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UN TRIO INFERNAL.

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Un père militaire décédé, un testament ouvert, un fils curé, la découverte de l’existence de deux demi-frères de sang et un long périple semé d'embûches : voilà le récit d'un Trio infernal qui s'amorce par une quête, un voyage initiatique de trois ruraux limousins : un éleveur athée, un bistrotier jovial, et de ce fils curé (poète à ses heures).

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UN TRIO INFERNAL.

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Pierre St Vincent

UN TRIO INFERNAL

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PENSEES

La Terre n'appartient à personne ! Il faut juste penser qu'elle est en vie par notre présence. Elle vit ses pulsations que nous ne comprenons pas,Elle ignore les nôtres... Nos échanges sont faits par rapport à nous humains.Nous pensons qu'elle, la Terre, pourrait nous supporter éternelle-

ment...Nous sommes liés à elle par des liens du temps... Nos racines ne sont que le fait du hasard... Nos territoires et nos maisons ne sont bâtis que sur le sang de

nos ancêtres...Si la terre nous rejette c'est parce que nous y vivons... Tout n'est pas immuable et établi... Nous sommes des nomades et rien de plus à l'aune du temps.

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Chapitre 1 Cuite mémorable.

« Bon dieu qu’est-ce qu’ils leur ont mis, j’ai cru que le stade… ! ».

René s’arrête brusquement, titube en pénétrant dans Le Char-roux, le seul troquet à 100 lieues à la ronde, les mains enserrant sa tête, le regard malicieux, la truffe vermeille du paysan qui a passé sa vie au soleil et au vent.

« Putain mais qu’est ce qui t’arrive Curé, que fais-tu au bistro si tôt ! Je suis sûr…».

François, le prêtre de la paroisse est accoudé, le regard vide, sa bonne panse coloniale en avant, habillé à l’ancienne, vieille soutane élimée, sa coiffe de fidèle au bon vieux sacerdoce, de travers.

Le cabaretier fait un signe à René un doigt sur la bouche lui assi-gnant par un geste théâtral de s’asseoir à sa place habituelle en se taisant.

René, interrogatif, immobile soudain, fronce les sourcils, regarde à nouveau le curé et le tenancier sans comprendre.

Georges le bistrotier lève les mains, menaçantes, le regard rouge de retenue, marmonnant au fond de lui :

« Assied-toi et ferme ta grande gueule… ».René ne comprend plus : pourquoi l’empêche-t-on, lui, René,

consommateur assidu du zinc de ne pas laisser exprimer la verve naturelle !

Il se retourne titubant et vivement fait un geste significativement désagréable à Georges…

Tout s’est fait en 30 secondes, le temps au curé de faire un signe incitant le patron à lui resservir un cognac…

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« Encore un ! Mais vous êtes déjà plus saoul qu’un polonais… sauf votre respect mon père ! ».

Il tend la main droite vers la bouteille laissée sur le comptoir, et comme pour être pardonné par le Dieu des tenanciers, tente de re-prendre la conversation espérant provoquer une réaction d’intérêt du monseigneur.

« Ma femme vous a préparé votre linge de corps et votre belle soutane, dans l’état où je vous vois, je pensais que vous vouliez vous changer… ».

Pas de réaction. Le regard plus vide que la bourse du poivrot qui venait de ressortir en râlant, le père curé siphonnait son 10ème co-gnac, à 10 heures du matin, au moment de la messe !

Craignant sa colère, le tenancier reprend son travail, le plus désa-gréable : tremper les verres laissés sur le comptoir, les essuyer tout en surveillant l’ecclésiastique du coin de l’œil.

Tout en faisant cette dure besogne, il surveille l’entrée du café, où, comme d’habitude, les consommateurs ne se précipitaient pas.

Le curton commençait franchement à le gonfler !Il allait encore lui dire en partant, prenant le ton de Fernandel et

le pointant du doigt.« Georges, ta femme est une sainte, mais toi tu es un mécréant !

As-tu payé le denier du culte ? ».Il le regardait partir et pour ne pas perdre l’argent non reçu du

curé, il rajoutait de l’eau dans les boissons au point que celles-ci de-venaient des cauchemars pour les autres. Georges rougissait lors-qu’ils lui disaient.

« Georges eh ! Il est en vacances notre Don Camillo ? ».Ça voulait tout dire, ce que les gens ne voulaient pas dire par pur

humanisme : ton vin est bizarre, ton cognac, c’est de la bibine°!*

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Ce matin, il lui avait filé son cognac à 30° (déjà baptisé avec l’eau du robinet) puis à 25° béni (avec l’eau bénite du Don Camillo) puis il avait arrêté, regardant avec tristesse ses bénéfices s’effon-drer.

Si sa femme n’avait pas été la fille du droguiste, ami du curé, il aurait sans problème viré ce pochtron, envoyé de Dieu de mes deux, comme il se plaisait à le marmonner, quand ce dernier sortait.

Georges n’était courageux qu’en paroles, comme tous les gens en dessous du 43ème parallèle !

*Ce matin-là, personne de la paroisse ne pouvait deviner ce que la

mort de son père avait déclenché en ce brave prêtre ! Personne, car il n’avait, et il le disait bien fort dans ses sermons, que des ouailles sans âme et sans culture aucune, qu’il évitait dans la rue… Seul lui restait Georges comme confident, mais pour d’autres raisons !

Sa mère était morte la première, mais un serviteur de Dieu ne pouvait pas dire ce qu’il pensait, Jésus était son maître ! Il ne pou-vait pleurer et surtout en parler à son père…

*Quarante ans auparavant il avait choisi d’être séminariste après

un premier chagrin d’amour. Il aurait aimé que son père le guide sur d’autres voies, mais ce

qu’il savait c’est que jamais il n’aurait embrassé la carrière militaire de son vieux, bien trop attaché qu’il était à ses amis d’enfance et à sa terre natale…

Alors, il était devenu prêtre, un bon curé de campagne, poète à ses heures, un excellent poète. Il passait ses poèmes sur Facebook. Qui aurait deviné qu’il était curé ?

Il n’avait eu hélas que sa mère comme confidente de ses poésies parfois surprenantes… et ses amis virtuels. Mais la destinée avait décidé qu’elle devait partir la première.

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Chapitre 2 Introduction testamentaire. 12

Et il avait commencé à boire puis à continuer de boire et de s’ar-rêter par foi (parfois) un jour avant sa messe. Puis les choses avaient évolué, il avait récupéré plusieurs paroisses. Plusieurs messes…Im-possible de s’arrêter avant l’une plutôt que l’autre… Il s’était fâché avec son père qui l’avait traité de sous ecclésiastique sans aucune volonté !

Et la vie s’était écoulée, messe après messe, prière après prière, cognac après cognac, ciboire après ciboire, kermesse, après ker-messe où souvent on le reconduisait chez lui… ivre mort.

