une connaissance d’amour. note de théologie sur l’édition critico-historique de chemin (i)

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SetD 1 (2007) 191-220 191 ISSN 1970-4879 Une connaissance d’amour. Note de théologie sur l’édition critico-historique de Chemin (I) GuIllaume DervIlle Abstract: Saint Josémaria Escriva n’a pas composé « Chemin » comme un traité de théologie. Pedro Rodríguez montre pourtant, dans l’édition critique de cette oeuvre du fondateur de l’Opus Dei, que son étude permet, grâce à une grille de lecture souvent convaincante, d’y découvrir des contributions théologiques concernant entre autres la contemporanéité de la vie du Christ et de celle du baptisé, les rapports entre paternité et filiation divines, la sanc- tification du travail et l’apostolat. Ces contributions à l’intelligence de la foi vécue sont certes le fruit du raisonnement mais surtout celui de l’intuition et de l’expérience spirituelle du Saint. Keywords: Josémaria Escriva – Chemin – Théologie spirituelle – Littérature spirituelle An Understanding of Love. Theological Reflection on the Critical-His- torical Edition of The Way (I): Saint Josemaría Escrivá has not written “The Way” as a theological treatise. However, as Pedro Rodríguez shows in the critical edition of this work by the founder of Opus Dei, study of “The Way” permits the discovery of many theological contributions, thanks to an often compelling interpretation of the text. These contributions include, for exemple: the contemporaneity of the life of Christ and of the life of the bap- tised, relations between divine paternity and divine filiation, sanctification of work and apostolate. These contributions to the intelligence of the faith as it is lived are undoubtedly the fruit of reasoning, but they are above all fruit of the saint’s intuition and spiritual experience. Keywords: Josemaría Escrivá – The Way – Spiritual theology – Spiritual literature

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Saint Josémaria Escriva n’a pas composé « Chemin » comme untraité de théologie. Pedro Rodríguez montre pourtant, dans l’édition critiquede cette oeuvre du fondateur de l’Opus Dei, que son étude permet, grâce à une grille de lecture souvent convaincante, d’y découvrir des contributions théologiques concernant entre autres la contemporanéité de la vie du Christ et de celle du baptisé, les rapports entre paternité et filiation divines, la sanctification du travail et l’apostolat. Ces contributions à l’intelligence de la foi vécue sont certes le fruit du raisonnement mais surtout celui de l’intuition et de l’expérience spirituelle du Saint.

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  • SetD 1 (2007) 191-220 191ISSN

    1970

    -487

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    Une connaissance damour. Note de thologie sur ldition critico-historique de Chemin (I)

    GuIllaume DervIlle

    Abstract: Saint Josmaria Escriva na pas compos Chemin comme un trait de thologie. Pedro Rodrguez montre pourtant, dans ldition critique de cette oeuvre du fondateur de lOpus Dei, que son tude permet, grce une grille de lecture souvent convaincante, dy dcouvrir des contributions thologiques concernant entre autres la contemporanit de la vie du Christ et de celle du baptis, les rapports entre paternit et filiation divines, la sanc-tification du travail et lapostolat. Ces contributions lintelligence de la foi vcue sont certes le fruit du raisonnement mais surtout celui de lintuition et de lexprience spirituelle du Saint.

    Keywords: Josmaria Escriva Chemin Thologie spirituelle Littrature spirituelle

    An Understanding of Love. Theological Reflection on the Critical-His-torical Edition of The Way (I): Saint Josemara Escriv has not written The Way as a theological treatise. However, as Pedro Rodrguez shows in the critical edition of this work by the founder of Opus Dei, study of The Way permits the discovery of many theological contributions, thanks to an often compelling interpretation of the text. These contributions include, for exemple: the contemporaneity of the life of Christ and of the life of the bap-tised, relations between divine paternity and divine filiation, sanctification of work and apostolate. These contributions to the intelligence of the faith as it is lived are undoubtedly the fruit of reasoning, but they are above all fruit of the saints intuition and spiritual experience.

    Keywords: Josemara Escriv The Way Spiritual theology Spiritual literature

  • GuIllaume DervIlle

    192 SetD 1 (2007)

    Garder fidlement des souvenirs, les mditer en son cur... En quel-ques mots saint Luc dcrit lattitude intrieure de la Vierge Marie. Il ouvre le deuxime chapitre de son vangile par un rcit dune grande simplicit et dune rare beaut. Cest en quelque sorte depuis la mmoire de Marie quavec Elle, progressivement, se comprend le sens du mystre. En ces jours-l parut un dit de Csar Auguste, ordonnant le recensement de toute la terre... La Vierge Marie mit au monde son fils premier-n, lenveloppa de langes et le coucha dans une crche, parce quil ny avait pas de place pour eux lhtellerie... La naissance du Verbe incarn provoque la louange anglique et ladoration des bergers ; vien-dront ensuite la circoncision de lenfant, sa prsentation au temple, les mys-trieuses prophties de deux vieillards ; puis, en quelques mots, lvangliste voque la vie cache Nazareth, tonnante poque de croissance devant Dieu et devant les hommes, marque par une brutale disparition lors de la fte de Pque o lenfant, g de douze ans, reste Jrusalem avec les docteurs, linsu de ses parents, car il se doit ce qui est son Pre, celui quil appellera Abba, mon Pre (cf. Mc 14, 36), avec une nuance familire et personnelle unique. Marie, nous dit par deux fois lvangliste, gardait avec soin toutes ces choses en les mditant dans son cur (cf. Lc 2, 19.51) ; elle coutait les actions et les paroles du Verbe incarn pour les mettre en pratique (cf. Lc 8, 21 ; 11, 28).

    Or tous ces souvenirs sont prcisment ceux quun beau jour, vingt si-cles plus tard, le 29 dcembre 1931 exactement, Josmaria Escriva1 lisait au cha-pitre deuxime de saint Luc, tandis quil marchait dans une rue de Madrid pour rendre visite un ami. Dieu sait quelles paroles inspires il avait sous les yeux ; trois quatre minutes suffisent pour achever la lecture des 52 versets lucaniens. Cest dans cet intervalle de temps que le jeune prtre est soudain distrait par la conversation de quelques ouvriers, qui probablement se demandent ce quil peut bien tre en train de lire. Lun conjecture : La vie de Jsus Christ . Le lende-main, Josmaria Escriva consigne ce souvenir, quil a mdit dans son cur, ose-rais-je dire, dans ses Cahiers intimes ; il voit dans lexacte rponse dun inconnu plutt que le hasard, la providence et lanne suivante tout cela est rsum, de manire impersonnelle, dans le numro 2 de ce qui constituera le fascicule de 1932 de Considrations spirituelles, et sera recueilli plus tard au deuxime point de Chemin : Dieu veuille que ton comportement et tes conversations fussent tels que lon pt dire en te voyant ou en tcoutant parler : voil quelquun qui lit la vie de Jsus Christ ! 2.

    1 Jadopte lorthographe francise, de plus en plus couramment admise, du nom de Josemara Escriv de Balaguer ; cest celle des textes liturgiques approuvs par la Congrgation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, dans son Dcret 652/04/L du 25 mai 2004.

    2 Josmaria Escriv, Chemin, 11me d. franaise, Paris, Le Laurier, 2005, n. 2 ; jignore pourquoi le traducteur franais crit la vie du Christ , puisque loriginal espagnol dit la vie de Jsus

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    Cette histoire semble presque anodine ; elle illustre assez bien toutefois la rdaction et le message de Chemin : il sagit dune exprience la fois per-sonnelle, relationnelle et providentielle, rapporte dans les Cahiers intimes du Saint puis transcrite, une fois dpersonnalise, dans Chemin. On passe de la vie du Christ celle de Josmaria pour aboutir aux considrations dun petit livre qui fusionne vangile et vie personnelle de lauteur comme autant de souvenirs fidlement gards et mdits dans son cur. Cest le mrite de Pedro Rodrguez de faire jaillir ce processus vital et de linterprter : il en montre en effet le carac-tre autobiographique en mme temps que, dans un bref commentaire, il jette une lumire sur un arrire-plan thologique, en loccurrence ici la prsence du Christ sur les lvres et dans le comportement du chrtien, ce que lon pourrait appeler la thologie de lalter Christus.

    Ldition critico-historique de Chemin3 na pas la prtention den faire la thologie4 ; elle ne manque cependant pas de fragments dignes de ce nom5 et offre en outre un irremplaable outil de travail en vue dapprofondissements thologiques ultrieurs. Cest du moins ce que jaimerais montrer dans cette note de thologie ; en effet, en ce qui concerne les aspects de mthodologie, non

    Christ , ce qui ne pose aucun problme pour une langue qui fut celle, entre autres, de La vie de Notre Seigneur Jsus-Christ de Louis-Claude Fillion (1922).

    3 Josemara Escriv, Camino, edicin crtico-histrica, preparada por Pedro Rodrguez, 3 ed., Madrid, Rialp, 2004, 1237 pp. (24 x 16 cm). Dans le prsent article, sauf mention explicite dautres crits de Rodrguez, le renvoi cet auteur concernera toujours ce livre dans sa troisime dition. Pour faciliter au public francophone laccs des textes en grande partie indits en franais, jai traduit toutes les citations, tant celles de J. Escriva que celles de son commenta-teur Rodrguez et des autres auteurs. Je nomme point chaque numro ou considration de Chemin. Sur le deuxime point de Chemin, cf. Rodrguez, p. 218 ; on y apprend que lpisode du 29 dcembre 1931 a eu lieu rue de Santa Engracia : Josmaria Escriva se rendait chez son ami Jos Romeo (1912-1985), lpoque jeune tudiant, futur architecte (cf. Rodrguez, p. 20 note 13 et pp. 456-458 : selon Rodrguez, p. 458, cest de Romeo quil serait question dans Chemin, n. 274) ; sur la doctrine de lalter Christus applique tout chrtien, voir aussi Chemin, nn. 687 et 947, et les commentaires de Rodrguez, pp. 809 et 1099 ; applique au prtre, voir Chemin, nn. 66 et 67, et commentaires de Rodrguez, pp. 278-282.

    4 Rodrguez, en effet, laffirme sans ambages, par exemple p. XVIII : Ce nest toutefois, ni ne prtend tre, un commentaire thologique et de spiritualit ; vid. aussi p. 153. Il se prononce sur la structure thologique de Chemin, cest--dire sur la thologie qui se manifeste dans Chemin, dans sa premire tude intitule La spiritualit de Chemin , qui constitue le chap. IV de son livre Vocacin, trabajo, contemplacin, Pamplona, Eunsa, 1986, 218 pp. Lanalyse, dans ldition critique, de lordo de Chemin en fonction de lintentio, ne modifie pas substantielle-ment lapproche thologique dil y a vingt ans.

    5 Je viens de citer le point 2. Un exemple plus restreint se trouve pp. 229-230 o Rodrguez, com-mentant le point 12, explique brivement la mention du Ps 104[103], 10 partir de lcriture elle-mme, de la Liturgie, de saint Jrme et, finalement, dans lenvironnement historico-spiri-tuel de Josmaria Escriva ; plus profonds, en raison de limportance du sujet, sont les commen-taires sur la doctrine de la saintet, comme on le verra plus loin.

  • GuIllaume DervIlle

    194 SetD 1 (2007)

    traits ici, je me limiterai constater quils ont t jusqu prsent gnralement lous par la critique6.

    Aussi bien dans la gnreuse Introduction gnrale (214 pages) que dans ldition critique elle-mme, Rodrguez lve un voile sur le fond tholo-gique de Chemin. Une valuation globale cet gard serait prmature7 ; ironie du sort, Rodrguez lui-mme crivait, en 1986, que Chemin rsiste une lecture critique8 ; il sest attel toutefois cette tche, sans ignorer le caractre essen-tiellement vital du livre de saint Josmaria ; il est possible de tirer dj quelque leon de luvre monumentale que constitue ldition critico-historique, et den dgager trois aspects. Dabord la gense des diffrents points du livre et le type de lecture quils supposent : plutt quun discours sur Dieu, une tho-logie , il sagit dune invitation couter Dieu qui parle ; ensuite, larticulation de ces paroles, succession de considrations grenes non pas suivant un ordre discursif, mais cependant suivant une certaine logique thologico-spirituelle, rpondant une intention prcise dordre apostolique de la part de lauteur : il ne sagit pas de penser Dieu, mais de lcouter, et, mieux encore, de le suivre ; enfin, en filigrane, de grandes perspectives thologiques se dessinent : on suit Dieu dans le Christ pour le porter aux autres.

