un plan décennal (2001-2010) en faveur de l’emploi...

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Éducation & formations – n° 63 – avril-juin 2002 73 Projection du système éducatif à 10 ans Personnels Un plan décennal (2001-2010) en faveur de l’emploi scientifique è Le plan décennal en faveur de l’emploi scientifique constitue une première dans l’administration française. Il s’appuie notamment sur le constat de départs en retraite nombreux et en augmentation, sur la nécessité de renforcer les champs disciplinaires prioritaires (sciences du vivant, sciences et technologies de l’information et de la communication, environnement), tout en dégageant une capacité de réaction suffisante face aux évolutions de la science, et sur la volonté de renforcer la recherche publique. Intégrant la complémentarité entre l’enseignement supérieur et la recherche, il prévoit des créations d’emplois liées à des redéploiements, afin de soutenir les priorités scientifiques, tout en maintenant le potentiel de l’ensemble des disciplines, et en leur assurant un taux annuel moyen de renouvellement de leurs personnels supérieur à 4 %. L e plan décennal en faveur de l’emploi scientifique, présenté par Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, ministre de la Recherche, au conseil des ministres du 24 octobre 2001, est un outil de gestion prévisionnelle et pluriannuelle indispen- sable à la modernisation de l’État. Avec ce plan, le mi nistère de la Recherche met en œuvre une politique nationale de programmation de l’emploi scientifique pour les dix années à venir, qui est une première pour l’ensemble des administrations et des services publics, et pour le monde de la recherche plus particulièrement. Elle s’impose à plus d’un titre : – d’une part, la décennie 2001 à 2010 sera décisive pour la recherche avec une forte augmentation des départs à la retraite, offrant une opportunité historique pour rajeunir la recherche, renforcer les champs disciplinaires prioritaires et soutenir les thématiques nouvelles, renforcer la recherche publique et favoriser la mobilité des personnels ; – d’autre part, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est, comme le souligne le rapport C OHEN-L E DÉAUT remis au Premier ministre en juillet 1999, en parfaite adéquation avec le sec teur de la recherche. En effet, ce n’est pas en un an qu’on modernise l’appareil de recherche, compte tenu de la durée de formation des cher- cheurs, et c’est dès aujourd’hui qu’il faut se préoccuper des recrutements de demain. Ce plan conditionne ainsi pour une large part les capacités d’innovation de la France dans les prochai - nes années (voir l’encadré « la population intéressée par le plan » page suivante). Bernard DORMY, Directeur de projet aux ministères de l’Éducation nationale et de la Recherche

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Éducation & formations – n° 63 – avril-juin 2002 73

Projection du système éducatif à 10 ansPersonnels

Un plan décennal(2001-2010)

en faveur de l’emploiscientifique

� Le plan décennal en faveur de l’emploiscientifique constitue une première dansl’administration française. Il s’appuienotamment sur le constat de départs enretraite nombreux et en augmentation, surla nécessité de renforcer les champsdisciplinaires prioritaires (sciences duvivant, sciences et technologies del’information et de la communication,environnement), tout en dégageant unecapacité de réaction suffisante face auxévolutions de la science, et sur la volontéde renforcer la recherche publique.Intégrant la complémentarité entrel’enseignement supérieur et la recherche,il prévoit des créations d’emplois liées àdes redéploiements, afin de soutenir lespriorités scientifiques, tout en maintenantle potentiel de l’ensemble des disciplines,et en leur assurant un taux annuel moyende renouvellement de leurs personnelssupérieur à 4 %.

Le plan décennal en faveur de l’emploiscientifique, présenté par Roger-GérardSCHWARTZENBERG, ministre de la Recherche, au

conseil des ministres du 24 octobre 2001, est un outilde gestion prévisionnelle et pluriannuelle indispen-sable à la modernisation de l’État. Avec ce plan, leministère de la Recherche met en œuvre une politiquenationale de programmation de l’emploi scientifiquepour les dix années à venir, qui est une premièrepour l’ensemble des administrations et des servicespublics, et pour le monde de la recherche plusparticulièrement.

