trumelet algerie legendaire

512
Trumelet, Corneille (1817-1892). L' Algérie légendaire : en pélérinage çà et là aux tombeaux des principaux thaumaturges de l'Islam, Tell et Sahara. 1892. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés sauf dans le cadre de la copie privée sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source Gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue par un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Upload: dlnew

Post on 24-Oct-2015

192 views

Category:

Documents


6 download

DESCRIPTION

travel literature

TRANSCRIPT

Page 1: Trumelet Algerie Legendaire

Trumelet, Corneille (1817-1892). L' Algérie légendaire : en pélérinage çà et là aux tombeaux des principaux thaumaturges de l'Islam, Tell et Sahara. 1892.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés sauf dans le cadre de la copie privée sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source Gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue par un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Page 2: Trumelet Algerie Legendaire

0<Sbutd')<nesë~icde doc<:<n'ttsen couteuf

Page 3: Trumelet Algerie Legendaire

m rpotptt~fNnnofLALuMt)'<L&b&NijAtn&

ENPÈLERINAGEÇA&LAauxTombeaux

CES

ppincipauxThaumaitu~es de FIstam

(TeneiSahsa)fAR

LECo~NELC.TRUMELKTCOMMANCEUnOE~OBOnENEt.A!.È<})Ot)tt'MOONEUR

OFF)C)EKDEt.')NSTnUCT!ONPUBLIQUEMEMBMEBBLASOCtÈTÊDESOEtiSnE t.ETtaES

BB LA SOCtÊT~ mStO&!<!UE A!.o6(HHt<B

OË t.A SOOtM B'ABCHÉOLOQtE ET nE 8TATt8T<QUE nB t.A )tR~MB

Efa. ETC.

~~U~~L~XJL~~l-~

Mï~csles<o!H&eïdes ~a<H<~du Z)<eM/'M!'MNH<MMsontpe~e~de~<e<Men<!<tMpW~K~denause,Quet~~HMentdes<c<a~d'«r pM!.

~HKMUt

'a~e

ALGERLIBRAIRIE ADOLPHE JOURDAN

iMPRIMEUR-UBRAtRE-ÉDtTEUR

4. PLACB DO OODYBBN6MEKT. 4

1800

Afs~Tïy CHAU,AMEL,éBn'BB&

iy.~aeJacob.B&MS

Page 4: Trumelet Algerie Legendaire

s

EN VENTEA LAMÊME UBRAtRtE

BLÏDA

RÉCITS

SE~ONLALEGENOE,LATRAD!T!0}<8TL'H:STOtR8

PAN

t-6 COLONELC. TRUMELET j

CSMMASOEUR PE !OnfME DE t.~ t.KatOS R'XONKEtJR

OFFtntËK ns t.'t~STMMTtON fUHt.tOUE

MEMRRE OE t.A SOCH':TH MKS <;RKS RE LETTRES

–«e~–

Deux beaux vol~mea RTMi~ in-18. V fo.

UNE PAGE DE L'HISTOIRE

BE ]E.A aoiL.OMtSA.~TCUST A.t.OÉ«.tEZ<rBTS

B OU-FAR IK

~AR t<B MËMB

Tin beau volume grand in-18. ~a f<

ttjMX. ttMBf.H'm):tOttjmtnXXMit.

Page 5: Trumelet Algerie Legendaire

F<n d'une sdno de dttcmnenta

en e<M!tHjt

Page 6: Trumelet Algerie Legendaire

L'ALGÈRtELÉGENDAIRE

Page 7: Trumelet Algerie Legendaire

t'~fiGÎmf..LEGENDÂIRE

EN PÈLERINAGEÇA

&: LA

aux Tombeaux

BES

pciactpaMX Thaumaiuc~es de l'Islam

(Tell ei Sahca)

FAa

LE COLONEL C. TRUMELET

COMMANOBUaDE t.<MtME BB LA LÉOtON B HONNEUR'V~

OFPtOtBR CE t.'tttSTRCOTtOK POBHQOE

MBMBRB BB t.A SOCtÈTÈ 068 eBNS BE t.BT!'aES

DS LA SON&Të HtSTOBtQUE AMÈtHEN~B

DR LA aOQt&TË B'ABCH~Ot.OOtE ET OS STATtSTtQOE BB LA M&M6

ETC. MC.

~~)< <&<.U~

~?

~~e~ tombesdesSaintsdu Dieu~M~M<M!

~UMMHtpar~e~ de t~<em<'n<! «Mpr~n~de atMM,

Que ~«oMne~! des oe<a<f< d of pur.

s~ <Mttt

ALGER

LIBRAIRIE ADOLPHE JOURDAN

IMPRÏMEUR-UBRAIRE-ÉMTEUR

4, M.&CSBUOOOVEttNBHENT,4

y~18 8 S

AccïSTmCRAMAMESÉNsmiy.RM~r&e~.B&MS

Page 8: Trumelet Algerie Legendaire

AVANT-PROPOS

Nousavonsdémontré,dansun denosprécédents

ouvrages, l'intérêt que pouvait présenter l'étudedes mœurs religieuses des groupes musulmansdont nous avions charge des corps, sinon des

âmes, dans les pays de l'Afrique septentrionale

que nous avions conquis, et dans ceux ou nous

pousseront encore irrésistiblement les besoinsde

la politique, du commerce et de la civilisation,voiremême la curiosité, et cette forced'expansion

que nous avons tous au cœur, et qui nous faitaf-

fronter tous les dangers avec la foi des premiers

martyrs.Or, pour acquérir cette force de pénétration

sans laquelle tout nous serait et ferait obstacle, il

nous faut d'abord étudier les choses cachées, les

mystérieusespratiques des groupesquenous som-

mes exposés a rencontrer sur notre route téné~

breuse, silencieuse,muette. La légende, en effet.est l'histoire despeuplesquin'enontpoint d'écrite;

i

Page 9: Trumelet Algerie Legendaire

~t~~SmS~t:

~l~~

~='~ANT-PReMS

VoltaireFaditd'ailleurs «Il n'yapaa jusqu'auxlé-

gendeaqui ne puissentnousapprendreàconnattre

les mœurs des nations. » Si nous ne sommespasmunis de oe viatique indispensable, en pays mu-

sulman surtout, tout nous sera lettre close, et

nous marcherons à tâtons et on aveugles,et plussouvent à côté de la voie que sur la voie alla-

môme, car los sentiers de Hstam sont diNiciieset

tortueux. Il y a là, nous le répétons, une carte

à étudier, et cette carte, c'est la Mgcnde.Hest certainque, commenous l'avons dit autre

part, faire parler un Musulman, surtout lorsquele sujet touche par quelquecôté à sa religion,&sa

croyance et à ses saints, toutes choses qui, pour

lui, sont A~'of~ou sacrées; il est certain, disons-

nous, que ce n'est pas chose facile; pourtant, la

difficultéest moindre si l'interrogateur appartientau J~c~seM' ou au commandement; si, en un

mot, c'est un puissant qui tienne ses intérêts ou

ses destinées entre ses mains; et encore faut-il

qu'il soit bien démontré à l'interrogé qu'il lui se-

rait inutile de chercher à tromper le. savant des

chosesde la religionqui veuten pénétrer les mys-tères, ou acheverde soulever le voile qui en dé-

robe la connaissanceaux profanes.Comme la plupart des saints personnagesdont

hous allonsnous occuper,ou qui joueront un rôle

i. Le Gouvernement, l'Administration.

Page 10: Trumelet Algerie Legendaire

>c. ~4, '<-.H

ÀVAN~pa~pos

au cours de notre raeit, appartiennent &la caté-

gorie connue, en Algérie, ~ouata quatiMcationde

marabouths,nous allons rappelerce qu'on entend

vulgairement et habituotlement par l'expressiondo ww~ot~A. «Cemot, qui vient du verbearabe

~'a&a~ signine ~MacA~ ~~M~ <?w~MOH-'H~ à la troisième forme, il fait M!Mf&o<A,dont

nous avonsfait ww~oM~. tt a donc absolument

te sonsde notre vocable))'p~«*K~lequel vient du

verbe latin ~ya~ lier, attacher, d'où .dérivew-

ligio, qui se traduit par «ce~M!~Mac~cou ~MM/

« (au ngure), /MMww<~ o&a<MMde co~MCMMe~« 0~<K'~MMM<«MO~MOM*,~K!)'a< ~<MWMe

« D~tM!< »Le marabouth est donc l'hommo

qui est a«acA~aux choses divines; U

est e~M'MOMM~ et il n'en doit jamais sortit',dans la règle do conduite que lui trace le

Livre descendu du ciel (leKoran) pour fixer dé-

finitivement les limites du licite et de l'illicite.

Le marabouth, c'est l'homme spécialement voué

à l'observance des préceptes du Koran; c'est le

conservateurde la loi musulmanedans toute son

intégrité; c'est enfin l'homme que, autrefois

surtout, la prière, les bonnes œuvres, la vie

ascétique et contemplative, rapprochaient de la

Divinité car la religion musulmane, qui.a toutemprunté aux religions juive et chrétienne, a eu

aussi ses ascètes, ses anachorètes, et, plus tard,ses moines ou cénobites; et les austérités, les

Page 11: Trumelet Algerie Legendaire

$ A~NT'-PMMS

macérations,les morUneatioMdo ses saints, tais*

sent bien, loin derrière eUes ceMeaauxquellesso

souMettaient les vieux Pr~ph&tesd'ïsrael, qui.t

pour fuir la société des hommes, se retiraient

dans les montagnesou dans les déserts, et ces so-

litaires chrétiens qui, dans les M! ÏV et V sic.

ctes de notre ère, peuplèrent la ThobaModéser-

tique'.M`

Nousdirons plus vulgairement,avecnotre ami

si regrette,MarcelinBeaussier,interprèteprincipatde l'armée d'Algérie, dans son D<c«oMM<K~e~a"

<<yMea~'a~a?~~ au mot A~*a~A «Les ma-

rabouts étaient des hommesvoués à l'adoration,liés à Dieu, qui ont laissé une réputation de sain-

teté on leur donnele titre de OMO~,<~M<~J~M~

saint, et leur nom est toujours précédé du qua-lificatif Sidi, seigneur, monseigneur. Leur nom-

breuse postérité conserve le titre de ~M~oM~et formela noblesse religieuse des Arabes. !1 y a

peu de tribus, en Algérie,où l'on ne trouve une

fractionde marabouts. »

Nous avons dit, dans un autre ouvrage, que,

i. Las SABttSm t.'h~AH.t~eH~M hagiologiqueset C<'oyaMCMMtMM&MNHMa~j~MMM, par lr cotonetC. Trumelet.

2. El-Ouli, d'aptes le livre des déBattionsd'Ech-Oteïi~-AM-

Djordjami,est la proximité métaphystqae qui résulte de raf-

a'ancMssement, ou de relations étroites et nécessaires. On enaurait fait le mot oMa&tïa;de même que le mot OMtMaseraitl'action d'être en Dieu, notre propre personnalité ayant dis-

paru. (L. Gcm.)

Page 12: Trumelet Algerie Legendaire

AVANt'PttOMS ?

«dès la prise de Grenade, en i498, un grandMembrede Mores-Audalousavaient quitté t'Es.

pagne et s'étaient établiadans!eMareh plusieursde ces réfugies,–de savants et pieux docteurs,avaient poussa jusqu'à l'cuad Draa, et sollicité

leur admission a la grandeZaouïa. de Saguict-Et-Hatnra, dans ce lieu d'étude et de prière où,

dégoûtesdu monde et de sesmisères, ils venaient

chercher le cattue et la sérénité de l'Ame,et con-

sacrer au service de Dieu ce qu'il lui plairait de

leur accorder encore de jours et d'énergie, pourfaire triompher sa cause dans les régions où ré-

gnait l'ignorance ou FInMèle.

« Les Mores-Andaïousexpulsés, qui avaient

choisi pour retraite la célèbreuniversitéreligieusede Saguiet-Ei-Mamra continuerons-nousavecle

texte précité, étaient, en général, des hommes

considérablesdans les scienceset dans les lettres,des docteurs de réputation; tousétaient, en même

temps, des gens de prière et d'une ardente dévo-

tion quelques-unsmême,amrmait-on,jouissaientdu don de prescience et de celui des miracles

voués entièrement à Dieu, et spiritualisés à ce

point qu'ils semblaient appartenir à un ordre

d'êtres intermédiaires placés entre l'homme et la

Divinité, ces saints marabouth faisaient l'édin-

i. Sabra marokain. De tout temps, les Zaouia ont été trèsnombreuses dans la vaUéede l'ouad Dra<t.

Page 13: Trumelet Algerie Legendaire

6 AVANT-PROPOS

cation des anciens ?%o~: (Lettrés)de la Zaouïa,

teNquelaavaient pour eux la plus reap~otMeusevé-

nération. La grande Zaouïàde Saguiet-El-Hamra

appartenaità l'ordre de Sidi Abd-el-Kader-El-Dji-lani, et c'est de çapoint qu'aux XVt"etXV! sie-

ctcs, ces saints missionnairesao rdpandÎMntvor~

l'Est a~nen, dans lesmontagnesdesKabitapar-ticulièrement, pour y ~aMM~ les populations

ignorantes et grossières de ces diBicUesrégions.C'était doncaux marabouth de Saguiet-Ei-Mamra

que devait revenir tout l'honneur d'une paroino

entreprise.Les blores-Andalousétaient, du reste,dans les conditionsles plus favorablespourmener

à bonnefin une œuvrequi exigeait de la science,de l'habileté, une foi ardente, la ferveur d'un

apôtre, la passion du prosélytisme, et un entrat-

nement prononcévers la vie ascétique.« C'est dans ces conditions, et après leur avoir

donnéses instructions,q~ele Cheikh doSaguiet-Et-Hamra réunit le premier groupe do ceux des

marabouth qu'il avait désignés pour être lancés,en qualité de missionnaires, dans les régions al-

gériennessit' .es &l'Est du R'arb ou Mor'reb. M

La plupart de ces missionnairesréussirent dans

leur entreprise religieuse, s'établirent plus tard

dans le pays, et y firent souche. En effet, à c'ha-

1.LedirecteurspiritueldelaZaouia.2. L'Ouest,le Marok, le Mogbreb, ou Mor'reb.

Page 14: Trumelet Algerie Legendaire

AVAMHMMHWi! ?

que tribu kabile s'est juxtaposéeune famillearabe

d'origine morosque-andalouse,laquelle, de tous

temps, a servi d'intermédiaire entre les Kabils et

laDivinité.Les tombeauxdesa<w~(amis deDieu)dmaillontde leurs blanchos les pitons des

pays kabils, les grands espaces des Hauts-Pla-

teaux, et la région dosKsour ou Oasisdu Sahra

algérien. H est & remarquer que, do l'Ouest &

l'Est, la foi aux saintsvadiminuant d'intensité au

fur et mesure que l'on s'éloigne du foyer reli-

gieux, le Marok, qui est le pays de l'Islam parexcellence ainsi, tandisquo,dans l'Ouest, le paysest littéralement constellédo kobab, lesquellesysont élevéespar groupes de trois ou quatre Ala

fois sur un même point, cette proportion va sen-

siblementen décroissant&mesure qu'on s'avance

vers le Chcurg (l'Est), c'cst-a-dire en traversant

les provinces d'Oran, d'Alger, de Constantine, et

la Tunisie.

Un savant et vénéré marabouth, très versé dans

l'hagiologie islamique, et dont j'avais fait la con-

i. Pluriel de &oMHa,coupole, chapelle, où reposent les restesmortels d'un saint marabouth, chef de famine, et de quelques-uns des saints de sa descendance. Les Croyants de ta tribu sefont habituellement enterrer autour du tombeau de leur saint,qui est devenu le patron et le protecteur du pays.

LaAottMaest un petit monument de formecubique, surmontéd'une coupole, élevé en l'honneur ou sur le tombeau d'un saintmarabouth. En Algérie, confondant le contenu avec le conte-

nant, nos soldats ont désigné ces petits monuments sous l'ap-pellation de marabouts.

Page 15: Trumelet Algerie Legendaire

8 AVANT-NXM'OS

naissance &BMda,alors que j'étais chef de bâtait-

ton au i" de Tirailleursalgériens,cesaint homme,

dis-je, de la célèbre tribu cherinenne des Oulad-

Sidi-Ahmed-el-Kebir,et l'un dea descendantsdu

saMt fondateur de Blida, voulut bien, sur ma de-

mande, me continuer ses bonnes leçons, ~t me

Norvirde ~uidodans la ~e~a (pèlerinage, visite)

que j'avais forme le projet de faire aux tombeaux

des principaux saints algériens, et cela malgré

l'importance et les fatigues de cette pieuse entre-

prise. Aprèsavoircomposenotre itinéraire, je pris

jour avec Si Mohammed-ben-Ei-Aabed,et nous

nxames la date de notre départ. Nous devions

commencernotre ~M~ par les saints du Sud, re-

venir dans le Tell, et visiter ceuxdu littoral, c'est-

à-dire les saints maritimes.

Nous allons donc nous enfoncer dans les pro-fondeurs du Su4 occidental; puis, après avoir

visité les tombeauxdessaints quiont illustré cette

partie de la terre del'Islam, nous prendronsnotre

direction vers le Chcurg (l'Est), jusqu'aux fron-

tières de la Tunisie, nous arrêtant &ceux de ces

tombeaux dont les saints qui y ont laissé leurs

restesexposésà la vénérationdes Croyants,auront

marqué leur passage sur la terre par des œuvres

miraculeusesindiquant le degré d'influence dont

ils jouissent auprès du Dieuunique.Nous remonterons ensuite vers le Tell en lon-

geant notre frontière de l'Est, puis, reprenantune

Page 16: Trumelet Algerie Legendaire

AVANtr-PROPOS 9

1.

directionOuest, nous visiteronsles saints de l'in-

térieur, enpoussantjusqu'à la frontièredu Marok,

Ce long pèlerinage terminé, noua aurons une

idée complète, et surtout exacte, de la question

religieusemusulmane en Algérie, en ce sensquele caractère de sainteté de ces <w<Mde DMMvarie

avec la région qu'ils habitaient pendant leur exis-

tence terrestre. Los aoM/walgérienssont, en effet,des saints topiques dont les mcoursreligieuses,les formesde la dévotion,sont spécialesau milieu

dans lequel ils ont vécu c'est ainsi que le mysti-cisme des ascètesdu Sahra diMÔreessentiellement

de celui des saints qui ont établi leur ~c/oMa1

dans quelquecriquedu littoralméditerranéen de

même que la thaumaturgie de ces derniers est,

pour ainsi dire, sans rapport aveccelle des mara-

bouth vénérés qui ont opéré dans les montagnesdes Kabils.

«En effet,les thaumaturges du Sahra, ainsiquenous pourrons nous en convaincreau coursde ce

livre, ont quelque chosede plus poétique,de plus

chevaleresqueque les saints des montagnes, les-

quels semblent avoir, en quelque sorte, subi l'in-

fluence de la région et celle de ses grossières

populations sous le rapport des mœurs et de

I~élévationdes idées; aussi la nature des miracles

des saints du Sahra s'est-elle modmée très sensi-

1. AXe&Ma,solitude, grotte, retraite, ermitage.

Page 17: Trumelet Algerie Legendaire

iO AVANT-PROPOS

blement, comparativementa celledes <fOM<Rade la

région montagnarde: chez les thaumaturges du

Désert, elle empruntele caractèreaventureuxdes

populationsnomadesdo cette région dans le paysdes horizonsinfinis, la légende prend, en effet,jela répète, une allure plus chevaleresque, plus

guerrière, plus poétique elle rappelleplus volon-

tiers les exploits merveilleux du poète-sabreurAntar-ben-Cheddad-El-Absi;de Rabyah fils de

Monkaddam,le plus brillant, le preux le plus ad-

mirable de la vieille Arabie d'Amr-ben-Hind,le

Brûleur; de Find, le poète-guerrier des Bni-Zim-

man, et de tant d'autres. Là, nos saints aimentles

chevaux et la guerre, les mêlées furieuses; ils

aiment les beaux coups de lance qui ouvrent de

larges blessures, d'ou le sang noir jaillit en flots

bondissants; ils aiment ces merveilleuxcoups do

sabreoù les lames vont fouiller les entrailles des

guerriers jusqu'au fond des reins ce sont des

thaumaturges à cheval dont le cœur est chaufféà

la haute températurede la république des sables.

« Nous assisteronsaux sanglantes équipéesoù

les femmes chauffent la bataille en jetant tous

leurs charmes, toutes les promessesde l'amour,sur le champ du combat, pour exalter les guer-riers. ·

« Nous verrons aussi de saintsanachorètes, des

extatiques, dont les macérations, les mortifica-

tions, lestorturesqu'ils s'imposentpour dépouiller

Page 18: Trumelet Algerie Legendaire

AVANT-PMOMS ii

leur matérialité, leur terrestréité, pour dompterleur chair, pour sa rapprocher de Dieu, dépassenttoutes les folies mystiques, toutes les sublimes

frénésiesdes solitairesde la ThébaMe.

« Dans le désert, nous te répétons, nos saints

n'ont point aûaire &ces populationsgrossières, àcesmangeursdeglandsqui habitent lesmontagnesdu Tell, les Kabilies; le désert, c'est la patrie des

poètes,desbrillants cavaliers,descontemplateurs,des chercheurs d'aventures, tandis que le Tell,c'est le pays dos travailleurs de leurs maiea, des

échines courbées, des regards nxes ver~la terre,des intérêts mesquins et sordideset du prosaïsmele plus vulgaire. »

Cecidit, ceignons-nousles reins, mettonsnotre

M!M<M<Mf'do )'OM~M~à l'épaule, et en route pourle Sud!1

1. JtfMO!<e<<,sac Aprovisions fait de la peau d'un chevreau.Nous en avons fait notre mot ~«se«e.

2. Rouina, farine de blé griiié qu'on détrempe dans l'eau pours'en nourrir. Adéfaut de récipient, l'Arabedélaye sa farine dansun des pans de son bernous. Cette nourriture est surtout celledes indigènes en voyage ou en expédition.

Page 19: Trumelet Algerie Legendaire
Page 20: Trumelet Algerie Legendaire

L'ALGERIELEGENDAtRE

Partant d'El-Blida,la petite Rosede la Afe<«(/<t,lavillede Sidi Ahmed-el-Kebir,le saint ancêtredenotre

guide, nous marcAoMSavecla routede Laghouatb,selonl'expressionarabe, dans une directionsud;nous traversons successivementla ville de Médéa,leKaarSidi-Bokhari,dominé sur sa droite par le postedeBogbar,quenousavonsappeléleBalcondu ~se?'~et qui marque la limite de la zone telliennedans la

province d'Alger; puis, traversant les steppes des

Hauts-Plateaux, le paysde !a halfa, et le bassindes Sebakh'-Zar'ez, ces grands lacs sans eau et àfond de sel, donnant des effetsde mirage d'un effet

décevant,nous entrons dans le pays des OuIad-Naïl,grande tribu célèbre par la beauté et la facilité demœursde ses femmes;nous traversonsensuitele cen-tre européende Djelfa, qui est en même temps un

postemilitaire.Dece point, abandonnantla route de Laghouath,

nous prenons une direction ouept, nous nous enga-geons dans les massifs boisésdu Senn-Ei-Lebba,et

4, Seta~t,plurieldeSet~a,grandétangsaléMMprofon-deur.

Page 21: Trumelet Algerie Legendaire

m &'AMtBtEÏ~SBNMME

nous débouchonssur te Kaar'-Charef,notre ob;eottf.Denotrepremièreenjambée,nousnoussommestrans-

portés &quatre-vingt~nq Meaosau sud do Blida,eten pleinerégiondesKaonr.

Le Ksar-Charefse trouve situé à aix lieuesau suddela Sebkha-Zar'e!!occidentale,et à quatorzetieuesà l'ouest du poste de B~eUa.

Notré point bien établi, nous allons commencernotre sMM'aaux tombeauxdes saints dans la régiondes oasisaériennes.

t. Ondésignenouste nomde ksar (auplurieltsoMf)lesbourgsoubourgadesdu Sahra.JCï<CA«M/*signifiele t~e«:e-Ksar.

2.Péterïnage,visiteà touslieuxsaintsautresqueLaMekko,ouMekka.

Page 22: Trumelet Algerie Legendaire

ENPÈLERINAGE

DU SUDAU SUD-EST

ï

SIDI ALI-BEN-MAHAMMED

ETSIDIBOU-ZID

Un jour, il y a de cela trois siècles et demi,un voyageur, venant du coté du R'arb (Occident), arri-vait à l'heure de la prière du M~A?' sur une fon-taine aux eaux abondantes et limpides. Sa journéeavait été longue et fatigante, sans doute, car, bien

qu'il fût dans la force de l'Age,sa marche était lourde,

pesante, et il s'aidait de son long bâton ferré pourfranchir les hachures et les rides de la terre. Ce voya-geur, dont le chapelet à grains noirs, qu'il portait au

cou, annonçait la qualité de marabouth, n'avait pourtout bagage qu'un mézouedqui se balançait noncha-

lamment sur sa hanche droite; il tenait sous son

bras gauche un livre dont la couverture de <~eMel-

1. Coucherdu soleil.

Page 23: Trumelet Algerie Legendaire

<6 ~M6a!Rt6<~ttMMt!

/MaK(maroquin)était jaunie aux angtes,par l'usageaans doute.Colivre, eat-itutile de le dire? étaitle Livrepar excellence,la paroledeDieM,toLivrades.cendud'en-haMt,la Lecture,t'Admonition,la Distinc-tion, te Koran enfin.La fontainelui plut; il étaitd'ailleursau termede sa journée; iijeta son bâtonà terre, posa son McsoMe<~sur le bord de la source,puis ii nt ses ablutions et sa prière. Cepieux devoir

aceotnpH,le marabouthtira de son sac de peau quel-quespincéesdo farine d'orge et les mit dansun des

pans de sonbemoua prenant ensuitede l'eau danslecreuxde sa main, il en versa sur la farine,dont il CtunepAtequ'il mangeaaprès l'avoir arrondie en bou-lettes. Sat'o«tMaabsorbée,il puisa denouveaude l'eauavec ses deux mains réuniesen formedo vase, et butune fortelampéede cecristal liquide.Unbruit sourd,paraissantvenirde sonestomac,attesta la satisfactionde cet organe, et le marabouth remerciaDieude l'a-voir comblé do ses biens,quand tant d'autres mou-raient de faim.

La fontaineprès de laquelles était arrêté le sainthommese nommaitle Haci-Tiouelunelle se compo-sait de quatre sourcesbouillonnantesdont les eaux

limpidess'épandaientà l'est de Ksar-Charef.

Or, le jour baissant sensiblement,le marabouth

songeaà se chercher un gite poury passer la nuitun superbe figuier,épais et trapu &pouvoir donnerasileà unecaravanetout entière,et pareilà la emelied'un oiseau gigantesqueétendant ses ailes pour yabriter ses petits, ce généreux figuier, disons-nous,

s'épanouissait à quelques centaines de pas de la

source; en s'y dirigeant, le saint remercia Dieu, qui,visiblement, lui continuait ses bontés. Il allait arriverà cet arbre quand son attention fut attirée par desrestes de tisons maintenus allumés par le vent, et

Page 24: Trumelet Algerie Legendaire

t. SMt AU-BR'<.tMtA~!t!!B~T MM BM-KW n

brillantentre les trois pierresqui constituentle t~yertraditionneldespeuplesnomades.Cetaa attestait évi-demmentla présenced'un vivant dans toaenvirons

eneffet, ayant fait un tour'sur lui-mêmepour fouiMerte terrain, le voyageuraperçut, aux dernièreslueursdu crépusculedu soir,une tente roassatre tendue,pa-reilleà une immensetoiled'araignée,sur la lèvre d'unravin.

Bienqu'il fat la simplicitémême, le saint mara-bouth préféracependantrenoncerà sonarbre, et allerdemanderau mettre de cette tente <~<?ce qui oppat'-<<eM<<)J~tCM.Il pouvait,d'ailleurs,y avoir là desgensa remettre dans le sentier de Dieu !e pays alors enétait plein. Il se dirigeadoncversla <~Me<M'edepo!<deuxchiensmaigreset mal peignés,quil'accueillirenten grognantet en lui moutrant les dents, l'annoncè-rent au mattredo la tente. Le voyageur s'était arrêté&quelquespas de l'édificepileuxpour donner a seshabitants le temps de venir ie reconnaître.Unnègrene tarda pas, en effet,a~paraître à l'ouverture de lahaie de Meh'a(jujubiersauvage)quiprotégeaitla tenteet le troupeau contre les rôdeurs de nuit, bêtes et

gens.Le voyageurs'annonçacommeinvité</cDieu.«Sois

le bienvenu«répondit le nègre, qui faisait taire leschiensenmêmetempsqu'il s'avançaitde quelquespasau-devantde l'étranger. Le mattre l'attendait sur leseuil de la tente. Aprèslui avoir répété qu'il était le

bienvenu,et s'être enquis de sa faim et de sa soif,besoins dont l'étranger, par civilité, ne voulut pasavouer la satisfaction,le mattre, disons-nous,aprèsl'avoir prié d'accepter sa <Mt/<lui indiqua un com-

partimentde la tente où étaientétendus de moelleux

tapisparticulièrementpropresà délasserles membresdu voyageurfatigué.

Page 25: Trumelet Algerie Legendaire

i8 t.'AM}~M8!8E!<BAMB

L'étranger, après avoir remercié son hôte, et luiavoir mit aea souhaits de bonne nuit, entra, pouryreposer, dans partie de la tente qui lui avait étéin-

diquée.Avantdo s'endormir,il n'oubliapasde rendre

graeo à Pieu, qui lui continuait les preuves de son

inépuisablebonté.Le lendemain,malgré les attraits do sa moelleuso

couche,!e voyageurétait debout avant la prière du

/<M~eM~-Sonhôte, qui passaitpour un hommepieux,et qui n'avait pas besoinqu'un MOM~eH*lui rappelâtque « la ~M'e est ~'t'~a~/e au sawwe~'< se tenait

accroupià la manière arabe sur le seuil de sa tente,1attendant depuis plus d'une heure le réveildu voya-geur,

Aprèsavoir terminésa prière, l'étrangeralla saluerle ma!tre de la tente. « Monnomest Ali,lui dit-il, etenis descendantde la fillechériedu Prophète, quela bénédictionet le salutsoientsur lui! -par Maham-med-ben-ïbacof-ben-Rached-ben-Ferkan-ben-Souieï-man-ben-Bou-Bekeur-ben-Moumen-ben-Abd-Ei-Kaouî-ban-Abd-er-Rahman-ben-Edris-ben-Iam&ït-ben-Mouca-

ben-Abd-Oa!!ahi.ben-Djafeur-Es-Sadik-ben-Xin-Ë!-Abi-din-ben-Mohammed-ben-Edris-Ets-TBani-ben-Abd-Al-

lah-Ei-Kamci-ben-Ei-Haoucin-ben-Ël-Moucani-ben.Ei-Hacen-Es-Sebti-ben Fathima-bent-Sidna-Mohammed

Raçoui-AHah,qui, lui-même,descendaitd'AdnanparAbd-Outtahi'ben-Chaîba-ben-Hachim-ben-Abd-Ei-ttuu-

i. Lepointdujour.2. LeMOM<f<!eMestcefonctionnaireducultemusulmanqut,

cinqfoisparjour,annonce,duhautduminaretdesmosquées,l'heuredelaprièreauxCroyants.Danslesdouars,leMOt«Me<tfaitl'appelà laprièreenseplaçantaucentreducercleforméparlestentes.

3.Avertissementfait par le mouddenune heureavantlaprièredu/~ef', oupointdujour.

Page 26: Trumelet Algerie Legendaire

t. NM AU-MSK-MABAMMRMET StN BM-ZtB <a

Maf-ben-Koeaï-ben-Kolaï-ben-KaMn-ben-Nonhi-bcn-Raleb-ben-Maleb-ben-Fahar-ben-KanaMa-hen-Medrat:-

jben-Madhrin-ben-Na~ar-hen-Kha~im-ben-Nez~ar-ben-Mohad-ben-Adnan,lequeldescendaitdu pèredugenrehumain, SidnaAdempar. Maisje crains do t'en-

nuyeren continuantde t'énumérerla sériedomesas-cendantsjusqu'aupremier homme. »

Le mattre de la tente n'ayant insisté que molle-ment pour que Sidi Ali continuât rébranchementdesa cAe~at'a(arbre) généalogique,ce derniers'en tintlà pour le moment, se réservant do lui compléter,à

l'occasion,la nomenclaturede ses ancêtres, taquf~Ueest, d'aUieurs,communeA tous ies chcrifs à partird'Edris, dont tous prétendent descendreen ligne di-recte.

« J'arrive, poursuivitSidiAli,deSaguiet-Et-Hamra,et je vaisvisiter les Villessaintes, nobles et respec-tées, Mekkaet El-Medina.»

Honteux,peut-être,de parattre devantsonhôtedansun équipagesi mesquin,SidiAlilui donnaà entendre

qu'ayantbesoinde collectionnerune grandequantitéde bonnesactions,il s'était rappelécesparolesdu Pro-

phète « Celuiqui va en pèlerinagesur une monture

n'a, poursoncompte,quesoixantebonnesactionsparchaquepas de sa monture; mais celuiquiy va à pieda, pour son compte, sept cents bonnesactions parchaquepas qu'il fait. » Celavalait, en effet, la peine,caril y a loin de Saguiet-EI-Hamraà Mekka.Le maîtrede la tente reconnutbien vite qu'il avaitaffaire&un cherif-marabouth,et il fut d'autant plusdisposéà le traiter généreusementqu'il sentaitquece

i. Hn'estpas rarederencontrerdesArabespouvantfour-nir lasériedeleursancêtresjusqu'aupremierhomme.

Page 27: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM&MRt'È68t<M!MB

devaitêtre un hommepieux, savantet inCtuent.Il ap-prit, à son tour, &SidiAliqu'il M nommaitBou-Zid~et qu'il était marabouth.

ï/mtimitë s'établitbientôt entre ces deux hommesde Dieu,et SidiBou-Zidnt toussesOMbrtspour retar-der le départde Sidi AU,qui, dèsle lendemainde son

arrivée,avaitvouluse remettre en route et continuersonvoyage.<gidiAHeut la faiblessede céderaux solli-citatioMde Sidi Bou-Zid les jours succédèrentaux

jours avecune rapiditédont le marahouthdeSaguiet-Rt-Hamrane s'apercevaitpas. Il Huitcependant,aprèsavoircomptésur sesdoigts,par découvriravecuncer-tain eifroiqu'il luiétait de touteimpossibilité,s'ilvou-lait continuerde voyager à pied, d'arriver auxViUessaintesentempsopportun car onsaitquelepèlerinagen'a lieuquependantles troismoissacrés de eAoMa~dedou~-M<~tet de dou~-A<M)fy<~a.11lui en coûtaitcer-tainementde renoncerà gagnerle titre si recherchéde

~-Aa<(le pèlerin),et d'obligerDieu&le remplacerpar un deses anges car, s'ilfauten croirele Prophète,-et nous n'avonsaucuneraisonpourdouterde sapa-role,-le Très-Hautaurait dit quesix centmillefidèles

viendraienttouslesansenpèlerinageauxVillessaintes,et que, si ce nombren'était pas atteint, il serait com-

plétépar desanges.SidiAliauraitdoncvouluéviterde

déranger,Ilcausede lui, l'undecesmessagersdeDieu.Sidi Ali-ben-Mahammedétait doncau désespoirde

s'être attardé chezSidiBou-Zid,et il en paraissait in-

consolable.Malgrélahaute estimequeprofessaitpoursonhôte le marabouthde Haci-Tiouelfin,malgrélavé-ritableet solideamitiéqu'il lui avait vouée,et sonvifdésirde le garder auprès delui, il ne voulutpas queSidiAUpût, unjour, lui reprocherd'avoirétéla causedu manquementau saint devoirqu'il s'était imposé;mais, commenous le disons plus haut, il ne fallait

Page 28: Trumelet Algerie Legendaire

). StMAU-BEN-MAaAMMBB?? StMBOC-ZW 21

plus penser à faire ce long voyageà pied. Sidi Bou-Zidpria doncDieude luisoMfuerquelquebonneinspi-ration au sujet de cette anaire qui faisait son tour-ment. Mreçut en songeune réponsequ'il se hâta de

communiquer,tout triomphant,à SidiAli.C'étaitcelle-

ci: «Puisqu'ilestde toute impossibilitéau maràbouthde Saguiet-El-Hamrad'arriver pourle momentdu pù-lerinagoauxVillesvénéréesen faisantla routeà pied,qu'il voyagesur une monture rapide et infatigable,sur un chameau,par exemple,»

La solutionétait, en effet, trouvée;Sidi Alin'était

pas éloignéde l'adopter, lorsqu'ilse mit à réfMchiraudéchet qu'allait subir le chiffre des bonnes actionsdont il avait projetéde grossir son actif. Il avait faitson compteen partant de Saguiet-El-Hamra;il avait

estimé,–un nombrerond,bien entendu,–qu'illui fal-lait tant de bonnesactionsd'économiepour les éven-tualités sept centsbonnesactionsde gainpar chaquepas lui faisaient tant au bout du chemin, et il y a

loin, nous le répétons, de l'ouad DraAà Mekka,mêmeenlignedirecte.–C'était doncunebelleavance,et cela le mettait tout à fait à l'aise pour longtemps,c'est-à-dire que cela le dispensaitd'y regarder de si

près dans le cas où il prendrait à Chithan (Satan)lafantaisiede le tenter; il pouvait, en un mot, y aller

largement. Maisle voyageau moyen d'une montureréduisait singulièrementle chiffrede sespieusesallo-

cations,puisque chaquepas ne valait plus alors quesoixantebonnes actions.C'étaità y regarder. Touten

regrettantd'êtreobligéd'enpasserpar là, SidiAlifinit

cependantpar se résoudreà accepterle modedeloco-motionque lui proposaitSidiBou-Zid,ce marabouths'étant chargé, du reste, de lui fournirle dromadaire

qui devaitlui prêter le secoursde son dospour l'alleret le retour.

Page 29: Trumelet Algerie Legendaire

:? t'AM~ME Ï.~SNBMM

Le départayant été nxé au lendemain,on s'occupaaanadélai, car il n'y avait pas de temps à perdre,

dea détailssi péniblesdu ~mefr~e.Le matin, à la pointedu jour, après avoir reçu les

souhaits de Sidi Bou-Zid,et lui avoirpromis de re-

passer, <He&a~MaA/ s'il plaisaità Dieu, parHaci-TioueMnà son retour dosVillessaintes,SidiAlimit la tête de sa monturedans la directionde l'est, et

l'y poussapar quelquesénergiquesappels de langue.Ledromadairen'obéitpas franchementauxexcitationsde SidiAli; il hésita, et ce n'est qu'après avoir plongéson long coudans le nord et dans le sud qu' il sedé-cidaà marcher.Quelquesminutesaprès, lemarabouthet la bête disparaissaientderrièrela Tnïet-Et-Tagga.

Cettehésitationmontrée au départ par sondroma-daire ne laissapas que d'inquiéterSidiAli c'étaitunmauvaisprésage;un corbeau,quierrait seulà sa gau-cheet commeégarédansle ciel,vint encoreaugmenterses craintesau sujetde l'issue de son voyage;cepen-dant, il nevoulut pas retourner sur ses pas et atten-

dre, pour se remettre en route, des conditionsplusfavorables.Ueut tort.

Il y avait environ trois heures que Sidi Ali était

parti, quand on le rapporta blesséà la tente de SidiBou-Zid en arrivant sur l'ouadTaouzara,la monturede Sidi Ali s'était obstinémentrefuséeà traverser cecoursd'eau.Le marabouth,quicroyaità un capricede

l'animal,voulut insister pourqu'il passât résistancede la part de la bête, persistancede celledu saint,nouveaurefus très accentuédu dromadaireavec ac-

compagnementde mouvementsdésordonnés; bref,chute de SidiAliavecunefracture à la jambe.

Le saint marabouth fut, fort heureusement, ren-contrédanscepiteuxétat par desOutad-Nohani,à qui-il racontasa mésaventure;il les pria, aprèss'être fait

Page 30: Trumelet Algerie Legendaire

t. stMAM-BEN-MAMANWB&ETSMMBOU-XMt83

connattn, de ïe transporterà la tentedeSidiBon-Zid,ce qu'ils firentavecle plus grand empressement,carils pensèrent qu'ils avaient tout à gagner, dans cemondeet dans l'autre, à rendre serviceà un homme

qui/fort probablement,avaitl'oreille despuissantsdela terre et celleduDieuunique.

SidiBou'Zidfit donnera Sidi AUtous les soinsqueréclamaitson état; les plus savants a<AoMMa(méde-cins)des tribus environnantesfurent appelésen con-sultationauprès du saint homme.Aprèslui avoir faittirer la langueà plusieursreprises, ils reconnurentà

la presqueunanimitéqueSidiAlis'était cassétajambedroite; l'un de ces médecinsprétendit que c'était la

jambegauchequi était fracturée; mais onne s'arrêta

pasà cetteopinion,quine paraissaits'établir,du reste,que sur un diagnosticmanquantde sérieux.Pourtant,en présencede çette divergencede manièresde voir,le douteentra dans l'esprit de SidiBou-Zid,et, commeil ne tenait pas à se brouiller avecle thebibdissident,qu'il regardait d'ailleurs comme un praticien d'unetrès grandehabileté,il fit tousses effortspourengagerSidiAlià se laisser poser des appareils sur les deux

jambes. Le saint hommey consentit,puisquecelapa-raissait faire plaisir à son hôte; mais il ne put s'em-

pêcherde lui faire remarquer qu'il ne croyaitquemé-diocrementà l'eulcacitédesattelles sur le membrequin'était pas détérioré.

Dieun'avaitdoncpasvouluqueSidiAli-ben-Maham-med ftt sonpèlerinageà Oumme<-jK<wa~la mèredes

cités; peut-être sonaccident était-il une punition duretard qu'il avait apporté dans l'accomplissementdece pieuxprojet. Mais,comme,enrésumé,le saintma-rabouth se piquaitd'être un parfait moMs~tM:c'est-à-

i. Musulman.

Page 31: Trumelet Algerie Legendaire

34 t'AMHÊMSH&OEM!)A!RE

dire résigné la volontéde Dieu,Mse soumitsans se

plaindre aux décisionsqu'il croyait venir d'en haut.Sidi Bou-Zidavaittrois enfants deuxfilsetunenlleil lui vint un jour à l'idée de proposerà SidiAli, des

qu'il serait entré en convalescence,de se charger del'instructionde sesdeux tus, jeunes gens qui, d'aprèsleur père, les pères sont tous.lesmêmes, avaienttout ce qu'il faut pour devenirdes ûamheauxde l'Is-lam. Or, ~nousl'avons dit, Sidi AUétait un puits descience: ainsi, qu'on l'interrogeât sur e~w er-fe&-

AoMHtya~qui est la théologie,sur e/M e/-M<!<ma,quiest la rhétorique, sur e/tM eH-Me<~o«M,qui est l'as-

tronomie,sur e~tM?a, qui est la chimie,sur e<H-

mat, qui sontles mathématiques;qu'on l'interrogeât,disons-nous, sur ces matières, et sur bien d'autres

encore,il n'était point du tout embarrassépour en ré-soudre les diSIcuItésles plus ardues. De plus, on lecitaitpourson éloquenceet la clartéde sa dialectiqueà plusieursreprises, il avait lutté, et victorieusement,avec les tMOMC~cMt~a,ces impies anthropomorphistesqui osent assimiler la nature de Dieu à celle des

hommes;avecles tena-soukhiya,sectede métempsy-chosistesqui croient à la transmigration des corps

t~ i.~ t~~ ~t~~humainsdans les corps des animaux. Par exemple,commele Prophète,SidiAliavaithorreur de la poésie,qu'il qualifiait habituellement de nefts eeA-C~Ae~sounlede Satan.

Sidi AUse chargea avec joie de l'instruction desfilsde Sidi Bou-Zid dès qu'il put sans inconvénientremuer le membrefracturé, il fit appeler les deuxen-

fants, s'armades insignesdu professorat,c'est-à-dired'un MAt~qui est unelongueet menuebaguettedes-tinéeà rappeler,par sa miseen relation avec leur dosou la plante de leurs pieds, l'attention vagabondeet

trop souventégaréedes disciples,puis il se mit à les

Page 32: Trumelet Algerie Legendaire

S!NAN-WEN~aAHAMMEOETsmlMO-N!' S8

2

bourrer des principes de toutes les eonnaiasaneos

humaines, depuis le a bism tMa~t ~-faXtaaa~ e~-~aA<MK?, qui ouvre ïe Koran,jusqu'aux limites les

plus reculéesdel-djebroue~-m&aMa',quiestla scienceda l'oppositionet de la réduction.

Grèceà l'excellencede la méthodede Sidi Ali, et à

l'emploijudicieuxqu'il savait faire de sa baguette,lesdeux filsde SidiBou-Zidfirent des progrès rapides.Mfaut direque, le jour de jour naissance,leur pèren'a-vait pas néglige de leur mettre une fourmi sur la

paumede la main3, pratiquequi assureauxnouveau-nés une intelligenceet une habileté extraordinaires

pour toute leur vie.Aussi,au bout de deuxans d'étu-

des, les enfantsde SidiBou-Zidtenaient-ilsl'auteur deleurs jours pour un parfait ignorant,et ils ne man-

quaient pas de lui révélerleur découvertetoutes lesfois qu'ils en trouvaient l'occasion.Voilàpourtant à

quoi s'exposentles pères qui veulentavoirdesenfants

plus savantsqu'eux!Quandles disciplesde Sidi Ali-ben-Mahammeden

surent autant quelui, il parla de retournerà Saguiet-El-Hamra.Sidi Bou-Zid,qui avait l'habitude de sonsavant ami, voulut le détourner de cette idée; mais,tout en s'excusantde ne pouvoir accéderà son désir,SidiAli lui donnaà entendrequ'il serait bien aise derevoir sonR'arbchéri, dont il était absent depuisplu-sieurs années, et où il brûlait de se retremper auxsourcespures de l'Islam. Pourvaincresa résistance,SidiBou-Zidalla jusqu'à lui offrir la mainde sa fille

i. «AuMOMdeDieule c/emeK~MM~'<ca~MM.e'invoca-tionquiselitentêtedela premièresourateduKoram,et qui8erépèteaucommencementdotouteslesautres.

2.L'algèbre.3. Croyancesahrionne.

Page 33: Trumelet Algerie Legendaire

36 t'AMËMEtËCECtOAME

Tounis,<Mevraie perte qui mordait Iejw}ubeavecde

la grêle unevierge, -autant qu'une nlle peut l'être

dansleSabra,–aux yeux degazelle,qui serait infailli-

blementson dhouel-mekan,la lumièredesa demeure.SidiAlidevint le gendredeSidiBou-Zid,et parut con-

sentir à se fixerauprès de son beau-père mais, quel-

que tempsaprès son mariage,il recommençaà parlerde son départ. SidiBou-Zid,qui n'avait plus de filleàlui onHr,et qui, pourtant, tenait plusqae jamais &re-

tenir soussa tente le tropvolagemarabouth,étaittout

disposéà faire de nouveauxsacrificespour se l'atta-cher définitivement.Il lui donna à choisir entre unesommede deux mille dinars et le puits ou la sourcede Tiouelfln.Sidi Ali n'hésita pas à prendre les deuxmilledinars mais,le soir même,le marabouthayantété faire ses ablutionsaux eauxde Tiouelfin,le puits,froissé, sans doute, d'avoirété dédaigné,fit sentir àSidiAliqu'il avaitunebienautrevaleurque celledelasomme qu'il avait acceptéede Sidi Bou-Zid,et quel'abondancede ses belleseaux était une fortunepourceluiqui saurait les utiliser.Touten faisantla part de

l'amour-propreblesséde ce puits, SidiAli,qui s'étaitmisa. réfléchir,vit bien que ce Aectn'exagérait pastrop son estimation, et qu'en effet ces magnifiqueseaux, qui semblaientde l'argent liquide, étaient untrésor d'autant plus précieuxdans le Sahra que ce

genrede richessey est d'une infinierareté.Sidi Ali s'empressade retourner à la tente de son

beau-père;il se mit immédiatementen devoir,aprèss'être assuré qu'il n'était pas observé,de déterrer unvieuxvase dans lequel il avait déjà inhumé les deux

i. C'est-à-diree EueavaitleslèvresvermeUleaetlesdentsblanches.»

Page 34: Trumelet Algerie Legendaire

8HMAU-mBN-MANAMMEBETSMtBOU-X!0S7).

milledinars,puisilseprésentaàSidiBou-Zid,et luidit,enlui remettantla sommequ'iltenait de sagénérosité

T&tMniTioueMn}Kholrmonelun.

« Tu me donnerasTioueMn;cela vaut mieux quedeuxmiUe(dinars). »

SidiBou-Zid,quin'avaitrien àrefusera songendre,consentità reprendre ses deux milledinars et à luicédersa source.Cene futpas sans regretqueSidiBou-Zidfit cette cessionà SidiAli,et qu'il se dépouilladeses admirableseaux.Letrop généreuxmarabouthsem-blait d'ailleurspressentirce quidevait lui arriver.Eneffet,SidiAli,quis'étaitaperçudel'attachementqu'avaitpourlui son beau-père,songeaitdéjàà spéculersur cesentimentpour rentrer en possessiondes deux milledinars qu'il lui avait rendus. Il feignit encored'être

pris de nostalgie,et le seulremèdeà sa maladieétait,selon lui, un prompt retour au pays de ses ancêtres.Lebon Sidi Bou-Zidse mit à bout de ressourcespourtraiter la nostalgiede son gendre il pensaqu'uneap-plicationdedinars dans la maindu maladene pouvaitmanquer de produire un merveilleuxeffet.Les deuxmille dinars, toute la fortune de Sidi Bou-Zid,furentexhumésde nouveaude leur vieillemarmiteetremis à SidiAU,qui les accepta sans dMBculté.SidiBou-Zids'était dit « J'ai tout donnéà l'épouxdema

fille, et il le sait; il parait avoir un bon cœur; il estdonchors de doute qu'ilpourvoiraà mesbesoins,be-soinsqui, d'ailleurs,n'ont rien d'extravagant.»

Leschosesallèrenttrèsbienpendantquelquesmois;SidiAli,quidéjàavaitdeuxenfantsde sa femmeTou-

nis, ne parlait plus de départ; il paraissait, aujour-d'huiqu'il avaitdes intérêtssur le sol, vouloirse fixer

Page 35: Trumelet Algerie Legendaire

98 t'AMt~MS ~aEMMRE

dénnitivementprès du Haci-TioueMn.MaisSidiBou-Zid sa faisait vieux, et, commetous les vieillards,ilétaitrab&cheur.Nousvoulonsbienadmettrequelera-

bâchagen'a rien de démesurémentgai; maisnousau-rionsvouluqueSidiAUlesupportâtavecplusdepatiencequ'ilne le faisait, car enfinsonbeau-pères'étaitsaignéaux quatre membres pour lui, et la reconnaissance

l'obligeaittout au moinsà savoirsouurir avec calme,avec déférence,les redites et les quintesdu vieillard.

Malheureusement,il n'en fut pas ainsi,et, auboutd'un

an,SidiBou-Zidet SidiAUne pouvaientplusvivresousla mêmetente. Lebeau-pèrele comprit,et il résolutde

s'éloignerd'unhommedontil n'avaitfaitqu'un ingrat.Il s'enouvrità SidiAli,quiné cherchapas dutout à léretenir. « Maisoù irai-je? demanda-t-ilà son gendreavec des larmesqui, ne trouvantpas à se frayeruneissue par leurs conduitsnaturels, lui retombaientsurle cœur où irai-je,vieuxet infirmecommeje le suis?»).

répéta-t-ilavecdes sanglotscapablesde fendrel'âmeà un rocher qui en eût été pourvu.« Dieuest grandet

généreux, lui répondit froidementSidi Ali, et il nelaisse point périr ses serviteurs Montecette mule, ôle pèrede ma femme1et là où elle tomberade fatiguetu y planterasta tente, car c'est là où Dieuaura mar-

quéle termede ton voyage.»La mule dont parlait Sidi Ali avait été autrefois la

monturefavoritede Sidi Bou-Zid;elleavaitvieillisous

lui, et, depuis longtemps,on ne lui demandaitplusrien. Son garrot effacé,son dos caméléoniséet tanné,ses côtessaillantesà fairecraindre la déchirurede sa

peau, tous ces signesindiquaientun âge considérableet des serviceshors ligne.Aureste, on ne lui donnait

guère à mangerque pour le principe,et pour lui ôtertout prétextede plaintequand,au jour de la résurrec-

tion, elledevraitparattre, commetousles êtrescréés,

Page 36: Trumelet Algerie Legendaire

–SMM AU-BBK-MABAMMEBRT SMt BOW-HB 39l,

2.

devantle tribunal del'Étemel. La combinaisondeSidiAliétait doncd'unegrandehabileté,puisqu'ilsedébar-rassait du mômecoupde son beau-pèreet d'unemule

impotente.SidiBou-Z!dacceptad'autant plusvolontiersl'offre

doson gendrequ'il se disait « La bête n'ira pas loin;doncje serai encore auprès d'eux. »

Onhabilla doncla vieillemule d'un b&tde son Age,qui vomissaitsa bourrepar de nombreusesblessures;on y accrochaun vieux mezoued(musette)tout recro-

quevillé,qu'onemplitde farined'orgegrillée c'étaientles provisionsde bouchedu vieuxmarabouth; puisonle hissa sur sa monture,dont toutes les articulations

craquèrent comme une charpente dont les diverses

piècesont considérablementjoué. Néanmoins,la muleresta debout,cequi fit espérerà SidiAliqu'ellepour-rait mener sonbeau-pèreencoreassezloin.

Après avoir reçu les adieuxet les souhaits de bon

voyagede ses enfants et de ses petits-enfants, SidiBou-Zid,rapprochantses deux longstibiasdes flancsde l'animal, l'invita, par une pressionavortée, &semettre en route. Le premier pas était, sans doute,le

plus coûteux,car la pauvremuleeut toutesles peinesdu mondeà porter devant l'autre la jambe dont elleavait l'intentionde partir. Enfin,après avoiressayedetourner la tête à droiteet a gauchecommepour cher-cher sa direction, elle se décida, le demi-tourluiétant de toute impossibilité, à adopterle capque lehasard oule Tout-Puissantavaitplacédevantelle.

Elleavaitle nezdans le sud-ouest.

Quandle saintmarabouthsemiten route, on n'était

pas loin de la prière du <<AoA<M'toute la famillede

t. Versuneheuredet'apres-midi.

Page 37: Trumelet Algerie Legendaire

30 t.'AM)ÈMEH~CBNMMR

SidiAI!en profita pour demanderau Dieuuniquede

conduire.sanaaccident, et Ïe plus loin possible,leur

père et grand-pèreSidiBou-Zid;ils ïo primat ausside donnerà sa mulela forcenéeeasairepour remplireamissioncommeils le désiraient.

A i'hourode la prièrede Mcew, c'est-à-direplusdedeux heures après aon départ, on apercevaitencoredistinctement l'infortuné SidiBou-Zid it allait très

tentemoMt;mais il étaittoujourssur ledos de aa mule.Et les cceursdes membresde son excellentefamilleen bondirentdejoie.

On sut depuisqu'après avoir marchédeuxjours etdeuxnuits sansboireni manger,la mulede SidiBou-Zid avait terminé en même temps sa mission et sa

longuecarrière au pied des n.ontagnesdu DjebelEl-

Eumour,à la corneEstdecemassif.Puisquec'était lavolontéde Dieu, et cellede son gendre surtout, SidiBou-Zids'établit dans une anfractuositéde la mon-

tagne, dont il fit sa ~~o<«ï (solitude).Onne sait pastrop commentit y vécut pondantles premierstemps;mais, sa réputation de sainteté s'étant promptementrépanduedansle pays, sonermitagefutbientôtencom-bré de fidèles qui venaientlui demander d'être leurintercesseurauprès du Dieuunique.

Aprèsune longueexistence,touteconsacréeà Dieu,SidiBou-Zids'éteignitdoucementdans les bras de seskhoddam(serviteursreligieux).Commesonétat desain-teté ne faisaitpas l'ombred'un doute,on élevasur sontombeau la somptueusekoubbaqui, aujourd'hui en-

core, fait l'admiration des Croyants. Nevoulant pass'éloignerde la dépouillemortelledu saint hommequiavait été leur puissantintercesseurpendantsa vie,seskhoddamse construisirentprès de son tombeaudeshabitationsqui finirentpar formerun ksar, auquelilsdonnèrentle nomde SidiBou-Zid.

Page 38: Trumelet Algerie Legendaire

8tN AM-BBN"MMtAMMEeET StCt BOO-He 3<t.

Sidi Ali-ben-Mahammedrestait donc le légitimeet

uniquepropriétairedeHaci-TioueUIn,et, commecette

possessionl'avait tout à fait guéride aa nostalgie,il

songeasérieusementà se fixersur ses eaux.Denom-breuxdisciples,avidesd'entendreses savantesleçons,avaient,d'ailleurs,dresséleurs tentesauprèsdela ~c-~oMadu saint marabouth, et formaientune sorte deZaouïa qui comptait déjà des ~o~a d'infinimentd'avenir.

Sidi Ali, disons-nous,paraissait avoir renoncé àcourirle monde;mais,ducaractèredont nousconnais-sonsle saint homme,nousne nous étonneronspas dele voir, un jour, pris spontanémentde l'irrésistibleenviede quitter ses foyerspour aller se livrer à la pré-dication.Sidi Ali avait la maniede la conversion,et,précisément,il sentaitqu'ily avaiténormémentà fairedanscettevoieducôté du Djerid.

Unmatin,aprèsavoirfait sommairementses adieuxà sa femmeet à ses enfants,il montasur sa jument,

une bêtesuperbe,maisd'un âge voisinde la matu-

rité, puis il prit le chemindu sud-est.Lepremierjour, il alla coucher à Gueltet-El-Beïdha,sur l'ouad

El-Beïdha,près de Ksar-El-Hamra,non loin d'Aïn-El-Ibel.

Soitque sa jument eut été mal entravée,soit que,n'ayant pas été consultée,son amour-propreen eûtété piqué, soit encorequ'elle eut préféré continuerà

manger tranquillement son orge et sa halfa plutôtque de se lancer dans des aventures qui lui parais-saient plus fatigantesqu'intéressantes,quoi qu'il ensoit, la cordeet les entraves qui devaient la retenirau sol étaient complètementveuvesde la bête quandSidiAlisortitdesatentepourfairela prièredu fedjeur.

La première penséequi jaillit du cerveau du saint

marabouth, dans le Sud,c'estbien naturel,–c'est

Page 39: Trumelet Algerie Legendaire

8~t'AMt&ME ~aB!<HAM~

quesa jumentlui avait été voléepar quelquecoupeurdo routebutant du désirdo 80monter à peude frais.« Je voisbienqueDieuveut m'éprouver sa dit Sidi

Ali,fort peurassurépourtant.Nousne voulonspasca-cher quele saint hommetenaità sa jumentcommeontientordinairement, peut-êtreplus,–& ceschoses-là. En effet,si on l'eut écouté,Mn'y avait pas sa pa-reilledans tout le Sabra pour les allures, la vitesse,l'adresse, l'intelligence,!a sobriété,la noblessedel'o-

rigine, aucune, c'est SidiAliquite disait, nepou-vait lui être comparée,aucunene lui allait seulementau boutet; il ne voyaitguèreque Heïxoum,te chevalde l'ange Djebrit(Gabriel),qui pat être mis en paral-lèle avecelle, et encorec'était un cheval, c'est-à-direun gourmand,un braillard, un luxurieux. Commetousles cavaliers,SidiAli citait à tout boutde champdeschoses prodigieusesaccompliespar sa jument, et, aforcede les répéter,itfenétait arrivé à croireque toutce qu'il racontait là-dessus était de la plus parfaiteexactitude.Enfin,il tenaitexcessivementà sajument.Nous n'aurions pas le courage de lui en faire uncrime.

Cequi augmentait la contrariété de Sidi Ali, c'est

queses bagagesavaientdisparuavecsa monture,l'une

emportant les autres, car il n'avait pas l'habitude dedessellersa bête.Lesimpedimentadu marabouthn'é-taient pas considérables,il est vrai, puisqu'ils ne se

composaientquede deux sacs depeau,dont l'un ren-fermaitquelquesprovisionsde bouche,et l'autre son

Koran; mais, enfin, on n'aime pas perdre. On com-

prendbienque, si le saint homme était aussi légère-mentapprovisionnéet outillé, c'est qu'ilcomptaittoutnaturellementsur l'hospitalité des gens auxquels ilallaitporter la paroledivine.Sidi Alivoulutsavoir, ce n'était qu'une satisfae-

Page 40: Trumelet Algerie Legendaire

8!M AM-BEN-MAHAMMEMBT StM MU.NO 83t.

Monpersonnelle, la direction qu'avait pu prendreaonvoleur.Commeil avait plupendant la nuit, ce

qui, dé}&h cetteépoque,n'était pas rare danste paya,·

la terre, détrempéepar les eaux,gardait parfaite-menttoutesles empreintes il futdoncfacilea SidiAUde retrouverles traces de sa jument et de les suivre.C'estce qu'il fit; mais ce qui l'étonnaau suprêmede-

gré, c'est qu'on no remarquait pas la moindretracedu piedde l'hommeautour du pointoù avaitété atta-chée la jument. Il fallait donc ou qu'elle fat partieseuleaprèss'être desentravée,ouque celuiqui l'avaitemmenéefut tombé du ciel en sellesur la bête.

Touten réBéchissant&la bizarreriede cette aven-

ture, le marabouth suivait toujours les traces de sa

jument: il n'y avait pas &s'y tromper; il connaissait

l'empreintedes pieds de l'animalmieuxqu'il ne con-naissait les siennespropres.Lesaintcommença,a res-

pirer quandil vit que la directiondestraces le condui-sait dans le nord-ouest,c'est-à-dire du côté de Haci-Tiouelfin.Peut-être, se disait-il, sera-t-elleretournéesur mes tentes ce serait le signe alors queDieun'ap-prouvepas plus monvoyageau Djeridque celuique,jadis, je voulaisfaire aux Villessaintes. »

Tant que Sidi Ali fut en plaine, il put assezfacile-mentsuivrelestracesdesa jument;malheureusement,cette investigationdevenaitde plus en plusprobléma-tique, à causede la nature rocailleusedu sol, à me-sure qu'il approchait de la chatneboiséedu Senn-El-Lebba. Le marabouth désespérait déjà de pouvoircontinuer ses recherches mais il fut tout à fait

rassuré,–et il en louaDieu, quandil reconnutquesajument avait broutillé çà et là, des deux côtésdu

chemin,desbranches de pin d'Alep qu'elle semblaitavoirrejetéeset seméesà terre. Cequipsrmettaitsur-tout d'attribuer cet abatisà la bête, c'est que, dedis-

Page 41: Trumelet Algerie Legendaire

3$` 11

t.'AM&MBt~OBKMtt~

tance en distance,on retrouvait très bienl'empreintede son pied. C'était miraculeuxAussi, bien que lamareho Mt fort longue, Sidi An, tant il était

remplide joie, ne aesentaitpas du toutfatigué.A l'heure de la prière du MO~reA,SidiAliarrivait

sur les collinesqui dominentl'Aïn-El-Azria,et en vuede Haci-Tiouelfinquelquesminutesaprès, il était surce puits.Qu'onjuge de la surprise et de la douleurdusaint quand, s'étant approchedes eaux, il aperçut sa

jumentgisant au fonddu puits et dans une attitude

indiquantqu'elle avaitcessé de vivre.Lequadrupède,c'est ainsi qu'ons'expliqual'accident, était sans

doute tombé dans le puits en cherchant à mangerl'herbequi en tapissait les abords.

Aprèsavoir faitmentalementl'oraisonfunèbrede sa

jument, et tempéré ses regrets en songeant qu'elleétait âgée d'une vingtained'années,Sidi Ali compritqu'il fallait la tirer de là. Ce n'était pas une petiteaffaire.Il fit appeler les élèvesde sa Zaouïa, qui nel'attendaient pas, et qui s'occupaientde tout autrechose que de Fétade des beU*s-lottres;mais ce futvainement.Sidi Ali se décida alors à pousserjusqu'àsestentes il n'y trouva que trois <Ao<&a,qui parais-saient s'efforcer de calmer les inquiétudesde labelle Tounis au sujet des dangers du long voyagequ'avaitentrepris son époux.Aumomentoù le mara-bouthsoulevaitle AaM(rideau)du compartimentdes

femmes,sonmeilleurélève en théologie,un Aa/b<M9

1.Il arriveparfoisque,leshaciétantcomblésparlessables,les eauxviennentsourdrepresqueauniveaudu sot.C'estlecasdu Haci-TioueMn,lequeln'a pasdeprofondeur.DansleSahra,ondonneaussilenomdeAact&unpuits-citerneouleseauxdepluieseramassent.

S.Ba/MA,celuiquisaittout le Koranparcœur,oulessixtraditionsprincipalesrelativesà Mahomet.

Page 42: Trumelet Algerie Legendaire

MB! AM-BSK-MABAMMËfET 8<M ttOU-MB 3$

consommé,récitait à Tounis,avec des yaux chargesd'électricité,et de la passionpleinla voix,te versetSOdu chapitrexxx du Koran

« C'est un des signes de la puissancede Dieudevousavoirdonnédes femmescréées de vous-mêmes

pour que vous habitiez avec elles. Il a établi entrevous l'amour et la tendresse.!t y a dans ceci, ôTounis ajoutait le bouillant hafodh, des signespour ceuxqui rénéchissont.»

Nousne savons pas trop ce qu'allait répondrelasensibleTounis mais ce dont nous sommespresquecertain, c'est que cette apparition inattendue gênaénormémentles <AeMset la ravissanteépousedu ma-rabouth.Ilsparurentd'abordfortembarrassésdeleurs

mains, bien plus qu'avant l'arrivéede SidiAli,et leur contenancemanquaitcomplètementde fierté.Tounis t'échappa belle ce qui la sauva, c'est queles <~o~tïétaient trois; ce nombre avait entièrementrassuré le marabouth et effacé le soupçon qui luiavait traversé l'esprit. Seule avec l'élèveen théo-

logie, Tounis était perdue. Quelle leçon pour lesfemmesr

QuandSidiAlieut racontéà sa femmeet &ses dis-

ciplesla causede son retour et le malheur qui étaitarrivéa sa jument, touss'empressèrent,heureuxd'enêtrequittes&si bonmarché,de seporter sur le puitsde Tiouelfinpour secourir, s'il en était tempsencore,la plusremarquablebêtedu pays.Undes plus anciensélèvesde la Zaouïa,qui avaitpresqueperdu la vuesurles livres d'Abd-AUah-ben-Ahmed-ben-AIi-El-Bithar

(levétérmaire),descenditdans le puitspour s'assurers'il restait quelque espoir de sauverla jument, qui,du reste, ne donnaitplus signe de vie. Le vétérinairene tarda pas à reconnaître et à déclarer que la bêteavait succombéaux suites d'une asphyxie par sub-

Page 43: Trumelet Algerie Legendaire

3C t.'AM~ME tÊ8EKDAmE

mersion.Pour hâter Farrivéede la résignationmusul-manedansl'AmodeSidiAli,le vétérinaireajouta

« C'étaitécrit chezDieu c'était tout ce qu'elleavaità vivre!? »

«C'étaitécrit chezDieu 1 répétèrentles assistantsen levantles yeuxau ciel; et tout fut dit.

Un trop long séjour de la jumentdans le puits ne

pouvant,en aucune façon,améliorerla qualitéde ses

eaux,on résolutde l'en extraire. Onlui passadoncdescordes sous le ventre, et l'on chercha à la hisser surles bordsdupuits. L'opérationprésentaitd'autant plusde difficultésquele fondsablonneuxdu Aac<manquaitcomplètementde consistance.Les tholba parvinrentcependantà mettre la jument sur sesjambes; un der-nier et vigoureuxcoup do collier de tous les élèves,qui avaientfinipar apprendrele retourdu marabouth,amena l'extractionde l'animal. Mais,ô merveille!dechacun des quatre points marqués au fond du puits.par les pieds de la jument, jaillissait subitementune

sourceabondante, et dont les eaux, d'une limpiditéparfaite, retombaienten s'arrondissantgracieusementcommeles feuillesdupalmier.

Il y avaitévidemmentlàunmiracle aussi tous ceux

qui venaient d'en être témoinsse mirent-ilsà louer

Dieu,quidaignaitse manifesterainsi aux yeux de sesserviteurs.

En présencedece prodige,dont le bruit se répanditrapidement dans le Sabra, les disciples de Sidi Alin'hésitèrent pas à attribuer à la vertu et à la haute

piété de leur maître la délégationque Dieului avaitfaited'une émanationde son pouvoir pour eux, SidiAliavaitle dondesmiracles,et ilsmirentune certaineostentationàle répéterà quivoulaitl'entendre comme

la lune, ils brillaient d'un éclat emprunté.Aprèsavoir fait donnerune sépulture convenableà

Page 44: Trumelet Algerie Legendaire

SKHAU-BEtt-MABAMMEBBTSHttMU-NB 37ï.

a&joment, qui, en résumé, avait été l'instrument dontDieu s'était servi pour opérer son miracle, Sidi AHdé-

cida que, pour en perpétuer le souvenir, le lieu ou le

prodige s'était produit se nommerait désormais CAa-

t'e~ qui signifie noble, élevé, d'MH~'axd ~e, en mé-

moire de sa jument, qui, de tous les chevaux du Sahra,était le plus noble, de l'origine la plus élevée, et le

plus respectablement âgé« Et depuis cette époque, il y a de cela quinze

pères, nous disait Mohammed-ben-Abmed, le dernierdescendant direct de SidiAli-ben-Mahammod,–Tiouel-nn a pris et conservé le nom de Charef. »

Ce miracle augmenta prodigieusement la réputationde sainteté de Sidi Ali; ce fut, de tous les points du

Jahra, ù qui viendrait dresser sa tente auprès de la

sienne, et entendre ses pieuses et savantes leçons. Ilavait tout à fait renoncé à ses tentatives de voyage, qui,&deux reprises différentes, lui avaient si mal réussi.Pour marquer son intention bien arrêtée de ne plus

quitter Charef, il abandonna ses tentes et fit bâtir unemaison au nord-ouest du point où, plus tard, s'éleva le.ksar actuel. Quelques-uns de ses disciples en Srent

autant, et ces constructions, réunies autour de l'habi-tation du chikh, composèrent bientôt un petit ksar quiprit rapidement de la réputation comme sanctuaire des

sciences et de la religion.

Aprèsune existence dont les dernières années avaientété marquées par de bonnes œuvres et par une grandepiété, Sidi Ali-ben-Mahammeds'éteignit doucement aumilieu de ses disciples, en témoignant que « Dieu <pM/est Dieu, e<que Mohammedest r<t~~re de Dieua.

i. JEMH'*ecA-CA<H'e/'peut signi&ertout simplementle MeMj'JifM~

2. La formule:<'ftt~y<t<fa<t<f<!~<pM!<M?«eJMes,ctMoAaM-

a

Page 45: Trumelet Algerie Legendaire

*t~8 t~AM&R~~~MnA~E

On montre encore, à quelquedistancedu haar de

Charef,une AaoMtïAa'qu'on dit renfermerle tombeaude SidiAH-ben-Mahatamed.

Nousdirons cependantque, suivant une autre ver-

sion,Sidi AUaurait renversé à plusieursreprises la

chapellequ'avaient élevéesur son tombeau ses dis-

cipleset ses~serviteursreligieux,et qu'on ignoreabso-lument aujourd'huioù furent déposésles restes mor-tels de l'illustrefondateurde Charef.

SIDI MOUÇA-BEN-SIDI-ALI

Sidi AUavait eu deux fils, disons-nous plus haut, de

sa femme Tourna. L'âme, l'héritier de la baraka, Sidi

Mouça-ben-Sidi-AIi, au lieu de posséder les pieuses et

douces vertus de son père, eut, au contraire, toutes les

eS'raya~tes aptitudes des héros. Ainsi, dès que le Saint

auteur de ses jours fut mort, il voulut, à l'exemple du

medai fapdtre de Dieu ou plutôt ces deux propositions sont

appelées les témoignages, les confessions. Il suint de les pro-noncer avec conviction pour devenir musulman. A l'heure dela mort, elles sont également sumsantes pour vous ouvrir le

séjour des bienheureux. L'Islam accorde à la foi la prééminencesur les œuvres, et croire est tout ce qu'on demande au mu-sulman.

4. NaoMK&a,petite muraille étevéecirculairement ou sur unecourbe en forme de fer à cheval, et renfermant le tombeaud'un saint marabouth. Cette muraille est bâtie soit en pierressèches, soit en maçonnerie grossicrc.

Page 46: Trumelet Algerie Legendaire

H. ~M MOUCA-BEN-aHM-AU 39

Prophète, avoirneuf sabres,et chacunde ces instru-mentade mort était d'une formedinérente, l'un d'eux

surtout, qu'il appâtait JM-~OMC~oM~le coupeur, dunomde l'un dessept sabresoMërtsau roi Salomonparla reine Balkis,était l'effroide ses ennemis.Quand,àla tête de deux centspaires de rênes', et les blanchesdelamehors du fourreau,SidiMouçafaisaitdécrireà~ï-~OMcAoMAson horrible courbedans l'air, il sem-blait à ses adversairesque c'était l'éclairdéchirantla

nue, et ils n'attendaientjamais, à moinsd'y être con-

traints, queleterribleeoMpet~'s'abattît sureux:l'éelaipétait le signalde leur fuite. <htaurait dit qu'ils s'en-tendaient entre eux, tant ils mettaient alorsd'unani-mité et d'ensembledans leur mouvementde retraite.

Si l'on en croit les Abaziz,les exploitsde leur an-cêtre Mouça-ben-AHlaisseraient bien loin derrièreeux ceux d'Antar-ben-Cheddad-EI-Absi,ce héros quifut poète, et l'auteur d'une des sept !Mo<M~a<}sus-

pendues à la voûte de la Kâba. « Sidi Mouça,nousdisaitun vieilAbzouzi,était moula<ad (hommed'ac-

tion),MûM/a<As<MM(hospitalier),moula&a!'OM~(hommedepoudre),et, s'il n'a point pourfenduautant d'enne-misqu'Antar,c'est qu'ils ne l'attendaientjamais. »

II est évidentqu'il est difficiledetailler enpiècesdesennemisquine vousattendent pas..

Quant au secondfils de Sidi Ali-ben-Mahammed,la tradition n'en dit rien, ce qui tendrait à prouverque ce n'était pas un guerrier. Elle se tait égale-ment sur Choâïb,sur Bou-Yahya,sur Yabya, et sur

i. Deux cents cavaliers.2. Les épées.

3. E~-JMo<!Ho&a<,les Suspendues. On désignait ainsi les septpoèmes les plus célèbres, composés avant Mahomet, parcequ'ils étaient suspendus à la voûte de la Kâba pour être con<serves à la postérité.

Page 47: Trumelet Algerie Legendaire

40 t.'AMHÈMEï.6e6M)AMtE

Otaman,cesdescendantsdu fondateurde Charef Ha~eurent dateur saint ancêtresans faireparler d'eux,'tranquillement,paisiblement,secontentantde recevoirles offrandesde :Mt)'e(visite)de leurs serviteursreïi-

gieux,et travaitlanten mêmetempsà se faireune si-tuation avantageuse'dans l'autre monde, opérationqui, chezlés musuhnans,n à du reste rien de bienpé-nible,et qui -n'exigeni privations,ni mortifications,ni

macérations,ni nagellations rien autre chose,en un

mot, quela foi.C'est a désirer vraimentd'être un Croyant,quandenvoit avecquellefacilite on peut gagner son entréedans le séjour des bienheureux,séjour d'autant plusdésirablequ'onsait au moinscequ'ony trouve.

Tous ces descendantsde Sidi Ali furent enterrés à

Aïn-El-Guefhthaïa,entre Charef et Znina. 11y avaitlà autrefoisun petit ksardonton voitencoreles restes.

in

SIDI ABD-EL-AZ~Z-EL-HADJ

Si, commeles plusgrandsempires,lespetitesroyau-tés, les petites tyrannies,ont leurspériodesineôlores,leursphasesnulles,neutres,insignifiantes,commeeuxellesont aussi leurs époqueséclatantes,marquantes,caractérisées.C'estainsiqu'aprèsavoirvu passersansbruit les quatredescendantsde SidiMouca,qui, aprèseux, laissentà peine le souvenir de leur nom, nousallonsvoir -briller d'un éclat nouveau la maison desidiAli-ben-Mahammed.

Page 48: Trumelet Algerie Legendaire

<H. 8ÏM ABt)-BÏ.-A~Z-MAtM «

Noussommesà la fin du X!' siècledé l'hégire; leksar Charef n'a pas pris d'accroissementdepuis lamortda sonibndateup~est toujoursun lieude prièreet d'étude. Cependant,les ksour. Ez-Zeninaet Sidi-Bou-Zid,fondés, le premierpar Sidi Mahammed-bea-Salah,et le second,,ainsique nous l'avonsvu, par le

beau-père de Sidi Ali-ben-Mahammed,étaient beau-

coup plus fréquentésque la <:aouïade ce saintmara-boath mais, commenous l'avons dit, le temps étaitvenu où Charef allait sortir de l'obscurité et resplen-dir d'un lustre bienautrement éclatant que celuidesksour sesrivaux.

Versl'an 1083de l'hégire~il naissait à SidiOtsmanun filsauquel le hasardfaisait donner le beaunom

d'Abd-el-Aziz,serviteurdu Tout-Puissant.Dèssa plustendre enfance, Abd-ei-Azixfut la fralcheur de l'oeilde sonpère, c'est-à-diresa joie, sa consolation.Rienne l'annonçait pourtant commeun prodige maison

sentait,en le voyant,que Dieuavait dule marquerdesonsceau.Mn'avait certespas iesaptitudeshéroïquesde sonancêtre Mouça il préféraitunemule à un che-

val, une plumeà un sabre, l'étudedes livres saintsaux violentsexercicesdu corps, et, s'il devaitêtre la

terreur des ennemisdel'Islam,c'étaitplutôtparla pa-role quepar le glaive.

Lebruit de sapiété extraordinairese répanditbien-tôt dans tout le paysdes Oulad-Naïl;les veilleset la

i. Laplupartdesksoursahriens,nousle répétons,ontétéfondésparunemissiondemarabouthsqui,partisduSousoudet'Ouad-Drad(Sudmarokain),sesontrépandus,danslesXVet XV!"sièclesde notreère, dansla portiondnTellet duSahraquenousoccuponsaujourd'hui,et jusquedanslaTu-nisie.1

2. Ondonneauxnouveau-nésle premiernomqu'onentendprononcerlejouri!<tleurnaissance.

Page 49: Trumelet Algerie Legendaire

42 t'At.aÉMEÏ.ÉGENMtBK

prière l'avaient spiritualisé, et l'on disait que, dansses moments d'extase, le jeune ascète voyait Meu;

quelques-uns allaient plus loin ils prétendaient queSidi Abd-el-Azixavait parlé au Très-Haut mais cette

prétention était d'autant moins sontenable qu'on sait

parfaitement que, les Prophètes, notre seigneurMohammed entre autres, qui ont pu jouir de cette

insigne faveur, n'ont pu approcher Dieu qu'à la dis-

fance de deux arcs, c'est-à-dire à moins de deux por-tées defusil ce qui démontre d'une façon évidentè

que, lorsque les Croyants se mettent a croire, il~

poussent la foi jusque l'exagération. Les savantsavaient beau leur dire « Vous allez trop loin, carnul être créé ne pourrait voir Dieu sans mourir.sur-le-

champ. Vous faites confusion; les ascètes qui reçoiventles manifestations de Dieu voient parfaitement ses at-

tributs, mais non son essence, » Eh bien malgré cela,

quelques entêtés persistaient à soutenir que SidijAbd-ei-Azizavait vu Dieu absolument comme je vous vois.Ce qui paraît avéré, c'est que les adeptes de Sidi Abd-

el-Aziz distinguaient clairement, même en plein jour,le rayon de lumière qui le précédait, et qui marquaitet éclairait sa route.

On n'a jamais connu d'une manière précise les rai-sons qui avaient pu déterminer Sidi AU-ben-Maham-med à établir son ksar si loin des eaux de Charef.Etait-ce à cause de 1~ grande fréquentation de ceseaux par les passants et par les étrangers? Était-ce lacrainte de voir troubler ses méditations et ses pieusesleçons? Oubien, ne serait-ce pas plutôt pour éviter à ses

disciples les dangereuses distractions qu'auraient paleur donner les femmes'en venant, deux fois par jour,

remplir leurs ~'e&(outres) au puits de TiouelHn? Il yavait, sans doute, un peu de tout cela.

Sidi Abd-el-Azizrésolut cependant de modifier-cette.

Page 50: Trumelet Algerie Legendaire

tM. StM AB!)-~trAX!X-E!HAM 43

situationet de fonder un nouveauksar plueprès deaeauxde Charef,et dansune positionplus saineet plusfacilea défendre, il faut toutprévoir, que rancienksar. Unplateaurocheux, situé non loin du puits, lui

parut réunir toutes les conditionsdésirables.Commeil était de toutejustice des'occuperd'abord dela mai-Mndo Dieu,il lit commencerles travauxpar rediuca-tion d'une mosquéeà laquelleil adjoignit une école.Sidi Abd-el-Azizne s'était pas évidemmentadressé,pour ces constructions,aux architectesd'Jïsa~-JBÏ-

/cAM~a'; mais il savait que, pour le Dieu unique,la plus somptueusemosquéeest te coaurd'un fidèle

Croyant,et il était consolé.L'ancienChareffut bientôtabandonné,et lenouveau

s'accrut tous les jours de maisonsqui se groupèrentautour do la mosquéecommedes enfants autour deleur more.

SidiAbd-el-Azizs'était mariéde bonneheure,car iltenaità augmenterlapostéritéde la maisondeSidiAli-ben-Mahammed.Il avait épousé,dansce louablebut,la belleHalima,dont le nomsignifiedouce,&OMH~~a-tiente; on connaissaitdé)à, à cette époque,l'inOuencedu nom sur le caractère et l'avenirdu sujet. Halimaavait donc,et au delà, les précieusesqualitésde son

nom; elle était, de plus, douéed'une merveilleusefé-condité,puisque,au boutde trois annéesde mariage,SidiAbd-el-Azizétait déjà père de cinqenfants.Pour-

tant, tout cela n'était pas le bonheur pour le jeunemarabouth; il paraissait avoirhéritéde son saint an-cêtre Sidi Ali la monomaniedesvoyages.Il se sentittout à coup unevocationirrésistiblepour l'apostolat,et tout ce qu'on lui rapportaitde l'état d'incrédulitéet

d'irréligion dans lequel étaient plongés les gens du

-1.L'Alcaz&ydeSéviUe.

Page 51: Trumelet Algerie Legendaire

44 t.'AtS)'!ME!.âOEX!M!tR

Tell lui donnaitdesfourmillementsdanstes extrémités

tnMrioures,et Mfallait qu'il Mtint &quatre pour ne

pas abandonner, sans plus tarder~ sa famille et sa

zaouïa..

~n jour, ne pouvantplus résisteraux appels de sa

foi, il revêtit la guenille, c'est-à-dire le bernous de

deroueuch,et, malgré sa répugnancede Sahrienpourle Toll,qu'il traitait dédaigneusementde Tell e~Aa-

Mes~leTell puant, ii sedirigea'versle nord, laissant &

ttieu lo soindolui tracer son itinéraire.Coïnmail ne serait pas d'un intérèt palpitant de

suivrejour par jour SidiAbd-ei-Axizdans sonvoyagereligieux, nous dirons seulementqu'a. l'exemple detous les deroueuchen mission,il prêchait, convertis-

sait, gueusait;nousajouteronsque, malgré sonrenon-cement aux gâteriesde ce monde, il acceptait.volon-liers des Croyants surchargés de mauvaises actionstoutes les bonneschosesqueDieua créées; il est vrai

guéc'était,disait-il, pourne pas les désobliger car la

civilitéarabe, et il la connaissait, ne permetpasde refuserl'hospitatitéqui vousest offerte.Pourtoutl'or du mondeSidiAbd-el-Azizn'auraitvoulusemettredans le casde s'entendredire par sonhôte «Vadoncchez un'autre; je ne veux pas qu'un jour tu puissesdire «J'ai couchéchezun tel »; je veuxquetu puissesajouter « J'y ai rassasié monventre, » Sidi Abd-el-A~izfaisait donc le plus grand honneur &toutes les

hospitalités.Nousretrouvonsle saintenvisitechezSidiBen-Ch&a-

El-Habchi marabouthd'unemoralitédouteuseetd'unebrutalité extrême, le mêmequi, après le meurtredu

vénéréSidi Mahammed-ben-Ali-Bahloul,autre mara-houthdesMedjadja,tribuquidressaitsestentesau nord

1.Nousavonsracontéailleurslalégendedecemarabouth.

Page 52: Trumelet Algerie Legendaire

Mt.– StN ABe-A~X<-H<-MAM 4S

d'Nt-Esnamou Et-Aneab', point où, beaucoupplustard, noua avons fondéune ville, pleinede délicesen été, que noua avons appelée Orléansville;lemême saint, disons-nous,qui, après cette anaire deaang,et vraisemblablementpoury pleurer soncrime,s'était réfugié dans une tribu voisine de Nida, les

Rollaî,où il vivaiten solitaire.Sidi Abd-el-Azizavait bien entenduparler de cette

affaire de Sidi Et-Habchi, laquelle avait lait grandbruitenpaysmusulman,maisil onignoraitlesdétails;ainsi,par exemple,it ne savait pas trop jusqu'à quelpoint it devait ajouter foi à cette version qui avaitcouru dans le Sahra on prétendait qu'après avoir

coupé la tête à Sidi Mahammed,Sidi EI-Habchiavaitbule sangde sa victime.SidiAbd-el-Azizn'en pouvaitplusdouter, car te meurtrierlui-mêmelui avait avouéte fait, tout en regrettant, avait-il ajouté, ce momentde vivacité;maisSidiEt-Habchiétait tout prêt, si son

collègueledt exigé,à jurer sur le livrede SidiEt-'Bo-khari que c'était la premièrefoisque celalui était ar-rivé. Cettedéclaration,faite spontanément,atténuait

singulièrement,auxyeuxde Sidi Abd-el-Aziz,la fautede sonsaint collègue.Dureste, le profondrepentirdu

coupableet la candeurdel'aveuplurent infinimentaumarabouthdeCharef,et, s'il ne s'était pas sentipoussépar cette irrésistiblevocationqui lui avait fait aban-donnersa famille,il se serait volontierséterniséchezun saint de si grandeet si bonneréputation.

Il était arrivéaux oreillesdeSidiAbd-el-Azizquelafoipériclitait fort chez les Bni-Djàad,tribu kabile del'est qui, du reste, n'avaitjamais briUépar l'ardeur de

1. Pierresélevéesdanscertainsendroitset provenantderuinesromaines,et quelesArabesprennentpourdesstatuesd'idoles.

Page 53: Trumelet Algerie Legendaire

M ~AM~MK~SKMhMKK

ses croyances; te saint comprit qu'il n'y avait pas de

temps à perdre pour en raviver les derniers tisons, et

son départ tntnxé au lendemain.

Un homme des Bni-ï~aad arrivait précisément dans

la M~oMa de Sidi Ben-Chaa-El-Habchi pour lui de-mander de la postérité m&le, tous les moyens qu'ilavait employés jusqu'à ce jour pour obtenir ce bienfait

n'ayant abouti qu'a un résultat absolument négatif.Le saint des H'ollaï voulut bien indiquer au Djaadi une

recette qu'il prétendait infaillible si les vingt et une

circonstances dans lesquelles devait se passer l'opéra-tion étaient scrupuleusement observées.

Le Djàadi, ravi, allait se retirer, lorsqu'il aperçut Sidi

Abd-et-Axix,qui, en ce moment, était dansl'attitude de

la prière, et qui semblait plongé dans cet état de /<a)'~de bruiement, qui est l'état moyen entre le &e«~éclair des manifestations de Dieu, et le tAeMs/e<Ma<,qui est l'anéantissement dans l'essence divine. Cette

pieuse attitude de Sidi Abd-cl-Azizplut infiniment au

Djaadi, qui voulut savoir ce qu'il était, bien que son

bernous emioché ne parût pas contenir un grand de laterre. Qui es-tu, et que fais-tu ici? » lui demandal'homme des Bni-Djàad.

« Je suis sans père, sans mère, sans enfants, sans

biens, et je vis du travail de mes mains M,lui réponditplus modestement qu'exactement Sidi Abd-el-Azizencachant son koran sous son bernous.

Et comment te nommes-tu?

Mon nom est Abd-el-Aziz.J'ai une paire de bœufs de labour, continua le

Djâadi; si tu veux être mon khammas certes, les vi-vres ne te manqueront pas chez mo..

J'y consens a, reprit Sidi Abd-el-Aziz.

i. Mét&yerau cinquième.

Page 54: Trumelet Algerie Legendaire

tM. StM ABt)-Bt.<AHK-M<-NAM 4~

Cetterencontre était véritablement providentielle,et Sidi Abd-el-Azizn'hésita pas à y voir la main de

Dieu,quidonnait ainsi son approbationà sesproj)ets.Lelendemain,auxpremiersrayonsde l'aurore, Sidi

Abd-el-Azizse séparait de SidiBen.Ch&a.El-Habchietsuivaitle D)aadi,qui était enchantéd'avoir trouvéunkhammasaussi solidementbâti. Deuxjours après, ilsarrivaient au village d'Abd-en-Nour,et Sidi Abd-el-Azizne tardait pasa se mettre au travail.

Cezèleplut énormémentau t~&adi,et il se félicitade nouveau d'avoir fait une trouvaille aussi heu-reuse.

VoHadoncSidiAbd-el-Azizà la besogne.On pensebien quece n'était pas absolumentpour

tracer des sillons qu'il avait consenti à se faire lekhammas du Bjaadi; cette profession, d'aitteurs,n'exige ni la possessiondu don des miracles,ni lesétudes transcendantesqu'avaientfaites le marabouthde Charef il avait à remplir une missiond'un ordrebienautrementélevé,et il n'attendait plusquele mo-ment opportunpour entamersonœuvre.

S'il était un impérieuxbesoinpour SidiAbd-el-Aziz,c'était celuide la prière or, il ne lui était guère pos-sible d'égrener son chapeletou de faire une saintelecturedans le Livre, et de tenir, en mêmetemps,lemanchede la charrue. MaisDieuavait prévul'embar-ras du saint,et il avait mis à sa dispositiondesaigles,des vautours,des corbeaux,voire mêmedesperdrix,qui, en voltigeantautour des bœufsci en les picotantopportunémentde leurs becs, leur indiquaientla di-rection à donneraux sillons.Onprétend mêmeque,lorsquele saint faisait sesprosternations,un ange te-nait provisoirementle manchede la charrue

1.Nousferonsremarquerqu'onmi~acteexactementsem-

Page 55: Trumelet Algerie Legendaire

48 t.'AM)5M8t.ÉaBNOAH)R

Pr, il arriva qu'un hommedu pays perdit une va-

che; sesrecherchesl'avaientprécisémentamené1&oulabouraitSidiAbd-el-Aziz.SonatteMionfut natureHe-mentattirée parcettenuéed'oiseauxdirigeantet exci-tant l'attelage du khammas du Dj&adi il y avait là.

quelquechose d'étrange. !i semblaencoreà l'homme

à la vache perdue qu'une forme blanche venait de

tempsentempsreleverlekhammasà la.charrue;cette

particularitése produisaitsurtoutquandil se proster-nait le front contre terre pour prier.

Bienqu'ilne brillât pas par une intelligenceexces.

sive,l'hommeà la vachecompritpourtant que le fait

qu'il avait sous les yeux n'était pas commun,et qu'ilfaUaitque le khammas de sonvoisin fût nécessaire-ment un laboureur extraordinaire, un laboureurquidevaitindubitablementavoirquelqueaccointanceavecles puissancessurnaturelles,Dieuou Chithan.

L'hommeà la vache ne voulut point troubler SidiAbd-el-Azizil s'empressa,au contraire,de se rendre

auprèsdu mattre du saint, auquel il raconta ce qu'ilvenaitdevoir. Le B~âadicrut d'abordque son voisinvoulaitse moquerde lui mais lorsquecelui-ci l'edt

engagéà venirvérifierle fait lui-même,il ne sut tropque dire. Il raconta ce prodige[&sa famille,qui semontrad'abordaussiincrédulequelui. Commeil étaitfacile,en résumé, de constater la véracitédu récit du

voisin,le Djàadise décida à s'en assurer par ses pro-pres yeux; il voulutmême,se défiantde sa manièredevoir, emmenertoute sa maisonaveclui.

Cequ'avait racontél'hommeà la vacheperdueétaitde la plus exactevérité. En sa qualité de Kabil, le

blableà celuiqui est opérépar SidiAM-et-Azizest attribuéparlesBoUandistesà saintIsidored'Alexandrie,solitairedelaThéMdeetdiscipledesaintJeanChrysostome.SaintIsidore,néversl'an370deJ.-C.,seraitmortvers440.

Page 56: Trumelet Algerie Legendaire

!M. MM ABt-N.-AZM-Et-BAM 49

Djàadisupputadesuiteleparti qu'ilpourraittirer d'un

pareil khammas, aussi résotot-il, séance tenante, dose rattacher déCnitivement.

Dès que Sidi Abd-el-Azizrentra des champs, le

Bjaad~ suivi d'unejeune fillefratchemontnettoyéeetd'une jument richementharnachée,s'avançarespec-tueusementvers sonkhammaset lui dit « 0 Abd-el-Aziz si tu veux,cettejeune fille et cette jument sontà toi. C'estcequej'ai de plus précieux.»

Pathima,–c'était le nomde la jeune fille, -n'avaitjamais espérédevenirla femmed'un saint, et surtoutd'un saint ayant le don des miracles;on comprenddès lors avecquelleanxiétéeUedevaitattendrela ré-

ponsedu khammas de son père. Elle était réellement

charmante,avecsesgrandsyeuxnoirsQxésardemmentsur les lèvresde SidiAbd-el-Aziz;mais, bien que ma-rabouth,lesaintn'était pas connaisseur,et dumoment

qu'on-nepouvaitpas dire de Fathima « EUesortpeuet ne se lèvequ'avecpeine le côtécharnelde leurunionétait pour lui sans importance.

SidiAbd-el-Azizmità faire sa réponseune lenteur

quidésespéraitla jeunefille;il finitpourtantpar dire« J'acceptela jument et la jeune fille. a MaisFathimaétait tellement heureusequ'ellene remarquapas quela jument avaitpassé avant elledans l'estimationquefaisaitle saint de la femmeet de la bête.Néanmoins,le mariagese fit, et Fathimaparut au combledes féli-cités.

Nous ne parlerons pas du bonheurdomestiquede

SidiAbd-el-Aziz,puisqueles Arabesne se marientpasen vue de cedétail qui tient tant de place dans la vie

i. PourlesArabes,lagraisseest,chezla femme,l'attraitca-pital.Ainsi,c'estfairel'éloged'unefemmequededired'elle«Unetelleneselèvequ'avecpeine.La femmepourvuedecegenredebeautéestditeNM'<M!ouanya.

Page 57: Trumelet Algerie Legendaire

80 t*AM)&ME]~6Et!BAME

des civilisés, Mais seulement pour avoir dos enfants.

La tradition nous apprend que le Cielbénit cette union,et que la sensible Fathima donna bientôt un Misà son

saint époux.Mais la passion des voyages, qui n'avait fait que

sommeiller chez Sidi Abd-el-Aziz,ne tarda pas à se ré-

veiller plus ardente et plus impérieuse que jamais.

Après avoir ramené tant bien que mal quelques Bni-

Djâad dans la bonne direction, il songea à faire une

tournée religieuse chez les Bni-Khalfoun, tribu kabile

établie au nord des Bni-Bjaad et sur la rive droite de

l'ouad Icer. Avant de reprendre son bâton de voyage,Sidi Abd-el-Azizse nt apporter son fils, et lui frappantdoucement sur la tête, il fit la prédiction suivante:

a De cette tête sortiront cent plus un cavaliers, ou cent

moins un », et cette prédiction valut plus tard à cet

enfant le nom de Sidi Ali-Bou-Farès.

Après avoir confié sa femme et son fils aux soins de

son beau-père, Sidi Abd-el-Azizse dirigea vers le nord,

et, traversant l'ouad Icer, il pénétra dans les monta-

gnes desBni-Khalfoun, et alla s'établir dans une grotte,à Tizi-Cheriàa.

Son extrême piété et sa science religieuse furent

bientôt le bruit de toute la tribu, et, de tous les côtés,on accourait entendre ses pieuses leçons. Le marabouth

Sidi Salem-ben-Makhlouf habitait depuis plusieurs an-

nées déjà le pays des Bni-Khalfoun, et c'est en vain

que, jusqu'alors, il avait cherché à rendre ces monta-

gnards meilleurs. II pensa donc qu'en s'associant Sidi

Abd-el-Aziz,dont la réputation lui était connue, il par-viendrait, en unissant ses efforts à ceux du saint de

Charef, à faire mordre plus sérieusement ces Kabilsaux choses de la religion. Il engagea donc son savant

et pieux collègue à quitter sa solitude et à venir habiter

sa maison. Après s'être fait un peu prier, Sidi Abd-el-.

Page 58: Trumelet Algerie Legendaire

?!. 8<M ABD-N.-ANÏ-HAM Si

Axixfinit par consentir à partager la demeure de SidiSalem. Ce dernier, qui avait ses vues, et qui désiraitretenir auprès de lui te marabouth Sabrien, lui offrit

la taain d'une de ses filles, la ravissante Smaha. Sidi

Abd-el-Aziz ne vit pas d'inconvénient à devenir le

gendre do son saint collègue, d'autant plus qu'en ré-sumé ce mariage ne portait qu'a trois seulement le

nombre de ses femmes légitimes il était donc encoreau-dessous du complet nxé par le code mahométan.

L'ambition et le rêve de Sidi SaIem-ben-MakMoufétaient surtout de fonder une zaouîa destinée à formerdes tholba qui l'aidassent dans l'oeuvre religieuse qu'ilavait entreprise celle de répandre parmi ces Kabils,si arriérés on matière de religion, la parole divine et

le respect des g3ns de Dieu. Sidi Abd-el-Azizétait pré-cisément l'homme qu'il lui fallait pour façonner des

missionnaires pieusement et patiemment zélés.Sidi Abd-el-Azizentra complètement dans les vues

de Sidi Satem-ben-MakhIouf, et ils fondèrent de con-

cert une zaoura qui ne tarda pas à déborder de jeunes

Croyants pleins d'avenir. Lesplus illustres marabouthsne dédaignaient pas de venir entendre Sidi Abd-el-Aziz,

qu'on appelait déjà le maître de la parole, et qu'onn'hésitait pas à comparer à Sahban, cet orateur dont

l'éloquence entraînante est passée en proverbe, et qui

pouvait haranguer une assemblée pendant une demi-

journée sans se servir deux fois du même mot. C'est

ainsi que nous voyons arriver successivement à sa

zaoura Sidi Arca-ben-Mahammed,de Sour-el-R'ouzlan;.Sidi Mahammed-ben-Alya,déjà célèbre pour avoir, non

loin de Djelfa, déplacé le djebelBestama, qui le gênait;Sidi Ba-Yazid-el-Raouti, qui a sa koubba près de Bou-

Sà&da; Sidi Sliman-Moula-Eth-Thrifia, qui a son tom-

beau sur l'ouad El-Meleb Sidi Ahmed-ben-Youcef, de

Meliana, le même qui mangea ses écoliers et qui ensuite

Page 59: Trumelet Algerie Legendaire

83 t.'AM&BMt.ëCBNBAHHS

les ressuscita;SidiNad~i-ben-Mahammed,des Rbaïa;SidiMakMouf,qui a son tombeauà une journée aunord deLaghouath;SidiEl-Hadj-Aïca,quia sakoubba

prés de ceksar; SidiAthaIlah,dont les restes mortetssont à Tadjmout;SidiAbd-el-Kader-El-Djilani,qui ason tombeauà Bar'dad. Quant à ce dernier, le plusgrand saint de l'Islam, nous ne voulonspas cacher

que, depuisbien longtempsdéjà/Dieu lui avait reprisson âme; mais le saint de Bar'dadayant tenu a sas-surer par lui-mêmesi la célébritéde SidiAbd-el-Aziz,qui faisaittant de bruit, mêmedansle séjourdesbien-

heureux, était réellementjustifiée, avait redemandésonâmeà Dieupour quelquetemps, et l'avait fourréedans l'envelopped'un écolier.Il s'était doncprésentéunjour à la zaouïadu marabouthde Charefpoursolli-citer la faveurd'y é're admis en qualité d'élève.Selonla coutumede ceuxqui n'ont pas le moyendepayer,il s'était présenté devant le chikh en disant « Jetombedu ciel,et vienste demandertes leçons.»Il n'yavaitplusde place;mais sa jeunesse,sa bonnemine,et surtout son insistance, plurent infinimentà Sidi

Abd-eI-Axiz,qui consentitpourtant&l'accepter.Le chikhes-sr'ir de l'écoleregretta bientôtce qu'il

appelait une faiblessedu chikhel-kbh": car, pourmieuxgarder l'incognitosans doute,Sidi Abd-el-Ka-

der-El-Djilanifaisait mille niches à ce professeuren

second, qu'il affectait de prendre pour ~on souffre-douleur le pauvrehomme,qui ne se doutait pas quetout celalui faisaitgagnerleparadis, se fâchaitparfoistrès sérieusement,et menaçaitalors le saintdeBar'daddelui fairemangerde la gaule; mais tout celane cor-

rigeait pas l'agaçantécolier.

1. Le sous-mattrc.

2. Le mattre.

Page 60: Trumelet Algerie Legendaire

H). 8!Bt ABB-Nt.-AZMH~-HAM S3

Mais noùs voulons donner une idée des espiègleriesde Sidi Abd-el-Kader; on verra alors ce qu'inallait de

patience au chikh es-s'rir pour les supporter.11 était de coutume, à la zaouïa de Sidi Abd-el-Aziz,

que chaque élève, à son tour, préparât le, kousksou

pour toute la communauté; or, un jour, c'était à.Sidi

Abd-el-Kader qu'incombait ce soin. « Va chercher du

bois, o monenfant, lui dit le chikh es-s'rir avec bonté,il essayait quelquefois de. la douceur, va! mon

nls! car tUtSaisque c'est ton tour, puisque Mohammed-

ben-Chaban y a été hier. Or, je sais que, pour tous les

biens de la terre, tu ne voudrais pas imposer & tes

camarades.–Par Dieu! il ne me plait pas de faire cette cor-

vée ?, répliqua Sidi Abd-el-Kader d'un ton plus que

léger, et en interrompant très impoliment le chikh,

qui en fut extrêmement blessé.

Par ma tête 1 reprit le chikh es-sr'ir irrité, je te

ferai bâtonner, ô enfant mal. élevé! 1sile kousksou n'est

pas prét pour le repas du soir. »

Cette menace ne parut pas effrayer beaucoup Sidi

Abd-el-Kader, car il se mit &simoter entre ses lèvres

d'une façon qui exaspéra à un tel point le vieux chikh,

qu'il se serait inévitablement laissé aller à quelque vio-

lence, s'il n'avait eu la prudence de se retirer. Il va sansdire que le jeune élève ne s'occupa pas plus de cuisine

que de la chachia vernissée de crasse deson professeur.

Cependant, l'heure approchait où les estomacs des

élèves allaient crier a assourdir leur esprit, et pourtantil n'y avait pas trace de préparation des aliments. Le

chikh avait espéré que le refus de l'ecolier d'obéir à ses

ordres n'était qu'un caprice, et qu'il finirait par faire

sa corvée. Qu'on juge..de la colère de ce professeurquand, étant revenuà la cuisine, il vit la marmite ge-lant de .froid sur ses trois pierres, et dans la position

Page 61: Trumelet Algerie Legendaire

-M ï.'AM)ÊME L&QENBAMB

où il l'avait laissée a très sa scène avec le jeune mau-vais sujet Furieux de se voir joué par un polisson quine paraissait pas se préoccuper le moins du monde du

cataclysme que pouvait attirer sur la zaouia un dlneren eingie, il n'est rien de plus féroce que des éco-~

liera qui ont faim, le chikh se disposait, comme il

l'en avaitmenaeé, à batonner Sidi Abd-el-Kader, quandcelui-ci, après avoir placé tranquillement sa jambedroite sous la marmite, dit au sous-maMre avec uncalme superbe « 0 chikhî mets-y le feut a

Le chikh es-sr'ir pensa, c'est assez naturel, quel'indocile élevé voulait se jouer de lui, et sa colère fut

sur le point de ne plus connaître de bornes; il levait

donc la gaule pour l'en frapper, lorsque le saint, pre-nant une lampe qui brûlait auprès de lui, la mit sous sa

jambe, qui flamba immédiatement. Quelques minutes

après, on entendait dans la marmite le bouillonne-ment de l'eau, laquelle s'élevait aussitôt en vapeur à

travers le tamis du keskes.

Le repas fut servi à l'heure habituelle, et les écoliers

trouvèrent au kousksou un délicieux arome qui n'avaitrien de commun avec l'odeur de graillon qui, ordinai-

rement, parfumait si désagréablement cet aliment.Informé de ce miracle par le chikh es-sr'ir, Sidi AM-

el-Azizregarda attentivement son élève, et l'ardeur decette fixité ne tarda pas à déterminer l'inflammationdu fluide qui entoure et isole l'enveloppe corporelledes saints en mission sur la terre. Dépouillé de son

vêtement terrestre, Sidi Abd-el-Kader sentit bien qu'ilétait reconnu, et qu'il n'avait plus à feindre. Sidi Abd-el-Azizse confondit en excuses auprès du saint au sujetde la colère de son chikb, lequel avait osé le menacer

de sa gaule. Sidi Abd-el-Kader, tout en acceptant les

excuses, rit beaucoup de l'aventure, c'est le saint le

plus gai du paradis, et surtout de la figure que fai-

Page 62: Trumelet Algerie Legendaire

Ht. SÏM AKD-Et-AHZ-Et-BAM 58

sait le chikh; H rassura ce dernier avec bonté, lui

recommandant toutefois de ne pas s'abandonner si fa-cilement à la colère, et de se rappeler sans cesse ces

paroles du Prophète « Lorsqu'un de vous se met encolère étant debout, qu'il s'asseye, et, si la colè.e ne le

quitte pas, qu'il se mette à rire. »

Le cbikh, confus, cherchait une~réponseau plafond àcette leçon du saint; il la tenait; mais, quand il ramenason regard à hauteur d'homme pour l'écouler, l'o«a~avait déjà disparu.

La fuie de Sidi Salem-ben-Makhlouf, la délicieuse

Smaha, donna à Sidi Abd-el-Azizun fils qui fut nommé

Abd-er-Rabim lesaint marabouth de Charef se vit alors

père de sept enfants maies, nombre tout à fait rassu-rant pour la maison de Sidi Ali-ben-Mahammed.

Malgréses succès auprès des Kabils auxquels il étaitallé porter la parole divine, malgré la célébrité de lazaouia qu'il avait fondée chez les Bni-Khalfoun, il arri"

vait de temps en temps à Sidi Abd-el-Azizde tourner

sa pensée vers le Sabra, et de l'arrêter sur le Ksar-Cha-ref et sur ceux qu'il y avait laisses. Les charmes de la

ravissante Fathima la Djaadia, et de la charmanteSmaba la Khalfounia, n'avaient pu lui faire oublier

l'opulence de ceux de la belle Halima, qui, depuis cinqannées, attendait vainement son retour.

Sidi Abd-el-Aziz avait aussi à Charef cinq Bis, dont

l'aîné. Si Ahmed l'héritier de la baraka, devait être

déjà, s'il avait tenu ce qu'il promettait, un sujet des

plus remarquables. Tranchons le mot, Sidi Abd-el-Azizavait le mal du pays. Cette affectionfinit par se déve-

lopper avec une telle intensité qu'il en perdait le boireet le manger. Quand Smaha, on ne peut rien cacher

i. Si estune abréviationdeSid,Sidi.En général,cettequa-tincationde Si se donneauxlettréset aux marabouth.

Page 63: Trumelet Algerie Legendaire

86 ï.'Ate6MB !~6EKDAMH5

auxfemmes,–interrogeait sonépouxsur sa tristesse,le saint éludaittoujoursla question,ou faisaitdes ré~

ponsesévasiveaqui prouvaientà SmahaqueSidiAbd-el-Azizn'était pas du tout disposé&lui laisser explo-rer les recoinsmystérieuxde son cœur.Enfin,le malfitdesprogrèstellementrapidesqueSidiAbd-el-Aziz,laissantIAsa troisième familleet sa zaouîa,disparuttoutà coupsansqu'onpût savoiroù Havait porté ses

pas. Après avoir pleuré suffisamment,Smaha séchases larmes avec une résignationtoute musulmane,etellene se tracassa plus le moinsdu mondesur le sortde son époux.

La zaouïa fut bientôtdéserte car SidiSalem-ben-Makhloùfne pouvait,en aucunefaçon,remplacersonsavantcollègue.Nous retrouvons,-cela n'a rien d'étonnant,– Sidi

Abd-el-Azizà Charef.Lemaraboutb,avecunejoiequ'ilSavait pas cherchéà dissimuler,revit sonpays natal,sa femmeet ses enfants; seulement,il croyait n'enavoir que quatre, et on lui en présentait cinq. Cette

bizarrerie,qu'il avait peineà s'expliquer,répanditun

peude noir sur son âme; il avait beaules compteretles recompter,le résultat de son calculétait toujoursobstinémentle même. Sa femmelui jura, lui affirma

par Dieuqu'il ~navait parfaitementcinq lors de son

départ; elleajoutaitqu'elletrouvaitétrange,et surtout

désobligeantpourelle,quele saintedtà cepointperdula mémoire.Elle feignit d'en accuser les femmesdu

Tell, ces filles de péché, qui, c'étaitvisible,luiavaientravi son affection.Dureste, il y avait là troisou quatredesanciensélèvesdela zaouïaqui pouvaienttrèsbienattester lefaits'il enétaitbesoin.SidiAbd-el-

Aziz,qui passait pour avoir inHnimentde bon sens,

compritqu'il valait beaucoupmieuxqu'il se rappelâtla chose qued'aller invoquerle témoignagede ses

Page 64: Trumelet Algerie Legendaire

lu. NMAMt-M.-Am-Et.-aAM M

anciensélevés.Cequ'il y avait de certain, c'estqu'ilétait &la tête de cinq enfants,cinq filsqui lui ressem-blaient de cette taçon frappantedont les mères, les

sages-femmeset les nourrices,prétendenttoujoursqueles enfantsressemblentà leur père.

Le Ksar-Charefs'était beaucoupdéveloppépendantl'absencede Sidi Abd-el-Azizdes constructionsnou-velles s'étaient.élevéesautour de la mosquée, et denombreux arbres fruitiers, plantés soit par lesanciens disciplesdela zaouïa, soit par les membresdo la famille de Sidi Abd-el-Aziz,donnaient déjà àChareftoute la fratcbeur d'uneoasis. Il n'y avait plusà douter que les eaux de Haci-Tiouelfinne valussentmieux que deux mille dinars « T~oMeJ/ÏM&AeM'men

~/?M», ainsi que,jadis, l'avait dit SidiAli-Mahammedà son beau-frèreSidiBou-Zid.Bref,Ksar-Charefpre-nait tout à fait le cheminde se transformer enËden.

Sidi Abd-el-Azizn'était point un saint complet,etil le savait; ainsi, il ne pouvaitencore faire précéderson nom du beau titre dEl-Hadjdj, le pèlerin; il

avait, jusqu'à présent, négligéde remplircereligieuxet importantdevoirque Dieua misau nombre de ses

plusformellesprescriptions « Accomplissezle pèle-rinage de MeMtaet la visitedes Lieuxsaints.

« Le pèlerinagese fera dansles moisquevouscon-naissez. Celuiqui l'entreprendra devra s'abstenirde

femmes, de transgressions des préceptes et demxes M

Cette inobservancedes préceptessacrés tracassait

1. te JCoMK,chapitreIl, versets192et M3.Toutmusulmanquiveutfairelepèlerinagedoitserevêtirdumanteaudepè-lerin,s'abstenirdela chasseet desfemmes,etnepointseraserla tête.L'entréeen pèlerinagecommenceau momentoù leCroyantmetlepiedsur le territoiresacré,c'est-à-diresurleterritoiredeMekka.

Page 65: Trumelet Algerie Legendaire

88 L'AMÉMR t.&SBNMMR

Sidi Abd-el-Azia;pendant la nuit surtout, la pensée

qu'il pouvait mourir sans avoir visité les Villes nobleset respectées l'obsédait a lui ôter te sommeil. Unjour,il était couché, mais il veillait,– auprès de Halima,

qui, dit-on, dormait profondément. Ceci est assez

probable pourtant, puisque la tradition prétend qu'ilréveiUa. « 0 HaUma lui cria-t-il dans l'oreille

gauche, je veux, ce soir, aller à Mekka. »

LeUaHalima, bien que réveillée en sursaut, répon-dit d'instinct e Tu n'iras pas w

C'était raide, surtout à l'égard d'un saint musulman;ma!sc'est que LeUaHalimasavait à quoi s'en tenir surles pieuses fugues de son époux, et elle avait bien juréde s'y opposer dorénavant de tout son pouvoir.

« Je t'assure, ô Halima répliqua doucement lesaint en voyant son projet si mal accueilli, je t'assure

que j'ai juré par Dieu, par mon p~"<!et par monancêtre Sidna Mohammed, que Di<u répande sesbénédictions sur lui et sur ses compagnons j'aijuré que j'irais, cette nuit, visiter la Bit ~/aA';

cependant. si.Je te le répète, ù Monseigneur!tu n'iras pas.C'est bien », répondit tranquillement Sidi Abd-

el-Aziz, et il tourna le dos à Halima, qui, du reste, enfit autant.

Sidi Abd-el-Azizavait son projet il n'y avait guèrequ'un moyen de prouver à sa femme qu'il dormait

profondément et qu'il avait renoncé à son voyage,c'était de produire ce bruit si connu qui résulte, géné-ralement, des vibrations du voile du palais disons le

mot, c'était de ronfler, Or, comme ce bruit agaçant'était dans les habitudes du saint, la naïve et crédule

Ralima s'y laissa prendre et se rendormit.

t. LaMaisonde Dieu,Mekka. ·

Page 66: Trumelet Algerie Legendaire

M. SUMABtt-t!t.-AZ!Z-!a.-NAM 88

Cetteprétentionde SidiAbd-el-Azizd'aller &Mekkaen une nuit n'était évidemmentpoint réalisableparles moyensordinaires de locomotion;mais ce saintavait tout pouvoirsur les <~eMowt,génies,et il se dis-

posait à en user. Touts'expliquedonc.Dèsque sa femmefut bien endormie,SidiAbd-el-

Azizse leva sans bruit du tapis qui leur servaitdecouche,puis il sortit de sa maison,et sedirigeaversun petit ravin encaissé qui semble une blessurebéanteau front du mamelondominant les sourcesdeCharef. Lecielavait endosséla nuit commeunecui-

rasse', et de gros nuages noirs, pareilsà dessillons

d'encre, bandaientles yeuxaux étoiles.Le saint s'ar-rêta auprèsd'unelarge pierreapportéesur la lèvreduravin par quelque convulsiondes hauteursvoisines,et il se mit à prier. Quandsa prière fut terminée,SidiAbd-el-Azizdécrivit autour de cette pierre, avec sonbâton ferré, un mett~' qui parut defeu; puis, ayantramassé une poignéede sable dans l'intérieur de ce

cercle, il la jeta dans le nord en prononçantcertaines

parolesque la traditionn'a pas conservées,maisqui,évidemment,devaientêtre uneévocation.Aussitôt,unbruit pareil à celuique produirait dans l'air le batte-ment des ailes d'un oiseaugigantesquese fit entendredans la directionoù le saint avait lancéla poignéede

sable; une lueur bleuâtre rayait en mêmetempsl'es-

pace avec la rapidité d'un bolide qui s'abat sur laterre.

Cette lueur fut bientôt au-dessusdu point oùétaitSidi Abd-el-Aziz;elle y plana pendant quelquesin-

stants, puis elle descenditen spirale dans le cercletracé par le saint. C'était IMt en personne,ce génie

1. Lanuitétaitobscure.2.Cerclemagique.

Page 67: Trumelet Algerie Legendaire

60 t.'AMÉME t.ëCBMMME

qui, autrefois, avait apporté en un clin d'œit au roiSaumonle trônede la reine de Saha.LemarabouthdeCharef remarqoa avec plaisir que ce <~pHaavait,pour la circonstance, pris le corps d'un cheva!, et

qu'il était ailé des quatre membres cette formepro-mettait au saint un voyage commodeet rapide. Nousl'avonsdit plus haut; SidiAbd-el-Azizn'était pas très

cavalier,puisqu'il ne montait jamais qu'unemule, etil aurait regardécommeune téméritéd'enfourchersamonturesansqu'elle f<M.vêtue de sa selle. Or,préci-sément, IMt était dépourvude cette partie si impor-tante du harnachement.Sidi Abd-el-Azizs'en aperçutau momentou il allait se hisser sur le dos du<~etM.Cettedécouvertelui fut désagréable,et il allait, selon.toute apparence, renoncerà son voyage,lorsqu'il luivint a l'espritde se servir commede sellede la pierreplate qui était au centre de son cercle d'évocation.IMt grognaun peu; maisle saint n'y prit pas garde,et, l'ayant fait agenouiller,commele font les chame-liers pour montersur leurs chameaux,il enfourchale

génie en criant « A la Bit ~MoAa à la maisonde Dieu Cette destination flt faire la grimace àïfrit; mais le saint lui ayant donnédesdeuxtalonsdans le ventre, il nia dans l'est avec la rapidité del'éclair.

