une relecture de la double zoogonie empédocléenne

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    Une relecture de la doublezoogonie empédocléenne : que sontles oulophueis tupoi du fragment 62 ?

     Anne-Laure Therme 

    R. Les oulophueis tupoi   (31 B 62, 4 DK  1), ancêtres des humains,sont systématiquement assimilés à des ébauches informes qui, à la manièredes androgynes du Banquet  de Platon, auraient été ultérieurement scindéesou différenciées, notamment par la sexuation. Leur statut est crucial entant qu’il engage la représentation tout entière du cycle cosmique empé-docléen, en particulier quant à leur inscription dans le récit zoogonique enquatre étapes d’Aétius (31 A 72). Or les lectures qui, toutes, ont jusqu’iciassimilé les oulophueis tupoi  à la troisième étape d’Aétius, ont pour ce fairedû corriger le témoignage, transformant le allèlophuôn des manuscrits enoulophuôn. Tout en maintenant l’hypothèse d’une double zoogonie, nousmontrons qu’il est possible de donner sens à la leçon originale et de l’inscriredans le système empédocléen : les oulophueis tupoi  du fragment 62 pour-raient très bien désigner, au lieu des êtres mixtes ultérieurement scindés dela lecture traditionnelle, les membres isolés sortis de terre à l’origine de lazoogonie, et ce dans chacun des deux mondes qui se forment au cours d’uncycle. Alors que notre interprétation pourrait sembler contredire la thèsed’un cycle cosmique où deux cosmogonies successives se constituent (l’une

    1. Les références aux témoignages (A) et aux fragments (B, notés « fragment » ou « fr. »dans le texte) suivent l’édition Diels-Kranz (1951-19526), chap. 31 pour les textesd’Empédocle.

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    La sagesse « présocratique »

    sous l’égide de Neikos, l’autre régie par Philotès), il apparaît au contraireque, loin d’être inconciliable, elle la renforce ; mais cela implique alors queles processus de production du vivant ne sont pas inversés selon un effetde miroir dans les deux mondes, mais identiques quelle que soit la phasecosmique – de sorte que ce sont bien les mêmes lois du devenir vivant quisont toujours à l’œuvre dans un monde.

    En sa terre sicilienne volcanique sculptée par le combat des éléments,Empédocle d’Agrigente a érigé un poème-système dont le reliquatest le plus vaste du corpus présocratique

     1

    . Les prémisses en sont écono-miques : le tout est un continuum matériel fini (fr. 14 et 39 DK) excluantle vide (fr. 13 DK). Seuls existent quatre éléments et deux forces qui lesfont interagir. L’air, le feu, l’eau, la terre (« racines de toutes choses »,fr. 6 DK), définis chacun par un bouquet de qualités inaltérables 2, sontle théâtre d’une lutte entre Φιλότης  (l’Amour), force d’attraction desdissemblables, et Νεῖκος (la Haine), qui les pousse à se réunir par genre.Il n’y a ni naissance ni mort, seulement mélange et séparation  3 : toutcomposé hétérogène est l’effet de l’Amour ; l’homogénéité (stricto sensu),l’individuation et la discontinuité sont dues à Νεῖκος.

    Le cycle cosmiqueCes métamorphoses phénoménales s’inscrivent dans un cycle sans

    fin, régi par la nécessité (fr. 115, 1-2 DK) : chacune des forces à son tourprédomine peu à peu, jusqu’à sa victoire momentanée.

    Lorsque l’Amour est à l’exercice maximal de sa puissance, les élé-ments s’agglutinent en une unité matérielle (mais pas formelle : ils

    1. Le terme de système n’est pas excessif car, malgré son état fragmentaire, il formemanifestement un ensemble d’une très grande cohérence explicative, à tendanceholiste. Qu’Empédocle l’ait rédigé en hexamètres dactyliques ne semble pas releverde la fantaisie littéraire, mais se fonder dans la théorie même : la vérité n’est pas uni-voque, c’est au disciple qu’il revient de trouver son chemin dans les méandres dupoème, bien qu’il soit guidé par son auteur (cf. le proème et l’injonction à Pausanias).Le mode poétique d’énonciation apparaît même lié à une nécessité interne, commenous l’avons suggéré ailleurs (Therme [2009a], en particulier III, 2 : « La parole poé-tique, moyen de dompter le souffle et la voix », p. 22-24) : la scansion métrique obligela voix à se plier à une certaine rythmique, à un flux qui dompte les mouvementsrespiratoires, grâce à quoi la voix devient harmonie productrice de sens et la pensée sefait parole.

    2. fr. 17, 34 ; 21, 13 ; 26, 3 DK.3. fr. 8 ; 9 ; 11 ; 12 ; 17 ; 23 ; 26 DK.

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    conservent leur nature) ; cette phase acosmique de félicité et de repos,mélange homéomère, reçoit le nom de Σφαῖρος 1. Les éléments n’y ontplus d’existence séparée, le principe d’individuation, Νεῖκος, ayant étéexclu du Tout. L’Amour agit de l’intérieur des corps (avec lesquels sonextension se confond 2) comme une force d’aimantation, un flux de typemagnétique qui les colle ou les coagule les uns aux autres 3. Ce qui auxyeux d’Aristote n’est que juxtaposition 4  forme pour Empédocle unecontinuité et une unité réelles – puisque plus rien ne sépare les élémentsque leur hétérogénéité constitutive, mais qu’elle est « subjuguée 5 » par les

    liens de Φιλότης.Son heure venue, Νεῖκος pénètre dans le Σφαῖρος 6 depuis sa péri-phérie, initiant un tourbillon qui, par l’effet de ses forces centrifuge etcentripète, discrimine les éléments selon leur nature  7 et les contraintà rejoindre un lieu propre (la terre au centre, l’air à la périphérie)  8 ;assez rapidement sont ainsi créées les grandes masses élémentaires denotre monde. Le vortex s’accroît et s’accélère, l’univers se déformant enun « œuf » plus large que haut 9 qui s’incline 10. Les éléments s’entrecroi-sant, « échangeant leurs chemins 11 » du fait du combat entre les forcesadverses, engendrent la diversité des créatures mortelles. Notre mondese détruira quand les éléments auront été totalement discriminés pargenre.

