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Suzanne Enoch

Originaire de Californie du Sud, elle a obtenu un diplôme de lettres de l’université à Californie (Irvine). Auteure à succès de romances historiques et contemporaines, elle affectionne tout particulièrement la période de la Régence.

Ses livres pleins d’humour et aux dialogues enlevés ont été récompensés par le Romantic Times et figurent régu-lièrement sur la liste des meilleures ventes du New York Times et de USA Today.

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Un diable en kilt

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Du même auteur aux Éditions J’ai lu

LES REBELLES1 –  Partie d’échecs

N°  106172 –  Étrange complicité

N°  107733 –  La duchesse aux pieds nus

N°  10789

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Suzanne

ENOCHSCANdALEUx ÉCOSSAIS –  1

Un diable en kilt

Traduit de l’anglais (États- Unis) par Agathe Nabet

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Titre originalTHE dEvIL wEARS kILTS

Éditeur originalSt. Martin’s Paperbacks published by St. Martin’s Press,

New York

©  Suzanne Enoch, 2013

Pour la traduction française©  Éditions J’ai lu, 2015

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Prologue

— Pourquoi as- tu jugé bon de faire cela, Bear ? s’indigna Rowena MacLawry en balayant du regard les pétales de roses qui jonchaient le sol du salon.

Son frère leva les yeux du chiffon avec lequel il essuyait la lame de sa longue épée.

— Et comment voulais- tu que je teste le tran-chant de cette lame, winnie ?

— Mais tu as décapité toutes les roses ! répliqua- t-elle en secouant le vase qui ne conte-nait plus que des tiges. Une seule n’aurait pas suffi ?

— Non, cela n’aurait pas été aussi impression-nant. Je les ai toutes tranchées d’un seul coup !

— Ce sont les fleurs qu’oncle Myles m’a envoyées pour mon anniversaire, espèce d’idiot.

Elle jeta un coup d’œil furieux à son frère aîné qui lisait le journal en feignant de ne pas remar-quer le chaos ambiant.

— Ranulf, dis quelque chose !— Le mal est fait, winnie, soupira Ranulf

MacLawry, marquis de Glengask, en s’arrachant à sa lecture. Tu voudrais que j’oblige Munro à recoller les pétales ?

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— Tu pourrais au moins lui interdire de manier l’épée dans le salon. Ces roses venaient de Londres, ajouta- t-elle d’un ton chagrin.

— Qui a envie de recevoir des fleurs pour son anniversaire ? intervint Lachlan MacTier, vicomte Gray.

Il prit la claymore des mains de Munro et en trancha l’air d’une habile torsion du poignet.

— voilà ce que j’appelle un cadeau ! Est- ce Roderick qui l’a forgée pour toi, Bear ?

— Si fait. Il m’en a coûté un tonneau et quatre bouteilles.

— Je paierais volontiers le double.— Si vous insinuez que vous m’avez apporté une

claymore pour mon anniversaire, Lachlan, inter-vint Rowena, vexée d’être ignorée au profit d’une épée, vous pouvez faire demi- tour et la remporter.

— Une fille n’a que faire d’une épée, winnie, répliqua- t-il en faisant peser sur elle son regard vert.

— C’est bien pour cela que je n’en veux pas. Que m’avez- vous donc apporté ?

Avec un sourire en coin, Lachlan plongea le bras derrière une chaise et brandit un paquet mal ficelé.

— Ceci vous fera plus d’usage qu’une épée. Bon anniversaire, winnie.

Ranulf consentit enfin à baisser son journal. Il datait de la semaine précédente et les informa-tions qu’il contenait ne lui plaisaient guère. Elles lui donnaient même envie de faire usage de l’épée de son frère.

de fait, les nouvelles en provenance de Londres ne lui plaisaient jamais. Toujours plus de lois et de réglementations assorties de nouvelles taxes. Si ces satanés Anglais ne parvenaient pas à les

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chasser ou à les tuer tous, ils finiraient par les exter miner en les ruinant. Ranulf se redressa et les deux lévriers écossais lovés à ses pieds s’assirent sur leur arrière- train, impatients de faire leur pro-menade du matin.

S’ils n’y avaient pas encore eu droit, la faute en incombait à Rowena. À chacun des anniversaires de la jeune fille, le clan se mettait sens dessus dessous pour fêter l’événement, mais celui- ci était exceptionnel, aussi les chiens attendraient- ils que sa sœur ait fini d’ouvrir ses cadeaux pour l’escorter dans sa promenade à cheval.

Rowena déchira avec enthousiasme l’embal-lage du paquet difforme que Lachlan venait de lui remettre. Mais son visage se rembrunit aussi promptement qu’il s’était éclairé.

— des bottes, dit- elle, levant les yeux sur leur voisin. vous m’avez apporté des bottes.

Lachlan acquiesça d’un signe de tête si enthou-siaste qu’une mèche brune tomba devant ses yeux.

— des bottes d’équitation. Parce que vous avez abîmé les vôtres dans la boue le mois dernier, expliqua- t-il.

Son sourire s’effaça devant le regard furibond de Rowena.

— Qu’y a- t-il ? Je sais qu’elles vous iront ; j’ai pris la peine de m’informer de votre pointure auprès de Mitchell.

— Je suis une dame, à présent, Lachlan. vous auriez pu m’offrir des fleurs ou un joli bonnet. Ou au moins des souliers pour danser.

— Je vous connais depuis que vous êtes née, ricana- t-il. vous aurez davantage l’usage de bottes que de souliers de bal.

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Ranulf posa son journal et fit signe aux deux joueurs de cornemuse qui patientaient dans le cou-loir de se retirer. Rowena, la benjamine de la fra-trie, était charmante et d’une nature enjouée, mais Ranulf sentait poindre l’orage depuis plusieurs jours. Et le son des cornemuses n’améliorerait l’humeur de personne.

— vous ne voyez donc pas que je ne suis plus une enfant qui ne pense qu’à parcourir le pays à cheval, Lachlan ? demanda- t-elle, partagée entre tristesse et agacement.

— Il me semble pourtant que c’est ce que vous faisiez encore hier, s’esclaffa lord Gray. Alors à dater d’aujourd’hui, vous ne pourriez plus monter à cheval ? Ne faites pas la sotte, winnie.

Rowena ne daigna pas lui répondre et se tourna vers Ranulf.

— Tu restes mon dernier espoir, dit- elle d’une voix altérée. Quel est mon cadeau ?

L’aîné de ses frères l’observa et sentit son mau-vais pressentiment refaire surface.