Revenonsà la maison de Sidi Abd~eI-Aziz.Halimas'est rendormie mais son sommeilest inquiet, agitéelle se tourne et retourne sur son frach (tapis); ellemurmore des paroles inintelligiblessur le ton de lacolère. Elle s'éveille,cherche à ses côtés et ne ren"contre que le vide; elle a comprisle stratagèmedeson époux, et, elle est furieuse de s'y être laisséeprendre. Elle veut essayer de dormir, mais le som-meil la fuit; elle se résigneenQnà attendre, la têteappuyée sur sa main, le retour de-SidiAbd-el-Aziz;

Page 68: Trumelet Algerie Legendaire

Mt< 8UH ABe-Bt.-ANX-Et.-MAM

bret, la belle Halima avait passe ce que les Arabes

appellentune nuit de hérisson « Beviendra-t-il?96 disait-elle avec un air de tristesse mélangéd'un

peu d'irritation.Lanuit commençaità peine Aprendre le jour pour

fourreau quand un cri déchirant, qui n'appartenaitcertainementpas à la gammedes sonshumains,se fitentendre dans la direction du puits de Charef.SidiAbd-el-Azizrentrait chezlui à tâtons et sur la pointedespiedsquelquesinstants après, espéranttrouver safemmeencoreendormie.Mais,nousle savons,Halimaveillait et attendait son saint époux. L'obscurité

régnait encoredans la chambre à coucher, et SidiAbd-el-Azizespéraitpouvoirreprendresa placeauprèsdo sa femmesans qu'ellese doutâtdu peu de casqu'ilavait fait de sa défense.Il comptaitdéjà sur l'impu-nité, lorsque l'irascible Halima, qui s'était mise surson séant, l'interpellabrusquementences termes

« D'où viens-tu, ô Monseigneur!6 le coureur denuit*?

Par la vérité de Dieu ô femme j'arrive de

Mekka,répondit timidementSidi Abd-el-Aziz,qui sesentait pris.

Par ton cou tu mens, û Monseigneuret Dieuhait le mensonge,répliquaHalima.

Queje témoigneavecmes pieds! si cequeje dis,ô femmen'est pas l'exacte vérité.Je puis, du reste,t'en fournirla preuve.

Je t'écoute, ô Monseigneur!maisne cherchepasà me tromper, car les trompeurs, tu me l'as dit toi-

même, sontdu boisqui alimentele feude l'enfer.Si tu veux~oir ma selle, ô femme! elle est là,

toutetachéedu sangd'Ifrit,ma monture. a

t. Ellen'avaitpasdormi.44

Ci

Page 69: Trumelet Algerie Legendaire

es t.'AMi6tMK t.ÉCEKCAME

En effet, la selle, ta pierre plutôt, dont s'était

servi le brutal marabouth no s'appliquait que trèa

imparfaitement sur les flancs d'IMt; de plus, il avait

exigé de l'infortuné génie,–pour être rentré avant le

jour, ïës allures les plus déréglées; qu'on joigne à

cela l'ignorance du saint en matière d'équitation, et

l'on comprendra, sans le moindre effort d'intelligence,

Fêtât .dans lequel devait se trouver, à l'arrivée, le dos

du trop malheureux <~eMM.Aussi, n'est-il pas éton-nant qu'il ait jeté ce cri déchirant,-celui dont il vientd'être parlé,-quand Sidi Abd-el-Azizle dessella. Voilàbien ce qui prouve que ce n'est pas d'hier seulement

qu'on abuse des montures dont on n'est pas le pro-pnétanFc.

« Cette preuve est insufSsante, continua la soup-çonneuse Halima; n'en as-tu pas, ô Monseigneur!d'autres à me donner?

Exigerais-tu, û femme méuante que je te fisse la

description de la K&ba, dont j'ai fait sept fois le tour,que je te racontasse ma station sur le mont Arafa, mestournées entre les monts Safa et Mëroua?. Est-il

indispensable que je te dise qu'en faisant le tour de laKâba j'ai baisé la pierre noire nxée à l'angle sud-est

de ce temple, pierre qui a été apportée par Sidna

Adam sur la terre?. As-tu besoin de savoir que j'aibu de l'eau du puits de Zemzem, eau qui a la vertude donner la foi?. Penses-tu qu'il soit d'absolue

nécessité que je t'affirme que j'ai lapidé le diable de

sept cailloux à Akaba, en mémoire de notre seigneurAbraham, qui y a repoussé Chithan lorsque celui-civoulait l'empêcher de sacrifier Ismâël?. Onn'invente

pas ces choses-là., ô femme et qui ne les a pas vuesou faites ne saurait les raconter.

C'est bien, AMonseigneur le pèlerin 1 la foi m'a

pénétrée, et je crois.

Page 70: Trumelet Algerie Legendaire

Ut. !HtMABO-M.-AX)X-)~-MAM <t

Soit que Sidi AM-cl-Axixcraignit les reproches do la

fougueuse HaMïna, soit qu'ayant reconnu que la con-version des Kabils était une besogne ingrate, il eutrenoncé à l'apostolat, tout ce que nous pouvons dire,c'est que son voyage aérien &Mekkaclôtura ses excur-sions religieuses; il consentit cependant, un jour, surla prière de Sidi El-Hadj-Aïça,à serendre à Laghouathpour sauver les habitants de ce ksar, menacés par unecrue extraordinaire de l'ouad Mxi'. Bien que possé"dant le don des miracles, Sidi El-Hadj-Aïca, sollicité

parles Peni-l.aghouath d'apaiser l'ouad, s'était trouvé

impuissant devant l'inondation. C'est dans cette cir-

constance suprême qu'il avait fait appel au saint ma-

rabouth de Charef.

Le péril était imminent, et l'ouad, gonué à crever,allait faire irruption dans les jardins et dans la ville,et, fort probablement, entraîner dans sa course furi-bonde et maisons et palmiers. La rivière battait déjà.furieuse, les murs de clôture des jardins et ceux du

ksar, qui s'émiettaient sous l'action des eaux. Sidi

Abd-el-Aziz n'hésite pas. Après avoir adressé à Dieuune fervente prière, il se couche à plat ventre dansl'ouad et ouvre la bouche; les eaux s'y engouèrentbruyamment et s'y perdent en tournoyant. Au boutde quelques minutes, l'ouad Mziétait absorbé, et les

Beni-Laghouath bénissaient leur sauveur.En reconnaissance de ce service signalé, les gens de

Laghouath apportaient tous les ans à Sidi Abd-el-Aziz,et, après lui, à ses descendants, un régime de leurs

plus belles dattes. Depuis l'occupation de ce ksar parles Français, cet usage est tombé en désuétude.

Sidi Abd-el-Aziz, que les années avaient alourdi,songea sérieusement à la retraite; it consacrait tout son.

~:<, motberbère,J!ut!Mu(!ft!'Hm:;MM.petit.

Page 71: Trumelet Algerie Legendaire

64 t.'AMËMR~CBKMtaE

temps&prier ou àiairè de pieuseslectures &sesan-ciensdisciples,quiavaientvieilliaveclui; ses journéesse passaient dans la mosquéequ'il avait fait bâtir,assis sur une natte démaillée, le dos appuyé contrel'un des piliers de l'édince, il égrenait son chapelettout en causant de sespetitesaNairesavecles gensduksar qui fréquentaientla mosquée.Le saint prenaitaussi grand plaisirà visiterl'écolequi était attenanteà la mosquée; là, s'armant de la baguette du chikh,

celalui rappelaitsa jeunesse, il faisait réciter leKoranaux élevés.Sidi Abd-eI-Azizne se sentait plusd'aise quand, par hasard, il tombait sur un <eH sa-chantmodulersa leçond'une voixpure et limpide; itfermaitalors les yeux, et il lui semblait,disait-il,en-tendrechanter les anges.

Enfin,par une nuit noire, pendant laquelle le ton-nerren'avaitcessédegronder,SidiAbd-el-Azizmourut,laissant là ses soixante-troisans.

Quelquesa~a~:M(traditionnistes)prétendentqueSidiAbd-el-Azizserait mort chez les Bni-BjjAad,et qu'ilaurait son tombeauchezles.Ammal,sur l'ouadIcer.Voicicommentlachoseseseraitpassée:quelquetempsavant qu'il ne rendit son souffleà Dieu, il avait été

pris d'un ardent désir de revoir sa femmeFathima la

Djàadia,la mèrede SidiAli-Bou-Farès,cet enfantsurla téte duquelle saintavait fait la prédictionque nousavonsrapportéeplushaut. La mort l'avait pris là, aumomentoù il se disposaità retou;ner à Ksar-Charef.

Dèsquelesfilsde SidiAbd-el-Aziz,-toujours selonlaversiondes traditionnistés,-avaient apprisla mortde leur père, ils étaient partis de Charefsans délai

pour aller chercher soncorps; mais un beau-frèredu

saint, le Dj&adiavait finipar obtenirde la postérité

i. Tali,celuiquilit, quiréciteleKoramavecmoduiaiioma.

Page 72: Trumelet Algerie Legendaire

t!t. StM ABt)-E!<-AXM-EL-aAM 63

mate, qui sentait tout ce que pouvait avoir de pro-fltable pour lui et pour le pays la présence des restes

mortels d'un saint de cette importance, avait refusénet de Je rendre à ses enfants; d'ailleurs, il avait déjàfait élever sur son tombeau an gourbi splendide en

maçonnerie, et il ne voulait pas que ce fût en pureperte. Les enfants de Sidi Abd-el-Azizinsistaient pourenlever le corps; le beau-frère' ne voulait pas le céder;la querelle s'envenimait et menaçait de se traduire envoies de fait. Les n!s de Sidi Abd-el-Azizavaient résolu

d'employer la force dès le lendemain, si le beau-frere

de leur défunt père, qui avait mis la tribu dans ses

intérêts, persistait à vouloir détenir illégalement le.

précieux cadavre du saint. Une grande partie de la nuit

avait donc été consacrée par nos Sahriens à l'étude descombinaisons tactiques qui devaient leur donner lavictoire. Après avoir adressé une prière à leur vénéré

père pour qu'il les aidât dans cette affaire, qui le

regardait un peu, ils finirent par se coucher, comp-tant beaucoup plus, il faut le dire, sur son interven-

tion que sur leurs fusils la suite de cette aventure a

prouvé qu'ils avaient eu raison.

Onjugera qu'elle dut être l'étonnement des fils de

Sidi Abd-el-Azi quand le plus jeune d'entre eux, sorti

de la tente au point du jour, y rentra de suite pourannoncer à ses frères ce qu'il avait vu leur mule,entravée à quelques pas de leur maison de poil, était

chargée d'un ndacA couvert de son tapis, et solide-

ment amarré sur le dos de la bête au moyen de cordes

de palmier nain; ils se levèrent aussitôt pour aller

s'assurer par eux-mêmes si leur jeune irère n'était pas

1.Espècede civièreservantau transportdes morts au ci-metière.

4.

Page 73: Trumelet Algerie Legendaire

ï.'AMÉMtE ï~CEKMtM!6C

sous FinOuence d'une hallucination, mais ils virent

exactement comme il avait vu, Ayant soulevé !e drapmortuaire, ils reconnurent parfaitement leur père; bien

que le saint fût mort depuis quelque temps déjà, son

visage n'était pas du tout décompose, et ses restes

mortels exhalaient une odeur délicieuse, l'odeur de

sainteté.LesBisde Sidi Abd-el-Azizs'empressèrent de prendreo

la route du Sud avec le précieux fardeau. Bien qu'ilseussent marché jour et nuit du pays des Bni-Djàadà

Ksar-Charef, ils n'avaient point éprouvé de fatigue; il

leur sembla même qu'ils n'avaient mis qu'un jour pourfaire ce long voyage.

Quoi qu'il en soit, les Bni-Dj&adet les gens de Charef

prétendent chacun posséder la dépouille mortelle de

Sidi Abd-el-Aziz;le fait suivant nous porterait à croire

que les Bni-Djâad sont dans l'erreur. Dès qu'ils furent

à Charef, les Oulad Abd-el-Azizconiièrent de nouveau

à la terre le corps de leur père; la fosse qui devait le

recevoir fut creusée sur un petit plateau situé entre le

ksar et les eaux de Charef, tout près des sources. Les

enfants du saint firent venir à grands frais des maçonsde Figuig pour élever une koubba sur son tombeau;

mais, à trois reprises dioérentes, la chapelle funéraire,bienqu'elle parût solidement bâtie, s'écroula dès qu'ellefut terminée. Il est clair que ce miracle n'avait raison

de se produire qu'autant que le corps de Sidi Abd-el-

Aziz était enterré là: il serait irrespectueux, impiemême, de supposer qu'un saint pût faire des miraclessans but, des miracles inutiles. Donc,pour tout homme

qui raisonne, les restes du marabouth de Charef nepeu-vent pas être chez les Bni-Dj&ad,à moins pourtant quele saint ne se soit dédoublé, ce qui est assez douteux.Il nous en coûte certainement de dévoiler la pieusefraude de ces Kabils; mais notre profond ambur de

Page 74: Trumelet Algerie Legendaire

tïï. StMABf.Et.-AZK-Kï.-UAM 67

la vérité ne nous permet pas, dans cette circonstance,de nous faire leur complice.

Nous n'avons pas à rechercher ici les causes de la

répugnance de Sidi Abd-el-Aziz'pour la koubba. Quece

soit excès demodestie, ou bien que le saint ait compris

que ces somptueux monuments qu'on élève aux morts

ne servent qu'a flatter la vanité des héritiers du défunt,ce qu'il y a de positif, c'est qu'aujourd'hui une pierrebrute, couleur de sang, marque seule le lieu où furent

déposés les restes de l'un des plus grands saints du

Sud: une pierre, haute d'une demi-coudée, confondue

au milieu des tombes des Abaziz, ses descendants et

ses serviteurs religieux, c'est là tout ce qui rappelle le

souvenir, sur la terre, de l'homme qui fonda le Ksar-

Charef il est vrai que c'est lui qui a voulu qu'il en fût

ainsi. Nous devons ajouter que la chapelle funéraire

que lui ont élevée les Ammal est restée parfaitementdebout, et que ces Kabils ont toujours prétendu pos-séder les restes authentiques de Sidi Abd-el-Aziz Dieu,

là-dessus, en sait infiniment plus long que nous.

Avant d'en finir avec Sidi Abd-el-Aziz,nous voulonsraconter ce qui arriva, en 1844, au général 'Jarey,lorsque, à la tète d'une colonne expéditionnaire, il se

rendit à Laghouath sur l'appel que lui en avait fait

Ahmed-ben-Salem,le chef de l'un des partis qui se dis-

putaient le pouvoir dans cette ville. A son approchede Charef, la population s'était retirée dans les mon-

tagnes boisées qui avoisinent le ksar; pour l'amenerà composition, le général ordonna sa démolition,certain que les Abaziz ne tarderaient pas à venir luidemander l'aman. En effet, la pioche de nos soldatsavait à peine commencé son œuvre de destruction queles Oulad Abd-el-Azizamenaient leur gada au général.et lui offraient leur soumission. Le général acceptaitla gada et leur donnait le pardon, en les soumettant

Page 75: Trumelet Algerie Legendaire

68 t'AMÊME tÉCEN~ME

toutefois à la ~ez~a (capitation), l'impôt payé par Ie&

populations sabriennes..

Or, le. général Marey, qui joignait à une parfaiteconnaissance de la langue arabe un goût M pro-noncé pour les légendes, lesquelles, en résumé, sonttoute l'histoire des Arabes depuis l'invasion, le général

Marey, disons-nous, après s'être fait raconter les pro-diges qui signalèrent le passage de Sidi Abd-el-Azizsur cette terre, voulut voir la pierre qui avait servi deselle à ce saint marabouth lorsqu'il fit, monté sur le

<~eNaIMt, son voyage nocturne à Mekka. Cette pierre.se trouvait justement au-dessous du camp de la co-lonne française, et à la place même où l'avait déposéeSidi Abd-el-Azixquand il dessella le génie. Le généralet sa suite étaient &cheval, « C'estici, lui dit Moham-

med-ben-Ahmed, qui lui avait servi de guide, c'estcette pierre qui fut mise sur le dos d'Ifrit, et que nous

appelons depuis lors la selle de Sidi AM-Le général, qui était descendu de cheval, sourit

d'un air de doute en remarquant combien cette roche

paraissait peu faite pour remplir le but que s'était pro.posé SidiAbd-el-Aziz, et monta sur la pierre, par inad-

vertance sans doute: car nous ne voulons pas supposerqu'il l'ait fait par mépris des croyances des Abaziz,.attendu que le général Marey professait le plus grandrespect pour tout jcequi touchait aux choses de la re-

ligion musulmane. Son cheval se cabra soudainement

sans cause apparente, gesticula de sès pieds de devant

au-dessus du commandant de la colonne, et, finale-

ment, s'abattit sur lui en lui faisant à la tête une bles-

sure tellement grave que le général en perdit connais-

sance, et qu'il ne put reprendre ses sens que le lende-

main. Le khal,ifa Ahmëd-ben-Salem était présent..Le général Marey attribua sans diinculté à Pacte

involontaire d'impiété qu'il avait commis la veille, en

Page 76: Trumelet Algerie Legendaire

lit. 8ÏN ABB-E~AZM-H.-MAM 69

montant si irrespectueusement sur la pierre de Sidi

Abd-eI-Aziz, l'accident si extraordinaire dont il avaitété victime. Le premier usage qu'il fit de sa raison futde faire appeler le kaïd des Abaziz, et de lui donner,pour être distribués aux Oulad Sidi-Abd-el-Aziz,septbcauf~,soixante-dix moutons et une assez forte somme

d'argent. Le général espérait, par ces largesses, réussirà calmer le saint marabouth qu'il avait offensé; mais,soit que le kaïd crut que les bœufs et les moutons

fussent suffisants pour atteindre ce résultat, soit qu'ilaimât démesurément l'argent, tout ce que nous pou-vons affirmer, c'est que les descendants du saint ma-rabouth ne virent pas l'ombre d'un douro. Il est incom-

préhensible que, dans cette circonstance, Sidi Abd-el-

Aziz,qui, pendant sa vie terrestre, faisait si facilementdes miracles, ne soit pas intervenu dans cette affaired'une façon sérieuse, en causant quelques désagré-ments à l'indélicat kaïd.

Le général, que le miracle de Sidi Abd-el-Aziz rem-

plissait d'inquiétude, ne voulut pas prolonger davan-

tage son séjour sousles murs de Charef; il reprit, avec

sa colonne, la route du nord. II ne se décida à monterà cheval que lorsqu'il ne fut plus en vue du ksar. Les

Arabes qui faisaient partie de son escorte prétendentque, tout en marchant, il se frappait la poitrine en ré-

pétant à chaque pas ces paroles qui témoignaient de

son profond repentir « 0 Sidi Abd-el-Aziz!pardonne-moi » Ce n'est qu'à hauteur d'un point appelé El-Ar-

goub qu'il remonta à cheval; mais on remarqua que,pendant toute la marche de ce jour, il n'avait pasadressé une seule fois la parole aux officiers de son

escorte il était évident que l'événement de la veillele préoccupait énormément.

Ceprodige fit grand bruit dans le Sud. LesSahriens,

que notre incursion ne satisfaisait pas, prétendirent

Page 77: Trumelet Algerie Legendaire

t/AMÉMH-: t.È<:RKn.\)HH70

quece fait étaituneprotestationévidentede SidiAbd-eI-Axixcontre notreprésencedans le pays. Nousajou-terons que cette opinion n'eut aucune inuuence fA-

cbeusesur nos progrèsultérieursdansle Sahra.

IV

SHU AU-HOU-FAHHS

Sidi Abd-el-Axix,nous l'avons vu, semait de sa pos-térité un peu partout c'est ainsi qu'après avoir été

élevé cinq fois à la paternité a Charef par le fait de la

ravissante Halima. laquelle lui donnait, en peu de

temps, Sidi Ahmèd, Sidi Stiman, Sidi Mouca, Sidi

Mahammed et Sidi Ameur, il recevait de Fathima la

Dtâadia Sidi Ali-Bou-Farès, et de Smaha la Khalfou-nia Sidi Abd-er-Rahim.

De ces sept enfants, un seul, Sidi AU-Bou-Farcsni

parler de lui. Avec la piété de son père, il avait hériteles goûts guerriers de son bouillant ancêtre SidiMouca.

Seulement, au lieu de monter des juments de race, de

briller par l'éclat du harnachement de sa monture, ou

par des armes étinceIantes,SidiAli paraissait affecter,au contraire, de n'avoir sous lui que des bêtes quimettaient toute leur coquetterie a montrer leurs os;sa selle croyait devoir en faire autant que la bête, c'est-à-dire exhiber son squelette a trav ers les blessures deson enveloppe de maroquin recroqueville; les septfeui.ressur lesquels reposaient la selle étaient dentelés,

éraillés, déchiquetés, haillonnés, dépenaillés au delà

Page 78: Trumelet Algerie Legendaire

7itV. S)M<\M-BOU-FAB~S

du possible; sa bride était tout simplement une corde

de halfa passée autour du nez de l'animal ses étri-

vières, de même nature que la bride, soutenaient une

paire d'ëtriers taillés dans le tronc d'un pin; la lame

de son sabre, qu'il n'essuyait jamais quand il avait

pourfendu un ennemi, était recouverte d'une couchederouille sanglante qui la faisait grincer quand il la

dégainait; le fourreau se composait de deuxlattes non

dégrossies reliées par des attaches en peau de mouton.Sidi AHméprisait le fusil il prétendait que c'est l'arme

des lâches, l'arme qui tue de loin. En un mot, Sidi Aliétait un /a~H' a cheval.

Malgré la simplicité de son armement, Sidi-Alin'en

était pas moins la terreur de ceux qui n'étaient pas ses

amis.On se rappelle que Sidi Abd-el-Aziz,lorsqu'il se dis-

posa à quitter les Bni-Djâad pour aller porter le flam-beau de la foi chez les Bni-Khalfoun, ordonna qu'onlui apportât Sidi Ali, encore tout enfant, et qu'il nt àson sujet la prédiction suivante « De cette tête sorti-

ront cent plus un cavaliers, ou cent moins un. » Il estclair que Sidi Abd-el-Azizn'eAt pas risqué cette pré-diction sans être sûr de son fait; mais il lisait dans le

Livre de l'avenir aussi couramment que dans le Koran,et, du moment qu'il avait avancé ce pronostic, on pou-vait le tenir pour certain. Du reste, avec ses aptitudes

guerrières, il n'était pas extraordinaire que Sidi Alidevint la tige d'une longue lignée de guerriers, et

c'est en effet ce qui est arrivé, et ce qui ne pouvait

manquer d'arriver. D'ailleurs, au contact d'un tel maî-

tre, les enfants de Sidi Ali devaient infailliblement

prendre le goût des affaires de sang.C'est contre un des Mokrani, ces chefs de la Med-

jana, que Sidi Ali se révéla avec toutes ses qualités

belliqueuses et destructives.

Page 79: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMÉMELÉ6ENbAtHB

Il ne se passait pas d'années sans que les gens de

l'Est ne tombassent sur les tribus sahriennes qui occu-

paient les Hauts-Plateaux; les Mokrani surtout, ces

grands seigneurs de la Medjana, ne dédaignaient pasla guerre au butin et aux troupeaux, la razia, c'est-à-

dire le vol pittoresque quand ils avaient besoin de

moutons, ils ramassaient leurs gens et tous ceux quiaimaient les aventures de poudre et qui en vivaient,

ils en mouraient aussi quelquefois, mais rarement.(Tétait souvent le tour des Bou-Aïch, une bonne,

grosse et grasse tribu, d'être razée; avec eux, les

aventuriers étaient toujours sûrs de ne pas revenir les

mains vides, et cela était fort apprécié par ces guer-riers de proie, lesquels, en pays arabe, ont toujoursdétesté les opérations sans pront.

Les Bou-Aïchétaient sur les dents, et ils ne savaient

plus à quel saint se vouer, lorsqu'un jour ils eurent

l'idée de s'adresser à Sidi Ali-Bou-Farès, qui, au don

des miracles, joignait une valeur qu'il avait déjà su

rendre désagréable à ses ennemis. Sidi Ali, qui, à lamort de sa mère, était ailé s'établir à Ksar-Charef, et

qui ne demandait que plaies et bosses, se garda biende rejeter la supplique de ses voisins les Bou-Aïch.

Leurs c~oua~' avaient déjà reconnu qu'il se prépa-rait une expédition dans l'Est, et ils attendaient que lemouvement se dessinât pour en informer leur tribu.C'était encore un Mokrani qui, disait-on, devait diri-

ger cette expédition. Le départ des cavaliers de la

Medjana était fixé au treizième jour de la lune de

djemad-el-oueul. En effet, à la date indiquée~les pluséloignés se mirent en route quelques jours après,ils avaient fait la boule de neige, -les ennemis comp-

i. Voyants,espionsenvoyésà la découverte,éclaireurs.

Page 80: Trumelet Algerie Legendaire

73ÏV. S!N AU-BOU-FAR~S

taient cinq cents cavaliers. mieux montés que bienarmes.

Commel'avaient prévu les cAoMa~des Bou-Aïch,ïer'exou du Mokrani se dirigea dans l'Ouest.

« Laissez arriver, dit tranquillement Sidi Ali-Bou-

Far&s au goum dos Bou-Aïch, qui paraissait fort peurassure, laissez arriver. Ecoutez, et retenez bien, û

Bou-Aïch ce que je vais vous dire Ussont cinq cents,ont rapporté vos cAotM! eh bien! soyez aussi cinqcents! Que chaque cavalier emplisse sa musette de

sable, puis, quand parattront ces voleurs fils de vo-

leurs, ces maudits coupeurs de routes, chacun de nos

cavaliers choisira son cavalier parmi ceux de l'ennemi,et se portera à sa rencontre la musette en avant; les

chevaux de ces impies, croyant vos musettes pleinesd'orge, se précipiteront infailliblement sur elles. L'en-

nemi, à qui votre mouvement semblera étrange, n'aura

pas songé à faire usage de ses armes.« Quand vos chevaux seront tête à tête avec ceux de

vos adversaires, vous prendrez une poignée du sable

que contient la musette, et vous la lancerez dans les

yeux de l'assaillant. Faites cela, et je vous jure parDieu que vous aurez ensuite bon marché de vos ad-

versaires M»

Bienque la réussite de ce stratagème leur parût fort

problématique, les Bou-Aïch, qui, du reste, avaient

toute confiance en Sidi Ali, n'hésitèrent pas à exécuter

son ordre les musettes furent donc remplies du sable

le plus fin, et ils attendirent.L'ennemi n'était plus loin; on sentait déjà cette

odeur de fer qui annonce l'approche d'une trouped'hommes armés. Les Bou-Arch,qui avaient choisi leur

terrain, attendaient le goum du Mokrani sur l'ouad

1.Réunionde cavaliersarmésen coursederazia..3

Page 81: Trumelet Algerie Legendaire

14 t~MÉHtE tÊSEKMtKË

El-Belbala.On entendit bientôt ce bruit de ferraille

que produit le chabir sur l'étrier. Les éclaireurs de

t'ennemtnetardèrent pasà parattreau loin quelques-uns mettaient pied à terre, puis semblaientécouter,l'oreille sur le soi; Usse remettaienten selle, filaientcommedesnèchesversleur goum,et disparaissaient;

parfois, c'était un bernousblanc qui s'agitait, qui se

levait, qui se baissaitderrière un buisson dejujubiersauvage;on le revoyaitquelquesinstants après ram-

pant dans une clairière. L'ennemiétait là, cachéparun pli de terrain.

Il n'y avaitpas de temps à perdre les cinq centsBou-Aïchmontèrentà chevalet se rangèrent sur uneseuleligne. SidiAliétait là, juché sur sa gigantesqueharidelle, on ne l'avait jamais vuemanger, qui,&l'aide de sonlong cou,jetait sa tête triangulaire,pareilleà un marteauemmanché, du côtéoùs'était

embusquéle goum; son regard, calmeet atonehabi-

tuellement, fouillait aujourd'hui l'espace et le péné-trait commedeux traits de feu.

Le goum ennemi avait repris sa marche; il se

préparaità fondresur lésBou-Aîch,qu'ilvenaitd'aper-cevoir.

« A vous, ô Bou-Aïch!s'écria le saint d'une voix

perçante;la musetteen avant,et attendez! QueDieuvide ma selle si ces enfants du péché ne sont pas àvous a»

Bienque les cœurs des Bou-Aïcheussentdesvelléi-tés de leur remonterau larynx, ils se tinrent pourtantfermesen selle,et pas un n'eut l'idéede fuir.

Le goumde Mokraniétait superbe ces drapeauxvert et rouge frangés d'or flottant orgueilleusementau-dessusdela tête des cavaliers; celuides Mokrani,aux trois bandesde fin damas, dontune verteet deux

rouges; et avec leur devise brodée d'or au centre

Page 82: Trumelet Algerie Legendaire

tV. StN AU-BOU-t'ANES 7S

« F~MfH' ea-~VMtWMa, –(Mou est) le meilleur des

aides; ce tintement du fer contre le fer, ces fusils

hauts, ces cris sauvages, ces chevaux qui bondissent

en s'ébrouant, ces baleines qui se mêlent, ces sueurs

qui se confondent, ces narines qui fument, il y avait

bien là de quoi faire pâlir les plus braves. Déjàquelquescavaliers des Bou-Aïch regardaient derrière eux pourétudier le chemin de la retraite le saint s'en aperçut

« Par la tête du Prophète de Dieu s'écria-t-il, je jure

que ceux qui n'ont pas la foi mourront de mort rouge

aujourd'hui! » Et tous cherchèrent à avoir la foi.Ce goum des Bou-Aïch qui ne bougeait pas, et qui

ne prenait aucune mesure défensive, commençait à

inquiéter les cavaliers du Mokrani croyant à quoique

piège, ils ralentirent leur allure. Sidi Ali proRt&haM-lement do cette hésitation i! tira rapidement sa lame

rouillée, qui sortit du fourreau eh grinçant, et cria auxBou-Atch avec une voix qui semblait sortir d'un go-sier de métal « Fondez, ô le goum de Dieu! sur ces

.fils de Satan »

Ces cinq cents cavaliers, debout sur leurs étriers, labride aux dents, la musette aux mains, produisirent.sur le goum du Mokrani un effet qui tenait à la fois del'étonnement et de la stupéfaction. Comme le saint

l'avait prévu, les cavaliers ennemis ne songèrent pas'à faire usage de leurs armes, et leurs chevaux, à la vuede ces musettes béantes, se précipitèrent comme des

anamés vers les Bou-Aïch.

Les coursiers des deux goums sont tête contre tète

chacun des Bou-Aîeh tient son homme; puisant rapi-dement une poignée de sable dans sa musette, il en

aveugle son ennemi, qui lâche ses armes le goum du

.Mokrani n'est bientôt plus qu'une cohue roulant sur

1.Mortqui amvepar le meurtreeu dansle combat.

Page 83: Trumelet Algerie Legendaire

'? t'AM&MB t.eCBNMtRB

elle-mêmedansun eNroyabledésordre,etjetant toutessesmalédictionssur le goumdes Bou-Afch,SidiAli&

pénétré commeun coin de fer dans cette foule hur~.

lante; il s'est tracé, avecsonterriblesabre, un chemin

sanglantdans ce tourbillonde chair à chacunde ses

coups,c'est un bras qui tombe,un crânequi s'ouvreengrimaçant/une têtequi se séparedutronc, un corpscoupéen deux. LesBou-Aïch,que le sang enivre,ont

quitté la musette pour le sabre Us enveloppentlegoum ennemi et le taillent littéralementen pièces.Sidi AUfrappe toujours; sa lame boit la vie; tantôtonl'aperçoit décrivantdans l'air une courbequipleutdu sang, tantôt elle disparaît dans la poitrine d'unennemi.C'estun spectaclehideuxqueceluidecesche-vaux fuyantéperdus avecdes cadavressans tête, des

lambeaux,des restesd'hommeaccrochésau pommeaudela selle, avecdes membrespris dans les étriers, ettraînés sur le sol commedes loquessanglantes.

SidiAliet les Bou-Archne frappentplus, parcequ'iln'y a plus à frapper les cinq cents cavaliersdu Mo-krani ont trouvéla mort là où ils comptaienttrouverdu butin; El-Mokranilui-mêmeest là gisant parmi les

siens, la tête séparée du tronc on le reconnaità larichesse du caftan qu'il porte sous son bernous definelaine.

Lechampducombatesthorrible c'estunpêle-mêle,un fouillisde membresdéchiquetés,de crânes broyés,de cervellesécrasées,depoitrinesbéantes,de ventres

perdant leurs entrailles;débris humainsfoulés,piéti-nés, pétris; de la bouede chair, de sable et de sang.

Bien que les oiseaux de proie s'en fussent repus às'en dégoûter,on mit pourtantcinqjours pourenfouirl3s restesdu goumd'El-Mokrani.

La premièrepenséedesBou-Aïch,aprèsunevictoireaussi complète,fut de louer Dieu.Quant à SidiAli-

Page 84: Trumelet Algerie Legendaire

77tV. 8)M AU-BOU-FAM~

Bou-Farès, il avait disparu. On supposa que, voulantse dérober aux remerciements des Bou-Aïch, qui, d'a-

près lui, n'auraient dà leur succès qu'au Tout-Puissant,il s'était Mté de reprendre le chemin de Charef. Un sil-

lage lumineux qui se prolongeait dans le Sud vint don-

ner à cette hypothèse toute l'apparence de la vérité

il n'est pas déraisonnable, en effet, d'attribuer ce phé-nomène à la rapidité avec laquelle la jument de Sidi

Ali dévorait habituellement l'espace.

Depuis cette époque, les Bou-Alchn'eurent plus rien

à redouter des gens de l'Est. Nous ne répondrions pas

que cesBou-Aïchfussent bien dignes du service signalé

que venait de leur rendre Sidi Ali-bou-Farès; d'abord,ils avaient la réputation d'exercer on ne peut plus mal

l'hospitalité, défaut d'autant plus impardonnable pourdes Sahriens qu'ils profitent indûment de la réputationde générosité que leur ont faite, dans tous les temps,et bien gratuitement selon nous, les voyageurs-écri-vains. Or, le bruit de leur ladrerie était parvenu aux

oreilles de Sidi AU; comme il exécrait la calomnie, il

voulut s'assurer par lui-même s'il n'y avait pas d'exa-

gération dans les propos sur leur compte qu'on luiavait rapportés.

Un jour, il chargea un de ses khoddam d'aller couperdans la forêt de Charef quelques poutrelles de gené-

~vrier, puis, sans lui communiquer son projet, il l'em-

mena sur l'ouad Eth-Thouïl, où les Bou-Aîch avaient

leurs campements.Sidi Ali prend la moitié de la coupe, et les voilà, lui

et son compagnon, allant de tente en tente, et deman-dant si l'on voulait acheter des poutrelles. Les uns enoffraient un prix inacceptable; d'autres renvoyaientles marchands avec des injures. Ils avaient fait le tour

du douar, et ils n'avaient encore recueilli que des gros-sièretés ou des plaisanteries d'un goot douteux.

Page 85: Trumelet Algerie Legendaire

~AMËME~SENMMB?

Le jour commençaitdéjà &entrer sérieuaementdans

ta naît. Sidi AU avise une ~nte superbe remplie, &n~savoir ou les mettre~des biens périssables de ce mondete dehors indiquait aussi que le maître de cette bit ech-

cMf était un optent, un heureux de la terre. En émet,ces riches palanquins sur le seuil de latente: ce trou-

peau de beaux chameaux qui ruminent appuyés sur leur

tM/Ha', et remuent leurs m&choireaen broyant le vide;ce troupeau de gras moutons qui semblent un nuagede laine tant ils sont serrés les uns contre les autres;ces juments de race qui mâchonnent dédaigneusementune touffe de haKa; tout cela dénotait certainement

plus que de Faisance. Sidi AU et son compagnon se

dirigent donc vers cette tente, et s'y présentent comme

M<e<de jO<eM.D'abord, les chiens les accueillent fort

mal, et personne ne réprime leur malhonnêteté; le

saint et son compagnon tiennent les chiens à distancede leurs poutrelles, et s'avancent jusque sur le seuil

de la tente, o:t ils reclament une seconde fois rhospi-talité. Le mattre était étendu sur des tapis, la tête ap-

puyée sur la main droite; des femmes étaient occupéesautour de lui, l'une à moudre du blé, une autre à filer;une négresse préparait le kousksou « Ta moula el-

MenMa/ a~M;?eM&&î/ » 0 maître de la tente! deshôtes de Dieu lui crient Sidi Ali et son compa-

gnon.Aulieu de leur répondre, comme il aurait dû le faire

« 3Tef~a&a&OMM, ia dhiaf ~CM& » Soyez les

bienvenus, 6 les hôtes de Dieu le ma~tra de la

tente, fort irrité sans douteque ces déguenillés n'eussent

pas compris, à l'accueil des chiens, qu'ils n'avaient pas

i. Demeuredepoil; la tente.2. Partiecalleuseet dure servantd'appuiau chameaulors-

qu'ilestaccroupi.

Page 86: Trumelet Algerie Legendaire

tV. StM AU'.BOO.FAM~S ?9

&comptersur son hospitalité, les repoussa avecdes

paroles grossières « Queveulentdonc ces vêtusde

loquesqui s'obstinentà troublermon repos?. Cene

peut être que dans l'intention de voler que ces gensaux poutrellesde genévrierse sont introduitsdans leM~Aa Allezplus loin, ô les affamésdu bien d'au-trui »

SidiAlipouvaitse convaincrequ onne lui avaitpasexagéré l'inhospitalitédes Bou-Aïch.Hrésolut df leson punir sévèrement,et de façon à en laisser destracesdans leur esprit.

LesmarabouthsSidiAhmed-ben-Youcef,deMeliana,et Sidi Aïça-Mahammed,qui a donné son nom à latribu des Oulad-Sidi-Aïça,avaient été plus heureux

que Sidi AM-Bou-Farèsils étaient arrivés la veillechez les Bou-Aïch,et ceux-ci les avaient hébergéssomptueusement;mais il faut dire qu'ils ne s'étaient

pas présentés dans le douar sous les habits du

pauvre ils s'étaientfait annoncer,au contraire,vêtusde leur célébrité.

SidiAli,qui, en résumé,était très bon dansle fond,voulutpourtant,avant de frappèr, chercherà ramenercet inhospitalier~aefaoM!'qui l'avait si malreçu; illui rappela avec beaucoupde'calme que Dieua dit« Si tu t'éloignesde ceuxqui sont dansle besoinsansles secourir,parle-leurau moinsavecdouceur,a

L'hommedesBou-Archprit malcette remontrance;au lieu d'en être pénétréet de rentrer en lui-même,ilse levafurieuxet marchasur SidiAlile bâtonlevé.

C'enétait trop SidiAli fit étendreson compagnon

1.L'espaceintérieurquerenfermenttestentesélevéessurunelignecirculaire.

2.Badaoui,Bédouin,nomsouslequelondéstgnel'Arabede

latente.

Page 87: Trumelet Algerie Legendaire

80 t.'AMÉMR t.6CMiHAt«K

sur le sot, et, lui passant la main sur le dos, il le mé-

tamorphosa subitement en lion; sur un signe du saint,le lion rugit à faire frissonner la terre et fond sur le

mattre dé la tente, dont il met, d'un coup de griffe,les bernous en lambeaux puis, continuant sa course,H bondit au milieu des troupeaux, qu'il disperse, tl

renverse les tentes et jette l'épouvante dans le douar.

La stupeur est partout les moutons bêlent, les cha-

meaux mugissent, les juments soument, les femmes et

les enfants crient en fuyant; les hommes, glacés d'ef-

froi, ne savent à quel parti s'arrêter fuir devant un

Mon, c'est peine inutile. Enfin, le désordre est à son

comble. Le saint seul est calme au milieu de ce tumul-

tueux pèle-mêle de bêtes et de gens. Dans le pauvremarchand de poutrelles de genévrier, Sidi Ahmed-

b~n-Youeef a reconnu le Ois de Sidi Abd-el-Aziz; il

~enfuit en apprenant aux Bou-Aïch que l'homme au

lion n'est rien moins que le terrible Sidi Ali-Bou-Farès,celui qui les a sauvés du Mokrani. Les Bou-Aîchse

précipitent alors vers le saint et le supplient d'arrêterles ravagés de son lion, qui rugit toujours en bondis-

sant. Sidi Ali finit par se laisser Qéchir; mais il fait

sentir aux Bou-Arch tout ce qu'a d'abominable le

péché d'avarice, et il les engage à ne jamais perdre devue que la pratique de l'hospitalité est une vertu du

désert.

Sur un geste de Sidi Ali, son lion revint vers lui entrois bonds, des bonds extraordinaires; le saintlui passa de nouveau la main sur le dos, et son khe-

dim reparut sous la forme humaine. Les Bou-Archn'en revenaient pas. Aussi,pour prouver au saint com-

bien ils regrettaient leur conduite à son égard quandil était venu leur offrir ses genévriers, c'est à qui deces Bou-Aîch aurait voulu à présent lui payer ces

arbres au poids de l'or. Commeil n'y en avait pas pour

Page 88: Trumelet Algerie Legendaire

MIV. MM AU-BOC-FAR&S

tout le monde,ils lespartagèrenten menusmorceaux,et s'enfirent desAe«t'OMS

Sidi Ali fut ensuite inondé de présentsqu'ilvoulutbien accepter des chameaux, des moutons, des

chèvres,furent poussésvers lui par les Mtan et cha-cun aurait voulu se faire son berger jusqu'à Charef.Ce frénétique enthousiasme prouvait combien cesBou-Aïchavaienteupeur. SidiAli les félicitasur leur

conversion;puis, faisantun paquet detous ces dons,il reprit le cheminde son ksar.

Depuisce temps, les Bou-\ïch n'ont pas manquéd'apporter chaqueannée le~eM)'!auxdescendantsdeSidi AU-Bou-Farès.

Après l'affaire des Bou'Aïch,Sidi Ali ne fit plusguèreparler de lui. Il commençaita prendrede l'âge,et son ardeur héroïque s'était éteintesous les glacesde la vieillesse.Nous le retrouvonspourtant encoreune fois dans la circonstancesuivante les gens deCharefdésiraientdepuislongtempsdéjà faire confec-tionnerune conduited'eau qui leur permit d'irriguerleurs jardins; ils crurent pouvoir eux-mêmesentre-

prendrelestravaux d'artquidevaientconduireleseauxdans leurs vergersdesséchés.« Appelerles maçonsde

Figuig pour la construction de cette conduite, se

disaient-ils,cela nouscoûtera les yeux de la tète: il ya donctoute économiea nouschargernous-mêmesdela besogne.»

Ils se mirent doncà l'œuvre, pleins de courage et

d'espoir; aussi,au boutde quelquetemps, la conduiteétait-elle terminée. Mais, voilà pourtant où mène

t. Talismanspréservatifs.2. Gardiens de troupeaux.3.Littéralement,lepardon.Lef'Mf estunesortedetribut

religieuxconsentien faveurd'unsaintmarabouth,et quiluiestpayéà luiet à sesdescendants.

S.

Page 89: Trumelet Algerie Legendaire

Ï.'AMËME t.6SENBA!RE?

l'excès dans l'économie, soit que leurs connais-

sances en hydraulique fussent par trop vagues, soit

que le dispensateur de tous les biens d'ici-baa fat

mécontent des Abaziz; quoi qu'il en soit, quand on

voulut les lâcher dans la conduite, les eaux firenténormément de diNicultes cites semblaient plutôtvouloir refluer vers leur source que se précipiter dansla direction qu'on voulait leur donner. La lutte conti-

nua entre les Abaziz et les eaux depuis le -matin jus-qu'au soir. Au coucher du soleil, elles n'avaient pasencore obéi. Que faire? C'est précisément ce que se

demandaient les Abaziz. S'être donné tant de peineinutilement 1

Us virent bien qu'ils ne pouvaient guère se tirer delà qu'en sollicitant l'intervention de Sidi Ali. C'était,du reste, encore de l'économie.

Les ingénieurs se rendirent donc auprès du saint

marabouth et lui exposèrent leur anaire. Comme ils

savaient que, depuis quelques années, leur digne pro-tecteur ne travaillait pas volontiers pour rien, ils,s

entrèrent ainsi en matière « 0 Sidi Ali si tu veux

prescrire à l'eau de courir dans notre condtut, nous

te promettons, pour toi et tes descendants, une &s!paet une <omN:M!aà perpétuité. »

Sidi Ali, qui adorait la ~tea, accepta le marché: il

se rendit sans délai sur les eaux et leur ordonna de

pénétrer dans le conduit. Elles ne se' le Srent pasdire deux fois après avoir tournoyé un instant sur

elles-mêmes, elles se précipitèreut dans le kadous a etse répandirent dans les vergers.

Depuis lors, les Abaziz donnent, chaque année, aux

1.La bsiçaest une fOMïMNau beurre; la tomminaest unefOMÏMaau miel.

2. Conduit.

Page 90: Trumelet Algerie Legendaire

!V. StMAt.t-BOC"PA!<~8 as

descendants de Sidi AUla &Mpaet la tommina pro-mises de plus, ces derniers jouissent des eaux des

irrigations pendant quarante-huit heures au lieu de neles avoir que vingt-quatre heures comme le commundea mortels.

Ce miracle fut le dernier que fit Sidi Ali-Bou-farês.

Quelque temps après, sa coupe fut répandue', et ses

restes mortels furent transportés à Aïn-El-Gueththaïaet déposés au milieu des tombeaux de ses ancêtres.

Sidi Ati-Bou-Farès est le dernier des Oulad-Abd-el-Azizqui ait eude la célébrité aes descendants passèrentinaperçus sur la terre, et le possesseur actuel de la

&aMtÂ;a,Sidi Mohammed-ben-Ahmed, est trop avancéen âge pour qu'on puisse espérer de le voir rendre àla maison du fondateur de Charef son ancien lustre etsa brillante réputation. Sidi Mohammèd n'a conservé,d'ailleurs, des qualités particulières à sa race qu'ungoût prononcé pour les belles-lettres et pour lesfemmes très éloignées de la maturité.

v

SIDIAÏÇA-BEN-MAHAMMED2

Sidi Aîça-ben-Mahamœed est une des illustrations

religieuses les plus vénérées de la subdivision d'Au-male toute la partie méridionale de cette contrée est

encore remplie de son nom, et son tombeau, qui est à

1. Il moumt.2. Unepartiede la légendede SidiAï~a-han-MahNMMd&été

Page 91: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM&MBtÊaEKBAtBEM

~<nemarche dans le sud du cheMieude ce comman-

dement, sur la route de Bou-Saadaet sur la rivedroite de l'ouad El-D~enan,est le but du pèlerinage'do nombreuxvisiteurs,qui viennent sollicitert'inter-ventiondu saint marabouthpour l'obtentionde eelleades faveurpcélestesdont ils sont par trop dépourvus.

La famillede SidiA~a, qui vivaitdans te tX"sièclede l'hégiro(le XVt''de notre ère),était originairede latribu des Bni-Omnia,fraction des Koretch,tribu de

laquelleétait issu le ProphèteMohammed,Le bisaïeutdoSidi Aïfa, SidiEn-Naceur,vint séta-

Mir en Taniaie, et séjourna, lui et sesdescendants,de

longuesannées dans ce pays. Le père du saint, Sidi

Mahammod-ben-Ahmed,quitta la Régencede Tunis

pourune causeque la tradition n'indiquepas, et vintsefixerà Aïn-Eth-Thotba,aupiedduversantseptentrio-aai du djebelËn-Naga.Aprèsune existencechargéede bonnesœuvreset donnéepresqueentièrementà la

prière et à la pratique de toutes les vertus musul-

manes, Sidi Mahammed-ben-Ahmedmourut de mo~MaMcAcet son corps fut déposéà Ei-Gaethfa,dansle paysdesAdaoura.~i laissait trois n!s Sidi Aïça, celui dont nous

racontonsla légende, Bou.Abd-AHahet SidiRabah.Le premier s'illustra par sa science,par son ardente

piété et par la puissancede son intercessionauprèsdu Dieuunique c'estle saint lepluspopulairede toutle pays situéau sud du djebel Dira. Sesfrères, Sidi

recueUUeparM.l'interprètemilitaireL.Guia,quit'a puNiéedansun excellentet consciencieuxtravailaur la tribu desAdaoura.L'autrepartienousa étét <trnatéeparlechefdelafamilledesdescendantsdu saint,Sii Mohammed-et-Mbarek-ben-el-Mosthefa,kaMdesOutad-Sidi-Aïça,quandnouaétionsà la têtedela subdivisiond'Aumale.

i. Mortnaturelle.

Page 92: Trumelet Algerie Legendaire

Y. MM AÏÇA-BEN-NAOAm)~ 88

Bou-Abd-AUahet Sidi Rabah, se fixèrent,le premierdana l'Habra, au sud de Mostaghanem,et le seconddu cotede Tniarot.

SidiAïca-bon-Mabammodétudiasousteama~traatea

pluacélébras;il était la meilleurélèvedeFiMuatreSidi

Abd-et'Axix.Et-Hadj,lequel a sa koubbadans ta tribu

ItabitadesBni.Khatfoun.du district deDraA-~t-Mixan.Lalongueexistencede Sidi Aï~a, qui voc~tcent

vingtans, paut se décomposeren troiapériodesde

quarante ans chacune la première fut consacréeà

Fétude ladeuxièmeà laprière, àdespratiquespieuseset à des mortificationscharneMcs;c'est pendant latroisièmequ'il se révéla comme un eMa/<possédantl'oreillede Dieu,et qu'il donna despreuvesévidentesde sa puissancethaumaturgique.

Unecertaine année, étant allé passerl'été, suividesa famille,chezles Ouiad-Betiit,dans te Hamxa,unede ses nites tombagravement malade. Sonpore,quil'adorait, n'eût pas craint d'être indiscret auprès duDieuunique pour la sauver. Tout ce que son espritmalade pouvait rêver ou imaginer, Sidi Aïça le lui

donnait; ellen'avait, en un mot, qu'Aformerun sou-hait pour que le saint homme se mtt en quatre etremuât ciel et terre pour y satisfaire sur-le-champ;c'est au pointque, si elle lui eut demandédu moMM

eM-MamoMpa,de la moellede moucheron l'ex-cellentpère n'aurait pas eu la force de la lui refuser.

Matgréles soins du vénérémarabouth,le mal dontsouffraitsa tille empira au point de lui donner descraintes on ne peutplus sérieuses.Dansun accès de

détire, la belleHeulouadéclaraqu'il lui fallait du laitdechamelle.Sicedésir se fût manifestédansleSahra,

i. Termesdontse serventlesArabespourexprimerunechosequ'onnepeutaeoM',qu'ilest<K~!c'~de~<'MW.

Page 93: Trumelet Algerie Legendaire

!AM~MEtÊaENBAME8(t

fien n'eut étéplus facile qua de satisfaireau capricede la mathcuTeuaeenfant;mais teschameauxdu saint

paissaient bienloin dpns le Sud. SidiAî~avoulutce-

pendant procurerà sa uitechario~olait do chamollo

qu'ette paraissait d~irer ai ardetn<nent,et qui, sansdoute,devait la soutagor.Aprèsune courtapr!6re au

Tout-Puiaaant, que !t)saint craignaitd'ennuyer,it sprendit sur i~abordsdu ruiosoauqu'aiitnentei'Aïn-

Ahmed,datts la fraction doa Rouïba,et il planta detoute sa force son<'M~Mdans t'anc des bergesdu

ruisseau, tout près do l'ffi! de la source.Aussitôtun

liquide ayant la Maneheurmate du lait jaillit du sotavec impétuosité.Or, non seulementce liquide avait

l'aspectdu lait de chameUe,maisil en avait encorelasaveur. Sidi Aïçaen emplit une ~u<'<'&a(outre)qu'ilporta, rayonnantdebonheur, à aa <iiiebien-aimée,la-

quelle,aprèsen avoirpris quelquesgorgées,se trouvatout à fait mieux.Aubout de que!quesjours, la char-mante Heuiouaavait recouvre la sanMet repris lesrosésde ses joues;et il ne lui fallutqu'un tempsinsi-

gnillantpour queses braceletset ses anneauxdojam-bes replongeassent,commeavant sa maladie,dansseschairsopulentesa.

LesArabesmontrent encorecotte sourcede lait dechamelledans la fraction des Rouïbade la tribu des~rib. Son eau est encoreblanchâtre,mais sa nuanceest moinsprononcéequ'autrefois, affirmentles gensdu pays. Quant&sa saveur,nousdevonsà la véritédedire qu'elles'est tout &faitéloignéede celledu lait dechamelle.Aujourd'hui,tes eaux de l'Aïn-Ahmedsont

i. Longbâtonterré.2.Lagraisse,pourlesArabes,estle suprêmede labeauté

physiquechezla femme.Ilsn'ontquedu méprispourcellesdontles membressontma!meublésen chair,

Page 94: Trumelet Algerie Legendaire

87V, 8<M AÏCA-BES-MAMAMMEtt

tout simplementautmrces-calciquea,et ellesrépandentuneodeursulfhydriquequia beaucoupplusdo rapportavec celle des <euf8conveaqu'avec le parfum de laroso. JI est vrai de dire que les Arabesn apprécienttesodeurset les couleursquepar leurs grandeslignes,ot qu'ils n'ont aucuneidéedes nuances.C'estevidem-ment plus commode.

Undes miraclesdoSidiAïcaqui lui rapporta leplusde veneratton,et qui établit le plus solidementdans!e pays sa repntaUonde thaumaturge,fut le suivantune certa!ne annëo, tous Jos animaux de ia contréefurent frappesd'uneep!xoot!oqui en litpérir un grandnombre. HcHetna!ad!('était une sorte de gale opt-niutt'equi rcs!8ta!tà tous les remèdesqu'on avaitem-

ployés.On songeabien à se servir dogoudron; maisil n'y en avaitpas dans le pays,et il était extrêmementditUcitede s'en procurer ailleurs. Les notaMasdesdiverses tribus dont tes animauxétaient attaquéesaréunirentpour aviserauxmoyensde conjurerun aussiruineuxétat de choses,mais ilsne trouvCrentahsotu-ment rien de satisfaisant. Devantcette impuissancedes grands et des savants de la contrée, l'un d'euxconseiUade se rendre en corps auprès de SidiAïçaetde le prier de leur venir en aide, car ils sentaientbien

que l'interventiondu saint était seutocapablede fairecesserune situationqui n'avait déjà que trop duré.

Unedéputationde ces notables se rendit doncau-

prèsde SidiAïca,et le plus éloquentde l'assembléelui

exposal'objetde leur visite.«Maislegoudronne man-

quepas dans le pays, leur fitobserverle saint mara-bouthen souriant, et je me charge de vous en fairetrouverautantquevousvoudrez.» Lesdéputéscrurentun instant que le saint voulait plaisanter, car ils n'a-

vaient jamaisvudanslepaysd'autre goudronquecelui

qu'ils avaient acheté dans le Tell. u Pourtant, pen-

Page 95: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AMÉmE<~t!R!tM!<tR88

sorent-ita,Si~iAï~ano serait pas si atnrmatifs'it Msentait ineapaMode nous fournir le goudronqu'il sefait fart de nous procurer. Et puis, après tout, quandonjouit, commelui, du don deamiracles,il nedoitpasêtre plusdifncilede produire du goudronque du laitdo chamello»: ils faisaientallusion au miraclequ'ilavait opérépendantla maladiede sa filleHeu!oaa.

Le marabouth leur prescrivitde te suivre, et Htesconduisitsur l'ouadËt-GHCthrini,chezles 0)ttad-Dt'!«,et, ta, leur montrant une vasteexcavation,il invitalesnotablesaen examiner!o fond. lia s'en approchèrent,non sans hésiter, et Us purent se convaincreque lecontenudo ce puits était d'excoMontgoudronà l'état

liquide,ft qui devaitjouir &un degré supérieurdes

propriétéscurativesou thérapeutiques tes plus mer-

veilleuses,puisque c était le saint lui-mêmequi leuren avait fait faire la découverte.Cegoudronexhalait,en outre. cequin'est pas toujourslepropredu gou-dron ordinaire, une odeuraromatique.

Dès que cette nouvellefut répanduedans le pays,toutes les tribus vinrent s'approvisionnerviegoudronau puits de l'ouad Ei-Guethrini,et les troupeauxdechan<eauxet de moutons guérirent commepar en-chantement.

SidiAïça,qui était un hommede beaucoupd'espritet d'énormémentde ressources, donna un jour à unmarabouthde ses amis,SidiYahya-ben-Guedim,lepèredu célèbreSidi Mohammed-et-Khidher,le moyende

remplirune promesse dans laquelle il s'était engagéassezinconsidérément.Voicidans quellescirconstan-ces ces deux saints, qui étaient très liés, se réunis-

saient, à jours fixes,à Ras-El-Guelali,sur lesrivesdel'ouadEl-Lahm,pouryfairela lecturedeslivressaints.

Or,il arriva,unjour, queSidiYahya-ben-Guedimman-

qua au rendez-vous.Lasséde l'attendre, SidiAîçase

Page 96: Trumelet Algerie Legendaire

V. StM AÏC~KX-MAMAMMEtt ?

disposaità se retirer, lorsqu'ille vit paraKro,le frontsoucieuxet commechargedo sombrespensées

SidiAïcas'enquit avecbienvoittancoauprès dosonsaintcollèguede la causede son retard et de cettedesa tristesse,qui lui semblaitpoignants.SidiYahyanelui cachapas sa perplexitéet son embarras a Je mesuis Mopar un aermeat,etje ne voispas trop comment

je pourraile tenir, repondit-Hun pouconfus.

tndiquez-tnoi,oMonseigneuria naturedeceser-

ment, luiditSidiAï"a,et, peut-être,avecl'aidedeDieu,trouverous-nouate moyende vouséviterdote fausser,ce qui est toujoursdésagréable,surtoutpourun saint.

Partex,6 MonseigneurtparleztSachezdonc,6 Monseigneur!que je mosuis en-

gagé,si ma<emmoaccouchaitd'un enfant <nate,à im-tnoterune brebisdontles oreillesauraientunecoudéede longueur.Or,précisément,mafemmevientdedon-ner le jour &un fils,et ma joie en est d'autant plustroubléequeje nesais commentfairepour m'acquitterdo mon veau.C'est en vain que je parcours le pays,que je cherche dans tous les troupeaux,je ne trouve

point de bête dont les oreilles approchent, mêmede loin, dela longueurquej'ai indiquée.Monbeau-frère et tous mes parents par alliance poussentlacruautéjusqu'à me menacerd'emmenerma femmesi

je n'exécutepoint mapromesse.Déjàon metourneen

ridicule,et je suis l'objetde la riséede tous. J'ai con-sulté les eulama(savantsdocteurs)les plus célèbres;mais c'est en vainqu'ils ont compulséles textespourchercher une solution à mon cas. Que faire? quedevenir?

Lefait est,réponditSidiAiçaaprès avoirrénéchiun instant, quevotre vœu,o Monseigneur!ne manquepas d'une certainetémérité, et que vousvousêtes en-

gagé, permettez-moide vous le dire, plus que

Page 97: Trumelet Algerie Legendaire

~M~ME t~iSWAWRM

Mûrement, voa«,surtout, qui ne jouhsez pas encoredu dondes miracles.Vousauriezdû yregarderàdeuxfais avant de vous lancer dans une voiedont !'issMevousétait mconnue;c'était tout au moinsde l'impru-denee,pour ne pas dire plus. Il est certain,AMonsei~

gnourt quevous avezfait là avec vosmainsun nœud

que vosdents ne pourraient défaire,Voilàce que c'est

pourtant, ajouta Sidi Alçad'un ton plein de s6vôriM,quedeperdredevuece sageproverbequetouthommedevrait avoir constammentprésenta la pensée

Il ?« <'NM'w<« ?'« <'M!faM."»

t.o malhourdo!'hommaVient(lela tanftnp.

.Cependant,je veux vous aider tt sortir de l'impassedans laquelle vousvous êtes engage, et, s'it j)ta!tàDieu je parviendrai&vouspermettredovousacquitterde votreprontossesansqu'il encoûte&votrehonneur.Vousallezdoncréunir le plusdo personnesque voustepourrez; vousplacerezau milieude rassemblée le

nouveau-néentièrementdissimutésousunlinge quel-conque,et vousattacherezitproximitéune chèvrequidevra être parfaitementen vue. Laditepositionprise,je prieraiDieude voustirer de la faussesituationdans

laquelle vousvousêtes placé si inconsidérément.»

Aprèsavoirremerciéson puissant collègue,le ma-rabouth Sidi Yahya se retira un peu tranquillisé,et

presque tout à fait rassuré.Lelendemain,il convoquales eulamaet les gensde

toute classede la tribu, leur annonçantqu'à l'occasionde la naissancede son fils il les conviaità un repassomptueux,après lequel il pourrait's'acquitter de la

promessequ'il avait faite si sa femmelui donnaitun

Page 98: Trumelet Algerie Legendaire

V. StBt AÏÇA'a~MAaAMMBC<

M

nls. ToMs, il n'estpas besoinderanirmer, –~pon-direnta sonappelavecompre~etnentetae groupèrentautour de ses tentes. Le nouvean-nefut ostcttsiMe-mentplacéau milieude l'assembléeet recouvertd'unlinge.

Sidi Aïça,Ason tour/arriva bientôt,et, pour aller

prendre la place qu'il devait occuper, il sa dirigea,sansaffectationpourtant, vera le paquet qui était aucentre de l'assistance, et qui n'était autre chosequelc nouvoau-ne.Il allait là fouleraux pieds sansy pren-dre garde,quand,de toutesparts, on lui cria: «Faites

attention, o Monseigneurcar vouaa!toxmarchersurte petit être qui est sousce linge! t'rsnexgarde! o

Monseigneur!prenoxgarde! et ëcartcx-vous.aLemarabouths'arrêtaetsoutevate lingecomMepour

s'assurer que ce qu'on lui disait était la vérité; puis,se tournant versles assistant",Hleur posa!a questionsuivante «Vousvenezde vous récrier,ô gens! parceque, par mëgarde,j'allais fouleraux piedscet enfant,et peut-être métnerecra~cr.Croyez-vousque,dans cedernier cas, moncrime eût été aussi énormeques'i!se fut agi d'unegrande personne?

Biencertainement,s'ecri'Tentles conviés,car laviede cet enfantvaut cetted'un homme.

Très bien! reprit SidiAiça.Mais,puisquevousvoita tous réunis, faites-moidoncconnaîtrece qui enest de ce petit être qui a été ptacé au milieu de cedouar. Et, remarquant des eulamaparmi les invités,ce fut surtout à eux qu'il semblademanderdes expli-cationssur ce mystèrequ'il feignaitd'ignorer.

Lessavantss'empressèrentde mettrele saintau cou-rant de la promessequ'avait faite SidiYahya, « pro-messe, ajoutèrent-ilsd'un air quelquepeu narquois,quenous serionson ne peut plus curieux de lui voirtenir. Nousvoyonsbienla chèvre,maisla dimension

Page 99: Trumelet Algerie Legendaire

t'At.Q6Mt! ~Q~nAtM~?

de aesoreiMesn'a rien, ce nous semble,que de fortordinaire.

–<Vouavoyezmal, aans doute,ô eulama! car 8!di

Yabyan'a pu promettrece qu'il était incapablede te-nir », répliquaSidi Aïça avec un calmeet une assu-rancequi nrent descendredela gorge &sa placehabi-tuelle te coeurde son cher confrèreYahya. Puis, sefaisant amener la chèvre,il mesura, avecson avant-

bras, les oreillesdo l'animal, lesquellesae trouvèrentavoir tout juste la longueurd'une de ses coudëes.« Vousvoyezbien que vousétiezdans t'erreur, ô eu-lama tour nt remarquerle saint avec sonfinsourire;Dieudéteste,vous ie savezbien, ceuxquidoutentdessiens.

Leseuluma, fort confusde s'être attiré cette teçon,surtout en présencede tant de monde, reconnurent

cependant,en rougissant,qu'ils avaientmal vu,et queSidi Aïçaétait un grandsaint.Puis la foule,sidisposéetout à l'heure à jouir de la confusionde Sidi Yahya,s'écria, au comblede l'admiration « Bénisoit notre

seigneurAïca »SidiYahya,qui s'était tenuun peuà l'écart pendant

l'opération, accourut se prosterne? aux pieds de sonsaint et puissant ami, et le remerciaavec enusiohdelui avoir permisde remplir sa promesse. Le vénérémarabouthle relevaavecbonté,tout en lui conseillant

pourtant d'y regarder à deuxfois avant de se lancerdans des promesses qui ne pouvaientêtre rempliesautrementque par l'interventiondivine.

Lesaint prit ensuite l'enfant sur ses genoux,il lui

imposales mains, et il demandaà Dieud'en faire unzélé musulman, et de l'aider à devenir un hommeillustreet l'un des plus fermessoutiensde l'Islam.LeTout-Puissantaccueillit favorablementla prière deSidiAîca car cet enfantfut le seigneurdes gens ex-

Page 100: Trumelet Algerie Legendaire

V. S)MAÏÇA-BEK-NAMAMMECaa

cellents,la mine deaconnaissancearares, ta très pur,le très parfait, le très vénérabte,te modèledu siècle,SidiMahammod-et-Khidhor,lequel,apr&sune longueexistenceconsacréeà la prière, aux œuvres pieuses,a la prédication,mouruten odeurde saintetédans te

payadesAdaoura.Sesrestes mortelsfurentdéposessurJe versant nord du Kaf-Afout,où une remarquablekoubbafut élevéesur son tombeaupar la fractiondesBen-Bon-Guetimina,lesquelssont d'originechrétienne.

Sinous nous transportonsvers la .Se&Madu Zar*ex

occidental,que nous connaissonsdéjà, nouspourronsy constatercetteparticularitéd'une sourced'eaudouce

jaillissant dans te lit d'un lac salé, au milieud'un llotvoisindu Moktha-Et-Btjedian(guédeschevreaux).Cettesource, que les Arabes nomment Et-Haci-Sidi-Aïca-ben-Mahammed,tepuitsde SidiAïca-ben-Mahammed,est due à la puissancesurnaturelledecesaint.

D'aprèsla tradition, le miraclese produisit dans lescirconstancessuivantes le saint marabouthSidiAïcarevenaitde visiterl'illustreSidi Ech-Chikh,dont nousdonneronsplus loinla légende,et il retournait sur ses

campementsde l'ouad Et-Lahm, aux environs deSour-EI-R'ouzlan.SidiAïcaétait accompagnéde son

fa~ qui comptaitde 2SOà 300 chevaux.Or, cette

pieusevisite s'accomplissaitdans le cœur de t'été.La caravane était arrivée à Et-Betdha,chez les

Hadjalet,c'est-à-direà moitiécheminde son voyage,sans accident, et Sidi Aïça,qui comptaittrouver del'eau dans le ~'< 3 deDhayet-Er-Redjlem,avait pro-

i. Lacsalé,terrainsalsugineux.2.Trouped'hommesà cheval,caravane.3.Le est uneciternenaturelledansle Sahra.IIest!e

produitdeseauxpluvialeslaisséesdanslesdépressionspen-dantla saisondespluies,ouàlasuitedesorages,quisonttrèsfréquentadansle Sabraauprintemps.Ona donnélenomde

Page 101: Trumelet Algerie Legendaire

M ~'AMM~MBt.ËSBNfAtaB

jeté d'y remplir ses outres pour aller coucher,te leu-

demain, sur un campement sans eau, de l'autre cotéde la Sebkhet-Zar'ez,qu'il avait résolu de traverservers la nn de la journée. Maisqui dit f'of~*dit <fO)H-

~eM~en effet, celui de la Dhayet-Er-Redjtemn'était

plus, à l'arrivéedu fa~&, qu'une vaseinfectepiétinéepar les troupeaux, et souilléedo leurs déjections.nfallutnécessairementpousserplus loin.

En sedétournant de sa direction, le ~c& eut sûre-mentpu trouverdel'eau; mais le saint avaitannoncésa rentrée; ses gens devaientvenir au-devantde lui,et it no voulaitpas manquer au rendez-vousqu'il leuravait assigné. La caravane continua donc sa routedans le nord-est, en laissant sur sa droite les GourinduZar'ez,ce mamelonà deuxpitonsqui semblela tête'd'un taureaugigantesque,puiselle s'engageadans lessablesdeZobart-Ei-Fatha,que lesvents du désert ontamassésen unelongueligne de petites dunesformantbarrièreau sud de la Sebkha.

La chaleurétait suubcante,et il n'y avait pas une

goutte d'eau dans les outres. On n'était pas loin dol'heure de la prière de l'<!ceMt'et il n'était pas pos-sibled'arriver avant celledu mo~'eA* au lieuoù Sidi

Aîca-ben-Mahammedavait décidé qu'il dresseraitses

tentes, c'est-à-dire au pied du djebelOukat,au norddu Zar'ez. Cavalierset monturescommençaientdéjà &spuCrirsérieusementde la soif.Pourtant, SidiAîcaneparaissaitpoint se préoccuperle moinsdu mondedecette situation;sa jument,la tète basse et les oreilles

t''<~«'(trompeur)à cesmares,parcequ'ilarrivequeleurseaux,surlesquelleson comptait,ontétébuessoitparle soleil,soitparlestroupeaux

i. Verstroisheuresdel'après-midi.2. Lecoucherdusoleil.

Page 102: Trumelet Algerie Legendaire

V. StM AÏÇA-BKX-MAMAMMKf es

pendantes,marchaiten avant du ~'a~, et le saint,en-

capuchonnédansson bemoua,maintenaitmécanique-ment son allure en exerçant, a l'aide de ses longstibias. une pressionintermittente sur les Bancsruis-selantsde sueur de sa héte.

Dèsquela caravaneeut franchi la ligne des dunes,la Sebkha,pareilleà un immenselacplein,à déborder,d'uneeau limpide,développasous ses yeuxson longet éblouissantsillonde cristal. Lescavaliers,qui con-naissaient le pays, ne se laissèrent pas prandre auxillusionsdu s<M'a& du mirage ilssavaientqu'aulieu d'eau Usne trouveraient,dans la Sebkha,qu'uneépaissecouchede sel dont la vue ne pourrait qu'ai-guiser encore davantage l'intensité de leur soif. Leschevauxpourtant s'y trompèrentun instant, et ilsac-célérerontsensiblementle pas dèsqu'ils furenten vuedulac.

Le temps était devenutrès lourd; de gros nuagess'amoncelaientdans le sud-ouest;on ne respiraitplus;l'atmosphèreétait de plomb fondu.La caravanecom-

mençait & s'allonger, et pourtant le saint marchait

toujours sans se retourner, et sansparattrese douterde l'état de son fa&e~.

La tête de la caravaneparvenaitpourtantà attein-dre les bordsde la Sebkha,et le saint s'engageaitdansle Mokthà-EI-Djedian.La queuedu ~'aAe&était encorebien loin; sousles effetsaccablantsde la températureet de la soif, la caravane s'était égrenée le long duchemincommeun chapeletbrisé.

Aumomentoù SidiAïca-ben-Mahammedarrivait surle Zar'ez,le soleil, quiétait déjàtrès bas,prenait lelac

d'écharpeet l'éclairait derayonshorizontaux les g.os

i. Mirage,musiomd'optiqaeparticuIiêreauxMM&aouc&o<&<~lacsaaMapresquetoujoursdépourvusd'eau.

Page 103: Trumelet Algerie Legendaire

~AMËME ~eENMMEMt

nuages noirs qui avaient paru daus le sud-ouest No-taient délayés, et couvraient le ciel d'éclaboussuresNafai'desquiteintaientla terre lugubrement;d'instanten instant, des boufïeesd'un vent chaud chargé de

sable courbaient en simant les touffesde joncs quicroissentsur les bordsdela Sebkha,et qui couronnentses duneset ses ilots; le lac, vêtu de son manteaudesel blanc, et balayé par les rayons du soleil, étaitéblouissantde cristallisations;au loin, deszonesroseset Meuess'ëta~eaient dans un cadre d'or marquanttes bords dece lac solide.

Il faut dire que ta splendeur de ce spectaclesem-blait n'avoir qu'un attrait médiocrepour le )'a~e&;c'était, évidemment,dans un autre ordre d'idéesquegisaientles préoccupationsdescavaliers ils sentaient

qu'il leur était impossible d'aller plus loin, et qu'àmoinsd'un miracle ils devaient infailliblementsuc-comber au milieu du lac, faute d'une gorgée d'eau

pour éteindre le feuqui consumaitleurs gosiers des-séchés.La plupart des chevauxs'arrêtaient court etléchaient la sueur qui coulait de leurs flancs; maisleur soifn'en était pas calmée.Insensiblesaux excita-tions du chabir (éperon),ils semblaientrésignésà at-tendrela mort là oùils s'étaientt.rrétés.Quelques-uns,quiétaienttombésdéjà, et qui,probablement,se trou-vaientsous l'influenced'une hallucination, les che-vauxn'en sont pas exempts, qui leur faisait croireà la présencede l'eau, se roulaient sur le selet le lé-chaientavecune sorte de voluptéqui se terminaitparun état de prostrationdont on ne pouvaitles tirer.

Sidi Aïça-ben-Mahammedmarchait toujours sans

parattre souffrirdela chaleur qui accablaitsonfa~&.Latête de la caravaneétait alors au milieu du lac. Ilne restait plus aux cavaliers qu'un espoir de salut:c'était l'interventiondu saint marabouth,lequelavait

Page 104: Trumelet Algerie Legendaire

V. 8MMAÏÇA-BEN-HAWANtN~ 97

donnédéjà des preuves de son pouvoirsurnatureletde sa bonnesituationauprès du Dieuunique.Leres-

pect, la craintede dérangerSidiAï~adansses pieusesméditations, car il devait pieusementméditer,avaientempêcheles cavaliersqui ae trouvaientle plusprès de lui de l'avertir qu'il semait sa troupe sur son

chemin,et qu'il était impossibleà la caravaned'arriverau campementqu'il avait nxé.11n'y avait plus à re-tarder cette communication.Un des cavaliers, deceuxqui portaient les drapeaux, se décida, coûte

quecoûte,à appeler l'attentiondu saint sur l'affreusesituationde la caravane.Il demandaà son chevalunderniereffort, et il réussit à atteindre Sidi Aïca, quimarchait toujours: « 0 Monseigneurô MonseigneurAïça! » lui dit doucementle cavalier.

« ~4MaA~MeMf/? » Dieu est le plus grand!murmurale saint.

C'étaitaussi l'opiniondu cavalier,qui était fort bon

musulman; mais il ne Vagissait pas de cela pour lemoment.Aussi répéta-t-il,mais plus haut, son appelau saint.

« Queveux-tu?lui demanda Sidi Aîçasans se re-tourner.

Tes serviteurs sont mourants, 6 Monseigneur1eux et leurs chevaux.

Etpourquoisont-ilsmourants?reprit le saint.A cause du manque d'eau, ô Monseigneur!

Regardeen arrière, et tu verras, ô MonseigneurAïca!1ton fe~A ja!onnant le chemin que tu as parcourud'unelonguetraméede ses cavaliers.

Et pourquoine m'ont-ils pas suivi?. Dieuaimeles forts et ceuxqui croient; il déteste,an contraire,les cœursdébileset les tièdes dans leur foi.

Il leur a été impossible. murmura respec-tueusementle cavalier.

<!

Page 105: Trumelet Algerie Legendaire

I.*AM!ëatS~StSKttAMK?

Levrai Crevantpeut tout &,répliqua sévèrementHesaint.

SidiAïeas'étaitpourtantarrêté, ce qui avaitpermis&quelquescavaliersde le rejoindre~i!s se tramèrentvers lui et s'écrièrent, enlui baisant les pana de ses

bernous: « 0 Monseigneurnous avons soif! fais

quelquechosepour tes serviteurs'? »Sidi Âïca-ben-Mahammed,sans daignerrepondreà

ces suppUcattons,s'empara du drapeau queportait te

cavalier quil'avait provenude la situationde la cara-

vane,et Htr~oadu boutde sa hampe la couchedesel

qui couvraitla surfacedu lac l'eau en jaillit aussitôtabondatnntentenbouiHbnnant.

Bien que !es cavaliersn'ignora~aentpas que Sidi

Atçapossédât!e don des miracles,ilshésitèrent pour-Tant, nmtgre l'intensitédo leur soif, à porter à leurslèvres leurs ~MCMnMt',qu'Us avaient remplies; ils

croyaient cette eau salée,et ils ne furent tout à faitrassurésquelorsqu'ilsvirent leurschevauxs'abreuverà la sourceen y plongeantla têtejusqu'aux yeux.

Quandles cavaliersqui purent arriverjusque-là sefurent désaltères, et qu'ils eurent remercié le saint,d'avoireupitiéd'eux,ilsremplirentt leurs~e&'(outres),'et portèrent de l'eau aux gens de la caravane quiétaient restés en arrière. Ceux-cirejoignirentpeu à

peu la tête du !'a&B~et furent fort émerveillés,&leur

'tour, du miracle opéré par le saint. Ils en louèrent

Dieu, et ils reconnurentqu'il n'abandonnejamais ceux

qui marchentdans son sentier.Dèsque bêtes et gens se furent désaltéréset que les

nôtresfurent remplies,la caravane achevade traver-aerle lac, et ellealla poser son campau pieddu dje-bel Oukat,sur le point quechoisitle saint.

1.Petitesécuellesfaitesdetigesdehalfa.

Page 106: Trumelet Algerie Legendaire

V. MMAïçA-MS-MABANH)~ 99

Et, depuis tors, cette sourceporte tenom de Ha'cî-

Sidi-Aîca-beh-Mahammed.L'eaa jaillit au)ourd'hnidu centred'unepetitedune

dontle sommetn'estjamais atteintpar les eauxsaléesdu lac, dispositionqui permet taFean de la sourcederester toujourspotable.Les joncs croissentautour duhaci dans !a portionde la dunequi n'est pas soumisea l'actiondes sels.

SidiAïca-ben-Mahammedétaitévidemmentungrandsaint, excellent pour tous, et no rechignantjamaislorsqu'onlui demandaitun miracle; maisnousdevonsà !a véritédo dire qu'ilétait d'une raideuret d'unesé-vérité extrêmespour les siens, particulièrementpoursonfils, SidiEt-Djenidi,qu'il laissamourirdansla cir-constanceque nousaUonsrapporter, et alors qu'it !uiétait si facile,puisqu'ilavait ledondesmiracles,d'em-

pocherce funesteévénement.SidiEi-t~enidipaissait,unjour, ses troupeauxchez

tes Djebabra,fractiondesOutad-Amokran,où sonp~reet lui avaient tourscampements.Or, à cette époque,c'est-à-dire il y a trois siècles, les gens de la Me-

djaha vivaient volontiers du bien d'autrui, et ceux

que la fortune n'avait pas comblésde richessescher-chaient&modifiercotte situationen partageant avecceuxquecette mêmefortuneavait gAtés.Hest inutilede dire qu'alors,commeaujourd'hui,ceuxquiavaienttenaient infinimentà conserver; mais c'était absolu-

mentcommes'ils eussentétédanslesidéescontraires,attenduque les coupeurs de routene les consultaient

jamais quand ils se sentaient l'envie de manger dumoutonou d'enprendre.

Sidi El-Djenidiétait donc, un jour, tranquillementassis sousun fréne,et absorbé dans la contemplationdesestroupeauxqu'iltrouvaitparfaitementengraisse;un sourire de satisfaction venait errer d'instant en

Page 107: Trumelet Algerie Legendaire

!AMÈM8 ~~MMH!iw

matantsur sea lôwea, et texnoigMrde ce qui aepaa-sait dans son emur. Commecet examen ne pouvaitêtre éternel, Sidi El-B~enidipassa &un autre ordred'idées, et il prit dans son capuchonune~MM&a(NMeen rosoau)dont il ae mit à tirer dea aonad'une dou-ceur extrême; c'est au point que ses bêtes cessaientde brouter pourn'eu pas perdreunenote. La musiquea toujours été très gouMeet fort appréciéepar lesbêtes à cornes.

Tout &coup, un gros nuage do sable se soulevadansFeat, et unbruitdeferrailleretentitdansta mômedirection. Sidi EMOjenidine s'y trompa paa ce ne

pouvait être qu'un t''<'se«'.Mais était-il ami? etait-Hennemi?Lesaintne pouvait tarder à le savoir.A touthasard, il massa ses troupeaux, qui étaient épars,dans les bouquets de lentisques. Quelquesinstants

après, les cavaliersde la tète paraissaient deboutsurleurs étriers, le fusil haut, et piquaientdroit sur les

troupeaux avec des intentions manifestementmau-vaises.

Sidi El-Djenidicomprit très bienque, seul et sansautre arme que son bâton, il ne pouvait lutter avec

quelquechance desuccèscontre !eparti de coupeursde route qui allait l'assaillir, et qui se composaitdevingtcavaliersau moins: il sentit biencela. Il résolutpourtant de chercher à s'opposer, autant qu'il seraiten son pouvoir,aux projets de cesvoleursfilsde vo<leurs; mais, par une prudentemesurede précaution,il pria Sidi Abd-el-Kader-El-Djilanide le rendre in-vulnérable.

CommeSidiEl-Bjenidil'avait prévu, le goumfonditsur les troupeaux, sans mêmedaigner prendre gardeau pasteur, et les poussadans l'est.Comptantsur l'ef-

i. Partidecoupeursderouteenrazta.

Page 108: Trumelet Algerie Legendaire

V. MM AÏCA'MRK'MAMAMNKtt <(M

neacitede aa prièreau saintde Bar'dad, et se croyantinvulnérable,SidiEI-B~enidiseprécipitasorte groupedes cavaliers, et roua de coupsde bâton tout cequise trouvait dana la longueurde cet instrumentcon-tondant. Les cavaliers ne firent d'abord qu'en rire;mais, voyant la persistancede l'assaillant,ils unirent

par se lasser, et l'un d'eux,&boutdepattence,lui vidasonfusildanslapoitrine SidiEi-B~enidi,percéd'outreen outre, allait rouler dans la poussière,ut te goumchassaitles troupeauxdevant tui.

Sidi Aïca-ben-Mahammod,averti par la détonation,compritde suite, par la directiond'oft venait le bruit,qu'il s'agissait encorede quelque entreprise sur les

troupeaux de son fils: il se hâta de se rendre sur les

pâturages;mais,aprèsquelquesinstantsderecherche,il n'y trouvaplus que Sidi Ki-t~enidi,son fils, qui sedébattaitdans les dernièresconvulsionsde la mortet

perdant tout son sang.ït était peut-être un peutard pour faire des remon-

trances et des reproches a son utg; maisSidiAïca-

ben-Mahammed,qui était d'une grande sévéritépourses enfants,en jugea tout autrement, et, au lieu deconsolerSidiEi-Djenidiet d'essayerde lui donnerdes

soins, il ne trouva rien de mieux&lui dire que ces

parolessi peu paternelles « Pourquoi t'es-tu adresseà SidiAbd-el-Kaderpour obtenir i'invutnerabitite?.~7-A<M~'AAeM'mea<!A~e/a< a, c'estra-dire « LePuissant vaut mieux que te serviteurdu Puissant»,ou, en d'autres termes « Il vaut mieux s'adresser&Dieuqu'à sonsaint.

Il est clairque cen'était pas précisémentle momentde fairedesjeux de mots; maisSidiAîqa-ben-Maham-medétait commecela, et les circonslancesmêmeles

plus graves étaienttotalementimpuissantespour l'ar-rèter danscette déplorablemanie.

6.

Page 109: Trumelet Algerie Legendaire

D.'At.(!È<URt~ES~AMEM2

Noncontentdu reprochequ'il venaitd'adressera son0!a, qui ratait, te trop rigidemarabouthajouta dure-Ment: « Donc,puisquetu as eu moinsde connanceenMen qu'onsonserviteur, tu mourrasde t~Mesure. M

Sidi Et-t~enidimourut en effet, et. son corps fut

rapporté sur l'ouad Et-Lahm,au sud du djebelDira,on ses serviteurs religieux lui étevërentune koubba.

Dana les dernièresannées de sa longueexistence.Sidi Aîca, brise par son grand âge, qui avait déjàdépassé les limitesordinairea de la vie humaine,nepouvait ni faireusagede sesjambes, ni supporterlesmouvementsd'une beto de somme.LesOuiad-Barkasolicitèrent et obtinrentdu saint le précieuxprivilègede le transporter sur leurs épaules,au moyend'unevaste~Mc~a iaquetto ils avaient adapté dos bran-cards. Du reste, cette insigne et honorable faveurvalut aux gens de cette fraction et a leurs descen-dants l'avantaged'avoir les omoplatesplus saillanteset plus développéesque cettes de leurs voisina desautres fractions. Nousajouterons qu'ils se montrent

justement fiersde cette 8inguti<reparticularité.Sidi Aï<:alaissa, en mourant, huit filset unefille,

qui, presquetous, furent dignesde leur vénérépère;ils continuèrentla réputation de sainteté, la fille

comprise, qu'il s'était acquise pendant sa longuecarrière. Quelques-unsjouirent du don des miracles,SidiEth-Thaïyebet Sidi Bel-Houtentre autres.

Les restes mortels de Sidi Aïçafurentdéposéssurla rive droite de l'ouad El-Djenan, au nord de lacorne est du djebel Ën-Naga. Une koubba lui fut.élevéepar ses enfants, aidés de ses serviteurs reli-

gieux.

1. GrandplatdeboistaiHédansla.rondelled'unfrênequatreoucinqfoissecutaire.

Page 110: Trumelet Algerie Legendaire

maV. MMAÏÇA-BRK.MAHANMRf

UneaomMaMeconstruction,maisen briqueset fort

élégante,fut bâtiesur le tombeaude SidiBat-Hout,tphmtipmo nts de Sidi Aïca, à cote de celle de sonvénérépère; mais, soit modestie de la part de Sidi

Bei-Hout,qui aurait trouvé peu décent de reposerdans une chapellep!us.somptueuseque celledo sonillustre père, soit que Sid! Aïça tm-memeeut et6froisséde se sentir ptuamal traité que son fussous le

rapport de t'etegancede sa dernière demeure, quoiqu'il en soit de ces deux hypothfses, le fait est qu'iln'a jamais été possible do donner la solidiléconve-naNe a !a voûtede la koub~ade SidiBet-Hout,qu'ettos'écroulachaquefoisquel'on tenta de la reconstruire,et qu'enun on finit par renoncera une tpuvrequi no

paraissait pasavoir l'assentimentde l'un ou de l'autre

saint; do sorte qu'Adéfaut de coupolele tombeaudeSidiBet-Houtne fut jamais abrité contre l'intempériedes saisons, et. que la chapelle dans laquelle a étô

déposée sa d~pouiUemortellea toujoursressembléàune ruiuc.

Desonvivant,Sidi Aïçarecevaitannuellement,destribus comprisesentre Sour-et-R'ouztan(Aumale)et le

djebel Et-Eumour,la redevanceappelée te ~e/<*tM'espèce de d!me payée ordinairement en nature.

Quelquesjours avant sa mort, il répartit entre ses filstes contréesoù ilsdevaientpercevoircette redevance,laquelle.leur constituait une sorte d'apanageplusoumoinsfructueux,selon la générosité des populationsou l'importancenumériquedes tribus qui s'y étaientsoumises.Or, il arriva,que, n'ayant point été comprisdans ce partage, Abd-el-Ouhab,en fit l'observationà

t. Ler'e/ëMf,c'estlepardon,l'absolutiondespéchés;c'estaussitaprotectiondontunsaintmarabouthcouvreses~o~-

Page 111: Trumelet Algerie Legendaire

~M~US ~OtR~AWSiM

Sidi Aïea, son pore, qui lui fepondit « J'aceofdeAtes deseendantala scienceet MFMdMen.MHest defait que, depuis cette époque, la ~acMoudes Outad-AM-et-OMhaba toujours fourni de savants juriscon-sultes et desdocteurstrès estimés,notammentsous le

gouvernementdeaChewfa,c'est-à-dired'E!-Hadj-Abd-et-Kader.

VfSIDI ETH-THAlYEB-BEN-StM-AtÇA

Sidi Eth-Thaïyeb était le troisième fils de Sidi

Aïca-ben-Mahammed,l'ancêtre des Oulad-Sidi-Aîça-Ech-Cheraga,ou de l'Est. Soit que SidiEth-Thaïyeb-ben-Aïcaconndt le mot de son homonyme,SidiAïça-ben-Meriem(Jésus,filsde Marie) « Nuln'est prophètedans son pays soit qu'il voulût s'étoigner desmattres du Tell, tout ce que noussavons,c'est qu'ilabandonna l'ouad Et-Bjjenan,où était le tombeaudesonpère,pour s'enfoncerdans le Sud, et qu'Upartit,avecsa famille, à la recherchedes graspâturagesquelui avait choi son père quelquesannées avant sa

mort, et sans trop se préoccupers'ils étaient la pro-priété. par une longuepossessionou par la force, de

quelquetribu plus ou moins disposéeà s'en laisser

déposséder.Sans doute, l'immenseinfluenceexercée

par Sidi Atca-ben-Mahammedsur toutes les popula-tions nomades qui fréquentaient la zone compriseentre la lignede ceinture du Tell et la région desoasis du Sud du Tithri devait, certainement,faciliter

Page 112: Trumelet Algerie Legendaire

Vt. StMHtH.TmïV<W-H8!<-MM-ATÇA«M

les transactions, si, toutefois,SidiEth-Thaïyebétait

obligéd'en passerpM*ta et de subir les exigencesdes

premiersoeeupanta car, sur leaHauts-Plateauxet aleur Sud, l'eau, c'est la richesse, c'est la vie même,tandis que pou de pâturages,peu detroupeaux, c'estla misèrepour tous.

SidiEth-Thaïyeb,qui s'était misen routeavecdeuxde aea frères, SidiYahya et SidiAbd-Allah,prit unedirection sud-ouest.Quatre jours après leur départ,les trois marabouthsarrivaient sur les eaux de Ser-

guin. Le pays ptut sans doute&Sidi Eth-Thaïyeb,caril résolut de s'y fixer. Maisil se présentaitune dim-caite le territoire do Serguin appartenaitaux MaA-ref. Leniade SidiAïcaentra en pourparlersavec leschefsde cettetribu, et leur manifestaled~sirde deve-nir acquéreurde leur territoire,si, toutefois,leurs pré-tentionsn'étaientpas trop exagérées.Aprèsavoirpas-sablement surfait, les Maarei finirent pourtant partomber d'accordsur le prix de vente avec Sidi Eth-

Thaïyeb,lequel se hâta de payer la sommestipuléedans la crainte que les vendeurs ne vinssent a

changer d'avis. Il faisait aussitôt acte de possessionen dressant ses tentes sur l'emplacementoù, plustard, on construisit sa koubba, et il établissait sesdeuxfrères et leurs iamillesauprèsde lui.

SidiEth-Thaïyebdevenaitainsi l'ancêtredes Oulad-

Sidi-Aïça-AheI-Es-Spaagui,ou de l'Ouest.La réputationde saintetéde SidiEth-Thaïyebs'ac-

crut rapidement, et l'on n'hésitait pas à le comparerà sonpère, Sidi Aïça-ben-Mahammed,sousle rapportdes vertus et de l'énergie des croyances.Bien quejeune encore, SidiEth-Tharyebavait pourtant beau-

coupvoyagé,beaucoupvu et beaucoupappris il avaitvisité les écoles et les zaouïales plus célèbresde son

temps, et il avait reçu les leçons des plus savants

Page 113: Trumelet Algerie Legendaire

MO t~a~MM! tËSE~AMR

et~aMs professant du Cheur~ au R'arb, de t'~t &l'Ouest. Sidi Eth-Tbatycbétait, enoutre, un conteur

qu'on Me8e lassait jamais d'entendre; on venaitdefort loin pour écoutersesmerveMeuxrécits. Le soi!')desqu'il s'asseyait sur le seuilde sa tente, tes gensdeson douar se réunissaient autour de lui, il y avaitsouventaussi desétrangers, et, là, on le suppliaitde raconter une do ces prodigieuses histoires qu'ildisait avectant de charme. SidiEth-Thaîyebse faisait

peuprier, mais il unissait toujours par céder, et il

entamait, pour la centième fois souvent, une

~a&afaqui suspendait, pendant tout le temps qu'ilparlait, ses auditeurs à ses lèvres.

Il est clair qu'avectant de vertus, tant de science,tant d<*sagesse,SidiEth-Thaïyebne pouvaitmanquerd<*posséder le don des miracles; le fils do l'illustreSidiAïca-ben-Mahammedn'auraitpusecontenterd'êtreun simple mo~ot assujetti &toutes les misères hu-

maines, et manquant d'influencesur les éléments.

Aussi,le Dieuunique,qui se doutait do cela,lui avait-il laisséprendre un lambeaude son pouvoir.Et c'estfort heureux car, sans la condescendancedivine, les

gensdu djebel Ks-Sahrien seraient encoreà ignoreroù.prendre le goudron avec lequel ils traitent leurschameauxgaleux.Nousallonschercherà le prouver',

Il arrivait souvent&SidiEth-Thaïyebde s'occuper,bien quesaint, des chosesde la terre, de ses intérêtsterrestres. La piétédes fidèleslui avait apporté la ri-

chesse,et l'on ne pouvaitfaire un pas dans un rayonde vingtlieuesautourde Serguinsans rencontrerdes

troupeauxlui appartenant.Unjour, il était allé visiter

i. Nousferonsremarquerqu'unmiraclede ce genreavaitêté,op~réparSidiAïça-ben-Mahammed,sonpère;maiscefutdansrouadEt-Guethermi,cheztes Oulad-Dris.dndjebelDira.

Page 114: Trumelet Algerie Legendaire

Vt. S)M ËTa-TNAÏtKB'BKK-~tM-A~ foi

ses troupeauxdechameauxquipaissaientdans le dje-bel Es-Sahn, de l'autre côté de l'ouad El-Hammam.Au lieude tes trouveren graisseet en poil,commeil

l'espérait, on ne les lui montraque gâteux, amaigris,et dépourvusde leur vêtementpileux.

Furieuxcontreses gardiens,.quiont laissé se déve-

lopper, sansy apporterremède,cette affectionapyré-thique,SidiEth-Thaïyebleur reprochadurementleur

négligence il levamôme,avecl'intention évidentede

l'abàisser,son longbâton forrésur le dosde ses gens.Devantl'imminenced'un châtimentqu'its ne croient

pas avoirmérité,les gardionss'écrientavecassezd~en-semble « Mais.Monseigneur,ce n'est point la fautede tes serviteurs, tes chiens, tes esclaves,si tes bêtes,qui valent mieuxque nous, sont dans l'état o(<tu les

trouves ;JMges-entoi-même,ô Monseigneur!Eh bien!nousmanquonstotalementde goudronpour arrêter lemal et empêcherla contagion,1)

Le saint se préparait à leur dire « Vousêtes tou-

jours embarrassés,vous autres, filsde chiens!?Maisil réfléchitque,puisqu'iln'yavaitpas de goudrondanstout le djebel Es-Sahri,il était &peu prés impossibled'en oindre ses chameaux. II se rappela justementqu'il avait le dondes miracles,et qu'il ne lui étaitpasdéfendu de s'en servir dans son intérêt particulier.« Or,pénsa-t-il, puisqueje n'ai qu'à vouloirpourpou-voir, je.ne voispaspourquoij'hésiterais à meprocurersur placele goudronqui m'est nécessairepour traiteret guérir un troupeaudont Dieului-mêmem'a fait Je

propriétaire. Creusezici, dit le saint aux gardiensen leur indiquant le point de forage du bout de son

bâton creusez »

Ils creusèrent le sol, et il en jaillit soudain unesourcede goudron,tout prêt à être employét

Lesgardiensn'en revenaientpas. Itsse mirent pour-

Page 115: Trumelet Algerie Legendaire

~08 t.'AM&ME HËaENttAÏMK

tant louerDipn,puisMaenduisirentdocemerveillenx

goudronïea chameauxgaleux.Le lendemain,ils furentfort surprisde trouverleurs

bossusradicalementguéris,et iburnisd'un poilsoyeuxpareil à la chevelured'une femmede race. SidiEth-

Thaïyebavait tout simplementopéré un secondmi-

racle les gardiens,qui s'endoutaientun peu,senorent&relouer Dieu avec plus d'intensité encore que la

veiUe.Nousn'avonspas vu cette sourcede goudron; mais

les Oulad-Sidi-Aïça-Es-Souaguinous ont juré, par Dieuet par son Prophète!qu'elleexistaitencore.

Cequ'il y a decertain, c'est que,dans tout le Sahra

algérien, voire même dans quelques tribus du Tell,SidiEth-Thaïyebest en grandevénérationparmi les

goudronniers. Aujourd'hui encore, ses descendants

jouissentdu privilègedepréleverun droit, un droit

religieux, sur le goudron que viennentvendreles

étrangersdansleurtribu. Partout,dans le Sud,la pre-mière~M~'&a(outre)de goudronque font les gensquitravaillentceproduitestconsacréeauxOulad-Sidi-Atça.Le goudronnierqui essaieraitde sesoustraireà cet im-

pôt verrait infailliblementson commercepéricliter,etil pourrait compterque rien dorénavantne lui réus-sirait. Maisles Sahriensen sont trop bien convaincus

pour oser risquer un larcin qui ne pourrait manquerd'arriver à la connaissancedu saint.

Tousles ans, dansles premiersjours du printemps,les serviteursreligieuxde Sidi Eth-Tharyeb-ben-Sidi-Aïça se réunissentsur son tombeau, et.le fêtent parl'absorption d'un thdam (kousksou) pantagruélique.Les offrandesdes fidèlessont partagéesentre tous sesdescendants.

En résumé,SidiEth-Thaïyebest un saint degranderéputation.Aussicompte"t-ildes &Ac<Mam(serviteurs

Page 116: Trumelet Algerie Legendaire

Vt. StN ETH-TMAÏYEB-BEtt-St~AÏtA <08

religieux)des bordsde la merdu Milieu' à Oaargla;ila sont surtout en grand nombre chezles Bni'Hidja,les Bni-Zoug-Zoug,les Singes et les Bni-Ourar.

Lapiété et la vertu de sesdescendantsne paraissentpas avoir sum pour leur mériterle don des miracles,

Aucund'eux n'a laissede tracesde son passagesur laterre.Aujourd'hui;lesmarabouthsdesOulad-Sidi-Aïca-Es-Souaguine sedistinguentguèrede leursvoisinsquepar une collectionplus complètedes vicesparticuliersaux Sahriens.C'est a fairerougirde honte,dans le séjourdesbien-

heureux,leur saint ancêtreSidi Eth-Thaï)eb-ben-Sidi-Aïca.1 Aprèsavoirillustrésa viepar denombreuxmiracles,SidiEth-Thaïyebentra dans la mort', et sa dépouillemortellefut déposéenon loin du ksar ruiné de Ser-

guin. Sesdescendantsmirentun grand luxe architec-tural dans la constructionde la koubba souslaquellereposeleur saintancêtre, et leur puissantintercesseur.

auprèsdu Très-Haut.Maisles Chrétiens, que Dieumaudisseleur reli-

gion ont vouluabsolument,sousle spécieuxpré-texte de l'intérêt qu'ils prétendentporter aux chosesde la religionmusulmane,embellirle monumentfuné-

raire, et lui donner,disaient-ils,un cachetbienautre-

i. LaMéditerranée.2..D'aprèsune autreversion,SidiEth-Thaïyeh-er-Remoug

auraitétéenseveliparlesOutad-SUman-Ahet-TheM-en-Nehas,quihabitaientlesabordsdel'ouadEI-Lahm,et sadépouiMemortelleauraitetëdéposéeà l'ouestduDjebel-En-Naga,oùl'onvoitencoreles restesd'unekoubbaédifiéesoussonvocable.Il s'agitlà évidemmentd'unautreSidiEtli-Thaiyeb,dufilsdeSidiYahya-hen-Sidi-Aîea,quiportaitle mêmenomquesononcle.Cequin'estpasmisen doutepar lesOulad-Sidi-Aiça-Ahel-Es-Souagui,c'estquelakoubbadeSerguinrenfermelesrestesmortelsdeSidiEth-Taïyeb-ben-Sidi-Aïca.

.7?

Page 117: Trumelet Algerie Legendaire

HO t'AtQËMEt.ÊSEMtAME

ment orientalque celuiquelui avaientimprimé, U

y a de celaprès de trois siècles,-les habites Matonsdu Figuigchargésde son érection.

LetombeaudeSidiEth-Thaïyeba été reconstruiten

maçonnerie il est rectangulaire,et s'élèved'environ

cinquantecentimètresau-dessusdu niveaudu sol.Les

Croyantset les Croyantesl'ont émietté,ëcomô, gri-gnoté,pour se faire, avec les débrisqu'ils peuvent en

extraire, des AeM~OMZ,ou préservatifstalismaniquescontreles mauxdu corpset ceuxde l'âme.

Il n'y a pas encorebien longtemps,le tombeaudusaint n'en était pas réduit à la froide simplicitéquile caractérise aujourd'hui un remarquable <<ï&o«<

(chasse-cercueil)de bois peint en vert, et découpéencolonnettessoutenant de gracieusesogives, s'élevaitsur le tombeau du vénéré marabouth; une tenturede soie verte et rouge l'enveloppait,et allait se rat-tacher au sommetd'une petite coupoleformant daisau-dessusde la tête de SidiEth-Thaïyeb.C'était de ladernièreélégance;mais la guerre,la terrible guerre,quine respecterien, la guerre, avec ses dévastations

sauvages,a amenéla destructiondecesornementsdusà la piétédes fidèles les foulardsont été dérobéspourêtre employés, prétendentles Oulad-Sidi-Aïca,à un usage sansle moindrerapport avec leur pieusedestinationprimitive.Quantau cercueil,il aurait servià faire bouillirla marmitede nos soldats.Est-cebienlà la vérité?. Dieuen sait la-dessusénormémentplusquenous.

Tous les vendredis,des parfums sont brûlés sur letombeaudu saint un tessonde poterie, qui a joué lerôlede la cassoletteantique,contientencoredes restesdu <~aoMt(benjoin)dont a été récemmentencensélepuissant intercesseurdes Oulad-Sidi-Aïca-Ahel-Es-Sonagni.

Page 118: Trumelet Algerie Legendaire

VI. amI T~a-TCAÎ~EB-NSK-aM-AÏÇA w

~Extérieurement,et à distance, ta koubba de §idiE~-Thaïyeb ne manquepas d'unecertaineeteganee;eUeest d'aMeurasoMementMt!e,et d'uneNancheurimmaculéequi.atteste la piété des &A«<M<HMda saint.On voit de fort loin, en venant du Sud, sa coupoleovoïdesurmontéed'unesphèresomméed'un croissant.B est très regrettableque dm MatawM~eurainintelli-

gents, les maçonsfrançais, aient crudevoïrjFem-

placerpar des pleins-cintresles gracieusesogivesdes

entrées et fausses entrées du monument.Cest tout

simplementun sacrilège.

VII1

SIDI EL-HADJ-AÏÇA

Si, quittant Serguin, où s'élèvela koubbade Sidi

Eih-Thaïyeb-ben-Sidi-Aîca,nouspiquonsdroit dans leSabraen longeantle mêmeméridien,nousrencontre~rons inévitablement,au sud du B~ebel-Ëi-Ëumour,leksard'Aîn-Madhi,où réside le chefde la famillemars-bouthedesTedjedjena~dontl'ancêtre,SidiAhmed~ben*

Mohammed-Et*Tedjini,a fondéun ordre religieuxpor-tant son nom<confrérie comptant un grand nombrede~A<maM(frères),particulièrementdansle. Suddenos

possessionsalgériennes.D'Aîn-'Madhi,si nousvoulonsnous engagerdanste

Bjjëbel-EÏ-Eumour,nousprendronsune directionouest,puis, arrivés sur l'ouad Er-Reddad, nous remonte-rons le lit rocailleuxde ce torcent, lequel coule,

Page 119: Trumelet Algerie Legendaire

itSf ~6&M6 ti~BNBJMM!

quandn y a de l'eau, dans un paysdesplut.anreu-sëmentbouleversés.Aprèsdeuxheuresde marchesurde sot fuyant,pavede caillouxroulés,votre guidene

Manqua pas, lorsque voua aarex atteint ïe col de

Guergour;de vousraconterta légendesuivante« n y a environcent soixanteans de cela, unebelle

fontaine appelée Aîn-'Maa donnait de t'eaù a~deux

haour, ruines au~ourd'nui, Kaar-Ei-Ahmeur(!eksar rouge)et Rsar-Et-Abiodh(le ksar blanc), situésnu suddu 00~et se déversaitensuitedans t'ouad Er-Reddad. Or, je veux vous dire pourquoi la sourcen'existeplus, ainsiquela causepourlaquellecesdeux

villagesont été abandonnéspar leur population.« Unjour, le saint marabouthdeLaghouath,SidiEi-

Ha~-Aïça,en tournée chez ses khoddam du Djebel-Et-Eumour,fut surpris par la nuit dans le pays des

Ou!ad-Yakoub-Er-Raba&, que nous traversons,et s'égara. !t edt été on ne peut plusfacileau saint dese tirer de là, puisqu'ilavait le don desmiracles; maisilpréféra,danscetteconjoncture,nepasfaireusagedece précieux privilège, et profiter de l'occasionpouréprouverlesgensduDjfebel-Et-Eumour,et s'assurerparlui-mêmedela façondontils pratiquaientl'hospitalité.Le saint arrivait, sans s'en douter, au col de

Gùergourau momentoù le jour entrait dans la nuit.Sidi EI-Hadj-Aïcalit lentementun tour sur lui-même,enplongeantses regardsdans le fond'desvalléespourchercherà découvrirquelquelumièrerévélant,à tra-vers les ténèbres, la présence d'un vivant. Ce tourd'horizonn'ayant pas eu le résultat qu'en espérait lesaint, il gravitun piton quidominaitau loin le paysqui l'entourait. Deux clartés rouge&tres,pareilles àdesyeuxde tigre, brillaientdans le sud à quelquedis-tanceau-dessous,delui il y avait évidemmentIà.unehabitation,et le saint, se dirigeantsur ceschrtés, re-

Page 120: Trumelet Algerie Legendaire

VM. 8<M Et-BAM-AÏÇA <i3

connutbientôtqu'il était prés du ksarEt-Abiedh,chezles OnIad-Yahonb-Er-Rabaa.Matta frapper Ala portedelamaisonéclairéeen s'annonçantcommetMt/J~M&Minvite de Dieu);mais,bien quela maisonUt habitée,.puisqu'ony entendaitparler, la porte ne s'ouvrit ce-pendantpaa. Deuxautres fois encorete saintréclama

l'hospitalité par la formuleordinaire «la <HOM<ed'-

<fa~<~A~~eMM</a –0 mattrede la maison,un invitedeDieu Etnon seulementla porterestaclose,mais,de plus, on réponditde l'intérieurà sonappelpar une

injure. Sidi Ei-Hadj-Aïcase retira sans se plaindreetse dirigeasur le ksar El-Ahmeur,qui n'était qu'a unetrès courtedistance du premier.Le saint fut reçuparles gens du ksar Rouge de la même manière qu'ill'avait été par ceux du ksar Blanc. L'épreuve était

concluante,et il parut au saint quecen'était pas leur

façon de pratiquer l'hospitalitéqui devait ruiner cesksariens.

« Sidi El-Ha~j-Aîcafut doncréduit à passer la nuit&la belle étoile il alla s'abriter sous le feuillage(Tuntérébinthe,arbre qui, depuis,fut consacrépar la piétédes fidèles,et dontils firentun a~am pour rappelerla

station qu'yavait faitele saintmarabouth.« Pourêtre saint, SidiEi-Hadj-Aîçan'était pourtant

pas exemptabsolumentde cespetits travers qui sont

inhérentsà la nature humaine; ainsi,il était particu-lièrementenclinà la vengeancequand on l'avait of-

fensé. Du reste, il faut dire que les Ouiad-Y&koubn'avaientpas volé le tour queleur ménageaitle pieuxami de Dieu.

« Nousavons dit que les deux villages dont nousvenonsde parler n'avaient pour toute eau que celle

que leur donnait l'Aïn-TriCa.Quand, au matin, les

habitants de cesksour furent sur pied, le saintmara-

bouth se dirigea vert la fontaine,où it se mit à prier

Page 121: Trumelet Algerie Legendaire

w ~AM&MEI.ÈaEtmAM1'

avec MMgrande Earveur.Les femmesdes deux vil-

lages y arrivaient au momentoù te saint cessait ses

prosternationset se devait; à la vued'unhomme,etsurtout d'en étranger, elless'ar~tôrchtétonnéM.Ma~a'

qu'on juge de leur stupéfactionquand le saint, met-tant son bâton a l'œil de là source, ellesviMnt ses

eaux s'enroulerautour commeun serpent et se soli-difter.Quelquesinstants samrent pour emboMMeren-tièrement sur le b&tondu ~ainttoutes les eauxde lafontaine. Ce ne fut pas tout, 8!dt Et-Hadj-Aï~a,met-tant son bâton sur sonépaule,sedirigea, suivi par!eafemmesdes deux ksour, vers un piton qui dominel'ouad Derdez,aMuent du Reddad, et ta, après unenouvelleprière, Ulança sonbâton dans te premierdeces torrents en répétant trois foisd'une voixtonnantela formulede la demanded'hospitalité.Depuiscette

époque, ce petit ouad,qui ne se ran'atchissaithabi-

tuellement que des larmes du ciel, est réputé pourl'abondanceet la bontéde ses eaux.

« LesgensdeKsar-Mi-Ahmeuret deKsar-El-Abiodh,&qui leurs femmesavaientracontéles diversincidentsdeceprodige,comprirenttoutel'étenduedeleur faute,et ils s'en mordirent les doigts jusqu'à la deuxième

phalange; mais il était trop tard. Leurs ksourn'étant

plus dès lors habitables, ces inhospitaliersmonta-

gnards furent obligés de les abandonner et d'allers'établir ailleurs.Personneneles plaignit,w

C'est le saint marabouthSidi El-Hadj-Aïça,il'~stfeautant par sesvertus quepar le donde prophétiequ'ilpossédait à un rare degré, qui avaitprédit, versl'anni4 de notre ère, que les Français s'empareraientd'Alger, qu'ils viendraient campersous les murs de

Laghouath,et qu'ilspousseraientmêmejusqu'à l'oùadEl-Heumar.

Quoiqu'il en soit, malgréson décousu,ses répétt-`

Page 122: Trumelet Algerie Legendaire

Vtt. MM ~RAM-A!~ w

tions, malgrétevaguedequelques-Muesde sesparties,la prédiction de Sidi EI-Hadt-Aïea,qui est absolu"ment authentique, n'on présente pas moinsquelquespassagesfort remarquables,au poixt de vue,bienen-

tendu, du don de prophétiequ'avait la prétentiondo

posséderle saint homme.Il aurait pu ajouter, lui quiy voyaitdosi loin, queles canonsqui devaientouvrirla brèche do sa ville d'adoptionseraient mis en bat-terie sur son tombeau.En euct, c'est dans la koubbamarnadu saint,qui est situëoau sommetde l'arêtequicommandola face sud-ouestdo Laghouath, que futétabliela pièce do canonquiouvritla brochepar la-

quellele gageraiPetissiurdonnal'assaut à ce ksar ondécembrei8S3.

Maisnous voulonsdire ce qu'étaitce saint homme,célèbre à plus d'un titre, et qui joua un rôlesi pré-pondérant dans la région dos ksour qui avoisinentl'oasisde Laghouath.

Sidi El-Hadj-Atcanaquit a Tlomsanen l'an i6C8donotre ère. Son frèresenommaitAïca-ben-lbrahim,etsa mère, Mahhouba,était Gllode Sidi El-Hadj-Buu-Hafs, personnage important de la tribu des Outad-Chikh.Cefut danscettetribu, oùilpassaplusieursan-

nées,quele jeuneAïcasentitse révélersavocationpourla vie religieuse.Il résolut doncde voyageret d'allercatéchiser les populationsdu Sahra, chez lesquellesla foiavait fait placeà l'indiCërenceou à l'erreur.

Il quitta Tlemsanen i694; il passa par Oran, où ilvisita les marabouths les plus illustres et les plussavants de cette ville, si riche en hommesde science

1.Nousavonsreproduit,en versfrançais,cetteprédictionde SidiEt-Hadj-AïcadansnotreNM<o«'ede f/M)«'<'ee<<oMdesOMM-SMt-Bc&.CM&Ade1864 1S80(ScnAM~MEir),pages~3etsuivantes.

Page 123: Trumelet Algerie Legendaire

lia ~AM&MR t~MSNMME

et de prière, puis il se rendit ehoxles Harar, tribunomade sahrienne,06 il resta quelquotemps; ennn,il poussajuaqn'&uksar Ban-Bouta', ou Msefixa détl"nitivement.

Sidi Atçaavaitpromptementacquis,par f&scienceet par sa piété, une inQuencecoasM~raMesur les

populations des ksour voisins, ainsi que sur lesNomades qui venaient pattre leurs troupeaux surl'ound Mzi.Uobtintde cesNomades,fort enclinsà la

razia, qu'ils cessassentleur honnêteindustrieet qu'ilsrespectassent, à t'avenir, le ksar Ben-Bouta, qu'il~vait choisi pour résidence.Dureste, pour être pluscertainqu'ils tiendraientleurs promesses,it avaitprisla prudente résolution de faire couvrirce ksar parune enceinte sufHsantepour résister &un coup demain de ces gourmandsdu bien d'autrui. Aussi,Ben-

Bouta, par sa situation au centre des autres ksour,

par la sécuritéque lui donnaientses murailleset parle nombre de ses habitants, n'avait-il pas tarde à

prendre une supériorité marquée sur les bourgadesouvertes qui l'entouraient. Incessamment en butteaux attaques des Nomades, les habitants do ceshameauxepars s'assemblèrentet vinrentdemander&Sidi Ei-Hadj-Aïçasa protection et ses conseils. Lesaint marabouthleur fit comprendrequeleseul moyende se mettreà l'abri des déprédationsdesNomadeset

des .coupeursde routes était de se grouper,afin de ne

plus former qu'un seul centre susceptiblede résis-

tance, et dans lequel ils pourraient renfermer leursfamilleset leurs biens, et braverles attaques de tousles Nomadesréunis.Persuadéesque là était, en eCet,

t. Ben-Bouta était une des trois ou quatre bourgades dontles populations se réunirent plus tard pour former le ksar de

Laghouath.

Page 124: Trumelet Algerie Legendaire

ML am E~OAM-AÏÇA

te salut. les tribus de l'ouad El-Djed! vinrent M

grouper en faisceauautour du ksarBen-Douta.C'est de cette époque, vers l'an no0 de notre

ère, que date la fondation dénn!tivede l'oasiset

du ksar de Laghouath,et nousvenonsde montrerla

part importante que prit Sidi El-Madj-Aïca&cettecréation.

Quoi qu'il en soit, la nouvelleville eut bien des

attaques a repousser, des trahisons à éventer, desdiNcuitea&vaincre,avant d'être St~detnentconsti-

tuée, et il no fallut rien moins que les puissantesinterventionsde son saint et prudent fondateurpourqa'eMc ne succombAtpoint sous les fréquentesattaquesde ses opiniâtresennemis.

Vers le mêmetemps,commençaità renattre de saruine un ksar assez important. Situé dans l'est et àdeux ou trois heures de marche do Laghouath, El-

AcaHa, qui, jadis détruite, avait été abandonnée,venait de s6 repeuplerde ses anciens habitants. La

populationde ce ksar n'avaitpas vu, sansen éprouverquelque dépit, l'importance qu'avait prise en peu de

temps, et à son détriment,Foasisde Laghouath;les

premiers succès des populations réunies dans sonenceinte achevèrentde transformer en haine impla-cable la jalousie des gens d'Et-Acana.Dès lors, desluttes continuelles entre tes deux ksour vinrentarroser du sangdesdeuxpartis tes rives sablonneusesde l'ouad Mzi.Danscescombats incessants,tes Bni-

Laghouath, bien que souventvictorieux,n'en subis-saient pasmoinsdes pertes extrêmementsensibles,etils sentaient que, s'il n'était promptement mis unterme à cet état de choses, ils ne pourraient plus,épuisés qu'ils étaient, continuer une guerre qui leurenlevait les plus'vaillants de leurs enfants. Ils netrouvèrentrien de mieux,dans cette circonstance,que

4.'-1.J

Page 125: Trumelet Algerie Legendaire

MO !AMÉBt8!08!<BAMa

de supp!ierleur saintprotecteur,SidiEl-Hadj'Atca,deiea débarrasser de voisins aussi incommodesqueFêtaientpour euxles gensd'Et-A~aCa.En tut promet-tant une somme assox ronde pour le payer de son

Intervention,ils ajoutaientqu'ils lui laissaientahaotu-ment le choix des moyens pour arriver à la destruc-UonaussicomplètequepoasiMedo leurs trop tenacesennemis.

Nous ne voudrionspas avancer sans preuves cer-taines que cettepromesse de rémunération fat pourquelquechosedans la déterminationque prit le sainthomme d'opérer selon le vœu des Bni-Laghouath;pourtant, la suite do ce récit semble prouver non

qu'il ttnt outre mesureà la sommestipuKe,maisqu'iléprouvât tout au moins une sainte horreur pourlesengagementsqui n'étaient point tenusassezreligieu-sement.Quoiqu'il en soit, le saint marabouth cédaaux instances de ses enfants d'adoption. Il se mit,séance tenante, en prière pour demander au Dieu

unique,dont il savait la bonté inépuisable,de dai-

gner détruire sans retard, non seulement le ksar

d'Acaua,mais encore la populationqu'il renfermait.

L'exposédes motifs était que l'un et l'autre gênaientconsidérablementles Bni-Laghouath,ses protégés.

