un monde analogique

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Paul Louis Rossi Un monde analogique Éric Fonteneau éditions joca seria Bibliothèque municipale de Nantes

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Paul Louis Rossi Éric Fonteneau

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Paul Louis Rossi

Un monde analogiqueÉric Fonteneau

éditions joca seriaBibliothèque municipale de NantesPa

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Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit ettravaille à Nantes. Passionné de dessin,de scénographie et de géographie il ex-périmente de nombreuses techniquesde visualisation dans les espaces d’artoù il expose depuis la fin des années1980. Éric Fonteneau travaille aussiavec des techniciens et architectes pourla réalisation d’œuvres dans l’espacepublic, dans l’architecture et dans la

nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’inviteà réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq.Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et auMusée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts deNantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, ilréside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Fran-cisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerieAchim Moeller de New York et Berlin.Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Muséedu Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq  Bi-bliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï.Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula An-glim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique.Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre GeorgesPompidou. Paris (2003) ; «  Parcours de Jean SébastienBach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On amarché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tan-lay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York(2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Modernede Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de laVille de Nantes ».Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et mu-sées en Europe et aux États-Unis.

Paul Louis Rossi est né un jour de no-vembre à Nantes. « Ma mère était bre-tonne et mes grands-parents LeQueffelec parlaient encore le breton dela Cornouaille. Mon père était italien,de la région de Venise. Il sera exécutépar les Allemands en 1943, à Tübin-gen. J'avais une dizaine d'années. J'aipublié un petit livre intitulé Liturgiepour la Nuit, en 1958, durant la Guerre

d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais de-venir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dansJazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de ci-néma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à RobertBresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux LettresFrançaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye.Mes premiers récits ont été publiés par Paul Otchakovsky-Laurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chezJulliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythmeraisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mesécrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flamma-rion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, cequi me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans –où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre,dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial,voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques,au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »

Un monde analogique

Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de« l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno),Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Biblio-thèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire donde ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui étaitconsacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait àla spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde.Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée,recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirigeavec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autrevision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette or-donnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, unefois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction –qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dansle sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démonsde l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa com-pagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma,musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Cha-misso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-MichelMeurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le mu-sicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina desindiens Hopi photographiées par Aby Warburg.

Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours misen espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau,« comme pour en déduire une leçon esthétique originale ».

9 782848 0920589 79 7ISBN 978-2-84809-205-8

30 €

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Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit ettravaille à Nantes. Passionné de dessin,de scénographie et de géographie il ex-périmente de nombreuses techniquesde visualisation dans les espaces d’artoù il expose depuis la fin des années1980. Éric Fonteneau travaille aussiavec des techniciens et architectes pourla réalisation d’œuvres dans l’espacepublic, dans l’architecture et dans la

nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’inviteà réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq.Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et auMusée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts deNantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, ilréside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Fran-cisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerieAchim Moeller de New York et Berlin.Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Muséedu Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq  Bi-bliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï.Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula An-glim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique.Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre GeorgesPompidou. Paris (2003) ; «  Parcours de Jean SébastienBach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On amarché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tan-lay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York(2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Modernede Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de laVille de Nantes ».Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et mu-sées en Europe et aux États-Unis.

Paul Louis Rossi est né un jour de no-vembre à Nantes. « Ma mère était bre-tonne et mes grands-parents LeQueffelec parlaient encore le breton dela Cornouaille. Mon père était italien,de la région de Venise. Il sera exécutépar les Allemands en 1943, à Tübin-gen. J'avais une dizaine d'années. J'aipublié un petit livre intitulé Liturgiepour la Nuit, en 1958, durant la Guerre

d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais de-venir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dansJazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de ci-néma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à RobertBresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux LettresFrançaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye.Mes premiers récits ont été publiés par Paul Otchakovsky-Laurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chezJulliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythmeraisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mesécrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flamma-rion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, cequi me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans –où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre,dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial,voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques,au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »

Un monde analogique

Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de« l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno),Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Biblio-thèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire donde ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui étaitconsacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait àla spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde.Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée,recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirigeavec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autrevision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette or-donnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, unefois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction –qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dansle sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démonsde l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa com-pagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma,musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Cha-misso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-MichelMeurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le mu-sicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina desindiens Hopi photographiées par Aby Warburg.

Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours misen espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau,« comme pour en déduire une leçon esthétique originale ».

9 782848 0920589 79 7ISBN 978-2-84809-205-8

30 €

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Jean-Pierre Colin, Portrait de Paul Louis Rossi, 1997.

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Un monde analogique

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© Bibliothèque municipale de Nanteséditions joca seria, 2012

72 rue de La Bourdonnais 44100 NantesiSBN 978-2-84809-205-8

Le présent ouvrage est publié à l’occasion de l’expositionUn monde analogique,

une proposition de Paul Louis Rossi présentée dans un espace de curiosités cristallines et un cabinet de cartes créés par Éric Fonteneau,

médiathèque Jacques Demy du 16 novembre 2012 au 31 mars 2013.Les contributions entrant dans la composition de l’ouvrage (textes et images)

ont été réunies par la Ville de Nantes.Les éditions Joca Seria ont assuré le secrétariat d’édition

(mise en page des textes et des images, relecture et corrections)et le suivi de fabrication de l’ouvrage.

Pages de garde : Tableau théorique de la succession et de la disposition la plus générale en Europe des terrains et roches qui composent l’écorce de la terre, 1829. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [C.1]

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Paul Louis Rossi

Un monde analogique

Éric Fonteneau

Bibliothèque municipale de Nanteséditions joca seria

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Cet ouvrage, coédité par la Bibliothèque municipale de Nantes et les éditions joca seria,a été publié à l’occasion de l’exposition Un monde analogique,une proposition de Paul Louis Rossi présentée dans un espace de curiosités cristallines et un cabinet decartes créés par Éric Fonteneauà la médiathèque Jacques Demy du 16 novembre 2012 au 31 mars 2013.

CommiSSaRiaT

agnès marcetteau-Paul, directrice de la Bibliothèque municipale.assistée de Frédérique Baron, conservateur responsable des fonds patrimoniaux de la Bibliothèque municipale

RÉaLiSaTioN TeChNique

atelier municipal et équipe technique de la Bibliothèque municipaleService des espaces verts et de l’environnementGalerie arts Pluriels, encadrements

SuiVi aDmiNiSTRaTiF

annaïck Goarin et l’équipe administrative de la Bibliothèque municipale.

TRaVaux PhoToGRaPhiqueS

Frank Pellois

CommuNiCaTioN

Lionel Vincelet

aCTioN ÉDuCaTiVe

olivier hervyBéatrice Clergeau, enseignante chargée de mission

Nous exprimons notre plus vive gratitude à Dominique Rabourdin pour sa contribution et sa participation àl’exposition.ainsi qu’à Renaud allirand et Jean-michel meurice, pour avoir permis la présentation de leurs œuvres.

que soient également remerciées les institutions et les personnes suivantes pour leurs prêts :Philippe et Régine Besnier, alain Le Provost, muséum d’histoire naturelle de la ville de Nantes, musée de l’im-primerie de Nantes, ainsi que les personnes qui ont souhaité conserver l’anonymat.

enfin, nous avons le plaisir de remercier tous ceux, conservateurs, documentalistes, chercheurs, et techniciensqui nous ont apporté leur aide et leur soutien : Yann allain, Louis amiaud, annika Bear, marie-annick Bivaud, Sophie Boutteau, magalie Boutin, anneBoutruche, Raphaëlle Cartier, Damien Chaigne, Nathalie Clarke, Patrick Denis, Darrell Di Fiore, BertrandGodefroy, marie-Laure Guérin, Séverine Jaunet, Tiphaine Leroux, Stéphane Lévêque, Christophe Lucas, anaïsmassé, Chantal Nicolas, Joël Rapiteau, Serge Régnault, Serge Renaud, muriel Rouaud, Rémi Salvador, hilaireVachon, Claudia Wedepohl.

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SommaiRe

- Préface, Patrick Rimbert, maire de Nantes ................................................ 11

- avant-propos, agnès marcetteau-Paul ....................................................... 15

- Un monde analogique, Paul Louis Rossi ...................................................... 19

- Paul Louis Rossi : un espoir renaissant, Roger-michel allemand ................... 45

- Tout commence à San Francisco, Éric Fonteneau ......................................... 61

- Ma rencontre avec Paul Louis Rossi, Éric Fonteneau..................................... 65

- Œuvres exposées ...................................................................................... 67

- La pente de la rêverie, Dominique Rabourdin........................................... 169

- Œuvres de Paul Louis Rossi ................................................................... 187

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La relation que Paul Louis Rossi entretient avec la Ville de Nantes estancienne, profonde et toujours renouvelée. elle est littéraire surtout. C’est là,« assis sur un petit banc, aux côtés de [son] grand-père Corentin » que le goûtde la lecture l’a gagné. C’est là qu’« un beau jour, [il prit] un de ces tramwaysjaunes qui sillonnaient la Ville » pour découvrir « l’univers du Centre », devenuun espace littéraire comme Dublin le fut pour Joyce, Trieste pour Svevo, Praguepour Kafka, et qui forme la matrice de toute son œuvre. C’est là enfin qu’il a sou-haité que soient conservés ses archives et papiers personnels. ils sont désormaispartie prenante de l’important patrimoine réuni à la Bibliothèque municipale deNantes pour témoigner de l’extraordinaire constellation d’événements et de ren-contres qui a fait qu’aux xixe et xxe siècles Nantes a été, comme l’a écrit andréBreton, « peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peutm’arriver quelque chose qui en vaut la peine (…) Nantes, d’où peuvent me venirencore des amis ».

Grâce au lien privilégié ainsi tissé, une première rencontre avec l’œuvre dePaul Louis Rossi et ses modes de création fut proposée en 2004 sur le thème del’inscape ou paysage intérieur. Cette fois, Paul Louis Rossi nous donne à décou-vrir ses démons de l’analogie au fil d’une érudition méditative où dessein philoso-phique et recherche esthétique sont indissociables, parce que « c’est aussi unefaçon de raccorder le monde avec lui-même, avec le passé mais aussi avec lefutur ».

Pour ce faire il a travaillé en complicité avec le plasticien Éric Fonteneau dontl’œuvre procède également, à sa manière, par investigations cartographiques etbotaniques. il a ainsi mis en scène l’exposition analogique souhaitée par Paul LouisRossi.

À ces deux artistes nantais, nous disons notre reconnaissance de nous mon-trer « le tracé de quelques chemins inattendus et probablement nécessaires »pour mieux habiter notre monde.

Patrick Rimbert,maire de Nantes

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Avant-propos

Parce qu’il est « possible d’agir sur le monde par la poésie ! » 1, Paul LouisRossi a composé en une cinquantaine de livres une œuvre exigeante et patientedans laquelle le dessein philosophique est indissociable du travail formel et s’ex-prime dans de multiples rencontres entre écriture, peinture, dessin et musique.

en 2004, dans la première exposition que lui consacra la Bibliothèque muni-cipale de Nantes, l’inscape ou paysage intérieur invitait à la spéculation imagina-tive et participait de l’élucidation du monde. Poursuivant son cheminement etson travail de création, il a souhaité nous proposer de suivre ses démons de l’ana-logie : « À peine ai-je énoncé une idée, recueilli une impression, entendu uneparole, qu’elle se dirige avec une surprenante agilité vers une autre sensation, uneautre vision, une autre perception semblable ou contraire (…) Cette ordonnanceme donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, une fois écrite la paraphrase –une fois achevée la construction – qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité quine réside pas dans le sens, mais dans sa propre organisation. » 2

Nous avons souvent parlé de ce projet - alliant histoire, littérature, minéralo-gie, botanique, cinéma, musique dans un dialogue avec les écrivains adelbertvon Chamisso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-michel meurice,les graveurs Dürer, altdorfer et Renaud allirand, le musicien Jean-Yves Bosseur,le théâtre Nô, les poupées Kachina des indiens hopi photographiées par abyWarburg – ainsi défini par Paul Louis Rossi : « C’est l’idée de l’escalier qui meretient. Je vois cela comme un chemin initiatique qui monte vers une suite ima-ginaire. Bien entendu, nous sommes aux premières marches. il faut inclure lamagie dans les éléments de base. » 3

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J’y songeais alors que je me trouvai à Tokyo en 2009 pour présenter la parti-tion inédite de mozart récemment mise à jour dans les collections de la Biblio-thèque municipale. Dans cette grande halle bruissante de musique, je croisai ÉricFonteneau venu lui aussi de Nantes. il exposait ses Villes de Jean-Sébastien Bach,cartes blanches réalisées avec des aiguilles au long des 400 kilomètres parcourusà pied par le jeune Bach pour rencontrer Buxtehude à Lübeck. Devant ce minu-tieux travail de cartographie, je pensai d’abord à La Chronique d’Anna MagadalenaBach de Jean-marie Straub et Danièle huillet qui dit si bien, dans la simple suc-cession des événements, le mystère et l’émotion de l’œuvre. Puis immédiatementà Paul Louis Rossi lisant dans les Vies d’Albrecht Altdorfer Peintre mystérieux duDanube « tout l’imaginaire, les rêves, les stratégies, les croyances des décenniesqui succèdent au Quattrocento italien »4. et à ses Cose naturali (ou « Vies tran-quilles ») dont l’« idée est de reconstituer, dans le choix des mots, le dispositif, lerythme, l’espace de la page, le choix des caractères, une sensation ». 5

ainsi, du sentiment de cette complicité entre l’écrivain et le plasticien, est néel’idée de proposer à Éric Fonteneau de mettre en espace l’Exposition analogiquesouhaitée par Paul Louis Rossi : « je voudrais montrer ces pierres fossiles du cré-tacé – lytoceras fimbriatum – que j’ai trouvées dans l’estuaire de la Charente. oubien encore ces traces de fragments de fougères incrustées dans les schistesardoisiers d’une mine du massif Central. Ces minéraux et ces masques, ils vien-nent s’assembler – s’unir – aux lettres, aux manuscrits, aux objets littéraires avecla prétention de constituer ce que Raymond queneau appelle une Petite cosmo-gonie portative. » 6

en un parcours mental et visuel, le visiteur croisera « le cheminement desexplorateurs, contraints de prospecter les contrées impénétrables par les seulesvoies fluviales » 7 pour aller au bout de leurs investigations botaniques ou géo-graphiques, à la rencontre de « l’histoire des peuples, des territoires, de la nour-riture, des mœurs, des amours » 8 : Chamisso s’embarquant à bord du Rurik pourune expédition botanique ; La hontan suivant les méandres de la Rivière longue ;aby Warburg photographiant les villages hopis, apaches et Zunis. au fil de cetteérudition rêveuse, moraliste sans préjugé, sans nulle prétention encyclopédique,c’est l’étonnement, le doute, la rencontre avec les autres civilisations, l’humouréquilibrant l’absolu et le relatif qui sont convoques. elle est indissociable du dia-logue avec les œuvres de Renaud allirand, Éric Fonteneau, Jean-michel meurice,avec laquelle elle forme l’utopie qui nous est offerte en partage.

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Cette grande fresque composée d’autant de fragments invite à devenir « pro-meneur éternel » à l’instar de Paul Louis Rossi, et à trouver dans son propreregard sa propre cartographie du monde pour mieux en appréhender l’universa-lité. Car « l’histoire d’algernon Weddell est précieuse » 8, en ce qu’elle aide cha-cun d’entre nous à revisiter et comprendre la sienne.

agnès marcetteau-PaulDirectrice de la Bibliothèque municipale de Nantes

septembre 2012

NoTeS

1. Franck Venaille, « Paul Louis Rossi, Là, à gauche sur la photo », Paul Louis Rossi. Paysage inté-

rieur, inscape, Bibliothèque municipale de Nantes et éditions joca seria, 2004.

2. Paul Louis Rossi, « Démons de l’analogie », ibid.

3. Roger-michel allemand, « Paul Louis Rossi : un espoir renaissant », @nalyses [en ligne], Propos

d'écrivains, mis à jour le : 28/04/2010, uRL : http://www.revue-analyses.org/index.php?id=1678.

4. ibid. à propos de Vies d’Albrecht Altdorfer Peintre mystérieux du Danube (Bayard, 2009).

5. Paul Louis Rossi, « Formes et composition des Cose naturali », Schedae. Prèpublications de l’uni-

versité de Caen Basse-Normandie, fascicule n° 3, 2007.

6. Paul Louis Rossi, « Démons de l’analogie », Paul Louis Rossi. Paysage intérieur, inscape, op. cit.

7. Jacques Py, extrait du catalogue On a marché sur la terre, Centre d’art de l’Yonne, 2009

8. Paul Louis Rossi, « un monde analogique ».

9. Ibid.

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PauL LouiS RoSSi

Un mondeanalogique

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« J’ajoute que Adelbert von Chamisso est en 1819 conser-vateur du jardin botanique de Berlin et docteur en philoso-phie, il publie en 1830 les poèmes de L’amour et la vie d’unefemme, que Schumann mettra en musique. Il est l’ami deGoethe, de Tieck et de Schlegel, et membre enfin de la confré-rie du Cercle Polaire et de l’Académie des Sciences. Pour nous,c’est un modèle. »

Portrait d’Adelbert von Chamisso

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Les Variations légendaires

Je le vis enlever doucement du gazon, avec une éton-

nante dextérité, mon ombre de la tête aux pieds, la rou-

ler, la plier, puis la mettre dans sa poche.

adelbert de Chamisso

en l’année 1815 un personnage singulier gagne la ville de hambourg, puis leport de Copenhague afin d’embarquer sur le Rurik, sous le commandement demonsieur otto astevitch von Kotzebue. Le personnage est un botaniste, munid’un passeport russe. mais à la vérité il s’agit de l’écrivain romantique adelbertvon Chamisso, auteur du livre célèbre intitulé : L’Homme qui a perdu son ombre. LeRurik et son équipage, venant de Saint-Pétersbourg, après une escale à Londres,où Chamisso profite d’aller voir des pièces du théâtre de William Shakespeare,se dirige ensuite vers l’atlantique, les Canaries et le Cap horn. Pour ensuiteremonter par les côtes du Chili et la Californie vers sa destination des îles aléou-tiennes et du détroit de Behring qu’il doit explorer. il faut penser, à l’époque, quel’alaska est encore un territoire russe et que le Kamtchatka est une terre prati-quement inconnue.

Pourquoi parler de Chamisso afin d’introduire notre Exposition analogique.C’est qu’il existe une raison supérieure. il est très difficile de faire admettre à nosconcitoyens que Chamisso est Français, né en Bourgogne d’une famille aristocra-tique, et que son prènom adelbert lui vient de sa tante adelaïde. Ce n’est doncpas adalbert ou même aldebert comme on l’écrit souvent pour le germaniser.D’autre part, il est l’ami de madame de Staël et de son frère qu’il accompagne en

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Suisse. et surtout, cela est moins connu, il voulait revenir se fixer en Francecomme professeur à la Roche-sur-Yon, que l’on appelait encore Napoléon-Ville.

Nous voici bien éloigné de notre histoire, en apparence, si l’on excepte le goûtdes collections et de l’ordre végétal et minéral. J’ajoute qu’il est en 1819 conser-vateur du jardin botanique de Berlin et docteur en philosophie, il publie en 1830les poèmes de L’amour et la vie d’une femme, que Schumann mettra en musique.il est l’ami de Goethe, de Tieck et de Schlegel, et membre enfin de la confrériedu Cercle Polaire et de l’académie des Sciences. Pour nous, c’est un modèle.

Son imagination est infinie. Son intérêt le dirige vers l’histoire des peuples,des territoires, de la nourriture, des mœurs, des amours. il collectionne des mil-liers d’espèces botaniques, des mousses, des lichens, des squelettes de morses etdes os de baleines. il lutte sur le bateau pour aérer et préserver ses végétaux. etrapportera de la malaisie une série d’ouvrages, de manuscrits, ainsi qu’une col-lection des langues du Pacifique. il se plonge à la fin de sa vie dans l’étude deslangues hawaïennes. il admire la liberté des races polynésiennes. en bref, c’est unpersonnage tendu vers l’universalité, assez moraliste, mais sans préjugé.

Sans nous identifier à la carrière de Chamisso, on doit apercevoir qu’il existequelques affinités avec notre propos et notre construction. Ce n’est pas une lignede conduite, mais plutôt une inspiration. et surtout une solidarité avec celui quiavait perdu son ombre. C’est-à-dire sa patrie d’origine, et son langage naturel.C’est ainsi que nous avons imaginé de préparer une copie d’un Monde analogique,en face du désordre et des inquiétudes des peuples et des Sociétés, non pointcomme une leçon, mais comme la proposition d’un ordre plus harmonieux etd’un ouvrage consacré à l’esthétique que j’ai appelé Les Variations légendaires.

NoTeS

adelbert von Chamisso : Voyage autour du Monde – 1815-1818. Éd. Le Sycomore, 1981.

L’homme qui a perdu son ombre, Éd. José Corti, 1989.

Les Variations légendaires, Éd. Flammarion, mars 2012.

