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Une nouvelle gouvernance territoriale Les propositions de l’Institut Nexity pour le logement Politique du logement et mutations socio-économiques des territoires Rétrospective nationale et monographies de l’Essonne et de Toulouse Numéro 2 – janvier 2008

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Une nouvellegouvernance territorialeLes propositions de l’Institut Nexity pour le logement

Politique du logement et mutations socio-économiques des territoiresRétrospective nationale et monographies de l’Essonne et de Toulouse

Numéro 2 – janvier 2008

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ANALYSE RÉTROSPECTIVE

Politiquesdu logementet mutations socio-économiquesdes territoires

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LA REVUE ENJEUX LOGEMENT – NUMÉRO 2 – JANVIER 2008

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P. 60 RÉTROSPECTIVE NATIONALE35 ans de transformation de la demande et de l’offre de logements

Les mutations des politiques du logement en France depuis la fin des années 1970

Politiques de l’habitat et marchés locaux du logement : contradictions et décalages

P. 93 LE CAS DE L’ESSONNE

P. 113 LE CAS DE TOULOUSE

P. 136 SYNTHÈSE GLOBALE

Ces études – rétrospective nationale et monographies locales – ont été réalisées par la Coopérative conseil Acadie – Daniel Behar,Sigrine Genest et Sonia Derzypolski – en collaboration avec Jean-Claude Driant, professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris (Paris-XII).

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RétrospectivenationaleCette rétrospective nationale a pour origine un constat paradoxal : la France se distinguepar une politique nationale du logement significative et, pourtant, le sentiment de crise du logement est aujourd’hui quasi similaire à celui de l’après-guerre. Pour éclairer ce paradoxe, cette étude rappelle les transformations sociales et économiquesqui, en quarante ans, ont changé la donne ; identifie les tournants majeurs des politiquesnationales ; et enfin souligne les contradictions qui expliquent pour partie la situation actuelle.60

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Au cours des trente-cinq dernières années, lespolitiques du logement se sont développéesdans un contexte de transformation globale dela société française, lié notamment aux boule-versements de l’organisation familiale et à lafragilisation du lien à l’emploi. Dans le mêmetemps, les soubresauts de l’économie ontcontribué à modifier les conditions dans les-quelles l’offre de logements était mise à la dis-position des ménages. Quelques grandsindicateurs permettent de rendre compte deces évolutions de façon synthétique.

Les transformations de la famille

CROISSANCE DU NOMBRE DE MÉNAGES

ET DEMANDE DE LOGEMENTS

Entre 1968 et 2005, la taille moyenne des mé-nages est passée de 3,1 à 2,3 personnes. Les pro-jections de l’Insee pour 2030 tablent sur unepoursuite de cette réduction pour atteindre,selon les hypothèses, entre 2,04 et 2,08 per-sonnes.La demande de logements augmente donc plusvite que la population et subit d’importantestransformations, illustrées par l’évolution de la

structure des ménages. Alors que plus de 40 %des ménages étaient en 1968 des couples avecdes enfants, ils ne représentent plus aujour-d’hui qu’un petit tiers du total.Dans le même temps, la part des couples sansenfants se révèle remarquablement stable, maissa composition est nettement transformée.Constituée principalement de ménages jeunesà la fin des années 1960, elle est aujourd’huimajoritairement composée de couples de quin-quagénaires et de retraités (74 % en 2002) dontles enfants sont partis. Le vieillissement de lapopulation va accélérer cette transformation,faisant de ces « nids vides » une catégorie pro-bablement majoritaire à moyen terme.

TRANSFORMATIONS DES TYPES DE MÉNAGES

Deux types de ménages ont connu une crois-sance forte : les familles monoparentales et lespersonnes vivant seules. Pour les premières,l’accroissement continu du nombre de divorcesmais aussi de celui des enfants nés horsmariage (6,4 % des enfants naissaient horsmariage en 1968, ils sont 46,4 % en 2004) enest la cause principale.La hausse du nombre de divorces contribueaussi beaucoup à celui du nombre de person-nes vivant seules (18 % des personnes vivantseules en 2002 étaient divorcées), mais c’estsurtout le vieillissement de la population quipèse, puisque 36 % des personnes seules sontdes veufs ou (plus souvent encore) des veuves.

35 ans de transformation de lademande et de l’offre de logements

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35 ans de transformation de la demande et de l’offre de logements

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(1) Les migrations internes sont observées à chaque recensement à partir du nombre de personnes ayant changé de logement par rapportau recensement précédent.(2) Si cette croissance de 74 % doit être relativisée par la croissance de la population, elle reste néanmoins considérable.

TRAVAIL DES FEMMES

Soulignons enfin l’accroissement continu dutaux d’activité des femmes, qui passe de 52 %en 1975 à 62 % en 2000. Il en résulte une aug-mentation sensible de la proportion de couplesbiactifs, qui passe de 32 % en 1968 à 44 %trente ans plus tard.

Les évolutions de la mobilité

MOBILITÉ MOINDRE…

Les migrations internes observées lors de chaquerecensement (1) montrent que la mobilité desménages n’a cessé de diminuer depuis lesannées 1970. Le taux de migration interne ins-tantané est passé de 9,74 % en 1975 à 8,07 %en 1999. Il est possible de mettre cette évolu-tion en parallèle avec l’augmentation de lamobilité « quotidienne » : en 1982, les Françaisparcouraient 8,5 milliards de kilomètres parsemaine ; ils en parcourent 14,9 milliards douzeans après (2). Ces changements témoignentpeut-être d’une « survalorisation » de l’habitatpar rapport aux distances à parcourir.

La montée du chômage et de l’emploi précaire

LA MONTÉE DU CHÔMAGE

La fragilisation de la famille s’est accompagnéede celle du lien à l’emploi. La croissance duchômage a été linéaire entre le premier chocpétrolier, en 1973, et l’ajustement de la politi-que économique de 1984 : on est passé duplein-emploi de la fin des Trente Glorieuses àune situation dans laquelle plus de 10 % desactifs sont à la recherche d’un travail. Au coursdes vingt dernières années, le taux de chômagea oscillé entre 9 et 12 %. On observe troispériodes de baisse (entre 1987 et 1990,entre 1997 et 2001 et depuis 2004) et un pic,à des niveaux proches de 12 %, entre 1993et 1997.

PRÉCARISATION

Dans le même temps, l’emploi lui-même a tenduà se précariser, comme le montre l’accrois-sement continu du nombre d’emplois intéri-maires : 300 000 emplois en 1995, plus de650 000 aujourd’hui. Par ailleurs, depuis ledébut des années 1990, la part des salariés àtemps partiel est passée de 11,3 % (1990) à17 % (2005).

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… ET CROISSANCE DES ESPACES PÉRIURBAINS

ET RURAUX

Une autre grande évolution des migrationsréside dans le retournement de tendance deséchanges entre les espaces ruraux et les espacesurbains. Alors que le mouvement d’exode ruralà l’œuvre après la guerre avait fait perdre plusde 5 millions d’habitants aux communes rura-les, on observe depuis 1975 un mouvementinverse : les pôles urbains perdent des habitants(le solde migratoire intercensitaire 1975-1982est de – 1,01), tandis que les espaces ruraux etles communes périurbaines en gagnent.

Les variations de l’activité immobilière

LES ÉVOLUTIONS DE LA CONSTRUCTION

C’est en 1972 que la construction neuve aatteint son sommet en France, avec la mise enchantier de plus de 520 000 unités. C’était lepoint culminant d’une pente ascendante abor-dée dès 1953. La suite des années 1970, mar-quée par les chocs pétroliers de 1973 et 1979,la rigueur budgétaire et la réforme des aides aulogement en 1977, a vu la courbe s’inverserpour atteindre, en 1983, un niveau annuel pro-che de 300 000 logements neufs, correspon-dant à peu près à ce que l’Insee estimait alorsêtre le nombre de constructions capable derépondre à l’accroissement de la demande.

Malgré quelques soubresauts, et notammentune chute assez brutale en 1993 (année derécession), le rythme annuel de constructionsneuves est resté proche des 300 000 unitésjusqu’en 2003. Depuis cette date, la courbe arepris une pente ascendante, pour dépasser les400 000 unités en 2006.

CYCLES DU PRIX DU LOGEMENT

ET ÉVOLUTIONS RÉCENTES

Dans le même temps, les prix des logements ontconnu des variations très importantes, mar-quées par plusieurs phases de hausses (fin desannées 1970 et fin des années 1980, puisdepuis 2000) succédant à des périodes de sta-bilité (notamment entre 1991 et 1999).Jusqu’en 2000, le cas parisien constitue uneforte accentuation des tendances nationales,surtout entre 1981 et 2000, avec d’abord laforte hausse des années 1980, qui voit les prixtripler, puis une baisse de 37 % entre 1992et 1998, avant une nouvelle et forte hausse, àl’œuvre depuis 1999. La courbe parisienneprend donc une forme cyclique prononcée.La hausse en cours a la particularité de se pro-duire de la même façon en province, où les prixdu logement restaient auparavant modérés, qu’àParis. C’est probablement l’effet d’une solva-bilisation généralisée apportée par des condi-tions de crédit historiquement avantageuses etl’allongement continu de la durée moyenne desprêts depuis le début des années 2000.Les études et graphiques de Jacques Friggitapportent un autre éclairage sur l’évolutionrécente des loyers. Il montre que le rapportentre le prix du logement et le revenu dispo-

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35 ans de transformation de la demande et de l’offre de logements

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nible brut par ménage s’est historiquementmaintenu dans un « tunnel », oscillant raison-nablement entre des valeurs proches. En2002, ce rapport a brusquement changé, etest sorti par le haut de ce « tunnel histori-que ». Cette évolution est d’autant plus nota-ble qu’elle est intervenue sur l’ensemble duterritoire français.

TAUX D’INTÉRÊT ET PRÊTS À LONG TERME

Analysée sur une longue durée et comparée àl’inflation, l’évolution des taux d’intérêt desprêts à long terme met en relief trois séquencesprincipales :• celle de la forte inflation qui règne à partir de1974 et jusqu’au milieu des années 1980, pen-dant laquelle le crédit immobilier est dopé parla hausse des prix, passant même à plusieursreprises sous la barre des taux réels négatifs ;• celle d’une relative stabilisation des taux à unniveau encore élevé (supérieur à 7 points),alors que l’inflation s’est fortement ralentie(entre 1986 et 1995) ;• celle, enfin, de la baisse continue des taux,avec une inflation stable, qui réduit réguliè-rement les taux réels depuis 1996. Cette ten-dance est accompagnée, depuis 2002, parl’allongement de la durée des prêts.Chacune de ces trois époques se reflète dans lestendances de l’accession sociale à la propriété :• à la période de l’inflation correspond l’âged’or de l’accession sociale (PAP – prêt à l’acces-sion à la propriété), avec des volumes globauxdépassant 100 000 prêts jusqu’en 1986 ;• à la période des taux réels élevés correspondun fort ralentissement de l’accession sociale,qui atteint son plus bas niveau en 1992-1993 ;• à la baisse des taux correspond la relance de

l’accession, accompagnée par la création duprêt à taux zéro à la fin de 1995.La situation des trois dernières années appa-raît un peu exceptionnelle, avec la conjonctiond’une poursuite de la baisse des taux et d’unralentissement de l’accession aidée. C’est ici lahausse des prix qui freine les velléités desacquéreurs. L’ouverture du prêt à taux zéro àl’acquisition de logements anciens en 2005modifie de nouveau la donne en réduisant lapart des logements neufs dans les opérationsdes ménages et en favorisant une reprise de laprimo-accession.

Une amélioration constante des conditions de logement, mais…

CONDITIONS DE LOGEMENT

Au cours des trente dernières années, lesconditions de logement en France n’ont pascessé de s’améliorer.Tout en conservant un nombre important delogements anciens, le parc s’est considérable-ment transformé, avec une très forte réductionde la part des logements ne disposant pas duconfort sanitaire et une baisse sensible du sur-peuplement. En trente ans, la surface moyenneoccupée par chaque membre d’un ménagedans son logement a augmenté de 70 %.Le taux de propriétaires occupants a augmentéde plus de 11 points, et l’accroissement du parcsocial est venu compenser, au moins partielle-

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ment, la stagnation du secteur locatif privé etla baisse du nombre de logements occupés àtitre gratuit. En parallèle, l’accroissement duparc de logements repose principalement surl’apport de maisons individuelles.Globalement, au début des années 2000, prèsdes trois quarts des ménages se déclarent satis-faits de leurs conditions de logement. Ilsétaient moins de la moitié en 1970.

EFFORT FINANCIER

Pourtant, entre les deux dates, l’effort financierconsacré au logement a fortement augmenté.C’est l’indice d’une autre évolution, beaucoupmoins positive, qui a vu, du fait de l’accroisse-ment considérable du coût du logement, secreuser un double fossé :• d’une part, entre une grande majorité deménages qui ont profité de l’amélioration duparc et ont pu bénéficier des politiques d’aideà l’accession ou de l’accroissement du parcsocial, et ceux qui en sont restés exclus et viventencore dans les segments minoritaires de l’in-confort et de l’insalubrité, voire de l’absencede logement, et dont tout indique que leurssituations tendent à se durcir ;• d’autre part, au sein même de la populationqui a bénéficié de l’amélioration des conditionsde logement, entre ceux qui, grâce à leur revenu,pouvaient choisir toutes les composantes deleur habitat, notamment sa localisation, et ceuxauxquels leurs moyens financiers n’ont permisqu’un exercice partiel de ces choix. Ce clivagealimente de puissants processus ségrégatifs,ainsi que les mouvements d’étalement urbain etdes concentrations de pauvreté dans certainsquartiers de logement social.

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35 ans de transformation de la demande et de l’offre de logements

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1970 2002

Nombre % Nombre %

Résidences principales 16 407 100,0 24 525 100,0

Logements antérieurs à 1948 10 889 66,3 8 145 33,2

Logements en maisons individuelles 8 351 50,9 13 906 56,7

Logements de moins de trois pièces 4 381 26,7 4 488 18,3

Logements ne disposant pas de tout le confort sanitaire* 10 780 65,7 1 422 5,8

Logements surpeuplés** 3 921 23,9 2 502 10,2

Ménages propriétaires occupants 7 350 44,8 13 724 56,0

Ménages locataires du secteur social 1 565 9,5 4 231 17,2

Ménages locataires du secteur privé*** 5 019 30,6 5 076 20,7

Autres statuts**** 2 473 15,1 1 494 6,1

Ménages satisfaits de leurs conditions de logement 8 138 49,6 18 222 74,3

Moyenne Moyenne

Surface des logements 68 m2 90 m2

Taille des ménages 3,1 personnes 2,4 personnes

Nombre de personnes par pièce 0,89 0,60

Surface par personne 21,9 m2 37,4 m2

Taux d’effort net des accédants à la propriété***** 12,9 % (1973) 17,6 %

Taux d’effort net des locataires***** 10,0 % (1973) 16,4 %

* Logement ne disposant pas à la fois d’une baignoire ou douche, d’un WC intérieur et du chauffage central.** Est considéré comme surpeuplé un logement qui compte moins de pièces qu’une norme établie de façon suivante : une pièce de séjourpour le ménage, une pièce pour chaque personne de référence d’une famille, une pièce pour les personnes hors famille non célibataires oules célibataires de 19 ans et plus, et, pour les célibataires de moins de 19 ans, une pièce pour deux enfants s’ils sont du même sexe ou ontmoins de 7 ans, sinon une pièce par enfant. Au sens de cette norme, un couple doit disposer de deux pièces, tout comme les ménages d’unepersonne. En conséquence, tous les logements de une pièce sont considérés comme surpeuplés, quel que soit leur nombre d’occupants.*** Y compris loi de 1948 (1,4 million en 1970, 0,2 million en 2002).**** Il s’agit principalement de ménages logés à titre gratuit, mais aussi de sous-locataires, locataires en meublé, fermiers et métayers.***** Effort consacré au logement (loyer ou mensualités d’emprunt plus charges), après déduction des aides à la personne.Source : Insee – Enquêtes nationales logement 1970 et 2000.

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67La transformation des mécanismes d’aide : la perte du lien au territoire

Les politiques du logement des trente dernièresannées se caractérisent par un souci constant :le maintien d’une offre diversifiée, rendant pos-sible une gamme étendue de choix individuelsdes ménages. C’est ce qui justifie la logique géné-rale de neutralité entre les statuts d’occupationet entre le logement neuf (la production) et lelogement ancien (le stock). C’est une différenceimportante avec les politiques menées dans laplupart des autres pays européens, qui ont sou-vent privilégié de façon plus affirmée et univoquel’accession à la propriété aux dépens des secteurslocatifs (l’Espagne en étant l’illustration maxi-male) ou ont donné un rôle moteur à l’offrepublique ou parapublique (la plupart des pays del’Europe du Nord, des Pays-Bas à la Suède).Mais, parallèlement à cet invariant, les systèmesd’aide ont connu trois transformations majeuresdepuis le milieu des années 1970 :

On l’a vu, les conditions de logement se sontsensiblement améliorées depuis ces quarantedernières années. Mais les succès des politiquesdu logement rencontrent des limites. Celles-cideviennent particulièrement visibles lorsque,comme depuis les années 2000, les prix deslogements connaissent une croissance trèsrapide. C’est au cours de telles périodes querevient sur le devant de la scène le terme de« crise du logement ».L’inefficacité relative des politiques du loge-ment à répondre à ces situations peut êtreexpliquée par le caractère contradictoire desmutations qu’elles ont connues au cours destrente dernières années. Ces mutations peu-vent être décrites sous trois angles complémen-taires :

• celui des instruments (la transformation desmécanismes d’aide et la perte de leur lien auterritoire) ;

• celui des enjeux (une autonomisation et unediversification) ;

• celui des acteurs (le processus de décentrali-sation et ses effets de recomposition du jeu desdécideurs).

Les mutations des politiques du logement en France depuis la fin des années 1970

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Les mutations des politiques du logement en France depuis la fin des années 1970

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(3) De manière synthétique : la zone 1 regroupe l’agglomération de Paris, les communes de première ceinture et les villes nouvelles d’Île-de-France, la zone 2 regroupe les autres communes d’Île-de-France, les agglomérations et les communautés urbaines de plus de 100 000 habi-tants, la zone 3 correspond au reste du territoire métropolitain.(4) Processus dit de « bouclage » des aides à la personne, qui a consisté d’abord à généraliser l’APL à l’ensemble du parc social entre 1988et 1990, puis, entre 1990 et 1992, à ouvrir l’allocation de logement à tous les locataires du parc privé, ce qui a, notamment, bénéficié auxménages étudiants qui en étaient jusque-là exclus.

efficace sur les dimensions macroéconomiquesdu système (rythme de la construction, luttecontre le travail illégal…). Mais elles témoignentégalement d’une prise en compte superficiellede la diversité des marchés locaux et d’une res-triction de la capacité de pilotage des acteursdes politiques locales de l’habitat.Les zonages et barèmes rudimentaires régissantcertains dispositifs d’aide (ANAH, APL, aides fis-cales…) incarnent parfaitement cette appréhen-sion insuffisante des spécificités locales. Parexemple, pour l’APL, le territoire national estdécoupé en trois zones (3), chacune ayant unniveau de loyer-plafond spécifique. Cette diffé-renciation tente de corriger les écarts entre lesloyers, mais le découpage en trois zones est trop« grossier » pour que les effets soient significatifs,et pour que l’hétérogénéité du territoire natio-nal soit correctement prise en compte.Le tableau global de l’évolution des aides aulogement est composé de trois champs distinctsdont les poids respectifs, en termes de dépensepublique, sont très différents.

LES AIDES À LA PERSONNE

Les aides à la personne, dont le principeremonte à l’immédiat après-guerre, se sontdéveloppées surtout à partir de 1977, avec lacréation de l’aide personnalisée au logement(APL), puis, à partir de 1988, avec leur généra-lisation à tous les locataires (4).

• le passage de l’aide à la production (« à lapierre ») à l’aide à la personne, qui se traduitpar une maîtrise moindre de la puissancepublique sur la localisation des logements ;• la banalisation des financements (notammentpar la bancarisation du financement de l’accessionà la propriété), qui engendre une augmentationimportante des logements décontingentés;• l’accroissement de la part des aides fiscalesqui ne donnent lieu à aucune décision locale.Ces trois grandes transformations participenttoutes d’un même processus : la déterritorialisa-tion des aides au logement. Deux grandsmoments marquent ce processus : l’année 1977,qui voit l’introduction d’une vaste réforme desmécanismes d’aide, et le milieu des années 1990,quand l’usage de l’outil fiscal se développe(introduction du prêt à taux zéro en 1995) etquand les aides à l’accession sont réformées.Cet ensemble de réformes, référant à la volontéde faire passer la question du logement d’uncadre fortement administré (années 1950 et1960) à une logique marchande partiellementrégulée, transfère une partie des politiques dulogement des mains d’un ministère techniqueet sectoriel, qui agissait dans une logiqued’aménagement, à celles de l’administrationdes finances, dont les ressorts sont principa-lement de nature budgétaire.En faisant reculer la régulation territorialisée desmécanismes de production du logement, cestransformations agissent généralement de façon

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– d’abord en 1977, avec une forte réduction deleur nombre et des montants engagés,– ensuite, à la fin des années 1980, avec unenouvelle réduction de l’aide directe et la miseen place des financements actuels de la Caissedes Dépôts,– puis à la fin des années 1990, avec la forteréduction des aides à l’amélioration et le rem-placement partiel d’une logique de subventionpar une réduction de la TVA,– enfin, depuis 2002, par la stabilisation d’unesegmentation de l’offre nouvelle en trois pro-duits aux fonctions sociales différenciées, PLS,PLUS, PLAI (voir l’encadré de la page suivante) ;• les aides à l’amélioration du parc privé, princi-palement locatif, réglementées et distribuées parl’Agence nationale pour l’amélioration de l’ha-bitat (ANAH), dont la diversité et la complexitén’ont pas cessé de s’accroître depuis le débutdes années 2000 ;• les aides à la construction, à l’amélioration età la démolition des logements locatifs sociauxmis en place dans le cadre des opérations finan-cées par l’Agence nationale de la rénovationurbaine (ANRU), créée en 2004, lesquelles sedistinguent des précédentes par leur mode dedistribution spécifique et très centralisé.Les deux premiers volets de ces aides contin-gentées sont les seuls qui soient véritablementmis en œuvre dans le cadre des politiques localesde l’habitat, et peuvent donner lieu à un pro-cessus de décentralisation sur lequel nousreviendrons. Ils représentent aujourd’hui unemasse financière d’aides directes de l’État del’ordre de 1 milliard d’euros par an, alors que

LES AIDES À LA PRODUCTION

NON CONTINGENTÉES

Les aides à la production non contingentéeset banalisées sur l’ensemble du territoire, fon-dées sur des décisions prises en loi de finances,relèvent de trois domaines principaux :

• les aides à l’accession à la propriété, réforméesen 1977 avec la création du prêt d’accession àla propriété (PAP), système contingenté de prêtsprincipaux à taux réglementés et délivrés pardes institutions spécialisées (5), et remplacé àl’automne 1995 par le prêt à taux zéro (PTZ), sys-tème non contingenté de prêts complémentairesdélivrés par l’ensemble des réseaux bancaires ;

• les aides fiscales incitant à l’investissementlocatif, mises en place en 1985 et réformées àde nombreuses reprises (6), ciblées sur l’inves-tissement des personnes physiques et donnantlieu ou non à des contreparties sociales ;

• les réductions de TVA sur les travaux comman-dés par les propriétaires dans leur logement,mises en place en 2000 pour canaliser du chiffred’affaires vers les petites entreprises du bâti-ment et réduire la part du travail non déclaré.