Le Dieu unique, qui était bon jusqu'à la faiblesse

pour son serviteur SidiEi-Hadj-Aïça,accédainstan-tanémentà sa prière tout à coup,et bienque le cielfot d'une pureté absolueet que pas le moindrecirrusne Sottàt soussa coupoled'azur, une effroyabletem-pête, qui ne dura pas moins de trois jours, vints'abattre sur le ksar, qu'ellefoudroyade gréionsgroscommedes œu&de poule les maisons, bâties en

briques rondes séchées au soleil, s'émiettèrent ets'écroulèrent avec &acas; les troupeauxde moutonset dé chameaux,dispersés par la tempête,périrent

Page 126: Trumelet Algerie Legendaire

Vtt. MMR~HAM-AÎCA i~

asphyxiéspar des trombesde sable,ou abattuspar lagfe!e; les quelquespalmiers-dattiersqui s'élevaientdans tes jardina du ksar ~rent hacheset réduits enmiettes,Quantauxgensd'El-Açada,ils périrentengrandnombre,écMséssous les ruinesde leurs demeuresou

jfbudroyéspar la grêle. Lorsque tes élémentsdéchaî-nés eurent cessé leur œuvre de dévastation et de

mort, El-Açatian'existait plus, et on eut eu quelquepeine à en retrouvertes vestiges.Sa ruine eta!' doncaussicomplètequel'avaientdésiré lesBni-Laghouatn,et ce qui restait de sa populationne pouvait songerde longtempsà se releverd'une pareille catastrophe.

Grâce à Sidi Et-Hadj-Aïca,les Bni-Lagouathpou-vaient donc désormais respirer, et se refaire dans la

paix des pertes cruelles que leur avaient fait subirleurs terriblesadversaires.C'était le momentde s'ac-

quitter de la promessequ'ils avaient faiteà leur saint

protecteur,et de reconnaîtreainsi l'incomparableser-vicequ'il leur avait rendu en détruisantaussi radica-lement leurs infatigablesennemis.Mais, c'est à ne

pas y croire1 le danger passé, la cupidité et l'in-

gratitudeavaientsoutnéà l'oreilledes Bni-Laghouathle mauvaiset imprudent conseilde nier la promessequ'ils avaient faiteau saint lorsqu'ilsétaient venusse

jeter à ses genouxpour implorersonsecours. Nousle

répétons,l'ouali netenait pasa la sommepromise,il était bien au-dessusde cela, maisla mauvaisefoide cette ingrate population l'avait mis dans tous ses

états, et il ne put contenirsa trop juste indignation;du reste, il ne le leurenvoyapas dire

« Sachez, ô Bni-Laghouath que le tort que vousavezvoulume faire retombera sur vous de tout son

poids,leur jeta-t-ilà la face carvousavezbrisé,parvotre odieusecupiditéet votre ingratitude,le lienquime' rattachait à vous Par Dieu! vous me faites

Page 127: Trumelet Algerie Legendaire

<At.eËMEtÊCKKMMKMO

regretter tout te bien queje vousa! fait, et j'en suisarrivé à désirer pour vous le malheurqu'à votresolli-

citation, &vos prières, j'ai mit tomber sur des gensqui, biencertainement,valaientmieuxquevous. Rap-pelez-vousdonc, ô gens de mauvaise foi tes soucis

que je vousai évites,les mauxque j'ai détournesdevotre tête, et dontje vousai préserves1 Ahquevousêtes bien do ces ingrats dont parle le Prophète doceux dont il dit « L'hommene se lasse pasdesolli-a citer lebienauprès do Dieu. Maissi, aprèsl'adver-« sité, Dieu lui fait goûter les bienfaitsde sa miseri-« corde, il dit « C'estce qui m'était dû. » Lorsque« Dieua accordéunefaveur à l'homme,il s'enéloigne« et l'évite; mais, lorsqu'un malheur l'atteint, il lui« adresseune longueet ardenteprière »Dieua ditaussi «Je vouschâtieraià causede vosengagements« sérieuxquevousvioleriez.Observezdoncvosenga-« gements' » J'avais résolu, continua le saint, demourir au milieu de vous; mais que Dieu me pré-serve, après ma mort, du contactde voscadavres Jevous abandonnerainoyésdans la fangede votre ava-rice et de votre mauvaisefoi, et je laisseraivoscorpsimmondes,sans intercéderauprèsde Dieu pourvotre

salut, rouler dans les gouffres infernaux pour ygoûter les supplicesque Dieuréserveaux méchants1Et je jure par Dieuet par les sermentsles plus sacrés

quejamais je ne vousrendrai la contiancequej'avaisen vous, car vous êtes capablesde manquermêmeàla foi due à Dieuet à son Prophète. L'humiditéestdésormais séchée entre moi et vous!, 6 Bni-

i. LeKoran,sourateXLÏ,versets49,50et Si.2. Le Korm, sourate V, verset 91.3.L'humiditéimpUque,cheztesArabes,ITdéedegénérosité

ou de bonsprocédés,quimaintiennentl'amitiéIratcheet vi-

Page 128: Trumelet Algerie Legendaire

~<VH. StM Et-'MAM-AÏÇA

Laghouath!je ne vous connais plus, car vos eoaarasont aussivides de sentimentsgénéreuxque Jt'eatdeson eau uneoutrequi a s~ourné sur le sable a»'

LesBni-Laghouatbcourbèrentla Mtesous les paro-Jes amères du saint; mais ce fut tout. Quantà s'ac-

quitter de leur promesseenvers lui, ils n'ysongèrentmêmepas. Hn'y avaitdécidémentrien à faireavecde

pareils endurcis. !i est inutile d'ajouter que Sidi El-

Hadj-Aïqa,quin'oubliaitpas facilementune injure, nepardonna jamais aux gensde Laghouath,qu'il avaitcomblésde biens, leurconduitecoupableà sonégard.Il quitta leur ksar, dont il était le fondateur, en les

maudissant,et en leur laissantla prédictionsuivante,qui s'accomplitde point en point

« Le tourbillonde la puissanceet de la volontécé-leste m'a rendu victorieux.Le malheur et la destruc-tion viennentde fondresur nos ennemis.La victoireest descenduedu ciel par l'intermédiairedu roi desSaints et des Prophètes, SidnaMohammed.La tris-

tesse, escortée du vent des souffrances,vient de lesatteindre les murs s'écroulentbattus par le canon;la ville, en feu, ressembleà une fournaise; les cada-vres restent la proie des vautours.Semblablesà des

lépreux, lescupides,lesingrats, les gensde mauvaise

foi, sont forcésd'abandonnerla bonne chère et l'eau

pure.« D'autreshabiteront leurs demeures;la colère de

Dieuatteindra tous ces chiens.Creusedes tombes,ô

fossoyeur!prépare des linceuls pour les femmeset

pour les enfants! Un monceaude cadavresnoirs etblancscouvre la terre La malédictionde Dieua at-

vace, à l'opposé de la sécheresse, qui la dessèche et Ja fait

porir.i. Après l'assaut donné au ksar de Laghouath le 4décembre

i858, par le générât PéMssier,et qui lit tomher cette viité entre

Page 129: Trumelet Algerie Legendaire

tSÈ t.'AM~MEÏ.éeEMMMS

teintée plus beau des ksour. Les habitants sont da-

pouitMsde tons leursbiens1« 0 ~oiquipossèdesdesrichesses,Ma promptement

de la ville pendant le mois qui vient après celui

d'aeAoMfa(sa/ef); j'y vois arriver des troupesinnom-

brables, et ces troupes ne sont point musulmanes.

N'attends pas les malheurs qui vont fondresur cette

ingrate cité, et vaplutôt boire de l'eau d'Ouarglaoude ses environs.Des troupes vêtuesde noir, sembla-bles aux sauterellespar leur nombre,apparaissentducôté du Nord; elles sont envoyéespar la volontéduTout-Puissant.Leurs cavaliers et leurs chefssont en

tête; des anges dirigent leur marche. Ils abaisserontvotre orgueil, Aingrats! qui croyezque l'injure quevous m'avezfaite va rester impunie! Avec l'aide de

Dieu,je vous confondrai,et je vousenverrai le mal-heur et la souffrance.LesEnvoyésdel'Éterneldétrui-Mat par la forcede leurs bras les méchantset les in-

grats. C'est en vain qu'ils ploient leurs coeurspourcacherà Dieuleurs actions Dieusait tout etvoit tout.

Quelemalheurlesaccable. QueDieules fassemontersur lesailesde l'oiseau,et qu'ildonneleurs omoplates&leurs ennemis1 o

nos mains, nos troupes relevèrent 1,200cadavres dans l'inté-rieur de cette capitale du désert algérien. C'est le 80"de lignequi fut chargé de la pénible et désagréable mission de les en-terrer.

Voir le récit de l'assaut du ksar de Laghouath dans notreUvre Le Général YtMM~lIe volume, pages ii5 et ii6.

i. Cesdeux dernières phrases signiSent « QueDieu les dis-

perse de leurs habitations, et qu'il les mette en fuite devantleurs ennemis u

Nous le répétons, Sidi El-liadj-A7içant une autre prédictionbeaucoup plus explicite que celle que nous venons de rappor-ter mais son.développementne nous permet pas de la repro-duire Ïcl. On la trouvera tout entière dans notre JH~o&'edefjMt<nwMM~MOM~<î-~M<-B<~CM&&<~iM4a<880.

Page 130: Trumelet Algerie Legendaire

VM. HM M.-BAM-AÏCA

Maisles gens de El-Acana, qui avaient appris taconduiteindigne desBni-Laghouathà l'égard de Sidi

Nl-Hadj-Aïca.nelaissèrentpas échapperI~occasiondéfaire leur paix avec le saint qui les avait traités si ri-

goureusement.,I!sserendirent auprèsde lui,et le priè-rent d'accepterla sommeque luiavaientpromiseleursstupidesadversaires;ils nolui demandaiontenretour,

ils n'avaient pas de rancune, que sesprières etses conseils,a Bâtissezun ksar, leur dit-il,un peu au-dessusdes ruinesdel'ancien.CraignezDieu,ajoutale

pieuxmarabouth,acquittez-vousde laprière, nenégli-gez point les bonnesœuvres,et ne manquezjamaisaux égards que vous devezaux Envoyésde Dieu.En

agissant ainsi, ie Tout-Puissantvous rendra sa pro*tection,et j'intercéderai auprès de lui pour que,parses bienfaits,il vousfasse oublier le ch&timentqu'ilvousa infligé.?»

Les Mghazisuivirentle conseildeSidiEl-Hàdj-Aîca,et, vers l'an 1706,ils rebâtirent leur ksar un peu àl'ouest de celuiqui avait été détruit. A dater de ce

moment,ils n'eurent plus rien à redouter de la partdesBni-Eaghouath,et ils purentjouir de quelquesan-nées de paix et de tranquillitéqui les relevèrentet ré-tablirent leurs affaires. Ils n'eurent pas lieu de re-

gretter le sacrificequ'ils avaient fait pour détournerà leur profit le courantdes faveurscélestesdont dis-

posait Sidi EI-Hadj-Aïca;du reste, ce saint était bonau fond,et,pourvu qu'on nele contrariâtpaset qu'ons'acquittât scrupuleusementde ses engagementsen-vers lui, on-était à peuprèssûr de rester danssa man-che au moinsjusqu'au coude. LesMghazi,qui avaient

parfaitement compris cela, dirigèrent leur conduitedans ce sens, et ils s'en trouvèrentbien. assez long-

temps. Nousdisons « assezlongtempsa, parce que,dans le Sabra, il n'y avait guère de durable, à cette

Page 131: Trumelet Algerie Legendaire

t'AtC~MRt&SKKMME<24

époque,quel'état de guerrede tribuàtribu eu deksarAItsar,et quela paixne s'y rencontraitqu'à titre d'ex-

eeptionou de trêve, et d'unemanièretout a fait inter-

mittente.Sidi El-Hadj-Aïcamourut à Laghouath,où il était

revenudans les derniers temps de sa vie, en 1737denotre ère, laissant là ses soixante-neufans musul-mans*.

LesBni-Laghouath,revenus&résipiscence,et comp~tant tirer quelque faveur de la présenceau milieud'eux des précieuxrestes mortels du saint fondateurde leur ksar, lui élevèrentune koubba sur l'une des

apophysesde cette sorte d'épine dorsalequi pénètredans la villepar le sud-ouest,et qui se nommele Kaf.;

Tisgraria.H va sans dire que do nombreuxmiracles s'opérè-

rent sur le tombeaudu saint marabouth,qui sembleavoir pardonné aux descendantsdes Bni-Laghouath;dontii eut tant à se plaindre pendant sa vie, car ils

participentà ses faveursdans la mêmeproportionqueles nombreusestribus sahriennesqui rayonnent au-tour de la capitaledu désert algérien.Du reste, ces

gensde Laghouathont été assezsévèrementchâtiésen i8S2 pour que la rancunedu saint en fat un peuapaisée,et celad'autantmieuxquesavengeanceayantmis plus d'un siècle à se produire, elle avait atteintune génération qui, franchement, n'était pour riendans la fautede ses ancêtres.Sans vouloir reprocherà SidiEt-Hadj-Aîçad'avoirfrappétropfort, nouspou-vonsdire tout au moinsqu'il a frappétrop tard. Quoiqu'il en soit, les Bni-Laghonath*n'en sont pas moinstrèi' fier:'fte leur saint.

1.Onsaitquel'annéemusulmaneordinaireMtde354joura,composantdouzemoisoulunaisonsde99et-30jours.

Le mot<~OMa<&ouJ!'<MM<Adésigne,nne)MNM<Mtett~ow~eJa~Le mot

Page 132: Trumelet Algerie Legendaire

vni

SIDI MAMMAR-BEN-SUMAN-EL-AALYA

C'estau commencementdu XV*sièctede notre ère

que te chefde la familled'où sortirent les Oulad-Sidi-~:h-CMkh, Sidi Mammar-ben-SUman-e!-Aa!ya,vintse fixer en un point de la rive gauchede l'ouad Et-

Goulcïta,où il établit sa kheloua,Contrairementà sessaints collégues,qui appartenaientau Maghreb,SidiMàmmarvenaitde Tunis, sa ville natale,où l'on voitencore le tombeaude son vénère frère. La querellequi déterminasa fuite de sonpays était des plus futi-les si l'on en croit la tradition, ce serait à propos'd'une pastèque que lui disputait son frère, suttan de

Hfrikya (Tunisie).Quoiqu'il en soit, il vint s'établir,nous le répétons, sur l'ouad Ei-Gouteïta,au pied duversantouest du djebel Bou-Nouktha.Sidi M&mmarétait de la race d'Abou-Bekr, sur-nomméEs-Saddik'le très véridique,–qui était lebeau-frèredu Prophète,et qui fut son successeuret le

premier khalife, situation qui constitue à sa descen-danceune noblessede secondordre

<f<my<M'dMt.Enajoutantl'articleeï,oneutEt-~toM<t<&,ouEl-Ar'ouam,'c'est-&-direunef~MMtoat~ema&MMouformesentou-yëes<fe~o~MM.

i. Lesurnomde le Véridiquelui avaitété donnéparMahometpouravoirtémoignéde la réalitédu MtMM~,ouvoyagenocturnependantlequelleProphètefuttransportéauxdeux.

2.Lanoblessedu premierordrecomprendlesdescendants

Page 133: Trumelet Algerie Legendaire

<38 ~'AMtËMEtËeENnAWR

Sidi M&BMnarétait un saint marabouthà quiDieuavaitaccordéle don desmiracles; sa vie se passa enbonnes œuvres, et ses destinéesne furent pas sans

quelqueanalogieavec cellesde SidnaIbrabim (Abra-bam). Heut deux fils, SMdetAfça,lesquelsfondèrent,sur rouad El-Gouleïta, paysdes Bni-Ameur, un

hsar, aujourd'hui ruine, et qu'on appela Kaar-Ecb-

Charef, la vieuxksar, quand, plus tard, lesdeux

B~niMes,s'étant partagées, se furent construit deux

ksout; qui prirent les noms d'Ei-Arba-Ei-Foukani

(i'Arbàd'en haut) et d'Ei-Arba-Et-Tahtani(l'ArbAd'en

bas), ou desArbaouat.Sidi MAmmarquitta ce côté-cide la vie vers l'an

4420de notre ère. Ses restes mortels furent déposessur la rive droite de l'ouad El-GouIeïta,et en amontdu ksar actuel de rArba-Et-Tahtani.Il fut le premierpersonnagedes Bou-Bekriaauquelon éleva un tom-beauen Algérie

Bienque SidiMâmmar-ben-Sliman-El-Aalyasoitde-

puis plus de quatre cents ans dans le séjourdes bien-

heureux, il n~oubliecependant pas ses enfants, les

OuIad-Aïqaet les Oulad-Saïd;à différentesreprises,Hen a donné des preuves tout à fait convaincantes.Ainsi,à la fin du siècledernier, lorsquele beyd'Oran,Mohammed-El-Kebir,après avoir saccagé Chellala,B'apprétaità faire subir le ;mémesort aux Arbaouat,la protectiondu saint couvritvisiblement,dans cettecirconstance,sesdescendantsbien-aimés.LeBeyétaitcampé tout près du ksar Et-Tahtani;il avait Sxé aulendemainla destructionde cette bourgade.Au mo-ment où il terminait ses dispositionsd'attaque, untourbillon noir et épais jaillit tout à coup de la

deMahometpar lesfemmes,c'est-à-direpar Fathima-Zohra,sa mie,et la femmed'AU;cesdescendantssontditsCA<M'<,nobles.

Page 134: Trumelet Algerie Legendaire

THt. MBt MAM!!A!t~SH~M~AAMA <s?

koubba,et alla renverserla tente dubeyMohammed,en répandit en mêmetemps dans tout le campuneodeur desplus infectes.C'étaitévidemmentSidiMA<a-mar qui avait réponduainsi à la demandede secoursdesassièges.Ayant tecoonu sans peinedaoa ce pro-dige rimtefventtondû saint, Mohammed-el-Kebirn'a~vait pas demandéson reste il s'était haMdedëcam-

per, jurant bien d'y regarder à deux fois avant dechercher a inquiéter des gêna si puissammentpro-tèges.

D'autresmiracteaqu'il est inutiledorapporter vin-rent démontrer,dans diversesoccasions,que le con-couredu saint était toujours acquisà ceux de sa des-cendancequi l'invoqueraient,et que la dent du tempsétait sanseffetsur l'affectionqu'il leur avait vouée.

!X :><i

SIDI AÏÇA-BEN-SÏDI-MAMMAR

Sidi M&mmar-ben-Sliman-EI-AaIyaavait laissé deuxjUs, Aï$aet Sàïd, lesquels donnèrept leurs noms àdeux grandes familles établies dans le ksar Ech-Charef.

Sidi A~s avait hérité la ~raAa, c'est,à-dire lesfaveurs du ciel dont jouissait, pendant sa vie, sonvénèrepère.

SidiAïqa,qui, tout naturellement,avait le don des

miracles,n'en-usapourtantque modérémentpendantle cours de son existence terrestre; ce fut surtout

Page 135: Trumelet Algerie Legendaire

<28 ~,`~~t.t8~MS~CE~AME'

après aa mort qa'it intervintmiraculeusementdans tesadirés de aa descendance,suivanten oola,d'ailleurs,t'exemptequi lui avaitété donnapar son modesteetvénérépère,Sidi M&mmar-hen-Et-Aatya.Se sentant prés de aa tin, Sidi Aïcant appeler ses

entants, et leur donna te conseMde l'enterrer sur,laface da ksar qui leur parattrait la plus menacéeparun danger venant soit du fait des hommes, soit doceluideséléments.Selontp saint homme,sa dépouillemortelledevaitêtre unebarrièreinfranchissablecontre

laquelleviendraitinfailliblementse briser toute tenta.tivede la part de cesdiversessortesd'ennemis.

Aprèsavoirlongtempsdiscutésur cettequestiondu

point le plus menacé, l'assembléefinit par décider,àia-presque unanimité,que le côté faiblede la placeétait sur la rivegauchede t'ouad,!epointou ses eauxdévastaient les jardins du ksar par leurs trop fré-

quents débordements.Le corps de SidiAfçafut donc

déposeen ce point.Commele saint Favait prédit, la rivière, débordée

à la suited'un oragetorrentiel,prit, dés lors, uneautre

direction,et ses eaux se déversèrent,sans cause ap-parente, gurla rivedroite,celleoùleursdébordementane présentaientaucundanger;et ellesenont tellement

pris l'habitude qu'aujourd'huiencore elles se répan-dent,par les temps d'ondées, ailleurs qu'en suivantteur thalweg naturel, et paraissents'émignerrespec-tueusementdu tombeaudu saint marabouth.

SidiAïca-ben-Sidi-Mâmmaravait vidésa coupeversTan i450 denotre ère. 1.Une simpleAaouMe' marqua longtempsla place

i. LaA<MMMA<test unepetitemurailleenpierressèchesen-tourantia tombed'unmarabouthqu'onn'apasjugédigned'unekoubba;quelquefois,c'està lamisèreouà t'avariéedeskhod-

Page 136: Trumelet Algerie Legendaire

J~.b

tX. MM A~BNK-aWt-MAWHAR ~$

o<tfut déposéela dépouillemortellede SidiA)f<;a,ainsi

que oeModeson vénérépère, et ce ne fut que verstaeommencementdu XVIII.siècle que des ~e&' an

rapportavecl'importancedeces sainta leurfurentéle*

yées par tes aoïnade Sidi Ben-Ed-D!n,marabouthdeleur descendance.

Cesaint hommeeut, a l'occasionde cet,hommage,un peu tardif, rendu à ses ancétrea, une aven-

ture assez piquanteavecSidiBou-Tsetdtfun oMaH~eta descendancede SidiAbd-eï-KaderEt-Djilani,quiétait mort aux Arbaouat,en revenantde faireune vi-site à l'iHustro SidiEch-Chikh, et dont les précieuxrestesavaientétédéposesauprès deceuxdeSidiMam-<naret de Sidi Afça,son M~

Tout naturellement, SidiBen-Ed-Dinne s'était oc-

cupéquedessaintsdesa famille,dosortequela~Qtnbede SidiBou-Tsekilrestait entouréede sa simple mu-railledepierressèches,pavoiséedeloqueset d'ez.co<o

que dédaigneraitmêmeun chiffonnierchrétien.

SidiBou-Tsekil.quiavaiMalégitimeprétehtiond'étreun saint d'unevaleurau moinségaleà celledes mara-bouthsdesArb&ouat,et professantd'ailleurscettema-

xime, devenueplus tard undogmepolitique, quetouslessaintssontégaux,SidiBou-Tsebil,disons-nous,avaitrésolude fairecesserun état dechosesquin'était

pas sans nuire à sa considération,mêmedans le séjourdes bienheureux.Sidi Ben-Ed-Din,ses constructions.

achevées,s'en retournait, se félicitantde son oeuvre,&El-Abiodh-$idi-Ech-Chikh.Tout à coup, un fantômede proportions exagérées, et enveloppéd'un suaired'une teinte tèrreusequi indiquait unlongusagedans

damdo saintqu'Mcanotentd'&tMbuepcettecoupablenégH-gt~tce.

2.Plurielde ~<K<Ma,chapellefunéraireoucemmêmorathre.

Page 137: Trumelet Algerie Legendaire

)M t.*A)M~Mt!t.ÊC8KBAME

le tombeaude celuiqui te portait, se dressa sur laeheïtMnque parcouraitSidiBen.Ed-Din;un écart queNtsa mute,surprisepar cette apparition,faillitle dé-

sarçonner.Selonl'usagedesrevenantsdetouslespays,SidiBoa-TaeMarrêta SidiBen-Ed-Mnon étendantlesbras de toute leur longueur,ça quiaugmentaitencoreles dimensionsdu fantôme,à faire croirequ'il n'en fi-nissaitplus. Ï.ë saint des Outad-Sidi-Ech-Chikhen fatteUémentsaisi qu'il oublia tout à fait la formulepartaqaeUeon éloigneles ~ea<M<~car il était persuadaquece nepouvaitêtrequ'un decesmauvaisgéniesquine cherchentqu'à tourmenteries mortels.Maisil futbientôtdétrompe:car, se débarrassantde son suaire,Sidi Boa-TsehUlui dit qui il était, et se mit à lui re-

procher, en termesquela traditiondit avoirété assez

vifs,'sonmanqued'égards enverslui. SidiBen-Ed-Din,qui nesavaittrop querépondreà des reprochessi mé-

rités, balbutia quelques excusesque le saint trouva

détestabies.Enfin,sentantqu'endéfinitive,lepluscourt,pour l'apaiser, étaitdefaireconstruireau trop suscep-tible ouali la koubbaqu'il réclamaitavectant d'amer-

tume, Sidi Ben-Ed-Dinlui promit de s'occuper sansretard de l'objet de la demandequ'il lui adressait,etde retenirles maçonsde Figuigqui Venaientd'achever

IpsM<!&de Sidi M&mmaret de SidiAïca.A ces paroles, la colère du saint tomba commedu

lait bouillantsur lequelonjetterait de l'eau froide,etil disparut aux yeux de Sidi Ben-Ed-Din,en laissantderrièrelui uneodeurde musc, l'odeur de saintetéchezlés Musulmans, très caractérisée.

Quelquetempsaprès, Sidi Bou~-TseMIbut sa coupolecomme ses deux confrères en béatitude, et il en futsans doute satisfait, car il ne dérangea pins, qu',on,sache,sa dépouillemortelledansun intérêt de satis-factionterrestre.

Page 138: Trumelet Algerie Legendaire

X'

SIDI SUMAN-ABOU-SMAHA'1

Il y a de cela trois sectes et demienviron,autempsoùvivaitSidiSliman-Abou-Smaha,l'undesdescendantsles plus vénérésde la famillede SidiMàmmar-ben-SH-

man-El-Aalya,deuxfractionsdela tribudes Meharza,les Zobeïratet les Oubeïrat,paissaientleurstroupeauxet tabonr&)8ntdans la large valléede Mguiden,entreles ~tt'e~

a et les rochersqui bordent le plateaud'Et-Golea.

iLesZobeïratavaientsept puits; chaquepuits avaitsept bassins;à chaquebassinvenaientboiresepttrou-

peauxde chameaux,et chaque troupeauétait suivide

sept chevaux.LesOubeïratavaientsept tentes; danschaquetente

il y avait sept /~acAa< sur chaque /f«cAsept cous-

sins, et sur chaquecoussindormaient sept guerriers.Le chikh, leguerrier le plus écoutédeces deuxfa-

milles, senommaitEl-Hadj-Ez-Zobeïr.Or, Et-Hadj-Ez-Zobeïret les siens avaient encouru

la colorede Sidi Sliman-Abou-Smaha,qui leur repro-chait de n'être ni assez respectueuxà son égard, niassezgénéreuxpour sa Zaouïa.

L &ep&M'a<<oMdesKsoure<du&<&)'«de lapt'oc<MMd'Ot'a~parle capitainedeColomb,le premiercommandantaapéifienfduposteavancédeGéryvHte.2.LarégiondesdunesdanaleSahra.

3.Plurielde /t~c&,tapiaà longuelaineaetvantdé couche.auxSahdenst

Page 139: Trumelet Algerie Legendaire

MMaMKMpattieMe

Page 140: Trumelet Algerie Legendaire

i3S t.'M.Q&MB !.&6t!tMM~

I/irasciMemarabouth,quin'admettaitpasvolontiersces deux genresd'avariée,résolut de châtier sévère-mentcesinsolentset pingresSahriena.Soaal'inNuencede cette irritation, Mprononçacontre eux la malédic-tion suivante

QueDieuavouéel'espritd'El-Hadj,Et te rayedu nombredesvivants!t

Qa'itd~trciselesfamillesdeceuxqui te avivent!

QM'iÏprépareuneterrepourl'engtoutir!Etqc'Kne laissepaaune femmede sa race

Pour le pleurer!1

On conviendraque le châtimentétait bien dispro-portionnéavecl'offense,etl'ontrouverapeut-êtreexor-

Bitant queleDieuuniqueeut accédé&la prière de sonc«oMavecune sidéplorablefacilité,C'estcependantce

qui arriva.

A la suite de cette malédiction,la discordese mit'entre lesZobeïratet les Oube!rat,et ilsen vinrentaux

mains avac le plus vtf acharnement. bes Oubeirat,vaincus, se retirèrent avec leurs familleset leurs ri-

chessès; poursuivisimpitoyablementpar leurs enné-

mis, ilstraversèrentpéniblementles~reyet arrivèrent,pendant la nuit, àune <MaMtdont le fondleur parutsolide; ils s'y engagèrent;mais le sol cédasousleurs

pieds,et bêteset gens furent engloutis.Guidéspar lestracesdes fuyards,les Zobeïratarrivèrentsur la ~Aa<~qu'ils voulurent traverser, et dans laquelle ils dispa-rurent à leur tourjusqu'audernier.

i. Bss-fond,dansleS~hra,o&leseauxséjournentpendantlasaisondespinies,et entretiennentquelquevegétattonquandellesnereçoiventpasleseauxmatéesdesravinavoisins.Géné-ralement,les dh<~asontgarniesde quelquespistachiers'det'AaastterebMhes).

Page 141: Trumelet Algerie Legendaire

X. S!MSMMAt!-AB(M!-9HAM133

s

Le bas-fondmaudit qui fut te théâtre de cet ôpea-vantableévénementMnommeJM<tfe<M~M, e'est-a-dire la ~AaKtqui absorbe,qui renferme,qui empri-sonne.Elleest située au nord et au pieddes Areg.

Maisla vengeancedu terrible et implacablemara-bouthn'était passatisfaite.Onse rappellequesamalé-dictionse terminaitainsi

Et qu'ilne laissepasune femmedesa racePourle pleurer1

Une femme, parente d'~I-Hadjtnarieo dans unea tre fraction,avaitainsiéchappéà la destructiondesdeux famillesmaudites.Un jour, Sidi Sliman-Abou-,Smahal'entendit pleurant et chantantla perte de ses

proches en tournant la meulede son moulin.En ap-prenant qui'elle était, l'impitoyablesaint, qui, appa-remment,ne voulait pas enavoir ledémenti, s'écriad'unevoixterrible «Quela terre l'engloutisse,commecttc Aengloutiles sienseEtia malheureuseibmme,toujourspleurant et.chantant et tournant la meulede.sonmoulin,s'enfonçadans le sol, qui se refermasur

ulle, et son chant et le bruit de son moulin allèrent

s éteignantpeu à peu.-garok,Lè vindicatif marabouthmourutàPas(Fez),–Harok,

-<-oul'onvoit encoresa koubba,versl'an i540denotre.ère. Nous ajouteronsqu'il ne fut que médiocrement

pleuré.

Page 142: Trumelet Algerie Legendaire

SHMECH-CH!KH·

Abd-el-Kade~-nen-Mohammed, plus connu sous le

nom de Sidi FcA-CAt~ est le saint le plus vénéré du

Sud Algérien. Le Sahra est, en enet, rempli de son nom!& tftdition nous a conservé religieusement le détail

des fai~ et actes par lesquels il s'est iBustré, et &

chaque pas, dans le désert, la légende arabe nous mon-

tre des témoins dupassage du saint marabouth sur cette

terre. !c!, c'est un mkam venant rappeler le lieu où le

saint marabouth s'arrêtait de préférence, soitpourprier,

soit pour se reposer; là, c'est une Me~otM~ouune M«,

'"<

1. La pMpaft d6~ d~taUa<tuiettaiposMtt la légende de didiEch-CMkhont été recueitUe~par mMtsauprès de Sid Hamza*

Ould-Sidi-Abou-Bekr,notre ancien kheMa du Sud, pendantl'expédMomde janvier et février 18S4,laquelle nous a donnécent lieues de Sud, entre Laghouath et Onargla, et le descen-dant en'ligne directe de Sidi Ech-ŒMkh.

'Nous ajouterons quenous avons complété nos renseignementsplus récemment dans î'exee!Iente et si intéressante étude d<Tcommandant L. Rinn, JMarotoM~se< X~OMan,et, particulière-ment, dans un remarquable travail inédit du aux patientes re-cherches et à la plume éradite de notre vieil et consciencieuxami L. Guin, interprète principal militaire en retraite, œuvreintitulée: Ordre feKfteM; des Chadoulia. CountÉMBBBSOm~B-Smï-&N.CB~um.(L'AtJMm.)

2. M&<MK,monument commémoraM élevé sur le lieu où s'estarrêté un saint personnage.

3. Kheloua, solitude, ermitage, où se serait retiré quelqueaaini marabouth.

4. Biti demeure. case, habitation, réduit, cellule.

Page 143: Trumelet Algerie Legendaire

auMeca-cean! <!?

o&il aurait vécu pendant quelquesannées de sa vie

érémitiquo;plus loin, c'est un fe<~em marquantunede ses stations; c'est encoreles tracesdespieds de samule restées empreintesdans le rocher; à côté, c'est

Mta-JBÏ-~af'se~~oùle corpsdeSidiEch-Chikhauraitété lavé après sa mort. Ennn, tout le paysparcourepar l'oMaHestjalonné de ces points qu'a consacresla

piétédes Croyants.Nais disons tout d'abord les originesde la famille

de cegrand saint, familledont nousnous sommes

occupédans les légendes précédentes, qui devait

remplirle Sabraalgériendesonnom,desa réputationde piété, de sesvertus et de sa puissancespirituelle,laquelle,en paysmusulmancommeailleurs,a souventeu raison du pouvoirtemporel.'S'il faut en croire les descendantsde ce saint per-

sonnage, et pourquoidouterait-onde leur parole?leur originedaterait d'Adam,qui, nous le savona,

était uls du limon,et, par suite, le père du genrehu-main,puisque le Créateurle tira de la boue. Quantàleurorigineislamique,elle remonteraità l'un descom-

pa~mnsdu ProphèteMohammed,le khelifa Abou-Bekr-

Es-~) Idik~,et ils arriveraient, par vingt-septdegrés,

i. Re~/em,amasdepierresmarquantsoitunedirectiondanale désert,soitlastationd'unsaintmarabouth,soitencoreunpointoùun meurtrea étécommis.

S.Sourcedelalotiond'uncadavre.3~Atou-Beto'futundespremiersadeptesdu Prophète;il se

nommait~M-JM6<t,etil étaittrès respectéparmiles Qoreï-chites.Enembrassant.le nouveauculte,à peineébauché,ilpritlenomd'~M-~Mat,serviteurdéDieu,et,pinstard,lors-qu'ildonnasantleAaïchaauProphèteMohammed,il changeade nouveausonnom en celui d'~6oM-Bej~,le pèrede lavierge.

Lesurnomd'JMmM~,!e Msvéridiqne,nousle repéioas,lui fat donnépar leProphètepouravoirtémoignédela rca-

Page 144: Trumelet Algerie Legendaire

<Mt6 t'AMÊMBt.66BN!tAMB

a.Abd-eHSaaer-ben-MohamTned,le saint hommedont'aous allons essayer de raconter la vie, et qui devaits'illuatrerneuf siècles plus tard sous le nom de SidiEch-ChiMt.9esdescendantspeuventd'ailleurs faire la

preuve authentiquede cette illustreorigine.Onretrouve des traces de cette familledans notre

:Sudalgériena partir dela tinduXIÏt*siècledenotreère.Acette époque,ils étaientconnussousle nomorigi-

nel de Bou-Bekria,Bouakria,Oulad-Abou-Bekr~Bien-tôt, cetjteimportantetribu commençacette sériede mi-

grations quijM devaientse terminer,dansnotre Sud,.qu'aucommencementdu XVesièclede notre ère.

Les Bou-Bekriaprétendent que, dès les premierstempsdeHslam,ilshabitaient Mekka,d'oùils auraientété expulsésà la suitede désordres religieuxdont ils

auraient été les instigateurs; ils se seraient dirigés'vers l'Ouest,et auraienthabité l'Egyptependantquel-quesannées. v

Plus tard, dans le courant duXIV*siècle,on les re-trouve en Tunisie,où, en raison de leur origine, ils

jouissentd'unegrandeconsidérationet d'une intluence

religieusetrès marquée. Quoi qu'il en soit, les Bou-

Bekria,très remuants,parait-il, furentobligésdequit-ter la Tunisievers le commencementdu XV"siècle,etse dirigèrent dans l'Ouest, sous la conduitede Sidi

Maammar-ben-Sliman-El-Aalya,et, le pays leur ayantplu, us s'étaDurentdans la valléede l'ouadEÎ-GouIeHà,où, plus tard, s'élevèrentdeux ksour.qui furentnom-més Ël-Arbà-Ët-Tahtani,et El-Arbà-El-Foukani,-outesArbaouat.

Sidi Màammar-ben-SUman-El-Aalyaavait été suivi

MtêdmM<~<M~ouvoyagenocturne,pendantlequelMottammedfut tfMMpotte,&traverslessept cieux,jusqu'autrônede

l'Étemel..

Page 145: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. smi ECM-aUKM 07

8.

d'une clientèleconsidérable,dont seraient issus les

Akerma, tes ThraB, les Oulad-Zyadet les Rxaïna,

groupesdevenusplus tard les fractionsles plusimpor--tantesdesHomeïan-Ech-Cheraga.

Or,commeSidiMaammar-ben-Et-Aalyaétait ensaint

homme,et que sa réputationde pieté et l'illustrationde sonorigineétaient parfaitementétabliesdanscette

.partie du Moghreb,il y avait été accueilli,lui et les

siens, avec les plus grands égards par les maîtresdu

pays, les Bni-Ameur,qui, évidemment,comptaientbien profiter derinQuencedontSidiMaammarjouissaitauprèsdu Dieuunique.

Les Ouiad-Bou-Bekriarestèrent pendant quatre gé-nérations sur les rives del'Ouad-Ei-Gouïefta,où leursserviteurs avaient fondé, ainsi que nous l'avons d~tplus haut, les deuxksourdesArMouat Lestombeauxde Sidi Maammar,de ses filset petits-n!s,Aîça,Abou-

Lila, Bel-Haraet Abou-Smaha.Cestombeaux,disons-

nous, qui ont été élevés près d'El-Arba-Et-Tahtani,attestent suffisammentl'authenticitéde cetteversion.

C du tempsd'Abou-Smaha,les Bou-Bekriavivaientde i vie nomade fiersde la liberté du désert; heu-re< voir Botterau-dessusde leurs téte~Ies grands~i: rdsjaunes du J~<H; sansautre protectionque

Ile de leurs guerriers auxmonturesrapides, ilspar-tageaient leur existencesoit dans le repos sousleurstentes de cuir ou de poil de chameau, ou à l'ombre'des palmiers des oasis de Figuig, soit enfindans lesvastes solitudesbu s'amoncellentles sables d'or dudésert.

Fatiguéde la vienomade,SidiAbou-Smahal'aban-donnabientôtpour se fixerà Figuig,oùil pratiqua les

i. Chaquelégendeformantun.chapitreparticaMer,il fauts'attendreà desrépétitionsde détat!danslesmêmesfamillca.

Page 146: Trumelet Algerie Legendaire

i38 t.'At6ÈB)8t.6aRKOAtBE

règlesde la plussévèredévotion.Nousajjonteronaquece saint personnagea~alt eu un fils, SidiSliman,quimourut danscetteoasis.

SidiSUman-bon-Ahon-Smahaeut troisentants Sidi

Mohammed,l'aine, s'établit à CheNalat-Edh-Dhahra-

nia le seconddesenfantsde Ben-Abou-Smahafut Sidi

Ahmed-El-Med!eroud-Abon-R'amar;sontroisièmeen-

fant fat Lalla Sina, mère de la tribu des Oulad-En-

Nahr,et patronnedu hsarEs-Snciia.SidiMohammed-ben-Sliman-ben-Abou-Smaha,à son

tour, eut deuxfils l'alné, qu'il nommaIbrahim, et le

second,qui fut Abd-eI-Kader,lequels'illustra sous tenomdeSidi FeA-CAtMc'est le saint personnagedontnousallonsnousoccuperet raconterles exploitsthau-

maturgiques'.SidiMohammed-ben-Sidi-Sliman,qui, plus tard, de-

vait être le père de Sidi Ech-Chikh,avait épousela'belle Chefiria,la NUede Sidi Ali-Abou-Sàïd,lequelétait aussiun sainthomme,et qui,commeSidiMoham-

med, descendait,en ligne aussi directe que possible,de la Nllebien-aiméedu Prophète,Lalla-Fathima-Ez-Zohra.

Or, un jour, Lalla-Chefiria,alors enceintede celui

que le Dieu uniqueavait déjà décidé de compter aunombrede ses oualia (saints),et qui, à sa naissance;laquelle ne pouvait tR.der, devait recevoirle nom

d'Abd-el-Kader,Chefiria,disons-nous,se rendit chezsonpère, à El-R'açouI,accompagnéede son Qlsaine,ïbrahim. Toutà coup,un lionvientleur barrer le pas-sageen se couchantsur le ventreet.en leur môntrant

1.LecommandantRmNJf<M'a6oM<setJE&<MMM.LecolonelTMmcMTJ.MFfamfOta<&aM&B~ef<. LTnterprétepdncî-pat militaiMFrançaisOuvragele Désert. imtttulé OfdM~'eN-~<etM~MC&«<~M<H«.CM</)r<Me< 0«&!<t-SM!-Ec&-CAeï~gieu.x des Cieadoecdta. Cvre/rcris des Oulad-Sidi-Itela-ChetkZ:

Page 147: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. SUNBCM-CB!M !?

deux rangées de dents des moins rassurantes « 0

tbrahim, s'écria du soindé sa mèrel'intra-utérinAbd-

ei-Kader,défendsnotre mère, ou bienje le j~araimoi-même! C'estmoiqai le ferai a, lui répondit!brahim.Et, saisissantpar l'oreille le lion devenusubitementdoux commeun agneau, tbrahim le conduisit ainsi

jusqu'à El-R'acoulAbd-el-Kader-ben-Mohammednaissaitdecetteunion

enl'an 9Si de l'èrehégirienne(1844-4Sde Feregrégo-rienne).Pressentantleshautesdestinéesdesonnis,Sidi

Mohammed-ben-SHman,le voyant, malgré son jeuneAge,passantsesjournéesdans le silenceet le recueil-

lement, les yeuxBxésversle ciel, et parfaitdéjàde la

perfectiondes élus de Dieu,et ayant surtouthorreurdu mensonge,Sidi-ben-Sliman,disons-nous,en pré-sence de la fouleémerveillée,et disant que la neurnouvellementécïoseserait l'orgueilde la branchequil'avait portée, son père, voulut lui faire donner sansretard l'initiationreligieuseparquelques-unsdessaints

personnagesles plusvénérésde sontemps.C'estainsi

que, dès sa premièreenfance,il le présentaau chikh

El-Hadj-Bel-Ameur,saintmarabouthquia sontombeauà unejournéedemarcheau nord desArbaouat.Celui-ciprit lejeuneAbd-el-Kaderentresesbras, et, lui souf-Nantdans la bouchecommepour le pénétrerde son

esprit,il dit, en le rendantà sonpère «Je luiai donné

1.Nousferonsremarquerau lecteurquenoustenonsMemplutôtà suivrela légende,quia l'avantaged'êtreunique,quedechercherà marcherdanslestracesdescommentateurs,les-quelssontloind'êtred'accordsur lesfaitsqu'ilsattribuent&SidiEch-Chikh.

2.Lesbiographesde SidiEch-Chikhet la légendesontloinde s'entendresur les datesdesa naissanceet desamort ilexistemêmeun écartdevingt-cinqannéesentrelesdiversesdatesqu'ilsontstMbnées&cesdeuxfaits.

Page 148: Trumelet Algerie Legendaire

i40 t.'AM&)mE !68NBAmR

l'ahtpt oule mordant; 8idAbd-er-Rahmanlui donnerata teinture 09, en d'autres termes « Je l'ai com-4nenee,c'eat au chikhAbd-er-Rahmanà le nnir.?»

Ainsiqu'il en avait reçule conseildu cbikhEl-Had}-Bel-Ameur,SidiMohammed-ben-Slimanalla présenter~sonMsaachikh Abd-er-Rahman,marabouthdesplussavantset desplus vénères,qu! alorshabitait Sagaiet-EMamra~ dans le pays de FOuad-Draa(SoMS-maro-.kain),ainsiquenouslesavons;L'enfantétaitdésormais

complet il avait reçu l'alun et la teinture.

Al'âge desept ans,Abd-ot-KaderM conduitpar son

~ere auprès de l'illustre chikh Abd-Ei-Btebbar,quiavait sa khelouanon loin doChettatat-Edh-Dhahrania.A sonarrivéedevantla grottequ'habitaitle saint ana-

.chorète,Mohammed-ben-Stimandescenditdesa mon-

ture, et il invitasonfilsà enfaireautant; maisl'enfant,qui, sansdoute,avaitdéjàconsciencede sa supériorité-sur.unsaint d'un modeléun peu démodé,refusa netd'obéirà l'ordre de sonpère. Le Chtkh,qui était sortisur le seuil de son ermitage, ne put faire autrement

quede,dire au père «Est-cedoncainsi,6 Mohammed1

que vousélevezvosenfantsdans des sentimentsd'or-

gueil et de présomption?–Ce n'est point de l'orgueU,repartit le jeune Abd-el-Kaderavec une dignité et un

aplombque, certes,on n'était pas en droit d'attendre

de lui; Dieun'en souffrepas, dans le cœurdeses élus,la valeur d'une graine de moutarde. Mécontent etfroisséqu'un enfanteût l'air de lui donnerune leçon,SidiAbd-el-Djebbar,qui, bien que saint, n'en avait

pas moinsbeaucoupd'amour-propre,gourmandasé-vèrementle jeune Abd-el-Kader,lequelnetrouva riende mieux,pour cacherla honte que lui faisaitéprou-ver l'admonestationdu saint,que d'user, à son égard,d'un moyenqui, de nosjours,.sembleraitpeut-êtreun

peu violent partageantl'espaceavecla main,la terré

Page 149: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. StMKCN-CMtKH Ht

ae fendit; a en, sortit aussitôt des vagues bouillon.nantes, et le sol s'énonça sous les piedsde l'infortunéChikhAbd-el-I~ebbar.Bienque lui-mêmefût fortpeurassure, Sidi Mohammed-ben-SHmancrut cependantfaire observerà son impétueuxQlsque ce notait pasune raison, parceque le Prophèteavait fendula luneen deux,pour enfaire autant de la terre, surtout soustes pieds d'un vénérémarabouth; il ajouta que,danptous les cas, il était pan convonaMe,quand on visitait

quelqu'un,del'accablerde sa supérioriM.L'enfant,qui, au fond,était excellent,nt signeà son

pèro dene passe tracasser,attendu que son intentionavait été tout simplementdedonnerà SidiAbd-el-Djeb-bar uneidéedesonsavoir-faire~partageantdenouveau,enémet,l'espaceavecla main, les vaguesdisparurent,et le sols'exhaussasoustes piedsduvieuxmarabouth,

qui, un peu troublé par ce qui venait de lui arriver,parut néanmoinstrès satisfait de revoirla lumièredu

jour. Il n'hésita pas à avoueravec beaucoupde fran-chise au jeune Abd-el-Kader qu'il le reconnaissaitpour son maitre, et qu'il ne se sentait pas de forceàfaire un miraclede cette importance.Cequi le conso-

lait, ajoutait-il, c'est qu'il n'en voyaitpas du tout la

nécessité,pas plus, du reste, que l'utilité.

Mohammed-ben-SMman,son frère Sid Abou-Bekr,et son cousin Sid Sliman-ben-Ahmed,enseignèrentau jeune Abd-el-Kaderles premières sourates duKoran. Con&é,quelque temps après, à Sid Ahmed-

ben-Arça-EI-Kerzazijeune chikh très instruit, il sur-

prit ses mattrespar ses étonnantesdispositions.Les savants les plus renommésfurent chargés de

développerchez l'adolescentles branches de toutesles connaissanceshumaines.- ·

i. DeKerzM,auaud-oucat4eHgaig.

Page 150: Trumelet Algerie Legendaire

M§ t'AMÉMBt~BNItAME

A Fàge de quinze ans, dëa!rantse rapprocher de

p!uaen plusde la perfection,le jeuneAbd-eï-Kaderaemit à la recherche d'un directeur son choix ae fixa~ur Nout-Ëa-SehouI patron vénéré des Sohoul, et

qu'onnommait SidiMohammod-ben-Abd-er-Rahman-

hen'Ahow-Ha~Amr-ben-Yahya-ben-Siiman.Abd-et-Kaderapprofonditles doctrinesdu scaNstne,

qu'an de aesmattraa,SidiAhmed-ben-Youcef,–celui

qc! repose à MeMana, avait répandues dans une

partie du Marot:.Aatourde Moui-Es-Sebouïétaientvenus ae grouper

de nouveauxdisciples,qui formèrent la base d'une

zaouïa,connuedepuis sous le nom de ZooM~-JtfoM~-

~SeAcM~ la zaouïadu patron des ~e~ot~.Abd-el-Kaderse confondit parmi les plusobscurs

.disciplesde la zaouïa et vécutdans la retraite et la

.solitude.Initie;&l'ordre desChadouiia, le directeurJe distingua bientôt, et formale projet de le chargerd'une missionreligieuse « Prépare-toi,monSis, iui

dit-il, à visiter cette terre immense, qui est ledomainede ceuxqui, commetoi, sevouent au cultede Dieu Tu te rendras au milieude ceshommesquis'agitentet se meuventsans direction; tu les instrui-

ras, puistu leuroffriras,en monnom, le gageprotec-teur que je t?aiconfié, l'initiation à l'ordre des Cha-

doulia,selonma régie."»

Abd-el-Kaderle suppliade ne pas l'éloignerencorede la zaouïa, car, loin de lui, il se sentait incapablede se diriger.

i. Moul-Es-Sehoulmourut,à unâgetrësavancé,en~<HCde~'hegife(1639de.lère grégorienne).{jn tombeauestprésdel'cuadGuir,chezlesSehouL

Plustard,SidiAbd-el-KaderfutfaitmokaddemdesChadou-lia.Lefondateurdel'ordreavaitétéSidiAboa.Hacea-Ech-Cha-de!L

Page 151: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. 8!N ECH-CHMa 143

Moul-Es-Saheulte conserva encore sept ans, pen-dant lesquelsil s'enbrcad'éleversonintelligenceet dele diriger vers les hautes régions du spiritualisme.Ennn, le trouvant fermedanssa foi, il Mordonnadevisiter te Sud et l'Ouest du Maghreb,et de pénétrerdans les milieux intellectuelset religieux, et de se

prosterner dans les sanctuairesvénérés de ces con-trées. Puis il devait, à son retour, senxeraMor'ar't

et y jeter les bases d'un établissementreligieux; dalà, il agirait sur les divers groupesdes Hometanetleur donnerait l'initiation. 11promit à son directeurde jamais ne se départir de sa règle,et des'éloignersans mêmeregarder derrièrelui.

Il se rendit à Tanlalet, &Fa9, au Touat et &Atn-Madhi,et revint parmi les siensvers i02i del'hégire,i6i&de l'ère grégorienne.

C'est à cette époque de sa vie que Abd-el-Kaderépouse SAada-bent-El-Harets,laquelle appartenait à~ngiamiHodesBni-Toudjinétablieà Aïn-Mahdi.

Decetteunion et d'autres, et de soncommerceavendes esclaves,Abd-el-Kadereut dix-huit fils et quatreou douzefilles.!1 fonda une zaoutaà Mor'ar,et, n'ayant pu fixeràson gré l'attention de ses élèves,il continuases péré-grinations dans la région du Maghrebmoyen et del'Est. Il tenait àexplorercette terre que lèche.le ~o<de la mer,: et qui, sillonnée par des cours d'eaucommelesjardins du Paradis, produitde beauxfruits

i. Oasisdu Sudoranaisquiportele nomdeMor'ar-ben-·

Medjah&fdesSoneïd.2.Lemanuscritde la Coquillenacréenedonnelenomque.

deonzede sesmta.(L.<;mtt,ftt<e<'p)'è<ep~wM~pa~militaireenretraite.)

3.Le Maghrebmoyencomprenaitle territoireactueldeadivisionsd'Oranet d'Alger.

Page 152: Trumelet Algerie Legendaire

i<M t'AMËMEt~aENMHtE

et d'abondantesmoissons. Il prend' ensuite tarante

duSud-Est;il se rendà Tiemsaa et à Meltana;il faitsesdévotionset ses dévotesstationsaux tombeauxde

Sidi Anou-Median-el-R'outset de Sidi Ahmed-ben-Yousef.U visite le Zab, Constantine,Bougie,Alger,traverse la vallée du Chelef,qu'il trouve superbe,etoù il veut s'installer,et la compareauxplainessablon-neuseset au désertcaillouteuxet aride oùles Homelanétendentleurs campements.H continueses perégrinat!ons il remonteles rivesde la Manasfa,affluentdu Cholef,s'arrête à Mondas,quiproduit du Mdtrès es<MM~et il y prendpied.

Pour fixerles regards sur lui, il affecteune grandedévotionet un renoncementcompletauxjouissancesd'ici-bas. Il visite SidiMahammed-ben-Aouda,chezles Flita, et d'autres illustresthéologiens; il dévoileses projets&quelquesadolescentsqui s'étaient atta-chesà sa personne. Étendant la main dans la direc-tion despays aux vasteshorizons,il leur dit « Mieuxvaut El-Abiodh et vivre dans les honneurs, que derésider à Mendaset d'y savourer le goût du bon blé

queproduit son terroir. »Abd-el-Kàdcr se retire à Mor'arpour gémir sur

l'aveuglementdesendurcisdans l'impiétéet sur i'inu-tilitéde ses efforts.

Des Arabes.dont les troupeaux ont été décimésviennent se prosterner à ses pieds et lui faire une

offrande;ils le prient d'être leur intercesseurauprèsdeDieu,et d'éloignerd'eux les effetsde sa colère.SidiAbd-eI-Kaderveutprofiterde l'occasionpour les ini-tier à l'ordre des Chadoulia.Maisils ne se soucient

quedesbiensmatérielsdecemonde.Queleur importe

t. Hs'agiticidupointquia MeappoMplustat4jEÏ*~Mo<SMt-Bc&-CMM<.

Page 153: Trumelet Algerie Legendaire

X!. 8tNSCa-cmHB ~4$

9

Moul-Es-Sehoul,dont ils saventà peinele nom? Euxne désirent,disent-ils,que lesbiensterrestres,non de

pouvoiren jouir dans cette vie.La réputation de sainteté d'Abd-eI-Kader-ben-

~ohammed s'étend dans toutes les contréeso&il apasse, elles offrandeset les cadeauxauluentdetoutes

partsdans les régionsdu Sud.La zaouïade Mor'ar,en

particulier,est dans le bienet laprospérité.Losservi-teurs et les élevésde Sidi Mohammedle traitent avecles plus respectueuxégardset ne l'appellent plus quele Chikh,le Jtfa~e; son inCuencereligieuseest sanslimite dans tout le Sud; puis il recommence'sespéré-grinations, et, escorté de nombreux disciples, il

pousse de nouveau jusqu'à Talilala, semant sur sonchemin la parole divineet les doctrinesdu soufisme.

Il ne semblepointrechercherlepouvoir politique;pourtant, il s'attribuepeu à peu, autour de lui, le pri-vilègede prononcerdans les questionsde comman-dement. « Vous m'appartenez, vous et les vôtres,disait-il parfois, sans paraître y attacher de l'impor-tance, aux grands et aux chefs de la contrée. Vousêtes à moi commeje suis à Dieu.»

La zaouiade Mor'arfut bientôtencombréede ziarin

(pèlerins,visiteurs,nomadeset ksariens),qui, en con-

statant la prospéritéde leurs troupeauxet le rende-ment de leurs dattiers et de leurs jardins, remer-

ciaientle Cielde ses bienfaits, qu'ils ne manquaientpointad'attribuer à la puissante influencede leurchikh Abd-el-Kaderauprès du Tout-Puissant. Aussi

était-ceà' qui,parmi ses adhérents,s'approcheraitdelui pour baiser le pan de sonbemous;maisles fidèles

Croyants ne communiquaientpoint avec le sainthomme aussi facilementqu'ils l'eussent désiré lestholbaqui peuplaientce sanctuairedela prière, et quilui composaientune sorte de garde, alléguaienttou-

Page 154: Trumelet Algerie Legendaire

<~ t~M~MSMÈeEKMMN

jouM que leur Ma!treétait en prière ou en conversa-tion avec Dieu, et refusaient l'accès de l'humNedemeure qu'il s'était réservée dans la zaouia aux

pèlerinsqui avaientà solliciterquelquefaveurdu Ciel

par sonintermédiaire,Le régimesévère,l'abstinence,auxquels il s'était rigoureusement soumis, avaient

provoquéchez lui des visions qui semblaientle rap-procher de la Divinité; il entendaitdesvoix mysté-rieuses qui lui ordonnaientde prendre la direction

spirituelle de tous ses serviteurs et d'en faire seskhoddam.

Déjà il ne sembleplus appartenir au mondeexté-

rieur il devientévidentqu'il se spiritualiseet se rap-proche de Dieu. C'està cette époquede sa vie qu'ilconvientde placer la visionque rapporte Sidi Amr-ben-Kerim-Et-Trari

Une nuit, Abd-el.Kaderétait en prière, et il médi-tait sur le néant des choseshumaines,quand, tout &

coup, il vit la vodte célestes'entr'ouvnr devantlui, ettandis qu'unedouce lumièrebaignaitdes horizonsdebrouillard d'or et d'argent, divisés par une sorte devoie lactée d'une blancheur éblouissante,un hommemontrait aux créatures qui arrivaient de tous côtésce cheminaussidroit qu'il paraissait facile.

« Quelleest cettevoie, et quelest cet homme? de*manda-t-ilau Prophète, qui venait de lui apparaître.

Cettevoie est celleque tu indiquerasà tes servi-teurs, et cet hommequi estlà, c'est toi-même,»

Il seprosternait en signe de soumission,quand il

aperçût venant à lui son grand-pèreSliman, qu'ac-aompagnaientSidiAbou-Median-El-R'outset SidiBou-

Extraitdu CommentaireLeF)*a<&MMde la'Ja&eM&LtN!-ductiondeM.l'interprèteprincipalL.Guin.

Page 155: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. StMEŒ-CBBM M?

Yaa;a-El-R'arM Et, en désignant les créatures qo~s'entre-croisaientsur cettevoie sans direction,ils luidemandèrent « As-tubesoinde nous,do noire appui,pour ramené)?cea e~résï

~Tbtrc appufmysCquemeStm&an~ha~B~MMutriï.C'est aussi vers cette époque que commençaà sw

manifester son pouvoir surnaturel, et voici,d'aprèsuneversionpopulaire,lescirconstancesdanslesquellesSidiEch'Chikhaurait donnédespreuvesincontestablesde son pouvoirthaumaturgique.

lï achevaitunepériodede retraite, et il la terminait

par unefervente prière, quand un grand bruit se fitentendreau dehors. Au même moment, son oratoirefut envahi par un grand nombre d'hommesqui, le

visagebouleversé,poussaientdescris de désespoir.L'und'eux,leur chef apparemment,imposantsilence

à cette fouleahurie et hurlante, se jeta aux pieds du

saint, et, baisant le bas de sonbernous,lui dit ens'ar-rachant la barbe «Le Très-Hauta décharnésurnousle fléaudes sauterelles,et cesmaudits insectes, -quidoiventporter le nomde Satanécrit sur leurs ailes,-ont dévoreune partie des jardins de notre oasis. Ladésolationrègne parmi toute la nation. Viensà notre

secours,toi qui es l'ami de DieuViens nousdélivrerde ce néau!& Il n'y avait pas de temps à perdre;SidiEch-Chikhle comprit,et il les suivit.

En approchant de l'oasis, il aperçut, en effet,desnuéesde cesacridiensquiroulaientdansle cielcommeune trombe de sable pousséepar la tempête, puiss'abattant commela grêl~et avecun bruit strident làoùil y avait du vert à dévorer.

Une partie des jardins était déjà hachée, fauchée

1.CeapersonnagesUgaremtdansla chatnedesappâtamya*tiq~eadelaConjtMtie.

Page 156: Trumelet Algerie Legendaire

Jt<9 t'AMËME~eBNCAME

par tes mandibulesde ces voracesinsectes,et l'autre~tait déjàsérioMementcompromise.

Ech-CMHht,ayant remarquéqu'un vol considérablede cesinsectesvenaitde se poser sur un'bancde sable

voisin, se porta seul vers ce point en invoquantDieuet lui demandantsonassistance;puis, étendantle brasdans leur direction,il les maudissait. v

Les habitants de l'oasis, qui suivaientde loin lesmouvementsdu saint, s'en approchèrent,et onjugerade leur étonnementet de leur joie quandils s'aperçu-rent que ces terribles insectes étaient immobilesetcomme cloués sur le sol où ils s'étaient abattus.« Dieuest grand! s'écrièrent-ils,et ce Chikhau pou-voir si étrangeest assurémentun de sesEnvoyésî a

Oette manifestationsurnaturelle, qui fut bientôtconnuede tous, augmentaconsidérablementle près"tigeet l'innuencede SidiEch-Chikh.

Sa missionn'étant pas encoreentièrementaccom"

plie,SidiAbd-el-Kadersongeaà s'éloignerdeMorar età fixersa solitude&El-Abiodh,c'est-à-direau milieudepopulationsquiavaientgrandbesoindesesconseils.C'est à partir de ce momentque commençasérieu-sementl'œuvrequ'il avait entreprise.

Hfondaune zaouïaà El-Abiodh,établissementreli-

gieuxqui fut bientôtdesplus célèbresdans cettepar-tie duSabra et au delà. Des adhérents'y accouraienten foulepour entendre la parole du chikh, et luide"mander son intervention,auprès de Dieu quand ilsavaient quelquesaffairesd'intérêt à régler. C'étaità

qui, <– hommefou femme, solliciteraitauprèsdeMl'initiation à l'ordre de Moul-Es-Sehoul,et le<HAe~1

i. Prièreparticulièreà unchefd'ordrereligieux,et quedoi-ventréciteruncertainnombredefoispar joursesJ6Ao<M<MM,Mt..aeE'iteumreMgieux..

Page 157: Trumelet Algerie Legendaire

1- 1-M.– StNECn-CMKB i49

de ce saint homme. Les initiés, dont le nombreaug-mentaitchaquejour, Cnirentpar formerune confpériedistincte,qui, au moindresignaldu ehikh,était prêtapour uneactioncommune.

Depuisqu'il s'était révèle, Abd-el-Kadorétait en~tourédes plusgrandes marquesde respect et devéné-

ration, et ce fut à ce point qu'un grand nombre

d'ignorantsluivouèrentune sorte de culte.Pour eux,çe personnagesi spirituellementpuissant, ce dispen-sateur des faveurs divines, ne pouvait être que leProphète Jui-méme; et c'est ainsi qu'un soir, des

chanteurs,desmeddah1, venant de fort loin et s'étantarrêtés dansun campementdes Homeïan, et faisantentendreun chant à l'élogede l'EnvoyédeDieu,chantqui partoutailleursavait captivéleur auditoire, étaitécoutéd'uneoreilledes plus distraites.

Un vieillard,qui, depuisquelquesinstants, donnaitdessignesd'impatience, se dirigea vers les N!e<M<~et leur demandadu ton de la plus mauvaisehumeur

« Maisde qui donc vous évertuez-vousà chanterainsi les mérites?

;–Maisdenotresaint Prophète,deSidna-Mohammedlui-même.

Sic'est1~votreProphète, à vousautresétrangers,'vouspouvezvous dispenserde continuervotre chant.

Nous,qui sommesde bons Musulmans,nous ne con-naissonsd'autre Envoyé de Dieu qu'Ahd-el-Kader,notre ChUh. Et, sachez-le, à lui seul appartient la

Toute-Puissance.GloriBezce soutiendu Monde,cetteâmed'élite,et nous vousécouterons1»

Quandle vénérépatron des Sehoulapprit ce qui sepassaitàEl-Abiodh,il enfut péniblementimpressionné;

1.Le Hfe<Ma&est une espècede trouvèrereHgieoxcrmmtrécitantdesvers;c'estaussiunpoètereligieux,

Page 158: Trumelet Algerie Legendaire

iM t'AMÉMEt,66BNBA!M!

? refusa de croire t ce qu'il croyait n'être que des

bruits, des calomnies;mais bientôt aea doutesfurent

dissipes,et il en ressentit un profondchagrin. Est-il possible,s'écriait-il.quecet hotnme,qoeje considé-rais commemon enfant, ait ainsi fouléauxpieds ses

engagementsles plus sacrés Mais il se perd, cetin-

sensé, ce téméraire!a Et les théologiensde l'ordrenrent tousleurseffortspourramenerà leurChikhcelui

qu'ils traitaient de novateuret derebelle.Maiscefut en vain Abd-el-Kader,qui était devenu

puissant,etquivoyaittoutésles volontésseplier devantla sienne,ne fit aucuncas des menaceset injonctionsqui lui étaient faites par les grands de l'ordre, dontil se fit desennemisirréconciliables.S'il fallaitlés en

croire,Abd-el-Kader,au fur et à mesureque sonpres-tige s'étendait, perdait tout respectde la loi divineetde la tradition; on allait jusqu'à dire qu'il avaitoséacheter des biens habous,des biensde mainmorte,à

Figuig; on ajoutait qu'il s'acquittaittardivementde la

prière de l'deeMf qu'il s'oubliaitdans la sociétédes

femmes, et enfin qu'il ne touchaitaux aliments secs

qu'autantqu'ils avaientété broyésau mortier.

Malgréla gravité de ces accusations,l'hommedes

J?<MneMt~ c'est ainsi que le désignaientsesrivaux,–ne pamtpoint enfairele moindrecas, et il se dirigeavers le Maghreb moyen, dans cettecontrée riche etfertileoù résidaientdepréférencequelques-unsde sesn!set de ses disciples.

Un de ses contemporains,Sidi Ibrahim-ben-El-Fe-

djidji, dépeintAbd-el-Kaderainsiqu'il suit:«Abd-el-Kaderpossédaitalorscettebeautéphysique

1.Pointdu jour intermédiaireentremidiet le coucherdusoleil,c'est-à-direde trois à quatreheuresde raprès-midi,Mivantla saison.

Page 159: Trumelet Algerie Legendaire

Xt.–StNMB-CBam iM

qui est particulière aux hommes que Dieu a marquésdo son sceau; aussi, ne pouvait-on l'approcher sans se

sentir naturellement attiré vers lui son visage, d'un

Manc mat, était éclairé par des yeux noirs d'une ex-

pression indéQnissable, et qui, parfois, pareils à la

foudre, lançaient des éclairs; sa voix était harmonieuse

et pénétrante. La duuceur de sea regards réconfortait

l'ame~ et sa parole, claire et limpide, agissait de telle

sorte sur l'esprit qu'elle y apportait le calme et la con-

fiance. Enfin, son extérieur et sa prestance étaient

nobles et distingués, et ses goûts d'une simplicité ex-

trême aussi, à son exemple, ses adhérents voulurent-

ils tous porter, et c'était la tout leur luxe, un

chapelet semé de grains de corail '.a

i. Nous voulons citer un singulier effet d'atavisme que nous

retrouvons, après plus de deux siècles de distance, entre SidiChikh et son descendant direct, Sid Hamza-ould-Ahou.Bekr,notre ancien khelifa du Sud, celui qui nous a ouvert les portesd'Ouargia en 18S3,et qui mourut à Algerle Si août i86i.

Disons d'abord quelques mots de ce personnage, qui a jouéun grand rôle dans la province de l'Ouest de notre Sahra, rôle

qui a été loin d'être continué par ses mis*.En avril i8SO,Sid Hamza, le chef religieux des Oulad-Sidi-

Eoh-Chikh-Ech-Cheraga, chef que nous avions besoin de ga-gner à notre politique dans le Sud algérien, fut élevé à la di-

gnité de khelifa des Oulad-Sidi-Ech-Chikh de l'Est, sous lacondition de venir se présenter bientôt de sa personne àl'Autorité française pour en recevoir l'investiture. Sid Hamzaavait consenti à une entrevue avec le chef du bureau arabe deMaskara: elle eut lien à Sfid, à 35 kilomètres au Sud deSaida. Mais, pendant l'entrevue, une balle, partie du groupeduchef du bureau arabe, vint sifflerentre ce dernier et le khelifa,qui, grâce à un mouvement de son cheval, ne fut pas atteint.

Sid Hamza sentit de suite d'où venait le coup c'était son

irére, Sid En-Naïmi, qui avait dirigé la main de l'assassin.Cet attentat jeta naturellement un certain froid sur les rap-

Voirnos livres J~ Fhm~ttM<!atMle M<ert,et l'NMot~e<!et'At-MarecSoadMOwM-~K-CM&t.

Page 160: Trumelet Algerie Legendaire

t'AtBËME t.ÉSENMïàR<SB

Le Chikh Ahd-eI-Kader continue ses përégnnations:H s'avrôtechez tes Bni-Chougran, tribu voisine de

Mascara, où se trouvait son Ms Saïd; il entre en rota-

tion avec le chef des R'eris, dont les campements s'éten-

daient au sud d'El-Kert (le vieux Masheur). ïl cherche

& s'attacher les populations indépendantes de cette

ports entre le chef du bureau arabe et Sid Ham~a,et l'on

s'aperçut, dès ISSi, que le khelifa échappait à notre inNuenoe

pour subir celle du nouveau sultan d'Ouargla,Mohammed-ben-Abd-Aliah. Ses menées ne tardèrent pas a arriver à la connais-sance de l'Autorité française, qui résolut de le faire, arrêteravant que sa défection fat consommée.

T

Une petite colonne, aux ordres du chef du bureau arabe di-visionnaire de la province d'Oran, l'énergique commandantDe-

ligny, fat envoyée dans le Sud en avril i8S2 sous un prétextequelconque, et se dirigea vers Et-R'açouI,petit ksar, dans lesenvirons duquel campait Sid Hamza. Le chef du Bureau arabele at prier de venir le voir à son camp, où il avait une com-munication à lui faire. Ne soupçonnant pas le but de la sortiede cette colonne, et croyant, d'ailleurs, ses projets de trahison

ignores de l'autorité française, Sid Hamza, malgré une forte

attaque de cette affection que les Arabes appellent da ef-Me-~oMA,–lemal des rois, fa goutte,-se fit hisser sur une mule, etse rendit à la tente de son ami DeN,aveclequel il était en rela-tions. Le commandant lui at comprendre qu'il était tempsqu'ilremplit sa promesse de serendre à Oran,où le général Pélissier,

qui désirait absolument faire sa connaissance, l'attendait

impatiemment. Sid HamzaCt quelques dimcultës il nt remar-

quer au commandant Deligny qu'il n'avait point la dispositionde ses jambes, lesquelles, en effet, étaient enveloppéesdans dela flanelle, et présentaient un volume considérable. Majsle com-mandant chef du bureau arabesdivisionnaire lui fit rémarquerqu'il pouvait être rendu facilement près du général comman-dant la province en quatre ou cinq jours de marche; et, sanslui donner le temps de retourner dans son campement, lecommandantDelignylefit remonter sur sa mule, et mit le mara-bouth en route sous une bonne escorte de chasseurs d'Afrique,qui, le quatrième jour, au soir, arrivait à Mâskara,où il devait

apprendre le sort qui l'attendait; c'est-a-dire la décision dugênêmi Pélissier à son égard, laquelle devait être soninteme-

Page 161: Trumelet Algerie Legendaire

x<. Stm eca-cHMB <S3

région, et à les amener à accepter l'initiation à la voie

qu'N avait tracée. Mais il échoua dans cette cauyreNous ne saurions vraiment t'écouter, lui faisaient-Hs

observer avec nertë; un homme des R'eris, sache-ïe

Mon, en toutes choses ne prend conseil que de sa tête.

Il admet qu'on agisse comme lui, mais il ne saurait

ment à Qrampendant un temps qu'il déterminerait. Cétait le

génère commandant la subdivisionde Maskara, dont nouaétions alors l'oBIcier d'ordonnance, qui devait l'en instruire.

Legénéralavaltdécidéderecovoirlekhelifa desOuladSidi-Ech~

Chikh'Ech'Cheragale lendemain à dix heures du matin, à l'hôtelde la subdivision, Il y était, en effet,transporté à dos de mule,et sous escorte de cavaliers français, et il était mis en présencedu générât, qui l'interrogeait avec son aménité ordinaire, mais

qui se refusa absolument à lui faire connattre qu'il était pri-sonnier, et qu'il devait être interné pendant deux ans &Oran.

~es scrupules chevaleresques, exagérés sans doute, nelui permettaient pas, disait-il, de tremper dans ce qu'il appe-lait la petite trahison qu'on avait employée à l'égard du khelifa

pour l'attirer dans le camp du commandant de la colonne.Le lendemain,de grand matin, Sid Hamza fut embarqué dans

la diligencede Maskara&Oran; or, commeon pouvait craindreune tentative de délivrance du descendant de Sidi Ech-Chikhde )a part des AAo<M<Mtdu saint, très nombreux dans la sub-division de Maskara, on le fit accompagner par le capitaine de

spahis Siquot, –armé jusqu'aux dents, jusqu'à Oran.Nous le répétons, dans la peinture que nous a laissée de Sidi

Ecn-ChikhSidHbrahim-ben.El-Fed)iajl,soncontemporain, nousy avons retrouvé les traits de Sid Hamza, le descendant directdu saint et illustre patron des Oulad-Sidi-Ech-Chikh.Le lec~teur pourra en juger.

Sid Hamza,qui pouvait être âgé de trente à trente-trois ansen 1852, était un hommesuperbe, et de traits on ne peut plusattachants. Paraissant énorme par l'effetdes nombreuxbernouset cafetans superposés dont il était revêtu; d'une taille assez;élevée et distinguée; tout l'air enfin d'un grand seigneur mu-sulman; les yeux grands, noirs et d'une douceur extrême, tem-

pérés encore par des sourcils épais, longs,soyeux,et des cils de~plusieurs rangs tamisant.son regard troublant; la barbe noire~

9.

Page 162: Trumelet Algerie Legendaire

ItM ~~M~MEÏ~N~RMMR

nesoumettreà la volontéd'un autre JS?-J?'efM<<eM&t~eM.a» 0

Ech-CMhh traverse la vallée du Chelef, et va se

prosterner sur le tombeau de Sidi Ahmed-ben-Yoacef.

Sa répwtatïon de thaumaturge a'ëtead de jour en tour6'eet aiasï qu'ayant séjourne chez son disciple, Maham-

fournie, coupée &l'arabe, et tranchant sur le teint mat de son

visage; les denta magainques, nacrées et bien rangées; leslèvres nn peu épaisses; la tête forte, et rendue volumineuse

par le nombre de ses chacnias et de ees haïk laine et soie. Savoix eat douce, harmonieuse, sans éclats; le geste est moelleux,sobre et plein de dignité; les allures cherMennesplutôt quegaerdôrea. Cet ensemble mettait le général, un créole de la

Guadeloupe, mal à son aise car, chevaleresque à l'excès, Htrouvait que le moyen dont on s'était servi pour l'arrêter, sur-tout dans l'état de perclusion où il se trouvait, n'btait pas des

plus conformes aux usages français; aussi, ne se soucia-t-ilpasde remplir la mission dont l'avait chargé le général Poussier,celle de lui annoncer son internement à Oran, soin qu'il laissaan général commandant la province d'Oran lui-même, lequellui en fit le reproche.

En notre qualité d'officierd'ordonnance du général comman-dant la subdivision du Maskara à cette époque, nous avonsasiate à cette scène, que nous nous rappelons comme si elleétait d'hier. Nous avons revu plusieurs fois le khelifa SidHamza depuis, notamment pendant l'expédition d'Ouargla eni8M (janvier et février), pendant la colonne dans les ksour ducercle de GéryviUeen i8S5, et dans d'autres circonstances, et

toujours nous l'avons trouvé le même.Sid Hamza est décédé à Alger, où il était venu rendre visite

au maréchal Pélisaier, le 21 août 1861

Voir notre livre e J~ ~ea~ <taM16MMf<a. Journalde la

ttMM~'e&)!!p&N«<mtw ouargla(NeMme-~Mdalg4rien),dirigéepar lecoloneld'état-majorJtM~Ttew,expéditionadmirablementconduite,etavecdes moyensarabesseulement,et qui fut d'autant plus impor-tante et CnMtnenMpour la France qu'eue poussaitd'un seul bondnotreCrontièfedansle Sudà 100 lieuesdeLaghonath,et qn'ettenousouvraitdéfinitivementle Sabraalgérien,limitequ'aucunecolonnen'a

dépasséedepuiscette époque(iS53-i86J).

Page 163: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. Mi ECB-CmKH iSS

med-ben-Aouda',il lui prédit l'inuuencesurnaturelledont il jouirait, dans l'avenir, sur les populationsdu

pays; et il commentaitsans retard à établircette in-fluencepar aeaprédications « Queceux d'entrevous,

disait-il, qui veulentjouir du pouvoirvisitent la de-meurede Mahammod-ben-Aouda*.»

Aun autrede sesdisciples,Bel-Kacem-El-Nezrer'ani,qui résidait à El-R'omra, il lui prédit qu'il serait le

patron des pasteurs. Aussi,jetait-il dans toutes lesoreillesquil'écoutaientcet intéressant conseil « Queceluiqui désire devenir riche en troupeauxfasseuneoffrandeà Bel-Kacem.»

ABou-Ez-Zin-Belaha,dont il changelenomen Fe-raha (joie),il donnetout pouvoir pour assurer, dansle pays, la prospéritédeschampset des troupeaux.

Enfin, Ech-Chikhva visiter ses fils Mohammedà

Bou-Aaîth,et Bou-Saïdchez les OuIad-Mimoun,et serend de nouveau,pour y faire ses dévotions,sur letombeaude SidiAbou-Median-El-R'outs.Enfin,ayantterminé sespérégrinations,il regagnaEl-Abiodh,oùil vécut dans les honneurs, et en semantle bien surses pas.

Son pouvoir auprès du Dieu unique était devenu

presque sans limites c'est sur lui quele Tout-Puis-sant paraissaitse reposerpour les détails de laviedesmortelsdans la contréequ'ilhabitait. Aussi,cite-t-onde lui de nombreuxmiraclesqui attestent sa qualitéd'ouoH.Nousavonsvu plushaut qu'il étaitprédestinédes le ventre de sa mère, et cette puissancene fit que

1.LefuturpatrondesFUta.Il étaitleaïsde SidiYahya-ben'Rached;maisil portaitlenomdesamère,Aouda.

2.LittéralementQueceluiquiveut(qu'onlui amène)deschevauxdesoumission,visitelademeuredeMahammed-ben-Aouda.

Page 164: Trumelet Algerie Legendaire

<8B !u.a6!«B ï.~aBNNAms

eroMreau fur et à mesure qu'il croissaiten &geet en.vertus.

Personneautant que lui ne prit soin dos sienset deses serviteurs; son existenceétait acquiseà tous, et,de près commede loin, par lui-mêmecommepar in-

termédiaire,il soulageaitou tirait du péril tous ceux

qui l'invoquaientdans le danger.C'estainsiqu'unjour il sauva d'un péril imminent,du naufrage, -un navire chargé de Musulmansre-

venantsur Algerdu saint pèlerinagede Mekka « Lenavire des Chrétiensqui nousportait, raconte Yahya-ben-Ahmed,un des disciplesdeSidiAbd-el-Kador-bon-

Mohammed,approchaitd'Alger;lèvent nousavaitétéfavorabledepuis notre départ d'Alexandrie,et noua

pouvionsprévoirdéjà le momentoù nous aborderionsla terre. Soudain,lamerdevinthouleuse,et lesvagues,roulantlesunessur lesautres,secabraientavecfureur,paraissantvouloirdonner l'assaut à notre navire,quicraquait et gémissaitsous les coups de la lame, la-

quelle menaçaitde l'engloutir.«LesmarinsdesChrétiens,croyantqueleurdernière

heure était proche, imploraientl'aide de leur Dieuet'le secoursde tous leurs saints ils s'agenouillaientetse frappaientla poitrine en poussantdesappelsdéses*

pères.« Lefidèlediscipled'Ech-Chikh,froidet impassible

devantla tempête,et plein de confiancedans la puis-sancede son saint patron, portait distraitementson

regard tantôt sur la mer en courroux,et tantôtsur cesmarinsdémoralisés.

« Héquoi?luidit l'und'eux,tun'as doncpaspeur?<-Non, lui réponditYahya-ben-Ahmed,je suisinac-

« cessibleà la crainte, car j'ai un haut protecteurqui«saura bienme soustraireau péril quivous menace,« vousautres Chrétiens.

Page 165: Trumelet Algerie Legendaire

XI. sïMEca-'cmsa <5~

a– Si tonprotecteurest aussipuissantquetu veux« bienledire,repritle marin,tu devais te h&~rdenoua«recommanderà lui, car noussommesen perdition.a

« Lepèlerinfit unecourteprièrementale,invoquantle nomde son saint patron, et les vaguesretombèrentinertes et sans force sur la mer expirante et subite-ment catmée.»

Il lui arriva, un jour, de décuplerles forcesphysi-ques, et &ce point que des enfantsauraientpu avoirraison d'une armée.

C'estainsiqu'à ceproposon rappelle l'aventurear-rivéeà des jeunes gens d'Et-Ar'ouathqui avaientreçul'initiationdes mains du vénéréChikhAbd-el-Kader-ben-Mohammed.Ils rentraient dans leurs familles,pleins de joie et la paix dans l'&me,quand, tout à

coup,ils furententouréspar unenuéede coupeursderoutes.Bienque sans armes, ces adolescentsn'hési-tèrent pas un instant, se sentant subitementanimésd'une vigueur sans pareille, à faire face de toutes

parts et &se précipiter sur les brigands avecune vi-gueurdont ils ne se croyaientpas capables,et les ba-

layèrent comme le vent disperse les amas de sabledans le désert.

Enpareillecirconstance,Sidi Khaled-ben-Anter-El-

Amouri, ayant fait appel à l'assistancede son saint

patron, put ainsi échapper aux coups de ses nom-breux ennemis, et continuersans être inquiété son

voyagedans le Maghreb.Un jour, une femme d'El-Abiodh,puisant de l'eau.

dans un puits profond, y laissa tomber son enfant.

Désespérée,la pauvremère invoqueaussitôtSidiAbd-eI-Kader. Sans se faire prièr, le saint d'El-Abiodhs'élancesouterrainementdans la directiondupuits ilsaisit l'enfant avant mêmequ'il eût touchéla surfacede l'eau, ft le remet à sa mère.

Page 166: Trumelet Algerie Legendaire

t*AM)6NEt~eBNMBM!~88

La légendeajoute qu'ilpoussala bienveillancejas-qu'à rapporter,enmêmetemps,le turban tombéde httéte d'un Arabequi s'était penchésur le puits au mo-ment de l'accident.

Maisl'invocationde la pauvremèreavait été égale-ment entendue de Sidi Abd-eI-Kader-El-Djilanilesaint de Bar'dad, le Sultan des parfaits, lePrince des

justes, celuique,nousle savons,les pauvreset les af-

nigésn'invoquentjamaisen vain.Al'appeldolamère,il était accourufendantla terreet les mers; maisbien

que, sans doute, il eût pris la ligne la plusdirecte,la

besogneétait faite quand il arriva, de sorte que sonassistanceétait devenueabsolumentinutile. Nousnevoulonspas le cacher; à quoibon?Sidi-Abd-el-Kader-

El-Djilani, tout parfait qu'il était, ne fut passans éprouver quelquedépit de voir qu'il s'était dé-

rangé pour rien. Le fait est que, de Bar'dad à El-

Abiodh,il y a une fameusetrotte, mêmepar la tra-verse.

« Alors, pourquoim'a-t-onappelé?a demanda-t-ilavec quelque aigreur. Sidi Abd-el-Kaderle Sahrienlui expliqua FaBaireen deux mots «C'est bien, lui

répondit le saint de Bar'dad; mais pour éviter, à

l'avenir, toute confusionde ce genre, tu t'appellerasdorénavantSidi Ech-Chikhseulement.»

Un des disciplesdu saint d'El-Abiodhrapporte lamêmelégende,mais avec la variantesuivante « Undes nôtres, traversant le Sahra par une températureaccablante, et étant à bout de forces,s'écria, au mo-ment où il allait rendre ledernier soupir « SidiAbd-

eI-Kader,soutiens-moi!SidiAbd-el-Kader,protège-« moi!»»

t. Morten 561del'hég!re(H65del'èregrégorienne).

Page 167: Trumelet Algerie Legendaire

xt.–StNEca-cmM i§9

« Ason appel, SidiAbd-el-Kader-El-Djilani,le saintde Bar'dad, le soutien de l'Islam, celui dont l'âme

planeentre le cielet la terre, lui apparut.« Est-cemonappuiquetu réclamesdemanda-t-il a

« cet homme,est-ceAbd-el-Kader-El-Djilanique tu in-« voques?

«–Je demandaislosecoursdemonpatron,SidiAbd*wel-Kader-ben-Mohammed», répondit-iltrès intimidé.

a Celui-cise présentaà.ce moment.« Hé quoi?lui dit le saint de Bar'dad,un des tiens

« implore ton aide, et tu ne l'assistespointaussitôt??»«Abd-el-Kaderd'El-Abiodhse tira delà assezadroi-

tement « Je vous ai aperçu, soutien de l'Islam je« n'ai pas cru devoirm'avancer.

« C'estbien reprit EI-Bar'dadiun peu radouci;« mais,pour éviter à l'avenir toute confusion;tu t'ap-« pellerasdésormais JFcA-C~!M/?»

Depuiscet événement, Sidi Abd-eI-Kader-ben-Mo?hammedne fut plusappeléquedu surnomqueluiavait

prescrit de porter SidiAbd-el-Kader-El-Djilani.Pourtant, ses disciples,ses serviteursreligieux,ses

biographes, le désignèrent sous d'autres surnoms et

qualificationsque nousallonsindiquerci-aprèsSidi Ech-Chikh. Monseigneurle Maître;SidiEch-Chikh-el-Kebir. Monseigneurle Grand

Ma!tre,pour ne point le confondreavecson petit-nis,Ben-Ed-Din,surnomméEch-Chikh-Es-Sr'ir;

Sidi El-Kebir. Monseigneurle Grand,surnomquiest l'abréviationde Sidi Ech-Chikh-El-Kebir;

Bou-Chikhi. -L'hommedes Oulad-Sidi-Ech-Chikh,des enfantsde SidiEch-Chikh.

Sa descendance,aussibien en Algériequ'auMarok,a conservél'appellation de El-Oulad-Sidi-Eck-Chikh,

les enfantsde SidiEch-Chikh.SidiAbd-el-Kaderest encorequaUnéde OMM-BoM-

Page 168: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AMÉMENËSBNBAtMr

~e&<Sa<Mt4 enfantdeBou-Bekr-Es-Saddik,en sou-

venirde son illustreascendant,le compagnondu Pro-

phète.On le désigne encore sous les surnoms de Bou-

~maA!et de FoM-~Me~pour rappelerson aïeulBou-*

Smaha.On te désigne aussi sous les surnoms de F~fo-

MetOMt,celuiqui appartient au groupedes Homeïan;

JB7- celui qui obtient des perceptions spiri-

tuelles –JM-JMfa&e~l'hommevouéaucultedeDieu;FoM-AMa<M<<,l'hommeau turban; J5*?eAa~-&

j&eMMa,le cavalierà la jument Manche.Cette dernière qualificationrappelle que Sidi Abd-

el-Kader-El-Djilani,le saint de Bar'dad, est désignésouventpar les meddaA(trouvères)sous le surnomde

/ïa~e&J?aMt~ le cavalierà la jumentbaie.Ainsiquenous l'avonsdit plushaut, SidiEch-Chikh

se fit beaucoupd'ennemis, surtout parmi les théolo-

giens les plus célèbres de son temps ses doctrinesnouvellesle Brent traiter de menteur, de parjure. Ilscomposèrentdes livres pour réfuter et combattreses

opinionsreligieuses.Parmi cesacharnésdéfenseursdece qu'ils appelaient l'orthodoxie,nous citeronsparti-culièrement le ~a/b<M'Bou-Ras,et le flambeau de

l'époque, Sidi Ahmed-ben-Bou-MehaIIi-EI-Meçaouri,qui fit de vains efforts pour ramener dans la bonnevoieAbd-el-Kader-ben-Mohammed-Ei-Homeîanile No-vateur. EI-Meçaouri composa, dans ce but, deux

livres, -:merveilles d'érudition, auxquelsil donnalestitres de: « LeGlaivetranchant qui égorgele génie~MMMa<etmalfaisant»,.et«La Catapultequipulvérise

ea~feeseJeoc.!par le Chikhque l'erreur aceM~e.tA son exemple, Sidi Brahim-ben-Youcefcomposa,

1.Ba/M~6eMquisaittoutleKorandemémoire.

Page 169: Trumelet Algerie Legendaire

1 e~M.–stMEca-canm iM

un livrequ'il intitula a Le Manuelpar/MM~ou ~/t<-talion des arguments<f~&e/-J?e~&pH-~oAaM<MC<tdesNotHCMtH,quia perdu la raison. »

Il serait fastidieuxde citer tous les ouvragesquetirentsurgir,dansle Maghrebet ailleurs,les nouvellesdoctrinesde Sidi Chikh,lequelseposait hardimentenchef d'école. Nous devonsdire pourtant que ce dé-chaînementdesvieillesidées et desvieuxthéologienscontre le thaumaturged'El-Abiodhneportèrentà son

prestige qu'une atteinte insignifiante; la querelleselocalisadans le Maghreb,et la réputationde saintetéde Sidi Ech-Chikhs'étenditdu littoral méditerranéenaux oasis du Sahra avec une telle rapidité que, pa-reille aux rayonsdu soleilqui fondent les floconsde

neige, elle finit =parfaire disparaître les ennemisdu

puissantoualique le Dieuunique, il n'y avaitpasàen douter, avait choisi pour l'exécution de ses

grandsdesseins.

Il-avait toujoursvaillammentréponduauxtrès vives

attaquesdes hommesde scienceet de religiondu Sudet de l'Ouest.

Il faut dire queSidiEch-Chikhn'avaitjamais doutéde lui un seul instant il était persuadé, et il le ré-

pétait à quivoulaitl'entendre, qu'il était le person-nage de son siècle,et que Dieului ayant accordétou-tes ses faveurset tous ses dons, lui seul était capablede diriger les hommesdans sa voiespirituelle < Ma

piété et ma ferveur, disait-il fréquemment, égalentcellesde Aouïs-ben-Amer-El-Karani'.Je suis réelle-ment et visiblementéclairé d'en-haut, et nul mieux

quemoine peut diriger uneâmeavidede perfection.»L'oeuvrede Sidi Ech-Chikhfut considérable: son

1.SavantcéMbredeKoufa,quivécutdansl'isolementet laprière,agissantenvuedeDieus~').

Page 170: Trumelet Algerie Legendaire

MS ~AMJÉMB~8ENMMB

poèmemystique,entre autres,qu'il avaitfaitconnaîtresousle titre d'JFM~oM~a, la Perle, est une petitemerveillede logiqueet d'élégance.

C'estdans cepoèmeque se trouvent condensésses

arguments il pouvaitservirdebase à quiavaitadoptésa règle; il se terminepar l'indicationdela chalnenon

interrompuede ses appuis, ceux des Chadoulia,et il

établit, en parlant de Dieu lui-même,le principedetouteschoses,cette chalne de ses basesorthodoxes.

Le poèmeJBV-7e~oM<<!eut plusieurscommentateurs,dont le plus célèbrefut Mohammed-ben-Marouf,lettréanUiéà l'ordredesDerkaoua,et lequelsedonnela qua-lité d'Imam.

Indépendammentd'JE7-7<t~oM<~SidiChikhcomposaplusieursautresouvragesou recueils il aurait laissé,entre autres, divers travaux sur le souQsme,sur lesméritesdeses ancêtres,les vertusde Moul-Es-Sehoul,son maître,lesgrâcesque recueillentsesdisciples,etc.

Maisrevenonsà la phase légendaire de la vie deSidi Ech-Chikh,c'est-à-direà l'histoire populairedece grand saint.

Commetous ceuxqui se distinguentde la fouleparquelquevertu, par la science,ou par des qualitésex-

ceptionnelles,Sidi Ech-Chikh,nous l'avonsvu, s'étaitfait de nombreuxennemis;sesparents mêmene crai-

gnirent point de conspirer contre lui, et ce fut à ce

point qu'un jour ils se mirent à sa poursuiteavecles

plus mauvaisesintentions;épuisé de fatigue,le saintallait tomber entre leurs mains; il ne pouvait êtresauvéque par l'intervention divine.Hpria Dieu,qui, du reste, n'avait rien à lui refuser, de le tirerde là la terre s'entr'ouvrit soudain sous les piedsdusaint homme qui,quelquesinstants après, en ressor-tait à uneheurede marcheplus loin,au lieumêmeoù

depuiss'est élevéela koobbasous laquelleil repose.

Page 171: Trumelet Algerie Legendaire

~smtBca-canm <63

Sa monture l'avait suivi à la piste dans sa marche sou-terraine. Quant aux coquins qui le poursuivaient, ilsfurent changés en &e<AoMw(pistachiers atlantiques).On vous montre encore, dans l'ouadEl-Kheloua, et nonloin de l'orifice du souterrain par lequel s'échappaSidi Ech-Ghikh, on montre encore, disons-nous, cesvieux arbres levant leurs branches vers le ciel, et dansl'attitude de stupéfaction qu'ont dû prendre les persé-cuteurs du vénéré marabouth quand il disparut à leurs

yeux.Une autre fois encore, il réprima les injustes agres-

sions de ses ennemis en les engloutissant dans la

terre, c'était le miracle qu'il réussissait le mieux;

mais, comme il ne voulait pas leur mort, il les fit

reparaître aussitôt, se contentant de leur jeter cettemalédiction à la face « Il ne sortira jamais de vousni saint, ni conquérant. ?»

Monté sur sa mule, Sidi Ech-Chikh entreprit, un

jour, un voyage dans le Tell; il poussa ainsi jusquedans les montagnes des Trara, tribu kabile qui, bien

que voisine du Marok, la terre des saints, ne s'occu-

pait pas plus du Dieu unique que s'il n'edt jamaisexisté. Le but du saint marabouth était le. même quecelui du missionnaire de Saguiet-El-Hamra faire péné-trer l'élément arabe dans les montagnes des Berber

par une intervention pacifique, puisqu'on ne pouvait le

faire par la violence et de vive force, et c'était avec la

def de la religion qu'on voulait s'en faire ouvrir les

portes. Cette entreprise, qui, d'ailleurs, avait déjàréussi dans d'autres parties du Maghreb, se complétait

peu à peu, et l'on pouvait prévoir le moment où cette

œuvre gigantesque de pénétration, qui s'accomplissait

par instillation, serait arrivée à terminaison.

Sidi Ech-Chikh avait compris qu'un miracle lui faci-

literait singulièrement la mission qu'il s'était donnée.

Page 172: Trumelet Algerie Legendaire

1$~ t.'At.6&M8t.l6c~MMi&

Or, cette année, la sécheresse était grande dans le paya,et presque tous les puits et fontaines étaient taris. En

arrivant chez les Bni-Deddouch, à l'est de Nedroma,il descendit de sa monture, et demanda qu'on la fit

boire. On lui répondit qù'il n'y avait plus d'eau dans.

la contrée. « Eh bien) dit'i!, jetez-lui la bride sur le

cou, et laissez-la faire. ? La mule, suiviepar les grandsde la tribu, gravit une montagne; arrivée à son som-

met, elle frappa le sol de son sabot, et elle en nt jaillirune source abondante qui coule encore.

Ne doutant pas, en présence do ce miracle, que le

saint homme n'ait l'oreille de Dieu, les Bni-Deddouch

essayèrent -de retenir dans leur pays un puissant qui

disposait ainsi a son gré des bénédictions du Ciel; mais

Sidi Ech-Chikh, qui n'avait eu d'autre but, en opérantce miracle, que de prendre pied dans la.tribu des Trara,.eut l'habileté de refuser d'accéder au désir manifesté

par les Kabils, lesquels, pour le faire revenir sur sa

décision, lui firent des offres superbes, qu'il refusa

avec une sorte d'indignation qui acheva de lui conqué-rir toute la tribu, car pas un d'eux ne se sentait ca-

pable d'une pareille abnégation et d'un tel désintéres-

sement « Je ne fais point commerce de la parole de.

Dieu, ô Kabils! et, en vous l'apportant, je n'y ai d'autre

intérêt que le salut de vos âmes. » Les Trara étaient

tout à fait émerveillés des vertus de Sidi Ech-Chikh,et ces montagnards étaient désormais à lui. Il voulut

bien consentir à rester quelque temps parmi eux pourachever d'ouvrir leur pays aux marabouths, qui n'atten-

daient que le résultat de sa tentative pour s'introduire

à leur tour, et sous sa protection, dans le massif tra-

rien. D'ailleurs, la mule de Sidi Ech-Chikh, qu'il con-

sultait souvent quand il était embarrassé, n'était pas

d'avis qu'il s'éternisât dans ces montagnes; elle avait

la nostalgie des oasis et des palmiers, et elle ne s'était

Page 173: Trumelet Algerie Legendaire

N. SÏB!BCB-catKH <6S

pas gênéepour faire connaître&sonmaître son ept-mionsur cetteaffaire,puisqu'illa lui avaitdemandée;elles'en expliquapar dessigneset desbraimentsdont-lesaint avait seul la clef.

SidiEch-Chikhdonnaitbeaucoupde tempsà laprière.et &la contemplation;poury vaquerplus à l'aise, il seretirait dansdesgrottesoucavernes,donton a comptejusqu'à cent vingt. Le saint hommemettait dans sonascétismeun ramnementqui laisse bien loinderrièrelui les pieusesfolies,les excèsdedévotiondesanacho-

rètes chrétiens ainsi,pourne pointcéderau sommeil,il nouaità sa~ue<AaMt'une cordequ'il fixaiten même

tempsau faite de sa cellule; lorsque,vaincupar la fa-

tigue, il s'abandonnaità l'assoupissement,cettecorde,en l'empêchantde s'étendresur la natte qui lui servaitde couche,le réveillaitinfailliblementpar l'effetde.latraction douloureusequ'elle exerçaitsur sa touffede

cheveux;il pouvait, dèslors, continuerses entretiensavecDieu.

Hest évidentque c'étaitlà de l'exagération,car si le

Prophètea dit « Et, dans la nuit, consacretes veillesà la prière; il se peutqueDieut'élève,dans cesveilles,une placeglorieuse», il n'a certainementpas prétenduque les Croyantsdussentse passer de sommeil car il

n'estpas indispensablequenossenssoientéveilléspournous entretenir avec Dieu, et c'est souvent, au con-

traire, lemomentde leur repos,de leur inactivité,qu'ilchoisitpournous envoyerses révélationset s'entrete-

nir avecnous.La dernière des kheloua habitée par Sidi Ech-

Chikh était au pays d'Antar. Il y demeura;cinq ans,cinqmois,cinqjours et cinqheures.

i. ToutEedecheveaxtaisaéesur le aoma'etde.t&t&terMéed'anArabe..

Page 174: Trumelet Algerie Legendaire

168 t.'AMËMEtêSBNMÏMt

Cependant,SidiEch-CMhhdut payer sontribut à lamort. Cefut en l'au i61Sdenotre ère, i023 de l'hé<

pré, Agéde soixante-douzeans, qu'il rendit&Dieuune âmedont it s'était si merveilleusementservi pen-dant sa longueexistencedepiété, de bonnesouvres et

de pratique de toutes les vertus musulmanes.Ce<uH~

Stiten,ksar situé à cinq lieues à l'est d~EHModhdu

Ksal qu'il termina sa vie. Sentant sa Bnapprocher,il recommandaà ceuxqui l'entouraientde placer son

corps, dès qu'il aurait exhalé le dernier soupir, surunechamelleblancheà laquelleils laisseraientle choixde sa direction.A la premièrestationde la chamelle,on devraitlotionnerle corpsdu saint, et, à la seconde,l'enterrer sur le lieu même où elle se serait arrêtée.Les gens de Stitenfirent selonles suprêmesvolontésdu saintmarabouth.Cinqd'entreeuxsuivirentla cha-

melle,-tout ense tenantcependantrespectueusementà une certaine distance derrière elle,dans la crainte

qu'ellene pensât qu'ils voulaientl'influencer, pourrendre les derniersdevoirsà celuique Dieuvenait de

rappelerà lui. Aprèsavoir marchétout le jour dans ladirectiondu Sud, la chamelles'arrêta, et s'accroupitnon loin d'un point où SidiEch-Chikhétait venusou-vent se recueilliret prier.

Sachantqu'il n'y avait pas d'eaudans les environs,les Stiteniensfurent fort embarrasséspour satisfaireàla premièredesrecommandationsdu saint homme.Usse consultèrent,et décidèrentà l'unanimitéqu'il fallaitinviterla chamelle, en y mettant des formes,bien

entendu, à se lever et à pousserjusqu'auKheneg-Bou-Djelal,ou, infailliblement,ils trouveraientdel'eaudansquelqueantractuositéderocher.Malgrélesprières,

i. CefutprèsdesruinesdeceksarquefutMtt,en18S3,ietMMte.MamcédeGef"Blé.

Page 175: Trumelet Algerie Legendaire

X~StNNCa-CBÏM i67

tes exhortationsles plus pressantes,l'animal ne bou-

gea pas. Persuadé que la bête y mettait de l'ontûte-

ment, l'un des Stiteniens levait déjà son bâton pourl'en frapper, quaudun chacalapparutsoudainà quel*quespas de la chamelle,et jeta un glapissementplain-tif que répéta l'écho. Le corpsdu saint nt, en même

temps,un mouvementqui rompit ses liens, et il glissadoucementà terre, commes'il y eût été déposépar desmainsinvisibles.Tout aussitôt,le chacalgratta le sol,et il en jaillit une sourcelimpide et abondantequi;depuis,n'a pas tari.

Les témoins de ce prodige comprirentalors qu'ilsavaienteu tort de douter, et ils se mirent en devoirde

procéderà la lotion du corpsde l'o«aMavecles eauxdecette source,laquelle,pourperpétuerlesouvenirdece

miracle,futappelée« A<MF~se~SMt-FcA-CAt&A »,c'est-à-dire« Sourcedela Lotionde SidiEch-Chikh».

LesStiteniensenveloppèrentensuitele corpsdusaintmarabouthdans sonbernous,et le déposèrentsous un

thuyapoury passerla nuit. Lelendemain,à l'heuredela prièredu /e<(/eMf(pointdu jour), la dépouillemor-telle de Sidi Ech-Chikhfut de nouveauchargéesur lachamelleblanche,quiprit, sans hésiter, une directionsud-ouest.Elle marcha sans s'arrêterpendant tout le

jour et toute la nuit, prenant les meilleurscheminsavecun étonnantinstinctqueceuxqui la suivaientne

pouvaientse lasser d'admirer. Bien qu'ils fissent laroute à pied, nos Stiteniensn'en ressentaientcepen-dant aucunefatigue.Ils n'en furentpas surprisun seul

instant, car ils se doutaient bien qu'ils ne devaientcette miraculeusedispositionqu'à la puissanteinter-ventionde Sidi Ech-Chikh.Enfin, vers l'heure de la

prière du JAoAor*du secondjour, Ns arrivèrent chez

i. Ledhohorestlemilieudujour,entremidiet uneheure.

Page 176: Trumelet Algerie Legendaire

<68 )t.'M.66M~t66BNBA!BE

tes Oulad-Sidi-Ech-CMkh, au milieu des parents et des

serviteurs religieux dusaint homme. La chamelle s'age-aouilla an centre de leurs cinq ksour; les cordes qui

retenaient sur son dos te précieux fardeau se dénouèrent

jd'elles-mémes, et elle le déposa doucement & terre.

Les Mo<M<!M' de Sidi Ech-CMkh accoururent en

foule dès qu'ils surent l'arrivée des restes mortels do

leur saint patron. Les gens de Stiten les instruisirent

des dernières volontés de leur chef vénère, et leur

racontèrent les prodiges dont ils avaient été témoins

pendant leur voyage. Une fosse fut creusée sur le lieu

même où la chamelle avait déposé la précieuse dé-

pouille du saint marabouth. Mais qu'on juge de l'ad"

miration et de la surprise des Oulad-Sidi-Ech-Chikh

quand, le lendemain, aux premiers feux du jour, ils

s'aperçurent qu'une merveilleuse koubba, celle quel'on voit encore aujourd'hui*, avait été élevée, sans

i. SetfMeMMt'e~teM-e,tes gens qui ont pria le saint pourpatron topique.

2. Cette assertion n'est pas rigoureusement exacte car lakoubba miraculeusequi avait reçula dépouillemortelle du saint,restes que, dans la crainte qu'Usne fussent profanéspar nous, leschefsdes Oulad-Sidi-Ech'Chikh–eninsurrection-avaient enle-tes et transportés au Marok en 1869 cette koubba, disons-nous,&été détruite et rasée en i88i, par un commandant de colonne

qui, dans la pensée qu'en transportant sous le bordj de Géryville ce qu'il croyait être les ossements de l'ouali, il y amène-nerait ses khoddam, ce qui était mal connattre les indigènesmusulmans, tandis que cette destruction ne pouvait, au con-traire, qu'éterniser l'insurrection.

Heureusement que, trois ans plus tard, le commandant de la

province d'Oran, plus au fait des mœurs religieuses des Sah-

riens, et aussi diplomatiquement mieux avisé, demanda et oh.tint, en i884, que cette faute fut réparée, et que cette koubbafut reconstruite sur son ancien emplacement, et sur le mêmemodèle que celle qui avait été si malencontreusement détruitepar la colonne dont nous venons de parler.

Page 177: Trumelet Algerie Legendaire

8NM EcaTcaam ~69

le secoursde la main de l'homme, sur la tombe det'illustra et saint marabouth.C'étaient,disait-on,desangesqui avaientvoulu se charger do cette besogne.Les singulièresvertusde SidiEch-CMkhrelèveronthaut au-dessus des marabouths de sa race qu'ils

tinrent a honneurdo porter sonnomet de se dire sesenfabts; c'est ainsi que, réunisen tribu, ils.se Orent

appeler, après sa mort, OuIad-Sidi-Ech-Cbikh,et se

groupèrent, autour de son tombeau, dans les cinqksour qui composentl'oasis d'El-Abiodh-Sidi-Ech-Chikh.

Levénérémarabouthavait fondéà El-AModhunezaouïa qui n'avait,pas tardé à devenircélèbreet quiétait fréquentéepar un grand nombrede savantset

jjeCroyantsqu'attiraientauprès de lui sa réputationde

sainteté, de scienceet de justice. Il constitua)&cette

zaouïa, pour subvenir à ses frais d'hospitalité,desredevances qui,'encore aujourd'hui, sont ndëlement

payéespar les descendantsde ceux qui les consen-tirent lors de leur fondation.Mais,craignant, sans

doute, que ses enfants, s'il leur laissaitle maniementdes ressources de cet établissement, n'en détour-nassent les revenusà leur profit au lieu de les em-

ployeren œuvrespieuseset en aumônes,il en confial'administrationà des Nègres affranchis.Il faut dire

'qu'à cetteépoque,les Nègresétaient, ce qu'ils sontloin d'être aujourd'hui, desserviteursdévouésfai-sant partie de la famille de leur maître, et traitéscomme tels; aussi n'était-il pas rare alors que les

grands personnageseussent plus deconfianceen eux

qu'en leurspropresenfants, et nousvoyons,du reste,

qu'aux yeux de Sidi Ech-Chikhune lignée de Nègres

t. Il s'agitdela zadahdontaoua&voaap<urt&phuhaut.

10

Page 178: Trumelet Algerie Legendaire

)~&e)6M!HË6N!M))Mi?0

valaitmieuxqu'une lignéede marabouths.Lestempssont, hélas1 bien changés, et les Nègres qui ont

aujourd'hui la garde de la zaouiaet du tombeau dusaint homme font tout juste ce que Sidi Ech-Chihh

craignait que ne Basentses descendant c'est-à-dire

qu'extrêmementavides pour recueillir les dons, cesdbid mettent très peu d'empressementà oHrir aux

pauvres et aux pèlerinsqui visitent les tombeauxdu~aM chikhet de ses enfantsl'hospitalitéqu'ils leurdoivent

H va sans ethe qu'étant l'ceuvrede Dieului-mêmeou de ses anges la koubbasous laquelle repose SidiEch-Ghikhest la merveiltede notre Sabra. C'est,en

effet,un monumentdépassantde beaucoupendimen-sions et en art architectural ceuxde ce genre qu'onrencontre dans l'étendue de nos possessions algé-riennes. Bien que d'origine céleste, cette chapellefunéraire ne saurait pourtant, au point de vue de

l'art, bienentendu, donnerla moindrejalousieà la

mosquéede Cordoue on comprendde suite et sanseffortque le Dieuunique n'a point voulu,en faisant

trop beau,dégoûterdu métier les maçonsde l'aveniret leur fairejeter le mancheaprès la truelle.

La koubba de Sidi Ech-ChiJkhpeut mesurer unedizaine de mètres d'élévation, dont trois pour la

grande coupole, qui est taillée à huit faces, et septpour la partie cubique. Auxquatre anglesde la ter-rasse se dressent de petits dômes d'ornementationdonnant une grande élégance au monument. On

pénètre à l'intérieur de la chapellepar un escalierde

quelques marches donnant accès dans une sorte de

t. Elleétaitainsiloraqne,en i86B,nousl'avonsTiaitéeaveela colonnedugém&ralDurrieu,dontnon<écornaroi6cîerd'or-d<MMMHtCe~

Page 179: Trumelet Algerie Legendaire

M.–soMMaMantH m

vestibule précédant le sanctuaire. Cette premièrepartie de l'éditiM,quiest soutenuepar des colonnes,est ornée d'une glace à cadre dore qui jure un peuavecl'affectationdu monument;des tableauxillustrésdeversets du Koran en écriture polychrome,et dontl'un représente l'empreinte des piedsdu saintmars-

bonth, composent,avec la glace, tout le luxe orne-mentalde cevestibule. Les murailles de la chambreAmérairosont absolumentnues; la terrasse de cette

partie de la chapelle est soutenue par quatrepilierss'épanouissant en arcades, et au centre desquelss'élève le tombeaude Sidi Ech-Chikh.Le <a&o«<(cer-cueil),qui est entouré d'une galerieen bois sculptéeà jour, est placé seus une tenture de mousselinedecouleursverte et jaune, terminée,dansle bas et laté-

ralement,par de larges bandesd'indiennefleurie.Des

tapis recouvrent le sol. On pourrait, sans trop de

sévérité,reprocher aux Nègresgardiensdu tombeaude les laisser par trop vieillir.

Depetites lucarnes,ne laissantpénétrerqu'unjourcrépusculairesur le tombeaude l'ouali, donnentà la

chapelte funérairequelque chose de mystérieux,quiajoute encore au sentiment d'admirationdont on sesent involontairementpénétré, en présencedes restesmortels d'un homme dont l'illustration a le dond'amener ainsi les foules de toutes les parties duSahra autour de son tombeau..

La koubbaest renferméeentre les quatrefacesd'unmur d'enceinte d'un mètre d'élévation, relevé en

pyramidionsà ses angles et sur le milieude chacunde ses cotés.

Leskhouande l'ordre secondairedeSidiEch-Chikh,ou des Chikhya,qui date de la mort du saint (i6i5de notre ère), sont très nombreuxdans toutesles tri-bus sahriennes; cet ordre comptedes amiiés depuis

Page 180: Trumelet Algerie Legendaire

~8 ~AM6)Mt!U66Et!MÏM5

les Hauts-Plateauxjusqu'au Gouraraet an Touat: teMaroka aussiun certainnombrede Croyantsqui sontjOorsde se dire ses &Ao<M«Met de réciter son <K~La fouledespèlerins quiviennent en ~a~a (visite)autombeaudusainta valu au ksar d'El-Abiodh-Sidi-Ech-ëhikh le surnomde Mekkadu désert. C'est,en enet,un va-et-vientincessantde visiteursqui accourentdes

quatre points cardinauxpour sollicitersa puissanteintercessionauprès du Dieuunique,et recueillirpieu-sement sous son tombeauune poignéede terre pouren faire desAeMfOM~talismansprécieuxne manquantjamais leur effetquandla foi despèlerinsest sumsam-ment robuste.Cetteterre possèded'ailleursdesvertusmerveilleuses, aussi bien pour garantir les ndèles

croyants de toutmal que pour préserveret guérir detoutesblessuresles animauxdomestiquesou les trou-

peaux. La profondeexcavationqu'on remarque sousle tombeaudu saint témoignede l'énormeconsomma-tion qui en est faite, de la foidesZM~(visiteurs)dansles bienïaisantespropriétésde cetteterre, laquelleest

saturée, en effet, de tous les vivifiantseffluvesqui se

dégagent, depuisdeux cent soixante-quinzeans, des

précieuxrestes du saint..L'illustrationde Sidi Ech-Chikhest d'un excellent

rapport pour ses;descendants,car il n'estpas unefa-milledansle Sabraqui ne leur apporte annuellementson.offrande,.etcelaindépendammentdesdonsen ar-'

gent et en nature qui sont remis aux Nègreschargésde l'administrationde la zaouïade Sidi Ecb-Chikb,etde l'entretien de son tombeau. Pour ces derniers,c'est,au printemps,une brebisavecson agneau,ou un

agneau seulement, suivant les ressources du dona-teur c'estune mesure de beurre et de dattes quandles caravanesreviennent du Gourara; ou bien unemesurede blé ou d'orge quandelles rentrentdu Tell.

Page 181: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. StMECa-NUKN* na

Dansbien des tribus même,plusieursfamillesaiséesse cotisentpour ôtMr nn chameau.Leshabitants des.ksour tonnent deschevreaux,et unedtmesur toustes

produits de leurs jardina. Les ksourdu Gourara et.certaines,autres tribus remplacentsouvent leur of-frande en nature par un don en argent de pareille~valeur.Enrésumé,les descendantsdesNègresqueSid!)Ech-Chikhavait chargés, à:l.'exclusiondes membres,de sa famille,d&la gestiondes intérêts de son œuvre,se font ainsi unrevenuannuelqui peut être estimedesoixante-dixà quatre-vingtmillefrancs. Aussi.vivent-

ijs largement,grassement,de leur saint*.L'héritier de la ~*a~ qui est toujoursle chefde.

la famiUedes descendantsdeSidi Ech-Chikh,possé-.dait,.avant 1864,c'est à dire antèrieurement&la dé-

tection des Oulad-Sidi-Hamza,des magasinsdans les

principauxksour de son khalifalik,.dépôtsoùii en-tassait.pèle-mêle,et sans profit pour personne, lesoffrandesen naturedeskhoddamde son saintancêtre:;c'étaientdes capharnaümsoù se gâtaient,se.pourris-saient rapidement;tous ces biens de Dieuqui tom-baient si inutilement.du ciel, et dont faisaient,un si

pauvreusageleshéritiers.indignesdeSidiEéh-Ghikha.Sidi Ech-Chikh fit un grand nombre de miracles:

après s.a mort, et; aujourd'huiencore, sa puissancetbaumaturgiqueneparaît pass'êtresensiblementanai-

Mte:Lcar,dans le Sabra, contrairementà ce~ui se.

passedansla vieilleEurope,les dieuxnesemblantpas.du tout disposésà s'en aIier;:Sansdoute,les miracles

1.Ea;p!oMt<<oadesKsouret duSabradelaprovinced'Oran,parM.le capitainedeColomb,le premiercommandantsupé-rieurduCercledeGeryvNle.

2.Voir,pourplusde détailssur les descendantsde SidiEcMMkh,et particulièrementsurlekhalifaSidHamiM-Ould-Sidi-Bou-Bekr,notrelivre«Lesf~MpaMdansleDésert

M.

Page 182: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMËMB t~ONMMRBtM

c'y ont plus le bruant/te prodigieux,le retentissent,)e foudroyantde ceuxd'autrefois mais, pour êtreplusmodestes,ils n'en sont pas moinsréels,patents,mani-

festes,indéniables:en effet,quedeparalytiquesayantMoouvrél'usagedeleursmembresaprèsun pèlerinageau tombeaudu saint que de stérilesdevenuesfécon-des que d'impuissantsredevenuspuissants! que dechameauxperdus' retrouvésque de maux guéris!quede souhaits exaucés et tout cela par l'effetévidentdel'intercessiondu saintamideDieu Aussi,quelleaversed'offrandessur la tête de ses descendants Car ils re-

çoiventtout et de toutesmains, ces saints à l'engrais,d'ailleurs si dégénérés,et ils trouventaujourd'huiau-tant devaleurau <?ourodu Chrétienqu'à celuidupluspur Musulman.A quoipense donc là-haut Sidi Ech-

Chikh,qu'il nemet pas un terme,par un bon miracle,au scandaleuxgaspillage que fait des offrandesdu

Croyantson indignedescendance,et celledesNègresaffranchisà qui il a conné la garde de sontombeau?

Sidi Ech-Chikh,nous le répétons, eut dix-huit en-

fants,dont lesplus célèbresfurent SidiEl-Hadj-Abou-Hafs,SidiMohammed.Abd-AUah,SidiEl-Hadj-Abd-el-Hakem,SidiBen-Ed-Din,SidiEl-Hadj-ben-Ech-Chikh,SidiAbd-er-Rahman.

Le don desmiraclesne se manifestapas au mêmedegré cheztous les enfantsde Sidi Ech-Chikh la tra-ditionen apourtantretenuquelques-unsattribuéspar-ticulièrementà Sidi El-Hadj-Abou-Hafs,son troisièmefils,et &son frère SidiMohammed-Abd-Allah.

i. Lapiècede5francs.

Page 183: Trumelet Algerie Legendaire

S!DIEL-HADJABOU-HAFS'1

S'il faut en croire le Mr'arbi*Aïachi,qui, faisantle

pèlerinagede Mekkadans la secondemoitiédu XVÏP

siècle, traversa,en i66i, le pays illustré par SidiEch-

Chikh,Sidi El-Hadj-Abou-Hafs,son troisièmefils, quihabitait le ksar d'Ei-Goleïàa,situé dans le sud-ouest

d'Ouargla,et qui étaitmort l'annéeprécédente,jouis-sait d'une influencereligieuseconsidérableaussibiendans le Tellque dans le Sahra. C'étaitun hommever-tueuxet d'unegrandepiété, et qui avaitpassépresquetoute sa vieen pèlerinagesaux VillesSaintes.La tra-dition rapporte qu'eneffetil exécuta trente-trois foisceluide Mekka.Cette dernière fois, il y mourutet yfut enterré. Maisson père, Sidi Ech-Chikh,obtintduCielqu'il serait renduà la vie,à la condition,toutefois,qu'il concourraità l'érectiond'une mosquéequ'il dé-sirait voir bâtir à El-Abiodh-Sidi-Ech-Chikh.

