une expÉrience d'art-thÉrapie À dominante musique et...

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AFRATAPEM Association Française de Recherche et Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine UNE EXPÉRIENCE D'ART-THÉRAPIE À DOMINANTE MUSIQUE ET PEINTURE AU SEIN D'UN ÉTABLISSEMENT D’ACCUEIL POUR ENFANTS ET ADOLESCENTS POLYHANDICAPÉS Mémoire professionnel réalisé pour l'obtention du titre d'art-thérapeute répertorié par l'état au niveau II Présenté par Pierre Lacheray Année 2015 Sous la direction de : Philippe Tailleux directeur des études au Conservatoire de Rouen Lieu de stage : Établissement d'accueil pour enfants et adolescents Tony Larue Chemin de la Poudrière 76120 Le Grand Quevilly

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AFRATAPEMAssociation Française de Recherche et Applications

des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine

UNE EXPÉRIENCE D'ART-THÉRAPIE À DOMINANTEMUSIQUE ET PEINTURE AU SEIN D'UN ÉTABLISSEMENT

D’ACCUEIL POUR ENFANTS ET ADOLESCENTSPOLYHANDICAPÉS

Mémoire professionnel réalisé pour l'obtention du titre d'art-thérapeuterépertorié par l'état au niveau II

Présenté par Pierre Lacheray

Année 2015

Sous la direction de :

Philippe Tailleuxdirecteur des études au Conservatoire de Rouen

Lieu de stage :

Établissement d'accueil pour enfants etadolescents Tony LarueChemin de la Poudrière

76120 Le Grand Quevilly

AFRATAPEMAssociation Française de Recherche et Applications

des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine

UNE EXPÉRIENCE D'ART-THÉRAPIE À DOMINANTEMUSIQUE ET PEINTURE AU SEIN D'UN ÉTABLISSEMENT

D’ACCUEIL POUR ENFANTS ET ADOLESCENTSPOLYHANDICAPÉS

Mémoire professionnel réalisé pour l'obtention du titre d'art-thérapeuterépertorié par l'état au niveau II

Présenté par Pierre Lacheray

Année 2015

Sous la direction de :

Philippe Tailleuxdirecteur des études au Conservatoire de Rouen

Lieu de stage :

Établissement d'accueil pour enfants etadolescents Tony LarueChemin de la Poudrière

76120 Le Grand Quevilly

REMERCIEMENTS

À tous les enfants et adolescents accueillis à l'EEAP Tony Larue pour leur confiance.

Aux professionnels de l'EEAP, en particulier Fabienne Nédelec et Christian Maron, pour leur accueil chaleureux, leur disponibilité et leurs conseils avisés.

Aux enseignants et aux intervenants de l'AFRATAPEM pour le partage de leur expérience.À Christel Letessier-Debrune et Fabrice Chardon pour leur implication, leur sérieux et leur humour.

À Philippe Tailleux pour le temps précieux qu'il a bien voulu m'accorder.

À Sarah pour sa patience infinie et infaillible.

PLAN

REMERCIEMENTS

PLAN................................................................................................................................................GLOSSAIRE....................................................................................................................................

INTRODUCTION...........................................................................................................................1e PARTIE : L'ART-THÉRAPIE À DOMINANTE MUSICALE POURRAIT

FAVORISER L'ENGAGEMENT RELATIONNEL DES ENFANTSPOLYHANDICAPÉS..............................................................................................

I. Le polyhandicap pénalise lourdement l'être humain dans sa vie quotidienne.............. A. L'être humain en bonne santé développe ses capacités physiques,

psychomotrices, comportementales et cognitives.......................................................

1. L'être humain doit satisfaire des besoins fondamentaux pour atteindre un équilibrephysique, psychique et social.................................................................................... a) Virginia Henderson a énuméré quatorze besoins fondamentaux.........................

b) Abraham Maslow a hiérarchisé les besoins en cinq catégories........................... 2. Le développement cognitif et comportemental est lié au développement

psychoaffectif............................................................................................................

3. L'être humain est un individu unique et particulier................................................... a) L'identité donne à l'être humain sa place dans la communauté...........................

b) La personnalité est une organisation dynamique qui détermine la façon de penser et d'agir d'un individu...............................................................................

B. Les pénalités en cascade liées au polyhandicap entraînent l'exclusion.....................

1. Le polyhandicap est un handicap grave à expression multiple................................. a) L'altération des capacités physiques et cognitives altèrent l'autonomie et

l'indépendance.....................................................................................................

b) Le désavantage social créé par le polyhandicap entraîne un sentiment d'être hors norme...........................................................................................................

2. La dégradation irrépressible de l'état de santé se présente comme une maladie dégénérescente...........................................................................................................

a) L'absence de bonne santé diminue la qualité de vie............................................ b) Le polyhandicap restreint considérablement l'espérance de vie ; on peut

supposer que l'angoisse de mort est inhérente à la maladie.................................

3. L'isolement peut être vécu comme une blessure de vie............................................. a) Le placement dans une institution spécialisée limite les interactions sociales à

l'enceinte de l'établissement.................................................................................

b) La dévalorisation et le regard des autres conduisent à une perte de la saveur existentielle..........................................................................................................

C. De l'exclusion peuvent naître des troubles de l'expression, de la communication et de la relation...............................................................................................................

1. Les échanges avec le monde extérieur sont pauvres et perturbés par les retards de développement moteur, sensoriels et cognitif........................................................... a) Le polyhandicap s'accompagne souvent d'une absence de langage verbal.........

b) Les troubles de l'impression retentissent sur l'expression, et réciproquement....

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2. La souffrance psychique due à l'exclusion entraîne des troubles du comportement.

a) On peut supposer que la mauvaise image de soi de l'enfant polyhandicapé affecte l'estime de soi...........................................................................................

b) Les troubles du comportement parasitent la vie quotidienne et les interactions sociales.................................................................................................................

3. La communication et la relation sont altérées par l'isolement................................... a) Le manque de sollicitations entraîne un désinvestissement des relations

sociales et une perte d'élan, et réciproquement....................................................

b) La communication avec les personnes polyhandicapées doit être adaptée pour installer la relation...............................................................................................

II. L'Art est une activité humaine volontaire d'expression................................................... A. L'Art demande une implication physique et psychique de l'artiste..........................

1. L’œuvre d'Art est l'expression du monde intérieur de l'artiste vers le monde extérieur.....................................................................................................................

2. Le corps physique de l'être humain est indispensable à l'existence matérielle de l’œuvre d'Art..............................................................................................................

a) L'Art fait appel aux sens, aux sensations, au ressenti corporel............................ b) La production artistique sollicite la structure corporelle pour exister.................

c) L'élan corporel engage l'artiste dans l'activité..................................................... B. L'Art est orienté vers l'esthétique................................................................................

1. L'Art favorise l'expression du goût............................................................................ a) L'esthétique est la science du beau dans l'Art et la nature...................................

b) Le beau, en art-thérapie moderne, est défini comme ce qui plaît........................ c) La production artistique doit être un juste rapport entre le fond et la forme

pour atteindre l'idéal esthétique...........................................................................

2. L'empreinte de l'artiste caractérise son style............................................................. a) L'artiste met son action au service de l'esthétique...............................................

b) L'artiste se distingue de l'esthète et de l'artisan et propose un point de vue particulier sur le monde.......................................................................................

3. L'engagement de l'artiste dans l'activité artistique lui permet de matérialiser ses envies.........................................................................................................................

C. La musique peut faciliter la relation............................................................................ 1. La musique est une modalité d'échange entre le monde intérieur et le monde

extérieur.....................................................................................................................

a) La musique est une expérience sensorielle et émotionnelle instantanée............. b) La musique éveille la curiosité et l'ouverture au monde.....................................

c) L'écoute musicale est accessible au plus grand nombre et immédiatement........ d) L'être humain est une espèce musicale................................................................

2. La musique est une activité collective au pouvoir fédérateur................................... a) La musique a un pouvoir d'entraînement, un pouvoir relationnel et de

cohésion sociale...................................................................................................

b) La pratique et l'écoute musicales permettent à chacun d'affirmer sa personnalité..........................................................................................................

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c) Les interactions musicales peuvent se passer du langage verbal.........................

3. La musique participe au développent moteur et cognitif.......................................... D. La peinture possède certaines caractéristiques susceptibles d'améliorer la

communication...............................................................................................................

1. La peinture permet une production matérielle........................................................... a) La peinture est un Art diachronique....................................................................

b) La production picturale est un objet autonome................................................... 2. La peinture est un Art visuel, voire tactile.................................................................

a) Pendant la contemplation, la permanence de l’œuvre picturale permet d'établirune distance entre elle et celui qui la regarde......................................................

b) La production picturale sollicite l'élan, la structure et le ressenti corporels........

3. La peinture est un moyen d'expression et de communication...................................

III. L'art-thérapie moderne est une discipline paramédicale originale qui disposed'outils spécifiques............................................................................................................... A. L'art-thérapie moderne exploite le processus artistique pour améliorer la qualité

de vie...............................................................................................................................

1. L'art-thérapie moderne s'appuie sur la partie saine et n'agit pas sur le symptôme.... 2. L'art-thérapeute veut raviver la saveur existentielle par une exploitation adaptée

des pouvoirs de l'Art..................................................................................................

3. Richard Forestier a construit les fondements de l'art-thérapie moderne telle qu'elleest enseignée par l'école de Tours.............................................................................. a) La théorie de l'Art opératoire est une originalité de l'art-thérapie.......................

b) Le phénomène artistique est la partie observable de l'opération artistique......... B. L'art-thérapeute dispose d'outils spécifiques pour mener ses prises en charge......

1. L'art-thérapeute doit suivre un protocole de prise en charge..................................... a) Le patient est indiqué par un médecin ou un membre de l'équipe

soignante/encadrante...........................................................................................

b) L'anamnèse et l'état de base permettent de déterminer des objectifs thérapeutiques......................................................................................................

c) L'art-thérapeute met en place une stratégie pour atteindre les objectifs..............

2. L'art-thérapeute observe et évalue l'évolution du patient dans la prise en charge..... a) La fiche d'observation incite l'art-thérapeute à la vigilance................................

b) Le cube harmonique peut permettre au patient de s'auto-évaluer........................ 3. Le Plan d'Accompagnement de Soin peut permettre de prolonger la séance d'art-

thérapie dans le quotidien du patient.........................................................................

C. L'art-thérapie à dominante musicale peut faciliter les rapports humains avec les enfants polyhandicapés................................................................................................. 1. La musique crée des interactions entre l'art-thérapeute et l'enfant polyhandicapé....

a) L'audition des enfants polyhandicapés est généralement préservée ;la musique permet d'exploiter cette compétence pour la valoriser......................

b) L'ouverture culturelle à la musique modifie le quotidien des jeunes accueillis et leur offre une fenêtre sur l'extérieur.................................................................

c) La musique mobilise la sphère émotionnelle......................................................

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2. L'art-thérapie permet d'exploiter certains effets de la musique pour raviver la communication et la relation avec les enfants polyhandicapés................................. a) Le pouvoir d'entraînement de la musique peut permettre de restaurer l'élan

chez les enfants polyhandicapés..........................................................................

b) Les gratifications sensorielles vécues en séances d'art-thérapie à dominante musicale peuvent provoquer des manifestations comportementales surprenantes et inattendues..................................................................................

c) La musique peut faciliter l'expression des enfants polyhandicapés....................

3. L'enfant polyhandicapé a besoin de repères spatio-temporels ; la musique est un outil structurant qui peut l'épauler dans sa recherche d'autonomie...........................

IV. La musique, exploitée en art-thérapie, peut être un outil privilégié de communication et de relation avec les enfants polyhandicapés......................................

A. Des études récentes en neurosciences prouvent les effets positifs de la musique sur le cerveau humain................................................................................................... 1. La musique stimule la plasticité cérébrale et permet de remobiliser l'individu sur

les parties saines du cerveau......................................................................................

2. La musique résiste aux atteintes cérébrales............................................................... B. Il existe peu de travaux de recherche en art-thérapie à dominante musicale avec

des enfants polyhandicapés...........................................................................................

1. Nolwenn Plouzennec a travaillé la communication et la relation avec des femmes adultes polyhandicapées grâce à la musique............................................................. a) La musique semble renforcer la dynamique relationnelle entre l'art-thérapeute

et les patientes......................................................................................................

b) Les résultats en terme d'implication dans l'atelier d'art-thérapie ne sont pas toujours probants.................................................................................................

2. Ingrid Andreyitch a expérimenté les arts plastiques en art-thérapie avec des personnes polyhandicapées........................................................................................

C. Pourtant, au vu de ses caractéristiques, l'art-thérapie à dominante musicale, semble pertinente pour encourager et renforcer la communication et la relation avec les enfants polyhandicapés................................................................................... 1. La musique peut tenter de compenser l'absence de langage verbal pour entrer en

relation avec les enfants polyhandicapés...................................................................

2. L'art-thérapeute est un artiste qui peut jouer de la musique vivante.........................

2e PARTIE : LA MISE EN PLACE D'UN ATELIER D'ART-THÉRAPIE ÀDOMINANTE MUSICALE AU SEIN DE L'EEAP TONY LARUE APERMIS DE VÉRIFIER CETTE HYPOTHÈSE.................................................

I. L'EEAP est un lieu d'accueil adapté aux enfants polyhandicapés..................................

A. L'EEAP est un établissement de type IME................................................................. 1. L'EEAP est géré par l'APAJH76................................................................................

a) L'APAJH est une association loi 1901................................................................. b) Le projet associatif ne concerne pas seulement l'EEAP......................................

2. L'établissement n'a pas toujours accueilli des enfants polyhandicapés..................... a) La structure a ouvert en 1974..............................................................................

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b) L'enfant polyhandicapé est au cœur de la mission et du projet d'établissement de l'EEAP.............................................................................................................

B. La prise en charge des enfants polyhandicapés répond à certaines exigences.........

1. Une équipe pluridisciplinaire est nécessaire.............................................................. a) L'équipe éducative encadre les jeunes au quotidien............................................

b) L'équipe médicale et paramédicale est complémentaire de l'équipe éducative dans la connaissance du public accueilli.............................................................

2. Les locaux sont adaptés à la vie des enfants polyhandicapés....................................

C. L'organisation de l'EEAP dépend des besoins des jeunes polyhandicapés.............. 1. Le quotidien est ritualisé............................................................................................

a) Les tâches de "nursing" sont omniprésentes........................................................ b) Les activités sont proposées de façon régulière...................................................

2. La prise en charge est collective mais individualisée................................................ a) La vie en groupe est incontournable à l'EEAP.....................................................

b) Les projets individualisés propres à chaque jeune permettent d'établir des objectifs personnalisés.........................................................................................

II. Un atelier d'art-thérapie a pu être mis en place à l'EEAP Tony Larue..........................

A. L'atelier d'art-thérapie est mis en place en partenariat avec l'équipe encadrante. 1. Recueillir des informations théoriques avant de commencer les prises en soin est

indispensable.............................................................................................................

a) La consultation des synthèses et projets individualisés apporte des renseignements précieux......................................................................................

b) Les échanges avec les professionnels complètent les données collectées...........

2. L'établissement a mis à ma disposition un lieu confortable, pratique et fixe............ 3. En l'absence de médecin, c'est l'équipe éducative qui indique les patients en art-

thérapie......................................................................................................................

B. Les prises en soin ont été pensées et organisées en amont du second stage.............. 1. Le nombre de patients a volontairement été limité à six pour un travail en

profondeur..................................................................................................................

a) Les enfants pris en charge ont pu bénéficier de séances quasi quotidiennes....... b) Les séances ont eu lieu à horaires réguliers, dans la mesure du possible............

2. La disposition de l'atelier est évidemment adaptée à l'accueil des enfants polyhandicapés..........................................................................................................

III. Deux études de cas cliniques détaillées illustrent comment les séances d'art-thérapie ont favorisé la communication et la relation......................................................

A. Bowie est un jeune adolescent possédant des capacités cognitives plus élevées quela moyenne de l'EEAP................................................................................................... 1. Bowie est indiqué en art-thérapie pour tenter d'améliorer son comportement et sa

communication..........................................................................................................

2. L'anamnèse et l'état de base précisent le type de polyhandicap de Bowie ainsi que ses compétences.........................................................................................................

3. La prise en charge art-thérapeutique servira les objectifs de l'institution..................

a) Le personnel de l'EEAP incite Bowie à respecter le cadre et les consignes et

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accompagne son développement.........................................................................

b) Les séances d'art-thérapie devront encourager la participation active de Bowieet solliciter sa communication verbale................................................................

4. La stratégie thérapeutique s'appuie sur les goûts et les capacités d'apprentissage de Bowie pour favoriser l'expression........................................................................

5. Bowie a bénéficié de 7 séances d'art-thérapie........................................................... a) Les 2 premières séances permettent d'établir la relation entre Bowie et l'art-

thérapeute.............................................................................................................

b) Bowie participe activement et spontanément aux séances d'art-thérapie............ c) À la demande de Bowie, la septième et dernière séance est à dominante

picturale...............................................................................................................

6. L'évaluation de l'évolution des items observés montre les effets positifs de l'atelierd'art-thérapie auprès de Bowie.................................................................................. a) Le premier faisceau d'items évalue l'expression-communication.......................

b) Le second faisceau d'items évalue la communication-relation............................ 7. La prise en charge art-thérapeutique de Bowie a atteint ses objectifs et étayent

l'hypothèse.................................................................................................................

B. Elliott doit sortir de son isolement et exploiter toutes ses capacités.......................... 1. Elliott est indiqué en art-thérapie pour encourager sa prise d'initiative et

contribuer à son développement................................................................................

2. L'anamnèse et l'état de base d'Elliott mettent en lumière des capacités trop peu exploitées...................................................................................................................

3. Les objectifs art-thérapeutiques sont complémentaires des objectifs institutionnels.............................................................................................................

a) L'EEAP tend à développer la socialisation d'Elliott, entre autres en diminuant ses stéréotypies, pour le tourner vers le monde...................................................

b) Les séances d'art-thérapie viseront la prise d'initiatives et la bonne utilisation du fauteuil et d'instruments..................................................................................

4. La stratégie thérapeutique envisagée sollicite les capacités cognitives et motrices d'Elliott grâce aux gratifications sensorielles produites par la musique....................

5. Elliott a bénéficié de 10 séances d'art-thérapie..........................................................

a) Les deux premières séances permettent de faire connaissance........................... b) Elliott réagit à mes propositions..........................................................................

c) La possibilité de se déplacer à l'aide du trotte-lapin marque un tournant dans la prise en charge.................................................................................................

6. L'évaluation illustre l'investissement d'Elliott et son intérêt pour l'atelier d'art-thérapie......................................................................................................................

a) Un premier faisceau d'items évalue l'expression-communication-relation......... b) Un second faisceau d'items évalue l'autonomie-indépendance...........................

7. Grâce à la relation privilégiée établie entre l'art-thérapeute et lui, Elliott a fait des progrès au cours de la prise en soin...........................................................................

IV. Un bilan général des prises en charge valide un peu plus l'hypothèse..........................

A. Des tableaux rendent compte succinctement des quatre autres prises en soin effectuées pendant mon stage.......................................................................................

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1. La prise en charge d'Amadeus a été interrompue......................................................

2. Norah a accès au langage verbal mais a tendance à s'enfermer dans des stéréotypies................................................................................................................

3. Les séances d'art-thérapie avec James s'inscrivent dans une démarche palliative etde confort...................................................................................................................

4. Beth est une enfant discrète qui a accès a peu d'activités.......................................... B. Le bilan global des prises en charge permet de vérifier l'hypothèse annoncée,

mais aussi de la nuancer................................................................................................

3e PARTIE : LA MISE EN PLACE D'UN PLUS GRAND PROJET ARTISTIQUE ETART-THÉRAPEUTIQUE À L'EEAP PERMETTRAIT PEUT-ÊTRE DE

CONFIRMER LES RÉSULTATS OBTENUS..................................................................

I. Les résultats des évaluations doivent être relativisés......................................................A. Les résultats sont observables en séance d'art-thérapie principalement.................

1. Les effets positifs observés au cours des séances d'art-thérapie ne sont pas flagrants au quotidien................................................................................................

2. Le travail avec un public polyhandicapé est un travail de longue haleine................

B. Les certitudes sont à bannir dans le travail avec les enfants polyhandicapés..........1. Les réactions observées peuvent être seulement liées à la pathologie......................

2. En l'absence de langage verbal, les items observés peuvent être sujets à l'interprétation............................................................................................................

C. Telle qu'abordée en stage, les enfants polyhandicapés ne peuvent pratiquer la musique en autonomie...................................................................................................

1. Un Plan d'Accompagnement de Soin pourrait permettre aux jeunes d'utiliser davantage les instruments de musique présents dans leur groupe.............................

2. La conception d'instruments adaptés en partenariat avec l'équipe pourrait faire de la musique un véritable outil de communication.......................................................

II. L'engagement relationnel est un vaste champ d'action...................................................A. La musique peut améliorer l'engagement relationnel chez d'autres publics...........

1. Dans ma pratique personnelle, j'ai déjà pu constater le pouvoir relationnel de la musique......................................................................................................................a) L'animation musicale avec les enfants ou des adolescents atteints de troubles

psychiques peut raviver l'estime de soi...............................................................

b) La musique vivante avec des instruments puissants gratifie les enfants malentendants de sensations inhabituelles..........................................................

2. Des études neuroscientifiques font état des effets positifs de la musique dans l'engagement relationnel de personnes démentes......................................................

B. D'autres techniques artistiques peuvent favoriser l'engagement relationnel...........1. Les arts plastiques permettent de laisser une trace....................................................

a) La mémoire des personnes polyhandicapées doit être soutenue.........................b) Les arts plastiques peuvent améliorer l'autonomie..............................................

2. Le conte fait appel à l'imagination et est adapté aux enfants.....................................III. La production d'un spectacle mêlant plusieurs techniques artistiques permettrait de

réunir usagers et encadrants au sein d'un projet commun..............................................

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A. La représentation n'est pas forcément le but premier de l'art-thérapie..................

1. Le spectacle serait un prétexte pour présenter concrètement l'art-thérapie aux professionnels mais surtout pour engager les jeunes dans un projet à long terme....

2. La relation soignant-soigné serait renforcée..............................................................

3. Le Plan d'Accompagnement de Soin serait alors une évidence et l'évaluation pourrait persister dans le quotidien des enfants, indépendamment de la présence de l'art-thérapeute......................................................................................................a) Une fiche d'observation simple et quotidienne pourrait être mise en place........

b) Une pratique artistique régulière devrait permettre de consolider les progrès des enfants polyhandicapés.................................................................................

B. Les musiques actuelles sont un élément culturel présent dans le quotidien des jeunes et de l'équipe pluridisciplinaire........................................................................

1. L'utilisation d'instruments adaptés valoriserait la production des enfants polyhandicapés..........................................................................................................

2. Les répétitions du spectacle permettraient la mise en place d'ateliers collectifs particulièrement pertinents pour la mise en relation des jeunes entre eux................

3. D'autres techniques artistiques sont déjà exploitées à l'EEAP, dans un cadre éducatif ou d'animation..............................................................................................

C. Ce projet serait un enjeu temporel et financier très important................................

1. Les professionnels de l'EEAP devront s'engager autant que les enfants...................2. L'art-thérapeute pourrait se charger de la coordination du projet..............................

CONCLUSION................................................................................................................................

LISTE DES SCHÉMAS ET GRAPHIQUES................................................................................RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES......................................................................................

LISTE DES ANNEXES...................................................................................................................RÉSUMÉ..........................................................................................................................................

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GLOSSAIRE

Les termes signalés dans le texte par un astérisque lors de leur première occurrence sont ici définis.En l'absence de référence, les définitions sont issus des cours reçus en formation à l'AFRATAPEM*ou de ma culture personnelle.

• Sigles

AFRATAPEM : Association Française de Recherche et d'Application des Techniques Artistiquesen Pédagogie et MédecineAMP : Aide Médico-PsychologiqueAPAJH : Associations Pour Adultes et Jeunes HandicapésCIH : Classification Internationale de HandicapsCTNERHI : Centre Technique National d'Études et de Recherches sur les Handicaps et lesInadaptationsEEAP : Établissement pour Enfants et Adolescents polyhandicapésIME : Institut Médico-ÉducatifIRCAM : Institut de Recherche et Coordination Acoustique/MusiqueMDPH : Maison Départementale de la Personne HandicapéeOMS : Organisation Mondiale de la Santé

• Définitions

Accident Vasculaire Cérébral (AVC) : Manifestation neurologique aiguë en rapport avec unprocessus ischémique ou hémorragique dans le territoire d’une artère à destinée cérébrale.Habituellement grave et souvent irréversible. [Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, en ligne]Affect : En clinique, ensemble des manifestations affectives caractérisées par leur nature agréableou désagréable, qu'elles soient vagues, définies ou, comme les émotions, intenses. [Dictionnairemédical de l'Académie de Médecine, en ligne]Tuilage, superposition ressenti/représenté, saveur/savoir.Affirmation de soi : Donner son avis, affirmer ses goûts. Expression en lien avec les autres. (cfAnnexe IV)Alzheimer (maladie d') : Affection cérébrale dégénérative responsable de troubles cognitifs etcomportementaux qui retentissent sur l’autonomie du malade. [Dictionnaire médical de l'Académie deMédecine, en ligne]Amour de soi : Sentiment lié à la capacité à être et à éprouver du plaisir à être. (cf Annexe IV)Anamnèse : Reconstitution de l'histoire pathologique d'un malade, au moyen de ses souvenirs et deceux de son entourage, en vue d'orienter le diagnostic ; les données de cette reconstitution.[Lexicographie du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, en ligne]Art : Activité volontaire d'expression humaine orientée vers l'esthétique.Art-thérapie (moderne) : Exploitation du potentiel artistique dans une visée humanitaire et/outhérapeutique.Autonomie : Vient des racines "auto : lui-même" et "nomos : loi". État d'une personne capable dese gouverner avec ses propres lois, de faire des choix. Il s'agit d'une notion d'autodétermination faceaux choix que chacun doit pouvoir obtenir, tant par sa propre raison que par l'octroi de la liberté dechoix offerte par la société. [DE BROCA Alain. Le développement de l'enfant : Aspects neuro-psycho-sensoriels.4e édition. Issy-les-Moulineaux : Éditions Elvesier Masson, 2009.]Baschet (instrument) : Du nom de leurs concepteurs, François et Bernard Baschet. Structuresonore originale constituée d'un grand résonateur en résine sur lequel est fixée une partie métalliquequi peut être jouée à la main ou l'aide d'un médiateur. Son usage ne nécessite aucun bagagetechnique particulier.

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Basse électrique : Instrument à cordes, amplifié à l'aide de micro(s), conçu selon le même principeque la guitare électrique. Nécessite d'être relié à un ampli.Bien-être : Sentiment de satisfaction des besoins du corps et de l'esprit.Bonne santé : État de complet bien-être physique, mental et social, et qui ne consiste pas seulementl'absence de maladie ou d'infirmité. [OMS]BoomWhackers® : Signifie "tubes-à-sons". En plastiques fin, ils permettent d'obtenir des hauteursfacilement discernables et sont très exactement accordés.Cabassa : instrument originaire d'Amérique du Sud constitué d'une surface métallique cylindriquesur laquelle sont attachés des "colliers" de petites billes métalliques que l'on tient dans la paume. Letout est fixé sur un manche. [Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Cible thérapeutique : Élément précis sur lequel va porter l'action thérapeutique. La cible est"touchée" par un signal, et ainsi sa fonction et son attitude sont changées.Communication : Échange successif d'informations, l'un après l'autre.Confiance en soi : Se reconnaître une capacité à agir et à se projeter dans l'avenir. Sentiment desécurité qui permet de s'engager dans un projet. (cf Annexe IV)Corps calleux : Commissure interhémisphérique néo-palliale formant une lame de substanceblanche convexe dans le sens antéro-postérieur. [Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, en ligne]Cymbalette : Petite cymbale fixée sur le bord d'un tambourin ou d'une couronne.Delay : Retard, écho correspondant à une réflexion d'une onde sonore qui se répète et qui atteintl'oreille de l'auditeur après un certain délai. [Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Dépendance : Vient de "dependere : être attaché à" ; besoin d’aide dans les actes essentiels de la viequotidienne. [Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, en ligne]V. Henderson la définit comme une incapacité à satisfaire ses besoins fondamentaux, soit parmanque de force physique, manque de volonté ou manque de connaissances.Déficience : Perte de substance ou altération d'une structure ou fonction psychologique,physiologique ou anatomique. [OMS, CIH, 1988]Développement : Processus continu de retrait des enveloppes qui masquaient les potentialités d'unindividu pour lui permettre une évolution, une amélioration, une expansion. [DE BROCA Alain. Ledéveloppement de l'enfant : Aspects neuro-psycho-sensoriels. 4e édition. Issy-les-Moulineaux : Éditions ElvesierMasson, 2009.]Distorsion : Effet obtenu par un écrêtage du signal, une déformation parasite du signal électriquecompressée.Douleur : Sensation physique anormale et pénible ressentie dans une partie du corps ; elle estsubjective. Pénalité sanitaire.Émotion : Réaction biologique instantanée et incontrôlable de notre corps à un événement enréponse à un ressenti.Engagement : Envie ou désir d’une personne d’assumer ou de réaliser une attitude.Épilepsie : Affection chronique dont l’unité pathologique est représentée par la survenue de crisesnon provoquées qui vont se répéter plus ou moins fréquemment, plus ou moins longtemps, au coursde la vie d’un individu. [Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, en ligne]Estime de soi: La valeur que l'on se donne, se dire que l'on est digne d'intérêt. (cf Annexe IV)Exclusion : Éviction de quelqu'un ou de quelque chose d'un lieu où il avait primitivement accès,d'un groupe ou d'un ensemble auquel il appartenait. [Lexicographie du Centre National de RessourcesTextuelles et Lexicales, en ligne]Exister : Avoir une matérialité, une réalité ; le fait d'être.Expression : Modalité d’extériorisation des états, sentiments et contenus de l’esprit et des pensées.Peut être à visée communicante. [FORESTIER Richard, Petit Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine,C.E.S.A.M./AFRATAPEM, 2015, en ligne]Faculté critique : Donner un avis objectif (le modèle de référence est à l’extérieur de soi).[FORESTIER Richard, Petit Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine, C.E.S.A.M./AFRATAPEM, 2015, en ligne]Comprendre qu'il y a une différence.