Elle s’impose à plus d’un titre :– d’une part, la décennie 2001 à 2010 sera décisivepour la recherche avec une forte augmentationdes départs à la retraite, offrant une opportunitéhistorique pour rajeunir la recherche, renforcerles champs disciplinaires prioritaires et soutenirles thématiques nouvelles, renforcer la recherchepublique et favoriser la mobilité des personnels ;– d’autre part, la gestion prévisionnelle des emploiset des compétences est, comme le souligne lerapport COHEN-LE DÉAUT remis au Premier ministreen juillet 1999, en parfaite adéquation avec lesec teur de la recherche. En effet, ce n’est pas en unan qu’on modernise l’appareil de recherche,compte tenu de la durée de formation des cher-cheurs, et c’est dès aujourd’hui qu’il faut sepréoccuper des recrutements de demain.

Ce plan conditionne ainsi pour une large part lescapacités d’innovation de la France dans les prochai-nes années (voir l’encadré « la population intéresséepar le plan » page suivante).Bernard DORMY,

Directeur de projetaux ministères de l’Éducation nationale

et de la Recherche

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� UNE PROJECTION SUR 10 ANS :POURQUOI ?

Devant le nombre important des départs à la retraiteprévus dans les 10 prochaines années, le ministre dela Recherche a décidé d’anticiper le renouvellementde ces personnels. Des recrutements nombreux sontprogrammés pour accueillir des jeunes chercheurs,garantir la qualité des recrutements, développer lesrecherches dans les thématiques prioritaires et ren-forcer la recherche publique.

Remplacer 40 % des personnelsde recherche d’ici à 2010

31 % des enseignants-chercheurs, 27 % deschercheurs, 38 % des personnels d’accompagne-ment (ingénieurs, techniciens) vont prendre leurretraite dans les dix prochaines années. Si on ajouteaux retraites les autres causes de départs, c’est prèsde 40 % de la population scientifique actuelle quidoit être renouvelée d’ici à 2010. Cette proportion atteint50 % en physique, en chimie et en sciences de l’univers.Elle n’est, en revanche, que de 30 % en informatique

THÈM

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74 Éducation & formations – n° 63 – avril-juin 2002

Les données concernent l’emploi scientifique en 2000, année de référence avant le début du plan pluriannuel

2001-2010.

• Les emplois de chercheurs titulaires (chargés ou directeurs de recherche) dans les établissements publics de

recherche scientifique et technologique (EPST) étaient au nombre de 17 357 en 2000. Les chercheurs conduisent

leurs recherches, soit au sein de laboratoires propres à ces établissements, soit dans des laboratoires mixtes que

ceux-ci partagent avec les universités (c’est, par exemple, le cas pour plus de 80 % des chercheurs du CNRS).

• Les emplois d’enseignants-chercheurs titulaires (professeurs, maîtres de conférence et personnels assimilés) sont

au nombre de 51 749 en 2000. Les enseignants-chercheurs ont une double fonction d’enseignement et de recherche.

Leur activité de recherche se développe au sein d’équipes purement universitaires ou, le plus souvent, dans des équi-pes mixtes avec les établissements de recherche.

• Les ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA) sont des personnels d’accompagnement de la recherche, indis-pensables au bon fonctionnement des laboratoires. Ils sont en 2000 au nombre de 24 846 hors LCPC (le statut des

ITA de cet organisme, qui sont originaires des corps de l’équipement, explique qu’ils n’ont pu à ce stade être intégrésdans l’exercice de gestion prévisionnelle). Ils sont affectés dans les mêmes laboratoires et équipes de recherche

que les chercheurs. Quelque 3 000 ITA des corps propres à l’enseignement supérieur participent, en outre, à l’accom-

pagnement des recherches dans les équipes purement universitaires ou dans les équipes mixtes entre universités etorganismes de recherche.

• Les cadres des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) qui exercent des fonctions de

recherche sont au nombre de 10 000. Les organismes intéressés sont, par exemple, le Commissariat à l’énergieatomique (CEA), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), le Bureau de recherches

géologiques et minières (BRGM) ou le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le dévelop-pement (CIRAD).

Le plan ne porte pas à ce stade sur les chercheurs-cadres des EPIC pour deux raisons essentielles. La première estd’ordre démographique. L’analyse conduite sur les cadres (chercheurs) des EPIC montre une situation très différente

de celle de la population étudiée par ailleurs. Il s’agit, en effet, d’une population plus jeune, dont le recrutement a été

plus régulièrement étalé dans le temps. En conséquence, les taux de départ sur la période 2001-2010 ne sont quede 24,7 %, contre 29,6 % pour les chercheurs des EPST. La relative faiblesse de l’effet démographique et surtout

l’absence de « coups d’accordéon » dans les recrutements n’impose donc pas de mettre en place une structure d’anti-cipation des départs à la retraite, ceux-ci étant naturellement lissés dans le temps.

