Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

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t" Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5, pp. 193-201 © Masson, Paris, 1989 Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus Une analyse électromyocinésigraphique MÉMOIRE C. MANUEDDU (1), Y. BLANC (2), W. TAILLARD (3) (1) Chirurgien-orthopédiste, (2) Responsable du laboratoire de Myocinésigraphie, (3) Chirurgien-orthopédiste, Chef de service, Professeur à la Faculté de médecine de Genève, Hôpital Cantonal Universitaire, 24, rue Michèli-du-Crest, 1211 Genève 4, Suisse. Le comportement électrique des muscles gluteus maximus et medius est étudié sur sol plat et sur tapis roulant, dans trois démarches différentes. Chaque muscle est divisé en trois parties et le fonctionnement de chacune d'entre elles est décrit et comparé pour chaque démarche dans les 2 conditions. Dans ce cadre, le signe de l'éventail fessier de Scherb est étudié et sa corrélation électromyographique discutée. Le problème du déroulement du pied au sol dans les diverses conditions de marche est également abordé. Un grand nombre d'études traite du fonction- nement des muscles fessiers, la plupart d'entre elles (2, 3, 4, 10, 15, 18, 20, 22, 28, 33, 34, 36, 38) <,léfinissant le fonctionnement des muscles Gluteus medius (GM) et Gluteus maximus (GMax) par un seul vecteur de force. Les électrodes (ou la paire d'électrodes) sont placées à cette fin au centre du muscle ou dans sa partie la plus charnue. Plusieurs auteurs ont cependant cherché à déterminer les particularités fonction- nelles existant au sein d'un même muscle. Parmi eux, dans les années 40, Scherb (29) a étudié le fonctionnement des muscles GM et GMax, primitivement par la palpation puis par l'élec- tromyographie naissante, et a décrit un fonction- nement original qu'il a nommé phénomène de l'éventail fessier. Ce phénomène se définit par une onde de contraction se déplaçant d'arrière en avant simultanément sur les muscles grands Tirés à part: C. MANUEDDU, à l'adresse ci-dessus. et moyens fessiers selon un mouvement de rotation dont le centre se situe sur le grand trochanter. L'angle entre ces'2 ondes restant constant, on obtient l'image d'un éventail à demi-ouvert qui bascule vers l'avant à la marche. La présence de ce phénomène est, selon Scherb le signe de l'intégrité fonctionnelle de l'articula- tion coxo-fémorale. Plus tard, Senn (30) décrit le fonctionnement des muscles GM et GMax dans la même optique, avec un système élec- tromyographique plus élaboré. L'étude de Senn comme celle de Scherb est réalisée sur tapis roulant. Soderberg (32) étudie le fonctionnement du GM en le divisant en trois parties. Il montre ainsi qu'il existe une prolongation de l'activité électrique dans la partie antérieure du GM. Il n'aborde cependant pas la problématique du signe de l'éventail au sens strict. Enfin, l'étude de Paré et Stern (24) étudie les différents aspects fonctionnels dans quatre segments du muscle tenseur du fascia lata, elle se rapproche de la notre par sa méthodologie. Notre intention est de déterminer l'existence d'une expression électromyographique à l'éven- tail de Scherb. Les modifications de comporte- ment induites par le tapis roulant tant au niveau du déroulement du pied au sol que de l'activité musculaire des grands et moyens fessiers sont étudiées dans quelques types de marche. Population Il sujets normaux, 6 hommes et 5 femmes, en bonne santé habituelle et sans antécédent orthopédique ou

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Page 1: Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

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Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5, pp. 193-201© Masson, Paris, 1989

Étude du fonctionnementdes muscles gluteus medius et maximus

Une analyse électromyocinésigraphique

MÉMOIRE

C. MANUEDDU (1), Y. BLANC (2), W. TAILLARD (3)(1) Chirurgien-orthopédiste, (2) Responsable du laboratoire de Myocinésigraphie, (3) Chirurgien-orthopédiste, Chef de service,Professeur à la Faculté de médecine de Genève, Hôpital Cantonal Universitaire, 24, rue Michèli-du-Crest, 1211 Genève 4, Suisse.