20

Page 23: Un monde analogique

ii

une Ville hanséatique

Cependant à voir passer tant de navires, le besoin de

naviguer me dévorait. Je connaissais déjà les termes de

marines, et je comprenais assez les manœuvres pour les

suivre dans les romans maritimes de Fenimore

Cooper…

Jules Verne

Nous devrions nous souvenir d’une première exposition, organisée au centrede la ville avec le concours de la Bibliothèque, en 1981. Nous avions une grandepeinture sur toile souple de Pincemin, des compositions d’angles de Jean-michelmeurice, des œuvres abstraites de Catherine marchadour et de Raquel. J’ai déjàconté cette histoire. Je m’étais persuadé que Raquel avait rendez-vous dans ungrand café avec un marin irlandais ou gallois, et je m’aperçus au cours de laconversation qu’il s’agissait du conservateur du musée des Beaux-arts, à l’époque,qui était plutôt d’origine grecque ou italienne. et comme je lui posais la questionde l’état de la culture, à Nantes, il me fit cette réponse surprenante : L’Ouest, c’estculturel. Je me suis servi de cette expression pour le titre de mon livre L’Ouest sur-naturel. que je retrouve induite chez les lycéens avec l’interjection : Il est à l’Ouest,pour désigner sans doute un personnage rêveur et qui peut douter parfois de sonidentité, comme Chamisso.

en ces journées un autre participant de la région d’aquitaine avait ajouté àl’intérieur du café de La Cigale : « Nantes est comme Bordeaux une ville hanséa-tique. » La hanse était une création des négociants et marins de Lübeck. Voilà

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« Très intéressé par la récolte du sel au Croisic, commeautrefois les Vikings. Lambert Doomer hante avec WillemSchelling les rives de la Loire et les localités de la rivegauche : Le Pallet, Vertou, Montbert. »

qui nous rapproche de Saint-Pétersbourg édifiée par Pierre Le Grand dans lesmarécages, à l’estuaire de la Neva, avec des pilotis, sur le modèle de Venise, etl’expérience des charpentiers flamands. L’analogie avec Nantes est évidente, etc’est ainsi, sur le même modèle, que nous avons aussi une rue des Flandres etune place de La Petite-hollande. J’ai parlé ces temps derniers à la Bibliothèqued’angers de Lambert Doomer, familier des constructeurs de navires et des négo-ciants hollandais établis dans notre ville. Très intéressé par la récolte du sel auCroisic, comme autrefois les Vikings. Lambert Doomer hante avec Willem Schel-ling les rives de la Loire et les localités de la rive gauche : Le Pallet, Vertou, mont-bert. Nous avons à Nantes, angers et Tours un grand nombre de ses œuvres,d’autre part qui sont classées au musée de l’université de Leyde.

Lambert Doomer, Le Croisic, musée départemental Dobrée

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mais dans le Voyage, ce qui m’intrigue, c’est le mouvement de la foule sur lesquais. Comme si elle accompagnait l’inversion du courant et du niveau des eaux,deux fois par jour avec la marée. en vérité, pour le Culturel, comme on ditaujourd’hui dans ce langage péjoratif, Nantes tourne le dos au sol de la Provinceprofonde, comme une ville agitée par un rêve qui la conduirait tout entière versles îles d’or, les antilles, les indes galantes, les rivages de la malaisie et du Siam,la Superbe afrique, l’utopie, Terre-Neuve et les territoires de l’alaska.

Je suis venu à Nantes en hiver cette dernière année. Le Jardin des Plantes étaitdésert, et les prairies entièrement blanchies par le gel. il n’y avait personne dansle parc. Je suis allé respirer le camélia odorant du Japon, à l’entrée de la rue d’al-lonville : autrefois rue du Bourg Fumé. Je pensais surtout à cet algernon Wed-dell. il est anglais de naissance, mais élève de Cuvier, et docteur en botanique. ils’en va dans l’île d’Yeu pour étudier les lécanores car il est spécialiste des mousseset lichens. il est cité avec l’ermite Jean des Broches et Kiki la Bosse dans la des-cription de l’île, en fin d’un volume du Fauteuil rouge ou la Mémoire absolue.

il ira jusqu’au Paraguay étudier le quinquina blanc et le quinquina rouge dontl’écorce est riche en quinine. Je sais qu’il existe un manuscrit de lui à la biblio-thèque de Poitiers, mais je pense surtout qu’il a fatalement fréquenté les jardinset les botanistes de la ville de Nantes, à cette époque. et je dois avouer, pour ter-miner ce passage, l’un de mes travers favori. Je ne m’intéresse qu’à ce qui n’estpas entièrement élucidé. mon idée est qu’il faut partir du doute et même del’ignorance pour parvenir au savoir et la connaissance. il est inutile de nousoccuper de choses que l’on sait déjà. L’histoire d’algernon Weddell est précieuse.

NoTeS

« Jules Verne et le Docteur Fautroll », Mobilis in mobile, n° 27, octobre 2008.

Patrice Locment : Nantes et la littérature, anthologie Éd. Coiffard libraire, octobre 2006.

Le Fauteuil rouge ou la Mémoire absolue, Éd. Julliard, août 1994.

L’Ouest Surnaturel : Éd. hatier, 1993.

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« C’est ainsi que le Baron de La Hontan s’embarque pourl’Amérique en 1683, ainsi que son ami Gédéon de Cata-lorgue… »

Le Baron de La hontan: Mémoires de l’Amérique Septentrionale publiés par Gilbert Chinard, 1931.

Page 27: Un monde analogique

iii

Le Salon analogique

Tu vois bien que nous n’avons point des Juges ; pour-

quoy ? parce que nous n’avons point de querelles ni de

procez. Mais pourquoy n’avons nous point de procez ?

parce que nous ne voulons point recevoir ni connoître

l’argent. Pourquoy est-ce que nous ne voulons pas

admettre cet argent ? c’est parce que nous ne voulons

pas de loix…

La hontan

Je n’ai pas évoqué une autre ville de l’atlantique que j’affectionne, et qui aconnu un destin tragique. il s’agit de La Rochelle. C’était le port de départ desnavires qui abordaient aux rives de Terre Neuve et de La Nouvelle France. C’estainsi que le Baron de La hontan s’embarque pour l’amérique en 1683, ainsi queson ami Gédéon de Catalorgue, protestant, et plus tard ingénieur militaire, quiconstruira la disposition en arêtes de poisson de la commune de la Côte desNeiges au Canada. La Rochelle n’est plus un port de commerce, mais elle gardeune magnifique collection d’objets exotiques, de masques africains et polynésiens.Je pense en particulier aux statuettes de l’île de Pâques qui furent exposées àNantes en 1958 au musée Dobrée. De plus, j’en ai déjà parlé, La Rochelle conservedans son musée un authentique Cabinet de Curiosités : histoire naturelle et biblio-thèque, légués par Clément Lafaille en 1770 à l’académie Royale de la Ville. ilcontient l’ameublement et tous les éléments nécessaires à cette expérience.

C’est ainsi que nous avons eu l’idée, avec agnès marcetteau, d’imaginer un

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lieu qui contiendrait aussi bien les manuscrits et les estampes, les livres rares, lesouvrages indispensables du savoir et de la pensée, et surtout des éléments maté-riels et des objets, des peintures et des dessins, qui illustreraient l’activité de laVille et de son rayonnement, en ce domaine. Je dois avouer, dans ce but, quenous sommes allés, un jour, visiter à la Bibliothèque de Rennes une expériencede la sorte. C’était la reconstitution dans l’espace, en l’état, au milieu d’un étage,de la maison d’un écrivain qui avait décidé de ne plus se lever de son lit, et quiavait accumulé autour de lui tout ce qu’on peut imaginer comme livres, bro-chures, journaux, dans un désordre inimaginable, et qui débordaient sur les che-minées, les chaises et les escabeaux, et jusque dans la baignoire.

il s’agissait de henri Pollès natif de Tréguier, fils de Charles Pollès, nommé en1919 inspecteur de la navigation à Nantes. L’étrange était que le même person-nage se livrait auparavant à l’activité, la recherche et même le commerce derelieur de livres rares, et que dans une bibliothèque, avec des vitrines, lesouvrages se trouvaient rangés parfaitement dans une présentation de luxe. Sur lechemin du retour, comme nous parlions de notre visite, avec agnès marcetteau,j’ai pensé qu’il fallait nous orienter fermement vers une expérience toute diffé-rente. Je veux dire, imaginer une structure ouverte sur l’air, le futur, et le monde.Nous écarter d’une conservation à l’identique pour nous projeter dans un avenir.

Je voyais cela comme une arithmétique en forme d’escalier, avec des marches,des salles et des logis. mais il fallait aussi éviter le vertige de la Bibliothèque de Baby-lone construite en imagination par Jorge Luis Borges, avec des étages superposés quiouvraient sur le vide infini : « La Bibliothèque, affirmait-il, est une sphère dont lecentre véritable est un hexagone quelconque, et la circonférence est inaccessible. »

on peut s’inquiéter de la méthode analogique, car elle est infinie, et l’on peutse perdre dans ses méandres. Le système est assez simple, il consiste, par automa-tisme, à diriger immédiatement la pensée vers une sensation correspondante, ouson contraire. C’est ainsi que j’ai écrit ce livre des Démons de l’Analogie. De fait allu-sion à Louis aragon. il écrit dans un poème du Regard de Rancé : Démons Analogiesécartez-vous de moi. Référence à l’aventure tragique de la liaison de Rancé avecmarie de montbazon, militante de La Fronde, qu’il retrouve décapitée un soir, à sonretour de la chasse. Cette affaire a passionné l’intelligentsia de nos siècles : Le Car-dinal de Retz, Sainte-Beuve, andré Gide et Schopenhauer, Roland Barthes et mêmeJulien Gracq. C’est montrer que la méthode analogique n’est pas sans dangers. Pour

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nous, il s’agit seulement aujourd’hui de tracer une ligne de partage avec le possible.qu’allons nous choisir, qu’allons nous abandonner. il nous faut donner unexemple, dans l’espace de la Salle d’exposition, de nos goûts, de nos choix, de nospassions, comme pour en déduire une leçon esthétique originale.

NoTeS

Le Baron de La hontan : Dialogues curieux, et Mémoires de l’Amérique Septentrionale publiés par

Gilbert Chinard, 1931.

henri Pollès : Une Vie de curiosité : bibliothèque de Rennes, 1986.

manuscrit des Démons de l’Analogie.

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« Je veux absolument que L’ombre d’un doute soit letitre d’un roman de Graham Greene, alors qu’il s’appelle enréalité Le ministère de la Peur. »

Photogramme du film L'Ombre d'un doute d’alfred hitchcock, 1943.

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Page 31: Un monde analogique

iV

L’ombre d’un doute

On a beau se moquer de rêveurs, ils ont ce qui manque

à beaucoup : la force et la conviction…

Graham Greene

Le système analogique peut engendrer quelques méprises. J’ai signalé déjà,dans le récit de La Mémoire absolue, que je niais avoir raconté moi-même l’his-toire d’un homme fusillé sur une digue de Noirmoutier dans Le Fauteuil rouge,alors qu’il n’y avait que moi, à cette époque, qui puisse connaître l’exécution dugénéral vendéen Louis Gigost d’elbée dans l’île en 1794, et le tableau qui se trou-vait dans l’escalier de la Citadelle. Je me suis beaucoup penché sur le phénomènede la mémoire et de l’oubli. et je pense aujourd’hui à une obsession de cettenature. Je veux absolument que L’Ombre d’un doute soit le titre d’un roman deGraham Greene, alors qu’il s’appelle en réalité Le Ministère de la Peur. L’Ombred’un doute, de 1943, est bien un film d’alfred hitchcock, et le film tiré du Minis-tère de la peur est réalisé par Fritz Lang à la même date de 1943.

Le Ministère de la peur est l’histoire d’un homme qui s’égare dans un quartierde Londres sous les bombardements. il entre dans une fête foraine. il consulteune Voyante, puis il gagne à une loterie un énorme gâteau qui contient en faitdes microfilms destinés aux Nazis. il est recherché et persécuté par les espionset leurs sympathisants allemands et britanniques. enfermé dans une clinique, iloublie jusqu’à son nom. hitchcock pourrait ne rien avoir à faire dans cette his-toire, mais il avait tourné en 1935 un film intitulé Les Trente-neuf marches, avecun monsieur mémoire qui dirige une bande d’espions pour les mêmes raisons.

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C’est donc Fritz Lang qui s’est inspiré du scénario d’hitchcock, en apparence. onremarquera comment, avec cette proposition analogique nous suivons une trèsancienne ambition, nous appuyer d’abord sur la preuves des défaillances et desoublis de cette fameuse mémoire.

il faut d’ailleurs souligner que le phénomène de la mémoire absolue existeréellement. C’est l’oreille absolue des musiciens : capacité de s’adapter spontané-ment à la tonalité. L’œil absolu des peintres : William Turner par exemple, quandil entreprend son voyage en bateau à roue sur la Loire et qu’il peut reproduire demémoire la façade du château de Chambord, qu’il a juste aperçue au passage,avec toutes les fenêtres. et je n’oublie pas Cherechevski, le phénomène russe,affligé de ce don, que l’on peut considérer comme une infirmité, décrite par sonpsychanalyste soviétique alexandre Louria, à partir de 1920. C’est ainsi que jedois souligner encore une fois que la construction du Salon analogique est uneutopie, et qu’il faut considérer notre exposition comme une expérience destinéeà comprendre l’esprit et le mécanisme d’une réalisation de ce genre, avec les hési-tations et les difficultés qu’elle ne peut manquer de soulever.

Le film des Trente-neuf marches d’alfred hitchcock était d’ailleurs présent dansles premiers schémas que nous avions confectionnés. Je pensais à dessiner uneinstallation avec des marches descendantes, qui remontaient à la droite du des-sin, chaque marche conduisant à une alvéole que je surnommais entité. Nouscommencions par La Peinture puis la Botanique, si ma mémoire est bonne, et laconstruction en remontant se terminait par les minéraux et les masques : Kat-china et des îles Kodiak.

C’est alors que j’ai rencontré Renaud allirand, par hasard, passant un soirdevant son atelier. on apercevait par les vitres une grande imprimante de tailledouce. il dessinait aussi et gravait sur le métal et les cuivres des partitions quiressemblaient à des écritures inintelligibles. Les pages ainsi obtenues me faisaientsonger aux logogrammes de Christian Dotremont, que je pouvais contempler àNamur, chez le peintre andré Lambotte. Nous eûmes l’idée, pour une premièreapproche du travail, de nous inspirer des rites et cérémonies shamaniques de cesindiens des îles aléoutiennes, justement que l’on appelle les Kodiak. on trouverales premiers éléments de notre œuvre dans cette édition en Belgique intitulée Desmirages et des ombres, en l’année 2011. Cette exploration n’est pas achevée, maison remarquera ici les traces du travail d’anthropologie qui relie entre elles les

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civilisations indiennes d’amérique, les Kodiak étant proches de la civilisation duPotlatch : Économie du Don, des haïda et Kwakiutl, que l’on appelait autrefois LesCapitalistes du Nord.

NoTeS

Graham Greene : Le Ministère de la peur : Éd. Robert Laffont, 1951.

alexandre Luria : L’homme dont la vie volait en éclat, Préface d’olivier Sacks, Éd. du Seuil, La cou-

leur des idées, 1995.

Masques : Éditions Bertrand Bracaval, 2011.

Cabeza de Vaca : Relation de Voyage, Éd. Babel acte Sud, 1979

Des Mirages et des ombres : gravures de Renaud allirand, imprimé par Gabriel Belgeonne, Éd. Tan-

dem, octobre 2010.

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« Et je pense surtout aux albums du cartographe retrou-vés dans les hangars, et ce cahier précieux des algues impri-mées sur papier que nous allons utiliser dans notre expé-rience. »

Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes.Photographie de Christian Leray, 1985.

Page 35: Un monde analogique

V

Le Nominalisme

Le substantif est formé par une accumulation d’adjec-

tifs. On ne dit pas lune, on dit : aérien-clair-sur-rond-

obscur ou orangé-ténu-du-ciel ou n’importe quelle

autre association.

Jorge Luis Borges

J’ai longtemps cru que j’étais nominaliste, sans connaître ce que ce terme vrai-ment signifiait dans la philosophie. Je n’aimais pas les fleurs, par exemple, dontle nom ne me convenait pas. À la vérité les Nominalistes s’opposent aux univer-saux. C’est-à-dire à ceux qui croient en l’universalité des genres et des espèces.Le principe des Nominalistes se résume ainsi : Je vois bien le cheval, je ne vois pasla chevalité. J’ai dû écrire La Théorie d’Orpins en m’inspirant de cette attitude. Pourentrer dans la science botanique, commencez par regarder un spécimen précis.De préférence une plante constituée, même banale, que vous ne connaissez abso-lument pas. Les sedums et autres joubarbes par exemple qui poussent jusque surles toits. il faut ajouter que les Stoïciens, les Épicuriens et les Cyniques sont plu-tôt du côté des Nominalistes, comme abélard et Béranger de Tours, commeTaine, hume et Spencer. malebranche dira : « Voici ce qui arrive ordinairementaux philosophes : ils voient quelques effets nouveaux : ils imaginent aussitôt uneentité nouvelle pour le produire. »

Cependant je dois avoir une tendresse pour le terme qui désigne les univer-saux. D’une certaine façon, je suis hostile au mondialisme tel qu’il est formulé.au slogan de la Culture monde en particulier. Contre l’hégémonie qu’elle dissi-

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mule et qui risque de nous écraser. mais je suis universaliste, pour la connais-sance et le partage avec tous les langages et toutes les civilisations. ensuite je doisavouer mon affection pour le terme entités qui signifie réalité abstraite. D’ailleurs,à l’origine de notre projet nous avions choisi le mot pour désigner et classerchaque élément de notre organisation : histoire – Littérature – minéralogie –Cinéma – musique. Cette classification n’apparaîtra guère car il n’est pas dansnos intentions d’enseigner des généralités, mais comme je l’ai avancé, de com-mencer par quelques détails singuliers afin de favoriser la curiosité des visiteurspar des exemples surprenants, et leur permettre de pénétrer dans une forme dela construction du savoir et de l’intelligence des choses.

il faut dire en cette vocation, que j’ai découvert un véritable complice. espritcurieux, dessinateur et collectionneur d’élite. qui me téléphone parfois depuis leCap de Bonne espérance. il s’agit d’Éric Fonteneau. il est le constructeur d’unebibliothèque fictive qu’il vient d’exposer à New York. et je déchiffre avec minu-tie l’étendue de ses recherches et investigations. Je puis noter ici le travail avec lesdessins de cartes sur les murs des entrepôts de l’île de la madeleine et du quaide La Fosse. Cette cosmogonie de flotteurs sur la mer organisée dans la baie deGuérande, en relation avec une constellation d’étoiles, à proximité des maraisSalants. et je pense surtout aux albums du cartographe retrouvés dans les han-gars, et ce cahier précieux des algues imprimées sur papier que nous allons uti-liser dans notre expérience.

il est évident qu’il faut nous garder des encyclopédies et des accumulations.De plus l’exposition est l’affirmation de choix esthétiques. Notre époque souffre,car le credo qui marque une partie de l’art moderne : ce que j’appelle le vieil artmoderne, est véhiculé sous le signe, le règne et la domination de la marchandise.avec ceux qui en profitent et ceux qui la combattent, intimement mélangés. C’estle phénomène simple d’un art tombé dans le symptôme, de sa monnaie, sa reli-gion ou de son idéologie, comme autrefois la Peinture académique ou le Réa-lisme socialiste.

il n’y a pas de contre exemple. Si l’on observe la statuaire des Cyclades parexemple, depuis le néolithique, on remarque que les bras des personnages,hommes et femmes, restent collés aux corps dans une première phase, puis ilss’élèvent peu à peu jusque paraître en équerre et même levés vers le ciel. ensuitela pose devient académique et même obligatoire et finit par se noyer dans la

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Page 37: Un monde analogique

répétition. L’art suit une ligne ascendante, du primitif jusqu’au classicisme, pourconnaître enfin une crise et sa décadence. Nous n’avons pas ici à formuler de cri-tiques esthétiques. mais la volonté sans doute de présenter des choix et des orga-nisations intelligibles qui tendent à corriger cette courbe, ou plutôt, à fournir auxspectateurs et aux artistes le tracé de quelques chemins inattendus et probable-ment nécessaires.

NoTeS

Jorge Luis Borges : Fictions, Éd. Gallimard 1951.

Éric Fonteneau : Catalogue – éditions Siloë, mai 2008.

Voir ici PabloVolta : Regards Croisés, Éd. Fata morgana, juin 2005.

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« Il existe donc un Pays très lointain qui ne finit pas denous surprendre, au Nord de l’Océan Pacifique, et qui pour-rait apparaître aux antipodes de notre Monde. »

Estampe japonaise, xixe siècle

Page 39: Un monde analogique

Vi

Le Pont Suspendu

Lorsque Zeami compare la suprême réussite de l’acteur

à une fleur, ce n’est pas une vaine métaphore. J’admet-

trai volontiers, néanmoins, que le nô est un art litur-

gique, si l’on veut bien reconnaître que l’esthétique est

un phénomène religieux.

René Sieffert

J’ai retrouvé par hasard le véritable épisode du Théâtre Nô à quoi nous avionsassisté en un automne à Kyoto. il s’agit de matsukaze. C’est l’histoire d’un prêtre :noble ou vagabond, qui arrive enfin sur le rivage de la baie de Shiogama. il ytrouve deux jeunes femmes, murasame et matsukaze qui brûlent le sel. C’est-à-dire, je le suppose, qui font chauffer les algues afin d’en recueillir le sel. mais enréalité ce sont deux fantômes qui restituent l’histoire de ce Prince et poète exiléjadis aux rivages de Shiogama – la chaudière du sel – et nommé Yukihira, qui lesa aimées, ayant laissé en mémoire aux pêcheuses d’algues des vêtements de soieset de pailles. au matin, elles dansent une dernière fois devant le visiteur et dis-paraissent dans la lumière de l’aube. il ne reste au prêtre que le bruit et le mur-mure du vent dans les pins. il existe donc un Pays très lointain qui ne finit pasde nous surprendre, au Nord de l’océan Pacifique, et qui pourrait apparaître auxantipodes de notre monde. on peut y voir des estampes fabuleuses, des rivièresbecquetées par les aigrettes et les hérons, des collections de mousses, des jardinsavec des camélias odorants, et surtout un théâtre fabuleux du Nô et du Kabuki.

Rien ne peut rendre compte de la surprise, de la vision hypnotique d’une telle

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Page 40: Un monde analogique

représentation. J’ajoute, avec marie Étienne, que nous avons assisté, à Tokyo, auspectacle du Kabuki en compagnie d’un spécialiste du Théâtre au Japon nomméPatrick de Vos. Nous avions publié autrefois dans la revue Latitudes des traduc-tions de Patrick de Vos avec des calligraphies de matsutani. Pourquoi sommesnous revenus si loin dans l’espace et le temps, en Chine, et au Japon : Le Pays duSoleil Levant. Parce que nous avons imaginé, avec Jean-michel meurice, ces der-nières années, de construire un Récit intitulé Le Pont suspendu, nous inspirant dece Théâtre Nô.