La seconde raison est d’ordre scientifique. En dehors de quelques établissements spécialisés, le principal EPIC pluri-disciplinaire où se pose une question de redéploiements et de stratégie scientifique est le CEA. Celui-ci venant d’enga-ger, conformément au contrat quadriennal conclu avec ses tutelles, une réorganisation de sa recherche fondamentale

et appliquée autour de quatre axes majeurs, il n’est pas souhaitable d’interférer avec cette stratégie, d’autant plusqu’elle est conforme aux orientations scientifiques du gouvernement (environnement, sciences du vivant et sciences

et technologies de l’information et de la communication, notamment). Le CEA prévoit ainsi au cours de son contrat

(2001-2004) de faire passer la part de ses activités de recherche consacrées à l’énergie nucléaire de 56 % à 51 %,la part de celles consacrées à l’innovation industrielle (sciences et technologies de l’information et de la communication,

technologies de l’énergie et des matériaux) de 12 % à 16 %, la part de celles consacrées à la recherche fondamentale

(notamment sur l’énergie et l’environnement) de 26 % à 27 %.

La population intéressée par le plan

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compte tenu du caractère récent desrecrutements dans cette discipline.

Anticiper dès aujourd’hui la montéeen puissance de ces départs à la retraite,qui atteindront un maximum à partir de2005, est indispensable pour garantir,chaque année, aux jeunes docteurs unnombre constant d’emplois dans larecherche publique et éviter des « coupsd’accordéon » dans la politique de re-crutement. Cette anticipation permettrad’obtenir une plus grande adéquationentre les profils recherchés et les candi-dats et conduira à des recrutements dequalité (graphiques 1, 2 et 3).

Préparer l’avenirpour les jeunes docteurs

Compte tenu de la longueur desétudes pour devenir chercheur, c’est dèsmaintenant qu’il faut se préoccuper desrecrutements pour les années à venir.Nous disposons aujourd'hui d’un vivierimportant de jeunes docteurs (4 000environ), dont une grande partiesouhaite s’insérer dans la recherchepublique sans en avoir actuellementla possibilité, faute de débouchés suffi-sants. Un certain nombre d’entre eux,en mobilité à l’étranger, risquent,à terme, d’être conduits à s’expatrierdéfinitivement. C’est une occasionunique de rajeunir la recherche fran-çaise, dont l’âge moyen n’a cesséd’augmenter depuis dix ans et dépasseaujourd’hui 46 ans.

Ce plan de gestion prévisionnelles’impose également pour attirer davan-tage les étudiants vers les métiers dela recherche, en leur offrant des pers-pectives claires de recrutement dansles organismes publics. Plusieurs élé-ments se conjuguent, en effet, pourque le vivier susceptible de renouvelerles chercheurs et les enseignants-chercheurs se réduise à terme (stagna-tion du nombre des étudiants, et relatifdésintérêt dont souffrent certaines dis-ciplines scientifiques). Une meilleurevisibilité sur les postes disponibles estun élément essentiel pour attirer lesétudiants vers la recherche.

THÈM

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Éducation & formations – n° 63 – avril-juin 2002 75

3,3 3,53,7

4,1 4,0 3,94,3 4,4 4,4

4,0

3,0 3,2 3,33,6 3,7 3,8

4,1 4,3 4,2 4,0

5,2 5,2 5,25,5 5,6

6,0 6,1 6,3 6,2 6,2

3,0

4,0

5,0

6,0

%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

ChercheursEnseignants-chercheurs

ITA

GRAPHIQUE 1 – Les départs des enseignants-chercheurs,des checheurs et des ITA (en % des effectifs)

47,6

46,1

45,1

43,5

41,2

40,3

37,2

37,0

32,9

31,1

29,8

22,0

28,2

29,7

0 10 20 30 40 50 %

Physique

Sciences de l’Univers

Chimie

Sciences de l'éducation

Sc. humaines et sociales

Sciences du vivant

Maths

Médecine

Psychologie

SPI hors STIC*

Droit

Sciences économiques

STIC*

STAPS*

GRAPHIQUE 2 – Les départs totaux 2001-2010 des chercheurs etenseignants-chercheurs par grande discipline (en % des effectifs)