Sidi Abou-Haisaccepta la condition.avecenthou-siasme, et il se mit en route; il fit le trajet de Mekkaà El-Abiodhsans boireni manger. Arrivédansce der-nier ksar, il s'occupasans retard dela constructionde

la mosquéequedésiraitsonvénérépère,puis il mourutde nouveau,et fut déBnitivemententerréprès du ksar

Ech-Chergui,l'un des cinqksour.composantlegrouped'El-Abiodh-Sidi-Ech-Chikh.

i. Dansl'usage,Ba'Haoas.2.M)H*okain<

XII

Page 184: Trumelet Algerie Legendaire

<76 t.'AMÊMEÏ~CEMtAME

Sidi Abou'Ba&,qui, pour sa part, aimait tant tes

voyages,voûtât, unjour, contraindreson frère Abd-eI-Hattetnà se fixer &El-Abiodh.Sur le refus absolude ce dernierd'obtempérerà un ordre expriméd'une

façon si tyrannique,Abou-Hafsenchaîna son frère etïe chargea sur un .chameau, que sonintention étaitd'abandonnerdansle désert.MaisSidiAbd-el-Hakem,qui jouissaitquelque peu du don des miracles,se mit

&invoquerteDieuuniqueet à le prendreà témoindela violencequelui faisait son frère. Dieu,qui exècre

l'injustice, bienquecesoit lui pourtantqui t'ait ima-

ginée, agréalà prière de SidiAbd-el-Hakem le cha-meaufut frappédemort,les chalnesdontétait chargéela vicûmetombèrentd'eltes-mèmes,et, commeil n'était

pas tout à fait rassuré sur les intentionsde son frèrea sonégard, Sidi Abd-ol-Hakemmarcha en l'air abso-ment commesur le sol, et cene fut que lorsqueSidiAbou-Hafslui eut assuré qu'il renonçait&lé persécu-ter qdil. consentità remettre piedà terre. )

:XÏU/ j~

-~iDï,EN-~CEUR.

Nous,avonsdit, dans unedes légendesprécédentes,quele ksar de ~aghquatbavait été formédela réunionsur un seul point de tribus diversesquis'étaient.éta"Nies sur l'ouad Mzi,et qui, sur le conseilde Sidi El-

Hadj-ATca,étaient venues se groupéeautourde Ben-

Bouta,aBn de présenter plus de cohésionet pouvoir

Page 185: Trumelet Algerie Legendaire

XM. MMBN-NACBOR m

opposerune résistanceplusgêneuseaux attaquesdea

Nomades,que la nécessitéde pattre leurs troupeauxappâtaitsur les eaux de cette rivière.Ces hameaux,ainsidissémines,se nommaientBou-Mendala,Bedlaet Kasbet-Ben-Fetah.Indépendammentdesattaquesdes Nomades,les populationsde cesvil-

lages étaient entre elles en querelles incessantes,et,.le plus souvent, le sang coulaitpour la défensed'in-térêts insignifiants,et dans desproportionsquiétaientsansrapport avecla causeou le motifdu litige. Et cefat à ce point que les Oulad-loucef,qui habitaient leksar de Bedla, furent obligésd'abandonnerleur payset d'aller, en i666, fonder le ksar de Tadjmout,surl'ouadMzi.supérieur,à une journée de marchenord-ouestde Bedla.

Or, a cetteépoque,vivait, dans le ksar Ben-Bouta,un marabouthcélèbrepar sa science,par sa piété, et

par soninfluenceauprèsduDieuunique.HsenommaitSidi En-Naceur.Ce saint hommeavaittout naturelle-ment le don des miracles, et il l'exerçait surtout enfaveurdesgensde Ben-Boata.SidiEn-Naceur,quiétaitla bontémême,ne savait rien refuser, et tout sollici-teur, le petit commele grand, se retirait satisfait de.son entretienavecle saint homme.

Toutallait doncpour le mieuxchezles gens.deKsar-.Ben-Boutaaussi adoraient-ilsle saintmarabouthqueDieuleur avait fàit la grâcede diriger versle pointdu

globequ'ils habitaient, tandis qu'il eût pu s'abattretout aussi bien ailleurs. Ils ne se lassaientpas d'enlouerDieu,et c'étaitde toutejustice, car il n'étaitpointde femme stérile qui s'adressât à lui qui ne devint

féconde,point de bossuqui ne fût remis dans la ver-

ticale, point de perclus qui ne reprit l'usage de ses

membres,point de maladequi ne recouvrât lapante,pointde femmeinMèlequinerevintà la vertu,comme

Page 186: Trumelet Algerie Legendaire

<~8 t'AMÉME Ï.~CENMnœ

ai ellen'eût jamais fait quecela,point de mari qui nefut capable de donnerà sesfemmeslégitimesla partde Dieu, c'est-à-dire ce qui leur revient des faveurs

conjugales;enfin, tout le mondeétait content,tout le

monde, &l'exception pourtant du aïs du chikh de

Kasbet-Ben-Fetah,AM-ben-BeBag,à l'égard duquel leaaint marabouth s'était toujours montré inflexible,Inexorable,malgrétoutessesinstances,ce jeunehommen'avait pu obtenir de SidiEn-Naceurla moindre desfaveursdont il était si prodigueà l'égard des autres.

Or,le vertueuxmarabouth avaitunefilled'unerarebeauté c'était son orgueil, son trésor, et cela d'au-tant plus que la perfectionde son esprit, détailsans importanceaux yeuxd'Ali-ben-Bellag, ne lecédaitenrien à cellede sonvisage; c'était,en un mot,une véritable merveille.Parmi les jeunes Ksariensà

quila belleDjohorafitmangerdela cen~e ~'Ay~tele filsdu chikhde Ben-Fetahfut un desplustouchésil résolut doncde la demanderen mariageà sonpère,bien que pourtant il n'espér&tpas être plus heureuxcettefoisdans sa démarcheauprèsdu marabouthqu'ilne l'avait été dans les autres circonstances.En effet,le cruelSidiEn-Naceurrepoussaitdurementlademande

d'AIi-ben-BeIlag,et lui perçait le coeuren ajoutantfé-roceinentque sa fille était Bancéedepuis longtempsdéjàaujeuneSâïd-ben-Bou-Zahar,duksar Ben-Bouta.

Désespéréde voir sa demanderepoussée,et surtout

d'apprendreque celle qu'il adorait allait passer dansles bras d'un autre, Ali-ben-Bellagjura de sevengeret d'obtenirpar la violencecequel'impitoyablemara-bouthrefusaità sonamour.

i. Rendreamoureux.3.LesaHéset tesfemmesdesSahriensnesontgénéralement

pasvoilées.

Page 187: Trumelet Algerie Legendaire

Xm.–SïMBN-ttMECB i*~

Le jour des noces est arrivé; Ali-ben-Bellaga puréunir quelques-unsde ses amisqui, égalementamou.reux de la belle Djohora, se sont associésavec fré-nésie à ses projets de vengeancecontre leur odieuxrival, l'heureux Saïd-ben-Bou-Zahar.La nuit est

sombre, et favorableà tous les genres d'expéditionsquines'accommodentpointde la lumière les conjurésse glissenten silencevers la maisondu nouvelépoux;les matronesqui viennentd'introduirela jeunemariéedans la chambre nuptialese sont retirées.Saîd, toutfrémissantde bonheur,vient d'enleverle voilequi luidérobaitles charmesdela ravissanteDjohora,et il enest émerveillé;elle frissonnedes pieds à la tête aux

premiers attouchementsdu beau Sàïd. Quantà lui,l'amour ruisselle dans ses yeux; les emuencesquis'exhalent de ce beau corpslui montentau cerveauet

l'enivrent; sonsang bat impétueusementdans ses ar-

tères, et cettetrusion lui allumetous les sens.Elleestà lui enfin,cettemerveilleusebeautédont tout le ksar

raffole;c'est sonbien,cettedélicieusecréaturedeDieu

qui, toute tremblante,rougit déjà du bonheurqu'ellepressent; sesbelleschairsnuesvibrentsousles doigtsdeson époux,et son épidermede satindistilledéjà les

capiteusesessencesde l'amour; leurs lèvres,humidesdo volupté, se cherchentet se trouvent; les haleineset les salives s'échangent et mettent le feu partout.Maistout à coup la porte de la maison cèdesous les

coups et va tomber avecfracas dans la cour, qui estaussitôtenvahiepar les compagnonsd'Ali.Unevigou-reusepousséejette en dedanscellede la chambrenup*tiale. D'un brutal et violent mouvement,le fils duchikh détacheDjohoradesbras deSâîd et la renverseen arrière sur les tapis, puis il se précipite sur son

époux,et faitde sa poitrineune gaine à son couteau,et le coupest ai vigoureusementporté que, bien cer-

Page 188: Trumelet Algerie Legendaire

t~Mt~BtB ~QENMtHR??

tainement,8<tMne sentit point la goûtde la mort. Aliramasse Djohora évanouie, la jette sur son épaule,l'emportadans sa demeure,et la viole.

Se sentantcernépar les gensdu marabouth,qui sesont mis &sa poursuite,et ne voulantpointque Djo-hora appartienne à un autre qu'&lui, Ali lui plongedans le sein l'arme toute chaude encoredu sang deson époux. Mais les gens du marabouth sont t&; lafuiteluiestimpossible,il va tomberentre leursmains;il sesaisit du couteauqu'ila planté dansla poitrinedosa bien-aimée,s'en frappe lui-mêmeavec fureur, ettombeinanimésur le cadavrede Djohora,au momentoù ceux qui s'étaient mis à sa poursuiteabattaient la

porte de la chambreoù Ali-bon-Bellagvenait de con-sommerson double crime, et d'en~demander l'expia-tion à son couteau.

A la nouvelledo la mort de sa fillechérie,l'ipfor-tuné marabouth,tbu de douleuret de colère, ramassaune poignéede sable, et, soumantdessusdo tout son

soufSe,il lança cette malédictionsur le meurtrier ettous les siens « QueDieu,s'écria-t-il, disperseteshabitantsde Ben-Fetahcommemonsoufllea disperséces grains de sable a Leseffetsde cettemalédictionne se firentpointattendre dès le lendemain,le ksarBen-Fetahétait désert, et seshabitants,jetés soudai-nementàprès de trois cents,lieuesdeleur pays,étaienttout surprisde se trouversur le point oùfutbâtieplustard lavilledeR'adamès.Làilsavaienttrouvé,installées

depuislongtemps,quelquesfamilleschasséesdu Fez-.zan pour avoir assassinéun de leurs frères. Surprisde la brusquearrivée de gensde l'ouad Mzi,les,Fez-zanais leur demandèrentd'où ils venaient, et depuis.combiende temps ils avaientquitté leur pays. « ~ous

.venonsde.Kasbet-Ben-Fctah,où nousétionsencoreànotre dlnerd'hier?, répondirentles nouveauxatNvés.

Page 189: Trumelet Algerie Legendaire

XtH. 8MMtSM-NACKUH <8t

fi

Bien que cette réponse dut avoir lieu de laa sur-

pren<!r<t,les gena du Fexxanne !eur on demandèrent

pas davantage, dans ta crainte, sans doute, d'etra

obligés,à leur tour, de répondreà pareillequestion.C'est, du reste, ajoutait le narrateur, de cette ré-

ponse a roda am~ », diner hier, –que les gensduFexzanet les Outad-Satemt!rAraatte nomde la villedo ~'c~aM~,que,selon la tradition, ils tondèrentencommundans le courantdu X!)~sièclede notra 6ro.

Après!adépart des gensde Kasbet-Ben-Fetah,il neresta plus sur l'ouad Mit!que quatre ksour, qui con-tinuèrent&vivredans le plus parfaitdésaccord,et quifinirent,après de longuesluttes, par difparaMreopui-Sôset ruinés.

Quanta Sidi En-Nacour,le paysqui lui rappelaitlesouvenirde sa fillechérie lui étant devenuodieux,ilavait abandonnéle ksar Ben-Boutale lendemaindu

jour où il avait vidédeses gens le ksar Ben-Fetah,etil s'était dirigé dans l'Ouest sans but déterminé, etsansavoirt!xéle termedoson voyage.Enfin,mourantde fatigueet de tristesse, il s'était arrêté, après dix

jours'de marche, sur un ouad entre le ksar de Stitenet le chothth Ech-Chergui,au-dessusde Dhayet-El-Amra. Voulant vivre désormais de la vie anachoré-

tique et renoncerau monde, cette mère du crime etde la puanteur, it établit sa khetoua sur les bordsdel'ouad. Maissa retraite fut bientôtdécouvertepar les

Harar, qui ont leurs campementsde ce côté. Ils netardèrent pas &reconnattrequel'ascètequi étaitvenus'établir dans leurs sablesétait un oMe~un ami de

Dieu,et ilsen éprouvèrentunegrandejoie, car ils sa-vaient que la baraka, ou la bénédictionde Dieu,~st

toujoursavecses saints.La khelouafut dèslors le butdes pieusesvisitesdes Nomades'decette région.

Aprèsquelquesannéesde cettevie de privationset

Page 190: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMt~HR t~SRNMMRM

de prières, Sidi En-NaeeurOnit,cédantaux instancesdes Harar, par consentirArentrer dans un monde

que ehag~n M~ M avait fait abandonner,et Mnxorau milieud'eux; or, commeMedésiraientl'y rate*

nir, ils t'engagerontà se choisir des épouses parmilourafilles.SidiEn-Nactur,qui a'avait pas encored<i-

passéla soixantaine,voulutbien,pour ne pas déplaireaux Harar, reconstltuorson ~aWMïsur teabases de laloi islamiquo.De sea quatre ~btnmes,il out d'abord

quatre filles, dont l'arrivée au mondene le combla

que d'unejoie médiocre,car il savaitd'expériencolemat quedonnentet tes embarrasque causentcesdôM'cieusescreaturea. Commeit attribuait à ses femmesBeutasce fâcheux résultat, il les répudia pour en

prendre quatre autres, dont il espérait au moins unHis.SonnouveauAo~Mlui donnaitbientôt, c'est-à-dire après le temps nécessaire pour cela, quatreautres enfants,parmi tesquois,fort heureusement,setrouvait un garçon. Sidi En-Naceuren loua Dieu,caril avait reconnusa main dans ce miraculeux avëne*ment.

SidiEn-Naceurétaitla générositémémo,et toujours,observant scrupuleusementles recommandationsdu

Prophète,Mn'avait jamais manquéde refoulerle re~

gard malveillant du mendiant avec une bouchée.Aussiétait-il considèredans tout le pays commela

providencedes pauvreset des malheureux.Sidi En-Naceurmourut, à l'Agedesoixante-dixans,

en odeur de sainteté.LesHarar,enverslesquelsil s'é-tait montré si largement bienveillant,lui élevèrentune koubbasur l'emplacementmêmeoù il avaitétablisa kheloua en arrivant dans le pays. Le saint necessa pas pour cela de s'occuperde ses pauvres etdes Croyantsqui implorent son secours.Ainsi,qu'unvoyageur épuisé de fatigue, l'estomac et le me

Page 191: Trumelet Algerie Legendaire

M3XOt. 8tM EN.NACBWR

Mt<ed<vidas, s'arrête sur le tombeau de t'hoapitaMermarabouth,un murmuromonotonecommeun chantarabe leplongeinsensiMomontdansun douxsommeil

c'est, aasure-t-on,SidiEn-Naceurqui prie. Leayatemeolfactifdu Croyanta'~panonHbientôt aouaHanuence

d'appétissantsfumets sa bouchea'oMWo,et tes metsles plus savoureuxque puisse rêver la gourmandisesabrionnolui sont servis par lu saint marabouth lui-

même, dont la prière a etô exaucée.A son réveil !e

pauvre oute voyageursont ses forcesrevenueset sonestomacgarni, miraclequi prouveune foisde pluslaméritede nutreproverbe « Quidort dme F>

Plus tard, los descendantsdu saint, qui avait faitsouche dans le pays, groupèrentleurs tenteset leurs

sépulturesautour do la koubba de leur ancêtre; ilsavaient Hni,avec le temps, par formerla tribu reli-

gieusedu OuIad-Sidi-En-Naceur.La rivièrequi coule, quand il tombede l'eau,

au pied de la koubba du saint marabouth a pris le

nom, après sa mort, de « OuadSidi-En-Naceura.

4tMMOMtt,SMà pro'/iatomfaitd'unepe&udechewctu.S.Voirnotrelivre oLesffa~pa~dansle Mae<'<9' 6d~

Mon,pages248et246.

Page 192: Trumelet Algerie Legendaire

XIV

StM AM-AUOU-SAtD

Si, partant du ksar de Sidi Et-Ha<Ed-Din,nousremontonsdans le nord, en passant par le Kheneg-Et-Ar'ouîa.nouarencontrons,à deuxjournéesde marche,le ksar Et-R'acout.A cent pas en avant do Bab-et-R'arbi (porte de FOuost)s'éiëve la koubbade l'oualiSidi AM-B«u-Saïd,!o saint fondateurdu ksar, et son

puissantprotecteur.SidiAlifut un de ces marabouthsmissionnairesqui

se répandirentdans la partiedol'Algérieque nousoc-

cuponsaujourd'hui,au commencementdu XVPsièclede notre ère, soit poury porter laparolede Dieu,soit,en s'introduisantdansles ksourBerberdu Sahra, poury recruter des khouanà l'ordre de SidiAbd-el-Kader-

El-Djilani.Sidi Alifaisaitpartie despremiersgroupespartis de

Saguiet-Et-Hamra;sa zonede prédicationétait cette

partiemamelonnéedu Sahraquiest au sud du Djebel-KsaLLa missiondu sainthommeétait aussid'agir surles tribusnomadesquiavaientleurs terresdeparcoursdans cesparages,et qui emmagasinentdans les ksour

qui en sont voisins.Après avoir parcouru la régiondans laquelle il devaitopérer, le saint marabouth seQxadéCnitivemebtsur unruisseauqui étaitconnusousle nom d'ouad EMt'açout,de la présencesur les lieuxde cette argile smectique,qui est appelée également

Page 193: Trumelet Algerie Legendaire

X<V. 8tM AM'ABOe-9~ m

aavonnature ou terre&foulon.Cepointplat ausaint,et il y établitaa i{he!oua.

Sid!AMn'avait pas tardé Aedinor les Nomadespart'auaMritéde sa vie, par sa science et par son ar-dentepiété.Hane se lassaientpas d'écoutereaparolesacrée,bien que, pourtant, il prêchAt&ces groasieraBédouinsla vertuet le retouraux pratiquesreligieusesqu'ils avaient presqueent!ereme!)touMieoN.P!ustard,

quelquesmirac!esopères par le saint lui mirent ces

poputaUoMdans la main, car elles sentaient bien

qu'eHeaavaienttout Agagner avec un oualiqui avaità ce pointl'oroiiiede Dieu.

Sidi Ali ayant manifestél'intention de se marier,tous les Ouiad-Moumenqui possédaient des niies à

pou près d'&goà faire des femmesvinrent lui faireleursoffresde services;ii est de fait que d'avoirpourgendreun saint de cettevalourno pouvaitêtre qu'unebonneaffairepour les pèresqui seraientassezheureux

pour voir accepter leurs filles par le puissant mara-bouth. Commeces pères désintéressésn'exigeaientpas de dot de Sidi Ali, il profitade l'occasionpourseconstituersans retard son AaWwréglementaire,c'est-à-dire les quatre femmeslégales.Pourdécider le sainthomme à se fixer tout ta fait sur i'ouad Ei-R'acouietlui ôter toute envieultérieure de quitter le pays, lesOuiad-Moumenlui firentéiever une maisonsur i'em-

placementmême de sa kheloua. Le ksar d'Ei-R'acouiétait tbndé.Sidi Ali s'occupasérieusementde se con-stituerune descendance,et, tous les dix-huitmoisl'undans l'autre, il voyait sa maisons'accroîtrede quatrehéritiers.Auboutde quelquesannées, il comptaitunetrès respectable postérité, laquelle, en s'alliant auxBni-Zeroualet aux El-Arouath-Ksal,finit par consti-tuer une fraction religieuseconsidérable,qui s'était

groupéeautour de son saintparent.

Page 194: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM~ME t~a~tMMRiae

AvantMmort, te aaintput adm~eraon eauvreet enlouerMou plus docinquantomataonabatieaenmoMeadotepMaecheeaau aoteit levaient en amphithéâtresur la rive gauchede l'ouad Et-R'açoul;une murailled'enceintedéfendaitle ksar ontroles tentativosatM.

quentesdes écumeursdu désert,dosXagdoMs particu-Môrement,ces pirates du SahM occidental.Tantquev<!eutla saint, ces at~oux sacripants n'oa~fantriententer contre Et-R'a~oMtita 8ava!enttrop bienqu'Hane pouvaiontrien contreun saint qui disposaitde toutl'arsenalde destructiondu Dieuunique.

Ennn, char~ d'ans, et &!a tête d'une descendanceaussinombreusequecettequifutpromiseau patriarcheSidnaIbrahim(Abraham),Sidi Alifut rendu&la terredont il avait été formé.Unekoubbafuteteveosur sontombeau à proximiMdu point où le saint avait vécude la vie érémitiqueà son arrivéedans le paya,et les

gens d'Ei-R'acoutla blanchissentannuellementà tachaux quelquesjours avant la grande~a~ (pèleri-nag) au tombeaudu saint, lequeln'a pointcessé de

s'occuperactivementdos intérêtsdesa descendanceetde sesserviteursreligieux.

Un jour surtout, il en donna une preuvemanifesteet décisive.Les Zegdou,qui, pendant la vie de Sidi

Ali,n'avaientpoint osé tenter quoique ce soit sur te

ksar, crurent qu'ils n'avaientplus à se gêneravecles

i. Ondonnele nomde ZegdouauxcontingentsdestribusduSudmarokain,Dou!.Memeï,Eumour,Outad-Djetir,Bni-GuU,quise réunissaientpourfairedansl'EstdesiacUraionsqu'Hsontsouventpousséesjusqu'aupieddu Djebet-Et-Amour.Battus&diversesreprisespar lecapitainedeColomb,commandantsu-périeurducercledeGéryviMe,pourchassésjusqu'auxlimitesextrêmesdeleursimmensesterritoiresdeparcours,us parais-sentavoirrenoncémaintenantà cesagressionsqui,avant,seTMMHtvetaienttoualesMvers.

Page 195: Trumelet Algerie Legendaire

XtV. 8tM AM'AaOM-8A)fR <M

gênad'Et.R'ac<mt,quipasaaient, abondroit,pour êtrefortà leuraiae coaterriblesennemisaeprésentent doneinopinément, dès ta point du jour, devant ta haar,qu'ita inveatissentd'abord afinde n'en laissera'écbap-parameqMivive: ils étaienttellementnombreuxqu'ilsen couvraient le pays .;M8qn'arbofhon, c'ost~-d!reaMaatto!nquole regard put s'étendre. Ils no doutaient

pas quoeottor!t:heproie ne toonbAtentre !e<tramainsmaodttea,et dej&ilssepartageaientparlapensëoropu-lente dépouitt.!defl OM~d-Ët-R~outet des Ou!ad-Moumonqui ccamagastnatontdans le kaar, et ils a'en

pourléchaient!c8babines. Bien qn'!tacomptassentun

pousur leurancêtre, les aastogesn'étaient cependantpas tout à fait a touraiao car il y avaitquelquetonpsdéjàquole saint n'avait faitdo miracles,et, peut-être,avait-iloubliéses enfants.

Touta coup,et à un signaldonn~par !ochefdo ces

bandits,ils se ruent à l'attaquedu ksar dansla direc-tionde la faceouest, c'est-à-diredu côté où s'élèvelakoubbado Sidi Ali, qu'ils semblentvouloirdéfier,ces

impies nta d'impies.C'est une houlehurlante et gri-maçantede mauditsblasphémantDieuet ses saints,etavidesde sanget dobutin. Quelques-unsseulement,-tes chefs de ces hordes, sont armés du fusil à

mèche; le f'acAt(la canaille)n'a pour toutesarmesquedes d~a~es ou des ~MM<M~des <c~aM~a/*a ou de

simplesAeM!'aoMa<un certain nombrebrandissaientdes mzarey,espèce de javelinesdont ils se servaienthabituellementcommede lances.

Quant aux gens d'Et-R'acouI,ils avaient préparé,

t. Espècesdemassuesayantleurgrosbontgarnideclous.8.Crocspourenleverdubutin,oupourharponneret désar-

çonnerlescavaliers.3.Triques.

Page 196: Trumelet Algerie Legendaire

<<? !MÉME )h<!6EM)A<t)R

pour la défensede !eursmurantes,de t'eau bouiManteet du sable chauOaà une température très élevée

qu'ilsse disposaient&verserou à répandresur tes as-saillantsau momentoù ils tenteraientl'assaut desmu-railles. Hommes,femmes,enfantsen couronnaientle

sommât,et tes guerrierstesplusjeuneset tesplusbm.vosétaient chargés de ta dotenaedes doux portesdet'eat et de l'ouest, aiftSiquedo quelquesbiches qu'onavait négligede reparer. Lesdescendantsde StdiAli-

Bou-Saïd,commeon leur supposait plus d'inHuenca

qu'à tous autres sur leur saintancètre, furentchargésde ie prier do venirau secoursde ses serviteurs.

Uétait temps, car les Zegdouallaientarriver à hau-teur de la koubbadu saint marabouth; ilssemblaientune tburmiïiere,tant ilsétaient nombreux,et ils com-

mençaient&insulter les assiégés,qui leur répondaientpar des malédictions.Mais,o prodige! au momentoùces réprouvésn'étaientplusqu'a quelquespasdu piedde la muraille,et alorsqu'ilscroyaienttoucherau but,une colonnede feu jaillit en simant du tombeaudusaint marabouth, se précipita commeun torrent aumilieu des Zegdou, qui, bientôt enveloppéspar les

flammes,ne formaient plus qu'un iNmense brasieralimentépar leur peau et leursbernousgraisseux, etd'où s'exhalait une odeur fétidede chair et de lainebrûiées. Les gens d'Et-R'açoutpouvaientapercevoirleurs ennemisse livrantà d'horriblescontorsionsdansleur enveloppede feu, et goûtant par avancedes sup-plicesde l'Enfer,auquelils étaientd'ailleursdestinés.Les hurlements qu'ils poussaient,métésaux crépita-tionsdes flammes,formaientun concerthorriblement

étrange et plein d'une terriSante grandeur; chaquehommeétait unetorche qui flambait,et que le vent,qui faisait rage, courbaitviolemment,hâtant ainsilacommunicationdans cette masse rôtissante,dans ce

Page 197: Trumelet Algerie Legendaire

X<V. StBt AU'ABW-SA~ i80

n.

brasier in~rnal de corps humains en combustion.

Quelquos-unsde ces Xegdau,qui étaient parvenus &

s'échapperdu goufFradoOammesdanslequelilsétaient

plongés, cherchèrent &s'enfuir dans la directiondeleurs campements;mais, atteints par les langues defeu qui les poursuivaient,ils no réussiront qu'à com-

muniquerl'incendiea ieuratentes,qui,en unclind'to!fupeMtenUerementconsumées.

LesOuïad-Et-R'acou!se mirant à louerDieuet leurfa!nt patron du secours inespéréqu'Htew avait ap-porte dans cette circonstanceditHOte,et ils se feK-citèrent hautementd'en être quittesa si bon marché:car, en dënnUivo,teseut désagrémentdontilsauraient

pu avoir à se plaindre,c'étaitceluid'être infectespen-dant plus ou moins longtemps, surtout quand levent soufflaitdo l'ouest, par l'atroce odeur qui se

dégageaitdes corpsde ces Zegdou,bienque pourtantMsfussentcalcinésjusqu'aux os. Mais,en résume, ils

préféraientdo beaucouples voir en cet état quede lessentir vivantset anamésde butin, du leur surtout.

Voulantreconnattre solennellementl'immenseser-viceque leur avait rendu SidiAli-Bou-Saïd,leur saint

patron et protecteur, les gens d'El-R'acoulet les No-madesqui déposaientleurs biens dans ce ksar déci-dèrent à l'unanimitéque la koubba de roMcKseraitblanchie extraordinairementau lait de chaux, bien

qu'il n'y eutpas encoreun an révoluque cette opéra-tion avait été faite.Quoiqueleur saint, de son vivant,n'aimât ni le gaspillage,ni la prodigalité, ils suppo-sèrent que, pour cette fois et en raison de la circon-

stance, il leurpardonneraitleur somptuosité.Quantaux Zegdou,cette leçonleur avait sum sans

doute, car jamais ils ne revinrent se frotter au ksar

Ei-R'acouI.

Page 198: Trumelet Algerie Legendaire

S!Dt NAÎL'1

Les terres de parcours des nombreusestribus no-madesdésignéessousl'appellationcollectived'OM~-Nail sontcomprisesentreBiskra,Bou-Sàada,les d)ebal(montagnes)Sendjas,Sebaa-Rouset Oukit,la limitede la province d'Oran jusqu'au djebel Serdoun, !e

djebel El-Eumour, Laghouath, l'ouad El-B~ediet

Touggourt.Maisces limitessont loin d'être absolues,et lebesoinde pattre leurs troupeauxobligeles popu-lationsnomadesde les dépasser, soit au nord, quandla sécheressea rongé les fourragesdu Sahra, soitau

sud, quand les pluiesy ont fait pousser l'herbe, née

presqueinstantanémentsousla Tratcheurd'une ondéebienfaisante.C'est dans ces immensesespacesbossuesde dunes

que se meuvent les descendantsde SidiNaïl,l'un dessaints les plus illustres de notre Sabra algérien,et le

premierauteur de ces ravissantes créatures de Dieu

i. L'oxcellenteétadedeM.l'interprètemilitaireArnaudsurtes Oulad-Nailnousa étéd'ungrandsecourspourfixerplu-sieurspointsdela légendedessaintsNaHiens,quenotrecon.teur avaitiaissés,soitpar ignorance,soit pour touteautrecause,dansuneobscuritéenlevantunegrandepartiedesoncharme la tradition.Grâceau consciencieuxtravaildu sa-vantinterprète,nousavonspu rétablirdanstouteleurinté-gritéles faitsmiraculeuxquenotref<MMÏ(narrateur)avaittronquesoualtérés.

XV

Page 199: Trumelet Algerie Legendaire

XV.–StMNAtt. <M

qu'on appeMeles Naïliat, tesqueites, de tout temps,ont joui du don funeste d'incendier tes ccaara dea

Croyants,voiremontede ceuxquine le sont pas.Sidi Naît était de noblessereligieuse; il descendait

an Mgnedirectede MontaIdris-el-Kebir,celuiqNiJatales premiersfbndcmQnt~duroyaume de Fas, et quiétait de la descendanced'Ali, le gendredu ProphèteMohammed.Sidi NaMétait donc cAeW/~et il pouvaitprouver par sa cAe~<K'a(arbre génoatogiqM)qu'Métait nobleà vingt-douxdegrés en remontantjusqu'auProphète seulement,ce qui lui faisaitdéjà un nombredequartiersassezraisonnable;mais,commeil lui étaiton ne peut plusfacilede remonterla chatnedu tempsjusqu'au premierhomme, notre seigneurAdem,on voit de suiteà quelchinre vertigineuxde cesquar-tiers celamenaceraitde nousconduire, si l'on remar.

que que LouisXVI,qui n'était qu'au vingt-neuvièmedegré depuis Robert-le-Fort, en comptait pourtanto36,870,9i2.

D'aprèslatradition, SidiNaïlserait né&Figuig,versl'an iS65de notreère. Lors de l'expulsiondesMores.de l'Espagne, il était gouverneurde la provincede

Sous non loindelaquellese trouvaitla célèbrezaouïado Saguiet-El-Hamra,foyer religieuxd'où, nous le

savons, s'élancèrentles marabouths missionnaires

qui entreprirentd'introduirel'élément arabe chez les

soupçonneuxBerberou Kabilsquihabitaientles mon-

tagnesdu Tell et les ksour du Sabra, et deréveillerlafoimusulmanedansdes contréesoùellen'avaitjamaisétébienassise.C'estévidemmentdans la fréquentationdes saints marabouthsdu SudmarokainqueSidi1~1

puisacesprincipesdepiétéqui, plus tard, lui valurent

t. Pt<~Meeltuëesw !actttc ccctdeaMeduMaN~.

Page 200: Trumelet Algerie Legendaire

<!? t.'AM~MK~CK~AtBE

une réputationdesaintetédont il jouit surtoutdans lesdernièrest~~néeade aa vie.

La traditionrapporteque SidiNaîtétait fortbienen

cour, et que sonsouverain, te sultan Haçan,le tenaiten haute estimeet eonsidétation,et ce fut à ce pointque degraves diMerendss'étant élevésentre Maroket

Tùnis, et lesdeuxsultans ayant résolude s'en remet-tre au sort desarmes pour vider tour querelle,HacanOt choixde Sidi Naîtpour lu seconder,en qualité de

premierlieutenant,danscette lointaineetaventureuso

expédition.Lesultan marokainenvahitdonc,à la têted'unepuissantearmée, les possessionstunisiennesparle Sud; maisil fut battu, et il périt dansla mêlée.SidiNaîtparvint à réunir quelquesdébris de l'armée dusuUande l'Ouest; mais, craignant que le successeurde Haçan ne lui imputât un désastre danslequel sa

responsabilitéétait bien un peu engagée, Sidi Naîl,disons-nous,décidéà ne point rentrer au Marok,ré-solut de se fixer à Blad-Mendas,dans les montagnes.des Flita, où il fut bientôt rejoint par sa familleet parsa nombreuseparenté.

Unjour, SidiNaïleut l'imprudencededescendredansla plaine, avecune partie de sa famille, pour traiter.avecles Flita d'un achat de blé dont il avait besoin

pour la nourriture de la fraction qui s'était groupéeautour de lui; mais, enflammésspontanémentpar lescharmesirrésistiblesdes fillesde Naflet de ses com-

pagnons,cesgrossiersFlitiens,qui,enfait de femmes<,n'avaientjamais rien vu, même dans leurs rêves, desi séduisant et de si parfait, ne voulurentlivrer leurblé qu'autant que les Narliens leur laisseraient en

échangequelquesexemplairesde ces ravissanteshou-ris. Indigné de cette proposition,SidiNaMrefusa desouscrireà cehonteuxmarché des fillesde cherifsàcésmangeursde glands! Vraiment, ces KaMIsne

Page 201: Trumelet Algerie Legendaire

xv. amiSA)t <M

doutentderien1 SidiNaï!,disons-noua,levasoncampsana retard, M voulant pas rester un instantde plusau milieud'une populationsi enrontémentimmorale.En quittant le pays desFlita, le chef des Oulad-Naïls'écriaitavecune amertumequi attastait toute la pro-fondeurde la puretéde ses mœurs a L'immoralitéetl'abjectiondesgensdu Mondasont atteint un tel dévo-

loppementque l'étenduede mon regardne saurait en

apercevoirles limites. Mieuxvaut l'existencepénibledu &oM-&ta<fAas,quivit dans les saMes,que Mondasetson Me.w

En quittant!epays desFlita, SidiNaïl, accompagnede tout son monde, avait pris unedirectionSud,qu'ilsuivit longtempssans trouver un pays qui ie satisfit

complètement.Pourtant, El-Atba,près d'Aïn-Er-Rioh,dans le sud de Bou-S&ada,parut lui conveniret rem-

plir les conditionscherchées H s'y fixa, du moins

temporairement,sans trop demanderle consentementdes fractionsqui s'y étaientinstallées,et qui, du reste,n'y avaientqu'un droit de priorité.

Cependant, quelques années plus tard, Sidi Naïl

s'aperçut qu'Ei-Atban'était pas tout à fait encore le

pays qu'il avait rèvé il remontavers le nord,dans ladirectionde Sour-El-R'ouzIan',et se mit à la recher-che d'une contrée plus riche en herbages, en terres

t. Lebou-hiadhaest unpeUt!ézardquivitdanslestouffesde~MeHta~planteduSahraqu'onrencontreplusparticulière-mentdanslesterrainssalants.

2.Lorsqu'unchefprenaitpossessiond'unpâturage,Mn'em-ployaitd'autreformalitéquede faireaboyersa meute.Lerayonsonoredecetteproclamationtraçaitaussitôtceluid'undomaineinterditauxtroupeauxd'alentour.(S&MM-OT,NM4"«<<MArabes.)

3.Pointsur lequelnousavonsbâti,en iM6,lavilled'Au-mate.

Page 202: Trumelet Algerie Legendaire

t,*AM6)MEjLËNEtMMMtE<M

cultivableset en eaux. C'eston explorantla valléedel'ouadRl-Lahmque la mort le surprit sur l'ouad Sbi-

cob,afHuentde ce premier cours d'eau. Sa dépouillemortellefutdéposéesur lepoint mêmeoùil avait ceaaéde vivre,et la piété de ses descendantslui élevaunekoubbasur sontombeau.

Pendant sa vie terrestre, Sidi Naît eut beaucoupàsounrirde l'injusticeet de laméchancetédeshommes;aussi ne lé leur a-t-Hpoint pardonne, mêmeau delàdu tombeau.Enenet, il ne tolèreautour de ses restes

mortels que la <~epoui!!ede jeunes enfants, et pourcette raison qu'Usn'ont pu encore ni connattrele pè-che, ni persécuter leurs contemporains.Et c'est telle-

ment vrai que, chaquefoisqu'ona tenté d'enterrer un

hommefait près de la koubbade l'implacableOMO~la terre en a rejeté le cadavre,ou eUel'a engloutisansen laisserla moindretrace.

Sidi Naïl laissaquatren!s Ahmed,Zekri, lahya etMeiik.A l'exceptiond'Ahmed,qui mourutsans posté-rité, les trois autres'et leursdescendantsdevinrent lasource desnombreusestribusquicomposentlagrandefraction des OuIad-Naîl.Cependant,un accidentcon-

jugal arrivé à Sidi Naïl, hélas1lessaints n'en sont

pas exempts! a fait éleverquelquesdoutessur l'au-thenticitéde la descendancede l'illustre et pieuxche-rif. Voicicommentles chosesse seraientpassées un

jour, dans les dernièresannéesde sa vie,ilsongeaavecune certaine terreur que, lui, descendantdu Prophète,n'avait.point encore accomplile pèlerinage au tom-beau de sonillustre ancêtre, pèlerinagequi est d'obli-

gation pour tout bon Musulman,car le Prophète ad « Accomplissezle pèlerinagede Mekkaet la visitedes LieuxSaints A sonâge, il n'y avaitplus à re-

1.LeKoran,sourateïï, verseti92.

Page 203: Trumelet Algerie Legendaire

X~. 8!M NAM. iCS

culer, car h mort pouvait te surprendred'un jour àl'autre. HsodécidadoncAse mettre en route pour lesVillessaintes et respectées.Avant d'entreprendre ee

voyage,qui pouvaitêtre fort long,Sidi Naît connasafemmeet ses enfantsa SidiMolik,qui était son ami etsonconfident.Le saint hommepartit ensuitetout afaitrassure sur le sort de sa maisonpendantson absence.

Maisles jours succédaient aux jours, et les moisaux mois,et pourtant Sidi Naïlne revenaitpoint, nine donnaitde ses nouvelles;sa veuve,tout naturelle-ment, se persuada que son saint époux avait renduson âmea Dieu; ce fut aussi l'avis de SidiMelik,qui,

nous ne pouvons le dissimuler, brûlait d'uneflamme criminelle pour la femme de son ami. Du

reste, le bruit de la mort de Sidi Naïl courait depuislongtempsdéjà dans le pays; on prétendaitqu'il avaitété apporté par un <~c& arrivé récemmentd'Orient.Sans se donner la peine de prendre des informations

plus précises,la belleCholiha,presséepar Sidi MeMk,a qui, dit la légende,elle avait donnédéjà quelquespreuves de son amour, consentità devenirsa femmetout à fait. Mais,au bout de trois années d'absence,Sidi Naïl revint à l'improvisteet sans s'être fait an-noncer. En faisant le comptede ses enfants, le sainthommene fut pas sans s'apercevoirqu'il en avait unde plusqu'à sondépart, et quel'âge de cettecréature,mêmeen exagérant de beaucouple tempsqu'elleavaitd4 passer dans le sein de sa mère,ne lui permettaitguère de s'en attribuer la paternité. Après cela, il

pouvait bien y avoir là un miracle Dieuest si bon

pour ses serviteurs!Quoi qu'il en soit, SidiNaïl, quidétestait le scandale, reprit sa femmesans faire lamoindreallusion à cette augmentationde personnel,.et il considéracommesien l'enfant dont le Cielavaitenrichisa demeure.

Page 204: Trumelet Algerie Legendaire

<B8 t*A)MËHtË~~A~

Quantà SidiMelik,il n'avait paajugé à proposd'at'tendreles explicationsqu'aurait pu lui demandersonami aw la multiplicationqui s'était opérée, pendantsonabsence,danssa progéniture il avaitdisparu, et

jamais on ne aut ce qu'il était devenu.Les intéressésdans cotteaffaire cherchèrentMon

démontrerque la belleCheUhaétait avecla ~ea~ aumomentdu départ de SidiNaîtpour le pèlerinageauxVillessaintos; pourtant, !a possibilité du «~ow del'enfant pendant près de deux ans et demi dans lesentraillesde sa mèretrouva quolquosincrédulesdansles tribus voisines.Mest indubitablequele fait n'est

pas commun;« mais, en résumé, disaient la femmeet les enfants de Sidi Nan,Dieuno fait-il pas ce qu'ilveut?e Quoiqu'il en soit, et dans la crainte do com-mettre une erreur d'attribution, on nomma reniant

litigieuxMetik-ben-Naïi.Aussi,quand tes populationsqui avoisinentles tribus de la descendancede ce der-nier veulent les injurier, ne manquent-elles pas deles traiter dédaigneusementd'Ouiad-Melik,dénomina-tion qu'ils ne supportent d'ailleursque très dinicile-mont.

Sidi Naît avait vécu encorequelquesannées aprèsson retour de Mekka.Sa réputationde saintetés'étaitaccrue considérablementpar son longsé;our à la DitAllaha. 11avait, en outre, visitél'Egypte et la Syrie,et il avaitpu entrer en relations avecles plus savants

théologiens et les plus remarquablesjurisconsultesmusulmans,dontil avait suiviles doctesleçons.Aussi,

t.Expresa:onpar laquelleles Arabesexprimentqu'unefemmeestenceinte.

2.LaJtfatMMdeDieu.C'estle templede la&<Ma,&Mekka,dontla fondationest atMbuée&Abraham,aidéde sonfilstsmaM.

Page 205: Trumelet Algerie Legendaire

xv.–taMt!~ i$T

aa scienceet sa profondepiété lui avaient-eMesmé-rité le don dos miractea.Dieu,qui l'avait comMddeaea favours,lui avait accordé,entre autres, unesortede double vue qui sensibilisaità ses yeaxtes choses

Incorporelleset immatériattes;ainsi, commeSidi AM~Et-KhaotMuaa',dunt parle l'illustre ch~h Ëch"Cha-rant, il voyaitdans l'eaude la p!acinooù desCroyantsfaisaientleurs ablutionsavant la prière les fautesquiy tombaient,et qui leur étaient pardonnees.« Je n'ai

jamais rien rencontréde plus Mpousaant,répétait-ilsouvent, que ce qui venait dea individusqui, avantlours aMations,«'étaient livrés à la pédérastie,ou quiavaientnoirci l'honneur des autres, ou donnela mort&quelqu'undont Dieua ordonnéde respecterla vie.

Sidi Naît avait aussi la facultéde voir, sous uneformomatorioHo,los actes ou œuvresdes hommes,etd'enreconnaitrelesauteurslorsquecesactesou<auvresmontaientau ciel. Il lui était égaiement donné de

distingueriea actionsmauvaisesque commettaientles

gens dans leurs demeures, et ii disait au coupable« Repens-toido telle ou tello action coupable.» Et le

pécheur,qui se sentait découvertjusqu'au fondde sa

conscience,se repentaitet faisaitpénitence.Enfin,Sidi Naïl lisait dans l'avenircommedansun

livreouvert.Celan'a rien qui doivenous surprendre,puisqu'ilétait en communicationdirecte avecle Pro-

phète.Ainsi,il prédisaitles accidents,les événements,les épidémies,les disettes, la mort d'un sultan, et ja-mais il ne se trompait dans ses prédictions.Pour endonner un exemple Quelquesjours après son retourà Aïn-Er-Rich,il rencontre un individu portant unsuaire pour un chikh d'une tribu voisinede ses cam-

i. Voirta traductionde la Balancemusulmane,par M.leD'Perron,pourcequiconcerneAti-El-Khaouoaas.

Page 206: Trumelet Algerie Legendaire

Ma ~AM@MKt.ËMSMMS

pements, lequel était à l'article de la m<M~a Rem-

porte eosuaire,lui dit SidiNaM,le ehikha encoreseptmois vivra. a Et il en tut ainsi qu'fl l'avait annonce.

Commeà tousles saintsquijouissentdu dondepre-science,il lui était interdit de pénétrer, pour ce qui le

conoornait.dans tes secrets de l'avenir. Le Dieuuni-

que avait vu, sans doute, dos !nconven!ent8dans larévélationà ses élus du sort qui les attendait. Peut-être eu8Mnt-s cherche &modifierleur doatindo,et,commec'était écrit, ils eussent ainsi obligéles angeschargés de la cotnptabiiiMdivinede faira des raturesou des aurehargessur le Uwo des Décretséternels.Nous devonsdire que cette opinionnous est entière-ment particulière, et qu'elle ne s'appuie que sur unesorte de logiquehumainequi, probablement,n'a pasle moindre rapport aveccelle d'en-haut, ïi est clair

que tout le monde se sera fait la reRexionsuivante« Mais,puisqueSidi Naïiy voyaitde si loin, pourquoine s'est-il pasaperçude ce qui sepassaitchezlui pen-dant son absence?»Nousvenonsde répondreà cotte

question par notre hypothèse. M nous serait faciled'en hasarder une autre tout aussi terrestre que la

précédente,et de dire que, par cette raison que nousne pouvonsdistinguer notre nez que d'une manièreconfuseet fort imparfaite,bien que cependantil soitbien près de notre csii, de même il se pourrait que,par analogie, ce fut à cette proximité de ce qui lestouche personnellementqu'il conviendraitd'attribuerle manquede prescienceet de pénétration qu'on re-

marque chez les saints relativementà ce qui les con-cerneparticulièrement.Mais« 0 ~MaAoMaM~CMOMo,

Dieulà-dessusen sait pluslongquenous.Sidi Naïl ne craignait ni le scorpion,ni la vipère

cornue,bienquela morsuredecette dernièrefut mor-telle. Souvent,cesanimaux,qui sont si communsdans

Page 207: Trumelet Algerie Legendaire

XV. MMNAÏt. ~9~

le Sahra, venaient se réchauffer dans ses bernous

quand il était couchédanaaa tonte,et jamaisilaneluiiaieaiontaucun mal. Quand on M demandait com-ment il s'y prenait pour échapper&la piqûreon a lamorsurede ces espèceavenimeuses,il répondaittout

simplement « C'estque j'ai la ftarmocroyancequ'uncérastenemord personneai Dieune lui donnel'enviede te faire, et ne lui dit danale langage doaa divine.

pM!aaanM«Va près d'un têt, et mords-Ioà têt en-a droit du corps, ann qu'il deviennemalade,ou qu'it« pordo la vue, on qu'il meure, » La vipère ne vadoncmordrequi quece soit sans qu'il n'y ait volontéet permissionde Meu.»

Enfin, après avoir opcrô do nombreux miracles,SidiNaïlterminasonexistenceterrestredansla vaMêede l'ouad Ei-Lahm, ainsi quo nous l'avons dit plushaut, et sa depouiitomortellefut, aoionsavolontésu-

prême, déposée sur le lieu mêmeoù Dieuavait jugéconvenabledp marquerle termedosa vie.

Donombreuxpeterinsvisitent,deux fois par an, letombeaudo SidiNaïl, et ses descendantsy amuentdetous les points des espaces immensesqu'ils se sontsuccessivementattribuéscommeterrains de parcours.

Bienque les mo9ursdes OUesdes Oulad-Naïln'aient

pas, généralement,la puretédu cristal, SidiNaïin'enest pas moinsextrêmementbon pour elles, bonjus-qu'à la faiblesse car il est rare qu'il n'exauce pasleurs vœux, bien que, le plus souvent,ils aient pourmobilela satisfactionde leurs intérêts charnels.Maisle saint a assez fait, à ses dépens,l'expériencede la

fragilité de la vertu fémininepour ne point être dis-

posé &pardonneret &oublier. Aussi sa koubba est-elle extrêmementfréquentéepar les femmes et lesfillesdeses descendants,lesquellesont toujoursquel-que chose à demanderau saint fondateurde la tribu.

Page 208: Trumelet Algerie Legendaire

SOO ~AM)a<MB!eB!WA<aE

Uncertainnombredesdescendantsdu saintontjouidu dondesmiracles,et, choseMxawe,ceMeprdoiauso~edM s'eat surtouteotUnM~edans!ad~eeadainaedeSidiMe~h-ben-Naï!,t'ea~mtqMeCheMhadonna&sonsaintépouxavecla collaboration, presMmee, deSidiMolik.Nouaciterons,parmiceuxde cessaintsquisontarrhes &la aétebrMe,SidiSa!em.hen~d!-Me!tb,SidiAbd-or-Mahman-ben-Satem,sonats~8!diMaham.

med-ben'Abd-e~-Rahtnan,et SidiTameMr-ben-Maham-med.

LaMgendenenousa conservéte souvenirqued'unsoutmiracleope)~par le dernierde cesaaintsmara-boutha.

XVï

S!M

MAHAMMED-BEN-SIDI.ABD-ER-RAHMAN

La causedes guerres incessantesentre tes Sahri ettes Outad-Naîtétait la possessionde la Sebkha-Zar'ezet des piantureus prairies qui entourent ce lacsaté. Il faut dire «dssi que le monopolede la fourni-ture du sel aux tribus sahriennesprésentaitun avan-

tage quin'était point à dédaigner.Pendantde longuesannées,ces richesses mirent tes armesà la mainauxSahri et aux tribus zaréziennes.LesOutad-Naïtatten-

dirent le momentopportunpour fairevaloirleurs pré-tentions ils ne doutaientpas que cesluttesachaméeaentre tes populations que nous venons de citer ne

Page 209: Trumelet Algerie Legendaire

XVt.–Stm maANMBB'MS'MM-AM~ER-BAaHM! ~<

Unissentpar les user, les épuiser,et les mettre, à unmoment qui ne pouvait plua guèreM faira attendre,hera d'état de leur opposer une réaietanceaérieuse.

Malgréce que ce calcul pouvait avoir de machiavé-

lique, ? n'en dénotaitpaa moins,de la part deaOulad-

NaM,unecertaine habiletépolitique.LesSahri, en Bnde compte,avaientréussià avoir raisondeleuraadver-sairea xaraxieMet & tes expulser de ta Sebkha. Un

incident, que nous allons rapporter, nt tombercottericheproieentre lesmainsdes Ouiad-NaH.

Un jour, Sidi Mohammod-ben-Atya',marabonttttvénéréqui vivaitau milieudes Sahri, fut pris de t'en-vie de renforcer son AaWtM,devenuincompletpar ledivorcede t'unode ses femme! en demandanten ma-

riage la Mited'un riche propriétairede troupeauxdeta montagne.Sademandefut rejetéeavechauteur, etsansmémoquole père de la jeune<!itedaignàt mettredans son refus les ménagementsauxquelsavaitdroitle saint marabouth,et que, d'ailleurs, lesplus simplesconvenanceslui prescrivaientde ne point négliger.Sidi Mohammed,on te comprend, fut sensiblementfroissédece grossiermanque d'égardsà son endroit;aussi résotut-ii de se venger. Il ne trouva rien de

mieux, pour faire payer aux Sahri le refusoffensantdont il avait été l'objet, que de vendre le Zar~ezaux

Oulad-Narl,moyennant quarante brebis tachées de

noir, un chameau, deux sacs de blé, quarante cha-

c~fo', quaranteaiguilleset deux~'e~aM*C'étaitpourrien. Les tribus les plus voisinesdu Zar'ez l'occu-

pèrent sans retard. Les Sahri essayèrentbiende s'y

i. Plusieurssaintspersonnagesontportécenom.2.Calottedelaineoudetissufeutrédecoutcurrouge.3. Sacaentissusdehdnepourle transportdeadatteaoudes

céréales.

Page 210: Trumelet Algerie Legendaire

SM ~AM~MEt~e8NMA!RtS

opposer,<naiaMaturent battus à plate couture,et ilsdurent 8'eatitnertrès heureuxquetes vainqueursvoit-ïuasent bien na paa lea expulserde teura montagnes.

Sidi Mahammed-ben-Sidi-Abd-er-Rahmanfut unhérosdont les prouessesrappellentles tempschevale-

reaqueaou antéia!amiques,et la traditionlui attribueles actionslesplus témérairementsurprenantes;que!-ques-uns de ses exptoita rentrent aussi dans ladomainedes faits aurnaturots.Ainai,dans une aNairecontre les Sabri, la victoireflottaitincertaineentre lesdeux partis le combat avait commenceaprès la

prière du/<CM~(pointdujour), et, à rheura de celledu moghreb(coucher du soleil), elle n'était pointencoredécidée SidiMahammedétait resté en prièressur une colline dominant le champdu combatet ne

paraissait point se préoccuperle moinsdu mondedusort des siens. U sortit tout &coup de son extase,demanda leurs chapelets aux cavaliers qui l'entou-

raient, et dont les chevaux,ivresdo poudre,piaffaientd'impatience depuis le commencementde la lutte enattendant le signal de fondre sur l'ennemi.Le saintmarabouthae mit Aromprele cordonqui retenait les

graina de son chapelet, et, ô miracle& chaquegrainqui tombait &terre, c'était un

guerrier qui tombaitmortellementfrappé du côtéde 1 ennemi.Au boutde

l'égrenagedu troisièmechapelet,trois cents cadavrea

jonchaientle sol, pareilsà des gerbesdana un champmoissonné,et un grandnombrede chevauxsans cava*-Ueraerraient en tourbillonnantsur le lieude la tutte*La terreur des Sahri était d'autantplus intensequeleurs morts ne portaientpas trace deblessures;seule-

ment, leurs visages avaient noircisubitement,et lescadavresexhalaient une odeur insupportable.Aussi,tous ceux qui n'avaient pas succombés'enfuirent-ils

épouvantés dans la direction de leurs montagnes,J

Page 211: Trumelet Algerie Legendaire

XVt.–SMH MABAHHE!t-B8t<'StB!-ABthBK-NMt!tMN803

s'empressant de chercher un abri contre cet ennemiinvisible qui leur faisait éprouver de s! enroyableapertes. Mane doutèrentpas qu'ils n'eussenteu affaireà une armée de <~MOMM(génies)queSidi Mahammedavait prié Dieu de mettre à sa dispositionpour lescombattre. Ce prodigetit grand bruit dans te paysetbienau delà,et les Sahrine s'avisèrentplusdeprovo-quer un saint pouvantdisposerd'une telle puissance,et étant aussi avancé dans la familiarité du Dieu

unique.Uneautre fois,ce furent les Rahman,les Bou-Aïch,

les ZenaHtra et les Mouîadatqui essayèrent de dis-

puter à SidiMahammedl'une des parties les plus fer-tiles du Zar'ez. Ces tribus avaient pris position aKorirech, c'est-à-dire sur le terrain même qu'euesconvoitaient,entre la Sebkhaoccidentaleet rAïn-Ei-

Bsiça.Lescavaliersdes goams ennemisétaientaussi

nombreux,d'après la tradition, queles étoilesdu ciel,et la plaine,sur une étenduequeno saurait embrasserle regard, était couvertedoleurs contingents.Lesuc*cèsdes tribus confédéréesparaissait assuré car c'est&peine si toutes les tribus réuniesdesOuiad'Naïl,dumoinsde cellesqui avaientleurs campementsà proxi~mitédu Zar'ez,auraient pu mettre sur piedun pareilnombre de cavaliers;et puis, d'ailleurs, cette incur-sion dea tribus du nord de la sebkhaétait une sur*

prise que rien n'avait pu faire prévoir,puisqu'onétaitsinonen pleinepaix, tout au moinsen pleinetrêvedesdeuxcôtés.

En présenced'une invasionaussi formidablequ'elleétait imprévue,lestribus des Oulad-Naïlne pouvaientsonger à la résistance, et elles s'apprêtaientdé)à a

i. CottSngemtade cavaliersarabeslevéspour unecircon-stancedeguerre.

Page 212: Trumelet Algerie Legendaire

S<M t.'AM6MB~SËKMtRBt ~r

a'eatbneepdansJeSud,îorsqae SidiMahammed,suivide dix guerriers do la ~«~t c~tA~t (fraction des

Preux), apparut tout &coupau milieudes tribus,quidécampaienten déaordre, et leur ordonna d'aller

rejoindre leurs emplacements.Maigrela réputationd'héroïsmedes Preuxqui suivaient Sidi Mabammed,les Outad-NaMne purent s'empêcherde penaerqu'ilpouvait y avoir quelque téméritéde leur part à mar-cher à la rencontred'un pareil nombred'ennemis,etce n'est qu'aprèsse t'être fait répéterune secondefois

qu'ils se disposèrentàaller reprendreles campementsqu'ils venaientde quitter.

Sidi Mahammedet ses dix compagnonspiquèrentdroit sur le djebelOuâchba,et escaladèrentla pointenord de cette montagne, qui dominait toute l'armée

ennemie,laquelleavait pris un ordre de batailled'au-tant plus vicieuxque, dans le cas d'une retraite,que, sans doute, elle n'avait pas prévue, elle cou-rait le risque d'être jetée dans le Zar~ez,auquel elles'était aussi maladroitementqu'imprudemmentados-

sée or, it est extrêmementdangereuxde traverser la

Sebkha, surtout pendant la nuit, car on y a vu descavaliers disparattre presque instantanément,eux etleursbêtes, dans des trous vaseux

En arrivantau sommetde la croupe qui comman-

i. Ontrouvedansle ~ar*Mdeux<e6<!&A(étangssatés)quisontditas~MAade ~EMet Sebkhade l'Ouest.L'eaude cesétangsesttrèschargéedeselqueleurapportentlesrivièresquiy amuent.L'évaporationspontanéede ceseauxlaissesurlefonddechacunedecessebkhaunecouchedeselquis'élèvejusqu'à0**<0centimètresd'épaisseur.Nousavonsdit,danslalégendede SidiAïca-Mahammed,dansqueUecirconstances'étaitproduitela sourced'eaudoucequ'onrencontresuri'MotduMokthà-Et-Bjedian.

LeZar'ezdel'Esta 36kilomètres<~longueureart4delar-

Page 213: Trumelet Algerie Legendaire

XV!8<M NA~AMME~WEM.SM~AM.ER.BABMAN

M

dait la positiondes contingentsconfédérés,Sidi Ma-

hammed,qui était de premièreforceen tactiquemili-

tain, comprit de suite le parti qu'il pouvaittirer decette dispositionvicieusede ses ennemispour rendreleur défaiteplus complète.Mattenditdoncle coucher.du soleilpour opérer.

Ducôté de l'ennemi,tes aBairesneparaissaientpasmarcher avec tout l'ordre désirable cette grandelignede cavaliersondulait,Mettaitsans directiondansla plaine; on sentait que l'unité de commandementfaisait défautdanscettemassede cavalerieon ne peutplus irrégulière.Chacundeshaïds, en elfet,voulait ycommanderet opérer pour son propre compte, afinde garder pour son contingentla part du butin qu'il.comptait conquérir. Il y avait là aussi les pressésetles prudents,et la catégoriede cesderniers paraissaitla plus nombreuse,car ce n'était pas sans une cer-taine appréhensionqu'ils allaient s'attaquer à SidiMahammedet à la terrible fraction des Preux. Mais,nous le répétons,ils espéraientsurprendreles Oulad-Naïl et, la razia opérée, rejoindre rapidement leurs

campements.Dèsque le jour fut entré dans la nuit, SidiMaham-

med, se tournant vers ses compagnons,après quiilseurent fait ensemblela prière du mo~t'e~ s'écria,radieux et l'oMien feu Enfants! ces nls du péchésont à nous! a Les ~R~/e se doutèrent bien qu'ils'agissait de quelquemiracle,car ils ne voyaientpascomment le saint pouvaitavoirraisonde cettemassede cavaliers;mais,comme ils avaientété lestémoins

geurmoyenne;le&ur'ezdel'Ouesta40kilomètresdelongueursori4delargeurmoyenne.

C'estsurtoutdansceadeuxlacs salésqueles caravanesviennents'apptoviatonnerduselquiestnécessaireà leursbe-MhM.

Page 214: Trumelet Algerie Legendaire

t,'AM)ÈMBtËOENMmBS09

de choses<mmoins aussi extraordinaires que celle

que leur annonce le aaintmarabeuth,ila n'hésitèrent

pas un seul instant a ê)waconvaincusque ces nis deSatanétaient, en effet,à Mec.

Sidi Mahammedportait toujoursM bandoulière,etsans son fourreau,un sabre d'une formeparticulière,qui, déjà, s'était abreuvéjusqu'à t'ivressedu Mag deses ennemis; ce sabre, exaetement semblableà ceM

que le ProphèteMohammednommait <boM-< et

qui, à sa mort, passa à son gendre Ali,était à deuxlames divergentes vers la pointe. Sidi Mahammed

prétendait bien que c'était le sabre même du Pro-

phète, et un grandnombre de sespartisansou contri-bules n'en doutaient pas, malgréquecette nobleori-

gine de son arme manquât pourtant d'authenticité.

Quoiqu'il en soit, quand, dans uneaffaire de sang, lesaint guerrier mettait le sabre à la main pour selancer dansla mêlée,l'ennemiétait frappésubitement

d'épouvanteet prenait honteusementla fuite.Maintes

fois, on an avaitvu des exemples.Nousl'avons dit, les querellesentre les chefs des

diverscontingentsennemis,pour savoirà qui revenaitle commandementgénéraldesgoums,leur avaientprietant de temps que la nuit était arrivée avant qu'ilseussentpu se porteren avant; mais,commeils étaient

réunis, ils ne voulaientpoint attendrejusqu'au lende-main pour tenter l'aventure. Le momentleur parais-sait d'ailleurson ne peut pluspropicepour tombersurles OnIad-NaÏi,surtout s'ils voulaientconserverà leurmouvementle caractère de la surprise car ils sem-blaient persuadé);que ceuxqu'ils se proposaientd'at-

taquer n'avaient pas eu connaissancede leur arrivéesur le Korirech. ]Eneffet, leurs chouaf ne s'étaient

1.DecA~Hava.–C'estaim~qaeaomtdéMgnéeteaéctatrears.

Page 215: Trumelet Algerie Legendaire

XVt.–8tM NABAMMB!)-eE!<-S!D!-ABB-EN-MBMAN30'!

encoremontresnuNopart. Danstousleacas, te~Outad-Natlmanquent du temps nécessairepour organiserla résiatance, et les contingentsconfédérésavaient,tout au moins, l'espoir de les surprendreen marche,et chargésde tousleurs biens. C'estainsique raison-nait le kaïd des Mouîadat,qui, dans la réunion deschefs de fractions en conseilde guerre, avait été ap-pelé à donnerson avis sur l'opportunitéde l'attaque.

Lesconfédérésparvinrentcependantà se mettre en

mouvement,mais chaque goum marchant&peu prèspour son compte,et dans un désordre parfait. La di-rection généraleparaissait être la valléede l'ouad Nt-

Hadjia,où étaient les campementsles plus importantsdes Oulad-Naïl.Ils approchaientpleinsde sécurité,eten songeantauxgras troupeauxquiallaientinfaillible-

ment,pensaient-ils,tomberentre leurs mains; ils ap-prochaient, disons-nous,du djebel Ouachba, sur lesommetduquel se trouvaient Sidi Mahammedet sesdixcompagnons,circonstancedontles goumsn'avaient

pas mêmele soupçon,quand, tout à coup,un éclair,ayantla formesi'connuedu sabredu saint,sillonnaleciel de fulgurantes lueurs, et, en même temps, unevoix paraissant venir d'en haut, pareille à celle du

tonnerre, et retentissantecommele sonde l'éclatanteet terrible trompette qu'emboucheral'ange Sraul au

jugementdernier, cette voix,disons-nous,nt entendrecette terrifiante menace « 0 maudits fils de mau-dits1 'retirez-vous1 où je jure, par Dieu,que je vaisdébarrasser de vos charognesinfectesle dos de voschameaux1 »

Acetteimmenseet aveuglantefulgurationquivenait.inonderde ses feux la plaine bossuéede dunes dans

laquelle se développaientles goums,et qm, se répan-dant sur la surfacede sel de la sebkha,s'y réfléchis-sait commedans un vaste miroir, les chevauxs'arre-

Page 216: Trumelet Algerie Legendaire

~AM~BtR MSaENMMɧ?

tèrent épouvantés.Quelquescavaliers, des espritsiSMfta, essayèrentdo les pousseren avant, mais Hs

répondirent&leurseNbrtapar descabrera,desrenver-sés et des volte-face.La plupart de ces animaux se

pelotonnèrent, se ruèrent les uns contre les autrescommeun troupeaude moutonspris do panique, et,les naseauxet les yeuxdilatés, ils se mirent à soumerd'unemanièreétrange.Auxpremièresparolesdusaint,renroi s'était mis dans les amea les mieux trempéesles cavatiersavaientreconnu cettevoix terribledont,pourla plupart, ils avaientdé~aéprouvélesdésastreuxenets SidiMahammedétait donclà, et avecdes forces

supérieuresaux leurs peut-être; les guerriers de lafractiondes Preux, dontchaque coupde sabre parta-geaitunhommeendeux,allaientinévitablementfondresur eux avecla violenced'une trombepousséepar le

~«eMt~cet irrésistiblevent du désert,et les dispersercommeil le fait desgrains dosabledesdunes.Ajoutezà cette effroyableperspectivela puissanced'un amide Dieuayant à sa dispositiontous leséléments,que,sans doute, il allait liguer contre eux. Ils commen-

çaient déjà à reconnaitrequ'ils avaient eu tort de selancer aussi inconsidérémentdans une pareille aven-ture.

Désquele saint eut achevéde lancersur les goumsennemissoneffroyablemalédiction,ils commencèrentà tournoyer sur eux-mêmes,puis ils se débandèrent.

par tronçons,et s'enfuirenthonteusementà travers les

sables, et dans une direction absolumentopposéeàcellequ'ils avaient prise pour allermangerles Oulad-Naïl. Commele saint l'avait prévu, leur mouvementderetraites'étaitopéréversla sebkhaoccidentale,dans'

laquelle,croyantavoir toute la fraction desPreuxsurleurs talons, ils s'engagèrent,affolés,à une allurever-

tigineuse.La plupart de ces cavalierss'y engloutirent

Page 217: Trumelet Algerie Legendaire

XVt.–sm NAMAHHEMtEN'Stm-ABB'NM'ABMAN3M

12.

et y disparurent,boteaet gens. Unpetit nombreseule-ment de ces imprudentsagresseurspurent retoindreleurs tribus, et y raconter les fa!ts merveilleuxdonti!s avaientfailli être tesvictimes.

Les échoadu Zar'e!5répétèrentpendant sept joursles malédictionsdu saint.

« Si, ajoute Je narrateur, par une nuit claire vousmettezl'oreille &terre sur la rive sud do la Sebkha-.

Zar'ez,vous entendezencorete tintementdeacAa&M*contre les étriers, et les imprécationsdes cavalierscontre leur vainqueur,Sidi Mahammed-ben-Sidi-Abd-er-Rahman.H

Uneautre fois, te mômeoualieut raisondes Turks,qui voulaientexigerdes Outad-Naïtte payementd'une.

capitationannuelle,impositiona laquelleils refusaientobstinémentde se soumettre.LesTurks, renforcésparles tribus makhzenou auxiliaires,étaient venusposer,¡leur campsur teZar'oz,résolusde demandera la force,ce qu'ilsne pouvaientobtenirautrement.

La colonne turke était formidableet vigoureuse-mentcomposée.Sidi Mahammedétait loin de pouvoirmettreen ligne desforcessunisantospourpouvoirlut-ter avantageusementcontreles mattresdu Tell; mais,heureusement,sonrépertoiredestratagèmesétait loind'être épuisé,et puis, en cas d'insuccès,il lui restait

toujoursle recoursà l'aidepuissantedu Dieuunique.Mais,cette fois, il n'en eut pasbesoin.Selonson habi-

tude, le saint opéra à la nuit close il attenditquelesTurkset leursauxiliairesfussentendormis,puis,ayantfait envelopperun chevald'un vêtementde halfa des-

séchée,il y mit le feu, et le lança tout alluméau mi-

lieu de leur camp.En un clin d'œi!,l'incendies'était.

t. Éperonsarabes,se composantd'unetigedeferpointuelonguede15oui6centimètres.

Page 218: Trumelet Algerie Legendaire

t*AM6MEt~C~)BA<ME~0

eommun!qu<(&toutes les tentes un grand nombred'hommeapériront dans tes nammes, et la colonnon'ont que le tempsdo prendrela fuite, en laissant aufoutons sasbagageset ses approvisionnements.

Bienquece atratagômerappellepar nn de MacôMscelui qu'employal'H6breuSamsoncontre loa Philis-

tins, il n'en produit pas moinsnn eCfetconstderaMeanr les Turkset sur lestribusmakhzendu Tithri,tenraauxiliaires.

Quelques-nna des nombreux descendantsde Sidl-Naît signalèrent leur passagesur la terre par des mi-raclesou par des actes d'héroïsmerappelant t'epoquede nos paladins.Citertousles exploitsdesmarabouths

guerriersde cettedescendancenous ontra!noraittroploin. Nousnous bornerons,pour terminer la légendedes saintsNaîHens,à rappelerquetquestraits de la viede SidiTameur,qui était un des filsdo Sidi Maham-med-ben-Sidi-Abd-er-Rahman.

XVI!

SIDI. TAMEUR-BEN-StDI-ABD-ER-RAHMA~.

Sidi Tameur, qui naquit de la troisième femme de

Sidi Mahammed-ben-Sidi-Abd-Er-Rahman, la ravis-sante Oumm-Hani, et qui fut le fondateur de la tribu

de ce nom, s'illustra par de nombreux actes de dé-

vouement, et par une piété transcendante qui lui valutle don des miracles; Sidi Tameur fut un des saintsles plus populaires des Oulad-Naïl. Il appartenait a

Page 219: Trumelet Algerie Legendaire

XVt!. –MM TAME<m-BEN-MM-A)Mt-EH'!)ABMAN 8M

r<me de ces fractions MMlitaateaqui fowMMntune

sï longuesuite de héros, parmi lesquelson citait dé~ade BONtemps Hoceïaet Abd-ea-Selam,qui, parleurspreuMMS,avaient valu à la fraction des Oulad-El'

R'erbi, de la tribu des OuIad'R'ouïni,le glorieuxsur-nom de NexleteM~t~a, fractiondes Preux.

L'espritbelliqueuxdesOuïad-Naï!,joint à leur besoinde s'étendre, ne toadisposaitque trop à chercher,pardea agressionscontinMeUes,à lasser la patience destribus qui les avoisinaient,et à les amenerà prendrelos armespour tAcherd'en finir avec leurs turbulentsvoisins. A cet effet, toutes tes tribus qui avaient eu

ptuSou moinsà souffrirdes incursionsdes Ouiad-Naïtsur leur territoire firent alliance entre elles, et leurdéclarèrentla guerre. N'ayant pas prévu cette redou-table coalition, et no se sentant pas assezforts pourlui faire tête, les Oulad-Naïlse retirèrent devantleursadversaires,non sans se promettretoutefoisde pren-dre leur revanche dès que les circonstancesle leur

permettraient.Pour se mettre plus promptementà l'abri de l'ar-

dentepoursuitedes tribus confédérées,les Oulad-Naïlse dirigèrentvers le djebelBou-Kahil,véritablelaby-rinthehérisséd'obstaclesde toutenature. Ils s'étaientà peine engagésdans une des gorgesde ce payscon-

vulsé,qu'un immenserocherà picvenaitleurenbarrersubitementle passage.LesOulad-Naïlétaientperdus,car cet obstaclene pouvaitêtre ni franchi ni tourné:massésen désordreaufonddecettegorge,il leurétait,en outre, impossiblede faire usagede leurs armes, etl'ennemi était sur leurs talons. Ils commençaientà se

repentir d'avoirattiré ainsi sur leurs têtesle malheur

auquelilsneparaissaientpaspouvoiréchapper,quandSidiTameur,sa dépouillantde sonbernous,le roulaetle lança avec force contre le malencontreuxrocher,

Page 220: Trumelet Algerie Legendaire

<MatmE ~e~oAMts8i9

taquets'ontr'euvrit avecJ~aeas,et livra ainsi passageaux fuyards,qui a'v engouNrarentdans un pelo'molo~pouvantaMe.PourproMserla retraitedes t~hMSn~

lionnes,et !8Mrdonnerle tempsde a'enf~ncerdans la

montagne,Sidi TameHr,avec raide de quelques-unsdes Preuxde sa tribu, défenditle miraculeuxdéfiléle

tempsqu'il avaitju~enécessairepourmettreleaOulad-NaMhors des atteintesde l'ennemi.Malheureusement,it paya desa vie sonheroïqMeddvouement,Mest horado douteque son heure était arrivée, et que Dieuavaitvouluen profiterpour lui iairc la faveurde luidonnerla mort des martyrs.

Mva sans dire que les Oulad-Naïlne tardèrent pasà se reconstituer,et que, bientôt, fondant sur leurs

vainqueursdessommetsou ils avaientétablileurs re-

paires, ils purent prendre leur revancheen leur infli-

geant &diverses reprises des pertes crueMes,et enfaisant sur eux un butin considérable.Ce fut en les

attaquant séparément qu'il triomphèrent définitive-mentdeleurs voisins,et qu'Uspurent s'étendredansleSahra sur les territoires qu'ils occupent encore au-

jourd'hui.

Page 221: Trumelet Algerie Legendaire

XVH!

SH)tMAHAMMED.BEN-ALYA'1

Aprésentquenousconnaissonslesprincipauxsaintsdea Oulad-Naït,occupons-nousdu plus illustre e«aKde !eu<ainfortunésadversaires, les montagnardsdu

djebelEs-Sahri,populationquia pris le nom de cette

montagne,et qui a ses campementsau sud du Zar'ezoriental.

Sidi Mahammod-ben-Alyaest d'originecherifienne,puisqu'ildescenden lignedroite du SultandesSaintset du Prince des Parfaits, l'illustrissimeSidi Cja<ar-ben-Hocetn-benMohammed-ben-Abd-ol-Kader-El-Dji-lani, lequel,commenous le savons, naquit, vécut etmourut à Baghdad dans le vf sièclede l'h6gire, leXH"de l'ère chrétienne,et fut le fondateurd'un ordre

religieuxqui comptedes Ithou«n(frères)dans tout le

pays musulman.Le grand-père de Sidi Mahammed-ben-Alya,Sidi

Ahmed-ben-fbrahim,sortit de Baghdad,accompagnéde ses trois frères,vers la findu VIU*sièclede l'hégire(XV* de l'ère chrétienne), et parcourut l'Afriqueseptentrionale. Après avoir visité successivementTlemsan,Oudjda,Fas et Merrakech(Marok),il fut tuéà Asmil,dans les environsde Sfidj,par des soldats

t. Cettelégendea éMrecueilliepar.M.l'interprètemilitaireArnaud,et citéedansun intéressanttravailsurla tribudesSahri.

Page 222: Trumelet Algerie Legendaire

!AM~NM~a~NMMBM4

MM'oMnaauxquelss'étalent jo!n~ deshommes des

Oulad-Ha~an.Abd-el-Kader,un de ses Ms,eut de son

mariage avec Meriem-bent-Nahal,de la tribu des

Sahri, où il était venu se fixer après la mort de son

père, deuxniaqui furentnommés,l'un Khomouï!them,et Fautre Mahammed.Le premier fut tué par ïea

Sahri; la tradition,reste muette aar les causeset ïeacirconstancesde aa mort. Quant au second,Maha<n-

med, tout jeune encore et laissé sans aoutiea par lamort de aon frère, il fut recueilli par une d~oMM(vieillefemme)do la tribu deaBou-Aïch,Atya,qui luidonna aonnom, et auprès de laquelleil restapendantsept années.

Quandil fut d'âge à pouvoir voyager, il quittasamèreadoptivo,la Bou-Aïchia,et se rendità Merrakech

(Marok),où il se marià. Plus tard, il revintdans les

Sahri, où sonorigine,sa scienceet sesvertus,lui don-nèrent bientôt une grande in~uencesur ces monta-gnards, lesquels, il faut bien l'avouer, n'établis-saient pas alors une très grande différenceentre lebien.d'autrui et le leur, et jouaient volontiersdu cou*teau pour un oui, pour un non. En définitive,c'étaitune mauvaisepopulation. D'ailleurs, Sidi Ben-Alyan'avait pas oubliéque ces Sahri avaienttué son frère

Khemouîkhem;aussi s'était-il promisde se montrerà leur égard d'une sévéritéexcessive,afindelesrame-ner au sentimentdu juste et de l'injuste et au respectde la propriété. Quelquesmiraclesqu'opéraSidiBen-

Alya, car il avait le don desmiracles, avecassez

d'opportunité,lui mirent les Sahri tout à fait dans lamain. n put doncdès lors accomplir,sanstrop de dif-

Ncultés,la réforme qu'il avait entreprise dans lesmoeurset dans les habitudesde cesgrossiersmonta-

gnards.Déjàsa réputationde sainteté s'est répandue dans

Page 223: Trumelet Algerie Legendaire

XVIII. 8<MMANAMMEC-BEM-AMA a<s

tout le payset parmi les tribusnomadesqui ont tours

campementsautour du Zar'ex c'est ainsique lesBou-

Aîch,tesArbaAet tant d'autres,lui apportent d'abon-dantes et copieusesz<at'a en nature et en argent, Ilest vrai que l'oMa~Ben-Alyasavait reconnattre les

pieuxprocédésdes Motesen leurdonnantde la pluie,dans te Sabra, c'est du beau temps, des patM-

rages pour leurs troMpotmx,una postérité raisonna-

Me, et son puissant socourapour taire réussir tesraxiaaqu'Uspouvaientavoirà tenterdotempsà autresur leurs voisins.Bref,Sidi Ben-Atyaétait devenula

providencedu djebel Mechente!,et l'amour que leshabitantsdocettemontagneprofessentpour leur saint

protecteur et intercesseur ne tarda pas à tourner &

FidoMttie,au fétichisme.SidiBon-A!yas'est fixédéfinitivementchezlesSahri,

et s'y marie raisonnablement,c'est-à-direqu'it secon-tente de deux femmes,Zinobet Fathima,lesquellesluidonnenthuit fils.Lescinqprovenantdufait de Zineb,Ameur, Mbarek,Mohammed,Sahya et Et-Had),for"ment la souchedes fractionsdesOutad-Ben-Alyacefurent des gens suffisammentvertueux, craignantDieu,et vivant grassement de la sainteté de leur vé-nèrepère.Quantaux troisfilsdeFathima,Aïca,Rabahet Yahya,ce ne furent que des gueux,des gredins,quine donnèrentque de médiocressatisfactionsau véné-raMeet saintauteur de leursjours.

Mais,pour prouverque nousn'exagéronsrienenles

1. JH<M'asignifievisite, pèlerinage au tombeau d'un saint. On

désigne également sous ce nom les offrandeset cadeaux qu'ap~portent aux saints marabouths les Croyants qui désirent obtenir,par leur intermédiaire, les faveurs du ciel. La ~MtMtest un

impôt volontaire qui n'est pas sans analogie avec celui que,sous le nom de <Kme,nos pères payaient aux frères des ordresmendiants.

Page 224: Trumelet Algerie Legendaire

t.'Ata~M8 H~EMBAMBate

gratinant de ces épithètes, nouavoyons raconter ïo

tour indignequ'ila osèrent jouor à Jour raspeetahie

père. Un jtour,ayant à ensiler des graina provenantd'oSrandasdeziara, SidiBen-Alyademanda aux troisM doFathimadevenirl'aider dansceMopénible,maisintéressantebesogne; or, cas trois vauriens,q~ofati-

guaientdepuislongtempsles reprochesincessantsde

tour père,et qui avaientconçul'horribleprojet de s'on

défaire, ces trois sacripants, disons-nous,qui pensè-rent que l'occasionqu'ils cherchaientne pouvaitêtre

plusbelle,acceptèroutla propositionavec un enthou-siasmemal contenuqui auraitdu donnerà réfléchirausaint car, habituellement,ce n'était qu'en rechignantqu'ils accueillaientles ordres ou les prières de leur

père; mais, dans tous les temps, il y eut des pèresaveuglesà l'égard de leurs enfants. Mschargent doncles chameauxde ~aff contenantles grains,et ils se

dirigentvers les !n<AaaWou ilsdoiventêtre déposés.SidiBen-Alya,sansdénance,se fait descendredans lesilo pour s'assurer de l'état dans lequel il se trouve.Pendantqu'il était au fond,procédant&son examen,ses trois Mis,sur un signe d'Aïça,l'alné, se hâtent de

déchargerles trois chameauxet de viderles six sacsde grainssur leur infortunépère, qu'ilsenterrent!itté*ralementsous le poidsde leur contenu.Auxcris, aux

plaintesdu vieillard,ils répondentpar des rires indé-cents et par des plaisanteriesd'un goût douteux, ettoutau moins déplacésen pareille circonstance;puisils ajoutent encoreà leur forfaiten dansantautour dusilo, et prêts à repoussercelui qui leur avait donnél'être, ce dont il s'était repenti plus d'une fois,

i. Sacaen laine,Mrvamtà transporterBoitlesgrains,soittesdattes.

2. Si!os.

Page 225: Trumelet Algerie Legendaire

XV<)). POa MABAMNE!t-BEN-At.YA 3t7

13

a'Mparvenait &se dépêtrer do sa jfaeheuseposition,hypothèsequi n'était guère admissible car ce n'était

pas&sonAge,avecplusde 300kilogrammesde céréa-les sur son pauvre corps, qu'il pouvait tenterune pa-reilleentreprise.Aprèsavoirattendu unbonmoment,dansle mômeétat d'allégresse,au bord dusilo,et rien

n'ayant bougéau fondde cette fosseà céréales,ils en

conclurent,le sourire aux lèvres,qu'il étaient débar-rassésde leur père, et ils eurent l'infamied'en expri-mer toute leur joie par des danses et des chants quidémontrèrentque, du côtédu cœur, ils avaientêMex-trêmementmal partagés.

Maisces trois parricidesparaissaient avoir tout àfait oubliéqueleur saint hommede père possédaitledon des miracles, et que, pour lui, c'était le cas ou

jamais de faire usagede ce précieuxprivilège.Aussi,au lieu desortir du silopar son orifico,SidiBen-Alya,qui trouvait, sans doute, le moyenpar trop primitif,s'était frayéun cheminsouterrainement,et était allédéboucherà un/tt~e&A (parasange)delà.

Aprèsun pareil crime,le saint hommeeut été auto-risé à détruire ses trois scélératsde His,et, bien cer-

tainement, personne n'y eàt trouvé à redire; mais,nousle répétons,SidiBen-Alyaétait père, c'est-à-direfaible il ne voulut point s'en défaire; il se contentade lesfaire appelerdevantlui et de les maudireen cestermes « Enfants d'esclavevotre infamie mourra

t. LapafNKM~eestunemesureitinérairequi,chezles an-ciensArabes,valaitquatremiUesdetroismillepaschacun.

LesSahrimontrentencore,à20kilomètresN.-E.deDjejfa,le silodanslequelfutenterréSidiBen-Alyaparsestroisfils.Il setrouvesurle borddela routequiaboutità Griga.Il senommeBir-El-Hemam,lepuitsdesPigeons,àcausedesnom~breuxpigeonsquis'yréfugient.

Page 226: Trumelet Algerie Legendaire

Ï.'M.SJËME~ttBNMMEâM

avec vous!? Ce qui signifiaitclairementqu'ils n'au-raientpointdepostérité.En en~et,cestroisgarnementsUnirentmal, et, malgréleurs effortspour conjurertes

conséquencesde la malédictionqui pesait sur eux, ilsne purent parvenirà se procurer la moindredescen-dance.Nousne perdrons pas notre tempsà les plaïn"dre.

SidiBen-Alyan'était point fâche de montrer à ceuxde ses collèguesquivenaientle visiter toute l'étenduede sa puissancethaumaturgique.On ne peut h nier,il avait ce genred'amour-propreà un degrétrès pro-noncé. Un jour que les illustres Sidi Zeyan,SidiMa-hammed-Es-SahihetSidiNadji-ben-Mahammed,étaientvenus lui rendre visite,il leur proposaune petiteex-c&Miondans une partie du Sahra qu'ils ne connais-saient pas. Lessaintsmarabouthsacceptent.Mais,aubout de deux ou trois jours de cette promenade,Sidi

Bcn-Alyaavoue,avecun certainembarras,à cesvénè-res collèguesqu'il est égaré et qu'il ne reconnaît plusson chemin. Or, il avait attendu, pour leur faire cet

aveu, l'heure la plus chaude de la journée, et juste"ment au momentoùles trois saints venaientde mani..testerle désirdese rafratchirun peu, car ils mouraientde soif. Sidi Ben-Alyales laissa se plaindrependantquelquesinstants, puis il finit par leur dire qu'il se

repent dé les avoirentratnésdans desparagesqui luisont inconnus,et cela d'autant mieuxque rien autourd'euxnerévèlelaproximitéd'unesourceoud'un~'<Krt.i

Il serait dur, à monâge, de mourir de soif», fit re-

marquerSidi Zeyan,qui était encorejeune. Sidi EssSahihet Sidi Nadji ne paraissaient pas non plus très

rassures; aussi lestrois marabouthscommençaient-ilsà se regarder avec inquiétude. « Vousavez peut-être

i. (SternenaturelledansleS&hMt.

Page 227: Trumelet Algerie Legendaire

s~saMNABAMHEMNEtt-AMfA ai9

été un peu léger, ô Monseigneur permettez-moidevous le dire, continuaSidiZeyanen s'adressantaSidi

Ben-Alya,car, lorsqu'on ne connait point un paya,ondoit tout au moinséviter les distractions. Mon-

seigneurZeyan est parfaitementdans le vrai, ajoutaSidiNadjiaveconction,en léchantd'un regard sévère

Sidi Ben-Alya. Dieu, que son saintnomsoit glo-riné! n'aurait pas l'aSreuxcouragedelaissermou-rir de soifsesmeilleursserviteurs,répondit SidiBen-

Alya en riant dans sa barbe. Rassurez-vousdonc, 6

Messeigneurs1 et buvez a votre soif a L'o~aHdesSahripiquait enmêmetempsle sol de sonbâtonferré,et il en jaillissaitune eau qui, sans exagération,avaitla pureté du cristal, et qui était aussidouceau godtque celle du puits d'Aris,à El-Medina,après,bien en-

tendu, que le Prophètey eut craché.A la vue d'un tel prodige, les trois saints, qui igno-

raient que la spécialitéde faire jaillir des sourcesHt

partie du lot de miraclesdont le Tout-Puissantavaitdonnéla jouissance à Sidi Ben-Alya,les trois ouali,disons-nous,se mirent à louer Dieu. Maisils repro-*chèrent doucement au marabouth des Sahri de lesavoir mis dans une faussepositionvis-à-visde lui, enles faisant douter des bontés de la Providence.Quoi

qu'il ensoit,ils burentà gosierqueveux-tu;et, commeil était l'heure du <~oAo~ils Brent leurs ablutibnset

la prièrequi les suit. Sidi Zeyan ne pardonnajamaisde mauvais tour à Sidi Ben-Alya.Quant à la source,ellen'a pas tari depuis c'est celle qu'on nommeEl-

Mengoub et qui setrouveau sud dela Sebkha-Zar'ezde l'ouest.

Un autre jour, Sidi Ben"Alyaétait allé visiter son

1.Ondonnelenomdemengoub&an puitsenformed'en"tonnoir.

Page 228: Trumelet Algerie Legendaire

aao t'AMËMEt~CENDAMB

aaintcollèguede l'ouadN-Djenan,au sud de Sonr-Ei-R'ouzian,Sidi Mahammed-hen-Aïca,qui fut l'ancêtredu Oulad-Sidi-Aïca-Ehel-El-Guethfa.Après une con-versation très intéressante sur la façon dont l'EspritdeDieuavaitété jetédans la viergeMeriem(Marie)parl'intermédiairede l'ange Djebril,Sidi Ben-Alyainter-

rogeaSidi Aïcasur ce qu'il aimait le mieuxparmileschosesqui n'étaient point hors de sa portée, et aux-

quellesil pouvaitatteindre.SidiAîcalui réponditqu'ilaimait beaucouples biens'de ce monde, et ceux del'autre aussi, ajoutait le saint de FouadEt-I~onan.Us

étaient, à ce moment,à Tamezlit,oit son hôte avaitdresséses tentes.La terre s'entr'ouvritaussitôtsur un

signe de SidiBen-Alya,et se mità vomiren abondancedesvaleurs monnayées.Bien que stupéfait,SidiAïçaput néanmoinscharger deux chameauxdes richesses

qu'elleavait dégorgées.Dansun voyageque fit Sidi Ben-Alyaau djebelEl-

Eumour, il avait remarqué, avec un sentiment très

prononcéde tristesse, que non seulementle tombeaude l'illustre.et vénéré marabouth Sidi Bou-Zidavait

disparu, en s'enfonçantsous terre, prétendaient les

gens du ksar de ce nom, maisqu'en mêmetemps les

pratiquesles plus élémentairesde la religionet la foimulsumanen'étaient plus chezeuxqu'à l'état de lettremorte. D'unmot, SidiBen-Alyafit reparaître le tom-beau de l'oMaKdu djebelEl-Eumour,et sa parole ra-menala foiet la piétéparmi les habitants du ksar. La

garde dutombeau de Sidi Bou-Zidfut conCéeaux

Oulàd-Kacer,qui l'ont conservéependant très long-temps.

Depuisquelquesannées, SidiBen-Alyaavait forméleprojetd'allervisiterlesBni-Mzab,qui sontschisma-

tiques.Espérait-illes ramenerà l'orthodoxie?La tra-ditionn'en dit rien. Quoiqu'il en soit, cesKhouamès

Page 229: Trumelet Algerie Legendaire

XVBt. StM MABAMMEB-BEN-AMA aai

l'accueillirentparfaitement,et le traitèrent avec toustes égards dus à sonillustrationet au degréqu'il oc-

oupàitsur l'échelle des saints musulmans.Sidi Ben-

Alyaen fut tellementtouchéqu'avantde lès quitter illeur nt la prédictionsuivante «Désgoumsennemisfondrontsur vousavecla rapidité del'éclair,mais Hase retireront avecune rapidité pinsgrande encore,aCequi signifiaitprobablementqu'us étaientinattaqua-bles. LesBni-Mzabfurent tellementravis, à leur tour,de la prédictiondu saint que, pour perpétuer le sou-venirdeson passagedans leurpays, ils construisirent,à Argoub-Chouïkat,une AetOMf~asur l'emplacementoù il avait dressésa tente.

Uneautre fois,étant en tournée pastoralechez les

Oulad-Mimoun,unejeune femme,menacéedu divorce

par son mari pour cause de stérilité persistante, vintse précipiteraux piedsdu saint marabouthen lui de-

mandant,avectous lesaccentsdudésespoir,demettreun terme à une situation qui non seulementla cou-vrait de honte,mais qui, en outre, luivalait le méprisde sonmari. Touchéde ses larmes et de son chagrin,le saintla renversasur le sol, s'étenditsur elle,et l'in-sufflaen lui appliquant ses lèvres sur les siennes.La

jeune femmeressentaitimmédiatementles doulèursde

l'enfantement,et mettait au mondeun garçonqui fut

appeléDir-es-SIougui nomquiest encoreaujourd'huile sobriquetdes Oulad-Mimoun,ouMouamin,fractiondes Sahri.

Sidi Ben-Alyan'avait rien à refuser à ceux de sessaints collèguesquinejouissaientpas au mêmedegré

i. Petitemuraillecirculaireen pierressèchesélevéesurunemplacementconsacrepar la stationqu'ya faiteunsaint,etpourenrappelerlesouvenir.

2.Prolongementdesvertèbresdulévrier.

Page 230: Trumelet Algerie Legendaire

~ÀM)ÈMRt.SeBtOMREasa

que lui du don des miracles.SidiNadjiétait, un jour,en visite auprès de lui dans le djebel Sahri, dont leshauteursétaient, &cetteépoque,couverteadesuperbespinsd'Alep.Al'aspectdecettemerveilleusevégétation,SidiNadji poussa,un soupiret exprima le regret quesonpays,Berouagufa,fat complètementnu etdépourvude verdure et d'ombre.B avait à peinemanifestesondésir qu'en un tour de main Sidi Ben-Alyadéracineles pins qui couvraientle djebelHariga (portion du

djebe!Sahri), et il en reboise instantanémentles en.virons de Berouaguïa.C'estdepuis cette époquequeJe pinfut appelé,danslepays, zkouhiaBen-Aiya.C'estainsi qu'à la demandede SidiFarhat il boise égale-ment en pins d'Alep,et par le mémoprocédé,toutleterritoirecomprisentre Bogharet Arn-Tlata.

Unautre jour, c'est un ~'CMMdes Oulad-Mensour-El-Mahdiquifondsurles Ouiad-Ben-Aïyaet leurenlèveleurs troupeaux.Le saint marabouth se mit seulà la

poursuite de ces impies,qui avaient atteint dé;a, aumomentoùil lesjoignit,le milieude la Sebkha-Zar'ozde l'est. Toutà coup, les eaux salées du lac se chan-

gent en une boue épaisse et gluante, et les razeursysont engloutisjusqu'au dernier.Il est inutile d'ajouterque lés troupeauxdes enfantsdu saint ne partagèrentpas le sort de ces témérairesbandits, et que SidiBen-

Alyaput les rameneret les restituer à leurs proprié-taires légitimes.Le gué où le f'ezoMfut ainsi détruit

reçut le nom de Percha (lit) des Oulad-Mensour-Ei-Mahdi.Cettetribu se garda biende tenterunesecondefoispareille aventure.

SidiAli-ben-Mbarek,le célèbremarabouthd'Ei-Kc-léïâa(Koléa),avale,unjour, dansun momentdecolère,

i. Partidecavtdiersarmésencoursederazia.

Page 231: Trumelet Algerie Legendaire

QMXVtH. NN HABAMMtW-BEN-~YA

un des serviteursdoSidi Ben-Alya.Celui-cirapprendinstantanémentpar M serviteur,quil'avait invoquéaumomentoitl'irasciblesaintdeKoléal'avaitdé)~absorbé

jusqu'au nombril.Sidi bon-Alyacharge, sans retard,sur son dos le djebelMena(du Sahri),qu'il avaitjus-tementsous la main, et vole à Koléapour en écraserson imprudentcollègue.SidiMbareh,qui avait égale-ment le don des miracles,entend la voixdu saint des

Sahri, qui proférait d'oNroyablësmenaces,ainsi quola fracas terrifiant des rochers qui s'entre-choquaien?dans sa courseprécipitée.

SidiMbarek,qui commence&s'apercevoirqu'il s'estengagédans une mauvaiseaffaire,et qui sait que son

vénéré collèguene badine pas quand il sagit do dé-fendreles siens, fait deseffortsinouïspour expectorerce qu'il a déjà avalédu serviteur; mais ce dernierest

déjà trop engagédans le gosierdu saint, et c'est envainque SidiAli chercheà le pousserdehors, et d'au-tant mieux que l'avalé, qui, sans doute, n'était pasfâché quele marabouth de Koléafut pris en flagrantdélit, ne faisait absolumentrien pour aider à la ma-nœuvreexpectoralede cet ouali.

MaisSidi Ben-Alyavient d'arriver; il est là, bran-dissant au-dessusde la tête de SidiAlil'épouvantabledjebelMena.Celui-ci, qui, pourtant, est un saint de

ressources,ne trouvepas un motpour s'excuser, ilest vrai qu'il avait la bouchepleine, il ne fait quebaisser la tête et verser d'abondanteslarmes. Sidi

Ben-Alya,qui n'est pas fâchéd'avoirhumiliéson col-

lèguevénéré, trouvepourtant-quesonsupplicea assez

duré; il en a pitié il prenddoncentrele pouceet l'in-dex le long nez de Sidi Ali,le secoueet le tire à lui.Le serviteuren profite habilementpour sortir par lesfossesnasales du saint marabouth de Koléa, lequel,par un violentétemuement,avaitprécipitéla solution.

Page 232: Trumelet Algerie Legendaire

j~ t'AMtMM t6aENMmS

Quantà SidiDen-Alya,il ramassaittranquillementsa

montagne,dont il ne voulaitpas priver sonpaya,et il

reprenait le chemindu Sabra sans mêmeavoir daignéaccepter un rafraîchissementquelui oCrait son res-

pectécollègue,bienheureuxd'en être quitte à si bonmarche.

Sidi Ben-Alyaeut bien souvent a intervenir dansles querellesquesoulevaiententreelles,a toutpropos,lesdiverses fractions de la turbulente populationdu

'NjebolSahri, querellesqui avaient toujourspour con-

séquence de leur mettre les armesa la main, car on

pouvaitdire de toute la tribu cequeSidiBen-Alyadi-sait de la fractiondes Yahya

«Ilsressemblenta unmélangedésordonnéde faucilles,« Enferméesdansun tellis(aao).<'

Un jour, deux fractions des Sahri-Oulad-Brahim,les Oulad-Daoudet les Outad-Tabet,en avaientappeléauxarmespour vider unequerelle dont le motifétaitdes plus insignifiants.Informéde cette nouvellelevéede boucliers, Sidi Ben-Alyacourt se jeter au milieudescombattants, et leur ordonne de cesserune lutte

aussidéraisonnable,aussi impie,puisqu'ilsappartien-nent à la mêmetribu. Maislesdeuxpartis sont sourdsà sa voix et repoussentses conseils.Sous l'influenced'une sainte fureur, SidiBen-Alya,qui voit son auto-rité et son caractère méconnuspar ces assoinés de

sang, arrache des flancsdu djebelSendjasun blocderocher quecenthommesrobustesn'auraientpu ébran-

ler, et le soulèvesur les deuxfractions, les menaçantde les en écraser s'ils ne cessentà l'instantle combat.Les deuxpartis étaient tellementacharnésl'un contrel'autre quele danger qui est suspendusur leurs têtesne sufBtpas pour leur faire lâcherprise; ils hésitent

Page 233: Trumelet Algerie Legendaire

XV<n< MM MA~AMM~e-aRN-AMA sas

encore;pourtant, craignantquete saint n'accomplissesa menace,ils finissentpar so séparer, tout en mau-

gréant contre le saint marabouth, qui, outré de ça

manquede respectenvers lui, les maudit, et les con-damneà ne plus vivreque du fruitamer dugenévrier.« Votrebonheur,leur dit-il, a cesséd'exister;je l'en-fouissousce rocher!? Et il laissa retomber le blocde

rocher, lequel pénétra profondémentdans la terre.Malgrétous leurs effortsréunis,les deux fractionsre-bellesno purent jamais parvenirà reprendre le bon-heur que te saintavait enfermésousle rocher arrachéau djebel Sendjas. En effet,depuis tors, tes pauvresdes Sahrine vivent que des baies du genévrier.Touten restant dans la formulede la malédictionqui lesavait condamnés&n'avoir d'autres moyens de sub-sistance que le fruit amer du juniperus, les Sahri-Ei-Athaïa ont réussi, par une habile interprétation dusensde la malédiction,à améliorerleur nourritureetleur situation ils viventbien effectivementdu gené-vrier, mais c'est en en tirant du goudron, qu'ilsven-dentd'autantplusfacilementqueceproduitestfortem-

ployé dans le Sahra, aussi bien pour traiter la galedu chameauque pour goudronnerl'intérieur des~'e&(outres).

Quoiqu'il en soit, la malédictionlancéesur lesSahri

par Sidi Ben-Alyaa porté tous ses maux et produitsonpleineffet car, à partir de l'époque où ellea été

prononcée, cette malheureuse tribu n'a cessé d'être

harcelée,pillée et dépecéepar'ses puissants et impi-toyablesvoisins,lesOulad-Naïl,et c'estgrâceà notre

prise depossessiondupaysqu'ils sesont vusenfindé-livrésdeleurs opiniâtresadversaires.

Avantde mourir, SidiBen-Atyaavait.désignél'em-

placementde sa sépulture c'était Rerizem-El-Hothob,koudia(butte)situéeà une heure et à l'est deMesran;

i3.

Page 234: Trumelet Algerie Legendaire

!AMÉMEt.6e)8NMMEaaa

mais ta ohatneBoqui portait son corps dans un d<A-

~<eA (patanquin)amNait du cote de Temad, sans

q~ac~s et coupspM'vtMaentà la détournerdue~!a!a

qu'eHeavait choisi. Soupçonnantque, sans doute,la.saintavaitchangéd'avis, lesconducteursaasomnifentà la diSeisionoutre-tombedu vôn~r6marabouth, et aa

dépouillemortellefutdéposéeà Tomad,danscedjebel8aM où il était né, et on il avait toujoursvécu.Unekoubbas'élevaplus tard sur sontombeau,lequeldevintte but du pèlorinagede ses nombreuxkhoddam,ré-

pandusdepuisBogharjusqu'à Laghouath.La mort de ce saint homme date de la fin du

XP sièclede l'hégire(XVt*de notre ère).

XIX

SIDI EL-HADJ-ÏBRAHIM

Quelques-unsdesdescendantsde SidiBen-Alyapos-sédèrentle don desmiracles; mais, commeleurs opé-rations thaumaturgiquesn'eurent généralementriende bien retentissant, nous nous dispenseronsde lesraconter. Nousferonspourtant une exceptionen fa-veur de Sidi El-Had)-Ibrahim,des Oulad Ben-Alya,qui fut un fort chasseurdevantleSeigneur,et dont les

exploitscynégétiquesdépassentde cent coudéesceuxdu célèbreNimroud(Nemrod)de l'Écriture, cet inven-teur du pain et du savon

h SelonleeArabes,ceaerfutNetarodquiauraitïnventêla

Page 235: Trumelet Algerie Legendaire

XIX. MM Et-aAB-t-KBAatM as?

My a environun siècle et demi de cela,quanaquitdanale djebel8ahri un enfantà qui l'on donnala nomd'ïbraMm. Métait tellement fort et de dimensionsaiextraordinairesau momentou il se présenta dans cemondequ'on fut obligéde sacrifierla mèrepourper-mettre au fruit qu'elle avaitporté trois foisneufmoisdans ses entrailles d'en sortir vivant. Il était évident

qu'un enfantqui tuait sa mèreen naissant,et qui avait

déjà toutes les apparencesd'un~Mwa~JMa~e,ne pou-vait manquerdodevenirparla suiteun hommeextra-ordinaire.C'est,en enet, ce quiarriva. Mais,n'anti-

ciponspas.Orphelinde mère en naissant, il fallut chercher &

Ibrahim une nourrice parmi les femmesesclaves,carune femmelibre no vit pas du revenu do ses soins.

Haoua,négresse &la gorge plantureuse et bouniedo

lait, fut chargéede cette missionalimentaire. Maislamalheureusenourrice fut bientôt à bout de forces

car, outre que son nourrissonétait nuit et jour sus-

pendu à son soin,il avaitpris la regrettablehabitudode mordillerjusqu'au sang les sourcesmêmesde la

vie, et il saccageaitet mettait au pillageles appareilsgalactophoresde l'infortunéelaitière, enles pétrisssstdans ses grosses et larges mains. Elle eut eu encoretoutes les peinesdu mondeà suffireà un pareil appé-tit, quand bien même elle eut été, commel'agouti,pourvuede sept paires de mamelles.Enfin,n'y pou-vant tenir, la malheureuse fut forcée d'abandonnerdes fonctionssous le poids desquelleselleeut infalli-blementsuccombé.

préparationdupain,etquiauraitdécouvertlapronriétodusa-von&Satomom.Hyauraitbienunpetitécartdeprèsdequinzecentsans entrel'apparitionde cesdeuxsouverainssur laterre; mais,en matièrede chronologie,les Arabesn'y re-gardentpasdeaiprés.

Page 236: Trumelet Algerie Legendaire

!<'At.eÉMB L~e~fAtBB?8

"<

cependant, MMiait que le terrible enfant trouvatsa nourriture quelquepart, et aucune esclavene se

sentait la force de remplacerHaoua.port heureuse-

ment, Dieus'en mêla,et vint tirer d'embarrasle pèrede l'enfantet sapauvrenourrice le,lendemainmatin,on trouvaitIbrahimcouchéentreles pattesd'unelionne

qui l'allaitait avec tendresse. On se donna bien de

garde detroubler,dans sonopération,cettesingulièrenourrice,quidisparaissait, onnesait trop comment,

à la pointedu jour, et qui revenaità la tombéedela nuitremplirsesfonctionsnourricièresprèsdujeuneIbrahim.

On se doute bien do ce que dut devenircet enfantavec un pareil régime il grossissaitet grandissaitavue d'oeil; mais, en mêmetemps,il prenait deshabi-tudesde férocitéqui annonçaientqueDieul'avaitcréétout exprèspourl'exécutiondequelquegranddessein.Pendantsonenfance, et cefutheureuxpourlesSahri,

sa cruauté ne s'exerçaguèrequesur les animaux,bien que, pourtant, il semblait que la façondont ilavait été élevéet nourri dans sa premièreannée dutle rapprocherinstinctivementdesbêtes férocesou des

grands fauves des forêts. Ainsi,il n'y avait point detorturesqu'ilne fît subirauxanimauxdomestiquesquilui tombaientsousla main.

Quandil eut atteint l'âge de puberté, on ne le vit

plusquetrès rarement sousla tenteousousle gourbipassant ses jours et sesnuits à cheval,ou à parcourirlesmontagnesdesSahri et cellesdu Bou-Kahit,il fai-sait une guerreacharnéeà tonsles habitantsdesbois.

A cette époque,le djebelSahriétait encoreinfestéde carnassiersquiportaientle ravageparmi les trou-

peaux de ses habitants; il n'y avaitpointde nuit oùl'on n'eût à constaterla disparition,dans chacunedesfractions,soit des plusbellesbêtesdes troupeaux,soit

Page 237: Trumelet Algerie Legendaire

XtX. MMEt~aAM-!BM<nM ??

d'un cheval,d'un mulet ou d'un chameau. Ce lourd

impôtposaitdepuislongtempsdetoutsonpoidssur cesmalheureusespopulations,et elles ne savaientà quelsaint sa vouerpourêtredébarrasséesde cescoûteuxetterribles maraudeurs. Plusieurs battues avaient été

organisées, mais eUesn'avaient eu d'autre résultat

que te passagede vie à trépas de quelques-unsdes in-fortunésquis'étaientlancésdans cespérilleusesaven-tures. Enfin, à tout hasard, ils s'adresseront à leursaint patron, Sidi Bon-Atya,qui, depuis longtemps,n'avaitrienfaitpoureux.Il se rendirentsolennellementen s~vt à son tombeau,et, aprèsunejournéepasséeàse bourrerde M!e<re~/b~Aas', les carnassiersleuravaient tellement dévoré de moutonsqu'eux-mêmesétaient obligésde s'en passer, et avoir offertune

quantitéassezcopieusededouros au chefdela familledes descendantsdu saint, ils se retirèrent, attendantavec unecertaine anxiétéles effetsde leur pieusedé-marchesur le puissantami de Dieu.Sa réponsene seHtpas trop désirer, car, dès la nuit suivante,il appa-raissait en songeà Sidi Ibrahim, et lui ordonnaitdedétruiretous les tiens ou panthèresqui étaientlesau-teursdesméfaitsdont seplaignaientà si juste titre sesserviteursbien-aimés.

Le saint chasseurne se le fit pas dire deux fois,at-tendu que son ancêtrevénéréne pouvaitpas lui don-ner une mission qui f&tplus dans ses goûts et dansses aptitudes.Alorsil commençacetteguerre d'exter-minationcontretes lionset lespanthèresdontonparle

i. Plat <et~Me<uc,c'est-à-direplatdekousksousansviande.2.Piècede monnaieespagnoleayantcoursautrefoisdans

lesÉtatsbarbaresques,et dontlavaleuré~aitde5Cr.40cent.Lesindigènesalgériensontcontinuédedonnerlenomdedouroà notrepiècede5francsactaetie.

Page 238: Trumelet Algerie Legendaire

tt'AMêME HSaEMMM!

encore aMJjowdtMisous la tonte ou sous le gourbi.Presque toujours sans arme, ou n'ayant qu'un bâtonferrd ou un mauvais fusil &mèche' d'une précisionplus que douteuse,et plus dangereusepour le tireur

que pour le tiré, le plus souvent,quandil apercevaitun lionouunepanthère,ilseprécipitaitrésolumentswl'animal et l'étouffaitentre sesbras.Il en était redoutéà ce pointquecesterriblesfélinsfuyaientsonapprocheen poussantdesravissementsetdesrauquementadéses.

pares. Enfin,un jour, Sidi Ibrahimvenait d'étranglersondeuxcentièmelion,et sa troiscentcinquante-qua"trième panthère, les survivants de ces deux espècesse réunirent et vinrent en députation, l'oreille et la

queuebasses,auprès de leur terribleennemi,pour ensolliciterl'autorisation de quitterla contrée,devenuemalsainepour eux. Lesaint allaitrefuser d'accéder &tour demande, car la missionqu'il avait reçued'enhaut n'était point terminéetant qu'il resterait dans ïo

djebelSahriun seuldesanimauxdeleurespèce, lors-

qu'une lionne énorme,qui paraissait succombersousle poidsdes ans et des infirmités,vint se rouler péni-blement à ses pieds en poussant un soupirsuffisam-ment déchirant pour amollir le cœur du plus crueldes tueurs; le saint, disons-nous,s'apprêtait à faireun mauvaisparti à la députation,lorsque,dans cettevieillelionne, il reconnut sa nourrice.Il n'y avaitpasà s'y tromper, c'étaitbien elle.Elle était d'ailleursre-connaissable à un grain de beauté très apparentqu'elle avait sur une de ses mamellesde droite; or,commeSidi Ibrahim n'avait été sevré qu'à l'âge detrois ans,il n'est pas étonnantqu'ayantétéaussi long-temps en tête-A-téteaveccettemarqueparticulière,ilen e&tconservéle souvenir.

A l'aspect de ce signe que, d'ailleurs,la lionne,ense roulant,semblaitmettre en évidenceavecune sorte

Page 239: Trumelet Algerie Legendaire

XtX. StM Et<-BAM-m~AaM SM

d'aCactation,le dur Sidi Ibrahim sentit ae détendrerare de sa colère; unelarme, la premièrepeut'etroqu'il eût versée de sa vie, vint perler sur lesbords de son ceilgauche, et la terrible massue qu'ilportait habituellementdans ses expéditionsde des-truction lui tomba des mains. Il releva ensuite lavieillelionne avecbonté et lui dit, en <<'oa~o«epro-bablement,car, commeau grandSalomon,Dieuavaitaccordé à Sidi Ibrahim l'insigne et inappréciablefa-veur de comprendreet de parler assezcorrectementle langagede tous les animaux « A causedo toi, oLoubba!j'accorde à tes pareilsl'autorisationdequitterle ï. ys, sans esprit de retourbien entendu. Ils se re-tireront dans les montagnesde Takdimt,où ils trou-verontdesbois très convenablespour les recevoiretles abriter; là, ils pourront manger du mouton tant

qu'ils en voudront, et le plusqu'ils le pourront car

je ne suis pas fâche de mevenger d'une grossièretéque m'a faite, dans le temps,monsaint collègueSidi

Djilali-ben-Amar..Pour cequi est de toi, û Loubbalcommeton Ageet tes forcesne te permettraientpasd'entreprendreun pareilvoyage,je te gardeauprèsdemoi en souvenirde ce que tu as fait pourton nourris-son car, en me prêtant ton sein, tu m'as sauvé la vieen mepermettantde vivrede ton lait. a Etnousenavons été bien récompensés! » pensa la vieillelionne avec amertume. « Quant aux panthères,bien qu'ellesne le méritentguère, car ellesmanquenttout à fait de noblesseet de dignité, ajouta Sidi

Ibrahim,–je lesexiledansledjebelDira,prèsdeSoor-

El-R'ouzIan là, elless'arrangerontavec~"oMa/tvénéréSidi Aî~a. Je fixe le départ des uns et des autresà aujourd'hui même,à l'heure où le jour revêtira la

4.Oitdevaits'éleverpinstardlaviUed'Aumate.

Page 240: Trumelet Algerie Legendaire

~32 t'AMëtttEt~OBNBAm~

nuit. AUox,et que surtout je no vousrevoieplua! a

Bienqu'il leur en ooat&tde quitter le djeb<*lSahri,dont ils avaientl'habitude, et où ils s'étaientrégalesde si succulentsmorceaux,ils se retirèrentnéanmoinsavec de grands transports de joie, en gambadant,tes jeunes, et en poussantdes cris d'allégresse,etleurs regretsfurentd'autantmoinsamersqu'iln'yavait

plus grand'choseà manger dans le pays. A partir decette époque,les lions et les panthèresont complète-ment disparudans le Sahri,où,d'ailleurs,depuisFoc~

cupationfranca!sesurtout, la vie ne leur serait pluspossible.

Quanta ta vieillenourrice de SidiIbrahim,la nos-

talgie des siensla tua au boutdequelquesmois,bien

que pourtant le saint eut pour elle tous les égardsettous les soins qui sont dus à celle qui nous a nourride sonlait.

CommeSidi Ibrahim.n'avait plus ni lions ni pan-thèresà tuer, cequi n'avait diminuéen rien sa fureurde détruire, le saint hommese rabattit sur les autres

animaux; c'est ainsi que, s'enfonçantdans le Sud, ilmit à mort, en un tempsrelativement court, deuxcent vingt-troismouflonsà manchettes,cent quatre-vingt-trois autruches, et un nombre incalculablede

gazelles.Pour ce qui est dessangliersqu'il a fait pas-ser de vie à trépas dans les chênaiesde Bestamia,ilne les a pas comptés.

Déjà avancéen âge, le saint marabouth s'aperçutqu'il n'avait pas encore accomplile pèlerinage auxVillessaintes;craignantquela mort ne le surprltavantd'avoir rempli ce pieux devoir, il s'empressade ré-

parer cetteregrettableomission.Il revint ensuitedansle djebelSahri, oùil ne s'occupaplusque de prièreset de bonnesœuvres, obligationsqu'il avait fort né-

gligées, lui marabouth d'origine, pendant son

Page 241: Trumelet Algerie Legendaire

XIX. SIDI N.-BABt-NMBM S33

existencede destruction.Enfin,il trouvala mort à son

tour, rendant du sang par tous tes pores, unepartie,sans doute, de celui qu'il avait versé.Il fut inhumé

auprès de son ancêtre Sidi Mahammed-ben-Alya.Ilfut longtemps, et Il l'est encore, en grandevéné-ration dans le djebel Sahri, qu'il avait purgé de seslions et de ses panthères, et cela avec l'aide puis-sante de Dieu ajoute la légende.

Page 242: Trumelet Algerie Legendaire
Page 243: Trumelet Algerie Legendaire

EN PÊLENNAGB

DE L'EST A L'OUEST

Nousavonsdit plus haut que le nombredes saintsallaiten décroissantde l'ouest à l'est de l'Afriquesep-tentrionale,c'est-à-diredu Marokà la Tunisie. H estincontestablequele véritablefoyerdel'Islam est l'em-

pire del'Ouest,ou du Moghreb.11est facile,d'ailleurs,de s'en convaincre,nous le répétons,à la simple in.

spection d'une carte de cette région les Ma&' ysont les unes sur les autres, et souvent réunies pargrappes sur le même point; elles vont en diminuantde nombre au fur et à mesure qu'on s'avance dans

l'Est. Déjàtrès rares dans la Tunisie, on n'en ren-contrepresque plus dans la régencede Tripoli.Cette

particularitétrouveson explicationdans cefait quele

point de départ des marabouths qui se sont donnélamissionde pénétrer dans les Kabilies,et de AoraaMe~les populationsmontagnardesdu Tellafricainet cellesde la région des ksour Sahriens, ce point de départ,disons-nous,a été la provincede Sous,ou le pays de

Dràa, dans le sud du Tell marokain,et que ces reli-

1.Plurieldekoubba.

Page 244: Trumelet Algerie Legendaire

238 !AM)5MBt.60NMM!M!

gieux n'ont guera dopasse tes limites de notre pro-vincede Constantino.

Ce point étant admis, nous allons reprendre notre

pèlerinage de l'est à l'ouest; ne noM occupant quedes saints qui ont illustré leur vie terrestre par desmiraclesd'unecertaineoriginalité,ouprésentantquel-que singularité.Nousne feronsd'ailleursqu'unevisite

rapide aux tombeaux de ces amis de Dieu, ou auxlieuxqu'ilsont rendus célèbrespar quelquesfaits mi-raculeuxconservésparla tradition,laquelled'ailleurs,

pour les indigènesde l'Algérie,n'est pas autre chose

que de l'histoire. II est bien entenduque nous ne re-viendronsplussur la vie des thaumaturgesdont nousavons déjà raconté les prodiges que leur attribue la

croyancepopulaire,'généraleplutôt, et dont tes des-cendantssont si intéressésà conserveret à transmettrele souvenir.

XX

SIDI AB!Dt

Nous nous transporter jns d'abord dans le pays des

Nememcha, sur la frontière de la régence do Tunis.

Vers le centre de ce vaste territoire s'élève 1; djebelFoua c'est le sommet de cette montagne que choisit

Sidi Abid pour en faire sa kheloua, ermitage où il

séjourna pendant quarante années de sa vie.

i. La prononciation locale est Obéid.Cette légende est racontée par le très regretté Charles Fé-

raud, ancien interprète principal militaire, et, plus tard, mi-

Page 245: Trumelet Algerie Legendaire

XX.–SBMANB 23t

Msons de suite qui était Sidi Abid, et racontons ce

que nous apprend la légende sur cet illustre mara-

bouth, qui fut l'ancêtre de la tribu cheriBenne des Ou-

lad-Abid, laquelle est enclavée au centre du territoire

des Nememcha.