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Faculté de critique : Donner un avis subjectif. (le modèle de référence est à l’intérieur de soi).[FORESTIER Richard, Petit Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine, C.E.S.A.M./AFRATAPEM, 2015, en ligne]Gastrostomie : Création par voie chirurgicale ou endoscopique, à titre provisoire ou permanent,d’une ouverture de la paroi gastrique, communiquant avec l’extérieur. [Dictionnaire médical del'Académie de Médecine, en ligne]Glockenspiel : Instrument de percussion constitué de lames en acier disposées comme le clavierd'un piano. Le son est produit en utilisant deux maillets durs pour produire un son brillant.[Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Guiro : Instrument de percussion constitué d'une calebasse évidée. On en joue en utilisant unepetite baguette qui frotte les rainures qui y sont gravées. [Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Handicap : Désavantage social pour un individu donné qui résulte d'une déficience ou d'uneincapacité qui limite ou interdit l'accomplissement d'un rôle normal (en rapport avec l'âge, le sexe,les facteurs sociaux et culturels). [OMS, CIH, 1988]Identité : De la racine « idem : le même » ; qui évoque que deux objets sont similaires, analoguesou assimilables. [DE BROCA Alain. Le développement de l'enfant : Aspects neuro-psycho-sensoriels. 4e édition.Issy-les-Moulineaux : Éditions Elvesier Masson, 2009.]Impression : Réaction physique ou psychologique résultante de l’impact d’un élément extérieur.[FORESTIER Richard, Petit Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine, C.E.S.A.M./AFRATAPEM, 2015, en ligne]Incapacité : Réduction (résultant d'une déficience), partielle ou totale, de la capacité d'accomplirune activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain.[OMS, CIH, 1988]Indépendance : En médecine, situation d’une personne qui, parfois, en dépit d’une infirmité, estcapable d’accomplir seule, sans faire appel à une autre, les gestes de la vie courante : s’alimenter,s’habiller, se laver, etc. [Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, en ligne]Selon V. Henderson, capacité à satisfaire seul ses besoins fondamentaux pour maintenir un équilibrede santé.Intention : Juste rapport entre la stimulation et le sentiment qui en résulte, et le but.Item : Plus petite unité observable qui se rapporte à des faits précis révélateurs d'une difficulté. Ilest le fondement de l'évaluation.Kutu-wapa® : Instrument en dural qui produit une note à résonance très longue, tandis que lepouce active/désactive le résonateur sympathique, ce qui provoque un effet de wah-wah surprenant.Maladie : Dysfonctionnement d’origine psychologique, physique ou/et sociale, qui se manifestesous différentes formes. [OMS]Maracas (œuf) : Instrument de percussion qui contient de petites graines ou des billes de grenaillesqui crépitent quand on le secoue. [Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Multipad : Machine constituée de plusieurs tampons larges et sensibles à la dynamique permettantde déclencher différentes sonorités.Normal : Conforme à la majorité des cas.Octaver : Effet qui permet de doubler la ou les notes jouées à une ou deux octaves en-dessous.[Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Overdrive : Effet de saturation du signal sonore, sans compression, plus dynamique que ladistorsion.Parkinson (maladie de) : Affection neurodégénérative liée à une perte neuronale affectantprincipalement les neurones dopaminergiques du mésencéphale, et essentiellement mais nonexclusivement la substance grise. [Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine, en ligne]Pénalité : Obstacle par rapport à la bonne santé et au bien-être.Perception : Acte de prendre connaissance par les sens, de prendre conscience de la sensation. Letraitement mental est impliqué.Personnalité : Organisation dynamique d'un individu avec ses aspects intellectuels, affectifs,physiologiques et morphologiques. [DE BROCA Alain. Le développement de l'enfant : Aspects neuro-psycho-sensoriels. 4e édition. Issy-les-Moulineaux : Éditions Elvesier Masson, 2009.]Plurihandicap : Association circonstancielle de deux ou plusieurs handicaps avec conservation des

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facultés intellectuelles. [CTNERHI] Le niveau d'atteinte des différents handicaps est de mêmecoefficient.Qualité de vie : La perception qu'a un individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de laculture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, sesnormes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe lasanté physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relationssociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement. [OMS]Relation : Échange simultané d'informations, l'un avec l'autre ; interaction hors-verbale.Saveur existentielle : Plaisir perçu et ressenti lié au fait d'exister, de se sentir vivant.Sentiment : Coloration affective d'une émotion au regard de nos connaissances. Ce ressenti duregénéralement dans le temps.Shékéré : Instrument de percussion constitué d'une calebasse sur laquelle est posée une maillecomportant des perles.Short scale : Signifie diapason court. L'instrument est plus petit que la normale.Site d'action : Mécanisme défaillant de l'être humain.Souffrance : Dysharmonie entre bien-être et bonne santé. Pénalité existentielle.Snoezelen : Concept développé par deux Hollandais dans les années 1970 d'exploration sensorielleet de détente et plaisir. On y fait appel aux cinq sens.Spasticité : Contraction d’un muscle ayant tous les caractères d’un spasme. [Dictionnaire médical del'Académie de Médecine, en ligne]Provoque une raideur des membres.Stéréotypie : Ensemble de phrases, attitudes, gestes, tics sans signification apparente,inlassablement reproduits au point d’entraîner parfois des lésions. [Dictionnaire médical de l'Académie deMédecine, en ligne]Surhandicap : Surcharge de troubles du comportement sur handicap grave préexistant. [CTNERHI]Vivre : Ensemble de phénomènes avec des fonctions essentielles, présents de la naissance à lamort ; implique des échanges et des mouvements permanents.Tambourin : Petit tambour sur cadre, composé d'un cercle de bois sur lequel une peau est tendue.[Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Thérémine : Un des plus anciens instruments de musique électronique, composé d'un boîtierélectronique équipé de deux antennes. Il a la particularité de produire de la musique sans aucuncontact physique de l'instrumentiste. [Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]Trigger : élément servant à numériser les sons d'une batterie acoustique en captant les impacts et endéclenchant un son via un module.Trotte-lapin : Bloc de mousse dense accroché entre les cuisses pour maintenir les membresinférieurs en abduction afin d'éviter les problèmes orthopédiques. Il permet de corriger la positionsans interdire les mouvements et les jeux habituels de l'enfant.Verbal : Qui concerne les mots, se rapporte aux mots. [Lexicographie du Centre National de RessourcesTextuelles et Lexicales, en ligne]Xylophone : Instrument de percussion comportant deux rangées de lames en bois disposées commeles touches d'un piano. [Dictionnaire de musique « pianoweb.fr », en ligne]

• Biographies

Baumgarten, Alexander Gottlieb (1714-1762) : Philosophe allemand, disciple de Leibniz et deChristian Wolff. Il fut le premier à employer le terme d'esthétique pour désigner la théorie du beaudans son ouvrage Aesthetica (volume I en 1750, volume II en 1758)Henderson, Virginia (1897-1996) : Infirmière américaine du XXe siècle. Sa conception du soinconsistait à traiter une personne plutôt qu'un organe ou une maladie. Sa définition des soinsinfirmiers de base s’applique à tous les malades mais aussi à tous les milieux (foyers, hôpitaux,

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écoles, usines...) et concerne aussi bien la prévention que la guérison.Maslow, Abraham (1908-1970) : Psychologue américain du XXe siècle qui fut à l'origine, avecCarl Rogers, des théories humanistes dans lesquelles l'humain est vu comme un êtrefondamentalement bon se dirigeant vers son plein épanouissement.Poletti, Rosette (1938-) : Infirmière suisse en soins généraux et psychiatrie.Wood, Philip (1928-2008) : Épidémiologiste et rhumatologue britannique.

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INTRODUCTION

Mon intérêt pour l'art-thérapie* ne date pas d'hier. Il s'était manifesté il y a une quinzained'années, à la fin de l'adolescence. J'avais cependant privilégié mon épanouissement personnel etavais poussé mes études musicales au conservatoire. J'ai d'abord préféré développer ma vie d'artiste,et j'ai ensuite voulu transmettre cette expérience en exerçant le métier de professeur de basseélectrique. Mon parcours de musicien est donc une histoire de partage. Avec mes professeurs enpremier lieu, puis avec les musiciens avec qui j'ai collaboré, et enfin, avec mes élèves en tant queprofesseur à mon tour. Mon expérience des musiques actuelles m'a toujours conduit à considérer lamusique comme une activité collective. Grâce à la pratique de groupe évidemment, mais aussi etsurtout grâce à la représentation publique et au partage avec les auditeurs. Ce point de vue sur monactivité artistique m'a amené à intervenir ponctuellement auprès de publics en difficulté. Si j'étaisdéjà convaincu des effets bénéfiques de la musique pour ces personnes, je ressentais le besoin deconstruire des outils scientifiques pertinents pour mieux les mettre en œuvre et en évaluer lesconséquences. Après quelques recherches de formation, je me suis orienté vers la préparation à lacertification d'art-thérapeute dispensée par l'AFRATAPEM*. L'approche de l’École de Tourscentrée sur l'être humain tel qu'il se présente à nous est en accord avec ma sensibilité.

J'avais donc eu l'occasion d'animer des ateliers musicaux auprès d'hommes incarcérés en maisond'arrêt, d'enfants atteints de troubles psychiques et d'enfants polyhandicapés. Je dois avouer que lesdifficultés rencontrées par ces derniers me paraissaient réellement insurmontables, et j'imaginaismal ce que la musique pourrait bien leur apporter, alors qu'ils semblaient si démunis face à tout actede la vie quotidienne. C'est pourtant vers eux, un peu au hasard des rencontres, que s'est orientée mapratique clinique. Mon premier entretien avec Fabienne Nédelec et Christian Maron, respectivementdirectrice adjointe et éducateur spécialisé à l'EEAP* Tony Larue, fut décisif, tant leur enthousiasmeet leur conviction des bienfaits possibles de la musique exploitée en art-thérapie étaientcommunicatifs. C'est donc dans cet établissement qu'eurent lieu mes deux stages pratiques.

Certains moments vécus au contact des jeunes polyhandicapés furent indescriptibles. Parfoisdifficiles, émotionnellement, moralement, voire physiquement. Mais souvent chaleureux,passionnants et passionnés dans l'échange. J'ai rencontré des enfants animés d'une « intelligencesensible » et d'une « capacité d'attachement »1 intense, liée à leurs besoin et envie de communiquerparfois méconnus, ou en tout cas souvent inassouvis.

La première partie de ce mémoire a pour point de départ l'être humain, le cœur du métier d'art-thérapeute, et ce moyen d'expression* particulier dont il dispose qu'est l'Art. Plus précisément lamusique. Certains de ses pouvoirs peuvent-ils répondre aux souffrances des enfants et adolescentspolyhandicapés ? Est-elle en mesure d'influer sur leur comportement et sur leurs relations avecnous ? J'émets l'hypothèse que la musique, exploitée en art-thérapie, pourrait favoriserl'engagement* relationnel des enfants polyhandicapés.La deuxième partie décrit ma pratique clinique. En stage, j'ai pris en charge six enfants au cours deséances individuelles. Je développe deux études de cas détaillées et compare les résultats desévaluations à l'hypothèse émise plus haut.

Enfin, dans la troisième partie, après avoir constaté les limites de la pratique art-thérapeutique dans le cadre du stage, je réfléchis à des moyens complémentaires afin de prolonger les effets dans le quotidien des enfants polyhandicapés.

1 ZUCMAN Élisabeth. L’accompagnement des jeunes polyhandicapés : évolutions, adaptations. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation - Hors série n°6. p.9

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1e PARTIE : L'ART-THÉRAPIE À DOMINANTE MUSICALE POURRAIT FAVORISER L'ENGAGEMENT RELATIONNEL DES ENFANTS POLYHANDICAPÉS.

I. Le polyhandicap pénalise lourdement l'être humain dans sa vie quotidienne.

A. L'être humain en bonne santé* développe ses capacités physiques, psychomotrices,comportementales et cognitives. 1. L'être humain doit satisfaire des besoins fondamentaux pour atteindre un équilibre

physique, psychique et social.

a) Virginia Henderson* a énuméré quatorze besoins fondamentaux.

Tout homme, malade ou en bonne santé, présente quatorze besoins fondamentaux etuniversels qui, mêmes satisfaits constituent toujours des besoins. Plutôt qu'un manque, un besoin estune nécessité, une exigence d'ordre vital, fonctionnel et pragmatique qui se manifeste sous forme desensation ou de comportement. Chaque besoin a des dimensions biologiques, physiologiques,psychologiques, sociales, culturelles et spirituelles.

Henderson* a élaboré un modèle selon lequel les besoins fondamentaux de l'être humainpeuvent être classés selon une liste ordonnée2. Un besoin ne peut être atteint que si les besoinsprécédents sont déjà satisfaits. Chaque besoin peut être évalué par le professionnel qui dispense lessoins.

b) Abraham Maslow* a hiérarchisé les besoins en cinq catégories3.

Ce sont les besoins qui créent la motivation de l'être humain. Derrière chaque motivation secache un besoin fondamental que l'être humain cherche à satisfaire pour s'élever ensuite vers lesbesoins psychologiques et affectifs d'ordre supérieur. Les deux premiers niveaux constituent lesbesoins de base qui, s'ils sont satisfaits, permettent l'émergence des besoins secondaires dedéveloppement et de recherche de réalisation de soi. Deux catégories peuvent donc êtredistinguées : les besoins de survie, qui sont limités mais imposés par l'impérieuse nécessité, et lesbesoins d'épanouissement, qui sont infinis mais relatifs. La non satisfaction des besoins de base,engendre souffrance, anxiété, régression et repli sur soi, pouvant se traduire en maladie* somatiqueou psychique.

Rosette Poletti* a inséré au troisième niveau le besoin de propriété. C'est le premier besoind'épanouissement. Il n'est pas naturel, ni inné, mais social.

2. Le développement* cognitif et comportemental est lié au développementpsychoaffectif.

L'enfance construit l'être humain. Le cerveau de l'enfant, immature, très fragile et plastiquese développe surtout dans les cinq premières années, sous la dépendance de processus génétiques etenvironnementaux. Toute expérience relationnelle modifie donc en permanence et en profondeur lecerveau cognitif et le cerveau affectif de l'enfant. Son développement psychoaffectif impliquetotalement les personnes environnantes. Les parents en premier lieu, doivent être à l'écoute desémotions* de l'enfant et lui apprendre à exprimer et contrôler ses sentiments*. La maturationcérébrale avec le cortex orbito-frontal se termine à l'adolescence, jusqu'à la troisième décade de lavie. Mais en réalité, la formation du système nerveux n'est jamais vraiment achevée. Cette plasticitédonne au cerveau ses capacités d'apprentissage permanent et sa mémoire. C'est cet inachèvementqui permet à l'environnement, à l'expérience, au vécu, d'imprimer une marque personnalisée et de

2 Cf. Annexe I : Les quatorze besoins fondamentaux de l'être humain selon Virginia Henderson.3 Cf. Annexe II : La pyramide des besoins selon la théorie d'Abraham Maslow.

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diversifier même le plus élémentaire des comportements.4

L'adulte est un modèle pour l'enfant, qui imitera ses gestes et ses attitudes grâce auxneurones miroirs. Mais l'adulte est aussi une stimulation qui vient perturber temporairementl'équilibre de l'enfant. Le fait de se réorganiser pour rétablir cet équilibre constitue une nouvellesource de contentement que l'enfant va mémoriser. Tout son environnement constitue pour lui plusqu'une simple information et la socialisation est essentiel à son développement cognitif, au mêmetitre que l'alimentation et les divers soins.

3. L'être humain est un individu unique et particulier. a) L'identité* donne à l'être humain sa place dans la communauté.

« Une personne reste la même en tant qu'être humain, en tant que sujet avec une naissance etune mort (à venir ou déjà atteinte), quels que soient le temps et son évolution dans le temps alorsqu'elle est si différente au fil des jours biologiquement et physiologiquement. »5 Cette identitéimmuable commune à tous mais propre à chacun réunit les êtres humains dans la société. Cet« individu social extrême »6 y développe ses relations avec les autres, en échangeant et enpartageant pour devenir sociable. « L'homme ne peut être l'homme que parce qu'il y a l'autre »7, il abesoin de l'autre pour mieux s'en distinguer. Et l'identité illustre cette complexité puisque, en tantque concept légal, elle traduit une appartenance à un corps social, tout en étant la caractéristique dusujet qui en fait un être totalement dissemblable, différent d'un autre sujet.

b) La personnalité* est une organisation dynamique qui détermine la façon depenser et d'agir d'un individu.

« La personnalité peut être conçue comme l'identité passée au filtre de la culture. »8 Elle estmouvante et se dégage progressivement de l’ensemble des comportements et des sentiments del'individu pour lui permettre de se sentir et de pouvoir se dire unique. Elle prend tout son sens aucontact de l'autre et à travers son regard. Elle peut être le résultat d’une série d’identifications à despersonnes extérieures et d’appropriations de rôles, de statuts et de fonctions dans la société danslaquelle un individu évolue ou pense pouvoir évoluer.

« Il faut distinguer la personnalité, les comportements liés à l'âge et la pathologie. »9 Lamaladie ou le handicap* font partie de la personnalité. Ils sont un aspect intellectuel, physiologiqueou morphologique de l'individu, et influe le développement de sa personnalité sans pour autant enêtre son unique caractéristique.

B. Les pénalités* en cascade liées au polyhandicap entraînent l'exclusion*. 1. Le polyhandicap est un handicap* grave à expression multiple.

a) L'altération des capacités physiques et cognitives altèrent l'autonomie* etl'indépendance*.

Le polyhandicap associe « déficience* motrice et déficience mentale sévère ou profonde etentraîne une restriction extrême de l'autonomie et des possibilités de perception, d'expression* etde relation* »10. Cette définition recouvre des situations très variées et il n’est pas toujours simple

4 GUEGUEN Catherine. Les neurosciences et le développement de l'enfant. Conférence "Questions d'éducation".5 DE BROCA Alain. Le développement de l'enfant : Aspects neuro-psycho-sensoriels. 4e édition. Issy-les-

Moulineaux : Éditions Elvesier Masson, 2009. p.56 PICQ Pascal, SERRES Michel, VINCENT Jean-Didier. Qu'est-ce que l'humain ?. Éditions Le Pommier, 2003. p.197 PICQ Pascal, SERRES Michel, VINCENT Jean-Didier. Op Cit. p.148 FORESTIER Richard. Tout savoir sur la musicothérapie. Lausanne : Éditions Favre, 2011. p.929 FORESTIER Richard. Op Cit. p.4210 Annexe XXIV ter au décret n°89-798 du 27 octobre 1989

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de préciser les limites du polyhandicap. Il est dû, dans la majorité des cas, à une atteinte cérébraleprécoce grave d'origine prénatale, périnatale ou postnatale. Mais d’autres causes peuvent entraînerun polyhandicap comme les étiologies acquises, traumatiques, infectieuses ou liées à des maladiesmétaboliques. Toutes ces causes peuvent survenir à n’importe quel âge avec les mêmesconséquences que s'il était inné, mais les comportements qui en découlent pourront différer.

Certains symptômes sont communs ou courants dans le polyhandicap, comme l’épilepsie,les troubles de la vision et de l’audition, les troubles du sommeil, des difficultés de déglutitionentraînant une sous-alimentation et une sous-hydratation voire des encombrements bronchiques quicontribuent à l’installation d’insuffisances respiratoires. Les diverses déficiences graves autantmotrices, sensorielles, neurologiques, communicatives, que cognitives, peuvent générer des troublesdu comportement et entraînent une dépendance* physique ou matérielle importante envers l'aidantqui a « recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l'apprentissage des moyens derelation et de communication*, le développement des capacités d'éveil sensorimoteur etintellectuelles concourant à l'exercice d'une autonomie optimale. »11

Étymologiquement, l'autonomie est la capacité à faire des choix, à "vouloir". Contrairementà ce que sous-entend la définition ci-dessus, les enfants polyhandicapés ont cette capacité. Mais ellen'a que peu de sens alors qu'ils sont pris au piège de la nécessité physique et du manque d'outils decommunication. Ils souffrent en revanche d'une grande dépendance, puisqu'ils ont peu ou pas demoyens pour "pouvoir", c'est-à-dire pour satisfaire leurs choix et leurs besoins sans l'aide de leurentourage. Ces choix sont de fait limités, entraînant une perte de la sensation de sujet, et unesouffrance qui n'en est que plus grande.

b) Le désavantage12 social créé par le polyhandicap entraîne un sentiment* d'êtrehors norme.

Le handicap représente les conséquences personnelles, économiques et surtout sociales de ladéficience et de l'incapacité*. Elles n'auront pas le même retentissement selon le milieu dans lequelévolue le sujet qui les subit. « L'importance de la déviation [par rapport aux normes] résulte de ladéfinition de la norme en question, que celle-ci soit implicite ou précisée. »13 Les normes ne sontpas toujours universelles, elle sont parfois déterminées par l'environnement. Dans le polyhandicap,l'inadaptation est évidente et globale, et pénalise lourdement et profondément la personne.L'obligation d'un accompagnement dans tous les gestes du quotidien, cette dépendance qui lesabandonne au bon vouloir de leur entourage, entraîne le sentiment de ne pas appartenir à la norme.Le polyhandicap est facteur d'exclusion sociale.

2. La dégradation irrépressible de l'état de santé se présente comme une maladiedégénérescente. a) L'absence de bonne santé diminue la qualité de vie*.

Normalité et bonne santé sont liées14. La personne polyhandicapée, hors norme, ne pourrajamais atteindre un équilibre physique, psychique et social. Sa qualité de vie est d'abord pénaliséepar une dépendance physique et matérielle. Son corps est souvent très appareillé pour surmonter lestroubles moteurs et les déformations des membres et de la colonne vertébrale. La plupart sontinstallés dans les coques ou des corsets dans d'imposants fauteuils roulants.

« Le malade est incapable de remplir son rôle habituel dans la société, et d'entretenir les

11 Annexe XXIV ter au décret n°89-798 du 27 octobre 198912 Cf Annexe III : Le modèle de Philip Wood*.13 OMS*. Classification Internationale des Handicaps. p.3014 CANGUILHEM Georges, cité par Alain De Broca. Op Cit.

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rapports habituels avec autrui. »15 Or, une bonne qualité de vie nécessite des relations socialessatisfaisantes. La personne polyhandicapée, dès sa plus petite enfance, est isolée de sonenvironnement, limitée par ses troubles moteurs et sensoriels. La boucle créée par l'intrication destroubles de différentes natures n'aura de cesse d'accentuer le handicap et par là, de diminuer laqualité de vie. Comment peut-elle alors se projeter dans l'avenir ?

b) Le polyhandicap restreint considérablement l'espérance de vie ; on peut supposerque l'angoisse de mort est inhérente à la maladie.

Quelle que soit l’étiologie, même si la pathologie est fixée, le polyhandicap s’aggrave au furet à mesure des complications qui majorent les multiples handicaps intriqués. Au fil du temps, lessoins deviennent de plus en plus lourds et complexes, y compris lors des accompagnements de finde vie. Les corps et les troubles moteurs évoluent et le matériel n'est pas toujours actualisé à lavitesse de cette évolution. Les personnes polyhandicapées entendent fréquemment les paroles demort prononcées par les médecins. « La mort est l'aboutissement ultime de la maladie. La peur dela mort pénalise votre qualité de vie. »16

3. L'isolement peut être vécu comme une blessure de vie*. a) Le placement dans une institution spécialisée limite les interactions sociales à

l'enceinte de l'établissement.

Les personnes polyhandicapées sont généralement prises en charge par des établissementmédico-sociaux17. 41% des enfants et 95% des adultes sont hébergées à temps plein. Avant cetteorientation, les personnes polyhandicapées sont prises en charge à domicile. Nous sommes doncbien loin de l'intégration sociale et plus encore de la scolarisation. Malgré l'investissement deséquipes éducatives pour provoquer l'intégration, les relations sociales des personnespolyhandicapées se réduisent souvent au personnel soignant, aux autres résidents et aux parents.Le placement en institution avec les règles du quotidien et la proximité d'autres personnespolyhandicapées, mais aussi la séparation avec la famille, peuvent être vécus comme uneéloignement de la vie sociale.

b) La dévalorisation et le regard des autres conduisent à une perte de la saveurexistentielle*.

L'isolement cumulé au sentiment* d'être hors-norme et à la perte de sensation de sujetconduisent inévitablement à une dévalorisation de l'estime de soi*18. La qualité de vie des personnespolyhandicapées est globalement altérée par la marginalité et l'exclusion. Les déficits, apparents ounon, neuromoteurs, sensoriels et mentaux les pénalisent dans la communication et la relation avecleur environnement. Le regard des autres peut parfois exclure socialement une famille entière àcause de son enfant polyhandicapé.

15 OMS*. Op Cit. p.616 FORESTIER Richard. Op Cit. p.16917 DUTHEIL Nathalie. Les personnes polyhandicapées prises en charge par les établissements et services médico-

sociaux. Études et Résultats n°391, avril 2005. Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DRESS).

18 Cf Annexe IV : L'estime de soi.

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C. De l'exclusion* peuvent naître des troubles de l'expression, de la communication etde la relation.

1. Les échanges avec le monde extérieur sont pauvres et perturbés par les retards dedéveloppement moteur, sensoriels et cognitif. a) Le polyhandicap s'accompagne souvent d'une absence de langage verbal.

L'atteinte cérébrale sévère et souvent précoce qui caractérise le polyhandicap, l'atteintemotrice qui peut toucher l'appareil phonatoire ou une atteinte auditive empêchent généralement ledéveloppement du langage. En l'absence de mots, l'individu n'a pas toujours les moyens d'être"entendu" lorsqu'il s'exprime. Il arrive alors qu'il cesse de communiquer pour s'enfermer dans desstéréotypies*.

b) Les troubles de l'impression* retentissent sur l'expression, et réciproquement.

L'expression est à la fois l'aboutissement et l'origine de nos impressions. Au cours dudéveloppement de l'être humain, elle va permettre l'émergence d'impressions* qui vont elles-mêmesévoluer dans une construction permanente issue du mouvement "perception*-impression. Chez lespersonnes polyhandicapées, la perception* des informations est faussée par les atteintes sensorielleset la déficience mentale altère le traitement de l'information perçue. Les capacités d'expression, déjàentravées par la déficience motrice, s'en trouvent évidemment perturbées. L'intrication desdéficiences isole la personne polyhandicapée des stimulations présentes dans son environnement etnuit au bon développement cognitif et comportemental.

2. La souffrance* psychique due à l'exclusion entraîne des troubles du comportement.

a) On peut supposer que la mauvaise image de soi de l'enfant polyhandicapé affectel'estime de soi19.

Il est difficile d’évaluer la conscience de l’image de soi chez les personnes polyhandica-pées. Elles possèdent une intelligence sensible faite d'émotions et de sentiments qui leur permet deressentir leur différence. La douleur*, les inconforts posturaux renforcent le mal-être. La maladie, lemanque de moyens de communication, les relations sociales plus que réduites sont autant debarrières à la construction de la personnalité, de la confiance en soi* et en l'avenir, et del'affirmation de soi*.

b) Les troubles du comportement parasitent la vie quotidienne et les interactionssociales.