    Lors de la phase (acosmique) de victoire de la Haine, la matière formequatre masses pures concentriques tournoyant à très grande vitesse. Lepouvoir d’attraction de l’Amour, s’il n’a pas disparu (il ne peut être exclude la matière), est cependant désactivé : empêché par la domination dela Haine, il ne peut « s’actualiser » sur les éléments.

    1. fr. 27 à 29 DK.2. fr. 17, 20 DK. L’Amour est un conducteur  mêlé à ce qu’il mêle, la Haine un isolant  

    séparé de ce qu’il sépare (fr. 17, 19 DK).3. Therme (2007). Cf.  A 89 DK.4. Aristote, De la génération et de la corruption, I, 10, 327 b 31-328 a 15 ; II, 7,

    334 a 18-b 2.5. fr. 26, 7 DK.6. fr. 30 et 31 DK.7. Cf. fr. 37 DK.8. Si ces lieux et mouvements coïncident avec ceux qui deviendront pour Aristote

    conformes à la nature , ils sont selon lui forcés, car contraints par le tourbillon etcontraires à ceux du monde de l’Amour croissant.

    9. A 50 DK.10. A 58 DK.11. fr. 17, 20 ; 21 et 26 DK.

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    Mais à rebours il regagne de l’influence, d’abord au centre  1 : irradiantde l’intérieur des éléments, il les pousse à quitter les lieux assignés par levortex de la Haine et à entrer dans des mélanges hétérogènes. Νεῖκος estpeu à peu repoussé au-dehors, exclu de la matière  2, son tourbillon pro-gressivement est ralenti jusqu’à atteindre l’immobilité du Σφαῖρος. Dansl’intervalle, les éléments s’entrelaçant génèrent des myriades de com-posés dont l’ultime destin est cette fois d’être dissous dans le mélange  3.

    Cette reconstruction est controversée. Y a-t-il vraiment deux cosmo-gonies au sein d’un cycle ? Les tenants de l’interprétation symétrique 4 

    répondent par l’affirmative. À l’opposé, il a été soutenu qu’il n’y avaitqu’un seul monde se dirigeant vers le Σφαῖρος sous l’égide de l’Amour 5.Or tout un faisceau d’indices inscrit notre monde dans l’âge de la pro-gression de Νεῖκος. D’où l’hypothèse émise par David Sedley  6  d’unedouble zoogonie au sein d’un monde unique : après un « âge d’or »d’Amour créant des humains bienheureux  7, la Haine aurait ensuiteproduit des « hommes et femmes aux innombrables larmes 8 », vouésaux pires maux, sans qu’il y ait nécessairement de Σφαῖρος  dans l’in-tervalle ; les deux types humains coexisteraient de nos jours, l’un étant« sauvé », l’autre condamné. Or rien dans les fragments n’indique qu’il yait deux humanités distinctes.

     Arrêtons-nous sur le problème zoogonique, paradigmatique des dif-ficultés pour reconstruire les présocratiques : le caractère parcellaire etdispersé des textes en fait des énigmes dont la solution jamais ne serévèle dogmatiquement, et rend également possibles nombre d’interpré-

    1. fr. 35 DK.2. fr. 36 DK.3. Le cycle étant éternel, on pourrait se demander si les termes de cosmogonie et zoo-

    gonie sont adéquats puisque, stricto sensu, rien ne naît, ne meurt ni ne s’altère (fr. 8,12 ;17 et 26 DK). En ce sens, Empédocle respecte l’interdit parménidien (cf. Curd[1998] p. 171). Cependant, ils peuvent être conservés car il semble que les mondessuccessifs, bien qu’ils obéissent à des lois de structuration nécessaires, ne sont pasabsolument identiques ; il y a de la contingence dans les croisements ou « échanges dechemins » inter-élémentaires.

    4. Formule de Wilcox (2001), p. 112, qui montre qu’elle est la plus pertinente. Cetteoption est essentiellement représentée par O’Brien (1969), continuée notamment parMartin-Primavesi (1999) ou Rashed (2011), auquel on se reportera pour un bilanclair et concis des différentes options interprétatives, p. 49-52.

    5. Arnim (1902), Minar (1963), Hölscher (1965), Bollack (1965-1969), Solmsen(1965), Long (1974).

    6. Sedley (2005) et (2007).7. Héraclite, fr. 128 et 130 DK.8. Id., fr. 62, 1 DK ; cf. fr. 124 DK.

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    tations. Un décryptage rigoureux doit réunir trois critères : l’adéquationaux fragments, la cohérence interne, et sa corroboration par les témoi-gnages qui, même s’ils sont le fait de lectures ultérieures entachées d’ana-chronismes, fournissent un matériau fécond 1.

    La thèse d’une double zoogonie est fondée. Le fragment 35 DKimplique celle du monde de l’Amour croissant, même si selon AristoteEmpédocle ne l’aurait pas décrit précisément 2. Or les fragments sur lesvivants et leurs parties (la formation du sang et de la chair 3, de l’os 4, del’œil 5) s’appliquent à notre monde et décrivent la diversité des espèces

    actuelles. Sommes-nous alors dans le monde de l’Amour ? La tonalitégénérale du poème incite à penser l’inverse, décrivant sans relâche notretriste condition de pitoyables mortels, dès nos ancêtres πολυκλαύτης,« aux multiples larmes » (fr. 62, 1 DK). Les fragments coïncident avec lesphénomènes observables 6 : les mouvements élémentaires (la terre vers lebas, le feu vers le haut…) sont dominés par la Haine ; les corps périssentpar séparation, se disloquant et tombant en poussière.

