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classiques une superbe collection de types Blanc Timbres magazine Juin 2012 44 5 centimes. Les autorités postales souhaitent sortir les trois séries en même temps, et surtout à l’occa- sion de l’Exposition Universelle de 1900. Mais la copie de Joseph Blanc, longuement revue et cor- rigée, n’est pas prête à temps. Le projet est retardé et il faut La philatélie chauffée à Blanc Emis en complément des types Merson et Mouchon, le type Blanc a eu du mal à se faire une place sur l’avant-scène philatélique. Souvent considéré comme bouche-trou des pages d’album du début du siècle dernier, il a longtemps été délaissé. La faute revient certainement aux petites valeurs faciales qui l’affublent. Pourtant, si l’on y regarde à deux fois, le type Blanc recèle un bon nombre de pièces intéressantes, témoins d’une conception et d’une fabrication originales. Ce sont certaines de ces pièces que l’on retrouve dans une collection encore jamais dévoilée, que la maison Behr a la gentillesse de proposer aux yeux de nos lecteurs. R emplacer le type Sage, voilà la mission délicate propo- sée aux artistes Merson, Mouchon et Blanc. Ce dernier est choisi, on ne sait pas précisé- ment quand, pour confectionner le dessin des timbres affectés aux plus petites valeurs du tarif, de 1 à Les épreuves Tirage unique d’un poinçon archaïque, sans valeur faciale, reconnaissable à son fond ligné et aux signatures dans les volutes inférieures, détails modifiés ensuite pour la version définitive. Exemplaire unique d’un essai réalisé par Joseph Blanc lui-même. Remarquons d’un côté l’essai d’une couleur non retenue pour le 1 centime, et du dessin, dans la même teinte, de l’autre.

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  • classiquesune superbe collection de types Blanc

    Timbres magazineJuin 201244

    5 centimes. Les autorités postales souhaitent sortir les trois séries en même temps, et surtout à l’occa-sion de l’Exposition Universelle de 1900. Mais la copie de Joseph Blanc, longuement revue et cor-rigée, n’est pas prête à temps. Le projet est retardé et il faut

    La philatélie chauffée à BlancEmis en complément des types Merson et Mouchon, le type Blanc a eu du mal à se faire une place sur l’avant-scène philatélique. Souvent considéré comme bouche-trou des pages d’album du début du siècle dernier, il a longtemps été délaissé. La faute revient certainement aux petites valeurs faciales qui l’affublent. Pourtant, si l’on y regarde à deux fois, le type Blanc recèle un bon nombre de pièces intéressantes, témoins d’une conception et d’une fabrication originales. Ce sont certaines de ces pièces que l’on retrouve dans une collection encore jamais dévoilée, que la maison Behr a la gentillesse de proposer aux yeux de nos lecteurs.

    Remplacer le type Sage, voilà la mission délicate propo-sée aux artistes Merson, Mouchon et Blanc. Ce dernier est choisi, on ne sait pas précisé-ment quand, pour confectionner le dessin des timbres affectés aux plus petites valeurs du tarif, de 1 à

    Les épreuves

    Tirage unique d’un poinçon archaïque, sans valeur faciale, reconnaissable à son fond ligné et aux signatures dans les volutes inférieures, détails modifiés ensuite pour la version définitive.

    Exemplaire unique d’un essai réalisé par Joseph Blanc lui-même. Remarquons d’un côté l’essai d’une couleur non retenue pour le 1 centime, et du dessin, dans la même teinte, de l’autre.

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    attendre le 4 décembre 1900 pour que les timbres sortent dans les bureaux du Sénat et du palais Bourbon, le lendemain dans les autres bureaux de poste parisiens.Lorsque les trois séries des suc-cesseurs du très plébiscité type Sage sont dévoilées au public, une marée de critiques déferle alors dans la presse. Le plus atteint par ces diatribes est sans nul doute le type Mouchon, suivi de près par le Merson. Le type Blanc réussit quant à lui à pas-ser entre les gouttes acides des plumes de l’époque et s’en sort plutôt bien. Le reproche majeur