Voici donc le nouveau personnage, qui entre en scène dans le Théâtre. il estpeintre. mais c’est un Voyageur considérable et je me suis aperçu jadis qu’il étaitallé pour la télévision filmer en union Soviétique pour la première fois, en 1979,la Grande Pâques Russe – orthodoxe - à Zagorsk. il ira de même dans le Seut-ch’ouan aux confins des plateaux sur les traces de Victor Segalen, photographierà son tour le tombeau et le cheval du général houo K’iu-ping, tumulus datant de117 de notre ère. Nous partageons cette passion pour ce médecin de la marine :Segalen, qui n’aime pas la mer, souffrant, ami de Claude Debussy, auteur desStèles et des Équipées, et qui s’était engagé si profondément à l’intérieur de laChine. C’est ainsi que nous avons construit avec meurice cet ouvrage intituléCouleur pure, consacré à son histoire et à son œuvre.

Pour cette exposition nous aurons quelques œuvres de Jean-michel meurice,dessins et toiles souples consacrées aux Soldanelles. Le lien avec Le Pont sus-pendu est très complexe. Les soldanelles sont des convolvulacées qui se divisenten une infinie variété aux noms étranges. Le mot lui même de convolvulacée estune sorte de miracle linguistique car il conduit à l’arabesque, l’enlacement etmême la convulsion. Nous avons l’idée, sur ce thème, avec le musicien Jean-YvesBosseur, de composer quelques séquences d’opéra dont je donne ici un bref frag-ment :

Second Tableau : Le Pont :

Gong : Les pas suspendus sur le pont de boiset bien donc tout au long de la nuitet bien donc tout au long de la nuitTout en contemplant la lune jusqu’à l’aube

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Le Waki : il avance lentement su le pontatsumari : gardien du havre nous voici parvenu.

on apporte la montagne sur la scèneon apporte un rameau de pin

Lenteurs – accroupissements – tabourets déplacés – costumes noirs et blancs– flûte plaintive – tambourins et tambourinaires.

NoTeS

Zeami – René Sieffert : La tradition secrète du Nô, traduction et commentaire de René Sieffert, Éd.

Gallimard, 1960.

Revue Latitudes n° 2 : Patrick de Vos et matsutani, juin 1986.

Couleur Pure : Jean-michel meurice, Éd. Le temps qu’il fait, juin 2006.

Le Pont suspendu : fragments publiés par la revue Travioles, printemps 2005.

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Page 42: Un monde analogique

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« À la vérité, c’est une histoire vertigineuse, qui nous meten relation avec un autre individu nommé Aby Warburg,devenu célèbre aujourd’hui, qui est allé dès 1895 photogra-phier à son tour les villages Hopis, Apaches et Zunis perchéssur la Mesa. »

Portrait d’Aby Warburg, Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres

Page 43: Un monde analogique

Vii

Pollens

Pour toutes nos perceptions il en va comme de l’œil : il

faut que les objets passent à travers des milieux qui font

opposition afin qu’ils apparaissent parfaitement sur la

pupille.

Novalis

Nous voici au bout du Voyage. Je songe à cet ami, à Nantes, auprès de l’ora-toire où il habite à l’angle de la rue Georges Clemenceau. Je le nomme aujour-d’hui puisqu’il s’agit de Paul Grandjouan. Je l’ai rencontré un jour dans le trainde Paris, il lisait une brochure consacrée à Gaston Planet que j’avais laissée sur latable du compartiment. Évidemment, il est parent de ce personnage remarquableque je connaissais : Jules Grandjouan. Par la suite, il est arrivé que nous échan-gions deux livres identiques consacrés aux indiens d’amérique. J’ai dû conserverl’exemplaire de Paul Grandjouan car il contenait des photographies en couleursdont j’avais besoin pour une exposition concernant le Baron de La hontan etl’illustration du Potlatch. on y voit en particulier une collection de poteries hopiset la photographie d’un village des Pueblos. Ceci nous conduit à La Porteuse d’eaude Laguna où j’ai reconstitué l’ensemble de cette thématique.

À la vérité, c’est une histoire vertigineuse, qui nous met en relation avec unautre individu nommé aby Warburg, devenu célèbre aujourd’hui, qui est allé dès1895 photographier à son tour les villages hopis, apaches et Zunis perchés surla mesa. Sa bibliothèque est à présent à Londres, comme celle de SigmundFreud. J’ai découvert plus tardivement les écrits de Cabeza de Vaca, qui est au

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fond le premier européen accueilli dans la société de ces indiens des Pueblos,située à présent à la frontière du mexique et des États-unis dans les montagnes,près du cours du Rio Grande. À la suite d’une série de naufrages de la flotte espa-gnole au long des côtes de la Floride, les survivants errent dans les marécagessans nourritures et finissent par se dévorer entre eux, à la grande indignation desNatifs qui ne pratiquent qu’une anthropophagie rituelle. une poignée de cesEuropèans, rescapés, dont un maure nommé estabanico, séducteur de femmes etremarquable interprète, sont admis dans les village hopis. Parlant des indiens,Cabeza de Vaca écrit dans la Relation de ses aventures :

Leur coutume, quand ils se connaissent et que de temps en temps ils se voient, c’est,avant de se parler, de passer une demi-heure à pleurer, après quoi celui à qui l’on rendvisite se lève le premier et donne à l’autre tout ce qu’il possède.

il est probable que le Baron de La hontan est informé, par des déserteurs etdes transfuges, des infortunes de Cabeza de Vaca et de Cavelier de La Salle,quand il écrit son mémoire d’une découverte mythique de La Rivière Longue, etqu’il prétend s’être approché de la Californie et du Grand Lac Salé.

À l’origine, nous avions prévu de créer une Station consacrée à la Philosophie.idée trop complexe sans doute pour notre espace et nos propos. mais en com-paraison avec l’exposition de 2004, qui commençait avec une référence aux Affi-nités électives de Goethe, et se terminait par une citation de Leibniz : Car il fautbien que toute chose ait une raison, j’ai pensé fortement ces temps derniers à celuique j’affectionne, beaucoup plus secret, qui est Novalis : en réalité Friedrich vanhardenberg, né en 1772.

il s’intéresse à la grammaire et la logique, à la physique, à la théorie des cou-leurs. il devient assesseur dans l’administration des salines saxonnes, et se per-fectionne en chimie et métallurgie. il est tout à la fois ingénieur, mathématicien,spécialiste des mines et des irrigations. il admire surtout Voltaire. Dans les alle-magnes, avec Jean-Paul Richter, il est l’exact représentant de l’esprit desLumières. il écrira avant Freud : « L’humour est une attitude délibérément affec-tée. C’est ce caractère qui lui donne son sel : l’humour résulte d’un mélange libre-ment composé du relatif et de l’absolu. » C’est aussi l’auteur des Disciples à Saïs,et de ce roman analogique nommé Henri d’Ofterdingen. il meurt à 27 ans. Pourcette présentation je me suis attaché à ce titre des Pollens – Blüthenstaub - suite de

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notes, poussière florale et réflexions touchant toutes les formes du savoir. J’endonne seulement un dernier exemple :

Nous cherchons l’Inconditionné partout, et jamais nous ne trouvons que les choses…

Paul Louis Rossijanvier 2012

NoTeS

René Thèvenin et Paul Coze : Mœurs et Histoire des Peaux Rouges, Éd. Payot, 1928.

Novalis : Œuvres complètes, Éd. Gallimard, 1975.

Cabeza de Vaca : Relation de Voyage, Éd. acte Sud – Babel.

Les Chemins de Radegonde, Éd. Tarabuste, janvier 2011.

La Porteuse d’eau de Laguna, Éd. Le temps qu’il fait, mai 2011.

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Né en 1967, RoGeR-miCheL aLLemaND est l’auteur

d’ouvrages principalement consacrés aux genres

narratifs, parmi lesquels Duplications et duplicité

dans les Romanesques d’Alain Robbe-Grillet (minard,

1991), Le Nouveau Roman (ellipses, 1996), Michel

Butor (argol, 2009).

Fondateur de la série Le Nouveau Roman en ques-

tions (minard, 1991-2004), il a également codirigé

les collectifs Alain-Robbe-Grillet : balises pour le

XXIe siècle (Presses Sorbonne Nouvelle, 2010) et

L’Univers Butor (C/arte, 2012).

il est correspondant du Kritikon Litterarum (Ber-

lin), membre du comité de rédaction de la revue

@nalyses (ottawa) et du comité scientifique du

programme de recherche international en photolit-

térature. Ses travaux lui ont en outre permis de

publier des entretiens avec de nombreux écrivains

de tout premier plan.

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Roger-michel allemand

entretien

Paul Louis Rossi : un espoir renaissant

RoGeR-miCheL aLLemaND – quelle est la place de l’analogie dans vos compositions ?Je songe en particulier à « La Pensée analogique » dans La Rivière des cassis.PauL LouiS RoSSi – Nous pensons avec agnès marcetteau, directrice de la média-thèque de Nantes et du musée Jules Verne, construire ce que j’appelle un Salon Ana-logique. C’est encore une utopie. C’est dire que je suis intéressé par le système desanalogies. autrefois, je me souviens que nous appelions Jean-Pierre Faye, qui diri-geait la revue Change, Le Grand analogue. mais ma construction analogique est trèsrigoureuse. elle n’accepte que des éléments déterminés qui ne nuisent pas au sys-tème. il faudrait regarder du côté des Affinités électives, mais surtout étudier lesmonades et les théories du particulier et de l’universel dans la philosophie de Leib-niz. C’est l’idée de l’escalier qui me retient. Je vois cela comme un chemin initiatiquequi monte vers une suite imaginaire. Bien entendu, nous sommes aux premièresmarches. il faut inclure la magie dans les éléments de base.

R.-m. a. – que vous ayez intitulé le texte pour la Folie Dobrée « La Demeure irlan-daise » ne me semble pas fortuit : il y a de l’épiphanie chez vous. Joyce, que vous évo-quez notamment dans le Buisson, vous a-t-il influencé de ce point de vue ?P. L. R. – Voilà bien la singularité de cette ville hanséatique, autrefois l’un des premiersports de l’europe, emplie de fantômes, convoitée par les Vendéens royalistes, éprisedes Lumières, emplie de corsaires, de marchands hollandais et flamands, de Portugaiset d’italiens, où le Baron de La hontan dispute avec un médecin portugais du Consen-tement universel avant de s’embarquer vers le Canada. avec cette famille Dobrée, négo-ciants, marins, quelquefois pirates, protestants qui appellent leur construction, vers1828, Le Manoir des Irlandais. J’aimerais évidemment que Nantes soit pour moi

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comme la ville de Dublin pour James Joyce. mais je partage mon sentiment avecVenise, que je connais depuis mon enfance. Cette notion d’épiphanie, très proche dela notion d’inscape, est très difficile à cerner, car appartenant justement à Joyce, écri-vain mythique. il tire la notion d’épiphanie vers la prose, la banalité, le vulgaire, ladépréciation, et même la mauvaiseté. Je dois être capable de violence littéraire et polé-mique, mais pas de vraie méchanceté. C’est un défaut. Je viens de revoir le dernierfilm de John huston, composé pour les Gens de Dublin : Dubliners : le spectacle entierest pris et réalisé dans le sens sublime d’une épiphanie de cette nuit irlandaise sous laneige d’hiver.

R.-m. a. – Le temps, la durée, doit jouer un rôle très important dans votre œuvre.P. L. R. – Toute œuvre est une sorte de combat mené contre le temps et la durée. Dumoins ce qu’on appelle le temps. Je ne suis pas différent des autres écrivains. ma sin-gularité serait de me situer dans un espace-temps qui ne tient pas compte fatalementdes intervalles et des classifications : passé, présent, futur. D’une certaine façon, je nerespecte ni la chronologie ni la concordance des temps. mais ce qui est au fond devos questions, je le vois comme une autre chose dont nous parlerons par la suite, quiest le fonctionnement de la mémoire et de l’oubli.

R.-m. a. – Serait-il faux de dire que vos différentes activités d’écrivain – poète etromancier, critique d’art, de cinéma, de jazz – participent d’une même démarche,disons philosophique ?P. L. R. – À la vérité, très jeune, je voulais être journaliste, et j’estimais de mon devoir

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Photogramme du film Gens deDublin de John huston, 1988

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d’écrire quand on me le demandait. C’est ainsi que j’ai commencé la critique ciné-matographique dans un petit journal provincial. Plus tard, à Paris, j’écrivais dans JazzMagazine, mais je me suis aperçu au bout d’un temps que je n’avais plus le désir derédiger mes chroniques, et que je devenais désagréable. J’ai ainsi compris que latâche littéraire est incompatible avec l’exténuant travail journalistique. mais je conti-nue d’écrire des articles. Je viens de publier dans la revue Europe un long texte pourles deux volumes des Écrits mémorables de Louis massignon. Revenons à ladémarche. il est évident que je voulais, à l’origine, construire une esthétique. Cepen-dant, il eût fallu un temps considérable d’élaboration, un soutien matériel et uneétendue philosophique universelle. mais j’accumule patiemment des notes et desessais, sur la peinture en particulier, qui finiront sans doute par produire une syn-thèse philosophique.

R.-m. a. – Je sais que ma question est probablement démesurée, mais quel est le filconducteur dans ce labyrinthe ?P. L. R. – Je serais tenté de dire : il n’y a pas de fil. Je crois que le système interdit lesamalgames impossibles. ma critique de l’esthétique ne prétend pas tout embrasser,elle est très sélective. Pour prendre un exemple, il y a des peintres célèbres dont jene parle pas, et pour mes contemporains, avec qui je ne souhaite pas travailler. ilspeuvent être très bons, mais ils ne figurent pas dans ma cosmogonie. il m’arrivecependant de changer d’avis. Si vous voulez, je ne suis pas un ogre ni un fanatique ;d’une certaine façon, j’ai déjà beaucoup à faire avec ce qui me convient.

R.-m. a. – Reste la question du labyrinthe : ne s’agirait-il pas d’échapper à la ligneinvisible évoquée par Borges ? entre Le Livre de sable (Borges, 1975) et « La Biblio-thèque de Babel » (Borges, 1957), où en êtes-vous de vos états provisoires ?P. L. R. – J’ai beaucoup fréquenté Jorge Luis Borges. Je me suis intéressé à son His-toire de l’infamie (2001). mais si vous voulez, je n’ai pas la prétention encyclopédique.et je tiens vraiment à choisir mes objets. L’histoire des Royaumes celtiques, parexemple, et celle des sôteria – stèles opisthographes de la Grèce archaïque en l’hon-neur de Zeus Sôter et de la victoire sur les Galates – deux ensembles recueillis dansLes États provisoires. Je suis préoccupé sans doute par la notion d’identité, voire delégitimité. Ne pas oublier que mon père était un italien du Veneto, et que ma mèrevenait de la Cornouaille bretonne. mes grands-parents Le queffelec parlaient devantmoi une langue gaélique. mais le Provisoire corrige cette ambition. Sur le plan poé-tique, j’en resterai certainement à cette suite de développements légendaires.

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R.-m. a. – À simplement énoncer le retour du mot « nuit » dans certains de vosouvrages, on se dit qu’il doit bien être question de sortir de l’obscurité.P. L. R. – J’avais cet ami, le peintre Gaston Planet, qui disait : « D’abord je veux savoirce qu’est la nuit. Nuit mon mot préféré ». il est vrai que mon premier livre de poé-sies s’intitule Liturgie pour la Nuit. Je découvrais la nuit moderne des villes – Nanteset Paris – comme Louis aragon dans sa description de la nuit au parc des Buttes-Chaumont : « La nuit a des sifflets et des lacs de lueurs. elle pend comme un fruitau littoral terrestre, comme un quartier de bœuf au poing d’or des cités. » mais jesuis moi-même surpris du nombre de cette expression de nuit dans le titre de meslivres. Je ne crois pas que je cherche à m’en échapper. il faut prendre cet usage plu-tôt comme le symptôme d’une inquiétude, d’une partie sombre de moi-même que jecherche à décrire et à exprimer.

R.-m. a. – À l’occasion d’une autre exposition, au musée des Beaux-arts de Nantes,vous vous peigniez en Visiteur du clair et de l’obscur…P. L. R. – il m’est arrivé plusieurs fois de visiter seul des musées la nuit. À Leipzig parexemple, il y avait une peinture de Nolde au bout d’une sorte de corridor. C’est unprivilège incomparable. J’ai un grand souvenir de cette exposition du musée desBeaux-arts de Nantes, en septembre 2004. J’étais chargé de dépoussiérer – c’est le mot– le musée. Évidemment, je n’ai touché à rien, ou presque. J’ai travaillé avec lesréserves, ce continent englouti de tous les musées, et fait restaurer quelques tableaux.et surtout, j’ai placé dans chacune des salles des œuvres de peintres contemporains,en contrepoint : Viallat, Planet, Jean-michel meurice, Shirley Jaffe. et même dans lasalle des primitifs italiens, une sculpture de fougère géante des Vanuatu prêtée parmme marie-hélène Santrot. Le curieux de l’histoire, si l’on ne connaît pas le musée,c’est que l’on ne pouvait pas s’apercevoir des transformations. C’est dire que je suiscontre une distraction, une esthétisation de l’art. Je pourrais dire ceci : Ne rien ajou-ter, l’Art consiste à supprimer.

R.-m. a. – Dans les Aventures du baron de La Hontan, dont le texte n’est pas encorepublié dans son intégralité, vous évoquez les méandres de la Rivière Longue : méta-phore de l’articulation entre le réel et l’invention ?P. L. R. – on remarquera que j’écris La hontan, et non Lahontan. C’est La Fontaineen béarnais. Je crois avoir entrepris une réhabilitation du Baron. explorateur duquébec et du système de communication des Lacs. inventeur du Sauvage de Bonsens et qui a de l’esprit. Défenseur de la liberté des femmes. ami de Leibniz et de lareine Sophie-Charlotte du Brandebourg. inspirateur de Diderot et de Jean-Jacques

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Rousseau. J’en oublie certainement. il décrira son expédition, jusqu’à l’arrivée de l’hi-ver, appelée de La Rivière Longue. il est impossible de dérouler ici les méandres del’expédition. mais je l’ai comparée à celles de Gulliver, aux randonnées d’antoninartaud au Pays des Tarahumaras, ou bien encore à celles d’henri michaux décritesdans Ecuador (1990).

R.-m. a. – et La Rivière des cassis ne fournit-elle pas une clé fondamentale : celle dela rêverie lexicale ?P. L. R. – après avoir publié le live de La Rivière des cassis, je suis allé, avec mon amile peintre andré Lambotte, explorer la sinueuse Semoy : Rivière de Cassis, selon Rim-baud (1999, p. 148-149). Le singulier est qu’il s’agit sans doute d’un anglicisme pourCathel, et surtout qu’on ne possède aucune étymologie sérieuse du mot cassis lui-même. il faut lire l’argumentaire du livre. J’ai d’ailleurs eu la remarque d’une amie,docteur en pharmacie, qui prétendait corriger le titre du premier chapitre, Ribesées,en ribèsièes, nom de famille des groseilles. Ribesée est bien entendu un néologismequi désigne l’abus de consommation des cassis mélangés à plusieurs alcools, en sou-venir des beuveries de Rabelais, qui doit écrire le mot pour libations – libesièes oulibesèes – et autres billevesées de sa langue merveilleuse.

R.-m. a. – Le Voyage de sainte Ursule, Le Potlach, les Aventures du baron de La Hontan :de l’exploration et de l’expédition comme contrepoints à une introspection ?P. L. R. – À la vérité, je me vois plutôt comme un émigrant. un spécialiste d’explo-rations étranges. Bien entendu, cela passe aussi dans le vocabulaire. mais identiqueau terme de nuit, on peut considérer cela comme un symptôme que je ne comprendspas tout à fait. Je me définis souvent comme un non-voyageur, je dis qu’il n’y a rienà voir dans le monde. J’ajoute il est vrai : il n’y a rien à voir si vous ne regardez rien.C’est ainsi que je peux aller très loin pour vérifier un détail, et que je reprends par-fois des itinéraires anciens, comme celui de Saumur et de la Prison Centrale de Fon-tevrault dans Le Vieil homme et la Nuit.

R.-m. a. – Lorsque vous parlez de Nantes comme de La Voyageuse immortelle, c’estdonc de vous que vous parlez : un voyageur immobile – ou même une sorte d’île ?P. L. R. – La Voyageuse immortelle est vraiment une figure de proue, entre la Fiancée dupirate et sainte anne. il existe à Nantes une Butte Sainte-anne, dernier soubresaut desschistes rouges roses du massif armoricain, qui domine le port et l’estuaire, avec unestatue de la sainte en haut des marches. Les rues portent des noms de corsaires. il y amême une femme, Julienne David, prisonnière des anglais durant la Révolution. Tout

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en haut, on trouve le musée Jules Verne et le Planétarium. Cette ville cosmopolite sus-cite des vocations de navigateurs, d’explorateurs et d’aventuriers. il est vrai que j’ai uneaffection pour les îles. L’île d’Yeu en particulier, où j’ai composé les poèmes cosmiquesd’Élévation Enclume. avec le Japon, c’est plus compliqué. J’ai écrit pour Jean-michelmeurice, qui est un grand voyageur, un nô de poche intitulé Le Pont suspendu, et je doisaussi travailler à présent sur la poésie des haïkus et des tanka pour un colloque à Lyon.il est évident que la situation des îles provoque au niveau artistique un mystère. Je suisencore stupéfait par l’incroyable mise en scène gestuelle et musicale du nô.

R.-m. a. – quand je pense à la prégnance de l’étrange ou du fantastique dans votreœuvre, je me demande si, en fait, vous ne dialoguez pas avec les morts.P. L. R. – J’ai souvent expliqué que l’on pouvait considérer certains de mes récitscomme des rêves. Le roman de La Villa des chimères, bien entendu, avec un chapitreque personne ne semble avoir lu, et qui met en scène – dans un cloître – les écri-vains maudits qui se déchirent. ainsi que Les Nuits de Romainville, avec le fantômede Gérard de Nerval qui cherche dans la nuit la route de meaux et le chemin de l’al-lemagne. Sans doute, je vis en partie avec des ombres, beaucoup plus nombreusesque je ne le laisse paraître. mais mon dialogue avec les morts n’est pas apaisé. Jecontinue de critiquer leurs actions et de leur faire des querelles pour des détails quime hantent. J’ai écrit dans Les États provisoires un texte intitulé « Stèle des mots et desmorts », qu’un jeune musicien, Grégoire Lorieux, vient de mettre en scène etmusique. L’exercice de la littérature représente, pour certains sujets, un objet sérieuxet probablement une consolation.