* STAPS : sciences et techniques des activités physiques et sportives* STIC : sciences et technologies de l’information et de la communication* SPI : sciences pour l’ingénieur

84,8

69,6

69,5

57,7

56,3

55,3

53,3

52,7

0 20 40 60 80 100 %

Sciences humaineset sociales

Documentation, édition,communication

Sciences chimiques etsciences des matériaux

Sciences de l'ingénieur etinstrumentation scientifique

Patrimoine, logistique,prévention

Informatique etcalcul scientifique

Sciences du vivant

Gestion scientifiqueet technique

GRAPHIQUE 3 – Des départs particulièrement importantspour les ITA (2001-2010) (en % des effectifs)

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Renforcer les champs disciplinairesprioritaires

Les départs à la retraite constituent une opportunitéhistorique pour la recherche française en permettant desredéploiements significatifs entre disciplines. Il ne s’agitpas de renouveler à l’identique le potentiel de recherchemais, au contraire, grâce à une programmation plurian-nuelle, de renforcer les champs disciplinaires.

Pour les trois années à venir le Gouvernement aretenu les champs disciplinaires suivants :– les sciences du vivant, qui représentent à l’heureactuelle un peu moins de 30 % des effectifs de larecherche publique, universités et organismes derecherche confondus. Or ce domaine de rechercheest soumis depuis quelques années à une révolutionscientifique majeure qui le fait changer d’échelle :la révolution du génome ;– les sciences et technologies de l’information et de lacommunication, qui représentent aujourd’hui 10 %seulement des effectifs de la recherche publique,alors même que leur apport est décisif dans de nom-breux domaines de recherche et qu’elles contribuentdésormais de façon essentielle à la croissance del’économie ;– l’environnement enfin, qui constitue un sujet majeurpour l’avenir de nos sociétés et implique de multiplesdisciplines : sciences naturelles, sciences physiques etchimiques, études des risques naturels et industriels,recherches sur l’énergie, climatologie...

Ces priorités scientifiques devront naturellementêtre réévaluées dans trois ans. La prise en compte desévolutions de la recherche et de la demande sociétaleconduira à renforcer tout ou partie des priorités dumoment.

Soutenir les disciplines émergenteset dégager une capacité de réaction

suffisante face aux évolutionsde la science

Il convient également de se donner les moyens desoutenir à long terme le développement de thématiquesémergentes. Dans un monde qui évolue très vite, ces thé-matiques nouvelles peuvent être portées par l’apparitionde problèmes de société auxquels la recherche doit ap-porter sa part de réponses. Le plan « prions » adoptél’année dernière par le Gouvernement va dans ce sens.Ces thématiques peuvent aussi naître de l’évolution desrecherches elles-mêmes, évolution qui, à moyen terme,est largement imprévisible.

Bien des découvertes apparaissent, en effet, là où onne les attend pas, et des champs nouveaux du savoirémergent aux frontières des disciplines traditionnelles,sans que l’on puisse les prévoir aujourd’hui.

Renforcer la recherche publique

Les statistiques de l’OCDE montre que notre paysest assez bien placé en ce qui concerne le nombre dechercheurs par rapport à la population active : 6,1 ‰contre 8,1 ‰ aux États-Unis et 9,7 ‰ au Japon.

En revanche, d’après les statistiques de la Commis-sion européenne, l’évolution de l’emploi scientifique deces dernières années est moins satisfaisante ; la progres-sion annuelle moyenne du nombre total de chercheursest seulement de 1,2 % en France de 1995 à 1999, contre2,7 % au Royaume-Uni, 4,6 % en Suède et aux Pays-Bas,et 6,2 % aux États-Unis. Certes, la proportion d’emploispublics en France est plus importante que dans les autrespays. Mais la faible performance de notre pays depuisquelques années s’explique en grande partie par ladiminution importante des effectifs des organismesde recherche entre 1993 et 1997.

Des créations d’emplois importantes avaient été déci-dées surtout pour le budget 2001 et dans le projet de budget2002. Il importait de poursuivre cet effort sur la duréepar la mise en œuvre d’un plan ambitieux sur 10 ans.

� UNE STRATÉGIE SCIENTIFIQUEPOUR L’EMPLOI : COMMENT ?