    Il est peu probable qu’il y ait un monde unique : à chaque fois que se joue dans les éléments la lutte au corps à corps entre les forces adverses,ceux-ci se croisent et se mêlent, formant des êtres éphémères. Mais lesdeux zoogonies sont-elles identiques ou inverses 7 ?

    Les quatre étapes zoogoniques (A 72 DK)

     Aétius, V, 19, 5 (= A 72 DK)Pour Empédocle, les premières naissances des animaux et des plantes neformaient en rien des corps complets : elles étaient disjointes, s’accom-plissant dans des parties désunies ; les deuxièmes naissances, par l’unionde ces membres, formaient des figures qui ressemblaient à des idoles. Lestroisièmes s’accomplirent par l’union des parties complémentaires  8. Quantaux quatrièmes, elles ne sortirent plus des éléments de même race, comme

    1. Osborne (1987), Introduction.2. Aristote, Du ciel , III, 2, 301 a 14-20.3. fr. 98 DK.4. fr. 96 DK.5. fr. 84 DK.6. Sedley (2007) p. 34-37 : il serait étonnant qu’Empédocle cherche avant tout à expli-

    quer un autre monde que le nôtre.7. Cf. Rashed (2011), ibid . Pour Pierris (2005b), app. p. XVI, la séquence a-b-c dans un

    monde donne c-b-a dans l’autre.8. ἀηλοφυῶν mss., Sturz, Bollack, Longo, Vítek : corr. ὁοφυῶν Karsten, suivi par la

    plupart des éditeurs, tels Diels, Reale, Wright ou Inwood (cf. fr. 62, 4 DK).

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    la terre et l’eau, mais elles se firent désormais d’un être à l’autre, du fait quechez les uns (les plantes), la nourriture se condensait, et qu’en plus, chezles autres (les animaux), les belles formes qu’avaient reçues les femellescréaient une excitation qui provoquait le mouvement du sperme 1.

     À la première étape, l’émergence de membres isolés, correspon-dent sans aucun doute les fragments 57 2 et 58 3 DK ; à la deuxième, les« monstres » des fragments 59  4, 60 5 et 61 6 ; la dernière renvoie au mondeactuel. C’est l’identification de la troisième qui pose problème – mettanten jeu la compréhension même du cycle.

    Pour ceux qui défendent une unique zoogonie, le témoignage nepeut décrire qu’une séquence continue. En revanche, les partisans dela double zoogonie, suivant Denis O’Brien, introduisent une rupturedans le texte : les phases 1 et 2 décriraient le monde de l’Amour (et dumélange) croissant ; entre les phases 2 et 3 interviendrait le Σφαῖρος ; lesdernières seraient celles de la zoogonie de Νεῖκος, allant vers davantagede différenciation 7.

    Tous cependant s’accordent sur un point : l’identification de l’étape 3d’Aétius au récit du fragment 62 DK, qui mentionne, à l’origine deshumains, « des ébauches (τύποι) […] d’une seule pièce (οὐοφυεῖς) », assi-

    1. ᾿Εμπεδοκλῆς τὰς πρώτας γενέσεις τῶν ζῴων καὶ φυτῶν μηδαμῶς ὁοκλήρους γενέσθαι,ἀσυμφυέσι δὲ τοῖς μορίοις διεζευγμένας, τὰς δὲ δευτέρας συμφυομένων τῶν μερῶνεἰδωλοφανεῖς, τὰς δὲ τρίτας τῶν ἀηλοφυῶν, τὰς δὲ τετάρτας οὐκέτι ἐκ τῶν ὁμοίων οἷονἐκ γῆς καὶ ὓδατος, ἀὰ δι᾿ ἀήων ἤδη τοῖς μὲν πυκνωθείσης [τοῖς δὲ καὶ τοῖς ζῴοις]τροφῆς τοῖς δὲ καὶ τῆς εὐμορφίας τῶν γυναικῶν ἐπερθισμὸν τοῦ σπερματικοῦ κινήματοςἐμποιησάσης. Trad. Bollack (1965-1969), t. II, p. 170-172, modifiée.

    2. « Comme de nombreuses têtes sans cou germaient, / Des bras nus s’égaraient, privésd’épaules, / Et des yeux erraient, manquant de fronts. »

    3. « … Membres seuls (μουνομελῆ) [des membres erraient] ».4. « Mais quand le démon au démon fut davantage mêlé, / Ils se réunissaient en se

    heurtant, là où chacun se trouvait ; / Et de nombreux autres que ceux-là en naquirentcontinuellement. »

    5. « Des monstres… roulant des pieds aux innombrables mains ». Cf. la traduction deBollack (1965-1969), t. II, p. 180 : « roulant pieds et mains confondus ».

    6. « En nombre, ils croissaient, doubles de face et de torse, / Races de bœufs à proued’hommes. D’autres poussaient à rebours, / Sortes d’hommes à tête de bœuf, mixtes,

    tenant ici du mâle, / Et là, ce sont des femmes aux membres d’ombre. » Trad. Bollack(1965-1969), t. II, p. 182.7. Difficulté supplémentaire : l’étape 4 est-elle le signe (i) de la force ou (ii) de l’im-

    puissance de l’Amour ? Les tenants de (i) arguent du lien « évident » entre amour etsexualité (Zeller [1920], p. 795 ; Minar [1963], p. 143 ; KRS [1995], p. 327-328 etn. 17 ; Pierris [2005b], app. p. , ). Mais que l’Amour doive agir à distance pouropérer le mélange constituant le fœtus incline plutôt vers (ii) : cf. Guthrie (1965),p. 207-208 ; Osborne (1987), p. 123 ; Inwood (2001), p. 48 ; Sedley (2005), p. 343et n. 38 p. 362 ; Kingsley (2003), p. 356-357 ; Rashed (2011), p. 51-52. Cf. infra.