Son père venait de mourir et étrangement il se sentait moins seul, il s’était donné le droit d’aller au bistro du coin quand il n’avait plus pu payer sa chopine, mais surtout, depuis que les pandores avaient siégé près des supermarchés.

Alors au bistro il y allait à pied, et savait que le retour pouvait être assisté, notamment par René, snobé ce matin.

Personne ne pourrait comprendre ce que le notaire lui avait ra-conté et ce qu’il avait appris à la lecture du testament de Germain Ramier, son père.

Son esprit embué au naturel avait besoin de ce choc alcoolique pour revenir vers une réalité qui bafouait tout ce qu’il avait appris à l’école et surtout et ensuite, la réalité de sa foi !

Et là tout à coup, au 11ème cognac, il avait imaginé ce qu’il fallait faire.

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Chapitre 2 Introduction testamentaire.

La vie étant traîtresse, je vais mentionner mon nom pour ne pas tomber dans l’oubli. Je suis celui qui a écrit ces mémoires. Elles doivent être confiées à la famille Ramier et à sa descendance.

Retraité, ancien officier supérieur de réserve de l’armée de terre, mon nom est Germain Ramier, 95 ans, je pense avoir toute ma tête. Je le sais, mes enfants sont en vie, mais hélas celles que j’ai aimées sont en haut à m’attendre ! Elles ne pourront certifier ce que j’ai dé-jà écrit, mais ces histoires sont véridiques !

Ces mémoires (partiellement de guerre) ne sont à faire lire à mes enfants que lors de mon dernier départ… Ma vie a été faite princi-palement de départs et de retours.

J’ai écrit ces souvenirs au fil de ma vie, semaine après semaine, car cette carrière de militaire était dangereuse, la vie étant une dé-couverte quotidienne qui pouvait conduire à une mort brutale, im-prévue...

Dans les dernières semaines de ma vie (que j’imagine, car j’ai une carcasse à toute épreuve) j’ai modifié certaines réflexions.

Cette année, où je modifie mes mémoires, peut-être la dernière, sachez que ma vie a été un long fleuve d’abnégations, de men-songes et de déconvenues à cause de mon fils François l’aîné qui est devenu curé et à qui je ne pouvais raconter tout.

J’ai eu deux autres enfants, que ma femme légitime épousée en 1949 n’a pas voulu reconnaître. Lorsque j’ai appris ces naissances, évidemment je les ai reconnues. L’un est né à Hanoï en novembre 1947, l’autre à Alger en 1955. J’ai reçu de leurs nouvelles jusqu’à

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Chapitre 2 Introduction testamentaire. 14

ce que ces colonies soient cédées par la France, ma patrie. Les cour-riers échangés et des photos sont joints à ce testament.

François mon fils officiel est né en 1948 en décembre. Me voici donc titulaire de 3 destinées dont une seule aura été officielle !

Quand les remords vous envahissent et que vous ne pouvez in-verser le temps, que vous reste-t’il sinon à donner une image de vous, exacte, pas toujours belle, mais qui remet les choses à leur place ?

A partir de ces lignes je laisse ouvertes mes mémoires. Maître Arnault expliquera au fur et à mesure mes dépôts testamentaires. Bonne lecture mon fils François. Le notaire te transmettra les dos-siers à propos de ce document, de l’argent sera à ta disposition dans les différentes phases de mes souhaits. A la fin une somme ronde-lette te sera donnée ainsi qu’à tes frères, à partager évidemment en trois. Je compte sur toi. Merci François.

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Chapitre 3 Hanoï 1946 Suite.

Hanoï, 1946. Un an après le dernier combat en France. Pas d’en-fants encore, pas de femme ! Qui voudrait d’un militaire tuant son prochain ? Combien de fois me suis-je demandé pourquoi je m’étais laissé aller encore dans un autre conflit ?

A chaque médaille gagnée dans l’ordre des conflits, je ressentais la confiance de mes supérieurs et j’acceptais d’autres missions plus périlleuses. A chaque fois je gagnais un grade… A quel prix ? Celui de ma vie !

J’étais militaire et la patrie en ce temps-là comptait beaucoup. Je ne sais pas dans quel état je pourrais conter la suite de mes autres souvenirs ? Vif encore, vivant handicapé, mort à demi ?

Existons d’abord, à ma manière, dangereusement et que mes en-fants, si j’en ai un jour, découvrent un père qu’ils auront peu connu.

*Affectation 23 novembre 1946 Hanoï.Arrivée sur place le 20 Décembre après un voyage aérien très

long, bruyant et secoué. Ce jour d’arrivée, le soir, les pistes liées à la négociation d’un retrait des troupes françaises venaient de se rompre, suite à une lettre soi-disant égarée. Cette lettre d’Ho Chi Minh acceptait une négociation mais avec une date limite, à l’issue de laquelle le feu s’abattrait sur la ville.

Nous sommes arrivés le jour de la réception à Paris de la réponse de Ho Chi Minh aux propositions de négociation de Léon Blum.

Trop tard pour nous les combattants des causes perdues. Trop tard pour les négociations…

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Chapitre 3 Hanoï 1946 Suite. 16

Pour nous qui arrivions dans un pays inconnu dans la nuit la plus complète, le challenge nous apparaissait terriblement risqué.

Putain de guerre, gouvernement incompétent, et nous pauvres soldats et encadrements dans une tourmente qui n’a pas tardé à se déclencher, pendant 8 ans.

*Nous ne connaissions pas l’issue de ce conflit stupide qui aurait

pu se régler à l’amiable si ces bureaucrates parisiens n’avaient été si lents…

D’autres raisons bien plus stupides pouvaient avoir été à l’ori-gine de la perte de cette lettre ! Elles sont dans les interrogations de la grande Histoire.

Prise de positions le 21 Décembre 1946 avec des ordres d’at-taque immédiate sur le Vietminh. Plus d’eau et d’électricité sur la ville d’Hanoï !

Nous nous sommes positionnés là où les dirigeants locaux nous avaient demandé de le faire.

Ils savaient qu’en nous donnant ces positions ils nous envoyaient à l’abattoir ! Les troupes françaises locales, non préparées au der-nier ordre reçu, croyaient auparavant en un retrait quasi évident ! Rêves de ceux qui suggéraient ce Vietnam français utopique… Ils seraient restés avec leurs femmes locales et leurs souvenirs de la métropole.

Il pensait donc que tenant compte de notre arrivée, nous savions quoi faire !

En tout cas, sanitairement, les brigades locales étaient à moitié décimées par la dysenterie et le palu. Certains soldats avaient trouvé refuge chez les filles locales, qui par ce biais, récupéraient des nour-ritures plus facilement. Elles étaient belles et pas aussi farouches que nos Françaises éduquées dans la religion, ou certaines bour-geoises rigides ! 