La construction et l'affirmation de soi chez l'enfant polyhandicapé sont desservies par lestraumatismes et le climat anxiogène vécus dans sa toute petite enfance. L'annonce du polyhandicapaux parents, les paroles de mort, les hospitalisations néonatales sont autant de chocs qui annihilent« la dyade mère-enfant dont se nourrissent habituellement les premiers liens et la reconnaissanceréciproque. […] Les risques de psychotisation secondaire sur une personnalisation si fragile sontimportants tout au long de la vie »20 et chaque rupture peut provoquer une régression plus ou moinsprogressive. A cause des troubles mentaux ou psychiques, le polyhandicap freine égalementl'adaptation du comportement et provoque une rupture du lien social renforcée par un accès limitéaux activités extérieures au lieu de vie ou d'accueil.

19 Cf Annexe 4 : L'estime de soi.20 ZUCMAN Élisabeth. Accompagner la personne polyhandicapée. Réflexions autour des apports d'un groupe d'étude

du CTNERHI. 2e édition revue et augmentée. CTNERHI, 2000. p.37

19

3. La communication et la relation sont altérées par l'isolement.

a) Le manque de sollicitations entraîne un désinvestissement des relations socialeset une perte d'élan, et réciproquement.

L'enfant polyhandicapé est un être humain avec des besoins relationnels intenses, mais « lesaides qu'on leur apporte dans tous les actes de la vie quotidienne pour pallier leur dépendance, lespréparent plus à recevoir qu'à partager. »21 En outre, les troubles visuels et de la communication,l'immobilité ou encore l'appareillage contribuent à les isoler de leur environnement. Dépendant àl'extrême, ils développent des capacités d'attachement aux proches comme moyen d'adaptationnaturelle à leur situation. Leur champ de compréhension nous est inconnu, c'est pourquoi ils ontbesoin de vivre un "bain de langage", une verbalisation permanente de ce qui leur arrive ou lesentoure.

b) La communication avec les personnes polyhandicapées doit être adaptée pourinstaller la relation.

L'expérience montre que l'expressivité de l'enfant polyhandicapé s'accroît lorsque s'accroîtla quantité et la qualité des propositions relationnelles de l'adulte, comme si l'enfant montrait plusde choses lorsqu'il sent l'intérêt qu'on lui porte. Mais son interlocuteur doit d'abord dépasser sonaspect figé et communiquer avec lui pour qu'il ait besoin et envie de communiquer avec lui. Lacommunication sera dans la plupart des cas non verbale et l'adulte doit souvent multiplier lessupports pour se faire comprendre, instaurer un langage commun et user d'observation pour repérerles réactions et comportements les plus minimes. Mais, en l'absence de communication verbale,nous n'avons pas d'autre choix que d'émettre des hypothèses à partir de nos perceptions pourcommuniquer avec ces enfants. Il faudra donc rester vigilant à ne pas enfermer insidieusementl'enfant dans un cadre de réponses trop restreint ou invariable, rester attentif aux signaux qu'ilenvoie et en tenir compte pour étayer son désir de communiquer et l'aider à développer sescapacités à communiquer.

II. L'Art* est une activité humaine volontaire d'expression. A. L'Art demande une implication physique et psychique de l'artiste.

1. L’œuvre d'Art est l'expression du monde intérieur de l'artiste vers le monde extérieur.

L'expression vise à satisfaire des besoins matériels ou spirituels de l'être humain par desmoyens adaptés. Elle lui est indispensable.

Par opposition à l’œuvre de la nature, l'Art est une opération singulière de l'être humain, qu'il apratiqué de tous temps. Réputée utilitaire à l'Antiquité et au Moyen Âge, l’œuvre d'Art justifie sonexistence par ses qualités esthétiques* à partir de la Renaissance. L'artiste fait appel à sonimagination et sa créativité, s'appuie sur ses connaissances internes pour élaborer l’œuvre d'Art dansson esprit. Pour l'amener au monde sensible, il sollicite son corps et utilise l'Art comme activitéprivilégiée d'expression.

2. Le corps physique de l'être humain est indispensable à l'existence matérielle del’œuvre d'Art. a) L'Art fait appel aux sens, aux sensations*, au ressenti corporel.

L’œuvre d'Art est un stimulus envoyé aux capteurs sensoriels de l'être humain. Cettesensation, devient une connaissance sensitive, un savoir stocké dans la mémoire. Cette impressionpeut susciter une émotion esthétique. D'ailleurs les techniques artistiques sont classées en fonction

21 ZUCMAN Élisabeth. Op Cit. p.41

20

des sens auxquels ils s'adressent, de leurs dimensions spatio-temporelles ou de leur degré dereprésentation.22 Les sensations et la valeur affective qui leur est accordée, associées à la consciencedu corps dans le temps et l'espace sont l'essence des ressentis et du savoir-ressentir de l'être humain.

b) La production artistique sollicite la structure corporelle pour exister.

L'artiste met en œuvre son savoir-faire pour donner une réalité concrète à son imaginaire. Ilmobilise tout ou partie de l'organisation des segments corporels d'une façon particulière pourrépondre aux besoins de l'activité artistique. « La structure corporelle implique le ressenti corporelet l'activité mentale entre l'objectif envisagé et les ressentis physiques adaptés à cette motricitéorientée. »23

c) L'élan corporel engage l'artiste dans l'activité.

Pour mouvoir et impliquer ce corps physique et s'accorder avec ses ressentis, l'artiste doittrouver une source de stimulation interne. Cette énergie concrétise la volonté de l'artiste par lepassage à l'action et le savoir-être. C'est le nœud entre le corps psychique et le corps physique.

B. L'Art est orienté vers l'esthétique.

1. L'Art favorise l'expression du goût. a) L'esthétique est la science du beau dans l'Art et la nature.

L'esthétique étudie les "aisthêta : choses sensibles ou faits de sensibilité" des Grecs. Elle neconcerne pas seulement l'activité humaine, mais se veut globale, une « science de la connaissancesensible »24. L'esthétique dans l'Art n'est pas l'Art lui-même, mais une activité mentale de réflexionsur l'Art et la pratique de l'artiste, une discipline autonome qui se veut objective.Kant refusait la possibilité d'une science du beau et qualifiait l'esthétique d'étude du « jugement degoût. »25

b) Le beau, en art-thérapie moderne, est défini comme ce qui plaît.

Le débat philosophique autour de la définition du beau n'est pas le sujet de l'art-thérapie.Considérons-le simplement comme un certain idéal qui pousse l'artiste à produire des œuvres etl'esthète à les admirer, pour satisfaire, contenter et exprimer leur goût. Le goût est une appréciationqualitative d'une impression sensorielle, une sensibilité déterminante de la personnalité del'individu. Il implique l'affirmation de soi.

c) La production artistique doit être un juste rapport entre le fond et la forme pouratteindre l'idéal esthétique.

« La forme unit les hommes et concerne les sociétés et les connaissances humaines […]. Lefond distingue et concerne les hommes dans leur singularité et leur degré de sensibilité »26. L'artistecherche à donner une apparence représentée et objective harmonieuse avec le message qu'il veutdélivrer, son ressenti subjectif et personnel. Par définition, l'artiste n'atteindra jamais cet accordidéal, auquel cas il arrêterait de produire.

22 SOURIAU Étienne. Vocabulaire d'esthétique. 3e édition « Quadrige ». Paris : Éditions Presses Universitaires de France (PUF), 2010. p.176

23 FORESTIER Richard. Tout savoir sur l'art-thérapie. 7e Édition. Lausanne : Éditions Favre, 2012. p.16824 BAUGARTEN A.G. Esthétique, volume 1. Paris : Éditions L'Herne, 1988. p. 12125 KANT Emmanuel, cité par SOURIAU Etienne. Op Cit. p.72626 FORESTIER Richard. Op Cit. p.52, 53

21

2. L'empreinte de l'artiste caractérise son style.

a) L'artiste met son action au service de l'esthétique.

L'artiste s'exprime à travers une technique artistique, il tend à exposer son goût dans lemonde sensible. L'aspect matériel de cette expression de la personnalité est une organisation desidées, un mode d'action dans la réalisation des œuvres. La production, par son caractère pérenne,permet à l'artiste de projeter dans l'avenir et implique la confiance en soi. L'expression du style estintentionnelle ; c'est un juste rapport entre le savoir-faire et les compétences.

b) L'artiste se distingue de l'esthète et de l'artisan et propose un point de vueparticulier sur le monde.

Par l'expression de son goût, de son idéal, l'artiste émet des idées. Son savoir-faire, à ladifférence de l'artisan, est au service d'une intention esthétique. L’œuvre d'Art ainsi réalisée rayonnedans le monde sensible et touche ceux qui la contemplent, les esthètes. L'expression artistique estdonc orientée vers l'autre et dégage un rôle social et socialisant de et pour l'artiste.

3. L'engagement de l'artiste dans l'activité artistique lui permet de matérialiser sesenvies.

Si le goût est lié au ressenti corporel et le style à la structure corporelle, l'engagement est unélan, une implication. Et réciproquement. Il est à la fois le moteur et l'aboutissement du goût et dustyle. Cette volonté de participer activement à l'activité artistique – dans la réalisation ou lacontemplation d'ailleurs – mobilise l'amour de soi. La personne engagée doit considérer cetengagement autant qu'elle-même comme digne d'intérêt.

C. La musique peut faciliter la relation.

1. La musique est une modalité d'échange entre le monde intérieur et le mondeextérieur. a) La musique est une expérience sensorielle et émotionnelle instantanée.

La musique est l'Art des sons. Le son est une onde, une vibration en déplacement, et toutobjet ou corps a la capacité de vibrer en entrant en résonance avec un ensemble de fréquence selonles éléments qui le constituent. La musique est captée par l'ouïe évidemment, mais aussi perçue parla peau et les os grâce à la conduction des vibrations. La musique pénètre le corps. Elle est intime etintrusive, et nous touche profondément, au sens propre comme au figuré. En effet, « la partie ducerveau [l’hippocampe et l'amygdale cérébrale] touchée par la musique est le siège d’émotionsprofondes. »27

b) La musique éveille la curiosité et l'ouverture au monde.

La musique est un élément culturel important de notre société, manifeste, central etomniprésent dans toutes les communautés, partout et de tous temps. La musique se passe de langageverbal* mais est un langage spécifique et singulier qui permet de communiquer avec les autres en sepassant de traduction. Il peut nécessiter un apprentissage particulier qui participe à l'actualisation desoi*.

La musique participe aussi à l'éveil sensoriel. En cherchant à comprendre d'où vient le son etcomment il est produit, l'être humain – et surtout le jeune enfant – sollicite ses sens et développeson intelligence sensorimotrice.

27 LEVITIN Daniel. In L'instinct musical.

22

c) L'écoute musicale est accessible au plus grand nombre et immédiatement.

L'ouïe est fonctionnelle très tôt : à partir de la 17e semaine, le fœtus peut entendre lesrespirations, les battements de cœur, les vibrations, mais aussi la musique qui vient de l'extérieur. Ilsemble qu'il y soit réceptif. La sensibilité musicale est innée, à de rares exceptions près d'amusiecongénitale. Aucune aptitude spécifique n'est requise pour écouter ou ressentir la musique. La musique est un Art synchronique et implique l’œuvre, l'artiste et l'auditeur simultanément.L'action et la production se confondent. Les notes ont une durée de vie très courte mais aussi unimpact émotionnel instantané et éphémère, qui peut toutefois laisser place à un sentiment* durable.

d) L'être humain est une espèce musicale.

La musique et le jugement esthétique qu'il y porte distinguent l'homme de l'animal. L'êtrehumain semble avoir un besoin irrépressible de musique, comme si elle lui était "utile". Cette formed'expression, au même titre quel le langage, pourrait correspondre à sa recherche de bonne qualitéde vie et de bien-être, de bonheur. La quasi-totalité des êtres humains sont capables de percevoir lamusique, d'en intégrer les éléments structurels et de les agencer de manière à construire unemusique dans leur esprit. Les systèmes auditifs et nerveux sont particulièrement adaptés à lamusique. « La recherche a amplement démontré que l’implication musicale (voire l’instinctmusical) est un trait fondamental de l’espèce humaine. »28

2. La musique est une activité collective au pouvoir fédérateur. a) La musique a un pouvoir d'entraînement, un pouvoir relationnel et de cohésion

sociale.

« La musique contribue largement à la formation d'une âme collective. »29 D'abord, parceque le but originel de la musique est d'être exposée "vivante", c'est-à-dire sans le recours à desenregistrements. Alors, les notions de partage et d'échange en sont indéfectibles tandis que le ou lesmusiciens envoient des informations aux spectateurs. Par un principe de sympathie s'installentplusieurs interactions relationnelles : entre les musiciens eux-mêmes, entre les musiciens et lepublic, et parmi les spectateurs. La musique favorise la rencontre et crée du lien social. Elledéveloppe l'écoute, l'écoute des autres et le respect mutuel.Le son est assimilable au mouvement, et l'association des sons d'une façon musicale entraîne lecorps physique. Cette capacité à bouger au rythme de la musique, en battant la mesure ou endansant, se développe très tôt. Elle repose sur un réseau vaste et complexe de régions cérébrales qui« sous-tendent la perception du rythme et des durées, la planification et le contrôle du mouvement,ainsi que les processus d'intégration faisant le pont entre perception et action. »30 Le pouvoird'entraînement de la musique a été et est utilisé pour encourager les travailleurs, et leur donner ducœur à l'ouvrage. Citons les exemples des marches militaires, des chants de marins ou d'esclaves.

Enfin, on l'a vu, la musique suscite de émotions, ces mouvements réflexes du corps et de l'esprit.« La musique, par le biais des émotions qu'elle suscite, module nos états affectifs et cognitifs, ce quilui confère un important pouvoir de cohésion sociale. »31

28 PERETZ Isabelle.Neuroscience de la mélodie. Conférence au Collège de France, 2009.29 SOURIAU Étienne. Op Cit. p.109830 DALLA BELLE Simone et TILLMAN Barbara. Du rythme pour marcher à nouveau. Cerveau & Psycho n°63, mai-

juin 2014 : Éditions Pour la Science, 2014. p.3031 DELLACHERIE Delphine et SAMSON Séverine. Soigner avec les émotions musicales. Cerveau & Psycho n°63,

mai-juin 2014, Éditions Pour la Science, 2014. p.52

23

b) La pratique et l'écoute musicales permettent à chacun d'affirmer sa personnalité.

Un musicien qui joue une pièce offre à l'auditeur une part de lui, une première impressionpersonnelle et intime. Il expose ses goûts, son histoire, sa culture, qui constituent sa personnalité.Ces différences culturelles marquent la construction des structures musicales et en font l'originalité.Ce contexte socioculturel forme à la fois l'inné et l'acquis du musicien, influence sa personnalité demusicien – et plus globalement, d'être humain – et conditionne la relation. Ce qu'il produit,personne ne peut le faire à sa place. La musique est aussi capable de changer notre humeur et l'être humain a appris à l'utiliser pourtransformer son état d'esprit. Le cerveau réagit fortement quand un sujet a un lien particulier avecun morceau de musique.

c) Les interactions musicales peuvent se passer du langage verbal.

Malgré les différences culturelles, la musique a la réputation d'être un langage universel.Certains éléments musicaux, comme l'octave, semblent universels. La quinte et la quarte parfaitessont également répandues dans la plupart des cultures musicales. La musique possède ses proprescodes et, « bien qu'[elle] ne corresponde à aucun concept, ne permette de formuler aucuneproposition et ne renvoie pas aux images ni aux symboles qui sont l'essence du langage »32, ellepeut être aussi puissante, voire plus, que les mots pour exprimer des émotions. Ce sont elles quidonnent à la musique son caractère universel. « Le contenu émotionnel de la musique est inhérent àla musique. On ne le décode pas uniquement grâce à notre empreinte culturelle. »33

Des cas d'aphasie sans amusie on déjà été constatés. Cela s'explique par le fait que la musiquemobilise un réseau cérébral plus large que celui du langage verbal*. La musique pourrait mêmepermettre de rééduquer ce langage, entre autres, grâce à la mémoire et aux souvenirs.

3. La musique participe au développent moteur et cognitif.

La musique agit sur le fonctionnement du cerveau, renforçant les connexions entre certainesaires. Elle pourrait accélérer indirectement la neurogénèse : des expériences menées sur des souriset des rats soumis à des stimuli musicaux montrent que la production de neurones est augmentéedans leurs hippocampes, structure d'entrée de la mémoire. Conjointement, elle excite les réseaux dulangage et des régions de la motricité. Plusieurs centres de la musique sont répartis sur tout lecerveau et traitent de manière plus ou moins sélective le rythme, la hauteur ou les timbres. Toutesles fonctions cognitives ont un rapport avec la musique, et aucune autre activité ne permet de faireautant de choses en même temps avec une coordination aussi complexe. Elle mobilise et exerceaussi la motricité fine. La simple écoute d'un morceau active les aires cérébrales motrices.De plus, la musique stimule l'imagination et l'imaginaire et par là, active le cortex auditif et moteuret le cortex frontal34. Grâce à la neuroplasticité, le cerveau d'un musicien est différent. Les airesauditives et de la motricité sont particulièrement touchées, tout comme les zones du cortex frontalqui gère l'organisation, la pensée élaborée et le langage. Le corps calleux responsable de lacommunication entre les deux hémisphères est également plus développé.

La musique joue de notre corps comme d'un instrument et le cerveau humain produit de la musique.

32 SACKS Oliver. Op Cit. p.933 FRITZ Tom. In L'instinct musical.34 SACKS Oliver. Musicophilia. La musique, le cerveau et nous. Éditions du Seuil, 2009. p53 à 65.

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D. La peinture possède certaines caractéristiques susceptibles d'améliorer lacommunication.

1. La peinture permet une production matérielle. a) La peinture est un Art diachronique.

Trois conditions sont nécessaires à la peinture : un support, une matière à appliquer et uninstrument pour disposer la matière sur le support. Elle a donc une réalité concrète, physique, et nepeut exister sans cet aspect technique. La façon de réunir ces trois conditions caractérise le style del'artiste en fonction de ses choix. La peinture est « l'art d'appliquer sur une surface une matièrepâteuse ou fluide, en vue de l'apparence qualitative visuelle ainsi conférée à cette surface. »35 Ellese fige sur un espace limité et perdure dans le temps, ce qui lui donne son existence.

b) La production picturale est un objet autonome.

Sa réalisation dépend d'abord de l'intention de l'artiste, de son bon vouloir, et reflète sonstyle. Le résultat se distingue du processus. Mais une fois achevée, l’œuvre picturale mène « unevie matérielle réelle »36, rayonne et peut être considérée en elle-même, par elle-même et pour elle-même. « En arts plastiques, la distinction entre l'auteur et l’œuvre qu'il produit, lui permetégalement de s'en "détacher" et l'aide à se considérer comme sujet en relation avec le mondeextérieur. »37 L'autonomie de la production participe à l'autonomie de l'artiste.

2. La peinture est un Art visuel, voire tactile.

a) Pendant la contemplation, la permanence de l’œuvre picturale permet d'établirune distance entre elle et celui qui la regarde.

La peinture active la zone arrière du cerveau. Le cortex occipital reçoit ce que les yeuxtransmettent, accentuent les formes et les contrastes. Le gyrus fusiforme qui, entre autres, reconnaîtles visages, est également impliqué. Les informations circulent ensuite vers la voie de la motricité,en passant par les zones responsables du repérage dans l'espace. Le spectateur se distingue alors del’œuvre contemplée. De plus, la peinture, lorsqu'elle est figurative représente un objet. On distinguealors la représentation de l'objet de l'objet lui-même.

b) La production picturale sollicite l'élan, la structure et le ressenti corporels.

La peinture mobilise les capacités mentales et motrices. Comme tout Art*, elle faitnécessairement appel au corps et aux mouvements nés d'une intention. Au mouvement intérieurd'abord, celui des sens qui transmettent des informations au cerveau. Ensuite, le mouvement versl'extérieur permet le passage à l'acte volontaire dirigé dans une visée esthétique. Il nécessite unminimum de motricité fine pour appliquer la matière sur le support.

3. La peinture est un moyen d'expression et de communication.

La peinture permet à l'artiste de présenter une image issue de son monde intérieur au mondeextérieur. Il s'expose alors à l'avis des autres, et semble même le rechercher, comme un besoin dereconnaissance. La peinture est un objet d'échange avec les autres êtres humains, une expressionsolide et permanente qui a du sens pour l'artiste et qui trouve un sens dans le public en suscitant des

35 SOURIAU Étienne. Op Cit. p.1184 36 KANDINSKY Vassily. Du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier. Éditions Denoël, 1989. p.19737 ANDREYITCH Ingrid. L'art-thérapie à dominante arts plastiques expérimentée auprès de personnes en situation

de handicap mental ou de polyhandicap accueillies au sein d'un institut médico-éducatif. Tours : Université de Tours, AFRATAPEM. 2013. p.39

25

émotions. La peinture est un art d'apparence représentative, significative et esthétique. C'est un outild'expression non-verbale accessible au plus grand nombre et gratifiant par son résultat concret.

À la différence de la musique, la peinture est une activité individuelle, elle n'a pas ce pouvoir decohésion sociale et de relation directe entre l'artiste et le spectateur. En revanche, la trace visiblelaissée par la production peut s'avérer être vecteur de lien social grâce à sa capacité à communiqueret à délivrer un message qui dure dans le temps, et ce à tout moment indépendamment de laprésence de l'artiste.

III. L'art-thérapie moderne est une discipline paramédicale originale qui disposed'outils spécifiques. A. L'art-thérapie moderne exploite le processus artistique pour améliorer la qualité de

vie.

1. L'art-thérapie moderne s'appuie sur la partie saine et n'agit pas sur le symptôme.

A la différence des autres disciplines paramédicales qui s'attellent à soigner lesdysfonctionnements de l'être humain, l'art-thérapie moderne ne peut pas guérir les symptômes. Elleconsidère l'être humain dans son intégralité, « il ne s'agit plus d'un malade (objet de la maladie) misd'un homme (sujet avec la maladie). »38 Partant du principe que l'être vivant par essence fonctionne,l'art-thérapie* moderne met à profit les compétences préservées du patient malgré sa maladie pourl'entraîner sur le chemin de la guérison, par l'exploitation du processus artistique.

L'art-thérapie moderne se distingue de l'art-thérapie traditionnelle39, en ce sens qu'elle ne livre pasd'interprétations, ne cherche pas de significations symboliques d’œuvres produites ou contemplées,mais considère et exploite de façon thérapeutique les effets de l'activité artistique40. C'est plusqu'une simple addition "art + thérapie" mais bien une nouvelle entité, une discipline à part entière.L'art-thérapeute est à la fois un artiste et un soignant. Répondant aux exigences de la thérapie, il enutilise les outils scientifiques (protocoles, objectifs, méthodes, moyens...). Mais sa spécificité ausein de l'équipe pluridisciplinaire est bien l'activité artistique, elle qui implique l'intention voire leplaisir esthétiques, l'engagement corporel et spirituel. « L'art-thérapie doit réaliser une synthèseentre la subjectivité propre à l'art et l'objectivité propre au soin. »41

2. L'art-thérapeute veut raviver la saveur existentielle* par une exploitation adaptée despouvoirs de l'Art.

Il maîtrise et sait orienter les effets de l'Art. Les pouvoirs d'expression, de communication etde relation qui lui sont inhérents constituent les principales indications en art-thérapie. Pour yrépondre, elle engage à la fois les potentialités physiques de l'individu en faisant appel auxsensations et à la motricité, et les mécanismes de l'esprit tels que les émotions et les sentiments, legoût ou le plaisir. L'Art peut alors être une modalité particulière pour améliorer la qualité de vie,stimuler la saveur existentielle et participer ainsi à l'épanouissement et au bien-être* de la personne.Le but de l'art-thérapie n'est pas l'Art mais l'être humain.

L'art-thérapeute est sous l’autorité médicale dans le secteur sanitaire, ou sous l’autoritéadministrative de l’institution dans le secteur social. Il respecte le code de déontologie art-thérapeutique.

38 FORESTIER Richard. Op Cit. p.4139 Par la suite, j'utiliserai le terme "art-thérapie" pour désigner l'"art-thérapie moderne".40 FORESTIER Richard. Op Cit. p.2941 FORESTIER Richard. Op Cit. p.8

26

3. Richard Forestier a construit les fondements de l'art-thérapie moderne telle qu'elle estenseignée par l'école de Tours.

a) La théorie de l'Art opératoire est une originalité de l'art-thérapie.

Aussi appelée théorie des trois B pour le Bon, le Bien et le Beau, elle met en évidence unlien dynamique entre ces concepts fondamentaux de l'esthétique, le phénomène artistique, etl'implication physique et psychique de l'individu dans l'activité artistique.

– Le Bon représente le plaisir et l'intérêt de la personne. Tous deux sont issus du résultat durapport entre la gratification sensorielle et la recherche d'un idéal. C'est ce savoir-être qui,grâce à l'intention et l'engagement, provoque l'élan corporel. Par le Bon, on cherche à« retrouver le fonctionnement normal et commun du corps tout en préservant l'originalité dela personne »42 et à toucher l'amour de soi.

– Le Bien est la technique artistique, le savoir-faire qui caractérisent le style de la personne.C'est une action vers un objectif esthétique sous-tendu par le Bon, qui anime la structurecorporelle et les capacités psychomotrices de façon coordonnée. Le Bien permet et nécessitela confiance en soi.

– Le Beau est relatif au jugement esthétique, à la cohérence du rapport fond/forme. Il nécessitel'existence d'une production et permet à la personne d'exprimer son goût et de s'affirmer.C'est le savoir-ressentir.

Il est possible de synthétiser les interactions entre ces divers éléments par le tableau suivant :

FONDEMENTS DE L'ESTHÉTIQUE

BON BIEN BEAU

Mécanismes humains Savoir-être Savoir-faire Savoir-ressentir

Implication physique Élan corporel Structure corporelle Ressenti corporel

Phénomène artistique Intention Action Production

Implication psychique Amour de soi Confiance en soi Affirmation de soi

Implication observable Engagement Style GoûtTableau n°1 : Synthèse de la théorie de l'Art opératoire

b) Le phénomène artistique est la partie observable de l'opération artistique.

Le phénomène artistique est déterminé par « l'exploitation, l'association et la synthèse quepeut faire l'homme, de l'art et de l'esthétique »43. Il se compose de quatre phases :

– l'impression fait appel aux capacités sensorielles– l'intention est l'orientation, le désir et la volonté du désir artistique– l'action met en œuvre des moyens, un savoir-faire tendu vers un but artistique– la production est le résultat de l'activité artistique ; c'est un objet communicationnel.

En pratique, le phénomène artistique révèle le passage de l'Art I, global, archaïque et anarchique, àl'Art II, spécifique et ordonné, et caractérisé par l'intention esthétique et la mise en œuvre d'unetechnique artistique.

L'opération artistique est l'interface entre l'Art et les mécanismes humains, une modélisationdu processus artistique qui décrit « l'organisation d'éléments de nature à orienter l'expression

42 FORESTIER Richard. Op Cit. p.4943 FORESTIER Richard. Op Cit. p.9

27

humaine vers l'Art. »44 Elle détermine la théorie de l'Art opératoire, et peut être schématisée commesuit :

Impression Expression Communication

8 Avant 1 7 1'

5' monde extérieur

2 6 monde intérieur

3 5 action à visée non esthétique

4

réflexe

Schéma n°1 : L'opération artistique

Légende

Avant : contexte socio-culturel ; histoire et expériences de la personne.Phase 1 : accident spatio-temporel ; l’œuvre d'Art qui rayonne.

Phase 2 : rayonnement de l’œuvre et sa captation par les sens de l'être humain.Phase 3 : traitement archaïque de l'information perçue ; impact sensoriel relatif à l'esthésie quisollicite les mécanismes neurovégétatifs et neurologiques.

Phase 4 : traitement sophistiqué de l'information ; la mémoire, les connaissance et l'intelligencesont activées pour coordonner les représentations de l'esprit ; l'intention y puise sa source.Phase 5 : élan corporel qui implique le corps physique ; poussée motrice en réponse à l'intentionprécédemment générée.

Phase 5' : contemplation, réception active par l'attention et l'attitude physique.Phase 6 : savoir-faire, technique ; organisation des mouvements dans un but esthétique.

Phase 7 : production artistique ; matérialisation des phases précédentes.Phase 8 : traitement mondain ; la production, autonome, peut être captée comme une œuvre d'Art ;cette phase implique l'acceptation des autres.

Phase 1' : nouvel accident spatio-temporel ; l'œuvre devient culture artistique.Les doubles flèches sont essentielles et représentent l'auto-régulation de l'activité artistique, le liendynamique entre chaque phase permettant à l'une d'influencer les autres, et réciproquement.L'opération artistique est l'outil privilégié de l'art-thérapeute pour localiser les sites d'action.