— Tu as dit vouloir une nouvelle robe, répon-dit- il finalement. verte. Mitchell l’a déposée sur ton lit pour que tu puisses la porter au dîner. Contrairement aux bottes, elle est parfaite pour danser.

Une grosse larme roula sur l’une des joues pâles de Rowena. Par saint André, il avait fait le mauvais choix ! En quoi, il n’aurait su le dire, mais à l’évi-dence, ce n’était pas le cadeau qu’elle attendait de lui.

— winnie, pourquoi pleures- tu ? s’enquit une voix masculine depuis le seuil du salon. Les bottes de Lachlan sont trop étroites ?

Arran MacLawry, le quatrième de la fratrie, et le plus proche en âge de Ranulf, fit son entrée.

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— Elle s’est mise à pleurer quand Ran a parlé de la robe verte, répondit Munro. Peut- être la voulait- elle bleue, va savoir.

— Ceci devrait te rendre le sourire, déclara Arran en tendant à sa sœur un petit sachet en tissu.

— Laisse- moi deviner, dit Rowena en s’essuyant la joue. C’est une boussole qui m’évitera de me perdre quand j’irai chevaucher sur la selle que j’ai reçue de Bear, chaussée des bottes offertes par Lachlan.

— Non, répondit Arran en fronçant les sourcils. C’est une petite broche qui fait office de montre. Un accessoire très astucieux. Je l’ai fait venir de Genève après en avoir vu la réclame dans l’Acker-mann’s Repository.

— C’est très joli. Merci, Arran.Munro reprit son épée des mains de Lachlan et

la planta dans le parquet éraflé. Ce n’était pas la première lame à se ficher là et ce ne serait certai-nement pas la dernière. Les joueurs de cornemuse et une demi- douzaine de serviteurs se pressaient à nouveau dans le couloir et Ranulf leur fit signe de partir d’un regard appuyé. Sa sœur n’était visi-blement pas d’humeur pour une parade, fût- elle en son honneur.

— Pourquoi Arran a- t-il droit à des remercie-ments, tandis que nous autres n’avons droit qu’à des larmes et à des noms d’oiseaux ? s’indigna Munro.

Au lieu de répondre, Rowena posa la petite broche et s’avança vers Ranulf. Les chiens glis-sèrent la tête sous ses mains. Elle ignora l’évidente demande de caresses. Cela n’augurait rien de bon. Elle ne l’avait pas encore traité d’idiot, mais c’était tout comme. Ranulf ne comprenait pas la raison

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de son dépit. Sa sœur avait demandé une robe vert émeraude et il avait veillé à la lui offrir. Un modèle élégant, et fort coûteux, qu’il avait fait venir de Paris, nom de nom !

Quand elle l’incita à se lever, il n’opposa aucune résistance. Mais quand elle garda ses mains entre ses doigts délicats, il se fâcha.

— Ce n’est donc pas ce que tu voulais, grommela- t-il.

Une fois de plus, il regretta qu’il n’y ait pas d’autre femme dans la maisonnée. Car celle- ci aurait peut- être été à même de comprendre la plus jeune des MacLawry. Cela n’avait posé aucun pro-blème tant qu’elle était enfant, mais ces derniers temps, Rowena lui apparaissait de plus en plus souvent comme une inconnue.

— dis- moi ce qui t’aurait fait plaisir. Si c’est en mon pouvoir, je te l’offrirai, Rowena.

— Tu le sais bien, Ranulf. J’ai dix- huit ans aujourd’hui. Je veux ma Saison à Londres. C’est ce que je v…

— Non, l’interrompit- il. Nous avons décidé de célébrer ton anniversaire vendredi. Le clan se réu-nira au grand complet. Tous les beaux garçons seront là et se battront pour danser avec toi. Ce sera bien mieux que n’importe quelle soirée lon-donienne.

Rowena pinça les lèvres et jeta un coup d’œil par- dessus son épaule.

— vous vous battriez pour une valse avec moi, Lachlan MacTier ?

— Pour me faire écraser les pieds en remercie-ment ? s’esclaffa le vicomte. Je vous vois chaque jour que dieu fait, winnie. Je laisserai ce plaisir à d’autres.

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— Aucun autre garçon ne se battra pour danser avec moi parce qu’ils ont tous trop peur de mes frères, se plaignit Rowena.

— disons que j’ai aussi peur qu’eux, alors.— Ce n’est pas vrai.Ranulf n’avait pas envie d’entendre débattre des

raisons pour lesquelles un homme devait ou non le craindre. Il était naturellement redoutable. Un point, c’est tout.

— Tu n’as que faire d’un partenaire, Rowena. Ce sera une fête splendide.

— Je n’ai que faire d’une fête avec des gens que je connais depuis toujours, riposta- t-elle. des gens qui estiment qu’une danse n’est qu’un prétexte pour se bagarrer. Je veux ma Saison. À Londres. Maman a eu la sienne.

— Maman était anglaise, rétorqua- t-il avec mépris. Tu sais bien qui sont ceux qui vivent à Londres, winnie. des dandys maniérés, de satanés Anglais hypocrites et menteurs. Réjouis- toi de la grande fête qui a été prévue en ton honneur. Et dis- toi que si un homme redoute de se présenter face au chef de son clan, c’est qu’il ne mérite pas de danser avec toi.

Elle cala ses mains sur ses hanches et leva le menton.

— Tu voudrais que je préfère Glengask au reste du monde, Ranulf, mais tu refuses de me laisser voir autre chose que Glengask. Je ne peux le comparer à rien d’autre qu’à ce que j’imagine, et dans mon ima-gination, Londres est le lieu de toutes les merveilles !

— Je te l’ai dit et répété, Londres est peuplée d’un ramassis de lèche- bottes qui savent à peine tenir en selle. va donc essayer ta robe. La discus-sion est close.

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— Ranulf, tu…— Close, répéta- t-il en croisant les bras.Rowena était une créature délicate qui ressem-

blait tellement à leur mère que le simple fait de la regarder le troublait. Il appréciait qu’elle lui tienne tête, mais elle savait aussi bien que lui qu’il avait gagné. Elle n’irait pas à Londres. Jamais.

Après lui avoir décoché un ultime regard, aussi furieux qu’embué, Rowena quitta la pièce. Un instant plus tard, on entendit claquer la porte de sa chambre. Les trois autres le regardèrent, mais aucun ne dit mot. Ce n’était pas nécessaire. Ses frères savaient ce qu’il avait préféré taire devant Rowena. Ils savaient qu’à Londres des aristocrates prétendaient posséder des terres en Écosse tout en méprisant le sang de leurs ancêtres, d’hommes qui vivaient aussi loin que possible des Highlands après avoir chassé leurs propres paysans pour transformer leurs terres en pâturages à moutons. Que Londres grouillait de traîtres. de traîtres et d’assassins.