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    milées par les commentateurs à des êtres encore asexués, voués à êtreultérieurement scindés.

    Cela est pourtant loin d’être évident, et relève même du tour de force :en effet, les manuscrits portent l’hapax ἀηλοφυῶν. Mais la quasi-tota-lité des éditeurs et des commentateurs le corrigent en ὁοφυῶν, à la suitede Karsten 1, assurant ainsi la correspondance avec les οὐοφυεῖς τύποιdu fragment 62 2. Or la légitimation de cette correction est circulaire  3 !M. R. Wright résume bien l’opinion générale : « ἀηλοφυεῖς  semblene rien transporter de plus que la ( γένεσις) δι᾿ἀήων de la quatrième

    étape. Une telle répétition est peu vraisemblable dans un résumé concis,et puisqu’il n’y aurait sinon nulle part dans ce texte de mention des οὐοφυεῖς τύποι, les éditeurs ont sans aucun doute  raison d’adopter la correction deKarsten en ὁοφυῶν 4 ».

    Or la leçon des manuscrits n’implique aucune inconséquence. La lec-ture que nous souhaiterions ici mettre à l’épreuve est la suivante : unmonde peuplé de vivants se forme dans chacune des deux phases inter-acosmiques, auxquelles la séquence continue d’A 72 DK est applicable(l’étape 4 seule étant propre à notre monde où la Haine croît ; nous nedisposons pas de texte décrivant ce que serait l’étape 4 dans le monde sousl’Amour croissant). Aux οὐοφυεῖς τύποι du fragment 62 ne correspon-draient ni des androgynes, ni l’étape 3 des ἀηλοφυεῖς : ils seraient syno-

    nymes des membres isolés de l’étape 1, et ce dans les deux mondes. Celaimplique que les lois régissant le devenir obéissent toujours et nécessai-rement aux mêmes principes, la Haine individuant, l’Amour façonnantattentivement les mélanges hétérogènes : leurs fonctions et modalitésd’action ne changent pas 5. En revanche, selon qu’on est dans la phase de

    1. Karsten (1838), p. 445.2. Seuls Bollack (1965-1969) et Vítek (2006) conservent la leçon des manuscrits. Mais

    Bollack, pour qui la séquence est linéaire, associe lui aussi les οὐοφυή à l’étape 3 d’Aé-tius, voyant dans les τύποι du fragment 62 DK non pas des ébauches indifférenciéesprimitives mais la réunion des membres épars dans des totalités organiques (t. III, 2,p. 430).

    3. Millerd (1908), p. 57, n. 3 : « Il est vrai […] que la lecture οὐοφυῶν repose sur uneconjecture ; or c’est une conjecture presque certaine, car une étape si significativepourrait difficilement être omise par Aétius. »

    4. Wright (1995b), p. 54. Je souligne.5. Aristote, De la génération et de la corruption, II, 6, 334 a 5-7 (« il dit que son univers est

    le même, régi maintenant par la Discorde et auparavant par l’Amour ») ;Physique , II, 8,198 b 31 (les monstres « ont été détruits et détruits, comme Empé-docle le dit des bovins à face humaine ») et Simplicius ad loc. (« c’est encore aujourd’huiainsi que les choses se passent »). Cela n’est pas contradictoire avec le fait qu’il y ait,sinon du hasard, du moins de la contingence dans la variabilité des phénomènes.

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    croissance du pouvoir de l’une ou l’autre force, ces processus doivent ulti-mement s’achever de manière opposée (les quatre masses concentriquesde la Haine totale ou le continuum homéomère du Σφαῖρος) – de sorteque l’étape 4 différera selon la période du cycle 1.

     Aucun témoignage antique, en effet, ne décrit nos ancêtres comme desêtres doubles ou mixtes ; tous, au contraire, affirment que les membresdes animaux ont existé séparément avant d’être réunis, même dans notremonde. On comprend que la scène surréaliste de bras et d’yeux auto-nomes, vivants 2, doués de perception et donc de pensée (A 86 DK ;

    fr. 103 et 110, 10 DK) ait frappé les esprits antiques autant que les nôtres.Censorinus, s’interrogeant sur l’origine de l’homme et de la repro-

    duction (De die natali , IV, 7 = A 72 DK), offre un parallèle à Aétius :

    D’abord des membres ont été enfantés un à un, se déployant de tous côtéshors de la terre qui était comme enceinte ; puis ils se sont réunis et ontformé la matière de l’homme complet, mêlée de feu aussi bien que d’eau.Pour le reste, pourquoi faudrait-il continuer [à rapporter] ce qui n’a pasl’apparence de la vérité ?

    Bien qu’incomplète (les monstres du fragment 61 DK en sont absents),la séquence est similaire et ajoute que les membres (i) ont poussé comme

    des plantes, de la terre, où ils auraient été conçus comme des embryonsdans un ventre 3, et (ii) sont composés de feu et d’eau. Or ces caractèressont précisément ceux des οὐοφυεῖς τύποι du fragment 62 DK.

