un disciple de martinez de pasqually

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  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    1/42

    Antoine Faivre

    Un martinsiste catholique : l'abb Pierre Fourni (premier

    article)In: Revue de l'histoire des religions, tome 172 n1, 1967. pp. 33-73.

    Citer ce document / Cite this document :

    Faivre Antoine. Un martinsiste catholique : l'abb Pierre Fourni (premier article). In: Revue de l'histoire des religions, tome172 n1, 1967. pp. 33-73.

    doi : 10.3406/rhr.1967.8516

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1967_num_172_1_8516

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rhr_4661http://dx.doi.org/10.3406/rhr.1967.8516http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1967_num_172_1_8516http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1967_num_172_1_8516http://dx.doi.org/10.3406/rhr.1967.8516http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rhr_4661
  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

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    Un

    martinsiste

    catholique :

    l abb

    Pierre

    Fournie

    Parmi les personnages qui se runissaient autour

    de

    Martines

    de

    Pasqually, le

    thosophe thaumaturge, plusieurs

    ont

    laiss un

    nom ; l'histoire connat Louis-Claude

    de

    Saint-

    Martin, Jean-Baptiste

    Willermoz, Baudry

    de

    Balzac et

    quelques autres.

    Mais

    certains,

    qui

    crivirent pourtant,

    n'ont

    pas encore fait l'objet d'tudes

    particulires. C'est

    le

    cas de

    l'abb Pierre Fournie, l'un

    des principaux acteurs

    du premier

    martinisme.

    S'il a t

    frquemment mentionn, on ne

    s'tait

    encore

    jamais livr

    aucun

    travail d'ensemble le concernant.

    En traant

    un

    portrait

    de Fournie,

    en prsentant

    son

    livre

    d'une manire

    systmatique,

    je m'attacherai

    ici

    mettre

    en

    relief

    une

    pense qui

    s'inscrit

    dans

    la

    gense

    du romantisme

    allemand, et

    laquelle Franz

    von

    Baader, le

    philosophe de

    Munich, s'est tout particulirement intress1.

    De Fournie, on connat surtout ce qu'ont crit ses

    confrres

    en Illuminisme ; quelques notes parses permettent

    ainsi

    de

    tracer sinon une biographie d'ensemble, du moins

    l)

    Jacques

    Matter,

    dans Saint-Martin

    le

    philosophe

    inconnu,

    Paris,

    Didier,

    1862, p. .'55

    54,

    a

    parl de

    Fournie, mais

    .seulement

    d'aprs

    les dernires pages

    de

    sun

    livre. Ren

    Le Forestier,

    dans

    La Franc-Maonnerie occultiste au

    XVIIIe

    sicle

    et

    VOrdre

    des

    lus

    Cohens,

    Paris,

    Dorbon,

    1928, p.

    536

    543,

    s'est

    servi

    uniquement

    du

    livre

    de

    J.

    Matter.

    Paul

    Vulliaud,

    dans Les Rose-Croix

    lyonnais, Paris, Nourry, 1929, p. 119

    134,

    a

    consacr

    un

    court chapitre

    Fournie

    ;

    on

    est

    frapp par

    le manque

    d'objectivit, la partialit et l'aspect

    faussement

    scientifique de

    cette tude. Il

    faut

    attendre

    Auguste Viatte pour

    lire quelques

    payes

    intressantes sur Fournie,

    dans

    Les

    Sources

    occultes

    du Romantisme, Paris,

    Champion, 1928,

    rdit en 1965

    (index des

    noms

    propres},

    et plus tard Alice

    Joly,

    qui a utilis avec beaucoup

    d'intelligence

    un certain nombre le

    documents des

    archives lyimnaises le concernant :

    cf.

    Un

    mystique

    lyonnais [Willermoz] et les

    secrets de

    la Franc-Maonnerie,

    Mcon, Protat,

    193s,

    et De l'Agent

    Inconnu

    au

    philosophe

    inconnu,

    Paris,

    Deno l,

    1963 (table

    des

    matires et index

    des

    noms

    propres). Je ne

    cite pas

    Alice Joly chaque fois qu'elle s'est servie d'un

    document

    dont je tire parti dans

    le

    prsent travail.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

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    34

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE DES

    RELIGIONS

    les

    grandes

    lignes d'une carrire.

    Il

    est

    n

    vers 17381, et

    vers l'ge

    de

    trente

    ans

    il semble qu'il fasse partie du diocse

    de

    Lyon2.

    Aussi

    bien est-ce

    partir

    de

    cette

    poque,

    c'est--

    dire

    de

    1770, qu'il nous intresse, car c'est ce

    moment-l

    qu'il fait

    la

    connaissance de

    son matre. Depuis

    1754

    jusqu'

    sa mort, survenue

    en

    1774,

    Martines

    de

    Pasqually ne cesse

    de travailler

    la

    construction de

    son temple

    Cohen.

    En

    1761,

    il

    est

    affili

    la Loge

    La Franaise

    Bordeaux,

    o

    il

    construit son

    Temple particulier . De 1761 1766,

    il

    demeure

    en cette ville, puis

    il

    part pour Paris o

    il

    instruit de sa

    doctrine Bacon

    de

    La

    Chevalerie,

    Jean-Baptiste

    Willermoz,

    et

    plusieurs autres

    personnages.

    En

    juin

    1767,

    il

    est

    de

    retour

    Bordeaux

    et se

    marie.

    Son fils nat

    en

    1768, et Martines

    fait

    la

    connaissance de Saint-Martin,

    alors

    officier

    du

    rgiment

    de

    Foix. Aussitt aprs le baptme, Martines donne son

    fils la premire conscration dans la hirarchie Cohen ;

    il

    le

    destine

    devenir

    son

    successeur, mais ce

    fils disparat

    dans

    la tourmente

    rvolutionnaire.

    Du

    deuxime fils de

    Martines,

    n

    au

    commencement du

    mois de juin 1771, on

    ne

    possde que

    quelques renseignements fournis par Saint-Martin Willermoz

    dans une lettre du 8

    juin 17713.

    Ce

    rappel

    historique est impor

    tant n ce qui concerne Fournie, qui assume ce moment-l

    des

    fonctions

    de secrtaire auprs de

    son matre, et qui plus

    tard dirigera

    l'ducation d'un

    des deux fils de ce dernier.

    Jusqu'en

    1768,

    c'est Du Guers

    qui

    sert, Bordeaux,

    de

    secrtaire

    Martines, et en

    1768

    et

    1769, ce

    sont

    Grainville,

    Champollon, Balzac, qui rdigent avec le matre les

    cahiers

    de grades. Mais

    ce sont Fournie

    et

    Saint-Martin

    qui

    se

    trouvent

    auprs

    de

    lui

    Bordeaux

    au

    moment

    o

    le

    Trait

    1)

    Cet abb

    en l'an

    1819,

    a

    81

    ans ;

    cf.

    note infra.

    2) C'est ce

    que

    pense Matter,

    qui put

    utiliser

    des sources

    dont une

    partie

    seulement

    a

    t conserve :

    Fournie

    qui tait, je

    crois,

    du diocse de Lyon

    et

    qui

    avait

    peut-tre rencontr d'abord le mystrieux

    Portugais

    sur

    les

    bords du

    Rhne,

    avant

    de le

    suivre

    Paris,

    s'attncha ses

    doctrines

    spiritualistes de toute

    la puissance

    de sa

    foi . J. Matter, op.

    cit., p. . '35.

    .'5) Cf.

    Van Rijnberk, Un thaumaturge du XVIIIe sicle, Martines de Pas

    qually, Paris, Alcan, 1935,

    p.

    20 s.

    Pour

    une biographie de Bacon de La

    Chevalerie,

    cf. Le Forestier,

    op.

    cil.,

    p. 546

    549.

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    UN

    MARTINSISTE

    CATHOLIQUE I l'.VBB Pi FOURNIE ) -

    de la

    Rintgration

    est compos1.. Fournie prcde d'ailleurs

    Saint-Martinr dans

    -ces fonctions

    de

    secrtaire, puisqu'il; est

    nomm ds 1709

    auprs

    de

    Martines.

    Ce dernier

    s'en

    dclare

    enchant,

    Fournie

    tant

    fort

    en

    religion, crmonies- et

    instructions particulires 2, et particulirement besogneux3.

    A

    cette poque, il n'a pas encore reu les ordres ecclsiastiques ;

    Saint-Martin le

    dpeint

    d'ailleurs peinant beaucoup- pour

    apprendre

    un

    peu;

    de latin4.

    L'abb

    sert

    volontiers d'inter-

    1)

    Trait

    de la rintgration des tres dans

    leurs

    premires proprits, vertus et

    puissance spirituelles et

    divines,

    compos

    vers 1771 et

    publi

    seulement en

    1889,

    Paris,

    Chacornac, 38* p.

    Sur le

    Trait,

    ci. Von

    Rijnberk,

    up. cit., et R. Le

    Forestier,

    np.

    cit.

    2)

    Alice

    Joly, l'n mystique Ujonnais,

    p.

    32 s. MS Lyon, .Willermoz Turckheim,

    1821,

    et MS

    5425, p.

    57.

    3) Van Rijnberk, pour

    qui

    Fournie tait

    un vase lu le

    l'esprit

    [Marlines

    de

    Pasqually, t.

    II,

    Lyon, Derain, 11)38,

    p.

    28), a

    reproduit les

    lettres de Martines

    le

    Pasqually

    Willermoz

    (MS Lyon 5471) ; dans l'une d'elles,

    le

    thaumaturge

    expose ce qu'il pense de son secrtaire

    :

    Je vous fait part que jay prit un secretaire

    de

    confience qui

    sort des

    coppyes

    de mon

    registre

    de tous les

    grades

    soit

    en

    recep

    tion eremonyes

    et

    instruction

    particulliere enfin

    il est

    charg

    dfinitivement de

    secretaria general et

    particullier,

    cet un frre que jay au prts

    de moy depuis

    un

    an

    et plus

    fort

    intelligent, il

    a

    tout abandonn pour suivre la chose dans toute

    les circonstence

    il

    se nomme le frre

    Fournier

    un

    des bons

    bourgeois

    de

    Bordeaux

    propre oncle est prieur des grands Augustins de Paris ; se

    frre

    netant

    point

    extrmement

    riche lorsque

    l'on retire le

    ses

    mains toutes

    les

    critures qu'il

    faut

    pour

    mener

    un temple

    on

    lu

    fait

    present

    de

    quelques

    honnorres

    pour

    quil

    :

    ne perde point

    son temps absolument

    ;

    il est trs instruit, si vritablement vous

    tes dans

    lintantion

    le vouloir lever votre grand Tple marques le moy je le

    fera y travailler tout

    de suite pour vous,

    il

    y

    a bien

    pour

    deux mois

    derriture affaire

    sans

    trop

    sarnuser pour vous envoyer

    les choses en

    rgles,

    et

    bien

    intelligibles

    (ibid.,

    p.