    Au fur et mesure des points, souvent accompagns de citations de Jos-maria Escriva et de commentaires fragmentaires mais riches en consquences thologiques, lhistoire de la rdaction devient une invitation une relecture du livre : dune part Chemin ne peut sentendre vraiment que dans le souffle de lEsprit, ensuite lorigine mme de ses considrations provoque une certaine empathie avec lauteur, enfin, si lessence du livre est chrtienne, rien nen est entirement rductible au dj entendu .

    6 Voici quelques recensions : Laurent Touze, in Annales Theologici, 17 (2003), pp. 222-229 ( un instrument scientifique de valeur ) ; Toms lvarez O.C.P., in Monte Carmelo, 111/1 (2003), pp. 277-280 ( une uvre classique et, comme telle, prenne, de la spiritualit chrtienne, Chemin ; et une dition documentaire qui ne se limite pas donner un cadre ni enchsser ce joyau de livre ) ; Vito Toms Gmez Garca, O.P., in Teologa espiritual, 140 (2003), pp. 286-287 ( une dition vraiment exemplaire tous points de vue ) ; Santiago Mara Gonzlez Silva, C.M.F., in Claretianum (2003) pp. 411-413 ( Ldition [...] comble toute attente bien fonde ) ; Karl-Heinz. Neufeld S.J., in Zeitschrift fr katholische Theologie, 125/4 (2003), pp. 499-500 : ( Il faut reconnatre avant tout lessai doffrir avec cette dition une base digne de foi pour le texte et sa comprhension ).

    7 Tant cause de labondance des crits de saint Josmaria et de la nouveaut de luvre fonde par lui, que de labsence de toute somme de thologie systmatique et de la complexit inh-rente au fait de compulser des archives en cours de constitution.

    8 Cf. Pedro Rodrguez, Vocacin, trabajo, contemplacin, p. 186.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    Rodrguez suggre une articulation thologico-spirituelle de Chemin 9 et cette comprhension de la structure du livre se fonde sur ce quil identifie comme intentio et comme ordo. Les commentaires des diffrents points font apparatre a et l des lments de doctrine, un message, des propositions, une vision chrtienne, et cest mme une terminologie qui se faonne.

    Peut-on alors parler de thologie ? Au del de laffirmation dune articu-lation thologico-spirituelle, Rodrguez tablit le caractre nettement christo-centrique de louvrage, on verra dans quels termes. Il y a une thologie derrire tout cela, cest un apport de ldition critique ; il ne sagit pas videmment ici de la thologie qua tudie lauteur de Chemin dans un sminaire de lEspagne du dbut du sicle dernier10, ni dune synthse acheve, ni mme dune construc-tion labore, mais plutt dune certaine intelligence de la foi implicitement contenue sinon ralise, et cela dans ses dimensions essentielles, cest--dire non limite quelques aspects secondaires. Je dgage trois de ces composantes qui me paraissent fondamentales dans lenseignement de Josmaria Escriva : le sens de la filiation divine, la contemplation au milieu de monde, lapostolat. Ldition critique montre la dimension minemment historiographique dun livre inspa-rable de la vie de son auteur, et par ricochet, comme le signale dans son Prologue lvque prlat de lOpus Dei, elle apporte un tmoignage dimportance singu-lire sur la rception de lesprit de lOpus Dei dans les annes trente11.

    Demble je signale que la troisime dition de Camino, edicin crtico-histrica maintient les propositions hermneutiques fondamentales des deux ditions prcdentes12, en mme temps que sont enrichis, voire exceptionnelle-ment corrigs, certains commentaires13.

    9 Rodrguez, p. 186. Rodrguez cherche dans son dition critique la comprhension tholo-gique de la structure que lauteur donne son livre (Pedro Rodrguez, Camino de Josemara Escriv : Gnesis, historia, mensaje, in Constantino nchel [dir.], En torno a la edicin crtica de Camino, Madrid, Rialp, 2003, p. 47, note 26).

    10 Voir ce sujet Ramn Herrando Prat de la Riba, Los aos de seminario de Josemara Escriv en Zaragoza (1920-1925), El seminario de San Francisco de Paula, Instituto Histrico Josemara Escriv, Monografas, Madrid, Rialp, 2002.

    11 Javier Echevarra, Prologue, in Rodrguez, pp. XIII-XIV.12 Rodrguez le confirme dans sa Note pour la troisime dition , p. XXIII.13 Cf. pp. XXII-XXIII et vid. par exemple les commentaires des points 5, 6, 10, 11, 92, 93, 125, 131,

    132, 152, 168, 182, 199, 267, 274, 282, 315, 348, 359, 403, 435, 437, 438, 449, 454, 462, 471, 473, 476, 481, 486, 492, 508, 515-516, 519-520, 531, 533, 537, 547, etc.

  • GuIllaume DervIlle

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    De la rdaction de Chemin sa lecture : quand Dieu parle

    Josmaria Escriva aimait rpter que la foi nest pas seulement adhsion un corps de doctrine mais aussi chemin de vie. Chemin, justement, est un livre dialogique qui interpelle le lecteur. Suivant lesprit dans lequel il est lu, il peut soit laisser totalement indiffrent, soit provoquer un authentique bouleverse-ment personnel. Ldition critique apporte au moins trois clairages susceptibles den faciliter la comprhension par un plus large public et, en gagnant la bonne volont du lecteur, de lui permettre den tirer un plus grand profit. Cela nest pas sans rapport avec la thologie, qui est intelligence de la foi et en particulier de la foi vcue.

    Un premier clairage vient justement se braquer sur le lecteur : tout dpend de ses dispositions. Chemin se mdite avec calme 14 ; limportant, cest laction de lEsprit Saint dans lme, plus que le contenu spculatif des consid-rations proposes ; cette action sinscrit dans le cadre dune certaine disposi-tion dhumilit. Une deuxime lumire est projete par la mise en vidence du caractre minemment autobiographique du livre, voire de lhistoricit intime de nombreux points. Certains lments font enfin apparatre, plutt que des influences, des points de confluence avec dautres auteurs chrtiens, et surtout un profond enracinement scripturaire fcond par le souffle de lEsprit.

    Une lecture inspire

    Chemin nest pas un livre discursif et, comme lannonce clairement son Prologue, il vise davantage convertir la personne qu convaincre son intelli-gence15. Or, dans cette conversion, lauteur sefface pour laisser le lecteur non pas tout seul mais seul face Dieu. Toute conversion vient de Dieu, et ce nest quavec sa lumire que les points de Chemin peuvent tre efficaces. Saint Jos-maria a toujours assur quil fallait un minimum de bonnes dispositions pour tirer profit de Chemin, un minimum desprit surnaturel, de vie intrieure et de dsir apostolique 16 ; lauteur de Chemin suppose une certaine formation

    14 Josmaria Escriva, Chemin, Prologue (cf. Rodrguez, p. 210).15 Je ne te dirai rien de nouveau. Je vais remuer tes souvenirs, en faire surgir quelque pense

    qui te frappe, pour que ta vie samliore, et que tu tengages dans des chemins de prire et dAmour ; rien de nouveau , aucun raisonnement donc ; il sagit de sengager sur des che-mins, cest bien de metanoia, de conversion quil sagit.

    16 Entretien avec Jacques Guillem-Brlon, du Figaro, publi le 16 mai 1966, repris dans Entre-tiens, 2me d. franaise, Paris, Le Laurier, 1987, n. 18. Rodrguez commente aussitt (pp. 175-176) ce paradoxe que Chemin sadresse aussi au non-chrtien, puisque limpact du livre a t dmontr cet gard ; il ne donne pas dexplication de ce phnomne ; jen vois deux. En second lieu, la simplicit des propos, sur laquelle je reviendrai ; mais dabord lenracinement de la

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

    SetD 1 (2007) 197

    chrtienne chez son lecteur17. Il forge un mot original pour ses considrations, un mot qui parle : gaiticas , vocable absent de Chemin mais dont ldition critique fait tat et offre une explication aux pp. 79-80. On pourrait traduire en franais le mot gaiticas , forg par saint Josmaria, par petites corne-muses 18. Rodrguez rapporte un passage amusant dune lettre lauteur de Chemin ; Pedro Casciaro, dans un style familier et typiquement espagnol, crit en effet en 1939 : Ol por las 999 gaiticas! (p. 79). Des annes plus tard, il commentera : Pourquoi les appelais-je ainsi ? Parce que si lon ne souffle pas, elles ne sifflent pas. Chacun peut les faire siffler sa manire (p. 80). En dautres termes, une mditation personnelle est ncessaire, pour ruminer ce qui est lu et laisser rsonner dans lme le souffle de lEsprit. De l un mode demploi possible, non exclusif videmment, existentiel assurment puisquil nest consign nulle part, de Chemin : une fois que lon a effectu une prise de conscience de la prsence de Dieu, on lit quelques points, quatre ou cinq, gure plus, et lon fait silence quelques instants, pour couter lEsprit Saint19.

    LEsprit souffle o il veut (cf. Jn 3, 8) et ce lieu est dordinaire celui des mes simples comme celles des enfants20. Rodrguez le suggre dailleurs p. 176,

    pense quant lactivit de lhomme (travail, vie ordinaire : il nest pas question dabandonner le monde) et surtout quant sa personnalit (description des tats dme et processus psycho-logiques, aspirations de lhomme), qui permet le dveloppement dune sorte de plate-forme dintrt commun (nihil humani a me alienum puto, disait Trence). Ceci est li la gense du livre et son caractre autobiographique, ainsi que la clairement affirm le serviteur de Dieu lvaro del Portillo (tmoin privilgi de la vie de saint Josmaria, son collaborateur immdiat et son premier successeur la tte de lOpus Dei, dont il fut lvque prlat) : Chemin est n de la vie elle-mme (Jos Morales [dir.], Estudios sobre Camino, Madrid, Rialp, 1988, p. 48). lvaro del Portillo attribue pareillement cette facilit de contact avec le lecteur la dimension surnaturelle du livre (cf. idem p. 51). Rodrguez synthtise cela in Constantino nchel (dir.), op. cit., p. 48, quand il affirme que le plan de Chemin est existentiel et prend racine dans les dons de Dieu et lexprience sacerdotale de lauteur : exprience dun prtre qui a une profonde connaissance du sujet humain face Dieu .

    17 Cf. Rodrguez, p. 675, introduction au chapitre Sainte Messe , qui explique que le texte soit davantage orient vers le sens spirituel que vers la doctrine ; cf. galement lintroduction du chapitre La Communion des saints , p. 695, qui explique pourquoi J. Escriva ne sarrte pas la considration de la structure hirarchique de lglise (et p. 722, commentaire du point 573). Cf. aussi p. 828, com. du point 708 : Escriva suppose connue la catchse sur les ennemis de lme (le monde, le dmon, la chair).

    18 Le traducteur de la biographie rdige par Andrs Vzquez de Prada, Le fondateur de lOpus Dei. Vie de Josmaria Escriva, Paris Montral, Le Laurier Wilson & Lafleur, 3 volumes (2001, 2003, 2005), fait erreur en traduisant sons de cornemuse ; cf. vol. II, p. 387, note 42.

    19 Rodrguez nexplique pas ce mode demploi , pourtant rpandu, me semble-t-il.20 Cf. Jn 3, 7 : Il faut que vous naissiez de nouveau ; cf. Mt 18, 3 ; 19, 13 ; 21, 15 ; Mc 10, 13 ; Lc

    18, 7.

