large soutien228. La confusion par rapport aux réelles intentions du
gouvernement quant à Gotovina, due entre autres au fait que plusieurs membres du parti se
sont publiquement prononcés contre son extradition et l’ont encensé en tant que héros, a
fait en sorte que pendant tout le temps où il était recherché activement par le TPIY, une
polémique a eu cours quant aux informations dont disposait réellement le gouvernement
croate à l’égard du lieu où il pouvait se trouver. Selon Carla Del Ponte, les autorités croates
détenaient des informations à ce sujet et ne coopéraient donc pas pleinement avec le
Tribunal229. En juin 2005, elle a à cet effet déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies
que : «au cours de la première partie de cette année, les efforts des autorités [pour arrêter
Ante Gotovina] n’ont été ni ciblés ni convaincants. De plus, plusieurs incidents se sont
International, Londres, juin 2005, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/fraeur050012005
227 Soulignons notamment Vladimir Seks et Andrija Hebrang, deux proches collaborateurs de Sanader. Voir Drago HELD, «Croatia: Sanader Trapped by Gotovina Dilemma», op. cit.
228 Selon un sondage effectué pour le compte du Jutarnji List (par l’agence Mediana Fides) en février 2005, «[...]32.4% des personnes interrogées se prononcent pour l’arrestation et le transfert de Gotovina à la Haye, alors qu’une majorité absolue de 54.4% des sondés reste hostile à cette option». Tina LAKIC, «L’opinion croate conserve son soutien à Ante Gotovina», Jutarnji List, 26 février 2005, traduit en langue française par Ursula Burger Oesch et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.balkans.eu.org/
229 Pendant longtemps, tout portait à croire qu’il était Croatie (il y a peut-être en effet séjourné, où il y aurait été caché et protégé par un fidèle réseau de contacts). Les autorités croates, quant à elles, réfutaient formellement ces allégations et protestaient en disant qu’il pouvait tout aussi bien être en territoire français, puisqu’il possédait aussi un passeport de la République française (notons en outre que son passeport a été renouvelé par la France, le 11 avril 2001, soit deux mois seulement avant son inculpation par le TPIY. Voir à ce propos, Piotr SMOLAR, «La vie française d’un fugitif croate», Le Monde, 04 février 2004, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr/actualites/lemonde_gotovina20040204.htm). Voir à ce sujet «Roundup : Croatian Press Reacts to ICTY on Gotavina», FBIS, 12-02-2004, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wnc.dialog.com/
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produits, lors desquels des informations sensibles ont été manipulées afin d’entraver
l’enquête menée contre Gotovina et ses réseaux de protection»230. Ce n’est qu’à la fin de
l’année 2005, en octobre, que Carla Del Ponte a pu affirmer que la Croatie «fait tout dans
son possible pour localiser et arrêter Ante Gotovina» et que «ces dernières semaines, la
Croatie collabore pleinement»231. On peut toutefois se demander si, à cette période, la
coopération de la Croatie avec le TPIY s’était sensiblement améliorée depuis juin, ou si les
déclarations de Del Ponte n’étaient pas plutôt le reflet des pressions exercées par certains
membres de l’UE, alliés à la Croatie232. Malgré tout, cela a porté fruit et les sceptiques ont
été confondus, puisque les négociations avec l’Union européenne ont débuté en octobre
2005 et que Gotovina a finalement été arrêté en Espagne le 8 décembre 2005, puis transféré
à la Haye le 10 du même mois.
Dès lors qu’un acte d’accusation a été livré à l’encontre de Gotovina, et que les
autorités l’ont laissé fuir, son cas s’est vite imposé auprès des organisations internationales
comme étant symboliquement un baromètre permettant, d’une part, de jauger le niveau de
coopération de la Croatie avec le TPIY et, d’autre part, le niveau de démocratisation de
l’État233. Dans le cas de l’OTAN, le cas d’Ante Gotovina a soulevé la polémique aussitôt
que la Croatie a joint le PpP et qu’elle a par la suite adhéré au MAP. Pour des organisations
comme l’Union européenne et l’OTAN, l’obligation faite à la Croatie de le livrer est
230 «Croatie - Opération tempête: justice n'a toujours pas été rendue dix ans après», op. cit., disponible en
ligne à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/Index/FRAEUR640022005?open&of=FRA-332 231 Ierna FRLAN et Jagoda MARIC, «Feu vert européen pour la Croatie», Novi List, 4 octobre 2005, traduit
en langue française par Ursula Burger Oesch, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.balkans.eu.org/ Pour voir l’intégralité des commentaires émis alors par Del Ponte, voir le document intitulé : Assessment by the Procescutor of the Co-operation Provided by Croatia, La Haye, 3 octobre 2005, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.un.org/icty/latest-f/index-f.htm
232 Le rapport de 2006, de Human Rights Watch, souligne à cet effet que : «Many observers remained unconvinced that Croatia had indeed made significant progress in the previous months, and interpreted the statement by Del Ponte as a bow to political pressure from some E.U. member states». Human Rights Watch – rapport 2006, op.cit ., p. 349.
233 Mladen Stanicic souligne à cet effet que : «it is not the person that matters…but demonstrating that government is able to democratically control the security services»; voir à ce sujet «Towards Euroatlantic Integration: Progress and Challenges in South-East Europe», 59th Rose-Roth Seminar – NATO Parliamentary Assembly, Dubrovnik (Croatie), 12-14 mars 2005, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.nato-pa.int/Default.asp?SHORTCUT=694 Nous aimerions souligner que Mladen Stanicic était un dirigeant communiste et il s’est converti à la démocratie. Il est membre du SDP et ses positions reflètent donc l’attitude de l’opposition face au HDZ. En ce sens, ses analyses sont biaisées et doivent être relativisées.
76
devenue une condition sine qua non à l’adhésion234. Peu avant son arrestation, soit en
octobre 2005, le sous-Secrétaire d’État américain pour les affaires politiques Nicholas
Burns affirmait d'ailleurs : «[...]the U.S. would continue to block Croatia’s efforts to join
NATO until the capture of Ante Gotovina»235. En effet, la communauté internationale ne
pouvait plus retourner en arrière et renoncer ainsi à sa volonté de juger tous les présumés
criminels de guerre, surtout dans la perspective où de fortes pressions sont encore faites à
ce jour pour que la Serbie et la Bosnie-Herzégovine livrent aussi Ratko Mladic et Radovan
Karadzic. Même si le gouvernement de Croatie consentait officiellement à dire que le
général devait en effet être livré à La Haye, il ne voulait pas non plus demeurer «l’otage»
de Gotovina, arguant plutôt que la Croatie devrait être jugée sur ces efforts et non sur ces
résultats. Depuis son arrestation, le critère «Gotovina» n’est plus un obstacle sur la route de
l’adhésion à l’OTAN. Qui plus est, le gouvernement de Sanader a prouvé distinctement sa
propension à rompre avec le nationalisme ethnique et sa détermination à achever le
processus de démocratisation de l’État.
III. Conditionnalités militaires
3.1 La réforme des forces armées et du secteur de la défense par la transition du concept de la défense à celui de la sécurité
Afin d’effectuer les réformes militaires exigées par l’OTAN, la Croatie doit
modifier ses forces armées et l’intégralité de son secteur de la défense pour les adapter
entièrement à la nouvelle réalité sécuritaire. Dans ce contexte, les menaces quant à la
sécurité seraient davantage, de par leur nature, de types «non militaires»236. Pour Chris
Donnelly, conseiller spécial de l’OTAN sur les questions relatives à l’Europe centrale et de
l’Est, elles se résumeraient ainsi :
234 Les diplomates rencontrés à l’OTAN en juin 2005 étaient d’ailleurs tous formels à ce sujet. 235 Human Rights Watch – rapport 2006, op. cit., p. 351. 236 Voir à ce sujet, Chris DONNELLY, «Reshaping European Armed Forces for the 21st Century», NATO
Publications, septembre 2000, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.nato.int/docu/articles/2000/a000913a.htm
77
• A shortage of competent specialists in governmental and parliamentary structures, affecting both politicians and civil servants. This renders countries very vulnerable to destabilization;
• Economic threats, including social unrest caused by poor economic performance, the economic problems caused by war […], and economic reliance used as a weapon […];
• Ethnic hostility, often exacerbated by religion, which generates strife or separatism;
• Insecure and inefficient borders, which allow illegal migration and smuggling [and threaten good relations];
• Organized crime, which today is the greatest threat to the viability of many states, and which has serious international consequences;
• Corruption, which not only multiplies the effects of several of the above threats but is in itself a most serious threat to the survival of democracy and the development of a healthy market economy in many countries;
• The proliferation of military or dual technology, including weapons of mass destruction and their means of delivery;
• Information «warfare». Serious damage can now be done to a country by attacks on its information systems which may have nothing to do with the country's military systems237.
Ce faisant, la notion de défense territoriale doit évoluer vers un concept élargi de la
sécurité, tel que cela est promu par l’OTAN. Notamment à cause de son passé récent de
guerre, cela représente une tâche non négligeable en Croatie. En effet, longtemps la notion
de sécurité a été associée à celle de la défense, puisqu’en temps de guerre les deux étaient
intimement liées. Or, en temps de paix, et particulièrement dans le cadre du processus
d’adhésion à l’OTAN, le concept de sécurité nationale prend un tout autre sens. Cela
suppose que l’OTAN assure la défense collective des États membres, et donc celle de type
territorial. Par la démocratisation de ses pratiques au sein du secteur de la défense, la
Croatie a pour tâche de joindre une communauté de valeurs, où les enjeux sécuritaires sont
analogues aux siens. De ce fait, les réformes quant aux forces armées et au secteur de la
défense ayant cours présentent ont un volet hautement politique, mais aussi militaire
puisqu’il s’agit en fin de compte de les convertir de façon à ce qu’ils soient aptes à
répondre aux nouvelles menaces pour la sécurité de la zone euro-atlantique. Cela implique
une interopérabilité de fait avec la structure et les procédures de l’OTAN ainsi qu’une
participation active aux diverses opérations et missions de l’Alliance atlantique. Par son
237 Ibid. Cet article ayant été publié avant septembre 2001, nous nous permettons d’ajouter le terrorisme
comme menace à la sécurité des États.
78
adaptation à l’OTAN et sa contribution à ses activités, la Croatie devient elle-même un État
pourvoyeur de sécurité dans le cadre de la communauté atlantique, et non plus seulement
consommateur. Les nouvelles opérations et tâches confiées à la Croatie par l’OTAN
correspondent ainsi à une extension du concept de la sécurité. Elles visent autant à répondre
aux menaces déjà existantes qu’à prévenir celles qui pourraient potentiellement l’être.
Le mandat du gouvernement Racan a été trop court pour lui permettre d’effectuer un
véritable virage des activités de défense vers celles de sécurité238. Par exemple, en ce qui
concerne le personnel militaire qui était déjà en poste pendant la guerre, la distinction entre
les deux notions est demeurée relativement floue. Depuis 2003, les efforts ont été
poursuivis par le gouvernement de Sanader. Cette transition vers un concept élargi de la
sécurité prendra tout de même encore un certain temps d’adaptation. Comme cela est le cas
au Parlement, il s’avère que pour contrecarrer le postulat selon lequel un mandat serait trop
court pour pallier au manque de temps pour effectuer les réformes adéquates du système de
la défense et de sécurité, l’embauche de plus de spécialistes au sein du ministère de la
Défense serait nécessaire239. Étant permanents et indépendants du parti au pouvoir, ces
derniers seraient ainsi à même d’assurer la permanence des activités d’une administration à
une autre.
3.2 La démocratisation des forces armées et du secteur de la défense
Les critères visant la démocratisation des forces armées et du secteur de la défense
comptent pour beaucoup dans le processus d’adhésion à l’OTAN. Ce processus vise à
l’instauration d’un régime civilo-militaire libéral, tel que cela prévaut dans les pays
membres. À l’instar d’Albert Legault, nous pourrions définir le régime civilo-
militaire comme étant :
238 Mladen STANICIC, «Summary Security Sector Reform in Croatia», dans Jan TRAPANS et Philipp
FLURI (eds.), Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, DCAF, 2003, p. 7, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.dcaf.ch/_docs/defence_ssg_see/Croatia.pdf
239 Ibid., p. 8.
79
[...] un régime où le pouvoir civilomilitaire est occupé par deux acteurs distincts [la sphère civile et la sphère militaire], chacun doté de ses propres compétences, et obligatoirement soumis pour son fonctionnement démocratique, à une zone plus ou moins étendue de consultations étroites, le contenu des politiques de sécurité étant défini par l'autorité civile et leur mise en oeuvre étant assurée par le pouvoir militaire ou des forces armées professionnelles. En outre, ce régime est soumis à tous les contrôles internes gouvernementaux qui existent pour tous les autres ministères, avec quelques dérogations possibles pour les questions de discipline ou de justice militaire. Dans l'ensemble enfin, ce système est aussi soumis aux règles d'une démocratie libérale où le gouvernement élu s'efforce d'assurer l'harmonie entre les demandes émanant de la société civile et celles nécessaires à ses besoins de sécurité, dans le respect de la diversité et de la pluralité sociétale, l'establishment militaire devant refléter autant que faire se peut la composition et l'hétérogénéité de ses corps sociaux, c'est-à-dire la nation240.
Pour ce faire, l’OTAN a exigé, dans le cadre du Partenariat pour la paix, que les forces
armées croates passent d’un contrôle civil à un contrôle démocratique, ce qui est une étape
essentielle de la transition démocratique des États post-autoritaires. Bien que le contrôle
civil au sein de la HV demeure nécessaire, il doit en plus être soumis aux règles
démocratiques. En ce sens, les responsabilités et les pouvoirs des différents acteurs doivent
être institutionnalisés et clairement définis par la Constitution241.
Avant l’an 2000, il est généralement admis que le contrôle démocratique des forces
armées et du secteur de la défense croate comporte de graves lacunes. Dans son étude
intitulée «Democratic Control of Armed Forces», Damir Grubisa souligne plusieurs
facteurs à tendance non démocratique attribuables aux forces armées croates, soit le fait
que :
• the military had considerable influence in domestic politics; • the Croatian army [...] [is] a mixture of a professional army on one side, and
a one-party army on the other side; • the military had achieved a privileged position in society; • the military budget was not transparent;
240Albert LEGAULT, «Démocraties et transfert de normes : les relations civilo-militaires», Études
Internationales, 32 (2), juin 2001, p. 189, tel que cité dans Renéo LUKIC et Jean-François MOREL, «Les relations civilo-militaires en Croatie, 1990-2001», Questions de recherche/Research in questions, n° 5 (Février 2002), Paris, Centre d'Études et de Recherches Internationales (CERI), p. 4.
241 Au sujet du contrôle civil et du contrôle démocratique des forces armées, voir Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 13.
80
• there were practically no civilians in the Ministry of Defence; • security policy was in the hands of the military; • the army [...] still too large for such a small country; • procurement was not transparent and was in practice a source of corruption; • there were no publicly debated defence plans, security concepts or defence
strategies242.
Étant donné qu’en Croatie, la consolidation étatique a été obtenue des suites du
recouvrement de la souveraineté nationale par l’armée, et que cela a donné lieu à
l’instauration d’un régime autoritaire s’y appuyant, la démocratisation de celle-ci
contribuera donc à celle de tout l’État. On considère d’ailleurs beaucoup à l’OTAN l’effet
positif de la démocratisation du ministère de la Défense sur celui de tous les autres
ministères, un peu comme un effet d’entraînement. C’est donc en misant sur la
dépolitisation des forces armées et du secteur de la défense, sur l’imposition de la
transparence dans les processus d’établissement des plans et des budgets de défense
nationale et sur le renforcement de la société civile que l’OTAN tente de promouvoir en
Croatie l’instauration d’un régime civilo-militaire conforme à ses valeurs et à ses pratiques.
En fin de compte, la promotion de ces réformes par l’OTAN vise à long terme à encourager
la démocratisation de l’État et, par le fait même, la stabilisation de la région, d’où
l’importance qui y est accordée243.
3.2.1 La dépolitisation des forces armées et du secteur de la défense
La dépolitisation des forces armées croate est un point essentiel de la réforme de
l’armée, telle qu’exigée par l’OTAN. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’armée
croate (HV – Hrvatska Vojska), en effectuant la reconquête du territoire national, a permis
la consolidation étatique autour du président Tudjman. Cela a donné lieu à l’institution d’un
régime civilo-militaire de type autoritaire, lequel était maintenu par la mainmise du
Président sur les affaires de l’État. Cette concentration des pouvoirs a été assurée par le
242 Damir GRUBISA, «Democratic Control of Armed Forces», dans Jan TRAPANS et Philipp FLURI (eds.),
Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, DCAF, 2003, p. 21, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.dcaf.ch/_docs/defence_ssg_see/Croatia.pdf Comme dans le cas de Mladen Stanicic, Damir Grubisa est membre du SDP et ses analyses doivent donc être relativisées.