    128, 20

    janvier

    1770 ;

    ce

    texte

    avait dj t

    publi, mais avec

    des modif

    ications, par Papus, dans Marlines de Pasqualltj, Paris,

    1*95, p.

    176).

    Le mois

    suivant,

    Martines

    entretient Willermoz

    des

    mules

    ayant

    obtenu les

    succs

    thurgiques

    ;

    ce sont

    d*IIauterive,

    Deserre,

    et lautre

    le frre

    de

    Fournier

    ancien

    bourgeois

    vivant de

    se* revenus

    de

    Bordeaux, neveux du Grand Prieur

    des

    August

    ins

    e Paris

    . Ces gens

    voyent

    le nuit,

    et

    de

    jour

    ?ans lumire,

    ni

    bougie ny autre

    feu quelconque (Van

    Rijnberk,

    op. cit., t. II,

    p. 132, 16

    fvrier

    1770).

    Pendant

    les annes 1762

    1766, Martines avait

    eu

    pour secrtaire

    un moine, le

    P. Bullet

    (ou Boull), aumnier du rgiment de Foix,

    qui fut

    donc

    le

    prlcesseur de Saint-

    Martin et

    de

    l'abb

    Fournie (ibid.,

    t.

    II,

    p.

    19).

    Cf.

    aussi

    Papus,

    Saint-Martin,

    p.

    87.

    4)

    Sitt

    que

    je l'aurai

    [l'adresse

    de

    Martines

    de

    Pasqually]

    je

    vous

    la

    ferai

    passer ou

    plutt je

    laisserai ce

    soin

    M.

    l'abb Fournie. Je luy rserve cette

    occasion

    pour vous

    remercier

    de

    l'intrt que

    vous

    prenez ses affaires. Il

    est

    enfin

    tonsur depuis le mois dernier, il ne luy

    faut

    plus qu'une abbaye pour tre

    tout

    fait

    tranquille, en

    attendant il sue sanar

    et eau aprs

    son latin, car il n'en

    sait

    pas un mot, et il

    voudrait

    bien

    ne

    pas exposer l'honneur de sa robe

    (Saint-

    Martin Willermoz,

    12

    aot 1771), lettre

    publie par Papts, .Louis-Claude

    de

    Saint-Martin, Paris, Charornac, 1902, p. 109 ..

    Il

    ne semble pas que

    Fournie

    ait

    beaucoup

    profit

    du bnfice

    jue Saint-Martin souhaitait pour lui.

    Dans

    Les

    Luix

    ecclsiastiques de

    France, ouvraire publi la mme anne

    (nouvelle

    dition,

    par feu

    Me Louis de Hrioourt, Paris,

    1771, (

    IV, article I,

    XVIII),

    on voit

    combien

    l'un

    se

    mfiait

    lu

    rot les candidats

    pour

    les bnfice-*.

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    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE

    DES

    RELIGTONS

    de rapprocher cet

    aspect

    auditif

    du

    terme auriculaire ,

    dont Fournie se sert

    frquemment dans

    son

    ouvrage

    propos

    des

    esprits1.

    Dans la

    liste de mystiques

    numrs par l'abb, nous

    trouvons principalement

    des

    Illumins.

    Sans doute connat-il

    Bhme par les

    rcentes

    traductions

    qu'en

    a fait Saint-Martin

    le

    Philosophe Inconnu

    a

    dcouvert

    le

    Philosophe Teuto-

    nique

    Strasbourg, en 1788

    bien

    que

    Fournie ait proba

    blement cess de

    frquenter le

    thosophe

    d'Amboise ds la

    fin

    des

    annes quatre-vingts2. En

    tout

    cas, il

    a entendu

    parler

    aussi

    de William Law, ce qui

    s'explique

    par

    le

    fait que Fournie

    vivait

    Londres, mais

    galement

    par

    les

    visites

    que Louis

    de

    Divonne

    lui a rendues

    dans cette capitale3.

    C'est

    peut-tre

    en Suisse que

    Fournie a

    dcouvert les

    uvres de Mme (juyon,

    car

    dans

    ce

    pays elles taient fort lues, les milieux

    guyoniens

    y taient

    trs

    actifs4. D'ailleurs,

    c'est

    par

    le fameux

    libraire

    mystique Daniel

    Ptillet,

    de

    Lausanne,

    que

    l'on

    peut

    se

    procurer

    l'ouvrage

    de Fournie au dbut

    du xixe

    sicle5. On

    ne

    s'tonnera

    pas, certes,

    de

    voir figurer

    galement

    dans cette

    liste

    le

    nom de

    Swedenborg

    ;

    il

    n'est

    pas

    surprenant, pour

    peu

    que

    l'on ait

    tudi les enseignements

    martinsistes et

    1} (X infra,

    dans

    le chapitre

    consacr

    la pense

    le

    Fournie.

    2) Cf. infra, propos

    de

    Agent Inconnu .

    3) Divonne a rencontr Fournie Londres. Il

    est

    l'auteur le La Voie de la

    science divine,

    traduite

    de M. W. Law,

    prcde

    de

    La Voix

    qui crie dans

    le

    dsert,

    par Lodo

    ,

    Paris, 1805. Cf. infra, propos

    de

    Baader.

    4) Cf.

    Paul

    We.inle, Der

    schweizerische Protestantismus,

    Tubingen,

    1925,

    t. III, index des noms propres, et

    A.

    Faivre,

    Kirchberger

    et Vllluminisme du

    XVIIIe

    sicle,

    La Haye,

    Nijhoff,

    1966, p.

    186 s. Si

    l'on ouvre

    le

    Dictionnaire

    de Moreri

    (1759),

    trs lu

    cette poque,

    l'article

    (uyon,

    on s'aperoit

    que

    les

    auteurs

    de

    cette

    rubrique

    ne

    semblent

    pas

    du

    tout

    hostiles

    l'amie

    de

    Fnelon.

    De

    plus,

    il

    est

    remarquable

    que

    l'ouvrage

    alors

    trs

    connu

    de

    l'abb

    Pujot>et

    [Mmoires

    pour

    servir

    Vhisloire

    des garemens de

    V

    esprit humain par rapport

    la

    religion

    chrtienne :

    ou

    dictionnaire

    des hrsies, des erreurs et

    des

    schismes,

    Paris,

    2 vol.,

    1762, anonyme], dlaisse les

    ouvres

    de Mme Guyon, de

    Swedenborg,

    de

    Bhme et

    de

    Law au profit

    garemens

    dont

    l'auteur dresse

    une liste

    au

    demeurant impressionnante. Certains des auteurs, parfois

    rcents, mentionns

    dans

    cet

    ouvrage,

    reprsentent mme

    une

    certaine

    tendance cumnique, tel

    Jonas

    Conrad

    Scharmius (ibid., t. I,

    p.

    321),

    auteur

    d'une Introduclio in dialeclicum

    Caballaeorum, Brunswig,

    1703,

    qui dfend l'ide d'une

    conformit entre

    la

    cabale

    et

    la

    religion chrtienne. Sur cet fpcumnisme chez

    Fournie,

    cf.

    infra,

    dans

    le

    chapitre consacr son

    catholicisme.

    '| Cf. infra, propos

    de

    Baader.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    8/42

    UN MARTINSISTE CATHOLIQUE

    L'ABB

    P. FOURNIE 39

    saint-martiniens,

    de

    trouver

    sous

    la

    plume

    de

    Fournie

    la

    trs nette distinction entre les bons et les

    mauvais

    esprits

    ou

    anges,

    l'affirmation

    d'un

    discernement

    ncessaire,

    celui-l

    mme qu'enseignait Jamblique, que recommandaient

    tous ceux qui. pratiquant la thurgie, se

    mfiaient

    des formes

    d'emprunt, dmoniaques ou impures, capables

    de

    se faire

    passer

    pour

    des

    anges

    de lumire1.

    Pour

    Fournie,

    le

    magnt

    isme

    st un don

    du

    ciel,

    qui doit montrer aux

    hommes l exi

    stence

    de leur

    tre

    spirituel

    distinct

    de leur

    enveloppe

    matrielle .

    Cet

    intrt

    de

    l'abb

    pour la science

    de

    Mesmer

    n'est pas nouveau, au moment o il

    crit

    ces lignes. Ds 1785

    en

    effet, il

    crit

    Willermoz

    qu'il

    se

    livre

    Bordeaux

    et

    Rochemonts des

    expriences

    de

    ce

    genre2.

    En

    1778,

    nous

    trouvons Fournie

    en

    rapports

    avec le

    Substitut (inral

    de Serre,

    qui

    a

    la garde du jeune Pasqually3.

    L'abb

    reoit des ordres

    pour

    copier,

    distribuer et

    envoyer

    les

    documents

    arrivant d'Amrique4.

    A

    vrai dire, il n'a

    gure

    quitte

    Bordeaux

    ;

    il

    y

    rside,

    auprs de la veuve de

    son

    matre5,

    et

    continue donner

    Willermoz,

    qui demeure Lyon, des

    nouvelles

    de

    la

    famille

    Pasqually6. L'abb Fournie

    vit

    grce

    aux subsides

    que

    lui

    envoient ses Frres martinsistes. Ds

    le

    mois de

    mars 1781, il

    touche

    une

    pension de 150 livres7.

    Certes, Willermoz est le plus

    gnreux

    il

    est

    aussi l'un des

    1)

    Cf. A.

    Faivre,

    up.

    cit.,

    chap. III.

    2) Le magntisme

    Bordeaux

    et ici par

    nos bons amis se

    trouve

    port outre

    les cures charmantes corporelles au plus haut

    detrr

    concernant notre affaire.

    Je me trouve

    avoir opr dans

    cette partie

    sans

    manipulation

    ordinaire,

    in^rdiants

    ny particulire volont. Lettre du .40 dcembre 1785 (MS Lyon 5472).

    .'{) MS Lyon

    f>472, Fournie,

    de Bordeaux,

    Willermoz, .'50 juin 1778 :

    J'ay

    reu lettre

    samedy

    dernier

    du

    ch. P. m;

    f.

    dsre,

    qui

    se portait

    bien,

    de

    mme

    ijue

    le

    petit

    Pasqually

    dont

    il

    me

    donnait

    des

    nouvelles.

    4) Ibid., 23 juillet 1778 : [Deserre]

    m'a

    donn de plus

    ses

    ordres pour

    tirer

    des coppies du

    paquet

    d'amerique, et par

    ce

    mme courrier

    j'envoie

    au p.

    m.

    de

    saint-martin

    une coppie, il est

    le

    premier

    qui je

    l'envoie . On

    sait

    nie

    Martines

    tait mort

    Saint-Dominsme

    en

    1774.

    Caiynet

    de Lestre lui avait succd l-bas,

    jusqu'en dcembre 1778, puis

    Sbastien Las

    Casas.

    Le

    20

    mars 1779,

    Fournie

    apprend

    Willermoz

    la mort

    de

    Caiyrnet ; Mme

    de

    Pasqually vient

    de

    l'apprendre

    de

    son propre frre,

    rsidant

    Saint-Domimrue.