LES AIDES À LA PRODUCTION CONTINGENTÉES

Les aides à la production contingentées donnentencore lieu à des décisions explicitement locali-sées, devenues fortement minoritaires, et relèventégalement de trois domaines différents :• les aides de droit commun pour la productionet l’amélioration des logements locatifs sociaux,réformées à de nombreuses reprises :

(5) Les PAP, délivrés exclusivement par le Crédit foncier de France et le réseau des sociétés de crédit immobilier (Saci) rattachées au mou-vement HLM, pouvaient financer l’intégralité d’une accession.(6) La plupart des ministres chargés du logement ont donné leur nom à l’un de ces dispositifs, non contingentés et aveugles au territoirepar nature : Quilès, Méhaignerie, Périssol, Besson, Robien et Borloo.

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Les mutations des politiques du logement en France depuis la fin des années 1970

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(7) Les aides qu’apportent les collectivités territoriales à la production ou à l’amélioration des logements sont extrêmement difficiles à chiffrer,mais on considère généralement que leur volume national total a désormais dépassé celui des aides directes de l’État.

La catégorisation du logement social

L’histoire du logement social depuis sarelance des années 1950 est marquée par undébat récurrent sur la segmentation desmécanismes d’aide et du parc en fonctionde cibles socialement différenciées.En créant le prêt locatif aidé (PLA), la réformede 1977 voulait mettre en place un mode definancement et un produit unique afin derompre avec une logique accusée, dans lerapport Barre de 1975, d’entraîner de tropforts marquages sociaux et des différencia-tions entre les immeubles.La logique de la réforme voulait alors que lesloyers élevés des logements financés en PLA,contrepartie d’une qualité accrue, soientcompensés pour les ménages à bas revenuspar le droit à l’APL.Cette logique est mise à mal dès les années1980, avec l’apparition des produits dits« intermédiaires » destinés à des ménagesà revenus moyens non bénéficiaires des PLA,mais rencontrant des difficultés à payer lesprix du marché dans les villes les plus chères.Les « prêts locatifs intermédiaires » (PLI) et,dans une certaine mesure, les PLA délivréspar le Crédit foncier, appartiennent à cettecatégorie.

Au début des années 1990, la diversificationse produit également en direction des per-sonnes en difficulté avec la création de touteune génération de produits à bas loyers : PLAd’insertion ou d’intégration (PLA-I), trèssociaux (PLA-TS), à loyers minorés (PLA-LM)…Aujourd’hui, la production standard de loge-ments sociaux comprend trois catégories :• le PLUS (prêt locatif à usage social), produitcentral qui a remplacé le PLA en 2000 ;• le PLS (prêt locatif social), au ciblage inter-médiaire ;• le PLA-I (PLA d’intégration), qui vise lesménages à bas revenus nécessitant unaccompagnement social.Les objectifs quantitatifs du plan de cohésionsociale sont déclinés pour chacune de cestrois catégories.La rénovation urbaine donne lieu, pour sa part,à des produits spécifiques (les PLUS-CD, pour« construction-démolition ») dont les loyerssont plus adaptés aux nécessités du relo-gement liées aux opérations de démolition.Le PLI existe toujours mais, n’étant pas comp-tabilisé localement comme logement socialen application de la loi SRU, il est désormaistrès peu utilisé.

les aides à la personne dépassent 13 milliards etles aides fiscales atteignent 8 milliards. Cesaides constituent l’outil principal du volet loge-ment du plan de cohésion sociale lancé en2004 et qui vise à une relance de la productionde logements à loyer abordable, tant dans le

parc social que dans l’offre privée amélioréeavec l’aide de l’ANAH. Elles sont aujourd’huitrès souvent complétées par des aides des col-lectivités territoriales, qui contribuent ainsi àen orienter l’utilisation dans le cadre de leurspropres politiques de l’habitat (7).

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SYNTHÈSE : MÉCANISMES D’AIDE ET PERTE

DU LIEN AU TERRITOIREDans les années 1960, le champ du logement constitue une illustration des méthodesd’intervention de l’État français. On a alors affaire à une politique fortement administrée,fondée sur la volonté d’aménager le territoire, structurant le marché via les politiquesd’aménagement et assurant par là même une certaine cohérence territoriale.

Les réformes successives des systèmes d’aide au logement depuis les années 1970 ontmarqué un changement paradoxal. En effet, fondées à la fois sur une logique de maîtrisebudgétaire et sur l’accompagnement des mécanismes de marché, ces évolutions ont pourcaractéristique d’ignorer assez largement la diversité des marchés locaux du logement, et donc l’impact que peuvent avoir les aides sur des territoires fortement différenciés. On est donc passé d’une politique administrée maintenant un rapport au territoire à unepolitique de régulation fondée sur une lecture territoriale fruste du marché, par grandeszones macrorégionales.

De plus, cette logique générale, qui guide l’essentiel de l’effort financier de la collectivité en matière de logement, apparaît pour le moins décalée avec une bonne part des grandsenjeux assignés aux politiques de l’habitat au cours des dernières décennies, lesquelscomportent d’importantes dimensions territoriales.

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Les mutations des politiques du logement en France depuis la fin des années 1970

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Par ailleurs, depuis 1999, le gouvernement fran-çais a obtenu de l’Union européenne que celle-ci l’autorise à pratiquer un taux réduit de TVApour la plupart des travaux que les propriétairesréalisent dans leur logement. Ces politiques éco-nomiques et industrielles du logement relèventexclusivement d’un pilotage macroéconomiqueau niveau national et sont principalement le faitdu ministère de l’Économie et des Finances.

LES ENJEUX SOCIAUX

Les enjeux sociaux sont au cœur des politiquesdu logement, dans la mesure où l’un des pre-miers objectifs est de faire en sorte que tout lemonde soit logé dans de bonnes conditions. Ils’agit donc de politiques sectorielles, mises enœuvre au niveau national par le ministèrechargé du logement. Contrairement aux poli-tiques à dimension économique, ces politiquesà vocation sociale ne peuvent pas être exclusi-vement pilotées au niveau national puisque lesbesoins sont avant tout des besoins locaux.Elles se construisent donc à l’intersection degrandes décisions nationales (cadre juridique,mécanismes d’aide, priorités de l’État, etc.) avecdes politiques locales qui se nouent en parte-nariat entre les représentants locaux de l’Étatet les collectivités territoriales.Au cours des années 1980, période de croissancedu chômage et des mécanismes d’exclusionsociale, a émergé, avec le concept de « nouvellepauvreté », le constat que les politiques classiquesd’accompagnement du marché, fondées sur lesparcours résidentiels de l’ensemble des ménages,ne permettaient pas de satisfaire vraiment tousles besoins et laissaient de côté les personnesles plus pauvres ou celles qui pour des raisonsdiverses (handicap, difficultés familiales graves,

L’autonomisation progressive de chacun des enjeux des politiques du logement

Pour analyser les politiques du logement en France,il est devenu classique de considérer que celles-cirépondent à trois grandes catégories d’enjeux : desenjeux économiques et industriels, des enjeuxsociaux et des enjeux urbains qui dépassent lastricte question du logement. L’histoire des poli-tiques du logement au cours des trente dernièresannées peut être analysée comme une diversifi-cation de ces enjeux, allant jusqu’à la constitutionprogressive de champs distincts et de plus en plusautonomes les uns par rapport aux autres.

LES ENJEUX ÉCONOMIQUES

La dimension économique des politiques du loge-ment en France repose sur le caractère stratégiquedu secteur du bâtiment et de la construction. Cedernier est un grand pourvoyeur d’emplois avec1,2 million d’actifs en 2005, qui travaillent dansun peu plus de 300 000 entreprises, dont280000 relevant de l’artisanat, et apportant d’im-portantes ressources fiscales. Cette structure estfragile et elle appelle le soutien des pouvoirspublics par diverses mesures visant à canaliser unepartie des dépenses des ménages vers des opéra-tions générant du chiffre d’affaires pour le secteuret à réduire la part du travail non déclaré.C’est ainsi, par exemple, que jusqu’en 2005 lesprêts aidés à l’accession à la propriété n’étaientoctroyés que pour l’achat de logements neufs ounécessitant d’importants travaux de rénovation.

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exclusion sociale…) se trouvaient durablementexclues du logement (ou du logement de qualité).C’est à partir de ce constat qu’a émergé unchamp de politiques spécifiques ciblées sur lesménages en difficulté. Le logement locatif socialest évidemment l’un des principaux outils de cespolitiques, mais il n’est pas le seul et ne s’yconsacre pas totalement puisque sa ciblesociale reste plus large que celle de la pauvreté.C’est ainsi qu’a été progressivement élaboréeune boîte à outils ciblés qui comprend :• des mécanismes d’aide financière pour ceuxqui ne parviennent pas à payer le coût d’accèsà un logement autonome, suscitent l’inquié-tude d’un propriétaire ou ne peuvent pluspayer le loyer du logement qu’ils occupent.Contrairement aux aides à la personne, quirelèvent d’un droit ouvert à tous ceux qui cor-respondent aux critères, ces aides donnent lieuà l’examen local et individualisé de la situationdu demandeur ; elles sont regroupées au seindes Fonds de solidarité logement (FSL) gérésinitialement de façon conjointe par l’État et lesconseils généraux et, depuis 2005, intégra-lement décentralisés aux départements ;• la création d’une offre de logements oud’hébergements temporaires spécifiquementdestinée à ces personnes en difficulté. Ce typed’offres spécifiques est lui-même très diversi-fié, allant de simples logements HLM au loyerplus bas que ceux du droit commun à des for-mules d’hébergement d’urgence dans des centresspécialisés ;• la montée d’un nouveau type d’acteurs despolitiques du logement, venant du monde asso-ciatif, généralement de culture caritative oumilitante, auxquels les pouvoirs publicsconfient la mission de prendre en charge lespublics ciblés par ces politiques.

Cette focalisation sociale croissante trouve sonincarnation la plus symbolique dans l’émer-gence du concept de « droit au logement ». Denombreux textes législatifs et réglementairesvont progressivement préciser les contours decette notion et les actions à mettre en œuvrepour assurer une protection croissante auxfamilles en situation locative difficile. Les pré-mices remontent au début des années 1980avec la loi Quilliot, qui affirme le droit à l’habi-tat, mais c’est la loi Besson qui introduit en1990 la notion de droit au logement. La « saga »continue jusqu’à ces derniers mois, avec le voteen mars 2007 de la loi sur le droit au logementopposable.Les départements et l’État sont les principauxresponsables de ces initiatives qui se dévelop-pent de façon assez autonome par rapport auxautres volets des politiques du logement, etrejoignent plutôt d’autres domaines d’interven-tion publique autour des politiques sociales,qui impliquent peu les acteurs habituels despolitiques du logement.

LES ENJEUX URBAINS

L’articulation entre la politique du logement etles politiques urbaines est ancienne en France.Elle a pris corps à la fin des années 1950, avecla création des grands ensembles, puis avec lapolitique des villes nouvelles à partir de laseconde moitié des années 1960. Mise en som-meil pendant près de deux décennies et illus-trée par un clivage radical entre les deuxcorpus juridique et administratif qui gouver-nent ces politiques (8), cette articulation renaîtavec force à partir du milieu des années 1980et ne cesse de se développer depuis, autour dequatre objectifs principaux :

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• la satisfaction des besoins des ménages àtoutes les étapes de leur parcours résidentiel ;• la maîtrise de l’urbanisation ;• le renouvellement urbain ;• la mixité sociale.Le point commun de ces champs est d’utiliserles moyens propres à la question du logement(notamment la production neuve et le loge-ment social) pour atteindre des objectifs quidépassent de loin la seule question sectorielle,et adoptent à cette fin l’appellation de « politi-ques de l’habitat ». Leur outil majeur est le pro-gramme local de l’habitat (PLH), explicitementarticulé depuis 2000 avec les plans locauxd’urbanisme (PLU) et les schémas de cohérenceterritoriale (SCOT) (9).

Favoriser les parcours résidentiels de tous

Au cœur de politiques locales de l’habitat se situel’enjeu territorial de la satisfaction des besoins etdes aspirations des habitants présents et futurs àtous les moments de leur vie. Cet enjeu sectoriel(il s’agit de se loger dans les meilleures condi-tions) et transversal (il s’agit de maintenir ou deconstruire des équilibres démographiques,sociaux et économiques) impose que l’offre delogements soit suffisamment abondante, debonne qualité, diversifiée et abordable.C’est l’objet premier des PLH, dont une partierepose généralement sur la projection del’accroissement attendu (et espéré) du nombrede ménages, puis sur sa traduction en objec-tifs de production et d’amélioration, caracté-risés et localisés.

Politiques de l’habitat et maîtrise

de l’urbanisation

La diffusion de l’accession à la propriété chezles ménages à revenus moyens à partir desannées 1970 et l’aspiration des Français pourle cadre de vie de la maison individuelle ontalimenté, depuis trente ans, une dynamique depériurbanisation que la montée des préoccu-pations environnementales remet en questiondepuis le début des années 1990.Le développement de la maison individuellepériurbaine est fortement consommateur d’es-paces ruraux, génère de nombreux déplace-ments en automobile et un besoin croissant eninfrastructures. Les coûts environnementaux etindividuels de cette dynamique sont de plus enplus souvent dénoncés par les politiques for-mulées en termes de développement durable.Ce processus de périurbanisation n’est pour-tant pas étranger aux politiques du logement,dans la mesure où, en favorisant l’accession àla propriété dans des logements neufs, ellesl’ont souvent favorisé.Toutefois, depuis la loi Solidarité et renouvel-lement urbains (SRU) de décembre 2000, lespolitiques urbaines convergent vers l’objectifde mieux maîtriser l’urbanisation en favorisantla construction de la ville sur la ville et la den-sification des tissus existants. La plupart desschémas directeurs et schémas de cohérenceterritoriale font de cette question un enjeumajeur en se donnant pour objectif de mieuxcontrôler l’urbanisation périphérique et defavoriser une construction attractive et de qua-

(8) Cette séparation entre les deux champs est concrétisée par l’imperméabilité du Code de l’urbanisme à l’égard de celui de la construc-tion et de l’habitation jusqu’à la loi d’orientation pour la ville de 1991 ; elle est doublée, jusqu’en 1998, par la coexistence de deux direc-tions d’administration centrale, alors qu’une partie des politiques urbaines étaient décentralisées depuis 1983 et que les politiques dulogement restaient entre les mains de l’État.(9) C’est la loi SRU de décembre 2000 qui, pour la première fois, exige la compatibilité entre ces trois documents qui relèvent pourtantde logiques différentes et s’appliquent à des territoires eux-mêmes différents.

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lité en milieu dense. C’est, par exemple, l’unedes orientations prioritaires du nouveauschéma directeur de la région Île-de-France.Ces impératifs urbains se heurtent cependantaux marchés fonciers et immobiliers et à l’inef-ficacité des outils dont disposent les pouvoirspublics pour enrayer la dynamique périur-baine. En effet, dans la plupart des cas, les ter-ritoires les plus concernés sont extérieurs auxpérimètres intercommunaux qui élaborent etmettent en œuvre les politiques de l’habitat. Deplus, alors que l’outil essentiel de ces politiquesest la réglementation du sol et sa capacité àlimiter la constructibilité, les PLU restent leplus souvent entre les mains des communes,qui ne trouvent pas toujours d’intérêt à freinerleur urbanisation.

De la « politique de la ville » à la « rénovation

urbaine »

Dès la fin des années 1970 sont apparus enFrance les premiers signes d’une dégradation dela situation sociale dans la plupart des grandsensembles produits au cours des décennies pré-cédentes. La crise économique et la montée duchômage ont frappé plus durement qu’ailleursles habitants de ces quartiers, alors que les pre-mières générations d’occupants avaient déjàquitté les lieux, en profitant souvent des aides àl’accession à la propriété.Les premières politiques de traitement de cessituations sont apparues à cette époque. Elles ontd’abord pris la forme d’actions sur le bâti dans lecadre de programmes d’amélioration du parcsocial qui ont notamment permis de les adapterau nouveau contexte énergétique issu des chocspétroliers. La « politique de la ville », lancée au

début des années 1980 dans une logique inter-ministérielle, élargit le champ de l’action sur lesquartiers en difficulté en investissant tout parti-culièrement les registres de l’action sociale et dudéveloppement économique, laissant l’interven-tion sur le bâti à un nombre limité de « grandsprojets urbains » lancés en 1991.Faisant face aux résultats limités de ces poli-tiques (10) et profitant d’une baisse temporairede la pression de la demande sur le parc social,un nouveau tournant est pris en 1998, avec lelancement de la politique de « renouvellementurbain », qui pour la première fois propose desopérations de restructuration urbaine lourdecomprenant des démolitions d’immeublesjugés obsolètes ou constituant un obstacleà des projets de désenclavement.En 2003, cette politique est érigée en « pro-gramme national de rénovation urbaine », avecpour ambition de traiter près de 400 quartiersentre 2004 et 2011. L’enjeu est double : il s’agità la fois de diversifier l’habitat dans ces quar-tiers et de « banaliser » les formes urbaines enouvrant les quartiers sur la ville et en restruc-turant l’espace public. Cette politique estconfiée à l’Agence nationale de la rénovationurbaine (ANRU), qui distribue les crédits sur labase de projets élaborés par les communes.

Les politiques de mixité sociale

En diversifiant l’habitat dans les quartiers prio-ritaires, la politique de rénovation urbaine contri-bue à l’objectif de mixité sociale qui est assignéaux politiques de l’habitat en France depuis ledébut des années 1990. Ce rôle fondamental,dérivé du modèle républicain d’intégration, partde l’idée selon laquelle la concentration spatiale

(10) La politique de la ville donne lieu à une importante vague d’évaluations en 1997 et 1998.

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des situations de pauvreté et d’exclusion consti-tue un obstacle à la cohésion sociale et accentueles difficultés des personnes. Il trouve l’essentielde sa traduction opérationnelle dans les poli-tiques de l’habitat.

En effet, les choix opérés dans la constructiondes politiques de mixité sociale sont tous fon-dés sur une acception strictement résidentiellede celle-ci : la mixité sociale équivaudrait à ladiversité de l’habitat. Autrement dit, une répar-tition équilibrée des types de logements dansun espace donné serait la condition de la mixitésociale recherchée à l’échelle de cet espace.C’est ainsi que l’on peut schématiser le carac-tère opérationnel de ces politiques en deuxvolets complémentaires :• la promotion d’une meilleure répartition deslogements sociaux entre les communes desagglomérations (les fameux 20 % de logementssociaux de la loi d’orientation pour la ville de1991 et de la loi SRU de 2000) ;• l’apport de nouveaux produits logement(accession à la propriété, locatif libre et inter-médiaire) dans les quartiers en rénovationurbaine marqués par la surreprésentation duparc social.

En fait, la diversité croissante des directionsprises par les politiques de l’habitat peut s’ana-lyser comme le signe d’une décomposition enplusieurs voies de plus en plus autonomes lesunes par rapport aux autres et constituantune pluralité de champs d’action publiqueconstruits autour de l’objet logement. La mul-tiplicité des lois traitant de l’habitat au coursdes trente dernières années va dans ce sens. Eneffet, celles-ci relèvent de cinq courants légis-latifs qui avancent en parallèle depuis la fin des

années 1970. Ces courants sont représentés pardes groupes de textes :• les textes consacrés au financement du loge-ment, qui ont progressivement glissé vers les loisde finance, ce qui permet leur mise en révisionannuelle sans nécessité de lois spécifiques ;• les textes du droit au logement, au sein duquelon peut distinguer la réglementation des rap-ports locatifs (de la loi Quilliot du 22 juin 1982à la loi du 6 juillet 1989) et l’ensemble des dis-positifs ciblés sur les personnes défavorisées (dela loi Besson du 31 mai 1990 au droit opposableau logement du 5 mars 2007) ;• les textes qui rapprochent les politiques del’habitat des politiques urbaines et lancent desponts entre les codes de l’habitation et del’urbanisme (loi d’orientation pour la ville de1991, loi SRU de 2000 et engagement nationalpour le logement de 2006) ;• des textes à vocation ouverte et touchant unediversité de champs d’action publique. Ils orga-nisent la recomposition du pilotage local despolitiques de l’habitat dans le cadre de la décen-tralisation et de la montée de l’intercommunalité.Il s’agit notamment des lois de décentralisation de1982 et 1983, de la loi Chevènement du 12 juillet1999 et de la loi Libertés et responsabilitéslocales du 13 août 2004;• les textes qui organisent la politique de la villeet ses prolongements en matière de renouvel-lement urbain, jusqu’à la loi instituant le pro-gramme national de rénovation urbaine du1er août 2003.La juxtaposition de ces cinq courants se tra-duit par une production législative extrême-ment abondante, mais aussi par l’empilementde procédures de natures diverses (PLH – pro-grammes locaux de l’habitat –, plan dépar-temental pour le logement des personnes

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défavorisées, conférences de l’habitat, accordscollectifs départementaux et intercommunaux,commissions de médiation et de conciliation,projets de rénovation, PLU, etc.) mobilisantchacune ses propres systèmes d’acteurs, avecdes zones de recouvrement souvent floues.D’où une impression d’incohérence, parfoisrenforcée par les incertitudes qui continuentde peser localement sur la réalité du processusdécentralisateur en cours.

Décentralisation et recomposition des rôles

Contrairement à beaucoup de pays européens,la France n’a jamais fait le choix de décentra-liser des pans importants des politiques dulogement. Il faut sans doute y voir l’effet ducaractère très tardif de la création de régions :partout où ces politiques sont décentralisées,c’est l’échelon régional qui en constituel’acteur principal au sein de systèmes fédérauxou régionaux (Allemagne, Espagne, Belgique,Italie…). Il est généralement soutenu par desvilles puissantes dont les périmètres d’actionenglobent l’essentiel des bassins de vie deleurs habitants. Aucune de ces deux condi-tions n’étant présente en France, la volontédécentralisatrice à l’œuvre depuis plus devingt ans n’a fait qu’effleurer la question dulogement, tout en conduisant à une transfor-mation lente et rarement énoncée de façonclaire des modes de conception et de mise enœuvre de politiques nécessairement locales.

LA PREMIÈRE VAGUE DE

LA DÉCENTRALISATION : LE TEMPS

DE LA COPRODUCTION FUSIONNELLE

D’un transfert de compétences…

Au début des années 1980, les premières grandeslois de décentralisation ont organisé un trans-fert de certaines compétences de l’État vers lescollectivités territoriales. Les politiques dulogement ne sont pas concernées directementpar cette première vague.Ce choix de conserver le domaine du logemententre les mains de l’État central est justifié parl’intérêt de ce dernier à se préserver des leviersfinanciers importants, notamment pour dispo-ser d’une certaine maîtrise sur l’économie de laconstruction ; mais c’est aussi la volonté demaintenir un système national d’aides à la per-sonne qui assure une certaine équité territoriale.Enfin et surtout, ce choix reflète l’absence d’unniveau territorial pertinent auquel transférer lescompétences : les régions sont encore tropfaibles, les départements sont trop ruraux et lescommunes sont trop petites pour qu’on leurconfie des politiques qui, à cette échelle, peu-vent avoir d’importants effets ségrégatifs.