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Inutile de décrire le bordel qui régnait parmi les troupes sur place ! Un ordre pour une bataille de 2 mois (celle de Hanoï), nous le saurons plus tard… Un détail, certes comparé à la précédente guerre ! Mais quel désastre dans Hanoï et… pour moi…

*Porté disparu depuis cette mission du 21 décembre, perdu pour la

patrie !Néanmoins une bonne fée veillait sur moi… une famille viet

ayant compris que cette guerre n’était qu’un prémice à des désola-tions bien plus grandes entre le nord et le sud du Vietnam et que les ennemis n’étaient pas seulement Français… mais Chinois, Améri-cains...

Ils pourraient monnayer mon départ, mais je restais désespéré-ment dans le coma depuis 4 mois… Jusqu’à ce baiser sur ma joue : le hasard surprenant d’une pensée de moribond… avec l’effleure-ment de la peau d’une magnifique jeune fille !

Fini mon absence du monde, bribes de conscience retrouvée dans une hutte de feuillage que j’ai devinée dans une brume au tra-vers des cheveux de Thiêu Hoa, ma fleur printanière, bienveillante au-dessus de moi !

Cet abri avait été bâti pour mon seul usage ; j’ai appris au fil des jours que c’était elle seule qui l’avait construit autour de mon corps, alors criblé de centaines d’éclats d’obus.

Thiêu Hoa était venu chaque jour pour me soigner, et humecter mes lèvres, d’eau et de bouillies vitaminées… Mon corps, désespé-rément se cramponnait à un souffle de vie…

4 longs mois où mon destin ne s’était accroché qu’à un fil ténu ; la ténacité de celle que j’appellerai Thia…

Ce baiser « fraternel » venait de se percuter avec les songes que je vivais au ralenti… Mon corps voulait un contact avec le palpable, je l’avais eu !

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Chapitre 3 Hanoï 1946 Suite. 18

Ce contact fraternel ou autre, venait de rompre mes liens avec l’invisible, cet espace virtuel où vivent ceux qui doivent partir… Rien n’aurait pu m’empêcher de survivre après ce baiser surgi du néant de la réalité !

J’aurais voulu faire des gestes mais ne le pouvais pas, j’aurais voulu parler : impossible… Mes pensées fumeuses ne voyaient que cette voûte de verdure, dans laquelle filtrait la vie… Oui c’est ça… la vie.

Ce mot restait fixé immobile dans mon espace de pensée avec un point d’interrogation, à côté… le mot guerre… point d’interroga-tion… les mots : souffrance, conscience, et « ouverture de mes pau-pières » comme seul ordre surgissant de mon néant.

Ceci est ma première renaissance de ce long vide peuplé de rêves inaccessibles, de ce chemin inextricable qui brassait des montagnes d’impuissance au tréfonds de mon moi.

Tout ceci n’était que la première étape d’un long parcours semé d’embûches, d’impatience et de désolation, de persévérance…

Mais cette halte dans la conscience serait suivie d’autres et d’autres encore, jusqu’à la compréhension de la signification de ce baiser, de cet effleurement, de cette caresse à mon premier signe d’éveil.

Comme il paraît élémentaire de se lever après une nuit de som-meil ! Comme il est simple de passer d’une situation horizontale à verticale ! Pour moi c’était impossible !

Pour réparer l’essentiel, refermer mes blessures physiques, cica-triser mes plaies traumatiques, mon organisme s’était engourdi aux limites de son pouvoir d’hibernation, en limite de conscience.

*Non je vivrais ! J’étais devenu, depuis peu, de la race des vain-

queurs, chaque cellule qui recevait de la nourriture désormais trans-formait cette substance en énergie, microseconde par microseconde, instant de vie après instant de vie.

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Chaque parcelle de ma mémoire resurgissait du passé et s’arrê-tait à ce bruit immense, cette déflagration qui me reconduisait sans cesse vers ce vide, dont j’avais été extrait par ce baiser fraternel.

Chaque jour d’un effort de conscience, m’éloignait de ce préci-pice où l’on m’avait jeté…

J’ai franchi les étapes qui m’avaient conduit à remarcher, puis à courir à nouveau.

Quelques données me manquaient ! Où étais-je né ? Dans quel pays ? Car je le comprenais en regardant les gens qui m’entouraient, et dans une glace. Je n’étais pas de leur couleur, je n’étais pas des leurs !

*Un jour j’ai compris qui j’étais en retrouvant mes habits lacérés

de militaire : j’étais sergent de l’armée de terre française. Mon nom : Germain Ramier, comme le pigeon… Mon corps avait volé au-dessus d’un impact d’obus de l’armée ennemie menée par Ho chi Minh !

Fin de la bataille d’Hanoï : 18 Février 1947, ils avaient détruit l’institut Pasteur ! Il y avait eu 267 morts… moins moi.

*Je suis sorti quelques mois après la fin de la bataille de cette pro-

tection bienfaisante et amoureuse et me suis rendu en claudiquant légèrement vers les centres administratifs locaux.

La guerre n’était pas finie pour la France, loin de là, mais au vu de mon état, je n’étais plus apte aux besoins physiques des sous-of-ficiers d’encadrement…

J’ai été réaffecté en garnison en France en juin 1947 où j’ai suivi les EOA : je suis passé brillamment sous-lieutenant. J’avais alors 28 ans.

En novembre 1947 dans les courriers que je recevais par voie militaire (de celle que j’aimais à l’autre bout du monde et qui

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Chapitre 3 Hanoï 1946 Suite. 20

m’avait sauvé la vie), je percevais des signes de détresse ! La guerre locale, l’insécurité, le manque de nourriture, d’argent ?

J’étais loin de penser à ce qu’allait m’annoncer la lettre qui m’a consacré papa d’un jeune bébé mâle, le 2 novembre 1947 !

Etre caserné en France à la Rochelle être jeune, à nouveau plein de sève me rendait irritable et associable. Cette annonce m’avait abasourdie dans un premier temps, car je n’étais pas préparé à une telle information, mais m’avait insufflé un courage jamais revenu depuis mon départ de Hanoï.

Je suis parti là-bas par la navette postale de l’armée. Un long voyage.

Cong Minh, mon fils, un mois d’existence, m’attendait dans la maison des parents de ma fiancée, car j’étais devenu le fiancé.

Chồng chưa cưới c, (fiancé) ce mot était nouveau pour moi, et je le répétais car le père me pointait du doigt en le prononçant… Sui-vait « hôn nhân » (mariage)…

Je regardais Thiêu Hoa, elle souriait et je souriais moi aussi et tout le monde remuait la tête, un sourire forcé et je riais en répétant ces mots, bêtement ! J’étais heureux, ivre de Rượu trắng.

Ils prenaient le bébé et me le donnaient en disant « Cha », et je souriais à nouveau en l’embrassant. Quelques mots me revenaient à la bouche, cảm ơn các bạn rất nhiều (merci beaucoup), Bầu trời hôm nay đẹp (le temps est beau aujourd’hui).

Nous sommes allés enregistrer la naissance sous administration française.