243 Ibid., p. 53.
81
soutien indéfectible de l’armée au Président. L’étroitesse du lien les unissant alors
s’explique par le haut degré de politisation au sein des forces armées croates. Ayant été
formée pendant la guerre de Croatie (1991-1995) pour faire un contrepoids aux forces de
l’Armée populaire yougoslave (JNA), l’armée croate comprenait en ses rangs une majorité
de soldats non professionnels, dont la motivation était surtout d’ordre patriotique.
L’idéologie du HDZ de Tudjman étant d’associer la nation à l’État et l’État au parti,
l’armée croate a bientôt fait de se retrouver défenseur des intérêts du parti, le HDZ. De fait,
l’armée croate était sous l’influence du HDZ et plusieurs militaires en étaient membres,
malgré l’interdiction constitutionnelle datant de 1991244. Qui plus est, il s’avère que
l’adhésion au parti a permis dans plusieurs cas l’accession à des postes de commandement
supérieurs, et que l’opposition au HDZ pouvait mener jusqu’au renvoi245. Comme le
souligne Timothy Edmunds, l’octroi des positions stratégiques aux membres du HDZ,
plutôt qu’aux militaires professionnels, a encouragé non seulement le contrôle du parti sur
l’armée, mais aussi la loyauté des militaires à son égard246. Nommés à tous les postes
stratégiques de la chaîne de commandement du ministère de la Défense247, les membres du
HDZ sont ainsi parvenus à rendre l’armée redevable au parti : «In effect, this system created
an often informal pyramid of clientalism and political influence, where HDZ interests
would be represented at every level of the promotion system, and through which strong
political influence could be exercised»248. De surcroît, il a été démontré que pendant la
guerre, des chaînes parallèles de commandement ont été mises sur pied, créant ainsi des
formations n’étant uniquement redevables qu’au ministre de la Défense et agissant hors des
structures de l’État et de l’armée249.
244 «La loi sur la défense fut adoptée le 26 juin 1991, le jour suivant la proclamation de l'indépendance de la
Croatie. Elle constituait la base légale, avec l'article 7 de la Constitution du 22 décembre 1990, permettant la création de la HV. Bien que la loi de 1991 interdît l'adhésion des militaires à des partis politiques, les règlements des forces armées, publiés en 1992, permettaient cette pratique. En 1993, la loi sur la défense fut modifiée et autorisa les militaires à militer au sein de partis politiques», voir à cet effet Renéo LUKIC et Jean-François MOREL, op. cit. p. 16.
245 Ozren ZUNEC, «Democracy in the « the fog of war»: Civil-military relations in Croatia», dans Constantine DANOPOULOS et Daniel ZIRKER (éds.), Civil-Military Relations in Soviet and Yugoslav Successor States, Boulder (Colorado), éd. Westview Press, 1996, pp. 224-225, tel que cité dans ibid., p. 23.
246 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 14. 247 Voir à l’annexe 1, Ministère de la Défense de la Croatie. 248 Ibid., p. 15. 249 Lukic et Morel soulignent que l’existence des chaînes parallèles de commandement a été confirmée par le
général Petar Stipetic, un proche du président Mesic (Renéo LUKIC et Jean-François MOREL, op. cit. p. 24). Celles-ci seraient d’ailleurs à l’origine de nombreuses atrocités commises à l’encontre des populations
82
Jusqu’en 2000, lors du changement de pouvoir, l’instauration d’un régime civilo-
militaire de type libéral a donc été rendue impossible, notamment à cause du haut degré de
politisation des forces armées et du ministère de la Défense. La professionnalisation
graduelle d’une partie des forces armées croates, avec le concours des académies militaires
américaines et européennes, ajouté au discrédit politique du HDZ à la suite de plusieurs
scandales notamment liés à la corruption, ont contribué au début de la dépolitisation de la
HV250. Cet état de fait est d’ailleurs caractéristique de la non-intervention de l’armée lors
du renversement de pouvoir en Croatie en 2000, démontrant, à l’instar de plusieurs
analystes, les prémices d’une phase de dépolitisation au sein des forces armées croates.
Même si le changement de gouvernement en 2000 et l’élection de Stjepan Mesic à
la présidence ont été de bon augure en ce qui concerne la question de la dépolitisation des
forces armées et du secteur de la défense, leur avènement ne s’est pas fait sans heurts. Il
s’avère en effet que de 2000 à 2002, peu de progrès ont été réalisés quant aux réformes
souhaitées. Principalement, le nouveau pouvoir en place a fait face à deux obstacles
majeurs, soit la tension existante entre les différents partis de la coalition ainsi que le refus
des hauts dirigeants de la HV de se plier aux normes prescrites dans le cadre d’un régime
civilo-militaire de type libéral (ce qui résulte entre autres de la volonté des hauts dirigeants
militaires de rester fidèles au HDZ).
Tout d’abord, les rivalités politiques et personnelles entretenues entre le président
Mesic (HNS - Hrvatska narodna stranka - Parti populaire) et le ministre de la Défense Jozo
Rados (HSLS - Hrvatska socijalno liberalna stranka - Parti social-libéral) ont nui à leur
collaboration quant à la mise en place des réformes251. Le ministère de la Défense, étant
civiles serbes en Bosnie-Herzégovine. Voir Martin SPEGELJ, Sjecanje Vojnika (Les mémoires du soldat), Zagreb, Znanje, 2001, pp. 342-343, tel que cité par ibid.
250 Renéo LUKIC et Jean-François MOREL, op. cit. p. 28. 251 En 2000, Mesic (HNS) a été élu président au second tour avec 56,01% des suffrages exprimés contre le
candidat du HSLS Drazen Budisa qui a récolté 43,99% (voir à ce sujet «Résultats des présidentielles de 2000», Ambassade de Croatie en France, 8 février 2000, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.amb-croatie.fr/actualites/presidentielles.htm). Comme le soulignent Morel et Lukic, la rivalité s’est cependant poursuivie au-delà de la campagne présidentielle. Ainsi, sous les conseils de Budisa, le ministre Rados (aussi du HSLS) est devenu le rival non avoué du Président. Voir Renéo LUKIC et Jean-François MOREL, op. cit. p. 31.
83
sous la responsabilité politique du HSLS, est en conséquence devenu un enjeu important
dans cette lutte à finir entre les partis de la coalition. Au lieu d’œuvrer à une dépolitisation,
qui aurait conduit à la substitution des membres du HDZ placés à des postes clés en raison
de leur appartenance politique par des fonctionnaires de profession choisis pour leur niveau
de compétence, le HSLS a plutôt décidé d’y placer ses sympathisants252. En fin de compte,
le ministère de la Défense n’est passé que d’une allégeance politique à une autre253.
Ainsi, il est juste de noter que, malgré qu’il y ait eu une volonté politique du
gouvernement de Racan de procéder à une dépolitisation des forces armées et du secteur de
la défense, la première partie de ce mandat a été court-circuitée par d’incessantes tensions
au sein de la coalition, qui ont contribué à son affaiblissement. Outre ces rivalités, cette
coalition a aussi dû apprendre à gérer le nouveau partage des tâches, d’où l’incertitude des
politiques entreprises et la lenteur avec laquelle les changements apportés à la Constitution
ont été adoptés par le Parlement. D’ailleurs, ces modifications de la Constitution ont
contribué à la confusion des pouvoirs entre le Président, le ministère de la Défense, le
gouvernement et le Parlement. La proximité temporelle de la guerre et le refus des hauts
dirigeants de la HV de se plier aux normes démocratiques ont en outre été des facteurs
déterminants en ce qui a trait à l’incapacité du nouveau gouvernement de justifier et
d’appliquer les réformes exigées par l’OTAN. On constate par ailleurs que cela aurait mené
à la persistance de l’utilisation des chaînes de commandement parallèles254. Loin de
connaître un ralentissement marqué, le clientélisme est demeuré une pratique largement
répandue. Dans cette optique, il s’avère que la nouvelle collaboration avec le TPIY a été
bénéfique, même si elle s’est d’abord heurtée à la résistance des forces armées et des
associations d’anciens combattants. En effet, la condamnation des criminels de guerre, tout
en étant nécessaire à la réconciliation nationale, a été particulièrement utile en ce qui
concerne le renversement de l’ordre ancien au sein du ministère de la Défense. Puisqu’il
s’attaque directement à la question politique, le TPIY a donc été essentiel au processus de
démocratisation des forces armées et du secteur de la défense.
252 Ibid. 253 Ibid. 254 Par exemple, il s’avère que le président Mesic, de même que le bureau du président de la République,
auraient fait l’objet d’écoute de la part des services secrets militaires. Voir Ivo PUKANIC, Nacional, Zagreb, 19 juin 2001, p. 10, tel que cité par ibid., p. 32.
84
Toutes ces raisons expliquent donc la lenteur des réformes du gouvernement Racan
dans le domaine de la défense et des forces armées. À partir de 2002 toutefois, de nets
progrès ont été enregistrés, lesquels ne sont sûrement pas étrangers à l’insistance des
organisations internationales, dont l’OTAN. Cela correspond aussi avec l’avènement au
pouvoir d’une nouvelle coalition et, par le fait même, d’un nouveau ministre de la défense
(Zeljka Antunovic), ainsi qu’à l’adoption de deux documents stratégiques et de quatre
nouvelles lois255. En effet, comme le souligne Timothy Edmunds, les problèmes liés à la
Constitution expliquent en partie le temps pris pour introduire les importantes clarifications
à la législation sur la sécurité et la défense, lesquelles étaient pourtant identifiées comme
étant une priorité en 2000 pour le gouvernement256. Ajoutés à une collaboration plus active
de la Croatie avec le TPIY, ces changements ont donc été décisifs en ce qui concerne la
dépolitisation des forces armées et du secteur de la défense.
3.2.2 Transparence dans les processus d’établissement des plans et des budgets de la défense nationale
La transparence et l’imputabilité du gouvernement en ce qui concerne le processus
d’établissement des plans et des budgets de la défense nationale est un enjeu fondamental
par rapport à l’institution d’un contrôle démocratique des forces armées et du secteur de la
défense. Afin de mieux cerner les enjeux qui découlent de cette conditionnalité, il importe
d’en définir les caractéristiques. Nous utiliserons à ces fins la description qu’en fait David
Greenwood, dans son étude intitulée «Transparency in Defence Budgets and Budgeting».
Selon celle-ci, la transparence est [...] a complex concept, with both domestic and
international aspects (as noted) and is applicable to both defence budgets (data on
spending) and the budgeting process (how the figures are reached)257. Ce concept de
255 Les deux documents en question sont : The National Security Strategy et the Defence Strategy. Les lois
sont les suivantes : the Defence Act, the Law on Service in the Armed Forces, the Law on the Participation of Members of the Croatian Armed Forces in Peace Operations Abroad, the Law on the Production, Repair and Traffic in Weapons and Military Equipment. Voir Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 17.
256 «This situation is illustrated by the time it has taken to introduce important clarifications of Croatia’s defence and security legislation, identified as a priority from 2000 onwards», voir ibid..
257 David GREENWOOD, «Transparency in Defence Budgets and Budgeting», dans Todor Tagarev, (ed.), Transparency in Defence Policy, Military Budgeting and Procurement, Sofia: Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces and George C. Marshall – Bulgaria, 2002, p. 29, tel que cité par
85
transparence est d’ailleurs indissociable de celui d’imputabilité (ou de responsabilité), dont
le terme anglais le plus couramment utilisé est accountability. Toujours selon Greenwood,
ce dernier concept est au cœur des procédures démocratiques. Il explique cela ainsi : «At
the heart of democratic decision-making lies the notion of «accountability»: governments
are accountable, through the legislature, to «the people’ – this is an executive obligation;
and legislatures are expected to hold governments to account, for both their actions and
their expenditures – this is the elected representatives’ duty»258.
Pour une organisation comme l’OTAN, cela représente un enjeu pour lequel elle
peut avoir un très grand impact. Au travers les forums consultatifs du PpP du MAP, ainsi
que par le PARP, la Croatie échange des informations avec l’OTAN et ses partenaires en ce
qui a trait au système de la défense. Les sujets abordés touchent notamment à la structure et
à la transformation des forces armées, aux plans de défense nationale, au budget relié au
secteur de la défense, etc. À ce niveau, international, ces pratiques rencontrent moins
d’obstacles que sur la scène nationale. Cela s’explique entre autres par la nature des
informations échangées, lesquelles sont beaucoup plus d’ordre général, nécessitent moins
de précision et surtout, ne concernent pas les services secrets. De plus, l’imputabilité y est
moins en cause259. Les choses sont cependant toutes autres au niveau national. Le passé
autoritaire de la Croatie fait en sorte que le passage à la démocratisation nécessite des
ajustements à plus long terme. Les notions de transparence et d’imputabilité, concernant
dans ce cas les processus d’établissement des plans et des budgets de la défense nationale,
ont dû dans un premier temps être institutionnalisées. En ce sens, les règles qui les régissent
sont définies par la Constitution (révisée en 2000) et par certaines lois, dont la Defense Law
adoptée en 2002260. Cela constitue la première étape nécessaire, que la Croatie a en partie
franchie. Puis, dans un deuxième temps, et cela requiert encore des ajustements, les règles
Tatjana CUMPEK, «Transparency and Accountability in the Defence and Security Sectors», Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, op. cit., p. 112.
258 Ibid. 259 C’est notamment ce que fait valoir Tatjana CUMPEK, en soulignant que les plus grandes demandes de
documents concernant la défense proviennent de l’OTAN, à travers le PpP et le MAP. Voir Tatjana CUMPEK, op. cit., p. 125.
260 Il est intéressant de noter d’ailleurs qu’avec les amendements apportés à la Constitution, le Président n’est plus «non redevable» à quiconque. Sauf en état de guerre, il ne peut plus désormais proclamer des lois unilatéralement. Voir à ce sujet Damir GRUBISA, op. cit., p. 22.
86
démocratiques sous-tendues par ces concepts doivent être assimilées et recevoir un appui
réel au sein de tous les organes du gouvernement et de la société civile.
Au niveau institutionnel, ce sont la Constitution, les documents cadres (dont The
National Security Strategy et the Defence Strategy) et les lois qui fixent les priorités
gouvernementales en ce qui concerne la transformation des forces armées et du secteur de
la défense. Or, notons que même s’ils définissent clairement le nouveau concept de
sécurité, l’imprécision demeure quant aux modalités d’application du contrôle
démocratique, dont fait partie le concept de transparence et d’imputabilité, et ce que cela
implique concrètement au niveau de la procédure261. Les ambiguïtés concernent les rôles et
les pouvoirs des différents acteurs étatiques. Elles mènent en conséquence à des rivalités et
à des luttes de pouvoir, notamment entre le pouvoir du Parlement, c’est-à-dire du Premier
ministre, et celui du Président. Dans un sens, le Premier ministre a la responsabilité des
institutions militaires, du budget et des plans de défense. Dans l’autre, le Président doit
approuver les décisions et c’est lui, en fin de compte, qui détient le pouvoir final sur les
forces armées. D’une part, comme ses pouvoirs ne sont donc pas que symboliques, mais
demeurent très opérationnels, nous sommes à même de nous questionner sur sa capacité
d’exercer une surveillance adéquate des forces armées262. D’autre part, comme le contrôle
démocratique est placé sous la responsabilité de l’exécutif, et que le Président et le Premier
ministre en font tous deux partie, la confusion quant à leurs tâches respectives rend ce
processus «fragile»263. Qui plus est, la rivalité entre le Président et le Premier ministre
conduit à l’instauration d’un climat de méfiance mutuelle, ce qui est impropre à la
transparence. Dans ce contexte, il est dangereux que l’intérêt personnel, ou celui du parti,
prime sur celui de la société, ce qui ne va certes pas dans le sens des démarches entreprises
dans le cadre des réformes.
261 Mladen STANICIC, «Summary Security Sector Reform in Croatia», op. cit., p. 10. Notons d’ailleurs qu’en
ce qui concerne les forces armées, la Constitution fait mention du contrôle civil et non du contrôle démocratique, ce qui ajoute à l’imprécision des règles de procédures. Voir à ce sujet Damir GRUBISA, op. cit., pp. 26-27.
262 Voir à cet effet, ibid., p. 19. 263 Mladen STANICIC, «Summary Security Sector Reform in Croatia», op. cit., pp. 10-11.