… à des compétences partagées

En revanche, les décentralisations de l’urba-nisme aux communes et des politiques socialesaux départements vont exercer une influenceimportante sur les situations locales en matièrede logement et obliger l’État à entrer dans deslogiques de négociation avec les collectivitéslocales. C’est ce qui va conduire, au cours desannées 1980 et 1990, à évoquer l’idée, à proposdes politiques du logement, de « compétencepartagée ». Ainsi, la mise en œuvre locale despolitiques du logement de l’État se construit sur

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des négociations et des compromis avec les com-munes, qui ont la maîtrise de l’usage du sol, etla montée des préoccupations pour le logementdes personnes les plus défavorisées a rendunécessaire une coopération étroite entre l’Étatet les départements. Ces politiques procéduralesconsacrent alors le rôle central du contrat. Cepartage des compétences n’a cependant paséteint la méfiance de l’État à l’égard des com-munes, souvent accusées de faire obstacle à lamixité sociale soit en refusant l’implantation delogements sociaux sur leur territoire, soit, aucontraire, en s’opposant à toute diversificationen direction de l’offre privée. C’est cetteméfiance qui conduit à l’adoption de mesurescoercitives visant à obliger les communesurbaines à accueillir au minimum 20 % de loge-ments locatifs sociaux sur leur territoire (11).

L’émergence de nouveaux acteurs sur l’échiquier

La loi sur le renforcement de la coopération inter-communale (loi Chevènement, juillet 1999)change ce contexte de méfiance à l’égard des com-munes en favorisant la diffusion de la coopéra-tion intercommunale. En l’absence d’une nouvelledécentralisation, la loi permet aux communautésde définir des objectifs qui leur sont propres dansles « programmes locaux de l’habitat » (PLH) (12),qui serviront de base de négociation avec l’Étatpour orienter l’affectation des aides au logementsocial, les politiques de rénovation urbaine et desaides aux logements privés anciens.On observe au même moment une métamor-phose des modes d’action de l’État. Dans un

élan volontariste, celui-ci se dote d’agenceschargées de mettre en œuvre ses politiques.Créée en 1971, l’Agence nationale pour l’amé-lioration de l’habitat (ANAH) connaît en 2000une réforme importante qui conduit à la miseen place de la « grande ANAH ». Celle-ci voit sescompétences et son budget élargis : elle estdésormais chargée de l’ensemble des aides àl’amélioration de l’habitat. L’ANAH devient alorsl’outil de mise en place de la politique de renou-vellement urbain dans le parc privé.Puis, la loi de programmation et d’orientationd’août 2003 met en place l’Agence nationale pourla rénovation urbaine (ANRU), chargée de sélec-tionner, en fonction de critères de priorité, lesprojets des communes, et de distribuer les crédits.

LA DEUXIÈME VAGUE DE LA

DÉCENTRALISATION : DES POLITIQUES

LOCALES MUSCLÉES

Le passage à l’échelle intercommunale donneplus de poids aux politiques locales, d’autantqu’il supprime, au moins sur le papier, l’argu-ment selon lequel les politiques communalessont un facteur de ségrégation sociale, puisquele niveau communautaire est censé soutenir lesimpératifs de mixité et de solidarité. C’est entout cas dans cet esprit que la loi « relative auxlibertés et responsabilités locales » du 13 août2004 franchit un nouveau pas dans le pro-cessus de décentralisation des politiques del’habitat. Outre le transfert complet aux dépar-tements du fonds de solidarité logement (FSL),

(11) Loi d’orientation pour la ville de 1991, puis article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbains de 2000. Une disposition inverse, dite« amendement Larcher » (art. L. 301-3-1 du CCH), prise en 1995 dans le cadre de la loi sur la diversité de l’habitat, conditionne la construc-tion de logements sociaux dans les communes en comptant plus de 35 % à la production d’une quantité supérieure de logements libres.(12) Les programmes locaux de l’habitat existaient déjà puisqu’ils ont été créés par la loi de décentralisation de 1983, mais ils n’avaientalors pratiquement aucune valeur légale et étaient généralement élaborés à l’échelle communale. Le passage systématique à l’échelle inter-communale les a considérablement renforcés.

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la loi offre aux intercommunalités et subsidiai-rement aux départements la possibilité de rece-voir délégation des crédits d’aide à la pierre del’État pour en assurer la programmation sur leurterritoire.Cette réforme modifie considérablement la por-tée des politiques locales de l’habitat. En effet, laloi prévoit que l’État peut signer avec les EPCI quiont adopté un PLH une convention de déléga-tion pour l’attribution des aides à la pierrecontingentées. Pour les territoires non couvertspar des EPCI ou dont les EPCI n’ont pas signé deconvention, la délégation peut être donnée auxdépartements qui le souhaitent. Là où aucuneconvention de délégation n’est signée, l’Étatcontinue de programmer directement l’usage descrédits comme il le faisait précédemment.Il ne s’agit pas d’une décentralisation des aidesà la pierre, puisque la répartition des enve-loppes budgétaires reste entre les mains del’État. La compétence d’attribution des aidesaux bénéficiaires finaux n’est pas formellementtransférée, mais déléguée sur la base du volon-tariat. On est donc encore loin d’une véritableprise en main des politiques locales, mais lamontée de l’intercommunalité a rendu possibleun accroissement de la responsabilité des EPCIen matière de programmation du logement quin’était pas envisageable avant cela. En 2007,plus de la moitié du budget des aides à la pierrepouvant être délégué est entre les mains descollectivités locales.

Un engagement de l’État renforcé

sur des objets ciblés

La tendance décentralisatrice est contreba-lancée par l’engagement de l’État dans des poli-tiques volontaristes qui limitent les marges demanœuvre des acteurs locaux. C’est le cas du pro-

gramme de rénovation urbaine et du plan decohésion sociale lancé à la fin de 2004. Du faitde circuits de décision et de financement parti-culiers, les opérations de renouvellement urbains’intègrent difficilement dans le cadre des poli-tiques locales de l’habitat menées par les EPCI,d’autant que ces derniers ne sont pas en tant quetels des interlocuteurs de l’agence, laquelle nenégocie qu’avec des communes.Pour sa part, le plan de cohésion sociale prévoitune accélération de la production de logementslocatifs sociaux en chiffrant des objectifs natio-naux quinquennaux. Afin d’assurer sa réussite,ces objectifs ont été déclinés, sur la base de cri-tères statistiques, par régions, départements etagglomérations, et les représentants locaux del’État ont reçu la consigne de veiller à ce qu’ilssoient effectivement atteints. Cette déclinaisondu chiffrage national diffère le plus souvent desobjectifs tirés d’analyses locales qui figurentdans les programmes locaux de l’habitat.Le programme de rénovation urbaine et le plande cohésion sociale constituent deux facteursde tensions locales pour la mise en œuvre despolitiques de l’habitat et sont fréquemmentdénoncés par les EPCI comme contradictoiresavec le processus décentralisateur. Ils peuventaussi être analysés comme une maturation dela position de l’État, qui, d’une part, délèguel’essentiel des outils des politiques locales del’habitat et, d’autre part, resserre ses compé-tences sur des enjeux qu’il estime prioritaireset qu’il porte avec autorité.Sans doute faut-il considérer que l’on se trouvedans une phase d’apprentissage d’un nouveaumode de conduite des politiques locales del’habitat, qui passe par quelques mouvementscontradictoires avant une stabilisation pro-bable au cours des prochaines années.

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SYNTHÈSE : LA LENTE MATURATION DE LA DÉCENTRALISATION

DES POLITIQUES DU LOGEMENTLa décentralisation des politiques du logement à l’œuvre depuis une vingtaine d’années ne suit pas un processus linéaire. La maturation s’effectue parfois dans des mouvementscontradictoires.

Ainsi, la répartition des tâches décidée lors de la décentralisation de 1982 a permisl’émergence d’une production partagée des politiques du logement dans les années 1990,mais le deuxième acte de la décentralisation et l’apparition de nouveaux acteurs ont changé la donne, et la situation actuelle semble être caractérisée par une dilution desresponsabilités.

D’autre part, les vingt dernières années ont vu la montée en puissance des interventions des collectivités locales. Allant parfois au-delà de leurs compétences, elles ont amorcél’élaboration de politiques locales du logement. Dans un mouvement parallèle et paradoxal,l’État a recomposé ses moyens d’action et s’est constitué en agences, affirmant ainsi sa volonté d’agir sur quelques objets ciblés.

Ces évolutions posent la question de la « cohérence verticale » des politiques : peut-il exister une politique du logement cohérente aux différentes échelles alors que les décideurspeuvent parfois avoir des intérêts divergents ?

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évolutions des mécanismes d’aide au logementau cours des trente dernières années ont eupour fil conducteur un changement du rapportdu système d’aide au territoire, qui l’en éloigne.Décrochée du territoire, cette logique porte enelle quelques importantes contradictions.

ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

ET ÉTALEMENT URBAIN

On a longtemps fait, par exemple, le procès despolitiques de soutien à l’accession à la pro-priété, du PAP au prêt à taux zéro, en mettanten relief leur contribution à l’étalement urbain(il y a vingt ans, on parlait de « mitage »). De fait,jusqu’en 2005, toutes les politiques en faveurde l’accession sociale conditionnaient le béné-fice des prêts aidés à l’acquisition de logementsneufs ou nécessitant de gros travaux. L’accessionaidée constituait ainsi un puissant outil poursoutenir les petites entreprises et artisans dubâtiment spécialisés dans la construction demaisons individuelles.Compte tenu du profil socio-économique despopulations cibles de ces politiques (famillesde salariés à revenus stables mais modestes), leprix du foncier était la principale variabled’ajustement pour le coût des opérations, favo-risant ainsi le processus de périurbanisationque l’on cherche aujourd’hui à combattre.

En matière de politiques du logement, lestrente dernières années sont marquées par unetriple logique : cohérence budgétaire nationalepour le profilage des aides, diversification desenjeux et décentralisation maîtrisée pour lamise en œuvre locale.L’impression d’inefficacité de ces politiques,qui mérite d’être largement nuancée, doit sansdoute beaucoup aux contradictions qui oppo-sent ces trois logiques. L’observation de leurmise en œuvre dans les marchés locaux dulogement permet d’illustrer ces contradictions.

Logique budgétaire d’accompagnement du marché et marchés locaux

Le logement étant essentiellement un bien mar-chand, il convient, dans une perspective globaled’équilibre budgétaire, d’accompagner lesmécanismes du marché en aidant les ménagesmodestes à en payer le prix (aide à la personne)et en canalisant l’investissement vers des objetsutiles à l’économie nationale (secteur du bâti-ment, investissement locatif…). Or, les grandes

Politiques de l’habitat et marchéslocaux du logement : contradictions et décalages

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institutions locales, principalement des communes,mais également des intercommunalités, dont lacapacité à mener de véritables politiques commu-nautaires reste très inégale. Dans cette longue phased’apprentissage de la décentralisation, beaucoupd’étapes restent à franchir, mais les difficultés ren-contrées mettent en exergue quelques questionsfondamentales auxquelles il faudra apporter desréponses au cours des prochaines années. Parmicelles-ci, il faut sans doute s’interroger parti-culièrement sur les moyens d’une meilleure adap-tation des outils financiers des politiques dulogement à la diversité des contextes locaux, aurisque sans doute de poser la question de l’équitéterritoriale de ces politiques autrement que par lecontingentement et le zonage.

SUCCÈS DES DISPOSITIFS ET SATISFACTION

DES BESOINS LOCAUX

La fin des années 1990 et le début des années2000 sont caractérisés par une vive reprise de laconstruction de logements neufs en France. Lespolitiques ont grandement contribué à ce succès,qui doit beaucoup à la création du prêt à tauxzéro en 1995 et à la mise en place d’incitationsfiscales très avantageuses pour l’investissementlocatif (système Périssol de 1995 à 1999 puisBesson de 1999 à 2003 et Robien depuis 2003).Les produits immobiliers mis sur le marché dansce cadre sont très typés : majoritairement des mai-sons individuelles périurbaines d’un côté, surtoutdes petits logements locatifs urbains de l’autre.Dans les deux cas, l’un des enjeux majeurs, pourles acteurs économiques, est de produire desbiens à prix modérés, tant pour les accédants àrevenus modestes que pour des investisseurs à larecherche du meilleur rendement. On comprenddès lors que la croissance de la construction

CALIBRAGE NATIONAL DES AIDES

ET DIVERSITÉ DES CONTEXTES LOCAUX

L’exemple des politiques d’accession contribueaussi à mettre en relief les contradictions entrela banalisation des mécanismes d’aide et lanécessaire approche locale des marchés dulogement. En effet, l’accession sociale à la pro-priété ne peut se développer au même rythmeselon que les marchés locaux du foncier et dulogement pourront permettre ou non la pro-duction d’une offre accessible pour le publiccible de ces politiques. De fait, les barèmesnationaux du prêt à taux zéro produisent defortes inégalités territoriales et exigent descollectivités locales qui misent sur le dévelop-pement de l’accession sociale des efforts finan-ciers très différents selon les niveaux de prix deleurs marchés immobiliers.

Plus largement, ces inégalités montrent la contra-diction qui oppose la persistance d’un pilotagenational et unifié des règles, des aides et de pro-grammes quantitatifs à la montée en puissanced’une approche locale et décentralisée des poli-tiques de l’habitat. La rigidité de la gamme desproduits du logement social se heurte ainsi aubesoin d’adaptation aux contextes locaux. Demême, la mise en œuvre des objectifs de cons-truction du plan de cohésion sociale se trouveconfrontée à l’évaluation locale des besoins tellequ’elle ressort des programmes locaux de l’habi-tat. Les dix années de décentralisation lente despolitiques du logement mènent ainsi à la ren-contre frontale partout où s’élaborent de véri-tables politiques de l’habitat, entre une logiqueétatique descendante et des formulations localesissues de négociations propres à chaque site.Sans doute faut-il voir aussi dans ces contradictionsla persistance d’une défiance de l’État à l’égard des

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peuvent sans peine se contenter de grands indi-cateurs rendant compte principalement del’activité productive et de son efficacité à répon-dre aux enjeux nationaux (emploi, rendementfiscal, diversité de l’offre, etc.), la probléma-tique locale de l’habitat passe par des moyensd’évaluation capables de rendre compte del’ampleur des interactions qui caractérisent lesmarchés locaux du logement et d’intégrer lalongue durée.

PARCOURS RÉSIDENTIEL, ACCESSION

À LA PROPRIÉTÉ, MIXITÉ SOCIALE

Il est devenu classique, lorsqu’on évoque les mar-chés locaux du logement, d’insister sur le rôle desmobilités résidentielles comme mécanismes fon-damentaux de la production de l’offre (13). Dansces conditions, l’évaluation des politiques localesdu logement et leur calibrage supposent uneanalyse des effets en chaîne que peuvent pro-duire des mécanismes partiellement vertueux.Par exemple, les politiques favorables à l’accessionà la propriété ont été formulées, dès la fin desannées 1970, dans une optique de promotion de« parcours résidentiels ascendants », voire decontribution indirecte à la lutte contre les exclu-sions (14). En effet, l’accroissement de l’accessionsociale à la propriété est considéré comme devantconstituer un formidable accélérateur de la mobi-lité résidentielle, principalement en provenancedu parc locatif social. La dynamique vertueuse quien résulte accroît l’offre HLM et réduit l’ampleurdes listes d’attente. Mais, mécaniquement, ces pro-cessus contribuent aussi à une paupérisation de

neuve engendrée par ces politiques entre 1997 et2005 se soit principalement concentrée dans lescommunes rurales et les villes moyennes de pro-vince, laissant de côté les grandes villes et la régionparisienne, où les besoins sont pourtant les plusforts (voir l’encadré 1).À d’autres moments de l’histoire récente, on a puvoir comment les acteurs du marché pouvaients’emparer avec une grande efficacité des mécanis-mes d’aide pour élaborer des produits immobiliersplaqués sur une conjoncture favorable. L’exempledes résidences étudiantes privées créées dans lecadre des « avantages Méhaignerie » entre la fin desannées 1980 et le début des années 1990 en four-nit une illustration intéressante (voir l’encadré 2).Ces exemples mettent en relief la probléma-tique complexe de coexistence de deux échellesde fonctionnement du marché du logement(un marché national, des marchés locaux) dontla caractéristique est de ne pas s’emboîter. C’estainsi que le succès d’une politique, au sensmacroéconomique du terme, peut faire peser desrisques importants au niveau local.

Les marchés locaux du logement : lieux d’interactions multiples

Alors que les logiques macroéconomiques del’approche nationale des aides au logement

(13) Si, chaque année, environ 2 millions de ménages quittent un logement pour en occuper un autre et qu’il s’en construit 400 000 neufs,l’offre dégagée par la mobilité est cinq fois supérieure à celle issue de la construction neuve.(14) C’était même tout l’argumentaire de Pierre-André Périssol pour promouvoir le prêt à taux zéro dans son ouvrage programmatique :En mal de toit, Périssol P.-A., L’Archipel, Paris (1995), 174 p.

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Dans un registre complémentaire, les poli-tiques productivistes tendent souvent à négli-ger la durée de vie des logements dont elles ontpromu la construction. L’histoire des grandsensembles, fondée sur une diversité de produitsimmobiliers (dominée par le logement social,il est vrai), devrait, par exemple, donner à réflé-chir sur l’idée selon laquelle la proximité deproduits différenciés induit durablement lamixité sociale (voir l’encadré 4), et conduire àenvisager ce type de politiques comme un défisur la durée, dont l’enjeu essentiel est de pré-server les équilibres qui se sont mis en placemécaniquement lors de la livraison de loge-ments neufs.On peut prolonger la réflexion en évoquant lamultiplication des mécanismes d’aide ciblés surles propriétaires privés et assortis de contre-parties à durée limitée : engagement de locationde neuf ans pour les aides à l’investissementlocatif, conventionnement du parc privé avecou sans travaux, etc. La question du devenir deces logements à l’achèvement de la périoded’engagement n’est que très rarement posée ;elle peut pourtant constituer une probléma-tique locale majeure lorsque ces aides se sonttraduites par l’arrivée presque simultanée deplusieurs milliers de logements qui risquentd’être mis en vente par les investisseurs, toutaussi simultanément, neuf ans plus tard.

Le tableau dressé de cet ensemble de contradic-tions montre que les succès accumulés par lespolitiques de l’habitat au cours des trente der-nières années ne doivent pas masquer le fait que,depuis que les logiques marchandes sont redeve-nues dominantes dans le secteur du logement,celles-ci produisent des conséquences sociales eturbaines fortement différenciées à l’échelle locale.

l’occupation du parc social, surtout là où l’absenced’attractivité résidentielle condamne les quartiersà n’accueillir que les ménages dont les marges demanœuvre sont faibles (voir l’encadré 3).On perçoit ici la contradiction fondamentaleentre parcours résidentiels ascendants et mixitésociale, dès lors que la diversité de l’offre de loge-ments n’est pas assurée à l’échelle des quartierset que persistent de fortes disparités d’attractivité.

DE LA DÉCISION NATIONALE AUX EFFETS

LOCAUX : INERTIE ET LONGUE DURÉE

L’inertie du système du logement, due à la foisà la durée de vie des biens et à la lenteur de saproduction, conduit également à d’importantsdécalages temporels qui perturbent l’efficacitédes politiques qui s’y appliquent.Le changement de doctrine de l’État sur la ques-tion de la démolition des logements sociaux s’estproduit en 1998, à un moment où la relativedétente de la demande conduisait à un accroisse-ment de la vacance dans les immeubles situés dansles quartiers les moins attractifs. Ce contexte acontribué à faire monter l’idée selon laquelle, unepartie du parc social étant devenue obsolète,l’occasion se présentait d’en démolir une fractionpour restructurer lourdement les quartiers concer-nés. Mais de ce changement de doctrine à sa miseen œuvre, puis à son extension dans le cadre duprogramme piloté par l’ANRU, il s’est logiquementécoulé plusieurs années, marquées par un fortretour de la tension de la demande et une baissede la rotation, y compris dans les quartiers les plusdifficiles. C’est ainsi que la mise en œuvre et lalégitimité même d’une politique conçue dans uncontexte donné sont mises en cause par la trans-formation de ce contexte, avant même que celle-ciait commencé à produire des effets.

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La recomposition lente du système des acteursdes politiques locales de l’habitat, concrétisée parune décentralisation par étapes accompagnéed’une clarification progressive du rôle de l’État,va dans le sens d’une meilleure prise en comptede la diversité des territoires et de leurs marchéslocaux. Mais cette recomposition est encore aumilieu du gué : les résistances sont nombreuseset l’expertise des collectivités locales reste trèsinégalement répartie, alors que les servicesdéconcentrés de l’État canalisent leurs efforts surquelques points jugés essentiels et laissent par-fois à leurs partenaires un sentiment d’abandon.Dans le même temps, la déterritorialisation desaides rencontre les limites de son efficacité : larelative maîtrise budgétaire qu’elle permet nuiten retour à la capacité des aides à répondre auxbesoins en logements sans desservir les autreséquilibres prônés par les politiques nationaleset locales (maîtrise de l’urbanisation, dura-bilité, mixité sociale…).Sans doute peut-on tirer de la conjonction deces deux tendances quelques pistes de réflexionpour l’avenir.Le développement des aides destinées à l’acces-sion à la propriété va dans le sens des aspira-tions de la majorité des ménages et constituede ce fait un facteur de progrès supplémen-taire, mais l’expérience accumulée au cours destrente dernières années montre la nécessité dela poursuite du développement, en parallèle,d’une offre diversifiée comportant des secteurslocatifs abondants et surtout bien répartis surle territoire. Faute de cela, l’accroissement dela propriété peut devenir un puissant moteurde ségrégation spatiale et d’aggravation de lasituation des quartiers de relégation.Dans ce cadre, le maintien de politiques quan-titatives ambitieuses de production de loge-

ments sociaux et d’aide à l’investissement loca-tif reste nécessaire, mais celles-ci gagnerontà intégrer plus nettement des préoccupationsterritoriales, par exemple en introduisant desmodulations des aides et en clarifiant les cri-tères de la répartition géographique des cré-dits de l’État. Il faut réintroduire « du territoire »dans toutes les aides directes et indirectes à laproduction de logements.Enfin, la poursuite du mouvement décentrali-sateur suppose une clarification rapide du par-tage des tâches entre les grands acteurs despolitiques locales de l’habitat, condition néces-saire à un exercice plein de leurs prérogativespar les collectivités territoriales.

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Annexes

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Nombre de logements neufs pour 1 000 habitants

Moins de 43 logements

De 43 à 48,9 logements

De 49 à 67,9 logements

69 logements et plus

! La construction neuve dans les régions françaises entre 1996 et 2005

Sources : Sitadel – Ministère de l’Équipement.

! Accroissement du nombre de mises en chantier entre 1997 et 2005 selon les tranches d’unités urbaines

Encadré 1. Répartition spatiale de la construction neuve entre 1996 et 2005

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Encadré 2. 1986-1996 : l’avantage fiscal Méhaignerie et le logement étudiant ; un faisceau de facteurs crée un produit immobilier

Au milieu des années 1980, le parc de loge-ments en France connaît une évolutioninquiétante : la baisse continue du parc loca-tif privé sous l’effet d’une réorientation mas-sive de l’épargne des ménages vers lesplacements financiers à haut rendement ettrès faible fiscalité. Cette tendance, amorcéedès la fin des années 1970 (loi Monory de1978), est accentuée par la loi Quilliot, trèsprotectrice pour les locataires.Entre 1978 et 1988, le parc locatif privé aperdu près de 900 000 unités, passant de5,2 à 4,3 millions de logements.Dès 1985, le gouvernement tente de renver-ser la tendance en créant une aide fiscaledestinée à encourager les personnes phy-siques à investir dans l’immobilier résidentielde rapport. En 1986, la loi Méhaignerieabroge la loi Quilliot et s’accompagne d’unaccroissement sensible de l’aide fiscale. Trèsvite, l’hémorragie s’arrête.Mais c’est surtout deux ans plus tard que lamachine sera lancée, à partir de 1988, puisde 1990, sous le double effet du lancementdu programme « Université 2000 », qui pré-voit de nouvelles implantations universitaires

dans les villes de province, et de l’ouverturede l’allocation logement aux étudiants.La conjonction d’un mécanisme d’aide parti-culièrement attractif avec l’accroissement de lademande et sa solvabilisation suscitent rapi-dement un engouement très fort. Entre 1988et 1996, l’investissement locatif a repris unepente ascendante, gagnant près de 500000unités en huit ans. Mais ces nouveaux loge-ments ont un profil très particulier : les troisquarts sont des petits logements (160 000studios et 210000 deux pièces) et sont situésdans les villes de province de plus de 100000habitants. Pour beaucoup, il s’agit de loge-ments en résidences étudiantes privées. Dansle même temps, le parc privé de logements dequatre pièces et plus ainsi que celui de l’agglo-mération parisienne ont poursuivi leur décrue.L’efficacité de ces aides pour préserver ladiversité de l’offre de logements n’est doncqu’apparente. Elle masque une profondetransformation du secteur locatif privé, quise spécialise de plus en plus dans l’accueildes premières étapes des parcours résiden-tiels et disparaît progressivement de l’offrefamiliale des grandes villes chères.