Le comportement électrique des musclesgluteus maximus et medius est étudié sur solplat et sur tapis roulant, dans trois démarchesdifférentes. Chaque muscle est divisé en troisparties et le fonctionnement de chacuned'entre elles est décrit et comparé pour chaquedémarche dans les2 conditions. Dans ce cadre,le signe de l'éventail fessier de Scherb estétudié et sa corrélation électromyographiquediscutée. Le problème du déroulement du piedau sol dans les diverses conditions de marcheest également abordé.

Un grand nombre d'études traite du fonction­nement des muscles fessiers, la plupart d'entreelles (2, 3, 4, 10, 15, 18, 20, 22, 28, 33, 34, 36,38) <,léfinissant le fonctionnement des musclesGluteus medius (GM) et Gluteus maximus(GMax) par un seul vecteur de force. Lesélectrodes (ou la paire d'électrodes) sont placéesà cette fin au centre du muscle ou dans sa partiela plus charnue. Plusieurs auteurs ont cependantcherché à déterminer les particularités fonction­nelles existant au sein d'un même muscle. Parmieux, dans les années 40, Scherb (29) a étudiéle fonctionnement des muscles GM et GMax,primitivement par la palpation puis par l'élec­tromyographie naissante, et a décrit un fonction­nement original qu'il a nommé phénomène del'éventail fessier. Ce phénomène se définit parune onde de contraction se déplaçant d'arrièreen avant simultanément sur les muscles grands

Tirés à part: C. MANUEDDU, à l'adresse ci-dessus.

et moyens fessiers selon un mouvement derotation dont le centre se situe sur le grandtrochanter. L'angle entre ces'2 ondes restantconstant, on obtient l'image d'un éventail àdemi-ouvert qui bascule vers l'avant à la marche.La présence de ce phénomène est, selon Scherble signe de l'intégrité fonctionnelle de l'articula­tion coxo-fémorale. Plus tard, Senn (30) décritle fonctionnement des muscles GM et GMax

dans la même optique, avec un système élec­tromyographique plus élaboré. L'étude de Senncomme celle de Scherb est réalisée sur tapisroulant. Soderberg (32) étudie le fonctionnementdu GM en le divisant en trois parties. Il montreainsi qu'il existe une prolongation de l'activitéélectrique dans la partie antérieure du GM. Iln'aborde cependant pas la problématique dusigne de l'éventail au sens strict. Enfin, l'étudede Paré et Stern (24) étudie les différents aspectsfonctionnels dans quatre segments du muscletenseur du fascia lata, elle se rapproche de lanotre par sa méthodologie.

Notre intention est de déterminer l'existence

d'une expression électromyographique à l'éven­tail de Scherb. Les modifications de comporte­ment induites par le tapis roulant tant au niveaudu déroulement du pied au sol que de l'activitémusculaire des grands et moyens fessiers sontétudiées dans quelques types de marche.

Population

Il sujets normaux, 6 hommes et 5 femmes, en bonnesanté habituelle et sans antécédent orthopédique ou

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194 Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5

I[MG BRUI 1 LCONTACTS À PRESSION

PIED / SOL

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E/'\[ mUR

(} 5 CANAUX)

ANALYSEUR DE CYCLES DE

IV\RCIIE

- EMG BRUT OU FILTRt

- [MG VALEUR EFFICACE

- [MG : INTlGRATEURS

- FEN~TRES AJUSTABLES

- COI\PTEUR DE CYCLES

DE ""RCIIE

- ME SUR E DE S oVII'LI TUDE S

DE MOUVEMENT

- VITESSE ET ACC(L(RATIOU

ANGULA 1 RES

- CONTACTS PIED / SOL

ENREGISTREUR

GRAPIlIOOE

8CAlIAUX

FIG 1. - Organigramme du système.

neurologique connu sont testés. La moyenne d'âge de lapopulation est de 30 ans. La moyenne d'âge des sujetsmasculins est de 29 ans (extrêmes de 23 à 43 ans) et celledes sujets féminins de 31 ans (extrêmes de 23 à 43 ans).

Matériel et méthode

Nous avons palpé les variations de consistance desmuscles GM et GMax dans différentes démarches, etcomparé ces résultats cliniques avec ceux de Scherb. Uneanalyse EMG est ensuite effectuée. L'organigramme (fig 1)explique le fonctionnement de notre système de mesure.