N y a environ vingt-cinq générations de cela, un

saint homme du nom de Sidi Abid-ben-Khoadir se

présentait au fMatA (monastère) de Negrin, qu'avaitfondé tout récemment le marabouth Sidi Salem.

Soit que la vie monastique ne convint pas à Sidi

Abid, soit qu'il lui proférât la solitude la plus absolue,il n'en est pas moins vrai qu'après un court séjourdans le monastère dont nous venons de parier il re-

prit son bâton de voyage et se dirigea vers le Nord.

Arrive au pied du djebel Foua, le saint homme en

nlstre plénipotentiaire au Marok, écrivain charmant, travailleur

infatigable, qui, en littérature algérienne, a poussé le MH~<ïic-«KMMejusqu'à ses dernières limites, et qui a mis toute sascience d'orientaliste a la disposition de l'histoire de notre Al-

gérie, que, grâce à lui, nous commençons enfin &connaître.On ne se doute pas de ce qu'il a fallu à cet intelligent et sa-vant &<h!Ae«<'de tact, de patience, de persévérance, de ténacité

pour fouiller, comme il l'a fait, dans les manuscrits poudreuxet jaunis par le temps, si dimcues à faire sortir de leurs ca-

chettes, ou dans la mémoire si herméHqnement close pournous, pauvres Chrétiens que nous sommest des vieux conser-vateurs de la tradition. U faut avoir passé par là pour se faireune idée des ruses a employer, surtout lorsque s'agit de

questions religieuses,- et, chez les Musulmans, la religion estdans tout, pour délier la langue d'un indigène qui ne veut

pas parler. Mais, grâce à sa science profonde des hommes etdes choses de l'Algérie, grâce à son opiniâtreté de.<Aa<e6,c'est-à-dire de demandeur, de c~efeAeMf,d'e~MdteMf, qu'onme pardonne ce barbarisme! nous sommes dana le pays,M.FéraUda fait la lumière sur l'histoire si obscure de la par-tte de l'AMque septentrionale que nous a donnée la conquête,et il a doté notre chère Algériede documents précieux qui se-ront de la besogne toute faite pour les historiens de l'avenir.

Page 246: Trumelet Algerie Legendaire

83B t'AM)6MEt~aSN)M!BB

escalada les pentes; parvenu à grand'peina à son

sommet,te marabouth reconnutque cepoint était onne peut plus favorablepour y vivre de la vie érémi-

tique, et pour converseravec Dieusans être troublé

par la languedeshommeset par les bruits du monde.Ms'y construisitun gourbi en pierres sèches, et s'ylivra aux pratiques religieusesles plus austèreset les

plus dures.Ainsi,il passait les nuits et les jours on

prières, et, quand le sommeille dominait,il se fouet-tait les cuissesavecune vergefaitedes branches d'unarbuste épineux; il lui arrivait aussi, dans te môme

cas, de mouillersesvêtements,enplein hiver, avecdel'eau froide, et de se les appliquerainsi sur le corps.Quandces moyensne lui suffisaientpas encorepourlutter contre le sommeil,te saint marabouth se met-tait du sel dans les yeux.

n ne consentaità recevoird'aliments quedesber-

gers qui paissaient leurs troupeaux do chèvresdansla montagne,et encoren'obéissait-ilaux cris de sonestomac que pour occuperses intestins,qui se mor-daient les uns les autres*

Sidi Abid en était arrivé au dénuementle pluscomplet,et à ce point qu'il lui restait à peinedo sonbernousde quoicouvrir sa nudité. Il est certainque,sous l'influenced'un pareil régime, le corpsdu saintanachorètedut s'affaiblirconsidérablement en effet,la matière finit par céder la placeà l'esprit~lequelse

renforçaau point de lui permettre, dans ses tran-

sports religieux, de s'enleversans effort au sommetde l'un des pins au milieudesquelsse cachait sa khe-

loua, et d'y passer la nuit tout entière sans fatigue.Enfin; au bout de quelquesannées, l'austère mara"

bouth, après avoirpassé successivementpar le breuk,qui n'est quel'éclair des manifestationsde Dieu;et le

Aa~A,qui est cet état de brûlement qui suit l'état pre-

Page 247: Trumelet Algerie Legendaire

XX. S!NANB 839

codent,avait atteint cette situationque les mystiquesappellente<-<AetHS~-<?at,e'eat~-dire l'anéantisse-ment dans l'essencedivine.

!1est clair qu'une telle perfectiondans la pratiquedes austérités et des mortificationsde la chair ne

pouvaitmanquer d'établir autourdu djebelFoua,et,plus tard, dans tout le pays des Nememcha,la répu-tation de saintetéde SidiAbid,laquelled'ailleursfinit

par franchir la frontière tunisienne. Tout naturelle-

ment, lé saint marabouthjouissait du don des mira-

cles Dieu,du reste, ne pouvait faire moinsqued'ac-corderun lambeaude sa toute-puissanceà un homme

qui cherchaità s'en rapprocherchaquejour en se dé-matérialisant.Bientôt,les pèlerins affluèrentde touscôtésà son ermitagepour lui demanderune part dansla distributiondes faveurs célestes dont il tenait un

dépôt.SidiAbid,qui paraissait avoirrenoncé a la parole,

avait adopté une singulièrefaçonde répondreà ceuxdes pèlerins qui lui demandaientdes conseilsou desfaveurs. Nous avonsdit que, par suite de ses priva-tions, de ses jeûnes et de ses mortifications,le sainthomme était arrivé à un état de maigreurqui ne luiavait littéralement laissé que la peau et les os. Son

corps était d'une telle diaphanéitéqu'on voyait dis-tinctementunelumièreplacéederrièrelui. C'étaittou-

jours à partir du coucherdu soleilque SidiAbiddon-nait ses consultationsdans son obscureretraite nu

jusqu'à la ceinture)le saint était assis a l'arabe surune vieille natte de halfà au centre de sa khelogat#unelampe, c'est-à-direuntessondepoterie, dana

laquelleun peu d'huilebaignait une mèchefaite d'unlambeau roulé de la guenille qui lui servait de ber-

nous, cette lampe, disops-nous,était placée devantla

partie supérieuredu corpsdu saint. Quandun visiteur

Page 248: Trumelet Algerie Legendaire

âW t'AMHSMEt.6<tSMBAMB

lui demandaitouune faveurou un conseil,la réponsede t'OMaKapparaissait immédiatementen caractèreslumineuxsur la murailledu fond de sa cellule la

penséedu saint se matérialisaitdans sa poitrine, et la

transparencede son corps en permettaitla reproduc-tion sur la muraille.!t est inutile d'insister sur ~enet que produisaitce

prodige sur tes diverses tribus des Nememcha,les-

qaettes se félicitèrentde posséder au milieu d'ellesun salut ayant à ce point l'oreille de Dieu;et sa répu-tationdesaintetés'autrxnaavecunetelleénergieparmi!es populationsde cette région que le djebel FouaM-meme est considéré,depuis cette époque,comme

marabouth,ou sacré, et que les indigènesqui avoisi-nent cette montagnese sont toujours fait un cas deconsciencede touchersoità unebranched'arbre dela

merveilleuseJfbrètde pins maritimes qui couronnelesommetdu djebel, soit aux animaux de toute espècequiy vivent*.

C'estvraimentinouï le nombredemiraclesqui sontattribuésà SidiAbidC'est à ce point que Dieuparaitlui avoir laissé carte blanche pour intervertir à son

i.Noua&voMdë~àeut'occasiondefaireremarquer,dansuntra-vaUprécédent,que,danstouteFAMoueseptentdonate,uexiste,autourdestombeauxdessaints,unezonesacréequiest,aveotoutcequ'euerenferme,souslaprotectiondusaint.Malheuràl'espritfort quien enlèveraitunbrind'herbe,ou quiendé-truiraitleplusinfime,leplustracassierdesinsectes1 Oncitede nombreuxet gravesaccidentsdontont été victimescer-tainsimpiesqui avaientosése faireun fagotavecduboiscoupédanslepérimètresacré,outuerun oiseaul'ayantchoisipoury nicher.Aussi,danscesconditions,arbreset animauxn'ymeurent'ilsquedevieillesse.Dans11.térétdela conserva-tiondesforêtsdel'Algérie,il seraitbien&désirerqu'ellesfus-senttoutesainsiplacéessouslaprotectionde quelquessaintsmarabouths.

Page 249: Trumelet Algerie Legendaire

2~XX. StM ABW

i4

gré les bis dela nature. En effet,Mne se gênait nulle-ment soit pour arrêter la marche de notre planète,soit pour faire remonterles eaux d'une rivière versleur source,malgréles inconvénientsquepouvaitpré-senter, pour les personnesqui n'avaientaucun intérêtdans ces sortes de miracles,ce désordreapportedansl'harmoniegénéralede l'cuuvredeDieu.

Rappelerici tous les Aa~'a~a~(miracles)accomplispar Sidi Abid serait fastidieux et nous entralnerait

trop loin. Nousn'en rapporteronsdoncque quelques-uns desplus intéressants.

Unjour, la guerre ayant éclatéentre les Bni-Zidetles Hamama,tribus tunisiennes, ces derniers implo-rèrent la protectionde Sidi Abidcontre leurs adver-

saires, que soutenaitun autre marabouthdu nomdeSidi Guenaoua.L'amour-propre du premier de cessaints étant mis en jeu, il s'agissaitpour loi, et dansl'intérêt de sa réputationde thaumaturge,do démon-trer que Sidi Guenaouane lui allait pas à la chevilleen fait de pouvoir surnaturel, et qu'il n'était qu'unsaint dequalitétout àfait inférieure.SidiAbidrésolutdonc de profiterde l'occasionpourhumilierle mara-houthtunisien, et le dégoûterà jamais detoute tenta-tive de lutte aveclui. En effet,au momentoù les deux

partis en venaient aux mains, une détonationépou-vantablese ut entendre dans la direction du djebelFoua, et un monstrueuxprojectilede calcaire, qui,du reste, se voit encore sur le point où il est tombé,

vint s'abattre sur la zaouîade Sidi Guenaoua,qu'ilréduisit en poussière.

Voyant,à ce trait, à qui il avait affaire,ce derniermarabouthvintaussitôt,accompagnédeses protégésles Bni-Zid,se prosterner aux pieds de Sidi Abid,ets'excuserd'avoireula téméritédese mesureraveclui.Sidi Abid,qui ne savaitpas ceque c était quela ran-

Page 250: Trumelet Algerie Legendaire

!AM&MBtË6B!)MME843

cane,pardonnad'autant plusvolontiersàsoninfortunéconfrèrequ'il l'avait battu aussi complètementquepossible.

n y avait quarante ans que Sidi Abidhabitait lesommetdu djebel Foua, lorsqu'un jour, pris de dé-

goûtpourcetterésidenceun peu trop en l'air, surtout

pendant la saisond'hiver,il résolutde demeurerdansla plaine; il s'y construisit,de sespropresmains, unekheloua en briques cuites au soleil.Un de ses trois

fils, Abd-el-Malek,vint l'y rejoindre peu de tempsaprès. Pris tout à coup, malgré son grandAge,de lamaniede voyager,il se mit en route, accompagnédeson fils et de quelquesdisciplesavidesd'entendreses

pieuses et savantes leçons, et de recevoir, par lamêmeoccasion,sousformede donsou d'aumônes,lesbienfaitsque leur valaient,auprès des Croyants,leseCtuvesrayonnants dont les inondait constammentl'état de saintetéde leur glorieuxpatron.

Sidi Abid avait pris la direction du Sud il visitasuccessivementl'Ouad-R'iretle Souf,ou sa réputationde sainteté,sa scienceet sesvertus,lui firentde nom-breux prosélytesqui le suivaient dans toutes sespé-régrinations.C'était,parmi les populationsdont il vi-sitait le territoire, à qui chercheraità le retenir aumilieu d'elles car on savait qu'il portait aveclui labénédictionde Dieu,et que la contréedans laquelleils'arrêtait bénénciait toujoursdes émanationsdivines

qui s'échappaient,commeune rosée bienfaisante,du

corps du saint marabouth.Il avait consentipourtantà se reposer de ses longuespérégrinationsdans uneretraite qu'il s'était choisie sur les bords de l'ouad

Guentas,sur le point où s'élèveaujourd'huile villageauquelil a donnésonnom.

Aprèsquelques années de séjour sur les rives du

Guentas, Sidi Abidreprit de nouveaule bâton du

Page 251: Trumelet Algerie Legendaire

at3XX. MM ABMt

voyageur,et se remit à parcourir, bien qu'il Mtd'un

Ageexagéra,les contréeaoù il avait semé naguère la

paroledivine il voulait surtouts'assurers!la semenceavait h'uctiné, et si son grain ne s'était point égaréeur le rocher. Le saint était à peu près satisfaitdu ré-sultat de son œuvre,et il seproposaitde la compléter,lorsque la mort vint le surprendre dans la valléedoMeskiana.Ainsiquel'ont faitplustard SidiEch-Chi~het plusieurs autres saints, il recommandaà son tils,Sidi Abd-el-Malek,et à ses disciples,avant de rendrele dernier soupir,de ne point enterrer son corpsla oùil allaitmourir, mais de le charger, au contraire,surun chameau,et de laisseralors toutelibertéà l'animal,

que Dieusaurait bien guider vers le lieu où il voulait

que sonservitèurreposâtdu derniersommeil.

Chargé de la précieuse dépouille du saint mara.

bouth, le chameau se dirigea, sans hésiter, vers lakhelouaoù SidiAbid avait passéquarante années desa vie terrestre. Arrivésur le point où s'éleva depuisla mosquéede Sidi Abid, le chameau s'embarrassa

tellement,avecson précieuxfardeau, dans les arbresde la forêtqui couvraitalors le pays qu'il lui fut im-

possible de pousser plus loin. Abd-el-Maleket ses

compagnonscomprirentde suite que c'était là lepointdésignépar le saint ascète,et ils se mirent à creusersa tombelà où le chameaus'était arrêté.

Dans la nuit qui suivit l'inhumationdes restes du

saint, un maçon de Tunis,qui était fort habile dans

l'art desconstructions,vit en songeSidiAbid,qui lui

ordonnadese rendre sans retard sur le lieu où avaitété déposéesa dépouillemortelle, et de lui éleverun

tombeautout à fait digned'un élu de Dieu.Le pieuxarchitectese mit aussitôten route pour exécuterl'or-dre du saint, et, bienque ce dernierne l'eût que mé-diocrementrenseignésur le lieu où il trouverait sa

Page 252: Trumelet Algerie Legendaire

S44 ~AMMSME~asKOAME

cendre,Hn'en arriva pas moins,et sans s'être attardéà demanderdesrenseignements,à l'endroitrenfermantles restes du bienheureuxSidi Abid. H ne lui.vintmêmepas àl'idée, dit la légende,dechercherdes ou-vrier maçons,bienque la mosquéequ'il avaitl'inten-tion de construire dut cependant avoir une certaine

importance.Hcommença,sans plus tarder, le tracedes fondations;mais, ô miracle! au fur et a mesure

qu'il creusaitle doublesillon devantmarquer l'épais-seur du mur, la terre en sortait d'eUe'meme,comme

pousséede bas en haut par desmains invisibles.Il enfut de même des pierres, qu'il lui sumsait d'appelerpour qu'ellesvinssentaussitôtse placerd'elles-mêmeslà où l'architecte l'indiquait du doigt. On ne douta

point, dans le pays, que cesinvisiblestravailleurs nefussent des anges embauchéspar le saint pour ac-

complircettemystérieusebesogne.C'est, en effet,fort

probable car, autrement, serait dimcilede s'expli-quer commentune mosquéeaurait pu se construiresans le concoursdes asha6e~eM~wa

Cettemerveilleusechapelle,dont la constructionnedemanda que trois jours, devintpromptement,et estencoreaujourd'huil'un deslieuxdepèlerinagelesplusfréquentésde cette région,aussibien par lesTunisiens

que par les Algériens.De nombreux miracles,dus ala puissanteintercessiondu saint auprès de Dieu,sontconstatés journellement, depuis sa mort, par les

Croyantsqui visitent son tombeau. Sans doute, cesfaits surnaturelsne sont pasdesprodiges depremièregrandeur commeceux du tempsoù vivaitSidi Abid;mais pourtant, le cul-de-jattequi a retrouvé l'usagede sesjambes,la stérilequi est devenueféconde,l'im-

i. Compagnonsdeta truelle.

Page 253: Trumelet Algerie Legendaire

848XX. StMABW

puissantqui a repris quelquepuissance,le maladeà

qui la santéa été rendue, te pauvrequi a mis!a mainsur untrésor, tous ces infortunés,disons-nous,préfè-rent certainement,pour leur proprecompte,un mira-cle utile, et qui les concerneou les toucheparticuliè-rement,&ces prodigesqui bouleversentle ciel et la

terre, et qui ne profitentguèrequ'à la vanitédu saint

qui les exécutent.Deuxdes fils de SidiAbid,Douelbet Abd-el-Malek,

furent inhumesdansla chapelleoùavaientété déposésles restes de leurvénérépère. Une partie desdescen-dants du troisièmede sesnls se fixèrentauprèsdocetédificefunéraire,et y construisirentun ksar auquelilsdonnèrent le nomdu saint marabouth; l'autre partiede sa familleoccupales vastessolitudesqui s'étendentautour du djebel Foua,et prit la dénominationd'Ou-lad-Sidi-Abid.

Les faits que nousvenonsde rapporter se seraient

passésvers la fin duX' sièclede notre ère,c'est-à-direau tempsde la grande invasiondes Nomadesarabes.

La légende rapporte encoreun miracle d'une cer-taine importancequ'elle attribue à SidiAbid,ou, du

moins,qu'il aurait exécutépar l'intermédiaired'un desesdescendants.Bienqu'ilnoussoit dimcilede ratta-cher à l'histoirele fait miraculeuxdont il s'agit, nousvoulonscependantle raconter dans toussessinguliersdétails.

Celase serait passé au temps oùles Turks,maîtres

d'Alger,étendirentleur dominationdans la provincede l'Est.

Acette époquedonc,un pacha, à la tête d'unenom-breuse armée,avait pousséjusqu'au pays occupéparles Oulad-Sidi-Abid.Or; l'expéditionde ce pachan'avait pas étéprécisémentheureuse sesbagagesetses approvisionnementsvenaientd'être enlevéspar les

14.

Page 254: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM&ME !<Ë6BNPA!MS48

Nemomoha,qui, ensuite, s'étaient mis aie harceleravec fureur. Sansvivrespour sa troupe dansun paysdépourvude ressources,et en présenced'unepopula-tion si impitoyablementhostile, le pacha se trouvait,commeon le pense bien, dansune situationdesplusterriblementcritiques.Unmiraclepouvaitseulle tirerde cemauvaispas. Il songeadonc,dans cetteaffreuse

conjoncture, à implorer le secours du chef de lafamille des Oulad-Sidi-Abid,qu'il priait d'interveniren sa faveur auprès de son saint ancêtre, que, parhasard, le pachasavait être un puissant intercesseuret l'un des plus influents amis de Dieu. Bien qu'ils'agit de l'envahisseurde son pays, l'héritier de SidiAbid consentit cependantà tenter cettedémarche,dusuccèsde laquelleil ne répondaitpas, d'ailleurs,d'une

façon absolue.Le descendant de Sidi Abidse retiraun peu à l'écart pour exposer à son saint ancêtrela

prière que lui adressaitle pachad'Alger,et s'inspirerde ses conseils dans une affaire aussi épineuse. La

réponse du saint fut sans doutefavorable,car l'héri-tier de sa baraka,qui avait une grande influencesurles Nememcha,leur ordonna de cesserle combatetd'arrêter la poursuitede l'arméedu pacha. Il est vraide dire que son intervention pacifique dans cetteaffaire, commenous le verrons plus loin, n'était pastout à fait désintéressée,et qu'il comptaitbien faire

payer au malheureuxpacha le servicequ'il allait luirendre. Maisn'anticipons pas. Après avoir, commenous l'avons dit, arrêté la poursuite, le marabouthAbidise mit à la tête des troupes algériennes,et les

guida vers un monticulequi se dressait à quelquedistance dans la plaine. Arrivéau pied decetteémi-nence, il pria de nouveau; au fur et amesure qu'ilégrenait son chapelet, on pouvait remarquer que lemonticuleétait soumisà une opérationde transmuta-

Page 255: Trumelet Algerie Legendaire

xx.–stNAMB 24?

tion bien singulière en émet,la roche s'emiettait,M

désagrégeaitpeu à peu, et ses débris sechangeaientinstantanémenten grains do blé sur un versantet en

grains d'orge sur la pente opposée; de sorte qu'aumoment où le saint maraboutheut achevéson orai-

son, l'élévationne formait plus que deux monceauxde céréales, l'un de blé pour les hommes,et l'autre

d'orge pour les chevaux.émerveille de ce prodige, le pacha se jeta aux

genoux du marabouthen lui jurant, par Dieu,de luiaccorder tout ce qu'il lui demanderait.« Je veux,répondit le saint homme, que tu me délivres un

diplôme établissant que moi et ma postérité noussommesà toutjamais exemptsd'impôts,et que, pour.quepersonne n'en ignore, copie de cet acte soit pla-cardée à la porte d'Azzoun,à Alger. » C'était là,apparemment,le conseilqu'avait souméà son descen-dant lebienheureuxSidiAbidquandil l'avaitconsulté.

Heureuxde s'en tirer à si bon marché,le pacha ac-cédaon ne peutplusvolontiersà la demandedu saint

marabouth,et, aprèss'être approvisionnéde ces pré-cieusescéréales aussi lourdementque le lui permet-taient ses moyensde transport, il reprit avecson ar-méela directiond'Alger.Maisà peineavait-ilfait deuxou trois marches dans l'Ouest que l'oublieuxpacha,qui était désormaisassuréde revoir la capitalede son

pachalik, ne pensa plus du tout à la promessequ'ilavait faite au saint marabouthdes Oulad-Sidi-Abid,de sorte qu'il allait franchir l'arceau de Bab-Azzounsans y faire placarder le diplômed'exemptiond'im-

pôts qu'il avait souscriten faveur de son sauveuretde sapostérité.Maisle saint, qui, sansdoute,connais-sait la légèretédu pacha, et qui n'avait en lui qu'uneconfiancedes pluslimitées,s'étaitmisà le suivre,touten gardant, bien entendu, la plus stricte invisibilité.

Page 256: Trumelet Algerie Legendaire

348 l'Ate~ME HOENBAME

Furieux d'une pareille ingratitude, le saint apparuttout à coupau pacha, lui barrant ta porte de la villedans une attitude tout à fait menaçante; en même

temps,un brait de chaînes se faisait entendre, et lechevaldu chef de la Régencese trouvait subitemententravéet dans l'impossibilitéde faireun pas. Quantàl'oublieuxpacha, frappede terreur en présencedu ma-rabouth et de son saint ancêtre, qui avaitvoulu l'ac-

compagnerpourle casoùles circonstancesexigeraientdes miraclesd'importancesupérieureet dépassantsa

compétence,quant au pacha, disons-nous,terrifié en

présencedu saint qui l'avaitsauvélui et sonarmée, etenverslequelil se montrait si peureconnaissantet'sinoir d'ingratitude, il se sentit subitementdépourvudesàttribùtsdelavirilité,et métamorphoséen femme.Il avaitbien comprisque c'était pour avoirfailli à sa

parolequ'il s'était attiré ce honteuxet terrible châti-ment.Aussis'empressa-t-ilde convoquer,sur la placemêmeoùil paraissait cloué,les eM~OMad'Alger,qu'ilchargeade faire sur-le-champdeux copiesdu diplômeenlettres d'or. Ils enplacardèrentune à la ported'Az-

zoun,ainsiquecela avaitété convenuentrelepacha'etle marabouth; l'autre fut remise en grandepompe'audescendantde Sidi Abid,quiavait repris sa formema-térielle dèsquele pacha s'était acquittédela premièrepartie de sa promesse.SidiAbid,quin'avait plus rienà voirdanscetteaffaire, enavaitproBtépourregagnerle séjourdes bienheureux.Quantau pacha,désormaisen règle avecle saint marabouth,qui lui avait renduson sexe;il put dès lors sans encombrefaire son en-tréedanssa capitale.

Nousvenonsde le voir, la mortde SidiAbidn'avait

point arrêtésonactionmiraculeuse;jamais,d'ailleurs,sa postéritéet sesAod'aamnesevirent refuserl'inte~-ventiondu saint quand ils eurent recours à sa puis-

Page 257: Trumelet Algerie Legendaire

349XX. S!N AMP

sante intercessionauprès du Dieuunique. Un autremiracle, relativementrécent, et que nous allons ra-conter,fera la preuvede ce quenousavançons.

C'étaiten iTTO,au temps ou le célèbreSalah-Beyétait a la têteduBaïlikdeConstantine.LesNememcha,toujourslégersetturbulents,etnese faisantaucunscru-

pulede fausserleurs promesseset leursengagements,continuaientàvivreindépendantset à pilleret rançon-ner lestribusvoisinesdeleurpays.Salah-Bey,quiavaitrésolude mettreun termeà cette situation,qu'il trou-vait intolérable,tenta contre eux uneexpéditionqui,malheureusement,fut inefficace,car il ne putparvenirà les joindre. Cependant,une caravane de gens des

Oulad-Sidi-Abid,qui étaient venus chercher des ap*provisionnementsde grains dans le Tèll, lui ayant été

signaléenon loin de son camp,et son entourage lui

ayant fait remarquer que, les Oulad-Sidi-Abidet lesNememchavivant sur le mêmeterritoire, frapper lesunsserait lemoyend'atteindreles autres,le bey Salahordonnade s'emparer de la caravane et d'appliqueraux chameauxla marquedu Baïlik.Malgréles obser-vationset les réclamationsdu chefde la caravane,lamesureprescrite fut exécutéedans toute sa rigueur.Maisau momentoù, le fer rougeà la main, les pale-freniersapposaientcettemarqueà l'encoluredes cha-meauxdes Oulad-Sidi-Abid,le maraboùth-conducteurse mit àpsalmodierles paroléssuivantes

« 0 troupeaude chameaux!mes pleurs et les tiens

vont faire fondreet tremblerla terre« Acause des oppressionsqui nous accablent.Ce

quim'aStige, c'est l'humiliation; ce qui me désole,c'estde voir combienpeu noussommesrespectés.

« Maisnoussommesà tes côtés,6 troupeaude cha-meaux nousadressonsnos plaintes à'Dieu,car nousne trouvonsici personnequi veuillenousécouter.

Page 258: Trumelet Algerie Legendaire

L'AMÊMBU66BNB&MB?0

a Maisnous invoquonsl'interventionde ton maKre

Bou'Obéïd,quihabite la montagne,« Pourqu'il tourne son canoncontreton ennemî.!1

fera promptementdisparattreSalahde ce monde.a 0 toi, SidiObéidldont les méritessont connusde

tous, emplisde poudre ton canon;a En outre, t~oute~yune bombe,ot pointe, sans

avoirbesoinde l'appuyer,ton arme sur Salah.aVise &la tête et frappe-le, afinqu'a puissedire

wC'estObeïdqui me frappe N»

a Lecouplui sera porté par une maininvisibleaux

hommes,ô Sidi Obeïd!1 dontles mérites sont connus

dotous1« Brandissantta lance, frappes-enSalah, en l'étrei-

gnant corpsà corps.« Tu seras témoin de son trépas sept jours après

Faîd.«Dansle moisd'&chouraprochain, frappe celui-ci,

puis celui-là, Ben-Gahaet le bey El-Azel,seskaïds,qui sont tousdeschiens.Cesonteuxqui ont conseillé,et c'est lui qui a exécuté,»

Informé de ce que le marabouth des Oulad-Sidi-Abidvenait de chanter, Salah-Beyle manda devant

lui, et lui fit répéter ses paroles.Comprenantdès lorscombienil avait étéinjuste&.sonégard, le beylui an-

nonçaqu'il lui rendait son bien. < Cequi est dit est

dit, répondit l'implacable Obéïdi. Je n'accepterailarestitution de ce qui m'appartient ni de toi, ni de ton

successeur;maisje le prendrai quandviendrale troi-sièmebey, celuiqui doit vousremplacertousdeux.<

La prophétie du marabouthdes Oulad-Sidi-Abidsevérinadepoint en point. Destituéaumoisd'aoûti*?92,Salah-Beyfit assassinerle beyIbrahim, venuà Con-stantinepour le remplacer.Unnouveaubey, Hocaïn-ben-Bou-Hanek,envoyéen toute hâte d'Alger pour

Page 259: Trumelet Algerie Legendaire

XX. smï ABM

avoirraisonde la résistancede Salah, l'assiégeadansson palais. Toute résistance lui étant impossible, cedernierconsentitaserendre, maisà la conditionqu'onle laisseraitsortir en compagnieet sous la sauvegardedu Chikh-el-Islam,Abd-er-Rahman-ben-El-Fekonn,dontil tint un pan du bernous; mais,à peinehors du

palais, le Chikhsecoua son vêtement et abandonnaSalahaux chaouch,qui l'étranglèrent.Or,cecise pas-sait h i*"septembre, c'est-à-direle i4 du mois d'a-

choura, ainsi que le lui avaitpréditle marabouthdesOulad-Sidi-Abid.

Quant au kaid El-Azel-ben-Zekri,contre lequellemômemarabouth avait porté de gravesaccusations,til eut les membres rompus en place publique. Ben-Ganafut destitué de ses fonctionsde Chikh-el-Arab,

qui lui avaientété connéesdepuispeu de temps.Le don des miracleset celuideprophétie, que pos-

sédèrent pendant de longuesannées les descendantsde SidiAbid,paraissentne pas avoir été accordésauxsuccesseursdu marabouthqui prophétisa la mort de

Salah-Bey,car la tradition n'a conservéle souvenird'aucunfait surnaturelvalantla peine d'être raconté*Serait-ceau manquedevertu ou de piétéde ces indi-

gnesdescendantsde Sidi Abidqu'il convientd'attri-buer le retrait des faveurs du Tout-Puissantà cetterace dégénérée?Nous serions fort embarrassésde lé

préciser. Dieu, d'ailleurs, en sait la-dessusbienplusquenous!

Page 260: Trumelet Algerie Legendaire

XXÏ

SIDI ABD-ËK-KAHMAN-BEN-MENATEK!

SidiAbd-er-Rahman-El-MenateMest surtout célèbre

dMSla villede Constantine,oùil arriva versla fin du

XYI8siècle.Commela plupart des illustrationsreli-

gieusesde l'Islam,il venait du Marok, cettevaste pé-

pinière de saints marabouths qui a été surnomméeavectant de raison ~S~e< e<-Z!/eHM<~le vestibuledu ciel.

Sidi Abd-ër-ttahmanpassa dix-sept ans de sa viedans la mosquéedes Ferranin (chaufourniers), la-quelle était située dans le quartier des Halfadjin(vanniers). Retiréau fondd'unecellulefroideet déla-

brée, fuyant toute créature humaine, n'ayant pourtout vêtementqu'unbernous,uneloqueplutôt, ne ca-chant que médiocrementce qui ne devait pas être

montré,passant trois jours et plus dans l'abstinence,et résistant jusqu'à la dernièreextrémitéaux exigen-cesde son corps, n'acceptant d'autre nourriture quedes détritus de légumesou des morceaux de paindurci ou moisi, se refusant le sommeilet cherchanttous les moyens de s'y soustraire ou de s'en laisser

accabler, tantôt s'enfonçant des aiguilles dans les

chairs, tantôt se flagellant de verges composéesde

branchagesde boisépineux,se torturant l'esprit à larecherchedes moyensde macérationet de mortifica-tion les plus bizarrement douloureux, donnant le

tempsqui lui restait à la prière et à ,la lecture des

Page 261: Trumelet Algerie Legendaire

XXI. SBMtABB-ER-BAaMAN-N.-NEMTEK! 2S3

15

livres saints; tuant, en un mot, le corps au profit del'âme tel étaitle saint anachorètedont nousparlons.

Il va sansdire que sa réputationde saintetédépassabientôtles murs de Constantine,et que, de toute la

provincedu Cheurg(Est), la foule accouruta sa cel-lulepouraspirer, à défautdesaparole,–car il avaitMtvœude mutisme, les émanationsbienfaisantesquise dégagenttoujoursdu corpsdes saints, et dont l'ab-

sorptionest aussi favorableà la santé corporellequ'àcelledel'esprit.

Dieune pouvait moinsfaire que d'accorder le dondes miracles à un saint qui torturait ainsi sa chair,dans le but de se rapprocherde lui en échappantà laterre par l'effet de l'impondérabilito.Sidi Abd-er-Rahmann'abusa pas de ceprécieuxprivilègede pou-voir intervertir à son gré les lois de la nature. Latradition n'a d'ailleurs retenu de cet ouali quequel-quesmiraclesà la portée de tous les saints. Il seraitdoncsans intérêt de nousy arrêter.

Sidi El-MenàteIdmourut, et fut enterrédans sa cel-lule de la mosquéedes Ferraninen l'an i6ii de notreère. Unde ses richeset ferventsadeptes,qui exerçaitlagrassefonctionde Kaïd-El-Bab(directeurde l'octroide la ville),et qui était grosde péchésdont il tenait àse débarrasser,voulut faire mettre à son acquit uneœuvrepie d'une certaineimportancepar son ange de

droite, celuiqui est chargéde l'inscriptiondes bonnesactions. Nous ajouteronsquece Kaïd-El-Babn'avait

jamais donnébeaucoupde besogneà cecomptablecé-leste. Quoiqu'il en soit, le directeur de l'octroi deConstantineconsacra sa fortune à l'édificationd'une

mosquéequi fut placée sous le vocablede Sidi Abd-er-Rahman.L'emplacementchoisi fut celuide la mos-

quéedes Ferranin, qui tombaitde vétusté,et qu'il fit

abattre,-enrespectant, bien entendu, la cellule funé-

Page 262: Trumelet Algerie Legendaire

Ï.'AM6MEï~aEMM~RB384

raire ou reposaient les restes mortelsdu saint. Cette

mosquéeprit dès lors le nom de <i~am<!~M-<w-~aAMMM*feM~<e&i.

Letombeaude ce saint est très Mquenté, nonseu-lement par les gens do la ville de Constantine,maisencorepar de nombreuxpèlerinsaccourantdetousles

pointsde la provincede l'Est, voiremornede la Tuni-sie.Dureste, jurer par SidiAbd-er-Rahman,« ouhakkSidi ~M-e~-AoA<Maa/», est un dessermentstes plususitésdanslapopulationindigèneconstantinoise,bien

queles conséquencesde sa violationn'entratnentrienmoinsque la cécité.Etc'estcequi a fait dire au savantet spirituelorientalisteCherbonneau eJe ne m'étonne

plus qu'ily ait tant d'aveuglesà Constantine1»

XXII

SIDt MOHAMMED-EL-R'ORAB1

Onremarque,à trois kilomètresnord-ouestde Con-

stantine, sur la route de Mila,au hameau de Salah-

Bey, une élégante et blanche koubba renfermant letombeau d'un saint marabouthqui, de sonvivant,senommaitSidiMohammed.

Nousvoulonsdirequelques~motsde lavie, et surtoutde la mort de cet oua~îvénéré.

i. Cettelégendeestracontéeparle savantorientalisteCher-bonneau,quijoignaità unerareéruditionunremarquableta-lent<Técriva!n.LeregrettéprofesseurCherbonneaua étél'undesvulgarisateurslesplusdistinguésdf<chosesdeFAlgéMe.

Page 263: Trumelet Algerie Legendaire

XXH. 8!M MOBAtMEB-NrR'eRAB 2S8

C'étaitversla findu siècledernier,le célèbreSalah-

Bey administraitle Baïlikde l'Est de la Régenced'Al-

ger. Son gouvernementfut d'autant plusdinicile,plustourmente, qu'il avait à écraser la révolteincessantedes tribus,et qu'il s'était donnéla tache impossibledelutter contreles préjugésde sontemps,en allumantleflambeaudes sciencesdans là capitaleduBarlik.Cettedétaxe eatM~misadevait im&~tihlementlui créer denombreux ennemisparmi les vieuxCroyants,et M~-toutdans le groupereligieuxintéresséau maintiendestraditionsdel'Islam.

Or, parmi les opposantsles plus acharnés ou les

plus convaincus,se faisait surtout remarquer SidiMohammed,marabouthdes plus influenteet des plusécoutés, et auquel la sainteté de sa vie et son élo-

quencepersuasiveavaient donnéde nombreuxet so-lides adhérents. Sidi Mohammedavait ainsi réussi àformerautourdelui unparti formidableetprêt à tout.Le sainthommeen était arrivé à prêcher ouvertementla résistanceà ce qu'il appelait les tentativeschita-

MM~MM*du Bey,et, par suite, à mettre en péril sonautorité.

Salah-Bey,qui, d'ailleurs, suivait attentivementlamarchedes dissidentset cellede leur chef, jugeaqu'ilétait temps d'enrayer le mouvement,et de mettrefinà l'audacieuseentreprisesuscitée contre lui par SidiMohammed.n le fitdoncarrêter,et,malgrél'immense

popularitédu saint homme,il décida sa mort. C'étaithardi.

Au jour marqué pour l'exécution,une foulenom-breuse de partisans,du saint marabouth se ruait versle lieudu supplicecommepourprotestercontrela dé-cisiondu Bey.Maisles mesuresétaient bien prises

1.DeCM&aH,S~tan.

Page 264: Trumelet Algerie Legendaire

ase t'AMÉME &É6Bt<MtM!

âne forceimposante,capablede s'opposer&toute en-

treprise tentéepour la délivrancedu vénèreSidi Mo-

hammed, entourait le lieu où la justice du Beydevait recevoirsatisfaction.Le chaouchput donc,entoutesécurité,accomplirsa sanglantebesogneet fairedu marabouth un glorieux et saint martyr. Aprèsl'avoir prié de s'agenouillersur la pièce de cuir quidevait recevoir son sang, l'exécuteurpassa derrière

lui, lui glissa dans l'oreille les paroles suivantes« Tendezle cou,o Monseigneur,.voicile glaive a, le

piquavivementdela pointede son yataghan.àla pre-mièrevertèbrede l'épine dorsalepour lui faire releverla.tète,que,d'un coupde revers,il envoyaroulerà dix

pas devantlui. Mais, ô prodigeace momentmême,le corps décapité du saint se transformait en cor-

beau,et l'oiseaude sinistreaugure,aprèsavoirpoussédescroassementslamentables,s'élançaità tire.d'ailevers la maison de plaisanceque venait de fairecon-.truire.leBey.Salah; il s'abattait un instant près dece

palais, y répandait sa malédiction,puisil disparais-sait à toutjamais.

Avertide ce miracle, Salah-Bey,qui, sans doute,commençaità reconnaîtrequ'il avait été un peutropsévère à l'égard de Sidi Mohammed,et qui tenait à

réparer, autant quecelaétaitpossible,la fauteque lui

reprochait déjà sa conscienceenvahiepar le remords,~eBey,disons-nous,faisait éleversans retard, sur le

point mêmeoùs'était abattule corbeau,une merveil-leusechapelleexpiatoireà dômeéclatantdeblancheur,quel'on désignasous le nomde J!'bMMe~M~Moham-

MM<~Y-<M'a~c'est-à-dire chapellede MonseigneurMohammed-le-Corbeau.

Quoiqu'il en soit, si le vénérémartyr SidiMoham-medpardonna, le parti religieuxn'oublia point queSalah-Beyl'avait frappé, et nous avonsvu, dans la

Page 265: Trumelet Algerie Legendaire

XXM. StMMOHAHMEC-EM'MAW88?

légendede SidiAbid,comment,en1782,leChikheMs.

lam, Sidi AM-er-Rahman-ben-Et-Fokoun,abandonnale malheureuxBey,en lui refusantsa sauvegarde,auxchaoucbqui étaient chargésde t'étrangler.Si le ma-rabouthSidi Mohammedfit, dans cette circonstance,la tristeexpérienceque,commeledit leproverbearabe«Lalangue est souventl'ennemiedela nuque», leBeySalab'put, à son tour, constater, à ses dépens,qu'iln'était pas toujourssansdangerdes'attaqueraux ma-rabouthsouauxgensdereligion,surtoutquands'ajou-tait à leurcaractèresacréunepopularitéaussisérieuse

que celledontjouissaitSidiMohammed.

XXIII

SIDI KACEM'i

Maistransportons-nousdansl'ouest de Batna, et ausud de Sethif et du djebelBou-Thaleb,poury visiterl'anciennevilledeNgaous(quelquefoisMgaous),si richede ses grands arbres, de ses belleseaux, et surtoutde ses souvenirs.

Outre son intérêt archéologique,Ngaous,bâtie surdes ruines romaines, possèdeencore, ainsi que nousle verrons plus loin, le curieuxavantagede rappelerdes souvenirspréislamiques.

Ngaousa deux mosquées l'une, celle de SidiBel-

1.Cett&légendea étérecueillieparM.l'interprèteprincipalmilitaireCh.ferand.

Page 266: Trumelet Algerie Legendaire

gaa ï.'M~MsM~NtMME

Kacem-hen-Djenan,situéeau centrede la bourgadeactuelle, a été construite avec les pierres de la ville

romaine; l'autre, celle de Sidi Kacem,beaucouppicsconnuesouslenomde d~jamaEs-Sebà-er-Re~oud,mos<

quée des Sept-Dormants,et située &l'extrémité nordde la <~cAeM,a été bâtie avecdesmatériauxde même

origineque le premier de ces édiftcesreligieux. Elleest divisée intérieurementpar trois rangées de cinqcolonneschacune.Le tabout,ou chassequi renfermeles restes mortels de Sidi Kacem, le fondateurde la

mosquéequi porteson nom, est placé dans le fond,àdroiteen entrant. Unlinteaumobile,placé sur le cer-

cueil, porte une légende en caractèresbarbaresquesgravés en relief, indiquantque Sidi Kacema vidé sa

coupe an commencementde l'an 1033de l'hégire(no-vembrei623 de l'ère chrétienne).

Selonla tradition, Sidi Kacem,qui avait vu le jourdans le Hodhna, était un marabouth d'une grandepiétéet de beaucoupde science;rejetantbienloinder-rière lui les chosesde cemonde,et ne s'occupantquede cellesdu Ciel, il s'en allait de tente en tente poury raviverle zèlereligieux,lequeltendait sensiblementà s'attiédir, et menaçaitde faireplace à une complèteindifférencerelativement à la pratique des pieusesprescriptionscontenuesdans leLivresacré.

Quelquesannées avant qu'il vint à Ngaous, septjeunes gensdela ville, d'une réputationparfaite et demœursexcellentes,disparurenttout à coupsansqu'onput savoirce qu'ilsétaient devenus.Ngaousen avaitfait sondeuil,et leursparentseux-mêmesavaientter-miné de les pleurer. Cette catastrophe n'était donc

déjà plus quede l'histoireanciennequandSidiKacemse présenta dans cette ~ee~erepour en catéchiserla

i. Estmort.

Page 267: Trumelet Algerie Legendaire

as9XXM. 8!M KACBH

population.Après avoir parcouru la bourgade, il serendait chez un de sesnotables, et l'engageait a lesuivre. Ils marchèrentainsi quelquetemps, puis, ar-rivé auprès d'une petite butte qui paraissait forméed'un dépôtd'ordures d'un certain âge, le saintmara-bouth faisaitau Ngaouoile reproche suivant sur unton pleinde sévérité « Commentsouffrez-vousqu'onjette des immondicesen cet endroit?. Fouillez,ajou-tait le saint homme, et vousverrezce que recouvrentces détritus. »

Onse mit aussitôtà creusercet amas d'ordures, eton y découvritles septjeunesgens, Sebdrekoud,-dont l'inexplicabledisparition avait naguère jeté les

gens de Ngaous dans une stupéfactionintense. Mais,chose singulière1 étendussur le dos et placés côte à

côte, ces jeunes gens semblaientbien plutôt plongésdans le sommeilque dans la mort.

Cemiracle,onle pensebien, fitgrandbruitnonseu-lementdanslepays, maisencoredanstoutl'Est.Aussi,pour en perpétuer le souvenir,fut-il décidéqu'on bâ-tirait sans retard une mosquéesur le lieumêmede ladécouvertede cesjeunes Ngaoucin,et qu'elleporte-rait le nomde Z~/amdes-Sebd-er-Rekoud,c'est-à-dire,Mosquéedes Sept-Dormants

1.LalégendedesSept-Dormants,quelesgensdeNgaousontsingulièrementrajeunie,n'estpasspécialeà cettelocalité.LesArabesdesenvironsd'Algerprétendentquec'estRus-gunia,qu'ilsnommentMedinet-Takious(ruinessituéesà 16ki-lomètresd'Alger),quiauraitété le théâtredu martyredesSept-Dormants.Ceseraitlàqueles~tat JM-Xa/t/,lesCompa-gnonsdela Caverne,auraientdormi,selonlesuns,pendantdeuxcentsans; suivantle ProphèteMohammed,troiscentsansplusneuf,et,d'aprèsMétaphraste,troiscentdouzeans.Aureste,dansunequestionpareille,ce n'estpas une centained'annéesdeplusoc demoinsquiajoutebeaucoupaumerveil.leuxdela chose,et lesmartyrsdel'empt,.eurCn.-MessiusDe.

Page 268: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM~MBt~BENBAMR960

M existe en eNet, dans la mosquée dos Sept-Dor-

mants, à gauche en entrant, une galerie de bois pres-

que vermoulu, et armant une sorte de petite salle

réservée dans laquelle on pénètre par deux ouvertures.

La sont rangés l'un auprès de l'autre sept cercueils ou

châsses en bois de mêmes dimensions que l'on dit con-

tenir les restes mortels des Sept-Dormants.Mais la merveille de la mosquée n'est point, pour

les gens de Ngaous, les tombeaux dos Sept-Dormants

cius, ce cruel persécuteur des Chrétiens, n'eussent-ils dormi

que deux cents ans, que ce serait déjà fort raisonnable. Mal-heureusement, on ne parait pas plus d'accord sur le nombre deces Sept-Dormants d'Èphèse que sur la durée de leur sommeil.

Ainsi, voici ce qu'en dit le Prophète Mohammeddans les ver-sets 21 et 22 de la sourate XVÏM"du Koran, qui a pour titreLa Caverne. «On disputera sur leur nombre. Tel dira Ilsétaient trois, leur chien était le quatrième tel autre dit llsétaient cinq, leur chien était le sixième. On scrutera le mys-tère. Tel dira Ils étaient sept, et leur chien le huitième. DisDieu sait mieuxque personne combien ils étaient, n n'y a qu'unpetit nombre qui le sache. Aussi, ne dispute point à ce sujet,si ce n'est pour la forme, et surtout ne demande à aucun Chré-tien des avis à cet égard. »

Quant à nous, bien que chrétiens, nous n'en dirons pas moinsnotre avis sur cette aNaire Nous en connaissons sept, y com-

pris le chien, et nous nous en contentons; nous pouvonsmêmeciter leur noms, pour prouver que nous ne nous avançonspas au delà de nos connaissances. Ils se nommaient donc:Temlika, Dbernouch, KaBchthathloucb, Mitsilin, Alikchilina,Rakim et Kithmir. Ce dernier est le chien.

La légende chrétienne diffère essentiellement de celle rap-portée par le Prophète, lequel, d'ailleurs, n'y regardait pas desi près quand il s'agissait de faire de l'histoire, ou des em-prunts aux légendes juives ou chrétiennes. Les Sept-Dormantsétaient sept frères,-rien du chien,–qui souffrirent le martyreà Éphèse, en 251de notre ère, sous l'empereur Decius. S'étantcachés dans une caverne pour fuir la persécution, ils y furentmurés par ordre de ce tyran sanguinaire. On les y retrouvacent cinquante-sept ans après; ils paraissaient n'être qu'en-dormis.

Page 269: Trumelet Algerie Legendaire

XXM.– SMMKACEN aM

trouvésdans les immondices;ce qui fait surtout l'ad-miration des Croyants,c'est une immense~Me~adans laquelleSidiKacem,qui, à la nourriturede l'es-

prit ajoutait encore ceUedu corps, faisait servir lekousksouaux cinqcents ~oMa qui suivaientses inté-ressantes leçons car SidiKacemétait, de sontemps,undesflambeauxdel'Islam,etlesplussavantsdocteursne dédaignaientpas de venir s'asseoir,dansla ZaouïadeNgaous,au milieu de ses élèves, poury recueillirles précieusesparoles qui tombaient de sa bouchecommeune pluie de perles et de diamants. Nousnevoulonspas dire que l'appât du kousksoune soitpasentré pour quelque chosedans l'assiduité et le goûtpour l'étudequemanifestaientlesnombreuxauditeurs

qui se pressaientaux coursde Sidi Kacem;il.est évi-dent que quelquesbonnescuillerées, des cuillerées

arabes, -de cemetsdivinétaient bienpréférables,–surtout pour des gensqui avaienthorreur del'absti-

nence, à lamesquinebouchéede galettecuitesousla cendre,ouà la boulettede roMMMque la plupartdes tholbase mettaienthabituellementsousla dent, etencorequandils n'en étaientpas réduitsauxfiguesouaux glands que les montagnards étaient obligés de

disputeraux singeset aux sangliers.Cegigantesqueplat, qui ne mesurait pas moinsde

trois <&*a<!de diamètreextérieur et d'un demi-at'aade profondeur, était tout simplementune sorte de

large cuvetteen calcairegrisâtre dontl'usageavaitété

1.Grandplattailléordinairementdansle troncd'unfrêneplusieursfoisséculaire.

2.Farined'orgeou deblégrilléqu'ondétrempedansl'eaupourlamanger.Onenfaitdesboulettesdelagrosseurd'unenoixpourlafacilitédel'absorption.

3.Le dMt<oucoudée,estde0*~0centimètresdelongueurenviron.

iS.

Page 270: Trumelet Algerie Legendaire

t*AÏ.6&ME ï.ÉMNtMKMS?8

de recevoirl'huile d'un moulindesRomains.Ceréci-

pient avait été trouvé dans les ruines, et, plus tard,les gensde Ngaousm'avaientpas hésité à en faire la

~M~a dans laquelle le généreux Sidi Kacemfaisaitdistribuer lé thadmaux nombreuxétudiants quifréquentaientsa Zaouïa.

Aprèsune existence toute remplie de bonnesœu-

vres, aprèsavoir beaucouppriéet faitdesgénuflexionsa en contracterdescallosités,et à cepoint de mériter,commeHoceïn-ben-AIi,Iesurnomde «<~OMeMse/M«<après avoir professé magistralementl'et~Nte~-Moya~quiest la sciencede l'éloquence,l'eM~M~-ro&OMAtyo,qui est la théologie, et l'eM~Me~-NMa~qui est lasciencedes dimensions aprèsavoirfait denombreux

miracles,SidiKacems'absentade la vie, commenousl'avonsdit plus haut, en l'an i623 de notre ère, et sa

dépouillemortellefut déposéedans la mosquéequ'ilavait fondée. Deux fois chaque année, son tombeauest le but du pèlerinagede ses Mo~Maa!et des visi-teusesqui ont à implorer en leur faveurl'intercessiondu saint.Nousajouteronsque c'est rarementen vain,surtoutsi lesCroyantessont encorejeunes, siellessontdouéesd'une foi suffisante,et si leurmains'ouvrefaci-lementpour l'offrandeen faveur de l'oukil (l'admini-strateur de la mosquée).

i. Mets,pitance,nourriture.Ce motest souventemployéaveclesensdekousksou,alimentqui,au reste,est JemetsparexceHemce.

Page 271: Trumelet Algerie Legendaire

SIDI MEGRtS

Autrefois,les Amerde Sethifétaientdivisésen deux

fractions,lesAmer-Ech-Cheraga(del'Est),et les Amer-El-R'eraba(de l'Ouest);aujourd'hui,ils sont partagésen Amer-Edh-Dhahra(duNord)et en Amer-El-Gue-bala (duSud).

Un saint marabouth, venu du R'arb (Ouest), latraditionn'en indiquepas l'époque,–s'était établi surle territoirede la fractiondes Amer-El-R'eraba,où ilsavait que l'impiété des hommeset l'impudicitédesfemmesétaientpousséesjusqu'aleursdernièreslimites.Sonbutétait,– bienqu'iln'en espérâtpasle succès,deremettre les uns et les autres dans la voie droite,et, dans tous les cas, de les avertir qu'ilsavaientlasséDieupar le mépris de sa loi, et qu'il ne tarderait pasà les frappers'ils persistaientà lui donnerdes regretsde les avoir créés. En effet,les femmes,affirmait-on,ne songeaient exclusivementqu'à la satisfactiondeleurs appétits charnels, et, s'il fallait en croire lestribus voisines, elles allaientmêmejusqu'à violenterles voyageurs qui passaient sur leur territoire. On

ajoutaitencore,-mais Dieuseul le sait,- qu'à défautd'hommesellespoussaient,dansleursfureursutérines,la gulosité de la chair jusqu'à rechercher et même

provoquer les caressesbestialesde certainsanimaux

domestiques.Quant aux maris, dégoûtés jusqu'aux nausées de

XXIV

Page 272: Trumelet Algerie Legendaire

!AM6)ME tÉCENDAME264

l'ignoble luxure doleurs femmes, foutait-on, ils avaient

cherché en dehors d'elles, et dans des amours mon-

strueuses, tes plaisirs qu'ils ne trouvaient plus auprèsde leurs méprisables compagnes.

C'était une rude et difficile tâche, on le voit, qu'a-vait entrepris là Sidi Megris, et il était plus que dou-

teux qu'il réussit dans sa mission, et qu'il arrivât à

guérir ces corps gangrenés jusqu'aux moelles et ces

âmes en putréfaction. Il était bien tard, en effet, pourtenter une telle cure.

Quoi qu'il en soit, Sidi Megris ne se rebuta pas, et,

soutenu par son zèle religieux et par l'ardeur de sa

foi, il commença son œuvre de conversion. Cefut auxhommes qu'il s'adressa d'abord il leur flt hontede laconduite de leurs femmes, et de la complaisance qu'ilsmettaient à supporter leurs débordements ils étaientla risée et l'objet du mépris des tribus voisines. Cen'était pas seulement de la faiblesse qu'ils montraientdans cette circonstance, c'était de la couardise et dela lâcheté. « Les moyens vous manquent-ils donc,s'écriait l'ouali d'un ton plein de sévérité, pour répri-mer les honteux déportements et les mœurs dissoluesde vos femmes, et le Prophète ne vous a-t-il pas indi-

qué les moyens de vaincre leurs résistances, de les

dompter, de les corriger? N'a-t-il pas dit dans le Livre«Si vos femmes commettent l'action infâme (la forni-« cation et l'adultère), appelez quatre témoins. Si leursMtémoignages se réunissent contre elles, enfermez-les« dans vos maisons jusqu'à ce que la mort les enlève,«ou que Dieuleur procure quelques moyens'de salut aEt ailleurs e Vous réprimanderez celles dont vous« aurez à craindre la désobéissance; vous les reléguerez

i. LeJCoraa,sourateÏV,verset13.

Page 273: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. StN MECMS< 263

«dans des lits à part; vous les battrez aNe vous trou-vez-vous pas suulsamment armés pour réprimer leurscandaleuse conduite ?. Et vous-mêmes,6 Amer quedirai-je de la vôtre? N'avez-vous donc rien à vous

reprocher? N'est-ce point parce que, dans le principe,vous vous êtes éloignés de vos femmes, parce que, ne,tenant aucun compte des prescriptions du Prophète,vous vous êtes acquittés avec trop de parcimonie devos devoirs conjugaux envers elles, parce que, oubliant

que notre seigneur Mohammed a dit « Le mari qui«embrasse sa femme gagne, pour chaque baiser, trente

« bienfaits du ciel », vous leur avez trop mesuré vos

caresses? N'est-ce point pour ces causes qu'elles ontcherché ailleurs qu'au foyer conjugal les satisfactions

chamelles que vous ne pouviez ou ne vouliez leur

donner?, Peut-être aussi, continua le saint homme,n'avez-vous point tenu labalance égale entre elles dansla distribution de vos faveurs? Rappelez-vous que le

Prophète a dit à ce sujet « Gardez-vousdonc de suivre« entièrement la pente a l'endroit de vos femmes, et

« d'en laisser une comme en suspens*, » C'est-à-dire

que celui qui a deux femmes ne doit pas se laisser

tellement entrainer par son amour pour l'une, qu'il

néglige tout à fait l'autre. Ai-je besoin de vous remet-

tre en mémoire le supplice honteux dont le Prophètemenace ceux qui. transgressent ainsi sa loi? Est-il

indispensable que je vous rappelle que ceux qui se

laissent aller à commettre cette faute paraîtront, au

jour de la résurrection, avec des fesses inégales?.Quelle honte que sera celle qu'éprouveront ces maris

criminelst.<tJen'en ai point encore fini avec vous, ô Amer!1

1.LeX<M'aM,sourateIV,verset38.2.LeJïcraM,sourateIV, verset138.

Page 274: Trumelet Algerie Legendaire

t'AtSëatE ~SEKBAMEa&aXOtt

ajoutaSidiMegris,etavantdevousabandonnerà votre

repentir, je veux vous rappeler aussi la flétrissure

qu'inaigele Prophète&ceuxqui commettentle crimecontre nature « Si deux individusparmi vouacom-«mettentune action infâme, faites-leurdu malà tous« deux ?, c'est-à-direréprimandez-lespubliquement,et soumetez-lesavecleurspantoufles.Sansdoute,con-tinuale saint homme,ce châtimentn'a riend'excessif;mais cela vous pruuvo que Mon est bon, et qu'il yregarde à deux fois avant de frapper ses serviteurs.

Pourtant,ne vousy nezpas, car ses colères sont ter-ribles. Souvenez-vousde la façon dont il a traité lesvicieuxhabitants desvillesrenversées, à qui il avait

envoyéle prophèteLoth commeaujourd'huiil m'en-voievers vous pour vous porter ses avertissementset je vous dirai commece prophète à son peuple:«Abuserez-vousdes hommesau lieude femmespour«assouvirvosappétits charnels? En vérité, vousêtes«un peuplelivréaux excès » Maisle peuplede Loth

méprisa ses avertissements,et Dieu 6t pleuvoirune

pluie de feusur cesméchants.»Sousl'effetdes menacesterriblesde SidiMegris,les

Amer furent saisis par la peur; leurs jambes débiles

flageolèrentsous eux, leurs yeux devinrenthagards,et leurs bouchesgrimacèrentdes paroles derepentir.Ils promirentau saint d'user enversleurs femmesdes

moyensde châtiment recommandéspar le Prophète,et de mettre leurs reins enrapport avecle bâton.

Bien que l'oMa~tne comptâtpas beaucoup sur les

promesses de ces abrutis, de ces tarés auxquelsle

1.LeKoran,sourateIV,verset20.2.LescinqvUtesdelaPentapole,Sodome,Gomorrhe,etc.,

situéessurhtmerMorte.3.LeKoran,sourateVt,verset19.

Page 275: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. StM MECMS sa?

viceavait enlevé toute force, toute énergie, il parutnéanmoinsne pas douter de leur repentir, et de leurrésolutionde tenir comptedo ses conseilset de sesavertissements.

Avant de réunir les Amryat pour leur porter la

parole de Dieu, SidiMegrisvoulutattendre l'effet des

promessesque lui avaientfaitesleursmaris.Quelques-uns d'entre eux s'étaient empressésde commencerletraitement indiquépar le saint car, à diversesrepri-ses, on entendait des cris de femmesalternant avecdes bruits sourds qui semblaientproduitspar la ren-contre d'un instrument contondant avec un corpsmou.

Quand Sidi Megrisjugea que le nouveau régimeauquelles Amryat avaient été soumisesdevait avoir

produit son effet,sur le plus grand nombredu moins,il leur donna rendez-voussur l'Aïn-El-Kelba.Lacurio-sité et un autre motifdontnousparleronsplusbas lesdécidèrent à répondre à cet appel, auquel aucune

d'elles,jeune ou vieille,ne voulutmanquer.Lorsque le saint arriva sur le lieuqu'il avait assi-

gné, les Amryaty étaient déjà réunies.Les lingesdenuance terreuse qui leur servaient.de vêtementslesfaisaient se confondre avec le sol sur lequel ellesétaient assises dans diversesattitudes,qui n'avaientrien de communavecce quenousappelonsla décenceou la pudeur. Quelques-unes, très peu,-portaientun enfant amarré sur leurs reins. Il y avait la aussides adolescentesqui, pour la malpropretéet l'effron-

terie, ne le cédaienten rien aux femmesfaites.C'étaitun bruit assourdissantde voixappartenantà toutes les

gammes,surtout à cellesqui serapprochentleplus ducri des oiseaux. domestiques.Cesvoixexprimaientdiverssentiments,diversesimpressions;maisceluidela colèreet de l'irritation y était en dominance on

Page 276: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM:)ÈMRt.6aENMUœ268

sentait la haine sourdre de ce milieu houleux,acquêtl'agitationet le balancementdes corps donnait l'as-

pect de hautes herbes desséchéestourmentéespar tevent.

Cesfemmesportaient toutes les marques du vicedansce qu'il a de plushideux, et tous ces visagesex-

primaientla charnalitédansce qu'ellea,deplusmaté-

riel, de plus bestial corpsexsangues,émaciés,ane-

mes pannositédeschairsà tons céracés, peau mollecommecellesdesmalacodermes,et dépourvued'élas-

ticité, seinsflasqueset avachis se balançant sur des

poitrinesosseusescommedesvessiesdégonflées,mem-bres grêles supportant une chute de reins exagérée,traits du visagetirés et contractés,yeuxtantôt terneset sanséclat,et tantôt lançantdes étincellesdu fonddeleurs cavernesdekoheul, lippitude des paupières,béancede la lèvre inférieure,tousles désordresenBn

qu'amènentchezla femmeles excèsgénitaux.Dès que parut Sidi Megris sur les hauteurs qui

dominentl'Aïn-El-Kelba,sa haute taille se profilantsur le cielà l'horizon,son longbâton ferréà la main,un murmure confuss'éleva du milieude l'assembléedes femmes «Levoilà, monseigneur le conseilleur1

monseigneurdu bâton!1s'écrièrent quelques-unesd'entre elles,faisantainsiallusionau conseilqu'avaitdonnélesainthommeà leursmaris deles châtierpourles ramener à l'obéissanceet à la vertu, Par Dieunous te feronsmanger ton <M~aza d'un bout à l'au-

tre, ô SidiJtfeM~ottA?. D'o&vientdonccet OMcKdeCheïthan!?. et pourquoi s'est-il abattu chez nous

plutôtqu'ailleursce frappeurdefemmes?. Par Dieu!1

4.LongMtomformantcrossepours'appuyer.2.Castrat.3.CesaintdeSatan,dudiable.

Page 277: Trumelet Algerie Legendaire

XXIV. S!M HtMtMS §69

nous allonslui donnerune<M</<tdont il se souvien-

dra, à ce maudit,Mademaudit e»Le saint s'était arrêté dès qu'il avait été en vuedes

Amryat,et, appuyésur sonbâton, il parut contemplerle spectaclequ'il avait sousles yeux il semblaithési-ter à descendreau milieu de ce groupe impur de

cAa~oM<M!)~(lubriques);on aurait dit qu'il redoutaitde pénétrer dans cette zone gynéenne,d'où se déga-geaitcetteodeurfade et nauséabondequi est particu-lière aux lieux de débauche. Maisl'ardeur de sa foi

l'emportasur sa répugnance.Contrairementà l'usage,lorsqu'il s'agissaitd'un homme de Dieu,Sidi Megrisn'était plus qu'à une centainede pas de ces femmes,et cependant pas une seule n'avait bougé; aucuned'ellesn'était venueau-devantdu saintpour lui baiserle genouou le pan de son bernous.« Par ma tète ceslillesdu péché, pensa le saint, sont bien perversestEUesont besoinde goûterau châtiment,et, certes, cen'est pasmoiquidétourneraid'ellesle bras de Dieu!n»

SidiMegrisavançaencore de quelquespas, espéranttoujoursqu'ellessedécideraientà venir à lui; maiscefut en vain ellesaffectèrent, au contraire,de conti-nuer leurs réflexions inconvenantesà l'endroit dusaint homme, et sur un ton assez élevépour lui per-mettre d'en saisir quelques-unesau vol. Outré de laconduite et de l'attitude déplorable de ces chiennes

impies, le saint se décida à les interpeller « 0 lesfillesde cellesqui n'ont jamaisdit «Non!a s'écrialesaint d'unevoixtonnante, est-ceainsiquevousoubliezle respect que vousdevez à l'hommed'abord, et en-suiteà celuiqui est l'Envoyé de Dieu?» Ellesne bou-

gèrent pas plus que si le saint n'ett jamais existé;

Lerepasderh<Mpitat!M.

Page 278: Trumelet Algerie Legendaire

370 t'AttHËMBn66EM)AtBB

elles mirent le comble à leur insolenceen ricanantd'unefaçondesplusméprisantes quelques-unesmême

répondirentpar desobscénités.C'en était trop A bout de patience,SidiMegrisse

miten prière,demandantà Dieudefairerespectersonserviteur.Havait à peineachevé sa dernièreproster-nationqu'un épouvantablebruit souterrainse faisait

entendre, qu'uneviolentepousséede bas en haut, se

produisaitsur la croûtedu soloù étaientgroupéesces

femmes,et venait les jeter, la face contre terre, au

pieddu tertre sur lequels'était arrêté le saint.Ce miracle était certainementde nature à les faire

rentrer en elles-mêmes,et &leur faire comprendrequ'ilpouvaity avoirquelquedanger à ~'attaquerà unsaintpouvantdisposerd'une telle puissance;maiscesfemmes étaient si profondémenttarées, si radicale-mentcorrompues,qu'ellesnevoulurentpas se rendreà l'évidence,et qu'ellesosèrententamer la Irtte avecle saint: « 0 Amryat!leur dit SidiMegris,Dieum'a

envoyévers vouspourvousavertiret vousporter sescommandements. Vous avez abandonné la voie

droite, ô femmes!et vousavezpris celle du péché.Certes,sachez-le bien, ce n'est point que Dieutiennetant que cela à vous sauver car, pour ce que vousferiezdans son paradis, il peut parfaitementse passerde vous; seulement, en vous perdant, vous causez

égalementla perte de vos époux, qui, eux aussi, et

par votre faute, traînent une existenced'opprobreet

d'ignominie1. Je vous en avertis, o femmes1 re-noncez au péché de XMe',car Dieu hait la fornica-tionl. Rappelez-vousqu'un saint Imama dit: « Gar-« dez-vousde forniquer; car la fornicationa quatre

1.Relationsillégitimesentrepersonnesde sexedifférent,fomicattom.

Page 279: Trumelet Algerie Legendaire

XX!V< StM MESMS a?i

a résultais elle fait disparaîtrela beauté du visage;«elleest la mèredetoutes les maladies; elle irrite le«DieuTrès-dément, et elle entrameau feuétemel. »Retournezà vosépoux, 6 femmes!et ne donnezpointà d'autres ce qui leur appartientintégralement; euxreviendrontalorsà vous.Mettezun sceauà.votrechair,et éteignez,par la prière et les mortifications,le feudes mauvaisespassions qui alimentevos sens et lesconsumeen mômetemps; apaisez'iesen pensant à

Dieu,et n'attendez pas que le mal soit irrémédiable.

Surtout, je voua le recommande,n'écoutezpoint lesconseilsdu nls d'INis, h) démonZaïanbour, qui necessedesoufflerle désordre dans les ménages,et demoissonnerainsidesâmespour remplirles domainesinfernauxdesonpère.Fermezl'oreilleauxsuggestionsde Saïdana,ce démonfemelle, et de Lobaïna,la fillede Satan, qui allumentvos sens des feuxde l'impudi-ci'é! Il en est tempsencore; hâtez-vousde repren-dre la voiedroiteet de vous repentir, et Dieu,qui estClémentet Miséricordieux,vousaccorderavotrepar-don.Demain,il serait peut-être troptard. »

Revenuesbientôt de la terreur que leur avait in-

spiré le mouvementterrestre qui les avaitjetées aux.

pieds de Sidi Megris,et mettant ses paroles derrièreleurs oreilles, les Amryat, frappées de démence,re-

prirent leurs insolents ricanementset leurs inconve-nantes réflexions.L'une d'elles se leva, mue comme

par un mouvementde détente, et, trouant la foulequil'entourait, elle se précipita, ardente, l'œil en feu, labouche chargée d'imprécations,vers le point où setenait le saint. Elle avait vingt-cinq ans environ;c'était donc une femmeterminée, finie.La débaucheet la malpropretécorporelle l'avaientusée jusqu'à lacorde.Sonvisageestlivideet zébréde crasse; sa lèvreinférieureest lippue, ce qui est la marque dela sen-

Page 280: Trumelet Algerie Legendaire

9?8 !AMH6MBt6aEt!MtBE

suantebestiale;sa tête estontignaaséed'âne chevelure-notre poudrée de toutes les déjections de l'air; lekoheul dont sont chargées ses paupièresdonneà ses

yeuxl'aspect de deuxpuits au fond desquelsétincelleun tison; sesAor&oMS'noirs, réunis en un seul, et pa-reils à une sangsuerepue, obombrentson regard et lecavent encoredavantage. Un turbanfait d'unebandede linge de nuance terreuse enveloppesa chevelure,et une cordede poildechameaune formantqu'un tour,fixe à la coiffurele haïk, grandvoile de cotonnade,maculédetoutesles impuretésde la débaucheet se ré-

pandantle longdu doscommeune cascadede caMaulait. Deuxpièces de mêmeétoffequele voile,retenuaux épautes par des boucles d'argent oxydéet auxhanches par une ceinture,s'ouvrentsur le côtédroit,et produisent un décolletévertical qui, desaisselles,se prolongejusqu'aux mallioles.Le seindroit profite.de cette ouverture pour reprendre sa liberté et fla-

geller la hanche du mêmecôté, selon le rythme desmouvementsde l'Amryat,laquelle laisse également&découvert une cuisse maigre et cannelée de nuancelard ranci, s'articulant à un genouridé, et se conti-nuant par un tibia meubléde chairs flasquestremblo-

tant, pendant la marche, commeun amas degélatine.Soncou, sesbras sont chargésd'amulettes; elleportesur les reinscelle qui préservedela conception.C'estbienlà la précautioninutile car, lorsque;commeelle,on est une OMa/~cMe~cM~a*,on n'a point à redoutercette sorte d'accident.

Cettefemme,c'est la fameuseEl-Faceda-bent-El-Fa-ceda, le vice-incarné; aussi son corps porte-t-il les

1. Sourcilsfacticessoitencouleur,soitenor.2. M~tMvidé.C'estainsiquelesArabesdésignentlesfem-

messtériles,et cellesquiontatteinti'agedelaménopause.

Page 281: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV.– SIDI MECMS a~

stigmates de la salacité malsaine et des accouple-ments cloacanx.On se demandepourquoi, dans une

questionqui concerneparticulièrementlesjeunes, ellesemblevouloir prendre une part si importante; onvoudrait savoir en quoi ses intérêtscharnelspeuventbien se trouver lésés dans cette anaire. D'abord,El-Facedan'a pointencorerenoncéauxchosesdel'amour;c'est encoreunetravailleusede soncorpsqui, les joursde marché,n'est point la moins occupéedans les ra-vinsduvoisinage; et puis, d'ailleurs,elle est toujoursdisposée,quandellene peut suffireà la besogne,à re-

passer ses restes à ses compagnes.CommeDhilma,lafameuseentremetteuse.del'anciennetribu des Hou-

dhéïMtes,elle fait marcher parallèlementl'amour etl'intérêt. En outre, elleest de cellesdontles maris,seconformantaux conseilsde SidiMegris,ont essayédutraitementcontondantsur son pauvre corps.Oncom-

prenddès lors les dispositionsdans lesquelleselledoitse trouver à l'égard du saintmarabouth.Aussiest-ceelle qui a vouluentamerl'action, et reprocher devanttoutes à cet étranger la conduite indigne qu'il avaittenue à leur égard.

Elle est là en facedu saint homme, Fœilmenaçantet les poingsfermés la colère fait tremblerses mem-bres qui craquentcommedesbois neufssoumisà l'ac-tion de la chaleur; ses bras s'agitent avecviolence;elle veut parler; maisellene trouve pas.sesparoles;sa voixBnitpourtantpar s'échapperde songosierbrû-

lant elle estd'abordrauque, voilée,puis eUedevient

perçante, aiguë; ellesemblesortir d'un larynxmétal-

lique.Appuyé sur son bâton, le saintestcalme.commela

force devant cette furie déchaînée.Les Amryatsont

là, l'oeilsur leur compagne,et attendantanxieuseslemomentd'entrer en ligne et de se mêler à la lutte

Page 282: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM&ME t~6ENBABtB874

qu'entamecontreSidiMegrisl'imprudenteet téméraireEl-Faceda.

« 0 Monseigneur,l'ami des hommes!Ale donneur

de conseils Ale trouble-ménage s'écrie B!-Facedad'une voixd'abord étranglée par la colère,quel est ledémonqui t'a pousseversnotre tribu? Quelest levent

empestéqui t'a vomisur notre pays? Quies-tu? D'oùviens-tu?Quenousveux-tu?

0 femme! répond le saint avec le plus grandcalmeet les mainsappuyées sur son b&ton,la colère

t'aveugleet te fait m'outrager; mais j'ai pitiédetoi àcausede l'imperfectionde ta nature et de l'inférioritéde ton espèce car, commetous les autres animaux,tu es unecréaturede Dieu. Quije suis?medemandes-

tu eh bien!je vais te le dire Je suis un avertisseur,un Envoyéde Dieu. Tuveux savoir d'où je viens?jete le diraiencore J'arrive de l'Occident,jusqu'où est

parvenu le bruit de vos infâmesdébaucheset de votreabandon de la voie droite. Ce que je vous veux?Vousavertir que vous avez lassé Dieu, et qu'il de-mande votre repentir ou un prompt châtiment. J'ai

répondu,Afemme!à tes questions.Nous n'avonsque faire de tes avertissements,A

Monseigneurl'imposteurrépliqua El-Faceda avec

mépris.Nousne sommespoint des enfantsdont on abesoinde soutenirles pas chancelantset malassurés;noussommesdescréaturesraisonnables,sachant nousconduireet nous diriger sans être dans l'obligationd'avoir recours à des étrangers commetoi. Retournedonc dans ton Occident,et va porter tes conseilset tesavertissementsà ceuxqui te les demandent.

LeProphète a dit « La femme,à causede sa<traisondéfectueuse,est toujours disposéea disputer« sans raison », reprit Sidi Megris sans sortir de sasérénité.L'hommedoitdoncla traiter commeon traite

Page 283: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. MMME6MS a?s

un être déraisonnable.Je continue !1vousfaut quit-ter, 6 femmes la voie d'opprobreet d'abjectiondans

laquellevousêtes engagées vousrendrezà vos épouxce qui leur appartient, et vouscesserezd'en trafiquerà prix d'argentou d'en user par débauche.Vousou-bliez trop que, si Dieuvousa donnédes organes de

plaisir, c'est exclusivementpour la satisfaction de

l'homme, et non pour la vôtre, de mêmequ'il lui adonné le cheval pour sa satisfactionpersonnelle,et

non pour celle de cet utile animal. Évitezdonc, 6

femmes!de faire labourer le champ conjugalpar lacharrue d'autrui.

Quandla charrue conjugalene vaut rien, répon-dit effrontémentEl-Faceda,on est bien obligéede se

pourvoirailleurs, si l'on ne veutpas laisser le champsans culture. Nosépouxne sont pointdes hommes.et leurlaideurégaleleur impuissanceauprèsdenous.

C'est la vérité s'écrièrent à la fois un grandnombredesassistantesen se rapprochantdu saint.

Je vousrappellerai, ô femmes que le Prophète,s'adressant à Aicha, la plus aimée de ses dix-septépouses, s'est expriméen ces termes « Toutefemme« quiaura dit à son mari « Quelaide est ta face que« tu es vilain! Cettefemme,Dieului tordra l'œil« et le fera louche; il lui allongera et déformerale« corps, la tête; il la posera, cette femme,en lourde« et ignoblepyramide,masserepoussante,viandedé-« goûtante,salementaccroupiesur sa grossebase aux« chairs flasques,fripées,affaissées,pendantes.»

Un frisson d'horreur courut parmi les Amryatetleur cloua,pour un instant, la langue au palais.MaisEl-Facedan'était pas femmeà s'émouvoirpour si peu.Aussireprit-elleaussitôt, en élevantla voix «Par lavérité de Dieu1 cene sont pas des hommes,et nousles méprisonstrop pour leur obéir.

Page 284: Trumelet Algerie Legendaire

~76 t'AMH&MS!j66ENBA!BE

Jamais1. Ws'écrièrentles Amryaten se rappro-chanttoujoursdu saint marabouth.

-Alors, ô fillesdu péché1 cesera pour.vousle châ-timentdans ce mondeet dans l'autre 1s'écria d'unevoix formidablele sévère Envoyéde Dieu, qui étaitaussià bout de patienceque-deconseils.

Sousle coup de fouet de cette terrible menace,lesfemmesse précipitèrent, bondissantes,vers le saint

homme, et l'entourèrent, furieuses,en lui montrantles dents et le poing. EHesressemblaientainsi à un

troupeaude panthèresqui auraient sentiune proie.« Par ta faute, ô Monseigneurle conseilleur!il a

déjà commencé,le châtimentde ce monde expectorad'une voix rauque la fougueuseEl-Facedaen se dé-couvrantfébrilementles reins; tu peux toi-même,o

Monseigneurle troubleur de ménages! te réjouir deton oeuvreen en comptant les marques1. Tiens1

regarde! »En effet,la régionde son corpsqu'ellemontrait au

marabouthétait marbréede larges ecchymoses,quine démontraient que trop l'emcacité de ses recom-mandationsaux épouxdesAmryat.

Centautres de ces femmes,imitant l'exempled'El-

Paceda,Brent tomber leur vêtementet montrèrent àSidi Megrisleurs corpsviolacéset meurtrisde coupsde bâton. « Tiens, regarde, 6 Cheïthan s'écriaient-elles furieuses,'enmettant sous les yeuxdu saint les

.parties attaquées. C'estlà le fruit de ton ouvrage,ô le

perversoie méchant!ô le fauteur.de désordre! »Sidi Megrisne broncha pas et resta ferme comme

un rocdevantcetteexhibitiondescharmesdesAmryat,.et cefutdesa part d'autant plus méritoirequ'unassez

i. Satan,ledémon.

Page 285: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. StM MEQM8 an

grand nombre de ces Bilesdu péché n'avaient pointle moindrebleu sur ïe corps,et quetour but ne pou-vait être évidemmentqu'une tentative de séductionexercée sur le coeurdu saint homme, lequel n'avait

point encore dépassé l'âge des passions.Du reste, lalascivetéque ces dernières mettaientdans leurs poseset dans leurs mouvementsindiquaitassezclairementoù ellesvoulaient en venir. Le marabouthle compritparfaitement,mais il en avait vu bien d'autres, et cen'étaient pas les Amryat qui étaient capablesdefairesombrer sa vertu; et puis il n'oubliaitpas qu'il avaitunemissionà remplir, et rien au monden'eût pu l'endétournerou l'empêcher de la mener jusqu'à termi-naison.

Lesaint restadonccalmeet froidau milieudecedé-cha!nementdetouteslespassionscharnelles,aumilieudecettehoule de chairs, de cestorsionsde reins; son

visage austère ne trahissait aucun des mouvementsde sonâme,laquellepourtant était pleineà déborder.Il allaitprouver,d'ailleurs,.enaccentuantson attitude

d'avertisseur,qu'il ne les redoutaitpas et que rien ne

pouvait le détourner de son devoir. a Ceschâtimentsdont vous vous plaignez, ô impures vous les avezmérités!1s'écriait-il d'une voixtonnante.

C'étaitla goutte d'eau qui fait déborderle vase, etla fureur des ecchymoséeset de cellesqui ne l'étaient

pas allaitatteindre son paroxysme.«Par Dieu il fautle tuer commeun chien, ce maudit, et jeter sa cha-

rogne en pâture àux hyèneset aux chacals disaientles premières. Cen'est point là un homme1 répé-taient les secondes,et nousavionsbienraison dedire

que c'était un castrat. » D'autres lui lançaient desobscénitésen plein visage; toutes s'apprêtaientà se

précipiter sur lui et à le mettre en pièces, ou les

plus éloignées ramassaient des pierres pour l'en

<6

Page 286: Trumelet Algerie Legendaire

).'AM~M! !.@8t~tM!<Raf)a30

lapider. Bt-Facedadonna ta signal de l'attaque en lesaisissantpar sonbernons. AprèsMMmomentd'hési-

tation, cellesqui étaient le plusprëade Sidi Megriaaeruèrent sur lui et saccrochèrent, furibondes,à sonvêtement.Mais le saint, sana se troubler, toucha du

doigt,au front,cellesqui étaientdana le rayon de son

bras, et eHestombaientà la renverse en vomissantcontrelui d'aCreuseaimprécations puis,lebras tendu,il nt un tour sur iui-memeen s'écriant d'une \oix

vibrante,qui retentit dans la montagneavec la vio-lencede cellede la foudre «Arrière,o Mitesde Satan1

Arrière,o niies de la débaucheet de la luxure! t Ar-

riore, $ fillespourriesdu corpaet de i'ame Je vousmaudisjusqu'à la dernière génération a Et les mal-heureuses Amryat firent le vide autour du saint enreculantet en sevoilant les yeuxavec la main, car le

visagedu saint marabouthétait, à ce moment,nimbéd'uneauréole lumineusedont ellesne pouvaientsou-tenirl'éclat. «Oui,je vousmaudis,fillesde l'impuretéet desamoursimmondes! Désormais,pareillesà des

chiennes,filles de chiennesen chaleur, vous courrez,haletantes et la langue pendante,dans la trace deshommes1 Vousvous routerez &leurs pieds, le corpsembrasé, le gosier brutant, la tête en feu, les sensdévorésde désirs Vous leur ouvrirezvos bras trem-blants de passioninassouvie,et vos bras se referme-ront sur le vide, car les hommesvous repousserontavec dégoat! Pour satisfaire vos insatiablesdésirs,vous en arriverez à solliciter des accouplementsin-fects avec des êtres vils et abjects, et ceux-làaussi

mépriserontvosprovocationsimpudiques1 Vousvousconsumerezen vain sur un brasier inextinguibleetdans des ardeurs inassouvissables,et tous passerontsansvous porter secourset en crachantsur voscorpsconvulsés,commeon crache sur une chose qui ré-

Page 287: Trumelet Algerie Legendaire

xx<v. 8)w HEeats 979

pugneVous serez,enfin,t'ometdo Faveraionde toustes hommes,et Taabbota-CharranM'meme, cepoètepillard du d<!aert,qui eut commerceavec une goule,vous repowaseraitdu pied avec mépris! Tel estrarrét do Dieut »

Pendantque Sidi Megrisleur lançait cette terriblematediction,iesmalheureusesAntryat,atterreea,c(tup-beea sous te poids de la parole vengeressedu saint

homme, sentaient déjà monter a leurs cerveauxlesivressesdouloureusesde la nymphomanie;leur sangbouillonnait impétueusement et avec une trusion

extrême; bientôtellesse roulèrent~u!'le sol enjetant,do leurs gosiersen fou,des cris rauquos,gutturaux,atranguMs,et leurscorpsentrèrentdans d'effrayantesconvulsions;entrelacéescommedes paquets de rep-tiles, la bouchefoisonnantede bave, eties se déchi-raient et se mordaientjusqu'au sang. C'étaitun spec-taclehideuxquecefouillisde membresqui s'agitaient,crispés, et d'où émergeaient des torses nus, cher-

chant, mais en vain, à se mouvoirdans le rythmedes amours célestes rien d'affreuxcommeces bou-ches tordues et grimaçantes, comme ces rires con-vulsifs et ces pleurs pareils a des bêlements.Cette

enroyaMescèneseprolongeajusqu'à la chute dujour;le froid de la nuit vint arrêter ce dévergondagedu

sang, cas scènes d'impudicitéépileptique; les corpsse dénouèrent peu à peu. Brisées de fatigue pours'être consuméesen stérilesefforts,honteusesd'elles-

mêmes, les Amryat se dispersèrent, affolées, dans

toutes les directions, les unesregagnantleurs douars,les autres tombant, à bout de forces, au fond de

quelqueravin, où ellespassèrentia nuit.Leseffetsdela malédictiondu saintne s'étaientpas

fi~tattendre.

Quantà Sidi Megris,il avait disparu,et jamais on

Page 288: Trumelet Algerie Legendaire

~MÉME ï~aEMMOR980

ne ta revit dans le paya.LesAmryatétaientdoncdc<I-nitivamentet irrévocaMementcondamnées.

Dèsle lendemain,ellesse répandaient sur tous les

points oit elles savent trouver des hommes, a lacroisière des cheminset autour des marchésparticu-lièrament,ot la olleasollicitaientpar des paroieaobs-oëneset par des gestesimpudiquesla satisfaction:doleur lubricité. Maistous, jeunes ot vieux,se détour-naientd'ellesavecdëgoat,et pourtant c'était gratuite'ment qu'eMes proposaientleurs faveura; eh bien!tmémoa cettecondition,eUesne pouvaientparveniràen trouver le placement.Ellespleuraientderage desevoir ainsidédaignées,méprisées; et cette intolérablesituationne devait pointavoir de fint

Plusieursannées déjà s'étaient écouléesdepuisquel'impitoyableSidiMegrisavait lancé sa terrible malé-diction sur les femmesdesAmer-EI-R'eraba;les mal.

heureuses,on le pensebien,n'étaientplusquel'ombred'elles-mêmes.Un soir, un Moghrcbi' se présentaitcomme hôte de Dieu dans un douar des Amer-El.R'eraba, et y demandait l'hospitalité pour la nuit.Toutes les femmesdu douar, en entendant la voixd'un étranger,s'étaientprécipitéeshorsdeleurstentes,et elless'apprêtaientà se disputerses faveurs.Surprisde la singulièreattitude de ces femmes,le voyageurdemandale nom de la tribu dans laquelleil se trou-vait. On lui répondit qu'il était chez les Amer-El-R'eraba. Or, le Marokain,qui avait entenduparler dela malédictionprononcéepar SidiMegris, un saintde sonpays, sur les femmesde cette tribu, s'expli-qua dès lors aisémentla bizarreriedela réceptionquilui était faite.Lavue de ces infortunéesl'avait touché

i. Hommede,t'Onest,du Marok.

Page 289: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. StMMRSHta 28t

assezprotbndoment,et il a'etait sentiému de pitié en

presenoode ces femmesmauditesnon seulementdanaelles, mais encoredans leur postérité. Mest vrai quete Moghrebinotait pas un saint, au contraire.Il péné-tra dans la tenta devant laquelle il s'était présenté.C'était justementcetted'Et-Faceda-bent'Et-Faeeda,quenoua conna!aao!)8d~a. Mest inutiledo faire Mmar-

quer que t'aco~sd'6ne)'g!adontles hommesdo la tribuavaientfait preuveà l'égard de loursfemmes,d'aprèsles conseilsdo SidiMegria,n'avait pas ou de suite, et

qu'ils étaiont retombes plus que jamais dans le v!eoat dans le méprisdeleurscompagnes,pourlesquelles,d'aMteura,ils n'étaient pas des hommes. Aussi, los

reteguaient-oMosdans un des coins de la te! te, oùellesne s'occupaientpas plusd'euxque s'its n'eussent

jamais existé. Les femmesdu douar étaient dote en-trées sur les pas do l'étranger dans la tente d'c.<-

Faceda, laquellejouissait toujours d'une grande in-Ouencesur toute la tribu.

Le voyageurn'eut pas besoin d'insister beaucouppour se faire raconter de point en point commentleschosess'étaientpasséesavecte marabouthSidiMegris.Toutes voulaient.parlerà la fois,commeccta se fait

toujoursd'ailleursdans les réunionsde femmes maisEi-Facedaleur imposasilenced'un gestequi n'admet-tait pas la réplique, et ce fut elle qui prit la parole.Pendantson récit, ses malheureusescompagnesdévo-raient du regard le bel étranger, et un mouvementconvulsifdutorse,accompagnéd'uncoupd'œiichargéde concupiscence,et d'un coup de languepa~sésurleurs lèvres desséchéescommepour les modifieretleur rendre leur humidité, disaientassez quellepou-vait être la nature de leurs sensations.

QuandEt-Facedaeut terminéson récit, te Marocainlui donnaà entendre que, peut-être,il pourrait.atté-

«.

Page 290: Trumelet Algerie Legendaire

It.'AM~HB~OEMtAtMt!aaa

nuer ta rigueur dola malédictionqui pesait sur eMes,«Non paa.diaait-i!, qu'il me aoit poasiMed'annulerles enetttde cottemalédiction,car cepouvoirM'appar-tient qu'ADieu;mais ma science,je ta répète, et mes

relations avec les ~CMOMH(génies) me permettentd'apporterquelqueadoucissementà votretriste situa-

tion, et à vouarelever à vos propres yeux en échan-

geant l'état d'abjectiondans tequotvouaa placées lamalédictiondeSidi Megr!scontreun pouvoirqui fassedeshommesdont vous deairerexles caressesvoses.ctaveset vosservitouM.

A cotte revotation, les yeux des Amryat, devenus

pyroboHqueapar l'éruption de toua les feuxqueren-fermaitleurs corps,ectairerontsubitementla tente,ou

rognait une quasi-obscurité.Sans qu'oMcspussentserendre compte des moyens qu'allait employer leMMaf pour leur soumettretes hommes,leurscœursn'en débordaientpas moinsd'unejoie intenseet d'unbonheur suprême. Commeelles allaient se venger,pon8"ient-ettos,de leurs mépris, de leurs brutalités,do leurs dédains,de leurs dégoats! Ei-Facedane fut

pas la dernière à remercier le sorcier marokain,quine leur demandait, pour prix de l'immenseservice

qu'il se promettait de leur rendre, que de faire suc-comberle plusd'hommespossible,- ellesne deman-daient que cela, afin dejustifier la menaceque fitIblisa auSeigneurquandcelui-cile chassa du Paradis,pour n'avoir point voulu s'inclinerdevantle premierhomme,Adam.« Sors d'ici, lui avait dit le Seigneur;il ne te siedpointde t'enuer d'orgueildansceslieuxSorsd'ici! Tu serasau nombre des méprisables!

1.Magicien,sorcier.2. Iblisestlechefdesmauvaisgéniesc'estCheHhanouS%-

tenM-tneme.

Page 291: Trumelet Algerie Legendaire

XXn'. 8)M MROMM .~89

-<- Donne-motdu répit, avait répondu!bMs,jus-qu'aujour onles hommesseront reaauacités.

Tul'as, avait repris te Seigneur,un pou étourdi,mentpeut-être.

Et parce que tu m'as égaré, reprenait Iblis, jeguetterai les hommesdans ton sentier droit, puis jeles assailliraipar devant et par derrière; je mepré-sentorai a leur droite et &lour gauche, et, certes, ils'en trouverapouqui te seront reconnaissants.

Sors d'ici lui répétait h Seigneur, couvert

d'opprobreet repousseau loin! Je remplirail'Enferde toi et de tous ceuxqui te suivront'. »

Et c'est ainsique le pauvre genrehumain,qui n'en

pouvait mais,était appelé de très bonneheure à sup-porter les conséquencesde la désobéissancedeSatan.Ennn!1

Commetous les sorciers, le Marokainétait quelquepou le suppôt de Satanas; mais qu'importait aux

Amryatque le soulagementà leurs mauxleur vint delà ou d'ailleurs,puisqu'ellesn'avaient rien à espérerducôté dessaints.

Le savantmagicienremità ta nuit du lendemainles

opérationsqui devaientdonneraux Amryattoutpou-voir sur les hommes,et les mettre à leur entière dis-crétion.CommeSidiMegris,le magicienallait réunirles femmesdela tribudesAmer-Et-R'eraba,et apporteraux rigueursdu terrible verdict du saint marabouthun adoucissementqui, pourne pasêtre d'une moralité

exagérée, maisla vertu n'entre pas dansla spécia-lité de Satan, il n'en a pas la fourniture, n'enpré-sentait pas moins, pour ces malheureusesmaudites,un avantagedesplus appréciables.

t. te JfoMs,sourateVII,versetsde MAt1.

Page 292: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AMt~MB~eENMtHEaM

Le lendemain,à minuit, toutes les AmryatétaientraasemMéeafur le Bir'Hamxa.La lune.paroiMeà MMchaudronde cuivra rouge mal éearé, aohiaaaitpéni-blementle long de la paroi do la coupolecéleste.Sa

lumière,qui prenait d'écharpe le groupedes Amryat,donnaitdes tons fauvesà leurs v6tetnet)tajaune sale,lesquels,d'ailleurs, Mconfondaientavecte terrain oùolles étaient rëunies. Ce n'étaient plus cos cris, cosmouvementsdésordonnésqui avaient marquéla ren-dex-vouaque teuravait donnéSidiMegrissur rAïn-Et-

Ke!ha;on n'entendaitde tour côté qu'un susurrement

pareilau bruissementqueproduit le ventdans le feuil-

lagedosgrandsarbres. Ellesattendaientanxieuses,etsoust'inuuencedocettecraintemystérieusequedonnale silencedesnuits éclairéespar la lune,la révélation

queleur apportait le magicien.Il apparut tout à coupau-dessus d'elles, guidé par El-Faceda.Il semblaitd'une.taille gigantesque;sas vêtementsétaientteintésde feu, maisd'un feu qu'on aurait alimentéavecdu

sang.Mtenait &la main un long bâton ferré à l'aide

duquelil gravissaittes rochers.11descendit.vers le plateau inférieursur lequelles

femmesétaientgroupées lorsqu'il en fut tout proche,elles se levèrent soudainementet coururent se préci-piter aux pieds du saMa~ dont elles baisèrent avecavidité tout ce qu'elles purent en saisir, c'est-à-diretout cequiétait dans le rayonde leurs lèvresardentes.Lemagicienles calmaau moyende signesde la main

qui ressemblaientassez &des passesmagnétiques;elles reprirentleurs placesaussitôt,puis il traça autourd'ellesavecson bâtonun grand cerclequi se marquaitsur le solpar unelueurphosphorescentede laquellese

dégageaituneforteodeur de soufre; il murmurait,enmêmetemps, des paroles appartenant à une langueinconnue c'était, évidemment la formuledesenchan-

Page 293: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. MMMEBMS §?

tements.E~Faeedaauiva!tavecanxie~ tous les mou-vementsdu Marol<ain,qui, sa cérémoniepréparatoireterminée, pénétra au mMieudu groupe. Ce que Ma

pieds et son bernous reçurent de baiseradans cettetraverséeest incalculable du rcate,toutporte a croire

qu'on n'en saurajamais le nombre, lesfemmesarabesou kabiteaétant d'one ignorancedéplorableen ma-!tierc destatif tique.

Le magicien!an~aensuitedans los airs, do sa voix

mëhtHique,la ~eMo' des incantations « 0 Amryat!a'ëcpia-t-i!,voua avex été mauditespar une divinité

implacable,impitoyaMc;et pourquoi?parce que vousaveztrop aimesoncouvre,l'homme,qu'elleavait crée

pour vous! Pourquoi a-t-elle jeté dans vos corpstous les feux dovot'autsde la passion do la chair,toutestes ardeurs desjouissancessensuelles,si c'était

pour, plus tard, vousfaireun crimede cherchera les

apaiser?. Est-ce vousqui lui aviezdemande,Acette

divinité,d'infuserdansvosveinesun sangchaufféjus-qu'à l'excès?. Hst-cevotre faute &vous, je vous !e

demande,o Amryat! si, chexvous, la chair est exi-

geanteet irrassasiable?. Non,n'est-cepas?. aPar Dieu1 cethommeest avecle vrai se dirent

lesAmryaten se regardantl'une l'autre.Eh bien alors, continua le Marokain,ce n'est

réellementpas la peinede se dire.le.Dieuuniquepour.manquer de logique&ce point, et pour se montreraussi souverainement injuste envers sa créature.

Vraiment,notre SeigneurIblis, qu'il réussisse,un

jour, à détrôner son rival! 1 est plus rationneldansson œuvre, et jamais, depuis que celuiqu'onnommele Dieuuniquel'a expulsé de son paradis, et cela

i. Laformuledesincantations,t'anathème,la sentence.

Page 294: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMtÈNR !.6«RNM)NKasa

pour M paa etra expose&Iovoir rire de ses ineonse-

quenteea,on n'a eu à lui reprocherde pareillessoi.

hseat.sCet hommeest la vérité môme! répétèrent les

Amryaten Mfrappantdana les mains.Notre Seigneur Iblis, qui aime la justice, et

dont !o bonheurest do secourir les persécutes,pour-suivitïo magicien,m'a envoyéversvous,–je no veux

point vouale cacherpluslongtemps,- pour atténuer,autant qu'Hest en son pouvoir, les terribles euetadela malédictionque t'eMaMSMiMegfisa été charge de

prononcercontrevous. »

Toutesles Amryat, au combtede la joie, liront re-tentir les airs do tours~OM~o<«/les plus suraigua.

«Ehbien!oAmryat voiciceque mechargedevous

communiquerle chef des <~MOMM.'Touthommequevousaimerezdans votre coaur,et qui refusera de sa-tisfaire votrechair, à celui-làvous luidirex ~b«H« At/î/a–Sois commemoi!1 et, soudain,il devien-dra commevous.Ce qui signifiaitque tout homme

qui refuseraitde satisfaireau désirquelui exprimeraitune Amryade se livrer avec elle à t'acte.du -MM*a setrouveraitdès lorsdévoréd'un désir demêmenatureàl'endroit des hommes, qui, tous, pour compléterlasimilitudeavec les femmesdes Amer de l'Ouest, les

repousseraientavecdégoût.Aprèsavoirprononcésa formule,le magicienmaro-

kain, qui, dit-on, était Iblis en personne, avait

disparu par une sorte d'évaporation n'ayant laissé

aprèsellequ'un légernuagequi planapendantquelque

i. Crisapplaudititsdesfemmesarabesoukabiles,et qu'eUeaexprimentpar desy<tM/youtqu'ellesvontchercherà centpiquesau-dessusdeleurstêtes.

9 L'amourpratiqueiuegithme.

Page 295: Trumelet Algerie Legendaire

XXtV. SHMMROaM SM

temps au-dessusdu groupe des Amryat, et qui tinit

par se dissiper il avait voulu,sans doute, se déroberà l'enthousiasmede cellesdont il venait de.faire lebonheur.

Arméesde cet étrange pouvoir,les Amryatne mi-rent plus aucune retenue dana leurs emportementsluxurieux; aucun frein ne pouvait arrêter tour fou-

gueuselubricité embusquéesdans les plis de terrain,dans les ruisseaux,dans les ravins, dans les brous-sailles, à l'auut sur le bord descheminsles plus fré-

quentes,elles choisissentleurproie, et le choisi, f&t-11le pacha lui-même,est obligédo s'exécuteret d'en

passer par toutesles exigences,par tous les capricesde l'Amryat; sinon, il se sont pris subitement del'horrible et infect prurit qui annonce sa métamor-

phose,sonchangementdesexe.Asontour, il rechercheles hommes,et tous repoussentle misérableréfrac-

taire, devenuabject,avecle plusprofondmépriset le

dégo&tle moinsdissimulé.Et il n'est d'autre remèdeà cettehideuseaffectionquedansla satisfactiondonnéeà la salacitéde l'Amryatqu'il a dédaignée,et qu'ilfautretrouver.S'il réussità remettrela main sur sa trans-

formatrice,celle-ciinvoquealors Iblis, qui, toujours,exauce sa prière,.et la malheureusevictimeest déli-vrée de son affreuseinQrmité,après, toutefois,avoir

accomplila formalitéexigée.Dieun'a pointencoreretiréla terriblesentencequ'il

a renduecontreles Amryatil y a prèsde quatre centsans; toujours, et avant même qu'elles aient atteint

l'Agede la nubilité, les filles de cette malheureusetribu ressententles effetsde la malédictionprononcéecontreleurs ancêtres; elles se livrent de bonneheureà une débaucheeffrénéeet toujours inassouvie,et les

glacesdel'âge neparviennentmêmepas à éteindreléfeu qui les dévorejusque dans leurs moelles~Depuis

Page 296: Trumelet Algerie Legendaire

&'A<.e6M)BtÉCENCAMEaas

.longtempsdéjà, les Amryat ont choisi, pour tendreleurs lacs, un ravin voisindu marchéde l'e~MM(dulundi),près de Sethif,et qui est connusons le nomdo

CM&et-JS~ ravinde l'accouplement.Il serait grandtempsque le Dieuuniquese lassâtde

frapperdemalheureusesfemmesqui ne sauraientêtre

responsablesdesactes de leursbisaïeules,et celad'au-tantmieuxqueSatan,quise dit effrontémentsonrival,ne paraitpas devoirte détrônerde sitôt. Sinousjouis-sions doquelquecrédit auprès de celuique les Maho-metans appellentle Clément,le Miséricordieux,nousdemanderionsgrâcepourcesinfortunéeset miséraNescréatures. Nousle prierions de prendre en-considéra-tion quela présencedes femmesdesAmer-El-R'erabaaux environsde Sethif est un dangerpermanentpourtes indigènesde cette localitéet de sa banlieue,me-nacés qu'ils sont à chaque instant d'être métamor-

phosésen femmes.Pourvuqu'il ne soit pasdéjàtroptard!'

xxvSIDÏAÏÇA

VersFan 1860 de notre ère, Sid Ahmed-Amokranl

succédait &son frère, Abd-el-Aziz, dans la principautédes Bni-Abbas. La légende est remplie de son nom;

L En kabil, le mot ~MoA~Msignifiegrand, chef. Le surnomd'Amokran, chMtgëen JMbAttm!,sert, depuis cette époque, denom patronymique aux seigneurs d'Et-Kat&aet des Bni-AtbM.

Page 297: Trumelet Algerie Legendaire

XXV. 8!M AÏ~A aaa

n

elle le montre-commeun prince humain, généreux,juste et valeureux.Aprègle desastre qui avaitenvoyéla tête de son père aux crochets' deBab-Aaaoun,SidAhmed-Amokranavait résolu de sa ménagerun appuisur les populationsdu Sud, et, au besoin,uneretraitedans le Sahra,pour, en cas do revers, mettre ses en-nemisdans l'impossibilitéde l'atteindre. C'estdanscebat qu'il organisa une armée relativementconsidé-rable, et qu'il se lança hardiment dans la région desOasispour y fairereconnattreson autorité. Le succès

ayant couronné son audace, et les ksour lui ayantouvertleursportes, il yplaçades chioukhet ymitdes

garnisons enfin, il investit des fonctionsde khalifadans le Sahraun hommeà oreilles ferméeset à mainde fer, Abd-el-Kader-ben-Dia,lequel' maintintle Suddans l'obéissance,et fournit de précieuxauxiliairesàMokranilorsqu'ileut besoinde se défendrecontreles

attaques de sesturbulentsvoisins..A la mort du khalifaAbd-el-Kader-ben-Dya,Sid

Ahmed-Et-MokraniluidonnapoursuccesseurSidiAîca,marabouth d'une grande piété, maisdont l'ambitionétait démesurée.Il rêva, en effèt, de substituer sonautoritédans le Sahra à cellede son maitre et souve-

rain, et il mit dès lors tous ses effortsà gagnerà sacauseles Nomadesde sonkhalifâlik.Quandil se crutcertain du succès, il leval'étendard de la révolte, etréunit autour de lui de nombreuxcontingentsqui de-vaientlui permettrede résisterà Mokrani;et d'asseoirson autoritésur la régionquelui donnaitsa trahison.

Mais,contrairementà ses prévisions,le marabouth

essuyaune défaite complèteà sa première renco.treavec !<?forces de Mokrani,et il tomba en son pou-voir.

Le marabouthSidiAïcafut condamnéà périr par le

feu, et, malgré son caractère sacré, on l'ameM&sur la

Page 298: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM)ÈMS ï~aENMÏNB880

lieu oa il devaitêtre livre au supplice.Vainqueursetvaincus étaient réunis pour assister à une exécutiondontMokranivoulaitque les unset les autres gardas-sent le souvenir. Le saint marabouthparaissait aussi

calme,aussi sereinque s'il se fut agi dela mort d'unautrequelui; un souriredédaigneuxvintmêmeplissersa lèvre quand il compritquel était le genre de sup-plicequ'ons'apprêtait à lui faire endurer.En effet,onavaitapportéua vaste <eM<s&moitiéremplidepoudredans lequel il devait être renfermé,Pendantque sefaisaient ces funèbrespréparatifs,le saint, qui sem-blait toujoursétranger à ce qui se passait autour de

lui, se mit en prière, et récita à plusieursreprisesla

chehada,qui est la formulede Hslam; puis, sur un

signedeMokrani,deshommess'emparèrentdu saint,qui, à ce moment,semblaittransSguré,et l'introduisi-rent dans le tellis, en ne lui laissant dehors que latète. Us mirent ensuite le feu à la poudre, qui Htexplosion avec une épouvantable détonation quiébranla le sol à une grande profondeur; en même

temps,un nuage d'azur enveloppaitle tellis, et s'éle-vait majestueusementdans les airs. Mais,6 prodige!quandcenuagese fut dissipé,on reconnutquele saintmarabouthétait absolumentintact.Letellis seulementavait souffert, car il n'en restait plus la moindretrace.

SidAhmed-Mokrani,témoinde ce miracle,compritqu'il y aurait imprudencede sa part à recommencer

l'épreuve; et qu'il n'était pas de force, tout puissantqu'il était, à lutter avec un saintque Dieuprotégeaitsi visiblement; il aima mieuxse montrer généreuxà

l'égard d'un hommeauquel il ne pouvaitiairB~acunt'i

L êacdetainc employégénérateaMatau tranepatt~eae6-të&teaet desdattes.

Page 299: Trumelet Algerie Legendaire

XXV. StM AÏÇA SM

mal, et 1mpardonner. BavantsonimpuisStince,Hha

put s'empêcher de Mre tout haut la réMexionsui-vante

«!<eamarahouthssont!as chardons,Et nousles chameaux;UsnouapiquentQuandnoustes touchons.M

Nou~devonsdiMque, pouvant, Sid-Âhmed-AnK~kraal ne poussapas la démencejusqu'àlui rendre sonkhaUfaMkdu Sahra..

SidiAlçase voua entièrement,après cette aventure,à la vie anachorétiqueet à la prédication.C'était ~emoins qu'il put faire de se consacrerabsolumenta

Dieu,qui, en .somme,Favait tiré'd'un assez mauvais

pas. Aprèsquelquesannéesde cettepieuse et austère

existence,SidiAïcamouruten odeur de sainteté,la-

quelle, nous le répétons, est;la même que celle du

musc,l'odeur favoritedu Prophète.

XXVI

SIDI MOHAMMED-'OU-ALÏ

JET SmïBOU-MEMLÏN

Le vénéréSidiBou.Bijemiin,si sasceptibÏe,dit-on,Jtorsqnesa puissancesumatarelleétait mise en doute,c'est-à-dïMlorsque son amour-propreétait enjeu, necraignait pas cependant de froisser quelquefoisses,crmpait ep 8

Page 300: Trumelet Algerie Legendaire

t'ÀM~MS !.6aENBAMB?2

saints collègues,et de leur manquerd'égards quandMonmêmeils Meussent été supérieursdans la hié-

rarchie des saints.

Ainsi,cene seraitrien moinsqu'à sonincivilitéqu'ilfaudrait attribuer le manque d'eau dont est amigéeaujourd'huila régiondu Hodhna,autreloia si riche en

céréaleset en biens de toute nature.Nousallonsdiradans quellescirconstancess'est produitecetteruineuse

.catastrophe.Autrefois,nous le, répétons, ie Hodhna rivalisait

avecles phn richesplaines du Tellpour l'abondancede sesblés et ses gras pâturages.C'était une,terre debénédictionqui faisait l'admirationet l'enviedetoutesles populationsdu Sahra de la Régenced'Alger.En

effet,il y a quelquessiècles,leBou-Sellam,rivièrequiprend sa sourceau nord-est do Sothif, sejetait, selon

la légende,dans l'ouadEl-Ksobpar la valléequi courtvers Ras-El-Ouaden passant par Ksar-Eth-Thaïr. LeHodhnarecevaitégalementles eaux du Bou-Thalebetcellesdu versant sud du Megris.

NousallonsdiredansquellescirconstancesleHodhnafut dépossédéde cesprécieusesressources.

A une époqueque la légendene précisepas, mais

qui pourtantne doit pas être antérieureau XVIesiècledenotre ère, vivait,dans la valléedel'Ouad-Sahel,unmarabouthvénéré, et sùinsammentl'ami du Dieuuni-

que pour que celui-ci lui edt octroyéune part de sa

puissancedivine,c'est-à-direle dondes miracles.Sonnom était Sidi Mohammed-ou-Ali.Certes,ce ne sontpas les vertus qui lui manquaient, car il les avaittoutes, à l'exceptionpourtantde cellequ'on appellela

modestie,qualitéprécieusedontil n'avait aucuneidée.Or, unjour quel'intérêt de la religion, –~dumoins,

nous le supposons, l'appelait dans le Hodhna, ils'arrêtait à Msilapour visiterceksar qu'il ne connais-

Page 301: Trumelet Algerie Legendaire

~Vt.–mtHMOBANMEe-OC'AURTM~BM-MSMUN?9

Raitpas;Acettemômeépoque,unautresaint,nonmoinivénéréqueSid! Mohammed-bu-AM,habitaitcetteloca-MMdontil édiHaitla populationen donnantFexompiod'unaardentepiété,jointe&une scienceineomparaMequiatteignaitaux dernièreslimitesda l'esprit humain.SidtBou-Djëmlin,–c'était sonnom, jouissait toutnaturellementdu don des miracles,maispas au m~tne

degc~,parait-il, que Sidi Mohanxnad-ou-AH,lequelsemblait-occuper, dans les catégoriesdessaints, unesituationtout a fait horstighe, et ressusciterunepoulecuite,–comme le faisaitSidiBou-BtjemMn,apparte-nait aungenrede miraclesqueSidiMohammed-ou-AMse Mtcrudéshonoréd'opérer.Son bonheurà lui étaitde jeter le désordredans les éléments,et cela sans lamoindreutilité, et pour des raisons d'unevaleurptusquedouteuse, de sorte que son œuvre paraissaitbien

plutôt devoirêtre attribuée à l'esprit du mal qu'à l'in-terventionbienveillantède la puissancedivine.Eh arrivant à Msila,Sidi Mohammedparut on ne

peutplus surprisque SidiBou-Djemlinne fat pasvenuau-devantde.lui, son supérieurprès de l'oreillede

Dieu,pour lui fairehommageet lui rendre les hon-neurs qu'il croyaitdùsà soncaractèreet à sa positionsur l'échelledessaints enmissionici-bas.Aveugléparla colère, Sidi Mohammedse rendit sans retard à laZaouïadont SidiBou-Djemlin~taitle chikh, et, avantmêmed'avoir reçu ses explicationsou ses excuses,il

l'apostrophabrutalementdevantses disciples,cequi,on le pense bien, produisit le plus déplorableeffet

car, de tout temps, les élèvesont été enchantésquandleur maître a reçu un camouQet « Tun'es pasvenuau-devantde moi, lui dit-il, l'ceilplein de colère etde haine, et tu m'as laissé entrer dans Msilacommeun berger, comme le premier venu, et c'est moi, o

grossier1 quiai été contraint de venir à toi, puisque

Page 302: Trumelet Algerie Legendaire

~Q~MR ~<MWMt)M9M

tn n'aepas craintde me ïaiasert'initiativede cette de-mMehe. Nemeconnaïs-tmdoncpaa?. Tgnoreraia-twqu'il est en mon pouvoir de transformer ton pays aïriche et si fertileen un désert de aaMeetde dunes,o&toi et lespopulationsinhospitalièresde cepayaserontcondamnésa mourir de soif et de M<n?. Eh bient4 Bou-Djemlinpuisquetu ne 8a!strouverni âne ex~

cuso, ni une parole de regret ou do repentir,commeon voitbienquec'était un parti pria! tu ap<prendras à meconnattre&tes deponaet & ceuxdes

~ens du Hodhna, qui sont aussi grossiers que toi!

Demain,ajouta SidiMohammed-ou-Aii,qui segrisaitde ses propres paroles, pas plus tard que demain,jodétourneraido soncours i'ouadBon-SeMam,ce fleuvebéni qui est votrerichesseet votrevie, et dontchaqueguerba(outre) d'eauvousdonne desmilliersde char~

ges.deblé. Par Dieu je le ferai commeje te le dis,car vousne méritez aucunepitié1 »

Soitque SidiBou-Djcmiinn'eut aucunebonneraisona fairevaloir auprès sonsaintcollègue,soit que, n'ac-

ceptant pas sa supérioritéhiérarchique, il dédaignâtde se défendre, quoi qu'il en soit de ces deuxhypo-thèses, le maraboutltde Maitan'en essuyapas moins

les injuresde son uanc', et qelasansle moindremur-

mure, sans la moindre récriminationPeut-être ne

croyait-ilpas quela puissancede Sidi Mohammedfatsumsantepour lui permettre d'opérer un miracledecette importance.

Aprèsavoirjeté à la facede SidiBou-Djemlincette

effroyablemenace,SidiMohammed-ou-AliquittaMsilaet se rendit entoutehâte &El-Hammam.Arrivéen ce

point,il frappale rocher de son bâtonferré aussitôt

i. Il supporta t~a injures SMtsse plaindre.

Page 303: Trumelet Algerie Legendaire

XXV!.–MMH~AMNEn-ûO-AU&TStMaW-MEHMN898

un épouvantaMebruitsouterrainse (!t entendre,ta terre

parut chancelersur sa base les roches,obéissantà unesortedopousséeexcrète debasenhautsur t'écoraeter-

restre se disloquèrentet sesépar&runtviolemment,enlaissantune largocrevassedanstoutol'épaisseurduro-cher qui faisait obstacleau Bou-SeUato,et qui le tbr-

~it 8'in(!ech!rvera le Sud. Catmeau milieude cet

~th~yant boMteversetnent/Std!MohataMed-oH-AHor-donnaau Bou.SoHawdocoulervers le Nord.Au88!Mt,bien qu'après avoir MaM un instant, les eauxde cetouad bondirent écumeuseset avec un horrible fracasdanala directiondot'OMest;aUesse preciptt~rentsurla chatnodu Guorgour,qu'elleséventrèrent,et seper-dirent on serpentantdans de profondsravins, oùellescoulontdepuis lorssans aucuneutilitépour les mon-

tagnardsdont ellestraversent te pays.Certes,nousne voulonspointcontredireaux ouvres

du Dieuuniqueou de ses délégués; nousavons trop,d'ailleurs, le respect<!eta chosejugée et la résigna-tion des faits accomplispour faire la critique des dé-cisionsdivines «/i~a~OM<!<aMtOM.MDieuta-dessusensait plus que nous1 commedisent ~esMusulmans

lorsqu'unechose leurparait manquerde clarté. Pour-

tant, il nous semblequ'il pourrait apporter un peuplusde soin dans la distributionde ses dons, et y re-

garder &deux fois avant de confierune puissanceexorbitante à certains de ses Envoyéssur cette terrede misères, lesquelsen abusent souventd'une façonextravagante,susceptibledele compromettreauxyeuxdes simples mortels. En effet, dans le cas de Sidi

Mohammed-ou-Ali,le cb&timentest complètementen

disproportionavecla faute; aussi,celaa-t-il faitbeau-

coupcrier à l'époqueou s'est produit le détournementdu Bou-Sellam,lequelaété dirigé, il &utbien le dire,en dépit du bon sens, et contrairementte toutes les

Page 304: Trumelet Algerie Legendaire

~ULaËMtS~HKNBAMEm

regtes del'art dea irr!gaUoMa,pM!sqn'Mn'Mroaeabso-lumentdeh depuisle pointoù a aété d~owne juNqw'&celui de a&chutedansFOMad-~het. 1,

AtMa!dirons-nous,aana CfMndred'étra d~ent!,que,Mea que ta fu!ne de la région du Rodbna <~monted~a à une date fort éloignéede nous,lespopw<lations de cette contrée n'ont point encore oubliéle mauvaistour quetour ajouôie vénèreSidiMoham"

med-ow-AÏ!,et non!!n'ëtoanerona personne qa~dnous aMrmeMnaqu'il M'yest point en odeurde ss!n-tete.

xxvn

SIDI HAMLA

Puisquenoussommesdans le Hodhna,disonsquel-ques mots de Sidi Hamta,marabouth vénéré,qui ason tombeausur la routede Bou-SA&da,entre MsH&et la se~A~equi est au sud de ce dernierksar.

L'ancêtredes Oulad-Sidi-Hamlaétait cherif et des-

cendait du Prophète par Idris, le fondateur de la

dynastieidrissitequi régna dans le Maghreb,c'est-à-dire dans l'Ouestde l'Afriqueseptentrionale.

SidiHamiavivaitau Xf sièclede notre ère. Toutce

que la tradition en a conservé,c'est que ce fut un

grand saint, auquel ses vertus et son ardente piété

t. Lac saté. Cette sebkha porte aussi le nom de C~o<&<&-Es-&M<t.