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Annexes

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Encadré 3. 1995-2006 : fluctuation de l’accession sociale, effets de chaîne et tension de la demande sociale

Composé de 4,2 millions d’unités, le parclocatif social donne lieu à une forte demande,puisqu’on estime à près de 1,3 million lenombre de demandeurs inscrits sur les listesd’attente.Avec une production moyenne de l’ordre de60000 unités par an depuis la fin des années1990 (hors logements intermédiaires et PLS),le véritable enjeu de l’amélioration des condi-tions d’accès à ces logements est la rotationdes locataires. La dynamique de l’accessionsociale à la propriété est l’un des principauxfacteurs de cette rotation. Depuis la réformede 1977, ce couple accession sociale-rotationHLM a connu quatre séquences :• à la fin des années 1970 et au début desannées 1980, le PAP joue au maximum soneffet de moteur social; 465000 locataires HLMont accédé à la propriété entre 1979 et 1984;• la crise du PAP provoque un effondrementde ces sorties au cours des périodes suivantes :207000 sorties seulement entre 1987 et 1992et 265000 entre 1992 et 1996;• la machine est relancée avec la création duPTZ, puisqu’on enregistre une reprise del’accession à la propriété des locataires du parcsocial entre 1996 et 2002, avec 324000 sorties;• depuis le début des années 2000, la haussedes prix immobiliers a brusquement freinécette dynamique et, avant que les résultatsde l’enquête logement de 2006 ne four-nissent le nombre de sorties du parc social,

on constate qu’entre 1999 et 2005 la rota-tion a baissé de près de trois points (soit uneperte de capacité d’accueil annuelle de plusde 110000 ménages (15)).Arrêtons-nous sur les deux dernières périodes.La première est consécutive à la création duPTZ (1995), à un moment de modérationdes prix immobiliers, de forte baisse des tauxd’intérêt et de décrue du chômage. Larelance de l’accession sociale a grandementfavorisé l’entrée de nouveaux ménages dansle parc HLM et une certaine détente de lademande, suscitant même, chez certainsbailleurs, l’intégration de démarches decommercialisation inspirées du marketing.Mais la médaille a son revers, dans la mesure oùles ménages qui quittent le parc social pouraccéder à la propriété sont souvent ceux quicontribuaient à une certaine mixité sociale dansles quartiers les plus pauvres. Après leur départ,ils sont généralement remplacés par desménages moins solvables, ce qui accélère leprocessus de paupérisation du parc social.Parallèlement, l’accélération de la rotation en-traîne mécaniquement un accroissement de lavacance entre deux locataires, voire des diffi-cultés de relocation des logements situés dansles quartiers dont l’image est mauvaise. Ce pro-cessus a grandement contribué, à la fin desannées 1990, à faire émerger la problématiquede l’obsolescence de certaines composantes duparc social et à laisser envisager leur démolition.

(15) Le parc étant composé de 4,2 millions de logements, un point de rotation équivaut à 42 000 attributions.

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Encadré 3. (suite)

! Taux de rotation dans le parc locatif social (France entière) de 1989 à 2005

Depuis 2000, le retournement de tendanceest violent, sous l’effet du ralentissement dela primo-accession, de la reprise du chô-mage et, surtout, de la hausse des prix, quiannule, pour les plus modestes, les effetsde la poursuite de la baisse des taux etl’allongement de la durée des prêts. La

demande de logements sociaux est de nou-veau très tendue et les files d’attentes’allongent. Les opérations de rénovationurbaine sont rendues plus difficiles, mais lavacance est à un niveau historiquementbas, et il est probable que la paupérisationdu parc ait ralenti.

Source : Enquête sur le parc locatif social.

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Annexes

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Encadré 4. Avant 1977 : la composition du parc des grands ensembles, questions sur l’articulation entre produit immobilier et mixité sociale

Sans jamais utiliser les termes de « mixitésociale », la production des grands ensem-bles a partiellement reposé sur la volonté demélanger, dans les nouveaux quartiers, desstatuts d’occupation et des catégories delogements locatifs différenciées.En effet, jusqu’à la réforme de 1977, les orga-nismes HLM avaient à leur disposition unelarge palette de financements correspondantà une gamme de produits :• les HLM-A (pour « accession »), qui servaientà financer la production d’immeubles com-mercialisés auprès de la clientèle de l’accessionaidée à la propriété. C’est ce financement quiest à l’origine de l’essentiel des copropriétésque l’on rencontre dans les grands ensembles;• les ILM (immeubles à loyer moyen) et ILN(immeubles à loyer normal), pour des produitsloués sous des plafonds de ressources supé-rieurs à ceux des HLM ordinaires (ILM), voiresans plafonds (ILN), qui introduisaient dans lesquartiers ce que nous appellerions aujourd’huidu locatif intermédiaire ou libre, au même titreque ce que construit la Foncière Logementdans les opérations de l’ANRU;• les programmes sociaux de relogement (PSR)et les programmes à loyer réduit (PLR), destinésà reloger à bas loyer des familles évincées lorsdes opérations de rénovation des quartiersanciens ou dans le cadre de la résorption desbidonvilles, et dont les profils sont assez prochesdes logements d’insertion d’aujourd’hui;• les HLM-O (pour « ordinaires »), qui consti-tuaient le produit principal du logement social.Cette diversité de produits a été vivement cri-

tiquée au milieu des années 1970 (notammentdans le rapport Barre de 1975) pour ses effetsjugés ségrégatifs. C’est l’un des arguments quijustifient, dans la réforme de 1977, la créationd’un produit financier unique pour le logementsocial : le PLA (prêt locatif aidé, devenu « prêtlocatif à usage social » – PLUS – en 2000).La mise au point des politiques de mixitésociale à partir du début des années 1990repose sur un changement des échellesd’approche de la question. Ce qui étaitdénoncé à l’échelle des immeubles devientune vertu une fois décliné à celle du quar-tier, voire de la commune. C’est ce change-ment qui conduit à prôner de nouveau lemélange des produits immobiliers dans lesprojets de renouvellement urbain.L’expérience des grands ensembles devraitinciter à la prudence. En effet, la diversité d’ori-gine s’est progressivement diluée sous l’effetde la dégradation des immeubles les pluspauvres (la plupart des PLR et PSR sont démo-lis ou le seront prochainement), de la banali-sation des plus chers (faute de demande, laplupart des ILM et ILN ont été conventionnésau cours des années 1980 et 1990 à l’occasiond’opérations de réhabilitation) et de la déva-lorisation de nombreuses copropriétés situéesdans les grands ensembles. Les processussociaux et urbains ont eu raison de la diversitédes premières années, montrant que, conçuedans la durée, la mixité sociale est surtout uneaffaire d’attractivité résidentielle, laquelle nerepose que secondairement sur la diversité desproduits immobiliers.

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SourcesMontant moyen des aides par rapport à l’indice des loyersF. Carcoel, D. Cornuel, Les Aides personnelles au logement : finalités,impacts et perspectives, dossier d’étude Allocations familialesno 34, juillet 2002.

Source du graphique : pour les aides, Comptes du logementdepuis 1984, CNAF avant 1984 ; pour les indices des loyers, Insee et ministère du Logement.

Évolution chiffrée des aides aux consommateurs et aux producteurs ainsi que des avantages fiscauxSource : Comptes du logement.

Évolution chiffrée des aides contingentées et des aidesnon contingentéesSource : Comptes du logement.

MARCHÉ DU LOGEMENT

Nombre de logements neufs commencésSources : séries longues de Jacques Friggit, Comptes du logement.

Taux de vacanceSources : Insee, RGP.

Indice des prix à la consommation et indice général des loyersRapport 2006 sur l’évolution des loyers dans le parc privé,ministère du Logement. Sources : Insee, enquête loyers et charges.

Part des propriétaires occupantsSource : Comptes du logement.

Nombre moyen de personnes par logementFuturibles, Étude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1945-2030) : logement et habitat,Centre de prospective et de veille scientifiques et techniques du ministère de l’Équipement. Source : Insee.

Nombre moyen de pièces par logementFuturibles, Étude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1945-2030) : logement et habitat,Centre de prospective et de veille scientifiques et techniques du ministère de l’Équipement. Sources : Insee, recensementsgénéraux de la population (sauf pour 1992 : enquête logement).

ÉVOLUTIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES

EmploiChômage :Taux de chômage en CVS. Source : Insee.

IntérimNombre d’intérimaires en CVS. Source : Unédic.

MénagesPopulationPopulation en milliers, y compris DOM. Source : séries longuesde Jacques Friggit.

Nombre de ménagesNombre de ménages en milliers, y compris DOM. Source : séries longues de Jacques Friggit.

Taux d’activité des femmesTaux d’activité de l’ensemble des femmes (entre 15 et 64 ans), en marsde chaque année, sauf les années de recensement (avril en 1975 et 1982; janvier en 1990 et 1999), jusqu’en 2001, taux d’activité en moyenne annuelle à partir de 2002. Source : Insee, enquêtes emploi.

Nombre de familles monoparentalesFamilles monoparentales : un parent isolé avec un ou plusieursenfants célibataires. Source : Insee, recensements de la population.

Indice de jeunesseRapport entre la population de moins de 20 ans et la populationde plus de 60 ans. Source : Insee, bilans démographiques.

Nombre moyen de personnes par ménageSources : recensements 1975 à 1990, estimations à partir du recensement 1999, de Sitadel et de l’enquête annuelle de recensement 2005, Insee et SESP.

Nombre de divorces pour 1000 couples mariésSources : ministère de la Justice, Insee, Situation démographiquepour les femmes mariées.

MobilitéSolde migratoire des différentes catégories d’espacesFuturibles, Étude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1945-2030) : la mobilité globale et sesdéterminants, Centre de prospective et de veille scientifiques et techniques du ministère de l’Équipement. Source : Insee.

Évolution des taux instantanés de migration interneINSEE Premières, Les Migrations en France entre 1990 et 1999,février 2001. Sources : RGP, Insee.

Taux d’intérêtTaux d’intérêt nominal à long termeTaux d’inflationTaux d’intérêt réel à long termeSource : séries longues de Jacques Friggit.

POLITIQUES

Montant des aides à la personne perçusSource : Comptes du logement.

Nombre de bénéficiaires des aides au logement

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1995

1996

1997

1998

1999

2000

! Évolution des aides à la personne (effectif et pouvoir d’achat)

Nombre total de bénéficiaires (milliers)

Volume des aides déflaté/indice des loyers

Montant moyen/indice des loyers

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Pour éclairer les constats de la rétrospective nationale, la grille

d’analyse que cette rétrospective propose a été appliquée

à deux territoires, tous deux de taille significative et connaissant

un fort développement. Ces textes sont largement alimentés

par les études et missions de conseil conduites par leurs

rédacteurs dans ces territoires. Ils proposent un regard expert

sur les politiques locales, qui ne traduit pas nécessairement

la perception qu’en ont les acteurs qui les organisent.

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Le cas del’EssonneL’Essonne est représentative de l’explosion urbaine de la seconde couronne francilienne, tout en constituant un concentré des enjeux propres à l’agglomération parisienne. L’étude décrit la nature spécifique de la crise du logement et analyse les politiques publiques mises en œuvre localement.

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Créé en 1964, le département de l’Essonne compte aujourd’hui 1 188 000 habitants. Son territoire a été assez largement façonné par l’intervention de l’État, qui, souhaitantorganiser le desserrement parisien, a mis en œuvre une lourde politique d’aménagement. La stratégie de l’État en Essonne a pris deux visages : au nord-ouest du département, elle a consisté dans un aménagement scientifique, favorisant l’implantation d’un pôle de recherche ; dans la vallée de la Seine, la stratégie a visé le développement de l’habitat,afin de loger les nouveaux arrivants issus de Paris ou de la première couronne.En un certain sens, cette politique a « réussi ». Des écoles prestigieuses et des centres de recherche se sont implantés à l’ouest. La vallée de la Seine a accueilli les divers produitslogement inventés depuis l’après-guerre, et notamment la ville nouvelle d’Évry, pointd’orgue de la politique étatique. Le solde migratoire particulièrement élevé dans les années1960 et 1970 témoigne de la fonction d’accueil du département de l’Essonne, réceptacle des classes moyennes et plus modestes du secteur public.Rapidement, les tendances ont évolué. En 1985, le recensement a montré un brusqueralentissement de la croissance de la population, dû notamment à la chute du soldemigratoire. Si la pression démographique perdure jusqu’à aujourd’hui, c’est que le soldenaturel se maintient à un niveau élevé, et que la jeunesse de la population induit unphénomène de décohabitation plus important qu’ailleurs. Les tendances de la constructionévoluent également : le foncier mobilisable s’épuise, et la production de logements chute.Les évolutions sociologiques sont également inquiétantes : les classes moyennes quittent le territoire, et les écarts de richesse se creusent, notamment entre l’ouest et l’est du département.Dès lors, le système fonctionne en vase clos, et on assiste à une recomposition demicromarchés sur des cycles courts. Chaque micromarché fonctionne indépendamment des autres, et connaît des transformations rapides. Face à ces évolutions, l’intervention de l’État se modifie quelque peu : à l’ouest, où le marché se porte bien, l’aménagementscientifique se poursuit, mais à l’est, dans la vallée de la Seine, une politique de réparationsuccède au développement urbain. Parallèlement, les politiques locales s’organisent. Le Conseil régional et le Conseil général semblent se contenter pour le moment de calquerleurs aides sur celles de l’État. Les communes et les intercommunalités sont quant à elles à la recherche de marges de manœuvre, et développent des politiques très… locales.

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Introduction

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SACLAYLe nord-ouest : pôle del’excellence scientifique

Vallée de la Seine

Un sud encore rural

YVELINES

ESSONNE

HAUTS-DE-SEINE

VAL-DE-MARNE

SEINE-ET-MARNE

EURE-ET-LOIR

LOIRET

MASSY

PALAISEAU

LES ULIS

ÉTAMPES

ÉVRY

YERRES

SAINT-GERMAINLÈS-CORBEIL

SAINT-MICHEL-SUR-ORGE

CORBEIL-ESSONNES

JUVISY-SUR-ORGE

ORLY

GRIGNY

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! L’Essonne

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La crise du logement

Dans les années 1960 et 1970, la croissance dela population en Essonne est exceptionnelle.Elle est plus de trois fois supérieure à la crois-sance de la population francilienne. Mais cettedynamique est freinée tout aussi brutalementqu’elle a commencé : le recensement de 1982montre une chute du taux de croissance de lapopulation dans le département, signe quel’Essonne rentre dans la « normalité » franci-lienne. La pression démographique n’en est pasmoins réelle : si le taux de croissance a chuté à0,96 % en 1982, la croissance de la populationfrançaise se situe seulement à 0,48 %.

D’une croissance exogène à une croissance endogène

L’exceptionnelle croissance de la populationdans le département dans les années 1960 estpour l’essentiel une croissance exogène. Lesolde migratoire atteint 4,84 % pour la période1968-1975. Il se maintient à un niveau élevépendant la période intercensitaire suivante(1975-1982).Cette croissance exogène est principalementalimentée par l’arrivée de populations pari-siennes ou de première couronne : l’Essonnejoue alors le rôle de « territoire de desser-rement » dans l’agglomération, accueillant mas-sivement les catégories sociales intermédiaires,

et notamment les salariés du secteur public auxrevenus modestes ou moyens.Le recensement de 1982 montre une évolutionbrutale de la démographie en Essonne : le soldemigratoire chute à 0,1 %, tandis que le soldenaturel se maintient aux alentours de 1 %. Lerecensement de 1990 confirme cette tendance.Une troisième période s’ouvre avec le recen-sement de 1999 : le solde migratoire devientnégatif (– 0,38 %). L’Essonne perd des habitantsau profit du grand bassin de l’Île-de-France,mais surtout au profit du reste de la France.La croissance de la population essonnienne estdésormais endogène : le solde naturel se main-tient à un niveau relativement élevé. L’indicede jeunesse est particulièrement important :il est de 1,75 alors que l’indice n’est que de1,24 au niveau national. La jeunesse de lapopulation induit un phénomène de décohabi-tation plus important qu’ailleurs.

Une stabilisation de l’étalement urbain due à l’épuisement du foncier mobilisable

Alors que l’étalement urbain est encore un phé-nomène important dès les années 1980, il se sta-bilise ensuite. Les politiques ne peuvent plus

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1 000

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répondre à la crise du logement par l’étalementurbain, car le foncier s’épuise. Plusieurs confi-gurations particulières expliquent cette pénurie.Dans le nord du département, la densité estdéjà très élevée, mais d’autres contraintess’additionnent : les zones inondables sontlégion et l’aéroport d’Orly rend de nombreuxterrains inconstructibles, car situés dans lazone de bruit.À l’est et au sud, les plateaux de la Beauceconstituent des réserves foncières convoitées,mais difficilement mobilisables. En effet, si cesterrains sont urbanisables au SDRIF, ils ne sont,dans les faits, pas consommables pour des rai-sons politiques (les agriculteurs et les écolo-gistes étant influents sur cette question). Ceblocage constitue par exemple un handicappour le territoire du plateau de Saclay.Enfin, les contraintes foncières dans les valléesde l’Essonne sont liées à des raisons sociolo-giques. Les populations de ces vallées en voie degentrification limitent les marges de manœuvrede la mobilisation du foncier par les élus locaux.

Une crise dans la production de logements

À la fin des années 1980, l’Essonne construisaitprès de 7 000 logements par an en moyenne.Cette période phare de la construction corres-pond au boum de la périurbanisation. Mais lesannées 1990 sont marquées par un fort ralen-tissement de la construction. Entre 1996 et2000, la construction moyenne annuelle

atteint à peine les 4 000 logements. Depuis2000, on observe une légère reprise de laconstruction, mais elle doit être imputée àquelques grandes opérations d’envergurecomme à Massy, Saint-Germain-lès-Corbeil etRis-Orangis. Cette reprise reste insuffisante auregard des besoins.En termes de logements sociaux, l’Essonneobtient des résultats particulièrement faibles :avec seulement 9 393 mises en service de loge-ments locatifs sociaux entre 1990 et 1999, ledépartement réalise deux fois moins de loge-ments sociaux que le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis.

Source : Sitadel.

! Nombre de logements commencés en Essonne

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La crise du logement

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Système en vase clos et fractalisation sociale

La demande devenue endogène et le fonciervenant à s’épuiser, le système essonnien fonc-tionne désormais en vase clos. On assiste doncà un mouvement de recyclage et de recomposi-tion de l’offre existante qui alimente un proces-sus de spécialisation sociale. Cette spécialisationprend la forme d’une fragmentation en cascadedes territoires : fragmentation entre les com-munes, au sein des communes et entre les habi-tants et les emplois.

UNE FRACTALISATION SOCIALE

ENTRE COMMUNES

On peut distinguer trois grands territoires auxdynamiques sociales différentes :• le territoire de l’ouest du départementconcentre une population importante de cadresdont le revenu fiscal de référence par foyer estélevé. Le marché du logement est particuliè-rement tendu sur ce territoire, avec un faibletaux de rotation et des prix qui s’envolent ;• le territoire de la vallée de la Seine constitueaujourd’hui le territoire d’accueil de la préca-rité. Il concentre les plus forts taux de loge-ments sociaux du département. C’est unterritoire de passage, une variable d’ajustementdu département et de la région, où le taux derotation dans les logements est particuliè-rement élevé. Le territoire est en perte d’attrac-tivité, la construction y est faible, et la vacanceimportante. La population est jeune, et le phé-nomène de décohabitation particulièrementimportant ;

Une évaporation des catégories socialesintermédiaires

Dans les années 1960, les nouveaux arrivantssont pour majorité des catégories socialesintermédiaires. Durant les Trente Glorieuses,le rôle premier de l’Essonne au sein de l’agglo-mération parisienne est d’accueillir les classesmoyennes, et notamment les salariés du secteurpublic. L’offre de logements correspondait alorsparfaitement à leurs besoins. Ces salariés sontd’ailleurs encore surreprésentés en Essonne,comme dans le Val-de-Marne : ils constituent untiers des salariés résidant dans le département.

Aujourd’hui, ces catégories sociales intermé-diaires sont les plus fragilisées. La demande descatégories sociales intermédiaires n’est plussatisfaite. La pénurie massive de logements enÎle-de-France et en Essonne ainsi que les diffi-cultés de la vie quotidienne (déplacements…)incitent au premier chef ces ménages à préfé-rer la province. Ainsi, quand on observe larépartition des actifs ayant quitté l’Essonneselon leur catégorie socioprofessionnelle, ons’aperçoit que près de 60 % des actifs migranthors du département sont soit des professionsintermédiaires, soit des employés. D’autre part,à l’échelle de l’Île-de-France, on observe queles ménages ne disposant que d’un seul revenud’activité sont ceux qui quittent massivementle territoire régional. Ce sont les classes moyen-nes dans toute leur diversité qui s’évaporent.

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• les territoires interstitiels sont dans une situa-tion plus contrastée : des communes en voie degentrification et d’importantes poches de pau-vreté s’y superposent. C’est le cas du Val d’Yerres,du Val d’Orge et des Portes de l’Essonne.

UNE FRACTALISATION SOCIALE

AU SEIN DES COMMUNES

L’observation de la situation des communes del’Essonne par rapport à la part de pauvres dansleur population de moins de 65 ans d’une part,par rapport à la part de cadres dans leur popu-lation active d’autre part, permet d’apprécierleurs caractéristiques sociales.Cette observation montre que les communessituées dans la bande centrale de l’Essonne(« l’Écharpe ») comptent à la fois beaucoup deménages modestes et beaucoup de ménagesaisés. Cela est encore plus vrai pour les commu-nes du nord-est. Au contraire, les communes dusud se situent largement en dessous de lamoyenne de l’Île-de-France : elles sont doncsocialement homogènes et concentrent pour lamajorité d’entre elles des cadres.On pourrait considérer que les communes dunord accueillant à la fois des ménages pauvreset des cadres sont des communes « mixtes ».Cependant, ces ménages pauvres et ces cadrescohabitent dans des quartiers distincts sansque cela fasse mixité, et il serait plus juste deparler de « fractalisation ». Ce phénomène estaccentué par la fuite des catégories intermé-diaires, qui ne font plus le lien entre les trèspauvres et les très riches.L’Essonne se trouve dans une situation particu-lière à l’échelle de l’Île-de-France. Alors que cer-tains départements évoluent dans le sens d’unehomogénéisation (homogénéisation vers le haut

pour Paris et les Hauts-de-Seine, homogénéisa-tion vers le bas pour la Seine-Saint-Denis, ethomogénéisation vers la moyenne pour la Seine-et-Marne), que d’autres tendent plutôt vers unedualisation (les Yvelines et le Val-d’Oise),l’Essonne se caractérise par sa fractalisation.

