un mauvais auditeur : dependant et/ou incompetent

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UN MAUVAIS AUDITEUR : DÉPENDANT ET/OU INCOMPÉTENT ? ETUDE EXPLORATOIRE DES MOTIFS DE CONDAMNATION DES COMMISSAIRES AUX COMPTES EN FRANCE Géraldine Hottegindre Doctorante allocataire, CREFIGE, Université Paris Dauphine [email protected] Cédric Lesage Professeur attaché, HEC Paris [email protected] Résumé : L’auditeur (en France, le commissaire aux comptes) a pour mission le contrôle des états financiers de l’entreprise auditée. La qualité de son travail dépend de sa compétence et de sa dépendance (De Angelo, 1981). Cependant la plupart des travaux traitent de l’indépendance. De plus, la recherche, mais également les réglementations post Enron, s’intéressent prioritairement à l’indépendance. Ce désintérêt pour la compétence est-il justifié ? Autrement dit, le mauvais auditeur est-il plutôt un auditeur dépendant, et/ou bien un auditeur incompétent ? Nous nous sommes intéressés aux motifs de condamnation des commissaires aux comptes en France sur une période de 1989 à 2005. Nous avons mis en évidence que l’incompétence était une caractéristique quasiment aussi fréquente que la dépendance. Mais nous avons également découvert une troisième caractéristique : des raisons personnelles non liées ni à l’indépendance, ni à la compétence. Ces résultats originaux ouvrent des perspectives intéressantes dans la recherche sur la qualité de l’audit. Mots clés : Audit, Indépendance, Compétence, Litiges 1/30

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UN MAUVAIS AUDITEUR : DEPENDANT ET/OU INCOMPETENT

Un mauvais auditeur: Dpendant ET/ou Incomptent ? Etude exploratoire des motifs de condamnation des commissaires aux comptes en France

Graldine Hottegindre

Doctorante allocataire, CREFIGE, Universit Paris Dauphine

[email protected]

Cdric Lesage

Professeur attach, HEC Paris

[email protected]

Rsum:

Lauditeur (en France, le commissaire aux comptes) a pour mission le contrle des tats financiers de lentreprise audite. La qualit de son travail dpend de sa comptence et de sa dpendance (De Angelo, 1981). Cependant la plupart des travaux traitent de lindpendance. De plus, la recherche, mais galement les rglementations post Enron, sintressent prioritairement lindpendance. Ce dsintrt pour la comptence est-il justifi? Autrement dit, le mauvais auditeur est-il plutt un auditeur dpendant, et/ou bien un auditeur incomptent ? Nous nous sommes intresss aux motifs de condamnation des commissaires aux comptes en France sur une priode de 1989 2005. Nous avons mis en vidence que lincomptence tait une caractristique quasiment aussi frquente que la dpendance. Mais nous avons galement dcouvert une troisime caractristique : des raisons personnelles non lies ni lindpendance, ni la comptence. Ces rsultats originaux ouvrent des perspectives intressantes dans la recherche sur la qualit de laudit.

Mots cls: Audit, Indpendance, Comptence, Litiges

Abstract:

The auditor (in France, the Commissaire aux comptes ) is to control the audited companys financial statements. The quality if his/her task depends of his/her competence and independence (De Angelo, 1981). However, some studies present a contradictory approach of the relatve status of competence and independence. Moreover the research studies, but also the post Enron regulations, have been mainly focused to independence. Is this lower interest for competence justified? Is a bad auditor mainly a dependent or a non competent auditor? We have studied the sentences pronounced against the French auditors from 1989 until 2005. We have found that, incompetence is a characteristic almost as frequent as dependence. But we have also discovered a third characteristic: personal reasons, not related neither to independence, nor competence. These new results open interesting perspectives in the audit quality research.

Key words: Audit, Independence, Competence, Litigation

Introduction

Lauditeur externe (assimil au commissaire aux comptes en France) a pour mission le contrle des tats financiers de lentreprise audite. La finalit de sa mission lgale est de contribuer la fiabilit de linformation financire. Cette fiabilit dpend de la qualit de la mission daudit.

La notion de qualit de laudit forme une relle base de rflexion pour les chercheurs dont les travaux sont nombreux. De Angelo qualifie la qualit dun audit comme tant : la probabilit conjointe value par le march quun auditeur dcouvre une infraction dans un systme comptable du client et en rende compte (1981, p.186). La qualit de laudit se compose dans cette dfinition dune qualit de dtection et dune qualit de rvlation. La premire sassimile la notion de comptence de lauditeur et la seconde la notion dindpendance de lauditeur.

Si la recherche sintresse la qualit de laudit, nous allons montrer que les travaux sur lindpendance dominent largement ceux sur la comptence. Ds lors, nous nous sommes demand si cette focalisation sur la notion dindpendance correspondait la ralit des condamnations des auditeurs, pouvant tre considre comme la mesure ultime de la qualit de lauditeur: un mauvais auditeur est-il plutt un auditeur dpendant et /ou un auditeur incomptent?

Pour rpondre cette problmatique, linstar de Palmrose (1987 et 1988) nous avons tudi les motifs de condamnation des commissaires en France. Afin de raliser cette analyse, nous nous sommes bass sur les dcisions disciplinaires mises lencontre des commissaires aux comptes. Puis, nous avons distingu les causes de condamnations relevant dun problme dincomptence et celles relevant dun problme de dpendance.

Finalement, cette tude nous permettra de dterminer si les facteurs entranant un litige en audit sont majoritairement dus lincomptence et/ ou la dpendance des auditeurs. Ainsi, elle nous permet dobtenir dune part la part relative de chaque facteur comme facteur influenant la qualit de laudit et dautre part de dterminer la position respective de ces deux facteurs: un auditeur dpendant est-il forcement incomptent ou vis versa.