  • GuIllaume DervIlle

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    et plus clairement ailleurs21, Chemin est un livre simple, ni hermtique ni so-trique : si la simplicit est ncessaire pour la lecture de louvrage22, celui-ci, en change, conquiert les mes simples. Certes, Dieu ne supple pas leffort de la personne humaine, dont la rponse suppose cet effort. De ce point de vue, saint Josmaria nignore pas la place de la lutte, de la discipline. Bien dautres choses seraient dire sur lEsprit Saint dans la lecture de Chemin : elles excdent le cadre de cette simple note de thologie.

    Une lecture empathique

    La forme directe de Chemin frappe le lecteur ; voici, ds le premier mot du Prologue, un conseil formul la deuxime personne du singulier : Lis ; et il en est ainsi tout au long du livre, du point n. 1 ( Que ta vie... ) jusquau n. 999 ( prends-toi... ).

    Or il se trouve que Rodrguez distingue quatre groupes de notes dans les Cahiers qui serviront de source Chemin. Deux dentre eux sont clairement autobiographiques, soit quil sagisse de la vie spirituelle de son auteur23 ou de conseils ns de son exprience24, soit quil sagisse de son activit pastorale telle que la reflte un abondant courrier personnel25; il nest pas frquent (moins de

    21 Vid. in Constantino nchel (dir.), op. cit., p. 43, o Rodrguez cite Miguel ngel Garrido Gallardo : Une lecture authentique du livre ne peut tre faite que par qui jouit de ce que saint Jean de la Croix appelle simplicit desprit .

    22 Comme le dit lauteur lui-mme dans sa note manuscrite du 2 octobre 1964, pour la 26me di-tion, invitant tre lu avec simplicit de cur (cf. Rodrguez, p. 1060).

    23 Par exemple les points 93, 101, 110 (vid. commentaire du p. 314), 113, 118, 168, 184, 187-188, 191, 193, 197-199, 207-208, 213, 218, 222, 225, 302, 436 (vid. com. p. 599), 497 (com. p. 652 : Que lon note la transformation littraire du texte opre par lauteur afin que ce qui est lorigine sa prire personnelle devienne, la lettre, la prire, galement personnelle, du lecteur lui-mme ), 596 (com. p. 744 : cas prototypique du passage du je des notes des Cahiers intimes, dans un dialogue intime avec le Seigneur, au tu de Chemin, o lauteur converse avec le lecteur du livre ), 731 ( la rdaction du Cahier est intime et personnelle , prcise Rodr-guez, p. 843).

    24 Par exemple point 97 ; cf. aussi lintroduction au chapitre La Communion des saints , p. 695 : J. Escriva transmet un message partir de sa propre exprience spirituelle et pastorale ; p. 837, commentaire du point 724 : construction en dialogue de lexprience pastorale de lauteur en la matire [la lutte intrieure], commencer par son auto-exprience .

    25 Cf. Rodrguez, pp. 24-25 ; quil sagisse de lettres reues, ce que Rodrguez appelle la cor-respondance passive de lauteur de Chemin (p. 698, commentaire du point 546), par ex. aux points 39, 40, 111, 117, 124, 166 (lettre cependant non retrouve dans les Archives de la Prla-ture de lOpus Dei), 168, 277, 305, 311, 312, 357 (non retrouve), 384, 546, 622 (non retrouve), 808, 912, 928, 968, 977, 986, 994 ; ou de lettres envoyes, par ex. aux points 33, 94, 106, 133, 164, 193, 255, 273, 314, 342, 480, 486-488, 664, 665, 697, 720, 755, 826.

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    5% des points) quaucune interrelation documentaire ne soit identifie26. Saint Josmaria soumet ses manuscrits originaux des modifications, en parti-culier en les arrachant son intimit pour les faire connatre 27. Le commen-taire du point 8 est une confirmation implicite de ce caractre autobiographique (p. 223). On rencontre par ailleurs un cas emblmatique dont Rodrguez sou-ligne le caractre prototypique : cest la rdaction du point 555, o lauteur veut disparatre en tant que sujet de lvnement tout en maintenant le style dialogique du livre 28 ; ici comme au point 242, il sagit non pas de considra-tions transcrites dans ses Cahiers en vue de les faire ultrieurement connatre, mais plutt de notes trs personnelles, intimes , en loccurrence tires de son examen et de sa prire personnelle pendant une retraite29. Ailleurs, cest le cercle des destinataires qui est largi, passant de lentourage apostolique imm-diat de Josmaria Escriva au peuple chrtien tout entier : une modification du texte original trouve un exemple prototypique dans la rdaction du point 66430. On peut estimer que tous les points formuls la deuxime personne du singulier ont ce caractre au sens strict, ou reprennent un dialogue rel, oral ou crit, dont lun des interlocuteurs est saint Josmaria ; Rodrguez ne nous donne pas dinformation statistique ce sujet.

    Cet aspect autobiographique facilite, mon sens, lassimilation du livre dans le temps et dans lespace, car il en rvle le caractre de tmoignage ; louverture du cur chez le lecteur est en quelque sorte sollicite par le dvoile-ment de cette involontaire captatio benevolentiae posthume. Celui-l ne se sen-tira pas agress quand il saura que Josmaria se parle lui-mme, mais il nen demeurera pas moins bless, frapp dit la traduction franaise du Prologue31, mais cest bien littralement une pense qui te blesse , selon loriginal espa-gnol ( algn pensamiento que te hiera ), une blessure dAmour, comme dirait saint Jean de la Croix. Certes, les formules percutantes de saint Josmaria, sou-vent en contraste avec le ton de ses homlies, peuvent tre mal reues ; le style direct, sinon directif, ne peut se dissocier, mon sens, des soubassements tho-logiques : il y a l les exigences dun Amour divin, feu, sang, pe tranchante ;

    26 Cest le cas de 47 points : 150, 153, 154, 203, 448, 458, 460, 478, 479, 501, 513, 517, 534, 536, 539, 542, 557, 567, 582, 604, 605, 623, 687, 688, 696, 699, 713, 722, 745, 747, 748, 785, 787, 799, 807, 824, 846, 849, 885, 905, 908, 972-974, 985, 990, 992 ; lexpression interrelation documentaire est utilise par Rodrguez, pp. XIX, p. 349 (commentaire du point 150), et passim.

    27 Rodrguez, p. 239, commentaire du point 19.28 Rodrguez, p. 706.29 Cf. Rodrguez, p. 428, commentaire du point 242.30 Cf. Rodrguez, p. 794, commentaire du point 664.31 Mme traduction pour le point 103 ; cf. aussi commentaire de Rodrguez, p. 310.

  • GuIllaume DervIlle

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    une Croix se dresse, noire et vide , qui appelle des paules qui la portent 32; mais cette croix est insparable de la joie.

    Curieusement, la dpersonnalisation sopre parfois dj dans les Cahiers intimes ; Rodrguez lattribue lhumilit de lauteur33, mme quand celui-ci se trouve, face ses notes personnelles, en quelque sorte seul avec Dieu34. Une exception toutefois, le point 130, fruit dun processus inverse, o un texte de tonalit collective prend une tournure minemment personnelle35.

    Peut-tre jugera-t-on lavenir raisonnable de mieux illustrer cette dimen-sion autobiographique par une prsentation renouvele du livre. La Note de lditeur actuelle reste encore discrte cet gard36. Les temps ont pourtant chang depuis la mort en 1975 de Josmaria Escriva et sa canonisation en 2002. Au reste, dans son Prologue, lauteur avouait dj le caractre autobiographique de Chemin en crivant : Ce sont des choses que je te dis loreille, en confi-dence dami, de frre, de pre ; or le premier sens du mot confidence nest-il pas justement la communication dun secret sur soi-mme ?

    Avant dtre un conseilleur, saint Josmaria est donc un tmoin : ce qui pourrait passer pour des prescriptions toujours exigeantes, parfois dures, prend tournure de transmission dune exprience spirituelle 37, la fois lumire reue et lutte acharne, lauteur se situant dordinaire davantage un niveau existen-tiel quau plan ontologique38. Au travail de dpersonnalisation effectu par le Saint sur ses propres textes39 correspond en quelque sorte leffort inverse de re-personnalisation que Rodrguez accomplit et qui mriterait dtre constam-

    32 Chemin, n. 277 ; Rodrguez, pp. 458-459, montre que ce point trouve son origine dans une lettre de J. Jimnez Vargas J. Escriva date du 2 mai 1938.

    33 Cf. Chemin, nn. 99-101 et commentaires de Rodrguez, pp. 308-309 ; voir aussi Rodrguez, p. 465, note 8, commentaire du point 279.

    34 Cf. Rodrguez, p. 465, note 8 au point 279 : Ce pluriel est une faon humble de parler fr-quente dans ses Cahiers lorsque cest lui qui dit quelque chose au cours dune conversation : chaque fois que faire se peut, il tche de dpersonnaliser en partageant ses propos .

    35 Cf. Rodrguez, pp. 330-331.36 En voici le texte, tir de la onzime dition franaise de Chemin (Paris, Le Laurier, 2005), pp.

    13-14 : Ce message surnaturel, cette annonce de Dieu, se trouve dans Chemin non pas comme une simple vrit que lon affirme, mais comme lexpression dune vie intensment vcue : cest le travail sacerdotal que saint Josmaria Escriva avait commenc en 1925 qui se reflte dans ces pages. Rflexions sur des passages de lcriture Sainte, extraits de conversations, expriences personnelles, fragments de lettres, voil les matriaux du livre. [...] Mgr Escriva de Balaguer commente un compte-rendu de LOsservatore Romano (24 mars 1950) a crit plus quun chef duvre : il a crit en sinspirant directement de son cur .

    37 Cf. par exemple Rodrguez, p. 561, commentaire du point 387 ; exprience qui fut aussi parfois pour lui la nuit de lme, cf. Rodrguez, pp. 349-351, commentaire du point 151, et pp. 820-821, com. du point 701, note 43.

    38 Cf. par exemple Rodrguez, p. 747, commentaire du point 597.39 Cf. Constantino nchel (dir.), op. cit., p. 17.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    ment prsent la pense du lecteur. En effet, le tmoin est souvent mieux accept que le matre, comme Paul VI aimait le rappeler. Rodrguez nous dmontre que Josmaria Escriva fait pntrer le lecteur dans son me, et le discours spi-rituel reprend alors son authenticit autobiographique, ce qui ladoucit et ne lui donne que plus de force. Juan Manuel Mora a la perspicace intuition de ce changement doptique et je fais mien son jugement :

    Non seulement lauteur, mais encore sa pense et son uvre, Chemin, se prsentent sous un jour nouveau, y compris mme pour qui connat le li-vre par cur. Il nest pas rare que Rodrguez, en dvoilant le contexte dun crit, ou mme les commentaires de lauteur sur celui-ci, permette den capter lexacte signification. Ce qui pour daucuns ntait quune suite de conseils de-vient un prcieux recueil dexpriences, dont Josmaria Escriva est le premier apprendre40.

    Dans la tradition vivante : des convergences plutt que des influences

    Lorigine charismatique et existentielle de Chemin est donc assez claire-ment tablie par ldition critique. Cest dans son me et dans son exprience des mes, par la direction spirituelle en particulier, que Josmaria Escriva trouve la vraie source de son inspiration41. Plus nombreux sont les rapprochements avec tel ou tel auteur spirituel, plus il semble se confirmer que le Saint va de son ct, suivant les chemins de lEsprit : un parallle se dessine-t-il ? Le contenu du message ne semble jamais exactement le mme.

    La recherche de sources et dinfluences nest pas vaine toutefois. Saint Josmaria nourrit sa pense essentiellement de textes de lcriture Sainte quil lit sa manire42, de la Tradition et de lenseignement du Magistre43, de sa cor-

    40 Juan Manuel Mora, Eco de la canonizacin en la opinin pblica internacional , in Cua-dernos del Centro de Documentacin y Estudios Josemara Escriv de Balaguer, 7 (2003), p. 71.