Cong Minh Ramier était devenu franco-vietnamien né à Hanoï de moi, son père Germain Ramier et de Thiêu Hoa…

*Hélas la guerre n’était pas finie et j’étais militaire en garnison de

la Rochelle. Il fallait que je revienne à la fin de ma permission et le mariage avec une Vietnamienne était très mal vu à Hanoï.

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Je pense que mon fils de là-bas a été le dernier inscrit sur un re-gistre de naissance français, à Hanoï.

Plus sûrement que ne l’aurait fait une séparation, la fin de la guerre en1954, nous a fait rompre toutes les relations écrites que je cultivais. Je n’avais jamais osé dire à Thiêu Hoa que je m’étais ma-rié et François était né en décembre 1948.

Je rajoute ce souhait à la fin de ma vie : François, je sais que ce geste sera dur pour toi mon fils curé bien-aimé : il faut que tu ren-contres ton demi-frère Cong Minh et que tu l’informes qu’une part d’héritage l’attend : il est peut-être encore à Hanoï.

Maître Arnault te pourvoira en frais de déplacement…Que ton Dieu, celui qui t’habite chaque jour, au point d’avoir

laissé ton vieux père, te guide dans ce grand pays longiligne où ma vie n’a pas voulu m’abandonner.

Demande lui aussi de m’accorder ton pardon, maintenant que je suis aux portes du paradis…

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Chapitre 4 Décisions.

François était toujours accoudé au comptoir du « Charroux », unique troquet du coin et n’arrivait pas à sortir de la catalepsie pro-voquée par ses émotions et l’alcool conjugué !

Le père François, curé de la paroisse de Bosmie-l’Aiguille, obs-cure commune limousine, sentait qu’il était arrivé à la fin de ses ré-flexions saumâtres et mortelles.

Encore une fois Dieu, sans alcool ne lui avait donné que des so-lutions dont les besoins matérialistes étaient absents; une fois de plus il allait se commettre avec ce mécréant de Georges.

Il avait fallu qu’il meure, Germain son vieux, pour écrire des choses à son attention et pour lui demander de l’absoudre auprès de Dieu…

Plusieurs fois devant la croix, il avait fait appel au divin pour le guider.

« Ton chemin est tracé, avait-il répondu ! ».François à 66 ans, n’avait jamais eu de retours pertinents en

s’adressant à lui, sauf quand il était en limite d’ébriété, alors là, le Seigneur était prolifique !

Petit détail : pour avoir la totalité d’une réponse, le lendemain il devait retrouver le fil en buvant !

Au bout d’un moment il s’était aperçu que René et Georges lui apportaient des réponses, qui, après quelques cognacs, seulement 4 ou 5, le satisfaisaient pour la journée.

René lui amenait des œufs, la femme de Georges lui faisait des petits plats, le tenancier fournissait le liquide.

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Chapitre 4 Décisions. 24

Oui mais dans ce cas qui l’avait amené à boire 11 cognacs, le problème n’était pas terre à terre, il était d’un autre ordre. Sa vie s’était écoulée sans ambages, dans un monde facile, ordonné où ses désirs, exprimés poliment, devenaient des ordres à ceux qui les re-cevaient…

Exemple : « Il y a plus d’argent dans le tronc, qu’en pensez-vous ?

Ce matin, plus d’hosties, plus de vin… ». Par miracle, son équipe pourvoyait…Oui mais, depuis la mort de son père, il avait un problème qui ne

pouvait être confié qu’à Georges, à la rigueur René. Il connaissait Georges et Georges le connaissait…

Comment aborder le problème avec lui ? Le bistrotier allait pen-ser tout de suite qu’il n’allait pas payer ses 5 cognacs supplémen-taires à sa ration journalière « mutuellement acceptée ».

*Là il se trompait, mais il ne fallait surtout pas s’écrouler, en pen-

sant astucieusement que Georges allait noyer le cognac au fur et à mesure !

Sauf que là il n’avait pas imaginé que Georges n’allait pas rajou-ter l’eau… D’où son état avancé !

Au fond de lui, notre père curé se demandait pourquoi il était abandonné aujourd’hui par Georges représentant le terre à terre et l’autre, père des Cieux, comme son nom l’indiquait…

Il aurait dû causer à René qui était son support, son étai quand son corps le lâchait, mais alors là, ivre mort il avait toute sa verve et son esprit, ce matin il sentait qu’il pouvait communiquer avec René, Georges et Dieu ! Il était à point !

« Putain j’en tiens une sévère, mais il faut que je puisse causer à Georges et à Dieu en même temps, là je suis mûr. ».

A ce stade il bredouille à Georges :

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« Dis à René qu’il revienne… ».Georges qui l’observe se dit que sa conscience revient et qu’il va

enfin lui avouer son problème. Il court pour rattraper le fermier et revient triomphant en disant :

« Il m’attendait pour que je m’excuse… et bien je l’ai fait ».Le curé en voyant réapparaître René :« Bon maintenant vous êtes tous là, viens René, tu fais comme

d’habitude, tu me soutiens physiquement, comme quand je rentre à la cure, sauf que là je ne rentre pas avant de vous avoir tout dit ! »

La coiffe du père tombe, Georges la ramasse et dit en se rele-vant :

«  Bon alors tu nous le dis, oui ou non, qu’est ce qui t’a rendu comme ça au point que tu dises pas bonjour aux amis ! ».

René sent le corps de son ami de beuverie qui se lâche soudain.« Georges, viens, aide-moi, il y a quelque chose qui a pété dans

ses guiboles ! »François reprend alors ses esprits et hoquetant comme le dernier

des poivrots, le doigt pointé vers Georges et se retournant vers Re-né, déblatère 3 mots…

« J’ai deux frères… ».Puis il sort de l’argent de ses poches et le pose sur le zinc en di-

sant :« Tu vois ça, c’est pour payer mes onze cognacs et pour que l’un

de vous vienne avec moi au Vietman, non…Au Vietnam, oui ! Là-bas en Indo…Chine ? Là où y a des Bouddhas et des roule…ttes de printemps… ».

Il se reprend et dit qu’il va leur faire un poème.René regarde Georges l’air égrillard : « Si on le balançait dans le Boulou, ça l’éclaircirait un peu, là il

est gris… mais sombre, tu vois… je dirais anthracite ! ».Georges regarde René : 

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Chapitre 4 Décisions. 26

« Si on fait ça et que ça se sache, il est fini mon commerce, tu te rends compte un curé à la baille ! ».

Le curé les entend en baissant la tête, et leur dit toujours hoque-tant :

« Je ne plaisante pas mais mon père m’a fait deux demi-frère… et légué un tas d’argent  »

René rigole en poussant Georges…« Il a deux demi-frère et dire qu’on disait que son père faisait ja-

mais les choses à moitié. ».Les trois compères s’esclaffent tellement fort que la femme de

Georges entre.« Vous ne le saviez pas, mais depuis sa mort à Germain, tout le

monde sait que le militaire avait la pointe vive dans sa jeunesse. ».Georges qui pouffait de rire se relève : « Bon, allez Maria, tu vas à la cuisine, nous on continue la

conversation entre hommes, hein père curé ? ». *

Il va derrière la caisse, enfourne l’argent du comptoir, calcule ra-pidement et déclare souriant :

« Bon alors on est quitte, plus de dettes divines entre nous ! On part quand curé chercher tes frères ? Tu es sérieux au moins, moi je suis partant, comme ça je vais bien trouver quelques boissons là-bas, que je serai le seul à vendre en France et bonjour le pognon !».