Quant la part relative de chaque facteur, nous nous attendons constater une proportion relativement importante du facteur comptence. Ds lors, des champs dinvestigations seront ouverts et nous pourrons principalement nous demander pour quelles raisons la recherche et le lgislateur ne sintressent pas davantage ce facteur.Nous commencerons par prsenter dans une premire partie la notion de qualit de laudit et ses composantes (comptence et indpendance), ainsi que lintrt des litiges en audit en tant que mesure de la qualit de laudit. Puis nous prsenterons dans une seconde partie une analyse des causes de condamnations faites sur lensemble des dcisions disciplinaires menes contre les commissaires aux comptes franais sur une priode de 1989 2005 afin de regrouper les sanctions dues un problme dincomptence et celles dues un problme de dpendance.

1 Cadre thorique et revue de littrature

Aprs avoir inscrit la mission daudit au cur dune relation dagence, nous allons dans une premire partie dfinir les concepts dindpendance et de comptence de lauditeur. Si ces deux dimensions semblent indpendantes lune de lautre, nous verrons que des auteurs rcents proposent une nouvelle vision o ces deux facteurs sont lis. Nous verrons en quoi les causes de condamnation de lauditeur constituent un rvlateur original des dysfonctionnements de la qualit de laudit.

1.1 Laudit: une rduction du cot dagence

Lauditeur joue un rle important dans notre conomie en tant que gardien de confiance, (watchdog, ou guardian of trust), (Shapiro, 1987, p.635): il a pour rle de valider la fiabilit de linformation financire mise par lentreprise destination des investisseurs. Selon Prat dit Hauret (2000):

Lauditeur externe est le garant de la transparence de linformation financire, utile une plus grande dmocratie de la vie de lentreprise, considre comme un nud de contrats passs entre la firme elle mme et diffrents agents qui ont besoin dtre informs sur la sant financire de lentreprise. Son rle est de crdibiliser linformation financire publie par lentreprise. (p.50)

Dune part, lentreprise, afin de se voir allouer les ressources au moindre cot, envoie au march un certain nombre dinformations destines attirer les investisseurs. Dautre part, une fois les fonds investis (action, obligation, etc.), lentreprise doit rendre compte de leur utilisation conformment lintrt de linvestisseur. Cette relation investisseur/dirigeant a t trs tt identifie comme une relation d'agence, cest--dire:

We define an agency relationship as a contract under which one or more persons (the principal(s)) engage another person (the agent) to perform some service on their behalf which involves delegating some decision making authority (Jensen, Meckling, 1976, p. 308).

Or, ce type de relation pose problme du fait de la divergence d'intrt et de l'asymtrie d'information entre les deux parties. Afin de sassurer que chaque partie remplit bien sa part du contrat (et particulirement que lagent agit conformment aux intrts du principal), un mcanisme de surveillance est mis en place, gnrant divers cots de contrle (appels cots dagence) supports par le principal :

les dpenses de surveillance et d'incitation,

les cots d'assurance,

le cot d'opportunit (cart entre le rsultat de l'action pour le principal et le comportement optimal pour le principal).

Selon Watts et Zimmerman (1986), laudit externe permet de rduire les cots dagence: la mise en place de ce mcanisme de contrle limite les cots de surveillance (monitoring costs), puisque le dirigeant, qui anticipe le contrle, tiendra compte des risques quil encourt si ses actes sont dcouverts.

Ainsi, dans le cadre de la thorie positive de lagence, laudit externe permet de rsoudre les problmes de lagence existant entre les diffrents acteurs, notamment le dirigeant et lactionnaire.

1.2 La qualit de laudit: indpendance et comptence

Ce rle fondamental de watchdog ne peut tre assur que lorsque laudit est de qualit. En effet, lauditeur remplit son rle de gardien de confiance entre le dirigeant et lactionnaire si et seulement si il est capable de dtecter et rvler une erreur significative dans les tats financiers susceptibles daffecter la dcision dun investisseur si celui-ci en avait eu connaissance. Cette condition de qualit a t formalise par De Angelo (1981) qui a mis la proposition suivante:

The ex ante value of an audit to consumers of audit services (which include current and potential owners, managers, consumers of the firms products, etc.) depends on the auditor's perceived ability to: (1) discover errors or breaches in the accounting system, and (2) withstand client pressures to disclose selectively in the event a breach is discovered. (De Angelo, 1981, p.115)

Cette dfinition permet de comprendre la qualit de laudit selon deux composantes: la qualit de dtection (1) et la qualit de rvlation (2). Du point de vue de lauditeur, la qualit de dtection renvoie la notion de comptence de lauditeur (i.e. sa capacit dtecter une erreur) et la qualit de rvlation la notion dindpendance de lauditeur (i.e. sa capacit rvler une erreur dtecte).

Or ces deux notions, comptence et indpendance, recouvrent chacune une ralit complexe et multiforme. Dans cette tude, nous nous sommes intresss la position relative de ces deux dimensions: lequel de ces deux facteurs a le plus dinfluence sur la qualit de laudit, et quelles interrelations peuvent ventuellement exister entre elles.

Nous commenons par dfinir ces deux concepts en identifiant dans la littrature les facteurs les influenant lun et lautre. Puis nous analyserons leur positionnement respectif autrement si le respect dun des facteurs est ncessaire pour que le second existe.

1.2.1 Lindpendance

Le code de dontologie dfinit la notion dindpendance dans larticle 5 :

le commissaire aux comptes doit tre indpendant de la personne ou de lentit dont il est appel certifier les comptes. Lindpendance du commissaire aux comptes se caractrise notamment par lexercice en toute libert, en ralit et en apparence, des pouvoirs et des comptences qui lui sont confrs par la loi .