    qui lui est adressé, c’est le choix des teintes qui lui sont affectées, jugées fades. D’autres remarques concernent le dessin, jugé sur-chargé et désordonné : Joseph Blanc a voulu faire entrer, dans un cadre aux dimensions identiques à celui qui a accueilli le type Sage, l’allégorie de la Liberté tenant une balance symbole d’égalité, jouxtée de deux anges enlacés, symboles de fraternité.Paradoxalement, ce succès rela-tif, par rapport à ses deux congé-nères, n’apporte pas au type Blanc une grande popularité auprès des collectionneurs. Les l l l

    faciales sont faibles, les tirages sont grands. Le timbre est cou-rant, les cotes sont minces. Voilà un cocktail a priori insipide à une époque où la philatélie est en plein essor.Pourtant, le type Blanc méritait vraiment toutes les attentions, ne serait-ce qu’au vu de sa naissance, tout à fait singulière à l’époque. Après de très nombreuses retouches, la gravure d’un poinçon grand format est confiée à Emile Thomas. Celui-ci délaisse le métal, matériau traditionnellement uti-lisé jusqu’alors pour les gravures philatéliques, au profit du bois.

    Epreuves réalisées à partir du poinçon en buis, sans valeur faciale indiquée mais dans la teinte choisie au final pour le 2 centimes pour l’épreuve numérotée « 12 », et dans la teinte du 3 centimes pour la numérotée « 13 ». Notons au passage que seules quatorze de ces épreuves sont sorties de l’atelier.

    Voici les épreuves d’atelier du type Blanc. Imprimées sur papier mince, elles témoignent du choix des couleurs définitives pour le premier tirage grâce aux mentions chiffrées inscrites au crayon. Ces épreuves comportent le triple poinçon de sécurité de l’Atelier du timbre.

    Epreuves en gris et en brun-rouge du 3 centimes, gravées par Mignon pour la taille-douce.

    Epreuve sur petit feuillet d’après la gravure de Mignon. Essai d’une encre bleue.

    Voici une feuille du 5 centimes qui permet de dater l’apparition de la teinte vert bleu, l’une des cinq teintes que connaît ce timbre entre 1900 et 1906 grâce à la mention manuscrite au verso : « Teinte choisie par le sous-secrétaire d’état le 3 juin 1902 ».

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    C’est un morceau de buis qui accueille donc la première gravure, reproduite ensuite au format du timbre, peut-être par l’usage d’un pantographe. Et ce poinçon contient une erreur de taille, qui pourtant passe inaper-çue dans ce dessin fort chargé : le « R » de « République » est à l’envers…Le premier poinçon ainsi pro-duit permet de confectionner les clichés d’impression. Le mode choisi est alors traditionnel : une planche de trois cents clichés, imprimée à plat, coupée ensuite en deux parties pour former les feuilles de cent cinquante timbres destinées à abreuver les guichets postaux. Ensuite, c’est un deu-xième poinçon, légèrement dif-férent, qui servira à établir les clichés pour impression rotative, mode utilisé à partir de 1924. C’est ainsi que l’on distingue les types I et II, respectivement pour l’impression à plat et par rotative.

    Un destin multipleLes valeurs du type Blanc sont essentiellement utilisées pour l’affranchissement des imprimés, des journaux, des cartes de visite et des cartes postales. C’est ce

    qui explique l’usage de ce type pour les timbres préobli-térés. Les formes d’émission sont aussi multiples : les carnets côtoient les roulettes, sans oublier les tradi-tionnels entiers. Ajoutons à cela un usage dans les ter-

    ritoires français à l’étranger, ou encore des surcharges spécifiques pour les cours d’instruction de la Poste, et l’on entrevoit la com-plexité d’un timbre passé ina-perçu à l’heure de sa sortie. Sans compter les variétés qu’il recèle, que nous évoquerons bientôt.

    A suivre

    Matthieu Singeot

    n

    l l lDeux modes d’impression

    L’impression à plat et par rotative provient de deux poinçons différents, qui donnent naissance aux types I et II. Au type I, l’angelot que l’on voit de face est balafré et l’on ne remarque qu’un seul pli de robe sous le cartouche qui contient « Française ». Au type II, la balafre disparaît et l’on peut observer deux plis sous le cartouche. Notons qu’il est possible de trouver des timbres au type I au milieu de feuilles imprimées au type II.

    Les feuilles de 150 timbres sont composées de panneaux de 25 timbres, séparés horizontalement par un interpanneau, et verticalement par une bande de la hauteur d’un timbre, annulée d’un trait de la même couleur que le timbre.