— Je sors, annonça- t-il.Il franchit le seuil de la pièce sans un regard en

arrière, les chiens sur ses talons.debny, le maître palefrenier, avait dû le voir

arriver, car lorsqu’il atteignit la porte de l’écurie, Sterling l’y attendait. Il enfourcha son étalon, le fit volter vers l’est et l’incita d’une pression des genoux à s’engager sur un chemin qui serpentait sur le versant d’une colline balayée par les vents, avant de plonger dans les profondeurs d’une gorge à la végétation luxuriante. Cernée de falaises qui ressemblaient à un escalier de géant, la dee, qui  descendait jusqu’au fond de la vallée et plus loin encore, rugissait.

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Quand il empruntait ce sentier, Ranulf était tou-jours saisi par la beauté des lieux, mais cette fois, ce fut à peine s’il remarqua qu’un des plus vieux arbres avait été déraciné par l’orage. Rowena s’ima-ginait qu’elle avait envie d’aller à Londres parce qu’elle avait découvert le journal intime de leur mère et qu’elle lisait la rubrique mondaine de  la presse londonienne. Il avait ordonné à Cooper, le majordome, de supprimer et de brûler le carnet mondain de tous les journaux dès leur livraison, mais la mesure n’avait visiblement pas suffi.

Il ralentit pour contourner le tronc renversé et poursuivit sa route en remontant le courant. Plus bas, là où la rivière serpentait au creux de la vallée, se trouvait le village d’An Soadth – son village, peu-plé de paysans, d’artisans et de commerçants. Mais ce matin-là, il n’avait guère envie de les entendre chanter ses louanges, bénir sa chère famille et le remercier pour l’invitation de vendredi à Glengask Hall.

Tamisé par le voile de brume qui s’accrochait au sommet des arbres, le soleil braquait ses rayons sur la mousse des rochers acérés et les buissons bat-tus par les vents. Comment pouvait- on préférer la fade et trompeuse capitale des Anglais à une telle splendeur ? Ranulf n’en avait pas idée. Une biche surgit d’un amas rocheux, franchit en quelques bonds d’étroites ravines, puis fonça à travers la lande couverte de bruyère. Les lévriers grondèrent et s’élancèrent à sa poursuite. Ranulf amorça un geste vers son fusil avant de se rendre compte qu’il ne l’avait pas emporté. Il lâcha un juron, puis siffla Fergus et Una.

Cet oubli était stupide car l’impression de soli-tude des Highlands est trompeuse et ses nombreux

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recoins offrent autant de cachettes pour un indi-vidu animé de mauvaises intentions. Il envisagea un instant de regagner Glengask, mais il avait ce jour- là plus de risques de tomber dans une embus-cade tendue par sa sœur dans sa propre demeure que dans celle d’un mauvais plaisant en pleine nature.

du moins le crut- il. Au bruit étouffé par la mousse des sabots d’un cheval derrière lui, Ranulf incita Sterling à gagner le couvert des arbres. Se penchant en avant, il tira une longue lame très fine du fourreau de sa botte. Les maudits renégats allaient découvrir qu’il avait de la ressource. S’ils avaient l’intention de faire couler son sang, il veil-lerait à faire également couler le leur.

— Fergus, Una, en garde, murmura- t-il.Les deux chiens hérissèrent le poil.— Ran ! Ranulf !Reconnaissant la voix de Munro, Ranulf se

détendit.— Fergus, Una, tranquilles, ordonna- t-il en inci-

tant Sterling à regagner le sentier. Savez- vous ce que signifie le mot « seul » ? s’enquit- il une fois qu’il fut à découvert.

Il n’y avait pas seulement Munro, mais aussi Arran et Lachlan qui chevauchaient dans sa direc-tion le long de la rivière.

— Tu n’as jamais dit « seul », répondit Munro, le cadet. Et cela ne te ressemble guère de partir sans ton arme, ajouta- t-il en lui tendant son fusil.

Ranulf prit l’arme de sa main libre et, de l’autre, glissa sa lame dans sa botte.

— Je n’étais pas désarmé. Et je gage que Fergus et Una pourraient battre un cheval à la course si l’envie leur en prenait.

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— Mais tu ne pourrais pas aller plus vite qu’une balle, répliqua Arran. Ceci, ajouta- t-il en désignant son poignard, ne peut t’être utile qu’en cas de combat rapproché, or les lâches frappent rarement de près.

— vous avez besoin d’être trois pour remettre une arme, à présent ? rétorqua Ranulf, peu dési-reux de subir des reproches.

Il avait quatre ans de plus qu’Arran qui ne fête-rait pas son trentième anniversaire avant trois ans –  ou qui ne le fêterait jamais s’il ne prenait pas garde à lui.

— Je suis venu parce que c’est plus sûr que de rester à la maison, répliqua celui- ci sans se démon-ter. Et j’ai apporté le matériel de pêche.

— Je suis venu parce que je n’avais pas envie de recevoir une selle en pleine figure, renchérit Munro, que sa famille et ses amis surnommaient Bear –  l’ours. Pour l’instant, elle s’est enfermée dans sa chambre, mais qui sait combien de temps cela durera ?

— Quant à moi, je n’avais nulle envie de rester seul avec winnie, conclut Lachlan.

— Je ne vois pas pourquoi, répliqua Arran. C’est toi qui as dit que tu ne danserais pas avec elle, espèce de couard.

— Ce n’est qu’une enfant. Quand je l’ai connue, ses cheveux n’étaient pas assez longs pour faire des tresses. Je ne sais pas pourquoi elle se comporte si étrangement ces derniers temps, mais cela ne me regarde pas.

— Son comportement étrange est lié au fait qu’elle est éprise de toi, Lachlan, répondit Arran. Bien que j’ignore ce qu’en pense Ranulf.

— Je n’en sais pas plus que toi, assura ce der-nier, quoique ce ne fût pas complètement vrai.

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Lachlan lui coula un regard oblique, puis :— Nous ferions mieux d’aller pêcher. Rowena se

croit entichée de moi parce que je suis le seul gar-çon de son âge que vous autorisiez à l’approcher.

Ranulf avait en effet décidé depuis longtemps que Lachlan ferait un excellent mari pour Rowena et n’avait donc vu aucune raison de laisser d’autres jeunes gens lui rendre visite.