    5) Ibid., 7 aot 1779 : C'est pour vous apprendre

    le

    maria

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    9/42

    40

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE

    DES

    RELIGIONS

    plus riches .. mais; d'Hauterive, de

    Toulouse,

    et Saint-

    Martin, de Paris, soutiennent

    autant qu'ils

    le peuvent, leur*

    confrre-

    de,

    leurs

    charits..

    Cela devient,

    indispensable

    en-

    novembre

    1781, tandis qu'une pidmie

    fait rage

    Bordeaux5.

    En

    1

    784, il remercie Willermoz

    de lui

    avoir, fait parvenir

    150 livres6. Saint-Martin,

    qui

    est sans doute pour

    quelque

    chose

    dans la

    gnrosit

    du

    riche industriel

    lyonnais,

    crit de

    Bor

    deaux Willermoz le 6 juillet 1776,

    et

    ne tarit pas d'loges

    sur

    l'abb7. Cette lettre- est intressante, elle montre combien

    les

    Cohens

    taient persuads

    de

    l'authenticit

    des visions dont

    l'abb tait

    favoris ;

    elle est un

    document

    de

    premier

    ordre sur

    l'esprit

    qui

    rgnait

    dans

    ce

    milieu,

    sur

    le

    ct vraiment

    pitto

    resque de

    la

    personnalit de

    Fournie ;

    crite

    par Saint-Martin,

    elle n'est

    pas dpourvue

    de finesse

    ni d'un certain humour1.

    5)

    Ibid., 5

    novembre 1781. A

    cette date,

    Fournie

    semble

    recevoir

    cet

    annuel

    depuis deux

    ou trois ans au

    moins ;

    il reoit cent cinquante livres de Willermoz

    et

    de

    ses

    amis, mais

    les

    autres

    Orients

    lui

    complettent six cents livres t. Sur

    le verso

    de

    cette

    lettre, Willermoz note

    qu'il va

    lui

    envoyer

    200 1

    le

    17 novembre.

    6)

    Ibid., 9 mars

    1784.

    7) Matter,

    qui ne

    connaissait pas cette correspondance, s'avance

    un peu trop

    lorsqu'il crit que Saint-Martin devait

    mpriser

    quelque peu

    Fournie

    cause de

    l'admiration

    de

    ce

    dernier

    pour Mme

    Guyon et Swedenborg. Il se trompe tout

    fait

    lorsqu'il

    crit

    que

    les

    deux

    hommes n'ont

    pas

    d

    se

    connatre dans

    les

    runions

    de

    Bordeaux, mais

    seulement

    Paris

    et

    Lyon

    ;

    cf.

    Matter, op. cit.,

    p.

    50 s.

    1)

    C'est

    un

    ange pour la puret

    du cur et

    pour la charit,

    c'est un lu

    pour

    l'intelligence ; quant

    aux

    faveurs

    physiques

    je ne

    srais

    si

    notre

    dfunt Mtre en a

    jamais eu en aussi grand nombre et d'aussi directes. Je le regarde comme tant

    un point d'lvation dans cecy que tous les R. >J< [Raux-Croixj de France et

    peut-tre

    -le souverain

    leur tte

    n'atteindraient

    pas.

    Ce qu'il

    a eu

    est

    suivi,

    consquent, et

    beaucoup

    plus

    intelligible en discours

    que

    dans

    ses

    lettres o-

    vraiment on

    ne

    sait

    les

    trois marts du tems

    ce qu'il.

    veut dire. Sa mort lui a1

    t

    figure

    dans

    toutes

    les

    rgles, ceux qui ne

    l'ont pas quitt pendant

    plusieurs

    semaines, l'y ont

    prpar.

    Tout le crmonial funbre s'est opr sous ses

    yeux

    si bien qu'il a cru pendant 24 heures tre rellement

    dans

    l'autre

    monde

    et jamais

    a-t-il dit il

    n'a

    connu

    de

    semblable flicit. Il a t ordonn pendant sept heures

    de

    suite par nombre d'agents spirituels dont' plusieurs

    avaient

    eu

    des

    liens trs

    puissants

    avec

    lui

    pendant

    leur

    vie

    corporelle,

    tels

    que

    le

    Mtre

    son

    pre et

    sa

    mre,

    etc. Aprs

    avoir

    subi plusieurs autres

    preuves

    en, tout. genre et qu'une

    lettre

    ne

    pourrait pas

    contenir on

    l'a condamn toutes

    les

    observances de

    l'glise

    sans exception

    ; on

    lui

    a

    mme prescrit d'entendre

    la messe tous

    les

    jours

    six

    heures du matin et en

    outre de

    ne point boire

    de

    vin,

    si

    bien qu'il fut

    tanc

    l'autre

    jour

    de

    la bonne manire

    pour

    avoir

    mang de la

    salade o il ne fit pas attention

    qu'il

    y

    avoit du vinaigre

    qui

    vient du vin.

    Cette

    multitude d'attractions

    et

    de

    faits

    physiques

    m'a

    fait croire que le sujet tait plus digne qu'aucun d'tre admis au,

    travail, en

    consquence,

    j'ay

    crit

    son

    insu

    au Mtre Caignet

    et, sur le

    compte-

    que je lui rends, je l'engage

    faire

    pour lui

    tout

    ce qu'il croira convenable et tout

    ce

    qu'il

    pourra.

    Ce n'est point un travail

    anticip

    qui a

    procur

    au

    sujet

    tant

    de

    choses, ce sont de simples prires

    et le

    dsir

    ardent

    de sortir de dessus

    luy quelques

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    10/42

    UN MARTINSISTEi CATHOLIQUE

    : L'ABB P.

    FOURNIE 41

    On lve le fils

    de

    Martines

    de

    Pasqually

    dans

    l'espoir qu'il

    succdera

    un jour son

    pre ; les

    Cohens prennent

    grand soin

    de

    son ducation1. Mais

    cela

    ne

    va pas

    sans

    difficults,

    l'lve

    n'tant pas particulirement docile2. L'abb Fournie, pensionn

    par la Loge

    des

    Amis Runis

    de

    Paris, est

    son

    instituteur3 .

    taches, qu'il

    y

    avait laisser entrer. Ce n'est point dans sa quarantaine que

    le

    tout

    est

    venu,

    ce n'est

    que

    depuis

    et

    quoiqu'il

    soit beaucoup plus tranquille aujourd'huy

    il n'y

    a point

    de jours qu'on ne

    le

    dirige

    comme un

    enfant dans toutes

    ses

    actions.

    L'ordonnance de

    la

    messe

    six heures du matin est ce

    qui

    l'empche de sortir

    du

    pays, parce

    que

    n'ayant

    pas

    de

    voiture

    luy,

    il ne

    pourrait disposer de son

    temps dans

    les

    routes de manire

    excuter les ordres qu'il a reues. Enfin

    il

    faudrait

    des livres

    pour contenir tout

    ce

    qu'il a vu,

    entendu, senti, depuis six

    semaines

    et vous

    savez

    que les livres sont peu propres contenir de pareilles

    matires. Ainsi

    je

    me bornerai

    l'extrait

    que

    je

    viens

    d'en

    faire

    Saint-Martin

    Willermoz,

    de

    .

    de

    Bordeaux,

    le

    6.

    juillet

    1776,

    publi

    par

    Papus,

    op.

    cit.,

    p.

    143 s. J'ai utilis

    ici

    le MS original, Lyon,

    5956,

    le texte

    de

    Papus

    comportant

    quelques

    lgres

    erreurs.

    1)

    MS

    Lyon 5472, Fournie

    Willermoz, 27. novembre

    1779, de Bordeaux

    :

    Je viens de

    recevoir de

    madame d'Olabarats linstruction que vous m'avez

    demand, concernt son. fils, et que je vous envois,

    gallement.

    Elle la

    mis

    au

    Collge

    Iescar

    prs

    paux, ou

    il y

    un

    matre de dessein,

    un

    Me

    a

    crire

    et un

    pour

    les mathmatiques

    et le latin usques ici il n'a rien apris

    dans

    les autres pensions.

    Ses

    noms

    de baptme

    sont, Jean Anselme, et

    il aura onze

    ans et demi le

    17

    dcembre

    .

    prochain

    [...] Elle

    a 1

    perle des

    maris,

    elle

    espre

    qu'il

    sera

    des ntres.

    Dans le

    MS

    de Lyon 5471,

    on trouve

    une intressante

    lettre

    de

    Mme

    de

    Pasqually .

    Willermoz du 14

    mai 1779

    concernant

    son fils

    Jean-Anselme

    ;

    Willermoz crit au

    dos

    de la lettre reue

    : n

    17

    juin

    1768 est au college

    Lescar

    prs

    de Pau. Elle;

    recommande

    l'abb

    Fournie

    .

    Dans

    Les

    Eose-Croix

    lyonnais,

    Vulliaud,

    dit

    que

    c'est

    la

    seule

    lettre

    qu'elle

    ait

    crite.

    Cela

    est

    inexact,

    car

    dans

    ce

    MS

    5471

    on

    trouve

    une

    autre

    lettre du

    mme

    auteur,

    bien

    que

    l'criture

    soit srement

    d'un copiste.

    Dans

    l'un et l'autre cas,

    il

    s'agit bien de Mme Collas, veuve de

    Pasqually.

    Vulliaud

    a

    copi

    le passage

    concernant Fournie

    (ibid.,

    p.

    114) : II mrite beaucoup qu'on

    senterece

    a

    sont triste

    sort,

    je

    ne

    pas bessoint de vous

    en

    dire

    davantage en le

    conservant vous coneses son

    pris.

    Vulliaud

    ne

    cite pas

    la

    phrase prcdente : Je

    vous priye de

    donner au

    mettre

    Fournier tout le ser.our que

    votre

    belle ame

    poura

    lui

    donner

    il

    ne

    retra

    [?] plus avec moi je fait pour lui tout

    ce

    que je pouvet

    faire

    je

    vous avertit qui

    na

    rien dans

    ce bas monde...

    Cette lettre a t cite galement

    par Van

    Rijnberk,

    op. cit., t. II,

    p.

    166.

    2)

    Ibid., 5 mars 1781 ; le jeune Pasqually a

    t

    retir

    de

    Lesquart

    o il

    n'apprenait

    que le

    libertina tre

    ;

    sa mre

    donc mis dans

    un

    sminaire

    ; l'enfant

    voudrait

    quitter

    ce

    dernier, mais

    elle reste

    sourde toutes ses protestations,

    e par la

    s'il

    plait

    a

    Dieu, il

    deviendra

    sage successeur de

    notre

    Gd. M.

    .

    Fournie

    ajoute

    :

    Je

    me rcommande

    a

    vos

    prires

    et

    vos

    travaux

    d'quinoxe

    et

    vous

    prie de

    croire qui dieu merci je noublie point ceux

    de votre

    O.

    dans les

    miennes,

    vous

    remerciant

    trs humblement et

    tous

    mes

    ff.

    des

    cent cinquante livres que

    vous mavs procur.