87
Malgré que le cadre constitutionnel soit en place, plusieurs pratiques de la période
autoritaire persistent. Ainsi, la culture selon laquelle «le savoir est le pouvoir» prévaudrait
encore nettement sur celle du «droit au savoir», démontrant ainsi peu de changements au
niveau des mentalités264. Par exemple, comme il n’existe pas de loi définissant les
informations officielles relevant du secret d’État, puisque cela n’était pas problématique
pendant la période de Tudjman, certaines demeurent confidentielles alors qu’elles ne
devraient pas nécessairement l’être265. Cela fait en sorte que les exigences des
parlementaires quant à la transparence le sont davantage lorsque cela se rapporte à un
ministère détenu par un autre parti de la coalition. Cette volonté de transparence semble
donc être plus liée aux jeux de pouvoirs entre les partis qu’à des questions de principes.
Les exigences liées à la transparence et à l’imputabilité des forces armées et du
secteur de la défense impliquent aussi un rôle actif des parlementaires. Au niveau législatif,
la Constitution autorise le Parlement à adopter des documents stratégiques concernant la
sécurité nationale et la défense. Les députés élus doivent aussi voter le budget alloué au
secteur de la défense et aux forces armées de même qu’ils approuvent les lois s’y
rattachant. Par exemple, dans le cadre de la Loi sur la Défense, ce sont eux qui approuvent
le Plan de développement des Forces armées266. Le manque d’expertise des membres du
Parlement sur les enjeux relatifs à la défense et à la sécurité vient contrecarrer les règles
mêmes du contrôle démocratique. En effet, puisque la spécialisation des députés fait défaut
sur ces questions, la plupart du temps le Parlement ne fait qu’approuver les
recommandations du ministère de la Défense, sans pouvoir les remettre en cause267. Dans
ce contexte, la transparence perd de son efficacité, et l’imputabilité de son utilité. Des
comités existent pourtant pour contrer ces difficultés, dont le Committee for Domestic
Policy and National Security et le Commette for Foreign Affairs, mais leur degré d’activité
264 Ibid., p. 13. 265 Ibid., p. 14. 266 Ibid., p. 10. 267 Amadeo WATKINS, op.cit, p. 10. À propos du manque d’intérêt et d’expertise du Parlement, Timothy
Edmunds affirme quant à lui que : […] the Sabor has generally been happy to follow advice from the Ministry of Defence on defence questions, a passive approach that has limited its power of oversight to little more than a «rubber stamp» for government policy». Voir à ce sujet Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 22.
88
et d’efficacité est mis en doute268. Dans les sociétés où les normes démocratiques sont plus
ancrées, les instituts, les académies de recherches et ce qu’on appelle les think tanks, ou les
groupes de réflexion, occupent une fonction essentielle, soit celle de fournir une expertise
et des recommandations aux députés (et à la société civile en général). En Croatie, il en
existe très peu et rares sont ceux qui se spécialisent sur les questions militaires et de
sécurité. Notons tout de même parmi ceux-ci l’Institute for International Relations (IMO)
in Zagreb et The Atlantic Council of Croatia (rattaché à la faculté de sciences politiques de
l’Université de Zagreb). Dans la perspective où la Croatie doit se conformer aux exigences
de l’OTAN quant à la démocratisation du secteur de la défense et des forces armées, leur
importance devra s’accroître et ils devront de plus en plus faire partie de la vie politique. En
ce moment, leurs recommandations ne sont que très rarement prises en considération, alors
que le manque d’expertise et de ressources au Parlement demeure problématique269.
3.2.3 Renforcement de la société civile dans le cadre du processus de démocratisation du secteur de la défense et des forces armées
L’ajustement aux normes démocratiques dans le secteur de la défense passe aussi
par un renforcement de la société civile. En fait, les documents fondamentaux qui dictent la
politique de défense et de sécurité de la Croatie ne tiennent pas compte de l’importance de
rendre des comptes devant la société civile. Par exemple, dans le document National
Security Strategy, le terme «société civile» n’est à nulle part mentionné; on se limite plutôt
à la formule suivante : «synergic functioning of the military and civil component within the
national defence doctrine»270. Qui plus est, la société civile elle-même ne considère pas
vraiment que ces questions soient de son ressort. Selon Edmunds, ce manque d’intérêt
actuel pour les questions militaires s’explique en partie par le fait que pendant l’ère
Tudjman, les cours axés sur la défense ont été supprimés, les analyses non
268 Voir ibid. et Mladen STANICIC, «Civil Society and the Security Sector», dans Jan TRAPANS et Philipp
FLURI (eds.), Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, DCAF, 2003, p. 135, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.dcaf.ch/_docs/defence_ssg_see/Croatia.pdf D’ailleurs, selon Amadeo Watkins (ibid.), «a small permanent office» devrait être mis sur pied au Parlement afin de promouvoir l’expertise du Parlement sur les questions liées à la sécurité et à la défense.
269 Ibid. 270 Ces observations ont été relevées par Mladen STANICIC, «Summary Security Sector Reform in Croatia»,
op. cit., p. 11.
89
gouvernementales sur la défense ont été censurées et le pouvoir médiatique a été limité271.
Ainsi, le manque d’accès à l’information aurait eu raison de l’intérêt de la société civile à
cet égard. Stanicic remarque de son côté que «la plupart des citoyens considèrent encore
que le gouvernement/État est responsable de la résolution de ses problèmes», et que cela est
particulièrement vrai en ce qui concerne le domaine militaire, peut-être à cause de la
crédibilité acquise par l’armée croate pendant la guerre272. Quoi qu’il en soit, cela demeure
problématique pour le gouvernement, entre autres parce qu’il doit justifier les efforts
investis dans les réformes militaires exigées par l’OTAN en vue de son adhésion. Or, ces
priorités, fixées de concert avec l’OTAN, ne reçoivent pas tout le support nécessaire auprès
de la population. Cette dernière considère plutôt que les réformes économiques et sociales
devraient être les priorités pour le gouvernement. De fait, elle n’y voit moins d’intérêt par
exemple que dans l’atteinte des objectifs fixés par l’UE, dont les retombées économiques
sont très concrètes273. À cet effet, Amadeo Watkins, dans son étude datant d’avril 2004,
souligne que le soutien populaire à l’OTAN n’est que de 50%, alors que celui à l’UE est de
75%274. D’après les dernières données que nous avons recueillies, lesquelles datent de
novembre 2006, il n’y aurait maintenant que 33,7% des Croates qui seraient en faveur de
l’adhésion à l’OTAN275. Bien que plusieurs chercheurs soutiennent que le pourcentage de
support populaire à l’OTAN n’est pas alarmant, les responsables de l’OTAN y voient
pourtant un obstacle à l’adhésion et insistent sur le fait que le gouvernement croate doit
271 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 22. 272 «Most citizens still consider the government/state responsible for solving their problems». Voir à ce sujet,
Mladen STANICIC, «Civil Society and the Security Sector», op. cit., p. 126. 273 Par exemple, le tourisme étant un des secteurs économiques les plus lucratifs en Croatie, les avantages de
l’adhésion à l’UE sont plus facilement justifiables aux yeux de la population. 274 Interview avec Zoran Milanovic (assistant du ministre des Affaires étrangères de la Croatie), Vjesnik, 12
octobre 2003, tel que cité par Amadeo WATKINS, op.cit, p. 11. Il est essentiel de rappeler par contre que ces chiffres ont été produits peu après l’invasion des États-Unis en Irak, qui a reçu un appui très défavorable en Croatie. Nous n’avons pas de données plus récentes puisqu’il semblerait qu’aucune enquête officielle sur l’adhésion à l’OTAN n’ait été menée par le gouvernement (et où ses résultats seraient rendus publics).
275 Ce sondage a été mené par le journal Vecernji List les 28-29 novembre 2006 auprès de 900 répondants de toute la Croatie. Il révèle aussi que 44,4% des Croates sont contre l’entrée de la Croatie à l’OTAN et que 21,9% sont indécis. Les arguments principaux des opposants concernent à 55% le fait qu’ils ne désirent pas que leurs soldats prennent une part active dans les missions de l’OTAN «autour du monde», ce que nous pourrions traduire par les missions «hors-zone». Voir à cet effet «Only on third of Croatians in favour of NATO entry, poll shows», HINA, 30 novembre 2006, traduit par FBIS et disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wnc.dialog.com/
90
remédier à la situation276. En effet, d’aucuns ne croient en la possibilité de l’adhésion d’un
État sans un support populaire satisfaisant. Rappelons tout de même ces faits : en 2003, un
an avant l’intégration de la Slovénie à l’OTAN et un an après avoir été formellement
invitée, le support populaire des Slovènes quant à l’adhésion à l’OTAN a chuté à 37%, pour
se stabiliser peu après à 51%277. Le référendum du 23 mars 2003 (dont une partie portait sur
l’adhésion de la Slovénie à l’OTAN) devait pourtant se solder avec un résultat de 66,08%
de la population en sa faveur278. Le cas de la Slovénie, qui parmi les sept États invités à
joindre l’OTAN en 2002 était celui où le soutien populaire était le plus bas, montre bien
que la situation actuelle en Croatie n’est peut-être pas si dramatique.
Cela par contre ne change pas le fait que le gouvernement doive à ce jour redoubler
d’efforts pour justifier sa propension à vouloir joindre les rangs de l’OTAN, en expliquant
mieux à la population ce qu’est l’OTAN et quels sont les avantages que la Croatie pourrait
retirer de l’adhésion. Comme l’a fait remarquer le Secrétaire général de l’OTAN, Jaap de
Hoop Scheffer : «Me and my deputies, we can explain NATO, but we do not sell NATO
[...]The key responsibility for informing the Croatian citizens lies with the Croatian
Government»279. Cela est nécessaire, car pour l’instant, peu de Croates connaissent tous les
enjeux relatifs à la réforme des forces armées et du secteur de la défense. De plus, les
exigences démocratiques de l’OTAN liées à l’adhésion, dont celles impliquant une
transition des activités de la défense à celle de la sécurité, sont pour le moins inconnues de
la population. À cet effet, Scheffer souligne que le soutien populaire est essentiel pour la
Croatie afin qu’elle puisse participer adéquatement aux opérations et aux missions de
l’OTAN. Il rappelle par exemple que la mission en Afghanistan, à laquelle les forces
armées croates participent, est dangereuse et que le soutien de leur population est capital280.
276 «NATO Chief Says Low Support of Croatian Public to NATO Membership Represents Problem», HINA,
10 avril 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.hina.hr/nws-bin/genews.cgi?TOP=hot&NID=ehot/politika/H4101976.4yc
277 Le sondage a été effectué du 17-19 février 2003 et a été effectué avec le concours du Centre de recherche de l’université de Ljubljana, tel que cité dans Corinne DELOY, «Référendum sur l’Union européenne et l’OTAN», en ligne à l’adresse suivante : http://www.robert-schuman.org/oee/slovenie/referendum/
278 Ces données proviennent de l’Agence France Presse, telle que cité dans idem, «Les Slovènes disent «oui» à l’Union européenne», Fondation Robert Shuman, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.robert-schuman.org/oee/slovenie/referendum/resultats.htm
279 Bruno LOPANDIC, loc.cit. 280 Ibid.
91
Afin de pallier au manque de support populaire quant à l’adhésion à l’OTAN, la Croatie a
décidé d’annexer un programme de stratégie de communication dans le cadre de son
programme national annuel (ANP) pour 2006-2007281. Ce dernier sera d’ailleurs
accompagné d’un investissement avoisinant les quelques 500 000 euros
(approximativement 646 650 dollars US) de la part du ministère des Affaires étrangères et
de l’Intégration européenne282.
Le manque d’intérêt de la société civile envers les politiques gouvernementales
concernant la défense et la sécurité et, par le fait même, celles à propos de l’OTAN, est en
grande partie dû à l’insuffisance de l’information qui lui est transmise. D’une part, même si
le ministère de la Défense a reconnu que cela faisait partie intégrante des pratiques
démocratiques, il n’en demeure pas moins que de graves lacunes sont perceptibles.
L’information parvenant du ministère de la Défense est de nature très «diplomatique»,
c’est-à-dire qu’elle ne met pas en exergue une analyse critique. Elle est généralement peu
détaillée et est, par son caractère, plutôt à tendance promotionnelle283. Le site Internet du
ministère de la Défense est, à cet égard, particulièrement caractéristique. Longtemps, il a
été en construction. Maintenant, il donne accès à une information relativement diversifiée,
mais qui demeure peu analytique. De ce que nous avons constaté, les mises à jour ne sont
pas non plus effectuées très régulièrement. Zvonimir Mehecic, dans son étude intitulée
«Civilians and the Military Sector Reform», fait aussi valoir le fait qu’il n’y a pas
systématiquement de publications annuelles fournies par le gouvernement afin d’informer
et d’instruire le public sur les enjeux de la défense, de la sécurité, et de tout ce qui regarde
les opérations des forces armées croates, alors qu’il y en a de distribuées aux organisations
internationales et aux États tiers284.
281 «Address by H.E. Mrs. Kolinda Grabar-Kitarovic, Minister of Foreign Affairs and European Integration of
the Republic of Croatia», op. cit. 282 Ibid. 283 Cet état de fait a été relevé par Amadeo WATKINS, op.cit, p. 10. Nous avons sensiblement observé les
mêmes faits au fil de nos recherches. 284 Voir à ce sujet, Zvonimir MAHECIC, «Civilians and the Military Sector Reform», dans Jan TRAPANS et
Philipp FLURI (eds.), Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, DCAF, 2003, pp. 64-65, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.dcaf.ch/_docs/defence_ssg_see/Croatia.pdf
92
La collaboration entre le ministère de la Défense et les médias est aussi
problématique. Même si la tension entre les deux parties est nettement moins soutenue que
pendant l’ère Tudjman (peu comparable même), les informations provenant du ministère ne
sont toujours pas transmises à intervalles fixes puisqu’il n’existe pas de rencontres
régulières avec la presse. De plus, le problème de la transparence persiste, dans le sens où
certaines informations sont encore considérées comme étant confidentielles, alors qu’elles
devraient être accessibles au grand public. Ces lacunes dans la coopération entre la presse
et le ministère de la Défense nous portent à soulever la question du professionnalisme des
médias. En analysant le travail des médias, plusieurs chercheurs ont relevé leur manque
d’expertise sur les questions liées à la défense et à la sécurité, dont leur manque de
discernement entre les deux concepts (nous y reviendrons). Plusieurs médias n’ayant pas
les connaissances nécessaires pour l’analyse complète des enjeux stratégiques et
sécuritaires, ils traitent ainsi plus de querelles politiques285. Souvent, ces écrits reflètent
donc un contenu plus sensationnaliste qu’analytique. En fin de compte, le manque
d’expertise des médias contribue, d’une part, au peu d’accès à l’information réservé à la
société civile sur les questions concernant la défense et la sécurité et, d’autre part, il rend
caduques les pratiques démocratiques liées à la transparence et à l’imputabilité. Dans le
contexte sécuritaire actuel, la fonction occupée des médias est pourtant essentielle. Comme
le souligne Chris Donnelly : « Its [medias] role is now so fundamental that it has to be
considered as a basic factor in any threat and response»286.
Bien sûr, les normes démocratiques ne sont pas assimilées au même rythme que les
lois sont promulguées. Dans le cadre de son adaptation aux conditions fixées par l’OTAN,
le gouvernement croate devra à court terme encourager d’une façon pragmatique le
renforcement de la société civile. Il lui faudra principalement promouvoir l’accès à
l’information et, comme l’adhésion à l’OTAN fait toujours partie des priorités en matière
de sécurité et de défense, il devra faire en sorte d’en accroître le soutien populaire en
expliquant davantage la nécessité des réformes militaires. Pour ce faire, l’amélioration de la
coopération avec les médias sera nécessaire. Le gouvernement devra notamment offrir aux
285 Ibid., p. 64. 286 Chris DONNELLY, op. cit., disponible en ligne à l’adresse suivante :
http://www.nato.int/docu/articles/2000/a000913a.htm
93
médias des contenus plus analytiques et explicatifs, et ce, sur une base constante. Des
progrès semblent avoir été enregistrés dernièrement à ce sujet. En travaillant à l’intérieur du
MAP, le ministère de la Défense a en effet décidé de faire paraître en novembre 2005 le
Strategic Defence Review287, lequel document rend transparent les progrès enregistrés et les
réformes à effectuer ultimement dans le secteur de la défense et de la sécurité en Croatie.
Aussi, à l’instar des propos tenus par le ministre croate de la défense Berislav Roncevic,
lors d’une conférence de presse en janvier 2006, l’accès à l’information semble se
démocratiser de plus en plus. Lors de celle-ci, dont le sujet était entre autres le rapport
annuel sur le système de la défense et l’état des forces armées croates, le ministre a fait la
remarque suivante : «[...]with this report for the first time we have given data which have
been classified till recently»288. Des pratiques de la sorte vont dans le sens de la
démocratisation du secteur de la défense et des forces armées et il est à prévoir qu’elles
favoriseront la collaboration avec les médias et le renforcement de la société civile.