    41 Il le reconnat lui-mme, comme le montre Rodrguez dans son commentaire du point 292, en rponse une question sur le pourquoi de lidentification de la vie intrieure au fait de com-mencer et recommencer : Parce que telle est mon exprience quotidienne (cf. Rodrguez, p. 474). Voir aussi le tmoignage rapport par Rodrguez, p. 832, note 23, en commentaire du point 713 ; Rodrguez devine en particulier dans les points 713, 714 et 716 des instantans (cf. p. 832) de conversations de direction spirituelle ; il remarque en mme temps, p. 314, que le point 110 qui reflte galement la nombreuse direction spirituelle que [Escriva] exerait sur-tout auprs dtudiants et de professeurs duniversit a en premier lieu un caractre autobio-graphique .

    42 Cf. Scott Hahn, Amare la Bibbia appassionatamente. Luso delle Scritture negli scritti di san Josemara , in Romana, Bollettino della Prelatura della Santa Croce e Opus Dei, 18 (2002), pp. 380-389.

    43 Vid. par ex. Rodrguez, p. 811, commentaire du point 691 sur les prires recommandes par saint Josmaria.

  • GuIllaume DervIlle

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    respondance personnelle avec des gens dhorizons divers, de sa rencontre mme avec des inconnus, comme lillustre lhistoire rdactionnelle du point 2 ; il puise donc la vie mme de chrtiens concrets mais aussi, dans ses lectures, aux crits de saints et dautres auteurs spirituels.

    La dcouverte de ces sources comporte un double intrt. Dabord, plus on confronte Escriva dautres auteurs, plus apparat sa spcificit. Dans le mme temps, saint Josmaria nest pas un mtore isol. Mme sil est dabord m par un souffle authentiquement mystique et mme sil est original dans son style, dans son vocabulaire44 et si, par ses ides, il transcende en quelque sorte son poque45, il y plonge des racines. Ldition critico-historique montre quil a assimil certaines lectures, quil en a vrifi le bien-fond dans son exprience de chrtien et dans son ministre pastoral, sans faire pour autant de thologie systmatique. Rodrguez met en lumire des influences quil a reues, jamais subies46, telles quelles ressortent de lhistoire rdactionnelle de Chemin ; tantt ce sont des vidences, tantt des rapprochements thologiques certains ou sup-poss ; parfois le doute subsiste47. Timeo hominem unius libri : Escriva nest pas craindre, cest un lecteur assidu des livres par excellence, cest--dire de la Bible, des grands classiques de la littrature spirituelle, des uvres du sicle dor espagnol, aussi, mais encore, tout au moins durant ses premires annes de

    44 Voir par exemple lusage du mot chrtien , plus frquent que celui de catholique ; cf. Franois-Xavier Guerra, Josmaria Escriva, le chrtien et la cit, in Mariano Fazio (dir.) San Josemara Escriv, Contesto storico, Personalit, Scritti, Roma, Edizioni Universit della Santa Croce, 2003, p. 91. En cela Escriva rappelle Brulle et ses disciples, dans un contexte politique et religieux certes compltement diffrent ; le rapprochement vaut pour la place centrale du Christ.

    45 Cf. par exemple son homlie sur le Christ Roi, ou encore linterprtation de Jn 12, 32 ( Et moi, quand jaurai t lev de terre, jattirerai tous les hommes moi ). Voir ce sujet lana-lyse smantique de Franois-Xavier Guerra, op. cit., pp. 69-91; Guerra crit en particulier sur luvre publie dEscriva (p. 77) : Le royaume du Christ ou le royaume de Dieu dont il parle na pas de dfinition sociale ou politique [...]. Le mot royaume, qui apparat si souvent dans ses uvres, renvoie une polysmie dorigine vanglique, classique dans le discours chr-tien . Voir aussi Rodrguez, p. 227 note 35 ; et Pedro Rodrguez, Lexaltation du Christ sur la Croix. Jean 12, 32 dans lexprience spirituelle du bienheureux Josmaria Escriva , in Romana. Bulletin de la Prlature de la Sainte Croix et Opus Dei, (2001), d. franaise, pp. 170-193.

    46 Jentends par l que Josmaria Escriva exerait son esprit critique avec une vigilance redouble puisquil se considrait le dpositaire dun message, non son propritaire ; il y eut certes quelque concession phmre dans le domaine de la vie spirituelle personnelle, sous la coaction de certains prtres trop bien intentionns qui furent les premiers le suivre au tout dbut, comme Norberto Rodrguez Garca, et que J. Escriva couta, par esprit dhumilit : cf. Rodrguez, p. 46, note 112 et p. 350 (commentaire du point 151).

    47 Cest bon droit que Santiago Mara Gonzlez Silva, art. cit., p. 413, sinterroge : Pourquoi faire mention de Pres de lglise, de Saints, dauteurs varis ? Escriva les avait-il dans sa biblio-thque ? . Il se nourrissait en tout cas, lvidence, des textes du brviaire romain.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    sacerdoce, des revues ecclsiales de son temps48, mme si, pour reprendre lex-pression dAugustin, cest surtout auprs de la chaire de la Croix quil apprend, cest--dire dans le recueillement et dans laction de lEsprit.

    Les rfrences littraires de ldition critique semblent convaincantes et ont t salues ici ou l49. Certes, la tche nest pas facile, et cest une gageure quand aucune mention explicite nest trouve en archives, ou que lon ignore quelle tait exactement la composition de la bibliothque de lauteur de Chemin (il a dmnag plusieurs fois depuis la rdaction des points), quand on peut raisonnablement estimer quil a bientt cess de lire (je pense la littrature spcialise et la recherche thologique, sauf exceptions que lon peut deviner par sa connaissance des dbats en cours, notamment loccasion du Concile Vatican II), totalement pris quil fut par lexercice de la charit pastorale la tte de lOpus Dei. En dautres termes, la lecture de ldition critique fait sou-vent apparatre que cest lair chrtien quEscriva respire, et dans le mme temps cette lecture et dautres encore nous portent croire que trs vite le fondateur de lOpus Dei fut assez indpendant de toute littrature50. Sa pense forte, qui apporte constamment quelque chose de plus, lexplosion lumineuse du 2 octobre 1928 et les clats qui suivront, laveuglent trop pour cela. Cest du moins mon sentiment.

    Quant la Bible, sil est tentant de calculer les occurrences de telle ou telle pricope, linventaire en demeure risqu, puisque saint Josmaria cite aussi lcriture en fonction des ftes liturgiques et quaucun de ses crits ne semble offrir un plan spculatif dtermin. Un coup dil lindex des textes scriptu-raires51 permet certes de distinguer certains versets, quils soient plus frquem-ment sous-entendus ou mme explicitement cits52, mais saint Josmaria nest pas un dissqueur de lcriture : cest toujours en dfinitive son esprit , jentends sa vision globale illumine de lexistence chrtienne, qui permet de

    48 Cf. par ex. Rodrguez, p. 299, note 36 (commentaire du point 87), p. 464, note 4 (introduction au chap. Vie surnaturelle ), p. 499, note 49 (com. point 316). Voir aussi Andrs Vzquez de Prada, op. cit., vol. I, pp. 320-322 et p. 361, note 93.

    49 Sur sainte Thrse de Jsus, vid. par exemple Toms lvarez, op. cit., pp. 279-280.50 Il avoue, certes, dans une lettre du 7 juin 1965 : En ce moment, je rafrachis la ferveur littraire

    de ma jeunesse. Je madonne la lecture de lancienne littrature castillane. Ce dont le Seigneur se sert pour me confirmer dans sa paix : cit. in Andrs Vzquez de Prada, op. cit., vol. I, p. 87 ; mais je note quil trouve dans cette lecture confirmation de sa pense : en loccurence, crit-il (cf. ibidem, p. 88), Travailler et combattre, pour un chrtien, cest prier ; Escriva retrouve jusque dans un pome pique notre chanson de geste de chrtiens courants et contempla-tifs .

    51 Cf. Rodrguez, pp. 1177-1182.52 Par exemple Ps 23[22], 1 ; 62[61], 11 ; 104 [103], 10 ; Si 19, 1 ; Mt 5, 48 ; 19, 29 ; Mc 1, 17 ; Lc 1,

    38 (7 fois dans Chemin) ; Lc 8, 1-3 ; Lc 10, 38-42 ; Lc 12, 49 ; Lc 17, 5 ; Jn 12, 32 ; Jn 19, 25-27 (8 fois) ; Jn 13, 34-36 ; Rm 6,6 ; Rm 7, 24 ; Rm 8,28 ; 1 Co 6, 20 ; 2 Co 12, 9 ; He 13,8.

  • GuIllaume DervIlle

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    mesurer limportance dun texte dans sa pense. Il y a souvent une lecture particulire , une refonte 53. Les textes prfrs semblent ceux des locutions, dont Rodrguez explique la nature54, ceux qui racontent certains mystres de la vie du Christ et ceux qui tablissent ou confortent le noyau de son enseigne-ment55; la statistique nest pas ici dans son lment. Lexprience spirituelle de saint Josmaria compte donc plus que la spculation. Cette exprience est lie la fondation de lOpus Dei, qui constitue lapport le plus original du Saint, et cest l toute la difficult de ltude de sa pense ; ngliger cette ralit ecclsiale mnerait une grave erreur dapprciation. Cest pourquoi un commentaire de Rodrguez sur lune des locutions, celle du 7 aot 1931, semble particulirement loquent, parce quil met en valeur le lien entre exprience spirituelle, thologie et mission de fondateur, partir dune locution ( Et ego si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum , Jn 12, 32 vg ; omnes traham nvg) qui porte justement sur un mystre essentiel de la vie du Christ, celui de la Croix :

    Josmaria Escriva vcut cette exprience surnaturelle, ainsi quil la ex-pliqu de nombreuses reprises, dans un horizon clairement fondationnel , cest--dire en lien troit avec lesprit de luvre que le Seigneur lui avait con-fie. Aussi rien dtonnant ce que la thologie de cette tractio divine exerce par le Christ dans son exaltation ait un fort impact sur nombre de ses crits ultrieurs. Il sagit de textes qui montrent combien cette exprience le pntra profondment et configura sa conception de lexistence chrtienne56.

    Plutt que de sources communes, on peut sans doute parler daffinits et aussi de convergences de laction du mme Esprit dans les mes. Dans ce domaine, le champ des recherches est infini. Pour nen signaler que quelques-unes, il y aurait tudier certains thmes ignaciens et dautres courants dans

    53 Cf. Rodrguez, p. 472, note 34, commentaire du point 291 sur Mt 5, 48 contamin par Mt 15, 13 ; 18, 35.

    54 Cf. pp. 229-230 ; il sagit de textes de lcriture qui viennent au cur et sur les lvres du Saint, puis soudain merge dans son esprit de manire irrsistible une interprtation surnaturelle la fois vidente et nouvelle qui lve davantage encore sa contemplation (cf. lvaro del Por-tillo, in Positio super vita et virtutibus, Romana et matriten. Beatificationis et Canonizationis Servi Dei Iosephmariae Escriv de Balaguer, Rome 1988, p. 951 ; vid. aussi Rodrguez, p. 310, commentaire du point 103).

    55 Sur la filiation divine (cf. Ps 2 ; Rm 8, 15 ; Ga 4, 6) ; sur la charit (cf. Mt 19, 11-12 ; Jn 13, 34-35 ; Jn 21, 17 ; Ga 6, 2 ; vid. cet gard, par exemple, Rodrguez, pp. 555-557) ; la contemplation au milieu du monde (cf. Lc 12, 42) ; le travail (cf. Gn 2, 15) ; lappel universel la saintet (cf. Mt 5, 48 ; 1 Th, 4, 3 ; 1 Tm 2, 4) ; la saintet comme plnitude de la filiation dans le Christ (cf. Lc 15, 11s ; Rm 8, 14-31 ; Ga 3, 26 ; Ep 1,4 ; 1 Jn 3, 1-3) ; laccomplissement de la volont divine et la Croix (cf. Mt 11, 29-30 ; 16, 24 ; Lc 1, 38 ; 22, 42 ; Jn 19, 25 ; Ph 2, 6-8) ; la sanctification au milieu du monde (cf. Jn 17, 15) ; la sanctification du monde ab intra (cf. Mt 13, 33 ; Jn 17, 11.15-19.23 ; 1 Co 7, 20 ; Rm 8, 21) ; la mission apostolique (cf. Lc 12, 49 ; Jn 15, 5) ; etc.