    3) C'est ce qu'crit le Prince

    Chrtien

    de Hesse-Darmstadt dans son carnet

    de notes

    autographes.

    Ces

    renseignements lui ont t

    confis

    par le marquis de

    Chef

    de Bien

    Strasbourg

    en

    janvier

    1782; le Prince Chrtien

    les

    a

    rdigs en-

    allemand,

    puis les a plus tard rsums en franais dans

    une communication

    qu'il

    fit au

    snateur .W. F.

    Metzler Francfort. Cf.

    Van Rijnberk,

    op.

    cit., p.

    84 et

    139 s. Van Rijnberk a puis ses documents

    aux

    Archives du Grand-Orient

    de

    La

    Haye,

    et

    dans

    les archives personnelles

    de S.

    A. R. le Grand Duc de Darmstadt

    (Cf. Van Rijnberk, op. cit., p. 183).

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    11/42

    42

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE DES

    RELIGIONS

    Or, deux ans

    plus tard,

    un

    vnement d'une

    importance

    considrable va; se

    produire

    dans le milieu des:

    mystiques

    de

    Lyon:

    Mme

    de

    Vallire

    entre

    en

    rapports

    avec

    de

    mystr

    ieuses entits surnaturelles et rdige,

    sous

    leur-dicte,

    un

    nombre

    impressionnant de

    textes inspirs . Le

    frre-

    de-

    cette dame, Alexandre

    de-Monspey,

    fait part

    Willermoz

    des rvlations de

    cet

    Agent

    Inconnu

    , dont les ense

    ignements

    semblent

    confirmer,

    ceux de Martines. Ds lors; les

    disciples

    de

    Willermoz, les anciens -Elus Cohens, et d'autres

    mystiques aussi,

    adhrent

    cette

    Loge Elue

    et

    Chrie

    qui

    semble

    si bien faite pour combler les

    vux

    des hommes

    de

    -dsir.1.

    Un certain

    nombre

    de

    candidats

    cette

    nouvelle

    initiation, qui font connatre leur dsir d'y tre

    admis,

    ne

    sont pas appels. L'abb

    Fournie, de

    Bordeaux;,

    est

    de

    ceux-l. Il continue

    toucher la petite

    pension que lui

    verse

    Willermoz, et ce dernier

    reoit

    en remerciement,

    des disser

    tations

    mystiques

    et des prires . Fournie

    avait

    fait faire

    au marquis Vialette

    d'Aignan,

    de

    Montauban son

    apprentis

    s geystique dans les temples- Cohens dir Sud-Ouest ; ce

    marquis

    lui

    apprend

    un

    jour

    de

    quelles

    merveilles

    les

    initis

    de

    Lyon sont favoriss. Aussitt,

    l'abb

    se prpare

    .

    entre

    prendre

    -le voyage,

    persuad que

    Willermoz l'admettra dans

    le nouveau

    sanctuaire. Mais

    le Rau-Croix

    lyonnais

    en

    a dcid

    autrement, car Fournie n'est pas

    appel

    par l'Agent.

    L'abb voit Vialette d'Aignan Montauban le

    27

    avril* 1786,

    avec le F.

    Bruyset de

    Sainte-Marie.

    On fait valoir au Bordel

    isue,

    n'tant pas Maon,

    il ne

    peut. prtendre

    tre

    reu,

    laLoge lue

    et

    Chrie,

    et

    que, de plus,

    il

    n'est pas

    appel

    .

    Fournie rplique que

    tout

    lu

    Cohen

    est

    Maon

    ;

    lass

    par

    tant

    d'insistance.

    Vialette dcide de s'en remettre Willermoz2,

    1) Sur toute

    cette

    affaire, cf.

    Alice

    Joly, Jean-Baptiste Willermoz

    et

    l'Agent

    Inconnu

    des

    Initis de Lyon, in

    De

    l'Agent Inconnu au philosophe inconnu, par

    Robert

    Amadou et

    Alice Joly, Paris, Denol, 1962.

    2) Vialette d'Aignan > Willermoz, de Montauban,-

    le 28

    avril' 1786,

    MS Lyon 5869.

    Fournie prtend

    que les

    Cxn [=

    Cohens] tant

    les

    enfants

    du Christ

    et

    tant

    en

    union

    avec

    lui la nouvelle dispensation devant

    ncessairement

    avoir le mme chef

    tout devoit

    tre commun

    entre

    frres . Willermoz crit au

    dos

    de la

    lettre :

    Rep.

    le 8/10

    may

    en le

    blmant de

    son

    indiscrtion

    .

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    12/42

    UN

    MARTINSISTE

    CATHOLIQUE

    : L'ABB P. FOURNIE

    43

    non

    sans

    avoir

    tenl

    de

    persuader Fournie que

    l'on peut

    remplir

    une brillante carrire dans

    l'Ordre des

    G

    x

    n

    [=

    Cohens]

    sans

    pour

    autant

    tre

    demand

    pour

    cette

    nouvelle

    dispensation

    ,

    qui

    ne

    dpend

    pas

    de

    Willermoz1.

    Le 8 juillet de

    la

    mme anne, Bruyset de Sainte-Marie crit

    Willermoz qu'il a t

    du de

    ne

    pas rencontrer Fournie

    lors

    de son

    passage

    Bordeaux ;

    l'abb

    tait

    la

    c m

    pagne

    non

    loin

    de l, et Bruyset

    s'apprtait le

    consoler.

    Les

    Frres lus

    Cohens de Lyon ont contribu rcemment

    un

    petit

    annuel

    pour

    lui

    dont

    il

    est priv ou craint d'tre

    priv

    , et

    les Frres

    de Toulouse

    et

    de

    Bordeaux,

    de leur

    ct,

    le

    soutiennent de

    leur gnrosit2.

    Deux

    jours

    plus

    tard, Fournie remercie Willermoz de ses

    bienfaits

    passs,

    que

    votre volontaire charit

    avait

    eu

    la

    bont de me faire en considration de notre Gd. Sn. de

    pasqually

    , s'tonne de

    ne plus rien recevoir, et reproche

    son

    correspondant de

    ne

    pas l'avoir

    prvenu

    de la suspension

    de son

    annuel

    ;

    il s'est

    trouv,

    en

    effet, pris au dpourvu,

    le

    voici sans

    ressources. L'abb prtend n'avoir

    jamais

    voulu

    entrer

    dans

    le

    rgime

    rectifi

    ,

    de

    mme

    qu'il

    prtend

    n'en

    avoir jamais

    dit de mal

    ; on ne

    peut tout de

    mme

    pas lui

    reprocher d'avoir vant les mrites de l'Ordre des Cohens,

    dans lequel

    il

    a plu

    Dieu

    de

    lui

    faire voir par dessus

    la

    foi

    les doutes

    et

    les mistres

    toutes

    les vrits

    dont

    il avoit

    donn

    les

    ides aux hommes

    et donn

    de plus la

    vision

    claire de

    la

    dmonstration

    d'une

    autre

    ide

    qui

    jusqu'

    ce momt ntait

    point venue a la connaissance des

    hommes et

    qui est la baze

    de

    toutes

    les

    autres

    . Si Fournie n'est pas entr dans une

    nouvelle

    obdience,

    c'est,

    dit-il,

    parce

    qu'il

    a

    trouv

    sa

    voie.

    Sur le

    plan de

    la puret du cur, il

    s'estime

    la dernire

    des

    cratures, mais sur le plan des

    connaissances il

    est

    du

    nombre

    des premires cratures , grce l'Ordre des Cohens,

    dans

    lequel Dieu

    lui

    a accord la grace

    de

    voir la vrit vidente

    1)

    Ihid.

    -Z)

    MS Lyon

    )*7.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    13/42

    44

    REVUE

    DE :

    L'HISTOIRE

    DES RELIGIONS

    de toutes

    les ides qu'il. nous en

    avoit

    donn, et

    de

    la. voir

    par dessus touts les mistres

    et

    la foi,

    et

    mme par dessus

    une autre ide dont

    jamais:

    homme1

    n'a

    parl

    .

    Quant

    au

    nouvel Ordre,

    puisqu'il

    enseigne des vrits suprieures,

    il

    faut le faire connatre aux hommes

    si,,

    comme le pense

    Willermoz, son

    veritable

    nom

    crit

    dans la nature

    proclame

    la. fin du

    monde

    et le

    rgne de

    l'ternit 1. Cette lettre est

    habile, car. Fournie ne

    fait

    pas

    directement

    allusion

    l'Agent

    Inconnu, mais dsigne sous le

    nom de

    rgime

    rectifi

    l'ensemble des

    rformes

    lyonnaises survenues depuis la mort

    de

    Martines. Ces dernires ne sont pas toutes,

    d'ailleurs,

    d'une

    stricte

    orthodoxie

    martinsiste,

    et

    l'abb

    sait

    le

    rappeler

    Willermoz

    en

    de

    nombreuses

    allusions. En

    octobre,

    ill crit

    une

    trs longue lettre Vialette

    d'Aignan2,

    qui lui

    reproche,

    dans, sa rponse, d'accuser Saint-Martin, et Willermoz de

    manquer

    de

    charit

    son

    gard ;

    alors

    que Fournie est vnr

    par eux,

    ce dernier les accable

    d'injures

    ;

    comment auraient-ils

    pu lui

    communiquer

    ce

    qu'il

    demande,

    s'ils

    n'en

    ont

    pas eu

    la

    permission

    ? Vialette pense

    que

    les jugements de Fournie

    ne

    font pas

    honneur

    son cur

    ; en

    tout

    cas,

    ils tonnent de,

    la.

    part de

    quelqu'un qui

    semble

    prtendre n'avoir pas besoin

    d'instruction,

    et

    connatre

    tout

    ce qu'il est possible

    l'homme

    de connotre .

    Sans

    mnagements, Vialette dclare

    Fournie qu'il

    n'a-

    pas t

    satisfait

    dmtout de

    son

    ptre ,

    qui

    est

    remplie

    desfoiblesses

    de l'humanit,

    et o l'amour: propre paroit

    chaque ligne . Puis

    il

    ajoute

    :

    Mille

    et mille pardons

    si

    un

    novice

    tel que moi s'avise

    de dire un

    homme

    aussi

    lev sa

    manire

    de

    penser

    ;

    mais

    .

    quelquefois

    Dieu

    suscite

    les

    choses

    foibles pour redresser les fortes. Fournie

    ne

    s'est-il pas

    vraiment cart un

    peu

    trop des gards dus

    Grainville,

    .

    Saint-Martin et Willermoz ? Certes, il- n'est pas question

    1)

    MS Lyon 5472.

    Fournie

    Willermoz,

    de

    Bordeaux, le

    10 juillet

    1787.

    2) Le 16

    septembre

    1787,

    comme

    cela

    ressort

    de la lettre de Vialette

    Willer

    moz,

    7

    septembre

    ;

    Vialette copie sa rponse

    Fournie

    et l'envoie .Willermoz.