R.-m. a. – Nous parlons d’images, d’imaginaire, d’imagination : quels rapports avecvos exercices oulipiens des Inimaginaires ?P. L. R. – Je crois que j’aimerais ne pas avoir d’imagination. C’est pourquoi j’étais trèsheureux de ces exercices des Inimaginaires, initiés par Jacques Roubaud, qui nous ontdonné une sorte de détente, au sens du tempo comme dans le jazz, une rapidité, untraitement acrobatique du langage, et qui nous ont engagés dans l’élaboration et lacomposition en commun. en particulier l’utilisation de la technique des renga sur lemode japonais. Cependant, je n’ai jamais participé aux exercices de l’oulipo, et j’aiécrit dans le Vocabulaire de la modernité littéraire une chronique qui exprime quelquesréserves. ma crainte, avec le temps, est de voir la scène occupée par des répétitionset surtout, outre l’usure du temps, par une suprématie de moyens mécaniques decomposition qui introduisent une technicité douteuse dans l’écriture. une croyancedans l’efficacité de la machine. mais d’une certaine façon, ce n’est pas mon objet.

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R.-m. a. – Vous étiez l’ami de Perec, vous avez collaboré aux Lettres françaises et à larevue Change, entre autres, et avez affirmé « qu’il était temps, concernant la Poésie(et la Littérature), d’interrompre cette sorte de fuite en avant qui caractérise l’art denotre temps, et qui ne vise qu’à précipiter la destruction des formes – de l’intellect,et de la création. il est temps [...] d’interroger à nouveau l’esthétique (et donc, la poli-tique) et de tenter une définition neuve de la modernité. » quelles sont aujourd’huivos conclusions à ce propos ?P. L. R. – J’étais très ami avec Georges Perec. il me poussait à publier des livres. Jemanquais de temps pour négocier, mais j’avais écrit dans Libération un texte intitulé« Les Langues minoritaires », et je n’avais pas compris que nous avions, Georges etmoi, la même expérience, enfants, de vivre durant une guerre dans une campagneéloignée des villes. C’est pourquoi le texte commençait par cette phrase : « J’ai vécudans les temps paléolithiques ». Je ne crois pas que l’on puisse stopper le mouvementde la modernité. mais j’ai une affection particulière pour l’essai de Sigmund Freud,Malaise dans la civilisation. il faut conserver ce titre qui montre très bien que la supersti-tion du progrès inéluctable ne peut créer que du déceptif. aujourd’hui, en ce qui meconcerne, je suis consterné par l’inflation d’un art décadent dans la peinture et parle système répétitif des installations : c’est-à-dire un art tombé dans son idéologie. Levieil art moderne en vérité de la marchandise, du commerce et de la propagande.

R.-m. a. – N’est-ce pas que votre œuvre, au fond, place la recherche de la Beauté au-dessus de tout ? qu’elle témoigne d’une foi inébranlable en ses vertus ?P. L. R. – oui, je serais d’accord avec vous : la beauté par-dessus tout. on m’avaitdemandé une fois mon appréciation sur une exposition de peintures d’amateurs,dans une entreprise. J’avais répondu : Ça serait beau si ça n’était pas laid. Grand suc-cès parmi les employés, qui se servaient de l’expression. Vous ne pouvez pas parlerde la musique si vous n’entendez pas la musique. idem avec la peinture : un nombreincroyable de gens – la gente – prennent le tableau pour un spectacle qui raconte unehistoire. Le problème de l’esthétique est que le philosophe peut ne rien comprendreà la littérature ; hegel par exemple, qui prononce des inepties à propos du théâtre deSchiller. il faudrait relire Kant, La Critique de la raison pure. Le passage sur la Schwär-merei, la folie enthousiaste. Le mot est relevé par Baudelaire quand il parle de labeauté. on a dit que j’étais millénariste. C’est-à-dire que je croyais à une rédemptiondu temps à la suite des mille ans accomplis. C’est l’objet de mon introduction du Col-loque de nuit. Supériorité de l’oiseau des îles qui construit en guise de séduction unléger monticule avec des graines noires et les élytres brillants du scarabée.

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R.-m. a. – altdorfer, Dürer… : la dimension alchimique est perceptible dans leursœuvres. Vous me direz que c’est un lieu commun ésotérique de la Renaissance, aupoint que la salamandre était le chiffre de François 1er. mais à vous lire, je vous pla-cerais volontiers sous cet emblème aussi. aurais-je tort ?P. L. R. – Je suis agnostique, c’est-à-dire non préoccupé par les fins dernières. Parcontre, j’ai une sympathie pour Duns Scot et pour l’animisme, plus proches de lanature. L’art est sans doute une alchimie compliquée. Si vous voulez, la magie mesert de support et de défense, avec une part d’humour. Je suis heureux que vous par-liez de François 1er et de la salamandre. C’était la petite chaufferette verte de mongrand-père menuisier, où il faisait fondre la gomme arabique. C’est un animal aussi,proche des lieux humides et des ruisseaux, qui a la réputation de survivre dans lefeu : esprit du feu – esprit du nitre – sublimation – nutrisco et estingo : soit J’entretienset j’éteins. Vous remarquez à quelle rapidité je suis entraîné par le courant analogique.

R.-m. a. – Terminons, si vous le voulez bien, par une sorte de retour au point dedépart de notre périple : La Traversée du Rhin, et du Danube – le dialogue avec l’al-lemagne –, que vous dit-il de ce pays et de notre civilisation européenne ?

P. L. R. – Ce livre de La Traversée du Rhin est douloureux et chaotique. il est à sa paru-tion donné comme un exemple de la modernité littéraire. il n’était pas simple pourmoi de franchir le Rhin. J’ai depuis ce temps beaucoup fréquenté les villes alle-mandes : Francfort, hambourg, Leipzig, Berlin, munich. D’une certaine façon, je suisun européen de nature. mais je suis politiquement un européen convaincu. Je veuxdire un citoyen de la culture et civilisation européenne. La civilisation européenne atoujours existé, depuis son origine. Depuis la Grèce antique, la domination desCeltes et des Romains. il est sans doute temps de la réhabiliter. C’est-à-dire de com-prendre que l’europe ne peut pas exister seulement au niveau économique, indus-triel et commercial. il faut absolument s’occuper des langues européennes, univer-selles et minoritaires. et de tout ce qui unit les européens. Je pense encore aux gra-vures de Dürer, d’albrecht altdorfer et d’urs Graf, je pense au Prodigieux Lucas deLeyde. il faudrait que nous puissions espérer, et retrouver l’esprit de la Renaissanceet de la philosophie des Lumières.

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Page de droite : albrecht altdorfer. Départ pour le Sabbat. Paris,musée du Louvre. Département des arts graphiques. Vers 1506.iNV 18867.

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urs Graf Geisselung Christi, 1520.Collection: Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett.

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Paul Louis Rossi : Albrecht Altdorfer ou la guerre des paysans. Carnet autographe.

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ÉRiC FoNTeNeau

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La baie de San Francisco. Photo D.R.

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Éric Fonteneau

Tout commence à San Francisco

1Tout commence au musée d’art de San Francisco. une jeune femme assise

regarde fixement un tableau. Soudain un homme pénètre dans la salle. C’estJames Stewart. Silencieusement, il observe la jeune femme et pressent dans laforme spiralée de son chignon une soudaine étrangeté, un vertige, une prémo-nition.

Le film d’alfred hitchcock où l’on peut voir cette scène s’appelle Vertigo(Sueurs froides en français). Dans la séquence suivante, la jeune femme se jetteradans l’eau tourbillonnante de la baie et James Stewart, in extremis, la sauvera.Cette forme en spirale des cheveux de la femme, tel un signe du destin, accom-pagnera le récit jusqu’à son terme tragique, jusqu’à son « dénouement ».

2Ce matin, je regarde la baie de San Francisco. C’est le soleil levant. Le bleu

dégradé du Pacifique et les turbulences des vagues me font penser au Japon etplus précisément aux estampes d’hokusai. Je pense aussi à hiroshige, qui peintadmirablement les tourbillons des fleuves. Les Japonais sont fascinés par les fluxmaritimes et les courants aquatiques de toutes sortes. même les jardins zen,pourtant très minéraux, restituent (via la forme du ratissage) toute cette beautéde l’eau.

3il est étrange, et même inquiétant, ce miroir d’eau de San Francisco ! Comme

s’il y avait une malédiction, les nageurs qui s’y aventurent disparaissent à jamais.Tels des naufrages, ils luttent pour leur survie mais, de Charybde en Scylla, vains

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sont leurs efforts. en tentant l’évasion à la nage, des prisonniers d’alcatraz ontpayé, eux aussi, un lourd tribut à la baie.

4Je regarde fixement cette île d’alcatraz et les images de l’automne 69 me

reviennent. Les prisonniers ont été déplacés et voilà que des indiens s’installentà leur place. occupant l’île pendant quelques semaines, ils tinrent les forces fédé-rales à distance. ainsi dirent-ils au monde entier que leur culture était bafouéeet que leur terre était réduite à l’état peau de chagrin. ils étaient des apaches, desmohawks, des Navajos, des hopis… Des Sioux aussi…

5Je quitte la baie et remonte maintenant vers les maisons « communautaires »

d’ashbury. C’est le quartier hippie. Ce sont pour la plupart « des maisonsbleues » et il parait que « ceux qui vivent là ont jeté la clé ». mais alors que jefredonne, j’apprends, aujourd’hui même, 18 août 2012, la mort du chanteurScott mackenzie. Son « hymne » beatnik résonne sensuellement pour l’éternité :« Be sure to wear flowers in your hairs ». Curieux hasard que celui qui me faitme trouver là en cet instant-là… hasard que d’aucuns disent « objectif ».

6il est temps pour moi de rejoindre Colombus avenue, le quartier latin. J’entre

dans la librairie « City Light Books ». Des photographies de célébrités colonisentl’entrée : Kerouac, Greenberg, Diego Rivera, Burroughs, aby Warburg, andréBreton, Frida Kahlo, Bill Berkson… entre les rayonnages, j’aperçois une porte quiouvre sur une bibliothèque reconstituée. il faut deviner laquelle. est-ce celle deJack London ou celle d’aby Warburg ? on peut y entrer. un ordre particulier yrègne. Épinglées sur les étagères, des images d’art et d’anthropologie. Je pars etachète un recueil de photos d’ansel adams. Ce sont pour l’essentiel des vues duNevada, de grands espaces à perte de vue.

7J’irai un jour dans ces grands états du Sud américain, mais pour l’heure je

prends la route des vins. Je traverse la baie et file vers le Nord. une biche s’en-gouffre dans la forêt de séquoias. Ces arbres sont sans fin. ils mesurent 130mètres de haut et leur tronc coupé fait 10 mètres de diamètre. James Stewart estd’ailleurs venu là avec la jeune femme. Son visage, à elle, est bouleversant quand,

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posant son doigt sur la tranche immense du séquoia, elle dit : « Je suis née là etmourrai là ».

8Voici Nappa Valley. Je traverse les vignobles de Francis Coppola et m’arrête

pour goûter un peu. on me tend un taste-vin d’argent en forme de nautile ou decoquillage spiralé. Je regarde la forme du taste-vin avec ses jolies concavités d’ar-gent. Celles-ci font miroiter la lumière du fond vers la surface du « verre ». S’ensuivent des myriades d’éclats rouges. Sans doute ce qu’on appelle la « robe » duvin.

9avant de repartir vers le sud, je veux voir la maison en bois de Jack London.

C’est un nid de verdure isolé. un petit bonhomme vient m’ouvrir et se rendorttrès vite. Je profite de l’aubaine pour rentrer dans la cave « interdite aux visi-teurs ». Céphalopodes, ammonites, herbes et algues rares sont soigneusementalignés. Tout au bout du caveau, j’aperçois une pièce faiblement éclairée. C’estune « Chambre des cartes ». Toutes les images sont annotées au crayon de bois.il y a même des cartes marines de la méditerranée. Je vois la Sicile et les îlesÉoliennes et plus loin le « rivage des Syrtes ». Je m’assieds dans l’unique fauteuilquand soudain une chauve-souris fait irruption par le soupirail. elle vole viteautour de moi comme un papillon de nuit. elle effleure toutes les parois sansjamais les toucher. un oiseau dans un tel lieu exigu se fracasserait la tête. maiselle, dotée d’un radar, s’enfuit à tire d’aile. admiratif, je quitte la maison de l’écri-vain et esquisse quelques notes sur mon carnet.

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Éric Fonteneau

Ma rencontre avec Paul Louis Rossi

agnès marcetteau, directrice de la Bibliothèque municipale, me proposa de ren-contrer Paul Louis Rossi et de parler avec lui… Ce que Paul et moi fîmes souvent.

Paul me présenta donc son projet en sept « stations » correspondant à sept deses livres et à sept disciplines différentes : ethnographie, minéralogie, botanique,littérature, histoire, photographie et gravure.

il m’expliqua son idée ou principe « analogique » et je lui dis que moi je procé-dais par associations d’idées. Bref nous eûmes des conversations intéressantes etla question devint vite celle spécifique de l’exposition, c'est-à-dire celle du dia-logue sensible entre les sept sujets, entre les objets eux mêmes et surtout entre lesœuvres et le public de Nantes.

Je vais souvent voir les expositions du « musée des lettres et manuscrits » deParis mais je ressors toujours un peu déçu car les vitrines montrent seulementdes juxtapositions de courriers, de carnets de notes, de photographies et je neretrouve jamais l’univers de l’écrivain et son espace littéraire.

Je proposai alors à agnès marcetteau de créer à Nantes pour Paul une expo-sition véritable avec des lieux tamisés de clair obscur, théâtralisés en somme,dans lesquels le public pourrait entrer : une bibliothèque bien sûr, mais aussi unespace de curiosités cristallines et un cabinet de cartes. il s’agissait pour moi decréer un noyau central qui, telle une coupe d’un nautile, articulerait le tout. ainsitrouvera-t-on agrégés les sept thèmes de Paul sous une forme croissante « enescalier ». Ce dispositif évitera aussi les juxtapositions linéaires si opposées auprincipe littéraire « analogique » de Paul que j’imagine arborescent.

Page de gauche : Éric Fonteneau. Création originale pour l’affiche de l’exposition.

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ŒuVReS exPoSÉeS

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

CiViLiSaTioNS

La Porteuse d’eau de Laguna

Édition Le temps qu’il fait, 2011.

1/ Couverture

2/ Photographie

Voir collection Dominique Rabourdin.

3/ Des mirages et des ombres : éditions tandem, 2011.

Gravures de Renaud allirand.

4/ aby Warburg

Le Rituel du Serpent, éditions macula, 2003.

5/ Les masques de la collection alphonse Pinart à Boulogne-sur-mer. musée de la Porte Dorée.

Kodiak, alaska, édition musée Branly, octobre 2002.

6/ Citation Dostoïevski à Boulogne sur mer : Douce.

7/ Citation des mirages et des ombres :

D’où que je vienne

regardez la mer

regardez le côté extérieur

de la mer

ne regardez pas

l’endroit de la mer

vous êtes ignorant

de cet endroit

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eThNoGRaPhie.

• Paul Louis Rossi. La porteuse d’eau de Laguna. Éditions Le Temps qu’il fait, 2011, 91 p.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [C1312/10]

C’est l’histoire d’un objet perdu et reconstitué sur le modèle d’une poupée Katchina. À partir de La Rochelle,

port d’embarquement pour la Nouvelle France en 1683. L’histoire de l’objet conduit à l’analyse des sociétés

Hopis, Zunis, Apaches : peuples Indiens qui habitent sur les plateaux Mesa à la frontière actuelle des États-

Unis et du Mexique. J’ajoute qu’il faut lire à présent, après La Hontan, le petit volume des mémoires de

Cabeza de Vaca, premier Espagnol ayant vécu parmi ces Indiens dont les mythologies ont impressionné les

jeunes gens qui lisaient comme moi Soleil hopi du célèbre Don C. Talayesva, cher à Claude Lévi Strauss.

Il est possible de considérer le texte comme un éloge à la méthode de Francis Ponge, à qui j’avais dédié La

Méthode d’orpins : description d’un objet en place de l’étalage de sentiments.

• Éric Fonteneau. La Bibliothèque. Pierre noire sur papier, bois, montage électrique. Dimensions

variables, en fonction de l’espace d’exposition. 1992-2012.

installation de dessins obtenus par frottage. Les « empreintes » des ouvrages ont été effectuées dans

différentes bibliothèques (à Barcelone, Nantes, Cherbourg, Paris, San Fransisco). elle a été expo-

sée dans ces différentes villes, ainsi qu’à New York en janvier 2012.

• Éric Fonteneau. Country earth and sky. Fusain et pierre noire sur papier. 200 x 260 cm 1987

Collection Philippe et Régine Besnier, Paris. Dessin réalisé à partir d’une photographie de angel

adams, parue dans l’ouvrage Landscape as photograph. Le dessin représente une vue d’un paysage

de pierres et rochers du Nevada. Des inscriptions sur la surface inscrit le dessin dans un esprit

technique de relevé (topographie, cartographie, frottage du réel) et non dans un seul souci de

représentation.

• Éric Fonteneau. Colorado. Tirage rehaussé. encre et graphite sur papier arches. 56 cm x 76 cm

2012.

• Éric Fonteneau. Arizona. Tirage rehaussé. encre et graphite sur papier arches. 56 cm x 76 cm

2012. Ce sont des planches tirées et retouchées sur papier arches à partir de motifs paysagés du

sud-ouest américain préalablement dessinés. elles font partie d’un ensemble regroupé sous le nom

d’album américain.

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Page 72: Un monde analogique

• Peintures navajos : 7 peintures : 16,4 cm x 13,8 cm; 13,7 cm x 18,9 cm ; 15 cm x 15 cm. Collec-

tion Dominique Rabourdin, Paris

• Poupées kachinas. 26,8 cm x 14, 5 cm ; 20,5 cm x 7, 6 cm ; 25,5 cm x 5,8 cm ; 28,7 cm x 8,5 cm.

Collection Dominique Rabourdin, Paris

• Hemis Kachina. ancienne collection Jacques Lacan. 40 cm x 13 cm. Collection alain Le Provost,

Nantes.

• Angak’china(« Kachina aux longs cheveux » Kachina. 25 cm x 10 cm. Collection alain Le Provost,

Nantes.

• Petite Kachina « berceau ». 6 cm x 4 cm. Collection alain Le Provost, Nantes.

• Map of the territory of New Mexico, 1846-1847. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Ci13].

• aby Warburg. Le rituel du serpent. introduction par Joseph L. Koener. Éditions macula. Saint-

Jean-de-Braye, 2003. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [169274]

• Danseurs katcinas ; Porteuse d’eau de Laguna. Photographies d’aby Warburg réalisées lors de son

séjour chez les indiens hopis. 1895-1896. Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres

(Reproductions).

• Aby Warburg avec un indien. Portrait réalisé lors de son séjour chez les indiens hopis. 1895-1896.

Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres (Reproduction).

issu d’une riche famille de banquiers, aby Warburg (1866-1929) étudie l’histoire de l’art à laquelle

il consacrera sa vie. ouvert à de nombreuses approches (philosophie, anthropologie, histoire de

l’art, psychologie), il est tenu pour fondateur de l’iconologie une nouvelle méthode d’analyse qui

consiste, selon l’auteur, à « opérer une décomposition [de l’Œuvre] qui en fera apparaître clairement l’hé-

térogénéité matérielle ou essentielle ».

en 1895-1896, au cours d’un voyage aux États-unis, aby Warburg se rend dans le Sud-ouest dans

les villages pueblos, où résident les indiens hopis. il observe, dessine et photographie les rituels

indiens.

La conférence prononcée en 1923, connue sous le titre le rituel du serpent, était à l’origine une conférence

intitulée Images du territoire des pueblos en Amérique du Nord, grâce à laquelle son auteur entendait prou-

ver son intégrité mentale. Ressurgissent tous les détails du voyage américain : danses, sanctuaires, parures,

gestes, habitats, dessins, rencontres ; mais aussi la chaîne d’associations qui, sur le thème ambivalent du

serpent, n’a cessé d’entraîner Warburg d’une Antiquité millénaire jusqu’aux pratiques cérémonielles des

« primitifs ». (Joseph Koerner)

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Page de droite : Porteuse d’eau de Laguna.Photographie d’aby Warburg, 1895-1896.

Collection aby Warburg. institut Warburg, Londres

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Page précédente : Éric Fonteneau. La Bibliothèque. Pierre noire sur papier, bois, montageélectrique. Présentation à la galerie Paula anglim. 2000.

À droite: détail.

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Map of the territory of New Mexico, 1846-1847. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Ci13].

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Page précédente : Éric Fonteneau. Country earth and sky. Fusain et pierre noire surpapier. 200 x 260 cm 1987. Collection Philippe et Régine Besnier, Paris.

À droite : Hemis Kachina. ancienne collection Jacques Lacan. 40 cm x 13 cm. Collec-tion alain Le Provost, Nantes.

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Peinture navajo : 13,8 cm x 18,9 cmCollection Dominique Rabourdin, Paris

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Peinture navajo, 15 cm x 15 cm. Collection Dominique Rabourdin, Paris

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

miNÉRaux

Les Chemins de Radegonde

Éditions Tarabuste, 2011.

1/ Couverture

2/ Photographie : Saint Benoît du Sault.

3/ Pierre de lytoceras.

4/ La Pierre Levée Poitiers : L’abbaye de Thèlème - Rabelais : fait ce que voudra.

5/ Critiques

odile hunoult : La mare au Diable

Paul Louis Rossi ne manifeste aucune nostalgie des temps anciens (au demeurant pas en reste de

férocités), car il les incorpore tous à ses propres légendes. il met en connivence des similitudes et

des fragments, de clocher en clocher, d’aliénor d’aquitaine à Violante d’aragon, de Radegonde

(et de son ami Venance Fortuna, libertin, moine et poète) à Georges Sand…

La quinzaine littéraire n° 1041, juillet 2011.

6/ Citation Les Royaumes Celtiques

Venez à moi des collines de bruyères

Venez des îles de la mer,

o aigles à la vue perçante,

Voici votre repas !