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Les politiques publiques

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Dans les années 1960, l’État décide d’interve-nir lourdement en Essonne, dans le cadre desa politique d’aménagement de l’Île-de-France. Si l’objectif général est d’organiser ledesserrement parisien, on peut distinguerdeux logiques d’intervention de l’État enEssonne.

Une double politiqued’aménagement sur le département

L’OUEST DU DÉPARTEMENT :

LA CONTINUITÉ D’UNE POLITIQUE

DE DÉVELOPPEMENT SCIENTIFIQUE

Sur le territoire de l’ouest du département, lalogique d’intervention de l’État n’a pas variédepuis les années 1960 : il s’agit d’une politiqued’aménagement scientifique.De grands équipements sont implantés très tôt :dans les années 1950, le Commissariat à l’éner-gie atomique est créé à Saclay. Puis les docu-ments stratégiques de planification affirmentla vocation scientifique du territoire, et notam-ment le SDAU de 1965. Le territoire devient unpôle majeur de la recherche en Île-de-Franceau cours de la décennie suivante, avec l’implan-tation effective de laboratoires de recherche etde grandes écoles : en 1976, c’est l’École poly-

technique qui est décentralisée à Palaiseau.Le complément habitat de cette grande poli-tique d’aménagement scientifique est maigre,et constitue presque une anomalie. Dans lesfaits, il se résume à la création de la communedes Ulis, une ZUP de 10 000 logements consti-tuée à partir des terrains de deux communes :Bures-sur-Yvette et Orsay. Ce complément habi-tat se révèle rapidement être un échec (voir lapartie sur la politique des Ulis).Depuis les années 1970, la politique d’aména-gement et de développement scientifique sepoursuit. Dans le SDRIF de 1994, ce territoirede l’ouest constitue toujours un enjeumajeur : il devient le centre d’envergure euro-péenne Saclay-Massy-Orly, et doit continuerd’accueillir des activités de pointe. En 2006,l’État persiste et fait de nouveau de l’ouest del’Essonne un territoire d’intervention priori-taire : une opération d’intérêt national estlancée sur Massy, Saclay, Versailles et Saint-Quentin-en-Yvelines. Si le logement fait par-tie des enjeux officiels, il n’existe pas destratégie particulière, et le politique sembles’en remettre au marché.

LA VALLÉE DE LA SEINE : D’UNE POLITIQUE

DE DÉVELOPPEMENT URBAIN

À UNE POLITIQUE DE RÉPARATION

Sur le territoire de la vallée de la Seine, l’Étatmet en œuvre une politique d’aménagementurbain et de développement de l’habitat, afinde loger les nouveaux arrivants issus de Parisou de la première couronne.

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Les effets des politiquesnationales non territorialiséesdans l’Essonne

Si l’État a modelé des territoires essonniens parle biais de sa politique d’aménagement de l’Île-de-France, la politique du logement de niveaunational a également produit des effets sur ledépartement.

LA PROMOTION DE L’HABITAT INDIVIDUEL

PAR L’ÉTAT DANS LES ANNÉES 1960

Dans les années 1960, l’État fait la promotionde l’habitat individuel. Alors que les grandsensembles sont déjà très critiqués, il faut trou-ver des formules apaisantes. L’État organise éga-lement la publicité de l’habitat individuel. EdgarPisani, ministre de l’Équipement et du Logement,inaugure en 1967 le villagexpo de Saint-Michel-sur-Orge, véritable vitrine publicitaire.En Essonne, les concours d’idées sont l’occa-sion d’expérimenter des formules nouvelles :Jacques Bardet est lauréat du concours d’idées« Habitat individuel » et réalise l’ensemble deLa Nérac-Val d’Yerres entre 1963 et 1968, premierexemple en France d’un habitat collectif indivi-dualisé, modèle de « la ville à la campagne ».La promotion de l’habitat individuel par l’Étatprend de l’ampleur en 1969, quand le ministreAlbin Chalandon lance un concours pour la réa-lisation de maisons individuelles réparties en lots

Le territoire va alors accueillir les multiplesproduits inventés depuis l’après-guerre.De nombreux grands ensembles vont êtreconstruits sur le territoire. Les premiers sedéveloppent dans le nord à Juvisy-sur-Orge età Athis-Mons (dès 1954, les logements sociauxdu Foyer du fonctionnaire et de la famille). Puisdes grands ensembles sont rapidement créésdans les communes plus au sud : la construc-tion des Tarterêts à Corbeil-Essonnes com-mence au début des années 1960. La GrandeBorne de Grigny est construite un peu plustard (en 1967), avec l’ambition de réinventerle produit « grand ensemble ».Toujours dans l’optique de l’organisation du des-serrement parisien, le SDAU de 1965 prévoit lacréation de cinq villes nouvelles. La vallée de laSeine doit accueillir l’une d’entre elles : Évry estcréée en 1973. Enfin, la vallée de la Seineaccueille également de grandes copropriétés.Grigny II est construite au début des années 1980.Assez rapidement, ces différents produits vontse dégrader. Dès lors, une politique de répara-tion va se substituer à la politique d’aména-gement. L’État organise alors la mutation duterritoire sur lui-même. Ainsi se succèdentdepuis le début des années 1980 de multiplesremèdes politiques : de la thérapie douce(développement social des quartiers en 1984,grands projets urbains en 1991) à l’amputation(GPV en 1999, ANRU depuis 2003).

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Les politiques publiques

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Des politiques de niveauintermédiaire qui cherchent leur place

Les politiques de niveau macroterritorial menéespar le Conseil général et le Conseil régionaloscillent entre deux extrêmes : tandis que lesdeux institutions mettent en place des aidesqui viennent simplement doubler les politiquesmenées par l’État, elles jouent la surenchère surquelques thématiques spécifiques.

ENTRE REDOUBLEMENT DES POLITIQUES

DE L’ÉTAT…

Les politiques du logement du Conseil général etdu Conseil régional, et en particulier les aides,viennent en accompagnement quasi mécaniquedes aides de l’État. Les aides reprennent en effetles catégories fabriquées au niveau national, etamplifient ou complètent les aides nationales.La politique d’aide au logement du Conseil géné-ral de l’Essonne est particulièrement embléma-tique à cet égard : une écrasante majorité desaides du département sont attribuées en complé-ment d’une aide de l’État. Exemples : l’aide enfaveur des copropriétés en difficulté est attribuéeen complément des aides de l’ANAH ou duConseil régional, l’aide départementale pour lespropriétaires occupants est destinée aux pro-priétaires occupants réalisant des travaux défi-nis dans la liste de travaux d’améliorationsubventionnés par l’ANAH, etc. Les aides duConseil régional suivent le même chemin : l’aideen faveur des copropriétés en OPAH, aides pourles logements locatifs très sociaux conventionnéspar l’ANAH…

de 250 à 500 maisons. En Essonne, c’est le mairede Bondoufle qui saisit l’occasion, afin de sedémarquer de l’offre de logements collectifs enconstruction au centre de la ville nouvelle. Il faitconstruire 1000 maisons (les « chalandonettes »),qui formeront le quartier des Trois-Parts. Leurprix comme leur qualité sont modestes, elles vontpermettre à des familles dotées de petits revenusd’accéder à la maison individuelle.Dans les années 1960, il existe une forme demaîtrise à distance de la production delogements individuels par l’État. La promo-tion de la maison n’est pas une stratégie ter-ritorialisée, mais les concours d’idées et lesappels à projets permettent de contenirl’étalement. Les logements individuels sontproduits par gros programmes, et se diffusentpar nappes.

LES EFFETS DE LA RÉFORME DE 1977

ET DES PRODUITS DÉFISCALISÉS

À partir de la réforme de 1977, l’État ne gou-verne plus ni de près ni de loin la production delogements individuels en Essonne : avec le PAP,de nombreux lotissements se construisent. C’estnotamment le cas sur les territoires coincésentre les deux villes nouvelles.Par la suite, les produits défiscalisés se déve-loppent : le « de Robien » est particulièrementprésent dans le nord du département, parexemple à Athis-Mons et à Juvisy.Les politiques aterritoriales de l’État pro-duisent des effets là où il n’y a pas de grandepolitique d’aménagement : c’est-à-dire entrel’ouest du département, la vallée de la Seine(qui comprend la ville nouvelle d’Évry) et laville nouvelle de Sénart.

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et environnement ». Le Conseil général est plusmodéré, créant une subvention pour les opé-rations respectant la démarche HQE.

Un localisme à la recherchede marges de manœuvre

Jusqu’aux années 1990, il n’existe pas de politiquelocale du logement en Essonne. Les collectivitésterritoriales surfent sur la vague démographique,accompagnant les politiques de l’État dans uneffet miroir. C’est par exemple le cas des com-munes de la vallée de l’Essonne, commeBallancourt et Mennecy, qui vont mettre à dispo-sition du foncier, permettant une croissancedémographique aux marges de la ville nouvelle.Des politiques locales du logement vont progres-sivement émerger dans les années 1990. Nousavons analysé les politiques de la ville de Massy,d’Évry, des Ulis, de Corbeil-Essonnes et de lacommunauté d’agglomération du Val-d’Orge.

Plus récemment, dans le cadre du SDRIF, leConseil régional se propose de mettre en placeune amorce de territorialisation de la politiquede l’État en faveur du rééquilibrage du parcsocial. Si cette politique va effectivement dans lesens de la loi SRU, elle est moins mécanique : ilne s’agit pas d’imposer 20 % de logementssociaux à chaque commune d’Île-de-France. Dansl’Essonne, le SDRIF prévoit une diminution de lapart du parc social dans la vallée de la Seine, etune augmentation de la part de ce parc dans lenord-ouest du département. Pour améliorer cetterépartition, la région attribue désormais ses aidesaux opérateurs du logement social en prenant encompte le taux de logements locatifs sociaux pré-sents sur la commune d’implantation des projets.

… ET SURENCHÈRE

Surpasser l’État dans le domaine du logement

social

La région se montre volontaire dans le domainedu logement social. Le SDRIF affiche des objec-tifs qui vont au-delà des exigences de l’État :alors que la loi SRU prévoit un minimum de20 % de logements sociaux par commune, leSDRIF ambitionne un minimum de 30 %.

Être précurseur sur la thématique

environnementale émergente

Les politiques du logement du Conseil généralet du Conseil régional tentent également derépondre à l’enjeu environnemental. Les aidesdes deux institutions commencent à le prendreen compte. Dans son ambition de devenir une« éco-région », le Conseil régional adopte laposture la plus forte, rendant les subventionsà la construction de logements sociaux condi-tionnelles à l’obtention d’un « certificat habitat

! Nombre de logements autorisés

Source : Sitadel.

Les Ulis Massy Évry Corbeil

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Les politiques publiques

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rachat des friches horticoles Vilmorin, le longde la voie de chemin de fer, toutes prochesde la gare RER. La ville y crée alors une ZACpublique en 1996 et se dote d’une SEM. Le pro-gramme prévoit la construction de 1 500 loge-ments, pour majorité du collectif en accessionprivée.

… ET APPUYER SA POLITIQUE DU LOGEMENT

SUR LE MARCHÉ

Aujourd’hui, les réserves foncières sont épui-sées (les terrains agricoles restants ne pourrontêtre utilisés que pour des activités à cause dela zone de bruit d’Orly). Mais la commune pro-fite du dynamisme du marché pour impulserune politique du logement fondée sur le renou-vellement urbain : reconversion et privatisationdans les quartiers d’habitat social, et reconver-sion du parc d’activité des Champs-Ronds.

Reconversion et privatisation des quartiers

d’habitat social

La reconversion des quartiers d’habitat socialest le fruit de la politique menée par la Ville,mais aussi de celle des bailleurs. En effet, laSCIC a déconventionné et mis en vente unepartie de son parc dans le quartier Massy-Opéra (Grand Ensemble) et à Villaine. Les loge-ments des nouvelles copropriétés issues duparc locatif social ont été en grande majoritévendus aux locataires en place, et souvent à desprix au mètre carré dits « hors marché » (de10 % à 20 % moins cher que sur le marché réel).La ville mène quant à elle une politique dediversification de l’habitat dans ces quartiers.Il y a peu de démolitions, la stratégie consis-tant davantage à densifier les quartiers enintroduisant des programmes en accession.

Massy : « Surfer sur le marché »

« D’où l’on part » : une intervention de l’Étatau début des années 1960 avec l’implantationdu Grand Ensemble, à cheval sur les communesde Massy et d’Antony. Une augmentation bru-tale de la population, et un ralentissement toutaussi brutal de la croissance démographiqueau début des années 1980.

Population actuelle : 40 900 habitants.

SE CONSTITUER EN VILLE NOUVELLE…

Les recensements de 1982 et 1990 sont vécuscomme un traumatisme par les élus de Massy.La population, qui a crû de manière extrême-ment rapide entre 1960 et 1975, connaît unebaisse significative.Cette prise de conscience va être à l’origine dela politique volontariste du maire de l’époque.Dans les années 1980, l’ambition locale est defaire venir à Massy de grands équipements pres-tigieux. Un fort lobbying va permettre l’implan-tation de la gare TGV en 1989, et sa mise enservice en 1991. La ville va également obtenirl’implantation d’un opéra de rang national, eten assurer la maîtrise d’ouvrage (chose rarepour une commune).Il semble donc que la stratégie de Massyconsiste à se faire soi-même ville nouvelle, enfaisant le nécessaire pour obtenir des équipe-ments dignes des villes nouvelles créées parl’État. Mais il n’existe pas encore de politiquelocale du logement à cette époque.Une politique locale du logement va émerger àl’occasion d’une opportunité particulière : le

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Le projet Atlantis : tertiarisation et attraction

des cadres supérieurs

La Ville travaille actuellement à la reconversiond’un grand parc d’activité en un quartier deville mixant bureaux, logements, services etcommerces. Ce secteur stratégique est situé àproximité de la gare TGV. La politique menéesur ce territoire suit deux axes : d’une part, latertiarisation des activités, d’autre part, laconstitution d’un parc de logements diversifié.Ne disposant pas de la maîtrise foncière, la villede Massy mène une politique essentiellementincitative, matérialisée par une charte de laqualité urbaine. Celle-ci postule la diversité desproduits logement et un objectif de 20 % delogements aidés (dont accession sociale) surl’ensemble de la zone. Mais le quartier avraisemblablement vocation à accueillir lescadres travaillant pour le compte du Centred’envergure européenne.Selon la Ville de Massy, les entreprises présentessur la zone jouent le jeu, et ce, grâce au dyna-misme du marché. L’entreprise Ericsson a parexemple accepté de construire un programmede bureaux neufs sur un autre site de la com-mune, et de reconvertir l’usage de ses terrainspour y implanter des programmes de logements.La stratégie politique de Massy est parti-culière à deux égards. Premièrement, lespolitiques menées par Massy ne sont pas desélectrons libres : les liens sont très fortsentre politique économique et politique dulogement, et elles s’alimentent l’une l’autre.Deuxièmement, la commune a toujours faitde la politique « en solitaire » : la stratégieest monocommunale. Une intercommunalitévient de se créer (Europ’Essonne) et un PLHest en prévision, mais Massy se pose d’oreset déjà en leader.

Évry : « Parier sur le marchéau centre-ville »

« D’où l’on part » : les Pyramides, dérive d’unproduit sophistiqué.La construction du quartier des Pyramides adonné lieu à un concours, dont le cahier descharges était particulièrement strict. Il fallaitcréer les conditions de la mixité sociale par uneoffre variée de logements. Ce « panachage »devait être constitué à l’échelle de chaquesous-ensemble du programme, c’est-à-dire àl’échelle de 1 000 logements. Les promoteursrépondant au cahier des charges du concoursÉvry I s’engageaient à réaliser dans chaquesous-ensemble :• de 21 % à 30 % d’HLM locatives ;• de 10 % à 15 % d’HLM en accession ;• de 45 % à 50 % de logements aidés, en acces-sion ou en location, pour des ménages à reve-nus moyens ;• 10 % au moins de logements non aidés, à prixplus élevés.Mais la programmation du quartier a progressi-vement glissé du fait des mécanismes de marché.D’abord, la crise pétrolière de 1973 a découragéune partie de la promotion privée, pourtant trèsprésente au début. Puis, la réforme de 1977 ades effets importants sur le quartier : la simpli-fication des types de logements sociaux à uneseule catégorie (PLA) engendre paradoxalementune concentration des pauvres. En effet, si lesloyers PLA sont relativement élevés, les ménagesles plus pauvres sont attirés, car solvabilisés parl’APL qui se généralise progressivement.Le troisième élément qui entérine la « dérive »des Pyramides est la mobilité des ménages.

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AUJOURD’HUI : UN PARI SUR LE MARCHÉ

Aujourd’hui, la légitimité du renouvellementurbain dans les villes nouvelles est acquise. LaVille semble vouloir parier sur le marché ducentre-ville d’Évry, en mettant en œuvre unepolitique comportant deux versants : restruc-turation du parc social des Pyramides, et misesur le marché d’une offre à destination desclasses moyennes.

Remettre les Pyramides sur le marché ?

Actuellement, les Pyramides connaissent destransformations importantes. Une conventionANRU y a été signée, des logements vont êtredémolis et reconstruits ailleurs.D’autre part, la restructuration concerne éga-lement les bailleurs. Des regroupements sonteffectués afin d’encourager une meilleureimplication et une meilleure gestion par lesbailleurs de leur patrimoine. Dans le cadre decette recomposition, une société ad hoc a étécréée pour les Pyramides. Le pari repose surl’hypothèse que cette « société à risque » par-viendra à remettre les Pyramides sur le marché.

Attirer les classes moyennes avec une offre

adaptée

Un important programme de logements est encours au centre-ville, à côté des Pyramides. Entout, ce sont un peu plus de 1 000 logementsneufs qui vont être mis sur le marché. Ils sontconstitués d’un peu de logement étudiant, maissurtout de produits destinés à des propriétairesoccupants. Le programme n’étant pas encorelivré, l’attraction de classes moyennes estencore incertaine.

Au milieu des années 1980, le remboursementdes premiers programmes d’accession s’achève,et le marché de la revente commence à se déve-lopper. Le taux de rotation augmente éga-lement dans le parc locatif.La mobilité s’accroît sur le territoire de la villenouvelle, mais la maîtrise du peuplement n’estpas assurée du fait d’un trop grand nombre debailleurs. La gestion du logement social est eneffet dispersée entre 30 gestionnaires, parmilesquels une vingtaine ont des patrimoines infé-rieurs à 250 logements, répartis entre deux outrois immeubles éloignés les uns des autres. Uneconvention est signée en 1992. Elle pointe ladifficulté principale : la non-maîtrise du peu-plement liée à la dispersion des organismesHLM et, pour chaque immeuble, une réparti-tion des droits d’attribution entre la mairie(20 %), la préfecture (30 %), le « 1 % » (40 %) etla société HLM (pour les 10% restants). Des ten-tatives de coordination entre les différents bail-leurs, les préfectures et les mairies n’ont pasempêché la dynamique de paupérisation.Population actuelle des Pyramides : environ 10 000 personnes.

LES ANNÉES 1980 : UNE POLITIQUE LOCALE

DU LOGEMENT « ILLÉGITIME »?

La ville nouvelle ayant été créée en 1973, il sem-blait curieux à l’époque de mettre en place unevéritable politique locale du logement. L’États’en est chargé dans les premières années.Pourtant, la dégradation de certains quartiers,et notamment celui du centre-ville (lesPyramides), a été rapide. Ainsi, dans les années1980, l’intervention publique a principalementconsisté à faire admettre la nécessité de« renouveler » la ville nouvelle.

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Val d’Orge : « Une gouvernance exemplaire au service d’un splendide isolement »

« D’où l’on part » : un territoire « invisible ».Le territoire n’a pas bénéficié des politiquesd’aménagement de l’État. Certaines communesauraient dû faire partie de la ville nouvelle, maisle périmètre a finalement été restreint.C’est un territoire relativement homogène. Il y adeux grandes catégories de communes. La pre-mière catégorie rassemble des communes for-tement peuplées, où l’habitat est diversifié(équilibre entre pavillons et appartements, équi-libre entre locataires et propriétaires) et oùl’habitat social est relativement bien représenté :les habitants ont des revenus moyens, et font par-tie des employés et professions intermédiaires. Laseconde catégorie rassemble des communesmoins peuplées, composées majoritairement depavillons dont les occupants sont propriétaires,et le parc social y est peu présent.

C’est un territoire qui va « bien ». Il bénéficied’une bonne image. C’est un peu un territoire« invisible » : il ne concentre pas la pauvreté,il ne concentre pas non plus l’excellence éco-nomique, c’est « l’entre-deux » à l’échelle del’Essonne.Population actuelle : 123 000 habitants.

UNE GOUVERNANCE EXEMPLAIRE…

La coopération intercommunale débute en1998, quand les services des communes deSainte-Geneviève-des-Bois et de Saint-Michel-sur-Orge, soutenus par la DDE, prennent l’ini-tiative de réaliser un PLH intercommunal. Iln’existe pas encore de portage politique.En 2000, la communauté d’agglomération duVal-d’Orge est créée. Cette décision s’inscritsurtout dans une stratégie défensive vis-à-visde la communauté d’agglomération d’Évry.Mais petit à petit, le Val d’Orge devient unevéritable intercommunalité de projet. Les docu-ments stratégiques sont produits rapidementet sans heurts. Un SCOT est en cours d’adop-tion. Un premier PLH a été adopté en 2002, etmis à jour deux fois à l’occasion de l’extensionde la communauté d’agglomération à huit, puisà neuf communes.Depuis, des bilans sont réalisés chaque annéeafin d’ouvrir le débat et de procéder à des ajus-tements stratégiques éventuels. La mobilisationdes acteurs du logement a été efficace, deséchanges ont été réalisés avec les promoteurs.

À l’échelle de l’Île-de-France, la commu-nauté d’agglomération du Val-d’Orge a sumettre en place une gouvernance « exem-plaire ».

La Seine

MASSY

CORBEIL-ESSONNES

CA VAL D’ORGE ÉVRY

LES ULIS

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Les Ulis et Corbeil-Essonnes :« La diversification à tout prix »

Les Ulis et Corbeil-Essonnes constituent deuxcas tout à fait contrastés : alors que Corbeil estplutôt dans la situation d’une ville centre,concentrant une activité économique fortedepuis les années 1960 (installation d’entre-prises importantes comme la Snecma et IBM),la ville des Ulis est davantage une banlieuerésidentielle, malgré le parc d’activité deCourtabœuf situé sur son territoire. La popula-tion de Corbeil compte d’ailleurs près dudouble de la population des Ulis (40 900 habi-tants, contre 24 900 habitants).Malgré ces différences, les deux communespoursuivent un objectif commun : la diversifi-cation de leur population. Elles possèdent eneffet toutes deux un parc social important etpâtissent d’une image négative : la communedes Ulis est entièrement constituée de songrand ensemble, et Corbeil possède un grandensemble important également, les Tarterêts.On peut toutefois considérer que les deux com-munes ne bénéficient pas des mêmes margesde manœuvre, et qu’elles souhaitent diversifierleurs populations à des degrés différents.

LES ULIS : ENRAYER LA SPÉCIALISATION

SOCIALE DE LA COMMUNE POUR ROMPRE

SON ISOLEMENT

« D’où l’on part » : une commune « exception-nelle » dans l’ouest du département.En 1960, un arrêté ministériel avait prévu la créa-tion d’une ZUP de 10 000 logements, à chevalsur les communes de Bures-sur-Yvette et Orsay.