    Les feuilles portent en tout trois millésimes sur l’interpanneau.

    Bloc du 4 centimes découpé à cheval sur quatre panneaux de la feuille complète.

    Un timbre au type I, provenant des clichés de l’impression à plat, cohabite ici avec des timbres du type II, imprimés sur rotative.

    Joli bloc du 5 centimes avec interpanneau et inter-galvano.

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    cette distinction, engendrée par le changement de mode d’im-pression des timbres en 1924, le type I ayant servi à l’impression à plat et le type II à l’impression sur rotative, on peut trouver des sous-types du I. En effet, pour certaines valeurs, deux poinçons différents ont été utilisés pour imprimer le timbre à plat. Le second poinçon

    La philatélie chauffée à Blanc

    Malgré la petite place que lui réservent les catalo-gues, le type Blanc peut sans nul doute intéresser les phi-latélistes par une richesse parfois méconnue.Les collectionneurs s’attachent souvent à rechercher les types I et II qu’ont connus les différentes valeurs du Blanc. Mais au-delà de

    2e partie

    Quand les types cohabitent

    Epreuve en bloc de quatre sur un grand feuillet de format A4, en tête-bêche où un IB se mêle à trois IA.

    Types IA et IB cohabitant sur un bloc portant la surcharge « annulé ».

    Types IA et IB cohabitant sur un panneau imprimé sur papier « GC », mentionné sur le bord de feuille inférieur à côté des perforations de sécurité.

    Les deux types se retrouvent ici de part et d’autre de la bande qui sépare les panneaux horizontalement.

    Bas de feuille du 3 centimes sur papier GC, appartenant au type IB sur lettre.

    Des variétés impressionnantes

    Double impression totale. La feuille est passée deux fois sous la presse. Il en résulte un dessin doublé.

    Voici une impressionnante quadruple impression sur un petit feuillet de bande de journaux.

    Ce magnifique bloc de quatre de coin de feuille a subi une impression régulière et à l’endroit des deux côtés. Cette variété est beaucoup plus rare qu’une impression recto-verso.

    Au début du XXe siècle, le type Blanc a la tâche délicate de remplacer le type Sage, tout du moins pour les tarifs les plus bas. Longtemps laissé pour compte faute de faciales et de cotes suffisamment élevées, il a néanmoins séduit quelques collectionneurs avisés, qui y ont trouvé parfois d’incroyables pièces. Ce sont les trouvailles de l’un de ces passionnés que la maison Behr nous fait partager.

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    étant à chaque fois copié sur le premier, les différences sont minimes, mais elles existent et sont suffisantes pour combler les experts. Là où le plaisir s’accroît, c’est lorsque deux sous-types différents cohabitent sur la même feuille, les clichés n’ayant pas tous été remplacés par le poinçon modifié.Pour le 1 centime, le type IA se repère grâce au trait fin sous le « SE » de « française ». Au type IB, ce trait est large et régulier. Le 2 centimes connaît lui aussi deux sous-types. Le IA, issu du poin-çon primitif, contient une erreur accidentelle : une tache sur le pli de la robe qui entoure le pied de

    la Liberté. Après correction, cette tache est amenuisée au type IB, pour ne devenir qu’un point sur le trait figurant le pli de la robe. Pour le 3 centimes, Le type IA voit le « c » de la valeur faciale terminé par un triangle, alors que pour le B, ce « c » se termine par un petit trait.

    D’autres raretésCes étranges cohabitations de sous-types restent réservées à l’œil avisé, qui aime les détails fins. Mais le type Blanc n’a pas toujours fait dans la dentelle pour faire naître des variétés, essentiellement causées par des défauts d’impression. La feuille l l l

    La philatélie chauffée à Blanc

    Défaut d’impression dans le coin supérieur droit d’une feuille du 1 centime, nuance gris très clair.

    Paire millésimée du 5 centimes imprimé par erreur sur le papier réservé aux timbres-taxe.

    peut ainsi subir plusieurs pas-sages sous la presse, donnant naissance à des impressions mul-tiples, ou au contraire voir une partie de l’impression se faire la belle, créant ainsi des timbres à l’allure mutilée.