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miNÉRaux

• Paul Louis Rossi. Les chemins de Radegonde. Éditions Tarabuste. 2011.134 p.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [611844]

«Paul Louis Rossi ne manifeste aucune nostalgie des temps anciens, car il les incorpore tous à ses

propres légendes. il met en connivence des similitudes et des fragments, de clocher en clocher,

d’aliénor d’aquitaine à Violante d’aragon de Radegonde à George Sand, entre les traces, la

légende, le rêve – qui est légende de soi à soi – et les attestations de l’histoire. et plutôt que l’his-

toire, ses marges, non le déroulé d’événements qui donneraient un sens, mais des petits faits ados-

sés aux mouvements intérieurs des êtres, c’est-à-dire ce qui naturellement est le plus vite emporté,

comme la couleur des fleurs dans un herbier. il intrigue la curiosité de son lecteur, la détrompe et

la dévie à plaisir (…). on voyage avec Rossi avec de continuelles ruptures de fils conducteurs, avec

des dénivelés, des résurgences. Comme en archéologie, le livre est sous le signe du fragment. À

l’image des bribes récoltés. À l’image des quatre fragments de tuile que Rossi réunit dans la cour

du Prieuré de Saint-Benoit du Sault. À l’image des quatorze petites vignettes qui ouvrent chacun

des chapitres. Ce sont des détails minuscules qui ainsi isolés, avec leurs manques, figurent des pay-

sages abstraits et embrumés. Paysages intérieurs ».

odile hunoult. « La mare au diable..» (Le magazine littéraire. Juillet 2011)

• Éric Fonteneau. La Forêt. Fusain et pierre noire sur toile libre. 250 cm x 900 cm, 2012

• Éric Fonteneau. Fossile 1. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012.

• Éric Fonteneau. Fossile 2. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012

« Le principe consiste à jouer avec de l’eau qui conduit le pigment vers son dépôt final à la lisière de la

tâche. Ce travail est réalisé avec de gros pinceaux. Par la répétition de traits larges, j’essaie d’évoquer les

stries, les veines que l’on voit souvent sur les fossiles ou dans leur bogue de calcaire ».

• Éric Fonteneau. Atlas 7. encre sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 1996.

Tirage d’après une juxtaposition de 12 carnets contenant une carte de l’irlande, pays qu’évoque

Paul Louis Rossi dans son ouvrage Les Chemins de Radegonde.

L’image montre les carnets ouverts, mais si on tourne virtuellement les pages des carnets, on

découvre des fragments de cartes différentes.

• Éric Fonteneau. Algues. 56 cm x 76 cm. encre et retouches. Tirage sur papier arches. 56 x 76 cm,

2012.

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Planches représentant de véritables algues tirées d’un alguier. « Les réseaux naturels des algues ont

été remplacés par des réseaux cartographiques et des plans de ports, de villes. S’opposent ainsi deux

mondes. D’une part le monde souple et presque aléatoire des algues, d’autre part celui du tracé méthodique

des hommes. Nature et culture ont en commun ici la prolifération inquiétante de leurs réseaux ».

• Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île d’Yeu. Piquage à l’aiguille sur papier arches 56 cm x 76 cm

2006.

• Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île de la Mangue. Piquage à l’aiguille sur papier arches 56 x

76 cm 2009.

« Ces cartes sont tirées d’un Atlas blanc que je réalise depuis plus de 10 ans. Aimant beaucoup voyager

mais ne pouvant toujours le faire, je parcours le monde depuis mon atelier. J’utilise de fines aiguilles et tel

un acupuncteur je pénètre la peau du papier. Cette action répétée est comme une longue marche le long des

fleuves, des failles de montagnes ou des veines de terrain. Le piquage transforme l’aspect du papier qui se

gaufre et imite la topographie, la géographie physique de la région parcourue »

• Éric Fonteneau. La forêt. Fusain et pierre noire sur toile « libre ». 250 cm x 900 cm, 2012. ins-

tallation obtenue à partir de frottages de végétaux (branches, feuilles, pommes de pin etc.). Sur ces

frottages viennent se poser des branches de différentes natures ainsi que des brindilles. L’ensemble

constitue une « installation » murale qui évoque la lisière d’une forêt.

• elisa Breton. Os de seiche sculpté. ancienne collection Nicole et José Pierre. Collection Dominique

Rabourdin, Paris

• Liasse de l’herbier Pesneau. 46 cm x 30 cm. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes

mhNm.B.1131.2

• Boîtes d’herbiers Pesneau. Bois. 52 cm x 35 cm. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes.

Jean-Baptiste Pesneau (1775-1846), est un riche propriétaire nantais qui se passionne pour l’ento-

mologie et la botanique. en 1837 il publie le catalogue des plantes de Loire Inférieure. en 1846, le

muséum de Nantes reçoit par legs ses collections d’insectes, son grainetier et son herbier. L’herbier

est constitué de 78 caisses dont 12 renferment les plantes prélevées dans le département qui ont

servi à publier le catalogue.

• Vingt liasses de l’herbier Toussaints. 46 cm x 34 cm. Collection muséum d’histoire naturelle de

Nantes mhNm.B. 10635.

L’herbier constitué par Gustave Toussaints (1801-1863) est consacré à la flore générale principale-

ment de France et d’europe. il contient plus de 12000 échantillons répartis parmi les phanéro-

games, cryptogames, algues, lichens et champignons. Cet herbier fait partie du fonds Édouard

Dufour (directeur du muséum de 1869 à 1882) acquis par la Ville de Nantes le 30 mars 1883.

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• Planche d’herbier Immortelle des dunes helighysum stoechas. Collection muséum d’histoire naturelle

de Nantes. mhNN.B.1131.2.108.

• Ensemble de minéraux : pyrites, pyrites avec quartz, quartz hématoïde, quartz hyalin, quartz hyalin et

rosé, quartz rose. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes.

• Ensemble de lytocéras fimbriatum. Collection particulière.

• Essai sur la topographie géognostique du département du Calvados, par De Caumont. Caen, 1828.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [13391].

• Dr Viaud-Grand-marais. Guide du voyageur à l’île d’Yeu. Nantes, 1897. Ville de Nantes. Biblio-

thèque municipale. [74363].

• Tableau théorique de la succession et de la disposition la plus générale en Europe des terrains et roches

qui composent l’écorce de la Terre. 1829. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Co1].

• La province du Berry. La généralité de Bourges. Les départements de l’Indre et du Cher. 1781.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [Ca 10].

• hugh algernon Weddell. Excursion lichénologique dans l’île d’Yeu, sur la côte de Vendée. in mémoires

de la société des sciences naturelles de Cherbourg. Tome xix. 1875. Collection muséum d’histoire

naturelle de Nantes.

Pages suivantes : Éric Fonteneau. La Forêt. Fusain, pierre noire, encre sur textile, branches et pommes de pin, 1996

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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes.

Photographie de Christian Leray, 1985.

Page de gauche : Carte de France divisée en XXXI départements militaires et en ses provinces. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [39745]

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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes.

Photographie de Christian Leray, 1985.

Page de droite : La province du Berry, la généralité de Bourges, les départements de l’Indre et du cher, 1781.Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [Ca 10]

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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessin au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à Nantes.

Photographie de Christian Leray, 1985.

Page de gauche : Carte de France divisée en XXXI départements militaires et en ses provinces. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [39745]

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Ci-dessus : Dr Viaud-Grand-marais. Guide du voyageur à l’île d’Yeu. Nantes, 1897.Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [74363].

Page de gauche : Paul Louis Rossi, Année 1967. Carnet autographe.

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Pages précédentes : Éric Fonteneau. Algues. encre et retouches. Tirage sur papierarches, 56 cm x 76 cm, 2012.Tirage à partir de l’œuvre conservée dans les collections du Fonds régional d’artcontemporain de Basse Normandie.

Page de droite : Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île d’Yeu. Piquage à l’aiguille surpapier arches, 56 cm x 76 cm, 2006.

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Page de droite : Éric Fonteneau. Carte blanche de l’île de la Mangue. Piquage à l’aiguillesur papier arches, 56 cm x 76 cm, 2009.

Double page suivante : Éric Fonteneau. Atlas 7. encre sur papier arches, 56 cm x 76 cm, 1996.

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Liasses d’herbier Pesneau, 46 cm x 34 cm et boîte d’herbier Pesneau, 52 cm x 35 cmCollection muséum d’histoire naturelle de Nantes.

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Ci-dessus : Éric Fonteneau. Fossile 1. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012.

Pages précédentes : Carte marine Kyo Ga Misaki au détroit de Shimonoseki. D’après les cartes japonaises de 1879 à 1898. Collection Éric Fonteneau

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Éric Fonteneau. Fossile 2. Dessin. Pigment et eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012

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Ensemble de lytocéras fimbriatum. Collection particulière.

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Ensemble de minéraux : pyrites, pyrites sur plaque de schiste, avec quartz, quartz hématoïde, quartz hyalin, quartz hyalin et rosé, quartz rose. Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes

Page de droite : Pyrite avec quartz, Collection muséum d’histoire naturelle de Nantes.

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

BoTaNique

Le Pont Suspendu

Éditions Virgile 2012.

1/ Couverture

2/ Photographie Japon.

3/ Jean-michel meurice : Le Catalogue de l’exposition Ipomées, Arethusas et Cyclamens, maison des

arts de Bages, 2010.

4/ Penser Couleur pure : éditions Le temps qu’il fait, juin 2006.

5/ Les algues.

6/ Le Théâtre Nô : fragment manuscrit.

Troisième tableau :

Le Chœur :

Les Larmes avaient taché les bambous

la Dame de Wou-chan

Crète des monts

n’était qu’une nuèe du matin…

7/ Penser algernon Weddell : Les lécanores - citation du Guide du Voyageur à l’île d’Yeu, 1967.

Voir Le Fauteuil rouge, page 88.

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BoTaNique

• Paul Louis Rossi. Les variations légendaires : chroniques. Éditions Flammarion. 2012. 243 p.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [P RoS litt]

L’histoire des Variations légendaires est plus simple. Depuis des années, Yves di Manno me demandait de

publier mes articles critiques, à partir des origines. Je résistais beaucoup car il me semblait que les polé-

miques d’antan concernant l’esthétique et l’histoire des idées, la critique du Réalisme social, n’avaient plus

de sens aujourd’hui. Du moins on le croit. J’ai donc décidé de constituer un ensemble commençant par des

articles contemporains. Puis d’évoquer ceux de la période tourmentée, autour de 1968. Pour terminer enfin

par ceux qui évoquent l’art de la peinture, des mythologies et de la philosophie, afin d’éclairer la nature de

la sensation esthétique. On y trouve un Supplément au Voyage de Sainte Ursule, Novalis et Kant, ainsi

qu’une relation de Jules Verne et du Docteur Faustroll d’Alfred Jarry. À la vérité, j’avais sans doute l’ambi-

tion de construire une Esthétique. Mais chacun sait qu’une vie entière ne peut suffire à cette entreprise. Il

faut lire ces pages comme une tentative de mise en ordre et en relation des sensations et des concepts, avec

des exemples qui nourrissent les émotions et les choix dans ce domaine si singulier de l’Art. Je pense qu’une

partie de l’art contemporain est dans l’illusion ou la souffrance. J’espère que l’on trouvera dans mon ouvrage

non des consolations, mais quelques idées et propositions susceptibles de calmer les esprits. C’est pourquoi

l’ouvrage se termine par une étude dédiée au peintre Jean-Michel Meurice, avec une allusion au théâtre Nô

japonais, intitulée : « Le Pont suspendu ».

• Paul Louis Rossi. Idéogramme en prose pour Jean-Michel Meurice. Cahier manuscrit. (Reproduc-

tions).

• Jean-michel meurice. Belles de nuit 6. acrylique sur nylon. 190 cm x 180 cm, 2011.

• Jean-michel meurice. Lierre et feuilles. acrylique et pastel sur papier. 46 cm x 40 cm, 2008

• Jean-michel meurice. Ipomée 1. acrylique et crayon sur papier. 40 cm x 46 cm, 2006

• Jean-michel meurice. Ipomée 4. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2004

• Jean-michel meurice. Ipomée 5. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2006

• Jean-michel meurice. Ipomée 7. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2004

• Jean-michel meurice. Solanée 1. acrylique, pastel et crayon sur papier. 58 cm x 46 cm, 2008.

• Jean-michel meurice. Solanée 2. acrylique, pastel et crayon sur papier. 58 cm x 46 cm, 2008

• Jean-michel meurice. Solanée 3. acrylique, pastel et crayon sur papier. 58 cm x 46 cm, 2008

• Jean-michel meurice. Dispacacée 2. acrylique, pastel et crayon sur papier. 40 cm x 50 cm, 2010.

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Page 120: Un monde analogique

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• Estampe japonaise. encre sur papier. 34 cm x 24 cm. Collection particulière.

• Carte marine Kyo Ga au détroit de Shimonoseki. D’après les cartes japonaises levées de 1879 à 1898.

Collection Éric Fonteneau.

• mathia Lobello. Icones Stirpium seu plantarutam exoticarum quam indigerum,… cum septem lingua-

rum indicibus.1591. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [13713].

Page de droite : Estampe japonaise. encre sur papier. 34 cm x 24 cm.Collection particulière.

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Paul Louis Rossi, Année 1957. Carnet autographe.

Page 123: Un monde analogique

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Paul Louis Rossi, Année 1957. Carnet autographe.

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Ci-dessus : Buchoz. Dons merveilleux de la nature. Paris 1779-1783Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [13718]

Page de droite : e. Decourtilz. Flore pittoresque et médicale des Antilles, 1824-1829.Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [13846]

Page 125: Un monde analogique

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Page 126: Un monde analogique

Jean-michel meurice. Ipomée 4. acrylique et crayon sur papier. 46 cm x 40 cm, 2004

Page 127: Un monde analogique

Paul Louis Rossi

Soldanelles

Nous étions un soir à Paris avec Jean-michel meurice, rue Notre-Dame desChamps, et nous parlions de son utilisation des végétaux. Je remarquai que Jean-michel conservait entre les pages des livres des feuilles séchées, quelques plantes,et des pétales de fleurs. Nous devions composer ensemble une dizaine de pagespour une collection de manuscrits illustrés. C’est alors qu’il me proposa d’écrireun texte à partir du mot Ipomée. Je suis nominaliste et j’aimais bien le mot, maisà ma consternation, je m’aperçus que je n’avais aucune idée du végétal qu’ilreprésentait. Toutefois, à peine revenu chez moi, j’en trouvai facilement le senset dans les jours suivants j’en fis une litanie que j’apportai au peintre. J’en reco-pie le début :

Ipomea – fruit capsulaire – Jalap officinal – patate douce – ipomea batatas – volu-bilis variabilis – convolvulacée – turbith turpethum – Jalapa localitè du Mexique –Xulapa – Ciudad de las flores – le Jalap entre dans la composition de l’eau de vie alle-mande – Belles de nuit – liseron petit lys comparé à la grande fleur blanche du convol-vulus sepium – feuilles sagittées ou cordiformes – Ipomea purpurea – liseron pourpre –feuilles à oreillettes obtuses – pédoncules glabres sans bractées dans le milieu – liserondes haies – suepes – convolvulus arvensis – petite vrillée ou clochette des blés – feuillesréniformes – convolvulus maritimes – convovulus tricolor – fleur d’un bleu superbeblanche au milieu jaune à la gorge – remplie d’un sucre laiteux et amer – convolvulussoldanellea – Soldanelle – liseron du Portugal – Belles de jour.

Le mot lui-même, générique de convolvulacées est une sorte de miracle lin-guistique car il conduit à l’arabesque, l’enlacement et même à la convulsion. ileût fallu ajouter la liste d’une collection d’ipomées japonaises trouvée au Jardinbotanique, dont j’égarai heureusement la copie.

La surprise, au bout de l’histoire, venait de ces premiers jours d’automne, à

125

Page 128: Un monde analogique

Bages, dans la Narbonnaise, alors que je découvrais soudain les dernières créa-tions du peintre. C’était imprévu et presque miraculeux, car il avait repris, déve-loppé et dirais-je sublimé cette préoccupation du végétal et des ipomées. Je metrouvais dans l’atelier, au-dessus des étangs, en face de compositions réalisées surtoile souple de différentes couleurs, grises et bleues, roses ou vertes, jaunes, avecquelquefois des verticales justement qui indiquaient la direction du regard et dutravail. et cette forme du liseron ou de la petite vrillée, blanche, qui semblait sedéployer et s’élever peu à peu vers les nuages et le ciel.

Nous avions un buisson de Belles de nuit – rouge vif – au seuil de la maison,sur la rue. elles se refermaient dès le premier matin pour ne s’ouvrir qu’à labrune. on les appelait aussi mirabilis jalapa, merveilleuses Belles de nuit. maisdans le jour de l’atelier, cette forme dessinée blanche qui s’élevait vers les cimescomme une étoffe légère, un linge blanc, enroulée sur elle-même et se déployantà la mesure comme un esprit qui s’évade de la terre et de la matière, avec parfoisdes écritures et des variations colorées, ces compositions du peintre me recon-duisaient au temps des découvertes. alors que je ne soupçonnais pas encore oùnous mènerait cette identification à l’esprit du végétal et de la terre.

De cet atelier du peintre, on pouvait comprendre que les étendues d’îles,d’eaux et de marécages, épousaient les rivages d’un ancien golfe marin, autrefoispeuple de cités lacustres, avec des petits ports où accostaient les radeaux, lesvaisseaux grecs et les galères romaines. Puis la mer s’en est allée, et les naviresavec elle, mais l’on croisait encore des pontons et des digues écroulées, dessalines abandonnées, et dans les campagnes, parmi les vignes, on pouvait encoretrouver des morceaux de poteries et des fragments de céramiques qui attestaientdu commerce des anciennes civilisations.

Cependant mon propos n’est pas de décrire un paysage, mais plutôt dedécouvrir dans l’air ce que j’appelle l’esprit du Lieu, c’est à dire une quintessence,sorte d’emblème ou de signe qui contiendrait à lui seul l’ensemble des donnéesvisuelles, morales, et physiques d’un espace donné. mon propos n’était pas deréaliser un inventaire, mais de montrer que notre séjour nous conduisait juste-ment vers d’autres horizons, vers de l’ailleurs, pour tout dire.

À Bages, en cette année, j’ai commencé de situer dans le temps, le paysage etl’histoire les maîtres excentriques de la peinture chinoise. Peintres de l’empire dumilieu, individualistes, aristocrates ou rebelles, depuis toujours qui vivaient àl’écart du monde auprès des lacs et des montagnes, au bord de l’océan et desmers orientales, et qui traçaient à l’encre noire, avec parfois des couleurs, de

126

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127

Jean-michel meurice. Dessin, 2006

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grands pins tordus dans les rochers, avec des nappes d’aiguilles qui pendaientcomme des lambeaux aux branches. qui peignaient comme Sin Wei des feuillesde vignes sous la lune. Comme Yun Shouping des fleurs fanées de lotus enautomne. alors que Jin Nong peignait des fleurs grises de magnoliers dans labrume d’été. et Li Shan des branches de néfliers avec leurs fruits jaunes pique-tés de grains noirs.

ils s’attachaient au détail de chaque ride de l’eau sur la mer, et méditaientseuls dans des barques amarrées près de la rive. ils dessinaient au crayon vert lesbambous et leurs longues feuilles pointues. il n’était pas étonnant que je recon-nusse leurs vertus dans une matinée embrumée des étangs, au bord des mon-tagnes du Sud. il n’était pas étonnant que je reconnaisse leur vertu et que j’ytrouve une analogie avec l’art et la pensée du peintre Jean-michel meurice, et cerivage embrumé par une matinée au bord du rivage et si proche des montagnes.

Septembre 2009 extrait de l’ouvrage

Jean-michel meuric, Ipomées, Arethuses et Cyclamens.maison des arts, Bages, 2010

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Jean-michel meurice. Belle de nuits 6, acrylique sur nylon. 190 cm x 180 cm, 2011

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

LiTTÉRaTuRe

Visage des Nuits

Éditions Flammarion, 2005.

1/ Couverture : dessin de Catherine marchadour.

2/ Photographie : Les îles Éoliennes.

3/ Les mézambrianthèmes : image de la plante.

4/ Critiques

Éric Pessan : Vient de Paraître n° 35, janvier 2006.

À l’inverse, donc, Paul Louis Rossi compile douze textes, altérant vers et proses, passant de Cha-

teaubriand à la correspondance de Sade avec sa femme Renée Pélagie de monteuil, laissant la

part belle à la musique, comme en témoignent ses Rimes et comptines ou ses très beaux vers

nommés milongas et autres égratignures.

5/ Penser numéro de la revue Jules Verne, n° 27, 2008 : Jules Verne et le Docteur Faustroll.

6/ Citation Visages des Nuits : La terre tangue

La terre tangue une

barque étroite sous

le signe de l’ourse

odeur de l’aurone

citronnelle herbe chaste

aimée d’artèmis

Goût de l’absinthe très

amère sur ma bouche

privée de douceur.

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131

LiTTÉRaTuRe

• Paul Louis Rossi. Visage des nuits. Éditions Flammarion. 2005.

« Les douze séquences lumineuses de Visage des nuits nous délivrent des ornières du temps, grâce

à Rossi, le brouilleur de cartes. Nous passons des cornouillers de notre jardin, de ses seringuas à

Burberry, aux boutons de la redingote de Bach, nous passons de notre envie d’écrire au bord du

vide, à ces brindilles, fétus, petits morceux de bois ou de paille, nous passons au magicien des

petites choses, des herbes à andré Lambotte (…). Son cahier rouge nous livre des notes de voyages,

de navigation, de l’angoisse et une possible espérance. Non loin nous retrouvons dans un mer-

veilleux tourbillon, Borges, Sade, et le Stromboli et quelques nouveaux poèmes-énigmatiques à moi-

même. Le voilier quand il s’efface/ Il ne veut pas revenir/*/Croix de fer croix de bois/ Trois cent chats à

l’étroit. Comptines, jeux de mots, rimes et un navire qui s’en va/avec ma dernière plainte, écrit Paul

Louis Rossi entre les mains des artisans. (Gaspard hons. Le mensuel littéraire et poétique, n° 336)

• Paul Louis Rossi. Année 1995. Carnet autographe.

• Éric Fonteneau. Souffleur. maquette papier, bois, peinture. 8 cm x 8 cm x 38 cm, 1985.

maquette tridimensionnelle. Le visage profilé est tiré d’une figure allégorique du vent, très souvent

utilisée dans la cartographie maritime ancienne. Le visage semble souffler dans le module géomé-

trique relié à lui par la bouche. Le module paraît gonflé par le souffle du souffleur

• Éric Fonteneau. Anges souffleurs. encre sur papier. 56 cm x 76 cm, 1985.

il s’agit de deux figures d’ange, qui se font face. Ce sont des allégories du vent, utilisées dans les

planches cartographiques des portulans

• Éric Fonteneau. Lave. Dessin. Pigment eau sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012.