… AU SERVICE D’UN SPLENDIDE ISOLEMENT

Cette gouvernance exemplaire semble êtremise au service d’une politique du logementservant le « splendide isolement » du territoire,qui entend bien se maintenir tel qu’il est.D’abord, alors que les classes moyennes sontdéjà « surreprésentées » sur le territoire,l’objectif principal est de les attirer. La straté-gie concernant l’offre de logements est doncde répondre à la demande de ces classesmoyennes. Une fois les objectifs SRU remplis,l’accent est mis plus particulièrement sur lelogement intermédiaire. Le PLH vise l’augmen-tation de l’offre de logements sociaux PLS, etle développement de l’offre en accession (typePTZ). Le PLH met également l’accent sur lanécessité de développer le logement très social,tout en posant la condition de son implanta-tion : en diffus, dans de petits immeubles ducentre-bourg. Enfin, parmi les types de loge-ments sociaux, une large majorité de PLUS etune toute petite minorité de PLAI sont prévus.D’autre part, la communauté d’agglomérationa une ambition démographique très limitée. LePLH de 2002 retient le scénario volontariste,qui permet un apport de 107 personnes sup-plémentaires par an. La nouvelle version duPLH, adoptée suite à l’élargissement à huitcommunes, revient sur ce choix : c’est le scé-nario tendanciel qui est désormais retenu, etqui permet tout juste un maintien de la popu-lation. Il faut aussi noter que certains PLU pré-voient une diminution de la population.

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Les Ulis a été créée en 1977 par arrêté préfectoral,à partir de terrains cédés par les communes deBures et d’Orsay, et suite à un référendum auprèsde la population de ces deux communes. Les Ulisconstitue alors une ville nouvelle, sans en avoirle statut juridique. Située dans l’ouest du dépar-tement, à côté du plateau de Saclay, elle a été pen-sée comme le complément habitat de la politiqued’aménagement scientifique de l’État.Le parc de logement de la commune constitueune anomalie dans le paysage de l’ouest du dépar-tement. Alors que les communes de la vallée (1) ontun parc relativement équilibré et que les commu-nes du plateau (2) sont dominées par les maisonsindividuelles, les Ulis compte une majorité écra-sante de logements collectifs.Les locataires du parc social représentent environ45% des ménages de la commune, les propriétai-res environ 33% et les locataires du parc privé 21%.Les Ulis est donc très spécifique dans le sec-teur : l’habitat collectif y est prédominantainsi que le parc social et le statut locatif, etle revenu des habitants est plutôt bas.

Les Ulis met en œuvre une stratégie du logementpragmatique : la commune n’a pas d’ambitiondémesurée. Elle souhaite enrayer la spéciali-sation sociale qui la caractérise aujourd’hui,tout en admettant son statut de « banlieue »des communes alentour.Sa stratégie consiste à diversifier l’offre de loge-ments, et à travailler à une gestion urbaine dequalité. Mais ses marges de manœuvre étantréduites, la commune vise surtout à rompre sonisolement, et à construire une politique avecles acteurs publics et privés qui l’entourent.

Créer les conditions d’un retour des classes

moyennes

La ville tente de diversifier l’offre de logementsafin d’attirer des classes moyennes. Mais, s’étantconstituée sur un territoire restreint, la ville nedispose aujourd’hui que d’une marge de manœu-vre foncière réduite. Le levier de la constructionest inexistant. Selon la source Sitadel, seuls102 logements ont été autorisés en seize ans.Malgré tout, le PLH prévoit la construction delogements à destination des classes moyennes.C’est par le biais de l’ANRU que la communediversifie son parc : 282 démolitions sont pré-vues, avec la reconstruction de seulement 16%des logements sur le territoire des Ulis. Une nou-velle gamme d’habitat est proposée, notammenten accession à la propriété.La commune prévoit la construction de 720 loge-ments individuels et collectifs d’ici à dix ans.Propriétaire de 80 % du foncier de la ville, lamunicipalité intervient également massive-ment sur la qualité des espaces publics. La ges-tion urbaine de proximité semble être uneautre de ses préoccupations fortes.

Les Ulis Communesde la vallée

Communesdu plateau

Secteur

100 %

90 %

80 %

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %

(1) Communes de la vallée : Bures-sur-Yvette, Gif-sur-Yvette, Orsay, Palaiseau et Villebon-sur-Yvette.(2) Communes du plateau : Briis-sous-Forges, Forges-les-Bains, Gometz-la-Ville, Janvry, Limours, Marcoussis, Nozay, Saint-Jean-de-Beauregard et Villejust.

! Types de résidences principales

Maisons individuelles Logements collectifs

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elle a contracté des objectifs de peuplementafin de limiter le nombre de ménages ayant desressources inférieures à 40 % des plafondsHLM. En contrepartie, la commune a voté unfonds communal d’intervention de 4,5 millionsd’euros pour aider les bailleurs à rendre leurslogements plus attractifs.Les Ulis dispose de marges de manœuvretrès réduites. Sa stratégie réside donc prin-cipalement dans le tissage de relations avecles différents acteurs, afin de concevoir unepolitique du logement avec eux.

CORBEIL-ESSONNES : REDEVENIR

UNE VILLE CENTRE ATTRACTIVE POUR

LES MÉNAGES AISÉS

La ville de Corbeil-Essonnes poursuit le mêmeobjectif de diversification que Les Ulis, mais àun degré supérieur. Si elle aussi est entouréede communes riches, elle n’a jamais été la ban-lieue de ces communes, et elle souhaiteaujourd’hui devenir une ville centre attractivepour les ménages aisés. Cette orientation poli-tique constitue un virage majeur pour la com-mune, dans la mesure où celle-ci concentre ungrand nombre de ménages modestes.Pour atteindre cet objectif, la commune use dedeux grandes stratégies : d’une part, elle ins-trumentalise les politiques de l’État ; d’autrepart, elle s’allie avec les communes attractivesvoisines afin de s’isoler vis-à-vis des « communespauvres » de la vallée de la Seine.

Instrumentaliser les politiques de l’État

pour diversifier

Corbeil-Essonnes joue pleinement la carte despolitiques de l’État. La convention ANRU signéepar la commune compte parmi les plus impor-

Sortir de l’isolement en construisant une poli-

tique avec les acteurs publics et privés

Le cœur de la stratégie des Ulis consiste à cons-truire une politique du logement avec les dif-férents acteurs qui l’entourent. C’est unestratégie qui vise à tisser des liens, à améliorerles relations publiques de la commune.La commune a mené de nombreuses tentativespour s’insérer dans une structure intercom-munale (dans la communauté d’agglomérationdu Plateau-de-Saclay – CAPS – ou dansEurop’Essonne) qui se sont soldées par deséchecs. Soit les communes membres ontopposé leur veto, soit c’est le préfet qui a refusé.Malgré cette absence de gouvernance inter-communale, une conférence intercommunaledu logement a été mise en place, et a donnélieu à la signature d’une charte intercommu-nale du logement à l’échelle du bassin d’habi-tat Massy-Les Ulis. Les objectifs : réduire lescontrastes sociaux dans les quartiers, réaliserau moins 5 % de PLAI sur l’ensemble de l’offrenouvelle, mettre en place une commission surles familles les plus en difficulté, créer priori-tairement l’offre nouvelle de logements dansles communes faiblement pourvues en loge-ments sociaux. Mais l’application est laissée àla libre volonté des communes.La ville des Ulis tente également de nouer desrelations avec les collecteurs du 1 % Logementprésents sur la zone d’activité de Courtabœuf.En effet, peu de salariés y travaillant demandentun logement sur la commune, et les collecteursdu « 1% » n’utilisent pas leur contingent de loge-ments sociaux pour loger leurs salariés. La muni-cipalité organise de multiples événements visantà inciter les CIL à utiliser leurs contingents.Enfin, la ville a mis en place une collaborationactive avec les bailleurs : avec trois d’entre eux,

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tantes d’Île-de-France : sur le quartier desTarterêts, la convention a été signée très tôt (en2004) ; sur le quartier de Montconseil, lesdémolitions sont particulièrement importantespuisqu’elles concernent les trois quarts du parcsocial actuel, soit 908 logements sur 1 370.Cette vigoureuse politique de renouvellementurbain s’accompagne d’une politique de réno-vation du vieux centre relativement ancienne.Actuellement, la commune met en œuvre laquatrième « opération programmée d’amélio-ration de l’habitat ».Le marché, plus porteur qu’aux Ulis, autoriserapeut-être le succès de cette politique de diver-sification.

S’allier avec des communes attractives pour

s’isoler du reste de la vallée de la Seine

Le deuxième axe de la stratégie de Corbeilréside dans son rapprochement avec les petitescommunes riches voisines. Une communautéd’agglomération (Seine-Essonne) a été créée,qui rassemble Corbeil, Saint-Germain-lès-Corbeil, Étiolles, Soisy-sur-Seine et Le Coudray-Montceaux. Au sein de la communautéd’agglomération Seine-Essonne, Corbeil pré-sente un profil atypique : les autres communesde l’agglomération ont un parc de logementsprincipalement individuels, et elles accueillentdes populations aisées.Ainsi, la constitution de l’agglomération relèvepour la commune de Corbeil d’un « détachementsymbolique » vis-à-vis de la vallée de la Seine voi-sine. Un PLH est en cours d’élaboration.

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SYNTHÈSETendances du marchéLA PRESSION DÉMOGRAPHIQUE EST DEVENUE ENDOGÈNEL’attractivité externe du territoire de l’Essonne a pris fin au début des années 1980.Toutefois, la pression démographique n’a pas cessé, et la croissance de la population du département a rejoint la croissance moyenne de l’Île-de-France.

UNE SITUATION DE FUITE DES CATÉGORIES INTERMÉDIAIRES ET DE « FRACTALISATION »Le foncier mobilisable venant à s’épuiser, la production de logements chute. La demande des catégories intermédiaires ne pouvant être satisfaite, ces dernières quittent le territoire. Le système essonnien fonctionne désormais en vase clos et se fractalise : fractalisation entre les communes et au sein des communes.

UNE RECOMPOSITION À DES ÉCHELLES DE MICROMARCHÉS, SUR DES CYCLES COURTSOn assiste désormais à une recomposition à des échelles de micromarchés, sur des cyclescourts : les territoires microlocaux évoluent rapidement et indépendamment les uns desautres. Le Grand Ensemble de Massy se gentrifie, les Pyramides d’Évry se paupérisent…

Enjeu de régulationL’OBJECTIF : FLUIDIFIER LE MARCHÉAfin de réguler le marché, il faut parvenir à décloisonner les micromarchés, et à les rendremoins indépendants les uns des autres.

LA CONDITION : CONVERGENCE ET RÉACTIVITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE COLLECTIVELa réalisation de cet objectif impose une plus forte réactivité de l’action publique, et surtoutune mise en cohérence des différentes politiques du logement menées autour d’unestratégie territoriale commune.

Positionnement actuel du système d’action publiqueLes positionnements des acteurs publics locaux oscillent entre deux extrêmes : leurspolitiques sont soit trop loin, soit trop près du territoire. La synergie entre les politiques des différents niveaux n’a pas lieu.

LES COLLECTIVITÉS DE NIVEAU INTERMÉDIAIRE SONT « TROP LOIN » DU TERRITOIRELes politiques du logement du Conseil régional et du Conseil général redoublent les politiquesde l’État sans se territorialiser. Si le SDRIF constitue un embryon de rapprochement desproblématiques territoriales, le décalage est encore trop grand pour que les politiques localespuissent s’appuyer sur les politiques de niveau intermédiaire.

LES COLLECTIVITÉS LOCALES (COMMUNES ET INTERCOMMUNALITÉS) SONT « TROP PRÈS »DE LEUR TERRITOIREEn parallèle, les politiques menées par les communes et les intercommunalités semblent trop prèsde leur territoire. Les problématiques abordées sont le reflet du cloisonnement des marchés :• le Val d’Orge tente de se protéger du territoire voisin d’Évry ; Corbeil s’en éloigne ens’alliant avec des communes riches ;• Massy joue en solitaire, Évry concentre ses efforts sur son centre-ville ;• seule la commune des Ulis cherche à nouer des liens avec ses voisins plus ou moins lointains.

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Le cas deToulouseL’agglomération toulousaine – et plus largement l’aire métropolitaine qu’elle organise – est aussi un territoire en forte croissance, pour lequel un diagnostic de crise du logement est régulièrement posé. Pourtant, dans ce contexte qui illustre la situation de bon nombrede grandes métropoles régionales, cette crise prend à Toulouse un visage différent qu’enEssonne, et les politiques qui s’y déploient n’ont pas le même sens.

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Capitale française voire européenne de l’industrie aéronautique, Toulouse a connu un développement économique et démographique considérable depuis les années 1960. Ce développement impulsé par l’État s’est inscrit dans la logique de « décentralisationéconomique » qui visait à l’émergence de métropoles d’équilibre, contrepoids à l’agglomération parisienne.Une vigoureuse politique d’aménagement économique n’a cependant pas étéaccompagnée d’une véritable politique du logement : l’État n’est intervenu que par petitestouches, et les communes n’ont que peu utilisé leur compétence de planification urbaine.Le marché s’est donc librement développé et structuré pendant une trentaine d’années,donnant lieu à un phénomène d’étalement urbain particulièrement important. Si l’organisation par spécialisations des populations et de l’offre de logements a suivi un schéma relativement classique (logement social concentré sur le pôle urbain, ménagesmodestes à l’ouest, cadres à l’est, classes moyennes en périphérie), le marché toulousaindoit également sa spécificité à une structuration radiale, traduisant une adéquation entre localisation de l’emploi et localisation de l’habitat.C’est dans les années 1990 que la crise apparaît.L’activité de la construction s’effondre et les prix flambent. L’explosion de l’usine AZF en 2001 n’arrange rien, provoquant la destruction de plus de 10 000 logements.Parallèlement, l’offre de logements se développe de manière déséquilibrée : les produitslocatifs investisseurs, qui constituent une large majorité de l’offre neuve, contribuent à accentuer les phénomènes ségrégatifs. La surchauffe se fait ressentir jusque dans le marché des villes moyennes de l’aire métropolitaine (Montauban, Saint-Gaudens, Auch…).C’est dans ce contexte de crise que les collectivités locales vont développer leurs premières« stratégies logement ». Si le Conseil régional n’a pas de politique « directe » du logement,le Conseil général agit à travers son plan départemental de logement des personnesdéfavorisées, et les trois agglomérations (Grand Toulouse, Muretain et Sicoval) prennentprogressivement conscience de la nécessité d’intervenir. Cependant, il semble que leurspolitiques contribuent malgré elles à alimenter la surchauffe.

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Introduction

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HAUTE-GARONNE

TARN-ET-GARONNE

TARN

AUDE

ARIÈGE

GERS

CASTELSARRASINMONTAUBAN

AUCH

SAINT-GAUDENSSAINT-GIRONS

FOIX

PAMIERS

CASTELNAUDARY

CASTRES

ALBI

MAZAMET

CARCASSONNE

LIMOUX

ALBIES

MURET

TOULOUSE

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LES DIFFÉRENTS NIVEAUX TERRITORIAUX

ÉVOQUÉS DANS LE CAS DE TOULOUSE

• L’aire métropolitaine : elle est constituéede l’aire urbaine toulousaine, centrale, etd’autres aires urbaines sur lesquelles elleexerce son attractivité. Sa population avoisineaujourd’hui les 1300000 habitants.•L’aire urbaine (1999) : une aire urbaine estun ensemble de communes, d’un seul tenantet sans enclave, constitué par un pôle urbainet par des communes rurales ou unitésurbaines (couronne périurbaine), dont aumoins 40 % de la population résidente ayantun emploi travaille dans le pôle ou dans descommunes attirées par celui-ci. L’aire urbainetoulousaine est constituée de 342 communessur six départements et deux régions. Ellecompte 965 000 habitants.Le pôle urbain : le pôle urbain est une unitéurbaine offrant au moins 5000 emplois. Il estconstitué de la ville centre et de sa banlieue.La couronne périurbaine : la couronnepériurbaine recouvre l’ensemble des com-munes de l’aire urbaine, à l’exclusion de sonpôle urbain.• Les villes moyennes font référence auxaires urbaines des villes moyennes situéesautour de l’aire urbaine toulousaine.

! Aire métropolitaine toulousaine

Couronne périurbaine

Pôle urbain Aire urbaine toulousaine

Ville centre

Aires urbaines des villes moyennes

Rural

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Un développement démographique continufondé sur une croissanceexogène

Dans le département de la Haute-Garonne,la pression démographique est particulière-ment élevée depuis les années 1960. Si l’onexcepte la période 1975-1982, marquée par unfort ralentissement, la croissance de l’aireurbaine a été régulière, de l’ordre de 90 000 à120 000 nouveaux habitants par décennie. Elleest largement plus rapide que la croissance dela population au niveau national. Au cours dela dernière décennie, le taux de croissancede l’agglomération, de 1,5 % par an, en fait ladeuxième grande aire urbaine la plus dyna-mique de France, derrière Montpellier.Le développement de l’aire urbaine de Toulouseest essentiellement exogène. Le solde migratoireest largement positif, et supérieur au soldenaturel depuis les années 1960. Il est particu-lièrement élevé entre 1962 et 1975. Cette crois-sance exogène de la population s’est constituéepar quatre grandes vagues de migration qui ontmarqué le territoire.• Les rapatriés algériens : à partir de 1962, lesrapatriés d’Afrique du Nord s’installent massi-vement dans le sud de la France. On estimequ’ils sont 25 000 à venir s’installer dans laHaute-Garonne.• Les fonctionnaires parisiens : entre 1968 et1975, la déconcentration de grandes écoles et

d’équipements scientifiques entraîne l’arrivéede nombreux fonctionnaires parisiens ;17 230 personnes originaires d’Île-de-Franceont déménagé à Toulouse. Cela représente25,9 % des migrants arrivant à Toulouse pourcette période intercensitaire.• Les étudiants : le développement universi-taire toulousain se traduit par une arrivée mas-sive d’étudiants. Entre 1982 et 1990, un tiersdes immigrés toulousains sont des étudiants.Ils constituent encore aujourd’hui une vagued’immigration majeure.• Les ingénieurs européens : le développementd’Airbus depuis une quinzaine d’années a engen-dré une présence accrue de ressortissantsd’Europe du Nord, notamment à l’ouest de la ville,autour du pôle aéronautique.

TOULOUSE,

« POMPE ASPIRANTE-REFOULANTE »

Entre 1975 et 1999, l’aire urbaine toulousaineconcentre 87% des gains de population de l’airemétropolitaine. C’est la ville centre qui consti-tue la principale porte d’entrée de l’aire métro-politaine toulousaine : entre 1990 et 1999, lamoitié des nouveaux arrivants de l’aire urbaines’installent dans la commune de Toulouse.Près de un tiers des nouveaux arrivants s’ins-tallent dans une commune de banlieue, et15 % choisissent la couronne périurbaine.À l’intérieur même de l’aire urbaine, les ménagessont très mobiles : près de un habitant surtrois, soit 312 000 personnes, a déménagé aumoins une fois entre 1990 et 1999. Les prin-cipaux flux sont orientés de la ville centre vers

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la banlieue et la couronne périurbaine :46 000 personnes ont quitté Toulouse pours’installer en banlieue, 19 000 pour la cou-ronne. Ce sont les communes de l’est de l’aireurbaine qui sont les plus attractives.Toulouse ville et les pôles secondaires atti-rent à la fois des étudiants et des actifsvenus de l’extérieur et « redistribuent » cesactifs à l’échelle de l’aire urbaine dans undeuxième temps.

L’étalement urbain

Entre 1962 et 1975, la croissance de la popula-

tion est concentrée sur le pôle urbain. Les ter-

ritoires ruraux perdent beaucoup d’habitants.

À partir de 1975, la croissance de la population

est moins forte sur le pôle urbain, mais com-

mence à s’étendre aux communes plus éloi-

gnées. L’étalement urbain ne ralentit pas au

cours des périodes intercensitaires suivantes,

et constitue toujours un phénomène majeur

dans la décennie 1990.

Une organisation urbaineclassique

Le marché du logement s’est structuré demanière classique dans l’aire urbaine toulou-saine. Les territoires se sont spécialisés dansl’offre de produits logement et dans les popu-lations qu’ils accueillent.

SPÉCIALISATION DE L’OFFRE DE LOGEMENTS

Le parc social public est concentré dans lepôle urbain : quatre communes (Toulouse,Colomiers, Blagnac et Muret) concentrent79 % du parc social de l’aire urbaine, tandis que213 communes ne disposent d’aucun logementHLM. Dans les communes de banlieue et de lacouronne périurbaine, plus de 95 % des loge-ments sont des maisons individuelles, et l’habi-tat collectif représente moins de un quart du parcimmobilier.

SPÉCIALISATION DES POPULATIONS

Les ménages adoptent des stratégies différen-ciées. La ville centre accueille principalementles ménages composés de personnes seules. Ilsreprésentent la moitié des ménages de la villecentre. Cette part importante s’explique par laprésence des étudiants. La banlieue connaît unvieillissement de sa population, et accueille desménages diversifiés. La couronne périurbaineattire davantage les jeunes ménages d’actifsavec des enfants (38 % des ménages). Lesouvriers sont surtout présents dans les espacespériurbains et ruraux, tandis que les cadres seconcentrent sur le pôle urbain, notamment

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10 %

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1962-1968 1968-1975 1975-1982 1982-1990 1990-1999

La crise du logement

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dans sa partie est. Enfin, les classes moyennesont tendance à s’installer en périphérie, dansdes maisons individuelles.

Une spécialisation radiale

L’observation des relations domicile-travail en1999 montre que c’est la localisation de l’emploiqui détermine largement la localisation dudomicile. Selon cette logique, le territoire del’aire urbaine se structure selon quatre grandsquadrants :• le quadrant nord-ouest constitue le pôleindustriel et aéronautique ;• le quadrant sud-est, autour du Sicoval, consti-tue le pôle technologique. Il est peuplé decadres et d’ingénieurs ;• le quadrant sud-ouest est spécialisé dans lalogistique et le commerce des grandes surfaces ;• le quadrant nord-est est moins spécialisé.

L’émergence d’une crise durable

Jusqu’ici, le marché était organisé par l’éta-lement urbain et la spécialisation sociale. Maisles dix dernières années montrent les limites dece fonctionnement. Les mécanismes PAP et PTZs’essoufflent car le foncier devient rare. Une

grave crise de la production s’installe et les prixaugmentent rapidement. Alors que le systèmes’ajuste de manière satisfaisante pendant unetrentaine d’années, la crise apparaît donc bru-talement dans les années 1990 : les mécanis-mes de sélectivité sont renforcés, la ségrégations’accentue, et les effets se font ressentir jusquedans les marchés locaux des villes moyennes.

UNE CRISE QUANTITATIVE

L’activité de la construction dans l’agglomé-ration toulousaine s’effondre ces dernièresannées. L’activité est également ralentie dansle périurbain. On construit toujours plus loin,mais de moins en moins. Le foncier est demoins en moins disponible, et de plus en pluscher. Cette évolution, datée des années 1990,pose problème, car le taux de croissance dunombre de logements est largement inférieurau taux de croissance du nombre de ménages,comme le montre le graphique ci-dessous.

! Croissance du nombre de ménages et croissancedu nombre de logements en Haute-Garonne

Sources : Insee, RG.