Pourtant, comme nous allons le voir, de nombreux facteurs peuvent compromettre cette indpendance (Cf. Ben Saad et Lesage, 2007 pour une prsentation plus dtaille).

Tableau 1: Facteurs influenant lindpendance de lauditeur

FacteurImpact sur lindpendance

RfrencePosition des auteurs

La dure du mandat/ Les rgles de rotationNgatif ou neutre Carey et Simnett, 2006

Iyer et Rama, 2004 A partir dune certaine dure, lauditeur nest plus indpendant.

Aucune preuve montrant quune longue dure de mandat diminue lindpendance de lauditeur.

Les conflits dintrtsNgatif Koh et Mahathevan, 1993 Lauditeur privilgie ses propres intrts car dtient des intrts personnels dans lentreprise audite ce qui diminue lindpendance.

Les prestations de conseil (NAS et MAS) Ngatif ou neutre Francis et Bin, 2006

Burton, 1980 Lauditeur offre dautres services lentreprise ne relevant pas de laudit des comptes ce qui diminue lindpendance.

Le montant des NAS est peru comme diminuant lindpendance de lauditeur seulement pour ceux qui nont pas compris le processus daudit.

Le montant des honoraires

et la publication de ce montant Ngatif pour le montant; Positif pour la publicationHiggs et Skantz, 2006

Francis et Bin, 2006 Plus le montant est lev, plus lindpendance est remise en cause.

La publication permet lamlioration de lindpendance.

La responsabilit juridiqueNgatif ou PositifGu et Lee, 1973

Reynolds et Francis, 2000 Lobligation pour les cabinets daudit davoir une assurance professionnelle peut amener dresponsabiliser les professionnels, amenant un impact ngatif sur lindpendance de lauditeur.

Les litiges engendrent un cot inestimable li la rputation du cabinet qui domine lefficacit de laudit.

La taille du cabinetPositif De Angelo, 1981; Blokdijk & al. 2006

Les cabinets de grande taille, en raison de leur moindre dpendance financire et du plus grand retentissement dune dfaillance sont plus indpendants.

La concurrence sur le march de lauditPour la majorit, ngatifPig, 2000; Knapp, 1985; Shockley, 1981

Gul, 1989 Le march de laudit tant trs concentr, la pression de la concurrence pourrait inciter les auditeurs compromettre leur indpendance.

Lindpendance est positivement corrle un environnement comptitif.

Lthique de lauditeurPositifPrat, 2000 ; Tsui et Gul, 1996 ; Shafer et al., 2001 Le niveau dindpendance est fortement corrl son niveau dthique puisque lauditeur est libre dmettre le jugement quil dsire.

La rputation de lauditeurPositif Richard, 2000; Chan et al., 1993; Firth, 1997 Lobjectif long terme de lauditeur est de maximiser son capital confiance via la rputation qui joue donc un rle de rgulateur en faveur de lindpendance.

Le contrle de la professionPositifBennecib, 2004

Matsuma et Tucker, 1995

Shafer et al., 1999 Le co-commissariat renforce lindpendance.

Lattente dun contrle par les pairs (Partner Review) rend plus rigoureux et efficace laudit.

Si le contrle de la profession se fait par des organismes indpendants, il est plus efficace.

La situation financire du clientVarie suivant les auteursKnapp, 1987

Bell et al., 2001 Si lentreprise est en bonne situation, les membres du comit daudit vont exercer une pression afin que lauditeur certifie les comptes.

Lauditeur, dans le but dobtenir des honoraires levs lorsque lentreprise est en bonne situation, va produire un audit de bonne qualit de part un travail soutenu.

La pression de lentreprise et des actionnaires sur lauditeurGoldman et Barlev, 1974

Hartley et Ross, 1972 Les responsables de la socit audite exercent une pression sur lauditeur car une certification avec rserve peut entraner des consquences dsastreuses.

La tendance la gestion du rsultat du client

Lindpendance varie suivant diffrents facteurs, comme nous venons de le constater dans le tableau prcdent. En effet, de nombreux chercheurs se sont intresss aux dterminants de lindpendance. En est-il de mme pour la comptence? Afin de rpondre cette question, nous avons ralis un travail similaire pour la comptence.

1.2.2 La comptence

La qualit de dtection du travail de laudit est lie au niveau de comptence de lauditeur: lauditeur est-il capable de dtecter une anomalie significative dans les tats financiers? Le code de dontologie dfinit dans larticle 7 la notion de comptence :

Le commissaire aux comptes doit possder les connaissances thoriques et pratiques ncessaires lexercice de ses misions .

Or, ce critre dpend lui-mme de divers facteurs. En effet, pour auditer correctement une entreprise, le commissaire aux comptes doit certes possder les connaissances ncessaires mais galement une formation et une exprience suffisante. Richard (2006, p.170) prcise que les comptences de lauditeur sont la fois techniques et relationnelles: (it) underlines two fundamental aspects of auditor competence: technical competence and relational competence.

Le tableau 2 propose une vue densemble des travaux raliss sur la comptence de lauditeur.

Tableau 2: Facteurs influenant la comptence de lauditeur

FacteurImpact sur la comptenceRfrencePosition des auteurs

Formation initiale de lauditeurPositiveHilaire, 1989; Scheid, 2000; Datin, 2006 Description de la formation de lauditeur. Une formation solide permet dtre comptent.

Exprience de lauditeurPositiveLibby et Frederick, 1990 ; Libby et al., 1987 ; Ismail et Trotman, 1995 Les auditeurs expriments trouvent plus derreurs que les inexpriments.

Taille du cabinetPositive Emby, Etherington, 1996 Ils mesurent la comptence en fonction du nombre de fois o lauditeur fait face la mme situation. Un auditeur dun grand cabinet devrait tre confront plus souvent une mme situation.