— Montons jusqu’au lac, décida- t-il. Elle sera sûrement calmée quand nous rentrerons.

Ils passèrent la journée à tirer de l’eau truites et perches, et la démonstration de dos crawlé que fit Munro dans le Loch Shinaig contribua grandement à améliorer l’humeur de Ranulf. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’une journée en compagnie de Mitchell, sa femme de chambre si compatissante, aurait également permis à sa sœur de retrouver le sourire. Si elle acceptait de laisser de côté ses rêvasseries, elle reconnaîtrait que ses frères, qui l’adoraient, lui avaient fait de somptueux présents, et que la fête de vendredi promettait d’être l’une des plus mémorables qui fût.

Lorsqu’ils remirent au majordome le produit de leur pêche, le soleil était déjà sur le point de se coucher.

— Comment va lady Rowena ? s’enquit Ranulf en ôtant sa cape et en tapant des pieds pour débar-rasser les semelles de ses bottes de la boue qui y collait.

— Nous ne l’avons pas vue de la journée, répon-dit Cooper en faisant signe à un valet d’emporter les poissons en cuisine. Stewart Terney est passé, milord, mais il a dit qu’il attendrait de vous voir demain au moulin pour vous parler.

— Merci, répondit Ranulf.

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— Heureusement que vous ne l’avez pas envoyé nous rejoindre, commenta Munro. Il fait si grise mine que tous les poissons du loch seraient morts en l’apercevant !

— Il n’y a pas matière à plaisanter, Bear, déclara Ranulf d’un ton sévère. Tu ferais grise mine toi aussi s’il n’y avait que Glengask qui te donne du grain à moudre. du temps de son grand- père, le moulin en recevait de Campbell, de Gerdens et de wallace.

— Attends un peu que winnie hume l’odeur de la truite fumée. La faim fera sortir le loup du bois, prédit Munro en gagnant l’escalier. Une partie de fléchettes, Lachlan ? suggéra- t-il en jetant un coup d’œil à celui- ci par- dessus son épaule.

Leur voisin accepta et, une fois les deux hommes partis, Arran fit signe au majordome qu’il pou-vait se retirer. Cooper s’inclina et disparut dans les sombres profondeurs de la vaste demeure, escorté par les deux valets. Ranulf s’adossa au mur et croisa les bras.

— Je t’écoute, lança- t-il à son frère cadet.— Je tiens juste à te rappeler que Bear, toi

et moi, sommes allés à Londres et que nous en sommes tous revenus sains et saufs.

— Ce n’est pas comparable, répliqua Ranulf. Je ne m’y suis pas rendu persuadé que j’allais vivre un conte de fées. Et si j’ai bonne mémoire, toi, tu y es allé pour raisons de guerre.

— J’ai servi parce que c’était mon devoir. N’élude pas la question.

— Et quelle est- elle ?— winnie s’est mis martel en tête et ton refus

ne l’empêchera pas de vouloir aller là- bas.— Il n’en est pas question, Arran. Ces satanés

Anglais rêvent de disperser notre clan aux quatre

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vents pour peupler les Highlands de troupeaux de moutons. Ils n’ont que le profit en tête. Le profit et le pouvoir. Je ne leur offrirai pas mon unique sœur en pâture. Elle est écossaise et elle restera en Écosse. Un mari l’attend ici, une fois que Lachlan aura compris qu’elle n’est plus une enfant.

— À moins qu’il n’ait une autre fille en tête… Mais peu importe. Rowena est aussi à moi-tié anglaise, déclara tranquillement Arran. Tout comme Bear, toi et moi.

— Ce n’est pas cette moitié- là qui importe. Je refuse d’avoir cette conversation, avec elle, toi ou qui que ce soit d’autre. Elle restera à Glengask. Ici, elle est en sécurité.

— dans ce cas, peut- être pourrais- tu au moins lui expliquer ton raisonnement.

Ranulf l’avait fait, jusqu’à se retrouver à bout de souffle et de patience.

— Si elle n’a pas encore compris ce qui me pousse à prendre cette décision, elle devra se contenter de l’accepter. Elle restera ici et profi-tera des somptueuses réjouissances données en son honneur si elle le souhaite.

— Ah ! Cela me paraît somptueux, en effet.Ranulf adressa à son frère un regard si noir que

celui- ci eut un mouvement de recul.— Elle sait qu’elle n’a aucun intérêt à me tenir

tête, ajouta- t-il. Je n’aborderai plus jamais ce sujet avec elle et je ne vais pas non plus gâcher ma salive à en parler avec toi.

— Nous savons tous qu’il ne fait pas bon te tenir tête, lâcha Arran avant de pivoter sur ses talons. Je vais retrouver Bear et me défouler en lançant des fléchettes sur une cible.

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Ranulf envisagea un instant de rejoindre ses frères et Lachlan, mais il savait qu’ils allaient débattre de la question de laisser winnie à Londres durant la Saison. Ils évoqueraient leurs années à Oxford et leurs rares incursions dans la capitale. Arran, sur-tout, ne manquerait pas de relever que ses quatre années au service de Sa Majesté n’avaient pas amoindri son sentiment d’appartenance à l’Écosse. Et ils auraient tous raison et tort à la fois.

Rowena ne rêvait pas d’un séjour enchanté dans une contrée lointaine. Elle avait lu le jour-nal de leur mère et s’était laissé griser par l’évo-cation de cette vie oisive, faite de réceptions et où les hommes accordaient autant de soin que les femmes à leur toilette. Au point de se persuader qu’elle voulait être anglaise.

Cette lubie lui passerait, évidemment. Elle fini-rait par comprendre qu’une existence faite de dis-tractions aussi futiles que monotones n’en était pas une. En attendant, elle resterait à Glengask, sous son œil attentif et sa protection. Qu’elle appré-cie ou non ses efforts. L’équation était simple, au fond. Il était le marquis de Glengask, chef du clan MacLawry et de tous ceux qui s’y étaient rattachés. Et quelles que soient les règles édictées par l’Angle-terre, ici, sur ses terres, la seule loi qui prévalait était la sienne.

Ranulf envisagea de descendre dans l’un de ses villages, comme il le faisait presque chaque jour, puis se rendit compte qu’il n’en avait pas envie. Il sonna cependant Cooper pour qu’il demande à la cuisinière de préparer une fournée de poisson sup-plémentaire pour le lendemain matin. Le père dyce en ferait bon usage auprès des plus pauvres de ses paysans. Une fois cet ordre donné, il se retrouva

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désœuvré –  un état aussi rare qu’inattendu. La veille, il s’était employé à régler toutes les tâches qui lui incombaient afin de se libérer pour les fes-tivités d’anniversaire de Rowena. Il leva un regard songeur vers les étages. Se pouvait- il qu’il l’ait trop gâtée ? d’un autre côté, son rôle d’aîné n’était- il pas de veiller à ce que son unique sœur, la dernière- née de la fratrie, ait toujours tout ce qu’elle désirait ?