    Simplicius ad fr. 61 précise pourquoi les combinaisons monstrueusesont disparu – raison pouvant expliquer leur omission par Censorinus :

    […] Tous les êtres non viables ont péri et périssent, comme Empédocledit que, sous le règne de l’Amour (κατὰ τὴν τῆς Φιλίας ἀρχήν), sont néesau hasard (ἔτυχε), d’abord, les parties des vivants, comme des têtes, desmains et des pieds, et qu’ensuite elles se sont réunies pour former « desespèces de bœuf à proue d’homme. D’autres poussaient à  rebours  » [fr. 61, 2],évidemment des « espèces d’hommes à proue de bœuf », c’est-à-dire des

    1. La séquence que je défends serait donc, dans le monde de la Haine croissante :Σφαῖρος  membres isolés = οὐοφυεῖς τύποι (étape 1 d’Aétius, A 72 DK, cf. infra ) combinaisons de ces membres, monstrueuses (étape 2) ou viables (étape 3), ces der-nières seules survivant espèces actuelles, sexuées (étape 4).

    2. Aristote, De la génération des animaux , I, 18, 722 b 17 sq., [Philopon] ad loc. 28, 9 sq.3. De même selon Aristote (ἐν τῇ γῇ, De la génération des animaux , I, 18, 722 b 25 ;

    [Philopon] ad loc.) et Varron (= A 72 DK) : « Empédocle dit que les hommes sont nésde la terre, comme la blette. »

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    créatures composées de bœuf et d’homme. Et tout ce qui s’assemble defaçon à pouvoir accéder à la survie devint être vivant et dura, puisque lesmembres se rendaient mutuellement (διά […] ἀήοις) les services dontils avaient besoin, les dents tranchant et broyant la nourriture, le ventredigérant et le foie fournissant le sang. La tête de l’homme, si elle rencontrele tronc humain, permet à l’ensemble de survivre, mais si c’est un corpsde bœuf, elle ne s’adapte pas (οὐ συναρμόζει) et périt. Tous les assemblagesen effet dont la proportion n’était pas appropriée disparurent. C’est ainsiqu’aujourd’hui encore les choses se passent 1.

    Parmi les combinaisons aléatoires de membres s’est opérée unesélection naturelle selon qu’ils s’harmonisent ou pas, c’est-à-dire qu’ilsforment ou non une continuité non seulement matérielle, mais aussifonctionnelle, véritablement organique. Ce motif semblait absent chez

     Aétius, alors qu’il devait être extrêmement frappant, car très original,parmi les théories antiques 2. Mais cela ne peut-il être le sens de l’énig-matique formule ἀηλοφυῶν, l’étape 3 du doxographe ? Ainsi, l’étape 2d’Aétius serait celle des combinaisons non viables (εἰδωλοφανεῖς), desmonstres périssant faute de συμμετρία réciproque entre leurs membres ;l’étape 3, contemporaine mais se perpétuant dans le temps, celle descombinaisons viables dont « les membres se rendent mutuellement ser-vice » (διὰ […] ἀήοις répondant à ἀηλοφυῶν). L’étape 4 est impli-

    cite : une fois l’humain constitué comme espèce viable commence lareproduction sexuée.

    Bien que Simplicius conclue « qu’aujourd’hui encore les choses sepassent ainsi », on pourrait objecter qu’il rapporte ces processus à laphase d’Amour croissant, non à notre propre monde 3. Lorsqu’Aristoteévoque le fragment 57 DK, il le réfère certes à l’Amour  4, mais il a pusimplement vouloir dire « dû à l’action de Φιλότης », ce qui n’exclutpas qu’il s’agisse du monde de la Haine. Les commentateurs anciensd’Aristote l’ont d’ailleurs diversement compris. Pour Simplicius, « sousla domination de l’Amour », ἐπὶ τῆς Φιλότητος 5, ne signifie pas « que

    1. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote , 371, 33-372, 9 ; trad. Bollack(1965-1969), t. II, p. 182, légèrement modifiée.

    2. Anaximandre aurait aussi soutenu une théorie de l’évolution (le poisson, ancêtre del’homme, 12 A 30 DK) mais pas de la sélection selon la viabilité des espèces.

    3. Rappelons que telle est la vision traditionnelle de la double zoogonie.4. ἐπὶ τῆς Φιλότητος (Aristote, Du ciel , III, 2, 300 b 30 ; De la génération des animaux , I,

    18, 722 b 19 et b 26), συντίθεσθαι τῇ φίιᾳ (De l’âme , III, 6, 430 a 30).5. L’expression apparaît cinq fois ad fr. 57 DK  (= Simplicius, Commentaire sur le traité

    Du ciel d’Aristote , 586, 10-587, 26).

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    l’Amour règne déjà, mais s’apprête à régner et fait apparaître des êtresnon mêlés [faits d’]un seul membre (μονόγυια) 1 ». Les membres isolés dufragment 57 sont donc selon lui les premières créatures du fragment 35.Le Pseudo-Philopon comprend le contraire, c’est-à-dire « lorsque Νεῖκος l’emportait sur Φίια », « quand Φιλότης se laissait dominer et que Νεῖκος l’emportait 2  », tout en précisant bien que c’est ἐπὶ τῆς Φιλότητος, parl’action de Φιλότης, que les éléments se sont articulés (συναρθρωσθῆναι)en membres avant de former les vivants.

    Puisque ἐπὶ τῆς Φιλότητος peut avoir un sens non chronologique (« ce

    qui est imputable à l’action de l’Amour »), mettons à l’épreuve notreconjecture : les οὐοφυεῖς τύποι  du fragment 62 seraient les membresisolés de la zoogonie de la Haine croissante.

    Les οὐοφυεῖς τύποι du fragment 62 : les membres ?

    Or donc voici comment, des hommes et des femmes trempés de pleurs,Feu, se séparant, fit jaillir les pousses dans la nuit.Écoute ceci : mon récit ne manque pas le but ni n’est dénué de savoir.D’abord des ébauches montaient de la terre, d’une seule pièce,D’eau comme de chaleur, elles avaient leur part.Feu les poussait au jour, qui voulait aller auprès de son semblable.