Page 305: Trumelet Algerie Legendaire

~VM. MM ttAWA a~

n.

avaientvaluta dondes miracles.Le fait te plusmira-culeuxde sonexistence,c'est son amourpourtes tra-vauxdo la terre, et surtout sa passionpour te !déM-chement.Nousdirons Meïtvitequ'il n'a pas tait écoledanscette partie des travauxdes champs,et qu'il est

probablement le seul Apabeqwi, dans la suite des

~iec!o8,sesoit livréà cette 'fatigantebesogne.Aussitatradit!on nous Mpfesohte-t-ëMeSidiHamtadirigeantd'une main sa charrue et, de l'autre, extirpant les

plantes ou arbustes nuisiblesqui tigraieht ie sol doleurs touCasoude teura buissons.Nousferonsremar-

quer cependantque,s'U ne so servaitque d'une seulomain pour cetteopération du défrichement,il devaitnécessairementnégliger l'arrachage de la ae~fa etde tant d'autresplantesligneusesqui se cramponnentau sol avectoute l'énergiedu désespoir.Aprèscela, ilse peutqu'ayant le don desmiracles,SidiHamlapût,avec une seule main, mener &bonne nh un travaildont il est si di!ï!ciiedovenir &bout, mêmeavecdeuxbonsbras et une, piochesolidementemmanchée.Quoi

qu'il en soit, c'était d'un bonexemple:mais, nous le

répétons, celan'a paseu d'autresuite.Un autre miraclede Sidi Hamlaprouvecombienil

comptaitsur l'interventiondu MattredesMondespourlui veniren aidequand il avaitbesoinde son puissantsecours.A l'époque ouvivait Sidi Hamta,les terres fertileset les eauxétaient vivementdisputéesentre les tribus

qui; a la suitedes invasionssuccessives,s'établissaientsur desterrains Aleur convenancenaturellement,lesmeilleuresterres restaient aux groupestes plus: nom-breuxet tes plusfortèmentconstitués.D'aprèsceprin-cipekoraniquequela terre est à Dieuet que, l'homme

i. Zy~AtMlotus,jujublérsauvage.

Page 306: Trumelet Algerie Legendaire

~AM~tMB ~OENM!aas

n'enayant qua ruau~uit, le Tout-Puissantla donneà

qui lui plalt,c'eat-a-direau plus fort, tes petitestrac"Menano pouvaientoccupertel ou tel point qu'AtitreessentieMementprovisoire~Aussi, le répétons'noua,les tribus étaient-ellesconstammenten état de que-relle ou d'hostilité. Souventeea groupesde popula-tionséta!entobligés,pour jouir d'an peu de repos, dese placer sous la protectiond'une ag~omerat!on im-

portante,et mémodoaeAbonner aveceUeenprenantle nomd'originede la tribu principale.

Un jour, les Outad-MadM,qui avaientleurs campe-mentssur la rive droitede rOaad-MsUa,resoiurentdes'étendre sur l'autre rive, oa Sidi Hamlaet sa familleétaientétablisdepuislongtempsd~a. En présencedela disproportiondes forcesquise disposaientà se ruersur les quelques cavaliers que Sidi Hamla avait à

opposerà ses agresseurs,il ne fallaitpas songerà larésistance. Aussi le saint marabouthne ut-ii aucun

préparatifpour essayerde lutter.Les Oulad-Madhis'approchèrent, nombreux, du

pointde l'Ouad-Msitaoù ils avaientdécidéde le fran~chir, et ils s'avançaientavec d'autant plus d'audace

qu'ils savaient.n'avoir rien a redouterde la fractiondes Oulad-Sidi-HamIaqu'ils se préparaient&mangeren un tour de main. Maisune crue subitedu torrent,que rienne faisaitprévoir,vint lesarrêter au momentoùles cavale de l'avant-gardesedisposaientà fran-chir ce courbd'eau. Ils soupçonnèrentdéjà, dans cefait, une marque de l'interventiondivine, aussi leurardeur commença-t-elleà s'éteindre très sensible-ment mais ce fut bien autre chose quand ils aper-çurent Sidi Hamla,seul sur la rive opposée,imposerles mains au torrent, qui semblase cabrer sous cetobstacle,et qui fut subitementabsorbéau point de lerendreinstantanémentguéable. >.

Page 307: Trumelet Algerie Legendaire

XXVtt. 8tMBAMM 999

En présence de ce prodige, à l'aspect de ce aainthommequ'ils avaient attaquer si injustement,et qui,au lieu de proûter do l'obstncleque leur opposait lacrue du torrent, aplanissait,au contraire,la difficultéen arrêtant les eaux fugueuses de i'ouad, les Outad-Madhijugèrent qu'il n'était pas prudent de s'attaquer&un hommequi disposai d'une telle puissance,et ilsne virent rien do mieuxquedolui demander son par-don et sa bénédiction,et de aeretirer. C'était évidem-ment le parti le plus sage qu'ilspussentprendre.

Plus tard, la fractiondes Ouiad-Sidi-HamI&se ton-dit dansla tribudes Ouiad-Madhi,qui Onitpar se l'an.

nexerpar juxtaposition.Onrencontre,eneffet,dansun

grand nombre de tribus<~OK<Mfune fractionmara-boutho qui fait corps avec le groupeprincipal,sans

pourtantn'avoir docommunaveclui queles terres de

parcourset les lieux de campements.Cefait se repro-duit d'aiUeuraégalementdans presque toutes les tri-bus kabiles.

Aprèsuneexistencetouterempliedebonnesoeuvreset de miraclesattestant sa sainteté et son influence

auprès du Dieuunique, Sidi Hamias'éteignit douce-mentdans un Agefort avancé, et ses restes mortelsfurent déposéssur la rive droite de l'Ouad-Msila,enfacedu point ous'eRectuale miracledu torrent.

Lakoubbasouslaquelleil reposereçoituntrèsgrandnombre de pèlerins, qui viennent sollicitersa puis-sante intercessionauprèsdu Maitredes Mondes,dontil n'a pas cesséd'avoir l'oreille, et qui n'a rien à luirefuser.

L Plurielde djiied,nobledenoblessemilitaire.Ondonnegénéralementle titre de <~<KM<<auxArabesdescendantdeceuxqui firentpartiede la premièreinvasiondu Moghreb,c'est-à-diredeta partiedei'Afri<pteseptentrionalequi Mtè

Page 308: Trumelet Algerie Legendaire

XXVH!

SIDIHAMAHËS-BEN-AU

Si, partant du tombeaude Sidi Mamia,nous allons

rejoindre,&l'ouest, la routedoBou-S&adaà Sour-El-R'ouzian (Aumale),et si noussuivonscette route ennous dirigeant vers Eth-Thabia, nous rencontreronssur notre droite, avant d'arriver sur l'Ouad-El-Lahm,la blanche koubba de Sidi Hadjares-ben-AH,noyéedans l'immensitédes steppessahriens.

Sidi Hadjarès descendaitdu Prophète par sa nUechérie Fathima-Zohra, et en passant par l'ancêtrecommundesCheurfaalgériens,Idris, qui régna à Fas

(Fez)et dans tout le Moghreb,au VIIf sièc!ede notre

ère. Cesaint et illustre marabouth,qui vivaitau com-mencementdu XVI*siècle, était le chef d'une puis-sante Confédération formée de nombreuses tribus

auxquellesil commandait,et qui étaient sous sa dé-

pendanceabsolue.Il encourut,–nous ne saurionsdire pourquoi,–la

hainede Moula-Otsman,le sultande Tunis,quivint, àla tête d'une armée formidable,pour l'attaquer sur

l'ouestde la Tunisie,et quiestlimitéedecec&téparl'océanAtlantique.

1.CettelégendeestdonnéeparM.l'interprèteprincipalmi-litaireGuin,danssesJVo<Mhistoriquessur lesAdaoura,tribudela subdivisiond'Aumale.

Page 309: Trumelet Algerie Legendaire

XXVMt. 8!MBAMAMÈS-BEN-AUa<M

son territoire, et arrêter le développementd'unepuis-aancequi, un jour, pouvait être dangereuse pour la

Tunisie.MoulaMttsmanvintcamperaEth-ThaMa,aurl'Ouad-

El-Lahm,et, de cepoint, il envoyal'ordre à Sidi Ha-

djarès de lui faire apporter sans retard te boisnéces-saire pour les feuxde son bivouac.

Cetteinjonctionet le ton surlequelell~était faitenetroublèrent point SidiHad}arcsoutre mesure; il prit,sans ae presser, ses dispositionspour satisfaire&iademandede sonennemi.Mais,commeio boisest des

plus rares dans cettecontrée,ia saint marabouthréso-lut d'user d'un stratagèmequi, tout en témoignantdeson désird'obtempéreraux ordresde Mouiaï-Otsman,lui donnât, en mêmetemps, une idée dela puissancede l'hommea qui il avait l'imprudencede s'attaquer.

Aprèss'être mis «n prière pour demander à Dieuson intercession,Sidi Hadjarêsfit appel, d'une voix

tonnante, aux lions les plus férocesdes forêtsdu Telllesplusvoisines,lesquelsanimauxrépondirentinstan-tanémentà l'ordredusaint,et vinrent secoucher,sou-

mis, &ses pieds. Il ordonnait, en même temps, aux

serpentsles plus effroyablementredoutablesdu pays,aujourd'huiil ne resteplus, dans le Sabraalgérien,

que ce céraste qu'on nomme la vipère-cornue, illeur ordonnaitdoncde se présenter à lui sans retard,

et, aussitôt, toute la gent rampante vint, en situant,s'enrouleren spiralesvisqueusesautour du pointqu'iloccupait.Le saint nt alors couperpar ses gensquel-quesbuissonsdejujubiers sauvages,qu'il arrangeaen

fagots et qu'it lia avecdes serpentsentrelacés;puis,ayant chargésonboissur le dosdes lions, il se renditau camp ennemientouréde ces étranges et terriblesauxiliaires.

Onpensebien que Mojulaî-Otsmann'eut point l'en-

Page 310: Trumelet Algerie Legendaire

t.'A!.a~MEtÉCEKMHMao~

vie des'attaquer à un hommeaussi surnatureUement

puissant. n levaimmédiatementson camp, abandon-nant sesprojets deconquête,et laissant SidiHadjarësmattre de toMt pays quiMeonnaiNsaiison autonM.Hs'eatimatïtémefort heureuxquele saint maraboathvoatMbien ï'en tenirquitte à ai bon marche.

SidiHadjarêslaissa, en mourant,quatre fils Gué-

dim, Ameur, Abd-or-~hman et Abd-Allah. Tousfurent des hommesvertueux, et signalèrentleur pas-sagesur cette terre par de bonnesœuvres,et par desmiraclesquin'affectèrent les loisnaturellesque d'unemanière insignifiante.Aussinous dispenserons-nousde les rapporter.

Ce fut à son arrière petit-filsDahman que Sidi

Hadjarêsdut lakoubbaquiprotègesa dépouillemor-telle.

XXIX

SIDI EL-HAM-MOUÇA-BEN-AU'·

Bien que ce saint soit de date toute récente, nous

n'avons point voulu le passer sous silence, et lui refu-

ser une place dans notre hagiologie musulmane. Lés

singuliers épisodes qui marquèrent la vie de ce célèbre

sectaire nous montreront comment surgissent et se

.i. Nousdevons une grande parHe dearenseignements se rat-tachant aux actes de ce saint à M. t'interprète militaire Arnaud,qui a écrit, dans la Revuee/WcaMte,une excellente et très In-teresMnte M<<wedM OM&MMMH.

Page 311: Trumelet Algerie Legendaire

XXOX. MMBt-BAM-MCC~-BBN-AM303

développent,en Algérie,ces jRfmatiquesilluminesquiagitèrent si jMquemmentce pays. DuMate,par sonexistencede prière,d'ardente piété, de mortincationa,

par ses révélationsd'en haut, ses miracles et sa tin

gtoriouae,Sidi Et-Hadj-Moucaa mérité de compterparmi les sainta les moins contestésdu Sabra aïge'rien, surtout dans les ksour autour de Laghouathetchez les Outad-Naï!,ou il a vécupendant quelquesannées.

Et-Hadj-Moucanaquit en Egypte,dansles environ!!de Damiette,à la fin du siècle dernier. Il quitta so'i

pays et commençases pérégrinationsen 1823: il '.e

dirigea d'abord sur Alger, où l'on tenta de lui fai.'oecontracter un engagement dans la milice turke;mais sa voie n'était pas colledes armes; it se sentait

appelé bien plutôt vers le mysticismeet les missions

religieuses. Bien qu'il n'eût reçu qu'une instructionfort incomplète,et que son bagage intellectuelne se

composAtguère que d'une dizaine de sourates du

Koran, il n'en était pas moinsun hommed'unehabi-leté remarquable et d'une grande puissance devolonté.

En i826, il était à Tripoli, où il recevait de Sidt-1

Mohammed-ben-Hamza-El-B~àir~Et-K&dani,le chikhdela confrériedes Chadlya,ou Derkaoua le diker,ou prière particulièreà la confrérie,ainsiquel'ouerd,c'est-à-direla manièrede dire cetteprière.

En 1827,nous le retrouvons.dans le baïlikd'Oran,

i. LesDerkaouacomposentuneconfrériedontlerénovateuravaithabitéDerka,petitevilledésenvironsdeFas(Fez),dansleMarok.Cettesecterejettetouteautoritétemporellequinefaitpointservirsa puissanceà la propagationdesdoctrinesde l'tsiam.Aussi,lesTurksduGouvernementde la Régenced'Algerayanteu à réprimer.plusieursrévoltessuscitéespar

Page 312: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AMÊMEt~OEMMME304

où Msemet en rapport avec toutestes célébritésdela

contrériodesChadIya.En1839,Hpart pour Laghouath il arrivedanscette

villevêtu d'une ~'ero~ sac d'un grossiertissu delaineet de poil de chèvre, appliquéeà cru sur son

corps amaigri. Il y vit d'aumônespendant quelquetemps; il y torture ses intestins par le jeune et parles privations. Quandl'ostomao vide réclamait tropvivementsa nourriture, Sidi El-Hadj-Moucatrompaitla Mm au moyen de la fuméedu tabac. Il a delon-

guesextases dans lesquelles il s'entretient familière-

ment avecDieu.Il savaitqueMohammeda dit: «Lavie rpttrée est déjà un acte de,pieté,» U fut bientôt

pénétrédu rayon dola révélationdivine, et il putliredans l'avenircommedans un livre ouvert.

Or, nous étionsen i830; les Françaisvenaientde

s'emparerd'Alger. Le çhikh El-Madani,le chefde laconfrérie des Derkaoua,venait d'écrire à Ei-Hadj-Moaçapour lui ordonner de reprendre le h&tonde

voyage,et devisiter,en qualitéd'initiateur,les popu-lations du Sahra et du Tell. EnOamméd'un zèlear-dentpour la'cause de l'Islam, qui vient'de subirunterrible et redoutable échec, le saint homme,quicomprendque le momentde l'actionest arrivé, solli-

cite la populationde Laghouathde s'enrôler sous labannièredes Derkaoua:il répètecentfoischacunedestrois formulessacramentellesde la secte,'et les faitsuivre des cinq prières légales. Il y trouve pourtant

leskhouan(frères)desDerkaoua,le nomdeDerkaouidevintsynonymedefc&e/Les Derkaouafontvoeude pauvretéet de renoncementauxbiensde cemonde,et ilsaffectentdene porterquedesbemousexagérémentrapiécetés.

LenomdeDerkaoualeur vientdela petiteville.deDerka,dont B(HMavotMpwMpht9haut. j

Page 313: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. 8ÏME!<-HAM-MOa~-BE!t-AMaos

quelquerésistance, surtout dela part de la fraction

qui obéit à Ahmed-bon-Salem,lequellui dit <'Nouasommesde ta confrérie de Tedjini, te marabouthvénéré d'Aïn-Madhi;mon père m'a nommé de sonnom,et Tedjinilui-mêmem'a Mt, ma naissance,avalerdes dattes m&chéespar lui, commele faisaitle

Prophèteaux enfants d'El-Modina.N'espèredonc pasque nousrompionsavecTedjini.Cependant,nous tetraiterons avec bienveillance,et nousne ferons rien

pour détournerdesuivre ta voieceuxdes n&tresquivoudraient sortir de celle do notre vénéré mara-bouth.»

Aussi, de ce cote, SidiEi-Had)-Mouca;nefit-il quede rares prosélytes,quatre ou cinq tout au plus. Ils

priaient ensemble, mangeaientquand on leur faisaitl'aumône,et, si l'aumônevenaità manquer,ilss~endor-

maient, le soir, l'estomac vide, sur les nattes dela

mosquée.Quandle repas avaitmanqué,El-Hadyj-lliouçafaisaitnéanmoinsallumerle feucommeà l'ordinaire,1afinque, voyant la fumëe,les voisinss'imaginassentquelui et ses disciples avaient soupé, et qu'i~n'eus-

sent pas a~ soupirde la penséede leursprivations.Sidi El-Hadj-Moucaavait résolu, avant de monter

versle Nord,d'infligerune injure sanglante auxBni-

Mzab,qui sont hétérodoxes: il entra dans R'ardaïa,la ville la plus importante de la Confédération,por-tant sur ses épaulesun morceaude carcassede bêtede somme dont il avait rencontréla charognesur'la

route, et il alla criant par les rues les louangesdeDieu.Les habitants, indignés,eussentpu lui faireunmauvaisparti mais ils se bornèrentà lancer à sestrousses les enfants de la ville, qui le chassèrent à

coupsde pierres.Sa réputationde sainteté ne tarde pas à s'établir

non seulementdans Laghouath, mais encore parmi

Page 314: Trumelet Algerie Legendaire

,t.'Ata6ME !.Ë8Bt<MMBaoô

tes tribus nomadesqui emmagasinentdans ce ksar,et c'est &qui viendra demander ses prieras et sonintercessionauprès du Tont~Puissant.Puis il s'en va

prêchantta doctrinedu derI:aouTsmedans les trihwsetdanslestsour qui avoisinent-laretràite qu'il s'estchoisie. Une fraction entière desBni-Laghouath,les

Ahlaf, prend son ~& lui bâtit une zaouïa, et luifatt cadeau de deux magniflques:jardins,dont il laisse

te produità ses disciples.H s'est adjoint, pour la prédication, Sidi Ben-El-

Hadj,un néophyte inspiré, que les paroles mysté-rieusesde SidiEi'Hadt-Moucajettent dans unepieusefrénésiequi le transporte spirituellementdans des

régionshantées par les anges. Aussi le nombre des

adeptesqu'il donneà la secte derkaouïsteest-ilconsi-

dérable; chaque jour, c'est une tribu entière quidemande son initiation à l'ordre dont Sidi El-Hadj-Mouçaest l'un desdirecteurs.Nomadeset ksariensse

pressenten fouledevant la hutte qu'habitele saint, etses adhérentsdeviennenttellementnombreuxque lesmàraboaths d'Aïn-Madhi,les chefs de l'ordre dea

Tedjadjena,en prennentde l'ombrage.Pendant sonséjourà Laghouath,SidiEl-Hadj-Mouçaprenaitplaisir à remplirl'odce de mouddena la mos-

quéedesAhlaf, appelantaux cinqprières canoniquesavecles modulationsvocalesusitéesdansl'Orient.Toutle quartier des Ahlaf était dans le ravissement,et se

pressait dans lesrues ou sur les terrassespour enten-

dre, chaque jour, cet harmonieuxappel à la prière.Sontalent pour jeter l'adan aux quatrepoints cardi-naux ne fut certainementpas étranger au succèsdeson prosélytismedans le ksar de Lagouath. Ce quiajoutait surtout au bonheurqu'éprouvaitSidiEl-Hadj-

1.Diker,invocation,prièreparticulièreà onmarabouth.

Page 315: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. MM ~BAM-WO~çA-f~-AH 3<n

Mouçad'appeler les Croyants&la prière, c'est qu'iln'ignoraitpas que Mohammeda dit: «Les mouddem<mtle coule plus long parmitousleshommes», c'est"a-dire qu'ils sont les plus rapprochésdu.paradis, à<:ausedu grand mérite de leur vocation.

En i83t, obéissanta l'ordre du grand maître de làtonMrie desChadlya,EMtadj-MouqaquitteLaghouath~teerend&Msad, où sa répùtation ra précédé; un

grandnombred'Oulad-Naïldemandentleur affiliationau derbaouîsme.Poar le retenir dans le Ksar-Msad,on lui fait construireunemaisonet une xaouïa. Là, ila de nouvellescommunicationsavecle Ciel,et la foulel'entourede son admirationet de sonidolâtrie.

Quandil sentcespopulationssuiBsammentattachéesà la sectedont il est le chefreprésentatifdans le paya,il se dirige sur Médëaavec quelques-unsde ses dis-

ciples qui ont revêtu la guenille de l'ordre. Le saint,qui, sansdoute,trouvaitqu'un chevalétait une mon-ture trop luxueusepour un hommequi avait fait vœude pauvreté, ne monta jamais qu'un une, d'où sonsurnomde ~0!<<MK<M',l'homme&l'Ane.Sesdisciplesallaient habituellement a pied, trottinant derrièrel'animalqui avait le précieuxprivilège de prêter sondos au saint derkaouî.Dureste, cet âne semblaitcom-

prendre tout le prix du trésor dont il était chargé, et

quand, en route, la révélationdescendaitsur Sidi Et-

Hadj-Mouça,l'animal sacré avait l'oreillebaisséeparle.poids des mystèresrévélés.

Maintes fois, les disciples ou les compagnonsderoute de Sidi Mouçafurent témoinsdes faveursqueDieului accordait,et purent se convaincrequ'il possé-'dait le don des miracles.Ainsi,unjour entre autres,que la violence de la chaleur menaçait de le faire

périr avec ceux qui lui faisaientescorte,SidiEl-Hadj-Mouçase dirigea,sans hésiter,versun pointdu désert

Page 316: Trumelet Algerie Legendaire

t~AMËNE t~MWMNtESaa

onjamais, de. mémoired'homme,on n'avait vu.mêmela moindretraça d'humidité; qu'en juge de t'étonne-mentetdet'admiration de sesdisciplesquandilsvirentdevant eux une magniQqnenapped'eauayant la lim-

pMite du cristal, et aussi douée,et agréableau goûtquecettedu puits de Zemzem !i est inutiled'ajouterqu'aprèsavoirlouéDieu'etremerciéte saint, ils enre-

jouirentleursyeuxetenétanchérenttargementtoursoi~Jamais, quand Sidi Mouçaentreprenaitun voyage,

il ne sepréoccupaitdes provisionsdo bouchepour tesnombreuxadeptes dont il était toujours suivi.Ainsi,

par exemple,danste trajetentreLaghouathetBoghar,au milieude ces steppesdésertset sans ressources,le<M<tM(kousksou)le précédait toujours, apporté pardes mainsinvisiblessur lepointoùle saintdevaitcam-

per, et, preuveévidentede l'interventiondivinedanscetteaffaire, là portiond'une seulepersonnesuNsait

toujourspour rassasier la nombreusesuite du saint.Ce sont là des faits tellement avérés, disent les

Arabes de cette région,que le doute est contraintdes'en tenir à une très grande distance.

Lepremiersignedesbénédictionsdivinesquis'atta-chèrentà la personnede Sidi Ei-Hadj-Mouqase pro-duisità Laghouathen 1832,lorsqueBen-Chohra,chikhdes ArbAa,tenta de s'emparer de cette ville sur lessollicitations des gens du ksar, Sidi Mouça :ortitcontre lui à la têtede dix hommes! Ben-Chohia leur

i. LepuitsdeZemzemestprèsdeMekk&.Hest d'obligationà tout Musulmanen pèlerinaged'allery boire.L'eaude cepuitspossède,entreautresvertus,cettede donnerla foi.LesMusulmanscroientquecepuitsa étécreusépar FangeGa-briel (DjebrU).enfrappantlaterrede son piedangéliqueàl'intentiond'Agaret d'ïsmaH,qui,setrouvantseulsauprèsdeMekka,etmourantdesoif,allaientinfailliblementpérirsi l'angeDjebritn'étaitvenuà leursecours.

Page 317: Trumelet Algerie Legendaire

XXM. StN m-BAM-MOCÇÂ-BEN-AM 309

prit leurs chevaux,il est vrai, mais El-Had~-Mouca,MnM dans Laghouath,dit au chikh de l'oasis « Va

combattre'l'ennemidemain, a la pointe du jour tu

lui,tueras onze guerriers et le méttras en déroute.M

Et la chose s'accomplitde point en point.Quant auxdix chevauxpris à la petite troupe de SidiMouça,ils

furent rendus, le lendemain,a la suite de Finterven-tion du chikh Ben'SaIcm,et Ben-Chohra,pour être

agreaMoeu sainthommequi les avaitperdus,y ajoutaunebrebiset lit sa paix avecLaghouath.En i83&,Sidi-Mouçase rend a Ei-Khadhra,dans!o

djebel Es-Sabri il y continue sa propagande der-kaouïste avec autant de succès qu'a Laghouathet &Msad.Les pèlerineaiuuentde tous c&tésdans le ksar

qu'il a choisipoury stationner.Lesoffrandesde toute

nature, maissurtouten argent, pleuventsur ses gue-nillescommela bénédictiondu Ciel;maisil n'emploieces richessesquedansun intérêt religieux,c'est-à-diredans celuide Fcouvrequ'il poursuit il fait construiredans le ksar une zaouïaet une mosquée.

Mais, pendant qu'il s'occupe de prosélytisme etd'CBUvrospies, les Kerabib du Tithri affiliés à sonordre lui écrivent lettre sur lettre pour l'engager alever l'étendarddu djehad(guerresainte).D'aprèsces

pressés, le moment était venu, et l'ère de la paroledevait faire place a celle de l'action. Maisce n'était

point l&.paratt-il, l'avis d'El-Hadj-Mouca,car il finit,un jour, par faire là réponsesuivanteà cesimpatientsKerabib « Mesfrères, avantde songer à combattredes hommes;il nous faut d'abord lutter contre nous-

mêmes,contre nos passions,lesquellessont nos plusredoutablesennemis.Dureste, nous sommespauvreset ne sommesarmés que pour la prière. Laisseza ladestinée le soinde nousdélivrer des mécréants. Or,voici cequi m'a été révélé « Dans peu surgira un

Page 318: Trumelet Algerie Legendaire

t.*AM~MEt.ËOBM'AMB3i0

« ventviolentqui emporteral'enveloppe&oreet am&re« duûruitet n'épargneraquel'amande. a

MaisSidi El-Had)-Mouçafaisait, à cetteépoque,un

voyagedans le Telt pour y juger de l'état desespritaet y visiter ses aMUës.Mse rencontra à BUdaavec

El-Hadj-Es-Sr'ir-ben~idi-Ali-ben.Mbarel:,avecEl-Ber-kani et Ben-Sidi-El-Kbir-ben-Youcef,lesquelsl'enga-gèrentvivementà souleverles Arabesdu Sahra, ann

de grossir les rangs de ceuxqui combattaientpour la

guerre sainte.Le sultan Abd-el-Kader,alors fort o&-

cùpoà établirsonautorité du coMde Hemsan,n'avait

pu songerencoreaux contréesde l'Est.

Desiors, le saint hommen'hésita plus partout onfit des quêtes d'argent et de provisionsde Koucho;tousles Derkaouafurentappelésaux armes; les tribusdu Sud,et particulièrementcellesdesOulad-Nati,con*tribuèrent par de larges ofFrandoset par un certainnombre de volontairesfanatises. Bientôt,neuf cents

degueniUésà pied et quatre cents à cheval se trou.vèrentréunis autourde SidiEt-Hadj-Mouça;il est vraide direque la plupartde ces guerriersn'avaientpourtoutesarmesque des bâtonsou des fusilsd'unevaleur

hypothétique.C'estaveccettearméeen loques,et quin'avait eu aucun changementà faire dans sa tenuehabituellepour être dans ceUequi était d'ordonnancechez tes Derkapua, que Sidi El-Hadj-MouçaaHans'élancerà la conquêted'Alger car tous avaientpris,d'une voix unanime, rengagementsolennelde s'em-

parer de ceUeville, après, bien entendu, en avoirchassétes Français; l'ÉmirAbd-el-Kaderlui-mêmenetrouvait pas grâcedevant ces enthousiastes:en dén~

mtive, il était l'ami des Chrétiens,puisqu'il avait faitla paix avec eux.

Sidi Mouçamet le feuà tous les cœursave: sa pa*rôle ardenteet convaincue aux savants il lit divers

Page 319: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. 8<M N.-BAM-MOUÇA.~BN-AU aM

passagesdu Koranqui annoncentsa venueon ne peutplus clairement il- était donc le McA~, te tMO«~M~« A tous il montre Alger, la ville somptueuse,commebutin; dans cette sainteopération,ila trouve-ront la gloire, ils s'en soucientmédiocrement, le

pront et te salut éternel. Aussil'enthousiasmeest-i! ason comble,et doàcris dejoie répondent-ilsà cesplan-tureuses promesses.Ces bandes faméliqueset pédiculeusesse mettenten routepour la sainte croisade,et dans ce désordrenaïf qui est particulièraux populationsprimitives,ouà celles qui sont tombéeson enfance,lesquellespro-fessentune horreur invincible, et c'est la leurforce,

pour la rectitudeet la ligne droite.Lesaint,montésur son Ane,dont il accélèreet maintientt'aHureparle mouvementisochronede ses longstibias, tient latête de'la colonne,car on est encorebienloin de l'en-nemi. Sonvisageresplenditde la gloiredessaints, etl'on comprend qu'il est on ne peut plus fier d'avoirété choisi pour l'exécution des desseinsde Dieu,yes~ Dei, etc. Ses disciples les plus Mêles mar-chentà sa hauteur et se relèventalternativementpourtenir, de chaquecoté, les pans de sonbernous,lequel

t. Lemehdtestceluiquiconduit,quidirigedanslabonnevole.LeMOM<aM<!aeat lepossesseurdel'heure,dumoment.l'hommequirésumeenlui t'époquegraveet grossed'événe-ments,le prophètede sonépoque.EnAlgérie,c'estunesortedeMessiequiesttoujoursattendu,et dontchaqueagitateurchercheà se donnerles apparencestellesqu'ellessontindi-quéesdanslestraditions.Sapremièreopérationseratoutna-?tureUementdechasserlesFrançaisdelaterredel'Islametdelesjeterà lamer.Malgrélepeudevariétéduprogrammedescherifet leursinsuccèsrépétés,les indigèness'y laissentpourtanttoujoursprendre;ils se consolenten se disanti<C'estquecec'étaitpaslebonapparemment.

Page 320: Trumelet Algerie Legendaire

t.'Aï.e~t6t6eB!<M<M1

était rapetassa d'une fa~onMzan'eet avecdes piècesd'étoNMde diCeMnteseouléwa; €Mpiaceasont cou-aces avecun soùverainmépris du paraMal~meoa del'harmonie,et presquetoutesà côtéde la solutionde

continuiMdu tissuqu'ellesparaissentavoir la missionde couvriroù d'avengler.

Aufur et à meswe qu'on avance,la colonnefait laboutede neige &chaquepas, c'estun petit paquetde

gensde pied,de là canaiMe,–ouunepaire de cava-

liers,quiviennentse mêlerb t'armée de Dieu.Lesunset'les autres, après s'être informésdu point de ia Ma-halla (colonne)o&se tient le saint, se précipitent vers

lui, en bousculanttout ce qui leur faitobstacle,pourallerbaiser ce qu'iis en pourront approcher; souvent,c'est rAne qui reçoit les respectueusescaresses des

Croyants; mais qu'importe, puisque'l'animal et lesaint sont en relation par leurs pointsde contact?lebaiser arrivera alors à son adresse par correspon-dance.Cequ'il y a de certain, c'est qu'on n'approchepas tacitement du chef des Derkaoua;son entouragel'accapared'ailleurs étroitement,et plusd'un Croyantqui met de l'opiniâtretédans sonpieuxenthousiasmevoit mettre un frein à son ardeur par une voléo de

coupsde bâton. Maisle fidèleMusulmanne s'en for-malisepas car, en définitive,ce qui vient des dis-

ciplesvient égalementdu saint, bien que d'une ma-nière tout à fait indirecte. Enfin,les Croyants s'en

èontentent,et c'est là le principal.A son arrivée & Boghar, l'armée de Sidi Mouça

s'était considérablementaugmentée ellese composaitalors de deux millefantassinset de trois millecava-lièrs. « C'était, dit El-Hadj-Kara,l'un des eulamales

plus distinguésde Médéa,commeunenuée de saute-rellesqui, lorsqu'elles'abattait sur unetribu, y faisaittable rase en vingt-quatre heures mais les vrai~

Page 321: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. 8tM Et.'aAN'MOUÇA-BEN-AM !M3

Cvoyantsne s'en plaignaient pas, parce que c'était

pour le triomphede la saintecausede l'Mam.

C'est de la tribu des Mfatahque Sidi MouçaN'an-

nonçaaux gensde MédéacommeEnvoyéde Dieu; il

les prévenait,en mêmetemps,qu'il marchaitsur cette

villo,devantlaquelleil serait dans quelquesjours.Mais,au fur et à mesureque son armée se grossis-

sait, elle devenait de moins en moins maniable; lesaint homme,ennt alors deux paquetsd'une forceà

peuprès égale; il prenait le commandementdirectdu

premier corps, et il eonpait celui du second à Sidi

Koûïder-ben-Si-Mohammed-ben-Ferhat,en se réser-vant toutefoisla conduitegénéraledes opérations

Commeil l'avait annoncé,troisjours après, l'arméede Sidi Moucaparaissait en vue de Medea,et cam-

pait au sudde cettecapitaledu Tithri.Dansla crainted'êtreMaM~apar cettearméequi.grouillaitsur le pla-teau de Mouçalla(oratoire)commeun amas de versdans des chairs en décomposition,les eulamade laville furent envoyés,en députation auprès du saint

guerrier pourl'engager à no point aller plus loin; ils

lui objectaient, faisant passer les intérêts matérielsavant ceux dela religion,quela multitudequi le sui-vait allait ravager toute la contrée. Ils ajoutaiente Si vousapprochezde nqsmurs,nous nousservironsde nos armes. –Je ne veuxpoint de sang entremoiet la populationde Médéa,réponditSidiEl-Had}-Mouca.Je ne suispoint venu ici pour tuer desMusul-

mans,maisbienpourjeter lesFrançaisà la mer,ainsi

que leur allié, le traître Abd-el-Kader. Quanta votremenace d'employer la force contre moi. regardezle nombredeceuxqui m'entourent,et dites-mois'il nevousserait pasplus sagede vousjoindre à moi! La

guerre sainte, d'ailleurs,n'est-ellepas l'un des devoirsles plus sacrésdetout bonMusulman?? »

ti!

Page 322: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AMHÈME t~BSBAME3~4

Sentant t'inutitiMde ses enbr~ pour décider Sidi

Moucaà s'éloigner,la députationrentra dana la ville.

Aprèscette importanteentrevue,SidiMouçase rap-

procha dela place, où son intention était de pénétrerde viveforce. LesKouloughlii etlesHadhar(citadins)firent une sortie et l'on se battit dans lesjardins. Lesaint était alors en prière; il se borna a envoyerquelquesdétachementscontreles assaillants, lesquelsse hâtèrent de rentrer dans leurs murs, poursuivisdetrès près par les Derkaoua,qui les menèrentbattant

jusqu'à la porte de la ville. Sidi Mouçase tenait entête de~seabandes,qui allaientpénétrerdans la placeà la suite de la mUicemédéenne.Sousle coupd'une

trayeur qu'ils ne se donnaientmêmepas la peine'dedissimuler,tes gens de Medëeavaientmis en batteriesur le rempart le seul et uniquecanonc<Mnposantl'ar-mementde la place. On le pointa sur le saint,qui setenait très en vue de sa troupe et des défenseursde la

ville, et on fit feu au' moment favorable. C'en étaitfait Nuchefdes Derkaoua.Mais,Amiracle1 le canon

éclate, et tue deux des canonniers qui servaientla pièce. Un immensecri de «~7 AaM<<oM<tMa~/»

la louange & Dieu salua cette manifestation8i évidentedp la.protectiondeDieu.Lapopulationenfut, au contraire, atterrée; l'anxiété était générale,et les Médéens,très peurassurés~passèrentla nuit surle rempart, qui, bien que présentantun obstaclede

qualité médiocre, ne suffisaitpas môinspourarrêterdesbandesaussimalarméesquel'étaient celtesdeSidi

Mouca.Aupoint du jour, les Derkaouacernèrent Médéa.

Dèslors, ses habitants se crurentperdus hommes,

t. LekoutougMiest'leproduitd'anpèretcrket d'unemèrearabe.

Page 323: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. SM Nt~NAM-NOC~-MN-AM 3i8

femmeset entanteaccoururentaftoMsauprèsdu saint,et sa jetèrent à sespieds en implorant l'atnan. Sidi

Mouçaleur accorda généreusementle pardon qu'ilsdemandaient car, commeil l'avait dit, il ne voulait

point verser de sang musulman; il préférait vaincreles Médéensplutôtpar la olémenceet.la générositéquepar la forceou la violence.D'ailleurs,le Prophèten'avait-ilpas dit, lui a Msi «Je nevoudraispasd'une

montagned'or s'il mefallait, au prix d'eMe,fairedumal à un Musulman.»

Pendantdouzejours, les relationsentre la villeet le

campfurent pleinesde cordialité,du moinsde la partdes Derkaoua car, pendant que ces trattres de M6-déensendormaientlabonnefoidusaintpar defaussesdémonstrationsd'amitié et des promesses qu'ils ju-raient bien de nepas tenir, ils informaientl'ËmirAbd-el-Kaderde cequi se passait chezeux, et ils faisaieniun pressant appel à soninterventionen lui montrantSidiEl-Hadj-Mouçacommeunrival d'autant plusdan-

gereuxqu'il s'appuyaitsur la religion.Dansla crainte

que l'Émir ne les secour&tpas, ils s'étaient mêmead-ressésà El-Hadj-Ahmed,le bey'de Constantine «Unindividudu nom de Mouça,écrivaient-ilsà Abd-el-

Kader, nous a attaqués.Nousn'avonspu lui résister;ses forces étaient trop considérables.Il est au milieude nous. Secourez-nous;sauveznosfemmeset nosen-fants de l'esclavageet du déshonneur.a

La soumissionde Médéaétant complète,SidiMouçase décida à pousser en avant, dans la directiondé

l'Ouad-Ouadjer,pour, de là, marchersur Blida.Maisà

Mendjet-Et-Terk.prèsdesMouzaya,un Derkaouïdelatribu des OtMunrirejoignitlé saint homme,et lui dit«El-Hadj-Abd-el-Kadermarcheplein de colèrecontretoi. Hâte-toid'aller à lui et de sollicitersa clémence;sinon, tu es perdu avec toute ton armée. Il est trop

Page 324: Trumelet Algerie Legendaire

3i~`

t.'AM&RœHÊaENMtHE

puissant pour qua tu puisses songersérieusement&rabattre. Déj&toute la provinced'Oran Mobéit, ettout ce pays-cia résolude le saluerSultan.

C'estbien! 1 réponditSidi Moucaavec ironie; jeme rendrai au-devantde lui. » i

Néanmoins,cette nouvellechangeales dispositionsdu saint Derkaouï,qui obliquaa gauche,vers le paysdes Quamri.Maisce changementde direction,quicon-trariait les projets de ceux qui le suivaient pourl'amour dubutin, le fitabandonnerpar les troisquartsde ses adhérents, lesquelsne se souciaientd'ailleurs

que médiocrementd'affronter un hommeaussipuis-sant que l'était i'Emir. Il ne resta plusà SidiMouçaqueles neufcents fantassinset les quatrecents cava-liers qu'il ava!t amenésdu Sud; ils n'étaientriimieux

fermes,ni mieuxéquipésqu'au départ; maisils rem-

plaçaientcesavantagesmatériels par une foi et uneconfianceindomptablesen leur vénéréchef,et par une

croyanceabsoluedans la saintetéde sa mission. Mal-

gré cette effrayante réduction de son armée, SidiMouçan'en continuapas moinsà marcher à la ren-contrede l'Émir.

Onétait alors dans les derniersjours de mars i835.Abd-el-Kadervient camper au pied de la montagnedes Ouamri,à Amoura.Il franchit le Chelifle lende-main de sonarrivéesur cepoint. Amidi,les deuxad-versairessont'enprésence;un ravin assezprofondles

sépare.Lesbandes du saint grouillentbouillonnantesdans un pêle-mêle contas, impatientes d'en venir aux

mains. Ce désordre tranche singulièrement avec le

calme et les savantes formations, les nôtres, de

ses deux bataillons de Réguliers, qui étaient d'organi-sation toute récente. Du coté de l'Émir, la science et 16

nombre; du côté des Derkadua, l'ignorance et le ~ma-

tisme rÉmir Abd-el-Kader a du canon et de bons

Page 325: Trumelet Algerie Legendaire

XX)X. santE!MAM'MOCÇA-MW-AUan

fusils; le DerkaouïMoueaa peu defusHs,maisilssont

plus dangereuxpourje~tireur que pourle tire; en re-

vanche, sosexaltés sont munisde couteaux,:devieuxsabres. rouillés, d'iataghans ébréchés en dents de

soie,da~Mezas~'à tête ferrée, et les pierresne man-

quent passur le terrain. Commeleur tactiquenepeutêtrequele corpsà corps,afind'empêcherlesRéguliersdese servir de leurs armes, s'ils ne triomphentpas,ils auront au moins-la satisfactiond'avoirfait le plusde malpossibleà l'ennemi.

Le AaWatde Sidi Mouca,celui de son khalifa Sid

Kouïder,et un grand nombre de femmesou fillesap-partenant aux principaux guerriers des bandes der-l:aouïnes,ontvoulusuivreleursépouxou leursfrères,quelques-unesleurs amants; ellesse tiennentdansdes

palanquins,en arrière do champ de bataille, sous lasurveillancedes cavalierschargés dela gardedes ba-

gages et de leurs conducteurs; plusieurs de ces

femmes,de la tribu des Oulad-Naïl,.sontà cheval,et,l'œil ardent, la poitrine agitée, elles semblentbrûlerdu désirde prendre part à la lutte.

Onfait des deux côtés la prière du <MoAot";puis,SidiMouçase portantdesa personnesur un petitmon-ticulequiétait un peu en arrière du gros desa troupe,il s'écrie, la prunelle en feu, la parole brèveet sacca-dée « Allons, ô mes frères! le moment est venu!Notreennemi,l'alliédesChrétiens,est là devantnous

pour nouscombattre.Il ne craint point, lui, ce filsdu

péché, de verser le sang des Musulmans! Allons1serrez-vousles ûancs ô mes enfantset nouez vos

i. Massues,bâtonsterminesparun grosboutferrédetêtesdeclous.

2.Le<<to<M'estte milieudujour.EnAlgérie,le<tAo&ofestversuneheuredel'&près-midi.

3.Préparez-vousaucombat.18.

Page 326: Trumelet Algerie Legendaire

Ï.'AM!ËME t&aBNBAMBM8

toupets', car c'est a~ourd'hui que nous allons com-battre pour l'œuf de l'ïslam't. Allons! &les Aenoue~tHOM<?!rappelez-vousque les Amesdes martyrsaoûtdans les gésiersdes oiseauxau plumagevert, et

qu'eUessont suspenduesaux fruits desarbres du pa-radis C'est 1&une magninque récompense! Maissouvenez-vousaussi que celui qui tournera le dos à

l'ennemiou s'abstiendrade combattresera, par Dieu

lui-même,couvert d'ignominie, et obtiendra l'enfer

pour demeure1 » Et, se tournant vers les troupes de

l'Émir,il jetait de sa voix vibrante à leur chef cette

suprêmemalédiction« Et toi, ô l'ami des inBdèles!que Dieute précipite

le nezdans la poussière, et te damne toi et les tiens!i.

QueleTout-Puissant, qu'ilsoit exalté, nousdonneles omoplates4de tes soldats!Quele tour du sort soitcontre toi et contre eux et que les oiseauxde proieet les chacalsse partagent leurs corps maudits et le

tien, ô renégat »SidiMouçaavaità peineprononcécesdernièrespa-

roles qu'une voléede mitrailleétait envoyéepar l'ar-tillerie de l'Émir au milieude cettefoulehurlante, quin'enperdaitpas un projectile;d'autressalvessuccédè-rent rapidementà lapremière,et venaientfouaillerensituant ces masses désordonnées.Mais, loin d'être

épouvantespar les ravagesquechaquecoupde canonfait au milieu d'eux, les Derkaouase ruent furieuse-ment enthousiastessur les troupes de l'Ëmir, et lesassaiUentcommele lion, dans sa colère, assaillesa

1.Disposez-vousà l'attaque.2.Pouriaprécieusefoidel'Islam.3.Lesenfantsdelamort,lescourageux.4.Lesmetteenfuitedevantnous.S.Patssie~voHsêtrebattust

Page 327: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. StMN.-HAM-MM!CA-BEt<-AM8M

proie. Chacundes fantassinsdes Derkaouaa choisison adversaireparmi les Réguliers,et Hfaut alorsquel'un ou l'autre succombe.H y a là des corps a corps,desenlacementsterriblesque la mort seuleparvientàdénouer.Lescouteauxdes sectairesse cachent danslescorpsdessoldatsdel'Emiret fontbaUlerleschairsles sabres ouvrent des blessuresbéantes commedesbouchesd'outre d'oùle vin seprécipiterait à flots,oubien ils vont fouiller les entrailles des Réguliersjus-qu'au fonddes reins.Lesbâtons et les crossesde fusils'abattent sur les crânes, et les font grimacercommedescourgesdesséchéesqu'onécrase.C'estbientôtunemêléefurieusequi inutilisel'artilleriede l'Émir,car ilne veutpas risquer de tirer sur les siens.

Deleur côté, les 400cavaliersde SidiMouçase sont

précipitéssur la khyala (cavalerie)de l'Émir deboutsur leurs étriers,la brideaux dents,brandissantleurs

armes, fusils,sabres bumassues,les cavaliersrougesd'Abd-el-Kaderet les déguenillésdeSidiMouçase joi-gnent, s'entre-heurtentet se pénètrent les fusils sevidentdans les poitrines; impossiblede les remplir;la paroleestdès lorsaux sabres et auxmassues;cellesdesspahisde l'Émir, qui sont en fer et quetermineun crocdestinéà harponnerles fantassinset le butin,

ces massues,disons-nous,sont terribles malheu-reux les crânes qui en sont rencontrés! Les sabres

coupentet déchiquettentde la chairavecvolupté;leslamesbavent dusang; elles poussentfrénétiquementles&meshors descorps, et les nobles cavaliersà quielles appartenaient tombent à plein front sur le sol,noyésdans le flotnoir de leur sang. Maisla mêléede-vient de plus en plus furieuse; les cavaliersderkaoua,vra's épérviersde carnage, s'acharnent sur le spahisquela mort leur envoie; ils se cramponnentà lui jus-que ce qu'il leur ait cédésavie,puisils le laissent les

Page 328: Trumelet Algerie Legendaire

!AM~MBtëasNBAME320

doigta livides souHléades infectsremetsde ses on-

traiMes!Quelsbeaux coupsque ceuxque portent ou

assènentces merveilleuxcavaliersdu SabraCommela tranche en est nette et franche Maisils ont affaireà forte partie; les spahis del'Émirne sont pasa mé-

priser, et plus d'un a dépourvuson adversairesoit desonnezoudesesoreilles,soitd'uneépauleou d'un poi-gnet. Le sol est jonchéde ces débris sanglants.L'unde cescavaliersrougessurtout,SidBet-Kacem,aurait

mérite, commele célèbre Et-Hacen-ben-Mohammed,te surnomd'El-Had!djam',par l'adresse merveilleuseavec laquelleil mettaitsesadversaireshorsde combaten les frappant toujours à la veine du bras. Mavaitfini par jeter l'épouvanteautour de lui, et les Der-kaouacommençaientà mollir et à fuir affolésdevantsa terrible. lamede Damachk, quand il, brandissaitdans l'air sa courbesanglante,qui, déjà, avait abattutant devaillantspoignets..Mais quelques-unesdes fillesdes Oulad-Naïl, decellesqui sont à cheval, ont remarqué ce mouve-ment de reculdes leurs, et làhonte leuren est montée

au visage elles s'élancentfougueuses,la menaceet

l'injureà la bouche et tes vêtementsen désordre, au-devant'desfuyards «Oùallez-vousdonc, ô hommes?leur crie MsAoudade sa voix la plus railleuse;est-cebien dece côté qu'est l'ennemi?et faudra-t-ilaujour-d'hui que ce soientles femmesquivousmettentsur satrace?. Allons que les gens de cœur noussuivent1Allons!vraMguerriers, fondezsur l'ennemi, et nousvousembrasseronsà pleinsbras! Quantaux lâches

qui fuient,nous les dédaignerons,mais de ce dédain

qu'accompagnele mépris! D'autres, se dépouillant

1.LePMébotomiste.

Page 329: Trumelet Algerie Legendaire

XXn:. MMR~-NAM-MOUÇA-BES-AM38<

delcura vêtements, et découvrant aux yeux de ceux

qui faiblissent des trésors qu'envieraient des houris,se jettent au milieu d'eux en criant « A l'ennemi ôhommes! chaunez la bataille! serrez la mêlée' Nos

corps aux plus bravas!Notre mépris pour tes lâches!Allons! courage ô entants de NaM!Courage! Adéfen-seurs des temmes! Allons! frappez! mais frappoxdonc de vos sabres coupants! A l'ennemi a l'en-

nemi! ? Et tes cavaliers derkao«a retournaient a labataille.

Plus loin, c'est !a belle Motaïka-bent-Et-Faht quise lance sur un groupe de cavaliers' p!oyant sous la

poursuite des spahis; découvrant son admiraMe gorge,aux seins pareils à des cédrats', et que la fierté rend

menaçante, elle crie auxsiens « Enfants de Nàïi, quivendra sucer de ce iait n'a qu'à me suivre! n Et eUese

précipite dans la mêlée, of~elle èntralne les fuyards.Quoi de plus beau que ces merveilleuses créatures je-tant tous leurs charmes, toutes les promesses de

l'amour, sur un champ de bataille, pour exalter les

guerriers. 1

L'une des femmes de Sidi Mouça, Mouraouela-bent-

EI-Mouhaouel,que le sang et le carnage ont enivrée,a quitté son palanquin et s'est précipitée, en maùdis-

sant l'Emir, sur un des points du champ de bataille où

la lutte avait été chaude et terrible, et là, accroupiesur les cadavres des spahis, elle se fait un collier et

des bracelets de leurs nez'et de leurs oreilles. AHuMée

de cette hideuseparure, elle éventre le corps de l'offi-

cier de spahis Msàoud-Bou-Chareb, qui a été tué dans

1.Les poètes arabes comparentvolontiersla gorge d'unefemmeà despoires,à descédrats,Ildescornesde jeunestau-reaux,ou à despommeauxde pistolet.

Page 330: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM~HtE !~OE!OMK<E8S8

le comtat; elle en arrache le foi6,et le déchiquetteà

bellesdents.Maisrevenons-enaux iantaaainsde SidiMouça,que

nous avons laissés aux prises avec tes Réguliersde

t'Énnr. ûr&ceà un mouvementde l'infanterieirrégu-Mèredecelui-ci,lesdeuxbataillonsdeRéguliersavaient

pu,se faireun poude jour autour d'eux; aussi en pro.tèrent-ils pour donner la parole à leurs baïonnettes.Pendant que les injures et les malédictionss'échan-

gent entre les deux partis, la meuledu trépas tournesur les têtes des combattants, et les broie commelameule du moulin écrase le grain qu'on lui livre. A

chaqueinstant, c'estun guerrierqui est envoyéparmiles JB'AcM-JÏ'e&otM',les gens des tombeaux; la mort

rouge tes piedsdansle sang, fait son cauvrosourde-

ment, impitoyablement.Sidi Moucaest magnifiqued'audace et de témérité l'œil en feu, l'écume à la

bouche, les narinesdilatées,il exalte les sienspar des

paroles ardentes, et leur soutue au cœur la saintefrénésiedont il est possédé.Hest véritablementsplen-dide dans son bernous rapiécé de douze piècescommela robed'Omar, le douzièmekhalife, les braslevésversle cielcommepourappelerDieuà sonaide:car il sent bienque la partie n'est pas égale,et qu'àmoinsd'un miracleelleest perduepour lui. En enet,le champde la lutte estjonchédes cadavresdes Der-

kaoua entassésles unssur les autres,on lesreconna!tfacilementà leurs bemousdenuanceterreusemaculésde sang; partout où le combat a déployé ses plussombrespéripéties,les corpsdes compagnonsde Sidi

Mouçasont amoncelésen Motslugubres, bossuant lesol commedes tombesdans le champdu repos. Déjà,

i. Cellequiarrivedansle combat.

Page 331: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. 8tN M-NAM'MOUÇA-BEN-AM323

reconnaissantl'impossibilitéde vaincre, la cavaleriedu saint Derhaonï,mitrailléepar l'artilleriede l'Émir,

quiapu se mettreenpositionet la battre d'éeharpedès

qu'etle eut été débarrassée des gens do pied, cette

cavalerie, disons-nous, s'est dispersée, maigre leseffortsdes femmes,dans toutes les directions,et enabandonnantà l'ennemicellesqui n'étaientpas mon-tées.Quelquesgroupes do fantassins luttent encore;mais la défaiteest certaine,et, dans quelquesinstants,tout sera dit t'armée do Sidi Ei-Hadj-Mouca,le eom.

pétiteur de l'Émir, aura cesse d'exister. En effet, àbout de lutte, les débris decettearmée, decesbandes

plutôt, cherchaientleur salut dans la fuite, et l'impi-toyableÉmir les poursuivaitde ses boulets.

Deux cent quatre-vingts cadavres de Derkaouaétaient couchéssanglants sur le champ de bataille;

pareil nombrerestait entre les mainsde l'Émir, ainsi

quele Miset les femmesdu vaincu,qu'il envoyaà Me-liana. Un certain nombre de femmes avaient pus'échapper avec le convoi, dont les conducteurs,voyant la mauvaise tournure des affaires du saint,s'étaient hâtésdereprendre la route du Sud.

Bienque la lutte, qui fut très acharnéeau commen-cementde l'action, eut duré quatre heures, les pertesd'Abd-el-Kaderne furent pas cependantaussi consi-dérablesqu'on eut pu le supposerd'abord. Danstousles cas, cettevictoireavait eu pour l'heureu~Emir ledoubleavantagede le débarrasser d'un rivalqui pou-vait devenir dangereux et d'établir dans le Tithri le

prestige dont il jouissait déjà dans la province del'Ouest.

Quant&Sidi Mouca,il était parvenu,suivide cinqou six de sesQdèlesdisciplesde Laghouath,à se dé-'rober à la poursuite des cavaliers de l'jejnir, et il'avait pu gagner le djebelMouzaya.EnnUtaprès une

Page 332: Trumelet Algerie Legendaire

!AM!~ME t.ÈBENMME?4

séried'aventuresoù il faillit.laisserta vie, il réoasit&atteindre Msad,tantôt porté, tantôt soutenu par aoa

compagnons car il avait passe, depuis son déportpour le Te! par des lignes presque surhumaineset par de cruellespéripéties.

Malgrésa défaite, SidiEl-Hadj'Moucaresta néan-moinsen grande vénérationparmi les populationsdu

Sud,au milieudesquellesil s'était définitivementéta-

bli. Rigoureuxobservatearde la traditionreligieuse,on accourait de tous les points du Sahra algérienpoturluidemander ses sages conseilset soMicitorsonintercessionauprès de Dieu,et, bienqu'il eàt renoncéà ses haiiions de Derkaoua, ainsi qu'aux privationsqu'entrameplusou moins te renoncementaux biensde ce'monde,l'ancien/a~" n'en conservapas moinssa.réputationde saintetéet le respectqui s'attacheàcette situationspirituelle..

Enfin,en 1849,lors'du siège de Zaatcha,Sidi El-

Hadj-Moucavit en songe le Prophète, qui lui ordonna

de prendre les armes pouraller combattreles Fran-

çais aux côtés de Sidi Bou-Zeyan,qui avait soulevé.les populationsdes Ziban,et quis'était renfermédansl'oasis dont nousvenonsde parler avec les plus.fou-gueuxCroyantsdela contrée.SidiMoùçaputpénétrerdans laplaceaucommencementdumoisde novembre,c'est-à-direaumomentoù la lutte était dans toute son

ardeur, et combattrependantles vingt derniersjoursde ce'sanglantet horrible siège. Aumomentde l'as-sautfinal quifutdonnésimultanément,le28novembre,aux trois brèchesouvertesdans les muraillesdu ksar,SidiEl-Had}-Moucapartagea le sort de SidiBou-Zeyanet trouva une mort glorieuse& ses côtés. Le saint

i; Hommequia fait veeude pauvreté,et quine vitqued'aam&nea.

Page 333: Trumelet Algerie Legendaire

XXtX. soi Et-NAM-MOCÇA-BBN-'AM328

i9

homme avait alors cinquante-troisans, et il s'enétait écoule vingt depuis sa première apparition à

Laghouath.Les tribus du Sabra et les gensdes ksour de La-

ghouathet deMaadpleurèrentla mortdusainthomme

pendant de longuesannées,et sa mémotrey était têt*lement veaereequ'on se disputa longtempsdans la

contrée,à titre de reliques, tout ce qui lui avait ap-partenu, les vieitieschachias entre autres,qu'Havaitcessé de porter quelques-unesse vendirentjusqu'àcent douros(800francs).

Ainsi s'était terminée l'existence terrestre de ce

vigoureuxcAeAM',de ce célèbrechampiondet'Marn.Bienque sa mort fat de date récente, t'oMa~Sidi El"

Hadj-Mouçan'en est pas moins légendaire dans la

régionde Laghouathet dans le pays occupéou par-couru par les Oulad-Naïï,où son assistanceest tou"

jours sollicitéelorsque les circonstancesexigent l'in-*terventiondivine.

L Calotterougeenlainefeutrée.3.Cetuiquimeurtenconfessantsa foi.

Page 334: Trumelet Algerie Legendaire

SIDIAU-BEN-MOUÇA-N'FOUNAS'·

Aenvironcinq heures do marchede Tizi-Azezzou,

que nous avons appelé Tizi-Ouzou,et dans la tribukabiledes Ma&tka,onremarqueuneZaouïaqui, autre-

fois, était très renomméepour la sciencequ'ony dis-tribuait et pour les illustrations religieusesqu'elleavait produites.Il est vrai de dire qu'alors elleétait

dirigéepar le très docte,le très pur, le très parfait, lelustre resplendissant, la brillante étoile polaire, leflambeauéclatant dans les ténèbres, le docteurde lavéritablescience, le sultan des gensde lettres, le trèsillustre Sidi Ali-ben-Mouga,ou, ainsiqu'on le nommedans le pays Sidi Ali-N'Founas,c'est-à-direSidi Alide la Vache.

Commela plupart de tous ses saints confrères,lesmarabouthsmissionnaires,Sidi Ali quittait Saguiet*EI-Hamra(Sud marokain)vers la findu IX"sièclede

l'hégire (XV de l'ère chrétienne),et se dirigeaitvers

l'Est, accompagnéde son frère Mohammed.Ils péné-trèrent dans le massif du Djerdjera et s'arrêtèrent,SidiMohammed,dans la tribudesBni-Djàd,et SidiAli,

i. CettelégendeestracontéeparM.AdrienDelpech,ancieninterprêtemilitaire.Cesavantorientaliste,très studieuxettrèsinstruitdeschosesdel'Algérie,a déjàproduitde nom-breuxet excellentstravauxsurlatraditionarabeoukabile.

M.Delpechfaitpartie,depuisquelquesannées,ducorpsdel'interprétationjudM«!M.

XXX

Page 335: Trumelet Algerie Legendaire

XXX. StMAM-MSN-M(MÇA-N'F(M!KAS387

dans celle des Maatka.Or, à cette époque,n existait

depuis peu, chezles Kabilsde cettedernièrefaction,une M<!Me)'a(école)dirigéepar le chikh Mahammed-

ben-Youcef, lequel, nous ne craignons pas de

l'avouer, avait beaucoupmoinsde scienceque devertus.Sonécolon'était fréquentée,d'aiUeura,quepardesjeunes gens de la tribu qui, en fait d'études, en

prenaient tout à fait à leur aise avec leur vieux et

dignechikh.SidiAli,qui,nousl'avonsdit plus haut, étaitaucon'

traire un puits de science,se présentaà Sidi Maham-medrbeBrVoeee~et hti demanda&suivreses !e~ea&ea

qualitéd'élevé.Le malicieuxsaintdissimulaitson sa-voir pourne point donnerd'ombrageau vénéré chikhde la mdmera,et pour qu'onl'y admit sans dUBcultéet puis il faut dire aussi qu'il nourrissait un projetdontnousparleronsplus loin.

Tout naturellement,SidiAUparut faire des progrèsextrêmementrapides, et, c'est ce que voulait le

saint, SidiMahammedne manquapas de les attri-buer a.l'excellencede sa méthoded'instruction.Aussiseprit-il d'une tendre affectionpourun élèvequi luidonnait tant de gloireet de satisfaction, et qu'il ci-tait~ chaque instant en exemple aux condisciplesdu jeune <Aa~, lequel,à cette époque,n'avait guèreplus de vingt-cinqans. Du reste, sa ferventepiété,sonaustéritéet sesvertus,n'avaientpas tardé à attirersur lui l'attention de tous et à le rendre l'objet du res-

pect, non seulementde ses camarades,mais encoredes grossiersKabilsdes ~eeAoM~(villages)qui étaientvoisinesdela mdmera.Dureste, le Dieuuniquen'avait

pas hésité &récompenserSidi Alien lui accordantledon des miracles.Ce fut dans les circonstancessui-vantes que le saint marabouthfit usage,pour la pre-mièrefois,dé ce précieuxprivilège.

Page 336: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM&M6~CBNMMBaaa

Unjour, tes gensdu viUagevoisinde l'écolede SidMahammeddécidèrentdefaireune e<MMoUnevachefut aussitôt achetée, égorgée, dépecée et partagéeentre tes habitants de la ~eeAo'a.Déjà,dans toutestes maisons, les ménagèresapprêtaient la part quileur était échue,quand Sidi Ati-ben-Mouca,venant à-

passer par hasard près de la source où le partageavait été fait, aperçut la peau de l'animal sacrMé.Sedoutantqu'il y avait eu une ouzMadans le village,il

s'approcha des membresde la djemdaa qui se trou-vaient là, et leur demanda s'ils avaient pensé à ses

condisciplesde la M~HMfode Sidi Mahammed-bea-Youcef.Pris un peu au dépourvu,les répartiteurs ré-

pondirent, tout confus, que les tholba de ce vénéréchikh avaient été tout ce qu'il y a de plus oubliés.Outré d'un pareil procédé,si contraireaux coutumes

habiles,SidiAli frappade sonbâton la peau de la va-

che, et tousles morceaux,rapportéspar desmainsin-

visibles,vinrentse réuniret reconstituerl'animal.Uneseconderépartitionfutopéréeséancetenante,et, cette

fois,lescondisciplesdeSidiAlinefurentpointoubliés.Ceprodige,qui établissaitpéremptoirementla qua-

i. LemototMMasignMerépartition,partage,<o<&a<<<tapouracheterquelquechosequidoitêtrepartagé.LeaKttMtan'&yamtpM,engémëmt,lesmoyensdefaireentrerlaviandedanslacorn*positiondeleursrepas,Usen sontréduits,quandilsveulentsedonnercettesatisfaction,à faireunecollectedansleurvil-!&gepourseprocurerla sommenécessaireà l'achatsoitd'unnœuf,soitde plusieursmoutons,dontla chairest partagéeselonlenombredesesfeux.Lesgensrichespeuvent,enmou-rant, faireà la <~eNM!ade leurviUageun legsd'uneeudeplusieurstêtesdebétaildestinées&êtremangéesenoazMa.Tous,sansexception,dansle village,doiventprendrepartAcettedistribution.Desoublisontamenébiensouventdescol-lisionssanglantesentrelesrépartiteursetlesoubliés.

2.Assembléemunicipale,conseilcommunal.

Page 337: Trumelet Algerie Legendaire

aaaXXX. soi At.t-BSN-NOUÇA-N'FOUNAS

MMd'ew~t, ou d'ami de Dieudont jouisaait Sidi Ali,changeales témoignagesderespectdontil étaitentouréenvéritablevénération.Le chikhMahammedpleuraitdojoie en pensant que c'était lui qui avait forméce

jeune marabouth,et il supputa de suite le proOtquecela pouvaitlui rapporterdans ce mondeet dansl'au-tre. Touteales djemad en corps vinrent visiter SidiAUet lui apporter leur tribut d'admiration. Le saintles reçut un peu froidement,et ne leur cacha pointqu'il serait grand temps qu'ils fissentquelquechose

pour leurs Amas,lesquelles,en général, manquaientde pureté, et qu'ils laissaient moisir dans l'indine-rence religieuse, et dans une ignorancecrassede la

parole de Dieu.Les notables reçurent ces sévères reproches en

reconnaissant intérieurementqu'ils les avaient bien

mérités; mais leur dignité de membres élus de la

djemadne leur permettait pas, surtout enprésencedeleurs administrés, et sous peinede perdre beaucoupde leur prestige, d'avoir l'air de prendre pour euxdes remontrancesqui, tout saint qu'il était, ne leurenétaient pas moinsadresséespar un jeune homme.CesKabils ont toujours été remplis d'orgueil. Sidi Ali,vousle pensezbien,ne l'ignorait pas; mais,commeilsavait aussi quel'imamEs-Soyouthia dit «Epargnele ch&timentaux personnes de considération», il nevoulutpas trop appuyersur les reprochesqu'ilcroyaitdevoirleur adresser.

Maisil arrivacequi ne pouvait manquerd'arriver:le chikhMahammed-ben-Youcef,qui étaitchargéd'anset d'innrmités,renvoyasonémeà Dieu.Lefait estque,pour ce qu'il enfaisait. C'étaitlà où SidiAlil'atten-dait car, s'il avait consentià se faire sondisciple,ona dé}acomprisquec'estparcequ'il espérait lui succé-

der, et prendre en main la direction de l'instruction

Page 338: Trumelet Algerie Legendaire

aae t.'AMt&ttïEKÈSBNBAtBE

dans la tribu des Màatka. Rn effet,les chosessepas-sèrent commeil l'avaitprévu: il y eutunanimitépourle supplierd'accepter la chaire laissée vacantepar le

chikhMahammed-ben'Youcef.Lesaintaent bienprierun peu il trouvait, lui pauvreétranger, disait-il, la

chargeun peulourde pour ses épaules: car il y avaitfort à faire dans le pays pour en remettre les gensdans la voie de Dieu; peut-être, atoutait-il, aérait-ilinsumsantà cettetache,malgrétout le zèlequ'il comp-tait y apporter; et puis, sansdoute,Dieudaigneraitl'aider dans cetteœuvre qui, en dëOnitive,était bienun peuaussila sienne.Enfin, il se laissafléchir, et il

acceptala successiondu vieuxchikhMahammed.Les M&atkan'eurent point à se repentir de leur

choix, car le saint marabouthles en récompensaam-

plement par de nombreux miracles d'utilité locale

ainsi,par exemple, il dota le pays 'pauvre en eaud'un grandnombrede sourcesqui dispensèrentles

femmes de la rude besogne d'aller remplir leurs

~*e&(outres)au fond des ravins, et qui fertilisèrentles plateauxsur lesquelssont perchés les villages. Il

indiquaaussiaux Kabilsdesméthodesdeconstructionde maisonsquileurpermirentd'être, chezeux, un peuplus à l'abri que dehors contre les intempériesdesrudes saisons d'hiver dans leurs Apresmontagnes.Tant de bienfaitsfinirent par attacher les Màatkaausaint marabouth, dont ils firent une sorte de féti-che aux pieds duquel ils étaient sans cesseproster-nés il est vrai de dire que c'était toujourspour luidemanderquelquechose,quelquefaveurduCieLLare-

ligiony trouvaévidemmentsoncompte,car onenétaitarrivé à citer les Mâatkacommede rigidesobserva-teurs des pratiques religieuses, et à les donner en

exempledans toute la Kabiliedu Djerdjera.Maiscesrusés Kabils n'étaient guère que frottés de religion;

Page 339: Trumelet Algerie Legendaire

xxx. StM AM-Mtt-MOCÇA-N'FOmtAS 33i

dans tous les temps, ils ont eu l'absorptiondiMcile,etils ont toujoursprofessépour l'Islam cette mêmein-différencequ'ils ont montrée jadis pour le christia-

nisme, et si les tribus kabilesont fait grand cas des

marabouths,c'est précisémentparceque cela les dis-

pensaitde s'acquittereux-mêmesde la fpriere, et de

remplir autrement que par procuration ce que cesmarabouthsappelaientles devoirsreligieux.

DèsqueSidiAHedt pris en mainla direction de lamdmeradu chikhMahammed,les choses se modinè-rent à vue d'ceil le saint, qui n'avait plusde raisons

pour dissimulersa science,la montra désormaisdanstoute son étendue. Son premier soin fut de transfor-mer sonécoleen une Zaouïaoù l'on enseignala juris-prudence,la logique,la théologie,les mathématiques,etc. enfin,les études y embrassaientpresquetoutesles branchesdesconnaissancesscientifiquesprofesséesde sontemps. Si nous ajoutonsà cesméritesdu saintle pouvoir surnaturel dont il était doué, et qui lui

permettaitd'opérer de temps à autre quelquesmira-clesenfaveurdesMâatka,nousnenousétonneronsplusde l'extensionqu'avait prise sa réputationdesaint etde savant, et il ne nous paraîtra que trèsnaturel de

voir accourir de toutes les tribus comprises entre

Bedjaïa(Bougie),Sethif,Sour-Et-R'ouzIan(Aumale)et

Meliana,une multituded'élèvesqui brûlaientd'enten-dre sa parole et de prendre leur part de ses doctes

leçons.Or, ces <AoMe,quivenaientde fort loin,et quine pouvaientfaire dans leurs famillesque de rares

apparitions, se virent dans l'obligationde s'installer

tant bien que mal autour de l'école de Sidi Ali. LaZaouïaétait dès lors définitivementfondée.

Si la nourritureintellectuelleedt sunipour rassasierles cent cinquantedisciplesqui s'étaient groupésau-tour de la Zaouïa de Sidi Ali, le saint docteur eût

Page 340: Trumelet Algerie Legendaire

331 !AM)6tHEt&OEMtAWR

tellement sum à cette t&che;mais cette centaineet

demiede jeunes et exigentsestomacsne pouvaientse

contenter, il faut être de boncompte, d'une ali-

mentation qui tombait dans leurs oreillesau lieude

prendrela direction de leur bouche. Disonsle motil fallait vivre. Or, Sidi Alimanquait des ressourcesnécessairespour calmercescriants estomacs;en ou-

tre, le territoire des Méatkaétait d'unepauvretéso~

dide, et, à l'exceptiondes fruits du chêneet de ceuxdu figuier, il ne produisait rien qui fat digne du pa-lais des <AoMa.Sans doute, il eut été aussi facileàSidiAlide produiredu blé et de l'orge quede tirer de

l'eau, commeil l'avait fait, desentrailles de la terre,bienentenduen demandantà Dieu, qui, certes,nel'eût pas refusée, l'autorisation de se servir dela puissancesurnaturelledont il avaitdaigné lui èon-fier une si notable parcelle; mais d'abord SidiAlinetenait pas à gaspiller son influenceauprès du Très-

Haut, en vue surtout de la satisfaction(d'appétitsmatériels, et puis, tranchons le mot, il craignaitd'être indiscret en s'accrochanta tout instantau ber-nous du Tout-Puissantpour lui demanderses faveurs.Il pensa qu'après tout il n'était pas mauvaisque sestAoMas'habituassentà gagner leur nourriture, enla demandant, et a ne pas croire que le rôle desalouettesici-basétaitde leurtombertoutesrôtiesentreles mandibules. D'ailleurs, il fallait aussi que les

MAatka,qui, comme tous les Kabils, ne brillent paspar la générosité,pourvussent,poursi peuquece soit,auxdépensesqu'enlratnait l'entretien d'une agglomé-rationde savantsqui, en déBnitive,faisait leur gloire.

Sidi Ali renonça donc au miracle.Aussi,au com-mencementdu printemps,en automneet en hiver, lesétudiantsdela Zaouïaparcouraient-ils,à tour derôle,lestribus kabileset arabes les plus voisinesafin d'y

Page 341: Trumelet Algerie Legendaire

WM!HtNXXX. 8MMAM-BEN-tMNÇA-N'fMMS

recueillirles précieusesoffrandesque lesbonsMusul-mans voulaient bien consentir à verser pour les be-soinsde la Zaouiaet pour ceux deleur cMkhvénéré,lequel, en compensation,ne manquerait pas de lescouvrirde sa puissanteprotection.Ce tribut, qui sesoldait en céréales, en figues,en huile et en numé-

raire, étaitdésignésousla dénominationd'ouMa'. Au

moyende cesdons, SidiAliput parvenir à pourvoiràl'instructionde ses élèves,et arrivaà acquérir, par la

suite, quelques immeublesqui furent le noyau desAo&<MMdontjouit encoreaujourd'huila Zaouiafondée

par Sidi Ali-bon-Mouça;et l'intercessionet la protec-tion du saint marabouthfurent si recherchées,et les

legspieuxdevinrentsi abondants,que, mêmeavantlamort du vénéréoMa~le~<~OM<de sa Zaouïacompre-nait480pieds d'oliviers,MOfiguiers,et de nombreu-ses terres labourables. ·

Stdi AU-ben-Moucaentretenait des relations trèssuiviesavecdeuxsaintsvénérésdes environsde Sour-

El-R'ouzian,SidiAli-Bou-Nab(à ladéfensedesanglier)et l'illustreSidiAïca-ben-Mahammed,dontnousavonsraconté la légende précédemment.Ce fut le premierde ces saintsquiprédit à Sidi Ali-ben-Mouçaqu'il se-rait étranglépar les siens. Commecedernierne vou-lait pas être en reste avec son vénérable ami, il lui

annonça, à son tour, qu'il mourrait englouti par les

neiges,et quesoncorpsserviraitdepâtureauxchacals.

i. Ot«M<tsigniNepfOMCMe,o~vmde,MBM.L'oM~Maquere-cneUMentles<Ao&aavaitbeaucoupd'analogieavecl'espècededlmeennaturequepercevaientautrefoischeznoustesordresmendiants.

2.Affectation&un établissementreligieuxde la propriétéd'unimmeubledontonconservelerevenupoursoiet sapos-térité.Lebien,ainsiimmobilisé,estdit&o6o<M,e'est-R-direendétention.

19.

Page 342: Trumelet Algerie Legendaire

384 t'AMÉME tÊCEMMUMB

Cesdeuxprédictionssevérinôrent&courteéchéance,et, pour ainsi dire, en Même temps Sidi Aï!de laVachefut étranglepar ses<AoMa,lesquels,à proposde

rien,–sa sévénté,dirent-ils,–osèrent porter la mainsur un éla de Dieuqui leur distribuaitplusde science

qu'ils n'en méritaient,bien certainement.Dieuavait,sans doute, ses raisonspour permettreun crimeaussi

abominable;tout enledéplorant,nousnousgarderonsbien d'en faire le moindrereprocheà celuiqui donnela mort avecautant d'indifférencequ'il fait don,de lavie.Quoiqu'il en soit, la mort deSidiAlifutuneporteimmensepourles lettrés,etlesMAatka,quin'étaient quepour peu de chose dans ce crime, pleurèrent assez

longtempsle bienfaiteurde leur pays.Quant&SidiBou-Nab,il périt quelquesjours après,

ensevelisousles neiges du Djerdjera, en se rendantchezles Bni-Mlikech.Quandonretrouvason cadavre,il était enpartie dévorépar les carnivores.

Sidi Ali-ben-Mouçalaissa quelquesenfants qui ne

paraissent point avoir hérité de leur vénéré père le

précieux don des miracles, ou plutôt les vertus quipeuvent le faire obtenirdu Tout-Puissant,car la tra-dition n'en a conservéaucun souvenir.Les descen-dants du saint sont groupésaujourd'huisous le nom

génériqued'Aît-Et-Toumi,et divisésen quatre Ma-

rouba, ou fractions.L'illustre et saint marabouthattenditpendant près

de deux centsans une koubbadignedelui, et encoreest-ceà unTurkquesesindignesdescendantslaissèrentle soinde la faire édifier.

La chapelle funéraire qui renferme les précieuxrestes du vénéréSidiAli.ben-Monças'élèveau milieudes groupesde maisonshabitéespar les quatre kha-roubade sesdescendants;elle a la formeordinairedecessortes de monuments,avec cette diNereneepour-

Page 343: Trumelet Algerie Legendaire

XXX. StMAM-BEft-MOUÇA-N'MCNASsas

tant que le dômeest couvert par un toit s'appuyantsur les pyramidionsquicouronnentla terrasseservantde base à la coupole.L'intérieur du monumentestassezspacieux il est pavédecarreauxde faïencedontun grand nombre ont perdu leur assiette ou ont étébrises. Au milieu de la chapelle se dresse le <a&o«<

(châsse), lequelest entoure d'unegaleriede boisd'untravail médiocre.

Agaucheen entrant dans la chapelle,on remarqueuneinscriptionqui a été creuséedans la muraille; leslettres en ont été coloriéesen vert, rouge, jaune et

bleu,et avecune grandeindépendancede principesenmatièred'harmoniedescouleurs.L'orthographeprouveaussi que le niveau des études grammaticalesavaitbien baissé à la Zaouïadepuisla nn tragique de sonsaint fondateur.Cetteépitapheestainsi conçue

« AunomdeDieuleClément,leMiséricordieux'Qu'ilrépandesesgrâcessurnotreSeigneurMohammedCeciest la datede lavenuedu chikh,du très docteSidiAli-

ben-Mouça,quiparutpendantle IXosiècle(del'hégire).Unekoubbalui fut élevéeau XII*siècle.Ellefutbrûléeen i268, et réédiSéeen 1269.

« C'estune aide de Dieu; c'est une prochainevic-toire. »

Cette koubba, qui menaçaitruine, fut, en effet,re-

construite, vers le milieu du XII*sièclede l'hégire,par le fameuxBeyde Tithri, Mohammed-ben-Ali-EdDebbah(l'Égorgeur),pour reconnaître la fidélitédesMàatka et pour récompenser les marabouths des

OuIad-Sidi-Ali-ben-Mouçaduconcoursqu'ilslui avaient

prêté pour lui procurerl'alliancede l'importantetribuà laquelleils appartenaient.

S'il faut s'en rapporterà la tradition, cetteconstruc-tion aurait été décidée par Mohammed-ben-AIidansles circonstancessuivantes leBeyEd-Debbab,qui te-

Page 344: Trumelet Algerie Legendaire

aaa ~'AMËMEt~aBNOM!H5

nait à faire quelque chose pour les marabouths des

Maatka, mais qui ne voulaitni tes favoriser tous au

mêmedegré, ni pourtant exciter leur jalousie, avaitdéclaré que son intention était d'élever une koubbaau saint qui, par un signe quelconquequ'il se reser-vait d'indiquer,se revoteraità lui commeétant le plusdigne de sa générosité.Ce concours entre les saintsétait choseassezdélicate, et il s'agissait de savoir de

quellefaçonilsdevaients~yprendrepourfairelapreuvequ'on leur demandait.Or, voicice qu'avaitimaginéle

Beyl'Ëgorgeurpour arriver à son but s'étant fait ap-porter de la viande, il la fit couperen autant de partsqu'il y avait de saints inhumésdans le pays, et, aprèsavoir marquécesparts d'un signepour reconnattreà

qui ellesétaient destinées,il ordonnaqu'ontes réunitdans une seulemarmite la koubbadevaitêtre attri-buée à celui de ces saints dont la portion de viande,au bout d'un certain tempsde cuisson,serait retirée

saignante.On mit la marmite sur le feu,puis, lors-

qu'on jugea la viande cuite, on en tira tes parts en

invoquantle nom de,Dieu.CettedeSidiAli-ben-Mouçaétait absolumentdanste mêmeétat que lorsqu'onl'a-vait misedans la marmite,c'est-à-direon ne peut plussaignante.

Noussommesobligésde reconnattre que le pot-au-feujoue un grandrôle dans les deuxexistences, laterrestre et la céleste, de SidiAli-ben-Mouça.

Le BeyMohammed-ben-Alis'exécuta aussitôt, et Btrestaurer somptueusementla koubbadu saint ancêtredes OuIad-Sidi-AU-ben-Mouça.

Maiscette chapellefunérairefut livréeauxflammesen l'an i268 de l'hégire, c'est-à-direen i85i de notreère, pendantles combatslivrés autour de Tir'ilt-Mah-moudpar la colonnedu général Péiissier à l'insurgéBou-Bar'la,qui avait soulevécontre nous ia tribu des

Page 345: Trumelet Algerie Legendaire

XXX. MB! AU-BBN-MOUCA-N'FeMNAS 33t

Maatha,laquellepaya d'ailleurssa révoltede l'incen-die de vingt-neufde ses villages.La koubbade SidiMoueafut reconstruite de nouveau l'année suivantetelle quenousla voyonsencoreaujourd'hui.

A l'intérieur du mur d'enceinte qui enveloppelachapellefunéraire,les <AoMevousfontremarqueravecune certaine nerté une hutte qu'ils nomment pom-peusementle Djamd~ï-~ceta(la mosquéedolapréser-vation, de ia protection); ils prétendent que cettesordidecabanea été construitepar unelégiond'angesappartenant au bâtiment,qui auraient été envoyésduCieltout exprèspour y faire leur chef-d'œuvre.Cette

trop primitive constructiontendrait à démontrerquel'art de la bâtisse était en soufn'anoe,il y a unsiècle,dans lesrégionsangéliques.

Aujourd'hui,la Zaouia des Maatka,si brillante, sirenomméeau tempsde sonillustrefondateur,SidiAli-

ben-Mouça,est tombéedansla plustriste décadencelesétudesy sontréduitesàcelleduKoran,et les ~M&a

qu'on y formen'ont absolumentriende communavecceuxqui,jadis, accoururentde touslespointsde laKa-

bilie,du Djerdjeraet d'ailleurs,pourse suspendreauxlèvresdel'éloquentet saint marabouth, et pour en re-cueillirses savanteset fortifianteslecons.

Le tombeaude SidiAlide la Vacheest encoretrès

fréquentépar les populationskabiles,et les miracles

quis'y opèrentdetempsà autre, rarementpourtant,-y entretiennentquelquereste de foi et de piété.

Page 346: Trumelet Algerie Legendaire

XXXI

StM MOHAMMED-BEN-ABD-ER-RAHMAN-

BOU-KOBREÏN1

Bienqued'originerelativementrécente,SidiMoham-med-ben-Abd-er-Rahmana joué un trop grand rôle,au siècledernier, dans la Régenced'Alger,pour quenous n'en disionsquelquesmots. Il est surtout célèbrecommefondateurde l'ordre religieux qui porte son

nom, celuides Rahmanïa;c'est d'ailleursun desraressaintsqui soientnés dans le pays que nousoccupons,et, à ce titre, il devaittrouverplacedans notre galeriedes thaumaturgesalgériens.

Selontouteapparence,SidiMohammed-ben-Abd-er-Rahman serait né dans la tribu kabile desAït-Sm&ïI,laquelle faisaitpartie de la Confédérationdes Guedj-thoula, et occupeencore aujourd'hui la partie ouestdu revers septentrional du Djerdjera. Sa naissanceremonteraitaupremierquart duXVIH"sièclede notreère.

Aprèsavoircommencésoninstructionàla ZaouïaduchikhSiSeddik-ou-Arab,des Aït-Yraten,il se rendit en

Egyptevers l'an iiS2 de l'hégire (1739-~40);il com-

pléta ses étudesen suivant,à Ir célèbremosquéed'El-

i. Ceseraencoreà M.l'interprèteDelpechquenousem-prunteronsquelques-unsdesdétailsconcernantSidiMoMm-med-jben-AM-er-Mnaan.

Page 347: Trumelet Algerie Legendaire

XXX!S!M HOBAMNBB.BEN.ABn-BB'NAHHAN,ETC. 339

KaMra(le Kaire)connuesouslenom d'El-Azehar,tessavantesleçons des plus célèbres docteursdo cette

époque.C'està son assiduitéà assister aux cours quïse faisaient dans cette mosquéequ'il dut le surnomd'El-Azebari.

C'estpendant son séjourdans l'Est de l'Afrique,séjour qui ne dura pas moinsde vingt-quatreans,qu'il se nt initier à la sectereligieusenomméeEI-Hai-

naoaïa, du nomdu chikh (grand ma!tre)de l'ordre àcette époque. D'après la tradition, Sidi Ben-Abd-er-Rahman aurait fait un voyagedans le Soudan,sansdouteà l'incitationde ce chikh.

Enfin,versl'an ii7f de l'hégire(i763-n64),il seraitrentré dans son pays natal, chez les Aït-SmàM.Tout

porte à croire que ce fut alors qu'il fonda:la Zaouîades Guedjthûulaet qu'il posa les bases de la célèbreConfrérie si répandue en Algérie, particulièrementparmi les populationskabiles, et' dont les khouan

(frères)jouèrentun rôle si considérabledansles trou-bles qui ont agité, depuis la conquête, les tribus quirayonnentet s'étendentà une grande distanceautourdu Djerdjera.Cet ordre religieuxprit d'ailleurs unetelle importance politique que l'Emir Abd-el-Kaderlui-mêmecrut nécessairede s'y faire afnli&r,dans lebut de prendre sur les populationskabiles une in-fluencequilui permitde les entrainerdans l'agressionqu'ilpréparait contre nous.

SidiEI-Hadj-Mohammed-ben-Abd-er-Rahmanhabita

Algerdans les dernièresannéesde sa vie, c'est-à-diresous le règne de Baba-Mohammed-Bacha;mais lessoinsà donnerà la Zaoufaqu'il avait fondéedanssatribu natale, et la nécessitéde sa présenceau foyerde la Confrériedont il était le grandmaître,ne fût-ce

quepour stimulerles hésitantset hâter les initiations,ces raisons,disons-nous,le décidèrent à revenir au

Page 348: Trumelet Algerie Legendaire

!AM6MBtACEftMMB340

milieu de ses contribules,les Aït-SmaN,oit la mortvenait te prendre six mois après son retour parmieux, c'est-à-direenl'an 1792de notre ère.La veillede sa mort,SidiBen-Abd-er-Ranman,qui,d'ailleurs, avait annoncé qu'il rendrait le lendemainson Ameà Dieu,avait institué,par acte authentique,poursonsuccesseuret khalifadel'ordre,Ali-ben-Aïca-El-Mor'orbi,son serviteur le plus dévoue,et lui avaitdit « Gardemes livres,mes biens,mesterres, en unmot tout ceque je possède.Je t'en fais le légataire.Je te laisse l'acte qui constitue le tout en Ao~o<M.»Puis il Ct appeler auprès de lui tous les gens de latribu des Aït-SmaNet leur fit en cestermes sesder-nières recommandations « Je vous prends tous àtémoinsqueje désigneSiAM-ben-Aîçapourmesuccé-

der, et queje lui lèguetous mespouvoirs il seradoncmon successeur.J'ai déposédans son sein tous lessecretsdel'ordre, et je lui ai conSétoutesles bénédic-tions. Nelui désobéissezpointen quoique cesoit, caril est monvisageet ma langue.»

Quandmourut Sidi Mohammed,la Zaouïa dont ilétait le fondateurbrillait du plusvif éclat.Desprofes-seurs éminents, formés par lui, et, entre autres, lesavantissimechikhAhmed-Eth-Thaïyeb-ben-Es-Saiah.Er-Rabmouni,attiraient de tous les points de la Ré-

gence d'Alger, par leurs précieuses et fructueuses

leçons, non seulementles jeunes tholba qui recher-chaient l'étude avec passion,maisencoredes savantsde grand mérite qui venaientse perfectionnerauprèsdes maîtres de la science et de la parole, pénétrésqu'ils étaient de ce préceptedel'imamEs-Soyouthi« Recherchezla science,fût-ce même en Chine; larecherche de la scienceest une obligationimposée~tout Musulman.»

Maisrevenonsà SidiBen-Abd-er-Rahman.Le saint

Page 349: Trumelet Algerie Legendaire

XXXt.–StM MOBMM~N5N.ABM!MtAHWA! RtC. 34<

homme mourut, en eCet, !e lendemain, comme il

l'avait prédit, et son corpsfut rendu à la terre par tessoins des khouan des Aït-Smaïl et des tribus voi-sines. Les frères de l'ordre qui habitaient Alger, et

qui, eux aussi, avaientété à mêmed'apprécierla va-leur et les mérites du saint, n'apprirent la mort deleur chefvénéréquetrois jours après qu'il eut renduson âme à Dieu.Ils ne purent se consolerde voir sa

dépouillemortellereposant loin d'eux dans les mon-

tagneskabiles,et horsde portéede la protectionqu'ilsattendaientd'unsaint si influentauprèsde Dieu.Toatentiersà leur douleur,les Algériensqui avaientété en

rapport avec Sidi Mohammedse donnèrent rendez-

vous au Hamma,où le saint hommeavaitvécuet oùils s'étaient nourris de ses fécondantesleçons. Cetteréunionavait pour objetd'aviseraux moyensde ren-trer enpossessiondu corpsdeleurvénérémarabouth,

qu'ilsrevendiquaientcommes'il eàtété leur propriété.Aprèsune discussionfort orageuseet des proposi-

tionsplusou moinspratiques, les députésdéclarèrent

qu'ils ne voyaientpas d'autre façondejouir desrestesmortelsde Sidi Bon-Abd-er-Rahmanque de les enle-ver à ces brutes d'Aït-Smaîi,lesquels, affirmaientles

plus exaltés,n'avaient aucune idéede la valeur d'untel trésor. Cetteproposition fut accueillie avec descris d'enthousiasmeet acceptéeà l'unanimité. Seule-

ment, cette opération de l'enlèvementdu corps dusaintn'était passansprésenterquelquedifficulté:car,quoiqu'endisaientlesAlgériens,lesAït-Smaîltenaientà leur oMoHau moinsautantque les hadhar (citadins)d'Alger;et puis, en définitive,Sidi Mohammedappar-tenait à leur tribu, puisqu'il y était né.D'un autrecôté,il nefallaitpas songerà obtenir desAït-Smàïllacessionà l'amiabledesprécieuxrestesdu saint; quantà user de violence,c'était tout aussi impraticable.Du

Page 350: Trumelet Algerie Legendaire

t~M&HE t.ËaEMMtBE848

reste, ces propositionsne furent mômepas discutées.Cen'était doncquepar la ruse qu'il fallait opérer.

Les khouan algériens choisirent donc, séance te-

nante, quelqueshommesdes plus résoluset des plushabiles, auxquelsils donnèrent la glorieusemissionde rapporter au milieud'eux co qui avait été, de son

vivant,l'illustre, le saint, le vénéréSidi Mohammed-bon-Abd-er-Rahman.Il fut décidé que les khouan

charges de ce pieux larcin se partageraienten trois

petits groupesd'égaleforceà peu près l'un irait se

cacher, pendant la nuit, dans la montagne,à proxi-mité du lieu de la sépulture; les deux autres groupesse présenteraient dans les deux principaux villagesdes Aït-Sm&ïIcommedéputéspar leursfrèresd'Alger.Leur but était de détourner ainsi l'attentiondesKa-bils en leur témoignant le chagrin et les regrets queleur faisait éprouver la mort de leur chikh révéré;puis ils devaient se rendre ensuite au tombeau dusaint pour y prier, se gardant bien, tout naturelle-

ment, de leur laisser supposerun seul instant qu'ilsbrûlaientdu désir de possédersonprécieuxcorps.

L'opérationréussit à merveille deux groupesres-tèrent auprèsdeleursfrères,lesAît-Smaïl,et, pendantla nuit qui suivitleur arrivée,le troisièmegroupesor-tait de sa retraite, exhumaitle corpsdu saint, le char-

geait sur un mulet et niait en toutehâte sur Alger.A la pointe du jour, le bruit se répandit dans les

villagesdesAït-Sm&Ïlqu'onavaitviolé le tombeaudusaint marabouthet que sesprécieuxrestes avaientétéenlevés.Exaspéréspar cette affreusenouvelle,les Ka-bils ne doutent pas que cette violationde sépulturen'ait été commisepar les étrangers arrivés la veilledans le pays, et ils leur adressent d'amers reprochessur leur conduiteaussi indélicatequ'elle était inquali-fiable. «Comment,répondent les khouan d'Algerde

Page 351: Trumelet Algerie Legendaire

XXXt.–S!M MOBMMHMM!<-A)M-B!t-!)A<mAN,ETC. 343

l'air le plus innocent du monde,pouvez-voussuspec-ter notre bonne foi dana le triste devoir que noussommesvenus remplir ici?. Qui de nous aurait pucommettreune action aussi blâmable? DepuisMernous n'avons quitté vos gourbisque pour aller unirnos larmes et nos prières aux vôtres sur le tombeaude notre chikhvénéré. Nous avons pris nos repasavec vous,et aucunde nous, vousle savezbien,ne s'est absentede ces lieux. Lespierres et la terre

qui recouvrentle corps du saintont été remuées,nouste reconnaissons;mais est-cedonc là une preuve denotre culpabilité?. Voyonsensemblece quiestarrivé,et peut-être trouverons-nousune autre cause qu'unesacrilègeprofanationdes restes d'un saint qui, pournous, est l'objet de la plus profondevénération »

Les frères se rendirent ensembleau tombeau dusaint marabouth; on enleva la terre qui recouvraitson corps,et l'on jugera de ce que dut être l'étonne-ment des khouan d'Algerquand ils trouvèrent abso-lumentintactle cadavrede SidiMohammed-ben-Abd-er-Rahman.

L'irritationdes khouan kabils s'apaisa subitement,et ils s'excusèrentauprès de leurs frères d'avoir pules soupçonnerun instant d'uneaction aussiblâmable

qua celledu rapt deleur saint.Pendant que ces faits se passaient chez les Ait-

Smaïl, le groupe des ravisseurs se dirigeait le plusrapidement possiblesur Alger,où il arrivait sans en-combre.On ne peut se faire une idée de l'allégresseque produisit,parmi les frères de la capitale de la

Régence,le succès de cette diincile entreprise. Deslarmes de joie coulèrentde tous les yeux; on s'em-

i. ZesJMotMM,parM.lecapitainedeNeveu.

Page 352: Trumelet Algerie Legendaire

3M t'AM&MBt~MttOMMW

hraaaait,on seMMcitait;on était heureux, onnn carle aain~était rendu à l'amoar deses khouan,et cette

joie s'expliquait d'autant plus aisément qu'Algerne

produisaitplusdesaintsdepuislongtempsdé)&;c'étaitdonc une bMmefortune pour te pays en générât,et

pour les khouan de l'ordre en particulier,d'avoir puremettre la main sur un élu de Dieude cette impor-tànce.

Maisce fut bien autre chose quand,au retour desdeux autres groupes,on apprit de la propre bouchedes khouanqui les composaientque, dans la craintesansdoutede fairenaître unecollisionentre lesfrèresde son ordre, Sidi Ben-Abd-er-Rahman,qui était, onle sait, la bontémême,avait bienvouluse dédoubler,afin que ses khoddamd'Alger et de Kabiliepussentjouir, au mêmedegré, des avantagesattachésà la pré-senceau milieud'eux de sa dépouillemortelle.Celan'avait rien que de fort naturel de la part de Sidi

Mohammed-ben-Abd-er-Rahman,qui, de son vivant,se f&tmis en quatrepour faire plaisir aux Rahmanïa,c'est-à-direaux frères de son ordre.On fit, au Hamma,au duplicatumdu saintde somp-

tueusesfunérailles,et la nouvelledu prodigequenousvenons de raconter étant parvenue aux oreilles de

Baba-Hacen,le pacha régnant, ce princefit aussitôtéleverun élégantmes~e~ sur le tombeaudel'élu deDieu.C'est à cette circonstancede son dédoublement,de

sa M-corporéité, que Sidi EI-Had}-Mohammed-ben-Abd-er-Rahmandut sonsurnomde~oM-JiMre&t~c'està-dire« fAoMmeaux ~eM<cT~m&BaM~a.

i. Petite moaqaée dans )aqaeMeon ne Ut pas la &&«<M<t,le

prOne.OaypirïeseMteïnemt.

Page 353: Trumelet Algerie Legendaire

XXXt.–SBMNeBAMMEthWtSN~M-Ba-MBMAN,ETC. 3~

La koubba rontermant la ch&ssede SiBen-Abd-er-Rahmanau Hammaest closepar un mur autour du-

quelattend un cimetièrequ'ombragentde beaux oli-

viers, des lentisques et des figuiers,de Barbarie.Levendredidechaquesemaine,desMoresquesonduleusesdansleursblancslinceuls,–les yeuxdans dessuaires,avecdessourcilsen sangsues,desyeux qui leur pren-nent les trois quarts-duvisage, molleshourisqui,sous le pieux prétexte de visiter leurs morts, se ren-

dent, en corricolosde plaisir, sur les tombespour yjouer de la prunelle,allumerles sens desCroyants,et

y produirede ces terriblesincendiesqui lesconsumentlentementet à petit feu, à moinspourtant quel'incen-

diaire, prenantces malheureuxen pitié, cequi se

produit d'ailleurs le plus souvent, ne consenteà

éteindre,par lesmoyensusitésenpareil cas, la flamme

qui menacede les dévorer; c'est là, dans le domainemême de la Mort,que se nouent, s~amorcentdesné-

gociationsdont le but, la conséquence,est de mainte-nir à peu près au même point le tissu de la toilehumaine que cette hideuse Pénélopes'amusechaquejour à emiocher.Il n'y a vraimentque les Musulmans

pour rebâtir ainsi sur la mort.Lesecondtombeaudu saint, auxAït-lsm&ï!,estéga-

lementtrès fréquentépar les khouande l'ordreapparutenant à la grandeKabilie,lesquelssollicitentle saint

jusqu'à l'importunitépour en obtenir quelque bien

terrestre, et sans se soucierbeaucoupde faire quel-quechosequi soit agréableà Dieu. AhcesKabUs!sion les écoutait, il n'y enaurait que pour eux!1

Deuxfoispar année, on célèbredegrandesfêtessurles tombeauxdu saint des pèlerinsde toutesles par-ties del'Algérie,voiremêmeduMarok,amiiésà l'ordredu Rahmanïa,viennentfaireleur provisiondesbonnesactionsqui doiventbalancerles mauvaisesau jour du

Page 354: Trumelet Algerie Legendaire

!MS t.*AMa6Ms tËeN~AmE

règlementdu comp? final.Nousdevonsdirepourtant

quele tombeauquiest chezlesGued~thoulaa toujourspara plus authentique et plus sérieux que celui du

Hamma,et que, par suite, les Musulmans,quionthor-reur du contactdesChrétiens,le fréquententplusvo,lontiers que celui de la banlieued'Alger,lequel, tropprès de la capitale de la Mauritaniefrançaise, setrouvenoyé, au milieudes~~<o'a dansun océanàodeur fétide comme celle qui s'exhale du puits deBerhout*.C'est surtout au tombeaukabildesAït-ls-maîlquese tramentles conspirationsquiont pourbutnotre expulsionde l'Algérie, et la formidableinsur-rectionde i87i nous a démontréunefois de plus quela Zaouiade Sidi Abd-er-Rahmanétait toujours uncentre d'intrigues et de complots,qui, du reste, ontvalu à son dernier Nto&aeMem!,Sid Mohammed-El-

Dj&di,une condamnationà la déportation.A la suitede cetteinsurrection,cette Zaouiafut fermée;maiscen'est pas à dire pour celaque la ConfrériedesRahma-nia soit désorganisée son foyer est tout simplementdéplacé.

i. J~apara,lesChrétiens.2.n s'exhale,dit-on,du puitsdeBerhout,dansle Hadra-

mont,uneodeurfétidequi,selonlescroyancesmahométanes,auraitpourcausele séjourqu'yferaientlesAmesdesIn&dèlesaprèsleurmort.

3.DansuneConfrériereligieuse,le mokaddemoueM&&estledéléguédu khalifa,ougrandmaîtredel'ordre,pourunecer-tainezoneoudiocèse.Il lereprésente,etprésideunemosquéeouunezaoula.

Page 355: Trumelet Algerie Legendaire

XXXII

SIDI OUALI-DADA, SIDIBETM,

SIDIBOU-GUEDOUR

Nousréunissonscestrois saintsdansle mômecha-

pitre, d'abord parce que nous avonspeu de choseàen dire, et ensuite parce que les Turks et les Arabesleur ont attribué un rôle collectifimportant dans ladéfaite des armées de l'empereurCharles-Quint,lorsde sa désastreuseexpéditioncontreAlgereni84t.

Ces trois saintsont d'ailleurs leurs tombeauxdansl'anciennecapitalede la Régence.

Sidi Dada, ou Dadda, qui mérita plus tard le titre

d'OMaH,c'est-à-direde saint, d'élu de Dieu,naquit enOrientà la findu XV sièclede notre ère. Il était déjàpourvu, quand il se mit en route pour El-Djezaïr(Alger),du précieuxdondes miracles:car, autrement,le mode de navigationqu'il employapour effectuerson voyage lui eut été sinon impossible,du moinshérissé de quelquesdimcultés.En effet,c'est à l'aided'une natte qu'il fit sa traversée et qu'il aborda à

Alger.Il s'était muni, à tout hasard, d'unearquebuseà mècheet d'une massed'arme. Onne sait pas quion

peut rencontrer.Il serait inutile d'affirmerquece singuliermodede

naviguer, remarquablesurtoutpar sa simplicité,pro-duisit, à l'arrivée du saint dans le port d'Alger,unecertaine sensation, et qu'instantanément,Sidi Dada

Page 356: Trumelet Algerie Legendaire

348 ~AMËMEt~HEMMf&

fut classé parmi les saintspar ces honnêtes pirates,Tarhs ou autres, lesquels, bien qu'~s ne Ossentpasune énormedinerenceentre Dieuet Satan, n'étaient

pas fâchesde se mettre dans la manched'un saint quifat un peu de la partie car il fallait bien, quand ils

partaientpour leurs saintes croisadesau butin, qu'ilsse sentissentun peu sous la protection de quelquesamisde Dieu.Il faut dire pourtantque te systèmede

transportmaritimeinauguréparSidiDadan'avait pointporté l'enthousiasmeà soncombleparmi les M~ al-

gériens d'ailleurs, ils le trouvaienttrop simplepourêtre pratique, surtout par les gros temps,et puis, di-sons le mot, ils avaienthorreur des innovations.Ilssavaienttrès bienaussi, -comment le savaient-ils?–

quel'imamEs-Soyouthiavaitdit quelquepart « Lesnovateurs et les innovateurs sontles chiensdeshommes,» Ils eurent un instant l'idée de supplierlesaint hommed'accepterle titre et les fonctionsd'amir

e~aAa~ d'amiral; maisils y renoncèrentbientôtdansla craintequ'il n'obligeâtles constructeursde naviresà prendre modèlesur le sien.C'eût été, en effet, toutune révolution dans le matériel de la marine aigé~rienne.

La façonbizarre dont FouaKDadaétait entré dansle port d'Alger, alors en construction, n'avait

pas peu contribuéà lui faire,parmi les gens d'Algeret du'Fahs (banlieue),une réputationde sainteté qui,du reste, était parfaitement justifiée; aussi, dès ce

moment,ne l'appela-t-onplus autrement que l'eMO~le saint, et c'était à qui, parmi les grands comme

parmi les petits, viendrait lui demanderses conseilsou sa protection.

t. ~ttpthuneadenavire.

Page 357: Trumelet Algerie Legendaire

XXXM.8UMOUAM-BAM,StMBETKA,ETC.349

20

Or, Sidi Dada s'était lié, dès son débarquementà

Alger, avec deux saintsqui, depuis longtempsdéjà,passaient pour avoir l'oreille de Mon l'un n'étaitautre que le vénéré Sidi Betka, qui vivait de la vie

ascétiquedans une kheloua située en dehors de la

porte d'Azzoun;quant &l'autre, la traditionn'a con-servé que le glorieuxtitre quelui méritèrentsa bril-lanteconduiteet les éminentsservicesqu'il rendit à lacausede l'Islam dans la journée de Chartes-Quint,servicesqui, àpartir decetteépoque,firent oubliersonnom, lequel fut remplacepar celuide SidiBou-Gue-

dour, ~(MMet~teMfaux~o<~ que lui décernèrenta l'unanimitéses contemporainsreconnaissants.

Ces trois saints vénérés,ainsi que nous le disons

plus haut, contribuèrentpuissamment, on ne peutle nier, à la troisième défaite des armées espa-gnoles sur la plage algérienne. Certainement, les

moyensdont ils se servirentpourassurer le triomphede l'lslam ne sont pas de ceux qui exigent des con-naissancestactiquesbien approfondies,ni mêmedesfrais d'imagination excessifs; mais, nous le sa-

vons, les élus du Dieuuniquene procèdentguèreque par le simple, à l'exceptionpeut-être de Sidi

Abd-el-Kader-El-Djilani,qui, pour un rien, bouleversele cielet la terre, et qui compteà son actif de thau-

maturgequelquesmiracleshérissésde difScultés.Nous allons dire commentprocédèrent ces trois

amisde Dieudans cette glorieusejournée du 26 oc-tobre i34i (948de l'hégire).

Pendant que l'armée de l'eunuque-pachaMoham-med-Bacenattaquait celle de Charles-Quintsur la

Koudiet-Es-Saboun,Sidi Betka et Sidi Dada s'étaient

portés sur la plage pour prendre leur part de cette

grandeœuvrede destructiondes Chrétiensqui sepré-parait armés de bâtons, ces deux saints vénérésse

Page 358: Trumelet Algerie Legendaire

380 !AM6)ME)UÈGENBA!M!

mirentà battre tarieuaementle perfideélément.Quantà SidiBou-Guedour,armé de la mémofaçonque ses

saints collègues,il taillait en piècesune commandede

pots, la traditionne dit pas à quelusageilsétaient

destinés, qu'attendait impatiemmentun marchandmzabitede la rue Bab-Azzoun.A chaque coupde hà*ton des saints flagellants,la mer était prise d'unaccèsde délirefurieux elle se soulevait,se cabrait fréné-

tiquement,secouaitavec rage sa crinièred'écume,ets'abattaitsur un vaisseauespagnolqui s'engloutissaitavec son équipage et ses approvisionnements.A

chaque pot cassé par Sidi Bou-Guedour,c'était unnavire qui allait se briser en morceauxcontre lesrochers. Ce fut à cette action d'éclat que ce derniersaint dut son glorieuxsurnom de SidiBou-Guedour,Monseigneuraux Pots. Nouspensons avec l'amiral

Doria,qui commandaitla flotte espagnoledanscetteaffreuseexpédition,que, si le valeureux saint eût dûles payer,il eût mis,sansdoute,moinsd'enthousiasmedans sa pieuseet désastreusebesogne.

En définitive,l'ingérencede ces trois saints danscetteaffaire coûtait à l'empereurCharies-Quintcent

cinquantenavires détraits et huit mille marins en-

gloutis,sans compter,bien entendu,la perte presqueentière des approvisionnementsde l'armée, perte quil'obligeaà uneretraite immédiate,pourne pas exposerce qui restait de ses valeureusestroupesà mourir defaim.

SidiBetka, qui était couvert d'années,ne survécut

guèreaux émotionsde cette grandejournée; il mou-rut dans sa gloire, et entouréde cettebrillante consi-dération qui s'attache habituellement aux héros.

Aussi,lés braves forbansalgériensqui l'avaientvu à

l'oeuvre,et qui s'étaient empressésde le prendrepourleur patron,– ils n'avaientpersonnelà-hautpour dé-

Page 359: Trumelet Algerie Legendaire

XXXn.–StM OCAH-MM, StM BETKA, ETC.

battre leurs intérêts, lui dévorent-ilsune somp-tueusekoubbasur te lieuMômeoù Navaitvécu,c'est-a'-dira en dehorsde la porte d'Axzoun,sur te bord dela mer, et ils ne seraientpoint sortis du port d'Algersans saluer son tombeaud'un coup de canon. Cettesalve des pirates algériens n'avait d'autrebut, onle pensebien, quede mettre le saint dans leurs in-

térêts, et de le disposer,par ce témoignageretentis-sant de leur vénération,à intervenir auprès du Dieu

unique pour qu'il daigne faire réussir leurs petitesaffairesou leurs honnêtes expéditionscontre le biendes Chrétiens. Du reste, la mise à la voile pour lacourse était toujours précédéed'une cérémoniereli-

gieuse qui se terminaitpar la bénédictiondes pieuxculama, lesquels,après avoir récité la ~a' 1 pourattirer sur la tête des piratesles faveursduTout-Puis-

sant, terminaient, en élevant les mains et les yeuxvers le Cielpour demanderla victoire,par cettefor-mule optative « Que Dieu rougisse leurs joues! au

c'est-à-direqu'il fasse que leur visagesoit enuammé

par le courageet l'ardeur! Commecesvertueuxbé-nisseurs avaient toujoursleur part du produit de la

course, ils ajoutaientsouvent « QueDieuleur donnele salut pour compagnonde route, qu'il leur accordela victoire et (surtout)qu'il les fasse revenir chargésde butin1 Ainsisoit-il,ADieuprotecteurô leDispen-sateur 6 le Conquérant!? »

II est évident qu'ainsi lestés de bénédictions,cesécumeurs de mer ne pouvaient revenir à vide. Du

reste, avecle Dieuuniquepour complice,ils étaientà

i. OnnommeainsilapremièresourateduKoran,parcequec'estcellequiouvre(teLivre).LesMusulmansenontfaituneprièrequ'ilsrécitent toutpropos.Usluiattribuentd'ailleursdesYerttMmerveilleuses.

Page 360: Trumelet Algerie Legendaire

asa !Ata~MK t~aENMMB

peu près certainsdu succès,et le F~t~e«M J~'<aesMa~t~Mes'pendant les soixante-cinqdernières an-nées de la dominationturke en Algérieprouveque cen'était pas tout à fait sans raison qu'ils comptaientsur le dieu qui a le service des mers dana ses attri-butions.

Nousavons pu nous convaincreplus hautque SidiBeUtaavait ledon desmiracles,et qu'il enfaisaitpar-foisun terrible usage. 11faut dire que sa puissancethaumaturgiquen'était pas toujours montéeà ce dia-

pason,etqu'ildaignaitsouventl'exercerd'unemanièremoins retentissante. Ainsi, quand il était de bonne

humeur, il faisaitécloresurunebranchedesséchéeles

plus fraisbouquetsde roses, ou bien il lui arrivaitdefairejaillir d'un rocher aride de l'eau ayant la puretédu cristal. Très souvent, il guérissait les malades,rendait la vue aux aveugles,faisaitmarcher les para-lytiques,et, par les gros temps, il apaisait les flotsdela mer pour faire entrer dans le port d'Algerles na-vireschargésdebutin et de prisonnierschrétiens. Ilest bien entendu que sa mort n'a nullementtari lasourcede ses bienfaitsà l'égard des Algériens,et detous ceux d'ailleursqui allaient visiter son tombeauavant que les Français ne l'eussent détruit, dans ce

qu'ils appellentunbutd'utilitépublique.Noussommesforcésde reeonnattrequ'il y a eu, dansle fait de cette

démolition,du vandalismeet du sacrilègeen même

temps.Tous les pachasd'Alger,depuis Mohammed-Hacen

jusqu'à Hoceïn-ben-Hacen,le dernier chef de la Ré-

gence,ont reconnu la puissancemiraculeusede SidiBetka par un hommage public rendu à ia dépouille

1. Intéressant travail traduit par le regretté Albert Devoulx,et puMié par lui dans notre excellente i!ec«e t<<e<!<ae.

Page 361: Trumelet Algerie Legendaire

XXX))t. StM OUALI-DADA, SIDI BRTKA,BTC. 3!t9

20.

mortellede cet élu de Dieu a unecertaineépoquedel'année,lePachasedirigeaiten visiteurvers la koubbadu saint, laquelle,nousle répétons,était située&quel-quespas en dehorsde Bab-Azzoun;de nombreuxdra-

peaux aux couleurs verte et rouge flottaientautourde la chapellefunéraire, et annonçaientla visite du

sultan; dès qu'il était en vue de l'édince sacré, laPacha mettait pied à terre et quittait sesbaboudj ilse prosternait à diverses reprises, et, après dessalu-tations réitérées, il entrait dans la chapelle sépul-crale. Les portes se ~fermaient sur lui, et le Pachaconsultaitlesaint patrondesRais. Aprèsavoirreçulesconseils,les ordres ou les avis de Sidi Betka, ce quiprenaitplusou moinsde temps, les portes de la cha-

pelle se rouvraient; le Pacha se retirait à reculons,toujoursavecforcesalutations; il remontaita cheval,puis, suivide son cortège, il reprenaitla directiondeZ~M'soMoHMt,ou Palaisdu Souverain.

Sidi Ouali-Dadaet Sidi Bou-Guedour,qui n'étaient

plusjeunesnon plus,–il s'en fautde beaucoup,-lorsdelà défaitedesEspagnolsa laquelleilsavaientsilarge-ment contribué,ne tardèrent pas à viderleur coupe'.LesAlgériens,qui n'avaientpoint encoreeu le tempsd'oubliercequ'ils devaientà cesglorieuxmarabouths,leur érigèrentà chacunune mosquéedans laquelleils

déposèrentleurs restesvénérés; cesédincesreligieux,qui sontsurtoutfréquentéspar lesfemmes,portenten-corele nomdessaints sousle vocabledesquelsils ontété élevés.

i. Mourir.

Page 362: Trumelet Algerie Legendaire

XXXIII,

SIDI BELAL ET LELLA IMMA-HAOUA

Auneheure de marchedansl'est d'Alger,en suivantla plage, et en deçà de l'Ouad-El-Khenis,si vous n'yprenez garde, vous foulerezaux pieds une ancienneconstructionparaissant aux trois quarts enfouiesousles sables, et la terrasse éventréepar les piquets quisoutiennentla barrière de clôturede la voieferrée.

Onamrmequecette construction,ou plutôtce restede construction,n'était rien moinsqu'un aediculere-

ligieux,une chapelledédiée à Sidi Belal,l'illustreetsaintpatrondesNègres,et le butdupèlerinagede tousles Soudaniensd'Algeret de sa banlieue.Aussi,toutecette populationfoncée, et elle est nombreuse,accuse-t-ellehautementl'Administrationduchemindefer de sacrilège et d'irrespect à l'égard de son saint.Nousavonspu constaterle fait, et, commenousavonshorreur de toutes les profanations,nous ne saurionsdire à quel point nous avons partagé la douleuret la

pieusecolèredes serviteursreligieuxde SidiBelal.Nousne voyonspas trop commentcetteAdministra-

tion,qui,sousle spécieuxprétextequesesmachinesontles côtesen long,et qu'ellesse prêtentmalauxtorsionsqu'exigeraientdescourbesà court rayon,passeraitsurle ventrede sonpère, nousne voyonspas, disons-nous,commentcetteAdministrationde la ligneferrée se la-vera de ce reproche si parfaitement mérité. Nous

croyons,nous, qu'on aurait pu facilement arranger

Page 363: Trumelet Algerie Legendaire

XXXW.–MNBN~.Bf tNHhAMMA-BAOUA338

cetteanaireenconstruisantaSidiBêlai,et surlesruinesdel'autre ou à cote,un monumentdignedu rangqu'oc-cupecesaintdanstahiérarchiedesamisduDieuunique.Noussommesconvaincuqu'enopérant ainsi, la Com-

pagniedu cheminde fer eàt obtenusansdifncultél'es-timedes Nègresd'Alger,presquetous du Soudan,es-timequi aura surtoutsavaleur, et dontellepourraitsetrouver très bienlorsqu'il s'agira,–et celane tardera

pap, de pousser le chemin de fer d'Algerà Blidavers le paysdela poudred'or et desdentsd'éléphants.

La chapelleconsacréeà SidiBêlaiest, croyons-nous,simplement dédicatoire' car, malgré l'opinion des

Nègresd'Algeret desenvirons, quelquerespectablequ'elle puisseêtre, il n'est guère probable que cesaint esclaveaffranchidu Prophète,et le premierdesNoirsqui ait embrasséla religion.de l'Islam,soitvenu,ïl y a douzecents ans, mourirsur la plage algérienne,occupéealors par la peupladeberbère des Bni-Mez-r'enna. II n'avait aucunintérêt, pensons-nous,à cedé-

-placement.Bienque la traditionn'en soumemot,il est

plus rationnel de supposerqueSidiBelal,nomméparMohammedaux importantesfonctionsd'amin~-afoMa

(directeur des eaux) à Mekka, fonction qui, alorscomme aujourd'hui, astreignait celui qui en était

chargé à une certaine assiduité,et ne lui permettaitguèredesvoyagesd'unedimensionaussiconsidérable

1.Quandleschapellesélevéessurletombeaud'unmarabouth,ousimllementdédiéesà un saintn'ontpointde <Mmeoudecoupole(koubba),les Arabeslesnommentdjamd(lieuoùl'ons'assemble,seréunitpourprier),oustah (terrasse).Quandlemonumentn'estquecommémoraHf,c'est-à-direquandilrappelleseulementlepassageoulastationd'unsaint,lesArabesledé-signentsousladénominationdemekam(séjour,station,halte,lieuderepos).Lemekamn'estindiquéquelquefoisqueparuntasdepierres,unarbre,etc.

Page 364: Trumelet Algerie Legendaire

3S6 t'AMËME )~68t)BA!BE

il est préMraMede croire, disons-nous,que ce saint

Hoir,quelleque fut d'ailleursI~ntensKéde son désird'admirer la plageen question,n'aurait pasvoulus'ex-

poser, en s'absentant pour un si long temps,à perdreune placeque les pots-de-vinrendent, en paysarabe,~tlargement rémunératrice, et qu'il sera mort tran-

quillementà MoMta,à la grande joie, peut-onhardi-ment avancer/de ceuxqui brûlaientdel'envie, bien

légitime, de lui succéder.

Donc,pour nous,SidiBêlaia dé laissersa cendreàMe!:ka.Cetteraisonsuturaitpresqueà elleseulepourdémontrervictorieusementqu'il n'a pu en faireautantsur la plage du Hamma,attenduqu'il n'est pas donnéà tous les saints de se dédoubler commel'a fait Sidi

Mohammed-ben-Abd-er-Rahman-Bou-Kobreln;là il yavait d'ailleursun intérêt politiquede premierordre.