Représentation d’un bloc de lave. Travaillé en contraste fort de noir et blanc ce dessin évoque le

noir d’un bloc de lave et le blanc celui de la cendre froide.

• Éric Fonteneau. Traversée. encre et retouches sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 1996.

Réalisé à partir d’un dessin montrant le parcours d’un voyageur en 9 stations, entre les côtes d’une

île et d’une autre île. Le titre « Traversée » suggère l’action d’un voyageur sans pour cela l’illustrer.

• Élisée Reclus. Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes. Europe méridionale. Paris,

librairie hachette, 1876. 1000 pages. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [70103].

• Carte des îles éoliennes : Lipari, Panarea, Salina, Stromoboli, Vulcano. Carte topographique Freytag

& Berndt. echelle 1 : 20 000. 125 cm x 97 cm, 2004.

• Jean Randier. L’instrument de marine. CeLiV, 1990.

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Éric Fonteneau. Souffleur. maquette papier, bois, peinture. 8 cm x 8 cm x 38 cm 1985.

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Carte marine extraite de l’ouvrage Cartes marines des côtes de la Méditerranée par michelot et (henri) Brémond, 1715-1718.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [19813]. Détail.Carte intégrale pages 136-137.

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Paul Louis Rossi. Année 1995. Carnet autographe.

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

PhoToGRaPhieS

Regards Croisés

Édition Fata morgana, 2005.

1/ Couverture

2/ Photographies Pablo Volta : mandiargues et Bona – Blaise Cendrars et Raymone - Pierre Klos-

sovski et Denise : choisir.

3/ image du Carnaval mamoiada en Sardaigne.

4/ L’Édit de Nantes. Voir gravures.

5/ extrait Regards Croisés :

Denise Roberte morin Sinclaire était née à Nantes, dans l’ancienne rue isaac Newton. il est

étrange de n’y avoir pas songé auparavant : La Révocation de l’edit de Nantes pourrait révéler

une liaison – même inconsciente – avec cette mystérieuse rue Newton, proche de la rue Des-

cartes qui conduit à la place de L’Édit du roi henri iV...

6/ Blaise Cendrars : Kodak

maison Japonaise

Tiges de bambou

Légères planches

Papier tendu sur des châssis

il n’existe aucun moyen de chauffage sérieux

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PhoToGRaPhieS

• Regards croisés. Textes de Paul Louis Rossi. Photographies Pablo Volta. Éditions Fata morgana,

2005. 30 exemplaires sur arches. Trois photographies de Pablo Volta signées.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale [404628R]

L’ouvrage réunit trois portraits des couples Cendrars, Klossowski et Pieyre de mandiargues. Paul-

Louis Rossi commente chacune des trois photographies.

Né en 1926 à Buenos-aires, d’un père toscan, grand reporter et collectionneur renommé, Pablo

Volta prend le maquis en 1944 et participe à la Résistance italienne jusquà la fin de la seconde

guerre mondiale. en 1949, à Berlin, il suit un cours de photographie de l’armée d’occupation amé-

ricaine. en 1952, il est parmi les cinq membres fondateurs de la première coopérative photogra-

phique italienne, i Fotografi associati, et collabore avec des photos et des articles à plusieurs

organes de presse. en 1957 il retourne en Sardaigne pour un reportage sur le Carnaval de

mamoïada. Cette même année il s'établit à Paris. il prend part à la vie culturelle de l’époque et pho-

tographie des écrivains et des artistes parmi lesquels : Louis aragon, emmanuel Berl, andré Bre-

ton, Blaise Cendrars, René Char, marguerite Duras, Laurence Durrell, ilia ehrenbourg, eugène

ionesco, Pierre Klossowski, Ghérasim Luca, Pierre mac orlan, andré Pieyre de mandiargues, Fran-

çois mauriac, Pierre Reverdy, Françoise Sagan, andré Salmon, Tristan Tzara, Giuseppe ungaretti,

Boris vian. Karel appel, Jean-hans arp, Victor Brauner, Camille Bryen, alexander Calder, marc

Chagall, Salvador Dali, Jean Dubuffet, marcel Duchamp, Léonard Foujita, Jacques hérold, marie

Laurencin, Le Corbusier, alberto magnelli, man Ray, Joan mirô, Pierre molinier, Paul Rebeyrolle,

Clovis Trouille. Par ailleurs, dès le début des années cinquante, Pablo Volta découvre la Sardaigne,

alors encore vierge de tout contact avec la société de consommation. Le premier, il photographie

rituels et traditions, aujourdhui disparus. en 1987, il s’installe dans le village sarde de San Sperate

pour y vivre jusqu’à sa mort en 2011.

• Éric Fonteneau. Sardaigne. Carte blanche. Piquage à l’aiguille sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 2012.

• Éric Fonteneau. Chambre des cartes… Dessins au fusain sur murs de greniers et d’entrepôts à

Nantes. Photographies de Christian Leray, tirées sur papier arches. 56 cm x 76 cm, 1985.

« La chambre des cartes » est un travail in situ réalisé à Nantes. Il s’agit de faire jouer l’aspect irrégulier,

aléatoire, d’un support avec le dessin de cartes de géographie marine ou d’état major ou topographiques ».

Les interventions in situ ont eu lieu entre les rue Cassini, Copernic, Descartes et le quai de la Fosse

à Nantes, en fonction des sites disponibles

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Pablo Volta, Raymone et Blaise Cendrars

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Pablo Volta, Bona et André Pieyre de Mandiargues

Pablo Volta, Denise et Pierre Klossovski

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

hiSToiRe

Le Buisson de Datura

Éditions joca seria, 2006.

1/ Couverture

2/ Photographie – inscription de La maison des pendus, voir jardin des plantes : Intellige priusquam

discutias - tu dois comprendre avant de juger.

3/ Couverture Régine

Voir : Un chien en hiver :

J’espère que je ne ricanai pas avec mes camarades. L’étrange est que loin de partager le rire de mes

compagnons et la désapprobation de l’instituteur, je trouvais extraordinaire la description et pathé-

tique l’image finale de ce chien en hiver qui courait seul dans la ville pétrifiée par le gel. et même

le style un peu maladroit dans la copie de l’élève disgracié m’avait intrigué. elle me paraissait inven-

tive, dans l’expression et le traitement du langage, et susceptible de rompre avec la niaiserie de sou-

haits et des représentations de la fin d’année.

4/ Critiques : Gaspard hons

L’auteur de ces récits est un poète botaniste, le poète des inventaires, proche des dieux et des

déesses, des histoires imaginaires et des fictions réelles, des jeunes femmes rêvées, des villa aban-

données, des parfums délicats et piquants…

Le mensuel littéraire et poétique, n° 343, Bruxelles.

5/ Les serres du Grand Blottereau : penser photographies Denis Dailleux catalogue 1997, Romain-

ville.

Page 145: Un monde analogique

143

hiSToiRe

• Paul Louis Rossi. Le Buisson de Datura. Éditions Joca Seria. 2006. Ville de Nantes. Bibliothèque

municipale. [611843]

«il se dégage des proses oniriques de Paul Louis Rossi un charme indéfinissable et extrêmement

prenant. Rien n’y est verrouillé comme dans les récits bien construits de la plupart des recueils de

nouvelles. Des personnages apparaissent, qu’on ne nous a pas présentés et qui nous quitteront

après quelques lignes, en nous laissant le regret de ne pouvoir les suivre. Des chemins qui sem-

blent mener quelque part sont soudain délaissés pour une toute autre destination. Des plantes et

des gravures conversent en d’étranges dialogues dont la pelote, souvent, reste dévidée, semblant,

si l’on ose dire, avoir perdu son fil. Des énigmes, seulement à moitié résolues, hantent le récit et

les préoccupations de ceux qui le mènent, et laissent en nous un étrange souci. mais tout cela, au

lieu d’être frustrant, a quelque chose de ces peintures chinoises où c’est dans le vide qu’il faut cher-

cher la vérité du paysage. on est là comme devant un sac de voyage éventré qui révèlerait des pho-

tos, des cartes, des boussoles, dont on ne peut espérer qu’elles nous content leur histoire, et qui ne

sont, en fait, que des invitations à prendre à notre tour la route, le bateau ; pousser cette porte. »

(Gérard Lambert-ulmann. 2009. Librairie Voix au chapitre. Saint-Nazaire)

• Paul Louis Rossi. Le Buisson de Datura. manuscrits de travail.

• Paul Louis Rossi. 1956-1957. Carnet autographe.

• Éric Fonteneau. Abbaye de Fontevraud : gisants. Photographie, 2012.

• Événements d’Algérie, Événements de Budapest, octobre-novembre 1956. Paris-Match. N° 395. Samedi

3 novembre 1956. (Reproduction)

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Éric Fonteneau, Abbaye de Fontevraud, gisants.

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Paul Louis Rossi, Année 1957. Carnet autographe.

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Paul Louis Rossi, Année 1956. Carnet autographe.

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Page de droite : Événements de Budapest. Veuve Rajk et son fils. Paris-March, Samedi 3 novembre 1956.

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Page de droite Événements d’Algérie.Paris-March, Samedi 3 novembre 1956.

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PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

GRaVuReS

Vies d’Albrecht Altdorfer

Éditions Bayard, 2009.

1/ Couverture

2/ Critiques

odile hunoult : L’art et l’histoire

Les personnages, ce sont les peintres, altdorfer bien sûr, Dürer, Cranach, Grünewald, Lucas de

Leyde, le graveur urs Graf, d’autres encore. Puis des princes, leurs protecteurs, dont ils font les

portraits, essentiellement l’empereur maximilien, mort en 1519 et Frédéric le Sage, mort en

1525. Puis les prophètes et prédicateurs – la chrétienté bouillonne sur le feu de la Réforme, des

illuminés prêchent l’égalité évangélique ici et maintenant…

La Quinzaine littéraire n° 1004, décembre 2009.

3/Gravures

Jacques Clauzel : Les quatre Éléments, neuf exemplaires manuscrits, édition Rencontres, choisir

une gravure du peintre.

michel Roncerel et Jacques Clair : Feuilles détachées, octobre 2009.

Bertrand Bracaval : Masques, Éditions Le Pré Nian, 2011.

4/Feuilles détachées des prisons

voir photographies Fontevrault et manuscrit.

5/Citation

il nous semblait entendre le pas feutré des gardiens dans les couloirs alors qu’ils avançaient en

tapinois – comme s’ils eussent porté à la place de leurs gros souliers des patins de laines ou des

chaussons à semelles épaisses et qu’à cet instant de leur vigilance nocturne ils glissaient sur un

parquet ciré dans les corridors, les dépendances et les greniers.

Page 155: Un monde analogique

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GRaVuReS

• Paul Louis Rossi. Vies d’Albrecht Altdorfer, peintre mystérieux du Danube. Éditions Bayard. 2009,

186 p. Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [611624]

en fait, le sujet du livre n’est pas altdorfer, mais son Œuvre, baroque, violente, mystérieuse. et non

pas éclaircir mais entrer dans son mystère, « l’histoire tragique du passage d’un siècle à l’autre », et pas-

ser au-delà de l’écran des apparences pour découvrir cette histoire, non telle qu’elle se récite dans les

manuels et les oraisons, mais comme une chronique secrète enfouie à l’ombre des faits prestigieux, des

batailles célèbres et des couronnements, comme le tissu silencieux des jours caché par l’illusion de la repré-

sentation ». Chaque chapitre appelle un personnage, avec son destin, ses entours, chaque person-

nage appelle les autres. Paul Louis Rossi brosse l’un, le laisse, le reprend pour pousser plus loin,

mettre les détails, ajouter les ombres, les échos. Peu à peu, le tableau se remplit, toutes ses parties

se répondent. au final la toile est pleine, grouillante, obscure… à l’image de la bataille d’issos vue

par altdorfer. Les personnages, ce sont les peintres, altdorfer bien sûr, et ses contemporains,

Dürer, qui s’échappe vers l’italie et sa clarté, Cranach, Grünewald, Lucas de Leyde, le graveur urs

Graf, d’autres encore.

odile hunoult. « L’art et l’histoire ». (Le magazine littéraire, décembre 2009, n° 1004)

• Paul Louis Rossi. Carnets manuscrits.

• Paul Louis Rossi, Bracaval. Masques. 4 eaux-fortes de Bracaval, 29 cm x 26 cm, sur arches 300 gr.

composé à la main en Vendôme Corps 16, couverture en papier du moulin de Larroque, 2011,

35 ex., plus 10 hors commerce numérotés et signés. exemplaire n° 10 numéroté et signé.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [404657R].

• Paul Louis Rossi, Renaud allirand. Des images et des ombres. Livre d’artiste. Textes de Paul Louis

Rossi, gravures de Renaud allirand. 19,5 cm x 28,5 cm. Éditions Tandem. 2010. Tirage à 30 exem-

plaires signés et numérotés par les auteurs. exemplaire n° 28. Ville de Nantes. Bibliothèque muni-

cipale. [404661R]

L’ouvrage Des mirages et des ombres est né d’une rencontre et d’un dialogue entre Paul Louis Rossi

et Renaud allirand, artiste plasticien vivant et travaillant à Paris.

Comme autant de sentences, de haïkus, les mots poétiques de Paul Louis Rossi répondent aux

deux estampes-eau-forte pour la première et eau-forte et pointe sèche pour la seconde- de Renaud

allirand, placées en ouverture et conclusion du texte (Gilles Kraemer. Arts et métiers du livre n° 286)

• Renaud allirand. Pointe sèche sur cuivre acéré. 49,4 cm x 39,9 cm, 2003.

• Renaud allirand. eau forte et pointe sèche sur zinc. 34,7 cm x 25 cm, 2010.

Page 156: Un monde analogique

• Renaud allirand. XX. eau forte et pointe sèche sur cuivre. 50 x 39,6 cm, 2011.

• Renaud allirand. Obliques II. eau forte et pointe sèche sur zinc. 49,5 cm x 59,8 cm, 2007.

• Renaud allirand. Écriture. Pointe sèche sur cuivre. 49,9 cm x 39,8 cm, 2011.

• Renaud allirand. Page III. Pointe sèche sur cuivre. 50 cm x 39,9 cm, 2011.

• Renaud allirand. Pont de Normandie. 49,5 cm x 39,8 cm, 2007.

• Renaud allirand. Intérieur II. eau forte et pointe sèche sur cuivre en noir et bleu. 50 cm x

39,6 cm, 2011.

« La gravure m’a toujours fasciné, j’ai attendu longtemps pour acheter une plaque de cuivre, 10 ans exac-

tement. 10 ans de peinture, d’encres de Chine, 10 ans de travail sans une parole * et un jour, j’ai eu envie,

besoin urgent de m’exprimer autrement, je voulais écrire, mais comment ? Avec des mots, bien sûr, mais je

ne souhaitais pas que ces mots soient lus, par quiconque, ni même par moi un jour. Je voulais des mots

intimes mais éphémères. La gravure m’est alors apparue comme l’unique moyen, écrire à l’endroit puis à

l’envers, avec la précision des mots les plus vrais et de la pointe sèche, écrire et réécrire sur ces propres

paroles, délier mes peurs, chercher certaines vérités. Et ces « écritures » sont devenues des pages illisibles

le plus souvent, presque abstraites, une sorte de nouvelle écriture ou de la première écriture peut-être, sans

frontières où chacun peut imaginer une page de ses propres mots, de sa propre existence, terrestre ou

d’ailleurs. Grâce à ces « écritures », le chemin de la gravure m’était ouvert, et ma peinture est entrée dans

la gravure, avec des lignes horizontales et verticales, pas de couleurs, une architecture à la recherche de la

lumière. Des paysages toujours imaginaires, la lumière du nord, une fenêtre, un passage, des lignes qui se

croisent tels « les haubans » des dernières gravures, recherche des tensions qui maintiennent debout,

constructions et reconstructions. Écrire un mot ou tracer une ligne, l’idée reste la même : se libérer. Pleins

et déliés ou rectitudes, une partie de soi est gravée ». Renaud Allirand. 2006

« * extrait de mon livre- objet « Vivre » « enfant, j’étais persuadé que je ne possédais qu’une cer-

taine quantité de mots à dire, pour la vie. Je les économisais au point de ne plus parler ou presque. »

• albrecht Dürer. Melencolia 1. Burin, 1514. musée Dobrée. iNV. 896.1.107 (fac-similé)

• albrecht Dürer Saint-Jérôme dans sa cellule. Burin, 1514. musée Dobrée.

iNV. 896.1.117 (fac-similé)

• albrecht Dürer. Les armoiries à la tête de mort. Burin, 1503. musée Dobrée.

iNV. 896.1.3654 (fac-similé)

• albrecht Dürer. La grande fortune, ou Nemesis. Burin, vers 1501-1502. musée Dobrée.

iNV. 896.1.108 (fac-similé)

• albrecht Dürer. La merveille de la mer. Burin, vers 1501. musée Dobrée.

iNV. 896.1.145 (fac-similé)

• albrecht Dürer. La vierge au macaque. Burin, vers 1498. musée Dobrée.

iNV. 896.1.121 (fac-similé)

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Page 157: Un monde analogique

• albrecht Dürer. Le songe du docteur. Burin, vers 1500. musée Dobrée.

iNV. 896.1.3936 (fac-similé)

• albrecht Dürer. La promenade. Burin, vers 1496-1497. musée Dobrée.

iNV. 896.1.116 (fac-similé)

• albrecht altdorfer. Départ pour le Sabbat. Paris, musée du Louvre. D.a.G. Vers 1506. h. 17,9 cm.

L : 12,4 cm. Plume, encre noire, rehauts de gouache blanche sur papier préparé rouge brique. en

bas à gauche, de la main de l’artiste, à la plume et encre noire, monogramme et la date : 1506. iNV

18867. (Reproduction).

• urs Graf Geisselung Christi, 1520. 18,8 cm x 20, 8 cm. Collection : Kunstmuseum Basel, Kup-

ferstichkabinett, iNV. u.x.98. (Reproduction).

• Matériel de gravure : pointes sèches, burin, roulette, vernis, flambeaux à enfumer, poupées, plaques de

cuivre et de zinc. Collections du musée de l’imprimerie de Nantes.

• De la manière de graver à l’eau forte et au burin et de la gravure en manière noire. Avec la façon de

construire les presses modernes et d’imprimer en taille-douce. Par abraham Bossé, graveur du roi. Paris,

Charles-antoine Jombert, 1758.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [21692].

• Manuel du graveur ou traité complet de l’art de la gravure en tous genres. Par a.m. Perrot. Paris, librai-

rie encyclopédique de Roret, 1830.

Ville de Nantes. Bibliothèque municipale. [21690].

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Page 158: Un monde analogique

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Matériel de gravure : pointes sèches, burin, roulette, vernis, flambeaux à enfumer, poupées, plaques de cuivre et de zinc. Collections du musée de l’imprimerie de Nantes.

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albrecht Dürer. Melencolia 1. Burin, 1514. musée Dobrée. iNV. 896.1.107

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albrecht Dürer Saint-Jérôme dans sa cellule. Burin 1514. musée Dobrée.inv 896.1.117

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Renaud allirand, Bois. eau forte sur cuivre, 2009

Page 163: Un monde analogique

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Renaud allirand, eau forte sur zinc, 2011

Page 164: Un monde analogique

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Renaud allirand, 7 juin. eau forte sur zinc, 2011

Page 165: Un monde analogique

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Renaud allirand, Intérieur II. eau forte et pointe sèche sur cuivre en noir et bleu, 2011.

Page 166: Un monde analogique

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Renaud allirand, Nuit d’octobre. eau forte sur zinc, 2010.

Page 167: Un monde analogique

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Renaud allirand, Eau. eau et pointe sèche sur zinc, 2010

Page 168: Un monde analogique

PauL LouiS RoSSi : NoTeS PouR uNe exPoSiTioN

eSThÉTique

Les Démons de l’Analogie

Éditions joca seria 2012

1/ Se référer au titre générique des Démons de l’Analogie

Penser n° 8 d’Art absolument printemps 2004 : article pour artemisia Genteleschi et Nantes.

2/ Les Variations Légendaire, Éditions Flammarion, 2012.

entretien avec Gérard Noiret, La Quinzaine littéraire.

3/ La Route du Sel

Éditions Belin - Claire Combeau

Penser adelbert von Chamisso : Voyage autour du Monde 1815-1818, Éd. le Sycomore, 1981. Pho-

tographie couverture.

4/ Le Fleuve

atelier de Villemorge

penser dessins de Jacky essirard

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Jean-Pierre Colin, Portrait de Paul Louis Rossi, 1997

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Page 171: Un monde analogique

DomiNique RaBouRDiN

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Poupée Kachina. 28,7 cm x 8,5 cm. Collection Dominique Rabourdin

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Dominique Rabourdin

La pente de la rêverie

Digressions sur quelques objets bouleversants, la fré-quentation des Katchina, le respect dû aux esprits etl’analogie universelle

à elisa Breton

« Je savais que les objets perdus vivent leur propre

existence ».

(Paul Louis Rossi, La Porteuse d’eau de Laguna).

avertissement

mes références essentielles sont ici le surréalisme, et andré Breton, dont lapensée ne cesse de m’accompagner et dont les mots cognent continuellement àma fenêtre. Puisque cette exposition est intitulée Un Monde analogique, et quel’analogie est au cœur du surréalisme, je voudrais que l’on me permette demettre mes pas dans les traces des siens.

