UnmiracleeucharistiqueàLourdes8octobre1948

JeanneFrétel–PèrePieRoqueso.p.

UnmiracleeucharistiqueàLourdes

8octobre1948

Entretiensettémoignages

PréfacedePatrickTheillier,ancienresponsableduBureauMédicaldesSanctuairesNotre-DamedeLourdes

ÉditionsFrançois-XavierdeGuibert10,rueMercœur–75011–Paris

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

Et c’est de cette chambre que vous êtes partie pourLourdes?

J.F.–Oui.

Pendant ces onze années, avez-vous eu des contactsreligieuxprivilégiés?

J. F. – Toutes les semaines, l’aumônier de l’hôpital venaitnousvoir.Touslesvendredis,nousavionslaCommuniondansleschambres.Quandcelaallaitàpeuprèsbien,onm’emmenaità lamesse à la chapelle, le dimanchematin, sur unbrancard ;parfois même dans la semaine. Une fois, j’ai eu une syncopependantlamesseetonm’aramenéesansquej’aipucommunier.

Vous pouviez donc communier à peu près une fois parsemaine?

J.F.–Oui,etc’estçaquim’asoutenue.

Pendantcetteépoque,est-cequevouspriiezbeaucoup?

J.F.–Prier,c’estbeaucoupdire.Quandonesten traindecrierqu’onamal,onnepeutpasbeaucoupprier.

C’est aussi une forme de prière, dans une certainemesure…

J.F.–Jenesaispascequec’était,maiscen’étaitpasdrôle.

Aviez-vousunsentimentd’injustice?

J. F. – Non. Je devais supporter ce calvaire, c’est tout. Je

l’avaisaccepté.

Vouspensiezmourir?

J.F.–Ahoui!

Vouspensiezquevotreviesepasseraitsurcelit,jusqu’àlamort?

J.F.–Jepensaisbienmourir.Jem’attendaisàmourird’unmomentàl’autre.Jefaisaistellementd’hémorragiesinternes.Etquand je faisais des hémorragies internes, en même temps jefaisaisdesocclusions,ilfallaitouvrir.

C’étaitunhôpitaltenupardesreligieuses?

J.F.–Oui, lessœursdeSaint-Vincent-de-Paul.EtàPont-Chaillon, c’était les sœurs de Saint-Thomas-de-Villeneuve. ÀSaint-Vincent-de-Paul, j’ai connu trois religieuses qui étaientdessaintes.Troissaintes.

Lorsquevousêtesdanscettechambred’hôpitalisolée,êtes-vousconscienteouinconsciente?

J.F.–Oui etnon.Plutôtnon,maisquand j’ai étémise làjusteavantmondépartpourLourdes,jen’étaisplusconsciente.

CommentvotredépartpourLourdess’est-ildécidé?Quiadécidépourvouspuisquevousn’étiezplusconsciente?

J. F. – J’étais déjà allée à Lourdes en 1947, avec lesDiocésainsdeRennes.J’étaisdéjàunetrèsgrandemalade,maisjemesouviensdetoutcequis’estpassé.Jemerendaiscompte

de tout. J’ai été soignée.C’était aumoisde juin. Je suis alléeaux cérémonies. Je me souviens même qu’il pleuvait et que,lorsqu’ilfaisaitbeau,onnousemmenaitsurl’esplanade.

Le voyage n’a pas été trop dur pour vous ? On mettaitcombiendetempspourallerdeRennesàLourdes?

J. F. – À ce moment-là, nous partions à 15 heures, dansl’après-midi,etnousarrivionslelendemainmatin.

Vouspartiezdansdeswagonsspéciaux?

J.F.–C’étaientdeswagonsfermés,commeilyenaencore.Nousétionsàdeuxparcompartiment.Mais,mêmeàLourdes,jen’aipaspenséàlaguérison.

Étiez-vouscependantcontented’alleràLourdes?

J. F. – J’étais très heureuse. Nous étions huit/dix, del’hôpital. La sœur Bernadette, qui était une sainte sœur, nousavaitdemandésinousvoulionsalleràLourdespuisqu’ilyavaitun pèlerinage et qu’on devait emmener des malades deshôpitaux.

Vousconnaissiezdéjàl’histoiredeLourdes?

J. F. – Pas du tout. Je ne connaissais pas Lourdes. J’aiacceptéd’yallerparcequec’étaitunpèlerinage.J’ysuispartiesurunbrancard,maisentoutelucidité,pourprier.Nousavionstous les jours la communion. Pour moi, c’est une chose trèsimportante, primordiale, indispensable. Depuis que je suisenfant, l’Eucharistie a été toute ma vie. Mais je n’ai jamaisdemandé à être guérie. L’Évangile dit : « Demandez et vous

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

hommenu.Votreplacen’estpaslà.Cen’estpaslaplageici.»Ilmerétorque:«D’abord,est-cequ’ilyadesmiraclesici?