— Milord ?— Oui, Cooper ? répondit Ranulf en se retour-

nant.Le vieil Écossais se dandinait sur le seuil – un

détail qui l’intrigua. Cooper était très fier de son rang et n’hésitait pas à frotter les oreilles des valets qui se trouvaient sous ses ordres au moindre signe de laisser- aller.

— Il règne une certaine… confusion au sujet d’une chose.

— Quelle confusion ? Quelle chose ? s’enquit vivement Ranulf.

— Le… enfin, debny a dit à la cuisinière qu’elle avait emprunté le phaéton, mais comme cela s’est produit fort tôt dans la journée, celle- ci n’a pas jugé bon de m’en informer, or à présent… comme il se fait tard et attendu qu’il ne semble pas… enfin, je veux dire, qu’il semblerait…

— Qui a emprunté le phaéton ? interrompit Ranulf, agacé par toutes ces circonlocutions.

— Mitchell, milord, sur ordre de lady winnie, j’imagine. Il va de soi qu’elles sont parties ensemble, mais comme je le disais, il se fait tard et elles sont parties seules, sans les chiens et…

Ranulf n’entendit pas la fin du récit du major-dome parce qu’il était déjà parvenu à mi- hauteur de l’escalier.

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— Arran ! hurla- t-il à pleins poumons. Munro !La chambre de Rowena donnait l’impression que

le vent du nord s’était engouffré par la fenêtre. Les vêtements et la literie étaient éparpillés dans toute la pièce, des restes de papiers brûlés surmon-taient les braises de la cheminée et l’air frais des Highlands imprégnait l’atmosphère. Pourtant…

— Ranulf ! Que diable se p…— Par dieu ! Quelqu’un l’a enlevée ? coupa

Arran en pénétrant dans la pièce derrière Munro, Lachlan sur ses talons. Maudits Gerdens, ils le paieront de leur sang !

— Attends un peu, Arran, dit Ranulf en s’ac-croupissant devant l’âtre pour examiner les papiers à demi calcinés tout en repoussant les chiens qui jappaient nerveusement autour de lui.

Il s’était déjà trouvé en présence de scènes de chaos et celle- ci lui paraissait trop ordonnée. Parmi les effets éparpillés, il ne reconnaissait aucun de ceux que préférait Rowena. Et le lit était défait alors qu’elle ne l’avait pas occupé depuis le matin. Il attrapa l’un des morceaux de papier, déchiffra les mots souliers bleus et, un peu plus bas, quelque chose qui ressemblait à brosse à cheveux.

— Qu’as- tu trouvé ? demanda Munro en s’ac-croupissant près de lui. Nous perdons du temps.

Son frère avait la mâchoire crispée et les poings serrés. Si ses proches l’avaient surnommé l’ours ce n’était pas pour son goût des discussions ration-nelles.

— C’est une liste, répondit Ranulf en se redres-sant. Personne n’a enlevé Rowena. Elle est partie de son propre chef et a emmené Mitchell avec elle. À Londres.

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— Avec le phaéton ? s’enquit Cooper, les sourcils froncés.

— Nous trouverons sans doute celui- ci à la pro-chaine auberge de relais. Elles rejoindront Londres en malle- poste.

— Londres ? Sans escorte ? s’emporta Arran en frappant du poing le montant du lit. Elle a perdu l’esprit !

— Elle court surtout au- devant des ennuis, répliqua Ranulf en soulevant un autre morceau de papier sur lequel il distingua un fragment d’adresse.

— Préparez- vous à partir, intervint Lachlan. Je vais demander à debny de seller les chevaux.

— Non, dis- lui d’atteler la berline. Cooper, ajouta Ranulf à l’intention du majordome, que Peter et Owen se tiennent prêts.

— La berline ? releva Arran tandis que le domes-tique s’empressait de gagner le rez- de- chaussée. vous ne rattraperez jamais la malle- poste avec ce monstre !

— Elles ont près de dix heures d’avance sur nous et ont certainement prévu de voyager sous une fausse identité. du moins je l’espère, ajouta Ranulf avec un soupir inquiet.

— Que veux- tu dire ?— Ce que je veux dire, Bear, c’est que j’espère

qu’elle a compris qu’elle risque d’avoir des pour-suivants bien plus dangereux que nous. Et que je préfère que les Gerdens ne me voient pas lancé à ses trousses, criant comme un forcené. Je me contenterai de la suivre d’assez près pour m’assu-rer que personne ne se met en travers de son che-min et je la rattraperai à Londres.

Il jeta un coup d’œil au morceau de papier qu’il tenait à la main.

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— Chez les Hanover, selon toute évidence. Et je la ramènerai ici par la peau des fesses.

— Et nous ? Nous sommes censés attendre ici les bras croisés ?

— Tout à fait. Tu sais qu’il doit toujours y avoir un MacLawry à Glengask. Et deux paires d’yeux valent mieux qu’une. La nouvelle de mon départ ne tardera guère à se répandre et je ne veux pas que celui- ci soit perçu comme une invitation à venir semer le trouble.

— Les Gerdens et les Campbell y verront plus probablement l’occasion de t’attaquer sur la route, grogna Munro. Tu ne peux pas partir avec deux valets pour toute escorte, Ranulf.

— J’irai avec lui, proposa Lachlan.— Tu ne feras rien de tel. Il ne manquerait plus

que Rowena décide de commettre une nouvelle folie pour te rendre jaloux.

— Mais elle… elle est comme une sœur pour moi. Il ne me viendrait pas à l’esprit de…

— Raison de plus pour que tu restes à l’arrière, coupa Ranulf. J’aurai les chiens avec moi. Et ces deux valets, comme tu les appelles, Bear, se sont battus sur le continent aux côtés de wellington, comme toi, Arran. J’ai toute confiance en eux.

— Certes, mais…— Je ne veux plus rien entendre. de personne.

Je partirai pour Londres dans une heure. vous resterez ici et veillerez à ce que Rowena et moi trouvions un foyer accueillant à notre retour. vous nous reverrez sous quinzaine, dussé- je la ligoter sur le dos d’un cheval.

Londres. Bon sang ! Rowena pourrait s’estimer heureuse s’il ne lui arrivait rien de pire que d’être ligotée sur un cheval par son frère.