Se mettant en face de René :« Un demi ? C’est la maison qui régale… »René hochant de la tête, regarde François qui s’est écroulé au

pied du comptoir :« Putain ! Il en avait gros sur la patate ! Tu te rends compte ! 2

demi-frères ! Et de le savoir à la soixantaine bien sonnée, avec la moitié des gens au courant, ça va jaser dans les chaumières. Beh au

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27 Un trio infernal

fait… On en a des asiatiques ici, il pouvait pas se servir sur place ? ».

.

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Chapitre 5 Premier Départ.

Tout allait être prêt dans le gros Toyota de Georges ; Maria pré-parait les sandwiches. Il n’attendait plus que le père et René qui fi-nalement ayant réalisé la réalité de l’histoire de François avait déci-dé de se joindre à eux.

Un gros bruit venant de la cure alerte Georges. François arrive avec jean délavé et chemisette à carreau, le ventre emballé dans l’avant du pantalon, tirant avec peine une valise des années 50 po-sée sur un chariot fixé par des sandows.

René, la cinquantaine, rouge et veiné, arrive à son tour, cas-quette de gaucho en équilibre sur le front, la cigarette à moitié fu-mée au bec. Il regarde le curé éberlué :

« Elle était plutôt amincissante ta soutane, tu avais encore de la place, tu es sûr que tu vas pas grossir encore ! ».

René s’examine en écartant les genoux, brossant de la main en descendant jusqu’aux Santiags, son look de gaucho méridional.

« T’as vu la classe ? Les petites Viets elles ont intérêt à se cram-ponner ! ».

Georges les observe avec un sourire moqueur.« On dirait jamais un curé en vadrouille et un vacher en re-

cherche d’aventures ! », murmure-t-il !Maria juge les uns et les autres et déclare :« Eh beh, tu vois quand tu n’as plus ton tablier et que tu t’ha-

billes comme je te le dis, je regrette pas de t’avoir choisi ! ».Fier, Georges tourne sur place et remercie, souriant à sa

conjointe, se lissant sa moustache à demi grisonnante de la quaran-taine largement passée.

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Maria sourit de ce geste puéril, reprenant une conversation de la veille avec Georges :

« Je vous signale qu’on est au 21ème siècle et que la charrue c’est bien finie… ».

François qui rangeait sa valise, lui dit sans se retourner :«  Qu’est-ce qu’elle nous bassine ! Il t’a dit Maria que des avions

cargos ça coûtait la peau des fesses et nous on n’est pas pressé. ». Maria indignée se dirige vers le bar : « Tu seras moins fier quand il faudra repasser tes chemises, cu-

ré ! ».François, qui n’a pas encore bu de la matinée sinon son café cal-

vados, rétorque :« Je te plains Georges, dis-lui que si on prend le bateau à Mar-

seille c’est parce qu’on prend le Toyota et qu’on a le temps d’arri-ver là-bas au Vietnam, d’accord ! ».

Maria s’éloigne de dépit, la rage au cœur…Georges se précipite. «  Maria, c’est le manque, tu le connais, je sais bien que tu as

compris. Il ne nous faudra pas plus de 2… ou 3 mois pour revenir. Je sais, tu voulais venir, mais il faut quelqu’un pour tenir le bistro, mais nos plus gros consommateurs sont avec moi ; alors il n’y aura pas trop de boulot ! ».

René qui juge la scène, murmure :« Je regrette pas d’être célibataire, les chèvres c’est bien plus

calme… ».Georges revenu, entend la dernière partie de la phrase prononcée

par René.« Qui insultes-tu dans ta moustache ? Maria ? Tu vas pas revenir

dessus, Maria et toi c’est du passé OK ! ».Le curé les rejoint et leur demande si tout est prêt pour les pa-

piers de transit, les visas… Ils acquiescent.

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31 Un trio infernal

« Alors pas de regrets les gars, vous m’acceptez même sans sou-tane ! Bon tu mets en route la charrue Georges comme dirait ta femme… Bises là, et reviens vers nous sans regrets. Go on y va d’accord. On verra bien où on pourra faire des prières, même là-bas. ».

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Chapitre 6 Bonjour aventure !

La moitié de la France venait d’être traversée, le 6 cylindres tournait comme une horloge, les 3 compères parlaient abondam-ment des nombreux paysages qu’ils voyaient car aucun d’entre eux dans leur vie n’avaient dépassé Brive ou Périgueux ou St Léonard…

Georges était le plus étonné, car aller à Limoges était sa plus grande virée.

On avait déplacé le père curé à Brive, mais il avait tellement était oppressé de ne plus voir sa mère que l’évêque avait décidé de le ra-patrier à la suite du décès de son successeur, dans sa paroisse de L’Aiguille-Bosmie.

La discussion allait bon train, les esprits s’échauffant à l’occa-sion de mini casse-croûtes arrosés aux équivalents des bouteilles étoilées, autant dire d’infâmes bibines dont Georges connaissait la provenance… Bio, il était bio son vin !

Quand il disait ça, René en rajoutait :« Sans pesticides tes vins d’accord, mais bio, c’est pas possible.

D’abord, elles sont où tes vignes ? En Chine ? ».Georges rétorquait« Oui en Chine ! Et tes vaches au cul mou, elles viennent

d’où ? ».Et la discussion reprenait de plus belle…«  Du cul de leur mère ! » répondait René, « Elles ont le cul mou,

mais leur lait est bon pour la santé sans pesticides… ».Le curé conduisait le regard fixe, décomposé… Un jour sans

boire, sans messe, sans…

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Chapitre 6 Bonjour aventure ! 34

Il ne les écoutait pas, et il savait pourquoi parce que s’ils lui po-saient la question piège… Il bafouillerait, parce qu’il savait que Georges avait le don de le déstabiliser quand il s’agissait de reli-gion.

Georges avait la foi des gens élevés dans la religion mais dont les parents n’allaient plus à la messe.

René était bouseux et athée.Mais lui François qui était en 15 jours, passé de la soutane au

jeans, de la toque à rien, de 5 cognacs journalier à 1 café calva au petit-déjeuner…

Ce testament l’avait vraiment tourneboulé, abasourdi, surpris ! Son père était un héros qui avait été emporté par le fleuve de la

vie, balayé comme un fétu de paille…Toutes ses décorations posées sur son drap mortuaire : médaille

militaire, croix de guerre 1939-1945, croix de la valeur militaire, Légion d’honneur, l’avaient ému, mais découvrir les mémoires de son père dans lesquelles il avait 2 frères !