Structure du cabinet (ie. Mthodologies leves vs faibles)Positive ou neutreCushing et Lobbecke, 1986; Chemingui et Pig, 2004; Icerman et Hillison, 1991

Tuntiwongpiboon et Dugan, 1994 Plus la structure du cabiner est leve, plus lauditeur est comptent.

Aucun impact de la structure sur la comptence.

Dure du mandatPositif ou ngatif Carey et Simnett, 2006 Il existe une dure optimum qui permet davoir une connaissance spcifique du client.

On constate immdiatement que les facteurs influenant de la comptence sont nettement moins nombreux que ceux prsents sur lindpendance. Ce constat pourrait tre expliqu par le fait que laudit lgal fait partie des professions indpendantes (librales). Or, ces dernires sont par nature considres comme autonomes et expertes. Les membres des professions librales se dfinissent comme des experts donc ils considrent quils ont les comptences suffisantes lexercice de leur mission. Lautonomie de la profession permet dune part de lgitimer la profession et dautre part de ne pas remettre en cause lexpertise donc la comptence de ses membres. Dubar et Trippier (2005, p. 185)souligne la relation entre expertise et autonomie: Pour conserver et accrotre leur clientle, ils doivent faire la preuve de leur comptence (). Pour garder leur autonomie, ils doivent dmontrer leur capacit dauto-contrle sur leurs activits.

Pourtant, bien que la profession soit autonome, nous pouvons nous demander si la comptence, considre comme acquise chez tous les membres de la profession, est relle ou seulement suppose et ds lors nous pouvons attendre que la recherche sintresse davantage cette dimension de la qualit daudit. Est-ce rellement le cas?

1.2.3 Comptence et indpendance: une ingalit de traitement

Les donnes suivantes illustrent la diffrence de traitement entre ces deux dimensions, aussi bien dans la recherche que dans la rglementation:

Littrature de recherche: une requte faite sur Business Source Complete (uniquement les abstracts des articles figurant en peer reviewed) en Janvier 2007 donne 473 articles avec les mots cls Audit et Independence contre 80 pour les mots cls Audit et Competence, soit un rapport de 1 6.

Littrature professionnelle: une requte faite sur Lexis Nexis (uniquement sur les titres) en Janvier 2007 donne 182 articles avec les mots cls Audit et Independence contre 5 pour les mots cls Audit et Competence, soit un rapport de 1 60.

Rglementation: les modifications post Enron des rglementations de laudit ne traite que de lindpendance: Loi sur la Scurit Financire, Sarbanes Oaxley Act, 8me directive europenne.

Finalement, nous constatons que si les deux dterminants de la qualit de laudit (indpendance et comptence de lauditeur) sont identifis, ils ne sont en revanche pas traits sur le mme plan: les recherches sur la qualit de laudit portent quasiment exclusivement sur lindpendance, tant en cela en accord avec les volutions rglementaires, aussi bien en Europe, quoutre Atlantique. La notion de comptence est quant elle peu traite par la littrature, ainsi que par les rcentes lgislations.

Pourquoi constate-t-on un tel dsquilibre? Nous proposons deux raisons: la mesurabilit des facteurs et leur importance.

Une premire raison pourrait tre lie la mesurabilit des facteurs, les facteurs lis lindpendance tant supposs plus facilement quantifiables. Effectivement, il est plus facile de dtecter limpact sur le niveau de qualit de laudit de certains facteurs, tels que les honoraires, la dure du mandat, la formation, lexprience, la situation financire du client: ces facteurs sont quantifiables et peuvent faire lobjet de diffrentes mesures. A linverse, dautres facteurs sont moins facilement mesurables: lthique de lauditeur, lexistence de conflits dintrts, la confusion du client, la concurrence sur le march de laudit, lexercice de pression par lentreprise sur lauditeur. Il est donc beaucoup plus difficile dvaluer leur impact sur le niveau de qualit de laudit.

Nanmoins, il est facile de constater que cette distinction ne permet pas de justifier lingalit de traitement entre indpendance et comptence: il existe des facteurs quantifiables/ non quantifiables dans les deux cas.

Le dsquilibre constat pourrait donc signifier que lindpendance a un impact sur la qualit de laudit plus fort que la comptence. Autrement dit, comptence et indpendance figurent-elles sur le mme plan ou lune est-elle plus importante que lautre?

1.2.4 La qualit de laudit: un quilibre entre comptence et indpendance?

Comme nous venons de le voir, la littrature traite des facteurs de comptences et dindpendance comme variables de la qualit de laudit. Cette dernire analyse ces facteurs en supposant gnralement les deux composants de la qualit de laudit comme indpendants, conformment lapproche de De Angelo (1981) prsente prcdemment. Cette approche est similaire celle de Watts et Zimmermann (1986, p. 314), selon lesquels la probabilit quun auditeur mentionne un problme doit tre conditionne par deux probabilits spares: la probabilit quil la dcouvre (comptence), et la probabilit quil le mentionne (indpendance).

De nombreux auteurs, dans leurs travaux, supposent que lindpendance et la comptence sont deux dimensions indpendantes. Par exemple, Barnes et Huan, (1993) ont recours cette approche en tudiant les causes derreurs dans une exprimentation de Going Concern Opinion: ils concluent que les auditeurs sont comptents (la notion de comptence tant obtenue par latteinte dun consensus), mais quils peuvent ne pas tre indpendants.