Et lui s’estimerait plus heureux encore.

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— N’ayez aucune inquiétude. Jane est ravie chaque fois qu’elle trouve un prétexte pour aller chez la modiste, assura lady Charlotte Hanover avant de se lever.

— Je ne voudrais surtout pas bouleverser vos projets, répondit lady Rowena MacLawry avec son adorable accent chantant. Je me sens déjà si fau-tive de me présenter chez vous sans avoir averti de ma venue.

— Balivernes, répliqua lady Jane Hanover. Je t’enjoignais de nous rendre visite depuis si long-temps. Nos mères étaient comme des sœurs. N’est- ce pas, maman ?

— Absolument, acquiesça Elizabeth Hanover, comtesse de Hest. Et j’ai été si heureuse quand vous avez commencé à correspondre avec Jane. vous ressemblez tant à Eleanor, dit- elle avec un doux sourire. vous pourrez rester parmi nous aussi longtemps qu’il vous plaira, ma chère enfant. Et il va de soi que je serai votre marraine pour la Saison. Ainsi Jane et vous débuterez ensemble.

— Que te disais- je ? se réjouit Jane en battant des mains. Tu aurais dû venir nous voir depuis une éternité, winnie !

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— Oh, ce n’est pas l’envie qui m’en manquait, je t’assure ! C’est Ranulf qui m’a freinée. Il est per-suadé que tous les Anglais sont… disons qu’il a des idées bien arrêtées dès qu’il s’agit de Londres, se reprit- elle.

Elle rit et agita la main, mais Charlotte sentit que la jeune lady Rowena n’était pas tout à fait à l’aise. Cela dit, elle ne se serait pas sentie à l’aise, elle non plus, si elle avait dû traverser la moitié de l’Écosse et presque toute l’Angleterre, escortée de sa seule gouvernante. À l’évidence, Rowena tenait vraiment à assister à la Saison.

Et pour un frère prétendument protecteur, ce Ranulf MacLawry avait grandement manqué à ses devoirs. Une jeune fille qui n’avait encore jamais quitté son comté n’aurait jamais dû voya-ger seule. Et surtout pas à bord d’une malle- poste ! Charlotte avait presque envie d’écrire à lord Glengask pour lui dire le fond de sa pensée. Personne ne pouvait être ignorant au point de se dispenser d’écrire une lettre pour annoncer l’arrivée de sa sœur et s’assurer ainsi qu’il y aurait au moins quelqu’un pour l’accueillir. C’était tout simplement inconcevable, même quand on igno-rait tout des coutumes anglaises. Ne lisait- il donc pas les journaux ? Était- il dépourvu de tout bon sens ?

Elle échangea un regard avec son père qui arqua un sourcil avant de reporter son attention sur la conversation. Jonathan Hanover, comte de Hest, ne prisait guère le chaos ni les perturbations, mais il adorait ses filles. Lady Rowena serait donc la bienvenue dans son foyer et il ne laisserait nul-lement paraître qu’il eût préféré se passer de la présence d’une tierce personne durant la Saison.

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Longfellow, le majordome, suivi de deux valets, apporta des sandwiches et du thé. L’heure du dîner était largement passée et Mme  Broomly, la cui-sinière, était allée à Tottenham Court auprès de sa fille sur le point d’accoucher. Les domestiques s’apprêtaient à disposer les plats quand le heurtoir de la porte d’entrée retentit.

— Laissez, Longfellow, je m’en charge, dit Charlotte qui se trouvait près du hall.

— Merci, milady.Le temps qu’elle gagne la porte, les coups répétés

du heurtoir s’accompagnaient déjà du martèlement d’un poing contre le battant.

— Pour l’amour du ciel, soupira- t-elle en ouvrant. Qu’y a- t-il donc de si urg… commença- t-elle avant de s’interrompre.

L’homme qui se tenait sur le perron était si large et si grand qu’elle eut l’impression de se retrouver face à un mur. Charlotte avait beau être élancée, il la dépassait de trente bons centimètres. Tandis que ces considérations absurdes tournaient dans sa tête, son attention fut retenue par le bleu intense du regard glacial que l’homme posait sur elle.

— Je suis ici pour Rowena MacLawry, déclara- t-il sans préambule, avec un fort accent écossais.

Charlotte battit des cils. winnie –  comme Rowena leur avait demandé de l’appeler  – était arrivée du relais de poste dans une calèche de louage depuis moins d’une heure. Pour autant qu’elle le sache, personne n’était au courant de sa présence à Londres. Personne excepté sa famille, qui résidait en Écosse.

— Je ne suis pas venu jusqu’ici pour être dévisagé. Rowena MacLawry. Immédiatement, ordonna le colosse.

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— Je ne vous dévisageais pas, monsieur, répli-qua Charlotte, alors même qu’elle était incapable de détacher les yeux de sa personne.

C’était comme si un dieu à la sombre chevelure venait de se matérialiser sur le perron.

— d’ordinaire, lorsqu’un visiteur arrive, il remet sa carte ou, à tout le moins, présente ses salu-tations suivies d’une formule d’introduction s’il espère être autorisé à entrer.

Il plissa les yeux. Ce n’était pas la glace qui habi-tait ce bleu profond, se rendit compte Charlotte, mais quelque chose de bien plus chaud et colé-reux.

— Je ne suis pas un visiteur, répliqua- t-il, la dureté de l’acier perçant sous son accent chantant. Et si les Anglais s’imaginent qu’une simple femme barrant la porte peut suffire à m’empêcher de reprendre ce qui m’appartient, c’est qu’ils sont encore plus stupides que dans mon souvenir.

Ce qui lui appartenait ? La formulation était pour le moins curieuse. Et il n’avait aucune raison d’être insultant.

— Je n’ai rien d’une simple f…Il s’avança. Et Charlotte ne put que retenir

son souffle quand, la saisissant par la taille de ses mains puissantes, il la souleva et la reposa derrière lui sur le perron. Le temps qu’elle soit revenue de sa stupeur, il avait pénétré à l’intérieur de Hanover House.

— Rowena ! beugla- t-il en traversant le hall.Charlotte empoigna ses jupes et se rua derrière

lui.— Cessez de crier ! ordonna- t-elle.Il lui prêta autant d’attention qu’à un insecte.

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— Rowena ! Si tu ne ramènes pas tes fesses par ici, je vais démolir toute cette maison autour de tes maudites oreilles !