    Elles ne montraient pas encore le corps désirable des membresNi la voix, qui est le membre propre à l’espèce des hommes 3.

    Pourquoi les οὐοφυεῖς τύποι seraient-ils des êtres voués à être ulté-rieurement scindés ? D’abord parce que c’est en effet dans la logique dedifférenciation du monde de la Haine croissante auquel le fragment 62se réfère (le feu tend à rejoindre son semblable, v. 2 et 6). Le vers 7 peutimpliquer qu’ils ne sont pas encore sexués, i.e. divisés  : οὐοφυής (litté-ralement, qui croît comme un tout , qui pousse en formant une totalité ) etτύπος (pris au sens d’ébauche) le confirmeraient 4. Cela évoque bien sûr

    1. Simplicius, Commentaire sur le traité Du ciel d’Aristote , 587, 24-27.2. [Philipon], Commentaire sur la Génération des animaux , 27, 34 et 28, 10-11.3.  νῦν δ᾿ ἄγ᾿, ὅπως ἀνδρῶν τε πολυκλαύτων τε γυναικῶν / ἐννυχίους ὅρπηκας ἀνήγαγε

    κρίνομενον πῦρ, /τῶνδε κλύ· οὐ γὰρ μῦθος ἀπόσκοπος οὐδ᾿ ἀδαήμων. / οὐοφυεῖς μὲν πρῶτατύποι χθονὸς ἐξανέτελον / ἀμφοτέρων ὕδατος τε καὶ εἴδεος αἶσαν ἔχοντες· / τοὺς μὲν πῦρἀνέπεμπε θέον πρὸς ὁμοῖον ἱκέσθαι, / οὔτε τί πω μελέων ἐρατὸν δέμας ἐμφαίνοντας / οὔτ᾿ἐνοπὴν οἵη τ᾿ ἐπιχώριον ἀνδράσι γυίων. Trad. Bollack (1965-1969), t. II, p. 184, modi-fiée au vers 4.

    4. Dumont (1988) traduit le vers 4 par « un tout naturel rassemblant les deux sexes ».

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    le mythe des androgynes d’Aristophane dans le Banquet  : Platon se seraitinspiré d’Empédocle 1. Mais étant donné la difficulté à délimiter lesemprunts platoniciens, ce n’est pas par soi déterminant. Enfin, la créa-tion d’organes isolés témoignerait d’une faible puissance de l’Amour, aucontraire de celle d’êtres mixtes 2.

    Or c’est dans la formation des organes  que le pouvoir démiurgiquede Cypris 3 se manifeste avec le plus de vigueur : avec un soin habile  4,elle combine harmoniquement les éléments selon certains ratios (fr. 71et 96 DK), le sang et la chair réalisant la proportion la plus proche de

    la perfection du Σφαῖρος, 1:1:1:1 (fr. 98 DK). Cypris l’artisane est à lafois peintre, qui de quatre couleurs primaires crée une infinie variétéde figures (fr. 23 DK), boulanger « agglutinant la farine à l’eau » (fr. 34DK), potier usant des qualités propres à chaque élément pour façonnerleur mélange (fr. 75 5 et 73 DK), menuisier joignant avec des « chevillesd’Amour » (fr. 87 6). Elle œuvre en modelant des pores et des denses, sortesde mortaises et tenons dont ceux qui s’imbriquent dans une συμμετρία ou commensurabilité réciproque s’ajustent et se maintiennent, grâce auflux qu’elle émet, en des mélanges apparaissant comme continus 7.

    Les membres semblent donc avoir une primauté non seulement chro-nologique mais aussi ontologique sur les espèces, qui n’en sont que descombinaisons, et constituer les τύποι des vivants. Ils sont certes aussi desmélanges voués à périr, mais sont plus élémentaires, comme le suggèreleur nom même de membres  8, dont εἴδεα s’avère être dans le poème unsynonyme 9.

    1. 189d-193b. Cf. Rashed (2011).2. Wright (1995b), p. 53.3. Φιλότης dans son activité créatrice.4. Cf. Héraclite, fr. 84 et 86 (formation de l’œil), ainsi que 95 DK.5. « Ainsi Cypris, quand elle eut trempé Terre dans Pluie, / affairée, elle donna les formes

    à durcir à la pointe de Feu. »6. Cheville  est le sens primitif d’ἁρμονία – qui est aussi l’un des noms de Φιλότης (fr. 18

    et 96, 4 DK). Cf. fr. 23, 4 ; 27 ; 33 et 71, 4 DK (συναρμοσθέντ᾿).7. Therme (2007), p. 107-109, 112-114 et (2012). Cf. fr. 91 à 93 DK, A 87 DK,

     A 89 DK.8. Empédocle joue sans cesse sur ce mot, mis pour les parties des vivants ( γυῖα, fr. 2, 1 ;

    29 ; 58 ; 61, 4 ; 62, 8 ; 100, 22 DK ; μελέα, fr. 58 DK [μουνομελῆ] ; 20, 1 ; 62, 7 ; 63 ;82 ; 101, 1 DK) et les éléments eux-mêmes ( γυῖα, fr. 20, 3 ; 27 ; 31 DK ; μελέα fr. 27a ;30 ; 35, 11 DK). La reconstruction par Rashed (2011), p. 48 des ensembles d et f duPapyrus de Strasbourg va dans notre sens (bien que l’auteur soutienne l’interprétation« traditionnelle » des οὐοφυῆ), puisqu’il fait de μουνομελῆ un équivalent d’οὐοφυῆ.

    9. Équivalence membres/formes (toujours au pluriel) : fr. 22 ; 23 ; 35, 16 ; 71 ; 73 ; 98 ;115, 7 DK.