    56 Rodrguez, pp. 485-486, commentaire du point 301.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    la littrature spirituelle57, parfois importants au sicle dernier58 ; enfin il y a des aspects de thologie spirituelle dans lenseignement dEscriva qui certes ne peu-vent tre lexclusivit de quelque cole que ce soit mais rappellent toutefois, par leur caractre central, des thmes majeurs prsents chez saint Franois de Sales et lcole franaise de spiritualit (la vie intrieure59, la vie du Christ en nous60, la Messe et la communion eucharistique, etc.61), les dveloppements de certaines dvotions, en France notamment (Sacr Cur de Jsus, Amour mis-ricordieux)62, et des intuitions lies aux nouvelles formes apparues au cours du vingtime sicle63 ; il y a galement des assonances avec de grandes figures :

    57 Comme le Magis (cf. Alonso Rodrguez, Ejercicio de perfeccin, p. I, tr I, c 6), qui pourrait faire lobjet dun commentaire du point 23, ou le Esto vir biblique (1 R 2, 2) du point 4, quon trouve chez Lacordaire, saint Jean Bosco, saint Luigi Orione, et qui tait inscrit sur les murs de nombreux collges jsuites ou maristes, etc.

    58 Par exemple Henri de Lubac, dans Le drame de lhumanisme athe. uvres compltes II, Cerf 2000, p. 131, crit : En fin de compte, ce dont nous avons besoin, ce nest mme pas dun christianisme plus viril, ou plus efficace, ou plus hroque, ou plus fort : cest de vivre notre christianisme plus virilement, plus efficacement, plus fortement, plus hroquement sil le faut. Mais de le vivre tel quil est. Il ny a rien y changer, rien y corriger, rien y ajouter (ce qui ne signifie dailleurs pas quil ny ait sans cesse le recreuser) ; il ny a pas ladapter la mode du jour. Il faut le rendre lui-mme dans nos mes. Il faut lui rendre nos mes ; cf. Josmaria Escriva, Entretiens, n. 1 : Pour moi, aggiornamento signifie avant tout : fidlit. [...] Laggior-namento de lglise aujourdhui comme tout autre poque est fondamentalement ceci : une raffirmation joyeuse de la fidlit du Peuple de Dieu la mission reue, lvangile .

    59 Cf. Rodrguez, p. 345.60 Escriva, certes, ne reprend pas les expressions marques au coin de Brulle comme tats et

    mystres ; il sagit ici non dinspiration, mais de parallles qui ont leurs limites. Voir par exemple Olier : les aptres sont porteurs de Jsus-Christ . Il est peu probable que saint Jos-maria ait lu Brulle, mais en revanche il peut y avoir eu des influences indirectes lointaines, par le mouvement carmlitain, puisquon doit Brulle lintroduction du carmel thrsien en France.

    61 Que lon pense Condren, le victimisme en moins ; Escriva, en effet, naime pas la terminologie de victime ni la psychologie doloriste qui laccompagne, comme le montre parfaitement Rodrguez, p. 350, note 17 (cela lui rpugne , dit Escriva) et pp. 373-374, commentaire du point 175 : lunique Victime est le Christ , affirme saint Josmaria. Voir aussi, par exemple, ce texte de saint Jean Eudes : Vous voyez ce quest la vie chrtienne : une continuation et un accomplissement de la vie de Jsus ; que toutes nos actions doivent tre une continuation des actions de Jsus ; que nous devons tre comme autant de Jsus sur terre, pour y continuer sa vie et ses uvres, et pour faire et souffrir tout ce que nous faisons et souffrons, saintement et divi-nement, dans lesprit de Jsus, cest--dire dans les dispositions et intentions saintes et divines avec lesquelles Jsus se comportait dans ses actions et souffrances... (La vie et le royaume de Jsus, 2me partie, 2, p. 166).

    62 Cf. par ex. Rodrguez, pp. 499-500 (commentaire du point 316).63 Je pense, par exemple, la fondation du P. Jean-Marie Perrin, O.P., qui me raconta comment

    saint Josmaria et lvaro del Portillo laidrent Rome ; ou encore, toujours dans lorbite fran-aise, aux intuitions de Madeleine Delbrl ; il suffit de citer le titre loquent de son ouvrage Nous autres gens de la rue (1966) ; J. Escriva employait des expressions semblables ; ainsi par

  • GuIllaume DervIlle

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    espagnoles, comme saint Ignace de Loyola64, saint Jean de la Croix65 et sainte Thrse dAvila66, ou dautres moins connues, comme Francisca Javiera del Valle67 ; franaises, particulirement sainte Thrse de Lisieux68, et, sans doute en raison de la familiarit claire avec lcriture, outre le fait quil sagisse de lauteur par excellence de penses, avec celui que Claudel appelle le vritable aptre ad exteros pour nous autres Franais 69, Pascal. Comment pourrait-il en tre autrement ? Escriva sinscrit dans la continuit existentielle de lglise dont il est le fils, lglise ab Abel et jusqu nos jours ; loriginalit du message de lauteur de Chemin ressort grandie par linluctable et providentielle accultura-tion que ldition critique fait apparatre.

    Comprhension de la structure thologico-spirituelle de Chemin

    La difficult vidente laquelle Rodrguez se trouve confront tient la nature mme de Chemin. En effet, louvrage, selon saint Josmaria lui-mme, et cela est vident pour le lecteur, nest pas un trait de thologie 70.

    exemple en 1960, texte recueilli dans Amis de Dieu, 3me d. franaise, Paris, Le Laurier, 2000, n. 58 : Dieu nous a tous appels limiter ; et il nous a appels, vous et moi, pour que, vivant au milieu du monde tant des gens de la rue -, nous sachions placer le Christ notre Seigneur au sommet de toutes les activits honntes de lhomme ; toutefois les ralisations et leur esprit mme ne manquent pas de diffrences. Il serait intressant dtudier le rayonnement de Chemin dans la littrature spirituelle contemporaine. Je pense par exemple au cardinal Van Thuan qui, dans des moments dramatiques de son existence, transcrivit des points de Chemin.

    64 Rodrguez le cite plus de 30 fois, cf. Index des noms, p. 1217 ; saint Franois-Xavier, prs de 20 fois, cf. ibidem, p. 1215.

    65 Rodrguez le cite environ 30 fois, cf. Index des noms, p. 1218.66 Rodrguez la cite plus de 50 fois, cf. Index des noms, p. 1228.67 Rodrguez la cite plus de 20 fois, en particulier en ce qui concerne la dvotion au Saint-Esprit,

    cf. Index des noms, p. 1230. F.J. del Valle (1856-1930), pauvre couturire de Carrin de los Condes (Palencia, Espagne), mena une vie obscure illumine par une vie intrieure de haute vole mystique et spculative, comme en tmoignent ses crits ; voir infra, note 184.

    68 Rodrguez la cite plus de 40 fois, cf. Index des noms, p. 1229. Les thmes majeurs sont lenfance spirituelle et les petites choses.

    69 Paul Claudel, lettre du 25 mai 1907, in Jacques Rivire - Paul Claudel, Correspondance (1907-1914), Paris, Plon, Col. Livre de vie , 35, 1963, p. 50 ; rfrences (insuffisantes mon got) Pascal in Rodrguez, pp. 157, 546 (commentaire du point 375), 741 (com. du point 592), 911 (introduction du chap. Petites choses ).

    70 Josmaria Escriva, Note prise lors dune runion, 22 mars 1966, cit par Rodrguez, p. 179, note 35.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    Mise en lumire de lintentio et de lordo de Chemin

    Dans le but den dgager le plan thologico-spirituel, Rodrguez signale comme prmisse indispensable lobjectif de lauteur, ce qui lamne dune part rechercher ce quil baptise intentio et dautre part en identifier les des-tinataires (pp. 169 ss.).

    Parmi les textes de saint Josmaria que Rodrguez voque, il en est un o l intentio est exprime de faon particulirement claire ; il sagit dune lettre adresse aux membres de lOpus Dei ; Rodrguez en cite un passage dans lequel lauteur de Chemin se rfre explicitement la premire rdaction de louvrage, publie en 1934 : Par cette publication, jai essay de prparer un plan inclin trs long afin que les mes grimpent peu peu jusqu arriver comprendre lappel divin, devenant des mes contemplatives au beau milieu de la rue 71. L intentio est donc apostolique et pratique : faire comprendre et raliser la vocation la contemplation au milieu du monde72. Par ailleurs, sil sagit dun plan inclin , on peut en dduire que louvrage doit obir un canevas prcis.

    Il y a un argument supplmentaire que Rodrguez ne donne pas, li la personnalit de saint Josmaria. Escriva est un mystique dabord, cest aussi un homme de Droit et cest encore un chef dou de grandes qualits de gouver-nement et dorganisation73. Certains aspects de sa personnalit, comme sa rare intelligence, ont t quelque peu clipss par laccent qui a t mis surtout, et sans doute juste titre, sur la saintet de sa vie, peut-tre pour des motifs cultu-rels circonstanciels. Or les tudes sur Escriva et son enseignement sont encore assez limites, de louables exceptions prs, au monde hispanique. Fortement intuitif, me semble-t-il, dune exceptionnelle vivacit desprit, Escriva ne sen-combrait pas de discussions vaines mais il savait raisonner et il avait la tte bien faite. Antonio Fontn affirme dailleurs : Escriva, quand il tait jeune, voulait tre architecte, et sa tte et son action, quand bien mme elle et pu se montrer volcanique, ont toujours t rationnellement organises 74. Quant lallusion au mtier darchitecte, il convient de savoir que larchitecte espagnol avait aussi quelque chose de la formation et de la mentalit dun ingnieur, la diffrence

    71 Josmaria Escriva, Lettre 29 dcembre 1947 - 14 fvrier 1966, cit par Rodrguez, p. 174.72 Cf. Pedro Rodrguez, Camino de Josemara Escriv, pp. 41, 44 et 56.73 Sur les aspects de droit et dorganisation en relation avec le charisme originel et le processus de

    fondation, voir Amadeo de Fuenmayor, La prudentia iuris de Mons. Josemara Escriv de Balaguer en su tarea fundacional , confrence prononce lUniversit de Navarre le 24 avril 1992, in Amadeo de Fuenmayor, Escritos sobre prelaturas personales, Pamplona, Eunsa, Colec-cin cannica, 1992, pp. 205-224.

    74 Antonio Fontn, Camino de siempre, Camino novedoso, in Constantino nchel (dir.), op. cit., pp. 89-90.

  • GuIllaume DervIlle

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    de ce qui se passait en gnral dans le systme franais, plus exclusivement artiste .

    Une fois explique lintentio de lauteur de Chemin, Rodrguez recons-titue llaboration de louvrage en vue dun ordo , cest--dire dune suc-cession des parties ou structure du livre 75. Il y a en effet, Rodrguez pense le dmontrer, mme sil se dfend de faire autre chose quune proposition, un schma et un processus rdactionnel : lordonnancement par saint Josmaria des points, mais aussi des chapitres76, rpond, selon Rodrguez, son intentio (cf. p. 177). Rodrguez montre que lauteur de Chemin a manifest sa volont dordonner les diffrents points (cf. p. 176) et il interprte cette volont en y discernant deux aspects : dune part le fait de respecter une squence tholo-gico-spirituelle (p. 177), dautre part celui de mieux distribuer les points dans chaque partie. La deuxime assertion ne soulve aucune difficult : ldition cri-tique dmontre que la version dfinitive de Chemin procde essentiellement de deux patrimoines littraires (p. 184) et que laffectation des diffrents points a subi beaucoup de remaniements. Quen est-il de la structure thologique ?