B. L'art-thérapeute dispose d'outils spécifiques pour mener ses prises en charge.

1. L'art-thérapeute doit suivre un protocole de prise en charge. a) Le patient est indiqué par un médecin ou un membre de l'équipe

soignante/encadrante.

Ils sont garants de l'intérêt d'une prise en charge art-thérapeutique pour une personne. Lemédecin ou l'équipe engage leur responsabilité. L'indication permet de cibler une prise en chargepar rapport à une pénalité définie. Elle détermine les premiers objectifs théoriques, qui pourront êtreajustés et affinés par l'art-thérapeute après la rencontre avec le patient.

44 FORESTIER Richard. Op Cit. p.172

28

b) L'anamnèse* et l'état de base permettent de déterminer des objectifsthérapeutiques.

L'anamnèse apporte les premiers éléments théoriques sur l'histoire du patient avec sapénalité. Ces éléments peuvent être recueillis auprès de l'équipe pluridisciplinaire, sans forcémentun contact direct avec le patient et, en tant que faits observables, sont les fondations de l'état debase. Celui-ci est ensuite déterminé par la rencontre avec le patient, et établit la ou les pénalitésexistentielles qu'il endure. Grâce à l'analyse de cette rencontre et de l'anamnèse, l'art-thérapeute peutémettre une hypothèse quant aux souffrances ressenties et déterminer un objectif général inscritdans le projet thérapeutique de l'équipe.

c) L'art-thérapeute met en place une stratégie pour atteindre les objectifs.

Les souffrances sont caractérisées par un besoin d'aide extérieure, des manques quiconstituent les sites d'actions. Pour que le patient surmonte une de ses difficultés, l'art-thérapeute ladécompose en niveaux d'organisation, des étapes qui servent des objectifs intermédiaires versl'objectif général. Pour ce faire, il travaille sur des éléments précis que sont les ciblesthérapeutiques* qui, grâce à un pouvoir opérant de l'Art et à ses conséquences, peuvent satisfaire unbesoin.

L'opération artistique est l'outil méthodologique privilégié et original de l'art-thérapeute pourdéterminer les sites d'action et les cibles thérapeutiques et établir une stratégie. Cette dernière est lerapport entre l'état de base et les objectifs, et doit justifier du choix, à la fois de la techniqueartistique dominante, de la méthode thérapeutique utilisée pour l'articulation des séquences, et desmoyens mis en œuvre, organisés et adaptés pour atteindre les objectifs. Ce cheminement impose desitems* et faisceaux d'items révélateurs d'une difficulté qui composent la fiche d'observation.L'état de base et la stratégie s'entremêlent de façon dynamique, puisque les résultats de la stratégiedoivent modifier l'état de base (de préférence, positivement), et réciproquement.

2. L'art-thérapeute observe et évalue l'évolution du patient dans la prise en charge.

a) La fiche d'observation incite l'art-thérapeute à la vigilance.

Elle est une interface entre l'indication, le patient et l'art-thérapeute qui permet un suivithérapeutique efficace. Elle se veut la plus objective possible mais ne peut échapper à la subjectivitéde l'art-thérapeute qui la rédige et la complète pour chaque patient, à chaque séance. Elle joue unrôle d'aide-mémoire, mais surtout d'outil d'évaluation – et donc d'évolution – de la prise en chargegrâce à la comparaison des items et de leur évolution dans le temps. Un item doit disparaître quandla difficulté a été surmontée, ou apparaître si un nouveau site d'action se fait jour. L'interprétation etla compréhension des éléments observés permet à l'art-thérapeute d'adapter sa stratégiethérapeutique au suivi du patient, et éventuellement d'analyser la qualité de son action.

La fiche d'observation est divisée en différentes rubriques et permet la gestion et l'organisation desinformations. De manière générale, une prise en charge débute par une fiche d'ouverture qui dressel'état de base des éléments d'évaluation, et se termine par une fiche de clôture qui reprend les itemset commente l'évaluation.

b) Le cube harmonique peut permettre au patient de s'auto-évaluer.

Il utilise les trois fondements de l'esthétique évoqués plus haut – le Bon, le Bien, le Beau –et l'implication physique et psychique de l'être humain dans l'activité artistique qu'ils sous-tendent,pour « évaluer les capacités auto-évaluatives du patient »45. En interrogeant le patient sur ses

45 FORESTIER Richard. Tout savoir sur la musicothérapie. Lausanne : Éditions Favre, 2011. p.145

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ressentis durant la séance, le cube harmonique est « une modalité objective […] qui permet demettre à jour la subjectivité des personnes »46. Grâce à la cotation des trois composantes de laspécificité artistique, le patient exerce sa faculté critique et sa faculté de critique, et affirme son goûtson style et son engagement. Le cube harmonique peut être utilisé comme processeur thérapeutiquepour inciter le patient à réagir et transformer positivement son état de base. C'est aussi un bilancomplémentaire à l'observation et à l'évaluation menées par l'art-thérapeute.

D'un point de vue pratique, il peut être utilisé dans les premières séances, puis 6 mois plus tard, puis1 an plus tard.

3. Le Plan d'Accompagnement de Soin peut permettre de prolonger la séance d'art-thérapie dans le quotidien du patient.

C'est « l'ensemble des activités et des stratégies proposées entre deux séances [dans le but]d'entretenir et d'améliorer les résultats, les élans et le désir thérapeutique d'une séance pour unpatient, afin d'aborder positivement la séance suivante. »47 Il peut s'agir de consignes au patient, oude demandes particulières à la famille ou aux soignants.

C. L'art-thérapie à dominante musicale peut faciliter les rapports humains avec lesenfants polyhandicapés.

1. La musique crée des interactions entre l'art-thérapeute et l'enfant polyhandicapé. a) L'audition des enfants polyhandicapés est généralement préservée ; la musique

permet d'exploiter cette compétence pour la valoriser.

Exploiter les capacités résiduelles du patient est un fondement de l'art-thérapie*. Or, si lesenfants polyhandicapés sont en général capables d'entendre, il faut stimuler l'audition pourmaintenir, améliorer ou restaurer la qualité d'écoute. Entendre est un phénomène passif, écouter estun phénomène actif. « Les activités musicales […] interfèrent positivement sur la qualité del'écoute , ce qui rejaillit sur la qualité de la communication »48. L'enfant polyhandicapé a l'habitudeet a besoin de vivre dans un "bain de langage". Mais la stimulation par la musique, en particulier parla musique vivante, leur procure des sensations inédites grâce aux vibrations perçues et à latransformation de l'énergie vibratoire en précieuse énergie électrique transmise au cerveau.

b) L'ouverture culturelle à la musique modifie le quotidien des jeunes accueillis etleur offre une fenêtre sur l'extérieur.

La popularité des musiques actuelles participe à l'élaboration de l'identité sonore debeaucoup de jeunes. Ils écoutent la radio, regardent la télé, chez eux ou dans l'établissement, et seforgent ainsi leur propre culture musicale. En connaître les spécificités est un avantage pour l'art-thérapeute et permet d'être en accord avec leur goût. Mais si il semble indispensable de travailleravec ce bagage, il est aussi intéressant et pertinent de dépasser ces connaissances pour leur proposerdes morceaux inédits, créer la surprise et susciter des sensations et des émotions. Cela permet aupatient d'exprimer son avis et engage l'affirmation de soi.

L'art-thérapeute partage sa personnalité musicale pour favoriser la découverte. Et par l'éveilmusical, instrumental, voire vocal, il contribue à la construction d'une nouvelle part de lapersonnalité musicale de l'enfant polyhandicapé.Enfin, pour certains jeunes dont les capacités sont très réduites et limitées, et de fait les activités, undes objectifs de la prise en charge sera simplement de sortir du groupe pour leur proposer une

46 FORESTIER Richard. Tout savoir sur l'art-thérapie. 7e Édition. Lausanne : Éditions Favre, 2012. p.20347 FORESTIER Richard. Tout savoir sur la musicothérapie. Lausanne : Éditions Favre, 2011. p.11048 CARRÉ Alain. Musique et Handicap. Bressuire : Éditions Fuzeau, 2006. p.61

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activité thérapeutique adaptée à leurs potentialités.

c) La musique mobilise la sphère émotionnelle.

« Les émotions musicales ont une base universelle et mobilisent un ensemble de circuitsneuronaux »49 L'équipe de Robert Zattorre* à l'Université McGill, au Canada, a démontré que lamusique déclenche des réponses dans le striatum ventral, impliqué dans le circuit de la récompenseet dans les addictions. Le plaisir – voire le frisson – musical serait dû à la libération d'endorphine etsurtout de dopamine dans le striatum. En revanche, la musique "triste" ou dissonante activel'amygdale cérébrale qui régule nos émotions négatives et sécrète les molécules du stress, le cortisolet l'adrénaline. C'est en touchant le cerveau des émotions et en activant les nombreuses airescorticales et sous-corticales afférentes, que la musique peut susciter une si large palette desentiments, du plaisir à la souffrance.

2. L'art-thérapie permet d'exploiter certains effets de la musique pour raviver lacommunication et la relation avec les enfants polyhandicapés. a) Le pouvoir d'entraînement de la musique peut permettre de restaurer l'élan chez

les enfants polyhandicapés.

En premier lieu, le contact individuel avec l'art-thérapeute inclut l'enfant polyhandicapé dansune relation privilégiée. Cette prise en charge, en plus de le sortir de son isolement, met l'accent surla saveur existentielle. C'est une de ses spécificités au milieu d'un arsenal thérapeutique et éducatifcontraignant mais néanmoins indispensable. Alors, le lien établi renforcé par le plaisir de pratiquerou d'écouter de la musique, permet d'engager l'enfant dans l'activité. « Les bénéfices thérapeutiquesde la musique tiennent certainement à sa composante hédonique et émotionnelle couplée à son rôledans la communication et le lien social, dont les patients manquent souvent. »50

Les instruments, par leur forme, leur couleur, et bien sûr leur sonorité, attisent la curiosité etpeuvent provoquer l'envie d'essayer. Et quand cette envie se concrétise en amenant l'enfant à utiliserl'instrument, même si l'intention n'est pas encore esthétique, un élan s'est produit.

b) Les gratifications sensorielles vécues en séances d'art-thérapie à dominantemusicale peuvent provoquer des manifestations comportementales surprenanteset inattendues.

Les personnes polyhandicapées sont prisonnières de leur corps, ce corps dont ellesdépendent mais qui ne dépend plus vraiment d'elles. Nombreuses sont celles qui souffrent despasticité*. Pourtant, elles sont prêtes à faire des efforts considérables pour produire un son avec uninstrument. « On voit souvent des résidents hypotoniques se redresser au cours des séancesmusicales et participer, au contraire des comportements habituels »51. De même, certains enfantsqui semble manifester de la douleur au quotidien peuvent sembler s'apaiser en écoutant de lamusique, focalisant leur attention sur les sensations agréables. Pour cela, la basse est un instrumentprivilégié pour les interpeller grâce aux vibrations qu'elle délivre : les tons graves passent par lapeau, alors que le corps est souvent contraint ou immobilisé par les appareillages.« La musique active la zone de récompense et du plaisir. Le cerveau sécrète de la dopamine et desendorphines, qui donnent envie de vivre. En écoutant de la musique, vous secrétez aussi de lamorphine, qui apaise la douleur. »52 La musique a donc des effets qui peuvent donner un goût

49 PERETZ Isabelle.Neuroscience de la mélodie. Conférence au Collège de France, 2009.50 DELLACHERIE Delphine et SAMSON Séverine. Op Cit. p.5251 CARRÉ Alain. Op Cit. p.6152 LEMARQUIS Pierre, cité par FABBIAN Liza. La musicothérapie, une pratique pleine d'espoir. [en ligne] La Vie,

mars 2013 [consulté le 3 décembre 2015]. Disponible sur le World Wild Web « http://www.lavie.fr/famille/sante/la-

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différent à la vie et raviver la saveur existentielle.

c) La musique peut faciliter l'expression des enfants polyhandicapés.

On l'a vu, la musique est instigatrice d'élan corporel. Elle devient alors une expression par lecorps. « Le ressenti corporel, la motricité fine, la psychomotricité, l'énergie ou les postures sontcanalisées par la technique et régulés par l'activité mentale qui doit accorder ce que j'attendscomme son, le son que j'obtiens avec mes critères d'exigences et de persévérance en la matière. »53

Le son dépasse ensuite le corps et prend une dimension communicationnelle. La musique entraînedes échanges à la fois dans la relation musicale en elle-même, quand deux personnes jouentensemble, mais également dans l'expression des goûts musicaux et l'affirmation de la personnalité,parfois même sans accès au langage verbal. « Dans le cas de la musique […], les phases 6, 7, 8 sontimpliqués dans la communication-relation »54 et le phénomène artistique nous donne à observerl'expression d'une intention, d'une action et d'une production, cohérentes entre elles, etéventuellement gratifiantes sensoriellement et spirituellement.

3. L'enfant polyhandicapé a besoin de repères spatio-temporels ; la musique est un outilstructurant qui peut l'épauler dans sa recherche d'autonomie.

La musique est un Art* où « le temps et l'espace sont mêlés »55. L'espace, tout d'abord, seprésente sous différents aspects. Les instruments peuvent être considérés selon leur taille, leur poidset bien sûr leur son. La pièce dans laquelle se déroule l'atelier est elle aussi spécifique, identifiéecomme un espace sonore particulier, avec une résonance particulière à laquelle les enfantsmalvoyants notamment sont attentifs. C'est un lieu fixe et "habité", par la musique, les instruments,l'art-thérapeute. Mais la séance est aussi un temps fort et régulier, un moment de liberté et un repèredans la journée qui permet d'en anticiper le déroulement. L'expression des besoins au quotidien peutêtre encouragée par la mise en place de rituels. Une séance structurée peut être structurante parl'organisation des rapports de temps, d'intensité, d'attente ou de gestion de l'acte musical. Lamusique est une activité coordonnée et complexe qui implique de prendre des décisions et favorisepar nature l'autonomie.

IV. La musique, exploitée en art-thérapie, peut être un outil privilégié de communicationet de relation avec les enfants polyhandicapés. A. Des études récentes en neurosciences prouvent les effets positifs de la musique sur

le cerveau humain.

1. La musique stimule la plasticité cérébrale et permet de remobiliser l'individu sur lesparties saines du cerveau.

« Toutes les études indiquent que la musique a des effets positifs sur le cerveau. Elle agit surson fonctionnement, renforçant les connexions entre certaines aires, ou lui permettant de tracer desvoies de "remplacement" pour traiter l'information quand une des voies "normales" est lésée. »56 Siun entraînement intensif à la musique a probablement pour conséquences de modeler des structurescorticales – généralement en accroissant leur surface – et sous-corticales, la pratique d'uninstrument renforce la plasticité neuronale et modifie la forme du cerveau après cinq joursd'entraînement seulement. Cette transformation intervient tant au niveau du cortex sensorimoteur,que du système auditif. Chez les musiciens, le niveau de ressemblance entre réponse cérébrale et

musicotherapie-une-pratique-pleine-d-espoir-16-08-2013-43205_414.php »53 FORESTIER Richard. Op Cit. p.4754 FORESTIER Richard. Tout savoir sur l'art-thérapie. 7e Édition. Lausanne : Éditions Favre, 2012. p.18555 FORESTIER Richard. Tout savoir sur la musicothérapie. Lausanne : Éditions Favre, 2011. p.4756 PÉTRY Françoise. Éditorial. Cerveau & Psycho n°63, mai-juin 2014 : Éditions Pour la Science, 2014. p.1

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stimulus est beaucoup plus importante que chez les non-musiciens. Et la musique, qui partage avecle langage certaines ressources neuronales, optimise le traitement des structures linguistiques,syntaxiques et sémantiques chez les enfants musiciens. De ce fait, la musique aide les personnesatteintes de troubles du langage à améliorer le traitement des sons et, avec lui, celui de la prosodiede la parole, tant en perception qu'en production, ceci en sollicitant des aires compensatrices nonutilisées par le langage verbal. En stimulant le "cerveau moteur", la musique permet aussi derestaurer ou améliorer le mouvement chez des personnes présentant les troubles de la motricité. Parexemple, la synchronisation de la marche de malades de Parkinson* avec de la musique peut-êtreutilisée dans leur rééducation, grâce à l'activation d'un réseau neuronal secondaires qui compense leréseau moteur endommagée par la maladie.

La réorganisation fonctionnelle du cerveau des musiciens est due « à leur pratique instrumentalequi nécessite d'utiliser le plus de ressources neuronales disponibles pour intégrer toutes lesinformations associées aux différentes modalités sensorielles : auditives, bien sûr, mais aussi […]visuelles, linguistiques, tactiles […] ou encore motrices et posturales. »57 C'est la pratique d'uninstrument, plus encore que l'écoute musicale, qui aurait un grand pouvoir de modification desconnexions neuronales.

2. La musique résiste aux atteintes cérébrales.

On l'a vu, la musique modifie positivement le fonctionnement cérébral. Elle aide les maladesde Parkinson à retrouver l'usage de la marche, les victimes d'accident vasculaire cérébral* à corrigerles troubles moteurs ou de la parole. La musique active aussi toutes "les mémoires" et son impactémotionnel favoriserait sa résistance aux maladies du cerveau. Quelques cas cliniques de musiciensatteints de la maladie d'Alzheimer* ont démontré une étonnante conservation des capacitésmusicales malgré des troubles prononcés de la mémoire et du langage. La pratique musicale permetégalement de lutter contre le vieillissement cognitif chez tout un chacun, grâce au renforcement desconnexions synaptiques dû à la modification du corps calleux* et à la constitution de réservesneuronales.

« La musique [...] réduit l'impact des divers troubles de la marche, du langage et de la mémoire.Écouter de la musique, ou mieux encore, la pratiquer améliore la santé physique et mentale. »58

Même si nous n'avons pas à notre disposition les outils de neuro-imagerie nécessaires à lavérification d'une telle hypothèse , nous pouvons alors supposer que l'action musicale en art-thérapie peut avoir une incidence sur les capacités cognitives et sensorimotrices des enfantspolyhandicapés, en faisant appel notamment à des aires compensatrices. Nous pouvons imaginerque les gratification sensorielles, spirituelles et émotionnelles qu'elles procurent n'y sont pas tout àfait étrangères.

B. Il existe peu de travaux de recherche en art-thérapie à dominante musicale avec desenfants polyhandicapés. 1. Nolwenn Plouzennec a travaillé la communication et la relation avec des femmes

adultes polyhandicapées grâce à la musique.

a) La musique semble renforcer la dynamique relationnelle entre l'art-thérapeute etles patientes.

L'art-thérapeute avait pour objectif commun à toutes ses prises en charge de favoriser larelation aux autres. Si les rapports sont cordiaux avec ses patientes dès le début de la prise encharge, les contacts et les regards sont rares. Cependant, leur nombre va croissant et ils sont de

57 PLATEL Hervé, GROUSSARD Mathilde et FAUVEL Baptiste. La musique contre les troubles de la mémoire. Cerveau & Psycho n°63, mai-juin 2014 : Éditions Pour la Science, 2014. p.45

58 PÉTRY Françoise. Op Cit. p.1

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mieux en mieux acceptés, notamment grâce à des mouvements en musique. Les patientes sontglobalement de plus en plus enthousiastes et manifestent un certain plaisir. Elles montrent aussi unerelative autonomie : Telma choisit les disques qu'elle veut écouter et met fin aux séances ; Mathilde,malgré une motricité incoordonnée, semble vouloir manipuler les instruments ; Alice produit desdessins et accepte l'accompagnement de l'art-thérapeute. En revanche, elle a refusé les propositionsmusicales.

b) Les résultats en terme d'implication dans l'atelier d'art-thérapie ne sont pastoujours probants.

Telma n'a pas fait preuve de beaucoup d'initiative pendant sa prise en charge art-thérapeutique. Elle ne s'est jamais déplacée seule jusqu'à l'atelier alors qu'elle en a la capacité, etelle a refusé toute manipulation d'instrument. Alice est souvent réticente aux activités artistiquesproposées, voire agressive, et ne commence vraiment ses productions qu'à partir de la 12e séancesur un total de 17. Mathilde est sûrement celle qui s'exprime et communique le plus. Cependant, si« les apports des séances étaient visibles sur le temps de stage [...] les effets sur le long terme ontété plus difficilement perceptibles »59.

2. Ingrid Andreyitch a expérimenté les arts plastiques en art-thérapie avec despersonnes polyhandicapées.

Là encore, l'engagement, l'investissement et l'épanouissement dans l'activité artistique, neparviennent à s'installer qu'après une dizaine de séances. Ce phénomène est corrélé à la relation* deconfiance avec l'art-thérapeute qui s'établit lentement. Par exemple, ce n'est qu'à la dernière séanceque « S. s'engage, fait des efforts physiques afin de dépasser ses frustrations, et en demandant à lastagiaire de se mettre en retrait, semble montrer un désir d'autonomie. »60 Atteinte de polyhandicap,la patiente présente une grande dépendance relationnelle induite par sa dépendance matérielle auxpersonnes qui l'entourent. La relation qu'elle construit est de prime abord envahissante et inadaptée.Ce n'est que lorsqu'elle fait confiance à l'art-thérapeute qu'elle a confiance en elle et qu'elle adapteson comportement en adéquation avec le contexte.

J., dont le trouble principal est une organisation psychotique de la personnalité, a eu besoin del'investissement de son éducatrice référente dans la prise en charge art-thérapeutique dans et endehors de l'atelier. Il est parfois nécessaire pour faciliter l'engagement dans l'activité et dans larelation avec l'art-thérapeute, qu'une personne proche et bien connue du patient joue le rôle demédiateur entre lui et le nouveau soignant.Le temps est un facteur essentiel dans la prise en charge des personnes polyhandicapées.

C. Pourtant, au vu de ses caractéristiques, l'art-thérapie à dominante musicale, semblepertinente pour encourager et renforcer la communication et la relation avec lesenfants polyhandicapés.

1. La musique peut tenter de compenser l'absence de langage verbal pour entrer enrelation avec les enfants polyhandicapés.

La plupart des enfants polyhandicapés peuvent entendre, et pourraient donc être entraînés et,éduqués à écouter, dans la limite de leurs capacités d'attention et de concentration. Cependant, peud'entre eux ont accès au langage verbal. Cela ne signifie pas qu'il ne peuvent pas communiquer, etencore moins qu'ils ne veulent pas. Bien au contraire. Alors, la musique se présente comme un

59 PLOUZENNEC Nolwenn. Un atelier d'art-thérapie à dominante musicale auprès de personnes adultes polyhandicapées. Tours : Université de Tours, AFRATAPEM. 2011 p.60

60 ANDREYITCH Ingrid. Op Cit. p.29

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moyen de communication privilégié. « Quand la communication verbale n'est plus possible, celledes sons musicaux l'est encore. »61 Elle touche l'audition, c'est évident, mais aussi « telle unevibration profonde, semble envahir le corps, suscitant chez la personne malade une nouvellecapacité de s’éprouver en son corps, notamment dans sa spatialité. »62 Les enfants polyhandicapésont besoin de ressentir ce corps prisonnier de la pathologie et de le mobiliser dans une recherched'autonomie et d'indépendance optimale.

Les neurosciences nous apprennent que la musique est susceptible de modifier en profondeur notrecerveau, nos capacités cognitives et psychomotrices, tout comme les émotions et leur expressionjouent un rôle essentiel dans le développement psychoaffectif de l'enfant. Alors, les gratificationssensorielles et spirituelles, et la forte dimension émotionnelle qui y est corrélée, peuvent-ellesfavoriser l'engagement des enfants polyhandicapés dans l'activité artistique, puis dans la relationavec l'art-thérapeute et, à long terme, dans la relation* aux autres ?

2. L'art-thérapeute est un artiste qui peut jouer de la musique vivante.

« Si l'art-thérapeute veut s'impliquer dans l'activité artistique, il doit maîtriser unetechnique artistique. […] L'art-thérapeute est engagé dans son activité. »63 En effet, commentengager le patient, sans s'engager soi-même ? Cette compétence artistique est d'autant plusindispensable avec les enfants polyhandicapés que tous n'ont pas les moyens de passer à l'action, etl'art-thérapeute doit toujours être en mesure de proposer un choix entre manipulation etcontemplation. Il doit connaître le fonctionnement et les spécificités du ou des instruments utilisés,pour les adapter à la motricité des personnes polyhandicapées. Il doit aussi avoir connaissance etconscience de l'impact sensoriel et émotionnel que sa discipline peut avoir, et en maîtriser les effetss'il veut procurer des gratifications. La richesse de l'échange naît en bousculant pour provoquer unerupture, en évitant ce qui est attendu. La musique vivante est alors nécessaire pour surprendre de lasorte. Elle permet d'adapter son propos en permanence et en temps réel aux réactions et aux besoinsdu patient. Pour ma part, la basse électrique, ma culture des musiques actuelles, et du rock enparticulier, ont marqué, parfois guidé, mes prises en charge. Pour résumer, l'Art est caractéristiquede l'art-thérapie ; sans lui, elle perd son originalité.

61 CARRÉ Alain. Op Cit. p.5962 OPPERT Claire, MALLET Donatien, GOMAS Jean-Marie. Paroles de patients en soins palliatifs lors de séances

d’art-thérapie musicale : analyse qualitative. Les Cahiers francophones de soins palliatifs, volume 15, n°1, 2015, p.23 à 35. p.27

63 FORESTIER Richard. Tout savoir sur l'art-thérapie. 7e Édition. Lausanne : Éditions Favre, 2012. p.81

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2e PARTIE : LA MISE EN PLACE D'UN ATELIER D'ART-THÉRAPIE À DOMINANTE MUSICALE AU SEIN DE L'EEAP* TONY LARUE A PERMIS DE VÉRIFIERCETTE HYPOTHÈSE.

I. L'EEAP est un lieu d'accueil adapté aux enfants polyhandicapés.

A. L'EEAP est un établissement de type IME*. 1. L'EEAP est géré par l'APAJH*76.

a) L'APAJH est une association loi 1901.

Elle a été créée en 1962 à l’initiative d'enseignants qui, en réaction à l’absence de servicesde placement et à la carence de l’Éducation Nationale, souhaitaient proposer des solutions plusadaptées aux élèves handicapés qui fréquentaient leurs classes. La volonté de cette association estd'insérer socialement, scolairement et/ou professionnellement des personnes différentes à diverstitres, enfants et adultes relevant de tous types de handicaps.

Aujourd'hui, l'APAJH réunit 25000 adhérents et 14000 salariés, et accueille ou accompagne 30000personnes dans 600 établissements ou services gérés par 91 associations départementales.

b) Le projet associatif ne concerne pas seulement l'EEAP.

L'APAJH répond aux besoins réels des personnes accompagnées dans une perspectived'épanouissement, d'intégration sociale et professionnelle. Son action reconnue d'utilité publique aune orientation résolument intégrative et inclusive et s'appuie sur trois valeurs fondamentales : lalaïcité, la citoyenneté et la solidarité. L'éducation, l'emploi, la reconnaissance et la dignité, la qualitéde vie des personnes accueillies sont au cœur de ses préoccupations. L'APAJH appartient àl'économie sociale et solidaire.

2. L'établissement n'a pas toujours accueilli des enfants polyhandicapés.

a) La structure a ouvert en 1974.A l’époque, l’agrément était pour 60 personnes et l’IME du "Chêne à Leu" accueillait des

enfants déficients intellectuels avec des troubles du comportement. Il a été restructuré en 1987 pouraccueillir des enfants polyhandicapés, nécessitant une extension et une adaptation des locaux. Ildevient l'EEAP Tony Larue, du nom d'un ancien maire de la commune ayant beaucoup œuvré pourla structure. Aujourd'hui, l’établissement est agréé pour accueillir 30 enfants et adolescents entre 6et 20 ans adressés par la MDPH*. Il est ouvert 210 jours par an, du lundi au vendredi, dans lajournée uniquement.

b) L'enfant polyhandicapé est au cœur de la mission et du projet d'établissement del'EEAP.

L'EEAP cherche à préserver et développer les aptitudes et capacités de la personnepolyhandicapées par des actions éducatives, rééducatives et thérapeutiques, adaptées aux besoins del'usager, à son niveau de développement, à ses potentialités et à l’évolution de son état.Dans son projet d'établissement, qui découle du projet associatif, l'institution garantit l'éthique despratiques professionnelles et le droit de citoyenneté des personnes polyhandicapées. Les projets desoins, projets éducatifs et rééducatifs sont mis en place pour œuvrer à la reconnaissance de l'enfantpolyhandicapé comme un être relationnel à part entière, dans la vie quotidienne comme dans lessituations critiques.

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B. La prise en charge des enfants polyhandicapés répond à certaines exigences.