3.3 Réformes structurelles et réorganisation des forces armées et du secteur de la défense
Comme elle se présentait en 2000, alors que l’on commençait à en envisager la
réforme, l’armée croate était tout à fait inadaptée au nouveau contexte sécuritaire. En fait,
les problèmes liés à sa structure et à sa composition étaient directement liés à sa formation.
Au sortir de la guerre froide, pendant que les États européens réorganisaient leurs forces
afin qu’elles soient plus aptes à affronter le nouveau contexte international, la Croatie
sombrait dans les guerres balkaniques, forçant du même coup la composition d’une armée
traditionnelle axée sur la défense territoriale. Cette armée, caractéristique de celles des États
post-communistes, comprenait ainsi une large proportion de soldats conscrits, se
concentrait autour d’une artillerie lourde, et était soutenue par d’imposants budgets
militaires289. Qui plus est, les succès remportés au cours de la guerre lui ont valu bien des
honneurs et ont subséquemment eu pour effet de cristalliser sa structure. Cela a eu un
287 «Strategic Defence Review», Ministère de la Défense de la République de Croatie, 7 novembre 2005,
disponible ne ligne à l’adresse suivante : http://www.morh.hr/katalog/documents/SPO_eng.pdf 288 «Press Conference at the Ministry of Defence», Ministère de la Défense de la République de Croatie, 13
janvier 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/en/vijesti_main_en.asp?id=63 289 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 37.
94
impact non négligeable alors qu’est venu le temps d’appliquer les réformes militaires
exigées par l’OTAN.
Les réformes au sein des forces armées et du secteur de la défense ont débuté
concrètement en 2002. Elles sont guidées par plusieurs objectifs généraux, soit290 :
• L’accession de la République de Croatie au statut de membre à part entière de l’OTAN et de l’UE;
• Le développement d’un système de défense effectif, centré sur le concept de la défense collective;
• Une contribution active de la République de Croatie dans la construction et la promotion de la stabilité et de la sécurité mondiale;
• Le développement des capacités de la République de Croatie afin d’apporter sa contribution aux missions de paix dans le monde291.
Contenus dans le National Security Strategy de 2002 et le Defence Strategy, puis
réaffirmés et mis à jour dans le Strategic Defence Review, ces principes allaient se
manifester par la volonté de restreindre la taille de l’armée et de la réorganiser pour qu’elle
puisse être déployée plus facilement et en fonction de la rendre plus moderne, plus
professionnelle et mieux intégrée aux structures de l’OTAN. Aussi, des efforts ont dès lors
été prévus afin de réorganiser le ministère de la Défense, notamment par la répartition plus
équilibrée entre les civils et les militaires et par la spécialisation de ceux-ci. Pour ce faire, le
gouvernement croate devait donc revoir avant toute chose le budget alloué à la défense et le
rééquilibrer en fonction de ces objectifs, sans quoi tout effort de réforme était impensable.
3.3.1 Le budget alloué au ministère de la Défense et aux forces armées croates
Au moment d’entreprendre les réformes militaires, le budget de la défense était tout
à fait inadapté aux objectifs visés. Le processus de réforme de ce secteur dépendait en
grande partie de la capacité du gouvernement croate de revoir en totalité le montant y étant
290 Participating State Republic of Croatia - Annual Exchange of Information on Defence Planning 2006 -
Vienna Document 1999, OSCE, p. 3, 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/katalog/documents/OSCE%20WD99%20-%20CROATIA%202006.pdf
291 Participating State Republic of Croatia - Annual Exchange of Information on Defence Planning 2006 - Vienna Document 1999, OSCE, p. 3, 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/katalog/documents/OSCE%20WD99%20-%20CROATIA%202006.pdf
95
alloué, mais aussi la répartition de ces mêmes dépenses. Dans un premier temps, des
ajustements majeurs étaient nécessaires afin que celles-ci soient radicalement diminuées.
En effet, en 2001, le budget alloué à la défense correspondait à 9,05% du budget d’État, ce
qui représentait à l’époque 3,01% du PIB292. Cette part élevée du budget consacré à la
défense était une constante depuis au moins la période de l’après-guerre (par exemple, de
1994 à 1998, elle s’élevait alors en moyenne à 8%293). En 2002, le ministre de la Défense
Jozo Rados a annoncé un plan visant à faire passer à 2% du PIB le budget de la défense. À
titre de comparaison, la part croate est passée cette année-là à 2,58%, alors que celle des
pays membres de l’OTAN était en moyenne à cette même période à 2,04%294. Depuis, ce
pourcentage a diminué en Croatie à 1,77% en 2006 (les données les plus récentes que nous
ayons obtenues quant à celles de l’OTAN datent par contre de 2005 et montrent qu’elles
s’élevaient alors en moyenne à 1,86% du PIB, contre 1,83% pour la Croatie à la même
époque).
Nous avons mis en perspective le cas de la Croatie avec d’une part, les trois pays
ayant joint l’Alliance en 1999 (République tchèque, Pologne, Hongrie)295 et d’autre part,
avec les sept l’ayant joint en 2004 (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie,
Slovaquie et Slovénie)296, afin de comparer leurs résultats respectifs. Entre 2001 et 2005, le
premier groupe a vu ses dépenses de défense en pourcentage du PIB évoluer en moyenne
de 1,90% à 1,67%. Pour chacune des années, leur résultat moyen a été inférieur à celui de
la moyenne des pays membres. Exception faite de la République tchèque en 2003, aucun
des trois États n’a dépassé en pourcentage du PIB la moyenne des autres membres. En ce
qui a trait au deuxième groupe, leurs dépenses de défense constituaient en moyenne, en
2004, 1,71% du PIB, et ce chiffre a augmenté l’année suivante à 1,77%. Seuls les
pourcentages de la Bulgarie et de la Roumanie ont été plus élevés par rapport à la moyenne
des autres États membres pour ces deux années.
292 Voir à cet effet l’annexe 2, Budget attribué à la défense en Croatie (2001-2006). 293 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 38. 294 Voir à cet effet l’annexe 3, Dépenses de défense des pays membres de l’OTAN (2001-2005). 295 Voir l’annexe 4, Dépenses de défense des pays ayant joint l'Alliance en 1999 (2001-2005). 296 Voir l’annexe 5, Dépenses de défense des pays ayant joint l'Alliance en 2004 (2004-2005).
96
L’OTAN souhaite voir le budget de la défense de la Croatie se stabiliser à 2,2% du
PIB297. Comme cela nous a été souligné par certains responsables de l’Alliance, d’une
façon non officielle, cette volonté serait fortement influencée par celle des États-Unis
(selon lesquels la part du budget de la défense devrait être au moins de 2% du PIB). On
constate toutefois que, même si la Croatie n’a toujours pas stabilisé à 2,2% le pourcentage
du PIB alloué au budget de la défense, il en va de même en moyenne pour les États ayant
joint l’Alliance lors des deux derniers élargissements. Qui plus est, sur les 25 membres
actuels, seuls six d’entre eux égalaient ou dépassaient en 2005 ce pourcentage. Il s’agit de
la Bulgarie (2,5%), des États-Unis (3,8%), de la France (2,5%), de la Grèce (3,1%), du
Royaume-Uni (2,3%) et de la Turquie (3,2%).
Dans un autre ordre d’idées, la réduction du budget de la défense en Croatie, depuis
2001, a contribué à «exacerber les problèmes déjà existants» au sein des forces armées298.
En effet, les restrictions budgétaires étant considérables, cela a mené à l’arrêt du
recrutement (celui des non conscrits) ainsi qu’à celui de l’acquisition de matériel et de sa
modernisation299. Qui plus est, la plus grande part du budget étant engloutie par les salaires
versés au personnel, ces mêmes restrictions ont de près causé une grave crise au sein des
forces armées300. La politique de réduction de personnel constitue donc clairement la clé du
processus de réforme budgétaire en Croatie.
Lorsque l’on observe les chiffres, on constate qu’en 2003 le montant du budget
alloué au personnel était de 408 602 millions d’euros (€), ce qui représentait alors 71,44%
du budget alloué à la Défense et aux forces armées301. En comparaison, les pays membres
de l’OTAN ont dépensé en moyenne, pour la même année, 56,43% de leur budget de la
Défense pour les dépenses liées au personnel302. Comme le fait remarquer Watkins, cette
forte proportion allouée au personnel ne laisse alors que 5% du budget total de la Défense
297 Amadeo WATKINS, op. cit., p. 9. 298 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 40. 299 Ibid. 300 Ibid. 301 Voir l’annexe 6, Dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des
Forces armées croates (2003-2006). 302 Voir l’annexe 7, Dépenses de défense affectées au personnel selon les pays membres de l’OTAN (2001-
2005).
97
pour la modernisation de l’armée303. Les réformes exigées par l’OTAN sont donc, dans ce
contexte, difficiles à concrétiser. L’année suivante, malgré la diminution de ces coûts (le
montant est passé à 373 408 millions d’euros (€)), le pourcentage relatif s’est accru à
73,64%. En 2005, alors que le budget de la Défense est à 1,83% du PIB, les dépenses liées
au personnel sont toujours à 69,88% et ce n’est que pour l’année 2006 que l’on constate
réellement des changements significatifs, alors que les réformes semblent prendre forme.
En effet, à 63,95% du budget de la Défense alloué au personnel, la Croatie se rapproche de
plus en plus de l’ensemble des pays membres de l’OTAN. Selon nos dernières données,
datant de 2005, ceux-ci y consacrent en moyenne 54,87%. Il semble, d’après ses
projections, que la Croatie atteindra sous peu ses objectifs budgétaires. De 59,43% pour
2007, elle projette atteindre un niveau correspondant à 55,97% du budget de la Défense en
ce qui concerne les dépenses liées au personnel304. Si elle parvient à respecter son plan, la
Croatie pourra donc investir davantage dans la modernisation de ses équipements et
poursuivre de façon plus efficiente les autres réformes en cours.
3.3.2 Réduction de la taille des forces armées croates et restructuration du ministère de la Défense
La réduction de la taille de l’armée est une étape essentielle du processus de
réforme. En effet, à l’aube de sa collaboration avec l’OTAN, la Croatie disposait d’une
armée dont les effectifs étaient beaucoup trop imposants et tout compte fait, sa taille était
disproportionnée par rapport aux besoins réels du pays. Cela, comme nous l’avons déjà
mentionné, coûtait excessivement cher au gouvernement croate et grugeait une part
démesurée du budget de la Défense. La réduction de la taille s’appliquait également au
ministère de la Défense qui, par ailleurs, nécessitait une restructuration majeure au niveau
de la répartition des postes entre les militaires et les civils. Dans tous les cas, enfin, la
spécialisation du personnel civil et militaire représentait une tâche non négligeable.
303 Amadeo WATKINS, op. cit., p. 9. 304 Voir l’annexe 8, Projection des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la
Défense et des Forces armées croates (2007-2008).
98
Normalement, la diminution de la taille des armées est le résultat conjoint du cycle
naturel de la mise à la retraite et de l’arrêt (ou du ralentissement) du recrutement305. Or,
cette lourde tâche, que Timothy Edmunds considère à court terme comme étant «risquée»
politiquement et «challenging» économiquement, est une condition indispensable à tout le
processus de réformes militaires en Croatie306. D’un point de vue économique, et nous
ajoutons social, le problème que pose le congédiement de soldats venant grossir les rangs
des chômeurs est particulièrement épineux. En effet, le taux de chômage en Croatie est très
élevé. En 2002, il s’élevait à 21,7%307, et ce taux ne s’est guère résorbé puisque, selon les
dernières données du CIA World Fact Book, il se situait officiellement à 18% en 2005308.
Qui plus est, il appert selon les statistiques qu’une grande proportion des soldats vient en
fait des régions rurales plus pauvres et moins développées. Il est donc impossible pour le
gouvernement de retirer ces soldats de l’armée sans d’abord veiller à leur réinsertion dans
le monde du travail. Dans cette optique, le programme SPECTRA (Separated Personnel
Care and Transition) a été mis sur pied par le gouvernement croate, en avril 2002, et
soutenu par l’OTAN. Plus précisément, ce programme vise à : «[...] aider l'ensemble des
personnes concernées, qu'il s'agisse d'élaborer des plans de reconversion personnalisés, de
former les personnes pour s'adapter au marché du travail ou de définir des pistes de
recherche d'emploi dans le secteur privé ou le secteur public»309. Au demeurant, la tâche est
donc double, ce qui explique en partie les difficultés du gouvernement quant à l’application
du plan de réduction des forces armées.
D’un point de vue politique, les enjeux sont aussi très sérieux. La population croate
voue un très grand respect à ses soldats, lesquels sont considérés comme des héros à cause
de leur rôle joué lors de la guerre. Il n’est pas exagéré même d’affirmer, comme Timothy
305 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 41. 306 Ibid. 307 Ibid. 308 CIA World Fact Book : Croatia. Ce site Internet a été mis à jour 19 décembre 2006. On peut le consulter à
l’adresse suivante: https://www.cia.gov/cia/publications/factbook/geos/hr.html Le site mentionne toutefois que l’enquête sur la population active révèle un taux d’environ 14% (décembre 2004).
309 Voir à ce sujet «Sous-Commission sur l’Europe Centrale et Orientale de la Commission Politique», Assemblée parlementaire de l’OTAN, Zagreb, 16-18 septembre 2002, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato-pa.int/Default.asp?CAT2=319&CAT1=19&CAT0=2&COM=326&MOD=0&SMD=0&SSMD=0&STA=&ID=0&PAR=0&LNG=1
99
Edmunds, que pour plusieurs l’armée représente la «pierre fondatrice» de l’État croate
indépendant310. À l’égard de cette fierté témoignée par la population pour l’armée, le
gouvernement ne peut pas se risquer à des mesures de réduction du personnel étant trop
radicales sans se mettre politiquement dans l’embarras. Cela est d’autant plus vrai qu’une
grande proportion des soldats vient des régions rurales, lesquelles sont considérées comme
étant à tendance plus nationaliste que les grands centres urbains. En outre, la perception de
la population à l’égard de l’armée a contribué à l’augmentation significative de l’influence
des associations de vétérans dans la politique intérieure croate et celles-ci sont, par essence,
vigoureusement opposées à ces mesures.
Pendant le mandat de Racan, tout cela a favorisé l’appui au HDZ. Même si ce
dernier a repris le pouvoir en 2003, il n’en demeure pas moins que cela peut constituer pour
lui une arme à double tranchant. Cette inadéquation entre les réformes exigées par l’OTAN,
celles souhaitées et/ou entreprises par les gouvernements successifs et les valeurs
entretenues au sein d’une grande partie de la société civile explique entre autres la volonté
marquée, et répétée, de l’OTAN de demander au gouvernement croate d’expliquer
davantage la nécessité des réformes afin de changer ultimement cette image magnifiée de
l’armée.
Théoriquement, la taille de l’armée a d’abord été définie en mai 2002 par le
document intitulé «Decision on the Size, Composition and Mobilisation Development of
the CAF», peu après que le ministre de la Défense ait annoncé un plan visant à la réduction
des effectifs de l’armée de quelque 40%311. Selon ce document, l’armée serait composée, en
temps de paix, de 30 000 militaires (dont seraient compris 8000 conscrits) et en temps de
guerre, de 110 000312. Dans les faits, les effectifs des forces armées croates étaient en 2003
de 25 912 (dont 5052 civils)313. La réduction au cours des années suivantes les a ensuite
portés à 23 709 (dont 4696 civils) en 2004 et à 22 442 (dont 3963 civils) en 2005. D’après
310 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 42. 311 Ibid., p. 38. Il est à noter que selon cette annonce faite par Rados en février 2002, le plan aurait été de
réduire les forces armées à 25 000 et le ministère de la Défense à 2000. 312 Amadeo WATKINS, op. cit., p. 8. 313 Voir l’annexe 9, Répartition du personnel civil et militaire au sein du ministère de la Défense et des
Forces armées croates (2003-2005).
100
le Strategic Defence Review de novembre 2005, l’objectif ultime serait de parvenir à une
force régulière de 16 000 militaires, de 2000 civils et d’une réserve de 8000 militaires314.
Ces mesures proposées seront encadrées concrètement par le Long Term Development Plan
(LTDP) 2006-2015, qui a proposé en juin 2006 et a été adopté par le Parlement croate le 7
juillet 2006315.