Pourtant, nous serions désolé que cetteopinion, quinous est particulière, pot amener la moindre ombrede doutedans l'esprit,–ce n'est peut-êtrepas l'expres-sionpropre, desNègresdu Soudan car il est par-faitementreconnuque,pourun Nigritien,unecroyanceerronéevaut infinimentmieuxque l'absencede toutefoi. Laissonsdonc aux Nègresleurs croyances,et neles poussonspas malgréeux dans le sentierdeschosesde l'intelligenceet de l'instructiongratuite et obliga-toire. Nousleur avons déjà ravi l'esclavage,qui leurallaitcommeun gant, et aux planteursaussi, caron sait combiencesmalheureuxNègresfurentembar-rassés de leur liberté, don fatal qu'ilsne savaientparquelboutprendre, et qu'ils s'empressèrentde troquercontre une miche plus précaire que quotidienne,ettreize souspar jour quandil faisaitbeau temps.

Lachapellede SidiBelal, ou plutôt lapartie qu'onen voit encore, est situéej~ufondd'unepetite anséformantla dernière dentelurede cebourreletfestonné

Page 365: Trumelet Algerie Legendaire

XXXtM.–SHMBBtAt.RTtEt.M MHA-KAOUA3M

qui, partant des Grands-Réservoirs de l'Agha, va s'é-

teindre, Après avoir longé le rivage, dans les sables

du Hamma. Aujourd'hui, cette construction, que les

Nègres veulent absolument avoir été la chapelle ren-

fermant la dépouille mortelle de Sidi Bêlai, n'est tout

simplement, et elle n'a jamais été que cela,

qu'une grotte, qu'une excavation sous le rocher dont

on a muré l'ouverture, et qu'on a couronnée par une

petite muraille rectangulaire encadrant sa voûte outer-

rasse. L'entrée du monument, si l'on peut appeler en-

trée une ouverture large et haute de trente-cinq cen-

timètres, a été pratiquée sur la face nord-ouest. Les

fldèles trouvent cependant le moyen de pénétrer dans

l'intérieur de cette chapelle. Nous pensons qu'ils se

préparent &cette introduction par un je<meassez pro-

longé pour la leur permettre.La face sud-ouest est interrompue par un renflement

circulaire faisant saillie dans la direction de Mekka, ou

de la prière. Cette tKOMpa~a(oratoire), en forme de

chaire, a été éventrée sans scrupule pour donner pas-

sage à la barrière de la voie ferrée; le côté ouest a été

aussi très compromis. Quant à la face est, elte est com-

plètement renversée mais nous devons dire, dans l'in-

térêt de la vérité, que nous croyons la Compagnie des

Chemins de fer algériens tout &fait étrangère à cet acte

de vandalisme. Tout au moins, les Nègres ne l'en ac-

cusent pas car ils savent parfaitement que cette mu-

raille, brisée en deux morceaux, et tombée à plat sur

le sol, recouvre les restes précieux du sultan et de lav'

sultane de Kankan, qui, venus en pèlerinage, il y a )~

longtemps de cela, au tombeau de Sidi Belal, y au-

raient été douloureusement surpris par la mort, car

ils étaient loin de s'attendre à un trépas si prompt et

si imprévu. Tout naturellement, leurs serviteurs dépo-sèrent leur dépouille mortelle i 'tprès de celle à qui le

Page 366: Trumelet Algerie Legendaire

988 t.'At.e)ÈMN tÊOBNDAME

couplesultanesqueétaitvenudemanderdelongsjours.Les Nègresjoutent que, commecompensation,et

pour prouverau monarquede Kankan combienleur< pieuae démarche lui avait été agréable, Sidi Belal,

qui était extrêmementbon, avait, d'un coupd'épaule,renverséla paroi orientalede son tombeaupour leuren faire despierrestumulaires.En effet, en tombant,la muraille s'était partagée en deux parties, dontchacune aUa se placer précisémentsur la dépouillemortelledu royalménagenigritien. Et l'on ne sauraitdouter de l'exactitudede ce fait légendaire,car, de-

puis ce fatal événement,les Nègresd'Afriquelissentet

polissentd" leurs lèvressangsuelleslestumulide leursvieux souverainsle vendredi de chaquesemaine,et,particulièrement,lors de l'orgiereligieusede MM el-

~M~,la fêtedesFèves.On comprendque cette cérémonie du baise-pierre

n'estpoint de nature à rectifier la formede leur nez;il est vrai qu'ils n'y tiennentpas, car, pour eux, le nez

grecest unedifformité.C'estvraimentà souhaiterd'a-voir régné à Kankanou à Bambarra, quandon voit à

quelstémoignagesderespectueusevénérationcelapeutvous exposer.Nouscroyons,au reste, quece n'est plusguèreque dans le bassin du Nigerou du lac Tchad

qu'ona conservédans tout son énerguménatle culte.deses souverains,particulièrementquandils sont dé-cédés.Et dire quenousvoudrionséclairerles Nègres1

Bienque la brutalité duchemindefer ait fortementcontribuéà faire déserter les autels de Sidi Belal,sa

chapellen'en est pas moinsencorerempliede petitesbougiesde toutescouleurset de cornetsdepapier ren-fermantles<eMe-~MoMfa<(tesseptaromates)quebrû-lentdans destessonsde marmites,enguisedecassolet-tesoud'encensoirs,lesNégressesque consumele désird'être pour quelquechose dans la perpétrationde la

Page 367: Trumelet Algerie Legendaire

XXXM.–StN BELAÏ. KF tEM~ tMHA-BAOUA 3S9

race éthiopienne.Nousne noussentonspas le couragede leur enfaire un crime,bien que les Noirsaientuneodeur particulière, l'essencede Nègres, qui, tout

d'abord, semble n'avoirpas grand'chosode communaveccelledes parfumsqu'eues apportent en offrandeà leur saintpatron.

Nous ne voulons pourtant point dissimuler qu'ilnousest venu des ~doutesau sujet de l'affectationdecette prétendue chapelle, par les Nègres,à la der-nière demeurede SidiBelal; nouspensonsqu'il y eutde leur part, dans cette circonstance,détournementdemonument. Ils ont vu là un tombeauabandonné,et ilsse sontdit « Mettons-ySidiBelal;on supposeraque ce saint, dont la réputationuniversellen'a rien àenvieràcelledeSidiAbd-el-Kader-El-Djilani,a daigné,

toutau moins, s'arrêter encelieu,opinionqui n'arien d'exorbitant,puisqu'il n'est pas un seul point dela terre ou de la mer où il n'ait posé son pied;supposons cela, se dirent-ils, et faisons de cette

chapelleun mekam,touten laissantcroireauxsimples~car, nous lu répétons, il est indispensable;qu'ils

aient une croyance, que notre saint patron y estcontenu.» Cetteusurpation,nous ne le nionspas, se-rait toutunimentdufélonisme,du cuculéisme maistout nous dit que cela a dû se passer ainsi, et la

preuvede ce que nous avançons,c'est que, du tempsdes Turks, les Nègres n'avaient jamais eu l'outre-cuidancede se donnerle genred'un saint particulier.Cen'est, en effet, que depuis 1848,l'année de l'abo-lition de l'esclavage, qu'ils attribuèrent à SidiBeM,qu'ils venaientde reprendre pour patron, la chapelledéserte et ruinée de la plagedu Hamma.Antérieure~mentà cetteépoque, ils se rendaient, lemercredide ~<

i. Mœaraducoucou.

Page 368: Trumelet Algerie Legendaire

360 t'~OÈME t~6SNB<MRE

chaque semaine, par la route de Bah-El-Ouad,enun point de la plage nomméindifféremmentAïoun-Bni-Menad(tes sourcesdesBni-Menad),ou Es-Sebàa-Aïoun(lesSeptSources),ou encoreAïoun-eI-Dtenoun(lesSourcesdesGénies),et là ils se livraientà des pra-tiques rappelant bien plus celles de l'idolâtrie quecellesde l'Islam. Aureste, la façondont ils sepréci-pitaient sur les deux pierres qui, d'après eux, recou-vraientles restesmortelsdu sultan et de la sultanede

Kankan,tenait infinimentplus du fétichismeque detout autre chose, et c'est bien plutôt à la pierreelle-mêmequ'aux augustes débris qu'elle est censéere-couvrirque s'adressela prière de cesNègresfervents;leur culte, il n'y a pas à s'y tromper, est toutbonnementde la K<AoM<fM.

Aupied de la chapellede SidiBelal, et au fondde

l'anse, un petit bassinmaçonnéet couvert reçoit leseaux d'une sourceconnuesousles appellationsd'Aîn-El-Beïdha(la Sourceblanche),et d'Aïu-Sîdi-BeIal(laSourcede MonseigneurBelal).C'estprès de cettefon-taine, consacréepar les Nègresà LeitaImma-Haoua,une sainte mythique qui était évidemmentune né-

gresse,et qui pourrait bienêtre de la parentéde Sidi

Belal, car ils l'ontengrandevénération,c'est, disons-nous, près de cette source consacréeque se brûlel'encensdes sacrifices,et queles Négresseségorgent,aveccette froidecruauté qu'elles partagent d'ailleursavec les cuisinièresde tous les pays, d'innocentsettendres pouletsdont tout le crimeest dans la succu-lence de leur chair, et qui, selon qu'ils vont rouler

expirants à dextre ou à sénestre,indiquentunepro-messe ou un refus de la part du<~eaM(génie)de lasource,dont les abords,d'ailleurs,sont emplumésdesdébrisdu vêtementde cespauvresgallinacés.

A MM El-Foul, fête qui a lieu annuellement&

Page 369: Trumelet Algerie Legendaire

XXXtH.–StMBELALETMUA MHA-BAOUA3M

ai

l'époque appelée ~pan par les indigènes, c'est-à-dire

quand la tige de la fève commence a noircir, les sacri-fices dont nous avons parlé plus haut se compliquent fdu meurtre d'un bœuf et deplusieurs moutons que les

Nègres immolent en exécutant autour des victimes,parées de fleurs et de foulards une danse en dévidoir

qui se compose de sept tours dans un sens et de septtours dans un autre. Du reste, la manière dont se con-duit l'animal après avoir reçu le coup mortel n'est

point du tout indifférente pour les victimaires, lesquels

y voient des pronostics plus ou moins heureux, selon

que la bête tombe foudroyée sous le couteau qui l'a

frappée, ou qu'elle se débat plus ou moins de tempsdans sa lutte contre la mort.

Quand le sacrifice est consommé, les khoddam de

Sidi Belal et de Lella Imma-Baoua entonnent cette

affreuse <~<~a', &laquelle on donne le nom de

danse, mais qui n'est qu'un horrible trémoussement

ressemblant assez à cemouvement désordonné qu'exé-cuteraient des Anesauxquels on aurait mis le feu sous

le ventre c'est une confusion de tibias noirs, sales,démeublés et parenthétiques, s'agitant frénétiquementselon le rythme du galop du cheval, cadence diabolique

marquée par d'énormes theboul (tambours) frappésà tour de bras au moyen d'un bâton courbé en crosse,et par d'immenses ~*a~eM&(castagnettes) pareils à des

plats à barbe jumelés. Des chants, des hurlements,sans rapport harmonique avec leur accompagne-

ment, et qui n'appartiennent point à la gamme des

sons humains, cherchent, mais en vain, à dominer

cette cacophonie de peau battue et de ferblanterie

convulsivement agitée, laquelle est capable de décro-

i. Époquede t'anméorurale,du 8 au 1Mmai.2. FêtedesNègres.

Page 370: Trumelet Algerie Legendaire

Ï.'AMÊMEï.êCENPAtRE363

cher les entraillesd'un blanc. Puis, lorsqu'à bout de

forces,quand, ivres de bruit, de cris, de contorsionset de trépidationsviolentes,quandles cerveaux,bal-lottes dans les crânes,sontarrivésà la congestion,ilsse précipitent, ruisselants d'une sueur oléagineuse,dansles flotsde la mer, d'où leurs compagnonsne lesretirentpas toujoursvivants.Pendant cette cérémonie,qui sent sonidolâtriedecentlieues,bienquepourtantSidiBêlaiet LellaImma-Haoua paraissent en être l'objet, les 'Négressesap-prêtent les levés, les premières que les Nègresdoiventmanger de l'année, qui entrent dans l'as-saisonnementdu mouton et du kousksou, ces deuxbasesfondamentalesdetout festinarabe.

Cesagapesaux fèvesterminentla fête, et Nègreset

Négressesse retirent après avoirdemandéau Saintetà la Sainteles faveursdont ils ont la disposition.

Quantà la raison pour laquelleles Nègrescélèbrentla fêtedes Fèves,nousavouonsen toute humilitéquenousn'en savonspas plus qu'eux là-dessus.La fève!1

Quesymboliseà leurs yeuxcettelégumineuse? Quelleest la causedu cultequ'ilslui vouent?Quepeut avoirdesacré,dedivin,cettegourganedela sous-familledes

papilionacéeset de la tribu desviciées?..Nousn'igno-ronspas que Plinelui donnele pas'sur tous les autres

légumes; mais, si on avait adopté la classification

d'Esaü,c'eût été vraisemblablementla lentillequi eûtmarché&la tète des farineux.Pline aimait les fèves;voilàtout. Peut-êtreles Nègresont-ils appris,par uneindiscrétiondela tradition,quePythagore, l'illustreauteur de la table de multiplication, regardait lesfèvescommeservantde demeureà l'âme des morts,et l'idéede se faire un plat desmânes de leur famille

-.{.leur aura paru éminemmentingénieuseet séduisante.Ce pourrait bienêtre aussia titre de prémices qu'ils

Page 371: Trumelet Algerie Legendaire

XBOM.–StMBEtAtET&EMAMMA-MAOCA363t.

s'offrent ce sacrifice, & moins pourtant que ecae soit

parce que cette plante a des tendances à passer au

noir à un certain momentde son existence végétale;sa fleur aussi manifeste les mêmes dispositions, etc'est précisément pour cela que le flamine de Jupiterà Rome croyait devoir s'en abstenir, les taches noiresdes fleurs de la fève étant regardées comme de mau-vais augure. Enfin, les Nègres ont-ils trouvé, danscette noirceur de la tige et de la fleur, quelque ana-

logie avec la couleur de leur peau?. Nons renonçons,

pour aujourd'hui, à chercher à pénétrer ce mystèreinsondable.

Tout ce que nous pouvons dire, c'est que les rites

de la fête des fèves rappellent singulièrement le paga-nisme et ~'idolâtrie, et qu'ils n'ont que peu de chosede commun avec ceux de l'Islam.

Mais F.4M e~oM/ a bien perdu de sa splendeurdepuis quelques années; elle n'est plus qu'une palecopie, que le faible reflet de ce qu'elle était autrefoisle chemin de fer l'a tuée, d'abord par son indiscret

voisinage, puis par le sans-façon avec lequel il a traité

la chapelle de Sidi Bêlai car le chemin de fer a

amené l'abandon par les Nègres de cette plage bénie

qu'ils animaient, il n'y a pas longtemps encore,de leur enthousiasme religieux et de leur musique in-

fernale. Ils errent aujourd'hui, cherchant à placer leur

foi et leur marmite à gourganes. Où voulez-vous

qu'ils trouvent une koubba vide à dédier à Sidi Bêlaiet à Lella Imma-Haoua? Il y a bien celle de Sidi Ya-

koub, au delà de la Salpétrière d'Alger; mais, outre

qu'elle n'est pas d'un accès commode, des Chrétiens yont logé en garni. Pourtant, si ce n'était que cela, les

Nègres passeraient facilement sur cet inconvénient:

la foi n'y regarde pas si près; mais y seraient-ils bien

garantis, dans l'avenir, d'un chemin de fer queleon-

Page 372: Trumelet Algerie Legendaire

3M t'AMÊtHEtÉQEMtMRB

que, aujourd'hui que, pour éviter un léger détour &

l'exigeantelocomotive,ons'amuseà lui percer d'outreenoutredesmontagnesde quatorzekilomètresd'épaisseur? Tellessont les réflexionsque se font tes Sou-

daniens,qui, du reste, n'ontque trop de dispositionsàvoir tout en noir.

XXXIV

SIDI AHMED-EZ-ZOUAOUI

Les conséquencesde la désastreuseexpéditiondeCharles-Quintpesaient depuis près de deuxsièclesetdemisur les Étatschrétiens. L'Europeavait bien,de

temps à autre, jeté quelquesbombes sur.le repairedespiratesbarbaresques;maiscelasebornait toujoursà cettedémonstrationvaine, impuissante,laquelle,le

plus souvent, n'avait d'autre effet que d'attirer de

sanglanteset terriblesreprésaillessoit sur les consulsou résidents européens,soitsur les esclaveschrétiensenfermésdans les bagnes.

Pourtant, en 1775, c'est-à-dire deux cent trente-

quatre ans après la défaite de Charles-Quint,l'Es-

pagne,à boutde patience,voulut tenter, pour la qua-trième fois, le sort des armes, et essayer encorede

jeter ses soldatssur cetteplagemauditequi leur avaitété si fatale.Le but de cettegénéreusecroisadeétait

toujours de châtier les Algériens,et d'obliger leurgouvernementà cesser la course dans les mers quibaignent les côtesespagnoles;la-finqu'ellese propo-

Page 373: Trumelet Algerie Legendaire

XXXtV. StM AaMEB-EX-XOUAOM ses

sait était aussi,et surtout, de venger sur cesbrigandsdes mersses sanglantséchecs,ses côtesravagées,soncommercedétruit, et les droits outrageusementmé-connusdol'humanitéet des gens.

Des préparatifs formidables se firent à Cadiz,aBarcelona et à Cartagena. Le commandementdesforces de terre fut donné au comte O'ReiUy,gentil-hommeirlandais,dont le roi CharlesII!, à qui il avaitsauvélaviedans uneémeutesuscitéeà Madrideni766,avait fait un général. Les forcesde mer avaient étémises sousles ordres du lieutenantgénéraldon PedroCastejon.

Cetteentreprise,préparéeavecun soin extrêmeparl'Espagne, s'appuyait de six vaisseauxde ligne, de

quatorzefrégates,de vingt-quatregaliotesà bombes,et autresbâtimentsde guerre, de trois cent quarante-quatre navires de transport, et de vingt-troismillehommes,tant infanterieque cavalerie.

Cette puissante armada se mettait en route le33juin 1775,faisantvoilesur Alger.Eh bien! malgréces redoutables moyens de succès dont disposaitO'Reilly;bien que le pacha d'Alger, Mohammed-Et-

Mekroui,eût été surpris; malgré quela saison fût onne peut plus favorable,malgré, en un mot, tous cesélémentsde réussite,le général en chef en arrivait àse faire battre honteusement,dans la journéedu8juil-let, sans avoir pu seulement dépasser de 300 toisesla plagede débarquement.Cedouteuxavantagecoû-tait aux Espagnols,pour un combatqui n'avait pasduré plus de six à sept heures, 27 officierstués eti92 blessés,et SOisoldatstués et 2,088blessés,cequidonnaitle respectabletotal de 528tués et 2,279bles-sés. O'Reilly,qui n'avait pas quitté son navire, faisait

rembarquer,pendantlanuit, lesrestesde cettemagni-fiquearméedont il s'était si malservi.

Page 374: Trumelet Algerie Legendaire

366 t'AtS~ME tÉSENOAtRB

La flotte espagnole, qui ne quitta les eaux d'Alger

que six jours après cette désastreuse journée du 8 juil-

let, put assister, à distance, à l'horrible spectacle que

présentait la plage de débarquement; le général en

chef put voir tout à son aise « cette canaille se répan-dant sur le rivage, empalant les cadavres ou les muti-

lant atrocement, fouillant, comme une bande de cha-

cals affamés, tous les points du débarquement, et ter-

minant ces hideuses scènes par l'incendie des fascinesde bois qui étaient entrées dans la construction duretranchement des Espagnols ».

a Le terrain qui était entre nous et les Espagnols,écrit un Musulman, témoin oculaire de cette expédi-tion, ressemblait a un vaste abattoir. Tous les cadavresdes Chrétiens étaient décapités. »

Si quelque chose peut excuser l'inqualifiable échec

d'O'ReiUy,et amoindrir un peu les effets de son impé-ritie, c'est que le Dieu unique et ses saints combat-taient du côté des Musulmans. Il est évident qu'avecde pareils adversaires les chances du combat n'étaient

pas tout à fait égales. Ainsi, au gros de la mèlée, des

guerriers inconnus, montant des chevaux d'une blan-cheur éblouissante, avaient été parfaitement remar-

qués combattant au milieu des cavaliers arabes; à

chaque coup de leur terrible sabre, qui bavait du sangnoir, c'était une tête de Chrétien qui aUait rouler gri-maçante sur le sable de la plage. Interrogé sur sonnom par un cavalier du Tithri, qui se doutait bien quece devait être un personnage surnaturel, un de cesterribles guerriers lui avait répondu sans hésiter« Je suis Ali-ben-Abou-Thaleb. a C'était tout simple-ment le cousin du Prophète Mohammed, et l'époux dela belle Fathima-ez-Zohra, sa fille chérie. Du reste, enexaminant de plus près le cheval que montait Sidi Ali,le cavalier du Tithri avait parfaitement reconnu que

Page 375: Trumelet Algerie Legendaire

XXXIV. StN AUMEO-EX-XOUAOUt~67

ce personnagedevaitêtre de la maisondu Prophète,ou de sa parenté plutôt, car ce noble coursier était

Tharib, l'un de ceuxque Mohammedmontait le plusvolontiers; or, on no confiepas unepareille montureau premiervenu.

L'angeDjebril(Gabriel),le plus guerrier dela pha-lange angélique,n'avait pas voulunon plusmanquerune aussibelleoccasionde jouer de la lance dans leschairsdes Chrétiens,que, d'aprèsles Musulmans,ilne

peut supporter. On le reconnut très bien, d'abord &l'admirable dextérité avec laquelle il maniait son

arme, et ensuite à son cheval Haïxoum,un remar-

quable~e~oM~qui assommaitdes Chrétiensde ses

quatre membres.Le grand roi Souleiman(Salomon)avait également

voulureprendreduservicepour laduréedela guerreles chrétiens purent s'apercevoir,&la façondont ilmaniait Z~-JiTacAoMcA,l'un des sept sabres que luiavait offerts la reine de Saba, l'adorable Balkis,qu'illui restait encore de son ancienne vigueur, de celledont il était si fieravant qu'il eût fait la connaissancede cettereine.11seplaisaitsurtoutà répéterce fameux

coup debanderolequi coupaitnet et sans bavuresunChrétienen deux. Plusieursmarabouths vénérés, deceux qui, avec le don de voler dans les airs, cumu-laient celuid'ubiquité,avaientaussiapportéà la causede l'Islam,et sans se déranger, le terribleappointdeleur redoutablepuissance.C'estainsiquel'illustreSidiAhmed-Ez-Zouaouifut parfaitement aperçu dans la

mêlée,montésur sa jument Er-Roksa(ta Fringante),unebête derace connuedans tout le Cheurg(Est),par un cavalierdu goumde Salah-Bey,et pourtant

i. Unchevalest <*H.(e)noM!<g,lorsqu'ilsebataveclespiedsdedevant,et aidesonmaîtredansla tuftce.

Page 376: Trumelet Algerie Legendaire

36$ L'AMË~tE t~eBNBAMtE

des gens de Koconthina (Constantine) affirmèrent qu'iln'avait pas quitté la ville le jour de la défaite des Es-

pagnols. a Il est si peu sorti ce jour-là, ajoutaient-ils à

l'appui de leur affirmation, qu'il annonçait dans cette

ville, à l'instant même où elle se décidait entre le Har-

rach et le Khenis, la victoire dés enfants de l'Islam sur

les Chrétiens. »

L'ubiquité de Sidi Ez-Zoaaoui et de sa fameuse ju-ment est d'autant moins contestable, dans cette circon-

stance, que le cavalier Yahya-EcIt-Gbergui,qui préten-dait les avoir vus sur le lieu du combat, avait eu le

soin,-il se doutait bien de ce qui allait arriver,-demesurer exactement l'empreinte laissée par le pied de

la bête dans le sable de la plage. A son retour a Ko-

çonthina, il en avait touché deux mots à Sidi Ahmed,

qui s'en était défendu, il est vrai, mais on ne peut plusmollement. Malgré sa modestie, le saint marabouthavait bien été forcé d'avouer qu'il jouissait du don des

miracles, quand Ech-Chergui lui avait montré la me-sure exacte du pied de sa jument. Sidi Ez-Zouaouine

pouvait plus nier; seulement, il supplia le cavalier de

garder cela pour lui s'il ne voulait pas qu'il lui jou&tun mauvais tour. Il ne l'aurait pas fait, parce qu'ilétait extrêmement bon; du reste, Yahya n'ignorait passans doute, cette qualité du saint, car il manqua, heu-

reusement, de discrétion, et c'est grâce à son intem-

pérance de langue que la connaissance de ce miracleest arrivée jusqu'à nous.

Après tout, nous ne voyons pas pourquoi Sidi Ah-med-Ez-Zouaoui s'obstinait à dérober à la publicité sabrillante conduite dans la journée du 8 juillet 1773, si

glorieuse pour les armes des Algériens, et si avanta-

geuse pour la cause sacrée de l'Islam. Il est indispen-sable, au contraire, que ces choses-là soient répan-dues dans toute l'étendue de la terre des Croyants. il

Page 377: Trumelet Algerie Legendaire

XXX!X. StMABNEB-EZ-~OUAOM369

est égalementbonque lesEspagnolsneFignorentpas,et cela dans t'interet de la mémoire dMgéné~O'ReiUy,qui, du reste, les a aipeu dirigésdans cettenéfastejournée.

xxxvSIDI FEMEDJ

Le nomdu bienheureuxSidiFeredj, que nous ap-pelonsSidi Ferruch, est devenu doublementlégen-daire par sa vie ascétique et par ses miracles, et,plus récemment,par ce fait importantque ce fut surla plageoù reposaientsesprécieuxrestesque l'armée

française prit pied déunitivement, en i830, sur laterre algérienne.

Commela plupart dessaintsde l'Islamquise répan-dirent dans les Kabiliesdes États barbaresques, Sidi

FeredjavaitquittéSaguiet-El-Hamradansles premièresannéesdu XVI"siècledenotreère, pours'enaller caté-chiser les populationsberbères de l'Afrique septen-trionale, lesquellesavaient oublié, dans ces tempsd'anarchie et de combatsincessants de tribu à tribu,les quelquesbribes de connaissancesreligieusesqu'ilsavaienteu l'air de collectionnerlors desdiversesinva-sions arabes.

SidiFeredj,qui avaitdû quitter l'Espagneà la suitedu deuxièmedécret d'expulsion, était né en Anda-lousie. C'était donc un de ces Mores-Andalousquifirent la gloire de l'Espagneméridionale, aussibien

par la profondeurde leur scienceque par l'étendueet

Page 378: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMt~OE ~SBNMMB3'!0

la variété de leurs connaissances générales. Ce saint

homme, qu'une piété austère et une foi ardente dis-

posaient d'une manière toute particulière au prosély-tisme et à la propagande religieuse, s'était nxé au

nord-ouest d'une presqu'île solitaire, espèce de Thé-

baïde sablonneuse admirablement préparée pour yvivre de la vie anachorétique, et pour y converser

avec Dieu en présence de son oeuvre la plus magni-

fique, l'immensité de la mer. Sidi Feredj fit sa kheloua

d'une crique suffisante pour l'abriter contre l'inclé-

mence des saisons. D'ailleurs, il n'en demandait pas

davantage. Il ne vivait que de plantes croissant dans

les dunes, et de coquillages que la vague lui apportaitsur le rivage.

Bien que cette presqu'ile ne fut guère fréquentée

que par quelques pécheurs, et par des bergers quivenaient y pa!tre leurs troupeaux, la réputation de

sainteté de Sidi Feredj n'avait pas tardé à se répandredans les tribus qui résidaient dans la portion du Sahel

(littoral) qui est à l'ouest d'Alger. Bientôt la foule se

rendit en pèlerinage à la kheloua du saint marabouth

pour lui demander son intercession auprès du Dieu

unique. Sans doute, la jouissancedesbiens périssablesde ce mondeentrait pour une large part dans la sommedes sollicitations dont était accablé Sidi Feredj maisle bon anachorète se gardait bien de repousser les

requérants; il savait de reste que l'amour de Dieu

pour Dieu n'était point dans la nature de l'homme, et

que cette grossière créature n'était jamais guidée quepar la crainte ou par l'intérêt. Aussi, pour pouvoirdisposer son auditoire à entendre la parole divine,dut-il demander au Tout-Puissant l'autorisation defaire quelques miracles de peu d'importance, de ceux

qui ne sont pas susceptibles de tracasser les éléments,et qui se bornent a faire attribuer à ceux qui les dé-

Page 379: Trumelet Algerie Legendaire

xxxv. StN FEREM 37i

sirent quelquesjouissancesterrestres hors tour. Sans

doute, l'hommeest promptde sa nature; il voudraitque ses souhaits fussent exaucésaussitôtqu'Ussontformés il n'a pas l'air de se douterqu'àchaquechoseil faut sa maturité. Cen'est pas d'hier, d'ailleurs,quecettepromptitudeenfantine lui est reprochée; ainsi,Adam, notre premierpère, n'était encoreformé

quejusqu'au nombrilquedéjà il voulaitmarcher.SidiFeredjconnaissaitassezles hommespoursavoir

comment il fallait agir avec eux. Il n'est donc pasétonnant qu'au bout de quelquesannées on pouvaitconstaterdes progrèstrès sensiblesparmi les popula-tions du Saheld'Algerquifréquentaientla khelouadu

saint, et quivenaiententendre ses précieusesleçonsils avaient surtout gagné sous le rapport de la pro-preté, cequi faisaitsupposerqu'ilsavaientpris l'habi-tude des ablutions, et, par conséquent, dela priera.Les hommes, se conformantaux préceptesdu Livre,n'urinaientplusque très rarement debout, à l'excep-tion, pourtant,de certainsesprits forts, et ils choisis-saient toujours un endroit en pente pour satisfaireàce déplorablebesoin.

Il y avaitaussibeaucoupd'améliorationdu côté dela femme,bien, il faut le dire, que Sidi Feredjse souciâtde leur salut commede sa dernièrechachia

(calotte);d'ailleurs,pour ce qu'elle fait au paradis, il

y en a toujoursassez.Quoiqu'il en soit,envoyaitbien

qu'ellesavaienttenu comptedes recommandationsoudes reprochesdu saintmarabouth; ainsi, ellesparais-saient moinsoublierqu'elles ont été faites exclusive-ment pour le plaisir des hommes, plaisir auquelellesne sontjamais conviées, et pour la continua-tion de l'espèce.Ellesreconnaissaientmieux cesvéri-tés du Livre, par exemple,qu'elles sont inférieuresauxhommes,qu'ellessontdesêtresimparfaits,qu'elles

Page 380: Trumelet Algerie Legendaire

t.'At8)ÈME t~CENMME3~

sont sujettes &de nombreux inconvénients, que leurs

ruses sont grandes; eUes acceptaientavec bien plus de

résignation d'être reléguées dans des lits a part, et

d'être battues quand elles s'étaient rendues coupablesde désobéissance, ou quand elles avaient fait usaged'une autre charrue que celle qui, légalement, devait

labourer le ~<H' ou champ conjugal'. Enfin, les Sa-

héliens n'étaient presque plus reconnaissables, et Sidi

Feredj s'en montrait extrêmement satisfait.Un jour, pourtant, le vénère ouali faillit être ravi à

l'amour des populations du Sahel mais, rassurons-

nous, Dieu ne le permit pas, et cette tentative d'enlè-

veinent dont il fut l'objet le grandit encore dans leur

esprit, en lui fournissant l'occasion de faire un miractod'une certaine importance. Voici comment les chosesse sont passées un matelot espagnol, qui était venu

tenter quelque aventure sur la côte barbarcsque, avait

mouillé, pour faire de l'eau, &la pointe de la pres-qu'île habitée par Sidi Feredj. Après avoir fureté pen-dant quelque temps sur la plage, ce grossier matelot

aperçut le saint, qui avait cédé au sommeil sur le seuil

de sa kheloua. Faute de mieux, le ma~H~'o espagnolchargea le'saint, -qui ne vivait que de privations,sur son épaule, rejoignit son navire, et mit le cap sur

Cartagena. Ce n'était point là, évidemment, une riche

capture, car le saint était loin d'être jeune, et sa mai-

greur exagérée ne permettait pas de l'employer à destravaux manuels qui eussent exigé quelque déploie-ment de force'physique ou d'activité. Cematelot ravis-seur n'était donc nullement certain de pouvoir sedéfaire de son saint, même à vil pi'

Ce rapt avait eu lieu au moment où le jour pénétrait

1.N<H' champcultivé.Ondaigne ainsiles qa~trcfemmealégitimesqu'il estpérimaà unMusulmand'avoirà la fois.

Page 381: Trumelet Algerie Legendaire

XXXV. StM FSMEM 373

dans la nuit. Mais qu'on juge de l'étonnement, de la

stupéfaction mémo du matelot espagnol quand, à la

pointe du jour, il put constater qu'il se retrouvait en

vue de la presqu'île qu'il avait quittée la veille! Le

saint marabouth, qui souriait dans sa barbe grise, ditau marin avec beaucoup de bonhomie "Fais-moi re-

mettre à terre, ft ton navire pourra reprendre sa route. »

Sidi Feredj fut débarqué. Mais comme, après une se-

condenuit de navigation, le navire se retrouvait encoreà la même place, l'Espagnol, furieux que ce vieillardosât ainsi se moquer de lui, 1m en fit de très vifs re-

proches, et dans ce langage dépourvu du pureté et

d'élégance dont se servaient alors les marins de tousles pays. « Celan'a rien qui doive t'étonner autant, luifit observer Sidi Feredj avec la plus grande sévérité,et tu le comprendras facilement quand je t'aurai dit

que j'ai oublié mes &a~oM<~(babouches) sur le pont deton navire, L'Espagnol reconnut qu'en effet elles

manquaient totalement aux pieds du saint, et il s'em-

pressa d'aller les lui chercher.

Mais, pendant le trajet de la presqu'ile au point oh

se balançait mollement son navire, le Chrétien com-

prit qu'il devait y avoir un miracle là-dessous touché

de la grâce, il se jeta aux pieds du saint, et le suppliade le garder auprès de lui en qualité de-serviteur. Sidi

Feredj accéda, avec sa bonté ordinaire, à la prière du

Chrétien, qui en profita pour embrasser sans plus tar-

der le mahométisme, après avoir renoncé, sans le

moindre regret, disait-il, à la religion de ses pères,

laquelle était loin de lui promettre les félicités dont

l'avait entretenu le marabouth vénéré.Sidi Rouko, c'était son nom, devenu aussi fer-

vent Musulman qu'il avait été mauvais Chrétien, vécut

quelqu3s années encore auprès de Sidi Feredj, dontil s'était fait l'inséparable et fidèle compagnon, et il

Page 382: Trumelet Algerie Legendaire

t/AMÉME tJSSENBAïOE3M

crut ne pouvoir mieux faire, pour lui témoigner sa

reconnaissance, que de mourir le même jour et à la

même heure que lui. Les gens du Sahel trouvèrent

qu'en effet il lui devait bien cela. « N'étaient-ils pas,

disaient-Us, comme les dents du même peigne? fai-

sant ainsi allusion a l'état d'égalité dans lequel ils

avaient passé l'un et l'autre les dernières années de

leur existence terrestre. Ils furent inhumés l'un auprèsde l'autre, les Sahéliens ne voulant pas séparer dans

la mort ceux qui avaient été si unis dans la vie.

Une koubba somptueuse fut élevée sur leurs tom-

beaux, lesquels devinrent le but des pèlerinages de

toutes les tribus qui jouissaient de la protection des

deux saints, protection dont les effets n'ont jamaiscessé de se faire sentir parmi leurs serviteurs reli-

gieux, même depuis que la construction du fort élevé,en 1847, dans la presqu'ile de Sidi Feredj, laquelleavait pris le nom du saint après sa mort, eut néces-

sité la démolition de la koubba qui renfermait ses

restes précieux et ceux de son compagnon, lesquelsfurent transportés à une heure de marche, au sud,dans le cimetière qui entoure la chapelle de Sidi Mo-

hammed-Et-Akbar, et sur la rive droite de l'ouad de ce

nom.

Seulement, les Musulmans de cette partie du Sahel

d'Alger n'ont point encore pardonné au Gouvernement

français de n'avoir point fait réédiner, sur les tom-

beaux de Sidi Feredj et de Sidi Rouko, la koubba qu'ila démolie au mépris du droit des morts au respect des

vivants. Sa faute en est d'autant plus grave et moins

excusable que ces morts étaient des saints et qu'ilsappartenaient aux vaincus. Nous déclarons que nous

n'avons pas la force d'être d'un avis contraire à celuides serviteurs religieux des acM~<:Sidi Fcrcd} et Sidi

Rouko.

Page 383: Trumelet Algerie Legendaire

SIDI ALI-MBAREK

La petite ville d'El-KoleîAa,que nous avons appeléeColéa, fut bâtie vers l'an 9~ de l'hégire (iSSO),sousle pachalik de Hacen-ben-Kheir-ed-Din; elle fut peu-

plée au moyen de Mores-Andalous chassés d'Espagnedans le courant du XVI"siècle de notre ère.

Vers l'an 1009 de l'hégire (i60i), un voyageur, quidevait illustrer plus tard la jeune cité par sa science etsa piété, y arrivait par une de ces belles soirées d'été

du littoral africain.Bien qu'il parut ne pas avoir plus de quarante-cinq

ans d'âge, ce voyageur n'en marchait pas moins péni-blement en s'appuyant sur un long bâton ferré. Il nesemblait pas être de ceux qui ont été gâtés par l'abon-dance des biens de ce monde, car son bernous attes-

tait déjà de longs et difficiles services, et ses seubbath

(souliers arabes) à semelles problématiques permet-taient à la plante de ses pieds des relations très sui-vies avec le sol. Pourtant, en l'examinant attentive-

ment, on devinait que, malgré ses vêtements sordides,cet homme devait être quelqu'un. Il passa la nuit sur

les nattes de la mosquée, remettant au lendemain le

soin de se chercher, aux abords de la ville, un lieu

propre à la prière et à la méditation, en attendant queDieu lui ait fait connaître sa volonté.

Cet homme se nommait Sidi Ali-Mbarek; il était

originaire des Hachem de l'Ouest, tribu cherifienne

XXXV!

Page 384: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMëMtS t.ëOSNMtME8'M

ayanthabituellement aea tentes dans tea ptainea

d Eghfia,au audde Mascara.Unardentdésir de voirde pre~,et de sentretenir aveceux, tes Mores-Anda-

lous, qu'on disaitêtre des puits de science,et dontla

réputation avai*pénétré jusqu'au fond du Batiik do

l'Ouest, avait été surtout la cause déterminante du

voyagede Sidi Alidans t'Est, tt s'était mis en routeavec deux de ses serviteurs appartenant à sa tribu;mais,à sonarrivéeà Metiana,sapauvretérava!toMigéa s'en séparer. Pour une raison ou pour une autre,ces deux hommes, qui ne se souciaient plus, sans

doute, de repara!tre dans la tribu qu'ils venaient

d'abandonner, descendirentsur les bords du Chelof,et devinrent la tige dos Hachemde l'Est, que, d'ait-

leurs, on y retrouveencore aujourd'hui.Quanta Sidi Au.Mbarek,il avait poussé,ainsi que

nous l'avons dit plus haut, jusqu'à Ei-KoieïAa,où ilétait arrivédénuéde touteressource.Or, il fallaitbien

vivre,et, quoiqu'ilcherchâtà s'entretenirdans la faim,atin de pouvoirne point quitter la viiie et continuer&

y suivreles savantesleçonsdes Mores-Andatous,il futnéanmoinsobligé de prendre un parti vers lequeliln'était porteni par ses goûts, ni par seshabitudes il

s'engagea, en qualité de AAamwas',chez un fellahnomméïsmâïi-ben-Mohammed.Mais,au lieu de tra-

vailler,Sidi Ali,qui n'avait, nous le répétons,que defaiblesdispositionspour le maniementdu manchedela charrue, passait son temps soit à dormir, soit àconverseravec des êtres invisibles.Pourtant, chosemerveilleuse sa besognene s'en faisait pas moinsles bœufs,attelésà sa charrue, traçaient leurs sillonsen évitant très habilement soit les pierres, soit lestouffesde palmier-nain,ou les buissonsde lentisques

i. Fermieraucinquième.

Page 385: Trumelet Algerie Legendaire

XSXVt StM AU-NBABER 3T!

qu'ils rencontraient sur leur direction, car vouapon-Mxbien que Sidi Ali n'aurait pas vouluhumilier leskhammas eca voisinsen enlevant les pierres de son

champou en le défrichant, C'étaitlà, d'ailleura, une

besognedont le pront na valait certainementpas la

peineque cela lui eut donnée, Dureste, les indigènesalgériens ont conservéreligieusementcette méthode

jusqu'à présent, et, commeih ne paraissent pas s'entrouver trop mat, il y a grand'chancepour qu'ils nela mod!nentpas de s!tût.Cequ'il y a do certain, pource qui regarde SidiAli,c'est qu'au bout de la journéetes bœufsavaient fait autant de besogneque s'il s'enfut occupéactivement,

Toutnaturetiemont,ce prodigene tarda pas d'arri-ver auxoreillesde son ma!tro,tsm&ït-bfn-Mohammed,qui vouluts'assurer par ses propres yeux de ce qu'ilpouvaity avoirdevrai danscequ'on lui avait racontéda son serviteur. Il se cacha, un jour, derrière unbuissondelentisques, et il vit, en en'et,sesbœufsla-bourant sans autre directionque la leur, et Sidi Ali-Mbarct<dormant, enroulédans son bernous, au piedd'un arbre. Pendantqu'il se livrait ainsi au sommeil,des perdrix débarrassaient le saint de sa vermine.Tout porte à croire que c'était pour leur satisfaction

personnellequ'opéraientcesgallinacés,car, pourSidi

Ali,il avait tellementl'habitude de donnerla table etle logementà l'insecte parasitiquede l'homme, quejamais il ne s'en trouvait incommodé;c'est tout au

plus s'il daignait s'apercevoirde la présencesur sonindividude cet ignoblebuveurde sang.

Certes,il n'en fallait pas tant pour convaincrelefellah Ismàïl de l'état de sainteté de son khammas;aussi.'seprécipitant,confus,à sesgenoux,s'écria-t-il,en lui baisant le pan de sonbernous « Je reconnais

que tu es l'élu de Dieu,6 Sidi Ali C'est toi qui es

Page 386: Trumelet Algerie Legendaire

8?a ~AM~HtR tÉCENMtBR

monmaître,et moiqui suiston serviteur.a Puis,lais-sant là bcenfset charrue, il emmenale saint ehex luiavectoutes tes marquesdu respectqui est du à ceux

quele Tout-Puissanta comblésde sesfaveursdivines.Le bruit de ce miracles'étant répandu non aonle-

me:.t dans la ville d'El-Koleïaa,mais encore dans leSahelet dans la MeUdja,les Croyantsaccoururentdotoutesparts pour lui demander,&teur profit, son in-tercessionaupr&sdu Dieudont il était si visiblementt'ami. Hva sansdire que los offrandeset tea donsdeSMM(tombèrentdrua commegrêle dans son bernous

engueniito,v6temt)!ttdont le saint no s'était pas en-core défait. Pourtant, son vou do pauvreté n'était

que temporaire mais il avait rcaoiudono le romprequelorsquesa réputation dosainteté serait tout à <aitetaMie.Cela no tarda pas, et bientôt !e!;vieux potsdans lesquelsil encaissaitlesoffrandeson argent dontle comblaientles Croyants,et qu'il enfouissaitsuccos-sivementdans le jardin de son ancienmaître ïsmaî!,ce trésor souterrain, disons-nous,finit par absorberla presquetotalitéde l'étenduede la propriétédu fel-lah. Cefut acemomentqueSidiAli-Mbarekse relevade son vœu de pauvreté,et qu'il dépouillales loquesdu/a&M*pour revêtir le bernousde finelainedes cho-rifs. Il Ct bâtir uneZaouiaà laquelle accoururentenfouleles tholbade tout lepays environnant:car, à sa

réputation d'oM~Ka(sainteté),SidiAliajoutaitencorecelled'un savant de premier ordre, surtout en eM~M-

o'-t'o&oM&tya(théologie)et en CM~mel-fikh(jurispru-dence) son inOuencegrandissait parallèlementà sa

célébrité, et les pachas Kader et Hoçaïn-Khodjane

dédaignèrentpas de venir le visiter,et ils lui firentderichesprésentsde ziara.

Nousavonsraconté,dans la légendede SidiMouça-ben-Naceur,les détails de la visite que fit Sidi Ali-

Page 387: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVt. S)M A~-MttAHKK :na

Mbarekà son vénérécoltegnc,te saint marabouthdeaBni"8alah.Nous ne reviendronspaa «ur cet cpisodode la vie do l'ouali d'Kt~Koleïaa,lequel, par le luxo

qu'il déployadans cette circonstance,hmnitiaprofon-dément le pauvre Sidi Mouca,qui en était réduit, ence moment,malgrésa scienceet sa sainteté,a habiterun gourbi où !ea venta et ta pluie entraient comtnochezeux.NousavoMoronasanshésiterque, cejoMr-!a,Sidi Alimanqua tout &fait de tact. Quovoûtez-vous?'1Onn'est pas parfait.

Nousno voulonspas rappeler nonplus sa triste etridiculeanairo avec Sidi Mahamufed-hen-Atya,dontil avait avalé !c serviteur jusqu'aunotnbrii, et qu'ildut rendre par !o nez sous la menaced'être écrase

par io djebelMena(dosSahri),queSidi Ben-A!ya,quin'était pas toujourscomnwto, brandissaitau-dessusdo sa t&te.Hestciairque, danscette fâcheusehistoire,Sidi Ati-Mbarekn'avuitété rien moinsque brillant, et

que sa digniMet son prestige en avaientquelquepeusoutTert.Aussi,dans rintcrctdu saint, no reviendrons-nouspas ia-dessus.

Ënnn, après une longue existence dont les vingtdernières années furent des plus heureuses,la tracedespiedsde Sidi AU-Mbarckdevintvide tout a coup:un matin de l'an 1040de l'hégire(4630),ses enfantsle trouvèrentmort sur le /acA (tapis)qui luiservaitdecouche. Ses restes mortels furent déposesdans l'in-térieurde la Zaouiaqu'il avait fondée,et une koubbad'une architecture élégante fut édifiéesur son tom-beau. Deuxpalmiers-dattiers, qu'onvoyaitencoreil y a quelquesannées, s'étaient élevés spontané-ment,pendantla nuit qui avait suivises funérailles,à

i. 11mourut.

Page 388: Trumelet Algerie Legendaire

.1",

t.'A~Bt8 )MÈaBNMMRaao

quelquespas du point?? son corps avait eta rendu&ta terra. Danombreuxmiraclesvinrent d'ailleura

augmenter encoreh réputationdothaumaturgequ'ils'était acquisede sonvIvant; aussi sa koubbaM-eMe

toujourstrès MquenMopar la foulade ses khoddamet par les trtbas df la MeUd!a:ceM a ce pointqu'Et-KoMaaméritale nomd'JEt-Medina(ta M<;dine,la ville

par excellence)du Sahel, par aHMaionà la ville où

reposela dépouillemortelledu Prophète.QuehpMs'MMdes descendantsde Sidi Ati-Mbarett

jouirontdu don dos nuraetes.Tous,d'attteurs, furent

toujourstrès respectéspar les Turks, auprès desquolsils jouissaientd'une grande influence.Quelques-unstnemejouèrent un rôle politiqueimportant,Ei-Hadj-Mohy-ed-Din-Ës-Sr'ir entre autres, que noua nom-m&<noaagha dosArabesà la Onde i83i, et qui lit dé-fectionen septembre de Fannëosuivante, malgré letraitement annuel do 170,000francsquelui faisait leGouvernementfrançais. Unautre des Oulad-Sidi-Ali-

Mbarek,Mohammed-ben-Aiiai,fut le meilleurlieute-nant de l'Émit ËNtadj-Abd-el-Kader.Cefutunvaillanthommede guerre qui, après s'être brillammentme-

suré, de i830 à i843,avecles troupesfrançaises,danscent combats divers,se fit tuer héroïquement,et envendantchèrementsa vie, 'par un brigadier françaisdes spahisd'Oran.

Page 389: Trumelet Algerie Legendaire

xxxvu

LELLAiMMA-HALLOULA

On remarquo, à quatre heures de marche dansl'ouest do Kelca,et sur la crêtedu Sahold'Alger,unmonumentqui a fait longtempsle désespoirdes sa-

vants c'était, en effet, une énigmede pierredontona uni, en i866, par savoir le moten l'éventrantet en

y pénétrant. Ce gigantesqueédifice,que les Arabesnommentencore ~eA~ef-~e«M«a, !e tombeaude la

J?OMM<e', dont nous avons fait la C~t'<'«eaHe,passait, depuis le naïf Marmoi,historienespagnolduXV!"siccte de notre ère, pour avoir servi de sépul-ture à la fille de ce fameuxcomteJulien,le gouver-neur de Coûta,qui jeta les Arabessur l'Espagne enl'an 91 de l'hégire(710).Pourtant, Marmot,qui tenaitses renseignementsde la bouchemêmedes Arabes,aurait bien dû s'apercevoir, lui qui possédait la

languedu pays qu'il parcourait, et oa il était captif,que ses ciceronise moquaientde lui quandils lui

assuraient que la flUedu comte Julien senommait

~aMcJprostituée), et que sa servante, quin'avaitpoint vouluse séparer de sa maîtresseau momentsu-

t. LemotHoMMt(auféminin,Roumiia)estuneexpressionpar laquellelesBarbaresquesdésignentdédaigneusementunChrétien.L'expressionRoumisignifieproprementunGrec,unRoMm~No<e;elles'emploie,encertainscas,pour~toMata;mais,dans les contréesbarbaresques,citedésigneun Chrétien.(BMStmm.)

Page 390: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM6ME t,6a~MMM:388

pr~me,dansl'espoir, sansdoute,de partageravecallaun si magninqua tombeau, s'appelait Balilefa(petitetroio).

Aujourd'hui,noussavonsque cegigantesquemonu-ment dut servira la sépulturedola familledu roi desMauriianies,Juba M, lequel mourut en l'an 23 denotre ère.

De tout temps, les Arabesont cru à l'existencedetr~soracons!dérab<osdans ios monumentstaias<Sasur!o sol de i'AMqae septentrionalepar les Romains.Pour eux, toutes les pierres taHMasprovenant doruinesromainessont autantde couresromptisd'or et

d'argent; aussi, tous les monuments, les tombeaux

particulièrement, ont-ilsété fouillésavecune cupi-dité extrême depuis les premières invasionsmusui-manes. Adire vrai, les Vandaleset les Byzantins,quiles avaientprécédéssur le solafricain,neleur avaient

pas laisségrand'choseà grappiller.Les gens du Mogbrob(Marok),très experts on M-

Ae!M'(sorcellerie),abusèrent souvent de l'avide cré-dulité des Arabes de l'Est pour leur soutirer de l'or

monnayé contre do l'or en promesse. Si nous en

croyonsla légende,les Moghrebinsn'auraient pas eu

complètementle monopolede ce genred'industrie,etles Espagnolss'en seraientun peu metesaussi; seule-

ment, ces péninsulairesétaient de bonne foi, et ils

partageaient sinon leurs trouvailles, du moins la

croyancedesArabesrelativementà l'existencedecestrésors.

On raconte qu'au temps du pacha Satah-Raïs,c'est-à-direvers l'an 1554de notre ère, un Arabede la

Metidja,nomméBel-Kacem,qui avait été faitprison-nier de guerre par les Chrétiens, fut emmenéen cap-tivité en Espagne,où il fut acheté, en qualitéd'es-

clave, par un vieux savant dans l'art de la AMMM

Page 391: Trumelet Algerie Legendaire

983

.40 1

XXXVM. MUAtMMA-BAU.OCM

(alchimie),et qui, en outre, avait un talent tout parti-culierpour deeowvrirles trésors U faisait ;del'or ?ses moments perdus; maia il préférait encore letrouver tout fait, et prêt à jeter dans la circulation.

Or,ce malheureuxBel-Kacemse lamentaitjour et nuitau sujetde sa captivité,laquelle,se disait-il,pouvaitêtre éternelle car, pauvre commete prophèteAiioub

(Job),il savaitbienquesa famillene pouvaitrien faire

pour le rachat desa liberté.Le vieux sorciar avait appris, par les récita des

voyageurs ou autrement, l'existence du Kebr Er-Roumiîa; il savait, de plus, que ce monumentétaitsituesur la chaîne de coUinesqui longele littoral, et

qu'il dominait la Metidjaau nord. Or, précisément.Bei-Kacemétait Metidji,et, nécessairement,il devaitconnattro comme son capuchon le tombeau de laRoumio.Celane pouvaitdonc mieuxtomber.« Ëcoute,lui dit, unjour, sonvieuxsorcier de ma!tre,je puis terendre cette liberté aprèslaquelletu soupirestant, ette permettre ainsi de revoir ta famiUo,qui, peut-être,ne serait pas très enchantéede ton retour. Enfin,celane me regardepas. Pour cela, je ne tedemandepointde rançon, car je sais que tu n'as pas un maravédivaillant.Seulement,tume jureras defaire exactementce que je vaiste dire. Du reste, rassure-toi il n'estrien dans ce que j'exigerai de toi qui soit contraireà ta religion,»

Pour recouvrer sa liberté, Bel-Kacemeûtjuré toutce qu'aurait voulu le vieil alchimiste,au risque den'exécuter de son ordre que ce qui n'avait rien de,blessantpour son orthodoxie. Il jura donc avec en-thousiasmede se conformerscrupuleusementaux in-dicationsqu'ilvoudrait bien lui donner. « Voicidoncceque c'est, continuale magicien demainmatin, tu

t'embarqueras; il n'était pas loin deCartagena;

Page 392: Trumelet Algerie Legendaire

3M )t.'A)M)6MSt6SE[<t)A!«B

tu rentreras dans ta famille, puis,apraa trois jourspaaaéaauprèsd'elle, tu te rendras au Tombeauda la

Chrétienne;arrivé au pied du monument,tu te tour-neras vers l'orient, et tu buteras te papier queje teremetsau feu d'un brasier quetu auras allumé.Quoiqu'il arrive, ajouta le savant, n'en sois ni étonnéni

enraya. Borne-toià rentrer sous ta tente, sans te

préoccuper!o moins du monde des suites ou consé-

quencesde l'exécutionde mes ordres. Je ne t'en de-mandepas davantageen échangede la liberté quejete rends, e

Bel-Kacems'empressade profiterdo la iiberMqu'Uvenait de recouvrer &si bon marché. Débarquéà

Cherche!,il se rendit en toute h&teau KebrËr-Rou-

miîa, et il se conformaponctuellementaux recom-mandationsde son ancien ma!tre. Mais à peine le

papiermagique, car c'était un papiermagique,qu'ii avaitjeté dans !o brasier était-ilconsumé, qu'ilvit le monuments'entr'ouvrir du côté du nord avecun grand fracas; puis, tout à coup, une nuée de

pièces d'or et d'argent, épai~saà dérober ta vue du

ciel,jaillit de cette ouverture commela iavos'étancodu cratèred'un volcan, et fila rapidementdu côtédela mer,c'est-&-direversle pays desChrétiens.

Stupéfait d'abord &la vue de tant de richessesquis'expatriaient,Bel-Kacem,dont le cœur saignait de

n'en .point avoir sa part, lança son bernous sur lesdernièrespièces, et parvint à en ramener quelques-unes. Maisles parois du monuments'étaient subite-ment rapprochées et avaient arrêté l'éruption; lecharme était rompu en même temps que le papiermagiqueavait cesséde brûler. Il est inutiled'ajouterquecet immensetrésor était allé s'abattre sur la mai-son,du vieilalchimisteespagnol,et qu'ilavait pénétrépar la cheminéedans sonmystérieuxlaboratoire.

Page 393: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVn. MU.AtMHA-BAtMCM 388

Bel-Kacemgarda te plus longtempsqu'il Je put lesilencesur cette aventure; mais la tanguelui déman-

geait tellementqu'il se soulageaen la racontant à safemme.Or, du momentque sa femmela savait, le

pacha d'Alger lui-même ne pouvait l'ignorer long-temps.C'est, en effet,ce qui arriva.Dansl'espoirqu'ilpouvaiten rester encore,et que la totalitédes trésors

que contenaitte KebrEr-Roumiïan'était pas épuisée,surtout si, commele déclaraitBel-Kacem,la fuséede

pièces d'or et d'argent n'avait duré que quelquesin-

stants, le pachaSalah-Raïs,qui régnait alors à Alger.envoyaaussitôtun grand nombred'esclavesChrétiensau tombeau de la Roumie,avec ordre exprès de ledémolirde fonden comble, ce qui était plus facileà ordonner qu'à exécuter, et d'en rapporter lesrichessesqu'ils ne pouvaientmanquer,ajoutait le sou-

verain,d'y trouver: car il ne lui semblaitpas possiblequ'il n'en restdtpas encoreassezpour faire la fortunede dix pachas.

Lemonumentavait à peineété entamépar la piochedes démolisseurs,qu'une femmevêtuede blanc, la

Chrétienne,dit-on,dont on voulaitvioler le tombeau,

apparaissaitsur le sommetde rédiHce,et, étendantses bras vers le lac quiétait au pied de la colline,s'écriait d'unevoix suppliante « la ZcMaHalloulae<-f'<t<<s/e<-f'e?<s/–0 LellaHaltoula!au secours1 ausecoursa » Lesecoursréclaméne se fit pas attendreune nuée d'énormesmoustiquess'abattit sur les tra-vailleurset les dispersa.Ils revinrentplusieursfoisà

la charge,mais toujoursles moustiquesfondaientsureuxavecacharnement,et les obligeaientà abandonnerla partie. En déBnitive,les démolisseursdurentrenon-cer à leur entreprise, au grand regret, bien entendu,du pacha Salah-Raïs.

Plusde deux centsans après, e:. 1773de notre ère,sa

Page 394: Trumelet Algerie Legendaire

386 ~AM~ME~GENBAtHE

le pacha Baba-Mohammed-ben-Atsmanvoulut tenterde nouveaul'aventurequiavait simal réussi à Salah-

Maïa.Le buit s'était répandu qu'an sorcier marokain

avait réussi à extraite quelques-unsdes doublonsquiMstMentamassésdans !oKobrEr-RoumiTa;pourMon

démontMt,d'ailleurs, que ce n'était point la soif del'or ou un vit iatérêt qui !o guidait dans cetteaffaire,mais bien l'amour seul do la numismatique,le bonsorcieravait gravéd'une manière trôsapparente, surl'une des pierresdu monument,l'indicationsuivante« Cemonumentrcntcrmodes richessesmonnayéesenabondance elles sont contenuesdans un coffre de

pierre qui est renfermédans un coffredefer, qui, lui-mêmeestplacédansun coffrede plomb.»Pour mieuxattester la véritédu fait, le sorcier avait signé ce ren-

seignementde sonnomd'Ei-HRdj-Ëi-Kohahehi-ben-Et-Keddab.Il ajoutait, en pos<-se~<MM~qu'il avaitpré-levé, pour son compte, un millier de ~oM~~onsau

sanglier,sommebien faible, écrivait-ii,en comparai-son de cellequi restait.

Le pacha Baba-Mohammed-ben-Atsman,à qui l'onraconta la chose, envoya en toute hâte l'agha des

Arabes, avec du canon, à la recherche du précieuxtrésor. On Qt d'abord des fouilles au-dessus de la

pierre indicatricedu sorciermarokain,et l'ony trouva,ce qui donna bon espoir, un doublonayant un

sanglierpour effigie,et qui pesait autant quedix dou-blons d'Espagne.On en conclut tout naturellement

que c'étaitune despiècesqu'avaittiréesdu monumentl'heureux Marokain,et qu'il avaitoubliéou négligéderamasser. La continuationdes fouillesn'ayant pointfournid'autreexemplairedecesmerveilleuxdoublons,l'agha enréféraaupacha,qui, grandcommeAlexandreen présencedu nœudgordien,ordonnade dénouerla

Page 395: Trumelet Algerie Legendaire

3MXXXVM.!.RM.AtMWA-MAMOUt.A

situation en eanonnantle KebrEr-Roumna,non des'assurerde ce qu'ilavait danste centreet de lui fairelivrer son secret, et son trésor surtout. Maistes ca-nonniers de Baba-Mohammedn'eurent pas plus desuccès que n'en eurent les démol!sseursde Salah-

Raïs, et c'est à peine si les boulets du premier par-vinrentà écornerle revêtementdopierre de taillequiservait d'enveloppeau mystérieuxmonument.E*'ba-Mohammed,lui aussi,dut doncrenoncerà s'emparerdes trésorsque,selonla croyanceobstinéedesArabes,devait renfermerle Tombeaude la Roumie.

Cesdeux souverainseussentcertainementregrettéla petnequ'ilsse sontdonnéeet le mauvaissang qu'ilsont dû se faire, s'ils avaientpu prévoirque des Rou-mis pénétreraient dans l'intérieur de ce monumentune centained'annéesaprès la seconde tentative,et

qu'on n'y trouverait, en fait de trésor, quedes

araignéesd'un âge aussi respectablequ'avancé.Commeles fouittcursde 1866étaientdescoreligion-

naires, Lella ïmma-HaUoula,ou la Roumie,qui, sans

doute, les attendaitcommedes libérateurs, se prêtaavec la meilleuregrâcepossible&l'ouverturede son

tombeau, dont elle passa d'ailleurs les clefs par la

porto aux enchanteursBerbruggeret Mac-Carthy.Etla preuveque la belleChrétiennea pu s'échapperdutombeaude pierreoù elleétait murée depuisonzesiè-cles c'estque le lacquiétait au piedde sonsépulcre,et qu'elle alimentait de ses larmes, est maintenant

complètementdesséché,à moins que les pluies neviennentl'alimenter.

i. NousavonsditplushautquelesArabesprétendent,selonMarmol,quelaRoumiaseraitlaSUeducomteJulien,le gou-verneurdel'AndalousiepourlesWisigoths.Cecomteseseraitdétenduavecgloirecontreles MoresdeKMa H$; maiscn-

Page 396: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVIII

iaMMEL-KHELFA-BEN-SIDI-YAHYA

Vers l'an 940 de l'hégire (t533),le cherif Sidi Mo-

hamtned-ben-Es-Solthan,qui était lieutenantduprincetlemsanienAbou-Mohammed-Abd-el-Ouahad,perdaitla vie dans un combatmalheureux.Ala suite de re-vers successifsessuyéspar ce prince, la famille deSidi Mohammedquitta Tlemsan et émigra, sous laconduitede son fils Sidi Yahya, qui la conduisit au

pays desBni-Siiman,au sudde Médéa,chezlesquelsilmouruten 964de l'hégire (i886).La piété de cesBni-

Sliman,qui l'avaient en grande vénération,lui élevaune koubba,qui est très fréquentéepar les tribusvoi-sinesde sontombeau.SidiEl-Khelfadevenaitdès lorsle chef de la familledes Cheurfa,et allait s'installerdéQnitivementau centre de la valléede Berouaguïa,sur des terrains que lui donnèrent,à titre d'apanage,les Bni-Hacen,les Hacen-ben-Aliet les Bni-Sliman.

Sidi El-KheIfa-ben-Sidi-Yahyafut le saint le plusconsidérableet le plus révéré de la famille desCheurfa.Ce fut un saint militant; mais,à l'exemplede Sidi Mahammed-ben-Sidi-Abd-er-Rahmanle Naïli,

suite,mûparunsentimentdevengeance,it auraitouvertlui-mêmeà l'ennemil'entréedel'Espagne,etauraitcombattuaveceuxà Xérèsen71i il voulait,dit-on,punirainsile roiRo-deric,quiavaitviolésa filleFlorinde.

Nousn'avonspasla prétentionde mettreici l'histoired'ac-cordavecla tradition.

Page 397: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVM. MM EKMEtFA.BEN.StM-TAMYA asa

sonarmen'étaitautre quesonchapeletde marabouthil lui aufnaaitd'ailleurs pour exterminerseaennemis.

Unjour, les Bni-SMman,qui, jadis, avaient donné

l'hospitalité au grand-pèrede Sidi El-Khelfa,étaienten guerre avec leurs turbulentsvoisins,les Adaoura.Du reste, il faut bien le dire, cesAdaouraétaient des

sacripants de la pire espèce, aussi leur réputationétait-elleexécrable passant leur vieà cheval,et à ce

point qu'on les avait surnommésJ57-e~a, les cou-vertures de cheval, par allusion à l'habitude qu'ontles Arabesde couvrir le dos de leurs montures;tou-

joura en course, pillant, dévastant,détruisant,volantle biende Dieuavec aussi peu de vergognequeceluides gens; contraignant tes habitantsdesMcx/aoù ils

passaientà leur donner la <~</aet t'<a, c'est-à-direà les hébergergratuitement,eux et leurs bêtes man-

geant souventsans mêmese donner la peinede des-cendre de cheval; faisant placer en cercle les plusjeunes femmesdes douarsoù ils s'abattaient,et exi-

geantque chacune d'elles, absolumentnue, chosehorrible tint sur sa tète le mc~'edf'contenant lekousksou.Noncontentsdo cela,jetant leursrestessurles corpsde ces infortunéescréatures,qui, ainsisouil-

lées, étaientl'objet de la risée et des grossièresplai-santeries de ces brutes. On disait de ces Adaoura».« Lamainsur la bride et leur nourritureaux frais desMusulmans,» Ils étaient aussi d'une cruauté sans

égale.Ainsi,un jour, ayant donné l'hospitalitéà des

Oulad-Sidi-Aîca,qui allaient en chasse, dans le Sud,avecleurs vols de faucons,et n'ayant rien de préparépour la pâture de cesoiseauxde proie, ils ne trouvè-

rent rien de mieux,pour qu'ils aient la curéechaude,

i. PlatdebolsporMsur unpied,esp&cedesoupière.22.

Page 398: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM~MK~aKMtRBaw

que d'égorgerun enfant et de leur en faire distribuerles lambeaux.

C'étaitsurtout avecles Oulad'Alan,quine valaient

guèremieuxqu'eux,queles Adaouraavaientmailleà

partir. Un jour, à propos d'une femmeAlania,quia'était enfuiedu domicileconjugal,et qui s'était rétu-

giée chez tes OuIad-Zemmit,les deux tribus tout en-tièresen vinrentaux maina.Le combat,quiprit bien-tot les proportionsd'une véritablebataille,dura touteunejournée.Quandla nuit vintarrêter cetteenrayantelutte, on relevacent ~annmoset une femmesansviedu côtédes Adaoura,et un paroil nombre d'hommeset un chien du côté des Oulad-Alan.« Lespertesdesdeuxcôtés, nous faisaitobserverle narrateur, étaientexactementégales.? »

C'étaitdonc avecces terriblesvoisinsqu'allaientsemesurerles Bni-SHman.

Lesdeuxpartis se rencontrèrentsur l'ouadEl-Ham-

mam,à s ~npointde confluenceavec l'ouadEl-MeIeh.C'était tm terrain particulièrementpropre à l'actionde la cavalerie.Or, les Bni-Sliman,qui savaientquele saintcherifSidi Kl-Khalfajouissaitdu don des mi-racles,l'avaientprié d'appelersur leursarmesla béné-dictionde Dieuet de lui demanderle succès.En effet,l'interventiondivinen'était pas de trop dans cettecir-constance car les Adaouran'étaientpoint, nous le

savons, des ennemisà dédaigner, et, s'ils nepou-vaient mettre sur pied un nombrede cavaliersaussiconsidérableque celui de leurs adversaires,ils rem-

plaçaient cette inférioriténumérique par une valeur

ïncont';<'t"bte,queleur donnait l'habitude decesluttesdansle celles ils étaient si fréquemmentengagés.Iln'était doncpas mauvaisque les Bni-Slimanessayas-sent de mettre le plus de chances possible de leurc6té.Sidi El-Khelta,dont on disait ordinairement

Page 399: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVtn. MB! ~-mtEM'A-M~-StM-YAMYA aM

« Il est plusreconnaissantquel'asphodèle »,ne pou-vait moins faire que d'accueillir favorablementla

prière des Bni-Sliman;il leur promit donc son aide,et, s'il plaisait à Dieu,le succès.

Fortsde cettepromesseet pleins do.confiancedansleur bon droit, ce qui n'est pas toujours sutnsant,

les Bni-SHmanattendirentde pied ferme l'attaquedes Adaoura; ils no voulaientpas qu'on put leur re-

procher d'avoirététes agresseurs,me<nadans le com-bat. Ils prirent positionsur la rive gauchede l'ouadEt-Hammamsupérieur,qui les séparait de leurs ad-

versaires,et se tinrent prêts à agir selonles éventua-lités dela lulte qui allait s'engager; car ils ignoraientdo quellefaçonSidiEt-Khcifaallait intervenirdans la

querelle qu'avaient provoquée les Adaoura. L'ailedroitedes Bni-Slimans'appuyait aux pentes ravinéesdu djebelMcgaref,et leur aile gauche était couverte

par i'ouadEt-Besbasqui, on ce point, est fortementencaissé.SidiKt-Kho!fase tenaiten arrière dela ligne,sur une petite éminencedominant le champprobablede la lutte. La position choisie par les Bni-Slimanétait excellente,en ce senssurtout qu'elleétait diffici-lement tournable,à moinsd'un longdétour,et qu'ellen'étuit guère abordablede front,à causede l'ouadEl-

Hammam,dont la rive gauche était d'un accès peucommode,surtoutpour de la cavalerie,et lesAdaouran'avaient pas autre chose; il est vrai de dire qu'ilsétaient supérieurementmontés,et que leurs jumentseussent escaladéle ciel; dans tous les cas, une sur-

prise n'était pas possible. D'ailleurs, les Adaouraétaient habituellementsi certainsdu succèsqu'ils en

t. Laberouaga(asphodèle)est citéepar lesArabescommel'emMemedela reconnaissance,parcequ'ellepousseet con-servesaverdeurmêmeaveclemanquedepluie.

Page 400: Trumelet Algerie Legendaire

~9B ~Ata&MË!.&aBKMMB

avaient perdu toute prudence et qu'ils dédaignaienttoute combinaisontactique ils attaquaient toujoursdroit devanteux. liaentamaientl'actionpar une~<t~(charge)furieuse,par un ouragande guerriers de ieurivésà des chevauxd'acier, devant lequel tout pUaitet cédait, et l'affaireétait teneurs décidéeen un clind'oeil.D'abord, les gens de pied, qui, dans tous les

temps, ont éprouvé une terreur invinciblepour les

gens de cheval, qu'ils considèrentcommeleur étant

très supérieurs,n'avaientjamais songéà tenir devanttes Adaoura; l'idée ne leur en venait mômepas. Et

puis il faut dire qu'a l'époquedont nouspartons,cetteterrible cavalerie adaourienneétait commandéeparle fameuxNoubi,le descendantdirect du célèbre etféroceAdour,l'ancêtre desAdaoura.

Ce Noubiétait de ces cavaliersvaleureuxdont ondit habituellement « Il est capablede se faireurinerdans la main par le lion. » Aussises goumsavaient-ils en lui une confiance inébranlable.Ce n'est pasétonnant, il leur donnait toujoursle succès,et il n'enfaut pas davantagepour qu'unchef soit adoré de sa

troupe.Lescavaliersde Noubisontlà, sur la rive droitede

l'ouad Ei-MeIeh leurs chevauxplacent d'impatience,car ils ont senti les chevauxde l'ennemi;ils s'apprê-tent à bondir commedes panthèresdans sa directionet à prendre leur part du combat; tous, en effet,sont

~emoM/t~MtMet se battent des pieds de devantaveclamêmeardeur ~ueleurs maîtres;de leur puissantsabotils font volerles crânesen éclats,avec des éclabous-suresde cervelleset de sang.Ils attendent, fougueux,le signal de la charge; ils tournent sur eux-mêmes,les naseauxdilatés, la boucheécumanteet rongeantle mors,les oreillesdresséeset l'encolurerouée.Aussiimpatientsqueleurs montures,les cavaliers, l'œil sur

Page 401: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVtH. MMEt.'RMt~A'MN-snM-YAOYA39S

Noubi, rongentleur AmeQevreusemontdans l'attentedu cambat;les drapeauxrougeet vert nattent sousleBonMeduvent laachabiratintent surles largesetrierade fer. Ils ont la soifdu sang,caabronche'!guerriers,et ils spéculentd'avancesur le butinque va leur don'ner la victoire: car ils ne doutentpas, bien qu'ila nese soient pas encore mesurés avec le9 Bni-Siiman,qu'ils auront aussi bon tnarched'euxque des antresaussi leur lancent-ilsdéjà des injuresque la distance

mangeavant qu'ellesne parviennent à lotir destina-ion. De leur côté, les Bni-Stimamen font autant;

mais ils sont beaucoupplus calmesque les Adaourails sententqueSidiEt-KkeKaest là. Dotemps&autre,ils se retournent pour s'en assurer.En effet,le saintest en prière, et des lors leurs cours restent &leur

place.La tête de l'ami de Dieu,noyéedans losrayonsdu soleil couchant, car il est déjà tard, paraitlancer des gerbes de lancesd'argentdans la directionde l'ennemi,lequela le soleildeboutet enpleinvisage.Or, cette dispositionn'était point l'oOetdu hasard;elle entrait dans la tactique des Bni-Sliman, quiavaient combineainsi l'heure de leur arrivée sur le

champ présume du combat,ainsi que celle des

Adaoura,dont leurs cAoM<(éclaireurs)leur avaient

indiqué le dernier point de campementet le momentdujour auquelils devaientse mettre en mouvement.

Maisl'heure du carnage est proche le <~t!e<1

Noubi,qu'on reconnaît facilement&sa haute taille,à

sa merveilleusejument noire auxjarrets de gazelle,à

l'étoile blancheau front, aux piedsferrés de ventduSud et de vent du Nord, vaillante bête, bondissant

avecune grâce et une souplessefélinesen avant de la

1.NobledenoblessemHitaire.

Page 402: Trumelet Algerie Legendaire

394 !AM~ME~RRSMtBB

Mta~a(cavalerie);Noubi,en passant devant ses cava.

Mers,brandit un sabre fameux,~AoMt (te Cor-

douan),qui a 6Mdonné à eon ane&!repar le célébrahérosKhalid-ben-El-Oualid.Allons, Ahom'nes cria-t-!l a sa troupe, mangez-moices J~MOMe~Ma',

ces Misde femmesramassées par terre, quioaentattendredepiedfermela pointedevossabres!Donnezdu sang à boire à voa iamM,et qu'elles s'enabreuventjusqu'au degoot! A voaatavtctcuroettobut!n! 7<tM<t~/fa AHOM'MOM<Ae~OM~~a'o«M/ 1

AHens!û les courageux fondezsur !ogoum Mn

Étectriaëspar les chaudes paroleset tes promessesde Noubi,les AdaouratachentIo8réneaet lancentleursbêtes en avant.Mais,ô miracle ces ardentesbuveuses

d'air, que leurs cavaliers, il n'y a qu'un instant,avaient toutes le peines du monde à contenir, ces

fougueusesfillesdu vent,si impatientesde bondiretde se précipiter sur le goum des Bni-Stiman, sontretenues sur place par des entraves invisiblesdontellescherchentvainementà se débatrasser!G'est un

piétinementconvulsif,un pian'ementfurieuxde troiscents paires de jambes dont les sabots creusent etbouleversent le sot commele ferait une armée do

pionniers. Les cavaliers,qui ne comprennentrien ace mystérieuxarrêt, et qui sont tentés de le mettresur le comptede la peur, labourentles Canesde leurs~nonturesde leurs chpbirs de fer, et leur mettent,dans leur rage impuissante,la boucheen sang parles saccadesrépétéesqu'imprimeleur main fébriteàcet instrumentde torture qu'onappellelemorsarabe;mais tout cela est en vain. Le faroucheNoubi lui-mêmeest ctoué sur placercommesongoum; mishors

i. Gensvils.2. Parmétonymie,tesenfantsdelamort.

Page 403: Trumelet Algerie Legendaire

aasXXXVM. 8)0! Bt.-RaEtM-BE!<-S)M-YAMYA

de lui par la désobéissancede sa Cerejument, t'éeumeet FinjnreAta bouche,Noubilui fendte crâneen deuxde sa terrible lame, et la noblebotes'abaissecommeune masse entre les jambes de son féroce et impi-toyablebourreau. Unde sesserviteurslui amèneuneautre jument do mêmerobe, et il saute en selleavecla Mg&retéd'un djenn maisil ne réussitpasdavantagea la laucer en avant. Il y avait lAévidemmentsoitl'action de Dieu, soit celle du Diable, car jamais unchevaln'avait désobéini à Noubi,ni à aucunde seshardis cavaliers.Le chefAdaourin'allait point tarderà être fixé sur la causemystérieusedo son impuis-sance, it allait comprendrequ'il fallait l'attribuer aune influence contre laquelledevaient se briser tousses efforts ils n'outplus de doutesa cet égardquandil vit ses cavatiera, désarçonnes l'un après l'autre,aller router sansvie sousle ventrede tours montures.

Lui, qui n'avaitjamais connula peur, il fut pourtantpris de frayeur, ce faroucheet indomptableguerrier,lorsqu'il vit sa troupe, encoresi brillante, si ardenteil n'y a qu'un instant,se distoquerpiècea pièceet se

fondreau souutobratantd'une puissancesurnaturelle,commese fondla cire sousl'action du feu; et cequ'Uy avait de plus effroyabledans ces morts honteuses,c'est-à-dire sans blessures,c'est que te visagedes ca-davres devenaitnoir instantanément, et que leurschairs dégageaientune odeur infecte,pareille à celle

qu'exhalentlescorpsdécomposésdes pestiférés.Il est aisé de se faireune idée de l'effetqueprodui-

sirent sur tes Bni-Sliman, ils n'étaientséparésdes

Adaouraque par une distancede cinqà six cents pasenviron, cette immobilisationde leurs ennemiset

le vide successifde leurs selles, commes'ils eussent

été frappés par des mains invisibles.Ils sedoutaientbienque Sidi El-Khelfadevaitêtre pour quelquechose

Page 404: Trumelet Algerie Legendaire

aM t-'A~MS t&e~NMtBe

danscet étrangecombat,et Ilsse retournèrentinstine.tivementdu cote du saint ils te virentdeboutsur letertre oùil s'était piae6toutd'abord. Adosséau soiei!

couchant,il en couvraitledisquede sa grandeombre,laquelle était encadre par des rayons d'or qui s'é-

chappaient autour de lui comme des Bêchesëtince-

lantes; le bras droit levé vers le ciel, il tenait à lamain unchapeletqui semblaitimmense;à chaquein-

atant, et à intervalleségaux,un dea grains tombaitaterre, et, choseétrange ont rapportéceuxdeaBni-SMmanqui étaient auprès du saint, Sidi Et-Khelfaavait remplacéles quatre-vingt-dix-neufattributs doDieupar des formulesde malédictiondont ils avaient

pu retenir les suivantes

«QueDieule jette le nezdansla poussièret« QueDieule damne1«QueDieului tailleunepartdanschaquesortedesup-

plice1«QueDieuremplissesabouchode terre1«Quesacoupesoit vidéejusqu'àla lie1« QueDieul'atteigneaubrast<'Quelesoiseauxdeproiesepartagentsoncorps!t«Quela terre soitrendueégalesur lui!«Quesabouchecrevé,rassasiéedu pusqui suintedes

plaiesdesréprouves!1«QueDieucoupesa T.~rcheet la tracedesespas!«QueDieuvidesonoutre1«QueDieul'extermine!i«QueDieului coupesonexistence!« QueDieuvidesa sellet« QueDieule laisseentredeuxcavaleriesi« QueDieulemaudisse!l«QueDieule fassetrébuchersur le Sirath1«QueDieujette aufeuceQIsdupéché!1

Page 405: Trumelet Algerie Legendaire

XXXVM. StM N.-KaEt.FA-BEN-StM-YABYA 387

«QuaDieule fassemourirsansMmoigner!1« QueDieule donneonpâturaà t'hyëno,et auvautow

cramponneaursoncadavre!« Qu'ilsoitjeMpanuiteatombeaux1»

Et les Bni-Stimanpurent remarquer qu'à chaquegraindu chapeletqui aedétachait tombait un cavalierAdàouripourne plus se relever.En effet,avecle der-nier grain, roulait sous le ventre de son cheval le

quatre-vingt-dix-neuvièmeennemi.Ivre de fureur,et ayant ainsi perdu d~a !o tiers de

ses plusintrépidescavaUers,Noubi,quele saintavait

ménagé,sansdeu~ pour lui faire goaterplus en pleinau fruit amerdola défaite, le faroucheNoubi,lesyeuxinjectésde sang et grinçantdesdents,nevoulaitpointencore s'avouervaincu il enlevait sa jument, qu'ilenlaçaitdesesjambes à musclesd'acier,dansiadirec-rectiondes Bni-SHman maisla noblebête, qui souf-Haitdesnaseauxà les faireéclater,retombaittoujoursde côté.Enfin,quand il vit le jour prêt à entrer dansla nuit, et lorsqu'ilfat bien convaincude l'inutilitédesas efforts,il comprit que, cette fois,le serpent s'étaitfrotté à la vipère, c'est-à-dire qu'il s'était attaqué à

plus fort que lui. Il daigna alors prêter l'oreilleauxconseilsdeseslieutenants,qui, depuislongtempsdéjà,lui avaientdonnéà entendre,avectoutesles précau-tion<possibles,qu'il était prudent de remettre a unautrejour le règlementde cette affaire.« Il n'y a pasde honte, ajoutaient-ils,d'être le vaincuquand on a

pouradversaireun homme douéde puissancesurna-turelle. Il est hors de doute que si les Bni-Slimaneussent été réduits à leurs propres forces,nous leseussionsmangésà ne pas en laisserun seulpour allerannoncerà leurs femmesque Noubien avait faitdes~veuves.

S3

Page 406: Trumelet Algerie Legendaire

t-'AMHÊMEt.68Et<MmB398

C'estbien,repond!tNouMonbroyantsaragoentreae~molaires; charge un mort en travers de chacunedes selles vides, et prônions do la nuit pour leurdonner la sépulture en dehors du territoire de notre

tribu; nous éviteronsainsi, aux yeux des femmes,la

honte de rapporter des tués sans blessures,desmortssansqu'ily ait eu combat,c

Et quatre-vingt-dix-neufcavaliers amarrèrent pa-reil nombre de cadavresen travers des sollesvides,et ceux qui n'avaient pas été atteints par la mortnoire se retireront tristes et abattus, mais au galopde leu?3chevaux, car les cadavres exhalaient uneodeur infecte, insupportable pour les vivants; les

hyènes,leschacalset touslesoiseauxdeproie faisaient

cortègeà la funèbrecaravanequi leur promettaitunesi abondantepâture. Choseétrange! des qu'il s'était

agi de battre en;retraite, les chevauxdes Adaouras'étaient trouvés désontravés commepar enchante-ment. Près d'arriver à la limitedeleur territoire, lescavaliers àdaouriens vidèrent leurs charges dans un

profond ravin, qu'ils comblèrentde quartiers de ro-chers arrachés à la crète qui le surplombait.Ceravinse nommalongtempsChàbet-El-Khomad),le Ravindela Putréfaction.

Depuiscet événement,les Adaoura cessèrenttoute

agression contre les Bni-Sliman la terrible leçonqu'ils en avaientreçueparaissait leur avoir pronté.

Les Bni-Slimanremercièrent Sidi El-Khelfapourle secours inespéré qu'il leur avaitapporté, et ils sedéclarèrent ses serviteurs religieux. Le saint mara-bouth reçut leurs remerciementsavec sa modestie

ordinaire; seulementil leur fit remarquer que, danscette affaire, il n'avait été que le délégué,l'intermé-diaire du Tout-Puissant. C'était donc à lui qu'ilsdevaientleurs actionsde grâces.

Page 407: Trumelet Algerie Legendaire

MXVM. 8!N Et.-RaEtFA-BEN-aN-YABTA 3M

Apres avoir opéré d'actes miracles qui, évidem-

ment,m'avaientpoinU'itBport<mcede celui quenousvenons de rapporter, Sidi El-KheICamourut comblé

d'ans, de biens et de bénédictions.Sesenfanta,aidea

par les Bni-Slitnan,lea Bni-Hacenet les Hacen-hen"

Ali,lui élevèrent une splendidekoubba sur le terri.toire dea Cheuria,auquelH appartenait, et {temira-culeuxchapeletquiavait servià la défaitedesAdaoura,et dont les grains avaient été pieusement recueillis,fut suspenduà la tête du <«&oM<renfermantles restes

précieuxde l'impitoyablesaint.SidiEl-KheMa-ben-Sidi-Yahyaest l'ometde la véné-

ration de toutes les tribusdu Tithri, où il comptedenombreuxserviteursreligieux.

XXXIX

SIDI AHMED-BEN-IOUCEF

Sidi Ahmed-ben-Ioucef,qui vint terminersalonguecarrière àMeliana,est un dessaintsles plus populaireset les plusvénérésdo l'Algérie.Savantdanstoutesles

sciencesdeson époque,possédanttoutes les connais-sances humaines dont les Moresd'Espagne avaientété les conservateurs,ayantporté au plushaut degrél'art d'enseigner,d'une piétédes plus ferventeset des

plus rigides,vertueux commeon ne l'était guère deson temps,joignant a cesdons un esprit d'une caus-ticitê qui allait quelquefoisjusqu'au sang, et dontilse servaitpour cinglerlesvicesde ses contemporains;

Page 408: Trumelet Algerie Legendaire

408 t'AMËMRt.6f)8!)M!RE

,aveccela, thaumaturgejusqu'au bout des ongles,etno faisant guère usage de son pouvoir surnaturel

qu'en faveur des pauvres et des malheureux; sansceMOen voyagepour la causede Dieuet te service~e l'Islam, et laissant sur chacune des villes qu'ilyisitait desdistiquesqui sont devenusdes dictonspo-pulaires, et qui attestent qu'il ne faisaitpas toujoursbon d'irriter ïe saint marabouthou de s'attaquerlui; toutescescauses,disons-nous,ne pouvaientman-

quer de faire de SidiAhmed-ben-ïoucofl'o«aKle plusconnu et Je plus souventcité dans les provincesdwcentreet do l'ouest de l'Algérie.

Sidi Ahmed-ben-Iouceffut un de ces Moresanda<tous qui, chassés d'Espagnepar lespremiersdécrets

d'expulsion,vinrent se réfugierdans cette grandepé-pinière de saints de Saguiet-El-Hamraque nouscon-naissons.Il quitta cet établissementreligieuxvers lafin du XV siècle de notre ère, et prit la directiondol'Est avec quelques-unsde ses compagnonsenvoyéségalementen missiondans cette région.

SidiBen-Ioucef,quin'avaitpointdedestinationbien

précise, s'arrêta dans les provincesde l'Ouest,visitantsoit les principauxamiiés de l'ordre de SidiAbd-el-

Kader-EI-Djilani,dont il avait toute raison de croirela foi-en tiédeur, soit les populationskabiles, chez

lesquelles, avec l'élément arabe, il voulait faire pé-nétrer plus avant lesprincipesde l'Islam,ouchercherà augmenterle nombre des adeptesdu vénéré saintde Baghdad, dont nous avons raconté plus haut la

légende.Lesaint marabouthfit un séjourdequelquesannées

Tiemsan.'et dans ses environs; à mesureque.mar-'chait sa besognespirituelle,il s'avançaitde plus en

plusvers l'Est. C'estainsi que nous levoyonssucces-sivement à Mâskara,chez les Hachem-R'eris;à Mos-c

Page 409: Trumelet Algerie Legendaire

XXXtX. SMMA~MEB-BEK-MWCEP 4M

taghanem, Maxouna, Tenôa,&Meliana,à Médea,a Blidaet àCherché!.

Le saint marabouthn'eut sans doutepasà se louerde l'accueil qui lui fut fait &Mascara, car Hc'y sé-journa que peu.de temps, et, en quittant cette ville

mhospitaUôre,il lui laissait ces deuxdistiquest

« J'avaisconduitdes friponsjusque dans l'enceintedo

M&skara,« Et ik se sontsauvasdansles maisonsdecelteville.« Si tu t enconht's que~u'unde ~ms,dener et dosale,«Tupeuxdire C'estun desenfantsde Maskava.

Les Ilachem-R'eris, tribu & laquelle appartientï'Ëmir Abd-eI-Kader, no furent pas ménages non

plus par le vindicatifmarabouth, car il en dit ceci

« Unepn*'cofausseestmoinsfausse«Qu'unhommedosHachem.»

Il quitte Mostaghanemen faisant à seshabitantsla

réputation d'être portés sur leur boucheplus qu'ilneconviendrait:

« Mostaghanem,dont leshabitantsse hâtentde relevertes quartiersdeleursbeir'a',

« Pourcourirplusviteâpresun bonmorceau.»

L'hypocrisiedes gens de Mazounaleur vaut unemalédictionde la part du saintmarabouth

Les6e~<!aontdelargespantouflesdepeaujauneouronge,et donttesquartiersne sontpasrelevéshabitqellement.

Page 410: Trumelet Algerie Legendaire

4M t.'AMËNŒNË6EHBAW8

«Pleinsd'unbeauzèlepeur le pèlerinage,ilsy emmo-nontleursvieillardset leurs enfants;

«Maiseux et tews biensserontdévorespar te tondet'Enter.~

Pasplus queMazouna,Tenèsn'eut le don de plairaà SidiAhmed,car il cracheen ces termes son dégoûtsur cetteviMe:

« Tencs,villebaUosurdu fumier;«Soneauestdu sang,« Sonair estdu poisonr

« ParDieu!Ben-ïoucefnopasserapas« Uneseulenuit danssesmurs1»

Nous dironsplus loin dans quelle circonstancelesaint marabouthlança cette injure méprisante à lafacede la populationde Tenès.

Melianamême,la villechérie du saint homme, et

celleoùil voudraquesoientdéposéssesrestesmortels,ne trouve pas grâce devant l'inexorablecritique; il

la fouaillecommeles autres. Udit de cettecharmanteville:

« Lesfemmesy commandent,« Etles hommesy sontprisonniers,»

Toutesses caresses,au contraire,sont pour Médéa;il est pour elle d'unegalanteriereligieusesanségate.Avant de quitter cette ville de l'orthodoxie, il lui

adressececompliment:

« Médéata biendirigée(dansla voiedel'orthodoxie);« Sielleétaitfemme,«Jen'envoudraispointd'autrepourépouse;« Sile maly entrele matin,il en sort1~s<nr,u

Page 411: Trumelet Algerie Legendaire

XXXM. StMAOMEa-BEN-MUCEP 403

Sidi Ben-Ioucef est également charmant pour Blida,

qu'il trouve tout à fait de son goût. Son distique sur

cette ville des jfleura et des orangers est tout simple~ment un madrigal

« Ont'a appelée la Petite Ville« Moi,je te nommerai une Petite Rosé. »

Mais le saint marabouth retombe dans toutes ses

colères à l'égard de Cherchel, dont l'accueil lui a

'paru peu empressé, et surtout peu digne de sa répu-tation de science et de sainteté. En quittant cette ville

de forgerons, il lui jette cette injure a la face

« Vilaineville do Cherchel,« Si tes rues sont grandes« Et tes marchés spacieux,« Tu es peuple, en revanche,« De gens avares et sordides.«Levoyageurqui n'est ni marin, ni forgeron,

« N'a rien de mieux a faire que de s'éloigner de tes

murs. »

Dans toutes les villes où il avait séjourné, ou par

lesquelles il avait passé, ce fut certainement de Tenèsdont il eut le plus à se plaindre. Un certain tour quelui jouèrent les Tenésiens, et qu'il ne leur pardonna

jamais, fut la cause de la haine qu'avait vouée Sidi

Ben-Ioueef à. cette population tarée jusque dans ses

moelles, à ce repaire d'impies, à ce nid de voleurset de pirates, que le saint marabouth maudit d'ailleurs

des deux mains. Nous allons démontrer que, cette fois,l'OMa~n'avait pas tous les torts.

1.El-Blidasignifiela pp~/eville,la p<KeMe.

Page 412: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMtÉMR ~BEKfAMB404

Confiantdansson caractèresacré, SidiAhmed-ben-Youcefs'était aventuré chez les Tenésienapour ysemer la parole divine,bien qu'il n'ignorâtpas pour-tant que leur oreille n'était ouverte qu'aux conseilsde l'esprit du mal. En effet, cette populationrepré-sentaitla plusjolie collectionde coquinsqu'ilfut pos-siblederencontrer.Necroyantni à Dieunia diable,seriant deschosessacréeset des délèguesdu Tout-Puis-sant sur cettemore de la puanteur, qui n'est autrechose que ie monde terrestre, pourris de~vices les

plus infects, aussi tarés au physiquequ'aumoral, les

Tenésiens,vrai gibier d'enfer, n'étaient évidemment

point des gens bien préparés pour recevoirla grainede l'Islam. Il est vrai de dire que c'est précisémentcette difficultéqui avait décidéSidiBen-Ioucefà ten-

ter l'aventure de leur conversion,ou, tout au moins,de leur amélioration.Sans doute, le Paint hommene

se dissimulaitpas qu'il avaitpeu dechancesderéussir

dans sa pieuse entreprise; mais que voulez-vous?l'oualine connaissaitquele devoir,et, sa récompense,il la trouverait dans la satisfactionde sa conscience.Celalui suffisaitlargement,car il n'était point du toutintéressé.

Eh bien voyezun peu ce que c'est d'autres queles Tenésienseussentété enchantésqu'un saint de lavaleur de Sidi Ben-Ioucefdaignât les visiter et s'en-tretenir avec eux des petites aNaires.de leurs âmesdes gens de cœur et de quelque sens se fussentesti-méson ne peut plus heureuxqu'unEnvoyéde Dieusefût donnéla peinede se dérangerpour leur donnerlamanièrede faire leur salut, et de traverser le ~M'atA1

sans accident; mais cespervertis,au contraire, réso-

t. S«*<!<~fameuxpont,mincocommela lamed'unrasoir,surlequeldevrapasserlegenrehumainaujourdelaRésur-

Page 413: Trumelet Algerie Legendaire

XXXtX. SIDI AaMRB'BNN-tQ~t~F 40S

lurent de bafouerle sainthomme,et de s'assurer, enlui tendant un piège des plus grossiers,s'il jouissait,ainsiqu'on l'aOlrmait,du don desmiracles.Ils ne pa<raissaientpointaodouterlemoinsdu mondequel'imam

Es-Soyouthia dit « Celuiqui met à réprouve unhomme éprouve (un homme d'expérience)pourraitbien s'en repentir.M

Voici donc ce que ces vicieux imaginèrent pouressayerde tromper Sidi Ben-Ioucof ils lui Srent ser-vir un chat dont ils avaientenlevéles partiescompro-mettantes, et qu'ils avaientfait accommoderen gibe-lotte par io meilleur~eM<A (cuisinier)deTenes.Ilfallait certainementêtre très fort connaisseuren gi-bier pour s'apercevoirde la supercherie;mais le saintne mit pas deuxheures Aflairer le piègeque lui ton-daient les Tenésiens,et celad'autant mieuxqu'il n'a-vait pas le mérite de la nouveauté car les gens de

Buugie, nous nous le rappelons, avaient déjàessayéde jouer un tour à peu près semblableà Sidi

Bou-Djemlinen lui servantunepoulequin'avaitpointété égorgéeselonla formulereligieuse;les Tenésiensn'avaient donc pas eu &faire de bien grands efforts

d'imaginationpour trouverleurgrossièreplaisanterie,Ils en furent, il est superflude le dire, pour leurcourte hontedans cette affaire,attendu queSidiBen-loucefn'eut,mêmepas besoin de faire usage de son

pouvoir surnaturel pour reconnaître que l'animal

qu'on lui servait n'avaitjamais de sa vie appartenuàla tribu des léporidés.ÏI est clair qu'il existeassezde

différenceentre un lapin et un chat, celui-cifAt-il

accommodéengibelotte,-pour qu'un observateurne

puisse pas s'y tromper, et, certes, Sidi Ben-Ioucef

rectiondescorps.LesÉlusietraverserontaveclarapiditédel'éclair,tandisquelesRéprouvesy trébucheront,etserontpré-cipitésdans

l'Enfer. 23.

Page 414: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM~OE ttŒMBAM!405

moinsqu'un antre, car il était d'une toreo supérieureen histoirenaturelle. Il ae laissadonc servir la bête.Les impies, lea uns cachéset lesautresdansla aaBeou le s~int devait prendre son repas, attendaient

hypocritementl'enet de leur ruse, et ils s'apprêtaienta en rire et à en faire des gorgeschaudes. Mcrurentmêmeun instant quele saintallait s'ylaisser prendre,car il avait tire son MeM< de sa gaine,et, saisis-sant la bête par unepatte, il s'apprêtaità la découper,

le saint marabouthdécoupaittrès bien,–lorsque,tout &coup, il lançad'une voixaussi tonnantequ'indi-gnéeun formidable «<So&/?, interjectionusitéepourchasser los chats pris on nagra-ntdélit de larcin, L'a-nimal en fut tellement effrayéque, tout firicasséqu'ilétait, il rentra subitementdans sa poau;puis, repre-nant sa tate et ses yeux et lesautres attributs doson

espèce, il nia comme un trait en passant entre les

jambesdes Tenésiens,remplis, -on le pensebien,do stupéfaction.

C'est alors que Sidi Ahmed-ben-toucef,s~ levantavec cette lento majestéqui ne l'abandonnaitjamais,sou0!etasesméprisablesbotesdecettesanglanteinjuredont leursdescendantsmêmesne sontpasencorepar-venusà se laver entièrement

« Tenês,villebâtiesurdu fumier;« Soneauestdu sang,« Sonair estdu poison!1

«Par Dieu!Ben-toucefne passerapas« Uneseulenuit danssesmursa»

Aprèscette terribleobjurgation,SidiBen-Ioucefre-

i. Couteauarabeneaefermantpas.

Page 415: Trumelet Algerie Legendaire

XXXtX. –StM AaHB~-B~N-tWCBP 4~f

monta sur sa mule et quitta, sans esprit de retour,une ville dont il venait de flétrirla populationd'une

façonaussi méprisante.Vouscroyezpeut-êtrequ'après un miracle de cette

importance, les Tenésiens,rentrant en eux-mêmesets'avouant leurs tortsi vont se précipiteraux piedsdusaint et solliciter son pardon? Ahvous ne les con-naissez guère, ces tarés, ces enfants du pèche! Du

reste, ce n'est point ta un fait nouveau, de tout

tempsles EnvoyésdoDieuontétéméconnus,batbués,insultés, repoussés par les peupladesqu'ils avaientmissiond'avertir; tel fut le sort, en effet,duprophèteChoaïbchez les gens do Madian, du prophète Houd

auprès do ceux d'Aad, du prophète Salah avec les

gensdo Temoud,et du prophète Louthavec ceuxdo

Sodome,de Gomorrhe,etc. Aussi,qu'arriva-t-ilà ces

impies, à ces incrédulesqui avaient traité les signesdivinsde tromperiesetdo mensonges?LosMadianites,lesAaditeset les Temouditesfurentengloutis&la suited'une commotionde la terre. Quantaux gensdes cinqvilles de la mer Morte,ils furent exterminéssouslesruines do leur demeures,détruitespar !o feudu ciel.

Eh bienmalgré ces épouvantablesexemples,lesavertis n'en persistèrentpas moinsdans leur impiétéet leur incrédulité, contraignantDieu à se répéter à

chaque instant dans ses châtiments;et les Tenésiensdevaienten faireencoreuns foisla terribleexpérience.Furieuxde la façondontvenaitde les traiter SidiBen-

ïoucef,ces aveuglesse mirent à la poursuitedu saintdans l'intention évidente de lui faire un mauvais

parti; peut-êtrevoulaient-ils,à l'exempledesTemou-dites à l'égard 'de la chamelle de Salah, couper les

jarrets de la mule du saint marabouth,afindel'empê-cher de poursuivre sa route. Bs en étaientbiencapa-bles. Quoiqu'il en soit, SidiBen-Ioucer,qui était très

Page 416: Trumelet Algerie Legendaire

4oa t.'AM!~MEt~CRNMmE

bon, ne voulut pas, évidemment,faire usage de son

pouvoirsurnaturel pourpunircommeils le méritaientceuxquile poursuivaienten I')n;uriant car rien neluiétait plus facile que de s'en débarrasser,soit en lesclouânt au sol, soit do tout autre façon; le saint, di-

sons-nous,qui necroyaitpas devoiren arriver à cette

extrémité,avait mis sa muleau galop maisla pauvrebête, à laquelle cette aUuron'était rien moinsque fa-

milière, s'abattit a la descentede runo des pontesar-

gileusesqui descendentsur l'ouad Aliala,point qui,du reste, a consorvôle nomde Madourt-Sidi-Ahmod"bon-Ioucef.C'en était faitdu saint, et tes Tenésiens,

qui l'avaientjoint, allaientimmanquablementle saisir

par son bernous.Il n'y avaitplus Ahésiter,et Dieuno

pouvait permettre que do pareils misérables com-missentl'horrible sacrilègede mettre la mainsur sonélu. Aumomentoù ils tondaientle bras pour s'empa-rer de Sidi Ben-loucef,qui, du reste, avait très habile-mentrelevésa mule,unecrevasseseproduisitsponta-némentsous lespiedsdesTenésiens,et se refermasureux. Ils avaient tout simplementété engloutis.Nous

ajouteronsqu'on n'en eut jamais de nouvellesdepuis,et celamalgrélesquelquesrecherchesqui furentfaites

par leursfamillespoursavoircequ'ilsétaientdevenus.Unberger, témoinde ce miracle,s'empressade le ra-conter ce fut un grand soulagementpour les parentsdes engloutis, en ce sens qu'étant fixéssur leur sortil leur devenaitabsolumentinutilede continuerleurs

investigations.Nous devonsdire, pour rendre hom-

mageà la vérité, que leurs regrets furent bien moinsamers qu'on aurait pu le supposer; à bien prendre,ils n'avaient pas fait là unebiengrandeperte.

Après cette aventure, Sidi Ahmed-ben-Ioucefre-tourna à Meliana,où il résolut de se fixerdéfinitive-ment. Il y fondauneZaouïa,où il formade nombreux

Page 417: Trumelet Algerie Legendaire

409XXXK. 8!B<ABNEB-BEK-ÏWCEP

~eMa, auxquelsil donna la missionde continuersonœuvre de prosélytismeet de propagande religieuse.Quelquesmarabouthaillustress'honorèrentd'avoir6Mses disciples,et d'avoirbu, auprès delui, au calicedotoutes les connaissanceshumaines.Sidi Mohammed-Ech-Cherif,le célèbreoMe~td'Ei-Kai&adesBni-Rachid,entre autres, s'enorgueillittoujoursd'avoirété l'élèvede Sidi Bon-Ioucef,et il le répétait à qui voulaitt'en-tendre. Cefutce saintmarabouth,–qui avaitle dondelire dans le Livredol'avenir aussifacilementquedansun livre ouvert, quiprédit, si longtempsavantFac-

complissementdu fait, que les mosquéesde Tiomsan

et d'Ei-Kaiaaserviraientd'écuries à la cavaleriedes

mécréants,c'cst-a-diredes Espagnols,sacrilègequi se

consomma,en effet,en l'an 924de l'hégire (i8i8). En

prévisionde cet horrible sacrilège, Sidi MohaMuned-Ech-Cherifentraitun jour dansla mosquéed'El-Kalaales pieds nus et souillésde la boue du chemin, et

s'écriait, navré de douleur « Je veuxprofanerainsicette mosquéeavant que les Infidèlesne la souillenteux-mêmes.? »

Enfin, après une longue et fructueuse existence,

après avoir vu refleurir l'arbre de l'Islam dans unecontréeoù il était fort compromis,Sidi Ahmed-ben-loucefs'éteignit doucementsur le lit du respectet de!a vénération.Sa dépouillemortelle fut déposéedansla Zaouiaqu'il avaitfondée,et qui, depuis,fut trans-formée en mosquée. Lors de l'occupation de Me-liana par les Français, ce <~<t?M<!fut converti en ca-

serne maisnos soldatsfurent bientôt victimesde cetaffreuxsacrilège deslégionsinnombrablesde punai-sesvenaientlesy assaillirtoutesles nuits,et leurtirer

beaucoupplus de sang que leur maigre ordinaireneleur en produisait. Dès que les infortunés soldats

avaientéteintleurs lumières,et qu'ils commençaientà

Page 418: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AM~a!E ~CENBAME4M

goûter un repos que souvent ils avaient chèrement

acheté,ces infects et nauséabondsréduviensse lais-saient tomberduplafondpar milliers,ou accouraientavecune vivacitéextrême, soit desboiseries,aoitdes

paillassesou matelas, a la curée chaude desmalheu-reux qui leur étaient ainsi livrés en pâture. Tousles

moyens employéspour combattre ce hideux ctMe.p~e<«<faWMSfurent absolument ineMcaces.Enfin, àbout da lutte et d'expédients pour se maintenirdansla place, nos soldats,vaincussur toute ia ligne,se vi-r<~ obligésdel'évacuor,et do rendreà SidiBon-ïoucefla jouissancepleineet entièrede sa dernièredemeure.Les indigènes meHaniensne doutèrent pas un seulinstant de l'interventiondo leur saint marabouthdanscette affaire. Quelque temps oprès, cette mosquéeétait rendueau jitc musulman.

Nous le répétons, les restes précieux de l'illustreOKaMSidi Ahmed-ben-Ioucofattirent de nombreux

pèlerinssur sontombeau.Dureste, la piétéconstantede ses &Ao<Maatdes deux sexes s'est maintenuejus-qu'icipar de fréquents miracles, dont la plupart se

rapportent a des cas de médicationtout à fait intime.En effet, hommes et femmes sont sans cesse auxtroussesdu saint pour qu'il accorde aux uns la puis-sancede satisfaireau vœudesautres.Maiscommelesfaveurs sollicitéesne sont généralement accordées

qu'à desgenspurs et de mœurslimpides,il en résulte

que le plus grand nombreest obligéd'y renonceroude s'enpasser.

Page 419: Trumelet Algerie Legendaire

SIDIMOHAMMED-EL-M'OBMM'1

Nousl'avonsdéjà dit, la grande rabiha (monastère)de Saguiat-El-Hamralança, il y a prèsde quatre cents

ans, et plus tard, une nuée de missionnairessur la

portionde l'Afriqueseptentrionaleque nousoccuponsaujourd'hui. Le but de ces Envoyésétait do pénétrerdans les montagneset de prendre pied au milieu des

populationskabiles,aun d'y tenter la revivificationdela foimusulmane,qui y était on ne peut plusbas, etde recruterdes adeptesa l'ordre de Sidi Abd-el-Kader-

El-Djilani,confrériereligieusequi a toujourscomptéun grand nombre d'aCUiésen pays arabe,mais que,faute d'y avoiraccès,les marabouthsarabes n'avaient

pu propageren pays berber.Ces missionnaires,qui possédaientla scienceet la

foi, s'étaientpréparésà leur missionpolitiqueet reli-

gieusepar des étudesspéciales,et par des pratiquesd'un ascétismequelquefois~exagéréqui leur rendaitfacilela vie de misère,de privationset de mortifica-tions à laquelle ils allaient devoir se soumettre carc'étaitavecla clefde la religionqu'ils comptaientou-vrir les portes que leméQantKabiltenait si rigoureu-

t. Nousavonsempruntéunepartisdesdétailsde cettelé-gendeà unintéressanttravaildeM.t'interprètemilitaireGuinsurla familledesR'obrinideCherche!.

XL

Page 420: Trumelet Algerie Legendaire

!AMÉHH! tÉSENBAt~4i2

sementferméesà l'Arabe,c'est-à-direau maîtredola

plaine, à l'ancienconquérant.Lesmissionnaireschargés da l'accomplissementdo

cetteœuvres!grandeet si délicates'étaientappliqués,pour la plupart, à tuer la chair au profit de l'esprit.C'était, du reste, le seul moyende parvenir,selon tedésirexprimépar ces ascètes,à converserouà s'entre-tenir avec Dieu;Hfallait, d'ailleurs,frapper l'imagi-nation despopulationsgrossièreschezlesquellesilsse

proposaientd'opérer, et, pour cela,rien n'estmeilleur

que l'exemple.Généralement,cesmissionnairesquittaientla Zaouia

de Saguiet-Ei-Hamrapar groupes, dont chacun desmembresqui les composaientavait une direction etune destinationbien déterminéeet un but précis.Un

jour, au commencementdu XVIesièclede notre ère,un groupede trois religieuxsemettaientenroute avecmissiond'allervisiter les khouan(frères)del'ordredeSidi Abd-el-Kader-El-Djilaniappartenant aux tribusarabes du Cheurg(Est),de faireune propagandedes

plus actives pour recruter de nouveauxadeptesà laconfrériede l'illustreet vénèreMoula,'Baghdad,lepa-tron de Baghdad,et de chercherà pénétrer dans lesmassifsberberspour rallumer,parmi leurs grossièreset ignorantespopulations,le flambeaude l'Islam, qui,à vrai dire, n'y avaitjamais beaucoupbrillé.Cestroismarabouths propagandistesétaient SidiAbou-Abd-

Ellah, qui avait reçu pour destination la vallée duChelefInférieur et les montagnesde sa rive droite,SidiMohammed-Ech-Cherif,qui étaitdirigésur la Ka-bilie du Djerdjera, et Sidi Mohammed-Ei-R'obrini',l'ancêtre de la familledont nousallons nousoccuper,

1.BM!'o6fUM,c'est-à-diredesOaM-R'ebaremoudesR'ebamaduMarok.

Page 421: Trumelet Algerie Legendaire

XL. StM MOaAMMEB-'Bt.'R'OBRtM 413

qui se rendaità Cherchel,avecJoï~ebel-Chenouapourobjectif.

Dèssonarrivée à Cherchel,SidiMohammed-El-R'o-brini s'étaitprésentéà la populationde cettevilleavecle caractère dont il était revêtu, c'est-à-direen mis-sionnairedol'Islam et enfrère del'ordre deSidiAbd-

el-Kader-El-Djilani,et il avait entamésansplus atten-dra sa pieusepropagande par des prédicationsqueson éloquencerendaitdosplus attrayanteset desplusentratnantes car il passait, ajuste titre, à Saguiet-El-Hamra,pour un tMOM<e~e~eM<!Mt'des plus distingués,et surtout des plus abondants.Nous ne voulonspasdire pourtant qu'il fut de la forcede Sahban,de latribu des Ouatel,quiharanguait une assemblée pen-dant une demi-journée sans se servir deux fois dumêmemot. Sidi El-R'obrinilui-même, il poussaitla modestiejusqu'à l'excès, ne le pensait peut-êtrepas; mais, ce qu'il y a de certain, c'est qu'en très peude temps il avait collectionneun nombre considé-rable d'adeptes qui s'étaient empressés de lui de-mander l'oMM't!et le <Mw do SidiAbd-el-Kader-El-

Djilani, c'est-à-direleur initiationà l'ordre de ceSul-tan des Saints. Il faut dire aussique, toujoursparl'effet de sa modestie, n'ayant qu'une médiocreconfiance dans ses moyens intellectuels, il avaitdemandéles conseils d'un saint et vénéré marabouth

d'Alger, l'illustre, le docteurde la véritable science,le pontife de la voie orthodoxe, le cherif dont leminaret s'élèvedans le cielde l'émmentenoblesse,deSidi Mahammed-El-Kettaniennn, lequel, du reste,

i. Éloquent.2. Nousrépétonsquel'ouirdestl'aNHation,et le <M~'h

prièreparticulièreà l'ordrequedoiventréciterleskhouanunplusoumoinsgrandnombredefoisparjour.

Page 422: Trumelet Algerie Legendaire

4M t.'AM)SMBJUËQBMMME

avait été désignéà Sidi El-R'obrini,par les chefsde

Saguiet-N-Hamra, commele Mo~a~efeM~c'eat-a-direcommele chefspirituelde l'ordre, à Alger.

L'existenceterrestre de SidiMohammed-El-R'obrin!se partagea entre le prosélytisme,les œuvrespies etune grandeabnégationde soi-même;c'était d'ailleursun homme simple,trempHde vertus et absolumentdévoueaux intérêtsde son ordre. Le saint marabouthen fut récompensépar le don des miracles. Nous

pouvonsdire qu'il n'en abusa pas, car la traditionn'en a conserve!e souvenirque do fort peu, et encoresont-ils d'une simplicitéqui n'a pas grand'chose demiraculeux. Nousnousdispenseronsdoncde les rap-porter.

QuandSidi EI-R'obrinisentit sa fin approcher, il

appelaauprès de lui sonjeune 61sBraham,qui,alors,suivait les doctesleçonsde SidiMohammed-ben-Ali-

BaMf.ut,cet illustre et vénérémarabouthdesMedjadjaqui devaitpérir quelquetemps après de la main du

révéré, de l'excellentSidiBen-Chàa-EI-Habchi,lequel,il fauten convenir,fut peut-êtreun peu vif dans cette

circonstance;il est vrai qu'il s'en est bien repenti plustard. LorsqueSidi Braham fut accouru au chevetdeson père, celui-ci lui dit « Mesyeux vont se clore

pour toujours. J'espère trouver dans le sein de Dieutoute la miséricordedontj'ai besoin.J'avais reçu unemissionà laquelle je me suis voué corps et dme; il

t'appartient de te rendre dignede la continuer. Dès

que je ne serai plus, tu te rendras à Alger, et tu te

présenterasau savant et illustremokaddemde l'ordre,Sidi Mahammed-El-Kettani,à qui tu demanderaslafaveurde suivre ses précieuseset doctesleçons.Quoiqu'il arrive, ne te rebutespas, car, je t'en avertis, le

tempsdes épreuvespourra être long et difficile.b

Après avoir fait connattreà ses fils ses dernières

Page 423: Trumelet Algerie Legendaire

Xt. StN MOBAMMEB-Bt.-R'OBMM 4i3

volontés, Sidi Mohammed-El-R'obrinidépouilla son

corps, qu'Hlaissa à la terre, et son âme s'élançaparles asbab M-.Sma les voiesdu ciel, versle séjourdesFM FJ-~CMM~les Bienheureux.

Untombeaului fut élevé,en avant de Bab-El-Dzer,par les soins des khouan de l'ordre, dont il avait étél'un des plus ardentspropagateurs.

Dèsson arrivéeà destination,le saintavait sollicitédu Très-Hautune mince faveur,qui lui fut accordéegénéreusementet sans la moindredimculté: c'étaitde

préserver de tout mal les gens qui se laisseraient

choir, même par maladresse, dans le profondravin qui avoisinesa dernière demeure ici-bas. Lefait est que les Musulmans, cela ne concernepasles Chrétiens, peuventrouler impunémentdans les

profondeursde l'ablme quelquesCroyantsprétendentmême qu'arrivés au fond, les .Sa~e&! rebondissentcomme une balle élastique,et sont remis intacts surleurs jambes à la lèvre du ravin; ils évitent ainsi la

fatiguede l'ascension.Quoiqu'il en soit, et malgrélesdouceursde la chute, il est avéré queles Musulmans,

mêmelespluspurs, prennent toutes les précau-tions possiblespour l'éviter. Nousferonsobserver,à

propos de l'innmité de la faveur posthume accordéeà Sidi El-R'obrini,que Dieua un faibletrès prononcépour les saintsmodesteset discretsdansleurs sollici-

tations, et qu'il les préfère de beaucoupà ces ouali

pleins d'ostentation qui, à propos de rien, boule-versent le ciel et la terre; après cela, c'est tout une

affairepour remettre les chosesen ordre dans la ma-

Les as&a&es-Sma,onvoiesdu ciel,sontles degrésparlesquelsonpénètredansla célestedemeure,et aumoyendes-quelsons'yhissecommeà l'aidedecordes.

2.Lesgensdebien,tesgensvertueux.

Page 424: Trumelet Algerie Legendaire

4i6 t'AMËME~CEttDAtNE

chine de l'univers. On ne nousétonnerait pas si, un

jour oul'autre, on venaitnousdire qu'ilsen ontcasséle grand ressort.

XLI

SIDI

BRAHAM-BEN.SIDI.MOHAMMED-EI~R'OBRIN!

DèsqueSidiBrahameut rendu les derniers devoirsà celui qui avait été son père, il fit un paquet de ce

qu'il possédait, c'est-à-dire de ce que son père luiavait laissé, cen'était pas lourd, et il se mit enroutepourAlger.Aussitôtson arrivéedans la capitalede la Régence,il se rendit à la Zaouïa de Sidi Ma-

hammed-El-Kettani,et demandaà êtreprésentéà l'il-lustre et savant marabouth, à qui il se nomma,en luifaisant connattre en même temps la causeet le butde sonvoyage. Or, Sidi El-Kettani,tout savantqu'ilétait, avait la réputationde ne pas être desplus com-

modes, surtout quand le temps allait changer; dansces moments'Ia,il devenaitabsolumentimpraticable,surtout pour ses inférieurs.Lejeune Brahamtombait

justement au milieu d'un de ces accès de mauvaisehumeurdu saint; c'était jouer de malheurvraiment.Aussi fut-il reçu, bien qu'il eût dit qui il était, de la

façonla moinsencourageante,surtout pour un jeunehomme timide et sans aucune expériencedu monde,et de ces gens qui semblent y avoir été jetés tout

exprès pour tourmenter leurs contemporains.Non

Page 425: Trumelet Algerie Legendaire

XU.–8!M BBABAM-BBN-Sïet-HOBAMMEB-Et.-R'OBMM4H'l

seulementSidi El-Kettani,après l'avoir fait attendreun sièclea la porte, dit au jeune Brahamles chosesles pius désagréables,maisencore il le repoussadu-rement et lui fermasonhuis sur le nez.