La mise en œuvre d’une programmation de l’emploiscientifique sur 10 ans implique de prendre encompte plusieurs paramètres.

La complémentaritéentre l’enseignement supérieur

et la recherche

Le renforcement du potentiel de recherche doit s’ap-puyer sur les établissements d’enseignement supérieuret les organismes de recherche, en tenant compte desspécificités et des atouts de chacun des deux systèmes.

Les disciplines sont inégalement réparties entre lesuniversités et les organismes de recherche. Les scienceshumaines et sociales, les mathématiques ou encore laphysique et la chimie sont plus présentes dans les univer-sités que dans les organismes de recherche. À l’inverse,les sciences du vivant ou les sciences de l’univers,dont l’environnement, sont mieux représentées dans lesorganismes de recherche. Cette répartition des différen-tes disciplines résulte le plus souvent de l’histoire. Toute-fois, il importe de tenir compte des atouts respectifs desdeux institutions dans la répartition des emplois entreles différents secteurs.

Par ailleurs, il existe des missions propres à chaqueinstitution. À la différence des organismes de recherche,les universités ont une double mission de formation et

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Profil couleur : DØsactivØComposite 200 lpp 45 degrØs

de recherche. Cette double vocation induit des consé-quences quant à l’accroissement de leur potentiel de re-cherche. La création de postes d’enseignants-chercheursdoit en effet répondre à une demande en matière de for-mation et pas seulement en matière de recherche : il estainsi difficile de renforcer de façon massive dans les uni-versités des disciplines scientifiques où la demande étu-diante ne progresse pas, comme les sciences du vivant.

Enfin l’autonomie des universités fait que lesstratégies de recrutement disciplinaire des enseignants-chercheurs relèvent plus de la responsabilité des uni-versités que de l’administration centrale de l’Éducationnationale. Il est donc nécessaire de renforcer la contrac-tualisation afin de décliner les orientations nationalesdans la politique menée par chaque établissement. Celapermettra de mieux utiliser le potentiel des disciplinesoù les universités sont très présentes, comme c’est le caspour la physique, pour la chimie, ou encore pour lessciences humaines et sociales.

La mise en place d’une stratégie scientifique doit,par conséquent, jouer sur ces spécificités. Ainsi, les nom-breuses créations d’emplois en sciences humaines etsociales dans les universités justifient davantage l’ouver-ture de postes d’accueil dans les établissements derecherche que la création d’emplois de chercheurs.À l’inverse, le renforcement des sciences du vivant rendnécessaires des créations importantes d’emplois de cher-cheurs, compte tenu des limites à la création d’emploisd’enseignants-chercheurs dans les universités. Ces limi-tes sont liées à la stagnation du nombre d’étudiants dansles sciences du vivant et au fait que cette discipline béné-ficie d’un taux d’encadrement satisfaisant.

La mobilité des personnelsde recherche

La mobilité offre aux personnels de la recherchel’occasion de diversifier leurs activités et d’enrichir leurscompétences. Elle permet aux établissements de diversi-fier leurs sources de recrutement et de mettre en œuvreune meilleure gestion des ressources humaines, grâce àune articulation harmonieuse des carrières des cher-cheurs et des enseignants-chercheurs. Enfin, la mobilitépermet de développer l’interdisciplinarité en accélérantle transfert des connaissances.

Des créations d’emplois couplées àdes redéploiements pour des priorités

régulièrement redéfinies

Face à l’accroissement des départs à la retraite de cesdix prochaines années, une gestion active de « lissage »des recrutements s’impose pour garantir un taux cons-tant de recrutement. Cela se traduit par des créationsd’emplois de 2001 à 2004 afin d’avoir un taux de

recrutement supérieur aux départs à la retraite. Celase traduit ensuite par la suppression d’une partie desemplois de 2006 à 2010 lorsque les taux de départ à laretraite seront supérieurs au taux de recrutementnécessaire.

La programmation de l’emploi scientifique prévoittoutefois que les créations d’emplois effectuées entre2001 et 2004 seront très nettement supérieures auxsuppressions d’emplois effectuées entre 2006 et 2010.Cela signifie que les effectifs dans les organismes derecherche seront au terme du plan, en 2010, largementsupérieurs à ceux de 2001.