1. Une équipe pluridisciplinaire est nécessaire.

Elle est sous l'autorité de la directrice adjointe et divisée en 5 services : général,administratif, éducatif, médical et paramédical. Le personnel est quasiment exclusivement féminin.

a) L'équipe éducative encadre les jeunes au quotidien.

Le service éducatif est composé de 6 éducateurs spécialisés et huit AMP*. Ils travaillent enbinômes dans les groupes et sont présents et actifs dans le quotidien des jeunes. L'éducateur estchargé de l'accompagnement éducatif à travers l'apprentissage des actes de la vie quotidienne. Ilfavorise le maintien ou le développement de l'autonomie et des compétences cognitives, et garantitla mise en place des projets individualisés. L'AMP l'assiste dans ces fonctions et tient un rôleessentiel dans le maintien de l'hygiène des usagers.

b) L'équipe médicale et paramédicale est complémentaire de l'équipe éducative dansla connaissance du public accueilli.

Le médecin, spécialiste dans la rééducation fonctionnelle, a sous son autorité les deuxservices. Deux infirmières se tiennent informées chaque jour de l'état de santé de chaque jeune.Elles les connaissent bien sur le plan médical et comportemental, et sont un lien avec les familles etles médecins extérieurs à l'établissement.

Le service paramédical tente de prévenir ou de pallier certaines difficultés des jeunespolyhandicapés. Les trois kinésithérapeutes visent le progrès ou le maintien des capacités motrices,en fonction des aptitudes de chacun. L'ergothérapeute veille à l'amélioration de l'environnement del'enfant et à sa bonne installation dans toutes les actions du quotidien, à l'EEAP comme à la maison.La psychomotricienne cherche à développer les fonctions motrices en retard, en prenant en compteleur aspect cognitif.

La psychologue est indépendante de ces services, mais son rôle est essentiel dans la mise enlumière de la vie psychique parfois oubliée des enfants de l'EEAP, et leurs relations familiales. Parson regard psychologique appliqué à tous les domaines (médical, éducatif, etc.), elle est uneressource pour tous les membres de l'équipe.

2. Les locaux sont adaptés à la vie des enfants polyhandicapés.

L'établissement est de plain pied. En plus des espaces habituels indispensables à la viequotidienne (cuisine, réfectoire, lingerie, bureaux...), l'EEAP est équipé d'une salle debalnéothérapie, d'une salle Snoezelen* et d'une salle de bain avec baignoire motorisée. Le centrepossède également une grande salle pouvant accueillir les réunions, les fêtes d'anniversaires oucertaines activités collectives. Il y a aussi une salle dite "mousse" où, comme son nom l'indique,sont disposés de gros éléments en mousse (tapis, marches, plans inclinés...).Pour l'accueil des jeunes, 3 unités ("Petits", "Moyens" et "Grands") sont divisées en 2 groupeschacune, soit 6 groupes au total. Pour chaque unité, il y a une salle de change commune aux 2groupes.

Tous les personnels médicaux et paramédicaux ont une salle qui leur est propre.

C. L'organisation de l'EEAP dépend des besoins des jeunes polyhandicapés. 1. Le quotidien est ritualisé.

a) Les tâches de "nursing" sont omniprésentes.

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Les enfants polyhandicapés ont besoin de repères spatio-temporels stables et précis. Lestâches du quotidien (changes, nursing, sieste...) occupent beaucoup de temps dans la journée64. C'estle binôme éducatif qui en a la charge, et l'éducateur (l'éducatrice), même si ce n'est pas sa fonctionpremière, se doit d'y participer : premièrement pour des raisons d'ordre organisationnel, parce quel'AMP ne peut pas y parvenir seul(e). Deuxièmement, parce qu'il s'agit d'un moment essentiel etrécurent dans la journée qui peut aussi être l'objet d'un échange à but éducatif.

Ces tâches journalières rendent les activités difficiles à mettre en place dans le groupe. A celas'ajoute la contrainte des prises en charge régulières par l'équipe médicale et paramédicale(alimentation par gastrostomie*, kiné respiratoire, verticalisation...).

b) Les activités sont proposées de façon régulière.

Le meilleur moyen d'organiser une animation est donc de le faire en dehors du groupe, sousforme d'activités éducatives intra muros (judo, chiens, chants, contes...), ou extra muros(multisports, poney, bibliothèques...) ou d'activités spécialisées grâce aux équipements de lastructure (balnéothérapie, Snoezelen, mousse...). Bien entendu, certaines activités ont égalementlieu à l'intérieur du groupe (musique, télévision, relaxation...).Même si elles sont inscrites au planning, l'état d'un jeune ou une absence ponctuelle de personnelpeut empêcher l'activité d'avoir lieu.

2. La prise en charge est collective mais individualisée.

a) La vie en groupe est incontournable à l'EEAP.

L'accompagnement collectif a l'avantage de faire prendre conscience aux enfantspolyhandicapés de leur environnement, de la présence des autres et leur offre davantage de relationssociales. Mais l'amplitude de profils totalement différents rend les prises en charge complexes. Lesjeunes possédant des capacités cognitives ou motrices supérieures aux autres usagers sont parfoispénalisés par le cadre restrictif du groupe. Le défi de l'équipe est d'y créer une atmosphèreconfortable pour tous, tout en tenant compte des possibilités et personnalités de chacun.

b) Les projets individualisés propres à chaque jeune permettent d'établir desobjectifs personnalisés.

Le projets individualisés est complémentaire du projet de groupe, et tente de pallier auxcontraintes de la vie en collectivité. Il est élaboré par le binôme éducatif référent de chaque jeune,en lien avec l'équipe pluridisciplinaire. « II vise à offrir au personnel une perspective dedéveloppement pour le résident et pour lui-même, […] et constitue une référence commune surlaquelle il convient de s'appuyer pour recentrer l'action d'une équipe »65. Le travail desprofessionnels auprès des personnes polyhandicapées réclame une réelle compétence, et nécessite lerecours à des techniques spécialisées. C'est pourquoi, le personnel de l'EEAP est est en permanencesensibilisé à la formation.C'est dans cette démarche de prise en charge individuelle que l'art-thérapie* peut trouver sa place.

64 Cf. Annexe V : Une journée "type" à l'EEAP65 FRUIT Jean-Marc. In ZUCMAN Élisabeth. Accompagner la personne polyhandicapée. Réflexions autour des

apports d'un groupe d'étude du CTNERHI. 2e édition revue et augmentée. CTNERHI, 2000. p.214

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II. Un atelier d'art-thérapie a pu être mis en place à l'EEAP Tony Larue.

A. L'atelier d'art-thérapie est mis en place en partenariat avec l'équipe encadrante. 1. Recueillir des informations théoriques avant de commencer les prises en soin est

indispensable.

a) La consultation des synthèses et projets individualisés apporte desrenseignements précieux.

Ces documents dont rédigés par les binômes éducatifs et soumis au reste de l'équipe ainsiqu'à la famille. La synthèse offre des indications sur l'histoire et la maladie de l'enfant. Elle décritégalement son évolution au sein de l'établissement, en particulier lors de l'année écoulée. Le projetindividualisé, lui, permet aux encadrants de se placer, quelque soit leur fonction, dans une démarched'accompagnement plus globale pour servir les objectifs fixés par l'équipe pluridisciplinaire.

Tous deux sont essentiels à la rédaction des états de base.

b) Les échanges avec les professionnels complètent les données collectées.

J'ai beaucoup travaillé et échangé avec les binômes éducatifs qui, par leur contact quotidienavec les jeunes, sont les plus à même de me transmettre des informations précieuses sur leur état aujour le jour. Ils ont également un rapport privilégié avec les familles et connaissent la vie desenfants en dehors de l'établissement grâce au cahier de liaison. Les infirmières furent une ressourceprécieuse quant à la connaissance des pathologies, des traitements médicamenteux et de la douleurressentie.

J'ai également pu observer des prises en charge en kinésithérapie et psychomotricité de certains desjeunes orientés vers moi, pour les voir évoluer dans un autre contexte de séance individuelle, etglaner de nouvelles informations.

2. L'établissement a mis à ma disposition un lieu confortable, pratique et fixe.

Contrairement à mon premier stage pendant lequel j'avais dû naviguer entre la salle deréunion et la salle "mousse", j'ai eu le privilège cette fois-ci d'avoir ma propre salle pour mettre enplace l'atelier d'art-thérapie. En effet, le médecin étant absent, j'ai pu occuper son cabinet pendanttoute la durée du stage. Après quelques aménagements, je bénéficiais d'un bel espace pratique, assezconfidentiel et intime. De plus, le lieu n'était pas vraiment identifié comme le cabinet du médecinpar les enfants qui n'y sont pas reçus très souvent. En revanche, je crois qu'ils le reconnurentrapidement comme l'atelier d'art-thérapie.

3. En l'absence de médecin, c'est l'équipe éducative qui indique les patients en art-thérapie.

Elle a été en arrêt de travail du début à la fin de mon stage. Son absence a évidemmentimposé une organisation particulière à l'EEAP, laissant les membres de l'équipe médicale etparamédicale en autonomie.La présence d'un cadre médical aurait dans doute pu influencer ma façon de prendre en charge lesjeunes, ne serait-ce que dans l'indication de ceux-ci.

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B. Les prises en soin ont été pensées et organisées en amont du second stage.

1. Le nombre de patients a volontairement été limité à six pour un travail enprofondeur. a) Les enfants pris en charge ont pu bénéficier de séances quasi quotidiennes.

Mon stage à l'EEAP a eu lieu du 24 août 2015 au 18 septembre 2015, interrompu par unesemaine de formation. Condensé sur trois semaines, il m'a permis de m'immerger et de m'intégrerdans le quotidien des jeunes comme de l'équipe avec qui j'ai fait la rentrée. Mise à part Beth que je n'avais pas rencontrée précédemment, tous avaient déjà bénéficié dequelques séances d'art-thérapie lors de mon précédent stage.

b) Les séances ont eu lieu à horaires réguliers, dans la mesure du possible.

Afin de m'intégrer à l'organisation de l'EEAP, l'horaire des séances a été déterminé en accordavec l'équipe éducative et paramédicale et en fonction des jeunes. Il peut parfois être déterminantdans le déroulement de la séance, et sa modification peut avoir des conséquences sur la prise encharge. Cette régularité répond au besoin de repères spatio-temporels des enfants polyhandicapés etfavorise l'instauration d'une relation stable et de confiance entre eux et l'intervenant. Les enfants ontvécu à un rythme différent pendant les vacances d'été, dans un autre cadre, et le retour à l'EEAPpeut être difficile, presque traumatisant pour certains. Les repères et rituels prennent d'autant plusd'importance.Les séances ont généralement duré une trentaine de minutes. J'avais réservé quinze minutes entrechaque prise en soin, afin de compléter les fiches d'observation et préparer la salle si nécessaire.

2. La disposition de l'atelier est évidemment adaptée à l'accueil des enfants

polyhandicapés.

Présent pendant trois semaines complètes et consécutives, j'ai pu investir l'atelierd'instruments divers : des petites percussions pouvant être manipulées facilement (œufs maracas*,tambourins*, couronnes de cymbalettes*, shekeré*, cabassa*, glokenspiel*, xylophone*, guiro*...) ,un gong et des instruments Baschet* plus imposants et plus puissants en volume sonore, une basseélectrique* short scale* très légère et un gros ampli de bonne qualité pour une diffusion large etoptimale.Pour installer certains enfants au sol confortablement, j'ai utilisé un "pouf". L'agencement de la salleétait adapté aux potentialités de chaque enfant. Pour Elliott qui était le seul à pouvoir se déplacer,les instruments étaient répartis au sol.

III. Deux études de cas cliniques détaillées illustrent comment les séances d'art-thérapie ont favorisé la communication et la relation.

A. Bowie est un jeune adolescent possédant des capacités cognitives plus élevées que lamoyenne de l'EEAP. 1. Bowie est indiqué en art-thérapie pour tenter d'améliorer son comportement et sa

communication.

Le binôme éducatif en charge du groupe a changé en cette rentrée, l'éducatrice référenteayant quitté l'établissement. Cette information a son importance. C'est elle néanmoins qui avaitindiqué Bowie en séance d'art-thérapie avant les vacances d'été. L'AMP, qui le connaît bien, préciseles objectifs : solliciter une expression verbale adaptée, entre autres pour interpeller les enfants etles encadrantes par leur prénom ou un "bonjour".

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2. L'anamnèse et l'état de base précisent le type de polyhandicap de Bowie ainsi que sescompétences.

Bowie a 12 ans, il est accueilli à l'EEAP depuis 4 ans, et sur le groupe des "Grands 1"aujourd'hui. Ses parents sont séparés, Bowie et sa petite sœur sont en garde alternée, et d'autresenfants sont nés de nouvelles unions. Bowie est l’aîné de cette fratrie recomposée. Bowie présente un syndrome de West, une forme rare d'épilepsie*. Une anomalie cérébraleprovoque des séries de spasmes chez le nourrisson, ce qui entraîne un retard du développementpsychomoteur et intellectuel. L'équipe est vigilante à la survenue de crises qui continuentd'endommager le cerveau de Bowie, d'autant plus qu'elles sont en recrudescence depuis la rentrée.Sa courbe de poids est également suivie de près, et on soupçonne une probable cécité. Le suivimédical par la famille est compliqué.

Ses capacités cognitives sont supérieures à celles des jeunes accueillis à l'EEAP mais il a tendance àse mettre au niveau de ses camarades. Sociable, il apprécie les relations privilégiées avec eux ou lesadultes. Bowie s'exprime clairement, peut faire des phrases construites et cohérentes, mais avec untrop faible volume sonore et donc souvent inaudibles. Cela est en partie dû au fait qu'il laissetomber sa tête sur sa poitrine, et il lui est alors difficile d'articuler. L'équipe l'encourage à laredresser pour communiquer. Bowie peut aussi interpeller l'autre de façon inappropriée (cris,grossièreté, etc.). Il possède un large panel gestuel et un certain don d'imitation. Et surtout, il sait etaime chanter !

3. La prise en charge art-thérapeutique servira les objectifs de l'institution. a) Le personnel de l'EEAP incite Bowie à respecter le cadre et les consignes et

accompagne son développement.

Le projet individualisé de Bowie formalise un accompagnement dans la socialisation etl'adaptation de son comportement au contact des autres. L'encouragement de son développementpersonnel va de pair, tant des capacités d'attention et de compréhension, d'expression, decommunication et de relation, que des capacités psychomotrices. Bowie doit aussi apprendre à gérersa fatigabilité et ses excitations qui favorisent la survenue de crise d'épilepsie.

b) Les séances d'art-thérapie devront encourager la participation active de Bowie etsolliciter sa communication verbale.

Étant données ses compétences cognitives, on peut supposer que Bowie a conscience de sadifférence, et souffre de cette situation d'enfant polyhandicapé hors norme. En raison de l'impact dela maladie sur sa qualité de vie et de sa grande dépendance vis-à-vis des personnes qui l'entourent,Bowie n'est pas sujet de son existence et peut se désinvestir des relations sociales. Il manifeste alorsdes troubles du comportement (repli sur soi, agressivité, vulgarité) qui l'isolent un peu plus etrenforcent le sentiment d'exclusion. Prisonnier de cette boucle d'inhibition, Bowie montre peud'estime de soi et une certaine perte d'élan (ou un élan inadapté).

Pour tenter de les raviver, la prise en charge art-thérapeutique cherchera à engager psychiquement etphysiquement Bowie dans l'activité artistique et dans la relation avec l'art-thérapeute. Cetengagement pourra provoquer et développer une expression verbale adaptée au contexte, etréciproquement.

4. La stratégie thérapeutique s'appuie sur les goûts et les capacités d'apprentissage deBowie pour favoriser l'expression.

Bowie est limité physiquement dans ses moyens d'expression (phase 6 de l'opérationartistique) et la confiance en soi en est pénalisée. L'amour de soi* est terni par ses sensations

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déformées (3) et une mauvaise image de lui-même (4). L'isolement affecte l'affirmation de soi (8).Alors, on observe un manque d'élan (5) chez lui. Pour tenter de le restaurer, j'ai choisi la musiquecomme dominante pour ses pouvoirs relationnel et d'entraînement, et aussi parce que Bowie estsensible à cette discipline.

J'exploite ses potentialités d'apprentissage pour valoriser ses compétences mnésiques et cognitives(4) et redorer son estime de soi. Par la découverte de différents morceaux de musique etd'instruments (1-2), je cherche à lui faire sentir et ressentir des sensations agréables (3↔4) pourl'encourager à participer activement (5). Ensuite, la manipulation des instruments mobilise sescapacités physiques (6). Ces nouveaux gestes aboutissent à une production (7) qui, à son tour,procure à Bowie des gratifications sensorielles (3↔4) pour l'encourager à jouer encore (5) afin d'enressentir davantage. Cette boucle de renforcement (3↔4↔5↔6↔7) engage la participation activede Bowie dans l'atelier d'art-thérapie. Les nouvelles connaissances acquises valorisent l'amour desoi63.Alors, il est possible de déterminer ses goûts (3↔4) et, en l'incitant à les exprimer verbalement (6,8), de raviver l'affirmation de soi. Sa faculté de critique (1-2-3↔4↔8) est mise en jeu.

Ces différentes formes d'expression, musicale ou verbale, sont révélatrices et constituent des itemsd'évaluation de son engagement relationnel.

5. Bowie a bénéficié de 7 séances d'art-thérapie.

a) Les 2 premières séances permettent d'établir la relation entre Bowie et l'art-thérapeute.

Bowie avait participé à des séances d'art-thérapie lors de mon premier stage entre novembre2014 et mars 2015. Il paraît se souvenir de moi, mais il serait prétentieux de l'affirmer. Il faut doncrenouer le lien. Je profite également de ces premières rencontres pour commencer à déterminer sesgoûts et ses envies.

Notons que la séance commence dans le groupe où je viens chercher Bowie. Je lui demandetoujours si il veut venir en atelier.

Objectifs : • (re)nouer le lien avec l'art-thérapeute• déterminer ses goûts, envies et besoins

Stratégie : → propositions musicales (1-2) pour des gratificationssensorielles (3-4)→ ses réactions (5-6) pourront donner une indication de ses goûts (4)→ leur expression (8) installe la relation

Séance n°1 (25 août 2015) :Bowie ne répond pas tout de suite à mes sollicitations quand je viens le chercher dans son groupe,mais finit par accepter de venir en atelier. Il est fatigué, je joue un morceau doux pour ne pas lebrusquer, mais il semble s'assoupir (rappelons que c'est le deuxième jour à l'EEAP depuis larentrée) ! Je lui propose de manipuler la basse pour l'impliquer un peu plus dans l'activité. Il joue,gratte, frappe les cordes, mobilise toute la partie supérieure de son corps et sourit un peu.En fin de séance, il dit spontanément : « j'ai touché », « j'ai bien travaillé ». J'en profite pour luiproposer une forme de cube harmonique "binaire" où il peut répondre par oui ou par non auxquestions : « veux-tu revenir ? » pour le Bon, « as-tu bien travaillé ? » pour évaluer le Bien, et « çat'a plu ? » pour le Beau. Il répond oui aux trois questions.

Séance n°2 (27 août 2015) :Bowie semble moins concentré et concerné. Il dit avoir soif, je dois sortir pour lui trouver un verred'eau mais il ne boit presque rien. Il déplace un peu son fauteuil et demande son tapis... Cetteséance plutôt déstructurée est de plus écourtée par l'heure du repas.

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Bowie ne répond pas à toutes les questions du cube harmonique.

Bilan :→ privilégier la manipulation d'instruments (1-2) pour l'apprentissage de nouveaux gestes (4-6)→ valoriser ces connaissances et les efforts (8)→ favoriser l'expression verbale des goûts (4-6-8)

b) Bowie participe activement et spontanément aux séances d'art-thérapie.

Objectifs : • motiver une expression orale

distincte• affirmer ses goûts• expression-production musicale

Stratégie : → multiplier les propositions musicales pour apporter des gratifications sensorielles (3-4)→ solliciter l'expression verbale des goûts (4→5-6→8)→ apprendre de nouveaux gestes (4-6) pour les valoriser (8)→ compréhension et respect des consignes (4-6) pour consolider le cadre

Séance n°3 (28 août 2015) :Je continue à sonder les préférences de Bowie. Je lui propose différents supports (morceaux"vivants" à la basse, manipulation d'instruments, écoute d'enregistrements) et sollicite l'utilisationdu langage verbal pour l'expression de ses goûts. Il répond de façon pertinente, est très souriant etjoue spontanément des différents instruments.Il demande à « jouer de la musique avec moi » et commente spontanément « j'ai joué de labasse », « c'était super ». Il répond "oui" aux trois questions du cube harmonique.

Séance n°4 (8 septembre 2015) :Bowie n'est pas en forme ce jour. A son arrivée dans le groupe, il présente des signesannonciateurs d'une crise d'épilepsie et se plaint de douleur, sans pour autant la localiser. Je débutela séance par un morceau de basse pour capter son attention par des gratifications sensorielles (1-2→3↔4). Je lui propose ensuite la manipulation de la basse pour prolonger et renforcer cessensations (3↔4↔5↔6↔7) et encourager une expression musicale spontanée.L'ayant entendu chantonner Uptown Funk de Mark Ronson plus tôt dans la journée, je fais appel àces connaissances (4) et les valorise en l'encourageant à chanter avec l'enregistrement original eten l'accompagnant (4↔5↔6↔7).Je profite de ce nouvel outil pour appuyer le cadre (6) avec des consignes simples, et emmenerBowie vers de nouveaux apprentissages ; en l’occurrence, une phrase d'une chanson contenant leprénom de son AMP* référente. Il fera appel à sa mémoire (4), et lui chantera (5-6-7-8) de retourdans le groupe.Bowie fera une crise d'épilepsie dans la journée.

Séance n°5 (11 septembre 2015) :Bowie est en forme ce jour, et même un peu excité. J'ai apporté une guitare électrique. Je lui enjoue en utilisant divers effets (delay, distorsion...) et le questionne pour l'inciter à affirmer sespréférences (3-4↔8). Il répond distraitement et semble peu attentif. En revanche, après avoirmanipulé la guitare, il affirme avec conviction qu'il « préfère la basse ». Je lui propose alors samanipulation en suivant une consigne (6) : un jeu didactique dirigé où il doit jouer plus ou moisfort selon mes ordres. Il les comprend (4) et y répond (6).

Séance n°6 (14 septembre 2015) :Pour qu'il verbalise encore ses goûts (3-4↔8) et développer ses savoir-faire (6), je propose àBowie de nouveaux instruments (1-2), des petites percussions (tambourin et cabassa) et mets enplace de jeux libres en duo. Il semble fournir des efforts importants, (visage crispé et bras tendus)pour produire des sons (6-7), et finit par jeter le tambourin. Il verbalise plusieurs demandes : « je

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veux faire de la peinture », « je veux faire de l'ordi », « je veux mon tambourin ».

Bilan :→ bonne implication de Bowie dans la prise en charge art-thérapeutique→ expression verbale globalement pertinente→ efforts pour produire de la musique

Projection :Attention au choix des instruments pour éviter la mise en échec.

c) À la demande de Bowie, la septième et dernière séance est à dominante picturale.

Objectifs : • satisfaire son envie de peindre • affirmer ses goûts• expression-production picturale

Stratégie : → gratifications sensorielles (3-4) par l'exploration de la matière et de l'espace→ mobiliser l'élan et la structure corporels (5-6) et valoriserles efforts (8)→ solliciter l'expression verbale des goûts et préférences (4→5-6→8)

Séance n°7 (18 septembre 2015) :La séance précédente a été annulée, car Bowie a commencé une crise d'épilepsie en arrivant dansl'atelier.Bowie est malvoyant. Pourtant, c'est bien lui qui suggère l'idée de la peinture lors de la séanceprécédente. Je suppose qu'il en a déjà fait l'expérience et qu'il l'a apprécié. Quoi qu'il en soit, dufait de son trouble visuel, Bowie a besoin d'assistance dans la pratique de la peinture. Je luipropose un choix entre quelques couleurs primaires, mais j'ignore si il sait vraiment à quoi ellescorrespondent. Son choix se porte sur le bleu d'abord, et plus tard le jaune. Sur les conseils de sonAMP, je dépose une petite quantité de peinture sur la feuille et l'aide à l'étaler avec les mains. Lapsychomotricienne travaille des mouvements les plus amples possible avec Bowie en le guidantpour entraîner le bras tout entier à partir de l'épaule. J'imite ce geste pour inciter Bowie à couvrir lafeuille. Les gratifications sensorielles (3↔4), a priori plutôt d'ordre tactile que visuel, lui procurentl'élan nécessaire (5) à l'accomplissement de ces mouvements (6), parfois sans mon aide.Il met fin à la séance et conclut : « j'ai fait mes devoirs ».

Bilan :→ implication corporelle et psychique dans l'activité→ sentiment de satisfaction→ prise d'initiatives

Projection :Bowie est parasité par la "blouse" en sac poubelle, qui vise à protéger ses vêtements mais qui estassez bruyante et sans doute inconfortable. → à éviter dans les activités d'arts plastiques (art-thérapeutique ou non) pour favoriser sa concentration.

6. L'évaluation de l'évolution des items observés montre les effets positifs de l'atelierd'art-thérapie auprès de Bowie.

L'observation, et donc l'évaluation, des personnes polyhandicapées est délicate. En présencede déficits physiques et mentaux sévères, faire leur connaissance prend du temps. Leur expression,leurs mouvements, ce qu'ils donnent à observer sont limités. J'ai eu besoin d'un temps de réflexionet d'observation hors évaluation pour établir des items, répertoriés en deux faisceaux d'items,interdépendants et fortement mêlés. Les deux premières séances ne sont donc pas représentées

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dans les graphiques.

a) Le premier faisceau d'items évalue l'expression-communication.

Il regroupe trois items :

• Expression verbale :1) jamais, pas du

tout2) sur sollicitation,

sans rapport avec l'activité

3) sur sollicitation,en rapport avec l'activité

4) spontanément, sans rapport avec l'activité

5) spontanément,en rapport avecl'activité

• Nature de l'expression :1) plaintes 2) refus 3) acceptation 4) souhait, demande 5) plaisir, préférence

• Chante, joue, peint :1) jamais, pas du

tout2) sur sollicitation

importante3) avec peu de

sollicitation4) parfois

spontanément5) spontanément,

souvent

Diagramme n°1 : évaluation de l'expression-communication de Bowie

Bowie s'est globalement investi dans les activités artistiques proposées, qui ont favorisé sonexpression musicale ou picturale d'abord, mais aussi verbale. Il a activement participé auxconversations.

b) Le second faisceau d'items évalue la communication-relation.

Il regroupe six items :

• Qualité du regard :1) agité 2) mobile 3) yeux fermés 4) yeux mi-clos 5) fixe, attentif

• Redresse la tête :1) jamais, pas du

tout2) sur sollicitation

importante3) avec peu de

sollicitation4) parfois

spontanément5) spontanément,

souvent

• Sourit :1) pas du tout 2) 1 ou 2 fois 3) 3 à 5 fois 4) 5 à 10 fois 5) pendant toute la séance

• Cris, grossièreté, signes d'impatience :1) + de 5 fois 2) 3 à 5 fois 3) 2 ou 3 fois 4) 1 fois 5) pas du tout

• Attitude pendant la séance :1) inactif, absent 2) excité, inattentif 3) contemplatif 4) actif 5) dynamique

• Respecte les consignes :

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S3 S4 S5 S6 S70

1

2

3

4

5expression verbalenature de l'expressionchante, joue, peint

Diagramme n°2 : évaluation de la communication-relation de Bowie

Bowie a toujours respecté le cadre et les règles de la prise en charge en art-thérapie. Saparticipation, son engagement et sa concentration, évalués grâce au regard, à la posture et àl'attitude, ont été croissants.

7. La prise en charge art-thérapeutique de Bowie a atteint ses objectifs et étayentl'hypothèse.

Bowie s'est montré très coopératif, participatif, engagé dans les séances d'art-thérapie. Il atoujours formulé, plus ou moins spontanément selon les jours, l'envie de venir à l'atelier. Il a utiliséune communication verbale adaptée, exempte de toute grossièreté. Je l'ai encouragé à exprimer sesgoûts et ses préférences, ce qu'il a fait volontiers mais pas toujours à son initiative. La continuationde la prise en charge aurait peut-être pu permettre une évolution dans ce sens. Elle semble en effetavoir été amorcée, l'expression de son envie de faire de la peinture semble l'étayer. La satisfactionde ce choix lors de la dernière séance semble avoir consolidé la relation déjà établie. Bowie atoujours auto-évalué les séances positivement grâce au cube harmonique. Celui-ci pourrait êtredéveloppé pour proposer plus de choix dans l'évaluation. Il permettrait alors de valoriser encore unpeu plus les capacités cognitives de Bowie. Les activités musicales revigorent la psychomotricité,elles « nécessitent une bonne gestion de la motricité fine ; elles favorisent l'harmonie gestuelle.Elles sont donc un facteur de progrès pour l'épileptique »66. Il faut cependant rester vigilant auxsignes avant-coureurs des crises qui peuvent être déclenchées par de trop importantes stimulationset l'excitation.Les objectifs de la prise en charge art-thérapeutique semblent avoir été atteints dans le cadre del'atelier. Mais même si on constate des progrès en dehors, ils restent à confirmer. Une prise encharge de groupe permettrait de projeter petit-à-petit l'engagement relationnel grandissant dans uneactivité collective, puis la vie quotidienne de Bowie.

