Un fusil Sarde, la Brigade de Savoie

Un collectionneur savoyard m’ayant confié un fusil Sarde proche du 1822 T Français pour quelques travaux, dont la confection d’une cheminée au pas peu courant de 8,8 X 170, j’en ai profité, avec l’aide précieuse du propriétaire féru d’histoire savoyarde pour documenter cette arme que l’on rencontre rarement, et pour laquelle la documentation Italienne est rare. Dispositions générales proches de celles du 1822 T Français :

Longueur totale : 1410 mm Poids sans baïonnette : 4,200 Kg Longueur du canon : 1030 mm Calibre : 17,7 mm

Canon lisse Platine avant construite neuve (pas une transformation de platine à silex), et canon type percussion construit neuf.

Les particularités par rapport au 1822 T Français sont les suivantes : Hausse rapportée formant cavalier, vissée sur la queue de culasse.

Chien à méplat à l’arrière, crête non striée, formant boule. Marquage de platine Manufacture de Turin :

Macaron de bois aux armes de Victor Emmanuel II avec l’inscription Réparé à Gênes 1862

Le macaron de réparation se superpose au macaron d’origine que l’on devine (trace à droite) Garnitures très proches du 1822 T Français. On distingue un poinçon aux armes de Savoie en partie effacé sur la grenadière.

Cette arme a dû participer au sein de la Brigade de Savoie à la guerre Austro/Sarde de 1848 (dont la bataille de Pastrenga du 30/04/1848 où les troupes Sardes se sont illustrées), à la guerre de Crimée où elle a eu une action remarquée à la bataille de Sébastopol (l’engagement des troupes Sardes au côté de la coalition Franco-Anglo-Turque est peu connu), puis aux côté des troupes Françaises, à la campagne d’Italie contre les Autrichiens, avec de fortes pertes à Solférino. La Brigade de Savoie a défilé triomphalement dans Chambéry au retour de la campagne de Crimée, en chantant pour la première fois « Les Allobroges » (voir note complémentaire) qui devait devenir son chant traditionnel. La brigade de Savoie a conservé jusqu’en 1860 sa cravate rouge traditionnelle.

Le fantassin de la Brigade se Savoie :

Outre le fusil, l’armement comporte un sabre briquet et une baïonnette. Ci-dessus sabre briquet de sergent. Le sabre briquet de troupe est à poignée laiton à une branche, et se rapproche des « seitengewehr » prussiens.

Le livret militaire de Constantin Duc, laboureur de son état, né à Gramier en Tarantaise le 9 mai 1824 nous donne une intéressante indication sur l’équipement dont était doté chaque fantassin en 1848-1849 :

1 Tunique 1 Epinglette 1 Paire d’épaulettes 1 Cuiller 1 Pantalon de drap 1 Boîte à cirage 2 Caleçons 1 Boîte à cire pour giberne 1 Schakot complet 1 Fiole pour l’huile 1 Bonnet de fatigue 1 Brosse à habit 1 Paire de guêtres de tricot 1 Brosse à soulier 1 Paire de guêtres de toile de coton 1 Brosse à laiton 1 paire de souliers 1 Couvre feu 1 Cravate 2 Peignes 2 Chemises 1 Patience 1 Cravate de sabre 1 Polissoir 1 Barraquin 1 Havresac complet 1 Pompon 1 Livret de Masse 1 Bourse contenant le nécessaire pour coudre 1 Tournevis On constate également que ce même livret comporte un état détaillé, périodiquement mis à jour, des effets du soldat avec les sommes portées à son débit et à son crédit. Gare au caleçon manquant !

Dates marquantes de la Brigade de Savoie : Création en 1660 par le Duc Emmanuel Philibert premier, suite au traité de Cateau Cambrésis en 1559. Troupe constitué en majorité de savoyards, mais aussi des valdotains (vallées vaudoises du Piémont). Langue commune le franco-provençal (Français pour les officiers). 2000 hommes en 1667 Participe à tous les combats de l’armée du royaume de Piémont-Sardaigne Ralliement à Napoléon lors de son arrivée au Piémont. Le sergent Dupas, originaire d’Evian est élevé au grade de Général d’Empire Après le traité de Vienne en 1816, la Brigade fait son retour à la Savoie. En mai 1860 Victor Emmanuel passe une dernière fois en revue la Brigade de Savoie.