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    «Τύπος se dit d’une sculpture encore mal dégrossie 1 » ; soit, mais c’estplus précisément le moule en creux (figure travaillée, et non pas informe)dans lequel la statue va être coulée, donc le modèle   sur lequel elle estfaçonnée 2. Pour Platon, les τύποι 3  sont les paradigmes sensibles desespèces, eux-mêmes produits à partir de leurs paradigmes intelligibles,les ἰδέαι. À chaque τύπος empédocléen correspond aussi un εἴδος ; maisles formes des vivants n’ont de réalité que phénoménale et ne peuventconstituer des modèles éternels, des schèmes prédéfinis de chaque espèce,tels ceux qu’utilise le démiurge du Timée . Sinon il serait impossible que

    des combinaisons non viables se créent au hasard de la rencontre demembres, que n’importe lequel puisse s’unir à n’importe quel autre 4. Il n’ya d’ailleurs pas de prééminence de l’humain sur les autres formes de vie.

    Les τύποι ou εἴδεα d’Empédocle sont donc les membres plutôt queles espèces (s’il peut y avoir un œil isolé, c’est qu’il forme un tout, unmélange viable, capable d’exister par soi 5), types primitifs dont la diver-sité dépend de la variation des proportions des composants. Simpliciusprécise d’ailleurs que l’étape des οὐοφυεῖς τύποι précède celle de leurarticulation (διάρθρωσις 6), terme qui s’applique mieux à la jonction demembres qu’à la division d’un tout informe. Il y aurait donc deux arti-culations successives, d’abord des éléments en membres (que le Pseudo-Philopon qualifiait de

    συνάρθρωσις, cf.

     supra ), puis des membres entre

    eux (le préfixe διά- manifestant davantage le pouvoir de Νεῖκος 7).

    Si les τύποι sont les membres, en quoi sont-ils οὐοφυή ? Aristote usede ce terme rare à propos de la continuité   entre le torse et la tête desoiseaux (Parties des animaux , IV, 12, 693 a 25). Grâce à la συμμετρία de

    1. Bollack (1965-1969), t. III, 2, p. 431.2. Cf. ses deux occurrences présocratiques, Démocrite en 68 B 228 DK (le modèle

    familial), Xénophane en 21 A 33 DK (l’empreinte des fossiles dans la boue).3. Le terme apparaît dans des contextes zoogoniques en Timée , 39 e et Protagoras , 320 d.4. Aristote, Physique , II, 8, 199 b 5-17 ; Parties des animaux , I, 1, 640 a 18 sq. ; Simpli-

    cius, Commentaire sur la Physique d’Aristote , 330, 31-331,14.5. J’entends par « viable » le fait que les membres forment des totalités organisées, des

    entités complètes qui se maintiennent, grâce à leur συμμετρία interne et à la force duflux de Φιλότης ; ils représentent des types durables, puisqu’ils sont conservés dans lesétapes ultérieures, et l’on peut supposer que dans les deux mondes, il existe des yeux,des bras, etc.

    6. Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote , 381, 29 sq.7. Simplicius comprend la διάρθρωσις comme une division (contra  Aristote). Mais si

    notre lecture est correcte, la διάρθρωσις peut ne dénoter que la différenciation enorganismes sexués  : « Empédocle dit que, dans l’espèce humaine, la διάρθρωσις se fait àpartir du 36e jour » (A 83 DK), or l’embryon est une réunion de parties.

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    leurs pores, on l’a vu, les membres forment des totalités achevées, auto-nomes, des organismes continus – tandis que les corps ne parviennentpas tous à maintenir une continuité pérenne (les monstres).

     Aristote offre un indice décisif dans sa critique du caractère contre-nature de la génération empédocléenne. Dénonçant l’absurdité demembres indépendants de leur fonction dans un organisme (Phy-sique , II, 8, 199 b), il identifie les οὐοφυή à des semences (σπέρματα) 1 qui engendrent des êtres au hasard (b 13-17) : Empédocle a échoué àvoir que seul pouvait s’actualiser ce qui était programmatique dans la

    semence – ce qui à nouveau corrobore l’absence de paradigme préétablides espèces vivantes.

    Si les οὐοφυή  sont les semences d’Empédocle (ou du moins pou-vaient être ainsi compris par Aristote), on voit mal comment il peuts’agir d’ébauches dénuées de membres. Car, pour Empédocle, lors dela reproduction la semence provient de tout le corps de chaque parent,selon le principe du σύμβολον 2 : du père et de la mère se détachent lesorganes miniatures du futur fœtus. La reproduction sexuée (l’étape 4 d’A72 DK) fonctionne donc à l’instar des premières réunions de membresisolés, à plus petite échelle : « comme ce qui est arrivé dans la terre sousl’action de Φιλότης, de même cela arrive au corps » (De la génération des

    animaux , 722 b 25). Le Pseudo-Philopon dans son commentaire faitaussi l’analogie entre les têtes sans cou du fragment 57 DK et les petitsmembres composant l’embryon (28, 9 sq.). Dans le second cas, l’Amourn’a plus la force d’assembler directement les membres et ne peut accom-plir cette tâche qu’à distance, médiatement, via l’attraction insufflée auxmâles et aux femelles que concrétise l’acte sexuel.

    Mais à l’appui de l’interprétation traditionnelle des οὐοφυή, onpourrait objecter qu’ils sont l’équivalent animal des plantes, créaturesoriginelles de notre monde :

     Aétius, V, 26, 4 (= A 70 DK) :De tous les êtres vivants, les arbres ont surgi de la terre les premiers, avant

    que le soleil ne se fût répandu tout autour et avant que jour et nuit ne

    1. Aristote provoque ainsi la perplexité de Simplicius ad loc. Notons que l’allusion aufragment 62 DK s’inscrit dans une série de critiques sur les mélanges non viables(198 b 29-32, 199 b 4-17) – ce qui est étrange s’il s’agit des vivants d’un mondeopposé.