Escorté d’un trio de valets, Longfellow avait jailli du salon. Le grand Écossais les dispersa comme un château de cartes et fit irruption dans ledit salon, Charlotte sur ses talons. À en juger par sa terrifiante présence, elle s’était attendue que lady Rowena se soit réfugiée derrière un fauteuil. Mais la délicate jeune fille était plantée au milieu de la pièce, les joues à peine rosies et les mains calées sur les hanches.

— Que diable fais- tu ici, Ranulf ? demanda- t-elle.

— La berline attend dehors. Je te donne une minute pour grimper dedans.

— Ranulf, je…— Cinquante- cinq secondes.Rowena parut flancher, et quand elle baissa la

tête, une larme roula sur sa joue.— Et mes effets ? dit- elle d’une voix chevro-

tante.— Mais enfin, qu’est- ce que cela signifie ?

s’exclama lord Hest. Et qui diable êtes- vous, mon-sieur ?

Le colosse brun tourna brusquement la tête vers le comte et le fusilla du regard. Il ressemblait en effet au diable en personne.

— Glengask, répondit- il avant de reporter son attention sur Rowena. Je te préviens que si tu cherches à t’enfuir, ce n’est pas à Glengask que je t’emmènerai mais au couvent Sainte-Marie. Une dizaine d’années en compagnie des nonnes t’ôtera définitivement l’envie de te sauver.

Une deuxième larme rejoignit la première.

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— Ranulf MacLawry, tu n’es qu’un animal, mur-mura winnie en passant devant lui pour quitter la pièce.

— Glengask. Le frère de lady Rowena ? fit Jane d’une toute petite voix. Le marquis ?

— Lui- même, acquiesça- t-il sèchement.— Nous avions cru comprendre que vous nous

aviez envoyé lady Rowena pour la Saison, fit remarquer le père de Charlotte tout aussi sèche-ment.

Son expression furibonde ne surprit pas cette dernière. Personne ne s’était jamais avisé de faire ainsi irruption chez eux. Surtout pas un diable d’Écossais aux yeux bleus qui ne savait s’exprimer qu’en vociférant.

— Parce que vous trouvez naturel d’expédier une jeune fille en terre étrangère sans même avoir annoncé sa venue ? Mais peut- être avez- vous consi-déré que seul un Écossais serait capable de com-mettre pareille folie, ajouta l’Écossais en question d’un ton grinçant.

— Elle nous a dit que vous l’aviez envoyée ici, intervint Charlotte.

Le marquis de Glengask pivota pour lui faire face.

— Elle a raconté des sornettes et vous l’avez crue. À présent, ôtez- vous de mon chemin, jeune fille, que nous quittions ce maudit endroit.

Charlotte songea que Rowena avait eu raison de traiter son frère d’animal. Elle détestait les hommes qui pensent avec leurs poings. Et elle n’appréciait guère qu’on l’appelât « jeune fille » et qu’on l’écartât – à deux reprises maintenant – comme si elle était aussi insignifiante qu’une mouche.

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— Je suis lady Charlotte Hanover et je vous prie de vous adresser à moi correctement, milord. J’ajoute que tant que nous n’aurons pas la certi-tude que votre sœur est en sécurité avec vous, elle restera chez nous.

— Charlotte ! s’écria sa mère.Sa famille aurait sans doute été soulagée de

voir cette perturbation s’éloigner de leur maison, mais une personne civilisée ne conduit pas ses affaires ainsi. Charlotte se refusa à baisser les yeux, bien que ce fût clairement ce qu’il attendait d’elle.

— Lady Charlotte, déclara- t-il en roulant exa-gérément le « r » de son prénom, je ne pense pas que les affaires de la famille MacLawry vous concernent. J’ai ordonné à ma sœur de rester à la maison et elle m’a désobéi. Je suis ici pour la ramener à l’endroit qu’elle n’aurait pas dû quitter. Puisque, à l’évidence, je vous ai offensée, j’atten-drai dehors. Et je n’en serai pas fâché.

Il s’avança en arquant un sourcil, signifiant ainsi qu’il n’hésiterait pas à la soulever de nouveau si elle refusait de s’écarter. Elle releva le menton de façon à garder son regard rivé au sien.

— votre sœur a donc parcouru une grande dis-tance, seule, et contre votre volonté, lord Glengask. Une telle action reflète sa très grande envie d’être à Londres – ou loin de vous. vous me faites l’effet d’être un homme qui ne tolère pas aisément la désobéissance.

Ses sourcils formèrent un accent circonflexe.— Il me semble que cela ne vous concerne pas

davantage.Il tourna les yeux vers son père, dont l’attitude

donnait à penser qu’il aurait mille fois préféré

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débattre des taxes à la Chambre des lords plutôt que de se trouver là.

— vous autres Anglais autorisez donc vos femmes à parler à votre place ? s’enquit Ranulf.

Lord Hest s’éclaircit la voix.— Ma fille a raison, Glengask. vous faites

irruption dans un foyer respectable, clairement animé par la rage, et persistez à vous comporter comme un aliéné doublé d’un démon. Remettre lady Rowena à vos soins sans connaître ses senti-ments et sans la moindre assurance que son bien- être sera garanti serait irresponsable de ma part.

— Son bien- être ? répéta Glengask. Comment réagiriez- vous si lady Charlotte s’était enfuie et qu’une fois que vous l’avez retrouvée, un étranger refuse de vous la rendre ?

— J’espère, en premier lieu, que mes filles n’auront jamais aucune raison de vouloir fuir le foyer qui est le leur. Et j’avancerai, en second lieu, que nous ne sommes pas à proprement parler des étrangers puisque votre mère et mon épouse étaient des amies très chères.

— vous saviez en venant ici que vous y trouve-riez winnie, ajouta Charlotte avant que le marquis puisse se lancer dans une querelle concernant leur relation supposée – l’homme semblait enclin à se quereller à tout propos. Il apparaît donc clairement que nous ne vous sommes pas inconnus. Pas plus que vous ne l’êtes pour nous.

Rowena apparut au côté de Charlotte.— Tu devras m’enfermer à jamais, prévint- elle

d’une voix chargée de sanglots. Je veux juste voir Londres, ajouta- t-elle en posant sa main sur celle de Charlotte.

— Eh bien, tu l’as vue !

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Le regard de Glengask passa de Rowena à Charlotte, puis se posa sur leurs mains jointes.

— Laissez partir ma sœur, dit- il.Charlotte affermit l’étreinte de sa main.— Non. Puisque vous êtes à Londres, quel mal y

aurait- il à la laisser séjourner ici quelque temps ?— Quel mal y a…Il s’interrompit, stupéfait.— Il n’est pas question que je reste ici à débattre

avec une femme de ce qui est le mieux pour ma propre famille, reprit- il d’une voix grondante.