    Larticulation thologico-spirituelle de Chemin

    Rodrguez nest pas gn par le fait que saint Josmaria nait rien dit ni crit dexplicite sur larticulation thmatique de Chemin (p. 183) ; litinraire gographique des points du livre est clairement tabli, cest dailleurs lune des performances de ldition critique. Les outils dont dispose le rdacteur de celle-ci sont donc l intentio et l ordo , permettant dchafauder une proposi-tion de comprhension interne de la structure du livre, de sa squence tholo-gico-spirituelle (p. 183).

    Quelle est la proposition de Rodrguez ? Elle se rsume essentiellement dans larticulation de Chemin en trois parties : Suivre le Christ : les dbuts du chemin (chap. 1-21) ; Vers la saintet : cheminer in Ecclesia (chap. 22-35) ; Pleinement dans le Christ : appel et mission (chap. 36-46) (p. 183).

    Lauteur de ldition critique tiendrait-il du prestidigitateur qui, dun coup de baguette magique, fait sortir un lapin de son chapeau haut-de-forme ? Rodrguez btit sa proposition de schma sur un trinme comprenant lhistoire de la rdaction du livre, lordonnancement de ses points et l intentio . Cette dernire exige que louvrage nadmette pas de plan systmatique mais suive plutt une logique existentielle et pratique (p. 186)77. En dautres termes,

    75 Cf. Pedro Rodrguez, Camino de Josemara Escriv, p. 44.76 Voir par exemple la situation du chapitre Petites choses et son interprtation, pp. 911-912.77 Voir aussi Pedro Rodrguez, Camino de Josemara Escriv, p. 48.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

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    le livre pouserait, ou plutt dessinerait, le cheminement spirituel de lme : saint Josmaria ne sadresse pas des foules anonymes, mais un interlocuteur concret ; le style direct, la seconde personne du singulier, est en quelque sorte appel par l intentio . Enfin Rodrguez signale comme un lment de conti-nuit des trois parties le caractre christocentrique de louvrage et cest sans doute une analyse exacte.

    La proposition est donc sduisante ; elle ne manque pas cependant de sou-lever certaines difficults. Quantitativement en effet, la premire partie compte plus de la moiti des points (516 sur 999), reprsentant en extension peu prs la moiti du texte ; les deux autres parties correspondent respectivement 237 et 236 points. La division en trois parties souffre donc dun vident dsquilibre numrique, ce qui certes nest pas, en soi, rdhibitoire.

    Sur le plan conceptuel, il est malais de discuter la proposition de Rodrguez, en se plaant en loccurrence dans une perspective thologico-spi-rituelle. En effet le caractre subjectif du livre, puisquil sagit demprunter un chemin , ne se plie pas ncessairement aux exigences de lintelligence ; le cur a ses raisons, comme dit Pascal, et puisque la raison ne les connat pas78 la porte est ouverte aux interprtations. Il est permis toutefois de formuler quel-ques objections la gnreuse interprtation rodriguzienne.

    Quant la cohrence de ce qui dfinirait les trois parties, comment peut-on sparer le fait de suivre le Christ (titre de la premire partie) de lappel (troisime), quand justement lappel du Christ se rsume essentiellement le suivre (cf. Mt 6, 22 ; 9, 9 ; 19, 21) ? En vrit, comme le dit Rodrguez, tout le livre est christocentrique, et lon pourrait parler dune certaine circularit de la pense. Cette dynamique est sans doute lie au mystre du Christ et de sa prsence en nous. Pour Escriva, chercher, trouver et aimer le Christ sont certes trois tapes trs distinctes 79, mais aussi trois tapes en interaction constante80. Rodrguez a raison de signaler quil ne sagit pas proprement parler dtapes chronologiques, mais plutt de dimensions de la rencontre progressive de lme

    78 Cf. Blaise Pascal, Penses (fr. 423 Lafuma 277 Brunschvicg).79 Josmaria Escriva, Chemin, n. 382 ; vid. le commentaire de Rodrguez, pp. 552-554.80 Ma critique rejoint ici largumentaire connu contre le discours sur les tapes de la vie int-

    rieure, des commenants aux parfaits . Rigidifier les divisions cest raccourcir le bras de Dieu. Du reste, Escriva ne sintressait pas aux classifications et aux systmatisations excessives, comme le note Rodrguez dans son commentaire du point 594, p. 742, en particulier note 18 ; ou encore, p. 754, com. point 609 : Escriva ne parle pas de degrs, il na pas de proccupation systmatique ; Rodrguez voit toutefois au point 616 des tapes , cette fois, a contrario, dans lloignement du Christ (p. 760).

  • GuIllaume DervIlle

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    avec le Seigneur 81. En voici lillustration dans un des textes les plus significatifs peut-tre de la pense de Josmaria Escriva :

    Jai distingu quatre degrs dans cet effort pour nous identifier au Christ : le chercher, le trouver, le frquenter, laimer. Peut-tre vous rendrez-vous compte que vous en tes la premire tape. Cherchez-le alors avec achar-nement; cherchez-le en vous-mmes de toutes vos forces. Si vous agissez avec cette opinitret, jose vous garantir que vous lavez dj rencontr et que vous avez commenc le frquenter et laimer et avoir votre conversation dans le ciel82.

    Pascal, aprs saint Augustin, condensait cette ide en la prcdant dun encouragement qui donne une saveur divinement misricordieuse ce mystre : Console-toi. Tu ne me chercherais pas si tu ne mavais trouv 83. Voici lillus-tration de la splendeur de Dieu proche et cependant toujours insaisissable, Dieu qui est, pour reprendre la prdication de Grgoire de Nazianze, toute beaut et au-dessus de toute beaut, qui illumine lintelligence et qui chappe la rapidit de lintelligence et sa porte, qui se drobe toujours au fur et mesure quon le saisit, et qui attire vers les hauteurs celui qui est pris de lui, car il chappe et se drobe comme si on mettait sur lui la main 84. Avoir trouv Dieu, cest donc le chercher sans cesse. Un paradoxe inverse se prsente quant lapostolat : donner Dieu, cest le possder davantage encore ; laptre est constamment vanglisa-teur et vanglis85 : lorsque lhomme annonce Dieu, cest toujours Dieu lui-mme qui se rvle en lhomme. L ordo que propose Rodrguez obit davan-tage une logique pastorale : pour discerner lappel, encore faut-il un minimum de fondements spirituels.

    Il est symptomatique cet gard que les deux premiers points dun pre-mier chapitre apparemment centr sur des qualits humaines (voir lintitul mme du chapitre, Caractre ) soient eux-mmes christocentriques. Cest l

    81 Rodrguez, p. 554.82 Josmaria Escriva, Amis de Dieu, n. 300. Texte ce point significatif quil a t choisi comme

    leon de la Liturgie des Heures pour la fte de saint Josmaria, le 26 juin. Cf. lpectase chez Grgoire de Nysse, comme attitude permanente tout au long de la vie spirituelle et dans la vie ternelle : lme est toujours la fois comble et assoiffe, puisque le Verbe fait natre de nou-veaux dsirs du fait mme quil la comble ; chercher et aimer sont donc une seule et constante attitude ; trouver Dieu consiste le chercher sans cesse.

    83 Blaise Pascal, Penses (fr. 919-553).84 Grgoire de Nazianze, Discours 1-3, Introduction, texte critique, traduction et notes de Jean

    Bernardi, Sources chrtiennes n. 247, Paris, Cerf, 1978, Discours II, 76, pp. 188-191.85 Cf. Lettre de Josmaria Escriva Roberto Mara Cayuela Santestebn S.J., 13 janvier 1945 (cit. in

    Andrs Vzquez de Prada, op. cit., vol. II, p. 556) : De mettre en valeur les terres incultes, et aussi daccrotre la force productrice des terres cultives ; de faire en sorte que ce qui est fertile le soit plus encore et que les ouvriers eux-mmes se considrent moisson .

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

    SetD 1 (2007) 211

    dailleurs une importante remarque de Rodrguez86. La dimension originale, en quelque sorte, de lappel, cest sa composante apostolique centrale : il sagit de suivre le Christ non seulement pour lui conduire des personnes, mais des per-sonnes qui soient leur tour des aptres ; do lexpression aptre daptres (points n. 811 et 920) sur laquelle je reviendrai dans cet article87.

    Comment sarticulent le contenu thologique du message de saint Jos-maria dune part et les noncs des diffrentes parties et de leurs subdivi-sions dautre part ? Le concept fondamental de filiation divine est absent dans le schma que propose Rodrguez (cf. p. 183) alors que la ralit de la filiation divine et son apprhension subjective par le baptis sont pour Escriva le fonde-ment de la vie chrtienne (ce qui, soit dit en passant, ne manque pas de soulever des questions sur des approches plus thistes que christocentriques, par exemple au XVIIIme sicle). Un lment de rponse pourrait tre donn dans le sens prcisment de lomniprsence de la filiation divine dans le parcours du chr-tien (participer la nature divine cest pour lhomme tre associ la filiation divine) ; la voici donc inapte en caractriser une partie prcise ; linverse, le concept est en lui-mme paradoxalement trop restreint pour couvrir plusieurs chapitres traitant daspects trs varis de la vie chrtienne. Ce nest pas le hasard qui conduit Rodrguez une identification des diffrentes parties non partir dun thme mais partir dune Personne, celle du Verbe incarn (parties I et III) et de son pouse, lglise (partie II). Cette solution correspond parfaitement au christocentrisme du livre, clairement affirm par Rodrguez : Si quelque chose donne son unit au livre, et cela dj ds le premier point, cest son christo-centrisme total : il faut grimper le plan inclin avec le Christ, depuis le Christ et en suivant le Christ (p. 187) ; ce christocentrisme se retrouve dans le titre de louvrage, qui fait rfrence Jn 14, 6, et dans la vie et lenseignement de son auteur88.

    Jsus Christ est vrai homme et vrai Dieu. La substance du dogme de Chal-cdoine est larrire-plan de chaque page de Chemin, un livre explicitement chrtien , pour reprendre lexpression dAlvaro del Portillo : porteur dune double composante , divine et humaine ; A. del Portillo va jusqu affirmer que cette double composante de lexistence du chrtien constitue la source la plus profonde de Chemin 89.

    86 Cf. p. 216, introduction au premier chapitre.87 Vid. note 257.88 Vid. pp. 312 (commentaire du point 105), 410 (com. du point 212), 732 (com. du point 584),

    819 (com. du point 699).89 Jos Morales (dir.), op. cit., p. 51.

  • GuIllaume DervIlle

    212 SetD 1 (2007)

    On ne dispose pas de preuve tangible que lauteur de Chemin en ait tabli un schma thologique concret. Il semblerait donc permis de parler dun schma Rodrguez constituant une grille de lecture, relativement convain-cante90, toutefois non indispensable pour lapprhension de la densit tholo-gique du livre91, offrant quand mme une cl pour son articulation.

    Il semblerait, dis-je, car ce serait sans compter sur la clart trop passa-gre peut-tre de quelques lignes des Cahiers intimes datant du 10 mars 1931 et que Rodrguez cite en commentant le point 11 de Chemin ; Josmaria crit : Christum regnare volumus, Deo omnis gloria, Omnes cum Petro ad Iesum per Mariam. Par ces phrases les trois fins de luvre sont suffisamment indi-ques : Royaume effectif du Christ, toute la gloire de Dieu, des mes 92. Voici peut-tre ici dvoil le truc du prestidigitateur. Car ces trois ides de Jos-maria Escriva se retrouvent, quoique dans un ordre distinct, dans le schma Rodrguez, dont la structure peut sembrasser dun regard aux pages 1235-1237 de ldition critico-historique. Suivre le Christ (Premire partie), cest aller vers Jsus par Marie (dernier chapitre de la premire partie) : Omnes cum Petro ad Iesum per Mariam. Le trouver et marcher in Ecclesia (deuxime partie), cest permettre quil rgne en nous (par lEucharistie, chapitre 23, et dans lexercice des vertus, deuxime bloc de chapitres de la seconde partie) : Christum regnare volumus. Aimer le Christ, cest tre pleinement en Lui et cest le faire aimer : cest se donner comme il se donne, et sa gloire, cest cela : Deo omnis gloria ; la troisime partie contient un chapitre intitul La Gloire de Dieu et plusieurs autres sur lapostolat. Mais, objectera-t-on, lapostolat nappartient-il pas aussi pleinement au Regnare Christum volumus ? Toute division schmatique prend donc le risque de cloisonner arbitrairement ce qui forme une unit.