Les objets bouleversants

J’ai pris l’habitude, le samedi matin, d’aller dans les brocantes et surtout aumarché aux puces. Plus qu’une habitude, plus même qu’un simple goût, c’est unrite. Cela a commencé sans doute avec la lecture de Nadja, des Vases communi-

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cants et de l’Amour fou, les descriptions et les photographies d’objets extraordi-naires « qui, entre la lassitude des uns et le désir des autres, vont rêver à la foire de labrocante ». ainsi au début de Nadja : « Comme un dimanche, avec un ami, je m’étaisrendu au Marché aux puces de Saint-Ouen, (j’y suis souvent, en quête de ces objets qu’onne trouve nulle part ailleurs, démodés, fragmentés, inutilisables, presque incompréhen-sibles, pervers enfin au sens où je l’entends et où je l’aime, comme par exemple cettesorte de demi-cylindre blanc irrégulier, verni, présentant des reliefs et des dépressionssans signification pour moi) ». impossible de l’oublier jamais, non plus que le Gantde bronze – Gant de femme aussi… – appartenant à Lise Deharme, qui plus tard aaccepté de me le montrer. ainsi dans L’Amour fou, le masque de fer trouvé encompagnie de Giacometti, avec cette légende : le descendant très évolué du heaume- que Joë Bousquet devait reconnaître formellement comme « un de ceux qu’il eutà distribuer à sa compagnie en Argonne, un soir de boue de la guerre, à la veille de l’at-taque où grand nombre de ses hommes devaient trouver la mort et lui-même être atteintà la colonne vertébrale de la balle qui l’immobiliserait ». La manière dont ce masqueva devenir le « visage » du personnage féminin imaginé par alberto Giacomettipour sa sculpture, l’Objet invisible, que Breton tient d’emblée pour l’émanation dudésir d’aimer et d’être aimé, relève de la poésie la plus haute, comme la rencontrede la cuillère au talon en forme de chaussure qui deviendra pour lui le soulier deCendrillon. Dans cette « soif d’errer à la rencontre de tout, la trouvaille d’objets rem-plit ici rigoureusement le même office que le rêve, en ce sens qu’elle libère l’individu descrupules affectifs paralysants, le réconforte et lui fait comprendre que l’obstacle qu’ilpouvait croire insurmontable est franchi. » qu’on se souvienne de la définition dusurréalisme dans le Manifeste, qu’il n’est pas inutile de rappeler, tant est galvaudéaujourd’hui le mot surréalisme : « Automatisme psychique pur par lequel on se pro-pose d’exprimer, soit par écrit, soit de toute autre façon, le fonctionnement réel de lapensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehorsde toute préoccupation esthétique ou morale ». C’est en n’attendant rien que de saseule disponibilité et en gardant les yeux bien ouverts qu’il est possible de voir vrai-ment certains objets comme des signes poétiques dispersés sur notre parcours, dese maintenir « en communication mystérieuse avec les autres êtres disponibles, commesi nous étions appelés à nous réunir soudain.… »

À une époque, que je me force à ne pas trouver si lointaine, où certains livres,les livres surréalistes en particulier, étaient à peu près introuvables, avant que cespurs marginaux que furent aragon, artaud, Breton, Char, eluard, Péret, Picabia,Prévert, queneau, Tzara, sans oublier allais, apollinaire, Bataille, Cros, Jarry,michaux, Nouveau, queneau, Reverdy et Roussel pendant que nous y sommes,

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aient leur Pléiade ou leurs Œuvres complètes, leur découverte était un prodigeaussi inattendu que celle d’un de ces « objets bouleversants » qu’annonçait lenuméro hors-série de Variétés, Le Surréalisme en 1929, et relevait à la fois duhasard, du désir et du rêve – en un mot, la « Magie quotidienne ». aujourd’hui,rien ne nous empêche de rêver encore de la possible découverte, au fond d’uncarton, de quelques numéros de Maintenant, la revue mythique d’arthur Cravan,d’une photographie de Jacques Vaché dédicacée à un ami d’autrefois, ou, pour-quoi pas, des lettres – lettres-collages ? – que Breton lui envoyait.

La Pente de la rêverie

Breton rêvait d’ « un paradis des livres – si peu d’élus – mais que les rayons pourles tenir soient vraiment des rayons de soleil. » il rêvait également d’« un lieu sansâge, n’importe où hors du monde de la raison où ceux des objets fabriqués par l’hommequi ont perdu leur sens utilitaire, ne l’ont pas trouvé ou s’en sont écartés sensiblement– qui de ce fait sont de quelque manière A SECRET – émergeraient d’une manièresélective et sans interruption de la rivière de sable de plus en plus serré qui constitue lavision de l’homme adulte et tendraient à lui rendre la transparence de celle des enfants.Ces objets alterneraient avec des objets naturels de toute singularité, essentiellementceux dont la structure répond à une nécessité des plus obscures, dont le seul aspect estd’ordre à faire rebondir le problème de cette nécessité [… ]Une première nomenclaturede tels objets a été tentée : Objets naturels, Objets naturels interprétés, Objets naturelsincorporés, Objets perturbés, Objets trouvés, Objets trouvés interprétés, Objets améri-cains, Objets océaniens, Objets mathématiques, Ready-made et ready-made aidé,Objets surréalistes ».

Parenthèse sur l’analogie

objets porteurs de magie, objets qui font rêver. objets trouvés qu’il reste encoreà interpréter : il s’agit toujours de se rendre disponible pour se mettre en état deretrouver le fonctionnement réel de la pensée en expérimentant son processus analo-gique, essentiel aux yeux des surréalistes. Dans sa préface à Je vois j’imagine, l’al-bum où Jean-michel Goutier a rassemblé l’œuvre plastique de Breton, octavio Pazécrit que « Breton a cherché [...] les vestiges encore vivants de la science suprême: l’ana-logie universelle. »

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en 1947, son texte phare, Signe ascendant, commence par cette affirmationprimordiale : « Je n’ai jamais éprouvé le plaisir intellectuel que sur le plan analogique.Pour moi la seule évidence au monde est commandée par le rapport spontané, extralucide, insolent qui s’établit, dans certaines conditions, entre telle chose et telle autre,que le sens commun retiendrait de confronter ».

Dans Partie liée, sa contribution à l’exposition La Danse des Kachina, auPavillon des Arts à Paris en 1998, Vincent Gille écrit à juste titre que l’« analogieest ce qui, aussi spontanément qu’intuitivement, permet de relier deux éléments deprime abord étrangers l’un à l’autre, voire antinomiques. Elle est le lien entre le mondeintérieur et le monde extérieur, elle est le moteur de l’image poétique, la mécanique dela rencontre amoureuse, le principe essentiel du surréalisme. La pensée primitive est demême toute entière organisée sur des rapports analogiques. Chaque élément du mondeest soigneusement observé, puis relié à tel ou tel autre élément par un rapport précisqui nous est le plus souvent indéchiffrable parce que ne répondant pas à la mêmelogique que la nôtre. En combinant l’ensemble de ces relations on peut dresser un inven-taire général associant les éléments entre eux dans une sorte de classification aussicomplexe que riche de sens. »

au cœur du surréalisme dès ses origines, l’analogie aura été continuellementau cœur des Jeux surréalistes. C’est l’intérêt et la raison d’être de quelques-uns deces jeux - particulièrement ceux qui sont basés sur la recherche de l’analogie-que d’avoir donné la possibilité à l’imagination de fonctionner en toute liberté :Le Jeu des analogies : si c’était un animal ?, Cartes d’analogie et surtout L’un dansl’autre, inventé à Saint-Cirq-La Popie l’été 1953. Breton et Péret partent de l’idéeque n’importe quel objet est contenu dans n’importe quel autre, pour arriver àl’évidence que toute action, et aussi tout personnage, même placés dans unesituation déterminée, peuvent également être décrits à partir de tout objet, etinversement. Ce qui signifie que cette analogie, pratiquement illimitée, « militeen faveur d’un monde ramifié à perte de vue et tout entier parcouru de la même sève. »il ne s’agit de rien de moins que de « rendre à la poésie le sens de l’immensité de sespouvoirs perdus. »

42 rue Fontaine - L’atelier d’andré Breton

Le lieu sans âge, n’importe où hors du monde de la raison dont rêvait andré Bre-ton a été, trop brièvement, la galerie qu’il ouvrit en 1937 à Paris, à l’enseigne del’héroïne de la merveilleuse nouvelle de Jensen analysée par Freud : Gradiva. mais

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ce lieu, il l’a surtout créé, inventé et habité en suivant la pente de sa rêverie : c’estson atelier du 42 rue Fontaine :

« Il y avait ici un refuge contre tout le machinal du monde », a écrit Julien Gracqdix ans après la mort de Breton dans En lisant en écrivant : Rien n’a changé depuissa mort. Dix ans déjà ! ». Son texte a été repris pour présenter un bel album dephotographies originales en couleurs de Gilles ehrmann réalisées à la demanded’elisa Breton, intitulé 42 rue Fontaine – L’atelier d’André Breton. L’une d’ellesmontre le mur où l’on est attiré d’emblée par ses très beaux Filiger et la collec-tion de ces poupées hopi appelées Kachina. on peut écrire indifféremmentKachina ou Katchina, comme on peut mettre ou ne pas mettre d’ « S » au plu-riel. Sur une autre photographie, on distingue un objet sculpté dans le liège parBreton, le Cœur dans la flèche, que Jean-michel Goutier a reproduit dans Je voisj’imagine. C’est le souvenir inconscient de cet objet qui m’a sans doute décidé àacheter l’année dernière, lors de la vente de la collection de son ami José Pierreun « os de seiche sculpté » sans savoir précisément de quoi il s’agissait.

Le texte écrit par Gracq pour fixer l’image de l’atelier de la rue Fontaine telqu’il était du vivant de Breton devait en 2003 servir de préface aux huit volumesdu catalogue de la vente destinée à en disperser le contenu, ce qui est très exac-tement le contraire. ironie du destin qui faisait légèrement sourire son auteur.Ce n’est pas la reconstitution à Beaubourg d’un des murs de l’atelier ni les filmset les images qui en subsistent, si belles soient-elles, qui nous empêcheront deregretter un lieu authentiquement magique. Je ne pourrai jamais oublier lesregards furieux d’une grande figure Marawot et de l’imposant et inquiétant Uli,chassés de leur refuge, outragés de se retrouver livrés à la foule dans la salle deDrouot-Richelieu où ils allaient être mis en vente. mais Breton n’a-t-il pas écritdans sa préface pour la vente - au même endroit - de la collection de son amieLise Deharme, « la femme au gant » de Nadja :

« Ce qui va se disperser ici, soit dit que pour quelques-uns c’est un peu du trésor dutemps[ …] Et l’on retrouve sa mélancolie à voir, au vent, filer comme graines ceschoses que tant de discernement passionnel avaient réunies comme si, autour de cellequi s’en entourait, elles étaient venues obéissant à une loi d’attraction pure [ …] Maistout ce dont elle se sépare grâce à elle demeurera si chargé d’esprit que rien ne pourral’éteindre dans sa gravité vers d’autres destinées. »

Rien n’avait encore changé rue Fontaine quand elisa Breton a bien voulu merecevoir, quand j’ai pu enfin me retrouver en face de ses célèbres Kachina.

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C’est dans ce château que je vais essayer de pénétrer

en 1942 Benjamin Péret, réfugié au mexique, travaille à une Anthologie desmythes, légendes et contes populaires d’Amérique dont Breton publiera immédiate-ment la préface à New York sous le titre La Parole est à Péret : « Je pense aux pou-pées des Indiens Hopi du Nouveau-Mexique, dont la tête parfois figure schématique-ment un château médiéval. C’est dans ce château que je vais essayer de pénétrer. Il n’apas de portes et ses murailles ont l’épaisseur de mille siècles ». Ce château, c’est lemonde des esprits et des légendes.

Les Kachina, nous apprend marie-elizabeth Laniel-Le François, l’auteur, avecJosé Pierre et Jorge Camacho, du livre essentiel sur le sujet, Kachina des indiensHopi, sont des esprits, messagers des dieux et compagnons surnaturels des pre-miers ancêtres. aujourd’hui, le mot Kachina évoque surtout les poupées, alorsque le sens du mot Kachina comprend les humains masqués représentant lesesprits, les êtres surnaturels eT les poupées sculptées à l’image des danseurs,offertes aux enfants et aux femmes lors des cérémonies, investies de la puissancede l’esprit et des aspects usuels, symboliques et légendaires du danseur. inter-médiaires constants et familiers entre les hommes et les esprits ou les dieux,leurs couleurs, formes, signes et mythes sont secrètement et finement orches-trées. Le secret est important, dès lors qu’il s’agit d’accéder aux secrets de l’uni-vers : seules les poupées non cérémonielles peuvent être vendues et reproduites.La poupée protège son possesseur.

Le culte Kachina met en scène 350 à 400 esprits différents qui dressent « lepoétique et savoureux inventaire du monde ». Dans Les Esprits de la vie, sacontribution à Kachina des indiens Hopi, Jorge Camacho cite le Livre du Hopi, deFrank Waters : « les Kachinas n’étant pas exactement des divinités n’en sont pas moinsdes esprits respectés, ainsi que leur nom même l’exprime (ka : respect ; china : esprit).Ils sont esprits des morts, esprits des minéraux, esprits des plantes, esprits des oiseaux,esprits des nuages, esprits des autres planètes, et même esprits des étoiles qui ne sontpas encore connues ou visibles dans notre ciel. En fait ils sont les esprits de toutes lesforces invisibles de la vie. »

en europe, les Kachina sont entrées très tôt dans les ateliers d’artistes. Picassoen avait vu dès 1907. emil Nolde en représente une dans un tableau de 1911. ellesferont bientôt partie de l’imaginaire surréaliste. max ernst s’y intéresse tout parti-culièrement, et s’en inspire. Dans Le surréalisme et la peinture, Breton évoqué, dansun de ses tableaux de 1926, « la tête humaine qui s’ouvre, vole et se ferme sur ses pen-sées comme un éventail, la tête tombant sur ses cheveux comme un oreiller de dentelle,

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la tête fragile et sans poids qui se tient en équilibre entre le vrai et le faux, crénelée de bleucomme dans les poupées du Nouveau-Mexique »…il existe une photographie extra-ordinaire, prise à New York en 1942, où, déguisé en magicien, il est entouré d’unetrentaine de poupées hopi et Zuni. Selon José Pierre et Jorge Camacho, elles ontfasciné Breton dès 1920. il commencera à les collectionner – avec Paul eluard –en 1926. L’année suivante, eluard écrit à Gala son admiration pour les deux trèsbelles poupées pueblo (Nouveau-Mexique). C’est ce qu’il y a de plus beau au monde. Des« objets d’amérique », avec la mention Colombie britannique, Nouveau Mexique,Mexique, Colombie, Pérou », sont montrés à la Galerie Surréaliste en juin 1927 avecla première exposition personnelle d’Yves Tanguy. malgré l’absence de reproduc-tions dans le catalogue, on peut présumer qu’il s’agit de Kachina. Le statut d’« objetsurréaliste » leur est accordé en octobre de la même année, avec la reproductiondans le numéro 9 de La Révolution surréaliste d’une première Kachina – mais on neparle toujours que de « poupée du Nouveau mexique » – au format des Cadavresexquis également révélés pour la première fois dans ce numéro. Le premier res-semble étrangement à la « poupée du Nouveau mexique », ce ne peut pas être unhasard, qui accompagne, sans l’illustrer, un conte de Benjamin Péret. en 1936,c’est une Kachina qui illustrera l’annonce dans Cahiers d’art de l’Exposition surréa-liste d’objets chez Charles Ratton où figurent, parmi les objets américains, des pou-pées hopi, « ces objets que nous tenons pour dépositaires, en art, de la grâce même quenous voudrions reconquérir », écrit Breton dans sa préface. Vingt ans après, deuxKachina seront reproduites dans l’Art magique.

Pensée surréaliste et pensée indienne

Très attiré par la mythologie et l’art des indiens Pueblo, andré Breton, accom-pagné d’elisa, la femme qu’il vient d’épouser, a assisté aux cérémonies Kachinaen août 1945 en arizona. elisa prend des photographies. andré consigne dansun carnet des notes qui ne seront publiées qu’après sa mort. il travaille à songrand poème sur Fourier. Pour José Pierre, Breton est d’autant plus sensible « augénie créateur des Hopi que la société Hopi – avec son minutieux système d’horlogeriequi s’établit entre le mythe et les rites, comme entre les rites et la vie quotidienne – peutêtre tenue pour une utopie réalisée, et même pour un phalanstère réussi, en un tempsoù il écrit son ode à Charles Fourier. D’autant plus que le ressort essentiel de la pen-sée, chez les Hopi comme chez Fourier, réside dans l’analogie entre les passionshumaines et les trois ordres de la nature :

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Je te salue du bas de l’échelle qui plonge en grand mystère dans la kiva hopi lachambre souterraine et sacrée ce 22 août 1945 à Mishongnovi à l’heure où les serpentsd’un nœud ultime marquent qu’ils sont prêts à opérer leur jonction avec la bouchehumaine

Du fond du pacte millénaire qui dans l’angoisse a pour objet de maintenir l’intégritédu verbe

Des plus lointaines ondes de l’écho qu’éveille le pied frappant impérieusement le solpour sceller l’alliance avec les puissances qui font lever la graine ».

De retour en France, Breton s’entretient, le 5 octobre 1946 avec le journalisteJean Duché et lui présente les objets qu’il vient de rapporter d’amérique :

« Il y a là des masques esquimaux, indiens, des mers du Sud. J’ai ramené des pou-pées de chez les indiens Hopi de l’Arizona. Voyez quelle justification ces objets appor-tent à la vision surréaliste, quel nouvel essor même ils peuvent lui prêter. Ce masqueesquimau figure le cygne qui conduit vers le chasseur, au printemps, la baleine blanche(le cygne, ici réduit à la tête et au col, sort de la bouche de la baleine. Cette poupée hopiévoque la déesse du Maïs : dans l’encadrement crénelé de la tête vous découvrez lesnuages sur la montagne ; dans ce petit damier, au centre du front, l’épi ; autour de labouche, l’arc-en-ciel ; dans les stries verticales de la robe, la pluie descendant dans lavallée telle que vous continuez à l’entendre. Est-ce là, oui ou non, la poésie ? L’artisteeuropéen, au XXe siècle, n’a chance de parer au dessèchement des sources d’inspirationentraîné par le rationalisme et l’utilitarisme qu’en renouant avec la vision dite primi-tive, synthèse de perception sensorielle et de représentation mentale. La sculpture noirea déjà été mise à contribution avec éclat. C’est la plastique de race rouge, tout particu-lièrement, qui nous permet d’accéder aujourd’hui à un nouveau système de connais-sance et de relations. Monnerot, dans La Poésie moderne et le sacré, a d’ailleursexcellemment mis en évidence les affinités de la pensée surréaliste et de la penséeindienne, dont j’ai pu vérifier qu’elle demeure aussi vivante et créatrice que jamais. »

en face de l’abîme qui ne cesse de se creuser entre l’homme et le sacré, « seulle surréalisme, conscient de la précarité grandissante de notre condition dans un mondeainsi déchiré, insista sur l’importance du libre développement de l’esprit créateur »,écrit Jorge Camacho dans Les Esprits de vie. « En donnant aux rêves leur véritablesens de révélateur, en se penchant sur les Mythes des civilisations anciennes et les artsmagiques, comme en se rebellant contre l’ensemble des forces qui s’opposent au librefonctionnement de l’imagination, le surréalisme peut être considéré comme la seule ten-tative de la civilisation occidentale pour relier le rêve et la réalité et reconquérir par-lànos pouvoirs perdus. Ils ont trouvé dans les sculptures de la Nouvelle-Guinée, dans les

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idoles des îles Marquise, dans les masques eskimo et dans les Kachina des indiens Pue-blo, ce débordement du rationnel qui est le signe même de la plus haute création poé-tique, le regard soudain libre de subvertir une réalité réduite à elle-même. « L’œil existeà l’état sauvage », ainsi débute l’ouvrage d’André Breton Le Surréalisme et la Pein-ture, appel urgent au renouvellement total de la sensibilité. Voie difficile et mêmepérilleuse mais qui ramène tout naturellement aux arts primitifs »

La Porteuse d’eau de Laguna et ma première Kachina

Curieusement, il me semble n’avoir jamais croisé de Kachina dans les mar-chés aux puces et les brocantes. Pour autant je n’ai jamais spécialement cherchéà me renseigner dans les galeries spécialisées – elles ne sont pas si nombreuses– où j’aurais été certain d’en trouver, mais j’avoue ne rien connaître au « mar-ché » des Kachina. À la vente Breton, elles étaient estimées de 3 000 à15 000 euros. Sans doute me fallait-il attendre que le hasard s’en mêle et qu’ellesrestent un simple Objet trouvé. Leur rareté, leur mystère font partie de leurcharme. au spectacle des haricots sauteurs rapportés du mexique, Breton s’op-posait à la proposition de Roger Caillois de les ouvrir immédiatement pourdécouvrir le ver qui est à l’intérieur, pour prendre le temps de s’émerveiller.

on peut sur des photographies voir les peintures que les hopi et les Navajoexécutent sur le sable pour leurs cérémonies. Des peintures qui obéissent à deslois très précises, effacées à la fin de leurs danses. ils réalisent aussi, pour lesvendre aux touristes, de très petites peintures de sable, d’une grande délicatesse,soigneusement encadrées, reproduisant avec précision les motifs de leurs tapis-series, de leurs poteries et parfois les poupées elles-mêmes. Les livres sur lesindiens les négligent. J’en ai trouvées plusieurs, il y a longtemps, à des prix ridi-cules. malgré leur poésie, elles semblaient n’intéresser personne.

L’année dernière, Paul Louis Rossi m’envoya son livre La Porteuse d’eau deLaguna, qui raconte sa fascination pour un objet Katchina, aperçu à la vitrine d’unantiquaire, dont on apprendra qu’il s’agit de la partie supérieure d’un masqueheaume qui se porte sur la tête du danseur. un de ces masques a été cette annéeexposé au Musée du quai Branly dans l’exposition Les Maîtres du désordre. Paul necherche pas vraiment à l’acquérir, mais prend soin d’en noter la forme et les cou-leurs. il en reproduira soigneusement les contours sur un bois flotté récolté sur uneplage. Son livre est l’histoire de la reconstitution de cet objet et comment il passe« de la curiosité, de la magie, de l’émotion esthétique à l’intelligence et à la connaissance

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de la civilisation des Pueblos ». Sa couverture s’orne d’une très belle Kachina KoninHovasupai, dont le seul défaut est de n’être que lointainement apparentée avec l’ob-jet reconstitué par l’auteur, plus proche en fait de celle représentée par Nolde.