Charlotte ne cilla pas, alors qu’à côté d’elle Rowena frémit.

— dans ce cas, puisque je refuse de céder, j’imagine que cela signifie que vous laissez winnie séjourner ici, répliqua- t-elle.

Elle n’aurait su dire à quel moment elle avait décidé de prendre le parti de la jeune fille. Mais elle refusait de se laisser intimider par ce colosse. Même s’il l’avait soulevée comme si elle ne pesait rien.

Il voulut répliquer mais se retint. Charlotte s’au-torisa une bouffée de satisfaction. Le petit chaton anglais avait craché à la face du grand ours écos-sais, et il ne savait comment réagir. Tant mieux.

— C’est là ce que tu souhaites, winnie ? demanda- t-il à sa sœur, sans toutefois quit-ter Charlotte des yeux. T’entourer d’Anglais qui veulent t’arracher à ta famille ? Te cacher derrière des femmes trop bavardes qui décident de tes com-bats et les mènent à ta place ?

— vous êtes le seul à faire de ceci un combat, lord Glengask, observa Charlotte. Et je ne me montre bavarde qu’en présence d’un tyran.

— Oh, mon dieu ! souffla winnie.

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Un muscle tressauta sur la mâchoire de Glengask.— Un tyran, dites- vous ?— C’est certainement l’impression que vous

donnez. votre propre sœur se cache derrière une étrangère plutôt que de vous approcher.

Le regard bleu passa aussitôt sur sa sœur.— Rowena, tu sais que je…Il laissa sa phrase en suspens, puis proféra un

mot en gaélique qui ne semblait guère conve-nable, car il incita sa sœur à retenir son souffle. Finalement, il hocha brièvement la tête.

— Je ne suis pas un tyran, déclara- t-il. Je t’accorde deux semaines, Rowena. Tu veux voir Londres, tu la verras. Je vais louer une maison et tu auras ta maudite Saison. Partons d’ici, à pré-sent, ajouta- t-il en lui tendant la main.

— Je ne te crois pas, Ranulf.— Tu as ma parole. deux semaines.Charlotte se mordit l’intérieur de la joue.

Glengask venait de céder bien plus de terrain qu’elle ne l’escomptait. Ses parents n’allaient sans doute pas la remercier pour son intervention, mais Rowena, elle, ne manquerait pas de le faire.

— Si vous voulez que votre sœur participe à la Saison, ne serait- ce que quinze jours, il vaudrait mieux qu’elle reste ici. vous êtes venu seul et n’avez personne qui puisse la parrainer. À moins qu’une de vos relations féminines ne soit déjà introduite dans la société londonienne, bien sûr.

— Tu n’as aucune relation féminine, intervint winnie, ses doigts se crispant de nouveau sur la main de Charlotte. Et tu vas t’ingénier à me démontrer qu’il n’y a rien de bon ici. Je voudrais voir Londres de mes propres yeux. Je t’en prie, Ranulf !

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Il poussa un long soupir.— Je devrais être en chemin pour Glengask Hall

à l’heure qu’il est.— Mais tu ne partiras pas.— Mais je ne partirai pas, confirma- t-il quand

son regard croisa celui de Charlotte. Reste ici, s’ils veulent bien t’accueillir. Tu devras cependant me tenir informé de tes moindres faits et gestes, et je t’escorterai où et quand je le jugerai bon.

Rowena laissa échapper un cri de joie, lâcha la main de Charlotte pour aller se jeter au cou de son frère, qui l’enveloppa de ses bras puissants.

— C’est promis, Ranulf, déclara- t-elle. Merci !Il ferma les yeux un instant et ses traits reflé-

tèrent du soulagement – à moins que ce ne fût de la tristesse.

— Je reviendrai ici demain matin. À 11 heures.Il se pencha et déposa un baiser sur sa joue.— Je me suis fait du souci pour toi, winnie,

murmura- t-il avant de se redresser. Existe- t-il quelque rituel absurde auquel je doive me prêter avant de prendre congé ? s’enquit- il en rivant de nouveau les yeux sur Charlotte.

— Bonsoir, lord Glengask, répondit- elle en s’écartant.

— Lady Charlotte.Une fois que Longfellow eut refermé la porte

derrière lui avec brusquerie, Charlotte s’autorisa à respirer. Son cœur battait aussi follement que si elle avait vu le diable en personne.

Et le diable avait promis de revenir le lende-main.

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— J’espère sincèrement que cela vous convien-dra, lord Glengask.

Ignorant le petit bonhomme maigrichon qui lui collait aux basques, Ranulf poursuivit son explo-ration de la petite maison située sur Adams Row. Elle était de construction ancienne, plutôt bien conçue avec ses douze pièces, les fenêtres de la moitié d’entre elles donnant sur une avenue calme. Elle s’élevait sur trois niveaux, ce qui expliquait sans doute son nom – Tall House, la maison haute.

— Cela ira, déclara- t-il quand il comprit que l’homme ne cesserait de le suivre que lorsqu’il aurait répondu. J’aurais cependant préféré qu’il y ait plus de deux portes qui ouvrent sur l’extérieur.

— Je suis content qu’elle vous plaise, milord. Le délai que vous m’avez accordé était si court – une heure, si vous vous souvenez –, mais je crois que Tall House est la plus belle demeure actuellement vacante. La Saison ne va guère tarder à battre son plein et tout le monde afflue à Londres.

Tout le monde, y compris son entêtée de sœur.— vous recevrez votre paiement en fin de jour-

née, répondit Ranulf.— Oh, rien ne presse ! Il est vrai qu’on ne vous

connaît guère ici, mais votre oncle, lui, jouit d’une excellente réputation, aussi ai- je toute confiance.

Ranulf eut un mouvement du menton vers la porte d’entrée. Owen, qui avait suivi l’avoué comme une ombre, s’avança.

— Il est temps de prendre congé, monsieur Black, dit- il en lui bloquant le passage alors que ce dernier s’apprêtait à emboîter le pas à Ranulf.

— Certainement, certainement. Si vous avez besoin des services d’un avoué, je serais honoré de…

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CompositionFACOMPO

Achevé d’imprimer en Italiepar  GRAFICA vENETA

le  28  décembre 2015.

dépôt légal : décembre  2015.EAN 9782290109137

OTP L21EPSN001377N001

ÉdITIONS J’AI LU87, quai Panhard- et- Levassor, 75013 Paris

Diffusion France et étranger  : Flammarion