    En conclusion, les enseignements de Josmaria Escriva se fondent large-ment sur une exprience de Dieu et de laction divine dans les mes. Il ny a pas chez lui tablissement dune doctrine pralable, mais sans doute des lumires extraordinaires (tant par leur importance que par la manire dont elles lui par-viennent) et ces lumires clairent dun jour universel la vie chrtienne. Elles montrent que la radicalit de la vie chrtienne est pour tous93, que le fait de

    90 Cest notamment lopinion de Sebastin Mara Gonzlez Silva, op. cit., p. 412 : Le plan nous semble convaincant, si lon accepte que lauteur lui-mme le perut plutt implicitement .

    91 Cest sans doute la raison pour laquelle certains considrent que la partie la plus intressante du livre de Rodrguez est prcisment ldition critique du texte de Chemin stricto sensu ; telle est par exemple lopinion de Toms lvarez, dans sa recension cit., p. 278.

    92 Cit in Rodrguez, p. 225 (commentaire du point 11). Les mmes expressions latines sont mentionnes dans lInstruction du 19 mars 1934 au n. 36. Voir aussi Rodrguez, pp. 925-926, note 2 (intr. au point 831).

    93 La profession des conseils vangliques ne constitue donc en aucun cas le paradigme de la vie chrtienne, contrairement ce quaffirme Urs von Balthasar ; nulle conscration extra-sacra-

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

    SetD 1 (2007) 213

    suivre le Christ et de sidentifier Lui est possible et ncessaire dans le monde et par le monde. Chemin est christocentrique au sens du dogme de Chalcdoine et de lanalogie entre la vie du Verbe incarn et celle du chrtien, le double lment humain et divin se faisant prsent dans la progressive divinisation de lhomme uni Celui qui est le Chemin (Jn 14, 6).

    Thologie et terminologie

    Rodrguez reste prudent puisquil vite presque de qualifier de tho-logie spirituelle lenseignement dEscriva94, mme sil emploie parfois, mais rarement, le mot thologie ce propos. Il affirme une anthropologie de la libert qui demeure sous-jacente tout au long du livre 95. Ainsi, par exemple, nhsite-t-il pas qualifier de thologie de la paix le texte du point 301, qui nest autre que la doctrine de la saintet ; lexpression est encore de Rodrguez, pour lequel cette doctrine est centre 96 au chapitre de Chemin intitul Vie surnaturelle ; il qualifie le point 310 sur le sacrement de pnitence de profonde touche thologique 97 ; aux points 40, 378, 473 et 476, lauteur de Chemin proposerait une thologie de loptimisme chrtien 98 ; en p. 485 il serait question dune thologie de la tractio divine exerce par le Christ dans son exaltation et, p. 517, de la centralit thologique, spirituelle et apos-tolique de ltude pour les tudiants ; on trouve encore la thologie classique du chtiment et de la peine 99, la dimension thologique du pch comme escroquerie100 ; le point 764 est dune forte thologie , celle du rapport entre lunion Dieu et lunit entre les hommes dans leur diversit101 ; enfin, lintro-duction au chapitre Amour de Dieu reconnat une thologie de la charit dans Chemin 102, dont le point 439 offrirait une synthse de la doctrine sur

    mentelle nest ncessaire pour tablir une spiritualit destine aux fidles normaux et fonde sur le baptme ; cf. cet gard Jos Luis Illanes, Mundo y santidad, Madrid, Rialp, 1984, pp. 184-185. La doctrine dEscriva prsente une pleine cohrence avec celle du Concile Vatican II sur lappel universel la saintet et la structure hirarchique du peuple sacerdotal quest lglise (cf. Lumen Gentium 41).

    94 Une exception, en un certain sens, propos du plan de vie, cf. Rodrguez, p. 512.95 Cf. Rodrguez, p. 503, commentaire du point 324, qui renvoie lanalyse de Cornelio Fabro,

    La tempra di un padre della Chiesa, in Cornelio Fabro et al., Santi nel mondo, Studi sugli scritti del beato Josemara Escriv, Milano, Ares, 1992, pp. 22-155.

    96 Rodrguez, p. 483.97 Cf. Rodrguez, p. 493.98 Cf. Rodrguez, p. 549, commentaire du point 378 ; p. 633, commentaire du point 476.99 Rodrguez, p. 589, commentaire du point 424.100 Cf. Rodrguez, p. 829, commentaire du point 708.101 Cf. Rodrguez, p. 872.102 Cf. Rodrguez, p. 583, qui retrouve la triple squence no-testamentaire: Amour de Dieu pour

    nous, amour de lhomme pour Dieu et amour du prochain pour Dieu. Lexpression tho-

  • GuIllaume DervIlle

    214 SetD 1 (2007)

    lAmour de Dieu 103, et Rodrguez dcle en arrire-plan une thologie de lAmour et de la Douleur de la Croix 104 (auparavant il signalait lanthro-pologie de la maladie 105 de J. Escriva).

    Rodrguez emploie frquemment le mot doctrine 106 : il peut sagir de la doctrine fondamentale de lappel universel la saintet 107 (situe dans lhorizon spirituel et thologique du Concile Vatican II108), de la doctrine de la divinisation 109, de la doctrine de la sanctification du travail, omnipr-sente dans le livre 110, de la doctrine sur lenfance spirituelle 111, de la doc-trine de la contemporanit du Christ 112, de la doctrine sur lhumilit 113 et de la doctrine de la connaissance de soi 114, de la doctrine [sur la pauvret] fortement ancre dans la tradition spirituelle 115, de la doctrine de lauteur 116 de Chemin sur diffrents sujets, tout spcialement sa doctrine spirituelle sur lEucharistie formule dans lexpression la Sainte Messe, centre et racine de la vie chrtienne 117. Il faudrait sarrter sur cette question essentielle dans len-seignement de saint Josmaria, je veux dire la place de lEucharistie, sacrifice et

    logie de la charit revient p. 605, rsume par Rodrguez dans le fait que lAmour de Dieu est le fondement de lamour du prochain.

    103 Rodrguez, p. 602.104 Rodrguez, p. 603. Saint Josmaria tablit un rapport de proportion entre le caractre souvent

    inopin de la Croix et la douleur quelle provoque, comme si ce mystre tait plus lourd porter quand il surprend ; cf. cet gard la note 32 supra, et ces mots de J. Escriva : Parfois, la Croix apparat sans quon la cherche : cest le Christ qui sinquite de nous. Et si jamais, devant cette Croix inattendue, et, pour cela peut-tre, plus obscure, ton cur montrait de la rpugnance... ne lui donne pas de consolation (Chemin de Croix, Le Laurier, 3me d. franaise, Paris 1999, cin-quime station, p. 35). Je corrige la traduction franaise qui omet pour cela , afin de rendre plus exactement loriginal : y tal vez por eso ms oscura .

    105 Rodrguez, p. 587, note 20, commentaire du point 419.106 Cf. Rodrguez, p. 125, 520, p. 991 (commentaire du point 926), etc. : doctrine spirituelle, pp.

    26, 32, 125, 130, 377 (com. point 180), 586 (com. point 417), 926.107 Cf. Rodrguez, p. 466, commentaire du point 282 ; p. 473, commentaire du point 291.108 Cf. Rodrguez, p. 473.109 Cf. Rodrguez, p. 467, commentaire du point 283.110 Cf. Rodrguez, pp. 533-534, commentaire du point 359.111 Cf. Rodrguez, pp. 943-944, intr. au chap. Enfance spirituelle .112 Rodrguez, p. 732, commentaire du point 584.113 Rodrguez, p. 737, intr. du chap. Humilit (point 589) ; et son lien avec la foi : vid. p. 762,

    commentaire du point 620.114 Rodrguez, p. 754, commentaire du point 609.115 Rodrguez, p. 769, intr. au chap. Pauvret (point 630).116 Rodrguez, p. 632, commentaire du point 475 ; p. 761, com. du point 618 (sur les petites

    choses ) ; p. 863, intr. au point 754 sur laccomplissement de la volont de Dieu ; ou encore la doctrine du Fondateur de lOpus Dei , p. 635, note 28, com. du point 481 ; p. 932, com. du point 837 ; p. 1021, com. du point 963 (sur lesprit universel de lapostolat ; pp. 1021-1022, com. du point 964 (sur lunit et la diversit dans lapostolat).

    117 Rodrguez, p. 189, note 43.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

    SetD 1 (2007) 215

    sacrement118 ; Rodrguez signale que la knose du Christ, qui culmine sacra-mentellement dans lEucharistie, est le fondement thologique de la manire dont les chrtiens se trouvent et vivent dans la ralit sculire 119, lhumilit du Christ tant en quelque sorte la base thologique du sens de la discrtion et du tmoignage chrtien dans la socit sculire 120.

    Rodrguez parle encore de la doctrine positive ou message chrtien de lunit de vie 121, qualifie aussi de catgorie particulirement propre la pense de lauteur 122 de Chemin; ou encore, propos dun point dtermin de Chemin, de la doctrine de ce point 123, la doctrine thique de ce point 124, la doctrine de ce numro 125, la doctrine spirituelle de Chemin 126 ou encore la doctrine spirituelle de Josmaria Escriva et pas seulement dans Chemin 127. Jai cit le mot message , qui revient en effet parfois sous la plume de Rodrguez, par exemple en commentaire du point 311, qui traite de lauteur sou-cieux de donner forme son message , identifie un message spirituel 128 et le message de Chemin 129 ; message est quivalent ici doctrine 130 ; on

    118 Sur lunion sacrifice-sacrement, vid. Rodrguez, pp. 686-687, commentaire du point 536 : Escriva plaide pour la communion pendant la Messe, plutt qu un autre moment ; sur lunion Parole sacrement, voir Rodrguez, pp. 685-686, commentaire du point 535.

    119 Rodrguez, p. 595, commentaire du point 432.120 Rodrguez, p. 936, commentaire du point 843.121 Cf. Rodrguez, p. 579, commentaire du point 411. Sur la notion, essentielle chez Escriva, dunit

    de vie, voir par ex. Jos Mara Yanguas, Unit di vita e opzione fondamentale , in Annales Theologici, 9 (1995), pp. 445-464. Jajouterais quil y a dans ce concept lide de cohrence, de ce que lon appelle depuis le XXme sicle lauthenticit dune personne, et qui renvoie au fond la vracit de Dieu.

    122 Cf. Rodrguez, p. 512 ; voir aussi p. 779, commentaire du point 641.123 Cf. Rodrguez, p. 431, commentaire du point 246 ; p. 578, com. du point 409 ; p. 771, com. du

    point 632 ; p. 799, com. du point 669 ; p. 856, sur le point 431, dans le com. du point 747 ; p. 927, com. du point 832 (doctrine de ces points comprendre dans une cl thologique et non pas sociologique ) ; p. 1005, com. du point 944 (en rfrence au point 831).

    124 Cf. Rodrguez, p. 544, commentaire du point 372 ; mme acception p. 676, com. du point 528 ( la doctrine du texte ) ; p. 516, com. du point 335 : la doctrine des points 81 et 82 ; la doctrine de ce chapitre , p. 863, sur le chap. Volont de Dieu .

    125 Cf. Rodrguez, p. 497, commentaire du point 315, en loccurrence sur lobissance de la foi dans la ralit de la vie concrte de chacun.

    126 Cf. Rodrguez, p. 517 (commentaire du point 336) ; la doctrine de lauteur de Chemin (p. 863, intr. au point 754).

    127 Rodrguez, p. 613, commentaire du point 453.128 Cf. Rodrguez, p. 494 ; p. 900 (commentaire du point 801), p. 954 (com. du point 863) ; mes-

    sage revient pp. 560, 595, 896 (com. du point 794 : le message du point ), p. 742 (com. du point 594), p. 930 (com. du point 835), p. 1005 (com. du point 944).