Cependant, cette approche selon laquelle comptence et indpendance sont indpendantes, souvent implicite dans les travaux sur les facteurs de qualit de laudit, nest pas partage par lensemble des chercheurs. Pour certains auteurs lune des dimensions de la qualit de laudit prcde lautre. Par exemple, Schandl (1978) considre que lindpendance est une qualit ncessaire qui prcde la comptence (p. 192). De manire identique, Flint (1988), estime galement que lindpendance prcde la comptence, mais que les deux qualits sont ncessaires pour un audit de qualit. Lee et Stone (1995), pensent que la comptence de lauditeur est lie son indpendance. Daprs ces auteurs, the auditor cannot choose to be independent unless he is competent (p. 1171). Ds lors, ils considrent la comptence comme une condition ncessaire celle dindpendance. Ils reprennent ainsi la position de Moizer (1991) qui suggre que comptence et indpendance soit relies par le choix: un auditeur comptent peut choisir de ne pas tudier tel problme, parce quil est dpendant.

Dautres auteurs positionnent en premier lindpendance. Par exemple, Boritz (1992) estime que cest lindpendance plutt que la comptence qui est lessence mme de laudit, en estimant quil existe toujours un doute sur le fait de savoir si un auditeur doit vraiment tre expert pour mener bien son audit (selon les niveaux de comptence dtermins dans la littrature sur lexpertise).

Enfin, dautres auteurs refusent de prendre position, en considrant quil sagit de 2 qualits essentielles, interrelies, mais situes sur le mme plan, dont lquilibre est ncessaire un audit de bonne qualit. Ainsi, Richard (2006, p.171) estime que :Contrary what is advanced in some research on audit quality, the two dimensions, independence and competence, are intrinsically dependent because they are subjected to the influence of common factor() Therefore ceteris paribus, the global optimum, in other words maximum quality, is not the sum of partial optima, in other words a total independence and a total competence, but are the result of a balance between two optima.

Cette position semble confirme exprimentalement par Citron et Taffler (1992), qui en tudiant les rapports de Going Concern au Royaume Uni, en concluent quune mauvaise opinion est issue dun problme dindpendance et dincomptence sans vritablement trancher sur leur importance respective.

1.3 Question de recherche et hypothses de recherche

Les dveloppements prcdents nous amnent donc nous interroger sur le poids et le positionnement respectifs de la comptence et de lindpendance. La question globale que nous posons est donc la suivante:

Un mauvais auditeur est-il plutt un auditeur dpendant et/ou bien un auditeur incomptent?

Pour rpondre cette question, nous avons cherch rpondre deux problmes distincts:

Q1: Quelle est la part relative de la comptence et de lindpendance dans la qualit de laudit?

Q2: Existe-t-il un lien entre indpendance et comptence?

Nous allons tenter de rpondre ces deux problmes dans la partie suivante, en adoptant une mesure originale: les litiges en audit.

1.4 Les mesures de la qualit de laudit: le choix des litiges

La mesure de la qualit de laudit est un sujet qui a fait lobjet de trs nombreuses applications. Diffrentes familles de mesure ont t dveloppes. Nous prsentons une synthse faite par Carey et Simnett (2006) :

Le going concern opinion: Aux Etats-Unis, depuis 1989 il existe deux rapports daudit. Un rapport dit clean si lentreprise nencourt pas de risque de faillite et un rapport dit de going concern qui mentionne les inquitudes de lauditeur sur la continuit dexploitation de lentreprise. Deux types daudit de mauvaise qualit peuvent tre identifis. (Francis, 2004):

Lauditeur met un rapport clean la place dun going concern; Lauditeur met un rapport de going concern la place dun un rapport clean. Le niveau daccruals: une entreprise en activit a recours des critures comptables de type charges calcules mais non dcaisses (variation de stocks, provision, amortissement, etc.). Diffrents modles (par exemple Jones, 1991), permettent de calculer un niveau normal daccruals, compte tenu de lactivit. Mais ces mmes comptes peuvent tre utiliss pour de la gestion de rsultats. Par consquent, la diffrence entre le niveau des accruals modliss, considr comme normaux, et celui rellement comptabilis, constitue les accruals anormaux. Ceux-ci sont rvlateurs dune gestion de rsultat, et constituent donc une approximation de la non-qualit de laudit.

Le nombre daccidents daudit (Audit failure): ils sont mesurs par les actions en justice menes contre les auditeurs. Ce dernier point nest mentionn que par Carey et Simnett (2006) et Palmrose (1987 et 1988). Les premiers expliquent que le faible nombre dactions en justice men contre les auditeurs empche de mener une tude quantitative utilisant cette mesure. Le second souligne que plus les auditeurs sont impliqus dans des procs, moins la qualit de laudit est bonne.

Parmi ces trois mesures de la qualit daudit, seule la dernire (audit failure) peut tre qualifie de certaine: ce nest pas simplement un risque de mauvaise qualit (going concern opinion), ou bien un cart anormal par rapport un modle qualifi de standard (le modle des accruals), mais bien la qualit en elle-mme qui est mesure.

Les actions en justice contre les auditeurs surviennent lorsque des tiers (investisseurs, cranciers, salaris, etc.), ayant fait confiance aux tats financiers pour prendre leur dcision, ont subi des pertes du fait dun audit de mauvaise qualit (Stice, 1991 pour les investisseurs). Par consquent, le risque daction contre les auditeurs (litigation risk) parat constituer une bonne mesure de la qualit de laudit.

De nombreux travaux se sont penchs sur la notion de litige en audit lgal. Il est possible de regrouper les auteurs, comme lont fait Latham et Linville (1998), en deux catgories. La premire utilise le litige (caractris par les procs) comme la variable dpendante alors que la seconde utilise les procs comme une variable indpendante.

A. Les procs daudit: une variable dpendante

Lorsque les procs daudit ont t pris comme variable dpendante, les variables examines sont principalement le type du client et le cabinet daudit.

Ces recherches montrent que la prsence de procs daudit est corrle au type de client audit et plus particulirement sa taille, son secteur dactivit et une grande probabilit de faillite.