En plus de ces créations d’emplois, des redéploie-ments significatifs interviendront afin de renforcerles champs disciplinaires prioritaires et les nouvellesthématiques émergentes. Les établissements d’enseigne-ment supérieur et de recherche ont, depuis quelquesannées, commencé à effectuer des redéploiements àpartir des départs à la retraite. Ce plan est l’occasionde poursuivre ce mouvement et de lui donner unenouvelle dynamique, en l’inscrivant dans un cadrepluriannuel.

� QUELLE PROGRAMMATIONDE L’EMPLOI SCIENTIFIQUE ?

1 000 créations nettes d’emploisdans les organismes de recherche

de 2001 à 2004, hors emploisdestinés à résorber la précarité

Ces 1 000 créations sont constituées par 500 emploisde chercheurs et 500 emplois d’ingénieurs et de techni-ciens, auxquelles s’ajoutent les créations d’emploisdestinées à titulariser les agents de statut précaire.Les créations d’emplois des budgets 2001 et 2002 serontainsi complétées par 500 créations d’emplois de cher-cheurs et d’ingénieurs en 2003 et en 2004. À ces1 000 créations d’emplois s’ajoutent les créationsd’emplois d’enseignants-chercheurs prévues par leplan triennal (2001-2003) du ministre de l’Éducationnationale.

Entre 2001 et 2005, ces 1 000 créations d’emploispermettront d’assurer l’anticipation des départs à laretraite et le lissage des recrutements au sein desorganismes de recherche en autorisant un taux derenouvellement supérieur à 4 %.

Entre 2006 et 2010, période où les taux de départ à laretraite seront les plus élevés, une faible partie seulementdes emplois créés sera rendue. Ces suppressions d’em-plois partielles, égales à 200 postes au sein des organis-mes de recherche, garantiront ainsi un taux derenouvellement supérieur à 4 %.

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En 2010, in fine, le plan auraconduit à titre définitif à la création de800 emplois supplémentaires dansles organismes de recherche, sans comp-ter les emplois destinés à la résorptionde l’emploi précaire (graphiques 4,5 et 6).

Soutenir les champsdisciplinaires prioritaires

De 2001 à 2010, 20 % des posteslibérés par les départs à la retraite serontdédiés aux redéploiements interdisci-plinaires. De 2001 à 2004, ces redéploie-ments représenteront plus de 200 postesde chercheurs, qui s’ajouteront aux 500créations d’emplois de chercheurs.

L’ensemble de ces postes béné -ficie ra aux thématiques prioritairessuivantes :– les sciences du vivant, avec la créa-tion de 400 postes de chercheurs sup-plémentaires. Compte tenu des créa-tions d’emplois qui serontprobablement effectuées par les éta-blissements d’enseignement supé-rieur, le renforcement du potentiel derecherche dans ce domaine devraits’élever à plus de 600 postes, soit uneaugmentation de 5 % des effectifs ;– les sciences et technologies de l’in-formation et de la communication,avec la création de 275 postes de cher-cheurs. Compte tenu des créationsd’emplois probables dans l’enseigne-ment supérieur, cela devrait porter àprès de 600 le renforcement des effec-tifs, soit une augmentation de 10 % ;– l’environnement, où 100 postessupplémentaires de chercheurs se-ront redistribués selon un fléchageau sein des différentes disciplinesconcernées.

Au-delà de 2004, il conviendra deprocéder au réexamen, voire à la redéfi-nition des choix des champs disciplinaires. En effet,au-delà des champs disciplinaires prioritaires, il est in-dispensable que la recherche publique ait les moyensde soutenir aussi de 2001 à 2010 les thématiques émer-gentes, qui constitueront peut-être les champs disci -plinaires prioritaires de demain. À cet effet, 10 %des départs en retraite à l’intérieur de chaque grandediscipline seront réservés au soutien des thématiquesémergentes sur toute la durée du plan.