    MS

    Lyon

    5870.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    14/42

    UN MARTINSISTE CATHOLIQUE

    : L'ABB P. FOURNIE

    45

    d'abandonner pour

    autant

    l'abb bordelais : Si je venois

    ne

    pouvoir plus vous payer le petit annuel

    que

    je remets

    au

    R.F.

    de.Rochemonts

    pour

    vous,

    je

    manquerois

    l hon

    neur. Vialette a pourtant subi une injure grave,

    il s'est

    entendu; accuser

    d'imposture

    contre

    l'Ordre

    des

    Cxn

    [=

    Cohens] ; mais

    il

    rpond

    son interlocuteur

    : Je ne

    serai assailli

    d'aucun

    malheur

    cet gard

    ,

    et il

    lui

    rappelle

    leur entrevue d'avril

    1786

    Montauban, aucours

    de

    laquelle

    Fournie

    a t instruit, des deux

    conditions- requises : faire

    partie

    de

    la Maonnerie

    rectifie,

    et

    tre

    appel . Afin;

    de

    mnager les susceptibilits

    de

    son, collgue, Vialette prend

    soin

    de

    lui

    rapporter

    qu'il

    reut

    le 8

    mai

    1786

    une

    lettre

    de

    Lyon

    prouvant

    que les

    Cohens n'ont

    cess

    de tenir

    Fournie

    en haute

    estime.

    L'abb aurait

    srement t appel si la

    chose

    eut dpendu des frres de

    cet

    Orient,

    mais ...

    ne

    l tant pas,

    on ne

    vous conseilloit pas:

    d'y

    venir,

    parce

    que

    tous les

    FF

    Cn de Lyon ayant t runis

    l'Initiation

    gnrale,

    il

    ne se tenoit plus aucune assemble des

    Cn

    que

    ce n'toit

    pas ngli

    gence, mais devoir

    ;

    parce que

    Initiation

    avoit f ait connotre les

    erreurs

    qui

    s'toient glisses dans

    les travaux de

    l'Ordre

    des

    Cxn et

    mme le danger attach quelques

    uns

    des plus pratiques. Loin

    que

    l'Ordre

    soit

    aboli,

    me disoit-on,

    il

    n'a

    fait

    que

    se runir

    au

    tronc

    dont il

    s'toit

    mal propos dtach; et de ce tronc il ressortira en

    son

    temps un nouvel Ordre

    de

    Cxn

    plus

    pur,

    plus vrai,

    et moins

    mlang des ides humaines : le

    nouveau

    ne

    sera

    compos que de

    ceux qui seront

    lus pour cela, et

    qui seront

    pris parmi

    les Initis

    qui seront

    destins

    pour V uvre de la onzime heure .

    De

    plus,

    Fournie

    :

    qui prtend que les connaissances

    doivent

    tre

    communes entre les enfants

    du

    Christ,

    Vialette

    d'Aignan

    rtorque

    :

    Le Christ seul doit rgler

    la

    mesure

    qui

    convient

    chacun.

    Enfin,

    il

    fait

    part

    son

    correspondant

    du plaisir qu'il

    aurait

    la rencontrer,

    condition

    toutefois

    de

    ne pas parler

    de

    l'objet

    de

    Lyon . Dans la lettre qu'il

    destine

    Willermoz,

    Vialette est

    encore plus

    tranchant

    ; la

    prose

    pistolaire

    du

    Bordelais est qualifie de bien

    exalte,

    et bien . pitoable ; le Dr Archbold va porter Willermoz

    un papier inintelligible

    que

    Fournie

    lui

    a dict, etc.

    Pauvre

    Fournie

    Je

    crains bien

    que

    la tte

    de

    ce pauvre homme

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    15/42

    46

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE DES

    RELIGIONS

    n'en pte. Je dsire

    que

    vous

    approuviez ce que je lui. ai

    crit

    . Et Vialette prend

    un heureux

    prtexte pour changer

    de

    sujet

    :

    Saint-Martin

    vient

    d'arriver

    Lyon,

    Archbold

    se

    rjouit

    par avance

    de

    faire la connaissance du Philosophe

    Inconnu1.

    En

    dcembre,

    l'affaire

    n'est pas close. Le Dr Archbold,

    parti

    Lyon s'entretenir avec Willermoz,

    crit

    ce dernier

    ds son

    retour

    Bordeaux qu'il vient d'avoir avec l'abb

    Fournie une conversation

    de sept

    quarts d'heure en pr

    sence du

    Chevalier de

    La

    Rigaudire. Il

    relate

    les difficults

    auxquelles il

    s'est heurt, ses efforts pour

    ne

    pas

    blesser la

    loi

    de

    charit

    ,

    et

    mme son emportement

    en

    voyant

    que

    Fournie entachoit mes amis les plus chers, des tres

    que

    j'aime

    et

    que

    je

    respecte

    2.

    Il s'tonne de

    la folie

    des

    prtentions

    de

    l'abb, qui expose en outre des

    ides

    trs

    incohrentes,

    et

    presque toujours inintelligibles . A la

    dcep

    tion

    e

    n'tre pas appel la Loge lue et Chrie, s'ajoute

    le

    mcontentement de

    ne plus toucher

    de pension

    ; Archbold

    fait valoir

    l'impossibilit o se trouve

    Willermoz

    de

    fournir

    une pareille dpense , et finit par

    lui

    offrir, non pas comme

    une chose due. mais comme

    un don

    prsent par l'amiti,

    comme

    un pur

    acte

    de bienfaisance

    les six louis

    que

    vous

    m'aviez charg

    de lui remettre,

    quatre

    de

    vtre

    part,

    et deux

    de

    la

    part de M. de St.

    martin .

    Mais

    Fournie

    a

    refus

    l'offre,

    considrant

    prcisment que cet argent

    est d,

    comme une

    suite

    de l'engagement pris

    avec l'ternel, du

    quel rien

    ne

    peut

    jamais dispenser

    que

    l'impossibilit

    3.

    1)

    Ibid.

    2)

    C/est--dire

    Saint-Martin,

    d'Hauterive

    et

    probablement

    Willermoz.

    3)

    MS

    Lyon 5870,

    pice 6,

    31

    dcembre 1787. Tels

    sont

    les

    derniers documents

    de la correspondance qui

    nous

    est parvenue. Ceci est

    dommage,

    car

    Fournie,

    dans ses lettres prcdentes,

    nous

    donnait parfois

    d'intressants

    renseignements

    sur ses

    Frres. Le 5 novembre 1781,

    il

    crit

    Willermoz combien il se

    flicite

    de

    la

    rception de Court de

    Gbelin

    chez les Grands Profs. Le 30 dcembre 1785,

    il relate son entrevue

    avec Tieman

    Bordeaux,

    et

    semble avoir

    beaucoup d'affec

    tionour Saint-Martin

    avec

    lequel il

    correspond

    par l'intermdiaire de Savalette

    de

    Lan^e,

    notamment

    au

    sujet de Dprmenil,

    que Fournie

    recommande

    en vue

    d'une admission dans

    l'Ordre

    (MS 5472,

    qui

    conserve dix

    lettres

    autographes

    de

    Fournie Willermoz).

    Plusieurs

    lettres

    sont

    perdues :

    cf.

    MS

    5903,

    I et II,

    Carnet

    des lettres reues et

    rpondues, de

    177 1783.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    16/42

    UN

    MARTINSISTE CATHOLIQUE l'aBR P. FOURNIE 47

    Si cette affaire

    l'attriste

    autant, c'est qu'il se voit pour

    la

    premire fois

    exclu des

    mystres du

    groupe

    willermozien.

    Selon

    toute probabilit,

    il

    ne

    l'avait

    pas

    t en

    1772,

    lors

    du

    dpart

    du

    matre

    ; il

    semble mme qu'il ait pu profiter de tous

    les

    enseignements

    secrets

    que

    les Lyonnais prodiguaient

    alors aux Initis. On verra plusieurs reprises que

    son

    ouvrage

    doit beaucoup

    ces nouveaux

    dveloppements thosophiques.

    Ds

    1774

    en effet, les lus

    Cohens

    se sentent

    isols

    du

    fait

    de

    l'loignement

    de

    Martines

    de

    Pasqually ;

    on

    dirait

    qu'ils

    apprhendent

    de

    ne plus jamais le

    revoir,

    et ils se mettent

    au travail. A Lyon, ils rdigent

    et

    commentent

    les enseigne

    ments

    u

    thaumaturge, explicitant

    plus

    d'un

    passage

    du

    Trait, rvlant

    l'historien maint

    dtail

    qui n'apparat

    pas

    dans

    ce

    livre.

    Document

    capital,

    chapp

    la destruction

    grce aux qualits d'archiviste

    de

    Willermoz lui-mme, qui

    conservait

    tout, et au hasard qui sauva ces

    papiers

    lors des

    troubles

    de Lyon

    en

    17941.

    Ces explications, ces

    commentaires

    thosophiques

    constituent un cahier dont

    la

    plupart des

    pages,

    rdiges de 1774 1776, s'intitulent Instructions.

    Ils concernent

    essentiellement

    des points

    de

    doctrine,

    l'exclusion, pratiquement,

    de tout enseignement thurgique.

    Il

    faut voir l le travail d'Initis

    tels

    que

    Willermoz, Saint-

    Martin et

    d'Hauterive.

    Cela

    prlude

    l'enseignement ultime

    que Willermoz

    allait rserver aux

    Maons

    estims

    dignes de

    devenir

    Grands

    Profs

    aprs

    la fondation

    des Chevaliers

    Bienfaisants de la Cit Sainte, et dont Charles de Hesse-

    Cassel, Charles de

    Hesse-Darmstadt,

    Ferdinand de

    Bruns

    wick

    t

    bien d'autres tenteront d'obtenir la communication.

    C'est

    encore

    un

    semblable

    enseignement

    que

    Willermoz

    1) Willermoz

    perdit alors

    une partie

    importante

    de

    ses

    archives.

    Parmi

    les

    documents prservs, ceux auxquels il est fait allusion ici (les Instructions

    aux

    Elus Cohens)

    sont

    conservs

    la

    Bibliothque de

    la Ville de Lyon sous la

    cote

    >476.

    Paul VriLUAirD, op. cit., p. 225

    252, en a

    publi

    quelques passatres.

    Les

    ense

    ignements que contiennent ces

    documents

    se rapprochent beaucoup

    de ce

    qui sera

    plus tard

    les

    Instructions aux

    Profes (MS 5475, publies

    par Vllliai.d, Joseph

    de Maislre Franc-Maon, Paris,

    Nourry, 1926,

    cf. en particulier

    p.

    231 la lin].

    Ce

    furent probablement

    Saint-Martin et

    d'Hauterive

    qui inspirrent

    les

    Instruc

    tionux

    Elus

    Cohens,

    du

    moins en

    partie (cf. A. Joly, Un mystique lyonnais,

    p.