    129 Rodrguez, p. 933, commentaire du point 838.130 Cf. Rodrguez, p. 497, commentaire du point 315 : [...] doctrine de ce numro. Mais le monde

    entier devient ralit concrte voici le message dans le ici et maintenant du travail [...] ; et

  • GuIllaume DervIlle

    216 SetD 1 (2007)

    le retrouve encore en commentaire du point 407 et de son critre de morale sociale 131, ou propos du point 939 et de son message thologique 132.

    Il nest pas trs frquent que Rodrguez parle de spiritualit, probablement pour viter la confusion avec les spiritualits des Ordres religieux et des Congr-gations, et parce que la doctrine dEscriva ne se limite pas un champ dtermin de la vie chrtienne (contrairement, par exemple, aux doctrines dfinies par des expressions comme spiritualit du mariage, spiritualit de lunit, etc.) ; on ren-contre toutefois les mots spiritualit de saint Josmaria 133, spiritualit de lauteur 134, spiritualit du livre 135 ; propos du fait de passer inaperu comme signe de prdilection divine, Rodrguez traduit spiritualit par vision chrtienne de la vie 136. Le mot esprit lui est prfr : lesprit qui sadresse aux fidles de lOpus Dei 137, lesprit de lauteur de Chemin 138. On trouve des expressions qui se rfrent directement lintelligence de la foi dans la pense de Josmaria Escriva: la comprhension de la vie chrtienne 139, la manire de comprendre la vie chrtienne 140, la comprhension de lglise qui est propre Chemin , sa conception optimiste profondment thologique de la grce, saut du temps lternit 141, et mme des concepts de lauteur de Chemin, particulirement centraux dans sa comprhension de la stratgie divine de la Rdemption 142. Rodrguez relve que Jean-Paul II, lors dun dis-

    encore p. 863, sur la docilit et lamour de la volont de Dieu (intr. au point 754) ; le message de ce point , p. 869, com. du point 759.

    131 Rodrguez, p. 576, commentaire du point 407.132 Rodrguez, p. 1001, sur la distinction entre tre de ce monde et tre mondain , dun ct

    laffirmation chrtienne des ralits humaines et de lordre de la cration, de lautre la capitula-tion face une dynamique du pch.

    133 Cf. p. 516, commentaire du point 335, propos de la prire et de lapostolat, dans le cadre de lunit de vie ; p. 868, com. du point 759 : la joie dans la Croix, thme central dans la spiritua-lit de saint Josmaria .

    134 Rodrguez, p. 705, commentaire du point 552, sur la primaut des sacrements dans le cadre de la vie de pit ; p. 898, com. du point 799 (lappel divin surgit au milieu des activits profes-sionnelles) ; p. 931, com. du point 835 (manire cache et silencieuse de propager lincendie de lEsprit du Christ dans la vie ordinaire) ; p. 934, com. du point 840 (la vie cache) ; p. 1009, com. du point 947 (principe ecclsiologique dunit et de varit, fondamental dans la spiritualit de lauteur).

    135 Rodrguez, p. 625, propos du chapitre Les moyens et du primat de la grce ; ou encore : spiritualit de Chemin , p. 897 commentaire du point 796.

    136 Rodrguez, p. 1014, commentaire du point 959.137 Rodrguez, p. 239, commentaire du point 19 sur les petites choses.138 Rodrguez, p. 761, commentaire du point 617 sur lobissance.139 Cf. Rodrguez, p. 556, commentaire du point 385.140 Rodrguez, p. 767, commentaire du point 629 (lien entre obissance et fcondit apostolique,

    suivant Lc 5, 1-11).141 Cf. Rodrguez, p. 530, commentaire du point 355.142 Cf. Rodrguez, p. 523, commentaire du point 346.

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

    SetD 1 (2007) 217

    cours, cite le point 301 (en substance, la doctrine de la saintet) de Chemin pour commenter ensuite la force de cette doctrine 143.

    Pour formuler son enseignement, Escriva fait appel des notions parfois si capitales ses yeux et perues dune manire si nouvelle quelles conduisent le Saint forger des expressions qui appellent, tout le moins, une construc-tion thologique porteuse. Outre la reconnaissance dune terminologie trs caractristique de Chemin144, Rodrguez parle modestement du langage spi-rituel 145 de lauteur, expression qui aurait probablement dplu ce dernier. Elle sapplique soit un vocabulaire original au contenu thologique propre : le Grand Inconnu (pour dsigner lEsprit Saint)146, matrialisme chr-tien 147, me sacerdotale 148 et mentalit laque 149, sens surnaturel 150, unit de vie 151, commencer et recommencer comme dfinition de la vie intrieure 152, plan de vie 153, omnia in bonum (tir de Rm 8, 38)154,

    143 Cf. Rodrguez, p. 484, citant Jean-Paul II, Allocution du 14 octobre 1993.144 Cf. Rodrguez, p. 469.145 Cf. Rodrguez, pp. 271, commentaire du point 57 sur lexpression le Grand Inconnu ; p.

    466, com. du point 280 sur sens surnaturel et vision surnaturelle (cette dernire expres-sion tant caractristique dEscriva) ; ou encore pp. 321 (intr. chap. Sainte Puret , com. du point 118) et 469 (com. du point 287 sur puret dintention et purifier lintention ) : le langage de lauteur ; p. 560 : le caractre paradoxal de ce langage ; le langage dEscriva , p. 239, com. du point 19 sur viriliser , comme voquant davantage la vis que le vir ; et aussi p. 805, com. du point 683, signalant que lexpression caballero cristiano nappartenait pas au langage habituel dEscriva; le langage de Chemin , pp. 892-893, com. du point 790 (sur le mot proslytisme dans le langage de Chemin ) et p. 800, com. du point 672 (sur lexpression homme de Dieu ).

    146 Cf. Rodrguez, p. 271, commentaire du point 57.147 Cf. Rodrguez, p. 560, note 3.148 Cf. Rodrguez, p. 12, note 49, et p. 281.149 Formulation absente de Chemin mais concept prsent dans celui de scularit, cf. Rodrguez,

    pp. 780 et 1015, commentaires des points 641 et 959.150 Cf. Rodrguez, p. 466, commentaire du point 280, qui affirme quil sagit l dun terme trs

    caractristique du langage spirituel de saint Josmaria .151 Cf. Rodrguez, p. 579, commentaire du point 411 : lunit de vie est une des dimensions fon-

    damentales de limage du chrtien propose par Chemin ; cf. note 121 supra.152 Cf. Rodrguez, p. 474, commentaire du point 292.153 Cf. Rodrguez, p. 267 ( cadre de lorientation spirituelle et armature qui unifie la journe au

    plan chrtien ), p. 287 ( concept appartenant au patrimoine commun, largement reu par les coles de spiritualit et de thologie spirituelle , aspect important de la direction spirituelle , structure formelle dun ensemble dactes de pit et de vie chrtienne ), commentaire du point 76, et p. 640 ( ensemble form par la vie sacramentelle et les pratiques de pit ), com. du point 486 ; cf. aussi points 55, 76-78, 80, 117, 307, 336, 375, 486, 536, 899 et leurs commen-taires ; cf. encore pp. 34, 170 et 945 ; joserais dire, de manire peut-tre plus parlante et subs-tantielle, style de vie : celui dun enfant de Dieu.

    154 Cf. Rodrguez, p. 494, commentaire du point 311 ; pp. 450-452, com. du point 268 ; pp. 548-549, com. du point 378.

  • GuIllaume DervIlle

    218 SetD 1 (2007)

    Sainte Puret 155, douleur dAmour 156, concept de pauvret et de dta-chement 157, petites choses 158 ( catgorie spirituelle dans la doctrine de lauteur 159), puret dintention 160 ; soit une terminologie habituelle mais charge dun sens particulier par Escriva : sanctification 161 prfre tendre la perfection , avec, explique Rodrguez, lintroduction dun changement dans les modles rdactionnels usuels dans la littrature qui sadresse aux reli-gieux et galement aux prtres 162 ; dans cette ligne, la conception de la voca-tion la plnitude de la vie chrtienne, indpendamment de ltat de vie163 ; le concept de place ou d endroit dans la socit164 ; la catgorie premiers chrtiens 165 ; ou encore laffirmation que le travail est laxe de la saintet au milieu du monde 166 ; le naturel , comme lment essentiel de lapostolat

    155 Cf. Rodrguez, p. 321; lexpression nest pas neutre, et Rodrguez en dgage lapidairement le contenu thologico-spirituel : la puret dont il parle est toujours la sainte puret ; jentends ceci en raison de la relation existentielle qui renvoie laction de lEsprit Saint dans le sujet humain : dans lme et par drivation dans le corps ; la Puret nest donc pas sainte au sens dinaccessible, mais en tant que don de Dieu. Ou encore, p. 331, commentaire du point 130 : La Puret ne donne pas raison delle-mme. Elle sexplique depuis lAmour (point 119) et comme ouverture laction de lEsprit Saint (point 130) et dimension du don apostolique per-sonnel (point 129) . Sur lemploi du qualificatif saint pour dsigner certaines vertus, cf. Rodrguez, p. 562.

    156 Cf. Rodrguez, pp. 430-431, commentaire du point 246 ; pp. 599-600, commentaire du point 436.

    157 Cf. Rodrguez, pp. 769-775, commentaires des points 630-638 ; en particulier p. 771, commen-tant le point 632, dont la doctrine est vraiment centrale dans une conception sculire de la vertu chrtienne de pauvret .

    158 Cf. Rodrguez, pp. 911-924, commentaire des points 813-830, qui situe, suivant Giuseppe Dalla Torre, les petites choses dans le contexte de la contribution de Josmaria Escriva au sensus plenior de ltre chrtien au milieu du monde (p. 912).

    159 Rodrguez, p. 892, commentaire du point 790.160 Cf. Rodrguez, p. 469, commentaire du point 287.161 Cf. Rodrguez, p. 468, commentaire du point 285, qui explique la diffrence davec conver-

    sion et justification .162 Cf. Rodrguez, p. 472, commentaire du point 291.163 Cf . Rodrguez, pp. 245-249, commentaires des points 27-28.164 Cf. Rodrguez, p. 927, commentaire du point 832, en particulier note 7 ; p. 932 ( concept

    fondamental de la doctrine de lauteur ), com. du point 837 ; p. 991, com. du point 926.165 Rodrguez, pp. 990-991, commentaires des points 925-926 ; pp. 1026-1028, com. du point 971

    (sur lapostolat) ; Rodrguez cite Alfredo Garca Surez qui parle de catgorie thologique normative .

    166 Cf. Rodrguez, p. 511; J. Escriva emploie souvent dans ses crits le mot quicio , dont lexact quivalent franais est peu usit ; littralement, il sagit de la paumelle, petite penture fixe une porte et o rentre le gond ; dans les textes de J. Escriva, comme, par exemple, Chemin, Quand le Christ passe, Amis de Dieu ou Entretiens, le traducteur franais use, selon les occasions, les mots axe , pivot , charnire .

  • Note De tholoGIe Sur lDItIoN crItIco-hIStorIque De chemIN (I)

    SetD 1 (2007) 219

    dans le monde ab intra167, ou encore la discrtion 168 comme catgorie tho-logique dans la pense de Josmaria Escriva 169 et dimension thologique de la scularit chrtienne 170, en particulier dans lapostolat171 ; la vie chrtienne dveloppe dans les vertus , qui composent en quelque sorte la saintet172, toutes les vertus dans la vie quotidienne173 et pas seulement quelques-unes174 ; le rapprochement entre la souffrance et lesprance175 ; le lien entre pch et grce dans le contexte de la vie denfance176 ; la relation entre la libert, lamour et la persvrance177 ; le proslytisme bien compris, en lien avec la pluralit des cha-rismes et des institutions dans lglise178 ; la considration toujours conjoi