Maintenir le potentiel de recherchepour l’ensemble des disciplines

Le plan de gestion permet, grâce à une bonne com-plémentarité entre l’enseignement supérieur et la re-cherche, de maintenir, voire de renforcer, le potentiel derecherche dans l’ensemble des disciplines. En effet, si lescréations d’emplois et les redéploiements sont dans lesorganismes de recherche ciblés sur les sciences du vivant

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4.a – Chercheurs

4.b – ITA

4.c – Total

1995 97 99 01 03 05 07 0996 98 2000 02 04 06 08 10

1995 97 99 01 03 05 07 0996 98 2000 02 04 06 08 10

1995 97 99 01 03 05 07 0996 98 2000 02 04 06 08 10

17 790

16 726 16 726

16 703

17 101

17 328

17 357

17 51617 620

17 76017 890

17 890

17 890

17 865

17 840 17 790

26 795

26 538

26 027

26 221

26 705 26 69326 793

27 15227 252

27 352 27 352

27 352

27 332

27 272

27 252

27 252

43 52143 264

42 730

43 322

44 03344 050

44 309

44 77245 012

45 242 45 242 45 242

45 197

45 112

45 042

45 042

GRAPHIQUE 4 – Le renforcement du nombre d'emploisde chercheurs et d'ITA

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Profil couleur : DØsactivØComposite 200 lpp 45 degrØs

et les sciences et technologies de l’information etde la communication, les créations d’emploisdans l’enseignement supérieur concernent da-vantage, d’après les tendances observées, lessciences humaines et sociales, le droit, l’éco-nomie ou les sciences pour l’ingénieur.

Globalement, c’est-à-dire pour l’ensembledu système d’enseignement supérieur et derecherche, et quelles que soient les projectionsréalisées, non seulement aucune discipline neperdra d’emplois d’ici à 2004 mais toutes bénéfi-cieront de taux de renouvellement compris entre4 % et 5 %. Il en ira de même de 2006 à 2010,même si les projections devront être affinées aucours du temps en fonction des évolutions de lascience (graphique 7).

Renforcer la mobilité

Ce plan décennal met aussi en œuvre unepolitique ambitieuse de mobilité des personnels derecherche. Cette mobilité est toujours profitable àses bénéficiaires, car elle leur donne l’opportunité

de diversifier leurs activités et donc d’enrichirleurs compétences au cours de leur carrière.La mobilité est aussi profitable aux établisse-ments, qu’ils soient établissements de re-cherche ou établissements d’enseignementsupérieur. Elle leur permet de mieux gérer lerenouvellement des compétences, en diversi-fiant les sources de recrutement. Elle leurfournit un cadre pour une meilleure gestiondes ressources humaines, au travers d’unemeilleure articulation des carrières des cher-cheurs et des enseignants-chercheurs, notam-ment au sein des Unités mixtes de recherche.

Enfin, la mobilité permet à l’État demieux atteindre certains objectifs de sapolitique de recherche, en développant l’in-terdisciplinarité et en accélérant le transfertdes connaissances. Elle constitue pour lui,comme pour les établissements, un outil degestion dynamique des pyramides des âges, enpermettant un renouvellement régulier d’unepartie du personnel.

Parallèlement à l’augmentation de lacapacité d’accueil des chercheurs dans lesuniversités, ce plan décennal comporte le dou-blement, d’ici à 2004, du nombre de postes ré-servés à l’accueil des enseignants-chercheursdans les organismes de recherche. Cela repré-sente une importante accélération d’un mou-vement amorcé depuis quelques années.

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Éducation & formations – n° 63 – avril-juin 2002 79

3,33,5

3,74,1 4,0 3,9

4,3 4,4 4,44,04,0 4,0

4,54,8

4,0 3,9

4,3 4,2 4,24,0

3,0

4,0

5,0

%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Taux de renouvellement chercheurs avant le plan

Taux de renouvellement chercheurs après le plan

GRAPHIQUE 5 – Les effets du plan : garantir aux jeunes docteursun nombre constant d'emplois dans la recherche publique

5,2 5,2 5,25,5 5,6

6,06,2

5,9 6,1 6,1

6,16,3 6,2

5,7 5,85,6

5,95,6

6,06,2

4,0

5,0

6,0

%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Taux de renouvellement des ITA avant le plan

Taux de renouvellement des ITA après le plan

GRAPHIQUE 6 – Les effets du plan sur le recrutement des ITA

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

Emploi global 2000 Emploi global 2005

Droit

Scienc

es

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GRAPHIQUE 7 – Un potentiel de recherche maintenuvoire augmenté dans toutes les disciplines scientifiques

E:\Donnees\2002\E&F Projections\E&FProjections.vplundi 29 avril 2002 12:10:35

Profil couleur : DØsactivØComposite 200 lpp 45 degrØs

Associer la communautéscientifique

Le plan fixe le cadre d’une grande ambition natio-nale pour la recherche. Sa réussite nécessitera de conti-nuer l’analyse encore plus en profondeur, pour affiner etenrichir cet exercice, en impliquant la communautéscientifique par une large consultation.