Elles montrent aussi quil est plus difficile de trouver une corrlation entre les procs daudit et le type du cabinet auditeur. La seule conclusion probable est quun cabinet ne faisant pas partie des Fat four a un plus grand nombre de chance dtre mis en cause dans des procs (Palmrose, 1988).

B. Les procs daudit: une variable indpendante

Simunic et Stein (1996) remarquent que pour les auditeurs, laudit est une forme dinvestissement o les auditeurs sont les investisseurs. Ils vont donc auditer des clients dont la probabilit de litige est moindre.

Dautres tudes ont t faites dans le but dtudier limpact de modification lgislative sur le niveau de qualit de laudit. Dejong (1985) montre que laudit est de meilleure qualit lorsque la lgislation nimpose pas le montant des honoraires. Belachandran et Nagarajan (1987) pensent quil est prfrable davoir un systme de responsabilit flexible plutt quun systme dont le rgime des responsabilits est trs strict.

Ainsi, le thme du litige en audit est toujours tudi non pas en tant que consquence dun audit de mauvaise qualit, mais plutt comme un risque en amont, quil faudrait chercher prvenir. Ces travaux ne sintressent donc pas la comprhension des causes de non qualit de laudit.

2 Mthodologie et rsultats

Afin de rpondre aux questions poses par notre problmatique, nous avons analys les facteurs ayant entran la condamnation des commissaires aux comptes en France. Le nombre de litige en France tant relativement faible, notre tude correspond une tude exploratoire. Nous ne pouvions donc pas utiliser des statistiques pour dterminer les causes de condamnations des commissaires en France. Lobjectif de cette tude est de dcrire les litiges dans le but de mesurer la qualit de laudit.

2.1 Protocole

Lauditeur encourt selon le cas trois types de responsabilit:

une responsabilit civile qui vise avant tout la rparation dun dommage,

une responsabilit disciplinaire qui sanctionne le non respect de la dontologie,

une responsabilit pnale qui sanctionne un comportement rprhensible pnalement.

Une condamnation civile ou pnale entrane gnralement une sanction disciplinaire. A contrario, il peut y avoir des sanctions disciplinaires sans pour autant quil y ait eu au pralable une sanction civile ou pnale. Ds lors, afin de ne pas comptabiliser en double une condamnation, nous nous sommes limits lanalyse des dcisions disciplinaires. Celles-ci sont toutes rpertories dans le Bulletin des commissaires aux comptes.

Cette procdure (focalisation sur les causes des dcisions disciplinaires) prsente lavantage de contourner le problme de lvolution de la lgislation durant la priode danalyse. Par exemple, la ralisation dune activit de conseil en plus de celle de commissaire aux comptes pour une mme entreprise entranait, en 1990, une sanction disciplinaire alors quelle peut entraner une sanction pnale aujourdhui. Cependant, quelque soit lanne, notre recherche qualifiera cette faute par sa cause autrement dit nous la classons dans la rubrique indpendance.

La priode tudie va de juin 1989 mai 2005. La date 1989 a t choisie car nous voulions prendre une date de dpart situe aprs la loi du 24 juillet 1966 correspondant linstitution du contrle lgal des comptes et cest partir de 1989 que nous avons pu obtenir les premires condamnations disciplinaires auprs dun commissaire aux comptes.

La collecte des condamnations disciplinaires nous a permis dobtenir 357 dcisions. Parmi ces dcisions, 196 ont t supprimes car le commissaire aux comptes navait pas commis de faute. Cependant, nous avons tenu compte des dcisions prises par la Commission des Commissaires aux comptes lorsquelles correspondaient une relaxation du commissaire aux comptes mis en cause alors que ce dernier tait coupable de non qualit de laudit (ex: en cas damnistie).

Lanalyse de ces dcisions nous a donc permis dobtenir 161 dcisions disciplinaires. Certaines des dcisions disciplinaires peuvent tre dues la fois un problme dincomptence et de dpendance. Ds lors, nous comptabilisons la DD dans les 2 catgories. De mme si une mme dcision est due plusieurs problmes de dpendance ou de comptence, nous la comptabilisons plusieurs fois dans la catgorie dpendance ou incomptence. En outre, 21 dcisions sont prises lencontre du commissaire aux comptes sans toutefois que lon ait pu en dterminer la cause. Nous les avons supprimes de notre chantillon .Ce dernier se compose finalement de 185 dcisions disciplinaires.

Lvolution du nombre de dcisions disciplinaires peut tre illustre par la figure 1:

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

123456789101112131415

anne

nombre de dcisions

Note: annes 1989 et 2005 non prsentes, car incompltes.

Figure 1: Nombre de dcisions disciplinaires par an.

Nous constatons que le nombre de dcisions disciplinaires nest pas constant (entre 3 et 16 par an) avec un pic sur les annes 2003 et 2004 (peut-tre lie la la mise en place de la LSF).

Nous avons analys le motif de condamnation des 185 fautes constitutives de notre chantillon, ce qui nous a permis de regrouper les dcisions disciplinaires dont la cause est un problme de comptence, celles dont la cause est un problme dindpendance et celles provenant des deux facteurs la fois.

La procdure adopte est la suivante:

Lecture de chaque dcision disciplinaire,

Identification du motif de sanction,

Affectation du motif de sanction lun des facteurs dindpendance ou de comptence (ou les 2 la fois).

Prenons lexemple de la dcision disciplinaire suivante:

X, commissaire aux comptes de la socit financire et immobilire A,[...], masquant la ralit des oprations, X a fait enregistrer en comptabilit, [...], un prt fictif de 16000000F pour viter que le solde dbiteur du compte ne soit considr comme un revenu distribu, susceptible dentraner un redressement fiscal. (Extrait Dcision Disciplinaire DD 122451, 2001)

Cette condamnation correspond une immixtion dans la gestion de la part de lauditeur. Or, ce dernier a interdiction de simmiscer dans la gestion. Limmixtion dans la gestion est un problme dindpendance. Nous pouvons donc rattacher cette faute la catgorie Dpendance. Lensemble des 161 dcisions disciplinaires a fait lobjet dun traitement similaire.