    (.i2:.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    17/42

    48

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE DES RELIGIONS

    fait

    allusion au? Convent

    de

    Wilhelmsbad- en

    1782, au

    moment

    o* il

    s'agit, pour

    la plupart

    des participants de

    tendance

    mystique,

    d'changer

    des

    secrets

    de

    premire

    importance.. C'est ainsi quela cration

    du

    Rgime Ecossais

    Rectifi,

    qui existe toujours,

    a

    pour origine

    le

    dsir,

    chez

    plus

    d'un Franc-Maon;

    de connatre

    le

    contenu

    d'une doctrine que

    Willermoz, jusqu' sa mort, distribuera parcimonieusement, et

    qui reprsente l'enseignement mme

    de Martines

    Mort

    en

    1

    774,

    ce dernier ne laisse pas

    de

    successeur cout. Ni Caignet

    de

    Lestre,

    ni Sbastien Las Casas, ne

    collaborent

    la rdaction

    de

    ces

    Instructions.

    'Mais les

    Initis de

    la

    Mtropole,

    et principa

    lement

    es

    Cohens

    de

    la

    premire heure, en prennent

    connais

    sance, u

    moins

    :

    indirectement. C'est

    ainsi

    que l'ouvrage

    de

    Fournie,

    compar

    la doctrine expose dans le Trait,

    semble

    s'loigner

    quelque

    peu

    du

    martinsisme orthodoxe. Mais

    ce

    n'est

    qu'en apparence,

    et l'on verra*

    combien les

    ides

    contenues

    dans

    les Instructions

    du

    MS 5476 sont

    aussi

    celles de

    l'abb;

    soit qu'il les ait reues de Martines

    lui-mme,

    soit

    et

    c'est plus probable

    qu'il

    ait

    eu connaissance des travaux

    auxquels les

    mystiques lyonnais

    se sont

    livrs de 1774

    1776.

    Au moment de

    la

    Rvolution, Fournie migr

    en

    Anglet

    erre.

    Ds

    lors,

    il

    n'est plus question pour lui d'aller Lyon1.

    Et Willermoz, semble-t-il, l'oublie ; du moins cesse-t-ilide

    lui crire et

    d'en

    recevoir des lettres. De

    1818

    1821; Fournie

    correspond- avec

    Baader2.

    Le 7

    septembre 1829,

    Joseph-

    Antoine

    Pont,, Grand Profs,

    crit au

    Pr J.-F.

    Molitor3,' dans

    une lettre date

    de

    Lyon, qu'il a bien

    connu

    Willermoz4. Le

    pasteur des

    mystiques de

    Lyon regrettait alors

    de

    ne savoir ce

    qu'tait

    devenu

    le

    fils

    de

    Martines

    de

    Pasqually

    :

    toutes

    ses

    recherches ont t vaines

    ,

    rien

    n'est venu

    sa connaissance-

    1)

    Cf. note infra..

    2) Sur cette

    correspondance,

    . et particulirement

    la

    lettre

    de

    Fournie date

    du 25 mai 1818, cf.

    infra, le

    chapitre

    sur Baader.

    3) Van Rijnberk,

    op.

    cit., p. 143. Molitor est

    l'auteur d'une

    Philosophie

    der

    Geschichte, 1824, dans

    laquelle

    il pensait

    retrouver

    dans

    le Trait

    de Martines

    des

    donnes

    kabbalUtiques

    (cf.

    chap. IV, p.

    487).

    4) Willermoz tait mort cinq

    ans auparavant, en

    1824.

    J.-A. Pont n'crit pas

    Willermoz , mais se sert du

    nomen

    maonnique

    de ce

    dernier

    :

    Ab Eremo .

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    18/42

    i:n martinsiste catholique : l abb p. fournie

    49

    depuis

    le Trait

    de

    la

    Rintgration,

    si bien qu'il ignore le

    sort

    du

    matre et celui de

    l'enfant: Quanta Fourme1^ il

    est

    mort

    Londres

    il

    y

    a

    une,

    deux

    ou,

    trois

    annes

    ,

    dono

    vers

    18272.

    * *

    De

    l'unique et rare' ouvrage

    de Fournie,

    je

    connais

    six

    exemplaires.. Le Pr Susini en tient

    un de

    Sougey-Avisard.

    Un- second appartient au Dr Philippe:

    Eneausse,

    le

    fils

    du

    Dr

    Grard

    Encausse dit Papus.

    Stanislas

    de

    Guata en poss

    dait

    n

    autre3.

    Il

    y en

    a.un

    au British Museum. La Slaals-

    1)

    J.-A.

    Pont

    crit

    Fournier

    .

    Cette

    orthographe

    est

    frquente

    dans

    les

    correspondances

    de

    l'poque.

    La

    reliure

    d'un

    exemplaire

    de

    Ce

    que nous avons

    t,

    celui

    que possde

    le

    Pr

    Susini,

    porte

    galement cette orthographe

    errone.

    2) Van

    Rijnberk,

    op. cit.,

    p.

    113 : L'abb Fournier

    qui

    est mort Londres,

    il

    y a

    une ou

    deux

    ou

    trois

    annes,

    qui se disoit le

    successeur de

    M; P. et me semble

    avoir

    t

    un

    tre

    extraordinaire a

    d

    en

    connatre

    plus que notre ami

    sur le

    sort

    flu fils

    de

    Martines. Mr.

    de

    Vaucrose qui. a vu

    M.

    Fournier Londres, Mr.

    de

    Divonne,

    pair

    le France qui s'est

    dit

    disciple

    de

    Fournier,- pourroient

    peut-tre:

    en

    dire

    davantage. Notre ami, qui

    avait

    vu beaucoup l'abb

    Fournie

    auprs

    de M. P.

    et qui ne

    voyait

    qu'un bon homme,

    notre amiWillermoz, sourioit ironi-

    quement

    quand on parloit

    de

    Fournier comme d'un homme distingu, comme

    du successeur

    de

    M. P. et il disoit que

    M.

    P. le resrardoit comme un broyeur de

    couleurs.

    D'aprs

    les

    renseignements

    fournis

    par

    Van

    Rijnberk,

    il

    semble que

    l'original

    de

    cette lettre se

    trouve aux

    Archives

    granducales de

    Darmstadt. Quant

    J.-A.

    Pont,

    Grand

    Profs, in

    online

    a

    Ponte

    alto

    ,

    il

    avait

    fort

    bien connu

    YVllermoz,

    pour avoir t

    son

    mi

    de

    longue date,

    et

    mme

    son

    proche voisin

    jusqu'en 1824,

    date laquelle

    mourut

    le

    pasteur

    des

    mystiques lyonnais.

    3)

    On

    peut

    lire

    dans une note de Ren

    Philipon,

    date du 19 juillet 1899

    et

    publie

    dans

    son Stanislas de Guaita et

    sa Bibliothque

    occulte,

    Paris, Dorbon, 1899,

    p. III

    :

    exemplaire provenant de la bibliothque du baron de Guldenstubb

    et

    aujourd'hui

    en

    notre possession

    .

    Puis Philipon

    reproduit

    un extrait de -

    libris, en le modifiant

    quelque peu ; c'est pourquoi il n'est pas inutile de reproduire

    ce

    dernier dans le prsent

    article,

    et ceci d'autant plus aisment que je suis

    parvenu

    retrouver cet exemplaire ;

    aprs

    avoir appartenu

    Guaita,

    puis

    Philipon,

    il se trouve maintenant square Rapp,

    la Socit Thosophique, sous

    la

    cote

    A.5.

    1980. Derrire

    la couverture,

    on

    peut voir les

    armes

    de

    Stanislas

    de

    Guaita. Sur

    la page de

    garde, on

    lit de

    l'criture mme

    de

    Guaita

    :

    Sur

    la

    dernire

    feuille

    de ce

    livre, on trouvera cette mention,

    de la main

    mme

    de M. de Gulden-

    slubb

    :

    Introuvable.

    Voir

    aussi

    les

    extraits

    de

    Matter,

    y

    transcrits.

    EX

    LIBRIS

    KABBALISTICIS

    STANISLAJ

    DE

    GUAITA.

    Achet

    5

    francs

    .

    la

    vente

    iVOurches-

    Guldenstubb (Ble 1890)

    ; mais

    il vaut

    beaucoup

    plus

    que

    ce

    prix.

    .

    (Bel

    ex.. trrd de marges). C'est l'ouvrage de l'abb

    Fournie,

    l'lve du fameux

    Kabbaliste

    Martinez Pascalis,

    et le

    condisciple de Saint-Martin. Ce livre, devenu >

    presque

    introuvable, est

    le

    seul critrium

    qui

    nous reste des doctrines

    originales

    de

    Martines, que

    St

    Martin a

    notablement

    dnatures, en les filtrant l'usage

    des hommes de dsir. Les a

    t'il

    amliores,

    ou

    corrompues, en les

    dnaturant?

    That is the question... Voir les

    dtails

    nombreux et

    piquants

    fournis par

    Matter

    sur la personne et

    la vie de

    l'abb Fournie, sur l inskrne raret

    de

    cet

    ouvrage

    et

    sur les doctrines

    de

    Martines. Sur l'avant-dernire pagre

    de

    la couverture,

    on*

    trouve

    en effet

    ces citations de Matter,

    reproduites ailleurs

    dans

    le

    prsent article.

    Toutes

    ces indications me semblent d'autant plus utiles que

    les

    livres et

    les

    archives

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    19/42

    50

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE DES

    RELIGIONS

    bibliothek.

    de

    Munich conserve l'exemplaire- ayant appartenu

    Franz von Baader

    qui

    a laiss

    dans

    les

    marges

    de nombreuses

    notes manuscrites.

    Enfin,

    pour prparer

    ce

    travail;

    j ai

    surtout

    utilis

    l'exemplaire

    de

    la

    Bibliothque

    de

    -la- Facult Libre

    de

    Thologie Protestante

    de

    Lausanne c'est--dire celui que

    Matter

    a consult

    pour

    son

    livre

    sur

    Saint-Martin1.

    de

    Guaita

    sont maintenant passablement

    disperss,

    et qu'il n'en reste plus beaucoup -

    dans

    son chteau, ainsi que j'en ai

    eu

    la confirmation lors

    d'une

    visite

    Alteville

    en

    ;

    compagnie d'Alain

    Mercier.

    Sur

    (luldenstubbe, cf.

    Max Milner,

    Le Diable

    dans la

    liliralure

    franaise, Paris, Corti, 1960, t.

    II,

    p. 352.

    l) L'exemplaire de la Slaalsbiblioihelc (section

    des

    manuscrits,

    cote 8, L.

    impr.

    c.

    n.

    mss: 2)

    ne

    comporte qu'une partie de l'ouvrage

    (p.

    193

    375).

    Il a

    t ver-

    schossen

    par

    Baader

    (cf. infra,

    dans

    le

    chapitre

    sur

    Baader,

    certaines des

    anno

    tations

    manuscrites),

    et

    n'a

    jamais

    t

    complet

    la

    bibliothque

    (note

    en

    dbut

    d'ouvrage : In der

    Bibliothek war

    nie mehr als das Fragment

    p..