En ce qui concerne le ministère de la Défense, des plans ont aussi été envisagés dès
2002 afin de restreindre le personnel à 2000 militaires et civils ce qui, selon Zvonimir
Mahecic, demeure tout de même «un nombre considérable pour un pays de la taille de la
Croatie»316. Entre 2003 et 2005, conformément aux données dont nous disposons, le
personnel est ainsi passé de 3910 (2003), à 3597 (2004) et, enfin, à 2712 (2005). Au niveau
de la répartition du personnel entre les civils et les militaires, de nettes avancées sont
perceptibles depuis le début des réformes. En effet, avant le changement de pouvoir en
2000, la plupart des postes clés du ministère de la Défense étaient occupés par des
militaires317. Dicté par les principaux documents stratégiques, un rééquilibrage en faveur
des civils s’est opéré au sein du ministère de la Défense depuis 2002. En mettant en
perspective les chiffres depuis la réduction et le rééquilibrage du personnel, on constate que
par la suite, le pourcentage des militaires par rapport aux civils a peu diminué, voire
légèrement augmenté. De 18,41% en 2003, ce taux est passé à 17,43% en 2004 et, selon
nos dernières données, il était à maintenant 21,05%318. Même s’il demeure des officiers de
carrière à de hauts postes, il y a maintenant clairement plus de civils au ministère de la
Défense et ils occupent en majorité des postes clés319.
314 «Strategic Defence Review», op. cit., p. 6. Notons qu’il y est aussi mentionné que «graduellement, la
conscription obligatoire sera suspendue». 315 «Long Term Development Plan (LTDP) 2006-2015», Ministère de la Défense de la République de Croatie,
Zagreb (Croatie), juin 2006, disponible ne ligne à l’adresse suivante : http://www.morh.hr/katalog/documents/CAF%20LTDP%202006-2015.pdf
316 Zvonimir MAHECIC, «Civilians and the Military Sector Reform», op. cit., p. 59. 317 Ibid. 318 Voir l’annexe 9, Répartition du personnel civil et militaire au sein du ministère de la Défense et des
Forces armées croates (2003-2005). 319 Zvonimir MAHECIC, «Civilians and the Military Sector Reform», op. cit., p. 59.
101
3.3.3 Recherche de l’interopérabilité avec l’OTAN : spécialisation du personnel civil et militaire et modernisation des forces armées croates
Les conditionnalités militaires imposées à la Croatie par l’OTAN visent en fin de
compte à l’obtention d’une interopérabilité effective avec ses procédures, sa structure et ses
équipements. Ce processus entrepris par la Croatie implique donc, d’une part, un volet
humain et, d’autre part, un volet plus technique. Dans un premier temps, il s’agit de veiller
à la professionnalisation et à la spécialisation du personnel militaire et civil œuvrant au sein
des forces armées et du ministère de la Défense. Dans un deuxième temps, cela requiert une
restructuration complète des forces armées de façon à ce qu’elles soient compatibles avec
celles des pays membres ainsi que la modernisation de l’équipement militaire.
La récente guerre en Croatie, de même que la période autoritaire qui l’a suivie, ont
considérablement influencé les chaînes de commandement. En fait, les succès militaires de
l’armée ont valu à plusieurs militaires d’être promus320, ce qui a conduit nombre d’entre
eux à occuper un rang élevé dans la hiérarchie militaire. En conséquence, cela a créé un
corps d’officiers trop grand, ayant beaucoup de pouvoir et surtout, dont l’expertise a été
surestimée321. Cet état de fait a perduré pendant l’ère Tudjman, outre que les promotions
n’étaient plus seulement la consécration de prouesses militaires acquises «sur le terrain»,
mais aussi la récompense d’une fidélité irréprochable envers le HDZ322. Les programmes
d’instruction et d’entraînement ont aussi été influencés par cette époque. Encore
aujourd’hui, beaucoup d’officiers de hauts rangs n’ont pas l’expertise nécessaire pour gérer
une armée en temps de paix et, qui plus est, selon les critères admis par l’OTAN. Le niveau
d’instruction général est de surcroît déficitaire, puisque les deux tiers des officiers, dont le
grade se situe entre lieutenant et capitaine, n’ont de diplôme de niveau collégial323.
Puisqu’elle souhaite joindre les rangs de l’OTAN, la Croatie doit donc faire en sorte
que son personnel, qu’il soit civil ou militaire, soit plus qualifié et adapté aux standards qui
lui ont été fixés. Cela requiert une expertise particulière, laquelle se résume ainsi :
320 Timothy EDMUNDS, op. cit., p. 43. 321 Ibid.. 322 Ibid. 323 Ibid.
102
[...] military and civilian professionalism requires knowledge of international organisations, of service in multi-national headquarters, interoperability, interagency stratagems, and the procedures of multi-national civilian-military bureaucracies. The civilians (as well as the military) have to reorient themselves to regional security, crisis management, and planning armed forces that not only are smaller but have a different force structure324.
Dans l’optique de l’interopérabilité avec l’OTAN, l’apprentissage des langues étrangères
telles que l’anglais, le français, l’allemand et l’italien représente aussi une tâche non
négligeable.
Beaucoup d’efforts devront donc encore être consentis afin de pallier les carences
au niveau de la professionnalisation et de la spécialisation du personnel. D’une part, cela
requiert la formation du personnel déjà existant et, d’autre part, la mise sur pied de
programmes efficaces d’instruction et d’entraînement. Cette tâche est confirmée à l’ordre
du jour selon le Strategic Defence Review. D’après ce document, les objectifs sont de faire
en sorte que l’Académie militaire croate soit responsable du développement, de la
recherche scientifique nécessaire aux forces armées et de la prise en charge l’instruction des
militaires et des civils dans les secteurs de la défense et de la sécurité325. Les principales
tâches qui la concernent seront donc :
• the education of officers in co-operation with civil institutions; • the military and functional education for officers and NCOs; • the education for military and civilian personnel designated to work in
multinational headquarters; • the integration and development of a civil-military educational system; • the scientific research work requirements in support of Croatia’s national
security and defence; • the development of a distance learning system for defence requirements; • a publishing capacity and classic and electronic libraries326.
324 Zvonimir MAHECIC, « Capability-Building and Good Governance in Security and Defence Reform»,
dans Jan TRAPANS et Philipp FLURI (eds.), Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, DCAF, 2003, p. 94, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.dcaf.ch/_docs/defence_ssg_see/Croatia.pdf
325 «Strategic Defence Review», op. cit., p. 24-25. 326 Ibid., p. 25.
103
Le Joint Training and Education Command s’attaquera quant à lui à la professionnalisation
des forces armées, en regard avec les standards de l’OTAN. Ses tâches seront les
suivantes :
• Conduct of inter-service education and the training of officers and NCOs; • Proposing and developing CAF joint doctrine; • Participation in the development of unique standards and measures for
training and education in the CAF; • Development of manuals for training and education327.
Qui plus est, selon le Strategic Defence Review, l’armée entend en outre suspendre la
conscription militaire obligatoire. En la remplaçant par une force de réserve permanente,
elle serait donc entièrement professionnelle.
La professionnalisation et la spécialisation du personnel civil et militaire sont une
part importante du bon fonctionnement d’un régime civilo-militaire libéral. En tant que
conditions fixées par l’OTAN, elles constituent aussi une étape nécessaire du processus de
réforme dans l’atteinte d’une interopérabilité de fait avec l’OTAN. Les restrictions
budgétaires constituant les principales entraves au processus de modernisation des forces
armées, on ne peut prévoir pour l’instant si le financement de ces réformes obtiendra tout le
soutien politique nécessaire.
La modernisation de l’armée concerne sa structure, ses procédures et son
équipement, qui sont maintenant obsolètes. Puisque les réformes à effectuer sont très
nombreuses et très techniques dans certains cas, nous n’expliciterons pas en détail tout ce
qu’elles sous-tendent. Nous nous contenterons seulement d’en dicter les grandes lignes,
afin de pouvoir cibler les axes sur lesquels la Croatie devra davantage se concentrer dans
l’objectif de l’interopérabilité avec l’OTAN. Notons à tout le moins que, pour 2006, les
programmes d’équipement et de modernisation étaient les suivants :
• Further conduct of the “Sky” project – equipping with radar systems for the control of air space;
327 Participating State Republic of Croatia - Annual Exchange of Information on Defence Planning 2006, op.
cit., p. 14.
104
• Further conduct of the “Sea” project – equipping with radar systems for the control of coastal space;
• Equipping with transport vehicles of differing purposes (5 and 10 ton transport vehicles, hauling trains, tankers for water, tankers for fuel);
• Project for acquisition of wheeled armoured personnel carriers of differing types;
• Continuation of acquisition of engineering machines and equipment for units intended to take part in NATO/PfP operations;
• Acquisition of NBC equipment for CAF needs (primarily for units intended to take part in NATO/PfP operations);
• Completion of equipping and testing on the “Kralj Zvonimir” ship; • Completion of building a small anti-mine ship; • Continuation of AN-32B transport aircraft modernization (phase 2); • Continuation of equipping CAF units intended for participation in NATO/PfP
operations with personal equipment328.
Les réformes à long terme sont relatées dans le Strategic Defense Review, qui a
servi à l’élaboration du plan des forces armées pour 2006-2015 (LTDP). Le LTDP sera en
procédure parlementaire au cours de l’année 2006. Dans le Strategic Defense Review, le
gouvernement croate reconnaît avoir encore plusieurs étapes à franchir afin d’améliorer
l’efficience de l’armée et du ministère de la Défense en rapport avec les standards
d’interopérabilité de l’OTAN. Autant au niveau du ministère de la Défense que des forces
armées, la réduction de la taille, même si elle est une étape fondamentale, ne constitue
qu’une première étape vers la réorganisation complète de leur structure. Au ministère de la
Défense, la structure, en plus d’être allégée, sera rationalisée. Les procédures, quant à elles,
seront standardisées. En ce qui concerne les forces armées, le processus déjà entamé visant
à réduire le nombre de Corps territoriaux aboutira finalement à l’abandon complet de cette
organisation territoriale dès le début de 2007329. Cette structure de commandement, fondée
sur la territorialité de la défense, était en effet contraire à la vision de la sécurité telle que
promulguée et mise de l’avant par l’OTAN. La Croatie appliquera donc le modèle des pays
membres de l’OTAN et développera «its own integral concept of mobile forces» et ce, à
partir de la transformation des deux Corps restants330. Cette annonce a été faite par le
ministre de la Défense Berislav Roncevic et le Chef du General Staff le général Josip Lucic
en mars 2006. Toujours dans cette lignée, le nombre de niveaux de commandement sera 328 Ibid., p. 16. 329 Mile FRANICEVIC, «MOD Shuts Down Corps of the Croatian Armed Forces», loc.cit. 330 Ibid.
105
aussi réduit. Tout compte fait, la Croatie entend se doter d’une force de réaction mobile qui
puisse être rapidement déployée, assumant ainsi ses responsabilités de défense collective.
En ce qui concerne la modernisation et l’achat d’équipement, le budget y étant
alloué est très restreint. En conséquence, les achats sont concentrés là où les besoins
d’interopérabilité sont le plus criants, c’est-à-dire ceux concernant les opérations
internationales où la Croatie engage ses troupes. Principalement, l’attention sera portée sur
«[...]the modernisation of communications and information systems at all levels, simulation
training systems and modern combat systems[...]»331. Il s’agit donc d’acquérir et/ou de
moderniser le matériel nécessaire pour ces opérations afin qu’il soit compatible à la
logistique de l’OTAN.
La délégation croate à l’OTAN a rencontré 3 avril 2006 le Comité directeur
politico-militaire du Partenariat pour la paix (PMSC/PFP) dans le cadre du Processus de
planification et d'examen (PARP) du PpP. À la lumière de cette rencontre, les représentants
des pays membres de l’OTAN se sont dits satisfaits «du concept développé pour les forces
armées croates et croient qu’avec sa réalisation la Croatie peut mettre sur pied des forces
crédibles capables de joindre le système de défense collectif de l’OTAN»332. Ainsi, si le
Long Term Development Plan pour 2006-2015 est approuvé par le Parlement et se
concrétise, la Croatie aura réussi à atteindre une des conditionnalités militaires
fondamentales à l’adhésion : la réforme de l’armée et son interopérabilité à l’OTAN.
3.3.4 La participation aux opérations et aux missions de l’OTAN
En concordance avec l’OTAN, la Croatie intensifiera ses efforts en vue de
promouvoir la défense collective, notamment par la réalisation des objectifs du Partenariat
pour la paix (PpP) et du MAP (dont elle est à son cinquième cycle). Ceux-ci porteront entre
331 «Strategic Defence Review», op. cit., p. 6. 332 «NATO countries are satisfied with the presented development concept of the Croatian Armed Forces and
believe that with its realization Croatia can create credible forces that are capable to join the NATO collective defence system», voir à cet effet «Croatian delegation met NATO Political-Military Steering Committee», ministère de la Défense de la République de Croatie, 03 avril 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/en/vijesti_main_en.asp?id=106
106
autres sur les menaces «non traditionnelles», comme : «le terrorisme international, la
prolifération des armes de destruction massive (ADM), le crime organisé, le trafic illégal,
les désastres et dégradations environnementaux»333. En participant activement aux activités
du PpP et du MAP, la Croatie coopère et échange des informations avec l’OTAN. Cela, en
plus de contribuer à l’augmentation de ses capacités, contribue à l’amélioration de son
niveau d’interopérabilité avec l’OTAN. Qui plus est, en prenant une part active au système
de défense collective de l’OTAN, la Croatie augmente ses chances d’adhésion.
La participation aux missions de maintien de la paix et aux opérations
multinationales représente un aspect très important de la coopération avec l’OTAN. Ce
nouveau rôle est défini en Croatie par la National Security Strategy, selon lequel les forces
armées croates «will be organised, equipped and trained, in such way as to facilitate its
participation in multinational forces and international peacekeeping operations as well as in
humanitarian missions and disaster relief operations» et il est régi par la Law on
Participation in International Operations334. À ce jour, la Croatie contribue à plusieurs
opérations de l’OTAN, la principale étant celle de l’Afghanistan. Les troupes déployées
devaient d’ailleurs augmenter de 50 à 150 au début de l’année 2006335. Depuis mai 2006,
65 troupes de plus ont déployées en Afghanistan de l’ISAF336, ce qui correspond selon nos
dernières données à 147 soldats croates337. Cette contribution est très appréciée par
l’Alliance atlantique, qui y voit un réel intérêt de la part de la Croatie de participer à la
défense collective. En fait, il est important de rappeler que pour l’OTAN, la participation
aux missions et opérations de l’Alliance est une des conditions essentielles à l’admission
333 «Strategic Defence Review», op. cit., p. 6. 334 Dario CZIAKY, «International Requirements and Influences», dans Jan TRAPANS et Philipp FLURI
(eds.), Defence and Security Sector Governance and Reform in South East Europe: Insights and Perspectives – Croatia – A Self Assessment Study, DCAF, 2003, p. 143-144, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.dcaf.ch/_docs/defence_ssg_see/Croatia.pdf
335 Mile FRANICEVIC, «Croatia Operates as if Already in NATO», Vjesnik, 17 novembre 2005, traduit par WNC et disponible en ligne à l’adresse suivante : http://wnc.dialog.com/ Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’en avril 2006, cette annonce demeurait inchangée. Voir à cet effet, «Croatian Foreign Minister Arrives in Kabul for Official Visit», HINA, 20 avril 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.vlada.hr/default.asp?mode=1&gl=200604200000021&jezik=2&sid=
336 «US-Adriatic Charter Members Express Strong Aspirations for NATO Membership», HINA, 7 mai 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.vlada.hr/default.asp?gl=200605080000016
337 «Croatia’s Contingent Redeploys From Kandahar Back to Northern Afghanstan», HINA, 19 décembre 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wnc.dialog.com/
107
d’un nouveau membre, après le fait d’avoir dûment complété les réformes militaires et
politiques exigées.
4.1 Conclusion
Bien qu’elles aient entre autres pour objectif d’atteindre une interopérabilité de fait,
les conditionnalités politiques et militaires imposées à la Croatie par l’OTAN font aussi
partie d’un plan plus large. En fait, il s’agit de l’application concrète de la nouvelle
conception de la sécurité de l’OTAN, selon laquelle les menaces à la sécurité ne sont pas
que militaires, mais aussi politiques. Les conditionnalités imposées à la Croatie suivent
donc cette logique. D’une part, les réformes militaires sont primordiales, puisqu’elles
permettent l’interopérabilité des forces armées avec celles de l’OTAN, sans quoi la
coopération serait inefficace. Les opérations et les missions de maintien de la paix de
l’OTAN représentent donc une facette de la sécurité. Par celles-ci, les États membres, qui
sont par nature «consommateurs de sécurité», deviennent doublement des «pourvoyeurs de
sécurité». D’autre part, la sécurité reposerait aussi sur des États démocratiques stables
politiquement et économiquement. Pour la Croatie, qui, au point de vue économique, a reçu
une caution de l’Union européenne par le début des pourparlers, on peut ainsi soumettre le
postulat selon lequel plus la démocratisation de l’État avance, plus l’adhésion à l’OTAN
devient à portée de main.