    2. fr. 63 DK et ad  : Aristote, De la génération des animaux , I, 18, 722 b 6 sq., et commen-taire de [Philopon], 27, 4 sq. ; 166, 24 sq. ; Censorinus, De die natali , V, 4.

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    fussent distincts. Ils contiennent en effet à la fois le principe du mâle et dela femelle grâce à la complémentarité (συμμετρία) de leur mélange […] 1.

    Les arbres sont donc antérieurs aux êtres du fragment 62 ; que cesderniers soient dits avoir poussé « dans la nuit (ἐννυχίους) » présuppose ladistinction jour/nuit, qui appartient à une phase ultérieure du dévelop-pement du monde. D’après Nicolas de Damas (A 70 DK), les plantessont nées avant l’achèvement du monde, les animaux, après sa complé-tion. Enfin, selon Aétius, V, 18, 1 (= A 75 DK) :

    Quand la race des hommes fut engendrée de la terre, le jour était aussi longqu’aujourd’hui la période de dix mois, parce que la marche du soleil étaitlente ; quand le temps eut avancé, le jour fut aussi long qu’aujourd’huila période de sept mois : c’est pourquoi […] les enfants de dix et de septmois croissent en un seul jour [i.e. cosmique], dans la nuit duquel l’em-bryon est conçu 2.

    Que le végétal soit à la fois mâle et femelle (à l’origine comme actuel-lement) n’implique donc pas qu’il en ait été de même de l’humain.

    Si les οὐοφυή étaient des androgynes, ou du moins des êtres asexués,voués à être ensuite sexuellement différenciés, se pose enfin un pro-

    blème topologique 3

     : est-ce conciliable avec le fragment 67 DK et avec A 81 DK, affirmant que les mâles ont été engendrés au sud de la Terreet les femmes au nord ? Des séquelles de cette distinction perdurentd’ailleurs dans le processus de sexuation de l’embryon, relatif à la chaleurde l’utérus et au lieu de nidation 4.

    Relisons le fragment 62 : les τύποι germent de la terre, ὅρπηκας […]ἐξανέτελον, tels les membres du fragment 57 DK (ἐβάστησαν), lieuoù ont été façonnés os et tissus (fr. 96 et 98, A 78 DK  5) – comme lablette (A 72 DK) qui pousse en bouquets désunis. S’ils « ne montrentpas encore la masse (δέμας) désirable des membres » (v. 7), ce n’est pasfaute de membres, mais parce qu’ils ne sont pas encore réunis en un

    1. Trad. Bollack (1965-1969), t. II, p. 214-216. Sur la mixité des plantes, ad  fr. 79 DK.2. Trad. Bollack (1965-1969), t. II, p. 232. Je souligne.3. Merci à Gérard Journée pour cette suggestion.4. Le fœtus sera mâle s’il est à droite et au chaud (A 81 DK, A 83 DK, fr. 67 DK et ad ),

    conformément à l’axe cosmique (dont la droite est au solstice d’été, A 50 DK).5. Ni le fragment 62 DK ni A 72 DK ne mentionnent l’air, or il y en a dans les membres

    (par exemple la chair, fr. 98, 2 DK). Mais cela n’exclut pas sa présence implicite, soitdans la terre, soit par absorption lors du contact avec l’atmosphère.

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    corps. S’ils n’ont pas de voix (v. 8), seul membre immatériel, c’est qu’ellene peut émerger que dans un organisme qui respire, un corps articulé(la respiration étant une interaction air/sang, fr. 100 DK)  1. S’ils n’ontpas de sexe, c’est parce qu’un œil ou un foie n’est ni mâle ni femelle. Lareconstitution par Marwan Rashed 2  des ensembles d et f du Papyrusde Strasbourg, qui offre un parallèle à notre fragment, peut tout à faitaller dans ce sens : si les οὐομελῆ (terme dont Rashed montre la possiblesynonymie avec οὐοφυῆ) sont les membres ou les organes isolés, oncomprend bien pourquoi on peut encore aujourd’hui en contempler

    les « vestiges » ( λείψανα). Seule la reconstruction du début du vers 16,qui décrirait la scission des οὐομελῆ 3, semble s’opposer à notre présentelecture ; mais sa conjecture reposant ultimement sur le présupposé d’unecorrespondance entre Empédocle et Platon, il y a circularité de sa légiti-mation, de sorte qu’elle ne constitue pas une objection décisive.

    Que les deux zoogonies opposées obéissent à un même modèleprésuppose qu’après les premières phases cosmogoniques s’instaureune certaine stabilité dans la lutte des forces adverses, celle nécessaireà la durée d’un monde ; rien n’indique en effet que la domination del’une sur l’autre soit linéaire et isotrope 4. Les principes empédocléensdu devenir ne donneraient donc pas lieu, dans les deux mondes, à desprocessus strictement inversés comme par un miroir, mais à des mani-festations semblables – à cette différence capitale près que le mélangeinter-élémentaire s’intensifiera toujours plus dans le monde de l’Amourcroissant, tandis que dans celui de Νεῖκος, c’est l’attraction des élémentssemblables entre eux qui graduellement l’emporte, divisant et détruisantles composés hétérogènes.

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    1. De même, l’embryon au départ ne peut respirer (A 74 DK).2. Rashed (2011).3. δὴ τό [θ᾿ἕκαστα διετμήθη] : « tous ces êtres furent alors coupés en deux ». Rashed

    (2011), p. 48.4. Cf. fr. 35, 11 DK.

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