Taux de croissance du nombre de ménages

Taux de croissance du nombre de logements

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UN DÉVELOPPEMENT DÉSÉQUILIBRÉ

DE L’OFFRE DE LOGEMENTS

Parallèlement à la crise quantitative et à laflambée des prix, une troisième évolution per-turbe le marché du logement dans l’aireurbaine toulousaine : l’offre de logements neufssemble en décalage par rapport aux besoins.Le marché de la maison individuelle est tou-jours porteur, mais c’est surtout le produitinvestisseur qui gagne du terrain.À l’époque où les premières mesures de défis-calisation sont prises, le marché de l’habitattoulousain manque cruellement de petits loge-ments (studios) pour loger les étudiants, plusnombreux chaque année, tout comme lesjeunes ménages actifs. La loi Méhaignerie de1988 est donc une opportunité pour comblerce déficit. Elle permet en outre, grâce à l’instau-ration de l’allocation de logement social (ALS),d’assurer la solvabilité des occupants en propo-sant un reste à charge équivalent à celui deschambres universitaires. À Toulouse, ce sont30 000 logements privés investisseurs qui sontconstruits de 1988 à 2000, soit autant que le

parc social construit depuis le début du siècle.

Ce développement important des logementsinvestisseurs produit un déséquilibre en termesde prix. Ces logements neufs, bien que consi-dérés comme des « logements intermédiaires »,sont très sélectifs : les loyers sont élevés, et lesgaranties demandées à l’entrée dans le loge-ment sont nombreuses. Les ménages aux reve-nus modestes ne peuvent donc y accéder.Mais le logement social ne constitue pas forcé-ment une alternative pour ces ménages. Eneffet, l’offre sociale est particulièrement faiblesur le département. Dans l’aire urbaine, la pro-duction neuve est aujourd’hui de un logement

D’autre part, l’explosion de l’usine AZF en2001 a considérablement aggravé cette crisequantitative : 27 000 logements ont étéendommagés (vitres brisées…), et 11 000 ontété détruits.

UNE FLAMBÉE DES PRIX

Alors que l’augmentation du loyer moyen asuivi la moyenne nationale jusqu’en 2002, lestrois dernières années marquent une évolutionplus rapide des prix. Ainsi, l’augmentationexponentielle des prix depuis 2000 est encoreplus marquée à Toulouse qu’au niveau natio-nal. Le marché privé locatif de l’agglomérationtoulousaine compte parmi les marchés les plustendus en France. En effet, alors que la haussedes loyers de relocation n’a pas excédé 7,5 %entre 2005 et 2006 dans toutes les autresagglomérations qui ont été observées, l’aug-mentation a été de 9 % dans l’agglomérationtoulousaine.

! Augmentation du loyer moyen (en %)

Source : AUAT.

Agglomération toulousaine

Moyenne nationale

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La crise du logement

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HLM mis sur le marché pour huit à dix loge-ments privés, dont plus de 80 % sont des pro-duits investisseurs (locatifs). En moyenne, sur ledépartement, il existe 50 logements sociauxpour 1 000 habitants, alors que la moyennenationale est de 69 logements pour 1000 habi-tants. La pression de la demande s’accentue : en2004, 3 800 attributions ont été réalisées surle département, alors que 33 192 demandesfiguraient en attente au 31 décembre. Le délaid’attente augmente lui aussi : de 3,3 ans en2003, il est passé à 4,2 ans en 2005.

Le stock important de maisons individuelles etde logements privés investisseurs pose égale-ment question à moyen terme : dans le futur,l’offre risque d’être déséquilibrée en termes destructure. En effet, les évolutions des besoinsannoncés sont en décalage par rapport à cestock de logements constitué et en voie deconstitution :• les projections de l’Insee à l’horizon 2020prévoient le quasi-doublement de la popula-tion de plus de 60 ans sur l’aire urbaine. Onpeut s’interroger sur l’adaptation aux besoinsdes seniors de la maison individuelle situéeloin des commerces et des services ;• le nombre d’étudiants est amené à se stabili-ser : après la croissance vive enregistrée entre1999-2000 et 2002-2003 (+ 5 300), les effec-tifs de l’enseignement supérieur ont progresséplus modestement au cours des dernièresannées universitaires (seulement 380 étudiantsde plus, entre 2002-2003 et 2004-2005). Lesprojections disponibles tablent sur un maintiendu ralentissement de la croissance (un gainattendu d’à peine 300 étudiants en moyennepar an jusqu’en 2015). C’est le devenir des « pro-duits investisseurs », tournés pour partie vers la

clientèle étudiante, qui est ici en jeu ;• enfin, les parcours résidentiels de certainescatégories de ménages risquent d’être moinssûrs (rapport à l’emploi, vie familiale…) : lapression de la demande de logements sociauxrisque de s’accentuer encore.

L’ACCENTUATION DE LA SÉGRÉGATION

Des ménages modestes captifs

Les niveaux de prix dans l’aire urbaine ont unimpact fort sur la mobilité des ménages ayant defaibles ressources, en locatif comme en accessionà la propriété. Avec l’accentuation de la crise, cesménages sont désormais captifs : captifs du loca-tif social sur le pôle urbain, captifs des contraintesde la vie périurbaine pour ceux qui ont choisi des’éloigner du centre afin d’accéder à la propriété.• La captivité sur le pôle urbain : « l’ascenseurrésidentiel » est bloqué pour les ménagesmodestes logés dans l’habitat social du pôleurbain. Le niveau des prix dans l’aire urbaineétant devenu rédhibitoire, ces ménages modestessont « bloqués » dans le locatif social.L’évolution du taux de rotation dans le parcsocial en témoigne : il n’a cessé de diminuerdepuis cinq ans, passant de 15 % à 9,14 % dansle département de la Haute-Garonne. Ce chiffreparaît bien sûr élevé si on le compare à d’autresterritoires, mais il est, pour partie, artificiel. Eneffet, il prend en compte les salariés logés parle « 1 % », dont la mobilité résidentielle est tou-jours une réalité.• La captivité dans l’éloignement périurbain : lepériurbain, qui était l’espace privilégié d’ins-tallation des classes moyennes, accueille desménages plus modestes depuis une vingtained’années. Le niveau de prix, en accession,contribue à l’éloignement dans le périurbain

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de ces accédants ayant de faibles ressources : leprix du terrain constructible en lotissementcomme en diffus y est deux fois moins élevé quedans le pôle urbain, et les mécanismes d’acces-sion sociale solvabilisent ces ménages modes-tes. Mais de récentes recherches montrent lesinconvénients de la vie périurbaine pour cescatégories sociales. D’une part, ces ménages setrouvent confrontés au même processus destigmatisation que celui qui affecte les popu-lations des grands ensembles. D’autre part, ilsont sous-estimé les coûts de la vie dans lepériurbain et sont confrontés à de nombreusesdifficultés :– difficulté dans la mobilité quotidienne. Souvent,l’un des deux conjoints n’a pas le permis, ou bienle couple ne dispose que d’un véhicule ;– difficultés liées au logement. Limités dansleur budget, les ménages modestes transigentsur la qualité de la construction de leur loge-ment, et sous-estiment le coût énergétiquequ’induit la maison par rapport à l’apparte-ment. Ce quotidien ne concerne qu’une mino-rité parmi les périurbains, mais ces « marges dupavillonnaire » constituent désormais un enjeusocial majeur.

Les « résidences fermées » : facteur

de ségrégation et/ou de retour des classes

moyennes au centre ?

L’aire urbaine toulousaine se distingue desautres aires urbaines françaises par la propor-tion de « résidences fermées » implantées surson territoire. Ces « résidences fermées »,constituées de logements collectifs en copro-priété ou en location, possèdent deux caracté-

ristiques principales : elles sont clôturées, etelles internalisent des équipements ordinai-rement produits et gérés par la puissancepublique ou intégrés à une résidence indivi-duelle (piscine, court de tennis).Elles se sont développées particulièrement tôtdans l’agglomération toulousaine (1). Ce sontles promoteurs locaux (2) qui en ont fait un pro-duit phare à partir du début des années 1990,grâce aux lois successives de défiscalisation. Sila loi Méhaignerie a surtout eu pour effet dedévelopper les petits logements, et donc deslogements plutôt destinés à la population étu-diante, c’est la loi Périssol qui va accélérer ledéveloppement de ces résidences. Elle permeteffectivement d’investir dans les logements plusgrands (T2 et T3).Le développement de ces résidences ferméescontribue pour beaucoup à accentuer les phé-nomènes de ségrégation dans l’aire urbainetoulousaine. Elles se regroupent sur certainssecteurs (par exemple les quartiers deLardenne-Saint-Simon, des Izards ou la ZACBorderouge). Les prix relativement élevés pra-tiqués dans ces logements contribuent éga-lement au blocage des ménages les pluspauvres dans le locatif social.Pourtant, le développement des résidences fer-mées peut également être considéré comme lefacteur du retour des classes moyennes aucentre de l’aire urbaine toulousaine. En effet,les ménages y résidant sont plutôt jeunes(moyenne d’âge : 31 ans), actifs (70 %), isolés(74 %) ou en couple mais sans enfants (23 %),avec des revenus moyens, parfois proches desplafonds HLM, surtout pour les occupants des

(1) Ce qui autorise certains chercheurs, comme Bruno Sabater, à considérer l’agglomération toulousaine comme le « laboratoire français »du développement de ces résidences.(2) En particulier le promoteur Monné-Decroix.

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La crise du logement

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petits logements (58 % ont des revenus infé-rieurs au plafond HLM, soit 1112 euros pourun isolé).Pour beaucoup, leur promotion sociale est faite,et ils sont déjà passés par la maison indivi-duelle. Leur retour en ville est une nouvelleétape de leur projet résidentiel. L’accession à lapropriété dans les immeubles hypervalorisés ducentre-ville (plutôt anciens) n’étant pas à por-tée de main (de portefeuille) de ces catégoriesintermédiaires, celles-ci se « replient » vers ceque le marché leur propose aujourd’hui commealternative à la centralité et à la maison indivi-duelle : des immeubles collectifs en copro-priété, péricentraux ou en proche périphérie,avec cadre paysager et/ou services tels quepiscine et tennis.

La poursuite de l’étalement urbain

Avec la crise de la construction, notamment surl’aire urbaine toulousaine, et la flambée desprix du foncier, l’étalement urbain se poursuit.En effet, le développement urbain est passéd’une dynamique de périurbanisation concen-trique autour des pôles urbains à un écla-tement et à une diffusion de l’activité de laconstruction, notamment autour des princi-paux axes de communication.Depuis 1999, avec plus de 180 000 habitantssupplémentaires, le rythme de développementdémographique s’est fortement accéléré : 1,5 %par an sur l’AMT (0,8 % entre 1990 et 1999). Si

l’aire urbaine toulousaine reste le principalespace d’accueil du développement (68 % desgains démographiques), la part des autres territoires prend de l’importance dans cettedynamique d’accueil. En captant 20 % desgains de population, les territoires hors airesurbaines 1999 apparaissent comme de nou-veaux territoires de développement.Des coûts importants sont aujourd’hui engen-drés par l’extension des secteurs résidentiels : onl’a vu, les coûts sont élevés pour les ménages(équipement automobile, frais de déplace-ments…). Ils le sont également pour la collecti-vité (coûts en infrastructures routières, scolaires,coûts de gestion). La croissance de l’aire urbaineplace aujourd’hui certains territoires en situationde déficience d’équipements et de services : ilsont vu leur population croître et doiventaujourd’hui faire face à des besoins conjonc-turels forts (des crèches…) auxquels ils n’ont pasnécessairement la capacité de répondre.

Le marché des villes moyennes déstabilisé

UN MARCHÉ DES VILLES MOYENNES

SOUS INFLUENCE DU MARCHÉ CENTRAL

La flambée des prix au sein des territoires les plusproches de l’agglomération toulousaine (pays deCocagne, Lauragais, Girou-Tarn-Frontonnais,Sud toulousain, Montalbanais, Portes-de-Gascogne…) est symptomatique de l’intégrationcroissante des territoires dans un marché sous

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influence toulousaine. Dans ce cadre, la perma-nence de grandes disparités des prix du foncierconstitue un des principaux moteurs du processusd’étalement urbain et de sélection des ménagesen accession à la propriété.

LA DÉSTABILISATION DU MARCHÉ PAR

L’IRRUPTION DES PRODUITS INVESTISSEURS

Le marché des villes moyennes est aujourd’huiinvesti par les grands opérateurs nationaux etrégionaux du logement. Tablant sur une exten-sion du marché toulousain, ces opérateurs secomportent comme s’ils avaient affaire à unmarché unique, dans lequel territoires et clien-tèles seraient homogènes.L’achat d’un foncier accessible et la vente deproduits à des niveaux élevés (fondée pour par-tie sur des loyers de sortie très élevés, supé-rieurs aux pratiques locales) font espérer auxinvestisseurs de fortes rentabilités et expliquentle boum de ces produits au sein des villesmoyennes. On assiste ainsi à une homogénéi-sation des prix de vente du neuf et des prati-ques locatives sur l’ensemble des aires urbaines.Mais ces produits investisseurs déstabilisentle marché des villes moyennes :• tout d’abord, leur prix élevé accentue la« fuite » d’une partie de la population active,actuelle et potentielle, vers les espaces ruraux.La part des ventes à des acquéreurs locaux estd’ailleurs relativement faible ;• ensuite, un autre effet déstabilisateur del’irruption des produits locatifs de défiscalisa-tion tient à ce qu’ils « contaminent » de façonsélective les autres segments de l’offre locative :ils font monter artificiellement les prix del’ancien en bon état, et tirent vers le bas les sec-teurs les plus fragiles et dépréciés des centres

anciens. En attirant les publics les plus solva-bles, ils contribuent à accroître la déqualifica-tion de cet habitat, qui du coup se spécialisedans l’accueil des plus modestes. De tels méca-nismes peuvent alors rentrer en contradictionavec les politiques de revalorisation de leurscentres anciens dans lesquelles se sont enga-gées plusieurs villes moyennes de Midi-Pyrénées, en premier lieu Montauban ;• enfin, le taux de vacance élevé dans les loge-ments privés investisseurs montre que ces loge-ments ont été produits en trop grande quantité.Les initiatives simultanées des différents pro-moteurs ont été trop nombreuses par rapportà la réalité de la demande sur ces territoires.

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Un aménagement économique continu

UNE DÉCENTRALISATION SCIENTIFIQUE…

L’État mène depuis le début des années 1960 unevigoureuse politique d’aménagement écono-mique à Toulouse. La visite de De Gaulle en 1959marque symboliquement les premières années decette politique. En 1963, Toulouse fait partie deshuit métropoles d’équilibre identifiées par laDatar. Celles-ci sont destinées à constituer uncontrepoids à l’agglomération parisienne. Des« missionnaires » de la Datar sont alors envoyés àToulouse, et sont installés à la préfecture sous lenom de Mission économique régionale. JérômeMonod se rend à Toulouse en septembre 1967, etpose les quatre conditions essentielles du déve-loppement toulousain, qui seront reprises dans lelivre blanc de la ville : la création de zones indus-trielles, la construction d’infrastructures, l’évolu-tion des mentalités locales, et la formation deshommes.L’État opère alors une « délocalisation » de certainséquipements. Dans les années 1960, les nouvellesimplantations sont en relation avec la vocationaéronautique de Toulouse ; 70 % des activitéscréées dans l’agglomération toulousaine le sontà l’initiative de l’État et relèvent, directement ouindirectement, de son autorité. Plus tard, à partirde la fin des années 1970, les délocalisations sediversifient : électronique, météorologie…

… ACCOMPAGNÉE D’UNE POLITIQUE

DU LOGEMENT A MINIMA

La politique d’aménagement économique,cœur de la stratégie de l’État à Toulouse,s’accompagne d’une politique du logement aminima. Le développement du complexescientifique de Rangueil, au sud-est deToulouse, entraîne l’arrivée de nouvelles popu-lations de cadres et de Parisiens, pour la plu-part. L’État prend en main le pilotage de laconstruction de 1 500 résidences avec desappartements modernes et haut de gammedans le quartier. Les classes supérieures arri-vantes vont donc trouver à se loger sur place,à Rangueil, dans les appartements modernes ethaut de gamme ou dans des pavillons « de luxe »dans les communes alentour. Elles quittentrarement le quartier et vivent dans un environ-nement créé spécifiquement par l’État pourRangueil.Mais cette politique du logement, imaginéecomme un accompagnement de la politique dedéveloppement économique, est limitée dansl’espace et dans le temps. Le Mirail est un pro-jet certes national, mais principalement portépar le maire de Toulouse de l’époque. Et lesdécennies qui suivent ne donneront pasd’autre exemple de politique du logement del’État à Toulouse.

Les politiques publiques

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1998

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Des politiques aterritorialesde l’État qui participent à l’étalement urbain

La politique du logement de l’État va produiredes effets dans le département de la Haute-Garonne.Au début des années 1980, les logements finan-cés par le PAP représentent environ un tiers deslogements autorisés sur l’aire urbaine. La ban-lieue est alors le territoire qui connaît les effetsles plus forts. L’effet a été ici d’autant plus mar-qué que la priorité nationale donnée au déve-loppement de l’accession à la propriété, à traversla réforme du financement du logement de 1977,a coïncidé avec l’accélération de la croissanceéconomique et démographique de l’aggloméra-tion, notamment sous l’effet du décollage del’industrie aéronautique.La réforme de 1995 et l’introduction du PTZont également un impact important, notam-ment sur la banlieue et la couronne périur-baine : l’évolution la plus sensible concernedorénavant la couronne périurbaine, où levolume de l’accession aidée a augmenté de50 % avec la mise en place du PTZ.Les divers mécanismes d’aides à la pierre déve-loppés par l’État, et en particulier le PAP et lePTZ, constituent donc l’un des moteurs dudéveloppement de l’habitat dans l’aire urbainetoulousaine. Mais le graphique ci-contre(« Accession sociale et logements autorisés »)montre un écart important entre le total deslogements autorisés et les logements en acces-sion sociale : cet écart renvoie principalementaux produits locatifs investisseurs évoquésprécédemment.

! Évolution de l’accession aidée par territoires

Sources : FGAS (PTZ) – DDE 31 (PAP).

! Accession sociale et logements autorisés

Sources : FGAS (PTZ) – DDE 31 (PAP et logements autorisés) – Aireurbaine de Toulouse.Source : L’Impact du PTZ sur l’aire urbaine de Toulouse, DGUHC et AUAT, avril 2000.

Total accession Banlieue

Couronne périurbaine Toulouse

Total logements autorisés Total accession sociale

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Les politiques publiques

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Des politiques locales qui alimentent la surchauffecontre leur gré

Dans les années 1960-1970, alors que la poli-tique d’aménagement économique de l’État batson plein, les communes ne disposent que dulevier de la planification urbaine pour agir surle marché du logement. Mais la planificationurbaine dans l’agglomération de Toulouse neparviendra pas à jouer pleinement son rôle derégulation.Avec la décentralisation, les compétences descollectivités locales s’élargissent : des politiqueslocales de l’habitat émergent progressivement.Mais il semble que les collectivités locales contri-buent malgré elles à alimenter la surchauffe.

Années 1960-1970 : une planification urbaine qui courtderrière l’étalement urbain

L’ENTENTE INTERCOMMUNALE IMPOSSIBLE

La faible structuration intercommunale du ter-ritoire va être à l’origine d’une planificationurbaine en pointillé.À la fin des années 1960, alors que les princi-pales capitales régionales sont dotées de com-munautés urbaines (Lyon, Lille, Bordeaux),Toulouse fait figure « d’îlot de résistance ». Les

multiples tentatives de l’État menées dans ladécennie 1960-1970 (mission préfectorale de1963, livre blanc de l’agglomération toulou-saine de 1968, projet de district urbain de 1965et de communauté urbaine en 1970) échouentles unes après les autres.L’explication de cette impossibilité à trouverune formule intercommunale réside dansl’opposition « ville centre-périphérie ». D’uncôté, Toulouse est très étendue, ce qui lui pro-cure des réserves foncières conséquentes. D’unautre côté, les communes périphériques del’époque sont encore rurales, et craignent doncla domination toulousaine. Rapidement, lasituation évolue, et le débat oppose une villecentre soucieuse de la concurrence des com-munes périphériques qui gagnent en attracti-vité, et ces mêmes communes, qui souhaitentlimiter l’influence de la ville centre.

DES POLITIQUES COMMUNALES FORTEMENT

DIFFÉRENCIÉES

Au début des années 1960, face à une pressionfoncière importante, les communes de l’agglo-mération vont avoir des réactions très diffé-rentes. On peut, pour schématiser, distinguerdeux postures :• certaines communes vont mobiliser leurscompétences pour maîtriser les transforma-tions à l’œuvre sur leur territoire. C’est parexemple le cas de la commune de Colomiers. Ledéveloppement de l’aéronautique aux portesdu territoire communal induit une forte pres-sion foncière. En 1958, une demande de per-mis de construire pour 400 logements par unpromoteur américain va être à l’origine de lapolitique du maire, Eugène Montel. Celui-cirefuse le permis, et prend la décision de réa-

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liser un plan d’urbanisme général. La munici-palité se dote alors de trois SEM entre 1960 et1963. Celles-ci vont permettre à la commune demaîtriser l’ensemble de la chaîne de productiondes logements : la première SEM a pour missiond’acquérir les terrains, de les viabiliser et de lesrevendre, la deuxième construit, vend et louedes logements, la troisième est une SAHLM à quiest dévolue la construction sociale. Cette poli-tique permet à la commune de maîtriser l’urba-nisation et, dans une certaine mesure, les prixdes logements ;• d’autres communes font le choix du « laisser-faire ». C’est le cas de L’Union, qui a longtempsexclu de son POS toute forme de périmètred’intervention (ZAC-ZAD). C’était également lecas de la commune d’Eaunes, qui avait saisil’opportunité de l’urbanisation : la construc-tion pavillonnaire s’est réalisée au coup parcoup, favorisant la construction diffuse. Faisantface à des difficultés en termes d’équipementset d’assainissement à partir de 1977, la com-mune se dote finalement d’une carte commu-nale. Les leçons du passé ont été tirées :aujourd’hui, notamment grâce à une politiqueactive d’acquisition de réserves foncières, lamunicipalité est bien plus en capacité d’orien-ter et de maîtriser l’urbanisation, apparaissantmême comme la « commune exemplaire » ausein de la communauté d’agglomération àlaquelle elle appartient. C’est d’ailleurs sonmaire qui y préside la commission « Équilibresocial de l’habitat ».

Le Conseil régional : un objectif d’équilibre des territoires qui influe sur le logement

Le domaine du logement ne constituant pasl’une des compétences propres à la région, ilest plus largement englobé dans les politiquesd’aménagement et de développement durable,qui elles-mêmes reposent prioritairement surle développement économique et les trans-ports. L’objectif d’équilibre des territoires quisous-tend ces différentes politiques régionalesinflue sur le logement « par incidence », dediverses façons.Une première illustration de cette approche dulogement « par incidence » peut se trouver dansles liens établis entre transport et logement.Obéissant à la logique du polycentrisme, leplan de renouvellement et de développementdu réseau ferroviaire, globalement destiné àaméliorer le maillage du territoire régional,s’est décliné dans l’agglomération par la miseen place innovante du premier service de TERcadencé en province. L’attractivité, notammentrésidentielle, des villes desservies (Colomiers,L’Isle-Jourdain, Muret…) s’en trouve renforcée,avec un effet accélérateur sur le développementdes territoires desservis. Face à un processusd’étalement urbain largement avancé et quivaut pour tous les secteurs de la périphérie, unetelle politique entérine et accompagne le déve-loppement périurbain.Un des autres volets forts de la politique d’amé-nagement menée par la région est le soutien auxterritoires, formalisé à travers les politiques

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contractuelles telles que les contrats de pays etd’agglomération. La logique dans laquelle y sontabordées les questions du logement et de l’habi-tat est révélatrice de la complexité des position-nements dans ce domaine. Ce dernier ne relèvepas des compétences régionales. Il a néanmoinsdes effets décisifs sur l’aménagement, la cohésionsociale et le développement durable des terri-toires, champs sur lesquels la région a pleinecompétence. Pour gérer cette contradiction, ellea choisi de miser sur la pédagogie et la sensi-bilisation, proposant des aides financières auxterritoires pour la réalisation de « diagnosticsstratégiques foncier-habitat-cadre de vie ».L’objectif est d’amener les territoires à prendreconscience des enjeux associés à ces dimensionset à progressivement les intégrer à leur projet.Plusieurs « pays » situés dans la sphère de l’agglo-mération toulousaine (pays Portes-de-l’Ariège,pays Portes-de-Gascogne, pays Girou-Tarn-Frontonnais…) se sont engagés dans la démar-che. Son impact pédagogique est acquis, mais sadéclinaison opérationnelle dans les politiqueslocales peine souvent à se structurer.C’est finalement à propos du logement des étu-diants que l’intervention régionale en matièrede logement est le plus structurée.Probablement parce que la mise en lien avecl’une des compétences régionales (l’enseigne-ment supérieur) y est le plus évidente : l’accueildes étudiants dans de bonnes conditions delogement est perçu comme un moyen d’asseoirl’attractivité et la vitalité de l’enseignementsupérieur en Midi-Pyrénées. L’entrée est caté-gorielle, centrée sur les étudiants, mais affichede réelles ambitions, avec l’annonce du soutienrégional à la construction de 5000 logementset à la réhabilitation de 1 500 logements duparc Crous.