2.2 Analyse des dcisions disciplinaires

Lanalyse des dcisions disciplinaires nous a permis de proposer 3 catgories regroupant les DD dues:

A un problme dincomptence;

A un problme de dpendance;

A un problme dincomptence et de dpendance.

Ainsi, nous obtenons dune part la part relative dans les DD entre les problmes dincomptence et les problmes de dpendance et dautre part nous obtenons la relation entre ces deux facteurs. Autrement dit nous dterminons sil existe un lien entre ces deux facteur s ou si ils sont indpendants.

De plus, nous avons du crer une quatrime catgorie. En effet, certaines DD ne sont dues ni un problme dincomptence ni un problme de dpendance. Pourtant la sanction a un impact sur la mission daudit. Cest pourquoi nous avons regroup ces DD dans une catgorie.

Nous allons maintenant prsenter chacune des catgories.

A. - Facteurs influenant la comptence

Suite lanalyse des DD, nous avons 45 DD dues un problme dincomptence soit 24,5% de lchantillon total.

Par exemple, certaines DD taient lies:

au niveau de formation de lauditeur;

une mauvaise ralisation de mission du fait de lge de lauditeur car on peut avancer que lge lev de lauditeur a rduit son niveau de comptence;

une mauvaise connaissance des rgles.

Afin dillustrer ces exemples, nous prsentons une DD qui a t catalogue dans le facteur incomptence.

Rfrence Explications

DD 132 511

Comptence insuffisante daprs le contrleur: ncessit de suivre une formation

B. - Facteurs influenant lindpendance

Comme pour la comptence, nous avons regroup les dcisions dont les motifs de condamnations des commissaires aux comptes peuvent tre assimils un facteur dindpendance. Nous constatons que 68 DD sont dues un problme dincomptence soit 36,9%.

Par exemple, dans cette catgorie figurent les sanctions dues:

un problme dincompatibilit:

RfrenceExplications

DD 77 226A certifi des comptes tablis par une socit dont il tait le DG

une immixtion dans la gestion:

Rfrence Explications

DD 123453Aide dans ltablissement dune comptabilit errone

aux pressions exerces sur lauditeur dans sa mission:

RfrenceExplications

DD 139563Complicit de prsentation de faux bilans (justifi par une forte pression des dirigeants)

au fait que lauditeur, se fiant la bonne rputation de lauditeur, na pas ralis des contrles suffisants:

RfrenceExplications

DD 78 230Non rvlation de faits dlictueux car a admis en toute confiance les explications du DG en raison de la bonne renomme de lentreprise

C. - Causes relevant la fois dun problme de comptence et dindpendance

Nous navons relev aucune DD dont la cause de condamnation tait due la fois un problme de comptence et la fois un problme dindpendance.

D. - Causes ne relevant ni de la comptence ni de lindpendance

Suite lanalyse de notre chantillon, nous avons constat que certaines fautes ne relevaient ni dun problme de comptence ni dun problme dindpendance:

11 dcisions sont dues une omission de dclaration de formalits administratives (dclaration des mandats, paiements des cotisations professionnelles...) qui reprsentent 6% des motifs de condamnations des commissaires aux comptes. Mais ce facteur na pas dimpact sur la qualit de laudit. Cest pourquoi ce facteur nest ni un problme de comptence ni un problme dindpendance.

62 dcisions sont dues des fautes commises en dehors de la mission daudit lgalsoit 33,7% des fautes.

En effet, les dcisions disciplinaires peuvent condamner un commissaire aux comptes pour une faute ralise en dehors de sa mission lgale ds lors quil a eu un comportement ne relevant pas de lthique. Cette faute peut tre faite dans sa vie prive (17 fautes) ou au cours dune autre de ses activits (principalement en tant quexpert-comptable ou directeur gnral dune entreprise: 45 fautes). Les dcisions disciplinaires vont pouvoir sanctionner la personne mise en cause avec une sanction ayant un impact sur la profession de commissaire aux comptes (exemple: suspension de lactivit de commissariat aux comptes).

Nous avons tenu compte de ces fautes dans notre chantillon car elles entranent des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu la radiation de la liste des commissaires aux comptes. Cependant, ces fautes nont pas dimpact sur la qualit dun audit car elles sont commises en dehors de lactivit de commissaire aux comptes. Ce nest donc ni un problme de comptence ni un problme dindpendance.

2.3 Discussion

Les rsultats prcdents nous permettent de dterminer la part relative des facteurs influenant la comptence et de ceux influenant lindpendance dans les facteurs de non qualit de laudit. Ils nous permettent galement de dterminer si comptence et indpendance sont des notions dpendantes ou indpendantes. Autrement dit, ils nous permettent de rpondre Q1 et Q2. Pour cela, nous avons ralis un tableau comparatif des rsultats prcdents. Cest le tableau 3.

Tableau 3: part relative de chaque facteur dans la non qualit de laudit.

FamillesNombre de dcisionsProportion

Incomptence4524,5 %

Dpendance6836,9 %

Incomptence + dpendance00%

Autres (Fautes dordre personnel et Omission de formalits administratives)73

(62 + 11)39,7%

(33,7% + 6%)

Total184100 %

Si nous rapportons ces valeurs en considrant seulement les facteurs indpendance et comptence, nous obtenons le tableau suivant:

FamillesNombreProportion

Incomptence4539,8%

Dpendance6860,2%

Incomptence + dpendance00%

Total113100 %

Du point de vue de lquilibre indpendance/comptence, on se rend compte que les causes de condamnation des commissaires aux comptes sont rparties hauteur de 60,2% pour lindpendance et 39,8% pour la comptence. Nous pouvons donc rpondre la question Q1:

Quel est la part relative de chaque facteur comme facteur de non qualit de laudit?