Parce qu’il avait choisi la prêtrise, son père avait dû lui mentir jusqu’à sa mort…

Il l’avait nommé comme son fils curé préféré, lui demandant d’absoudre tout ce qui avait pu le choquer. Quand on meurt à 95 ans on a pu avoir 9 tranches de vies surtout chez un militaire, donc beaucoup de choses à réhabiliter !

Quelques larmes traîtresses coulent maintenant, alors qu’il aborde l’autoroute A9 en direction de Marseille.

Il ne pouvait lui reprocher d’avoir fait un enfant à une Vietna-mienne… Oui, mais maintenant cet inconnu était son frère, à moitié bien sûr, et il remuerait ciel et terre au Vietnam pour le trouver ce frangin demi-sang. Ses amis, joyeux lurons, allaient l’aider à réduire ses beuveries, mais pas seulement…

Et l’autre frère sur lequel il ne savait rien et surtout pas où il était né… Celui-ci avait été fait sans autorisation de sa mère, mais en

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35 Un trio infernal

quel endroit de cette terre. S’il réfléchissait un peu il devinait que c’était en Algérie… Un frère Musulman quel drôle de surprise de la destinée !

Une tape sur l’épaule le sort de ses pensées. « Eh ! Tu penses à quoi curé, à ton Jésus ? Tu sais qu’où on va, il

fait pas bon être chrétien, ton père le savait, c’est pour ça qu’il ne t’en a pas parlé du p’tiot Viet ! ».

« Non je pensais à ce que j’ai lu dans le testament, finalement mon père, je ne voulais pas le croire, mais … c’était un héros… J’avais 2 héros à la maison. Un sur une croix, mort pour que le monde vive, que je n’ai jamais vu et mon père, mort désormais, que je n’ai pas connu. J’ai très envie de voir mes frères pour le revoir jeune sur des photos qu’ils auraient gardées. ».

Georges, compatissant, lui enserre l’épaule droite : « Tu pleures François ! Toi le curé imperturbable, arrogant, ra-

rement marrant, tu nous fais du lacrymal… Va, tu peux pleurer, mais alors donne-moi le volant, il nous reste combien à faire en France ? ».

« On est à Nîmes ; 150 kms à vue d’œil ! ».*

François s’arrête sur une aire de repos et tout le monde descend pour se dégourdir les jambes.

Georges en profite pour discuter seul à seul avec François : « T’aurais pas fait une connerie dont tu ne peux pas encore par-

ler ? Genre… ».René arrive des toilettes, en fermant les boutons de sa braguette.« C’est bien beau les pantalons en cuir, c’est résistant, etc…Mais alors pour pisser je te dis pas. »Georges en riant lui rétorque : «  T’as pas un sujet plus intéressant, par hasard ! ».René est vexé :

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Chapitre 6 Bonjour aventure ! 36

« Tu me cherches Georges ou quoi ? ».« Non, mais j’imagine le prochain problème avec la grosse com-

mission ! ».René se ferme, se r’enculotte et se dirige rapidement vers la voi-

ture en maugréant : « Mes vaches, elles ne me jugent pas, elles ! ».

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Un trio infernal.

Chapitre 7 Embarquement.

François en pénétrant sur le cargo qui allait les transporter vers l’île de la Réunion, puis le Vietnam, pensait qu’il devrait se blinder mentalement face aux choix qu’il avait faits…

Germain Ramier, son père, n’imaginait pas la révélation que ce voyage allait faire sur son fils. Tout d’abord la prise en compte des souffrances subis par son père sur le plan physique, puis sur le plan de ses secrets de famille cachés à cause du statut de prêtre que lui, François, avait choisi un peu contre son avis.

La découverte que son père l’aimait comme son seul fils auprès de qui il avait vécu, la religion les ayant séparés ! Quelle histoire ! Cette espèce de jeu où il devait replonger dans le passé de son père.

Maître Arnault ne devait dévoiler la suite du testament que phase après phase… Etait-ce un amusement de son âge ?

Enfin quelque chose de différent se passait, mais là un mort l’obligeait, par respect à sortir de son environnement religieux.

*Encore une fois, en pénétrant dans cet immense navire, au début

de ce long voyage en mer de 45 jours, il ressentait cette angoisse qui l’oppressait en préparant ce futur voyage terrestre vers Hanoï à par-tir du port d’Hai Phong.

A sa manière, François expérimentait ce que la vie lui avait em-pêché de faire pendant son sacerdoce…

Il avait caché à ses compères que le coût du voyage avait été di-visé par deux car ils voyageaient et dormaient dans le carré d’équi-page avec pour mission, des corvées secondaires comme la plonge,

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Chapitre 7 Embarquement. 38

les repassages d’habits, les corvées de nettoyage (à une cadence évi-demment inférieure à celle des membres de l’équipage)… Ce qui était parfait, était que seuls les membres de l’encadrement parlaient français, certains étaient Vietnamiens. Ils étaient donc isolés et tran-quilles.

René était aux anges de découvrir les conditions de son voyage, Georges n’était pas surpris de la manière dont son prêtre les avait piégés.

*Les corvées commençaient à faire leur effet sur le sommeil des

compères et ils n’avaient que rarement l’occasion de se cha-mailler…

Plusieurs semaines venaient de se passer et ils commençaient à devenir des auxiliaires aguerris…

*Georges tournait autour du pot depuis une dizaine de jours, mais

François ne disait rien de ce que voulait entendre « son ami », car le travail les avaient tous rapprochés comme les trois mousquetaires. Ils voulaient mieux se connaître. Les parties de cartes se terminaient souvent avec une bonne cuite ! Peu à peu ils reprenaient leurs vieilles habitudes !

L’ennui du voyage et la mer, toujours l’eau, les avaient conduits à nouveau sur les chemins d’autres liquides, alcoolisés ceux-là. Le capitaine les avait prévenus que s’ils continuaient, il n’aurait d’autres solutions que de les déposer à l’une de leurs escales.

Ces semonces à répétitions les avaient conduit à se séparer de la moitié des bouteilles consommées, puis encore la moitié...

Ivres, le temps n’avait pas de signification en termes d’ennui. A jeun le temps se traînait.

Jusqu’au jour où Georges avait mis les pieds dans le plat.

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39 Life Source Quest. Complotseden

« François, mon curé, pourquoi as-tu laissé tomber ta soutane, ton couvre-chef, j’aperçois à peine la croix, que s’est-il passé ? On est copain maintenant, alors on veut savoir ? ».

François se lève, pathétique : «Mes amis, j’ai été défroqué, l’alcool avait fait de moi une

loque. J’ai été convoqué et semoncé. On m’a enlevé ma cure. La mort de mon père a été la goutte de trop et le catalyseur de

mes débordements. Que pouvais-je faire sinon accepter. Une mise en retraite forcée somme toute, 66 balais, avec pour objectif la perte de mon addiction à l’alcool.