B. Elliott doit sortir de son isolement et exploiter toutes ses capacités.

1. Elliott est indiqué en art-thérapie pour encourager sa prise d'initiative et contribuer àson développement.

Le projet individualisé d'Elliott vise une plus grande autonomie et une plus grandeindépendance. Il a besoin d'être stimulé pour mobiliser toutes ses capacités dans les interactionsavec le monde. Or, le manque de prise en charge extérieure au groupe nuit au bon développementde sa socialisation. La prise en charge art-thérapeutique s'inscrit dans cette démarche.

66 CARRÉ Alain. Musique et Handicap. Bressuire : Éditions Fuzeau, 2006. p.33

46

S3 S4 S5 S6 S70

1

2

3

4

5qualité du regard

redresse la tête

sourit

cris, grossièreté, signes d'impatience

attitude pendant la séance

respecte les consignes

2. L'anamnèse et l'état de base d'Elliott mettent en lumière des capacités trop peuexploitées.

Elliott a 7 ans. Il est accueilli à l'EEAP depuis 1 an, dans le groupe des "Petits 1". Il est né àterme et pesait un poids normal, mais présentait une encéphalopathie néonatale et a subi un accidentvasculaire cérébral. D'après les infirmières, si il avait été très stimulé après l'incident, il aurait purecouvrir une partie de ses capacités motrices et intellectuelles. Ça n'a pas été le cas. Son épilepsieest aujourd'hui stabilisée. Sa spasticité, des membres inférieurs surtout, peut l'empêcher de sedétendre. Son seul traitement médicamenteux est un anti-reflux. Il est sensé porter des appareilsauditifs et des lunettes, mais il ne les a jamais sur lui.La situation familiale est défavorable à son développement. Il vit avec son père et sa sœur, et unemesure de justice pour défaut de soin et négligence permet l'intervention d'une éducatrice audomicile toutes les trois semaines. Sa mère vient parfois voir sa sœur mais pas lui. Elliott estvraisemblablement souvent isolé dans son lit à la maison. Son comportement en pâtit et il s'enfermerégulièrement dans ses stéréotypies envahissantes (il rassemble ses mains, les fait tourner, lesfrotte), voire des auto-mutilations (doigts dans les yeux). La mauvaise alimentation entraîne unproblème de poids et une carence en fer, une gastrostomie est donc envisagée.

Elliott a la capacité de se déplacer en fauteuil, en flèche ou en trotte-lapin*, mais il faut qu'il en aitenvie. Il peut communiquer et s'affirmer en vocalisant, en geignant, voire en tapant sur la table. Ilréagit positivement aux stimulations sensorielles, en particulier à la musique.Elliott avait fait des progrès en terme d'autonomie et de socialisation pendant l'année 2014-2015 àl'EEAP*. Mais ceux-ci ont été fortement amoindris pendant les vacances d'été.

3. Les objectifs art-thérapeutiques sont complémentaires des objectifs institutionnels.

a) L'EEAP tend à développer la socialisation d'Elliott, entre autres en diminuant sesstéréotypies, pour le tourner vers le monde.

L'équipe éducative accompagne le développement qui dépend on l'a vu, de l'environnementet des interactions sociales. Il faut donc sortir Elliott de son isolement et multiplier les stimulations.Elles pourront favoriser son attention et sa concentration, et freiner les stéréotypies. Lacommunication n'en sera que plus aisée, tout comme l'acquisition d'une certaine autonomie.

b) Les séances d'art-thérapie viseront la prise d'initiatives et la bonne utilisation dufauteuil et d'instruments.

Ces objectifs généraux s'inscrivent dans cet accompagnement d'Elliott vers l'autonomie. Ilspermettront d'exploiter et valoriser ses potentialités.

4. La stratégie thérapeutique envisagée sollicite les capacités cognitives et motricesd'Elliott grâce aux gratifications sensorielles produites par la musique.

Le premier objectif intermédiaire est d'évaluer les capacités auditives d'Elliott (2-3) pouradapter les moyens de communiquer avec lui. Pour cela, diverses stimulations musicales (1) sontproposées, en jouant sur les nuances, la distance, le positionnement. Ces premiers échangespermettent également d'établir la relation (je n'avais vu Elliott que deux fois lors du premier stage).

Un second objectif tente de l'amener vers une forme d'autonomie. Il s'agit alors de capter sonattention et éveiller sa curiosité pour l'inciter à faire des choix (3-4→5). Je multiplie lespropositions d'instruments et de musique vivante (1-2) dans ce sens, sollicitant de fait sa faculté decritique* (3-4→8). Ces stimulations doivent être source de motivation (4-5) pour engager Elliottdans l'activité (5). Cette participation se fait dans le respect du cadre (6) grâce à des consignes

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simples qui activent ses capacités cognitives (4). Il peut alors apprendre de nouveaux gestes pourutiliser les instruments de façon adéquate (6→7).

De plus, toujours pour favoriser son indépendance, il faut inciter Elliott à utiliser son fauteuilroulant (5-6). Les gratifications sensorielles (3) apportées par la musique vivante peuventl'encourager à se déplacer. Bien entendu, la relation (8) avec l'art-thérapeute est primordiale dans cetaccompagnement et il est possible de la soutenir à travers les échanges musicaux (6-7-8→3-4-5→6...) pour installer une boucle de renforcement. Développer l'intérêt d'Elliott pour l'activitéartistique peut l'impliquer encore plus profondément dans cette recherche d'autonomie.Il faut aussi veiller à limiter les objets parasites (1-2) pour favoriser l'attention et la concentration(4) d'Elliott sur l'activité, mais également le stimuler en permanence pour éviter qu'il s'enferme dansdes stéréotypies.

5. Elliott a bénéficié de 10 séances d'art-thérapie.

a) Les deux premières séances permettent de faire connaissance.

Objectifs : • (re)nouer le lien avec l'art-thérapeute• évaluer les capacités auditives• encourager le déplacement en fauteuil

Stratégie : → capter l'attention par des propositions de morceaux et d'instruments variés (1-2) susceptibles de lui être agréables (3-4) selon ses capacités sensorielles→ découvrir ses goûts (3-4) et les exploiter pour l'intéresser aux séances (5)→ solliciter sa faculté de critique (4→8)

Séance n°1 (26 août 2015) :Pour cette première, c'est moi qui pousse le fauteuil d'Elliott. Je l'installe sur le pouf où il est semi-allongé. Je présente d'abord la basse électrique à Elliott, en jouant divers morceaux et en utilisantplusieurs effets (delay*, distorsion*, overdrive*, octaver*). Il rit de bon cœur lorsque je jouepuissamment, des accords par exemple. Mais même si il semble apprécier le moment, son tempsd'attention est court, et il se perd vite dans ses stéréotypies. Je lui propose alors d'essayer la basse,il y passe un long moment, frotte, gratte, frappe les cordes. Il s'est redressé pour jouer.

Séance n°2 (27 août 2015) :Je pousse encore Elliott jusqu'à la porte de l'atelier, mais je rentre seul pour jouer de la cabassa. Ilentre alors de lui-même. Il joue beaucoup de basse, je l'accompagne en modifiant le son avec leseffets, dans le but d'installer la relation. Il y a beaucoup d'interactions, et Elliott est souriant etvolontaire. Il est cependant toujours très parasité par ses stéréotypies.

Bilan :→ Il est difficile d'évaluer ses capacités auditives, elles semblent assez bien préservées. Cependant, nous sommes en droit de demander s'il rit en réaction aux sons forts parce que ce sont les seuls qu'il entend ou parce qu'il les apprécie ?→ Bonnes potentialités motrices, tant dans la pratique instrumentale que dans les déplacements.→ Il faut distinguer les stéréotypies sur les instruments d'une véritable intention.

Projection :→ l'inciter à se déplacer seul de plus en plus, mobiliser ses potentialités motrices.→ déterminer ses capacités de compréhension par la mise en place de jeu avec consignes.

b) Elliott réagit à mes propositions.

Objectifs : • consolider la relation avec l'art-

Stratégie : → proposer différents instruments (1-2) pour l'inciter

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thérapeute• évaluer les capacités de compréhension

et de choix• encourager le déplacement en fauteuil

à faire des choix (4) et prendre des initiatives→ déterminer ses goûts (3-4) et l'encourager à les exprimer (8) => faculté de critique (4→8)→ apprendre à utiliser les instruments (6→7) pour limiter les stéréotypies

Séance n°3 (28 août 2015) :Elliott est installé sur le pouf. Je lui présente des instruments Baschet, il ne semble pas trèsintéressé, et ne sait pas quoi faire de baguettes qu'il met à la bouche. Je lui propose alors la basseet nous établissons un long dialogue musical, moi aux Baschet, lui à la basse. Il suit les nuances,les silences, les variations de tempo. Il rit et sourit beaucoup et oriente souvent ses gestes et sonregard vers moi. La relation semble installée.J'incite Elliott à se déplacer en fauteuil au cours des trajets du groupe à l'atelier, et inversement. Jechante et utilise de petites percussions dans les couloirs en marchant devant lui en espérant qu'ilme suive. Il parcourt une courte distance, mais je dois le pousser sur la majeure partie du trajet.

Séance n°4 (7 septembre 2015) :Je commence en jouant de la basse pour Elliott. Je mets plusieurs instruments à sa disposition pourl'inciter à choisir et déclencher des initiatives. Il me regarde beaucoup, se dirige souvent vers letambourin, mais sans s'en saisir. J'observe de nombreuses stéréotypies, en particulier qu'Elliottmord beaucoup les instruments que je lui propose. Son éducatrice me confie de retour sur legroupe qu'Elliott est enrhumé...Je persévère dans mes encouragements à effectuer les trajets seul, en variant les percussions.

Séance n°5 (9 septembre 2015) :J'observe Elliott dans son groupe ce jour et constate qu'il n’interagit pas avec ses camarades. SonAMP me précise que son comportement a changé ces deux derniers jours et qu'il "chouine"beaucoup. J'assiste également à une séance de kinésithérapie. Il rit quand il doit forcer lesétirements. Alors, rit-il aux sons forts parce qu'il a mal ?Pendant la séance, Elliott est installé sur le trotte-lapin. De nombreux instruments sont disposés ausol, à sa disposition. Elliott "papillonne", se promène dans l'atelier sans vraiment se concentrer surun instrument. Il est souriant, mais gémit beaucoup. Elliott parcourt seul le trajet du groupe à l'atelier, entraîné par les chansons et percussions.

Bilan :→ peu de manifestation de ses goûts en matière d'instruments.→ la relation avec moi est établie, mais Elliott continue à s'isoler de son environnement en dehors de l'atelier

Projection :→ attention aux instruments "à gratter" (grille Baschet, guiro) qui peuvent enfermer Elliott dans ses stéréotypies habituelles.

c) La possibilité de se déplacer à l'aide du trotte-lapin marque un tournant dans laprise en charge.

Objectifs : • encourager les initiatives• encourager les déplacements (fauteuil et

trotte-lapin*)

Stratégie : → multiplier les instruments à disposition (1-2) pour l'inciter à prendre des initiatives (4-5)→ apprendre à utiliser les instruments (6→7), par exemple les baguettes, pour limiter les stéréotypies→ stimuler et concentrer ses capacités cognitives par des consignes simples (6)

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Séance n°6 (10 septembre 2015) :Pour tenter de favoriser la concentration d'Elliott sur la musique, je divise la séance en deuxgrandes séquences : une première contemplative durant laquelle il est installé dans le pouf, et uneseconde plus active et mobile grâce, entre autres, au trotte-lapin. Je l'accueille donc en jouant dugong pour accompagner un enregistrement musical. Elliott est actif dès la première séquence ettente d'attraper le gong. Je l'installe donc sur le trotte-lapin. Comme précédemment, il se déplacevolontiers d'instrument en instrument, sans prendre l'initiative de les utiliser. Pour le guider, jemets en place des jeux avec des consignes simples. Elliott comprend le "non" mais pas l'utilisationdes baguettes.

Séance n°7 (11 septembre 2015) :Je veux capter l'attention d'Elliott sans qu'il s'égare dans des déambulations. Il est donc installé surle pouf et je mets en place un jeu à deux, d'abord avec la basse qu'il affectionne puis d'autresinstruments. Il est tonique et dynamique, il prend différents instruments, les rejette, semble endemander d'autres. J'observe moins de stéréotypies, et toujours beaucoup de sourires. Mais ilcontinue à porter les objets à sa bouche.

Séance n°8 (14 septembre 2015) :Au sol avec le trotte-lapin, Elliott prend des initiatives et se déplace parfois vers l'instrument queje joue, parfois vers un autre de son choix. Il manipule les instruments de façon pertinente etadaptée.Il utilise son fauteuil sur tout le trajet aller, mais refuse d'avancer sur le retour. Aimerait-il resterdans l'atelier ?

Séance n°9 (17 septembre 2015) :Elliott est très excité ce jour, la séance d'art-thérapie a été déplacée pour qu'il puisse participer àune séance d'équitation. Il saute dans son fauteuil, bave beaucoup et crie plusieurs fois sans motifapparent. Au sol avec le trotte-lapin, Elliott s'apaise et se concentre presque huit minutes sur ledisque Baschet. Puis, j'essaie de l'encourager à utiliser des baguettes, sans succès. Il explorecependant différents instruments avec les mains et finit par retourner au disque. Je conclus laséance en jouant de la basse.

Séance n°10 (18 septembre 2015) :Au sol avec le trotte-lapin, je laisse Elliott complètement libre. Il se dirige spontanément vers ledisque Baschet. Il m'écoute jouer du gong, se déplace, essaie plusieurs instruments pendant troisminutes chacun, en moyenne. En fin de séance, Elliott joue sur le disque Baschet avec unemailloche !

Bilan :→ Elliott participe de plus en plus au parcours du trajet groupe-atelier si il n'est pas parasité par unobjet quelconque (les sangles de son harnais, par exemple)→ Mais les déplacements prennent du temps. Il faudrait prévoir des séances plus longues. → Elliott semble souvent impatient de se déplacer avec le trotte-lapin que j'ai à peine le temps defixer.

Projection :→ Envisager de lui enseigner des gestes de plus en plus complexes pour raviver ses capacités cognitives

6. L'évaluation illustre l'investissement d'Elliott et son intérêt pour l'atelier d'art-thérapie. a) Un premier faisceau d'items évalue l'expression-communication-relation.

Il regroupe cinq items.

50

• Me suit du regard :

1) jamais 2) peu 3) quand je joue seulement 4) souvent 5) tout le temps

• Sourires :

1) pas du tout 2) le ¼ du temps 3) la ½ du temps 4) les ¾ du temps 5) tout le temps

• Rires :

1) pas du tout 2) 1 ou 2 fois 3) 3 ou 4 fois 4) 4 ou 5 fois 5) + de 5 fois

• Plaintes :

1) 5 fois ou + 2) 3 ou 4 fois 3) 2 ou 3 fois 4) 1 fois 5) pas du tout

• Stéréotypies :

1) + de 5 fois 2) 4 ou 5 fois 3) 3 ou 4 fois 4) 1 ou 2 fois 5) pas du tout

Diagramme n°3 : évaluation de l'expression-communication-relation d'Elliott

L'attention d'Elliott à mon égard est croissante au cours de la prise en charge. Il est aussi de plus enplus souriant, paraît content de venir à l'atelier, ce qui motive aussi une certaine autonomie. Et àforce de stimulations, les stéréotypies diminuent franchement. La quantité de rires dépend despropositions musicales, et surtout de leur puissance.

b) Un second faisceau d'items évalue l'autonomie-indépendance.

Il regroupe quatre items.

• Choix, initiatives :

1) aucun(e) 2) joue avec un objet quelconque

3) demande parfois l'instrument que jejoue

4) demande souvent l'instrument que jejoue

5) prend aussi d'autres instruments

• Utilisation des instruments :

1) jamais, pas du tout

2) sur sollicitation, inadaptée

3) spontanément, inadaptée

4) parfois adaptée 5) toujoursadaptée

• Déplacements en fauteuil :

1) pas du tout 2) un peu 3) aller ou retour partiels

4) aller ou retour complets

5) aller et retour complets

• Déplacements en trotte-lapin* :

1) aucun 2) "papillonne" 3) vers moi uniquement

4) vers les instruments uniquement

5) vers moi et les instruments

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S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S100

1

2

3

4

5

me suit du regard

sourires

rires

plaintes

stéréotypies

Diagramme n°4 : évaluation de l'autonomie-indépendance d'Elliott

On observe une évolution positive d'Elliott qui, après avoir pris ses repères dans l'atelier, et surtouten pouvant se déplacer à quatre pattes, fait preuve de plus d'initiative. L'évolution de sa relationavec moi semble corrélée avec son envie de venir en atelier, d'y participer activement en faisant deschoix d'instruments. En revanche, l'utilisation des instruments est difficilement évaluable sur lepapier car Elliott peut en manier un de façon pertinente et en mettre un autre à la bouche. C'est enquelque sorte une "moyenne" qui est décrite ici.

7. Grâce à la relation privilégiée établie entre l'art-thérapeute et lui, Elliott a fait desprogrès au cours de la prise en soin.

Les échanges avec Elliott furent riches. C'est un enfant très dynamique qui semble posséderdes capacités cognitives inexploitées. Il comprend le "non" et certaines consignes simples, et cetaspect mériterait d'être développé. Je me suis demandé s'il pouvait répéter certains mots. Le liencréé entre lui et moi est solide et participe sans doute à la joie qu'il manifeste en venant à l'atelier,les déplacements en fauteuil étant de moins en moins laborieux. Il fait même demi-tour pourretourner dans l'atelier après la dernière séance ! Les gratifications apportées par la pratiquemusicale ont pu encourager cette démarche. Lors de cette dernière séance, il a réussi à utiliser unebaguette de façon tout à fait adaptée, ce qui répondait à une cible thérapeutique. Elliott estparticulièrement réceptif aux sons forts et éclate de rire à l'enclenchement de la distorsion dans lesjeux en duo, il tient compte de mes intentions et peut diriger les échanges.Elliott a beaucoup évolué en quelques séances. Grâce à ce moment individuel privilégié qu'est laséance d'art-thérapie, il a trouvé rapidement sa place dans notre relation, place qui lui a donnél'opportunité de prendre des initiatives et de s'exprimer librement.

IV. Un bilan général des prises en charge valide un peu plus l'hypothèse.

A. Des tableaux rendent compte succinctement des quatre autres prises en soineffectuées pendant mon stage. 1. La prise en charge d'Amadeus a été interrompue.

Éléments d'état de base :▪ 20 ans, à l'EEAP depuis 7 ans, accueilli chez les "Grands 2"▪ Maladie génétique non déterminée caractérisée par une déficience intellectuelle importante,

une absence de langage, des troubles relationnels (agressions soudaines, angoisses…), uneépilepsie (rares absences cloniques), une grande fatigabilité et une petite taille pour son âge

▪ Sujet à des infections respiratoires récidivantes ; sous gastrostomie depuis 2013 suite à unehospitalisation pour infection pulmonaire

▪ Traitement médicamenteux : anti-épileptique, anti-reflux, régulation du comportement par

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S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S100

1

2

3

4

5

choix, initiatives

utilisation des instruments

déplacements en fauteuil

déplacements en trotte-lapin

Risperdal® (qui a pour effet secondaire sur Amadeus un tremblement de la main droite)▪ Marche instable (risque de chute)▪ Aime le calme, n'apprécie pas toujours la proximité des autres (il peut se montrer agressif)▪ Réceptif aux musiques "rythmées", aux ambiances festives▪ Angoisses identifiables par une respiration prononcée, apaisées par des paroles réconfortantes▪ Communique par des vocalises et le toucher ; rit, tape dans les mains, peut manipuler un petit

instrument de musique▪ Aime être installé dans un fauteuil ou un canapé▪ Amadeus n'est pas "en forme" depuis la rentréeObjectifs institutionnels :▪ Gestion des émotions, régulation des attitudes agressives, acceptation, "présence" et

participation aux activités▪ Autonomie affective et relationnelle▪ Communication réceptive et expressive▪ Relation aux autres (enfants et encadrants)Objectifs art-thérapeutiques (généraux et intermédiaires) :▪ Développer l'autonomie en valorisant sa capacité de choix (3-4→8)▪ Solliciter le corps et la motricité (5-6)▪ Favoriser la détente et le relâchement musculaireDiminuer les angoisses par un cadre sécurisant (6) = instaurer une relation de confiance avec

l'art-thérapeute (8)Moyens, technique, méthode (4 séances) :▪ Provoquer des gratifications sensorielles pour (re)créer la relation avec l'art-thérapeute (boucle

de renforcement 3→8)▪ Multiplier les propositions de morceaux et d'instruments (1-2) pour déterminer les goûts

d'Amadeus (3-4) et valoriser sa capacité de choix (3-4→8)▪ Faire appel à des ressentis agréables (3-4) pour favoriser la production (5-6-7)▪ Mise en place de rituels (6) pour le confort et la détente (3-4)Bilan et analyse :Amadeus a été hospitalisé pour une pneumopathie le lendemain de la 4e séance, alors que notrerelation commençait tout juste à s'installer. L'équipe médicale a découvert un staphylocoque quiattaquait les poumons. Elle a tenté de trouver un antibiotique adapté. Malheureusement, Amadeusest décédé en une semaine ; il s'est éteint le 14 septembre 2015.

2. Norah a accès au langage verbal mais a tendance à s'enfermer dans des stéréotypies.

Éléments d'état de base :▪ 10 ans, à l'EEAP depuis 4 ans, accueillie chez les "Moyens 2"▪ malformation cérébrale (mutation du gène de la tubuline alpha 1) ; épileptique ; malvoyante +

ptosis des paupières ; fatigable ; latence dans les réponses ; épileptique (aucune crise àl'EEAP)

▪ Traitement médicamenteux anti-épileptique▪ Besoin de cadre et d'immuabilité, elle refuse généralement le changement et la fin▪ Sociable, elle cherche la relation, avec l'adulte essentiellement▪ Vocalise et communique verbalement (pas toujours distinctement), chante, danse ; Norah peut

marcher accompagnée par un adulte

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▪ Norah aime la « zizik » !Objectifs institutionnels :▪ Aider Norah à gérer ses émotions et la frustration et à limiter ses oppositions▪ Favoriser la conscience du schéma corporel▪ Encourager l'ouverture aux autre et l'expression-communication-relation▪ Affiner sa capacité de compréhensionObjectif art-thérapeutiques (généraux et intermédiaires) :▪ Favoriser la communication et la relation (8) adaptée Inciter à utiliser ses capacités motrices (5-6) pour arriver à une production (7)Gestion de la frustration (3-4) et de ses manifestations (5) par la mise en place de rituels (6)

agréables (3) = boucle de renforcement 3-4-5-6→3-4...▪ Encourager la participation à l'activité tout en respectant le cadre (6)Compréhension des consignes (4-6)Ouverture par la proposition-démonstration d'instruments inconnus (1-2)Moyens, technique, méthode (9 séances) :▪ Jeux musicaux plus ou moins libres (travail du cadre et des consignes) (4-6-7) en interaction

avec moi (8)▪ Gratification sensorielles de la danse (3) sur fond musical (1-2) pour quitter et retourner au

fauteuil (5)▪ Multiplier les propositions d'instruments et de morceaux (1-2) pour que Norah affirme ses

goûts (3) et développe sa faculté de critique (4→8)Bilan et analyse :Norah a beaucoup progressé pendant la prise en charge, tant dans l'engagement dans l'activité quedans la gestion de sa frustration. Elle est parvenue à prendre des initiatives, demander uninstrument (le « boubour ») et jouer spontanément. Elle s'est montrée à l'écoute pendant les jeuxmusicaux, a participé et interagi avec moi, investissant ainsi la relation. En revanche, je n'ai plussorti Norah de son fauteuil lors des 2 dernières séances, car la fin et la réinstallation était toujoursproblématique. Ce pourrait être un objectif sur un plus long terme. Mais rester dans sa coque nesemblait pas la gêner, et les séances furent même plus constructives, elle a participé davantage.

3. Les séances d'art-thérapie avec James s'inscrivent dans une démarche palliative et deconfort.

Éléments d'état de base :▪ 9 ans, accueilli chez les "Moyens 1"▪ Syndrome de Joubert (retard général des acquisitions et anomalies respiratoires) ; malvoyant▪ Insuffisance rénale pré-terminale (situation palliative) : James ne peut pas être greffé ni dialysé

→ des poussées d'urée provoquent des démangeaisons▪ Situation familiale complexe (le père est peu présent)▪ Nombreux traitements médicamenteux : insuffisance rénale, troubles du comportement et du

sommeil, EPO pour les globules rouges▪ auto-agressions, en baisse depuis mon précédent stage▪ la mère est en attente de mise en place d'une fiche d'évaluation de la douleur (FLACC)▪ N.B. : le comportement de James diffère entre la maison et l'EEAPObjectifs institutionnels :▪ Confort, accompagnement, BIEN-ÊTRE▪ Communication des besoins et envies de façon appropriée

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▪ Réguler du comportement▪ Améliorer la conscience du schéma corporelle▪ Mieux accepter de toucher et d'être touchéObjectif art-thérapeutiques (généraux et intermédiaires) :▪ Détente et bien-être (4) par des gratifications sensorielles, des vibrations (3) et la

contemplation (5')Limiter les auto-agressions pendant la séance, voire aprèsMultiplier les propositions (1-2) pour déterminer ses goûts (4)Provoquer des réactions pour lui permettre d'affirmer ses goûts (3-4→8)▪ Solliciter le corps et l'élan corporel (5) et la participation à l'activité (6-7)Moyens, technique, méthode (9 séances) :▪ Je joue, principalement à la basse, des morceaux (1-2) à James pour tenter de lui faire passer

un bon moment, individuel, apaisant.▪ En observant son comportement, déterminer ses goûts (3-4) et mettre en place des rituels

rassurants (6).▪ Encourager l'engagement corporel dans l'activité (5), en cherchant à lui faire battre la pulsation

(6-7), par exemple.Bilan et analyse :James a été surprenant et imprévisible. Les quatres premières séances ont été très paisibles, il s'estmontré très calme. Il a même participé et exprimé ses goûts et ses mécontentements par des cris.Après un rendez-vous chez le néphrologue et un changement d'horaire, les séances 5 et 6 n'ontpas semblé lui être agréables, il a montré beaucoup d'auto-agressions. Son éducatrice l'aaccompagné aux séances 7 et 8, il était installé dans ses bras et s'est montré plus détendu etimpliqué positivement. Lors de la dernière séance, James était de nouveau seul avec moi. Aprèsquelques auto-agressions, il s'est installé sur le ventre et n'a plus bougé. La séance s'est biendéroulée.James est depuis décédé des suites de l'insuffisance rénale.