108
CHAPITRE TROIS : L’adhésion en perspective
I. L’approche régionale : pierre d’assise des partenariats
1.1 La coopération régionale
Au cours des années 1990, l’OTAN s’est adaptée au nouvel environnement
sécuritaire en empruntant deux principales avenues, soit l’intervention dite «hors zone» et
l’élargissement à proprement parler. Dans les deux cas, l’OTAN a dû s’ajuster à mesure
que se présentaient les nouveaux défis. Un concept stratégique renouvelé a ainsi vu le jour,
ouvrant la voie à une nouvelle ère en matière de sécurité. Comprenant que les menaces à la
sécurité n’étaient plus nécessairement d’ordre militaire, mais pouvaient tout aussi bien être
économiques ou politiques, l’Alliance atlantique s’est investie auprès des pays dont
l’instabilité était jugée comme étant un facteur de risque pour ses membres. Dans les cas où
l’intervention militaire n’était pas de mise, le partenariat a été le principal outil de
conciliation des objectifs sécuritaires. Le Partenariat pour la paix (PpP) et le Conseil de
Partenariat euro-atlantique (CPEA) sont des exemples probants de la réussite de
coopération en matière de sécurité entre les divers partenaires de l’OTAN.
Le partenariat a donc permis à l’OTAN de chapeauter plusieurs initiatives tout en
fournissant aux partenaires un cadre consultatif favorisant la coopération. Ainsi, la
réciprocité des objectifs sécuritaires a contribué au rapprochement de plusieurs États dont
les réalités politiques, économiques et militaires avaient des similitudes et/ou étaient parfois
interconnectées. En matière de politique sécuritaire à petite échelle, cela a mené l’OTAN à
développer l’approche de la coopération régionale. La logique de la coopération régionale
veut qu’«en mettant leurs ressources en commun de façon adéquate, des pays ayant les
mêmes objectifs [puissent] renforcer efficacement leur propre sécurité»338. L’objectif est
dans ce cas de favoriser la transparence et la coordination dans les domaines qui découlent
338 James APPATHURAI, «L'évolution des partenariats de l'OTAN : Promouvoir la sécurité régionale»,
Revue de l’OTAN, édition web, vol. 49, n° 3, automne 2001, p. 13-15, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/revue/2001/0103-03.htm
109
de la sécurité, soit l’économie, la politique et l’armée. En agissant à petite échelle, la
coopération est plus étroite et les solutions proposées sont souvent plus accessibles. Les
accords régionaux ainsi conclus contribuent à la stabilité des États y participant, à la région
à laquelle ils appartiennent et, en fin de compte, à toute l’architecture sécuritaire euro-
atlantique. Qui plus est, l’OTAN justifie la pertinence de son approche par le fait que [...]
chacune [des régions] est confrontée à ses propres défis de sécurité dans un contexte
géopolitique unique, et parce que chacune présente pour l’Alliance un intérêt unique sur le
plan de la sécurité»339. Enfin, elle souhaite que ces États développent, par le biais de la
coopération régionale, des habiletés à travailler ensemble, puisqu’ils seront sûrement
amenés à le faire de nouveau dans le cadre des missions et opérations de l’Alliance
atlantique.
Lorsque l’on tente une conceptualisation de la coopération régionale telle que
promue par l’OTAN, on constate qu’elle est le fruit d’initiatives ponctuelles et de décisions
stratégiques portant sur différents aspects de la sécurité, formant ensemble «un tout
intellectuellement cohérent»340. Comme le remarque d’ailleurs James Appathurai (actuel
porte-parole de l’OTAN) : «[...]il n’existe pas de document unique qui expose
officiellement les principes de base de la coopération régionale et les modalités de soutien
que l’Alliance lui apportera»341. D’une façon pragmatique, l’approche régionale a été
utilisée principalement dans les Balkans, le Caucase et les États baltes.
Afin de mettre en place les balises nécessaires à l’établissement d’une stabilité et
d’une sécurité à long terme dans les Balkans, un Groupe de travail ad hoc sur la
coopération régionale en Europe du Sud-Est a été créé par le CPEA. Celui-ci soutient
d’ailleurs l’Initiative pour l’Europe du Sud-Est, qui avait été lancée lors du Sommet de
Washington en 1999. Ce partenariat à l’échelle régionale a permis une collaboration entre
des pays déjà partenaires de l’OTAN et d’autres qui ne l’étaient pas (et ne le sont pas
encore, comme la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro). Parmi les réalisations
notables de ce partenariat, notons la formation d’un Groupe directeur sur la coopération en
339 Ibid. 340 Ibid. 341 Ibid.
110
matière de sécurité en Europe du Sud-est (SEEGROUP) ainsi que la négociation d’un
document d’évaluation des défis et des perspectives en matière de sécurité régionale en
Europe du Sud-Est (SEECAP)342. Plusieurs activités de collaboration ont de ce fait pu être
développées dans les Balkans grâce au partenariat découlant de la logique de la
collaboration régionale. À sa façon, cette coopération a contribué à la sécurité de la zone
euro-atlantique en maintenant le dialogue entre les pays d’une région jugée instable et en
favorisant la recherche de solutions accessibles. Qui plus est, ces partenariats ont permis
aux États participants de se familiariser davantage avec les méthodes et procédures de
l’OTAN, de même qu’avec sa conception de la sécurité.
1.2 La Charte adriatique
À travers les structures de l’OTAN, et en parallèle avec celles-ci, plusieurs formules
de partenariats se sont développées entre les aspirants au statut de membres. Ces
partenariats, même s’ils n’ont pas nécessairement été développés par l’OTAN, ont tout de
même été soutenus par l’organisation, qui voit d’un bon œil les États entrer dans ce type de
dynamique. En 2000, ce qu’on appelle le Groupe de Vilnius a pris forme. Les signataires
étaient : l’Albanie, la Bulgarie, la Croatie (qui a joint le groupe en mai 2001 seulement),
l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la République de Macédoine, la Roumanie, la Slovaquie
et la Slovénie. Le Groupe de Vilnius a été formé afin que les États membres puissent
s’offrir un support mutuel dans la perspective de l’adhésion à l’OTAN. Ensemble, ce
groupe a eu la capacité d’exercer une pression sur l’OTAN afin que la politique
d’élargissement demeure une priorité pour l’organisation et ne tombe pas dans l’oubli. En
2002, lors du Sommet de Prague, sept des signataires ont été invités à joindre les rangs de
l’OTAN.
Les trois candidats restants, la Croatie, la République de Macédoine et l’Albanie, se
sont alors regroupés. Le 2 mai 2003, à Tirana, ils ont ainsi signé conjointement, sous les
auspices des États-Unis, la Charte adriatique. Par cet accord, les trois États se sont engagés
342 «Un partenariat dynamique», Bureau de l’information et de la Presse de l’OTAN, Bruxelles, mai 2002,
p.7, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/part-act/part-act-fra.pdf
111
«to accelerate their democratic reforms, protect human rights, implement market-oriented
economic policies and enhance their mutual cooperation»343. Ils se sont aussi entendus avec
les États-Unis à se consulter dans l’éventualité où leur sécurité serait mise en cause. De
plus, la Croatie, la République de Macédoine et l’Albanie se sont engagés à poursuivre
leurs réformes de la défense ainsi qu’à contribuer à la stabilité régionale en augmentant la
sécurité à leurs frontières344.
Même s’il s’inscrit directement dans la suite de Vilnius, cet accord s’inspire
essentiellement de la charte pour la Baltique, laquelle a déjà connu plusieurs succès. Cette
dernière a été signée en 1998 par les États-Unis et les trois États baltes (la Lettonie,
l’Estonie et la Lituanie). Aux dires de certains observateurs, l’accord balte était beaucoup
plus cohérent que l’est actuellement la Charte adriatique. Le succès de la charte pour la
Baltique repose sur le fait que les trois États baltes avaient une longue tradition de
coopération, qu’ils avaient un niveau de développement équivalent et qu’aucun différend ne
les opposait. En outre, leur projet commun, soit à l’adhésion à l’OTAN, répondait aux
mêmes objectifs, dont la volonté d’acquérir un rempart contre les prétentions de la Russie.
À l’intérieur de la Charte adriatique, tous n’ont pas la même vision de ce à quoi elle
doit servir et des mésententes surviennent à l’occasion. Le développement des États n’est
d’ailleurs pas équivalent entre les signataires. Par exemple, le niveau économique de la
Croatie est manifestement plus élevé que celui de l’Albanie. Dans certaines sphères
d’activité, la collaboration peut donc ralentir la progression des États. En outre, ces États
n’ont pas d’historique de coopération, peut-être entre autres parce que la Bosnie-
Herzégovine, la Serbie et le Monténégro les séparent physiquement les uns des autres. En
considérant ces obstacles, ils doivent parfaire leur degré de coopération au fil des
consultations et ajuster leurs politiques en conséquence.
343 Commending the Signing of the United States Adriatic Charter, H. Con. Res. 209, 11 juin 2003, Serial No.
108-24, p. 5, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wwwc.house.gov/international_Relations/108/87671.PDF
344 Ibid.
112
La Charte adriatique n’est donc pas un accord aussi parfait que l’a été celui pour les
pays baltes. Or, elle a l’avantage de permettre une collaboration étroite entre ces États qui,
par de nombreuses consultations, peuvent coopérer d’une façon pragmatique en ce qui
concerne entre autres «la défense et la sécurité nationale, la guerre contre le terrorisme et le
renforcement et le développement des institutions démocratiques345. Ce partenariat favorise
aussi la stabilité régionale et donc, celle de la zone euro-atlantique. En outre, la perspective
d’élargissement de la charte à la Serbie, au Monténégro et à la Bosnie-Herzégovine cadre
tout à fait dans la stratégie de l’OTAN pour les Balkans.
La Charte adriatique, qui met de l’avant l’approche régionale, reçoit donc un grand
support de la part de l’OTAN et en particulier des États-Unis. L’organisation considère que
la coopération à l’intérieur du cadre de la Charte adriatique peut aider grandement ces États
à atteindre les objectifs fixés pour l’adhésion. Notamment, elle favorise la coopération entre
la Croatie, la République de Macédoine et l’Albanie dans le cadre des opérations et des
missions de l’Alliance atlantique. La première mission conjointe des trois États membres de
la Charte adriatique s’est d’ailleurs déroulée en août 2005. Une équipe médicale de 12
personnes à alors été envoyée en Afghanistan au sein de l’ISAF. Le succès de cette
première mission laisse entrevoir la possibilité d’autres missions pouvant être confiée au
groupe de la Charte adriatique.
La participation de la Croatie, de la République de Macédoine et de l’Albanie à la
mission en Afghanistan est très appréciée, et ce, particulièrement par les États-Unis,
puisque cela démontre une volonté de la part de ces États de prendre une part active à la
sécurité euro-atlantique. Qui plus est, l’Alliance atlantique considère qu’il est très important
que le groupe de la Charte adriatique collabore et coopère dans la mesure où ils seront
appelés à la faire dans le futur, s’ils joignent ses rangs. L’implication des candidats dans les
missions de l’OTAN contribue donc à raffermir la volonté de les admettre au sein de
l’organisation.
345 «U.S.-Adriatic Charter a Success», Croatia News – Newsletter of the Embassy of the Republic of Croatia,
été 2004, vol. 3, n°2, p.2.
113
1.3 La Croatie en tant que partenaire régional
La conception que la Croatie a de la Charte adriatique diverge quelque peu avec
l’image que peut en avoir l’OTAN. En effet, bien qu’elle le conçoive aussi comme un plan
pouvant aider à la collaboration régionale, et elle le voit comme tel, le partenariat ne
constitue pour elle qu’un plan parmi tant d’autres. Cette vision diverge avec celle que
projette l’OTAN qui, lorsqu’elle traite du groupe de candidats à l’adhésion, en parle
habituellement comme étant le groupe de la Charte adriatique. Beaucoup d’emphase est
mise sur cette volonté de partenariat, un peu comme si on y voyait là un «package deal» à
la sauce régionale. Ce qui serait, par ailleurs, très probable si on se rappelle bien les propos
de James Appathurai, selon lesquels «[...] chacune [des régions] présente pour l’Alliance un
intérêt unique sur le plan de la sécurité»346. Pour la Croatie, qui considère l’adhésion d’une
façon beaucoup plus individuelle, cela représente une divergence d’interprétation avec
l’OTAN, mais aussi avec ses partenaires. L’entente entre les trois signataires est donc, à
l’occasion, parsemée de tensions.
L’importance de la Charte adriatique n’est toutefois pas remise totalement en cause
par la Croatie. En effet, étant tout de même un bon outil de coopération, la Charte lui
permet d’entretenir une importante relation bilatérale avec les États-Unis. Aussi, elle
redonne à l’OTAN de la visibilité à l’élargissement, où bien d’autres priorités sont à l’ordre
du jour. Elle assure en ce sens un certain poids à des pays qui, comme la Croatie, se sentent
écartés à la faveur des autres enjeux de l’heure et qui considèrent qu’il y a, à l’OTAN, une
fatigue face à la politique de l’élargissement347.
346 James APPATHURAI, loc.cit. 347 En ce qui concerne l’essoufflement possible quant à l’élargissement, nous croyant qu’il ne s’agit là que
d’une question de perception. En fait, depuis les deux derniers élargissements, les critères d’admission sont plus nombreux et leur évaluation a été précisée. Le processus est donc plus long, plus réglementé et plus structuré. Ainsi, les États postulants doivent passer au travers une série d’étapes avant de devenir membres et, comme la marche à suivre a déjà été empruntée, l’OTAN a moins à se justifier de ces étapes. La politique d’élargissement n’est donc pas mise de côté, elle soulève seulement moins de polémiques.
114
II. Perspectives du prochain élargissement
2.1 Adhésion individuelle ou collective?
Au cours du dernier Sommet de l’OTAN, qui s’est tenu en novembre 2006 à Riga
(Lettonie), la question de l’élargissement n’était pas spécifiquement à l’ordre du jour. Les
membres se sont plutôt penchés sur la transformation militaire de l’Alliance et sur la
projection de sa puissance dans le cadre des nouvelles opérations. Toutefois, comme il
fallait s’y attendre, la déclaration finale de Riga contenait une mention concernant les
candidats à l’adhésion. C’est en ces termes que celle-ci a reconnu leur niveau de
préparation : «We welcome the efforts of Albania, Croatia, and the former Yugoslav
Republic of Macedonia to prepare themselves for the responsibilities and obligations of
membership. We commend their increasing contributions to international peacekeeping and
security operations as well as their common efforts to advance regional cooperation»348. La
déclaration stipulait aussi que, lors du prochain sommet de l’Alliance en 2008, de nouvelles
invitations seraient adressées aux pays qui auraient rencontré les standards de l’OTAN et
qui seraient capables de contribuer à la sécurité et à la sécurité de la zone euro-atlantique349.
Au lendemain de Riga, il est donc de plus en plus justifié de se demander si le prochain
élargissement se fera sur une base individuelle ou collective.
Lors des entrevues qui nous ont été octroyées en 2005, nous avions déjà tenté de
savoir quels étaient les pays membres qui approuvaient l’adhésion individuelle et lesquels
penchaient plutôt pour l’adhésion collective. Aucun responsable de l’OTAN que nous
avions alors interrogé n’avait pu affirmer avec certitude détenir la réponse à cette question.
Il ne semble pas non plus y avoir aujourd’hui de consensus au sein des experts sur les
tendances des États. Selon le discours officiel, chaque adhésion est évaluée sur une base
individuelle, c’est-à-dire que tous sont jugés au cas par cas selon l’avancée de leurs
réformes et leur propension à contribuer à la sécurité et à la stabilité euro-atlantique. C’est
348 «Riga Summit Declaration Issued by the Heads of State and Government participating in the meeting of
the North Atlantic Council in Riga on 29 November 2006», NATO – Press Release(2006)150, 29 novembre 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.nato.int/docu/pr/2006/p06-150e.htm
349 Ibid.
115
d’ailleurs ce que prétend explicitement la déclaration finale de Riga et tous les messages
envoyés aux candidats vont en ce sens. Dans ce contexte, l’atteinte des conditionnalités
politiques et militaires exigées par l’OTAN apparaît comme nécessaire.
Pourtant, certains exemples récents nous montrent la précarité de cet argument. Il
s’avère, en effet, qu’en 1999, l’élargissement s’est fait alors que les réformes n’étaient pas
complétées et qu’aucun cadre n’avait été prévu pour que les efforts investis ne diminuent
pas une fois l’adhésion acquise. Cela a été rectifié lors de celui de 2004. Le fait que des
États aient été admis sans avoir complété la totalité de leurs réformes peut relativiser
l’importance que revêt la conditionnalité pour l’OTAN. En effet, le plus grand défi d’alors
était d’intégrer de nouveaux États, sans nuire à la cohésion et à l’efficacité militaire de
l’organisation. Afin qu’elle ne soit pas déstabilisée, l’emphase a été mise principalement
sur la dimension militaire des conditionnalités. Or, bien que l’OTAN ait choisi d’inviter les
trois pays les plus avancés sur la voie des réformes, elle l’a fait malgré que l’atteinte des
conditionnalités ne soit que partielle. L’élargissement de 1999 répondait, de ce fait, à
l’intérêt stratégique du moment. La logique derrière cette décision était alors beaucoup plus
politique que militaire et stratégique qu’individuelle (selon l’atteinte des critères fixés).