Après le référendum et le rattachement de la Savoie à la France, les volontaires (pratiquement 100% des savoyards ont opté pour la France) ont été rattachés à l’armée française et ont été affectés au 103ème régiment d’infanterie de Ligne. En 1870 un bataillon de volontaires, anciens brigadistes originaires de Faucigny et du Chablais, s’illustre sur le plateau de Langres. Poids et mesures en Savoie : La bizarrerie du pas de la cheminée du fusil amène à s’intéresser au système de poids et mesures contemporain du fusil, surtout au système de dimensions.

C on peut le constater il y a des différences d’une vallée à l’autre ! Le système métrique n’a été réellement établi qu’assez tardivement par édit du 11/09/1845 avec effet en 1850.

De surcroît, certains métiers (armuriers, horlogers) devaient conserver leurs standards propres.

Il faut bien dire qu’en France, alors que le système métrique était en vigueur depuis la Révolution, on a continué pendant toute la période des armes à percussion, à utiliser des cheminées au pas militaire de 8,3 X 110 ! Notons en dernier lieu qu’un association savoyarde continue à faire vivre la tradition de la Brigade avec reconstitutions et défilés Marc Bello-Imbert 06/2012 Contact : arquebuse94@free.fr Bibliographie : La Brigade de Savoie par le Baron du Bourget (1911), disponible sous format .pdf La Brigade de Savoie, Wikipedia A mentionner également la très riche collection du musée de l’ArmeriaReale de Turin Note complémentaire : Chant "les Allobroges", écrit en 1856 par Joseph DESSAIX, neveu du Général d'Empire Joseph Marie DESSAIX. Ce dernier participa en premier chef à l'organisation de la "Légion Allobroges" (tous deux de Thonon les Bains, en Chablais). petit historique de la "Légion Allobroges" : - à l'origine, le 31 juillet 1792 le "Club des Allobroges" se présenta à Paris à l'Assemblée Nationale, chargé d'y prendre la parole pour demander la levée et l'organisation d'une légion franche (de volontaires savoyards) pour les Alpes. DOPPET du Club des Allobroges pris la parole à l'Assemblée en se but. - le 2 août 1792 , l'Assemblée, sur le rapport de son comité militaire, établissant la nécessité d'augmenter les moyens de défense de la frontière des Alpes, autorisa la levée d'un nouveau corps de troupes légères, et le 8 du même mois, elle décréta la formation de la "Légion franche Allobroges". - dans la journée du 10 août , le premier noyau de la légion marcha contre les Suisses des Tuileries et pris part au combat. Là se trouvaient DOPPET, DUPAS, Joseph (Marie) DESSAIX (et son frère François DESSAIX) etc ... Pendant et après le combat, ces braves jeunes gens sauvèrent la vie à plusieurs soldats suisses qui furent aussitôt incorporés dans la légion ... - au 31 mai 1793 , la Légion Allobroge fut encadré par le Colonel BUSIGNY (le 1er Colonel de la légion) et les Chefs de Bataillon DOPPET et DESSAIX . Après on connaît la suite de cette légion majoritairement composée de savoyard .... jusqu'aux derniers jours de l'Empire, et les raids contre (surtout) les Autrichiens en vallée du Rhône et jusqu'en Savoie pour protéger celle-ci de ces mêmes Autrichiens. A la nouvelle de l'invasion (janvier 1814), DESSAIX courut se mettre à la tête des gardes nationales du Mont-blanc, et couvrit ce département. Le 19 février, il força l'ennemi d'évacuer Chambéry, occupa la ville après avoir pris les Echelles et Montmélian, et se porta de là sur Genève, dont il allait s'emparer, quand la chute de l'Empire l'arrêta. Son courage lui valut le titre de « Bayard du Mont-Blanc ». Le général DESSAIX livra donc sa dernière bataille sous ce régime de l'Empire à Vers (Haute Savoie) où il mis en déroute et obligea les Autrichiens à se replier vers Genève en protégeant ainsi la Savoie du nord (Haute Savoie : Genevois et Chablais). Le 1er mars 1814 lors de cette dernière bataille, la "bataille de Vers" (à côté de Saint Julien en Genevois) DESSAIX à la tête de seulement 5 000 hommes et 8 canons, par un froid polaire, mis en déroute le corps Autrichiens fort de 12 000 hommes bien armés, les poursuivra et les força à se replier sur Genève.

sources bibliographiques : Wikipedia : Joseph Marie Dessaix, Joseph Dessaix "Révolution Françaises, LES VOLONTAIRES DE LA SAVOIE 1792-1799, LA LEGION ALLOBROGE et LES BATAILLONS DU MONT BLANC" parAndré FOLLIET , député, 1887