Nous avons utilisé les électrodes de surface mini­Beckman(diamètre de captation de 2,5 mm) dans l'axelongitudinal des faisceaux mùsculaires. 3 paires d'élec­trodes sont placées sur chacun des 2 muscles fessiersétudiés. 3 parties sont ainsi définies pour chaque muséle,soit les segments antérieurs, moyens et postérieurs. Leplacement des électrodes effectué selon des critèresanatomiques est le même que celui que Senn établissaiten 1964 (30). La figure 2 montre la position des pairesd'électrodes. La première paire d'électrodes se situe2 travers de doigt en dessous et dorsalement par rapportà l'épine iliaque antéro-supérieure. Une électrode deréférence est placée sur la cuisse au-dessus du genou.

FIG 2. - Emplacement des électrodes.

DÉROULEMENT DU PIED

Le comportement du pied au sol est étudié selon laméthode expérimentée et utilisée dans le laboratoire decinésiologie du service d'orthopédie de l'Hôpital CantonalUniversitaire de Genève (7).

Page 3: Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

Ann. Kinésith ér., 1989;A. 16, n° 5 195

MARCHE SUR PLACE

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FIG 3. - Activité du TFL et des parties antérieures et moyennesdu GM dans la marche sur place, avec référence au podogramme.

VALIDA nON DU PLACEMENT DESÉLECTRODES

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APPUI

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PIED GAUCHE

cles GM et GMax : à l'exceptien de la marchesur place, 2 ondes «de tension» musculairesont palpées : un premier durcissement dans lesrangs postérieurs du GM, et un deuxième plustardivement dans les rangs antérieurs. Dans lamarche sur place, seule Utre' tension uniformeest palpée. Pour le GMax, nous n'avons àl'encontre de Scherb, (29, 30) pas réussi àpercevoir de signe de l'éventail.

Deux types de contrôle ont été effectués : lepremier afin de s'assurer de l'absence de« cross-talk » entre les signaqx électriquesprovenant du muscle tenseur du fascia lata etla partie antérieure du GM. (fig 3). Le deuxièmeest une comparaison de l'activité recueillie:parles électrodes de'surface et par des électrodes-filsimplantés selon la méthode de Basmajian-Stecko(2). Aucune différence de durée et de phase n'aété remarquée entre ces deux types de mesures.

PIED DROIT

GLUTEUS MEDIUS

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TENSOR FASCIA LATAE !,"''''M'

GLUTEUS MEDIUS

(PARTIE ANI.)

TESTS

ANALYSE DES TRACÉS

Les sujets ont effectué trois exercices de marche piedsnus: Marche en avant, sur la pointe des pieds, et marchesur place. Ces exercices sont exécutés sur sol plat et surtapis roulant à l'exception évidemment de la marche surplace. Le sujet marche dans un couloir (30 m X 3 m)sur un sol lisse et plat. Le tapis roulant permet un réglageprogressif de la vitesse, ce qui permet l'adaptation à lanouvelle condition de marche. La plage de vitesse estrelativement restreinte et dépend du poids du sujet et dela surface d'appui sur le tapis. Le moteur du tapis esttoutefois assez puissant pour fournir une vitesse deroulement telle que tous les sujets puissent marcher àvitesse confortable. La moyenne des vitesses est de54,6 rn/min avec des extrêmes de 45 et 59 rn/min. Lesmesures ne sont effectuées que lorsque le sujet ne se sentplus gêné par le tapis roulant. La surface du tapis roulantpossède les mêmes caractéristiques que la surface du solet n'est pas en elle-même à l'origine d'une variation dupodogramme.

Les mesures sont effectuées à partir du troisième oudu quatrième cycle de marche. De même, les cycles quiprécèdent et qui suivent le demi-tour sont supprimés carils ne représentent pas un steady-state. Tout tracé parasitéest éliminé.