    193-375 vor-

    handen

    ). On a

    vu

    que

    Matter s'tait

    servi

    de l'exemplaire de

    Lausanne

    (J.

    Matter,

    op. cit). Le titre

    complet du livre

    de

    Fournie est

    : Ce que

    nous

    avons t,

    ce

    que

    nous sommes et ce que nous

    deviendrons.

    Par

    Pierre

    Fournie, Clerc

    tonsur.

    Premire

    partie.

    A

    Londres. Chez A. Dulau

    &

    Cle,

    Soho

    Sq.

    et chez les autres libraires. 1801.

    L'ouvrage a

    375 pages

    et mesure

    13

    cm

    de

    largeur sur 20 cm

    de hauteur. A la

    pa^e

    de

    titre,

    on peut

    lire

    une

    citation

    tire

    de

    Imitation : Ne vous arrtez point

    considrer

    la

    personne

    de celui

    qui crit,

    soit qu'il ait

    eu peu

    ou

    beaucoup

    de

    science ; mais

    que

    l'amour pur de la

    vrit

    vous porte

    lire

    tout ce que vous

    lirez

    (Imitation

    de Jsus-Christ,

    L.

    I,

    chap.

    V) .

    A la

    fin du

    livre, p.

    375, on

    peut

    lire :

    De

    l'Imprimerie d'A.

    Dulau

    &

    C et

    L.

    Nardini, n 15. Poland Street

    , rense

    ignement

    qui

    se trouve

    galement

    l'avant-premire

    page.

    Cet

    exemplaire

    a

    peut-

    tre appartenu

    un maon, car derrire

    la

    premire page de

    couverture on

    trouve

    une signature

    suivie

    du

    signe

    .\ A la paa-e

    de

    garde,

    en

    regard

    :

    Fr.

    Herbort,

    Bibliothque

    de

    De.

    Ptillet,

    Lausanne.

    Le nom

    Herbort se retrouve plus loin,

    mais d'une criture

    diffrente. Il

    semble tre de la mme plume que

    les

    initiales

    suivies de

    .*. Il

    est possible que

    ces dernires signifient

    Fr.

    Herbort . Matter

    remarque

    que

    la note qu'on va lire, crite

    sur le dos

    de

    la

    couverture, est

    de

    la

    ;

    main de .M.

    d'Herbort,

    de

    Berne,

    l'ami ;

    d'un

    : des

    plus chers correspondants

    de

    M.

    de

    Saint-Martin

    (Matter, op. cit.,

    p.

    47). Qui donc est

    ce

    correspondant ?

    Est-ce

    Kirchberger

    ? J'avoue

    n'avoir jamais rencontr

    ce nom dans mon

    travail

    sur

    ce

    dernier (cf. A.

    Faivre, np. cit.). Notons

    aussi

    que Matter

    ne

    cite pas

    exac

    tement le

    texte

    manuscrit qu'il eut sous les yeux (cf. Matter, op. cit.,

    p.

    47}.

    Le

    voici,.

    intgralement : Pierre Fournie, prtre

    migr

    lors

    de

    la

    rvolution'

    frse. a vcu depuis

    Londres. Le 2d. . volume de cet ouvrage a t imprim-

    longtemps

    aprs

    le 1er.

    Avant la rvolution Fournie

    a t instruit

    quelques

    temps

    l'cole

    de Don Martinez de Pasqualis.

    Puis on lit les

    liernes suivantes,

    ajoutes

    plus tard

    de

    la

    mme

    criture

    :

    D'aprs

    une relation certaine,

    que

    j'ai

    eue

    de

    l'abb Fournie par

    Mr.

    de V.

    qui a

    t

    Londres

    en

    juin

    1819 et a vu bien des fois

    l'Abb,

    celui-ci

    n'a

    point

    jug

    propos de

    faire

    imprimer le

    2d.

    volume disant;

    qu'il

    contenait

    bien des

    choses que l'on

    ne

    peut

    point

    publier. Cet Abb

    Fournie

    en l'an 1819

    a

    81

    ans et se trouve encore bien portant et

    fort

    vif.

    Rien

    n'est crit

    sur la page

    de

    garde de la fin. Dans l'ouvrage mme,

    quelques phrases

    ont t

    soulignes au

    crayon

    et

    la plume. Trois petites

    remarques

    la plume

    (pp. 237,

    339

    et

    352)

    semblent

    tre de la

    mme

    criture que

    le texte

    manuscrit

    cit plus

    haut.

    Par V. ,

    il

    faut probablement

    entendre

    Vaucroze

    (cf. note

    supra,

    la

    lettre de J.-A. Pont Molitor). Sur Vernetti de

    Vaucroze, cf.

    Susmi, op.

    cit.,

    index des

    noms propres. De

    plus,

    les

    MS suivants,

    conservs

    Lyon

    et

    dont

    j'ai

    relev

    la

    liste,

    concernent

    ce personnage

    : 54>6, >425, 5891; 5897, 589.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    20/42

    UN MARTINSISTE

    CATHOLIQUE

    : L'ABB P. FOURNIE

    51

    L'tude

    de

    cet ouvrage

    montre

    bien l'influence profonde

    exerce sur

    Fournie

    par l'auteur

    du Trait

    de

    la

    Rintgration1;

    II-

    est

    peu

    probable aussi-

    que l'abb

    ait

    donn une

    fausse

    ide du

    systme de Martines2.

    Il

    a crit

    son*

    livre ds 1

    775,

    au'plus.tard

    en-17763.

    Enl779,

    le travailn'est pas termin ;

    s'agit-il du mme ouvrage

    ? Cela est

    probable, si

    l'on

    se rfre

    aux dtails fournis par

    l'abb

    lui-mme4.

    En

    1784,

    il

    est

    encore

    au travail

    ; dans>

    une lettre,

    il

    remercie Willermoz d'avoir

    communiqu 1e

    manuscrit

    aux Frres

    de Lyon,

    qui y

    ont'

    trouv

    de

    bonnes ides

    ; certes, Fournie avoue ne

    pas bien :

    crire, mais

    il

    lui

    sufft

    de travailler

    avec quelqu'un

    qui corrige

    son

    texte

    au

    fur

    et

    mesure.

    qu'il

    le

    rdige5.

    Les dtails

    que

    l'auteur

    nous-

    donne

    dans

    cette

    lettre

    montrent

    biem qu'il'

    s'agit:

    des ides

    dveloppes dans Ce que nous avons t ; il'

    y est beaucoup^ question du

    rien:

    devenu, dans l'ouvrage

    imprim, le.

    nant ,

    terme

    souvent employ

    par; Fournie

    dans le

    jeu

    de

    ses concepts6. En 1775,

    Saint-Martin

    a publi

    son premier

    livre. Dps Erreurs

    el

    de laiVrit;. Cette anne-l,.

    1)

    Viatte

    l'a

    bien

    vu

    (op.

    cit.,

    t.

    I,

    p.

    55).

    2)

    Ici,

    je

    souscris

    encore

    l'opinion

    d'A.

    Viatte,

    ibid.,

    p.

    6.4

    :

    La

    candeur

    de

    Fournie,

    son

    ignorance,

    sa dvotion au martinisme,

    interdisent de croire qu'il

    l'ait modifi sciemment.

    3)

    Fournie, op.

    cit., p. 36H

    : il

    dit

    l'avoir crit

    il

    y a plus

    de

    vingt-cinq ans ,

    et deux

    ans aprs la mort de

    Pasqually

    [ibid., p.

    1566).

    Matter

    suggre

    une

    date

    -

    fausse,

    car

    il ignore celle du

    dcs de

    Martines (cf. aussi Viatte, op.

    cit., p.

    65).

    4)

    MS

    Lyon

    5472, Fournie

    Willermoz, 29 mars

    1779,

    de

    Bordeaux

    : Je vois

    journellement le P.-.

    M.

    Orsel, qui

    est

    grandment intelligent et bien

    beau

    zle

    pour la

    chose, je luy ay donn

    J4

    feuilles du trait que

    j'cris,

    qui ne

    sont

    qu'un:,

    petit

    comancmt

    En

    gradation

    de la mort

    a

    la vie, il doit son

    arrive

    . Lyon

    vous le

    remettre,

    je vous seray oblig

    de

    me

    faire

    part

    de

    vos puissantes

    reflections

    sur

    ce

    que vous en

    pansrs

    pour

    ou contre la

    marche que

    la

    chose

    nous

    dicte

    afin1,

    de my conformer. Jexpere moyenant

    d'un

    pouvoir

    vous faire

    passer la suite

    mais

    comme

    je

    n'ay

    personne

    pour crire l'opration deviendra

    longue,

    d'autant qu'il

    men

    faudra

    faire

    passer

    a

    paris

    a

    proportion

    que

    je

    le

    rdigray

    car,

    j'ay

    encore

    entrpris

    de

    le

    rdiger

    pour le

    rendre

    moins

    embarrass

    au lecteur faute

    de

    franois.

    5) Ibid., 9

    mars

    1784.

    6) Je le communiquay ici trois personnes seulemt qui dabord ny conurent

    pas les vrits

    qu'il

    dmontre

    mais qui par laide de mes

    discours verbeaux

    les

    conurent

    toutes parce qu'ils se transportrent spirituellement dans le . susdit

    rien, dans lequel, je metais vu mettre

    corporellement

    dedans f...| Quant au pre

    malebranche dont vous me parls je

    ne

    connais point son ouvrasre, et

    comme

    vous

    ne me

    parls

    de

    ce

    qu'il traite que comme netant qu'agrable lire je

    soubconne

    qu'il

    raisonne suprieurement sur toutes les

    denominations de la

    divinit,

    niais-

    qu'il n'en dmontre

    pas

    les vrits comme

    ce que

    j'assure

    que

    le rien les dmontre :

    quiconque

    veut

    faire tout disparaitre

    (ibid.).

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    21/42

    52

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE DES

    RELIGIONS

    qui

    inaugure

    le pontificat do Pic VI. paraissent les

    Physio-

    gnomische Fragmente

    de

    Lavatcr, von Waechter conjure les

    esprits

    et

    Gassner,

    Zurich,

    se

    livre

    des

    pratiques

    d exor

    cisme, tandis

    que les Parisiens applaudissent au

    Barbier de

    Seville. En

    1776 parat

    Le Diable

    Amoureux de

    Cazotte,

    Cagliostro est

    Londres

    et Klinger publie

    son

    Sturm und

    Drang. Enfin, Fournie crit son livre en mme temps

    que

    Kleuker traduit en allemand le Zend-Avesta,

    que

    Gthe

    commence le

    Wilhelm

    Meisler

    et que

    Rousseau rdige les

    Rveries d'un promeneur solitaire.

    Quel but

    se propose-t-il ?

    Il

    nous l'explique : son

    propos n'est

    pas

    de

    s'adresser

    seulement

    aux

    vivants, mais

    aussi

    aux

    morts

    .

    Par

    l,

    il

    entend

    les

    cratures

    de

    vie ternelle, qui depuis les fautes

    de

    Lucifer

    et d'Adam sont

    toutes

    mortes la vie

    de

    Dieu .