– Oui, il y a des miracles ici, mais dans la tenue danslaquellevousêtes,vousn’êtessûrementpasdignederencontrerdesmiraculés,d’assisteràunmiracle.»

Nous avons continué à parler et sa copine lui a faitcomprendre qu’il fallait qu’il s’habille. Il amis le pantalon etm’adit:«Etmaintenant,puisquevousconnaissezdesgensquiontétéguérisàLourdes,parlez-m’en.

–Maispuisquevousnecroyezpasauxmiracles?Mêmesivousenvoyiezundevantvous,vousdiriezquecen’estpasvrai.

–Peut-êtrepas.Ilfaudraitquej’ensoissûr.–Lapersonnequivousparleestunemira-culée.–Vousavezdespreuves?–Oui.Voilà.»Etjeluiaifaitvoirlesdocumentsconcernantmaguérison.Unanaprès,ils’estconvertiàLourdes.Etsesparents,etsa

fiancée,etlesparentsdesafiancée.J’en ai vu un autre qui était avec sa femme et ses deux

petitesfillesdanslalibrairiequisetrouvaitsurl’esplanade.Jedevaisabsolumentacheterun livreet je suis rentréedanscettelibrairie.Ilétaitentraindes’adresseràsafemmequiregardaitun livre parlant de ma guérison : « Tu sais bien que je suisincroyant,moi.Jenecroispasàtoutescesidioties.»

Je me suis approchée de lui : « Vous n’avez pas l’air decroireauxmiracles,Monsieur.

–Non,Madame, je n’y crois pas. Je suis athée,mais si jevoyaisquelqu’unquiaétéguériàLourdes,jechangeraispeut-être.»

Jeluidisalors:«JesuisJeanneFrétel.»Il sort précipitamment en disant : «Mais qu’est-ce que je

suisvenufaireici!

–Monsieur,vousêtesvenuchercherlavérité.»Je l’ai revu un an après, il était là dans l’espoir d’être

converti.Undernierexemple:unefemmede74ansquis’étaitmariée

civilementàuncatholique,etn’étaitpasbaptisée.Ilsavaienteuquatreenfants,nonbaptisés,nonconfirmés,pasdecommunion,rien.

EllevientàLourdes.Àunmonsieurqu’elleconnaissait,elledit:«Depuisletempsquevousmeparlezdemiraculés,vousnem’enfaitesjamaisvoir!»Elles’envaenjurant:«MonDieu!…»

Jem’approchedecemonsieuret luidis :«Vousavezl’aird’avoirbiendumalaveccettefemme.

–Oui,Madame,parcequ’elleveutvoirunedamemiraculéequejeneconnaispas.

–D’oùest-elle,cettemiraculée?–DeRennes.ElleestpartiedePont-ChaillonpourLourdes

etelleaétéguérie.Jesaisquec’estJeanneFrétel,maisjenelaconnaispas.

–Qu’est-cequevouslisezlà?»Alorsilmeregarde:«C’estvous!»Lepauvrehommecourt

commeunfouetappelleladame:«Jel’ai,lamiraculée!»Jenesavaisplusoùmemettre.Lesgenss’attroupent,vous

savez.Ladameafaitunesyncope.Onl’aassisesurunechaiseet

onl’asortiedehors.Ellemedit:«Jeveuxvoirunprêtre.»Je vais voir un prêtre que je connaissais bien,mais ilm’a

dit : « Si elle n’est pas baptisée, je ne peux pas lui donnerl’absolution,jenepeuxrienfaire.»

ElleestrepartiequelquesjoursplustardpourSaint-Brieucoùellehabitait,enmedemandantmonadresseetenmedonnant

lasienne.Elle s’est mariée à l’église et elle a été baptisée le même

jour. J’étais là avec le monsieur qui s’était fait apostropher.Nous étions parrain et marraine de tout le monde ! Il y avaitquatre enfants et les petits-enfants. Les enfants n’étaient pasmariés.Lemêmejour,onlesamariés,baptisés,confirmés.Tous.Nousétionsparrainetmarraineettémoinspourtoutlemonde!

Eh!bien,Monsieur,ilssontmortsdeuxmoisaprèstouslesdeux, à deux heures d’intervalle ! Les enfants et les petits-enfantsviennentàLourdes.Cen’estpasbeau,ça?

Vousêtesuntémoinprivilégiédel’actionqueDieuafaiteenvous,maisaussidel’actionqu’Ilfaitàtraversvous.

J. F. – Chaque fois que je vais à Lourdes, il y a desguérisons physiques, ou spirituelles, qui sont les plusimportantes.

Pourquoimoietpasunautre?Cettequestionaccompagnevotreviedepuiscettejournéed’octobre1948.PourquoilepèreRoques,quivousadonnélacommunion,a-t-ilétéchoisiluietpasunautre?C’estlalibertédeDieu.Àcettequestion,iln’yapasderéponsesaufsousd’undevoir:celuidetémoigner.