En vue de l'analyse quantitative, la valeur efficace dessignaux EMG (RMS) est enregistrée sur Floppy-disk. Lestracés sont traités par interpolation de la courbe moyenneavec déviation standard prise tous les pour cent du cycle.On détermine les moments de survenue des amplitudesmaximales et minimales tant en phase portante qu'oscil­lante. L'activité de chacune des portions musculaires estintégrée en différentiant l'énergie en phase portante etoscillante également. On tient compte pour ce faire deseuils mémorisés, représentant des niveaux d'activitéau-delà desquels la partie musculaire étudiée est considé­rée comme active ou non. Le seuil d'activité est représentépar le niveau d'activité électrique atteint en appuimonopodal droit. L'analyse du podogramme est effectuéede manière statistique tant sur les mesures en temps réelque sur les valeurs normalisées. Dans le but de comparerle déroulement du pied dans les différentes démarches sursol plat et sur tapis roulant, nous avons utilisé leprogramme SPSS qui nous permet d'effectuer des testspairés (tests de Wilcoxon, Friedman, T de Student) et ainside déterminer les différences statistiquement significativesentre les conditions d'examen.

Résultats

MARCHE HABITUELLE SUR SOL PLAT (fig 4et tableau 1)

Nous avons palpé pour chaque sujet et chaqueexercice les variations de consistance des mus-

Dans le GM, l'activité apparaît en premierlieu dans la' portion postérieure du muscle à98 % du' cycle, soit à la fin de la phase

Il

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196 Ann.Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5

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SOL PLAT

MARCHE HABITUELLE N.11

SOL PLAT

MARCHE HABITUELLE N.11

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TABLEAU 1

Marche enMarche enMarche surMarche surMarche suravantavantpointepointeplaceSol plat

T. roulantSol platT. roulant

Apparition

GM post9899 97961Activité

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(%)ant100 99 10099,50

Stop

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Activitémoy25 41 393947

(%)ant38 42,5 42,54148

PassageAppui-oscil-

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lation (%) ,.-...~ GMax post 3,6127,93,9/ 19,73,8/ 25,31,6/22,711,3/ 8,6

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-<ant6,7/135 4,6/132,23,6/100,93,7/94,09,1177~

Page 5: Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

d'oscillation, puis presque simultanément dansles parties moyennes et antérieures à respective­ment 99,5 et 100 %.

L'arrêt de l'activité s'observe d'abord dans lapartie moyenne (25 %) puis dans la partiepostérieure (27 %) et ensuite dans la partieantérieure (38 %). L'activité électrique estbiphasique di:ms la portion antérieure du GMavec de 17 à 27,5 % du cycle une périodependant laquelle le niveau d'activité est situé àla limite du seuil en appui monopodal. Ladeuxième bouffée d'activité apparaît de 27,5 à38 % du cycle. On peut donc considérer laportion antérieure comme active de 0 à 38 %sans discontinuer par le fait que la période la« moins active» se trouve à la limite du seuil,ou alors considérer cette dérivation commebiphasique.

Le GMax présente des niveaux d'activité plusfaibles. Cependant, si l'on respecte strictementnotre critère d'activité, - le choix du seuil estdiscuté ci-dessous - la portion postérieure duGMax est active (quoique très faiblement) toutau long du cycle. Les minima calculés en appui(7,2 f.Lv)comme en oscillation (7,5 f.Lv)sont eneffet tous les deux plus grands que le seuil enappui monopodal (5,9 f.Lv).Les deux dérivationsantérieures montrent un début d'activité à la finde la phase d'oscillation, précisément à 94 %pour la partie moyenne et à 95,5 % pour lapartie antérieure. L'arrêt de l'activité est plusprécoce pour la partie moyenne (25 %) que pourla portion antérieure (29 %). La particularitéde ces 2 dérivations réside dans la boufféed'activité enregistrée au passage appui-oscilla­tion, soit de 62,5 à 66 % pour la partie moyenneet de 60,5 à 65 % pour les fibres antérieures.La déviation par rapport à la moyenne estégalement plus forte à cet endroit qu'elle ne l'estpartout ailleurs sur le tracé. En phase d'appui,les maxima s'échelonnent d'arrière en avant avecdes niveaux d'activité toujours plus importants.De 3,6 à 6,7 % du cycle et de 27,9 à135 microvolts pour l'amplitude. Les maximaen phase d'oscillation montrent le réveil d'acti­vité des muscles fessiers avant la phase d'appui.Le passage de l'appui à l'oscillation se situe à61,3 % du cycle de marche.

Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5 197

MARCHE EN AVANT SUR TAPIS ROULANT

(fig 5 et tableau 1)

L'activité du GM est superposable à celleproduite dans la marche habituelle. Le GMaxprésente une faible activité dans ses 2 portionspostérieures, avec un renflement en début dephase d'appui et au passage appui-oscillation.La courbe de la partie antérieure du GMaxprésente les mêmes caractéristiques que lescourbes du GM.

PODOGRAMME

Nous n'avons pas observé de différencechronologique entre le déroulement sur sol platet sur tapis roulant. La chronométrie est parcontre impossible à juger dans cet exercice enraison d'une vitesse de marche significativementdifférente dans les 2 conditions. Shiavi et coll.(32) ayant démontré l'existence d'une variationen fonction de la vitesse de marche de para­mètres tels que l'appui, l'oscillation ou le doubleappui, les tests statistiques ne fournissent pasd'élément fiable dans cette situation.

MARCHE SUR LA POINTE DES PIEDS. SOLPLAT (tableau 1)

Comme dans les cas de la marche habituelle,on retrouve une activité biphasique du GM danssa partie antérieure. L'image présente parailleurs un aspect similaire à celle de la marcheen avant.

MARCHE SUR LA POINTE DES PIEDS. TAPISROULANT (tableau 1)

On retrouve l'image habituelle avec desmaxima en phase d'appui situés entre 1,6 et3,7 % du cycle, et un regain d'activité en find'oscillation. Ici, comme dans la démarche sursol plat, il existe une activité biphasique dansla partie antérieure du GM.

PODOGRAMME

La caractéristique de la marche sur la pointedes pieds du point de vue du podogramme est

Page 6: Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

198 Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5

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MARCHE EN AVANT N.1 1

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de n'utiliser que 3 contacts plantaires, (parfois2) le talon n'intervenant pas, par définition.Dans cet exercice, les comparaisons statistiquessont effectuées tant sur les valeurs en temps réelque sur les valeurs normalisées, car nous avonsobtenu une vitesse (donc une cadence) statisti­quement égale dans les deux conditions d'exa­men (56,56 cycles/min sur sol plat et 56,63cycles/min sur tapis roulant, p < 0,01). Lacomparaison de la plupart des événements (entemps normalisé ou en temps réel) nous montreque les deux conditions d'examen sont diffé­rentes pour p < 0,01. (tableau II)

MARCHE SUR PLACE (fig 6, tableau 1)

Il n'y a pas de maximum net en début de cyclesuivi d'un decrescendo mais 2 maxima d'inten-

TABLEAU II : Histogramme représentant le podogramme env.aleursnormalisées dans la marche sur la pointe des pieds: entrait plein sur sol normal, en trait interrompu sur tapis roulant.Première valeur, moyenne sur solplat, deuxième valeur, moyennesur tapis roulant. L'astérisque (*) indique les différencessignificatives à p < 0,01.

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Page 7: Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

imprécisions du sytème de mesude fond du au déplacement ou aula peau, des muscles et du matéGMax, il intervient principalemaintien de la posture en positionle test de Romberg (18). Serait-ild'employer le seuil en appuidifférence de l'ordre de quelqentre le seuil en appui monopodce travail et l'activité mesurée enest cependant négligeable.

En ce qui concerne le signfessier, la palpation nous donrésultats que Scherb pour le Gaucune corrélation électromyogrexpression palpatoire n'est misenotre avis, le phénomène palpatofessier correspond à une misimprimée à l'appareil musculo-tepar la dynamique complexe du

Discussion

sité à peu près égale à environ 10 et 40 % ducycle de marche. Par contre, comme dans lesautres démarches l'image de la prolongation del'activité de la partie antérieure du GM existe.L'activité du GMax est faible dans cet exercice,il est pour cette raison difficile de tirer desconclusions sur ces courbes.