Encore une fois à cause de l’alcool, nous avons eu des remarques cette semaine !

Nous devons devenir raisonnables ? Nous avons l’âge pour l’être ! ».

*Ce long voyage en mer donnait à chacun le droit de s’exprimer

de découvrir les zones d’ombres qu’ils n’auraient jamais pu éclair-cir dans leurs beuveries de comptoir.

Georges continuait :« C’est pas possible ? Ils auraient dû me demander, l’évêché ! Je

suis le centre économique de Charroux ! Avant y avait le forgeron et l’épicier, maintenant si je disparais, fini le village. Plus de poste, ils m’ont demandé de faire dépôt de timbres, et de courrier. Me faire disparaître nôtre curé, c’était me faire trépasser, moi ; ils y ont même pas pensé ! ».

René intervient à ce moment en se pointant du doigt :« Eh oh Georges, et moi je compte pour du beurre ? ».Georges sourit et continu :« Bien sûr que tu comptes mais admets que tu n’avais pas le Bon

Dieu avec toi, et lui François, j’étais sûr qu’il l’avait. ».

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Chapitre 7 Embarquement. 40

François, le regard pétillant baissé préparant un acte de contri-tion, répond moqueur :

« Ouais Georges, mais toi il t’a pas écouté Jésus, ni moi… D’ailleurs, je comprends toujours pas, quand j’étais un peu chargé, il me causait j’en suis sûr ! Remarque, vu que je suis défroqué, je me demande ce qu’il en pense. Là par exemple ces derniers temps que j’avais repris l’alcool…rien ! Rien ! Nada… ».

René qui écoutait avec intérêt ayant le front froncé dans une pro-fonde réflexion, l’interrompt.

« François, moi je sais ! ».Georges et François étonnés le regarde avec interrogation et ré-

pondent ensemble :« Tu sais, toi, une réponse à un problème religieux ! ».François reprend : « Alors tu nous dis… ! ».René surpris de l’intérêt de François, répond du tac au tac :« Le cognac ! ». « Quoi le cognac ? ».« Putain, mais vous comprenez rien ! Le cognac, oui, François,

ça fait combien de temps que tu ne bois plus tes 5 Martel 3 étoiles ? Georges… je te signale qu’il les noyait à l’eau bénite. ».

Georges commence à s’énerver… « Dis René tes vaches, tes chèvres et ton lait, j’ai jamais contrôlé

ce que tu faisais ! Mon cognac béni, M le curé causait au bon Dieu après, et moi j’étais fier ! C’est pour cela que je le lui offrais… Bon on va pas s’énerver ! ».

François reprend l’avantage : « Tu sais René, je le savais qu’il le bénissait son cognac ! Si

j’avais su qu’il le faisait avec mon eau bénite ça m’aurait expliqué beaucoup de chose… De toute manière je suis défroqué maintenant si le seigneur veut me causer, il le fera, d’ailleurs je ne le compre-nais pas souvent. ».

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41 Life Source Quest. Complotseden

Georges et René commencent à bailler de concert :« Si on se faisait une petite sieste… ».René reprend :« P….. Ça fait plaisir de se dire tout entre amis… pas vrai

Georges, tu n’imaginais quand même pas que c’était l’eau bé-nite ? ».

Ils partent tous d’un grand éclat de rire.François profite de cet instant pour placer son petit commen-

taire :« Saviez-vous que je suis aussi poète mes amis ! ».René et Georges qui avaient engagé quelques pas pour rejoindre

leur couche se retournent. Georges rétorque sarcastique :« Un curé poète ! C’est pas possible, il ne nous manquait plus

que ça !!! ». « Dommage, j’avais un poème sur l’amitié, et comme on était

devenus amis ! ».René reprend :« Tu as fait un poème sur notre amitié ? ».« Non plus globalement. Allez je vous le fais…».François se lève et déclame son poème, regardant ses amis les

bras tendus vers eux.

« Amitié,Serait-ce l’amour ? Peut-être…La passion ?La tendresseLa folie ?

Que nenni !

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Chapitre 7 Embarquement. 42

L’amitié se construit,Elle est la goutte d’eauQui deviendra ruisseau…

Elle est subtile Se glisse dans les cœursSans jalousie Ni rancœur

Infinie et rareConfiante et généreuseInaltérableInusable

Réconfortante et partagéeIci, réside son secret !

Plus rare que l’amour,Plus forte que le temps,Raisonnable dans l’instant

AmitiéTu es la semence qui ne meurt jamais,Tu es l’appui à jamais respecté,Tu es la cohérence, La fleur de l’existence…

Tu es la pierre angulaireD’une vie où règne le partage.

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Tu es un joyau précieux Aussi pur que nos yeux…

Tu es,Deux cœurs en osmoses !Un lien démesuré Qui traverse le tempsDurant infiniment… ».

René qui commençait à se marrer au début, semblait très ému à la fin…

Georges interpellé par cette ode, reste muet quelques secondes, puis reprenant le dessus lui dit d’une voix vibrante :

« Tu m’aurais dit que tu étais poète, je serais venu à la messe et t’aurais eu droit en plus de tes cognacs à mon vin bio ! Maria était au courant ? Non, je préfère. Là tu me bluffes François ! Sur ce, bonne sieste à tous. ». 

*Qu’il était long ce voyage, long et ennuyeux : le père curé et ses

poèmes, René et ses vaches (il en rêvait chaque nuit), Georges qui pensait à sa Maria et surtout à sa recette, sa caisse et sa monnaie et les soirs de fêtes quelques billets de 200€ !

Le pire c’était l’époque de la kermesse, plus de curé, et plus de clients. Il n’y avait pas que des chrétiens dans la commune mais à la kermesse le prix du vin était ridicule, alors ils y allaient tous.

François qui n’officiait plus, écrivait des poèmes sur les femmes qu’il n’avait pas eues et surtout sur celle qu’il aurait pu avoir… et sur tous les sujets qui lui passaient par la tête.

Quand il osait, il leur déclamait un poème philosophique sur la vérité, sur la colère, sur la guerre d’Ukraine qui battait son plein, sur

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Chapitre 7 Embarquement. 44

Gaza qui mourait sous les bombes ennemies, sur les images qu’il voyait sur Facebook au temps où il était sur terre et dans sa cure.

Il ne les faisait pas trop compliqués, car il connaissait son audi-toire… Il avait réussi à intéresser ses amis sur un poème sur une île qu’il avait vu au large d’une terre et puis sur Éole, le Dieu du vent…

Chaque soir Georges lui disait par fraternité, depuis le poème sur l’amitié :

« Tu nous as fait quoi comme chef d’œuvre ce soir ? ». Le curé répondait par exemple : « Eole ! ». « Quoi Eole ? ». « Eole le dieu grec du vent dans la mythologie! ».Georges répondait « Ah bon ! Encore un que je connaissais pas ?