Elle est de 39,8% pour lincomptence et 60,2% pour la dpendance.

Nous constatons donc un trs fort cart entre la ralit des causes de condamnation des auditeurs et leur intrt en recherche. En effet, alors que la recherche sur lindpendance domine largement celle sur la comptence, le nombre de condamnations issues de ces deux dimensions est du mme ordre de grandeur.

Nous pouvons ds lors se poser la question de savoir pourquoi tant la recherche que la rglementation se focalise autant sur la notion dindpendance au dtriment de la notion de comptence.

Le tableau prcdent permet galement de rpondre la question Q2:

Existe-t-il un lien entre indpendance et comptence?

Nous constatons quaucune dcision disciplinaire nest due la fois un problme de comptence et dindpendance. Ds lors, nous en dduisons que ces deux facteurs sont indpendants.

Pourtant, comme nous lavons soulign, certains auteurs (Richard, 2006; Lee et Stone, 1995) ont montr rcemment que la qualit de laudit dpendait la fois de la comptence et de lindpendance. Nos rsultats contredisent cette affirmation et vont davantage dans le sens de la thorie de De Angelo (1981) qui affirme que la qualit de laudit varie en fonction de lindpendance et de la comptence sans pour autant affirmer que ces deux facteurs sont dpendants. Cest pourquoi nous affirmons que ces deux dimensions ne sont pas dpendantes.

.

Par ailleurs, nous constatons que 33,7% des dcisions disciplinaires trouvent leur origine dans la vie prive du commissaire aux comptes et ne sont en aucune faon lies des problmes dindpendance ou de comptence. Par exemple, un commissaire aux comptes ralisant une fraude fiscale dans ces comptes personnels ou encore conduisant en tat divresse encourt le risque dune sanction disciplinaire.

Ces causes, pourtant issues de la sphre personnelle, influent sur la mission daudit. Ds lors, il est surprenant de constater que la recherche ne sintresse pas ce problme. Le fait que nos rsultats rvlent cette catgorie pas traite par la littrature permet de dire que le modle de De Angelo (1981) est simplifi. En effet, cet auteur dfinit la qualit de laudit suivant deux axes (comptence et indpendance), or notre analyse permet de mettre en vidence un troisime axe reprsentant les fautes dues un problme personnel.

Finalement, notre tude nous permet de conclure que la qualit de laudit est un problme de comptence et dindpendance sans toutefois mettre en vidence un lien de dpendance entre ces deux dimensions. De plus, nous constatons que la qualit de laudit ou plutt la mission daudit peut tre influence par la sphre personnelle de lauditeur. Cette constatation navait encore jamais t mise en vidence auparavant. Si qualit de laudit varie en fonction de lindpendance et de la comptence, nos rsultats montrent galement que la mission daudit est quant elle influence en plus par la sphre personnelle.

Conclusion

Notre tude permet, partir des dcisions disciplinaires faites lencontre des commissaires aux comptes, dune part de dterminer limportance du facteur comptence et du facteur indpendance sur la qualit de laudit et dautre part de mettre en vidence lindpendance entre ces deux facteurs.

Les rsultats montrent que le facteur dindpendance reprsente 36,9% des causes de non qualit de laudit. Ce qui signifie que prs de 60% des causes de non qualit de laudit concerne des facteurs qui ne sont peu (comptence) ou pas du tout (personnel) traits par la littrature de recherche.

De plus, ils montrent quindpendance et comptence sont des facteurs indpendants, ce qui va lencontre de la position de certains auteurs.

Ds lors, nous pouvons nous demander pourquoi le lgislateur ne se penche pas davantage sur le problme de comptence. Ce travail ouvre un grand nombre de voies pour des recherches futures. Dabord, les travaux de recherche utiliss dans ce travail sont majoritairement raliss aux Etats-Unis. Nous tenons compte de la lgislation franaise lorsque nous relevons les motifs de condamnation des commissaires aux comptes. Il pourrait tre intressant de comparer la lgislation franaise et la lgislation nord amricaine pour relever dventuelles divergences et voir si elles permettent de rduire le nombre de procs dus un audit de mauvaise qualit. Ensuite, dans certains cas, il est possible que lauditeur ait justifi son erreur de faon que sa peine soit minimise. Il se peut alors que, dans ces cas, les rsultats de notre tude soient lgrement biaiss. Afin de valider les rsultats obtenus, il serait donc intressant de raliser des tests en laboratoire afin de voir si les facteurs mis par la littrature ont un vritable impact sur la qualit de laudit.

Enfin, nous avons constat quun nombre important de condamnation est d des fautes commises en dehors de la profession de commissariat aux comptes (soit dans la vie prive de lauditeur soit dans le cadre dune autre activit professionnelle). Mme si ce type de faute ninflue pas directement sur la qualit de laudit, il a un impact fort sur la mission daudit. En effet, ces fautes nentrent pas directement dans le cadre de la mission lgal de lauditeur, mais nous constatons quelles influent normment sur la profession puisque la sanction peut aller jusqu la radiation de la liste des commissaires aux comptes. Nous pensons quil serait intressant de raliser une tude sur ce type de fautes.

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De trs nombreux travaux se sont penchs sur la dfinition et la mesure de la qualit de laudit (Cf. Watkins, Hilison et Morecroft (2004) pour une revue de littrature trs complte sur ce thme, parue dans Journal of Accounting Literature).

Un impact est dit positif (ngatif) si il favorise (dtriore) lindpendance.

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