J’aime prétendre qu’il n’y a pas de hasard. Le lendemain de ma lecture, à lafin de ma promenade du samedi matin Porte de Vanves, j’ai été attiré par deuxKachina faisant l’objet d’une grande conversation entre un américain, visible-ment très informé, et un marchand sur son stand. Dix minutes après, j’avaisacquis pour un prix très raisonnable la plus séduisante, mais la moins précieusecar la plus récente des deux poupées, comme je devais l’apprendre par la suite.

en rentrant, je téléphonais à Paul pour lui parler de cette coïncidence, que jemis sur le compte du hasard objectif cher aux surréalistes. « André Breton, s’ilaimait s’entourer de masques eskimo et de poupées Hopi, avouait bien volontiers quec’était parce qu’il les estimait bénéfiques, tournés vers le côté favorable des choses,somme toute du côté du bonheur », écrit José Pierre. me plaisaient d’abord sponta-nément les couleurs et la gaîté que ces petits personnages charmants – rarementinquiétants – mettaient chez moi. Ce qui ne m’empêchait pas d’admirer les« vraies », que mon ami Georges Goldfayn, collectionneur passionné et érudit,avait, comme il se doit, accrochées à un mur, et la très ancienne ayant appartenuà Pierre Loeb, qui accueillit dans sa galerie la première Exposition surréaliste en1925 et fut l’ami et le commanditaire de Jacques Viot, dont il finança les expé-ditions en afrique et en océanie, et d’antonin artaud. Grâce à cette prestigieuseprovenance, sa Püch Tihua atteint un prix record à la vente cette année de sa filleFlorence, dont artaud à sa sortie de Rodez avait fait l’extraordinaire portrait.

J’étais décidé à en savoir plus, et à trouver enfin Kachina des indiens Hopiépuisé depuis longtemps. un libraire de Vanves réussit à me le procurer plus viteque je ne pensais. et Vincent Gille me prêta le rare catalogue de l’exposition laDanse des Kachina.

C’est ainsi que j’appris qu’elles avaient aussi été collectionnées par andrémalraux (qui en reproduisit plusieurs dans Les Voix du silence), marcelDuchamp, Claude Lévi-Strauss – qui céda certaines pièces à Jacques Lacan – etmatta. Celles que j’avais pu voir, des collections andré Breton et Jorge et mar-garita Camacho étaient parmi les plus belles, mais celle que je venais d’acquérirn’y figurait pas, ni celle de la couverture du livre de Paul.

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un dessin de « Serge »

en fait, le livre de Paul avait joué le rôle de catalyseur, et le hasard continua àme servir. Je connaissais depuis les années soixante-dix le dessinateur Serge,« l’historien du cirque », qui jouait volontiers au prestidigitateur et me conduisaitdans une rue près de la Tour Saint Jacques pour me montrer la maison de l’al-chimiste Nicolas Flamel. Serge s’intéressait à la magie et à l’ésotérisme et avaitécrit des livres sur les Bohémiens et sur les indiens. Bon connaisseur du surréa-lisme, il avait suivi jadis la fameuse affaire de Cabrerets et le procès intenté à Bre-ton pour avoir touché du doigt un dessin préhistorique dans une grotte du Lot,près de Saint-Cirq-La Popie. Toujours à Vanves, dans un lot d’estampes et depapiers provenant de sa succession, j’eus la chance de trouver un dessin en cou-leur très précis d’une Kachina, signé de sa fameuse étoile. Les semaines suivantes,j’achetai, au même vendeur, sans me soucier de leur peu d’ancienneté, d’autrespoupées dont je savais qu’elles n’avaient pas été fabriquées pour le culte et lescérémonies, mais pour les touristes, qu’elles n’étaient pas « sorties », qu’ellesn’avaient pas « dansé », comme le disent les spécialistes à propos de masques.

un os de seiche dans une vente aux enchères

L’atelier de Jorge et margarita Camacho est rempli de tableaux et d’objets d’artprimitif de toute beauté. avec de somptueuses Kachina et une imposante statuettehemis. Paul m’avait déjà demandé de lui prêter pour son exposition, avec mesmodestes Kachina, l’os de seiche sculpté acheté à la vente José Pierre quand j’ai revumargarita. J’ai remarqué alors un autre os de seiche sculpté, très proche de celui quej’avais acquis : j’ai appris qu’elisa en avait réalisé plusieurs après la mort d’andré eten avait offert quelques-uns à ses amis, en particulier à Jean-michel Goutier qui enavait lui-même offert un à Nicole après la mort de José et deux autres aux Camacho« en souvenir d’elisa ». Celui que j’avais acheté, égaré dans le très médiocre cata-logue à la rubrique Arts premiers sous la dénomination « os de sèche (sic) », entreune figure Sepik et une cuillère en bois, sans autre indication, était donc l’œuvred’elisa. Dans leur livre sur les Kachina, José Pierre et Camacho avaient reproduit sesbelles photographies des hopi. ils avaient naturellement pris soin de l’offrir à elisa.quand j’ai expliqué à mon amie Guylaine Bourbon, peintre et amie d’elisa et desCamacho, quelles pistes j’avais suivies pour identifier mon objet, elle m’a montrécelui que margarita lui avait offert. La boucle est bouclée.

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D’autres ont été reproduits, par arturo Schwartz et Pierre alechinsky, avecleur attribution à elisa. Celui d’arturo Schwartz s’intitule Le Cri de la vague. Celuid’alechinsky À la lisière du regard. Celui de Nicole et José Pierre n’a pas de titre.il m’est encore plus cher depuis que je connais son histoire et son auteur. C’estencore pour moi un « objet bénéfique », comme mes modestes Kachina qui,pour n’être que des répliques, plus ou moins récentes, n’en demeurent pasmoins, porteuses de sens, chargées de mythologie, de poésie hopi.

en guise de conclusion

Robert Benayoun a raconté dans le Rire des surréalistes qu’andré Breton,quand il voyageait, « insistait pour qu’on s’arrête dans toutes les brocantes, chez tousles antiquaires que nous croisions, où il faisait sans coup férir des trouvailles passion-nantes, qu’il passait ensuite sa journée à commenter et à élucider. » et Georges Gold-fayn se souvient d’avoir vu Breton, un jour qu’il revenait avec lui des Puces deSaint ouen sans avoir rien trouvé, s’arrêter dans une boulangerie pour chercherle merveilleux jusque dans une pochette-surprise !

en septembre 2003, quelques mois après la dispersion du contenu de l’ate-lier de la rue Fontaine, aube elléouet, accompagnée de sa fille oona s’est rendueen Colombie Britannique pour restituer aux indiens Kwakwaka’wakw une coiffecérémonielle acquise par son père. Pour ce geste, pour ce respect dû aux esprits,« celle qui a rendu » a été honorée du nom d’Uma : Femme noble. Dans La Por-teuse d’eau de Laguna Paul Louis Rossi a écrit, peut-être en se souvenant de cegeste : « Il est important ainsi de laisser les objets à leur place. Voir même de les rap-porter à l’endroit où nous les avons trouvés ».

BiBLioGRaPhie

RoBeRT BeNaYouN

Le Rire des surréalistes, La Bougie du sapeur, 1988

aNDRÉ BReToN

L’Amour fou, Gallimard 1937

André Breton 42, rue Fontaine. Texte de Julien Gracq, préface de Jean-michel Goutier. huit

Élisa Breton, Os de seiche sculpté. ancienne collection Nicoleet José Pierre. Collection Dominique Rabourdin

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volumes, catalogues des ventes d’avril 2003 à Drouot-Richelieu, étude Calmels Cohen, 2003

L’Art magique, avec le concours de Gérard Legrand. Paris, Club français du livre, 1957

Carnet de voyage chez les indiens Hopi, Œuvres complètes iii, Gallimard, 1999

Préface au catalogue de la vente Lise Deharme, 6 mars 1953, Œuvres complètes iii, Gallimard, 1999

Entretien avec Jean Duché, Le Littéraire 1946. Repris dans Entretiens, 1952

Préface à l’Exposition surréaliste d’objets. Chez Charles Ratton, 1936, repris dans Œuvres complètes,

ii, 1992

Gradiva, 1936, repris dans La Clé des Champs, le Sagittaire, 1953

Je vois j’imagine, Poèmes-objets, préface d’octavio Paz, catalogue établi par Jean-michel Goutier,

Gallimard, 1991

Manifeste du surréalisme, Poisson soluble, Éditions du sagittaire, chez Simon Kra, 1924.

Nadja, NRF, 1928

Ode à Charles Fourier, Fontaine, collection L’Age d’or, 1947

Œuvres complètes, i, ii, iii, iV, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1988, 1992, 1999, 2008

Signe ascendant, Néon n° 1, 1948. Repris dans La Clé des champs, le Sagittaire, 1953

Le Surréalisme et la peinture, édition revue et corrigée, Gallimard, 1965

L’Un dans l’autre, Medium n° 2, fèvrier 1954. Repris dans Perspective cavalière, textes réunis et pré-

facés par marguerite Bonnet, Gallimard, 1970

Les Vases communicants, Éditions des Cahiers libres 1932, Œuvres complètes ii, Gallimard, 1992

42 rue Fontaine L’atelier d’André Breton. Texte de Julien Gracq, Photographies de Gilles ehrmann.

au fil de l’encre 199-1997 ; adam Biro, 2003

JoRGe CamaCho

Les esprits de vie, dessins et textes, dans Kachina des indiens Hopi, Danielle amez éditeur, 1992

ViNCeNT GiLLe

Partie liée : Le surréalisme et les Hopi, catalogue de l’exposition La Danse des Kachina, Pavillon des

arts, PaRiS musées, 1998

JuLieN GRaCq

En lisant en écrivant, José Corti, 1980

maRie-eLiZaBeTh LaNieL-Le FRaNçoiS

Kachina des indiens Hopi, Danielle amez éditeur, 1992

JuLeS moNNeRoT

La Poésie moderne et le sacré, Gallimard, 1945

184

Page 187: Un monde analogique

oCTaVio PaZ

Préface à Je vois j’imagine, Gallimard, 1991

BeNJamiN PÉReT

La parole est à Péret, éditions surréalistes, New York, 1943. Repris en introduction à Anthologie des

mythes, légendes et contes populaires d’Amérique, albin michel, 1960

JoSÉ PieRRe

Le Hopi, la poupée et le poète, dans Kachina des indiens Hopi, Danielle amez éditeur, 1992

PauL LouiS RoSSi

La porteuse d’eau de Laguna, Le temps qu’il fait, 2011

FRaNK WaTeRS

Le livre du Hopi, Éditions du Rocher, collection Nuage rouge, 1992

Page 188: Un monde analogique

Jean-Pierre Colin, Portrait de Paul Louis Rossi. 1997

Page 189: Un monde analogique

Œuvres de Paul Louis Rossi

RomaNS

Régine, Julliard, 1990La Montagne de Kaolin, Julliard, 1992La Palanchina, Julliard, 1993Le Fauteuil rouge, Julliard 1994Le Vieil homme et la nuit, Julliard, 1997Le Buisson de Datura, joca seria, 2006La Villa des Chimères, Flammarion, 2002

RÉCiTS

Le Potlatch, P.o.L /hachette, 1980La Traversée du Rhin, P.o.L. /hachette, 1981Inscapes, dessins de François Dilasser, Le temps qu’il fait, 1994Les Nuits de Romainville, Le temps qu’il fait, 1998La Vie secrète de Fra Angelico, Bayard, 1997Paysage intérieur, joca seria/Bibliothèque municipale de Nantes, 2004Vies d’Albrecht Altdorfer, peintre mystérieux du Danube, Bayard, 2009Les Chemins de Radegonde, Tarabuste, 2011La Porteuse d’eau de Laguna, Le temps qu’il fait 2011

PoÉSieS

Le Voyage de Sainte Ursule, Gallimard, 1973Les États Provisoires, P.o.L, 1984Cose Naturali, unes, 1991Faïences, Prix mallarmé, Flammarion, 1995Quand Anna Murmurait, anthologie des poésies, Flammarion, 1999Les Gémissements du siècle, Flammarion, 2001Visage des Nuits, Flammarion, 2005

eSSaiS

L’Ouest surnaturel, hatier, 1993Vocabulaire de la Modernité Littéraire, minerve, 1996La Rivière des Cassis, avec marie-Claude Bugeaud, joca seria, 2003Hans Arp, éd. Virgile, 2006

187

Page 190: Un monde analogique

Visiteur du Clair et de l’Obscur, musée des Beaux arts de Nantes/joca seria, 2007Les Ardoises du Ciel, avec François Dilasser, Le temps qu’il fait, 2008L’élément temporel avec Jacques Clauzel, art inprogress, 2008

PeiNTReS

Gaston Planet : Elévation Enclume, Le temps qu’il fait, 1997andré Lambotte : Fuscelli, editions Tandem, Belgique, 2000Gérard Titus-Carmel : L’arbre rouge, Le temps qu’il fait, 2002Jean-michel meurice ; Couleur pure, Le temps qu’il fait, 2006Jacques Clauzel : Les Quatre Eléments, Rencontres, 2007Jacky essirard : Le Fleuve, 2009Renaud allirand : des mirages et des ombres, gravures, éd. Tandem, 2010

CRÉaTioNS RaDioPhoNiqueS

Gavr'inis ou L'Esprit du Lieu, atelier de Création Radiophonique, en collaborationavec Christian Rosset, 1983Feuilles détachées des Prisons, Nuits magnétiques, 1994

FiLmS

Voyage sur la Loire sur les pas de Turner, 1998D'une écriture l'autre, avec odile Duboc et Jean-Yves Bosseur, 2005Passé Composé : Histoire d’une vie, film de Patrice alain, musique de Jean-YvesBosseur, Biblothèque municipale de Nantes, 2007Le temps et la Mémoire film de Dominique Rabourdin, La Villa des Chimères,métroplis, octobre 2002

muSiqueS

Jean-Yves Bosseur : Faïences, 1992Grégoire Lorieux : Stèle des mots et des morts, Salamanque le 29 novembre 2008

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CRÉDiTS PhoToGRaPhiqueS

La photo d’Éric Fonteneau sur le rabat de couverture : © olivier Lanrivain© musée Dobrée. Conseil général de Loire-atlantique, Nantes : pp. 22, 158, 159

© Kunstmuseum Basel/martin P. Bühle : pp. 54-55© institut Warburg, Londres : pp. 40, 71

© RmN (musée du Louvre)/Jean-Gilles Berizzi : p.53© Jean-Pierre Colin : pp. 2-3, 167, 186

© Éric Fonteneau : pp. 72-73, 75, 104-105, 110, 111, 132, 144© François Lasa : pp. 78-79, 88-89, 98-99

© Christian Leray : pp. 32, 91, 92, 95.© Jean-michel meurice : pp. 124, 127, 129

© Pablo Volta : pp. 140-141 Droits réservés : pp. 149, 151, 183

Toutes les autres œuvres ont été photographiées par la Bibliothèque municipale de Nantes

Page 193: Un monde analogique

aCheVÉ D’imPRimeR

Le 26 oCToBRe 2012SuR LeS PReSSeS De L’imPRimeRie oFFSeT 5

À La moThe-aChaRD

Dépôt légal 4e trimestre 2012

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Paul Louis Rossi

Un monde analogiqueÉric Fonteneau

éditions joca seriaBibliothèque municipale de NantesPa

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Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit ettravaille à Nantes. Passionné de dessin,de scénographie et de géographie il ex-périmente de nombreuses techniquesde visualisation dans les espaces d’artoù il expose depuis la fin des années1980. Éric Fonteneau travaille aussiavec des techniciens et architectes pourla réalisation d’œuvres dans l’espacepublic, dans l’architecture et dans la

nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’inviteà réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq.Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et auMusée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts deNantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, ilréside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Fran-cisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerieAchim Moeller de New York et Berlin.Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Muséedu Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq  Bi-bliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï.Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula An-glim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique.Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre GeorgesPompidou. Paris (2003) ; «  Parcours de Jean SébastienBach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On amarché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tan-lay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York(2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Modernede Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de laVille de Nantes ».Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et mu-sées en Europe et aux États-Unis.

Paul Louis Rossi est né un jour de no-vembre à Nantes. « Ma mère était bre-tonne et mes grands-parents LeQueffelec parlaient encore le breton dela Cornouaille. Mon père était italien,de la région de Venise. Il sera exécutépar les Allemands en 1943, à Tübin-gen. J'avais une dizaine d'années. J'aipublié un petit livre intitulé Liturgiepour la Nuit, en 1958, durant la Guerre

d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais de-venir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dansJazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de ci-néma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à RobertBresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux LettresFrançaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye.Mes premiers récits ont été publiés par Paul Otchakovsky-Laurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chezJulliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythmeraisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mesécrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flamma-rion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, cequi me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans –où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre,dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial,voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques,au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »

Un monde analogique

Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de« l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno),Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Biblio-thèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire donde ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui étaitconsacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait àla spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde.Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée,recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirigeavec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autrevision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette or-donnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, unefois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction –qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dansle sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démonsde l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa com-pagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma,musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Cha-misso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-MichelMeurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le mu-sicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina desindiens Hopi photographiées par Aby Warburg.

Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours misen espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau,« comme pour en déduire une leçon esthétique originale ».

9 782848 0920589 79 7ISBN 978-2-84809-205-8

30 €

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Paul Louis Rossi

Un monde analogiqueÉric Fonteneau

éditions joca seriaBibliothèque municipale de NantesPa

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Éric Fonteneau est né en 1954. Il vit ettravaille à Nantes. Passionné de dessin,de scénographie et de géographie il ex-périmente de nombreuses techniquesde visualisation dans les espaces d’artoù il expose depuis la fin des années1980. Éric Fonteneau travaille aussiavec des techniciens et architectes pourla réalisation d’œuvres dans l’espacepublic, dans l’architecture et dans la

nature. En 1985 la Bibliothèque municipale de Nantes l’inviteà réaliser une œuvre en regard de l’univers de Julien Gracq.Ses grands « Archipels » sont exposés au Grand Palais et auMusée du Luxembourg à Paris, au Musée des Beaux Arts deNantes puis au centre George Pompidou de Paris. En 1999, ilréside un an et expose à la galerie Paula Anglim de San Fran-cisco. Il collabore aussi avec la galerie Vidal de Paris, la galerieAchim Moeller de New York et Berlin.Il participe aux expositions : « Le style et le chaos » Muséedu Luxembourg. Paris (1985) ; « Paysage ». Julien Gracq  Bi-bliothèque. Nantes (1986) ; « Crossing » University of Hawaï.Manoa. Honolulu (1997) ; « Côte Ouest » Galerie Paula An-glim. San Francisco (2000) ; « Actif-Réactif » Lieu Unique.Nantes (2000) ; « L’invention du monde » Centre GeorgesPompidou. Paris (2003) ; «  Parcours de Jean SébastienBach ». Tokyo International Forum. Tokyo (2009) ; « On amarché sur la Terre » Centre d’art de l’Yonne. Château de Tan-lay (2009) ; « La Bibliothèque » Institut Français. New York(2012). En 2012, il participe aussi au Musée d’Art Modernede Moscou à l’exposition « Portrait-Paysage-Collection de laVille de Nantes ».Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections et mu-sées en Europe et aux États-Unis.

Paul Louis Rossi est né un jour de no-vembre à Nantes. « Ma mère était bre-tonne et mes grands-parents LeQueffelec parlaient encore le breton dela Cornouaille. Mon père était italien,de la région de Venise. Il sera exécutépar les Allemands en 1943, à Tübin-gen. J'avais une dizaine d'années. J'aipublié un petit livre intitulé Liturgiepour la Nuit, en 1958, durant la Guerre

d'Algérie. Je suis venu travailler très tôt à Paris, je voulais de-venir journaliste. J'écrivais des critiques de musique : dansJazz Magazine et les Cahiers du Jazz, et des chroniques de ci-néma, par exemple un essai : L'Arbitraire, consacré à RobertBresson, publié dans Caméra Stylo. Je collaborais aux LettresFrançaises et à la revue Change, dirigée par Jean-Pierre Faye.Mes premiers récits ont été publiés par Paul Otchakovsky-Laurens, puis par Christian Bourgois et Alain Veinstein chezJulliard. J'ai l'ambition, à présent de poursuivre à un rythmeraisonnable cette mise en ordre de mon travail et de mesécrits avec l'aide de mon ami Yves di Manno chez Flamma-rion, et de Georges Monti qui dirige Le temps qu'il fait, cequi me fait songer à cette lointaine époque – j’avais 12 ans –où je lisais Le Joueur de Dostoïevski, auprès de la salamandre,dans l'atelier de mon grand-père menuisier. Je vis à Paris, mais je me considère comme un provincial,voyageur modéré qui s’en va parfois dans les îles grecques,au Japon, en Argentine, et très souvent en Italie. »

Un monde analogique

Né à Nantes en 1933, poète, romancier et essayiste auteur de« l’une des œuvres majeures du temps présent » (Yves di Manno),Paul Louis Rossi entretient une relation privilégiée avec la Biblio-thèque municipale depuis qu’en 2001 il a décidé de lui faire donde ses manuscrits et archives. En 2004 une exposition lui étaitconsacrée, dans laquelle l’inscape ou paysage intérieur invitait àla spéculation imaginative comme mode d’élucidation du monde.Paul Louis Rossi écrivait alors : « À peine ai-je énoncé une idée,recueilli une impression, entendu une parole, qu’elle se dirigeavec une surprenante agilité vers une autre sensation, une autrevision, une autre perception semblable ou contraire (...) Cette or-donnance me donne à l’avance une sorte de joie, car je sais, unefois écrite la paraphrase – une fois achevée la construction –qu’elle révélera sa propre figure, sa vérité qui ne réside pas dansle sens, mais dans sa propre organisation. » Ce sont ces Démonsde l’Analogie qu’il nous propose aujourd’hui de suivre en sa com-pagnie, entre histoire, littérature, minéralogie, botanique, cinéma,musique, en un dialogue avec les écrivains Adelbert von Cha-misso et Novalis, les peintres Lambert Doomer et Jean-MichelMeurice, les graveurs Dürer, Altdorfer et Renaud Allirand, le mu-sicien Jean-Yves Bosseur, le théâtre Nô, les poupées Kachina desindiens Hopi photographiées par Aby Warburg.

Des goûts, des choix, des passions proposés dans un parcours misen espace et scénographié par le plasticien nantais Eric Fonteneau,« comme pour en déduire une leçon esthétique originale ».

9 782848 0920589 79 7ISBN 978-2-84809-205-8

30 €