En particulier, la répartition des redéploiementsinterdisciplinaires dans le respect du volume globalfixé, et la définition de priorités encore plus précisesau sein des grandes disciplines afin de soutenir les thé-matiques émergentes devront être déclinées au sein dechaque établissement de recherche (notamment avec lesconseils scientifiques des établissements), et s’appuie-ront sur une consultation de la communauté scienti-fique à travers ses diverses instances représentatives.

La déclinaison du plan au niveau de l’enseignementsupérieur devra notamment associer étroitement laConférence des présidents d’université. De même, leConseil supérieur de la recherche et de la technologie(CSRT) participera à l’examen et au suivi de ce plandécennal pour la recherche. Le Conseil national de lascience sera également consulté.

À partir de ce sujet très concret – les recrutementset les redéploiements dans la recherche publique –,la consultation sur ce plan permettra d’ouvrir dans lacommunauté scientifique un grand débat sur lespriorités de recherche pour les dix ans à venir et dedéfinir une stratégie scientifique pour la période2001-2010, en dotant la recherche publique de moyensaccrus, pour lui donner un nouvel élan.�

THÈM

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80 Éducation & formations – n° 63 – avril-juin 2002

Le plan prévisionnel et pluriannuel s’appuie sur des données relatives à la démographie des personnels considérés,

collectées et établies par l’Observatoire des sciences et des techniques et par la Direction de la programmation et dudéveloppement. Ces données ont permis de construire des projections de départs sur la période du plan :

– départs définitifs de personnes âgées d’au moins 60 ans. L’estimation de leur volume résulte de constats sur

les âges effectifs de départ en retraite des diverses populations intéressées, et d’hypothèses sur leur évolution ;– autres départs (avant 60 ans), correspondant à une mobilité, dont le volume est par nature plus difficile à prévoir

avec précision ;

– départs totaux enfin, qui sont la somme des deux données précédentes.

Les projections de départs ont été réalisées par corps (enseignants-chercheurs, chercheurs, ITA), par disciplines(enseignants–chercheurs et chercheurs) ou par métiers (ITA), ainsi que par organisme (chacun des EPST).

À partir des objectifs de politique scientifique, de leurs conséquences en termes de volumes d’emplois à atteindre

dans les champs disciplinaires prioritaires à l’issue du plan, et de la nécessité de procéder à un lissage des recrute-

ments, l’utilisation de la méthode des scénarios a permis de conduire des analyses éclairant les choix à effectuer parle Gouvernement.

Pour prendre l’exemple des chercheurs et enseignants-chercheurs, on a construit à cet effet :

– 3 hypothèses d’évolution disciplinaire des emplois de chercheurs, avec divers degrés de renforcement du poids

des disciplines prioritaires, celui-ci étant obtenu au moyen d’une combinaison de créations d’emplois et deredéploiements ;

– 7 hypothèses d’évolution disciplinaire des emplois d’enseignants-chercheurs. Trois d’entre elles sont des hypothè-

ses extrêmes (poursuite des pratiques observées ces dernières années, priorité à la seule pédagogie, ou à la seulerecherche), les quatre autres (parmi lesquelles figure le scénario-cible retenu) recherchent au travers de diverses

pondérations un équilibre entre les priorités pédagogiques et celles de recherche.

Ces hypothèses ont été combinées sous forme de 8 scénarios concernant l’emploi scientifique dans sa globalité,

eux-mêmes déclinés à plusieurs niveaux de créations nettes d’emplois à l’issue du plan.

Les effets des scénarios ainsi établis ont été étudiés tant en ce qui concerne les taux de renouvellement de chaque dis-cipline (mesurés à partir des départs globaux prévus, et du solde des créations et redéploiements d’emplois envisa-gés), que l’évolution du volume des emplois de chaque organisme. On s’est en outre assuré que l’évolution prévisibledes viviers (mesurée notamment à partir des inscrits sur les listes de qualification, du nombre de candidat par emploi

dans les concours, et de celle des diplômés de DEA et de thèse) était compatible avec les recrutements envisagés pen-dant la durée du plan.

Sources et méthodes

E:\Donnees\2002\E&F Projections\E&FProjections.vplundi 29 avril 2002 12:10:35

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