Le Conseil général : une ambition sociale généraliste sans débouché

Le département est en charge des politiquessociales du logement. À ce titre, il dispose dedeux outils principaux : le Fonds de solidaritélogement (FSL), dont il a la charge, et le plan

départemental d’action pour le logement despersonnes défavorisées, dont il est copilote auxcôtés de l’État. Le Conseil général est par ail-leurs délégataire des aides à la pierre en dehorsdes territoires couverts par le Grand Toulouse,la communauté d’agglomération du Sicoval etbientôt celle du Muretain. Soit la totalité del’agglomération, ce qui n’est pas sans effet pourun acteur qui, au titre de sa compétence enmatière de logement social et sans doute aussipour contrecarrer la ville de Toulouse, appelledepuis longtemps à un renforcement de ladimension sociale des politiques locales dulogement.L’étude des deux derniers PDALPD de la Haute-Garonne montre cependant que le Conseilgénéral peine à imposer cette ambition. Eneffet, le « troisième plan » (2002-2005), copilotéavec l’État, renvoie la problématique sociale àl’effort de production, tandis que le « quatrièmeplan » (2007-2011), plus largement décentralisé,opère une focalisation sociale à outrance.

Le troisième PDALPD (2002-2005) :

la dissolution du problème social dans

l’enjeu de la relance de la production

Le troisième PDALPD de la Haute-Garonne metl’accent sur le développement d’une offre

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accessible de logements, en cherchant à leverles obstacles psychologiques à la programma-tion de logements sociaux (contraintes sur lesattributions, indifférenciation de la demande).La problématique sociale s’est ainsi trouvéediluée dans l’enjeu plus large de relance de laproduction : par effet mécanique induit, unepartie de l’offre produite devait pouvoir béné-ficier aux publics du plan. Mais ce choix stra-tégique n’a pas obtenu les résultats attenduspour deux raisons :• si le Conseil général a acquis une réelleconnaissance de la demande, les élus locauxn’ont pas été sensibilisés à la prise en comptede cette demande. L’offre n’a donc pas étéréorientée au niveau local ;•ensuite, l’offre de logements n’a pas connu lesdéveloppements attendus car le plan a subi, enaval, les contreparties de la crise foncière, freinde plus en plus puissant au développementd’une offre accessible. Sans compter qu’unepartie de l’offre accessible a dû être mobiliséeau bénéfice des relogements effectués dans lecadre du « grand projet de ville » ;• enfin, malgré la relance récente, l’augmenta-tion de l’offre sera décalée dans le temps.

Le quatrième PDALPD (2007-2011) : une

focalisation sur les marges de la problématique

sociale

Tirant les leçons des échecs du plan précédent,le quatrième plan recentre ses préoccupationssur la demande. Mais avec l’apparition de lacrise dans les années 1990, cette demande s’estavérée démesurée, et le Conseil général a prisconscience non seulement de la difficulté de lasatisfaire, mais aussi de l’administrer.Ainsi, le Conseil général a fait le choix dedéporter ses objectifs, et de repérer au sein de

la demande les situations prioritaires. Le qua-trième plan opère donc un zoom sur l’urgencesociale, faisant une fois encore disparaître laquestion sociale « classique ».

Les trois agglomérations de l’aire urbaine toulousaine

Trois agglomérations ont été créées dans l’aireurbaine toulousaine : le Sicoval, le Muretain etle Grand Toulouse.

! Les trois agglomérations de l’aire urbaine toulousaine

GRAND TOULOUSE

SICOVALMURETAIN

Toulouse

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Le Sicoval : la qualité de service pour une rente de situation

UNE INTERCOMMUNALITÉ ANCIENNE

STRUCTURÉE AUTOUR D’UN TECHNOPÔLE

Le Sicoval est la plus ancienne structure inter-communale de l’aire urbaine. Situé à proximitédu campus scientifique et universitaire deRangueil, il a été créé en 1975 autour de six com-munes et s’est d’abord structuré autour du déve-loppement économique et de l’aménagement duterritoire. La politique économique s’est notam-ment appuyée sur l’acquisition anticipée deréserves foncières, ensuite aménagées en zoneséconomiques tournées vers un secteur spéci-fique, ce qui anticipait la politique aujourd’huitant répandue des « pôles à vocation dédiée ». En1983, le technopôle de Labège est créé. D’autresparcs d’activité prestigieux ont suivi, et la poli-tique de développement économique constituetoujours l’axe d’intervention prioritaire de l’agglo-mération. Enfin, le principe d’une taxe profes-sionnelle unique a été retenu très tôt, et a permisaux communes membres de renforcer leur niveaud’équipement et de services à mesure de l’arrivéede nouveaux habitants et sans subir de tension.Le Sicoval est désormais un territoire prisé etconvoité. Une population dominée par les cadres,techniciens et ingénieurs en témoigne.

UNE POLITIQUE DU LOGEMENT QUI

EXPLOITE CETTE RENTE DE SITUATION

Ce n’est que récemment que le Sicoval s’estsaisi du domaine de l’habitat. Il semble que la

stratégie logement de l’agglomération visemoins à développer son attractivité externequ’à verrouiller, préserver et conforter la qua-lité du territoire.Ainsi, le dernier PLH (adopté fin 2003) débutepar un aveu de faiblesse : le Sicoval déclare nedisposer que d’une capacité limitée de maîtriseet de régulation du fait d’une faible vacance,d’une raréfaction de l’offre foncière disponibleet d’un parc ancien récupérable réduit à desniches difficilement mobilisables.Mais le PLH s’engage sur la qualité de l’habi-tat. Le premier objectif stratégique du PLHconsiste donc à élaborer une charte de qualitédans l’habitat, qui vise essentiellement à maî-triser les formes urbaines et l’intégration desnouveaux logements, et à préserver la qualitédes espaces publics.La politique du logement dans le Sicoval estdonc principalement dédiée à conforter l’excel-lence économique du territoire, en préservantla qualité de l’offre.

LA QUESTION SOCIALE GOMMÉE

Ce souci d’excellence tend à faire passer ausecond plan la question sociale. Elle est par ail-leurs difficile à asseoir face à des habitants quientendent préserver la qualité de leur cadre devie et maintenir une forme d'« entre-soi ».L’agglomération se fixe d’ailleurs des objectifsmesurés quant au développement du logementsocial : le rééquilibrage doit tendre vers 15 %de logements sociaux d’ici à 2010 à l’échelledu Sicoval.

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Le Muretain : tirer parti de la croissance périurbaine

ATTIRER LA CROISSANCE POUR PESER FACE

AUX DEUX AUTRES AGGLOMÉRATIONS

La communauté d’agglomération du Muretainest une intercommunalité récente : elle a étécréée en 2004, dans le prolongement de lacommunauté de communes existante. Situéedans la couronne périurbaine, elle disposed’une attractivité particulière, du fait de lasaturation du marché sur le pôle urbain.Dès lors, sa stratégie logement vise à peser faceaux deux autres agglomérations : il faut tirerparti de la croissance périurbaine, et grandiren accueillant de nouveaux habitants.L’agglomération cherche également à gagneren lisibilité et à asseoir sa légitimité auprès descommunes, en plaçant les services aux habi-tants au cœur de ses priorités.

UNE POLITIQUE NON MAÎTRISÉE ?

L’agglomération dispose encore de nombreuxespaces urbanisables, mais la proximité del’agglomération toulousaine se fait de plus enplus sentir, rendant le potentiel foncier restantparticulièrement convoité et de plus en plussoumis à des tendances spéculatives.Si le PLH du Muretain intègre ce constat (« Lefoncier ne doit plus être libéré par à-coups,mais plutôt s’intégrer dans un projet d’ensem-ble »), il n’y apporte aucune réponse : la ficheaction stipule que le foncier doit être produiten quantité suffisante au regard de la crois-sance démographique. Il s’agit seulement de

répartir l’accueil des nouveaux habitants entreles différentes communes, et de se mettred’accord sur une nouvelle répartition du loge-ment social entre les communes.Ainsi, si le Muretain souhaite attirer la crois-sance, il ne se donne pas les moyens de la maî-triser. On peut également s’interroger sur la« capacité à faire » de l’agglomération dans ledomaine du logement en raison de moyensfinanciers limités, qui vont surtout à la struc-turation du développement économique. Lapolitique du logement du Muretain est doncencore jeune : son PLH est de première géné-ration, porteur d’un objectif d’« animation-sensibilisation » des communes.

Le Grand Toulouse : les deux faces d’une politiquedédiée aux classes moyennes

La ville de Toulouse puis la communauté d’agglo-mération du Grand-Toulouse vont progressive-ment prendre conscience de la nécessitéd’élaborer des réponses politiques au dynamismedu marché. Si les préoccupations se focalisentsur le logement étudiant dans les années 1990,elles vont rapidement se centrer sur la probléma-tique de la mixité. Ces dernières années, le GrandToulouse semble vouloir organiser le marché àl’aide d’une panoplie d’outils, innovants pour cer-tains. Cependant, cette politique volontaristemasque le problème social : la question desménages les plus pauvres est rendue invisible.

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UNE PROBLÉMATIQUE DU LOGEMENT

ÉTUDIANT QUI PERMET UNE PRISE

DE CONSCIENCE DE LA CRISE

À l’exception des cités universitaires, le besoinen logement pour les étudiants est pris encharge par le marché privé. Les dispositifsfiscaux du type Méhaignerie sont adaptés à cesegment particulier : l’augmentation des prix delocation liée à la croissance des effectifs étu-diants garantit la rentabilité de l’investissement.En 1989, le studio représente 40 % des ventes.À la fin des années 1990, la ville de Toulousemet en œuvre une politique du logement enfaveur des étudiants :• d’une part, réponse en termes d’interventionsur le marché avec le « Plan université 2000 », misen œuvre par l’État et les collectivités locales,pour l’édification et la réhabilitation des citésuniversitaires. Concurrencé, le Crous remet sonparc à niveau. L’office public municipal d’HLM deToulouse participe également au développementde l’offre publique en élargissant son offre auxétudiants ;• d’autre part, adaptation du POS pour per-mettre une densification des espaces centraux(exemple de la ZAC du Bazacle), pour répondre àla pression des promoteurs qui veulent construirede petits logements pour les étudiants.Dans les années 1990, c’est le logement étu-diant qui fait voir la crise, et c’est par le biais decet enjeu que Toulouse puis le Grand Toulousevont construire leur politique du logement.

UNE PRÉOCCUPATION OBSÉDANTE :

LA MIXITÉ

Depuis une dizaine d’années, la « pompe aspi-rante-refoulante » toulousaine fonctionne demanière sélective. Ce sont principalement les

cadres et les classes moyennes qui sont redis-tribués dans le reste de l’aire urbaine, tandisque les ménages modestes demeurent captifsde la ville centre. Ainsi, la problématique de lamixité devient la préoccupation première dela communauté d’agglomération du Grand-Toulouse. Toute la stratégie vise à la préserva-tion de la mixité dans l’agglomération. Cettestratégie est à double tranchant : si elle permetde faire émerger des outils nouveaux afin de régu-ler le marché en faveur des classes moyennes,elle opère également une certaine « invisibili-sation » des ménages les plus modestes.

Une « invisibilisation » des ménages

modestes : l’exemple du Mirail

La convention ANRU signée par la ville deToulouse est l’un des outils de mixité mis en œuvre.Alors que le quartier du Mirail est encore un quar-tier relativement mixte, la part des logementssociaux va être considérablement réduite. En effet,contrairement à l’évolution « classique » des grandsensembles, les classes moyennes n’ont pas désertéle Grand Mirail. Le pourcentage de cadres estresté le même (6,4% en 1975 et 6,3% en 1990).Le quartier du Grand Mirail est même caractérisépar une présence supérieure à la moyenne deménages où la personne de référence appartientà la catégorie des cadres, professions intellec-tuelles et libérales ou professions intermédiaires.En revanche, le quartier accueille en 1990moins de familles d’employés et d’ouvriers quedans les premières années de son peuplement(– 14,0 % en quinze ans). Les employés repré-sentaient 22,6 % des ménages en 1975, pour14,4 % en 1990. Les ménages dont le chef defamille appartient à la catégorie des ouvrierssont passés de 33,6 % à 27,8 %.Cette présence continue des classes moyennes

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au Mirail s’explique en partie par le peuplementinitial du quartier (les jeunes classes moyennesvenaient faire l’expérience de la modernitéurbaine dans un quartier novateur). Elle s’expli-que également par l’évolution plus récente duquartier du Mirail et de celui des Pradettes, dontl’offre est caractérisée par de l’accession à la pro-priété en lotissements et groupements d’habi-tations individuelles. Les classes moyennes sontdonc toujours présentes au Grand Mirail, maiselles n’habitent plus au même endroit.Le projet ANRU vient appuyer le maintien desclasses moyennes au Grand Mirail. Sur les quar-tiers Bagatelle-La Faourette, le volet logement duprojet ANRU porte sur la démolition de848 logements HLM, la reconstruction sur placede 393 logements HLM et de 378 logements pri-vés, ainsi que la construction de 409 logementsHLM dans les autres quartiers de la ville afin decompenser les démolitions. La part des loge-ments sociaux passera ainsi de 47 % à 41 % surla ZUS, et la part de ménages modestes dimi-nuera donc elle aussi.

Des initiatives émergentes pour réguler

le marché du neuf en faveur des classes

moyennes

Depuis 2005, le Grand Toulouse développeplusieurs outils qui lui permettent de maîtriserdirectement le foncier. La constitution de plu-sieurs ZAC publiques dans l’agglomération per-met de mettre en œuvre la diversité de l’habitat.Un établissement public foncier local vientégalement d’être créé.C’est surtout dans le domaine des partenariatsavec les acteurs privés que le Grand Toulouses’est récemment illustré. Les innovations ini-tiées par l’agglomération permettent d’orga-niser et de clarifier les règles du marché.

Une charte de la mixité a été signée en 2006 avecle groupement départemental HLM, la Fédé-ration nationale des promoteurs constructeurs etle Syndicat national des aménageurs lotisseurs.L’objectif de cette charte est de favoriser la mixitéet la diversité de l’offre de logements dans lescommunes de l’agglomération.Les principes : dans les ZAC conventionnées etdans les opérations privées hors ZAC, un tauxminimal de 20 % de logements sociaux, en pri-vilégiant du PLUS et du PLS, doit être respecté.La charte de la mixité semble avoir un doubleeffet : non seulement elle permet d’assurer ladiversité de l’habitat dans les programmes, maiselle semble aussi contribuer à la maîtrise desprix du foncier par une concurrence réguléeentre les promoteurs. En effet, l’affichage d’unerègle claire, systématique, et son application àl’ensemble des acteurs concernés ont été bienperçus. Obligés d’équilibrer leurs opérationssans pouvoir jouer sur le contenu du pro-gramme, ces derniers ont vu leur capacité desurenchère sur le prix d’acquisition du foncierlimitée. Le dispositif engendre un cercle ver-tueux : d’une surenchère sur le foncier quiincitait les promoteurs à développer des pro-grammes libres ou intermédiaires, la CA cher-che à contrer la surenchère, donc la hausse ducoût du foncier.Un partenariat s’est également mis en place avecla Foncière Logement. Une convention d’objec-tif a été signée fin 2006, dans le but de maîtri-ser l’attribution des logements. L’intérêt etl’originalité de cette convention résident dans lefait qu’elle établit un rapport de confiance entrela Foncière et la communauté d’agglomération :l’article 6 mentionne une obligation d’informa-tion réciproque, et la Foncière s’engage à mettreà disposition de l’agglomération un logiciel de

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gestion des attributions de logement afin qu’ellepuisse alimenter la base avec des propositionsd’attribution et s’informer des dernières livrai-sons de logements. Cet outil est un autre moyende s’assurer que l’attribution des logements estréalisée conformément à l’objectif de mixité.

La conférence de l’aireurbaine toulousaine : tenter de répartir la croissance sur le territoire

Conscients que les interdépendances au sein del’aire urbaine ne peuvent pas être régulées parl’addition des stratégies intercommunales, lesacteurs de l’aménagement ont souhaité mettreen place une conférence de l’aire urbaine tou-lousaine. Cette structure, créée en 2003, a voca-tion à rassembler les établissements publics desSCOT de l’aire urbaine toulousaine. Elle a éla-boré une charte inter-SCOT qui tente de met-tre en cohérence la planification à l’échelle del’aire urbaine.

UNE INTENTION NEUVE :

RÉPARTIR LA CROISSANCE

Au sein de l’aire urbaine, la charte inter-SCOT viseà renforcer et à structurer le pôle urbain d’unepart, et à organiser la couronne périurbaine d’au-tre part. Le pôle urbain a ainsi vocation à accueil-lir de 200000 à 230000 habitants d’ici à 2020,tandis que la couronne périurbaine devrait

accueillir entre 50000 et 60000 habitants. Dansla couronne périurbaine, la charte localise lespôles d’équilibre à renforcer. D’autre part, elle faitdes choix quant à la répartition de la croissancedémographique dans l’espace métropolitain : unepartie de la forte croissance démographiqueattendue dans l’aire urbaine toulousaine d’ici à2020 (entre 300000 et 350000 habitants) seraitaffectée aux villes moyennes proches. Il ne s’agitpour l’instant que d’une intention, mais la confé-rence de l’aire urbaine réfléchit à la faisabilité età la mise en œuvre de cette orientation à l’échellede l’aire métropolitaine.

UNE DÉCLINAISON DE LA CHARTE

PAR GRANDS TERRITOIRES

La charte a vocation à être déclinée par grandsterritoires au sein de l’aire urbaine. Quatre SCOTdevraient ainsi être élaborés : un sur le pôle urbain(recouvrant les trois communautés d’aggloméra-tion), et trois en périphérie du pôle (recouvrantles périmètres des communautés de communes etdes démarches de pays en cours). Si la charte inter-SCOT constitue une réelle avancée, sa mise enœuvre n’en reste pas moins problématique. LesSCOT doivent se conformer à cette charte, maisrien ne garantit la concrétisation des orientationsprises dans la charte. Toutefois, la conférence del’aire urbaine fait preuve de modestie et admetla nécessité de pérenniser le pilotage institution-nel et de prévoir des moyens et des outils techni-ques de mise en œuvre. D’autre part, lesintentions développées dans la charte quant àune répartition de la croissance avec les villesmoyennes de l’aire métropolitaine nécessitentégalement l’amorce d’une concertation et la miseen place d’outils en partenariat avec ces villesmoyennes.

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SYNTHÈSE GLOBALE

Tendances du marchéLA PRESSION DÉMOGRAPHIQUE EST FORTE ET CONTINUE SUR UNE LONGUE PÉRIODELa croissance de l’aire urbaine est régulière et forte (environ 100 000 nouveaux habitants pardécennie), ce qui fait de Toulouse l’un des territoires français les plus dynamiques de France.

LA PRODUCTION EST INSUFFISANTE…Le recensement de 1999 montre un décalage important entre la croissance du nombre de logements et la croissance du nombre de ménages. Cette crise quantitative a étéaccentuée par la catastrophe AZF de 2001. Une flambée des prix résulte de ces évolutions :de toutes les agglomérations françaises, Toulouse est celle qui a connu la plus forte hausse de loyers entre 2005 et 2006.

… ET EN DÉCALAGE AVEC LES BESOINSLe développement déséquilibré de l’offre de logements constitue le nœud de la crise. Le stock important de produits investisseurs pose question pour aujourd’hui (augmentation des prix qui engendre la captivité des ménages modestes dans le social ou le périurbainlointain) et pour demain (les besoins annoncés vont évoluer).

La surchauffe s’étend à l’ensemble de l’aire métropolitaineIl résulte de ces évolutions une surchauffe qui se diffuse dans l’ensemble de l’aire métropolitaine.Les opérateurs, cherchant de nouvelles niches, investissent le marché des villes moyennes enattendant des rentabilités semblables à celles qu’ils ont obtenues sur l’aire urbaine toulousaine.Cette homogénéisation artificielle déstabilise le marché des villes moyennes.

Enjeu de régulationL’enjeu de régulation réside dans le « refroidissement » du marché par une productionmassive et négociée.

REFROIDIR LE MARCHÉ EN PRODUISANT MASSIVEMENT…La quantité de logements étant largement insuffisante et les prix augmentant rapidement,l’enjeu premier est de relancer la production de logements sur le territoire.

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… DE MANIÈRE NÉGOCIÉEMais cette relance doit avoir lieu de manière négociée. Pour éviter la fuite en avant des prixdu foncier, il faut poser des règles le plus claires possible à une échelle le plus large possible.Il faut aussi faire en sorte que la production soit massive, là où il le faut. Enfin, il faut orienter la production afin de « recaler » l’offre, de la mettre en adéquation avec les besoins du territoire.

Positionnement actuel du système d’action publiqueAucune des collectivités locales observées ne répond à l’enjeu de régulationdéveloppé ci-dessus. Non seulement leurs stratégies ne visent pas à refroidir le marché, mais certaines d’entre elles produisent même l’effet inverse :• le Conseil régional ouvre le jeu sans intervenir réellement. Il n’est en mesure ni d’impulserni d’organiser la production de logements, mais ses différentes politiques (notamment celledu transport) envoient des signaux qui encouragent le marché sans l’orienter ;

• dans le contexte de crise décrit plus haut, le Conseil général joue la « voiture-balai », et se concentre sur les populations les plus en difficulté ;

• la stratégie de l’agglomération du Muretain a tendance à encourager l’emballement du marché en impulsant une production massive de logements sans la maîtriser ;

• le Sicoval joue la carte de la préservation du son territoire, sans se préoccuper des effetsd’une telle politique sur les territoires alentour ;

• l’agglomération du Grand Toulouse amorce quant à elle une politique qui tente de refroidirle marché, notamment en régulant la concurrence entre les promoteurs. Cette politiqueproduira peut-être des effets mais ils seront limités, dans la mesure où l’enjeu de la construction ne se situe pas tant sur le territoire du Grand Toulouse que dans le restede l’aire urbaine, voire métropolitaine ;

• la récente charte inter-SCOT esquisse une répartition de la croissance à l’échelle de l’aire urbaine et de l’aire métropolitaine. Mais l’absence d’outils de mise en œuvre de ces orientations risque de limiter l’impact de cette charte.

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