    Mais

    ce

    programme

    n'est

    pas exempt d'ambiguts car, on le

    verra,

    il nous

    dit

    plusieurs

    reprises

    que l'homme peut

    encore se

    perfectionner

    aprs

    la mort charnelle,

    cette dernire

    ne

    scellant pas dfinitivement

    le

    destin de l'individu.

    Il

    s'adresse

    donc

    tous les dfunts du Royaume

    de

    Dieu, mais afin que

    sans

    tarder

    davantage, ils

    travaillent par la pratique de

    la

    morale chrtienne s'attirer

    Jsus-Christ l. Nous savons

    ainsi

    que

    son

    propos

    se situe; dans une perspective

    essentiell

    ement

    hrtienne.

    Il

    est indispensable, pour la clart

    de

    l'expos,

    de

    mettre

    un peu

    d'ordre dans les ides qu'exprime

    Fournie.

    L ou

    vrage,

    en el'fet,

    se prsente comme une

    masse

    confuse de

    raisonnements parfois difficiles

    saisir, de

    penses que

    ne

    relie la

    plupart

    du temps aucun lien logique. L'abb

    ignore

    ce

    qu'est

    un

    chapitre,

    un

    plan,

    un

    discours.

    Ses

    redites

    sont

    multiples

    et flagrantes. Nanmoins, le

    style

    se

    veut clair,

    et l'ouvrage

    termin,

    on s'aperoit que l'on

    a compris

    ce

    qu'il voulait dire,

    si bien

    qu'il

    est possible,

    dans

    ce

    ddale

    confus

    d'clairs

    inattendus, d'illuminations

    ingales,

    de

    paroles

    inspires,

    de

    dmler

    une conception

    du

    monde,

    un

    1) Fournie, up. cl.,

    p.

    120 s.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    22/42

    UN

    MARTINSISTE CATHOLIQUE : L'ABB P. FOURNIE 53

    systme. Que

    pense-t-il de Dieu, des

    esprits,

    de la

    chute,

    de

    l'homme

    primitif et

    de l'homme

    actuel?

    Une telle

    enqute

    nous

    permettra

    de

    mieux

    comprendre

    son

    christianisme,

    voire son

    catholicisme,

    les

    ides

    qu'il

    professe

    sur la rint

    gration et la

    venue

    rcipiscenee,

    et

    de terminer par l'tude

    de ses conceptions

    millnaristes

    et arithmosophiques.

    Pour parler

    de Dieu,

    il se

    sert

    jusqu' l'excs d'une compar

    aison

    qu'il

    n'hsite

    pas

    rpter

    de nombreuses

    reprises

    presque mot pour mot. Comment savoir ce

    que

    les

    mathmat

    iques sont en

    elles-mmes

    , se demande-t-il ? C'est en

    suivant

    les

    enseignements

    qu'elles

    ont donns d'elles-mmes

    .

    De

    mme pour Dieu : si nous voulons le

    connatre

    en

    lui-

    mme

    ,

    il faut suivre les

    enseignements

    qu'il nous a donns

    de

    lui1)).

    Et cela

    ne saurait

    se faire

    qu'en

    pratiquant

    assid

    ment ces

    derniers2.

    Dieu est

    un

    3,

    et c'est une illusion

    de

    croire qu'il y

    a deux

    Dieux. Satan

    s'emploie

    nous procurer

    cette illusion,

    en nous

    donnant l'impression d'tre

    comme

    actionns

    intrieurement

    par deux Dieux4. On

    ne saurait

    souponner Fournie de manichisme

    : il

    n'est pas plus dualiste

    que

    Saint-Martin,

    ou

    Martines. Non seulement

    Dieu

    est

    un,

    mais

    encore il

    est l'unique chose relle . Sans lui,

    nous

    ne

    pourrions ni

    nous

    mouvoir, ni

    mme exister5.

    Si

    nous

    avons

    l'ide de Dieu,

    nous

    avons

    du

    mme coup celle

    dt^

    choses

    spirituelles et

    divines6

    . Et

    si

    nous en parlons, c'est qu'elles

    existent. Parlerions-nous

    de

    la terre,

    de

    l'eau

    et du

    feu, s'ils

    n'existaient

    pas7

    ? Les Livres Saints contiennent ces choses ,

    de

    mme

    que

    l'univers corporel contient

    ces

    trois lments.

    Ainsi,

    il

    n'y a pour l'homme

    que

    deux ordres de ralit,

    et

    1)

    Cf.

    par exemple ibid., p. I.

    2)

    Ibid.,

    p. 2.

    3) II

    est

    un

    pur et simple dans son essence et dans ses uvres, ainsi que

    la

    rgulire harmonie de

    l'univers corporel et

    de chacun

    des tres qui

    l'habitent

    corporellement

    le

    publie dans un silence

    plein

    d'nergie. Ibid., p. l .)9.

    4)

    Ibid., p. 30 s. et 271.

    5)

    Ibid.,

    p. 1.

    6)

    Fournie

    affectionne

    tout

    particulirement

    cette expression, qui

    revient

    sous sa plume

    un nombre

    considrable

    de

    fois.

    7)

    Ibid.,

    p.

    284.

  • 8/10/2019 Un Disciple de Martinez de Pasqually

    23/42

    54

    REVUE

    DE

    L'HISTOIRE

    DES RELIGIONS

    rien d'autre : le spirituel,

    contenu

    dans

    les

    critures,

    et

    le

    corporel,

    dcrit dans

    l'univers1. Nous voyons les objets

    parce

    qu'ils

    existent

    ;

    verrions-nous donc

    les

    choses

    spiri

    tuelles et divines , si

    elles

    n'existaient pas2 ? On pourrait

    objecter

    que ces

    dernires sont

    une invention

    de

    nos

    anctres

    ;

    mais Fournie dtruit l'argument

    :

    s'il

    en

    tait

    ainsi, explique-t-il,

    nous

    aurions pu notre tour en imaginer

    quantit d'autres du mme genre, et

    il

    semble bien

    que

    nous

    ne

    l'ayons pas

    fait3.

    Dieu est donc la seule chose

    relle. Il

    s'ensuit que

    si nous nous dirigeons d'aprs ses voies, nous

    finissons par

    lui

    ressembler, et

    il en

    rsulte un continuel

    et

    inaltrable

    bien-tre 4.

    Fournie emploie

    souvent

    le mot manation , mais il

    prend soin de

    l'associer

    parfois au

    mot

    cration . C'est au

    sens

    de

    Martines qu'il faut

    entendre

    manation

    , c'est--dire

    point

    comme

    un

    acte divin qui

    aurait

    le

    panthisme

    pour

    consquence. Le

    Dieu

    de l'auteur est

    absolument

    transcen

    dant,ans

    qu'on

    puisse dceler chez

    lui

    aucune allusion

    une immanence spinoziste5.

    Il

    s'agit donc bien du Dieu

    de

    la Bible,

    et

    Fournie

    professe une

    conception rsolument

    trinitaire. Si

    nous

    faisons

    la

    volont de Dieu,

    nous

    devien

    drons

    un comme Dieu est un , mais dans la Trinit

    ; et

    l'auteur

    ne

    manque pas

    de citer

    les Trois personnes6, ce que

    Martines n'aurait pas fait. Recevoir l'Esprit

    de Dieu,

    c'est

    1)

    Ibid., p. 286.

    2)

    Ibid.,

    p. 2b7.

    3)

    L'argument surprend un peu, mais il

    vaut

    surtout par l'esprit qui

    l'anime.

    Or

    comment se

    fait-il

    que

    nous

    soyons tombs dans l'impuissance absolue de rien

    imaginer

    de

    nouveau sous

    ce

    rapport, sinon parce

    que nous

    ne sommes

    que de

    simples cratures

    et

    non

    pas

    des crateurs

    ?

    Ibid.,

    p.

    289.

    4)

    Ibid.,

    p.

    218.

    >)

    Cf. le

    dbut du

    Trait

    de Martines :

    Avant le temps, Dieu

    mana des tres

    spirituels, pour sa

    propre

    gloire, dans

    son

    immensit

    divine ; mais ils ont t

    mans avec

    un

    libre arbitre et se

    distinguent

    rsolument de la personne du

    Crateur (Trait,

    p.

    7). Il faut prendre garde que l'on a parfois utilis le mot ma

    nation avec le

    dsir de

    rejeter tout monothisme, au

    profit de

    immanence. Cf. par

    exemple

    l'expos d'un

    thosophe

    moderne. J.-J.

    Chatagnier-Hoste,

    V

    manant

    et les

    transmutations

    de Vman, Mtaphysique

    solrique

    du Cosmos, Genve,

    Kundig,

    s.

    d.

    (1964). Fournie,

    lui, crit : Le

    Dieu

    unique existant de lui-mme,

    comme le seul crateur et manateur

    d'tres de

    vie ternelle

    (Fournie,

    op.

    cil., p. 25).

    6)

    Ibid.,

    p.

    37.

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    58

    REVUE

    DE L'HISTOIRE- DES RELIGIONS

    confessent

    leur erreur et tiennent la-

    promesse

    qu'ils avaient

    faite

    avant leur mancipation. De plus, .

    il

    leur laissa le libre

    arbitre

    dont

    il

    les

    avait

    pourvus

    en

    les

    mancipant1.

    Le

    libre-

    arbitre des tres mans est d'ailleurs l'un des points essentiels

    de

    la

    doctrine3 martinsiste2. Ainsi, Lucifer se croit galt

    Diem

    : premire

    erreur,

    faute contre l'esprit, origine

    de tout

    mal3; II' s'est envelopp dans une irralit, dans une

    appar

    ence4. Ce fut un acte draisonnable, qui; n'est autre

    que

    la. contradiction

    de

    la. raison

    de

    Dieu

    ; mais on

    comprend,

    en quelque

    sorte,, cette rvolte5 par

    laquelle'

    Lucifer

    est

    devenu

    Satan* .

    Pour

    avoir;

    voulu tre Dieu,

    . il

    / lui

    fallait

    une

    connaissance

    prliminaire

    >

    de

    Dieu, mais

    il

    tait

    incapable

    de

    la trouver

    en, lui-mme; n'tant pas

    Dieu6.:

    Et l'on peut rsumer ainsi

    le

    double argument de l'ange dchu

    :.

    premirement, Dieu

    a

    d tenir

    son

    existence d'un autre

    que

    lui-mme ;

    deuximement,

    les esprits

    mans

    ont la facult

    de vouloir et d'agir eux-mmes,

    indpendamment

    de toute

    autorit7.

    Satan our

    contradicteur

    se

    sert

    d'une ralit pour

    1) Fournie, op. cit., p. 27 s. C'est prcisment en vertu de ce libre

    arbitre,:

    prtend

    Fournie, que

    Dieu

    laisse agir

    sur

    nous les organes de Satan

    (ibid.,

    p.

    259).

    2)

    Ils taient libres

    et distincts