Alors vas-y ! ».Alors François vibrait de tout son corps, le vent agitait ses bras et

il vivait son poème :

« Eole…Du plus petit zéphyr au simoun brûlant,Du plus petit pet qui caresse l’instant,A de terribles et puissants déchaînements,Ton arsenal de destruction est… ahurissant.

L’homme t’observe, cherchant obstinément D’où viennent tes racines de dément…Une conclusion simple s’impose résolument ;Tu t’appuies sur du vent… évidemment !

Et la boucle est bouclée, peu importe ses clones,

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Ceux que l’homme a déclenchés avec ses bombes, Comme ses champignons, tachés de tant de tristes tombes…Il continue sa route bordée de doux cyclones…

Vents du nord, rafales d’ouest ou d’orient,Ne soyez pas en reste… soupirez ardemment !Votre père de pensées, Eole, est parti à l’école, Ses amis soufflants lui ont appris, un nouveau protocole…

Du froid du vent du nord, aux vents catabatiques,Des vents ardents du sud, à ceux de l’antarctique,Il apprend de nouvelles versions brûlantes de folies ;Cyclones enlacés, typhons endiablés, terrifiants tsunamis !

La terre les entraîne dans sa rotation perpétuelle !De voies tracées très droites, le vent dévie des siennes,S’enfonçant dans la tourmente de cimes de gratte-ciel, S’enlaçant… dans les pales blanches de femmes éoliennes…

Souffle vent de tempête, de l’amour ou de la guerreQui peut arrêter ta course affolante ?Ta destruction impressionnante ?Sinon l’attente, de ta fin de colère… ».

Ensuite Georges l’envoyait à sa femme par la poste du bateau.« Ce soir j’ai vu une île mais j’ai pas pu t’inviter dessus car

c’était une île de gardien, mais lis, c’est beau, ton absence me trans-cende Maria.

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Chapitre 7 Embarquement. 46

Mon île…

Je te regarde au loin affleurant de rochersBattue de vagues folles par la mer sans arrêtEblouissante et forte au milieu des marées,Etrange et solitaire au cœur de tes attraits…

Une île un peu comme une araignéeQui tisse sa toile de brumes isolées,Dont l’ancre sans fond, cramponnée à la terreAnnonce tant de voiles et d’histoires de mystères

Tu resplendis au loin dans ton coffret d’airain…Lorsque brille ton dieu Râ, qui là-bas te rejoint, Tes barrières de brisants se nacrent en embruns, Reflétant tes couleurs de granits et de bruns…

Je suis un vieux marin perclus de tant d’années,Bien trop souvent passées, sur tes flancs démontésSurveillant, dans ce phare, de tes pierres bâties, Le regard souvent tourné…Vers cette terre… où tu me vois assis… ».

Georges écrivait, écrivait, sombrant dans l’ennui.« Récemment le père curé s’y est mis lui aussi. Seul René pleure

en pensant à ses vaches. Des fois on ne peut pas s’empêcher d’avoir une larme. Ce voyage me fait connaître des trucs Maria tu ne peux pas savoir, j’ai l’impression de sentir mon cerveau gonfler !

Tiens je te donne le texte de François, maintenant on est ami, plus de soutane entre nous…

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47 Life Source Quest. Complotseden

Il continuait à écrire inlassablement !Alors le voilà j’en ai fait une photocopie c’est un peu compliqué

mais c’est beau. Je te cache pas que j’avais jamais vu la vie sous cet aspect :

Carpe diem… La vieVivons le jour !Vivons l’instant !

La vie est une fleur regardant le temps.Elle est un mouchoir de larmes, s’agitant !Il faut l’accueillir et puis la recueillir.

Il faut la cueillir face au néant.L’aimer dans sa brutalité, L’aider dans sa complexité, La cajoler dans sa diversité…

Lorsqu’elle ouvre les yeuxLes brumes se dissipent,Les rêves s’estompent…Les pensées s’effilent en pelote,Puis s’affinent… Les idées défilent…

Les synapses épurent le levant.Les sentiments réveillent Les pensées du couchant, S’habillant du moment…

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Chapitre 7 Embarquement. 48

Le corps s’anime !Fin du sommeillant !Les bras s’étirent dans l’espaceComme les corolles d’une fleur …

L’aurore se défile.Le jour revient,Carpe Diem…

C’est beau même si tu n’en comprends pas la moitié, ici François nous a expliqué. Je te jure que c’est beau. Déjà Carpe diem c’est magique. Bon à demain. »

*« Ah oui, aujourd’hui ton Georges s’est fendu en pensant à toi

ma douce, là-bas au Charroux en train de causer peut être de nous et déclamant nos poèmes, mais celui-ci il sera rien que pour nous deux… Là c’est vraiment ma poésie profonde, tu le sens hein ma mie, tu vois de quoi je parle :

Le vrai cheminTu m’as donné l'amour, je vis auprès de toi…Tu es ma femme, mon amie, ma compagne.Les jours avec toi sont sans peine et sans hargne…

Ce soir dans mon sommeil, Je m'en irai par les chemins bénis de la tendresse

Je briserai le temps qui nous séparerait, J’enfermerai nos instants de folies,

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49 Life Source Quest. Complotseden

Dans l’espace clos de la mélancolie,

Je pénétrerai dans l’iris de tes yeux,Pour y cueillir les instants merveilleux… Je caresserai nos pensées insondables,J’enfoncerai, mes vœux dans les sillons du sable,Longuement labouré de nos folles ivresses.Je m’effondrerai, grisé d’un bonheur ineffable Sur les braises ardentes de nos tendres caresses…

J’écouterai les cieux, empreints de tes longs spasmes Accompagnant mes cris, délirants de fantasmes…Je m’apaiserai enfin sur les bords du rivageConduisant calmement à la fin de nos âges…

Tout ceci est rêverie, images et chimères,Notre vie fut très sage, parsemée de misèresBordée de la présence douce de nos tendres enfantsEt de ces songes insensés de mes pensées d’amant…

Ce soir dans mon sommeil, Je m'en irai par les vrais chemins bénis… de la tendresse… ».

« Bon aujourd’hui on arrive à Hai Phong paraît-il avant 18 h, je te laisse, car il va falloir tout rassembler et c’est là que commence l’aventure. Salut ma Maria ! Je suis totalement excité de voir tout ça.

Encore un avant de débarquer ! Là le curé a fait très fort, mais, celle-là parce qu’on commençait à franchement s’ennuyer !

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Chapitre 7 Embarquement. 50

« Mélancolie.Instant de tristesse, Moment de solitude,Une larme traîtresse Coule sur ma quiétude…

Étrangère à ce monde, Incomprise de tousUnivers inconnu,Voilà, j'y suis perdu…

Je plonge et me meurs Là où les fées m'effleurent,Là où vibrent les fleursEt où sèchent mes pleurs…

Hors de moi, incertitudes !Loin de moi, inquiétudes !Quelques jours dans la vieTu m’envahis… mélancolie... ».