L'appui monopodal a été choisi comme seuild'activité en tenant compte de la fonction duGM. Pour des raisons de standardisation, lemême choix s'est imposé pour le GMax. En cequi concerne le GM, ce choix s'explique puisquece muscle possède une fonction abductrice dehanche. L'activité électrique dépassant le seuilreprésente donc bien l'expression de la dynami­que du muscle dans la locomotion, (avec les

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200 Ann. Kinésithér., 1989, t. 16, n° 5

fémur dans la locomotion et non à unecontraction musculaire vraie. Par ailleurs, lesparties antérieures du GM présentent uneactivité électrique prolongée, de telle sorte qu'ilest justifié de penser que le muscle ne secontracte pas « en bloc » mais qu'il existe uneadaptation dépendant de la situation anatomiquedes fibres ou de leur innervation. L'existenced'un support anatomique à la prolongationantérieure de l'activité, matérialisée par desramifications nerveuses particulières ou l'exis­tence de centres d'intégration de la marche·fonctionnant comme commande d'une portiondéfinie d'un muscle, n'est à notre connaissancepas décrite. Du point de vue fonctionnel, on peutaffirmer en remarquant les similitudes entre lescourbes du GM et la courbe de la partieantérieure du GMax que la partie antérieure ouantéro-externe du GMax se comporte commeune unité fonctionnelle avec le GM.

Lorsqu'on compare les tracés dans les deuxconditions d'examen, on remarque que lesmaxima d'intensité en phase d'appui sont tousplus élevés (tableau 1) dans la marche sur solplat que sur tapis roulant, tandis que la courbereste à un niveau moyen d'activité plus impor­tant dans les exercices sur tapis roulant.L'énergie apportée par le tapis roulant diminueprobablement la quantité de travail que lemuscle doit fournir pour attaquer le pas. Parcontre, les mouvements d'insécurité entraînéspar le tapis peuvent expliquer que l'activité resteà un niveau relativement élevé. Le tapis roulantnécessiterait un « ajustement» plus importantde l'équilibre antéropostérieur ou du maintiendu bassin dans le simple appui.

Les événements distaux influencent relative­ment peu l'activité électrique des musclesfessiers. Les courbes musculaires possèdent lamême enveloppe pour les démarches habituelleset sur la pointe des pieds, tant sur sol normalque sur tapis roulant. La marche sur place, parcontre donne une image différente probablementdue aux différences cinématiques du bassin :absence de mouvement de rotation pelvienneaccompagnant l'attaque du pied au sol (26).

Enfin, l'étude du déroulement du pied nousapprend que le tapis roulant modifie sensible­ment le podogramme dans sa chronométrie. Lesdifférences essentielles portent sur les doubles

appuis initial et final qui sont en général pluslongs sur tapis roulant que sur sol normal. Ladurée d'appui des différents contacts plantairesest également statistiquement plus longue surtapis roulant. La prudence est de mise lors del'interprétation des tests statistiques. On sait quela vitesse du pas modifie les événements dupodogramme (32). Les calculs ne peuvent doncêtre faits que si les vitesses des démarchescomparées sont statistiquement égales. Cettecondition est respectée dans la marche sur lapointe des pieds, on constate ainsi de manièrestricte que le tapis roulant modifie de manièresignificative les événements du podogramme(p < 0,01).

Conclusion

Le signe de l'éventail de Scherb est unphénomène clinique que nous retrouvons à lapalpation du GM à la marche, et dont lacorrélation EMG n'est pas mise en évidencedans ce travail. A notre avis, le phénomènepalpatoire ne correspond pas à une contractionmusculaire mais à une mise en tension impriméeà l'appareil musculo-tendineux fessier par lacinématique complexe du bassin sur le fémurdans la locomotion.

Les muscles GM et GMax présentent uneprolongation de leur activité électrique au niveaude leur partie antérieure à la marche.

La partie antérieure du GMax présente unesimilitude fonctionnelle au GM si l'on en croitla similitude des courbes.

Les événements distaux (podogramme) n'ontsemble-t-il qu'un faible déterminisme sur lefonctionnement des muscles de la hanche. Lamême remarque s'impose dans la comparaisontapis roulant-sol plat. Hormis des maximasensiblement différents et un niveau d'activitéglobalement plus important sur tapis roulant,les courbes sont identiques. Les déterminantsmajeurs de l'activité électrique musculaire sontdonc certainement la direction de déplacement(avant-arrière-sur place) et la vitesse de cedéplacement.

Page 9: Étude du fonctionnement des muscles gluteus medius et maximus

Le tapis roulant modifie le déroulement dupied au sol dans sa chronométrie et non danssa chronologie.

Références

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