J.F.–Oui,c’estlaseuleréponse.Jesuisâgéemaintenantetfatiguée,maiss’ilfallaitquej’ailleauboutdemondepourvoirne serait-ce qu’une personne, et avoir peut-être une chanced’aideràsaconversion,j’irais.

Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

fistules. Elle sentait mauvais, mon Dieu ! Quand je l’aiembarquée,c’étaiten1936,noussommesarrivésverssixheureset demie du matin. Les piscines ouvraient. J’étais le seulaumônier dans une salle de cinquante-cinq malades. Uninfirmierm’adit:«Monpère,celasentmauvais,lesmaladessetrouvent mal. » J’ai hurlé : « Amenez-la à la piscine. » Lesbrancardiers l’ont prise et l’ont menée à la piscine.Instantanément,touts’estrefermé.LeSeigneuratoutrefait.Ledocteurm’adit:«Monpère,mêmesielleretombemalade,ilyaguérison.Ellenepeutpasàl’heureactuellemarcheretalleràlasellecommeellelefait,sitoutn’étaitpasrefait.»

Elle n’a pas voulu pardonner à son mari. « Non, non, jepréfèrecrever.»

Ellen’apasrenduàDieucequ’elleavaitreçu.

Père Roques – Je lui disais : « Mais enfin, vous êtesguérie…»Elleavaitvingtetunans,mignonne.J’aiinsisté:«Ilfautpardonner.»Iln’yarieneuàfaire.

Àcetteépoque-là,jem’occupaisdeprostituéesàMarseille,en1935. Je suis allé àFresnespendant longtemps. Jeme suisoccupépendant longtempsde l’enfancedélinquante.C’estmoilepremierquisuisalléàFresnesetàCadillacoùavaientlieulesgrosses condamnations desmineures.Mon premier camp étaitavec trois mineures qui avaient tué. L’une, un type, de onzecoups de couteaux ; une autre avait empoisonné sept ou huitenfants;ladernièreavaitempoisonnélamoitiédesafamille…

C’étaient des filles dures. Certaines étaient tatouées : «ÀJulot,pourlavie.»

Quand j’ai traversé la cour deCadillac, les filles ont dit :« Tu as vu le ratichon en blanc ? » La directrice m’avaitprévenu : «Vous savez,monpère, vous serez seul. Il n’y aura

pas d’éducatrice, pas de surveillance. Si elles vous jettent del’encredeChinesurvotrerobeblanche…»J’aidit:«Onverrabien.»

Ellesm’ont écouté. Elles sont toutes venues. Elles avaientfait des conneries, mais, moi aussi, j’en avais fait. On peuttoujoursrecommencerunevie.«Oubienvousvoulezcontinuerdanscemilieuetvousêtesgangsterouputainparprofession,ça,c’estvotreaffaire;oualorsvousvoulezvousensortiret,là,onpeutvousaider.»

Ellesm’ontadopté.Jevenaisavecdesdisques,jelesfaisaisdanseretjepassaisdesvariétésauclassique.JefinissaisavecduBach.EllesmeréclamaientduBach!Alorsquelestroisquartsétaiententraîneusesdansdesboîtesdenuit…

Je lesai emmenéesàBordeauxvoiruneexpositionsur lesGrecs. Je les ai fait camper. Il y en avait, parmi elles, quin’avaientjamaisvuuneforêt.Leministrem’adit:«Ellesvonttoutess’évader.»Jeluiaidit:«Non,Monsieur,danslemilieu,on a le sens de la parole donnée. »Quand j’étais àMarseille,j’aiamenéauRosairedesfillespubliques.Desbravesfilles,quiétaienttrèsbien,d’ailleurs.J’aiétélepremieràfairetoutcela.Maintenant,ilyaleséducateurs…Maislepremier,c’estmoi…

AvecleChrist,ilyatoujoursespoir,ilpasseparlepardon.Maisilyadescascommecela,voyez-vous,oùunepersonneneveutpaspardonneretretombemalade.

Pour lamiraculéedeMarseille, il y aundocteurqui a étéignoble.Illuiavaitdit:«Situarrivesguérie,jemeconfesse.»Lorsqu’il l’a vue guérie, il était fou !Alors il l’amise sur unbillard, toutenue,etavecunstylet il luia tapédans leventre.J’aidit:«Vousnepouviezpasluifoutreuncoup-de-poingdansla gueule, non ? » Il lui a créé de nouvelles plaies ! Ça s’estinfecté, mais j’ai toujours pensé que la raison profonde c’estqu’ellenevoulaitpaspardonneràsonmari.

Manquementàlacharité.Car la charité fraternelle est la clef de voûte du

christianisme.C’est là-dessusquenousserons jugés. Ilnefautpas oublier ce qu’a dit le Christ : « Je vous reconnaîtrai àl’amourquevousaurezlesunspourlesautres.»

Achevéd’imprimersurlespressesdel’imprimerieenavril2012

N°d’imprimeur:XXXXXDépôtlégal:avril2012

ImpriméenFrance

CompositionetmiseenpagesréaliséesparCompo66–Perpignan

477/2012