4. Beth est une enfant discrète qui a accès a peu d'activités.

Éléments d'état de base :▪ 8 ans, à l'EEAP depuis 2 ans, accueillie chez les "Petits 2"▪ la seule enfant que je n'avais pas suivi lors de mon précédent stage▪ Syndrome de Warburg (dystrophies musculaires, hypotonie, paralysie cérébrale, cécité,

cataracte)▪ Suspicion de maladie de Crohn▪ Sous gastrostomie depuis 2012 en raison des fausses routes à répétition, des problèmes

respiratoires et digestifs▪ Traitement médicamenteux contre l'inflammation du tube digestif et nutrition entérale la nuit

au domicile▪ Aucun contact avec son père▪ Très discrète mais sait affirmer sa personnalité si nécessaire▪ Réceptive aux activités sensorielles et en particulier musicales (tons, rythme, volume...), l'ouïe

et l'odorat sont plus développés que les autres sens▪ Mouvements désordonnés▪ Concentration en fonction de l'intérêt▪ pour l'aider à anticiper, il faut accompagner les gestes et y associer la parole

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Objectifs institutionnels :▪ Diversifier les interlocuteurs, intervenants, situations, activités, piquer sa curiosité et valoriser

ses nouvelles expériences▪ Encourager l'expression de ses émotions, envies et demandes▪ Favoriser les activités sensoriellesObjectif art-thérapeutiques (généraux et intermédiaires) :▪ Éveiller et sortir Beth du groupe pour une nouvelle activité▪ Favoriser l'ouverture aux autres (8), les interactions (5→8) et l'épanouissement (3-4)Rencontrer un nouvel adulte (1-2), une figure masculine qui plus est, et faire connaissanceÉtablir une relation (3→8), grâce à la musique (1-2) qu'elle affectionne (3-4)Moyens, technique, méthode (9 séances) :▪ Je joue, principalement à la basse, des morceaux (1-2) à Beth pour tenter de lui faire passer un

bon moment, individuelMettre en place des rituels (6) pour établir un cadre rassurant▪ L'inciter à affirmer et exprimer ses goûts (3-4→8) ▪ Encourager l'engagement dans l'activité (5) et la faisant manipuler les instruments (grelots ou

basse) ou vocaliser (6-7)Solliciter les mouvements volontaires (5-6)Jeux musicaux de type questions-réponses (4-6-7) en interaction avec moi (8)Bilan et analyse :Je ne connaissais pas du tout Beth, j'ai eu besoin d'un peu de temps pour comprendre commentcommuniquer avec elle. Elle s'est toujours montré réceptive et enjouée pendant les séances et n'ajamais montré de signes de mécontentement. Ses mouvements désordonnés ont diminué pendantla prise en charge, elle a fait preuve de beaucoup de concentration, en particulier dans lamanipulation de la basse, malgré une force physique très réduite. Elle a su répondre à desconsignes simples et s'est investie dans l'activité.

B. Le bilan global des prises en charge permet de vérifier l'hypothèse annoncée, maisaussi de la nuancer.

L'observation et l'évaluation semble confirmer l'hypothèse émise. La musique, exploitée enart-thérapie, pourrait être un outil privilégié de communication et de relation avec les enfantspolyhandicapés. Elle favoriserait alors leur engagement relationnel, primordial dans leurcheminement vers les objectifs de la prise en charge art-thérapeutiques. Grâce au cadre individuel etprivilégié, aux gratifications et au plaisir apportés par la pratique et l'écoute musicales, les enfantsont pu s'installer et s'engager dans la relation avec moi. Celle-ci les a poussé à s'impliquer -globalement positivement - dans l'activité et réciproquement. N'oublions pas que la musique a lepouvoir d'activer les circuits de la récompense et du plaisir. C'est donc elle-même qui induit unerelation plaisante avec l'art-thérapeute.Cependant, dans la vie quotidienne, les équipe encadrantes ne semblent guère observer d'évolution,ni dans le comportement général, ni dans l'engagement relationnel des enfants suivis en art-thérapievis-à-vis des personnes environnantes. Même si les séances quasi-quotidiennes ont permis d'avancerrapidement dans le cadre de l'atelier, la courte durée du stage a pu enrayer le changement amorcé.Les limites de l'art-thérapie dans un contexte si restreint semblent atteintes.

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3e PARTIE : LA MISE EN PLACE D'UN PLUS GRAND PROJET ARTISTIQUE ET ART-THÉRAPEUTIQUE À L'EEAP PERMETTRAIT PEUT-ÊTRE DE CONFIRMER LES RÉSULTATS OBTENUS.

I. Les résultats des évaluations doivent être relativisés.

A. Les résultats sont observables en séance d'art-thérapie principalement.1. Les effets positifs observés au cours des séances d'art-thérapie ne sont pas flagrants

au quotidien.

Durant les séances, j'ai observé une diminution des comportements complètement inadaptés.Ils n'avaient pourtant pas disparu du quotidien des enfants pris en charge. Plusieurs élémentsconjoints ont pu modifier leur attitude dans l'atelier d'art-thérapie. L'Art y tient une placed'importance. Le cadre ensuite, c'est-à-dire ce moment d'attention et de considération individuelledans un lieu intime. Et enfin, la relation privilégiée induite par ces deux premiers éléments estfondamentale. Ces trois composantes sont difficilement transposables à l'accueil collectif etquotidien avec ses nombreuses contraintes. Les changements aperçus en atelier doivent pourtantpouvoir intégrer le quotidien de l'enfant pour que l'art-thérapie ait du sens. La prise en chargegroupale est une piste pour développer les interactions et apporter une autre dynamique. Elle permetde rappeler aux enfants le contexte collectif dans lequel ils évoluent, et peut raviver le lien social. Ilest cependant nécessaire de réfléchir à des outils supplémentaires de pérennisation des progrès, dansle temps et dans l'espace. Une prise en charge art-thérapeutique sur le long terme s'inscrit dans cettedémarche pour tenter de consolider les améliorations, mais elle sera insuffisante. Travailler enéquipe pluridisciplinaire s'impose pour répondre à « la nécessité d'une équipe plus nombreuse, elle-même diversifiée pour offrir un accueil personnalisé à des enfants dont on veut respecter lesdifférences »67. L'art-thérapie ne guérira pas les enfants polyhandicapés mais participera àl'amélioration de leur qualité de vie, à la condition qu'elle participe à créer du lien entre les sphèresmotrice, émotionnelle, sensorielle, imaginaire, relationnelle. Est-il possible de rejoindre lesActivités de la Vie Quotidienne (AVQ) dont parle le Dr Élisabeth Zucman en amenant et en utilisantl'Art dans les gestes de tous les jours, apparemment contraignants et fastidieux ? Ouréciproquement, d'utiliser ces gestes au sein de l'atelier d'art-thérapie ? L'art-thérapeute s'intégrera àl'équipe en utilisant ses outils et en proposant lui-même des outils.Mon manque d'expérience en tant qu'art-thérapeute et le cadre limité du stage ne sont sans doute pasétranger à l'estompement des effets de la prise en charge en dehors de l'atelier. Le temps et les idéesont sûrement manqué. Dans ce contexte de formation et de rédaction de mémoire en vue d'uneévaluation, et même d'actualisation de soi ou de désir de reconnaissance, il est tentant de sedemander : « comment pourrais-je améliorer ma pratique de l'art-thérapie ? ». Cet écueil tend àeffacer la question essentielle et centrale de la prise en charge globale : « comment améliorer laqualité de vie des enfants polyhandicapés ? ». La seconde peut être liée à la première, mais passeulement et pas obligatoirement, et tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire peuvent etdoivent se la poser.

2. Le travail avec un public polyhandicapé est un travail de longue haleine.

Il faut du temps pour comprendre une personne polyhandicapée. Un temps d'adaptationd'abord, de part et d'autre. Nous, adultes normaux*, sommes souvent décontenancés face auxpersonnes polyhandicapés. Nos repères habituels, nos modes et nos codes de communication sontnuls, le langage verbal indispensable et inutile. En face, les enfants polyhandicapés fondent ledialogue « sur des modes non-verbaux, qui s'ancrent dans le jeu corporel. C'est donc au niveau de

67 ZUCMAN Élisabeth. L’accompagnement des jeunes polyhandicapés : évolutions, adaptations. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation - Hors série n°6. p.11

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la posture, du tonus, de l'intonation, du rythme et de la mélodie gestuelle ou vocale que va se jouerla relation. Nous sommes dans le domaine de l'émotion qui peut se définir comme la part du corpsdans une situation. »68 Alors, si la musique est un langage universel, qui peut potentiellement tousnous toucher, l'art-thérapeute doit savoir observer, décoder, comprendre les réactions qu'elle suscite.Il doit apprendre à connaître l'enfant qu'il rencontre pour mesurer son évolution. C'est le temps del'observation. Se pose la question de l'état de base et de la difficulté de l'établir. Bien sûr, il estdestiné à changer, les sites d'actions doivent disparaître au fil de la prise en charge tandis que l'art-thérapeute découvre son patient, et ce quel que soit le public. Avec les personnes polyhandicapées,je me suis interrogé sur ce qu'il se passait pendant la première rencontre, désarçonné, ne sachant àquoi me fier, quoi observer, quoi retenir et quoi analyser, alors qu'un membre de l'équipe auraitsûrement déjà relevé des comportements. Dans ce cas, faut-il construire les premières séances avecun co-thérapeute qui connaît bien l'enfant ? Pas nécessairement, car commencer la construction dela relation simplement d'être humain à être humain peut se révéler également pertinent. Après tout,ne sommes-nous pas nous-mêmes « lourdement handicapés dans notre relation avec eux »69 ? Maisil est certainement indispensable de se rapprocher de l'équipe pour collecter des informationssusceptibles de faciliter la communication avec l'enfant pris en charge.

Le temps va permettre également la mise en place de rituels, qui eux-mêmes laissent la place àl'expérimentation. C'est alors à l'enfant polyhandicapé de prendre le temps de comprendre ce qui luiest proposé, ce qui lui est fait, ce qui lui est dit, pour le vivre, le ressentir et l'assimiler. Il faut aussitenir compte d'une possible latence dans leur réaction.

B. Les certitudes sont à bannir dans le travail avec les enfants polyhandicapés.1. Les réactions observées peuvent être seulement liées à la pathologie.

Dans le processus de soin, il faut distinguer les comportements qui relèvent de lapersonnalité du patient, de ceux qui relèvent de sa pathologie. Pourtant, la maladie et le handicapsont susceptibles d'influencer la personnalité, ne serait-ce que par les barrières qu'ils posent et quiimposent de les contourner. Des comportements compensatoires, et parfois inadaptés comme lesstéréotypies ou les auto-mutilations, peuvent se mettre en place. Cela est courant chez les personnespolyhandicapées qui disposent en général de peu de moyens d'expression. Un cri comme un sourirepeuvent signifier à la fois la gêne, la joie, le besoin ou la satisfaction de ce même besoin. Il estdifficile, voire impossible, d'être certain du sens qu'elles donnent à leurs actes, et on ne peut obtenircette compréhension qu'à force d'expérimentation. « C'est la mise en situation qui favorise leurscapacités à la découverte et à l'expression. »70 Il est nécessaire de les stimuler exagérément,d'intensifier et varier les moyens de communication pour les sortir de leur isolement. Alors, leurintelligence sensible et leur capacité d'attachement ne rendent la relation que plus profonde.

2. En l'absence de langage verbal, les items observés peuvent être sujets àl'interprétation.

Le monde des personnes polyhandicapées est simultanément silencieux et extrêmementbruyant. Le défaut de langage verbal et l'isolement dans lequel ils s'enferment ou ont été enfermésdonnent lieu parfois à des moments dénués de sons (mais pas de sens !). Et l'instant d'après peut êtreune tempête de cris, de pleurs ou de rires. Ces expressions ont une signification pour ceux qui lesproduisent, reste à nous de le saisir. Cela se fait difficilement de prime abord. Il faut en permanenceêtre attentif au langage corporel qui donnent leur portée aux expressions.

L'interprétation n'est pas l'observation elle-même, elle doit être étayée par la cohérence des

68 LESAGE Benoît. Polyhandicap, des barrières à l'entendement. Les Cahiers de l'Actif. N°286/287. p.9369 LESAGE Benoît. Op Cit. p.9570 BATAILLE Annick. p.119

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observations. Elles peuvent porter sur des items objectifs, ressentis ou interprétés qui, s'ils ne sontpas infondés, doivent être questionnés. Quels éléments permettent d'affirmer une conclusion ?Même les items les plus objectifs tendent à devenir subjectifs avec les personnes polyhandicapées sinous ne restons pas vigilants. Il faut veiller à ne pas se limiter à des systématismes ni à tomber dansdes certitudes parfois erronées. Alors la subjectivité difficilement quantifiable peut servirl'objectivité scientifique revendiquée par l'art-thérapie.

Le cube harmonique paraît hors de portée des enfants polyhandicapés, puisqu'il nécessite un accès àl'expression verbale, ou du moins un accès à la compréhension du verbal. Peut-il, dans cesconditions, être un témoin des capacités auto-évaluatives du patient ?

C. Telle qu'abordée en stage, les enfants polyhandicapés ne peuvent pratiquer lamusique en autonomie.1. Un Plan d'Accompagnement de Soin pourrait permettre aux jeunes d'utiliser

davantage les instruments de musique présents dans leur groupe.

Présent tous les jours pendant mon stage, mais durant à peine trois semaines, je n'ai pas eul'occasion de mettre en place un P.A.S. Les enfants ont un emploi du temps chargé, il eut fallu queles prises en charge soient plus espacées. C'est ce qui a pu manquer à l'accompagnement art-thérapeutique qui se doit d'être transversal, et de ne pas se cantonner à l'atelier. Chaque groupedispose déjà d'instruments car la musique est déjà présente et pratiquée à l'EEAP, mais parfois sansaucune formation. Il s'agit donc d'orienter leur exploitation dans les animations musicales pourqu'elles prennent une autre dimension. Les instruments et la musique elle-même pourraient avoirun pouvoir éducatif puissant. Chez les plus petits, les comptines permettent un éveil musical,sensoriel et corporel. Les jeux musicaux favorisent les interactions et les respect des règles. Chezles plus grands, la musique interroge leur goût et peut renforcer l'affirmation de soi. Les percussionset vocalises, relativement faciles d'accès, peuvent provoquer l'émergence d'une cohésion et d'uneidentité de groupe.

Dans le cas d'Elliott par exemple, il est sans doute possible d'encourager plus encore ses initiativesen stimulant plus régulièrement sa capacité de choix, en mettant à sa disposition davantage d'objets.Ce peut être des instruments de musique qui ont l'avantage d'apporter des gratifications sensorielles,mais aussi des jouets ou même des aliments lors du repas. Son autonomie et ses capacités cognitiveset même motrices n'en seront que plus développées. Pour Bowie, le recours aux instruments peutstimuler son expression* et solliciter la communication verbale. La manipulation le pousse à fairedes efforts pour produire des sons. On peut espérer qu'un jour, à force d'entretien, de stimulation etde provocation, ces efforts à visée sonore puisse favoriser une expression orale à plus fort volume.

2. La conception d'instruments adaptés en partenariat avec l'équipe pourrait faire de lamusique un véritable outil de communication.

J'ai été confronté durant mon stage à l'inadéquation de certains instruments à la motricité desenfants. L'exemple d'Elliott qui, la seule fois qu'il utilisera une mailloche la tiendra à l'envers –c'est-à-dire par la boule – en est une illustration. L'usage des baguettes peut donc être inappropriépour certains qui ne peuvent appréhender un objet si fin avec leurs mains, mais peut aussi êtrecomplètement adapté à ceux dont la spasticité est telle qu'ils peuvent à peine desserrer les doigts. Ilfaut penser à des instruments, ou au moins des accessoires, personnalisés, qui répondent auxcapacités de chacun. L'ergothérapeute serait évidemment une aide précieuse dans leur fabrication etleur adaptation. Elle possède les données techniques qui aiguilleront l'ergonomie, le poids, levolume de l'instrument pour faciliter la pratique instrumental en autonomie et réduire les difficultés.Les kinésithérapeutes et la psychomotricienne peuvent orienter le choix structurel, "architectural"de l'instrument grâce aux données corporelles et motrices qu'elles peuvent fournir. L'instrument peut

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être simplement facile d'accès, ou répondre à un besoin rééducatif et encourager les efforts d'ordremoteur. Enfin, le binôme éducatif a sans doute la meilleure connaissance des goûts de l'enfant. Enjouant avec les couleurs, les formes, les matières qui l'attirent, on peut développer un instrumententièrement personnalisé, identifié et identifiable. La famille peut également intervenir dans cettephase. Mais seul l'art-thérapeute, par sa connaissance de la musique, peut concevoir desinstruments fonctionnels et pertinents, susceptibles d'avoir un sens et un utilité musicale tout entenant compte des informations collectées auprès de l'équipe pluridisciplinaire.Seul un des enfants sait souffler, il pourrait profiter d'un instrument à vent. Pour les autres, lesinstruments à frotter, à frapper ou à gratter semblent privilégiés. On peut imaginer des instruments àune note, accordés entre eux pour résonner harmonieusement et valoriser ainsi la production desenfants grâce la consonance. On trouve déjà des instruments de ce type dans le commerce, commeles BoomWhackers®*, les lames sonores ou encore les Kutu-wapa®*.

II. L'engagement relationnel est un vaste champ d'action.

A. La musique peut améliorer l'engagement relationnel chez d'autres publics.1. Dans ma pratique personnelle, j'ai déjà pu constater le pouvoir relationnel de la

musique.

a) L'animation musicale avec les enfants ou des adolescents atteints de troublespsychiques peut raviver l'estime de soi.

La musique grâce au règles qu'elle implique pour pouvoir la pratiquer collectivement,permet un travail du cadre lié à l'apprentissage d'un savoir-faire. C'est essentiel chez ces enfants etadolescents dont les troubles psychiques sont souvent accompagnés de troubles du comportement,parfois induit par une blessure de vie. Laisser une place à l'autre, l'écouter patiemment, respecter sesgoûts et ses aptitudes musicales, répondre à une consigne sont des objectifs communs et généraux.Avec les adolescents, l'objectif fixé est de les enregistrer après un nombre limité de séances afin devaloriser les potentialités et les impliquer davantage dans l'activité. Le projet favorise la confianceen soi et en les autres. Bien sûr, le choix du morceau interprété leur revient pour encouragerl'affirmation du goût et leur donner une plus haute opinion d'eux-mêmes. L'engagement relationnelest ainsi renforcé, la pratique de la musique participe à donner du sens à leur existence.

b) La musique vivante avec des instruments puissants gratifie les enfantsmalentendants de sensations inhabituelles.

Mes animations avec ces enfants n'en sont qu'à leurs balbutiements. Mais j'ai déjà puconstater que leur proposer un accès à la musique, qui peut leur paraître inabordable, signifie toutl'intérêt qu'on leur porte. Les enfants malentendants apportent une considération particulière etinédite à l'aspect vibratoire et tactile de la musique. La pratique instrumentale en groupe permet untravail sur l'attention portée aux autres, une forme d'"écoute". On observe une concentration intensedans leur regard pour comprendre les consignes, capter l'environnement et entrer rapidement enrelation avec les autres enfants et moi. La barrière du non-verbal est souvent franchie grâce à lamimesis, à l'imitation du geste, même si le résultat du geste n'est pas toujours perçu auditivement.

2. Des études neuroscientifiques font état des effets positifs de la musique dansl'engagement relationnel de personnes démentes.

« L'attrait pour la musique serait une aptitude cognitive archaïque beaucoup plus résistanteaux atteintes cérébrales que […] le langage. »71 La musique est acquise en grande partie parexposition naturelle, inconsciente, et stockée dans la mémoire implicite, moins sensible aux effets

71 BIGAND Emmanuel et TILLMAN Barbara. Cerveau & Psycho n°63, mai-juin 2014 : Éditions Pour la Science, 2014. p.27

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des maladies du cerveau. C'est pourquoi elle est aujourd'hui très utilisée dans le traitement de lamaladie d'Alzheimer, par exemple, même chez les patients présentant un stade avancé. Elle a deseffets fondamentaux sur le cerveau et sa réorganisation après une lésion. Sa pratique renforce plusencore la connectivité entre les aires cérébrales. Mais la musique ne permet pas d'accéder à lamémoire explicite pour que les malades d'Alzheimer engrangent de nouvelles connaissancesexploitables. Son intérêt principal est de faire sentir, ressentir et exprimer des émotions. Ellemobilise alors des réseaux cérébraux intacts et communs à la mémoire et aux émotions. Envalorisant les connaissances résiduelles, les souvenirs et les sentiments musicaux, la personnedémente peut retrouver l'élan et sortir de sa prostration. Oliver Sacks72 relate des expériencesmusicothérapeutiques où les patients sont immédiatement attentifs au propos musical, s'animent ouse calment. Ils s'émeuvent, interagissent et se lient les uns aux autres ou au thérapeute. La musiqueinflue sur l'humeur et le comportement grâce à son impact émotionnel individuel et collectif. Elleest importante en tant que telle, par elle-même, et pas seulement comme une stimulation descapacités mnésiques.

B. D'autres techniques artistiques peuvent favoriser l'engagement relationnel.1. Les arts plastiques permettent de laisser une trace.

a) La mémoire des personnes polyhandicapées doit être soutenue.

L'empreinte laissée par une œuvre plastique, physique, peut être une mémoire pour l'enfantpolyhandicapé. Les expériences sensorielles lui permettent l'évocation de souvenirs, qui se fixentplus ou moins solidement et durablement en fonction de l'intérêt qu'il leur porte et de l'affectivitéqu'il leur accorde. Il a besoin de repères dans le temps et l'espace. La répétition et l'habitude luipermettent d'identifier l'activité, d'en anticiper le commencement et la fin. Les rituels favorisentainsi la communication*, la relation* et la socialisation. L'enfant peut déterminer les moments qu'ilpréfère et exprimer ses goûts. La cadre rassurant laisse ensuite la place aux nouvelles stimulations etexpérimentations.

b) Les arts plastiques peuvent améliorer l'autonomie.

Les arts plastiques produisent des œuvres matérielles qui ont une existence propre dans lemonde sensible, indépendante de leur auteur. Cette autonomie installe une distance spatiale ettemporelle entre l'artiste et sa production, et lui permet de s'en détacher. Dès lors, il peut fournir unavis sur son travail, exercer sa faculté critique et sa capacité de choix. L'apprentissage d'unetechnique engage positivement le corps dans un nouveau savoir-faire destiné à la réalisation d'uneœuvre. Se dessine donc un projet à plus ou moins long terme qui implique la confiance en soi et enl'avenir. Cette implication est une décision qui relève de l'autonomie. De surcroît, les moyenstechniques mise en œuvre développeront l'indépendance.

2. Le conte fait appel à l'imagination et est adapté aux enfants.

Le conte est un récit court à l'action nette et dynamique. Il décrit, par essence et paropposition à la nouvelle, un univers de fantaisie qui joue sur la dualité et la distance entre l'histoireimaginaire et le monde réel73. Sa richesse est d'offrir des représentations aux mouvementspulsionnels issus du préconscient et de l'inconscient. Sur le fond, le conte peut agir psychiquementsur l'enfant, grâce aux images qu'il décrit. Par exemple, il peut illustrer la délimitation du corps etson enveloppe (Les trois petits cochons) ou la relation aux parents, la séparation et l'abandon (Lepetit Poucet), moment crucial dans le développement de l'enfant. Sa forme prend une tournureparticulière avec les enfants polyhandicapés, puisque l'histoire leur est racontée. Le conte prend

72 SACKS Oliver. Op Cit. p.442 à 45973 SOURIAU Étienne. Op Cit. p.490 à 495

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ainsi une dimension théâtralisée supplémentaire. Par le jeu, il permet de mettre les enfants enrelation les uns avec les autres. C'est une découverte sensorielle, parfois soutenus par desaccessoires, qui amène l'enfant au contact de la réalité extérieure dont il est parfois déconnecté.Enfin, c'est un moment de plaisir partagé, de sympathie émotionnelle qui ne requiert aucunecompétence particulière et construit une relation culturelle par le merveilleux.

III. La production d'un spectacle mêlant plusieurs techniques artistiques permettrait deréunir usagers et encadrants au sein d'un projet commun.A. La représentation n'est pas forcément le but premier de l'art-thérapie.

1. Le spectacle serait un prétexte pour présenter concrètement l'art-thérapie auxprofessionnels mais surtout pour engager les jeunes dans un projet à long terme.

L'art-thérapie (moderne) est encore méconnue du grand public, même parmi les personnelssoignants. La confusion persiste encore avec l'art-thérapie traditionnelle et son penchantpsychanalytique, mais également, dans le cas de la musique en particulier, avec la relaxation.Certes, nous tentons d'améliorer la qualité de vie des personnes prises en charge en art-thérapie,mais cette recherche de bien-être ne se résume pas à une détente corporelle et mentale. Il m'a étédemandé de présenter une séance "type", sous-entendu que toutes devaient être quasimentidentiques. Les fréquences graves de la basse qui traversent les murs et parcourent l'établissementfont peut-être se ressembler tous les morceaux... En tout cas, une telle démonstration n'a pas eu lieu,le contexte de prise en charge individuelle et intime ne s'y prêtant guère. Mais la demande m'ainterrogé sur l'image de l'art-thérapie auprès de l'équipe. Sans doute, ne l'avais-je pas assezclairement définie. La réalisation d'un spectacle permettrait de présenter, outre les objectifsartistiques et esthétiques de la chose, les objectifs sanitaires de l'art-thérapie, ses principalesindications thérapeutiques, ses fondements théoriques et méthodologiques. L'intégration et laconsidération de la discipline dans l'équipe pluridisciplinaire de l'EEAP s'en trouverait renforcée.La représentation publique d'un spectacle relève plus de l'objectif artistique que de l'objectif art-thérapeutique à proprement parler. Cependant, la projection vers ce but peut rejoindre et servir lesobjectifs art-thérapeutiques. Elle ravive la confiance en soi et en l'avenir de l'enfant polyhandicapéet implique profondément ses potentialités artistiques dans l'activité art-thérapeutique. Lesrépétitions donnent une place à chacun dans le respect de l'autre, favorisent la communication et larelation entre tous les participants. Annick Bataille témoigne d'un engagement particulier et sincèredes enfants comme des encadrants dans la préparation d'un spectacle74. C'est un évident etextraordinaire moyen d'expression mis à la disposition de tous, une exposition du polyhandicappour lutter contre l'exclusion sociale.

2. La relation soignant-soigné serait renforcée.

Chacun devrait être disponible au message de l'enfant. Malgré toute la bonne volontépossible, ce précepte est difficile à appliquer au quotidien, en particulier dans la prise en chargecollective. Puisque les activités sont plus faciles à mettre en place en dehors du groupe, les rapportsindividuels et privilégiés qui en découlent favorisent la relation entre l'encadrant et l'enfantpolyhandicapé. La préparation du spectacle s'inscrit dans ce contexte singulier tout en tendantévidemment vers la prise en charge collective. Rappelons que le but de l'art-thérapie estl'amélioration de la qualité de vie, pas seulement dans le cadre de l'atelier mais aussi et surtout dansle quotidien. Alors, la relation particulière installée au cours des répétitions et/ou de(s) lareprésentation(s) pourrait être projetée dans la vie de tous les jours.

74 BATAILLE Annick. Pour les enfants polyhandicapés : une pédagogie innovante. Toulouse : Éditions Érès, 2011. p.305 à 330.

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3. Le Plan d'Accompagnement de Soin serait alors une évidence et l'évaluation pourraitpersister dans le quotidien des enfants, indépendamment de la présence de l'art-thérapeute.a) Une fiche d'observation simple et quotidienne pourrait être mise en place.

Demander aux équipes de travailler "à mon service" peut se révéler délicat. Il faut, bienévidemment, éviter de leur donner une trop grande charge de travail supplémentaire. Cette fiched'observation ne serait destinée à évaluer qu'un seul faisceau d'items. Il serait composé de quatreitems maximum, présentés en quelques lignes, clairs et précis. La fiche doit pouvoir se remplir enquelques minutes. Prenons l'exemple de Bowie, pour qui seule l'expression pourrait être appréciéepar la quantité de l'expression verbale et sa nature. Les encadrants à l'EEAP ont l'habitude deremplir ce type de fiche, puisqu'ils mesurent déjà la qualité ou la quantité de l'alimentation, del'hydratation, des urines, des selles ou de la sieste. Il serait d'ailleurs tout aussi pertinent de croiserces résultats avec les évaluations des séances d'art-thérapie, ou encore de comparer les journéesavec et sans séance d'art-thérapie. Les professionnels de l'EEAP sont aussi formés à évaluer lecomportement avant, pendant et après une activité.L'évaluation pourrait avoir lieu à la fois pendant les temps de préparation du spectacle, en présenceou non de l'art-thérapeute, mais aussi dans le quotidien des enfants. Dans ce dernier cas,l'observation permettrait de mesurer une éventuelle évolution et par là même, l'impact de l'art-thérapie dans la vie quotidienne des enfants polyhandicapés. Une étude comparative entre le enfantssuivis en séances individuelles et ceux qui ne le sont pas serait même envisageable.

b) Une pratique artistique régulière devrait permettre de consolider les progrès desenfants polyhandicapés.

L'évolution constatée au cours des séances d'art-thérapie n'est pas clairement visible endehors de l'atelier. L'enfant est pris dans le rythme du quotidien, il ne reçoit pas la même attentionque pendant une prise en charge individuelle, et n'est lui-même plus aussi attentif à sonenvironnement. Or, il a besoin d'être stimulé pour devenir stimulant, et réciproquement.La musique est déjà présente à l'EEAP en tant que moyen de stimulation, parfois au cours deséances où le professionnel et/ou l'enfant jouent, mais parfois de façon passive, comme pour"habiller" l'espace quand on ne peut pas faire autrement. Mais la musique mérite d'être vécue plusintensément, d'être impliquée plus profondément dans la communication et la relation avec lespersonnes polyhandicapées. Proposer davantage les instruments de musique dans le quotidien del'EEAP* pourrait encourager les enfants à apprendre de nouveaux gestes, les automatiser, lesmémoriser tant dans leur corps que dans leur cerveau, et développer encore leurs capacités motriceset cognitives. De plus, la musique semble exploitable pour lutter contre la spasticité* qui touche laplupart des enfants polyhandicapés. L'envie d'attraper un instrument pour produire un son peut, àl'occasion, se monter plus forte que la déficience physique.