    Des emplois variésOutre les variétés, l’on peut s’inté-resser aux usages originaux que les autorités postales ont réservés au type Blanc. Essentiellement destinés aux envois d’imprimés et de journaux en grand nombre, il est logique que les timbres du type Blanc aient connu la préo-blitération. Elle apparaît en 1921 sur le 3 centimes. L’oblitération,

    Bloc de quatre millésimé comportant un timbre à l’impression partielle.

    Essais de surcharges pour le ½ sur 1 centime. Ce haut de feuille contient cinq essais à l’encre rouge non retenus au final.

    Bloc de quatre du ½ sur 1 centime avec surcharge renversée et perforation de contrôle sur le bord de feuille. Sur lettre, cette surcharge renversée est encore plus rare.

    Surcharge renversée et décalée.

    Surcharge incomplète, « ½ » uniquement.

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    apposée sur les feuilles après leur impression, connaît plusieurs décalages surprenants.Par ailleurs, les stocks du type Blanc ont été, à plusieurs reprises, uti-lisés pour les cours d’instruction des futurs employés postaux. Pour cet usage, dans le but d’empêcher l’utilisation de ces timbres péda-gogiques sur le courrier, deux sur-charges différentes sont utilisées afin de les annuler : « Annulé »

    n

    l l l et « Spécimen ». La première sur-charge affuble les Blanc en 1911 et en 1923, la seconde en 1925.Voilà donc de quoi remplir de belles pages d’album ou, pour les moins chanceux des philatélistes, de quoi se régaler à la vue de ces quelques pièces, parmi tant d’autres, que nous offre à voir la maison Behr.

    Matthieu Singeot

    Les cours d’instruction

    Surcharges « Spécimen » sur timbre courant et sur timbre préoblitéré.

    Panneau complet du 1 centime surchargé « spécimen » avec millésime 5 en interpanneau.

    Bloc de quatre du 2 centimes millésimé 1923, porteur de la surcharge « Annulé » des cours d’instruction. Les types IA et IB cohabitent.

    Paire du 3 centimes surchargé « Annulé 30 », avec un « 30 » renversé. S’ajoute à cela la mention « Cours » en bord de feuille et « CH-T », transformant le timbre en vignette de cours d’instruction, de Caen.

    Paire du 3 centimes portant le millésime « 1 » de 1921, avec une triple surcharge « annulé ».

    Des documents exceptionnels

    Affiche du 17 novembre 1926 sur laquelle on retrouve un 2 centimes Blanc aux côtés d’un timbre fiscal, annulés typographiquement par l’impression du texte.

    Un 2 centimes côtoie ici un timbre de poste aérienne perforé EIPA sur un journal « L’Aérogramme », expédié en recommandé par Poste Aérienne. C’est un document exceptionnel tant par son affranchissement que par le fait qu’il soit complet et intact.

    Lettre recommandée portant un 5 centimes au type I imprimé, rescapé lors de l’impression en rotative, la lettre datant de 1835.

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    Les multiples visages du 5 centimes

    Carnet privé pour la marque « Aiglon ». Il est très rare de trouver des carnets complets aussi bien conservés.

    Couverture d’un carnet de quarante timbres à 5 centimes, paru pour la première fois en 1906, vendu alors 2,50 francs.

    Bande de onze timbres préoblitérés, provenant de roulette.

    Repiquages du 5 centimes sur des enveloppes privées des maisons « Pernod fils » et « Carion ».

    Les préoblitérés

    Surcharge renversée sur un timbre à 4 centimes.

    Cette bande de 11 témoigne du mode d’impression par rotative utilisée pour produire les préoblitérés en roulettes.

    Voilà un affranchissement bien singulier : une lettre portant un 5 centimes préoblitéré, normalement réservé aux imprimés.

    Préoblitéré du 5 centimes avec surcharge verte, provenant d’un des premiers tirages en rotative. De l’encre servant à l’impression du motif du timbre a sans doute, par erreur, été mélangée à l’encre destinée à la surcharge.

    Un 5 centimes préoblitéré sur lequel a été apposée la mention « Retour à l’envoyeur ».

    Les non-dentelés

    Interpanneau millésimé du 1 centime gris clair.

    Superbe bloc non-dentelé du 2 centimes, avec un défaut majeur d’impression dans l’angle de la feuille.