L’autre exemple nous provient de la déclaration finale de Riga. Ce qui a retenu le plus
l’attention est, sans conteste, l’invitation lancée à la Serbie, au Monténégro et à la Bosnie-
Herzégovine de joindre le PpP. En fait, l’objectif avoué de l’OTAN était bel et bien de voir
toute la région des Balkans coopérer au sein de ses structures. Or, pour respecter la logique
de la conditionnalité, selon laquelle le respect des critères fixés par l’OTAN justifie la
décision de s’élargir en évaluant chaque cas sur une base individuelle, il aurait fallu que
l’Alliance atlantique exige que la Serbie et la Bosnie respectent leurs engagements face au
TPIY avant de recevoir cette invitation. Que Radtko Mladic et Radovan Karadzic soient
livrés au TPIY, comme les gouvernements respectifs s’y étaient engagés, telle aurait dû être
la voie à suivre selon cette logique. L’incohérence par rapport à l’importance du respect des
conditionnalités montre à quel point toute cette logique d’adhésion est malléable selon les
intérêts politiques de l’OTAN. Cela nous ramène donc à l’étude sur l’élargissement de
1995, où il est clairement stipulé que :
116
Il appartiendra à l'OTAN de décider elle-même de son élargissement. Celui-ci se déroulera suivant un processus graduel, actif et transparent, incluant un dialogue avec toutes les parties intéressées. Il n'y a pas de liste fixe ou rigide de critères sur la base desquels inviter de nouveaux États à devenir membres de l'Alliance. La décision sera prise au cas par cas et certains pays pourront accéder au statut de membre de l'Alliance avant d'autres. La décision d'admettre ou de ne pas admettre de nouveaux membres ne doit pas être prise sur la base de leur appartenance à un certain groupe ou une certaine catégorie. Au bout du compte, les Alliés décideront par consensus, pour chaque nouveau membre potentiel, s'il convient de l'inviter à adhérer à l'Alliance, selon qu'ils jugeront que cela contribuera à la sécurité et à la stabilité dans la région de l'Atlantique Nord au moment où une telle décision devra être prise350.
Lorsqu’il s’agit de décider si l’élargissement se fera sur une base individuelle ou
collective, plusieurs facteurs entrent, de ce fait, en ligne de compte. Tout d’abord, le
processus comme tel étant assez complexe, l’OTAN a eu tendance lors des deux derniers
élargissements à procéder d’une façon collective. Cette décision a été prise même compte
tenu du fait que quelques États étaient sensiblement moins avancés au niveau de leurs
réformes. Le prochain élargissement ne répond toutefois pas exactement aux mêmes
impératifs que ceux qui l’ont précédé. La première vague d’adhésions de l’après-guerre
froide visait avant tout à redonner une raison d’être à l’OTAN en tant qu’organisation de
sécurité et à exporter la stabilité à l’est. L’intégration de ces pays permettait donc d’adapter
l’Alliance atlantique et surtout, de rendre effective sa vision de l’espace sécuritaire du
système international post-Yalta. Celui de 2004 apparaît comme étant sa suite logique.
L’élargissement actuel s’inscrit, quant à lui, pleinement dans le changement de contexte
politique à la suite des événements de septembre 2001. Il correspond, de ce fait, au nouvel
agenda de l’Alliance en matière sécuritaire, lequel porte une attention particulière à la lutte
contre le terrorisme, à la prolifération des armes de destruction massive, aux États en
déroute, à la sécurité énergétique, etc. Dans cette optique, le centre d’intérêt de l’OTAN se
déplace de plus en plus vers des pays comme l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak ou la Corée du
Nord. En intégrant les Balkans, l’intérêt stratégique de l’OTAN est, d’une part, de prévenir
la création d’un foyer d’instabilité au cœur de l’Europe et, d’autre part, d’acquérir des alliés
supplémentaires dans le cadre des nouvelles missions de l’Alliance.
350 «Étude sur l’élargissement», op. cit.
117
Bien qu’il soit peu risqué d’affirmer que les pays de la Charte adriatique joindront
tôt ou tard l’OTAN, le fait qu’ils n’adhèrent pas tous lors de la prochaine vague ne
remettrait sûrement pas en cause la stabilité acquise, entre autres par l’entremise des pactes
de coopération régionale. À la lumière des arguments mentionnés précédemment, il
apparaît cependant peu probable qu’un de ces trois pays soit écarté parce qu’il accuse un
retard dans l’accomplissement de ses réformes. Avec l’adhésion de la Serbie, du
Monténégro et de la Bosnie au PpP et en considérant que la question du statut futur du
Kosovo doit être réglée en 2007, le plan de l’OTAN pour les Balkans semble être déjà mis
en application. La Croatie, l’Albanie et la République de Macédoine devraient logiquement
être invitées, ensemble, à joindre l’OTAN lors du prochain sommet en 2008.
2.2 Réflexion sur le prochain élargissement selon la perspective américaine
Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont joué un rôle de premier plan en
ce qui concerne la politique d’élargissement de l’OTAN. Il ne serait pas exagéré même
d’affirmer que ce sont les Américains qui ont donné la cadence à l’élargissement.
L’influence américaine quant à cette politique est demeurée très importante depuis ce
temps. En ce qui concerne plus spécifiquement les Balkans, cela s’est manifesté de nouveau
lors de la signature de la Charte adriatique. Par cet acte, les États-Unis se sont assurés de
jouer un rôle actif dans la préparation de ces États en vue de l’adhésion à l’OTAN. Ils sont
alors à même d’évaluer, hors du cadre de l’OTAN, les progrès effectués au niveau des
réformes par la Croatie, l’Albanie et la République de Macédoine, lors de rencontres fixées
dans le cadre de cet accord. Qui plus est, en établissant des relations bilatérales et un
historique de coopération avec le groupe de la Charte adriatique, ils s’assurent d’un rôle
actif dans la région. Les États-Unis acquièrent de ce fait une influence grandissante auprès
de ces États, ce qui pourrait leur être d’autant plus utile dans l’éventualité de leur adhésion
à l’OTAN.
118
Dans cet ordre d’idées, la visite du vice-président américain Dick Cheney à
Dubrovnik en mai 2006, lors de la dernière réunion du groupe de la Charte adriatique, revêt
une grande importance. En fait, cette visite officielle en Croatie, qui est la plus importante
depuis celle du président Clinton en 1996, laisse présager une volonté des États-Unis
d’évaluer par eux-mêmes le niveau d’avancement des réformes des pays de la Charte
adriatique. Le verdict qui a été posé à ce moment devrait donc décider de la ligne directrice
des États-Unis en ce qui concerne le prochain élargissement de l’OTAN et peut-être même
le moment où en fera l’annonce officiellement.
Depuis novembre 2005, le Congrès américain recommande l’intégration de la
Croatie à l’OTAN, et ce, en considération des progrès réalisés au niveau politique,
économique et militaire351. Qui plus est, lors de la dernière rencontre du Committee on
International Relations (Europe/Emerging Threats)352, il a été mentionné que : «While we
do not believe that any of NATO’s Membership Action Plan participants – Albania,
Croatia, and Macedonia – is ready for membership today, we support consideration of
NATO’s offering membership invitations in 2008 on the assumption that further, active
reform efforts under way will close the gaps that now exist»353. Les déclarations de Cheney
à la suite de sa rencontre avec les membres de la Charte adriatique vont dans le même sens.
Il s’est en effet déclaré satisfait des progrès réalisés par les trois États, affirmant même
qu’ils pouvaient s’attendre à recevoir une invitation à joindre les rangs de l’OTAN lors du
sommet de 2008, s’ils continuaient sur la voie des réformes354. Par la même occasion, il
s’est dit en faveur d’une mention à propos du prochain élargissement lors du sommet de
Riga de 2006.
351 « Recommending the Integration of the Republic of Croatia into the North Atlantic Treaty Organization»,
109th Congress 1st Session, H. RES. 529, 16 novembre 2005, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wwwc.house.gov/international_relations/109/24597.pdf
352 Le président du Committee on International Relations (Europe/Emerging Threats) du 109e Congrès américain est Elton Gallegly (CA) et les members sont: Jo Ann Davis (VA), Peter King (NY), Thaddeus McCotter (MI), Darrell Issa (CA), Ted Poe (TX), J. Gresham Barrett (SC), Robert Wexler (FL), Eliot L. Engel (NY), Joseph Crowley (NY), Shelley Berkley (NV), Grace Napolitano (CA) et Adam B. Schiff (CA). Voir à ce sujet «Subcommittee Member Assignments - 109th Congress», en ligne à l’adresse suivante: http://www.internationalrelations.house.gov/archives/submem.htm
353 Kurt VOLKER, «The Road to NATO’s Riga Summit», House International Relations Committee - Subcommittee on Europe and Emerging Threats, 3 mai 2006, p. 4, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://wwwc.house.gov/international_relations/109/vol050306.pdf
354 «U.S. Vice President Cheney Arrives in Dubrovnik», Hina, 6 mai 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.vlada.hr/default.asp?gl=200605080000006
119
En ce qui concerne plus spécialement la Croatie, Cheney a aussi affirmé être très
impressionné par les progrès réalisés au cours des dernières années et l’aide apporté à la
mission de l’OTAN en Afghanistan. Il s’est, par le fait même, prononcé en faveur de
l’adhésion de la Croatie à l’OTAN : «We [États-Unis] are strongly supportive of Croatia
becoming a full member of the trans-Atlantic community»355. La relation bilatérale entre
les États-Unis et la Croatie semble d’ailleurs n’avoir jamais été aussi bonne. À ce titre, le
premier ministre Sanader a été invité à la Maison Blanche, en octobre 2006, où il s’est
entretenu avec les têtes dirigeantes de l’administration américaine, soit le Président George
Bush, la Secrétaire d’État Condoleezza Rice, le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et
le vice-président Dick Cheney. À cette occasion, tous ont clairement souligné leur
satisfaction quant à l’avancement des réformes et à la participation de la Croatie à la
mission en Afghanistan. Ils aussi réitéré le support américain dans le cadre de son adhésion
à l’Alliance atlantique. Le Président Bush a même déclaré : «[...]it’s in the world interest
that Croatia join NATO, as well as European Union. To that end, when I go to Riga, I will
make the case that Croatia should be admitted. It seems like a reasonable date would be
2008»356.
En dehors de cette rhétorique, articulée autour de l’adhésion sur une base
individuelle et de la nécessité d’atteindre tous les objectifs fixés dans le cadre des
conditionnalités avant d’adhérer à l’OTAN, la stratégie américaine pour les Balkans vise
plutôt l’intégration de toute la région. À ce titre, il est intéressant de noter que les États-
Unis ne sont pas étrangers à l’invitation de joindre le PpP lancée à la Serbie, au
Monténégro et à la Bosnie-Herzégovine, lors du Sommet de Riga. Le changement de
contexte politique international à la suite du 11 septembre 2001, qui a beaucoup influencé
la politique étrangère américaine, a d’ailleurs motivé leur stratégie actuelle à l’égard des
Balkans. En effet, depuis 2001, les États-Unis souhaitent que l’OTAN s’implique 355 «U.S. Vice President Cheney says US Strongly Supports Croatia’s NATO and EU Membership
Aspirations», Hina, 6 mai 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.vlada.hr/default.asp?gl=200605080000008
356 Louise FENNER, «President Bush Supports NATO Membership for Croatia by 2008», Washington, Bureau of International Information Programs, 17 octobre 2006, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://usinfo.state.gov/xarchives/display.html?p=washfile-english&y=2006&m=October&x=20061017172757xlrennef6.557864e-02
120
davantage à l’extérieur de ses frontières, dans le cadre des nouvelles opérations de l’OTAN,
et qu’elle intensifie sa lutte contre le terrorisme357. Le changement de focus américain va de
pair avec une tendance à retirer progressivement leurs troupes des Balkans et d’y céder plus
de place à l’Union européenne, afin de pouvoir les transporter vers d’autres régions, jugées
plus critiques pour la sécurité euro-atlantique. L’objectif avoué est donc de régler la
question des Balkans, ce qui suppose l’adhésion à l’OTAN de la Croatie, de l’Albanie et de
la République de Macédoine, l’intégration au sein du PpP de la Serbie, du Monténégro et
de la Bosnie-Herzégovine et le règlement du statut futur du Kosovo.
L’intérêt stratégique des États-Unis pour les Balkans concerne aussi l’importance
que représente toute la région de l’Europe du Sud-Est dans la poursuite de leur politique
étrangère. D’après l’étude de Matthew Rodes, du groupe d’étude sur la stabilité régionale
en Europe du Sud-Est, deux facteurs principaux expliqueraient cet intérêt pour la région358.
Tout d’abord, le fait que la corruption et le crime transnational soient perçus comme les
défis principaux pour le développement politique et économique, mais aussi pour
l’intégration au sein des institutions euro-atlantiques. Ensuite, le postulat selon lequel la
gestion de la stabilité, dans une région où coexistent plusieurs populations de différentes
cultures, peut offrir un modèle viable aux autres régions et renforcer l’argument selon
lequel la guerre contre le terrorisme n’est ni le choc des civilisations annoncé par
Huntington359, ni une croisade contre l’islam. En fin de compte, l’engagement des pays des
Balkans dans la guerre contre le terrorisme, que ce soit par l’envoi de troupes en Irak au
sein de la coalition menée par les États-Unis, par l’implication dans la mission afghane ou
357 Ce sont là les principales conclusions que l’on peut aussi tirer du sommet de Riga. Voir à cette effet «Riga
Summit Declaration Issued by the Heads of State and Government participating in the meeting of the North Atlantic Council in Riga on 29 November 2006», op. cit.
358 Matthew RODES, «The U.S. Role in Southeast Europe : In and After the Peace Plans», dans Predrag JUREKOVIC et Frederic LABARE, éds., International Peace Plans for the Balkans – A Success? National Defence Academy and Bureau for Security Policy at the Austrian Ministry of Defence en collaboration avec le PfP Consortium of Defence Academies and Security Studies Institutes, 12th Workshop of the Study Group «Regional Stability In South East Europe», Vienne, septembre 2006, p.119. Disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.bmlv.gv.at/pdf_pool/publikationen/10_wg_intpeaceplan_10.pdf
359 Samuel P. Huntington est l’auteur d’une thèse, selon laquelle le monde est divisé en civilisations, qui se distinguent par des facteurs culturels (l’histoire, le sentiment d’appartenance et parfois la langue) et que parce qu’elles sont profondément différentes, les tensions et conflits du futur seront le résultat de leur confrontation. Voir à cet effet, Samuel P. HUNTINGTON, Clash of civilizations and the remaking of world order, New York, éd. Simon & Schuster, 1996, 367 pages.
121
bien par la coopération dans le contre-terrorisme, contribue pour beaucoup en ce qui
concerne l’intérêt que les États-Unis portent à ces États.
À la lumière de tout cela, nous pouvons affirmer que la Croatie, de même que
l’Albanie et la République de Macédoine, devrait recevoir tout le support nécessaire des
Américains pour joindre les rangs de l’OTAN en 2008, et ce, en raison de l’avancement des
réformes, mais surtout, à cause de l’intérêt stratégique actuel des États-Unis pour les
Balkans dans le cadre du nouveau contexte politique international.
122
CONCLUSION
Au cours des années 1990, les moyens les plus connus par lesquels l'OTAN a
favorisé la paix et la sécurité dans les Balkans ont été les opérations de gestion des crises et
de maintien de la paix qu'elle a dirigées en Bosnie, en République de Macédoine et au
Kosovo. En plus de lui permettre de retrouver une raison d’être dans le monde de l’après-
guerre froide, ces interventions lui ont permis de se transformer en un instrument efficace
de règlement et de gestion des crises. Qui plus est, l’expérience des Balkans a montré la
nécessité d’un rôle élargi de l’OTAN dans la région et a favorisé l’adoption de solutions à
long terme, privilégiant les principes d’intégration et d’association. Coordonnant les
mesures militaires et civiles, l'Alliance atlantique s'est donc engagée dans d'autres
entreprises politiques, passant de la diplomatie préventive à la promotion active de la
coopération régionale et du partenariat. L’élaboration de partenariats, de même que la
perspective d’intégration, a ainsi favorisé l’émergence d’un contexte politique et sécuritaire
plus viable.