B. Les musiques actuelles sont un élément culturel présent dans le quotidien desjeunes et de l'équipe pluridisciplinaire.

1. L'utilisation d'instruments adaptés valoriserait la production des enfantspolyhandicapés.

Les enfants de l'EEAP*, tout comme les encadrants, écoutent pour la plupart la radio et latélévision. Ils sont donc particulièrement sensibles et sensibilisés aux musiques actuelles. On peutprofiter de cette sensibilité pour valoriser leurs goûts. En effet, même si l'évolution psychologiquedes enfants et adolescents polyhandicapés est très lente, elle reste une évolution qui se doit d'êtreencouragée. Il convient d'adapter les propositions musicales, et parfois abandonner les comptines dela petite enfance pour bousculer les repères. L'utilisation d'instruments actuels est donc

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envisageable, et plusieurs machines ont déjà été développées et pourraient être appropriées. Nouspouvons aussi faire preuve d'imaginationLe Soundbeam® est un instrument de musique sans contact qui utilise des détecteurs de mouvementet des contacteurs pour transformer les mouvements du corps en sons et en musique. S'il est sansdoute surprenant de prime abord, son utilisation laisse la place à une forme de contemplation tout enfacilitant la participation active, indépendamment du niveau de développement cognitif et moteur.C'est un appareil très coûteux.Le Phonotonic® est issu de recherches de l'IRCAM*. Ce boîtier en silicone contient un capteur demouvements, à partir desquels est créée la musique via une application sur un smartphone, unordinateur ou une tablette. Contrairement au Soundbeam® qui "voit" les mouvements, lePhonotonic® doit être déplacé pour être efficient. Il mobilise alors d'autres capacités motrices enétant maintenu dans la main.On peut aussi envisager l'usage de triggers*, d'un multipad* ou d'une batterie électronique qui, viaun module, peut transformer et amplifier le moindre petit impact de la main ou d'une baguette. Jepense aussi au Thérémine*, ou à des guitares électriques bricolées avec une seule corde, à lamanière de Jack White75. Sans oublier, bien sûr, la basse électrique qui, avec ou sans effets, offre demultiples possibilités sonores plus faciles d'accès qu'elles n'y paraissent.

2. Les répétitions du spectacle permettraient la mise en place d'ateliers collectifsparticulièrement pertinents pour la mise en relation des jeunes entre eux.

Le spectacle doit être représentatif et tenir compte des potentialités de chacun, sans qu'aucunne soit lésé ou mis de côté. C'est bien une démarche art-thérapeutique qui est adoptée en s'appuyantsur les compétences préservées de tous les enfants polyhandicapés. Sous la direction de l'art-thérapeute, les séances groupale permettent d'introduire les progrès réalisés en individuel dans uncontexte collectif. Les premières prises en charge réalisées dans le cadre du stage témoignent deseffets positifs de l'art-thérapie à dominante musicale sur l'engagement relationnel des enfantspolyhandicapés. Mais ces effets se cantonnent au cadre de l'atelier individuel et par conséquent à larelation avec l'art-thérapeute. Les ateliers collectifs utiliseront donc cet impact de la musique pourfavoriser la relation par émulation, non plus exclusivement avec l'art-thérapeute, mais avecl'ensemble des participants. La cadre des répétitions peut créer une sorte d'identité commune afind'inclure et d'intégrer chaque enfant au projet tout en leur offrant un rôle spécifique. La ritualisationde ces moments favorise l'apparition d'un climat rassurant et apaisant propice aux échanges. Enfin,la musique est un outil de communication* indéniable qui laisse une grande place aux enfants pourdélivrer un message, pour peu qu'on tente de le comprendre.

3. D'autres techniques artistiques sont déjà exploitées à l'EEAP, dans un cadre éducatifou d'animation.

De nombreuses activités sont proposées aux jeunes de l'établissement. Tantôt ils yparticipent activement selon leurs capacités, tantôt ils observent les encadrantes dans des travauxmanuels. Une meilleure intégration dans la structure peut être l'objectif de ces pratiques, enmélangeant ou en rassemblant les groupes d'enfants, par exemple. La socialisation est égalementvisée. Dans les activités plastiques, les personnels éducatifs favorisent l'expression de lapersonnalité et une forme d'identification à la production. La psychomotricienne utiliseoccasionnellement le dessin avec des outils adaptés pour travailler, mais sans objectif esthétiqueprécis. J'ai également pu constater comment l'exploitation de la musique peut faciliter une prise encharge délicate et apaiser des comportements agités. D'ailleurs, on l'a dit, la musique est déjàprésente et utilisée à l'EEAP, sous différentes formes (contemplatives, actives, passives). Ces tempshors-répétition peuvent être des moments privilégiés pour rappeler régulièrement aux enfants le

75 GUGGENHEIM Davis. It Might Get Loud. 2008.

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travail mené en vue du spectacle.

Une danseuse extérieure à l'établissement intervient auprès d'un petit groupe d'enfants une fois parsemaine. Elle participe à leur éveil sensoriel en sollicitant le toucher, l'ouïe, la vue, et oriente sontravail vers un enrichissement de la communication et des relations sociales. La pratique de la danseadaptée favorise la conscience du corps, du temps et de l'espace. Enfin, un atelier conte animé par lapsychologue et une éducatrice est réservé aux plus petits et vise les objectifs cités plus hauts.L'intérêt de mêler de multiples pratiques artistiques est d'en mêler les pouvoirs et les effets propreset spécifiques.

C. Ce projet serait un enjeu temporel et financier très important.1. Les professionnels de l'EEAP devront s'engager autant que les enfants.

Un projet d'une telle ampleur ne peut aboutir sans une participation dynamique des membresde l'équipe. Mais il perturbe les habitudes des enfants, comme des personnels de l'établissement. Ildemande un effort de chacun pour atteindre son objectif final. Quand les enfants sont encadrés parles rituels, ce sont les professionnels qui les posent ou les imposent. Il faut alors savoir s'en détacherpour aller vers la nouveauté et bousculer la routine. La préparation demande une forte implicationglobale du personnel dans le projet, une disponibilité sur le long terme, une véritable participationactive sans aucune oisiveté. L'élan et l'engagement doivent être au maximum pendant lesrépétitions, et les adultes doivent être prêts à voir les enfants différemment, à recevoir ce qu'ils leuroffrent pour qu'ils aient envie de l'offrir. Ils abandonnent, dans ce cadre précis, une partie de leurrôle d'aidant pour exposer leurs potentialités artistiques au même titre que les enfants. Dans cesconditions seulement, leur travail et leur savoir-faire seront valorisés et reconnus, et la relation entreeux, mais aussi et surtout entre eux et les enfants, sera renforcée.

2. L'art-thérapeute pourrait se charger de la coordination du projet.

Ainsi, si l'art-thérapeute a parfois besoin d'un médiateur de l'équipe, d'un "traducteur", ilpeut à son tour devenir médiateur entre les membres de l'équipe et les enfants polyhandicapés, etaméliorer, raviver, ou restaurer leurs relations grâce aux pouvoir de l'Art. Dans un projet aussi vasteque celui décrit si-dessus, son rôle ne sera pas réduit à ça. Il s'agit d'échanger de professionnel àprofessionnel pour recueillir et intégrer les observations des encadrants dans les évaluations. Ainsiintégrés, ils sont sensibilisés à l'art-thérapie et responsabilisés dans l'indication des jeunes en art-thérapie.L'art-thérapeute intervient également dans la vie culturelle des enfants et des adolescentspolyhandicapés. Il est un artiste qui propose un éclairage particulier sur le monde, pique la curiositéet éveille l'ouverture sur l'extérieur et sur la différence. Ce statut lui confère une légitimité quant auxchoix et partis pris artistiques et esthétiques. De par sa connaissance du milieu artistique et sonréseau, il peut convier d'autres artistes à intervenir au court du projet. Dans une idée d'inclusion etd'intégration, il favorise la rencontre entre les jeunes et le monde l'extérieur.

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CONCLUSION

Rappelons que l'art-thérapie travaille mais surtout s'appuie sur l'être humain. Elle exploiteses parties saines, les ressources qu'il a en lui pour se développer et s'épanouir. De prime abord, cescompétences ne sont pas flagrantes chez les enfants polyhandicapés. Pourtant, en y regardant deplus près, ils sont eux aussi pleins d'atouts et de potentialités qui ne demandent qu'à se montrer et às'améliorer. Encore faut-il aller chercher ces enfants, les sortir de leur isolement induit par leursdéficiences mentales et physiques bien sûr, mais aussi par le handicap d'ordre social, lui.L'exclusion dans laquelle ils sont enfermés peut les désengager des relations sociales. Fortheureusement, des équipes éducatives, médicales et paramédicales œuvrent à l'amélioration de leurqualité de vie. L'art-thérapie a sa place dans cet accompagnement des enfants polyhandicapés. C'estune discipline originale complémentaire au sein de l'équipe pluridisciplinaire.

Dans ce mémoire, j'ai mis en lumière les pouvoirs relationnels de la musique et comment ilspouvaient être exploités en art-thérapie auprès des personnes polyhandicapées. Les études de casdétaillées plus haut tendent à prouver qu'elle favorise leur expression. La musique peut parfois sesubstituer au langage verbal pour communiquer avec les enfants polyhandicapés. Elle leur offre unaccès aux émotions qui peut se passer de mots, et semble être une source de motivation pour lesengager plus profondément dans la relation avec les autres. Mais le stage fut court et il est encoredifficile d'en être certain, même si d'autres travaux semblent l'attester. Les progrès restentprincipalement cantonnés au seul cadre de l'atelier et sont peu perceptibles dans la vie quotidiennedes enfants pris en charge. L'art-thérapie doit être un prolongement des outils du quotidien dans laprise en charge globale. L'EEAP m'a sollicité pour conduire prochainement des séances collectives.Elles sont peut-être ce qui a manqué dans mes prises en charge pour renforcer les améliorationsdans un contexte plus proche du quotidien. Cela soulève en tout cas de nouvelles interrogations,pose de nouveaux objectifs, et impose de nouvelles stratégies pour y répondre. Mais surtout, celaaugure de belles nouvelles rencontres.

Mes recherches m'ont conduit à m'intéresser aux neurosciences, plus spécifiquement auxneurosciences affectives. Elles analysent et évaluent l'impact des émotions sur le développementcérébral de l'être humain, de l'enfant en particulier. Les travaux récents valident ce que Winicott,Piaget, Bowlby et d'autres avaient annoncé : une éducation bienveillante favorise le bondéveloppement cérébral, cognitif et psychologique. C'est par ces deux points, les émotions et labienveillance, que l'art-thérapie à dominante musicale me semble liée aux neurosciences. Ellesétudient d'ailleurs déjà les pouvoirs de la musique sur le cerveau, essentiellement sur les personnesâgées démentes. Il serait intéressant de travailler avec elles pour tenter d'évaluer les effetsneurophysiologiques de la pratique et/ou de l'écoute musicales sur le cerveau des personnespolyhandicapées. Comme chez les personnes âgées, la musique pourrait-elle créer dans leurscerveaux gravement lésés, de naissance qui plus est, des aires compensatrices susceptibles d'êtreexploitées pour leur développement moteur, cognitif et sensoriel ?

La fin de ce mémoire marque le début, je l'espère, de recherches, d'expérimentations, de remises enquestion et de partage avec les enfants polyhandicapés. Et l'intérêt du monde pour eux n'en est qu'àses balbutiements. Alors, à nous tous de chercher à mieux les connaître pour mieux lesaccompagner.

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LISTES DES SCHÉMAS ET GRAPHIQUES

Tableau n°1 : Synthèse de la théorie de l'Art opératoire.............................................................

Schéma n°1 : L'opération artistique..............................................................................................Diagramme n°1 : évaluation de l'expression-communication de Bowie....................................

Diagramme n°2 : évaluation de la communication-relation de Bowie.......................................Diagramme n°3 : évaluation de l'expression-communication-relation d'Elliott.......................

Diagramme n°4 : évaluation de l'autonomie-indépendance d'Elliott.........................................

27

2845

4651

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

MONOGRAPHIES

• BATAILLE Annick. Pour les enfants polyhandicapés : une pédagogie innovante. Toulouse :Éditions Érès, 2011.

• BAUDIER Anne et CELESTE Bernadette. Le développement affectif et social du jeune enfant.3e édition. Paris : Éditions Armand Colin, 2010.

• CARRÉ Alain. Musique & handicap. Bressuire : Éditions Fuzeau, 2006.

• DE BROCA Alain. Le développement de l'enfant : Aspects neuro-psycho-sensoriels. 4e édition.Issy-les-Moulineaux : Éditions Elvesier Masson, 2009.

• FORESTIER Richard. Tout savoir sur l'art-thérapie. 7e Édition. Lausanne : Éditions Favre,2012.

• FORESTIER Richard. Tout savoir sur la musicothérapie. Lausanne : Éditions Favre, 2011.

• GUIDETTI Michèle, TOURRETTE Catherine. Handicaps et développement psychologique del'enfant. 2e édition. Paris : Éditions Armand Colin, 2004.

• MASLOW Abraham. Devenir le meilleur de soi-même. Paris : Eyrolles, 2013.

• ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (traduit de l'anglais par l'INSERM et leCTNERHI), Classification Internationale des Handicaps : déficiences, incapacités etdésavantages. Un manuel des classification des conséquences des maladies. Publications duCTNERHI. Évry : diffusion P.U.F., 1988.

• PICQ Pascal, SERRES Michel, VINCENT Jean-Didier. Qu'est-ce que l'humain ?. Éditions LePommier, 2003.

• ROGERS Carl. Le développement de la personne. Paris : Éditions Dunod, 1998.

• SCELLES Régine, PETITPIERRE Geneviève (sou la direction de). Polyhandicap : processusd'évaluation cognitive. Paris : Dunod, 2013.

• SOURIAU Étienne. Vocabulaire d'esthétique. 3e édition « Quadrige ». Paris : Éditions PressesUniversitaires de France (PUF), 2010.

• ZUCMAN Élisabeth. Accompagner la personne polyhandicapée. Réflexions autour des apportsd'un groupe d'étude du CTNERHI. 2e édition revue et augmentée. CTNERHI, 2000.

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PRESSE

• Dossier : La musique qui soigne. Cerveau & Psycho n°63, mai-juin 2014 : Éditions Pour laScience, 2014.

• ZUCMAN Élisabeth. L’accompagnement des jeunes polyhandicapés : évolutions, adaptations.La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation - Hors série n°6.

MÉMOIRES

• ANDREYITCH Ingrid. L'art-thérapie à dominante arts plastiques expérimentée auprès depersonnes en situation de handicap mental ou de polyhandicap accueillies au sein d'un institutmédico-éducatif. Mémoire de fin d’études du Diplôme Universitaire d’Art-Thérapie de laFaculté de Médecine de Tours, AFRATAPEM. 2013.

• LEFEVRE Cédric. Évaluation de l’impact de l’Art-thérapie à dominante arts plastiques surl’estime de soi auprès de personnes en situation de précarité et d’exclusion sociale. Mémoire defin d’études du Diplôme Universitaire d’Art-thérapie de la Faculté de Médecine de Grenoble,AFRATAPEM. 2011.

• PERRUISSEAU-CARRIER Françoise. Un atelier d’art-thérapie à dominante arts plastiquesauprès d’adultes infirmes moteurs cérébraux. Mémoire de fin d’études du Diplôme Universitaired’Art-thérapie de la Faculté de Médecine de Tours, AFRATAPEM. 2011.

• PLOUZENNEC Nolwenn. Un atelier d'art-thérapie à dominante musicale auprès de personnesadultes polyhandicapées. Mémoire de fin d’études du Diplôme Universitaire d’Art-thérapie de laFaculté de Médecine de Tours, AFRATAPEM. 2011.

WEBOGRAPHIE

• Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : http://www.cnrtl.fr/definition

• Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine : http://dictionnaire.academie-medecine.fr

• Cours infirmiers : http://www.infirmiers.com

• Le cerveau à tous les niveaux : http://lecerveau.mcgill.ca/

• Le grenier à textes : http://papidoc.chic-cm.fr

VIDÉOGRAPHIE

• GUEGUEN Catherine. Les neurosciences et le développement de l'enfant. Conférence"Questions d'éducation". Atelier Canopé de Poitiers, 2015.

• GUGGENHEIM Davis. It Might Get Loud. Avec Jack White, the Edge, Jimmy Page. Sony,2008.

• MANNES Elenna. L'instinct musical. Avec Bobby McFerrin et Daniel Levitin. Arte, 2011.

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LISTES DES ANNEXES

Annexe I : Les quatorze besoins fondamentaux de l'être humain selon Virginia Henderson.

Annexe II : La pyramide des besoins selon la théorie d'Abraham Maslow.Annexe III : Le modèle de Philip Wood.

Annexe IV : L'estime de soi (modèle de F. Chardon, H, Bernhard et C. Millot).Annexe V : Une journée "type" à l'EEAP.

Annexe I : Les quatorze besoins fondamentaux de l'être humain selon Virginia Henderson.

• Respirer : maintenir un niveau d'échanges gazeux suffisant pour disposer d’une oxygénationcellulaire satisfaisante. La ventilation pulmonaire résulte des mouvements rythmiques de lacage thoracique lesquels permettent d'amener l'oxygène de l'air aux alvéoles et d'expulser legaz carbonique des poumons dans l'air ambiant.

• Boire et manger : ingérer, mastiquer, déglutir, digérer, en réponse à la faim et à la soif, afind'absorber suffisamment de nutriments pour entretenir son métabolisme et produire del’énergie, maintenir et réparer les tissus et assurer la croissance de l'organisme.

• Éliminer : se débarrasser des déchets qui résultent du fonctionnement du métabolisme, parles selles et les urines mais aussi la transpiration et l'expiration pulmonaire.

• Se mouvoir et maintenir une bonne posture : se déplacer seul ; bouger tous ses membres pardes mouvements coordonnés pour entretenir l’intégrité et l’efficacité des systèmesbiophysiologiques, permettre la réalisation des activités sociales et construire et maintenirl’équilibre mental.

• Dormir et se reposer : prévenir et réparer la fatigue en prenant du repos du repos dans debonnes conditions et en quantité suffisante, afin de diminuer les tensions, conserver etpromouvoir l’énergie pour un fonctionnement optimal de l'organisme.

• Se vêtir et se dévêtir : se procurer et de choisir des vêtements pour protéger son corps etpermettre une liberté de mouvements, voire pour exprimer son identité physique, mentale etsociale.

• Maintenir la température du corps dans les limites de la normale : assurer le rendementoptimal des fonctions métaboliques, maintenir les systèmes biophysiologiques et maintenirune sensation de chaleur corporelle satisfaisante, soit 37°C à quelques dixièmes de degrésprès.

• Être propre, soigné et protéger ses téguments : maintenir l’intégrité de la peau, desmuqueuses et des phanères, afin qu’elle puisse jouer son rôle de protection contre touteintroduction dans l’organisme ; éliminer les germes et les souillures et avoir une sensation depropreté corporelle, élément de bien être, grâce à un certain niveau d'hygiène. Ce besoinsous-entend également la perception que l'on a de soi-même à travers le regard d'autrui.

• Éviter les dangers : se protéger contre toute agression externe ou interne, réelle ouimaginaire et préserver l’intégrité physique, psychologique et sociale.

• Communiquer : transmettre et percevoir, par un processus dynamique, des messagescognitifs ou affectifs, conscients ou inconscients et établir des relations avec autrui par latransmission et la perception d’attitudes, de croyances et d’intentions.

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• Agir selon ses croyances et ses valeurs : être reconnu comme sujet humain et promouvoirses propres principes, en posant des gestes et des actes conformes à la notion personnelleque nous avons du bien, du mal et de la justice ; Ces notions sont un ensemble d'idéestransmises par l'éducation et la culture. Il s'agit donc de faire des liens entre événementspassés, présents, à venir pour se donner ses propres règles de conduite.

• S'occuper en vue de se réaliser : exercer son rôle dans une organisation sociale et assumerses responsabilités ; s’auto-actualiser par le développement de son potentiel.

• Se récréer : promouvoir l’animation du corps et de l’esprit en s'investissant dans desactivités de loisir, ayant pour objectif la détente, le divertissement, l'épanouissementpersonnel, la créativité et la transcendance sensuelle.

• Apprendre : continuer à s'éduquer, évoluer, s’adapter, interagir avec son entourage et sonenvironnement pour acquérir des connaissances, des habiletés ou des nouveauxcomportements ,en vue de la restauration, du maintien et de la promotion de sa santé. Lebesoin d'apprendre est lié aux conditions essentielles de survie de l'être humain.

Annexe II : La pyramide des besoins selon la théorie d'Abraham Maslow.

besoin d'actualisation

besoin d'estime

besoin d'appartenance, d'amour

besoin de sécurité

besoins physiologiques

1. La pyramide doit avoir une base solide pour ne pas s'effondrer. Cette base est constituée desbesoins physiologiques essentiels au maintien de la vie.

2. Le besoin de protection et de sécurité physique et psychologique implique la réduction oul'élimination des dangers (maladie, accident...) qui menacent le corps ou la vie de lapersonne. La sécurité est donc la protection à l'égard de l'environnement (par le logement etl'habillement, par exemple), la sécurité à l'égard des crimes et des difficultés financières .

3. Le besoin d'appartenance et d'amour ne surviennent que lorsque les besoins physiologiqueset de sécurité sont satisfaits, laissant le temps et la force à une personne de rechercherl'amour et l'appartenance et de partager cet amour avec d'autres. Ce sont des besoins sociauxd'affection et d'approbation par les relations intimes, les groupes sociaux et les amis.

4. Le besoin d'estime est à la fois la considération de la part des autres et la valeur que l'onattribue à soi-même. C'est une aspiration, un besoin d'épanouissement difficile à définir quienglobe un désir de force, de mérite, de maîtrise et de compétence, d'indépendance et deliberté qui renforce la confiance en soi et satisfait le besoin d'être reconnu et apprécié par sespairs. C'est un facteur important de notre développement psychosocial et de nos motivations.

5. Pour satisfaire le besoin d'actualisation, l'être humain cherche à réaliser son potentiel, à avoirune « vie pleine »76 après avoir répondu à tous les besoins de niveaux précédents. Lasatisfaction de ce besoin spirituel dépend de l'équilibre entre ses besoins actuels, ses agentsstressants et sa capacité d'adaptation aux changements et aux exigences de son organisme etde son environnement. L'actualisation est donc au sommet de la hiérarchie, mais n'est jamaiscomplètement atteinte, car l'être humain recherche toujours davantage.

76 ROGERS Carl. Le développement de la personne. Paris : Éditions Dunod, 1998.

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Lors d'une conférence en 1979, Rosette Poletti a précisé le contenu des besoins, par ordre depriorité :

• Besoins physiologiques de base : Oxygénation - Équilibre hydrique et sodé - Équilibrealimentaire - Équilibre acide-base - Élimination des déchets - Température normale -Sommeil - Repos - Relaxation - Activité - Mobilisation - Énergie - Confort - Stimulation -Propreté - Sexualité.

• Besoins de sécurité : Protection du danger physique - Protection des menacespsychologiques - Délivrance de la douleur - Stabilité - Dépendance - Prédictibilité - Ordre.

• Besoins de propriété : Besoin de maîtrise sur les choses, sur les événements - Besoind'impact, de pouvoir sur l'extérieur et donc besoin important de connaissances pour y arriver.

• Besoins d'appartenance : Amour et affection - Acceptation - Relations et communicationschaleureuses - Approbation venant des autres - Être avec ceux qu'on aime - Être avec descompagnons.

• Besoins d'estime de la part des autres : Reconnaissance - Dignité - Appréciation venant desautres - Importance, influence - Bonne réputation - Attention - Statut - Possibilité dedominer.

• Besoins d'estime de soi : Sentiment d'être utile, valorisé - Haute évaluation de soi-même - Sesentir adéquat, autonome - Atteindre ses buts - Compétence et maîtrise - Indépendance.

• Besoins de se réaliser : Croissance personnelle et maturation - Prise de conscience de sonpotentiel - Augmentation de l'acquisition des connaissances - Développement de sonpotentiel - Amélioration des valeurs - Satisfaction sur le plan religieux et/ou philosophique -Créativité augmentée - Capacité de percevoir la réalité et de résoudre les problèmes,augmentée - Diminution de la rigidité - Mouvement vers ce qui est nouveau - Satisfactiontoujours plus grande face à la beauté - Moins de ce qui est simple, plus de ce qui estcomplexe.

Annexe III : Le modèle de Philip Wood.

MALADIE DÉFICIENCE INCAPACITÉ DÉSAVANTAGEou TROUBLE(situation (extériorisée) (objectivisée) (socialisée)intrinsèque)

Annexe IV : L'estime de soi (modèle de F. Chardon, H, Bernhard et C. Millot).

Amour de soi

Confiance en soi Affirmation de soi

L'estime de soi est la synthèse de ces trois composantes, fortement liées et dépendantes les unes desautres.

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Annexe V : Une journée "type" à l'EEAP.

8h45 – 9h45 Arrivée des jeunes en taxi et accueil dans les groupes par l'équipe éducative.• déshabillage, changement de posture• lecture des cahiers de liaison par le personnel• change, mise aux toilettes et/ou soins

9h45 – 11h Installation spécifique (coque, fauteuil, verticalisation par les kinés...) ou activitésselon le planning (avec décloisonnement éventuel)

11h – 11h30 Préparation au repasChange, mise aux toilettes et/ou soins

11h30 – 13h Repas en 2 servicesTemps de détenteChange et mise aux toilettes si nécessaire

13h – 14h Sieste ou détente avec animation selon les besoins du jeuneChange et mise aux toilettes pour certains

14h – 14h30 Retour dans les groupesChange, mise aux toilettes et/ou soins

14h30 – 15h30 Activités selon le planning

15h30 – 16h10 Préparation au départ• écriture des cahiers de liaison• habillage, réinstallation• change et mise aux toilettes si nécessaire

16h10 – 16h30 Accompagnement des jeunes aux taxis et départ

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AFRATAPEMAssociation Française de Recherche et Applications

des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine

Mémoire professionnel réalisé pour l'obtention du titre d'art-thérapeuterépertorié par l'état au niveau II

Présenté par Pierre Lacheray, année 2015

Une expérience d'art-thérapie à dominante musique et peinture au sein d'un établissementd’accueil pour enfants et adolescents polyhandicapés.

L'enfant polyhandicapé est gravement pénalisé dans sa qualité de vie. Il souffre de multiplesdéficiences motrices, cognitives et sensorielles imbriquées et subit l'exclusion sociale due à cesnombreux handicaps. Mais il est avant tout un être humain qui dispose de ses propres ressourcespour se développer. L'art-thérapie tend à exploiter son potentiel artistique dans une viséethérapeutique et/ou humanitaire, afin de l'accompagner dans sa recherche d'une meilleure qualitéexistentielle.Ce mémoire, issu d'un travail de recherches théoriques et de pratique clinique, étudie comment unatelier d'art-thérapie à dominante essentiellement musicale peut influencer positivementl'engagement relationnel des enfants polyhandicapés. Il souligne également l'importance du travailen équipe pluridisciplinaire et sur le long terme, afin d'ancrer dans la vie quotidienne des enfants lesaméliorations observées et évaluées. Il est indispensable de continuer à développer des outils enpartenariat avec les autres disciplines pour progresser à notre tour dans l'accompagnement desenfants polyhandicapés.

Mots clés : enfant polyhandicapé ; art-thérapie ; engagement relationnel ; musique ; équipepluridisciplinaire

An experiment of art-therapy using mainly music and painting in a reception centre forchildren and teenagers suffering from severe multiple disabilities.

A child suffering from several severe disabilities is seriously penalized in his quality of life. He maysuffer from social rejection because of his multiple motor, cognitive and sensorial deficiencies. Butfirst, he is a human being with its own possibilities for its own development. Art-therapy leads toexploit his artistic potential with a therapeutic and/or humanitarian aim in view, to help him in hisquest for a better quality of life.

This thesis has been written after theoretical researches and clinical practice. It shows how a musicart-therapy workshop can have a positive influence on the relational involvement of childrensuffering from severe multiple disabilities. Also, it emphasizes that the work with amultidisciplinary team in a long-term perspective is essential to firmly root the improvements in thedaily life. We need to continue developing tools in partnership with other disciplines to makeprogress supporting those children.

Keywords : child suffering from severe multiple disabilities ; art-therapy ; relational involvement ;music ; multidisciplinary team

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