Au travers des plans tels que le COCONA, puis le Partenariat pour la paix (PpP), le
Conseil de Partenariat euro-atlantique (CPEA) et le Plan d’action pour l’adhésion (MAP),
l’OTAN a instauré une logique atlantique favorisant la socialisation et l’adaptation aux
normes et aux structures transatlantiques des nouveaux partenaires et membres de
l’organisation. Du Sommet de Rome de 1991, qui a marqué le pas du renouvellement de sa
stratégie quant à la sécurité, au Sommet de Washington de 1999, où elle a adopté un
nouveau concept stratégique, l’Alliance atlantique s’est transformée progressivement,
réussissant du même coup le pari de son adaptation au monde de l’après-guerre froide.
L’OTAN a entre autres décidé de promouvoir davantage la coopération avec les pays alliés
en ce qui concerne les missions «hors zone»; d’encourager la coopération régionale,
notamment par la mise sur pied de l’Initiative pour l’Europe du Sud-Est (IESE);
d’augmenter l’efficacité du Partenariat pour la paix (PpP); d’implanter le Plan d’action pour
l’adhésion (MAP), qui fournit les outils nécessaires aux pays souhaitant joindre ses rangs
afin qu’ils puissent parfaire les réformes politiques et militaires exigées par l’organisation.
Dans la même veine, le processus de transformation de l’OTAN a mené à l’officialisation
123
de sa politique d’élargissement, lui permettant d’assumer davantage un rôle de promoteur
de la sécurité globale à l’intérieur de la zone euro-atlantique.
L’élargissement, qui a d’abord été perçu comme un instrument de la transformation
de l’OTAN, est vite apparu comme étant plutôt le résultat de sa transformation. La
prochaine vague d’élargissement ne répond donc pas aux mêmes impératifs que celui de
1999. En effet, au sortir de la guerre froide, l’élargissement a permis à l’OTAN de
conserver sa puissance et de retrouver une nouvelle raison d’être au sein du système
international post-Yalta, notamment en comblant le vide sécuritaire ressenti par les PECO à
la suite de la dissolution du Pacte de Varsovie. En 1999, les pays admis ont été ceux qui
étaient «suffisamment avancés sur la voie démocratique, n’[avaient] pas de problème
particulier en matière de défense, et [avaient] un soutien relatif du Congrès américain»360,
même si on reconnaissait sans hésitation que les critères militaires exigés étaient alors loin
d’être remplis et surtout, qu’ils ne le seraient pas avant plusieurs années.
L’élargissement de 2004 et celui qui aura lieu sous peu (cela est d’autant plus vrai
en ce qui le concerne) sont plus complexes, puisqu’ils s’inscrivent dans un plan de gestion
des menaces affectant la sécurité des membres. À la suite du Sommet de Washington de
1999, l’OTAN a officialisé sa politique d’élargissement afin d’assurer la sécurité et la
stabilité de l’axe euro-atlantique en tenant compte des nouvelles menaces. Le
renouvellement de la stratégie de l’OTAN a exigé d’elle qu’elle se transforme et s’adapte à
la nouvelle réalité sécuritaire. Dans cette optique, l’élargissement est apparu nécessaire afin
qu’elle puisse assumer son nouveau rôle de sécurité globale dans la zone euro-atlantique.
À mesure que l’OTAN peaufine sa transformation, elle précise aussi ses critères de
sélection et devient plus exigeante quant à la réalisation des réformes. Les conditionnalités
exigées aux pays postulant au statut de membres visent avant tout une interopérabilité avec
la logistique et les pratiques de l’OTAN. Ainsi, dès qu’ils sont partenaires, ces États sont à
même de contribuer à la sécurité collective par le biais de la coopération régionale et par
leur implication dans les opérations et les missions de maintien de la paix de l’OTAN. De
360 Voir Jean-Christophe ROMER, op. cit., p. 4.
124
surcroît, ces conditionnalités visent à ce que les États candidats soient démocratiques et
stables d’un point de vue politique, militaire et économique. Ils deviennent donc, par leur
nature, garants de la sécurité de la zone euro-atlantique. Pour l’instant, les programmes de
partenariat et la coopération régionale remplissent un rôle de sécurité indéniable. Le
Partenariat pour la paix est un plan qui remplit d’ailleurs la plupart des objectifs de
l’élargissement. Dans cette perspective, l’élargissement contribue en finalité au maintien à
long terme de la stabilité et de la sécurité de la zone euro-atlantique et le respect des
conditionnalités et l’achèvement des réformes prennent donc ici tout leur sens. Il s’avère
toutefois que la décision d’inviter ou non un État à joindre l’OTAN ne soit pas liée qu’à
l’achèvement des réformes exigées. En effet, la décision finale est politique et sujette aux
intérêts stratégiques des grandes puissances. Malgré toute la rhétorique autour de la
conditionnalité, celle-ci n’est en fin de compte qu’un instrument que l’OTAN peut adapter
selon les situations, et non une liste exhaustive de critères faisant partie d’une procédure
rigide pour l’élargissement.
En ce qui concerne la Croatie, il semblerait que son adhésion à l’OTAN fasse
effectivement partie d’un plan à long terme pour les Balkans, notamment afin de sécuriser
une zone jugée instable et d’intégrer des partenaires efficaces dans le cadre des nouvelles
missions. Mais, par-dessus tout, son adhésion est le reflet d’une nouvelle conception de la
sécurité, où la coopération régionale occupe une place prédominante. Avant qu’Ante
Gotovina ne soit arrêté et traduit en justice devant le TPIY, plusieurs États membres de
l’OTAN, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, etc., s’opposaient à ce que la
Croatie adhère à l’organisation. L’arrestation de Gotovina est ainsi devenue au fil du temps
une condition sine qua non à l’adhésion. Depuis son arrestation, on peut affirmer qu’il
n’existe plus vraiment de dissensions majeures à l’OTAN quant à l’adhésion de la Croatie.
Les États-Unis, dont l’influence y est prédominante, supportent désormais fortement son
adhésion, comme l’a mentionné à de nombreuses reprises le vice-président américain Dick
Cheney, en mai 2006, puis, en octobre 2006, le Président George Bush, la Secrétaire d’État
Condoleezza Rice, le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et de nouveau le vice-
président Dick Cheney. Leur soutien est dû au niveau satisfaisant d’avancement des
réformes en Croatie et à son implication dans les nouvelles opérations de l’OTAN. Les
125
États-Unis ont d’ailleurs mentionné à plusieurs reprises au cours de la dernière année leur
volonté de régler la question des Balkans, ce qui implique entre autres l’adhésion des États
participant à la Charte adriatique, l’intégration au sein du PpP de la Serbie, du Monténégro
et de la Bosnie-Herzégovine (d’où l’invitation qui a été faite à ces derniers à Riga) et le
règlement du statut futur du Kosovo.
La décision d’inviter la Croatie ou non lors du prochain élargissement est donc
d’ordre politique. En effet, même si la Croatie a atteint un niveau satisfaisant dans ses
réformes politiques et militaires, qu’elle participe activement à la mission de l’OTAN en
Afghanistan, qu’elle a résolu le cas Gotovina, la décision finale revient tout de même aux
pays membres de l’OTAN. À la mission de la Croatie à l’OTAN, on argue que si l’OTAN
attend trop, avant d’inviter la Croatie à adhérer, l’attrait de l’adhésion risque de ne plus être
le moteur des réformes. On affirme même que cela pourrait aider les forces radicales
présentes sur la scène politique à obtenir plus de pouvoir. En fait, cela peut s’expliquer par
le fait que le soutien populaire à l’OTAN n’est pas très élevé, et que le gouvernement
croate souhaiterait pouvoir justifier les efforts et l’argent investi dans les réformes. Au
siège de l’OTAN cependant, on rétorque que ces raisons ne concernent pas l’organisation
directement et, incidemment, ne comptent pas parmi les facteurs justifiant ou non
l’adhésion.
L’élargissement n’a pas été à l’ordre du jour à Riga, puisque l’OTAN s’est plutôt
penchée sur les questions touchant à sa transformation. La mention à propos de
l’élargissement laisse tout de même entendre que la Croatie, en continuant sur la voix des
réformes (entre autres en ce qui concerne le système de la justice et la lutte contre la
corruption) et en augmentant le support populaire à l’adhésion, devrait être officiellement
invitée lors du prochain sommet. Quoi qu’il en soit, tous les signaux semblent indiquer
qu’en 2008, l’OTAN lancera officiellement des invitations à l’adhésion et que la Croatie
sera du nombre. L’intégration graduelle des Balkans au sein de l’Alliance atlantique signe
donc officiellement le début d’une ère nouvelle, où des pays comme la Géorgie et l’Ukraine
seront peut-être les prochains à adhérer à l’OTAN.
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Source : Les données concernant les dépenses de défense en pourcentage du PIB des pays membres de l’OTAN ont été compilées à partir de : «Compendium OTAN-Russie sur les données économiques et financières concernant la Défense» - Information for the Presse, Force Planning Directorate, Defence Planning Division, NATO International Staff, 8 décembre 2005, p.7, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/pr/2005/p050609.pdf ©Caroline Pageot, 2007
128
ANNEXE 3 – Dépenses de défense des pays membres de l’OTAN (2001-2005)
Tableau 2 : Dépenses de défense en pourcentage % du PIB des pays membres de l’OTAN (2001-2005)
2001 2002 2003 2004 2005e Allemagne 1,5 1,5 1,5 1,4 1,4 Belgique 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 Bulgarie -- -- -- 2,4 2,5 Canada 1,2 1,2 1,2 1,2 1,1
Danemark 1,6 1,6 1,5 1,5 1,4 Espagne 1,2 1,4 1,3 1,3 1,2 Estonie -- -- -- 1,5 1,7
États-Unis 3,1 3,4 3,8 4,0 3,8 France 2,5 2,5 2,6 2,6 2,5 Grèce 4,6 3,4 2,8 2,9 3,1
Hongrie 1,8 1,7 1,7 1,5 1,3 Italie 2,0 2,1 2,1 2,0 1,8
Lettonie -- -- -- 1,3 1,4 Lituanie -- -- -- 1,4 1,3
Luxembourg 0,8 0,7 0,7 0,7 0,8 Norvège 1,7 2,1 2,0 2,0 1,7 Pays-Bas 1,6 1,6 1,6 1,7 1,7 Pologne 1,9 1,9 1,9 1,9 1,9 Portugal 2,1 1,6 1,6 1,7 1,7
Rép. tchèque 2,0 2,0 2,1 1,9 1,8 Roumanie -- -- -- 2,1 2,0
Royaume-Un 2,5 2,4 2,4 2,3 2,3 Slovaquie -- -- -- 1,8 1,8 Slovénie -- -- -- 1,5 1,7 Turquie 5,0 4,4 3,8 3,1 3,2
Moyenne % 2,13 2,04 1,99 1,88 1,86 *Sur la base des prix courants
* La Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie n’ont joint l’Alliance qu’en 2004
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Source : Les données concernant les dépenses de défense en pourcentage du PIB des pays membres de l’OTAN ont été compilées à partir de : «Compendium OTAN-Russie sur les données économiques et financières concernant la Défense» - Information for the Presse, Force Planning Directorate, Defence Planning Division, NATO International Staff, 8 décembre 2005, p.7, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/pr/2005/p050609.pdf
©Caroline Pageot, 2007
130
Figure 3 : Évolution des dépenses de défense de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque en pourcentage % du PIB par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2001-2005)
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Figure 4 : Dépenses de défense de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque en pourcentage % du PIB par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2001-2005)
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Hongrie Pologne Rép. tchèque OTAN
Source : Les données concernant les dépenses de défense en % du PIB ont été compilées à partir de : «Compendium OTAN-Russie sur les données économiques et financières concernant la Défense» - Information for the Presse, Force Planning Directorate, Defence Planning Division, NATO International Staff, 8 décembre 2005, p.7, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/pr/2005/p050609.pdf
©Caroline Pageot, 2007
131
ANNEXE 5 – Dépenses de défense des pays ayant joint l'Alliance en 2004 (2004-2005)
Tableau 4 : Dépenses de défense en % du PIB de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2004-2005)
2004 2005e Bulgarie 2,4 2,5 Estonie 1,5 1,7 Lettonie 1,3 1,4 Lituanie 1,4 1,3
Roumanie 2,1 2,0 Slovaquie 1,8 1,8 Slovénie 1,5 1,7 Moyenne
% 1,71 1,77
Moyenne % (OTAN)
1,94 1,89
* Le pourcentage moyen de l’OTAN ne comprend pas les données concernant ces sept nouveaux membres. e = estimation
Figure 5 : Évolution des dépenses de défense en % du PIB de la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie par rapport à la moyenne des pays de l’OTAN (2004-2005)
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Source : Les données concernant le budget total de la Défense et les coûts liés au personnel pour la période 2004-2006 ont été recueillies à partir de : Participating State Republic of Croatia - Annual Exchange of Information on Defence Planning 2006 - Vienna Document 1999, OSCE, 2006, pp.24-26 (annexes 7-9), disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/katalog/documents/OSCE%20WD99%20-%20CROATIA%202006.pdf et celles de l’année 2003, annexe 7, à partir de l’édition 2005 du même document, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.morh.hr/en/documents/OSCE-FINAL_ENG.pdf
©Caroline Pageot, 2007
133
Figure 6 : Part des dépenses liées au personnel dans le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates (2003-2006)
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2003 2004 2005 2006
Dépenses liées au personnel Autres dépenses
Figure 7 : Évolution du pourcentage % du budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates alloué au personnel (2003-2006)
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62
64
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70
72
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2003 2004 2005 2006
Source : Les données concernant le pourcentage des dépenses de défense affectées au personnel par les pays membres ont été compilées à partir de : «Compendium OTAN-Russie sur les données économiques et financières concernant la Défense» - Information for the Presse, Force Planning Directorate, Defence Planning Division, NATO International Staff, 8 décembre 2005, p.9, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.nato.int/docu/pr/2005/p050609.pdf
©Caroline Pageot, 2007
134
ANNEXE 7 – Dépenses de défense affectées au personnel selon les pays membres de l’OTAN (2001-2005)
Tableau 6 : Pourcentage % des dépenses de défense affecté au personnel selon les pays membres de l’OTAN (2001-2005)
2001 2002 2003 2004 2005e Allemagne 60,3 59,4 60,1 59,3 59,3 Belgique 68,7 71,5 72,8 74,6 75,1 Bulgarie -- -- -- 59,9 54,7 Canada 42,9 45,1 44,9 45,9 45,8
Danemark 52,3 52,0 51,4 51,4 52,2 Espagne 63,4 54,9 55,7 53,9 54,3 Estonie -- -- -- 34,5 31,0
États-Unis 36,2 36,1 36,1 34,4 33,2 France 60,5 60,7 58,9 57,4 58,1 Grèce 64,0 67,6 74,5 77,4 76,2
Hongrie 47,9 49,3 48,8 49,4 53,3 Italie 72,3 74,0 72,7 75,3 78,7
Lettonie -- -- -- 43,8 48,8 Lituanie -- -- -- 51,1 57,4
Luxembourg 68,4 79,5 78,8 77,7 72,2 Norvège 39,1 37,9 40,3 41,3 41,7 Pays-Bas 48,0 51,2 52,6 49,8 49,6 Pologne 64,3 64,9 64,6 60,6 58,5 Portugal 80,8 84,1 76,6 74,2 73,5
Rép. tchèque 46,0 45,5 41,8 48,2 49,7 Roumanie -- -- -- 50,6 54,6
Royaume-Uni 39,4 39,8 39,6 39,8 39,1 Slovaquie -- -- -- 49,7 49,1 Slovénie -- -- -- 61,6 57,8 Turquie 44,7 45,8 45,6 49,7 47,8
Moyenne % 55,51 56,63 56,43 54,86 54,87 * La Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie n’ont
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Source : Les données concernant la projection des dépenses liées au personnel ont été compilées à partir de : Participating State Republic of Croatia - Annual Exchange of Information on Defence Planning 2006 - Vienna Document 1999, OSCE, 2006, p.28, disponible en ligne à l’adresse suivante: http://www.morh.hr/katalog/documents/OSCE%20WD99%20-%20CROATIA%202006.pdf
©Caroline Pageot, 2007
136
Figure 8 : Projection du pourcentage % des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates pour 2007
59,43%
40,57%
Dépenses liées au personnel Autres dépenses
Figure 9 : Projection du pourcentage % des dépenses liées au personnel selon le budget total du ministère de la Défense et des Forces armées croates pour 2008
55,97%
44,03%
Dépenses liées au personnel Autres dépenses
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138
Bibliographie * Note : Les adresses Internet des sites web recensés ici ont été consultées entre janvier 2006 et janvier 2007.
Sources : Amnesty International (AI) : Amnesty International, Croatie - rapport 2004. http://web.amnesty.org/report2004/hrv-
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