Maisle jeune thaleb, qui n'avait point oublié lesrecommandationsde son vénéré père, ne se rebuta

point; loin delà, il s'était juré d'y mettre tout l'entê-tement nécessairepour arriver à fléchir ce saint si

dépourvud'amabilité. Il s'établit donc à sa porte etse mit à psalmodier, sur le ton pleurard des men-

diants, ses supplicationset sesprièrespour qu'ill'ad-mit parmi les élèves de sa Zaouïa.Cettepersistancede l'infortuné Braham finit, au bout de quelquesjours, par exaspérer Sidi El-Kettani,qui, pour sedébarrasser de cet opiniâtre solliciteur, voulutbienentrer en explicationsavec lui pour tâcher de lui

démontrerqu'il ne pouvaitabsolumentrien pour lui« Aquoipeux-tudonc prétendre, toi, qui n'es et quin'as rien? lui dit brutalement, et sans y aller par

quatre chemins,le rigideprofesseur; tu comprendsbien queje ne saurais,sans créer le plus fâcheuxpré-cédent, te faire l'aumônede mes leçons,niy ajouter,par-dessusle marché,la nourrituredu corps,le vête-ment et le logement.Ici, tout sepaie fort cher, et maZaouïa ne peut recevoir que des élèves dont les

parents sont suffisammentpourvus des biens de cemonde pour acquitter les frais d'études de leursenfants,»

Le jeune Braham, qui comptait beaucoupsur leDieuunique pour l'aider à payer ses dettesd'études,répondit avecassezd'aplombà SidiEl-Kettanique cedétail ne devaitpas l'inquiéter, que leTout-Puissantsaurait bien tirer d'embarras son serviteur;« c'étaitlà son devoir, ajoutait le jeune R'obrini car, aprèstout, s'il voulait qu'il travaillât dans l'intérêt de la

Page 426: Trumelet Algerie Legendaire

n'AMiÊMËt.ÈCBN&AMtE4M

religion,il devaittout naturellementlui en fournir les

moyens.»La persistance de ce jeunehommeà vouloirrece-

voir les leçonsdeSidi El-Kettani,sa boMMmine et laforcede volonté qu'il montrait depuis son arrivéeà

Alger,et celamalgréle mauvaisaccueilqu'il lui avait

Mt, ces raisons finirent par vaincrela résistance del'illustremarabouth, et par entrebaiHeraujeune tha-leb la porte de l'espérance.« En considérationde la

profondeestime dans laquellej'avais tonvénèrepère,lui dit-il,je consentiraisvolontiersà t'admettreà ma

Zaouïa,maisà la conditionque tu me rembourseraisles frais d'études et d'entretien que tu m'aurascoûtes,»

SidiBrahampromit tout ce que voulutSidi El-Ket-

tani il s'engagea mémo, qu'est-ceque celalui fai-sait ? à désintéresserlargementle saintprofesseur;il accepta,en un mot, toutesses conditions.Il put dèslors continuer,auprès de SidiEI-Kottani,les études

qu'il avait Mbien commencéesauprèsdu marabouthdes Medjadja.Ses progrès furent on ne peut plusrapides, et Jl fut cité bientôt commel'élève le plusremarquablede la Zaouiade SidiMahammed-EI-Ket-tani.

Maisl'annéevenaitdeRnir,et SidiBrahamgardaitlesilenceleplus obstinérelativementau payementde sa

pension.Pourtant,lesaintdirecteurdelaZaouïan'avait

pas perdu devuecedétail, qui l'intéressaitplus qu'onnesauraitledire.Déjà,à plusieursreprises,il avaitfait

quelquesallusions assez piquantesà ce sujet ainsi,très souvent, il prenait pour texte de ses leçons ces

parolesdel'imamEs-Soyouthl a Gardez-vousd'avoirdes dettes; elles sont une causede souci pendant lanuit et de honte pendant le jour. » MaisSidiBraham

feignaitde ne point voir là-dedansune personnalité,

Page 427: Trumelet Algerie Legendaire

XU.–SÏM BMBAM-BEN-SttX-MOBANNËB-Et.OBMM 4M

et il continuaità ne pas payer. Commentl'eut-il faitd'ailleurs? il n'avait pas seulementun /e~' dans sa

Me~fM~a Enfin,Sidi El-Kettanise décidaà aborderla questionplus clairement,et à menacerSidiBrahamde te mettre en vente comme esclave,s'il ne prenaitses mesurespour s'acquitter de sa dette dansle plusbref délai.

Cette menace n'émut point le jeune thalebautant

que Sidi El-Kettanieût pu le supposer.Résignéà sonsort commeun parfait Musulman,SidiBrahamrépon-dit à son chikh avec une douceur angéliquo a Je

t'appartiens tu me possèdes entièrement; fais doncde moi ce quebon te semblera.?»

Cette réponse ne désarma point le saint et impi-toyablemarabouth d'Alger,lequel tenait absolument,

pour le principe sans doute, à rentrer danssesfonds.Aprèsavoir exposéplusieursfoisson élevésurle marchésans trouveracquéreur, il finitpar le céderà un Turk,maispour un prix bieninférieur&celuidela valeurréelle du thaleb. CeTurk l'employade suiteaux travaux des champs.

C'està partir de cejour, où il fit abnégationde lui-mêmeà ce point de consentir sansmurmurer à subirles dures épreuvesde l'esclavage,que commencèrentà se produire chezlui certaines manifestationssurna-

turelles en un mot, l'esprit de Dieu l'avait pénétré,et les lois qui régissent la nature étaient misesà sa

disposition.Le Turk qui l'avait acheté fut le premierà s'apercevoirdes qualités hors lignede son esclave,et de sa rare aptitude pour les travaux deschamps.

i. MonnaieNeuved'Alger 8 /ë&valaientun drachme,dont30valaient0tr. 76.

2. Partiedu haikdamlaquelleonfaitunnoeudpoury ser-rer sonargemb

Page 428: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM~ME~~NMMB4~

Ce dontte maître de Sidi Brahamne parvenait pas àse rendre compte,c'estque, bienqu'ilpassât les trois

quarts de son temps en prière, il faisait cependantplus de besogneque vingt travailleurs assidus. Laconduite, les manières du jeune esclaveétaientd'ail-leurssi di~érentesde cellesdesgensdo sa condition,que cela donnaà penser au fellah, et qu'il se mit à

chercher, mais vainement, qui pouvait bien être cet{hammassi étrange. Sidi Braham no fit rien pouréclairer son mettre il était esclavede par la volontéde sonchikh, qui l'avait vendu pour s'indemniserde1&sciencequ'il lui avaitdonnée,il n'avait doncni à sefaire connattre, ni a révéler&son mattre les causes

qui l'avaient réduit à la conditiondans laquelleil setrouvait.

Pourtant, cet incognitoque désirait garder SidiBrahamne pouvaitse perpétuer, et le momentn'était

pas éloignéoù le mystèrequi entourait le jeune saintallaitêtre pénétré.En effet,ceTurkétantallé,un jour,visiterses labours, ne fut pas peu émerveilléde voirses attelages qui, bien que livrés à eux-mômes,tra-çaientdes sillonsd'une rectitudeabsolumentinusitéechezles Arabesou les Kabils.Maisoù était doncSidiBraham? Le Turk fit un tour d'horizon, et finit parapercevoir son esclave à quelque distance de son

champ, et dans l'attitude de la contemplationextati-

que. Il était clair que le saint était en conversationavecDieu, et le Turk connaissaittrop bien les règlesde la civilitéreligieusepour déranger le saint de sapieuse occupation.Il n'y avait plus à en douter, cetesclave,qu'il avait traité commeun nègre, était toutunimentun ami de Dieu Aussi,dans la crainteque

1.Nousferonsremarquerquecegenredemiracle,renou.velédesaintIsidored'Alexandrie,anachorètedela Thêbaide,

Page 429: Trumelet Algerie Legendaire

XM. SMMBaABAM-BEN-SMt-MOBAMMEn-E~R'OBBtt!! 421

24

son Amodo Turk n'ont plus tard &en supporter les

conséquences,il s'empressadelui. rendresa liberté.LepremierusagequefitSidiBrahamdesalibertéfut

de courir se prosterner aux piedsde SidiMahammod-El-Kettanipour obtenir sa bénédiction, bien qu'&'vrai dire il n'en eût pas un urgent besoin, et pourle prier de lui continuer ses pieuseset inappréciablesleçons mais, comprenantque Sidi Brahamen savait

beaucoupplus qu'il ne pouvaitlui en apprendre, ïemarabouthd'Algerlui donna le conseilde se rendreàEl-Kahira(LeKaire),auprès du chikh Mohammod-El-

Bakri, loqttolétait seul capable de le diriger désor-mais dans les voiesorthodoxeset de le perfectionnerdans ses études.Sidi Brahamne se le Ntpas dire deuxfois il se mit'en route sans retard, et, après avoir surmontécoura-

geusement les dangers et les fatiguesde ce long et

péniblevoyage, il arrivait au Ka!re, et se présentait&l'illustreet savantmattre dont il venait solliciterles

incomparablesleçons.Hétait sans doute dans la destinéedeSidi Braham

d'être médiocrementaccueilli par les maîtres{aux-quelsil se présentait car, bienqu'il se recommandâtdu nomde SidiMohammed-Ei-Kettani,qui, pourtant,jouissaitd'une réputationconsidérablede /a~<Aet dedocteurdanstoutle paysmusulman,SidiMohammed-'El-Bakrile reçut à peuprès aussigracieusementquel'avait fait lepremierde ces savantsprofesseurs.Etait-ce encore une épreuve qu'il devait subir? Le jeunethaleb s'y résignait d'avance,car il se rappelait que

quivécutdel'an310à Fan4Mde J.-C.,a déjàétéopéréparlesmarabouthsSidiÂbd-et-AzizetSidiAM-MJtmrek.Uy a laiévidemmentplagiatdelapartdessaintsMwutmans.

Page 430: Trumelet Algerie Legendaire

4aa !Ata6MB t~(HEM)AM<E

SidiMohammed-El-R'obrinI,son bien-aimépore, M

avait, &son lit de mort, recommandédo ne point se

rebuter, attendu que le temps des épreuves pouvaitêtre longet dimcile.Noussavons,du reste, qu'en faitde ténacité, Sidi Brahamen aurait revendu mémo&

Aatcha-bon-Atsman, cet opiniâtre légendaire qui,tombé dans un fosséplein d'eau, saisit la queued'un

jeune chameau,et ne lâcha prise qu'il n'en fat sorti.H est évidentqu'un autre que cet entêté d'Aaïchaseserait résignéà périr dans le fossé,convaincuqu'il eutété que c'était la volonté do Dieu. Aussi, les Musul-mans le donnent-ilscomme le type le plus accomplide l'opiniâtreté.

Quoiqu'il on soit, au lieu del'admettreà ses leçons,Sidi Mohammed-El-BaMlui donna la tâche de désal-térer les passants. Bienque ce genre d'occupationnef&tpas de nature à avancerbeaucoupses études et aluiprocurerla sciencequ'il était venucherchersiloin,SidiBrahamobéitsansmurmureraux ordresduchikh,et, malgré l'inQmiMde la fonction dont il l'avait

chargé, il s'en acquitta ndanmoinsavec infinimentdezèle et de conscience munid'une outre, il passait ses

journées à allerpuiser de l'eau au loin, et a la distri-buer gratuitement,dans les rues du Kaire, à ceuxquiéprouvaientle besoinde se désaltérer.

MonDieu! ce n'est pas qu'il trouvât cette besognehumiliante, car, après tout, l'illustre Sidi Ali-El-Khaououasse livrait bien à quelque chose d'appro-chant seulement,il n'allait pas au-devantdesaltérés,et puis son eau avait une vertu toute particulière,cellede chasserla peineet la tristesse.Tenantauprèsde lui, dans sa boutique,une grande aiguière de mé-

tal, le chikhdisait à celui qui se présentait a Boisdansla penséeet l'intention que Dieute délivredela

peine,wII buvait,et la peine cessait M'instantmémo.

Page 431: Trumelet Algerie Legendaire

XU.–SHM BBAaAN-BSN-S~O~HOBANME!B~OBR!~)~?3

Une quarantaine de personnesvenaient chaquejourboire de cetteeau

Bienque sa chargede <oXet'f&tdea plus pénibles,Sidi Braham, au lieu do se reposer, n'en consacrait

pas moinssesnuits a la mortificationet à la prière.Mais le chikh El-Bakrine perdait cependantpas devuele CherchaliBraham.Satisfait de sa résignation,de son obéissancesans plainte ni murmure, et de safervente pieté, il se décida a mettre Cn aux dures

éprouvesqu'Ului avait imposées.Hrappela auprès de

lui, et voulut se charger lui-mêmede complétersesconnaissances dans toutes les branches composantl'ensembledes sciencesdontl'étudeétait pratiquéeen

Égypte, ce foyer des lumières islamiques dans lesXV'et XVI*sièclesde notre ère.Avecun pareil maître,et sesmerveilleusesdispositions,SidiBrahamne pou-vait manquerde faire desprogrès rapidesdans toutesles directions.C'est, enenet, ce qui arriva.

La Zaouïa de Sidi Mohammed-El-Bakriétait fré-

quentée par les savants les plus distinguésdes paysmusulmans;c'étaità quiviendraitentendresesprodi-gieusesleçons,et c'est à cepointquedes angeset des

géniesne dédaignaientpas de quitter les régions su-

périeurespour venir se délecterde la parole harmo-nieuse de l'illustre chikh, et,'parmi ces anges et ces

génies,ce n'étaientpas les premiers venusqui se fai-saient ainsi ses auditeurs; c'étaient, au contraire, leseulama les plus éminents de ces célestes corpora-tions.

Quandle chikh El-Bakrijugea que Sidi Brahamensavait assez, il congédiason élève en lui donnantla

i. Balancedela Loimusulmane,traductiondu très savantdocteurPerron.

2.Quidonneà boire.

Page 432: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM&ME t.ËQKNOA<RE4a~

mission de continuer, dans la région de Chercherycauvpedont SidiMohammed-EM~'obrini,sonvénère

per&,s'était fait le glorieuxet saintapôtre.Instruits de son arrivée, tes gens de Cherche!en-

voyèrentau-devantde lui, pour Mfaire leurssouhaitsdo bienvenueau nom de toutela population,une de"

pwtation composéedesnotablesde la ville l'un deux,.El-Makrous,mit sa maisonet ses biens à la disposi-tion dujeunemarabouth..

Aprèsquelquesjours donnésau repos,SidiBraham

reprit l'ceuvrode son pe~e catéchisercette popula-tion, raviver son zèlereligieux, accrottre le nombredes khouan de Sidi Abd-eï-Kader-EHJijHaM,pénétrerensuitedans lesmontagnesquientourentCherchel,etchercherà se maintenirau milieu des tribus habilestelle était la pieuse besogne à laquelle Sidi Brahamdonnait tous ses soins et tout son temps.II avait ou-

vert, &la mêmeépoque,uneZaouïaquefréquentaientnon seulement toute la jeunesse studieusedu pays,mais encoredes lettrés des tribus environnantes.On

y enseignaitle Koran,les ~<!<K<set ony glorifiaitDieula nuit et le jour; on y traitait aussi de la scienceetdespratiquesdes~oM/ la jurisprudencey était éga-lement étudiéeavecune ardeur extraordinaireet une

persévérancequerien ne pouvaitlasser.Lepouvoirsurnaturelde SidiBraham semanifesta

de nouveau,et achevade convaincreles envieux,qui,jusqu'alors, avaientpris à tâche delenier. Unjour, il

i. Traditionconcernantles faitsoulesparolesrecueillisdolaboucheduProphèteMohammed,ousur lui.

2.Hommesadonnésà laviecontemplative,indifférentsà lapratitlueextérieureduculte,et quifontconsisterlaperfectiondansl'amourdel'essencedivine,et dansl'anéantissementdel'individualitéhumaineenDieu.

Page 433: Trumelet Algerie Legendaire

XM.–StM BRAttAM-BEN-StB!-MO!tAtMEC-Ett-a'QBRM 425

':M.'

avatt &employerdes matonspouragrandir sa Zaouîa,revenue insamsantepour contenirla iowledesélèves

qui venaiententendreses leçons or, il pourvoyaitlar-

gementà la nourriture des ouvrierschargésde cetra-vaH.Sansdoute, commeils étaientnombreux,,et quelesressourcesde SidiBraham étaienttrès limitées,car il n'avaitrien&lui :-tout passait, eneffet,soitencouvrespies, soit en aumônes; il est clair, disons-

nous,quele <M<!tHqu'on leur servaitn'était pas autrechose que du kousksou/b~<A<M(kousksouteigneux),c'est-a-dirosans viande;mais, en déSnitivo,les gros-siers maçons,qui nemangeaientde viandedomouton

qu'une foispar an, & MMel-kbir(la grande fête),ne,pouvaientprétendre, ce noussemble,à pareillesomp-tuosité.Quoiqu'il en soit, poussésvraisemblablement

par les ennemisdu saint, ils Le craignirent point dechercher le déconsidéreraux yeux des gensde la,yille,en prétendantquele vénérémarabouth leslais-sait mourir de faim: « Son rocher, disaient-ils, nelaisse tomberque quelquesgoutteso, ce qui s'appli-que à un avarequi se décideà donner quelquechose;ils répétaientaussià toutboutde champcetteaffreusecalomnie «C'est un avare sordide,capable de téter

les femellesde son troupeau,ou de tirer les restesdesmets d'entre ses dents, » Ils ne paraissaientpas se

douter, cesmaçons pervers, que le Prophète a dit:«Rienne ferafaireauxhommesuneplusbelleculbute,et ne les jettera aussi sûrementsur leur face dans le,feu que leucspropos calomnieux. Ainsi que celaarrive toujoursen pareil cas, SidiBrahamfut le der-nier quiapprit que lesmaçonsqu'il employaittenaientsur son comptedes propospouvantentachersa répu-tation de générosité,en le montrantsousl'aspectd'un

hommeintéressé, c'est-à-direbeaucouptrop attaché,aux biensde ce monde.. < A

Page 434: Trumelet Algerie Legendaire

~96 t'AMËME tËCENMtM!

Le saint, qui était la bonté même,ne voulutpointtes punir, bien que pourtant ilareuasentsutRaamment

mérite; a se borna &les confondre,et &les couvrirde honte devant la ibuleet enprésencedes notablesde la ville.A cet enet, il invita les personnagesles

plus considérables de Cherchelà venir visiter lestravaux qu'il faisait exécuter; un grand nombre decitadins s'étaient joints au cortège et l'avaient suivi

jusque sur les travaux; puis, en présence de tout ce

monde, c'était précisément l'heure du fthour (dé-jeuner)des ouvriers, il réunit ses maçonset leurfit servir du pain et du mieldans deux petits platsa Rassasiez-vous,mes enfantsw leur dit le saint avecsa bontéordinaire.Lesmaçonspensèrentque le saintmarabouth voulait se moquer d'eux: car ils étaientune vingtaine,et il y avait à peinepour un dans lesdeux petits plats qu'il leur avaitfait servir. Ils firentunegrimacesignificative,toutenjetant surlesnotableset sur la foule un regard triomphant qui semblaitvouloirdire « Vousvoyezque l'accusationque nousavonsportéecontre SidiBrahamnes'éloignepas beau-

coup de lavérité1. Est-il possiblede donner si peupour vingt ouvriers?» Et ils hésitaientà toucherà ce

pain et à ce miel. Lesnotablesse disaiententre eux« Ces maçons ont raison; il n'y a certainementpasdans ces deux petits plats de quoi rassasier vingthommes1. » En voyant que les maçons ne se déci-daientpas à mangér, Sidi Brahamleur répéta encoreunefois, et d'un ton assez impérieux: « Mangez,et

rassasiez-vous,vous dis-je. a Ils obéirent au saint;mais qu'onjuge de leur étonnementquandils s'aper-çurent qu'à mesure qu'ils mangeaient le miel et le

pain absorbésétaient immédiatementremplacés'dansles deuxplats, et cette multiplication,renouveléedu

prophète Aïca (Jésus-Christ),se continua avec une

Page 435: Trumelet Algerie Legendaire

XM.S!MMABAM-B~'SMHMBANH~N~R'OmHN437

telle persistance que toutes les personnesqui étaient

présentesparent, &leur tour, satisfaire leur appétit.SidiBrahams'approcha alors des ouvriersmaçons

et leur reprochaassezamèrementleursproposcalom-nieux tremblantscommedes coupablesqu'ilsétaient,Us se précipitèrent à ses genoux en sollicitant leur

pardon et en manifestant le plus sérieux repentir.Le saint, quin'avait pas de rancune, daignaleur par-donner, mais à la conditionqu'ils n'y reviendraient

plus.Les notableset la foule, témoinsde ce miracle,en-

tourèrent Sidi Braham, et ce fut à qui arriverait àson bern~as pour lui en baiser les pans avec l'en-thousiasmefébrilede la foi.

Le souvenir de ce miraclea d'ailleursétéprécieu-sement conservé les petits plats qui contenaientle

pain et le miel furent scellés dans le mur, au-dessusde la porte de la maison qu'habitent encore aujour-d'hui les descendantsdu saint marabouth. Aussi, ce

prodige n'a-t-il jamais pu être contestépar les incré-

dules, cette race impiequinierait jusqu'à la lumière,et que Dieu a menacée ainsi « Nousavonspour lesincrédules de lourdes chaînes et un brasier ardent;

« Un repas qui les suffoqueras,et un supplicedou-loureux. a

Unautre miracle,bienque de moindreimportance,vint achever d'établir la réputation de thaumaturgede Sidi Brabam; il s'opéra dans les circonstancessuivantes un téméraire, de ceuxquiont un goûtdes

plus prononcéspour le bien d'autrui, avait conçu le

i. LeJCoMSt,sourateLXXIII,versets12et 13.Quantaure-pasquilessuffoquera,c'esttoutsimplementlefruitdel'arbredeZàkkoum,quipousseaufondde l'Enfer,et lepusrquïcouledes ulcères des rcprMvfs.

Page 436: Trumelet Algerie Legendaire

498 t'AMËMEt.ËOENMMHS

coupable et noir desseinde volerdes fruits dansun

yerger dont le produit avait été réserve au sainthomme. Le misérable s'était approche des arbresdont les fruitsétaientl'objetde sonindélicateconvoi-

tise, et il portaitdéjàunemaincriminellesurl'abricot,c'était un abricotier, défendu, lorsque, tout à

poup, le sol manqua sous ses pieds et l'engloutitpeu à peu. Plus il faisait d'cnbrts pour se dégager,plus il enfonçait dans le sol devenumouvant; il sesentait déjà voué &une mort aussi affreusequ'elleparaissait certaine,quand, se rappelant fort à proposque Sidi Braham,qui possédait le don des miracles,pouvaitseulle tirer de là, il l'invoquad'une voixsup-pliante, confessantsa faute et implorant sonsecours.BienquecefûtSidiBrahamlui-mêmequelemaraudeureut choisipour être la victimede son larcin, le saintne se fit cependantpas trop prier pour venirle tirerde ce mauvaispas. 11apparut presque instantané-

ment, et ordonnaà la terre de rejeter ce qu'elleavait

déjà absorbé de l'indélicat larron; et il n'était quetemps, car il en avaitdéjàjusque sousles bras.

Cemiracle,que,malgrésa modestie,~esaint avait

cependantrépandu autour de lui, ne contribua paspeu à consoliderl'opinionqu'on avait de sonpouvoirsurnaturel,et surtout à maintenir les malfaiteurs le

plusloin possibledesonverger.L'influencedu saintmarabouths'établit solidement

non seulementdans le pays, mais même auprès desmembresdu <KouaM(divan)d'Alger.Ainsi,il réussit,

cequi n'était pas commode, à obtenirl'éloigne-ment des Janissairesquitenaientgarnisonà Bordj-El-Khamis,fort situé dans la tribu des Bni-Mnacer.SidiBraham avait fondé sa supplique sur la licencedes

Turks,et sur leursbrutalités à l'égard despopulationsvoisinesde leur lieu de garnison.

Page 437: Trumelet Algerie Legendaire

XH. S!MBaABAH-BEN-S!!H-MOBAHH~-N.-B'OM!M489

Versla mêmeépoque,la célèbre MtiaAouda,cette.die chériedu chikh Sidi Maahammod-bon-Ali-Bahloul,!a victimede SidiBen-Ch&a-El-HabcM,MIaAouda,cette sainte marabouthbquijoignaitàunevasteérudi-tion la taculté de lire dans l'avenir commedansun:livre ouvert,avait conçule pieuxprojet des'acquitterdu pèlerinage aux l'illes aacr~oset respectées de.Mokkaet d'El-Medina.Bienque jouissantdu don des

miracles,qu'eUeavait hérité de son illustre et vénéré

père, avec l'autorisationdo Dieu, bien entendu, et'

que,par suite, elle n'oOt rien à redouter des entre-

prises des malfaiteurs,auxquelselle pouvaitjouer les

plus mauvais tours; quoi qu'il en soit, elle n'en re-vêtit pas moins,pour éviter de tenter le diable, lecostumemasculin.Il faut dire aussique LellaAoudaétait d'une beauté superbe et resplendissantecommela lumière du jour, <~ao<«akif <<M!<s l'oeil

grand et bien ouvert, la prunelle noir-foncélançantparfois des éclairs, le sourcil fin et gracieusementarqué, le nez noblement aquilin, les joues lisses etunies comme une surface d'argent, les lèvres car-minéeset humides, les seinspareils à des pommeauxde pistolet, la taille élégante et Oëxible comme labranche du MC~ les hanches d'une opulence ex-trême et énergiquementcambrées,la main et le piedd'un enfant, la jambe ronde et bien en chair; sonensemblerespirait, en mêmetemps, la souplesse,la

grâce et la vigueur.On devinait, en la voyant,quecettesainte etmerveilleuseSIIeaimait la créaturetoutau moins autant que son Créateur,et que, lorsquela

passion l'envahissait, elle devait avoir des élanssurhumains aussi bien. en dévotion qu'en amour;

<.t~jnjnMff.

Page 438: Trumelet Algerie Legendaire

t.'AMÉNBt.ÊOENMtHE430

exaltéecommerEspagnolesainteTMrese, sa contem-

poraine,sa vie se partagait entre l'étude, laprière, etde longs et ïnoNaNosravissementsquelui donnaientsesmystérieuxrapports avec l'ange Bjebru(Gabriel),le plus beau et le plus poissant des anges du ciel;LellaAoudaétait, en un mot,une <aoM<MMeMM~c'est-

~-dirc une désireuse, une passionnée, une ardente,dans le sens religieux,bienentendu.

Aussi,cetteravissantesainte,qui, grâceauxsavantes

leçons que lui avait données son illustre père, se

distinguaitd'une façon si supérieure des femmesdeson temps, cettecharmantemarabouthe,disons-nous,mettait-ellele feuaux sensdotous les infortunés quise hasardaient dans le rayon d'actionde ses ardenteset irrésistibles prunelles; ils étaient infailliblement

précipitésdans les abimesténébreuxdel'amour.Cette

dispositiondes esprits expliqueral'engouement,l'en-thousiasmequi se produisitparmi lesjeunesgensdelatribudesMedjadjaquandLellaAoudamanifestaledésirde fairele pèlerinagesacréet dedevenir~Ta~/a.' c!n-

quantemagnifiquescavalierssollicitèrentla faveurde

l'accompagner.La ravissanteamie de Dieuen choisitdixparmiceuxquilui étaientlemoinsindifférents ellesauta à cheval en se servantdu dos du plus fanatiquede ses <!ec~e&(amoureux),le/s (cavalier)Fadhel-ed-

Din, infortunédontles os s'étaient démeublésde leur

chair par suite des tourments d'amourque lui faisaitendurer l'impitoyablemarabouthe.Aussi, quandles

quarante Medjadjaqu'ellelaissait la virents'éloignerdans la direction de l'Est, pour disparattredansle litde l'ouad Bou-Melaha,lancèrent-ilsdans sa trace un

gémissementcollectifqui eût arraché des larmes àun rocher, mais qui la laissa froide, et ne parvintmômepasà lui faire tourner la têtepour donner l'au-mône d'un regard à ses malheureuxadorateurs.Ils

Page 439: Trumelet Algerie Legendaire

XM.–S!BtBMBAN-BE!<-S!Bt-MOaAMME!)-Et<-R'OBMN!4M

restèrent des heures entières comme cloués smc le

point où ils l'avaientaperçuepour la dernièrefois, et

agitantleurs bernous danssa direction; ce ne fut quelorsque la nuit les eut enveloppésde sonvoile noir

qu'ils songèrentà regagner la BIed'Medjadja;maisleur œil fut chaud longtempsencore,et laplupart ne

parvinrentpoint&le rafratchir.

Or, Lella Aoudaavait promis à SidiBraham,l'an-cien élèvede sonvénérépère, de passerpar Cherche!

lorsqu'ellepartirait pour l'accomplissementdu peleri"nage, et le bruit s'en était bientôt répandudans cette

ville; aussi, le jour qu'elle dut y arriver, la foulesu

porta-t-elleau.devantdela saintemaraboutheavecunenthousiasmedes plus exubérants car depuis long-temps déjà sa réputationde savante, de sainte et de

thaumaturge,n'était plus à faire &Cherchel,où SidiBrahamavaitbeaucoupparlé d'elle, et où il avait faitconnattretous ses mérites,et les principauxmiraclesde sonrépertoire.

Il est inutile d'affirmerque, lorsque les Bni-Cher-chel virent déboucher,fièrementcampéesur sa belle

jument gris-pommeléEch-Chedida, l'impétueuse~qu'ellemaniait avec une grAceextrême, l'enthou-

siasmene connutplus de bornes ce fut du délire,del'exaltationpoussée'jusqu'à sa dernièreintensité; les

salutations,les souhaits de bienvenueet les compli-ments les plus hyperboliques tombèrent en gerbesfleuries et odorantessur la jeune sainte,qui s'avan..

cait calme et sérieuse au milieude cette foulequ'elleéventraitdu poitrailde soncheval.Cefut, un instant,une houle) un moutonnement de Croyants et de

i. C'estainsiquelesArabesexprimentqu'ilsontun sujetd'aBMctMn;D'eMIraa'aichiindique;au contraire;la consola-tion:

Page 440: Trumelet Algerie Legendaire

L'AM~ME Ï~CEmAME~a

Croyantes,–<cesdernières avecleurs enfantsamarressur leurs reins, se pressant autour de la sainte, etcherchant, au risque de se faire écraser ou étouffersousles pieds de la bête et des gens, à touchersoitle

pan de son bernous, ou la main droitequ'elle aban-donnait de temps en tempsnégligemmentaux lèvresfrémissantesdes fanatiques.Lesdixcavaliersdel'es-corte de LeUaAoudaavaient toutes les peines dumondea écartercesardents,quine se rassasiaientpasde traîner leurs lèvres soit sur les <~Hay(bottesde

maroquin)dela marabouthe,soit sur ses étriers, et cen'étaitguèrequ'à coupsdu fouetde leurs bridesqu'ilsparvenaientà extraire, à décrocherces gourmands,ces goinfresde sainteté, des vêtementsdo l'amie de

Dieu,ou du harnachement de sa monture, laquelle,commede coutume,reçutun nombreinfinide caresses

qui n'avaientpu parvenir à destination.Sidi Braham arriva bientôt à la rencontrede LeUa

Aouda.Dèsqu'iln'en fut plusqu'à trente ou quarantepas, il arrêta sa mule,mit pied à terreavecsa suite,qui était nombreuse,et se porta au-devantde sa noblevisiteuse.Les tholba,quiavaientaccompagnéle saint

marabouth,sedoutantdece qui allaitsepasser,et quis'étaient,fort heureusement,munisdebâtons,Qrentlevideautour de lui, afinqu'il ne restât pas confonduavec la foule, et que Lella Aou<'tp&tle reconnaître

plus facilement. Du reste, le nimbe rayonnant quicercle la tête des saints, et qui n'est perceptiblequepour eux, eût suinlargementpour évitertoute erreurde la part de la sainte, laquellee&tété d'autantmoinsexcusable que Sidi Braham n'était point pour elleun inconnu. On disait même que, lorsqu'il étudiaitsous le père de la jeune marabouthe,elle l'avait re-

marqué d'une façon toute particulière. Maintenant,Dieulà-dessusen sait infinimentplusqueles malveil-

Page 441: Trumelet Algerie Legendaire

xM.~smtBaAaA~B~-siM-ae~MN~~R~MtM 433

2S

lants qui s'aient attachés à jeter des propos dansl'oreille des hommes, laquelle est toujours ouverte

ta calomnié.Labelleet aèreAoudaarrêta sa jument à deuxpas

de Sidi Braham, qui se précipita ardemmentsur lamain qu'ellelui tendit avecunegrâcetoutecéleste; ily imprimases lèvreshumidesavecune passion qu'oneûtpu croireoharnelle,si la réputationdesaintetéduvertueux marabouthn'eût été faitedepuis longtemps.Quoiqu'il en soit, il garda la ravissante main de lasainte à ses lèvres pendant plus dé tempsqu'onn'enmot ordinairement à cette marque de respectueuseaffection.LeUaAoudaparaissait seprêter à cet hom-

mage quelui rendait, devanttout un peuple,un saintde l'importance de Sidi Braham, avec un certain

orgueilmêlé, on l'aurait juré, d'une pointe de

coquetterie.On a beauêtre une sainte,c'estbienpar-donnable, surtout lorsqu'on a vingt-trois ans d'Agetout au plus. Pourtant, on voyaitla veinede la colèresaillirau front de SidFadhel-Ed-Din,qui adoraitLeUa

-Aoudajusqu'à la folie, et qui en était jaloux commele sont les Arabesquand ils se mettent&l'être. Nous

savons,en effet,que Dieua fait centparts de~Iajalou-sie, et qu'il en a donné quatre-vingt-dix-neufauxArabes.n disait d'ailleurs « Quin'est pointjaloux estun âne! Debout sur seaétriers, Fadhel-Ed-Dinsem-blaitse dire.:e Maiscemarabbuthdemalheuren aura-

it-il bientôt Bni? ? EnBn,Sidi Braham se décida àabandonner la main deLellaAouda,et, aprèslui avoir-souhaitéla bienvenue,il remonta sur sa mule,qu'onloi avait amenée,et il seplaça du côtéami c'est-&-

j~.Le.côtédroitestdit le cdMawM;le c6tegamche,aucon-tmire,estditc~M.<FMO&mMt<onMMea~e.

Page 442: Trumelet Algerie Legendaire

4BH t.'At.aËHTBt&SENBANtB°

tnre &!a droite de la sainte; te cortège reprit samarchedans la directiondo Cherchol.

Ah ce fut un beau jour pour SeïdaAouda, car detous côtés partaient des MerAa&et&?, ? mM!Ma/–«Soisla bienvenue,6 marabouthe M quiattestaient~enthousiasmereligieuxque provoquaitson arrivée.,Lesmèressurtout étaientles plus ardentesdans leursdémonstrations élevant leurs entants au-dessusdeJa foule,ellessuppliaientla saintede lestoucherde samain bénie, ou seulementde les caresserde sesyeuxdivins,et la sainte,avecune grâceangélique,tendaitles bras du côté de l'enfant, et l'enveloppaitde son

'regard de velours.A l'arrivéeauBab-El-R'arbi(portede l'Ouest),cen'était plus del'enthousiasme,c'étaitdu

délire, du fanatisme,de la frénésiereligieuse.Tout lemonde voulut entrer dans la ville à la fois, eten mêmetemps que la sainte. Il y eut .là quelquesfemmesétoufféeset desenfantsfoulésauxpieds; maison n'y Rtpas grandeattention,parce que cela devaitinfailliblementarriver. Les mères ne se donnèrentmêmepas la peinede ramasser lesdébrisdeleur pro-géniture, surtout quand c'était un garçon, et cela se

comprend, car la ntle devient, par la suite, une

Ma/~Aa',c'est-à-direqu'elleaugmenteet ènûe la for-tune de ses parents par la dot qu'elle reçoit de sonmari.

Quand la sainte pénétra dans la ville, l'allégresseïut &soncomble lesfemmes,juchéessur lesterrasses,'faisaient retentir les airs de leurs aigus <oM~ouM',les-

quels appartiennent certainementà la gammedes oi--seaux.Tousles eulama(docteurs),qui s'etaient réunis

i. UnenNement.C'estpourquoil'onfélicitesouventceluiàTqaiunemue~iemtdenattre.C'est,eneffet,uneespérance.

S.Ï.eschevrotanta'yoM/yMt/desfemmes. j

Page 443: Trumelet Algerie Legendaire

:8mNM~a~t~aAN<stf.N''aaBMM ?6

(. f.

d~van! ~~M?99~t~~ ~md~ aainteà sonpas-sage, M souhaitèrentJ!àbienvenae~~maïn droitesur le ecaw,quandelle futattire &leur hauteot.tNî~

Aouda,qui, noua)e savons,était unesavante, les sa-

~a g)mcteuaemcnt,et leur promitdevemr traiter aveceaxsous un jour tout ~qoveauune intéressanteques-tion de tModiceeqai, cetteépoque,passionnaitlemonde muaahnaa c&relle brillait surtout dans la

eoatfoveï'M,et eUenese génaitpas pour mettreà bout

d'arguments, et cela n'eta!t pas long, les doe-teura qui, chez les Medjadja,passaient pour les plusextraordinaires; eUen'avait pas sa paroiUepour ma-nier l'antitrope, c'est-&-direle sarcasmeet l'ironie.Sidi Brahamoffrit a LellaAoudaune somptueusehospitalité, qu'elle voulut bien accepter. Toute laivillede Cherchel,contribuad'ailleurs, pardesdonsen

argent et en nature,aux frais quedevaientnécessaire-ment entraîner, pour Sidi Braham, la <M~<:et r<<t4~'il donnait a la sainteet à sa suite, et les offrandes

qu'on lui ût,:a cette occasion;furent tellementconsi-dérablesque le saint Cherchaitsetrouva avoirfait uneexcellenteaffaireen traitant si généreusementsa ra-tissante visiteuse. Du reste, c'est toujours un peucommecela que.se. passentles chosesenpays arabece sont lesCroyantsqui payent, et c'est le traitantquiendossela Tëputatiqnde générosité.

Sidi Braham, qui avait toujours eu, –quoi qu'on<n dise, quelque inclinationpour la CIlede son

professeur,la pria d'une manièretrès instantede pro-Jtonge!*son s~our sous son toit, aSn de remplir s&maisondéboutesles bénédictionsdivines,&veursdontelle pouvait disposeravec une certaine prodigalitécar, Dieumerci le Tout-Puissantne les lui avaitpas.marchandées.

En faisant cette demandea SeïdàAduda~Sidi Bra-

Page 444: Trumelet Algerie Legendaire

1. 9i,~Q~IVDÂItIF-= y~ae ~ea~tB ~stmAornB

hamava~t Monson but, et, puisque noual'avonspé~nétr6, nous ne voulonspas Ïe cacher et la taire'plos!ongt<M!9pa.ï~ Made SidiS-R'ëhtM, depuis son re-tour de- Cherchel,avait été combléde tons les biensue Dieu; tout lui ava!t réussi avec !a scienceet la

saMëte, les richessesde ce Mondeet!a Mnodictiondtt C!et~taîent abattues sur aà maison; riemne !oï

tnaaqua!~donc,ni l'oreillede Mea,tt!ta consMeratiM

~ui s'attache aux puissants; pourtant/les soucis,tes jaunes soucis~ paraissaient M ronger le ccear,et le chagrin semblait s'être introduit dans sa de-meare. Évidemment,SidiBrahamn'était pas heureux.

Eh'Men,non1 etvoicipourquoi.Bienqu'il eot fait le

possiblepourarriver à untoutautre résultat,SidiBra-ham était néanmoins reste sans progéniture.Suivantà la lettre ce conseildu Prophète « Fuyezles femmesvieilleset stériles il avait épousesuccessivementdemerveilleusescréaturesde Dieuqu'onaurait juré con<struites tout exprèspourla reproduction,et quiponr~-tant étaient absolumentimproductives il avaitbeaulaboureret relabourerle harts conjugaldanstous les

sens, ainsi que Ïe recommandele Prophète dans lasourateLa ~c~e.*« Vosfemmessontvotre champ,dit-il. Allezà votre champ comme vous voudreza ehMent malgré cela, la stérilitéassombrissaittoujourssa.demeure.De combiende femmesnes'était-il passéparé par le divorce! ne les comptaitplus. Ence

moment~son ~annt se.composaitde quatre femmes

qui paraissaient bien plutôt appartenir à la race des

anges qu'à celledes mortelles c'étaientZemëb,Ha-

lima, Fathima et Oumm-eI-Hacen,toutesvertueuses,

t. Ba~t sfgnMee&NmpeMMt~.C'estainsiqp~leTrepMtedésignelesqaatMiemmeslégitimesqm'aaJitasahMapeatpos-séder&ta tbis.

Page 445: Trumelet Algerie Legendaire

<

XU.–8!Bt BMaAM-BBN NOMaWAMNaO'Et.-R'OBBtM ?7

attentivesà leurs devoirsd'épouses,et aimantla pro-prêté et la prière. Fathima était lapudeur même,etc'était &ce point qu'ayant été atteinted'une t~htal-mie très grave~elle ~e put se résoudre, malgré les

instaMeesde sonsaint mari, à laisser voirson milm<

a t'OcaM~;sa pudeartwî fitprëMrerune dif~nniMla tranagreasionde la toi religieuse.

Std! Braham, qat bra!ait de voirse modinercette

)teH*iNesituation, songea à profiter de la pï~sencechez Mde LellaAouda,qui, nous nous le rappelons,lisait courammentdans t'avenir, pour connattre lesort quilui étaitréserve, etsavoir aujustes'il pouvaitespérer, an jour ou l'autre, quelquepostérité.Apress'être miseen prière, elle demandaà Dieud'ordonneraux angesqui tiennentle registre des anaires régléespour l'annéecourante,dans la nuit d'Jfa~ delelui ouvrir à l'article concernant Sidi Braham, deCherchel. LeDieuunique,qui n'avait rien à refuseràLella Aouda, accéda avecempressementà sa prière,et la jeune sainte put lire très distinctementdansce

registre-journal que Sidi Braham serait père d'uneallé dans l'année, et que c'était à la pudiqueFathima

qu'était réservéela faveurde coopérerpour unepart

considérable&ce résultat si impatiemmentattendu.SidiBraham fat d'autant plus ravi dp l'événement

que lui annonçaitLellaApuda,que c'étaità Fathima,la pudeur même, celle qui n'avait point voulu selaisser voir l'œil nu par l'oculiste, qu'était dévolue

i. C'estdans la nuit d'El-Kadr(deaarrêts immuables),qu'oncroitêtrocelledu23an 24dumoisdeReamdhan,quetesaffairesdel'universsontaxéeset résoluesparDieupourtoutel'année.

2.Lesfemmesmariéesne peuventse découvrir,c'est-à-direparàttreMMvoile,quedevantleurspères,leursentants,learsneveuxet leursfemmes,et devantleursesc~ves.

Page 446: Trumelet Algerie Legendaire

'S~~e~~mE

t'Intéressant MM&ede lui donnerla NBepromiae.Re

s~in~etMtdOMitout&fait rassura an point do vue~ere~eaMN~~aJ~ H remerciaaveceNhsïon

î<ell~Aoud~qo! m!%te comble &ses bontés en Ïui

èxprimMtt!e désirqae son nom Mt donn~&là Mta

attendue. à ÏftqdeUeeNe Maait cadeaa d'avMce da

aM8ervKeuMt,haBnï-Haowa'tNeufmoisaprès, I&prédictionde LeUaÂouda-bent-

Sidi-MohtHmmed-Iten-AU-Bahïoulse rëatïsait de pointen point. 4

L&sainte resta encoredeux ou trois jours auprèsde SidiBraham puis eUereprit aes habitsmaseoiins

pour continuer son voyagevers les Villessaintes et

respectées.Quelquesannéesplus tard, SidiBrahamreçutéga-

lement la visitede SidiMohammed-Ech-Cherif,petit-filsdu marabo~ut~du mômenom, venu de Sagmet-Èl-Hamra avec Sidi Mohammed-EI-R'oMni,et que samissionavait appelédans la Kabiliedu B~erdjera.Le

jeune visiteur avait voulu venir saluer&Cherchelun

saint homme auquel ses vertus, sa scienceincompa-rable et-sonpouvoirsurnaturel,donnaientuneillustra-tion sanspareille il avaitvouluvoirde prèscev6nëremarabouthdontl'origineétaitcommuneavecla sienne,et q~néclairaitdel'éclatdesonnomleMaghreb-El-Aou-çothet leMaghreb-EI-Aksa*.Il est inutiled'ajouterqueSidiBrah.amfit le meilleuraccueilaupetit-filsde l'&mide son père. Halla plus loin, en fiançantl'innocenté

t. 'Mbasituéeaubordde lamer,entreCherchetetTemëSta.Le Maghreb-Et-ÂDuooth(ou central)s'étendattdepuis

nMMajuaqm'&rOMad-Moalouïa,c'est.à~iredeptd&l'estdepMvih<!e~MtneMed'A!gerjusqu'ànotreftontière'duMarok.LeMaghreb-El-A~m(extrêmeou ultérieur)<~mprenalttout leMmrokactuet.juaqn'~Eoc&tnAttamOque.

Page 447: Trumelet Algerie Legendaire

XU.–StM BaANAN-BEH-Smt-NOBMOïBB-m-R'OBMNt 439

Aouda,sa Clic,qui n'avait encorequehuit prin~mps,au jeune marabouth Mohammed-Eeh-Chèrif.Ne t'en

plaignonspas, car la <Ao/?aAouda-bent-Sidi-Braham~était une petite merveille de grâce, de gentillesse,d'intelligenceet de précocité. Ses yeuxsurtout, d'unfeu bleuettant commeles étoilesdu ciel,étaientdéjàirrésistibles, et dès qu'on en avait subi l'inNuence,c'était Bni, l'esprit s'envolait,'et on avait toutes-les:

peinesdu mondea remettrela maindessus.Etpensezdonc qu'eNen'avait qu'une huitaine d'années. Cela

promettait pour l'avenir. Cequ'il y avait de plus ter-rible dans cette affaire,c'est quela petitemarabouthesemblaitcomprendredéjà la puissance'deses beaux

yeux,-qui lui prenaientla moitiéde la figure, surles hommes,et qu'elle jouait de la prunelle commeune personnedu sexeenchanteurqui sait ceque c'est.Du reste, Sidi Mohammed-Ech-Cherifenfut ravi, et ilne regrettait qu'une chose, c'est d'être obligé d'at-tendre pendant quatre longues annéesque la loi lui

permit deprofiter de sa fiancée.Aussi,dèsquele ma-

riage fut consommable,le jeune marabouth Moham-med-Ech-Cherifne perdit pas un instant pour allerréclamer son bien; la charmante Aouda, qui, bien

qu'ellen'eût que douzeans, était forméecommevouset moi, avait énormémentde la belle LellaAoudaquilui avaitdonnéson nom; il est vrai que la part que lacélèbre marabouthe avait prise à sa venue dans cemondepouvait bieny être pour quelquechose. (~uoi

qu'il en soit, il eût fallu aller loin pour trouverunècréature aussi séduisante et réunissant à ce pointtoutesles conditionsde la perfection. Du reste, plustard, elle acquit quelque célébrité; mais nous nous

empressonsdedire quela saintetéétait complèteméntétrangère à cette situation; Invocation paraissaitlui

avoir totalement manquépour s'illustrer dans cette'

Page 448: Trumelet Algerie Legendaire

t'AM&MiS~QBNCAME

dïMciïM!.Maisi!û~t dire quecette petite diBormiM

morale ae l'empêchapas du tout de <atreun grandnombred'heureux.

Apresuneiongneexiateoce~onterempMedeboMea

œa~res,et accidentéede &o«~aM d'<meimportMcesecondaire,Sidi Bfah<nB-ben-Sidt-Mohatnmed-R-R'<)-brini répondittMm~iNeme~tda coupe.laissant t&sessoixante-dix ans c'est-à-dire cet Ageauquel Neu

commence.à aimer les hommes*. Une magnMquekoubba fat élevée sar son tombeau par la piété des

Chercbalin,et de nombreux,pèlerins viennent deuxfoispar an solliciterl'interventiondu saintdans leursaffairesd'intérieur. Il faut reconnaîtrequeSidi Bra-hamn'a point cessé,depuis près de trois cents ans

qu'il habite la céleste demeure,de s'occuper,auprèsde Dieu,des intérêts terrestres de ses serviteursreli-

gieux.Malheureusement,on ne peut en dire autantdetousles saints.

XLII

SÏDI MOHAMMED-ECH-CHEMF-ES-SR'ÏR

L*aq des descendants de Sidi Braham par la belle~

Aouda, sa BUe, Sidi Mohammed-Ech-Cheri~Es-Sr'ir~fut surtout célèbre pour avoir été le père du fameux

4. Le mot toartatt signMeproprement a~tMMM~p~~Mpe,(M-mo!M<Mt<toa~U veut dire aussi miracle.

S.L'hmun Es-Soyoutht a dit e Dieu aime le~ hommes dea~mate-dix <ma:H vénère ceux de qustre-viagis ans. a

Page 449: Trumelet Algerie Legendaire

XM. MM MOmUMtBB-ECa-caEMF-M-SR'M4~i

jSmad~Ben-Aouda,qui devint plus tard un preux,dont ïe sabre et le fusil firent biendesveuveset des

otpheMns.CommeBonaïeul Sidi Braham, Sidt Mohammed-

Ech-Cherif~Es-Sr'irétait arrivé 4 la maturité sans.avoirréussi à se donnerde la poaMdte.Vingtunionsavaient ëMtour à tour faites et défaitessans qa'Medtobtenu le rejeton demande; tous les moyensavaientété tentéspourconjurerce malheureuxsort qui sem-:blait s'acharner après lui enyoide ses femmesauxtombeaux,des marabonths qui ont la spécialité detraiter la stérilité, pèlerinagesolennelà la mosquéede Koukou,villagekabil desBni-Itourar', poury ma-nier en tout sensle bâtonde SidiAli-Thaleb'danslétrou pratiqué au milieu même de cet établissement

religieux, prières à tous les saints du pays et d'ail"leurs, onrandeset dons en argent et en nature aux.descendantsou Nto~<KMeatde ces mêmesOMO~con-sultationsaux Ao&aMa',aux aulama3, aux MAAay4les

plus fameux,et tout' cela avait été en pure perte et

yt. Lamosquéede KoukouonKouko,dansle Djerdjera,est

aurtoutrenomméepourle traitementmiraculeux.dela stéri-Uté chezla femme.C'estlebâton, un bâtond'unetonne'spécMo, de SidiAli-Thalebquiestl'agentprincipaldanscetteaffaire.LafemmestériledoitJesaisird'unecertainefa-çonet l'agiteren toussensdans'untroupratiquédanslesolde la mosquée;on en hotteensuiteles reinsdela malheu-reuseimproductive.Dureste,le.bâtonde SidiAli-Thaleb4d'autresvertus ainsi,de sonvivant,SidiAlin'avaitqu'àmettre.enjouesonennemiavecsonbâtonpourle fairetom-ber.raidemort.Lesmaladesemploientaussicommeremèdelapierredutombeausacré,qu'ilsbroientet qu'ilsavalentdansde l'ea~

S. Savantsdanslessciences,médecins.3. Savantsdocteursdelà loi. i4.Sorc!era,gMtMamagM)aM.

25.

Page 450: Trumelet Algerie Legendaire

1a'llLÏi~RI~

ahsôlamoni mjruetueax. Pourtant rien n'a-vaitété

~gB~; aussi, 1SidiEch-Cherifen était-il arrivé &

désespérerdepouvoirjamais ~ansmeitrosonnom.'H n'était paa Soignéde se résigner à acceptercettettonteuse aituaMon,quand;an jour, il apprit que les

serviteurs religieuxde SidiMahammed-ben-Aouda,–ce saint des Flita dont nous avons racontéailleursla

merveilleuselégende,–étaient arrivés' dansle paysiMcompagnésd'un lion énorme, irêre de rordre dé ce

grand et vénéré saint Or, nous le savons, les lionsMtoddam de Sidi Ben-Aoudapartagent, avec les

Kôgresde ladescendancede sespremiersdisciples,le

précieuxdon desmiracles.Avantde renoncerd'une manièredeOnitiveà Tes-

~oir d'êtrepère,SidiEch-CheriH~s-S'rirvoulutessayerTtirinterventijondeSidiMahammed-ben-Aouda,–c'était~a dernière espérance, n'arriverait pas à modifier-~vorablement sa triste situation. n pria doncles'khouanqui accompagnaientle lion de l'introduireenliberté dansson gynécée;il &vaitcommeune sortede

pressentimentque la visite d'un pareil hôte pouvaitbien ne pas être sansemcacitéau pointde vue de la

réalisation deson plus ardent désir.LeskboddamdeBidi Ben-Aoudaayant consenti,sous promessed'unebonne ONrandede .~<a, à tenter céttepieuseet singu-lière expérience,ilsintroduisirentle saintanimaldansleAenmde SidiEch-Cherif.Il est inutile d'aBirmerqueles quatrefemmesqui le composaient~e s'étaientpa~fait prier pour évacuerleur appartement,

Le lion s'arrêta sur la porte du gynécée,nt de ses

grosse;éte un tourd'horizon;puis, dilatant ses largesN&nnesà les iaire éclater, il parut aspirer avec -unesorte de volupté cette délicieusetuée parfumée dontsont baignésles lieux de réunionsgyméennes;commeenivré de cette iragrance'msiée d*unpeu d'Mréisme

Page 451: Trumelet Algerie Legendaire

XM. SM MOBAMMEB-ECH-CBERtP-ES-S'MR 443

~ennnia,le noble animalse Mit &bondir, commes'ila&tété ffappé de folie, en poussant une espèce da

grognementronronnantdont il paraissait facile dodevinerla signification.Quandil fut fattguéde bon-dir, il nt le tour del'appartementen flairant successi-vementla bouchede chacunedes femmesde Sidi Ech-

Cherif; cette investigationne lui ayant donné, sansdoute, qu'un résultat insMŒs&nt,il recommençal'ope-ration dans le sensoppose.Arrivéà la troisièmecou-che,ceUedeSmina-bent-Es-Smin,uneopulentebeautédont les MseM et les khelkhalplongeaient dans ïeschairs, genre de séductionqui n'était certainement

pas étranger à la follepassion qu'éprouvaitpour ellele jeune marabouthEch-Cherif,le lion s'y étendit et

s'y roula commele fait l'abeille dans le caliced'unefleur pour s'empolleniserdes pattesà la iôte, et touten continuantson ronron, qu'il interrompaitpar quel-quessoupirs.

Il n'y avait pas a s'y tromper celasignifiaitd'unemanière évidentequec'était.à la belle Smina qu'étaitréservéela faveurinappréciablede donnera SidiEch-Cherifl'enfant que jusqu'ici le Ciellui avait obstiné-ment refusé. Aussi, dans l'abondance de sa joie, lefutur père nt-il le voeu,séancetenante, si le fruit desentrailles de Sminaétait un fils, de faire don, chaqueannée, de cinquantepièces d'or au saint marabouthdesFlita, SidiMahammed-ben-Aouda.

Neufmoisaprès, lessouhaitsde l'heureuxSidiEch-Cherifse réalisèrentcommepar enchantement:Sminalui donna un fils son développementcorporel était

extraordinaire; aussi,nefut-cepointsanscoûterquel-

1.Bracelets.a. PefiseêMes,lesanneauxque-la' femmeporteà 1~partie

inférieuredechaquejambe,au-dessusdela chenue. ·

Page 452: Trumelet Algerie Legendaire

444 ~'AM&Mtiï.~OT~MNB

queedoulonrenaoadMneuttési sa mère qu'ilntaon en-trée dans le monde.Pour honorer le saint marabouthà qui il devait d'être père, Sidi Eoh~iherif donna àson Msle nomd'El-Hadj-Ben-Aouda.

Commeil était dé)&à peu près certainque cet en-fant deviendraitfort et vigoureux,le père, qui tenait

beaucoupà ce qu'il tût en même temps habile et in-

telligent, le fit «om~ e'est-a-dire qu'il lui mit unefourmisur la paumede la main

Tant qu'il vécut, Sidi Mohammed-Ech-Cheri~Es-Sr'ir s'attacha à faireorner son Sts de tous les talents

qui, à cette époque, pouvaientêtre distribués aux

jeunes gensde famille.Sonpère aurait voulule dirigervers les hautes études,et continueren sa personnela

lignéede savants marabouths qui avaient été l'hon-neur de sa race depuisprès de deux siècles; il auraitdésiréen faireun hommede scienceet de prière,avecla perspective du don des miracles dans ses vieux

jours. MaisEl-Hadj-Ben-Aoudamanifesta,dèssonen-

fance, desqualités et des penchants qui s'éloignaientsensiblementdela directionque son père auraitvoulului voir prendre. Au reste, avecl'influencequi avait

présidé à sa conception,avec l'intervention du lionfrère de l'ordre de Sidi Mahamméd-ben-Aouda,qui,pour ainsi dire, avait fécondéla couche.de sa mère

Smina,il ne pouvaitavoirque des instinctsde guerreet l'amour des combats.

C'est,eneffet;cequi arriva ne montantjamais quedes chevauxde race au lieu des mules tranquilleset

t. OnappelleK<MM~ren&mtnouveau-néà quil'onmetunefourmidansle creuxdelamain.LesArabessontconvaincusquel'enfantsoumisà cettepratiquedeviendranécessairementintelligentethabile.L&motwMM~vientde~temc~,qmaignime/oMfatt.'v-v.

Page 453: Trumelet Algerie Legendaire

Xm. SNMMOBANMED-BCB-caBBW-M-Sa'M4M

calmesqu'avaientenfourchéesses ancêtres,ne rêvantquebeauxcoupsde sabre faisantdeuxmorceauxd'un

ennemi, ne songeant qu'aux hauts faits d'Am~-ben-

Hind,dontlesestaBladesouvraientles corpsduhaut en

bas, blessureshideusesd'où le sangnoir jaillissait enmasses bouillonnantes, d'Amr, dont la lame allaitfouillerles entraiUesdes guerriersjusqu'au fonddetf

reins; U ne se lassait pas d'entendre les récits deNcombatsdes temps passés, l'histoire, entre autres, du:sabreurKhaled,l'impitoyablenéophyte,ceUedu céte"bre Rabiah, fils de Moukaudam,le plus brillant, le

plas admirablepreux de l'ancienne Arabie,celuiquirépondaittoujours « Amoi1quand le commandantde la mêléecriait, avant l'action « A qui, en cette

matinée,s'habillerdu matin de cettebataille?c'est-à-dire se vêtir d'ennemis en pénétrant au milieudesmassesde l'adversaire; Rabiah,qui faisait desblessu-res ressemblant&l'ouvertureduvêtementnottantd'unefolleprise d'accès qui revienten courant après avoirfui. Il aimaitaussi, après les mêléesfurieuses,l'odeurdu sang et des chairs déchiquetées,et tout cela ser-vàntde pâture auxvautourscramponnéssur lescada-

yres, ou se suivant contents et joyeux, et marchant,l'aile pendante,auprès des jeunes fillesqui se balan-cent dans les flots de leurs longs vêtements. Ben-Aoudaaimaità entendreraconter par les anciens leshorreurs des combats, horreurs sombres, sinistres

commeles teintes goudronnéesde la nue orageuse~Sonenthousiasmemontait jusqu'au délire quandleconteur en-arrivait aux prouessesdu poète guerrierChahl, de la tribu du Bni-Zimman,qu'on avait sur-nomméFind,quartier de montagne,grosbloc,à-causede sa forceet de sa corpulence,de cehérosqui fut undes cavaliers les plus célèbreset les plus renommésde-la~vieille Arabie, de ce preux dont; on disait:

Page 454: Trumelet Algerie Legendaire

4M-1

t*At.t!i6t)t6t.ÉaENCAM61

«Soixante'dixcavalierset Find font millecavaliers,e

Emad}-Ben-Aoudaétait folâtre despopulationsdela villede Ghorchelëtda lamontagne,queséduisaientses tanches aBcres, sa bravoure,sesmanièresdistin-

gaées,et sa merveilleusehabileté a dirigerun cheval;son incomparaMeadresse à porter pn coupde sabre,ou à envoyeruneballeM avaitfait unepopularitéex-

traordinaire,quin'était pointsansdonnerquelquéom-

brageau GouvernementdelaRégenced'Alger.Ujouis-sait d'une influenceabsolue sur tous les khoddamdeses ancêtresvénérés,les R'obrini,et tous étaientprêtsà verser leur sangpour le triomphede sa causesi, un

jour oul'autre, il en avaitbesoin.Le vent de la révolte contre la dominationturke

était, à ce moment, violemmentsoumé par Abd-el-

Kader-ben-Ech-Cherif,des khouan de l'ordre de Sidi

Abd-eI-Kader-Et-ï~ilani.Cetagitateur avait songéaux

R'obrini,qui appartenaientau mêmeordre quelui, etil nt tous ses effortspour gagner à sa cause Et-HadjBen-Aouda,qu'il savait jouird'un grand prestigeaux

yeux des tribus quiavoisinaientCherchel.Le jeune guerrier-marabouthréponditnèrement à

la propositionque lui avait faite Abd-eL-Kader-ben-Ech-Cherifde marcher aveclui qu'il se sentait assezfort pouragir seulsi celalui convenaitun jour, parcequ'il entendait, dans une action de guerre, avoir le

premier rang.Nous le répétons, les Turks, toujours dénants et

soupçonneux, craignant qu'un jour ou l'autre il nelevât l'étendard de la révolte, songèrent à se débar-rasser d'El-Hadj-Ben-Aouda;ils n'attendaientqu'uneoccasionfavorablepourréaliserleslouablesintentionsdu diouand'Algerà l'égard du jeunemarabouth.Ellene tarda pas à seprésenter. Unjour, se trouvantdans

ia grande mosquée de Cherche!,où s'étaient réunis

Page 455: Trumelet Algerie Legendaire

XM. ~-MOBAMMEB-ECa-CBB~F-ES-S'Ma 4~1

les notablesde la viile, lekaïd turk et ses.auxiliaires,

pour assisteraux débats d~unprocès important, levident Ben-Àoudaibt interpelléd'unetaconblessante

par le j~nctionnaireturk, auquel il répondit &son

<our,sur le mêmeton. Cet agent dttGouvernement,

dm prit mal la chose',prétendit queBen-Aoudaavait

porté atteinte à sa dignité, et, trouvant l'occasionia-voraNopour l'exécutiondes ordresqu'il avait retus,il ordonna&ceuxqui l'accompagnaientde s'emparerdu descendantdes R'oMni, et de l'attachwcommeuncriminel.Transporté de rage et d'indignationen en-

tendant cet ordre du kaïd turk, El-Hadj-Ben-Aoudadégainale poignardqu'il portait à sa ceinture,et lelui plongeadans le'ventrejusqu'à la garde. Il fut aus-

sitôtsaisiet embarqué,lui et sonnègre, sur'un bateau

quiétait en rade, et qui mit sansretard à la voilepourAlger.

Ce drame s'accomplitsi rapidement que, lorsquelès gens de. la ville songèrent &intervenir, Sidi El-

Padj~Ben-Aoudaétait déjà loin d&Cherchel.C'es~ainsi qu'avorta une démonstrationdes tribus

kabilesqui étaient accouruesen armes pour vengerleur idole et exterminerles Turks; il était trop tard,car lekaïdSliman,frappéà mort, avaitété embarqué,avec la garnisonturke, sur un navirequi avait éga-mentnié sur Alger.

Les R'obrini mirent tout en oeuvrepour tâcher de

soustraire El-Hadj-Ben-Aoudaau sort qui l'attendait:demandes,prières, sollicitations,interventionde tousles notablesdeCherchelet destribus quienrelevaient,toutes les démarches, en un mot, demeurèrentsans

effet; l'offre même de donner en argent monnayéle

poidsdeson corpsfut dédaigneusementrepoussée.Lediouanne voulutrien entendre,et l'infortunéEl-Hadj-Ben-Aoudafut condamnéà être décapité,supplicequTt

Page 456: Trumelet Algerie Legendaire

~8 t'AM~ ~aENBMRR

subit avec la fermeté et le calme d'un martyr, ainsi

son MMonègre, qui avait chercha &!e défendretors'de son arrestationdans la mosquéede Cherchel.

Lanouvelledecettemortjeta la consternationdanstoute ta*contrée.Craignantpour lui et pour les siens,Sidi Mohammed-Es-Saïd,le jeune fils de la victime,abandonnaprécipitammentla ville,et se réfugia,avec.sa famille,dans la tribudesBni-Zioui,laquelleoccupeùn pays d'accèsdimeile,où jamaisles Turksn'avaient

osëp6netrer.LesR'obrinirestèrentchezcesmontagnardspendant

plusieursannées, et ils ne se décidèrentà quitter leur~retraiteque lorsque ie pacha d'Algerleur eut envoyésonchapeletcommegaged'aman

Le cadavred'El-Hadj-Ben-Aoudaet celuide sonser-viteur furent pieusementrapportés à Cherche!.CeluideSidiEi-Hadj-Ben-Aoudafut déposédans la koubbaoù reposeSidi Mohammed-Ech-Cherif,son ancêtre,et

tout pres'decelle oufurent déposesles restesmortel~deSidiBrahath.ben-Sidi-Mohammed-Et-R'obrmi.

Ces,tombeaux,qui sontsitués endehorsde la ported'Alger, sur le bord do la mer, sont visitéschaqueannée par les nombreux khouan de l'ordre de Sidi

Abd-eI-Kader-Et-B~ilani,qui 'appartiennentaux cir-

conscriptionsreligieusesde Milianaet de Mêdéa.Latradition n'ayant point conservele souvenirdes~

miracles.quiont pu être opéras,par.les. R'obrinide la~descendancede Sidi Mohammed-Ech-Cherif-Es-Sr'ir,nous cesseronslà le relevé thaumaturgiquodes actesde la famillede ces saints marabotïths.

`,i. ~m<maigniaesêtiufiM,wûreM,étatdeceluiqain'ëptomve

aucunecrainte,sauf-conduit.Pourles coupables,c'estlepar-don,lavie:sauve,ïnaiBmaaqm'Usoitpr~ageau ïeapeineaa.intefYemir. J

_L'f'

Page 457: Trumelet Algerie Legendaire

XLiiï

S!D!MAZOUZ-B!LLÀH

Nousl'avonsdit précédemment,à~'époqueoù furentrendusles décretsqui expulsaientdu sol de l'Espagnetes Mores andalous, la célèbre Zaouïade Saguiet-El-Hamra,où s'étaient réfugiésun grand nombre desavants docteurs, chargeade missionsprosélytiques,dans la partie de l'Algériequenousoccuponsaujour-d'hui, tes plusardemmentreligieuxet en mêmetempsles plushabilesdeceshommesde Dieu.Quelques-unsde ces marabouths se répandirent isolémentdans le

pays, et sans autre missionque celle qu'ils s'étaient

donnée, laquelle, du reste, leur était communeaveccelledes Moresprovenant,commeeux, du monastèrede l'Ouad-Draâ,cetterivièremarokainequi sembleun

chapelet ~esaoMa~a et le foyerprincipalde l'Islam;leur mission, disons-nous, était la A<M*aMtM<t<M~qu'on nouspardonnecet affreuxbarbarisme,qui, ici,est tout à fait ensituation, la pénétrationpacifique,puisqu'onne le pouvaitpar la force,du payskabil, et-raSHiatiohJe ces rudeset indomptablesmontagnards4 l'ordre de SidiAbd-el-Kader-EI-Bijilani.Lebut de ces=

missionnairesétait, en un mot, la créationde l'unitéet de la solidaritéreligieusesdans les États barbares-

ques.

1.Plurielde~<KM<to.

Page 458: Trumelet Algerie Legendaire

~o. --°'->=;

C_<-

.?$ ).*A!t66MB~aEKMtBE

Vers te commencementduXW sièclede notre are,un gNMtpede six marabouthsse répandit dans la Re-

geneed'Alger,quevenaientdefonderles deuxcélèbrescorsaÏMSAroud}et Kheïr-ed-Din.Cessaints person-nages se nommaient Sidi Mohammed-ben-Mimoun,qui était originairede SeviUa,et dont le tombeausetrouvedans le paysdes Oulad-Bou-Rahma,entre Mos-

taghanemet Tenès; SidiSoteïman-Bon-ReMaa,origi-naire doMalaga,et dont ta dépouillemortelle repose

chez les Ontad-Khe!ouf,au bord de la mer,à ï'est des

OuIad-Boa-Rhama;SidiAbon-Madyan,natif deSevilla,et dontïe tombeauest à El-Eubbad,près de Tlemsan;Sidi Mensonr,né à Cordoba,et dont la koubba étaitautrefois en dehors de Bab-Azzoun,à Alger; Sidi

Mohammed-ben-Moalouk,également originaire de

Cordoba, et dont les restes mortels sont à Oudjda(Marok);SidiMàzouz-BiUah~né à Malaga, et dont la

précieusedépouillea été déposéenon loin de Mosta-

ghanem.Nousne nousoccuperonstout d'abordque de ce der-

nier saint marabouth,dontle nom est resté en grandevénérationdanà le pays où il reposedu dernier som-meil.

Sidi M&zouz,dont l'objectif religieux avait été la

grande tribu desMedjeher,&l'embouchuredu Chelef,s'était établinonloin de lavillede Mostaghanem,d'oùil rayonnaitdans sa zonede propagande.

Commetous les Moreschassésd'Espagne,Sidi Mà-zouzne désespéraitpas derentrerbientôtenvainqueurdanscettebelle et séduisanteAndalousieque les Mu-sulmansavaientoccupéependantplusdéhuitcentsans.C'estdans cet espoir, si amoureusementcaressé,quelesexpulsésavaientemporté les clefsde ces maisons,–leurpropriétê,–qu'ils étaientforcésd'abandonner.-SidiMâzouz,dé)&chargéd'ans, fut pris de lanostalgie

Page 459: Trumelet Algerie Legendaire

XM!. –MM!M~MW~MM~ 48t

~esonanciennepatrie; ilvoulut revoir,ne jfat-eequ'uninstant,ayantdé mourir,–puisque Bleun'avaitpointencore permis que,les Musulmansy MntMSMnten

maîtres, ia villede Malaga,oa il avait requle jour.s'embarqua avecun de ses ndeles serviteurset sa

mu!e,et se~t déposerAterre, &la chutedujôNr,aa~

depon~ïr parcburir !a v!Hetout &son aise, et sansdonner l'éveilaux ChreMens,dont Uavait reveta,

que Dieule lui pardonne le costumemaudit.

Nousne pourrions'dire ai c'est l'émotionde se.re-

trouverauxHeuxoùa'etaitpasséesa jeunesse,derevoirla maisonouit était né; nous ignoronssi c'est !echa-

grin de voir tous cesbiens tombésentre les mainsdes

Chrétiens,ou si ce sont les fatiguesde la traversée;nous serionstrès embarrassésde dire si c'est &cescausesqu'il convientd'attribuer la nevre ardentedontil fut pris presquesubitement,ou bien s'il en avait

apporté le germeaveclui. Quoiqu'il en soit, SidiMà-zouzmourutdansunebaraquede pêcheur,sur la cote,le lendemainde .sondébarquementà Nalaga.

Maisavant de vider sonoutre, et sentant sa fin ap-procher, il avait.fait 'cetterecommandationsuprêmeason serviteur « Commeje ne veux point que mon

corps reste sur une terre au pouvoirdes inMeies, et

commeje désire, au contraire, qu'il repose en paysmusulman,d~sque je ne seraiplus, tu chargerasmes

restes mortels sur mamule, et tu les déposeraslà oùelles'arrêtera. x4

Le serviteur exécuta ponctuellementles dernières

volontésde son vénérémaître le corps de Sidi Mâ-

zouz fut nxé en travers de la mule, laquelle se mit

aussitôten route, sansy avoirété invitéepar 16servi-

teur elle longeapendant quelquetempsle bord de la

mer, puis, lorsqu'elleeut atteint une plagefavorable,elle continuason cheminsur le perMeélément,abso-

Page 460: Trumelet Algerie Legendaire

4~ &~M~ ~SesKMME

Icmeat comm~sieMese futtrouvéeen terre ferme,etelle prit, avec son précieux fardeau, une directionNud'esi.Leserviteurne Mssa pas que d'être quelquepeu embwrasaé, car il avait reçu i'drdre terme! deautvM!amu!ejusqu'aupoint ouellea~arréterttït;aprèsURinstant d'Msitatïont,et commeUétait de ta force

d'mtpoïat~a dans l'art de tanatatïoa, H s'élançaà lasuitede !a mule,qu'il eut bientôtrejointe, et se main-tint'dans son siNage.

Quandla nuit arriva, Ïé aervïtear se Bt ceMeré<CeMon:« Si le 'saintdésireêtre enterré en terre mu-sulmane,commeil me l'a dit, nous,avonsencorebien,du cheminà faire,surtout si la mulecontinueà suivrela mêmedirection.Mais,après tout, que m'importe?j'irai tant que mes forcesme le permettront.t Chosebizarre il y avait d~jàprèsde douzeheuresqu'ils na-

viguaient,la mule et lui, et pourtant il ne se sentait.pas plus de fatiguequelorsqu'il s'était élancédans lamer. Il y avait évidemmentlà un prodigequi ne pou-vait être attribué qu'à l'interventiondu saint. Aussile serviteurfut-iltout à fait rassuré sur l'issuede son

mystérieuxvoyagede long cours. Ce qu'il y avait de

singulier,c'est qu'iln'éprouvaitni le besoinde boire,ni celuide manger,et c'était bienheureux,car il~'a-vaifemportédeprovisionsd'aucunesorte.

Enfin,au bout de trois jours et de trois nuits denatation, le convoiarriva en vue de Mostaghanem.La muley prenait bientôtterre, et avecla méme.faci-'litéqu'elleavaitpris la merà quelquedistancedeBMa-ga.Aprèsavoirmarché.pendantquelquetemps,la mules'affaissa tout à coup'sous le corps du saint, et ellemourut. Le serviteurse mit en devoirde creuserune:~sse,où il déposa la dépouille'mortelledu bienheu-~reux marabouth.Sa missionétantremplie,il enrenditgrâce à Dieu,.et le remercia de l'avoir choisipourY

Page 461: Trumelet Algerie Legendaire

XMÏ). StM MAMMi-BMMa 40

l'accomplissementd'une tâche dentNsereconnaissait

indigne.Maisles gens de Mostaghanemet des tribus envi-

ronnantes n'avaient pas tardé à être miaau courantde toutes les circonstancesde ce fait miraculeux.Aussis'empFessèrent-iisdefaireconstruireunesuperbeet spacieusekoubba dans laquelleils déposèrent tesrestes mortels de Sidi MAzouzet ceux de sa mule

recrée. Les serviteursreligieuxdu saint tnarabouthtrouvèrent que la manifestation dont Dieu s'étaitservipour sa g!oriNcationjustifiait parfaitement le

.nom de Màzouz-BiUahqui lui avait été donne, caril

signinocA~eu.`

La connancedesBni-Mostaghanemet des Medjeherdans l'influencedontjouit le saintauprès de Dieuestaussientièreaujourd'hui qu'ellet'avait été durantsonexistenceterrestre. Aussise pressent-ilstoujoursau-tour de sontombeauavec une.ferveurquiparaît vou-loirdéfierles sièclesles plus reculés.

Page 462: Trumelet Algerie Legendaire

XLÏV

8INt

MOHAMMED-BEN-OMAR-Eï~HOOUARt'

Les auteurs arabes s'accordentà, dire que la vilied'Ouahran(Oran)a produit un grand nombrede per-

~sonnagesillustres par leur sainteté et leur savoir.Matales deuxplus grandescélébritéssous le rapportde Ïa science et de la pieté sont. sans conteste, lesaoM~ttSidi Nohanuaed-El-HoouaH,et son discipte,

SidtIbrahitn-Et-Tazi.Nous nous occuperonstout d'abord du premier

de ces saints, dont Ibn-S&addonne ainsi la généa-logie il se nommaitMohammed-ben-Omar-ben-Ots-man-ben-Menia-bon-Aïacha-ben-Akacha-ben-Siïed-

En-Nas-ben-Amin-En-Nas-El-Mari-El-Màzaouimaisil était plus généralement connu sous le nomd'j57-

JSfbotMf~parce qu'il appartenaitd'origineà la grandetribu berbère desHoouara.

SidiMohammed-El-Hoouarinaquit à Oran en l'an?5i de l'hégire(i3<9).En naissant,il avait obtenudeDieu,et à un degré éminent,les dons et lesvertusquiconstituenteï-ottMa, la sainteté. Dès son enfance,&

1.NousempruntonslaplupartdesdétailsquiontrapportàSidiEt-Hoouarlà nnexcellentetintéressanttravailpuNiédansla RMMec/Mca&te,en 4887,parle savant,professeuret otien-talisteGorguos.

Page 463: Trumelet Algerie Legendaire

XHV.–S!MaOBAHHNM!N!-OHAR-n-CtOOOAM?8

.accomplissaitexactementsesprièresaux heures cano-

mquos, et, pendant toute sa vie, il n'en a jamais re-tardé qu'une,et encorece fut sansle vouloir.A l'âgededix ans, il savait le Koran par cœur, et méritait

ainai le titre de ~<A. Apeine adolescent,il possé-dait la sagesse et marchaitdans son sentier; il était

rigoureux observateur du jeune, noble, et largementgénéreux.Il aimait les hommespieux; il leur prêtait

.son appui et les entourait de son respect. Jamais il.ne franchit les limitesétabliespar la loi du Prophète.Il se montra toujourscontinent et détachédes chosesmondaines. Enfin, ses actions furent toujours aussiélevéesque son savoirétait éminent.

n n'était pointencoresortidel'adolescence,lorsqu'ilse rendit à Kelmitou pour y visiter un saint mara-bouth des plus distinguésparmi les amis de Dieu,et.obtenir en sa faveur son intercessionauprès du Tout-Puissant. Cetoualivénéré appelasur lui les bénédic-tionsdivines,afin qu'il pût être comptéau nombre4e.ceuxqui marchentdans la voiedroite.

Aprèss'être séparé du saint vieillard,Mohammed-El-Hoouariparcourut les contréesà l'est et a l'ouest

d'Or~m,puis il.s'enfbncadans les déserts, au sein dessolitudes..Ilsenourrissait desplanteset desracmesde

la terre et desfeuillesdesarbres, etil vivaitau milieudes animauxféroces bu nui.sibles,lesquelsne lui fai-saiontaucunmal. Dieu,d'ailleurs,luiavaitfait lagrâce

de ne craindre aucunecréature,ni serpents;ni scor-

pions, ni être humain, ni génie.Mêmeétant enfant,ilne redoutait, ni lion ni panthère, pas plus que les

voyagespendant l'obscuritédesnuits. Ainsi,pendant

i.SoMf-JCe&MttoM(Rempart desANigês), dee&eMt(hameau)danshT!tR6cduChchd'!mMnB

Page 464: Trumelet Algerie Legendaire

~.M9 t'ÂMÊMR tÉ9Et<M!Mî

son ~our dans te Sabra, il lui arrivaMquemment,loraqu* allait demanderl'hospitalitédans un donar

ou dans un &sar,que les vipères cornues, dontlamorsure est mortelle, on les scorpions,vinssent,

"pendant' la nuit, chercher un refuge dans ses vête-ments~Le saint se bornait à les secouer doucement

pour se débarrasser de ces hôtes, généralementre-

gardescommefort incommodespar les gensqui n'ontpas la foi. Quantà lui, il n'eut jamaisà s'en plaindre.

Unan après avoiratteint le termede l'adolescence,Sidi El-Hoouarise rendit à Bougiepour s'instruire etse ibrtiner dans la science il étudiasousles savants

professeurs de cetteville, qui, à cetteépoque,était uncentre lumineux;il suivit surtout les leçons des il-

'lustres chioukli Sidi Abd-er-Rahman-El-Ourlici etSidiAhmed-ben-Idris.Aprèsavoirgoûtede la sciencetout ce qu'il en put supporter,il partit pour Fas (Fez).C'étaiten l'annéeT76 de l'hégire (1374)il avait alors

vingt-cinq ans. Ayant terminé les études qu'il avait

commencées&Bougie,le jeune savantouvrit,pour les

tholba,un coursdans lequelil enseignale /ÏM (juris-prudence)et la langue arabe. n y avait foule à ses

leçons, car, au direde ses disciples,jamais on n'avait

entendu une dictioncomparableà la sienne.

H quitta Fas pour accomplir son pèlerinage àMekka et &EI-Medina;ilvisita ensuiteEl-Bit-El-Mo-kaddès(Jérusalem),et put ainsi se-prosternerdans les

'trois mosquéesles plusvénéréesde l'Islam~celleso&la prière obtient le comblede re&cacité.

Asonretour du pèlerinage, Sidi El-Hoouarirevintse fixerdénnitivementà Oran, où il ouvrit une NtC-

<apa' qui fut bientôt fréquentéepartous les savants

i. ~coted'enseignementsupérieur.

Page 465: Trumelet Algerie Legendaire

Xt.W.–S!M MOBAaNB~BEN'OMAN-m-BeeOAM 457

26

de !a ville, lesquelsne se. lassaientpasd'entendreses~ubstantielloalevons, tl expliquait et etacidait a~oc

un~mervejMleusefacilité les questionsles plus ardues,

)es plus obscureset les plus épineuses.!1 possédaitaussi la rare facultéde tire aufondde. la penséedeshommes comme si elle se fût matérialisée sur !e

yîsage de ceux qui le cônsultaient.Très souvent,sesréponses auxpropositionsqu'on lui soumettaitétaient

complexeset embrassaient'plusieurs éléments, desorte.quechàqueassistanty trouvait la solutionde ce

qui l'embarrassait, et cela avant même.qu'il l'eût8emandeeau.saintet savant.docteur.

II est avéré que les anges assistaientà sesleçons;sans doute ils n'étaient pas visibles pour tout le

monde; mais quelques-unsdes. saints qui venaient

goûter auprès d&Sidi EI-Hoouarîle charme de la

parole divineles aperçurent fréquemment;plusieursd'entre euxl'aHu'merentà diversesreprises. Dureste,on s'en doutaitbien un peu, car alors il laissait aller

jsaparole sanschercherà l'approprier et à la mesurer

l'intelligenced'auditeurs ordinaires; c'étaitde tahaute éloquence aussitrès peu d'élèvessaisissaient-ilsla portée de.ces lecpnsqui, d'aiUeurStn'étaientplusfaites pour eux. Il faut dire que Sidi EMïoouarinecherchait nullementà nier la présenceà sesleçonsdu

~MeMou~c'est-à-diredu mondeinvisibledesangesetdes*esprits. Il arrivait aussi que: quelques-unsdes

~e~OMM(génies) cherchassent à s'y faunlèr; maislacrainte d'y rencontrerle regard des angesles empê-chait d'assisterà ces leçonsaussi souvent.qu'Usl'eus-sent désiré..

Lesaint marabouthracontait souventqn'an jouft u&~eKt~ qui voulait l'embarrasser~entra,chez lui sousla. formed'un chientenant à sa gueuleun papier.sur

lequel étaientécritesquatre-vingtsquestions donton

Page 466: Trumelet Algerie Legendaire

~i.t.'MMt~.>

1

lui demandaitla solution. Cette avenMre lui étaittMTïveedansla nuitdwlundiemmat~i88~eb *!86de

l'hëgire~aas). !1 va sansdire que SdiEl-Hoouannëtint Aucuncompte d'une pareiUeinvita~on,et quele

prétendriclû~n;ao vogâwt,c~dcoùvert,ee retira ~u.plusprétenducHen, se voyantdécouvert,au plusvite l'oreilleet la queuebasses.

Sidi N-Hoouanconsacrait beaucoupde tempsà la

prïêre; a p~teraïipfîerJa nuit, caries bruiis du jourm~MFmettentpas toutoursde saisir la parolede Dieu

ou<~a~s délègues quand ils vous ibnt la grâcede

s'eB~eteB~asocvous. n est vrai que c'est aussipen-oant la nuit qaxles génies cherchentà voustenter.

Ainsi,pour n'en'citw qu'un &dt,un génieentMdtpar-ais de nuit chezle samt homme,a l'époque ou il

tenait la <ne<& d'Oran,aï<Hf8qu'il était en étudeouen p~èjre;il etejtgnadtla lumière, puis il se lançait et

gambadaitde tous côtés. La famille d~ marabouth,

qui ontendait~ar&itementle tintamarre quefaisait ce

.Ujenn,était û-appée d'épouvanté. Une nuit, foMaK

entreprit d'attendre ce misérable génie qui osait le

tracasser ainsi il réussit &l'attraper par le pied. Le

malin génie se mità pousserdes, -cris perçants, puisson pied s'aminciten se re~oidissantdansla maindu

marabouth,et à ce pointqu'il seréduisit à l'épaisseurd~uncheveuqui lui glissaentre les doigts.Tout portea croire que, néanmoins, la .leçon lui avait pronté,:car ceturbulentet agaçantgéniene reparut plus.

Sidi El-Hoouari inspirait aux Arabes autant de

jerainte que de respect.< Dieu,disaient-ils, exauce

toujours ses prièresa aussison ressentimentétait-ilredoutéà l'égal du courrouxcéleste.Le fait est quela

patience et l'oubli des injures ne figuraientquemé-~diocrementau nombredo sesvertus. Ainsi,un, jour,~1avaitenvoyéun de ses serviteursvers un cnefdesBni-Amer,nomméOtsman,pour l'engager à restituer

Page 467: Trumelet Algerie Legendaire

~W.NMMjONat-BEN~MAK-Bt.-BOO~AM

une sonnée d'argent injustementravieM'wn de sescompagnons. Mais, au lieu de faire Ïa restitutionqu'onM réclamait, le chef desBni-Ameraccablale

messagerde paroïesoutFageante&et te ? jeter enpri-aon. Ala nouvelledu traitementque rAm~ avaitMtsubir à son serviteur, le saint fut pris d'oNaoc~sdecolèretellement'violent que sonvisageen devinttoutnoir. Daeretira àl'écart, et on l'entenditTjnmrmarerà

plusieursreprisesle mot <e/e~eM,lequel seoit d'unechosequi se fracasse en tombant. Or it arriva que~ce jour-là, Otsmanétait mbnM&chevat pourprendrepart aux rëjou!ssances d'une noce. Toutà coup, lesinvités aperçurent un personnage vêtu de blanc quisaisit le èhikh des Bm-Aîner'par un pied, le désar-çonnaet lebrisa sur le sol. Onaccouruta lui, et on 1~trouva me/e<Me&~comme'l'avait dit l'ouali, et lachute avait été si tiolente que sa tête avait presqueentièrementdisparudanssapoitrtM. La mèred'Ots~

man,en proie à la plusvive-douleur,et quiavaitcom-

pris que le triste sort de son fils était lejuste chAti-ment du traitement Inique qu'il avait fait sulMrau

saint, lui fit rendre à l'instant sa libère a~nd'apaiserle courrouxdit terrible marabouth.

Dans une aut~ecirconstance,Sidi Ei-ËQouaridonnaencore là mesure de son pouvoirsurnaturel. Unefemme avait.son.fils prisonnier en Andalousie;elle'alla trouver le saint homme pour se plaindrede soninfortune -etpour le prier, lui quipouvaittoutd'yapporter remède~Sidi ËI-Hcouanordonnaa cette

~emmed'apprêter un plat de bouillonet de viandeetde lé lui apporter. La femme, comme-on le pensebien, s'empressad'obéir et revint bientôt avecle platdemande. Or, Sidi El-Hoouariavait alors une ~o«-

~M&tlevrette) qui nourrissait ses petits~.N lui ?

manger le plat de viande quevenait de préparer la

Page 468: Trumelet Algerie Legendaire

MO RAMÈNEt&CB!<BMM:

mèredu prisonnier,puis, s*adressantà sa levrette, illui dtt «'Va maintenant en Andalousieet ramône-moi !e Ch de cette femme.? La s~oM~MM!,qui ava~

compris,ne se le lit pas répéterune secondefois; elle

partit commeun trait, et Dieupermit qu'elle trouvâtle moyende traverser la mep 6Mts!a mpmdre diN-cutie. Arrivée sw~a côte andMouse,la merveUïettsëchiennerencontra précisémentïe captifqn'eMcdevaitramener. Ce jour-là, voyez un pou comm6Ie~choses s'arrangent bien quand le Dieu unique se

nonneïa peinede s*onmêler! le jeune Arabe, quiétait enesclavagechez une Chrétienne,–nous ne le

plaignonsvraunentpas,– était venuau marchépoury acheterunepaire de côtelettesde mouton,car cetteChrétienneavait du monde ce jour-là. D'unbond, lalevrettearrache cetteviandedes mainsdu Musulman,puis elleprendsa coursecommesaventla prendre leslevrettes quand elles veulent s'en donnerla peine, et

fHedansla direction du rivage. Craignantjustementles reprochesde sa maîtresse,le jeune Oranais se mita la poursuite de ses côtelettes.La levrette franchitun canal! l'Arabele franchit après elle; enfinbête ethomme arrivent sur le bord de la mer, tous deux latraversent par la toute-puissancede Dieu,commes'ilse fut agi d'un onad aMcain pendantla canicule,etBsrentrent à Oransains et saufs.

Bienque la légende laissece point intéressantdans

Nombre,nousaimons à croire que la leviette.a étérémunéréede sa coursepar le don descôtelettesdela

Chrétienne;bien que la bête à laquelle elles avaient

appartenu n'edt pas été égorgée selon la formule;mais,pour les chiennes,la viande'est toujours sum-sammentorthodoxe.

Certes, SidiËl-Hdoaanne manquaitni de vertus,ni

~e qualités; mais Mfaut reconnaîtrequ'il avait aussi

Page 469: Trumelet Algerie Legendaire

XMV.–SKHMOBANMEe-BEN-OMAR-H.-MOOUABt46i

28.

de bienmauvaismoments; enjésumé, il valait beau-

leoupmieux être de ses amis que deaea ennemis.A

plusieurs reprises,.H nt sentir le poidsde sa colèreaux imprudentsqui l'avaient provoquée.La malheu"reuse ville d'Oran a pu apprendre à ses dépens ce

qu'il en coûtait des'éloignerdu cheminde la vertu, etde donnertoutes ses préférencesau vice et &la cor-

ruption, Indigné de.la conduitedes Oranais, que leluxe.et la richesse avaient corrompusau plus haut

degré, et dont les moeurs, jadis si pures, étaientdevenuesfangeuses et sanieuses, il leur lança cettemalédictionen plein visage

« Oran,ville de l'adultère, de la pédérastie et detous les vices,voiciune prédiction qui s'accomplira:« L'étrangerviendradans tes murs,et il y resterajns-« qu'au jour du revoiret de la rencontre'! aS'il fallait en croire l'auteur du T~eAJ5Y-.4an/?M,qui necraint pas dele dire enproprestermes,le chikhTEl-HoouariavaitvenduOranaux infidèles,en appelantla vengeancede Dieu contre lès habitants de cette

ville,lesquelslui avaienttué unde sesnls. Un ouali,'nomméSidiAli-El-Asrar,aurait été le témoinauricu-laire de la malédictionlancée, c'étaitbien naturel,

par ce père irrité. Il aurait demandéque la villed'Oran devîntpendanttroiscentslaproiedesChrétiens.

Nous ne voudrions pas manquer de déférenceà

l'égardde l'illustre auteurdu ~RzeA-JH-~a~M;cepen-dant, nous nous permettrons de faire observerqueSidi El-Hoouari,qui jouissait du don de prescience,

i. L'auteurdu I~MOMOMtexpliqueains*.cetteexpressionLorsquelemondeseradétruit,et quTine resteraplusque

Dieuseul,il sèmeral'espritsur nostombeaux,et nousnouslèverons.C'estalorsqu'itnousenverradansunlieuoutoutle.genrehumainserarassemble,et ottousse~ae<Mt<<~nM<t

Page 470: Trumelet Algerie Legendaire

i 1 7 1 1

462 t.'Àt.e~ïE~eEttBAKtB

n'avait pasbesoindefaireaDieuunepareilledemande:

~ar, puisqu'illisait dansl'awnir, il savaitbienquecelalevait arriver. B s'est doncborné à prédire cet événe-

ment, qui, évidemment,a pu être amenôà titre deeh&Nmentpar le mauvaisétat desmœursdes Oranais.

Seulement,Sidi E!-Hoouari,qui aurait pu garder cela

pour lui, maisqui n'avait plus de ménagementsà gar-deraveccescorrompuset cesméchantsqui luiavaient

tueunde ses enfants,n'avaitpashésiterdoslors,à leurfairecetteterriblecommunication.Dureste, ils eurendurépit, car saprédictionnes'accomplitquesoixante-dixansplus tard c'est-à-direque, selonla logiqueet

l'équitéde laDivinitémusulmane,ce furentlesentantset petits-enfantsdes coupablesqui subirentle châti-mentméritépar leurs ascendants.C'est toujoursainsi

quecela sepasse en Musulmanie,et ailleurspeut-être.Donc,l'accusationde haute trahison lancée par l'au-teur du FMe&contre Sidi El-Hoouarin'est qu'une in.famé calomnie que cet écrivainn'a sans doute pasportée en paradis. Noussommesbien aise de purgerla mémoirede ce saint vénéréd'une imputationquiavaitfait son temps,et dont sesnombreuxdescendantssont loin d'êtreentièrementnettoyésou disculpés.

Nousavonsdit plushaut queSidi El-Hoouàrijouis-sait, comme tous les oMa~t.d'ailleurs, du don de

prescience;aussi s'en est-il servi fréquemmentdansses medah,pièces de poésie religieuse,–car il était

poète à sesheures, où il exhalesasaintebilecontreles impies et les méchants; sans doute il confend

quelquefoisla cause de Dieuavec la sienne,et il fait

usagede ceprécieuxpouvoirdans sonintérêtparticu-lier; mais, après tout, le saint marabouthavait assez

1.Les.Espagnolsne se sontemparésd'Oranqa'en4S09,etSMiE~Hoonat!moarateni<39.

Page 471: Trumelet Algerie Legendaire

XUV.–MM NOHAMNEB-BE!<-OMAR-EÏ.-BOOCABt463

travaillédans celuidu Très-Hautpour.quecelui-cineae montrât pas trop rigide sur ce chapitre,et qu*illui~n laissât prendre quelquepeu. H est incontes~M~que, pour prédire l'avenir, SidiEI-Hoouarin'était pasde la force de Sidi Ei-AkaM,des Oulad-Khelouf,quivivaitaussià Oranversl'an iiSOde l'hégire (173?):ilest vrai de dire quece saintKhelountenaitses rensei-

gnements de premièremain, c'est-à-direqu'il ne crai-

gnait pas de'se déranger,en montant au-dessusdes

.SeptCieux,poury prendre desnotes sur JBP-ZoMAe~-

JMaA/oMdfA,-la Table conservée', où sontinscritesJës destinéesdes hommeset des nations. Les prédic-tions deSidiEl-Akahlont trait égalementausort delaville d'Oran,qui, à deux reprisesdifférentes,en 180~et en 1732,fut occupéepar les Espagnols,lesquelsla

conservèrent,en deux fois, pendant deux cent cin-

quante-neufans.

Enfin,après uneexistencepasséetout entièredansle sentier de Dieu,Sidi Mohammed-El-Hoouarimou-rut à Oran, en l'an 843de l'hégire (i439), à l'âge de

quatre-vingt-douzeans. Il laissa, en mourant,un filsdu nomd'Abd-er-Rahman-ben-Mohammed,lequel futle père d'unedescendancequi se multiplia commeles

i. Cèstaar la Tablec<MMerc<eq~osonttracéstesarrêtsdoDieupourFavenir.CetteTable,quiestplacéeauseptièmeciel,est aussilonguequele (Selet laTerre,et aussilargeque.l'Orientet l'Occident.Selonlescommentateurs,un angeest.chargéd'yécrire,d'uncoté,lesactionshumaines'dechaqueJour,et, de l'autre,cellesdel'avenir.Laplumequisertà cetravailestsilonguequ'uncavaliercourantà toutebridepour-rait à peineen parcourirl'étendueen cinqcentsans.Quel-ques-unsprétendentquecetteplumemerveilleusepossèdelapropriétéd'écrired'elle-même,et sais le secoursd'aucunex-péditionnaire,le présentet l'avenir.A défaut,de moyensdevérmeation,nouapréféronsnousabstenirdenousprononcersurlavaleurdecesdeaiepinmas.

Page 472: Trumelet Algerie Legendaire

71"}-

1. 1 ç.:

~M ~AMaMEt~HKKMMtE

~toMesdu ciel. Cettepostéritéfut, de tout temps, res-

pectée des Oranais, lesquelsredouteraient encore,en

yo~nsant, d'encourir!a coteredu terrible et savanttnarahouth.

Un<Ne~eef',qae SidiEt-HôcuM!attendittrois centayante ans, fut construit sur son tombeauen i2i3de rMgire (17994800)par le Bey Otsman-bon-Mo-

hanuned, dit J~o~M, aïs et successeurde Moham-

med-Et'AkaN,surnomméEt-KMr.Le minaretde cette

mosquée,décoréede troisétagesd'arcaturestrilobées,a étébâti sur la koubbadu saint; c'est la seuleportion~e cet étabMssementreligieuxqui ait -étécouservée

pour le servicedu cuItemusulman.

XLV

SIDI IBRAHIM'ET-TAZI2$

Sidi Ei-Hoouariavait eu pour disciple chéri Sidii

Ibrahim-Et-Tazi,quiétaitun savantdetoutessciences,une mine de connaissancesrares, un homme tenant

auprès de Dieuun rang considérable,un modèlede

bonté et de générosité,un ami sincèredont les par-fumsde l'affections'attachaientaux parementsde ses

i. LeMM<(/e<iestune.petitemosquéepourlesprièresjoar-~maR&res.C'estunesortedechapelle,d'oratoire.

'SLMoMeesur le Bey<m Jto~amMMÏ-JEMïMf,pM*M.ÏeprofesMarGorghos.(BMtM'a~e<!&M,i85t) J:

Page 473: Trumelet Algerie Legendaire

XtV. 8KM MNAMtN-Et-'FAN 468

xnanenostet dont toutestes actionsétaient arroséesderean de labienfaisance.

se sentant près'do mourir, Sidi EÏ-Hoonari!o dé-clara son successeur,et le chargea de continueraon(envrè. Personne,en eCet,à Oran,n'en était plus ca-

pable, et ne réunissaitau mêmedegré les qualités ettes connaissancespar lesquellesavaitbrillé sonillustremattre.

'Voicice qu'endit Sidi Ahmed-ben-Mohammed.-ben'

Ali-ben-Sahnoun,le célôbreauteurdu Z~OMmaat« Ibrahim était de la tribu berbère des Bni-Lent;

qui, à cette époque,habitaientTaza C'estdans cettevillequ'ilnaquit et passa sonenfance,de là le surnomde Tazipar lequel il est connu.

« Dèssonjeune âge, SidiIbrahimse Bt remarquerpar son amourpour l'étude et par sa profondepieté;aussi ne tarda-t-il pas à accomplirle pèlerinageauxVillessainteset respectées.Dieului fit l'insignefaveurde le mettreen relationavecles saints les plusdistin-

guespar leur savoiret par leur inCuenceauprèsdelui.Il put converseravec eux, acquérir, en suivant leursprécieusesleçons,la possessionde la vraie science,et

pénétrer les secrets et la pratiquedes connaissances

occultes,«siutiles,ajoutesonbiographe,pourfrapper« l'imaginationdu vulgairea.

Après avoir parcouru le Hidjaz,Sidi Ibrahimvi-sita Baghdad.Il lui arriva là une aventureassezsin-

gulière.Unevieillefemmel'accosta,et, aprèsavoirjetéun regard de compassionsur ses vêtementsrâpés et

frangéspar un longusageet parla misère,elle luidit« Par Dieu,vousallez m'apprendred'oùvousêtes? a

i. AncienétaNMemiMtromaM,situésurh~.Mgpedecein-iuredu'Tell,re!ev6parteaBcr!tera,et emauiteparl'ÉmirÀbdrel.K~er,quienatuad~pMd'approvMonnememta.

Page 474: Trumelet Algerie Legendaire

«? ~M.6ËMiBt6eEt<BÀmB488

lorsqu'à mÏ eut réponduqu'il était du Moghreb,elle

N~un gested'étonnementet atouta « « Quelest donclaa moûtquivous amène id, et de si loin?–Le désir

«d'acquérir la science,répondit-M. –Vraiment,con-wtinna-t-ell~,c*eat1&te seul motif? Le seul :luiamrma Sïdl tbrahitn. Alors, étendant un manteau

qu'eHeavait Maison bras, ta vieille ajouta « Pois-o qa'Nen est ainsi, ô monNs! je t'en supplie,ibateun«instant ce manteau abustes pas, et secouesur lui la

« pouasi&redetespieds je le garderaiainsidésormais<<pour qu'il soitmonlinceulquandsera venuema der-« niere heure car si un si nobledésir t'a fait venirenetOrientde l'extrémité de l'Occident,tu osvéritable-« mentdu nombrede Cesélusà qui le paradisest des-« tiné. Le Prophèten'a-t-il pas dit de sesdemeures:«Elis sont réservéesindubitablementà ceuxdont les« pieds sont devenus poudreux dans le sentier de« Dieu!a»

Au retour de son pèlerinage, Sidi Ibrahim passapar Tunis, et les savants docteurs de cette ville luidélivrèrentdesdiplômesqui témoignaientde l'étenduede sa science,laquelle atteignait presque aux limitesextrêmesdes connaissancesde ce temps. B se renditensuiteà Tilmiçan(Tlemsan),où il suivitles leçonsdel'illustre et saint docteur Sidi Ibn-Merzouk, lequelajoutaun nouveaudiplômeà ceuxqu'ilpossédaitdéjà;puis enfin il se transporta à Oran, attiré dans cettemile par l'ardent désir de visiter le très illustre SidiEl-Hoouari.C'est entre Tlemsan et Oran, à Aïn-El-Khïal (la SourcedesFantômes),que Sidi-Ibrahim fut

attaqué par un d~M (génie).Nous allons dire dans

quellescirconstances.Le saint' hommèavait marché depuis le /e<~ew(pointedu jour) jusqu'à l'heure de 1'dcew(vers troisheures et demie. Arrivé à Aïu-Et-KMal,il s'y arrêta

Page 475: Trumelet Algerie Legendaire

X!.V. SIDI!BNABtN'ET'-TAN <M7

pour faire ses ablutionset se reposer.Cettesourceestsituéedansun Mouentouréderochers,et, lorsquevouscriez,le diablevousrépond*. Onsait, d'ailleurs, queles géniesse plaisentet se tiennentvolontiersà proxi--mitédes fontaines,c'est-à-direprès des endroits !ré-quentès,parcequ'ils trouventen cespointsplus d'oc-éasionsdenuire aux pauvresmortels.Lesainthomme

déposaà terre le AeMM(talisman)qu'ilportait toujourssuspendua soncou,préservatifquilui avait été donnépar un savantdu Moghreb,et il y tenait d'autant plusquelei savantsdu Maroksont très expertsdans l'artd'écrire des <Ae~M!M.Aumomentoù Sidi Ibrahimal-tait commencersa prière, le <(/eanle fe~<< commes'il l'eut recouvert d'un manteau. Il fat pris tout à

coup de faiblesseet. de tremblement, et H sentit sa

pensées'enchaînerau point de ne pouvoirse rappelerles a?<!<eMa/MA(les versets de la conservation'),lesquels sont souverains contre les enchantements,C'est-à-direcontre l'action des génies. Le marabouthresta sur place sanspouvoirni crier, ni prier, ni fairele moindremouvement,et si, au moment de se re"mettre en route, un voyageur, qui, en passant, le vitdans cet état, n'était venuà son secours,il serait sansdoute res{élà, impuissantet sans défensecontre cetaBreuxgénie.Cevoyageur,à quiSidiIbrahim raconta

pe quivenaitde lui arriver, le nt montera cheval,et,~$lendemain,quand il arriva au douar de son sau-

i. C'estainsi'quelesArabesexpriment«Mexpliquentleph&-jMmèmedorécho.2. CesontdesversetsdnKoranqu'onportesur soi poorservird'amulettes.Onlesappelle«verietsdela eotMefoa~KMtparceqm'Hscontiennenttouslemot&<?, qaisignme,a'<tn~,«MMereaReN.Ils-sontau nombredeneuf,renfermesdansaeptsourates.

Page 476: Trumelet Algerie Legendaire

~?8 ~AMÊMBt~QMBAtBB

veur~lequel était campeà la pointeouest de Ïa <Se&"Me', Bétait encoredansunétatabattement e.t.defai-Uesse extrêmes..

Aussitôt que Siài~brahimfat couchédans la tenteStuvoyageur,lequel n'avait pas.trouvé prudent qu'ilM remtt enroute dansune pareillesituation d'esprit,~t surtout iaiMe. commeil l'était, son généreuxhôte,disons-nous,envoyachercherun thalebde sesamis,lechikh Ahmed-hen-Es-SaSadj-E~Khodja~à qui Dieu

avait donné l'intelligencedes choses cachées, et lascience dela préparation des &a<~a~ou amulettes.

Aprèsavoirbrale le ~aoMt(benjoin),et fait ses con-

jurations contre le génieen'psalmodiantlesversetsde

la préservationet en s'accompagnantdu <~ (tambou-rin), l'exorcisteAhmed, et ce ne fut pas sanspeine,

finitpar contraindrele génie, qui était un <~eMttPela pire espèce, à évacuerle corps de Sidi Ibra-

him, où déjà il s'était solidementétabli; il déguerpitpleinde confusion,et en répandant dansla tente cetteodeur d\Bufs couvésparticulièreaux mauvaisgéniesqui éprouventdes contrariétés. Puisse-t-il'en arriverautantà tous les <(/eHOt<aqui,tenantà'nepoint fausserla promessefaite à Dieupar Iblis,le chefde leur race,

passent leur temps à guetter les Musulmansdans.le

sentier droiteà.les assaillir pardevantet*par derrière,et à se présenter.&leur droite et à leur gauche pourfaire sombrerleur vertu, laquellen'est déjà que d'unesoliditéet d'une résistance douteuses1

Sidi Ibrahim, tout à fait remis, put continuersonsur Oran,où il arriva le mêmejour à l'heure.du ato~Afe~(coucherdu soleil).Sidi El-Hoouari,qm,déjaavait entenduparler de Sidi Et-Ta?,i;l'accueillit

4tLacs&tê.

Page 477: Trumelet Algerie Legendaire

X~. 8MtBMNtM-M-TA~t46&

aveccordialité; il put se convaincrebientôt qu'onnelui avait pas exagéréles méritesde son hôte, car ilavait vouluquesa maisonfût la sienne, et que SidiIbrabim possédaitla sciencedans toute son étendue;eUe était d'ailleursattestéepar la liasse de diplômesqu'il avait reçus detoutesles illustrationsdontil avaitsuivi les leçons; ses mœurs étaient, en outre, aussi

pures qu'on pouvait l'exiger à cette époque dans lesEtats barbaresques, et son ardente piété était au-dessusde tout éloge.Sidi El-Hoouari,qui avait com-

pris combienlui serait utile un pareil auxiliaire,unhommedont le bagage littéraire, déjà chargé, allait

s'augmentantchaquejour, un poètedont les &<tei<hti

étaient connueset admiréesdans tout le pays musul-

man,Sidi El-Hoouari,disons-nous,qui songeaitpeut-être déjà à en faire sonsuccesseur,mit tout en ceuvre

pour le conserverauprès de lui. Cene fut pas chosefacile car Sidi Ibrahimavait l'humeurvoyageuse,et

puis il lui semblait,danssa modestie,queses connais-sancesétaient encore bienincomplètes,et qu'il avaitencore beaucoupà gagner à la fréquentationdeseu-

lama, ou gens de lettres de réputation.Il se promet-tait, en faisant une seconde fois le pèlerinage auxVillessaintes,d'entendredenouveau,à son passage àEl-Kahira(LeKaire),les éloquentsdocteursde la mos-

quée El-Azhar,le centreconservateurde la religion.MaisSidi Et-Hoouariréussità le détournerde ce pro-jet, et à le décideràne plus seséparerdelui. «Chargéd'ans commeje le suis, lui disait-il,Dieune peut tar-der à me rappelerà lui; or, tu as ma pensée; tu saisce queje veux; toi seul peux donc me remplaceret

i. La Kacidaest unpoème, particulier.auxArabes,quin'apasmoinsdeaeuMdistiques,et quipeutenavoirunecentaine.

SI

Page 478: Trumelet Algerie Legendaire

4~0 L'AMÉMEtË(!EK)&AtRE

continuer mon cauvre. a Du reste, le vieil ouali entou-

rait Sidi tbrahim des plus grands égards, et, tant qu'ilvécut, il exhorta ses élèveset son entourage à se former

sur l'exemple de son savant et vertueux associé, et à

avoir pour lui toute la vénération et tout le respect

qu'il méritait.Sidi El-Hoouari ne tarda pas, en effet, à descendre

dans la tombe, et Sidi Ibrahim, reconnu par tous comme

digne du premier rang, succéda à son vénéré maîtresans la moindre dimcutté. Il joignait d'ailleurs à sa

science profonde une grande élévation de caractère et

une remarquable distinction jurisconsulte consommé,imbu des doctrines du Soufisme,complètement dans les

principes du Livre sacré et de la Sounna doué au su-

prême degré de ces précieuses qualités qu'on appellela libéralité, la résignation et la patience; aimant les

grands, et sachant supporter leur caractère, quelquedifficile qu'il pût être; recherché par tous à cause deson aSabiiité et du charme de sa conversation; se rap-pelant sans cesse que le Prophète a dit « Ne sois pasamer (insociable); autrement, dès qu'on t'aurait goûté,.on te rejetterait avec le crachat »; séduisant et inta-rissable conteur, car il s'était enduit les yeux de la

poussière des narrations 2: il est clair qu'avec cet en-semble de mérites, qui constituent presque la perfec-tion, Sidi Ibrahim ne pouvait manquer de devenir en

peu de temps l'idole des Oranais. La ville elle-mêmene tarda pas à bénéficier de la situation que luifaisait son saint et savant professeur; aussi brilla-t-.elle bientôt par lui du plus vif éclat; elle s'accrut, en

outre, rapidement d'un nombre extraordinaire d'é-

trangers et de savants qu'y attirait sa réputation de

t. Maximeset prescriptionsémanéesdu Prophète.2. L'étudeassiduede l'histoire.

Page 479: Trumelet Algerie Legendaire

XLV. StM MNABtM-BT-TAZt 47i

science, de vertu, de piété, d'aménité et de générosité.îbd-Saad, son contemporain, dit de Sidi Ibrahim

« n fit d'Oran une sorte de marché de la réputation et

de la gloire; il déploya dans cette ville les bannières de

l'Marn et de la foi; il y.organisa des solennités reli-

gieuses il appela les hommes à l'étude des choses

humaines et divines, et les fixa dans le pays de la

science, loin de laquelle ils erraient avant lui. a

Aussi, la !Me<afa (école supérieure) fondée par Sidi

EI-Hoouari ne fut-elle plus assez spacieuse pcw rece-

voir les tholba qui y accouraient de tout le Moghreb

moyen. Sidi Ibrahim, à qui la richesseétait venue sans

qu'il la recherchât, dut faire construire une vaste

Zaouïa renfermant dans son enceinte des chapelles, des

jardins, des écoïcs d'enseignement supérieur, des ap-

partements destinés aux étrangers qui venaient le visi-

ter, des bains, des réservoirs d'eau, des bibliothèques,des magasins d'armes, etc. Cet établissement n'avait

pas son pareil, dit-on, dans toute l'étendue du Moghrebdu milieu.

U fit plus Oran était privé d'eau, et les ressources

manquaient pour remédier à ce grave inconvénient;Sidi Ibrahim n'hésita pas à faire exécuter, à ses frais,de grands et coûteux travaux aux environs de la ville,

pour amener dans son enceinte l'eau de plusieurssources qui en étaient assez éloignées; il dota ainsi

magnifiquement son pays d'adoption de nombreuses

fontaines qui firent une oasis de verdure de cette cité

ausol poudreux et desséché. Oran doit à Sidi Et-Tazi

bien d'autres constructions et établissements d'utilité

publique ou d'intérêt général, qu'il fonda de ses pro-

pres deniers, et qu'il légua comme ~o&otMaux diverses

Y.Dotationreligieuse.Voirplus haut la noteexplicativedeette expreamom.

Page 480: Trumelet Algerie Legendaire

t'AMÉMB LÉ6ENBAME472

mosquéesde la ville. Hest clair que, pour subvenirà

,depareillesdépenses,il M!ait que les revenus de sa

profession,soit qu'ilsvinssentde la reconnaissancedeses nombreuxélèves,soit qu'ils provinssentdesdons

que lui faisaient les fidèles,fussent relativementcon-sidéraMes.Ce qu'il y a de certain, c'est qu'Hsut enfaire un nobleet généreuxusage, et bien qu'il ne fût

pas hommeà égorger ses richesses,commele faisaitautrefois le poèteHatim-Taï,le héros de la libéralitéchez les Arabes,lequel pillait sa fortuneau pront de

quiconqueen avait besoin,et qu'il ne ressemblâtpasdavantageà Mouza&fa,ce roi de ITémen qui déchi-rait chaquejour les deux robes qu'ilportait pour enmettre le lendemaindeuxautres neuves,les dépensesde Sidi Ibrahimn'en étaientpas moins excessivesetdes plus lourdesà supporter,et celad'autant mieux

que toutes ces libéralitésétaient faites du dos de sa

main '.Aussi, le poète a-t-il dit très excellemmentdecegénéreuxsaint «Lestraces qu'il a laisséesappren-nent ce qu'il fut, et la penséese le figure aussi bien

que sil'oeill'avait vu. »Dévouétout entier à l'intérêt public, Sidi Ibrahim

dépensasans compter,et sans s'occuperde l'avenir;aussi, selonl'expression d'Ibn-Sàad,son filsn'hérita-t-ilpas mêmeune rognured'onglede touteslesriches-ses qui passèrent par les mains de son père. Souventses amis lui reprochèrent sesprodigalitéset sa géné-rositésanslimite,qui,parfois,amenaientla gèneet la

pauvreté dans sa demeure. H se contentait alors deleur réciter ces vers d'Abou-El-Abbas-ben-El-Arif:« Onme reproched'être généreux;mais la libéralité

1.C'est-à-direaanaretournersamainet la tendrepoo*Te~evoirquelque,choseenretour.Déaimteresaéd&MsesdotM.

Page 481: Trumelet Algerie Legendaire

Xt.V. SIDI MBAam-ET-TAXt 4?3~

est dans mon caractère, et jene puis prétendre changerce que la nature a formé. D'ailleurs, je ne vois rien de

comparable à la générosité. Récente, elle charme;ancienne, elle fait encorela joie dès souvenirs. Laissez-

moi donc être libéral à mon aise, car l'avarice est un

opprobre. Quel mal me fait d'être appelé prodigue?L'homme libéral a tout le monde pour famille; celuidont la main se ferme toujours n'a ni parents, ni amis.

Pourquoi redouter la pauvreté? Pourquoi établir un

rempart autour de ses richesses? Soyons généreux.La générosité n'est-elle pas un des attributs de Dieu? »

Il est incontestable que du berceau de Sidi Ibrahims'était levé un oiseau tout grandi et qu'il était ce

que les Arabes appellent un <oAe~e~t~m*. D'un au-

tre côté, comme l'exprima plus tard le /a~ Abd-EI-

Ouahhab-Ech-Ch&rani}, Sidi Ibrahim n'avait aucun

goût pour la vie érimétique, et il désapprouvait, con-

damnait les hommes qui vivent loin du monde, loin

de leurs frères, qui mettent leur bonheur dans les ma-

cérations et la solitude absolue, menant ainsi une exis-

tence stérile, inutile, et espérant follement, dans cette

voie, devenir des saints. II voulait, lui, au contraire,le travail avec la vie d'édification; il voulait la vie pro-ductive pour le bien de la religion et de la société.

Sidi Et-Tazi citait souvent cet exemple dont il avait

été témoin pendant son séjour à Tlemsan Sidi Ibn-

Merzouk,qui n'appréciait aussi que médiocrement les

gens qui se vouaient à l'ascétisme pour arriver à la

sainteté, rencontra un jour un de ces hommes, quis'était retiré de la société, vivant dans la solitude la

1.Néheureux.2. Nésousla conjonctiondedeuxastrespropice!3.Célèbrejurisconsultemusulman,vivantdansle XVI-siècle

de notreère, citépar te savantorientalisteD~Pemom.

Page 482: Trumelet Algerie Legendaire

!At.MÉME~aBNBAMe4M

plua absolue, optent tout contact avec ses frères,

priant abondamment,souMrantla faim, et tout cela

dans l'intention de parvenir &l'état de sainteté.Siditbn-Merzouklui conseillade sortir de cet cernent etde reprendre aa place aa milieude sesfrères. « Je nesortirai point de ma solitude, repondit le zaA<~

(ascète). Henonceà cetteresototion,reprendroMa~et repens-toide ton obstination.AdoretonDieucon-formément&ses volontéssimples, car ta fin appro--ehe. a Lesolitairerefusade suivreces sagesconseils.Mmourut de faim deux jours apre~ Siditbrahimeninstruisit la Chikh ibn-Merzon!{,qui lui dit alors« Neprie point sur ses restesmortels,car cet hommeest mortcoupable,et s'est suicidépar la faim.»

Aprèsune existencesi rempliede bonnesouvres etde bienfaits, Sidi Ibrahim-Et-Tazis'éteignit ie 3 dumois do chaban de l'année868de i'hegire (i4<M),aumilieu de ses <~o/&a,qui ne purent se consoler decette irréparableperte, et accompagnedes regrets detoute la populationd'Oran, chez laquellele souvenirde sa bienfaisanceet desa générosiMpersistapendantde longuesannées.

Sidi Et-Taxi avait survécu vingt-deuxans à sonillustre mattre et prédécesseur, Si Mohammed-Et-Hoouari.

Il est indubitableque Sidi Ibrahimjouissaitdu dondesmiraclespuisqueses contemporainslui donnaientle titre d'ouali. Néanmoins, la tradition n'en rap-porte aucun. Nous supposons que, s'il n'a pointopéré d'actions miraculeuses,c'est qu'il ne l'a pasvoulu,ou qu'il n'en a pas trouvél'occasion.Peut-êtreaussi ne trouvait-il pas convenablede tourmenterle Tout-Puissantpour des intérêtsd'un ordre plusquesecondaire;à moinspourtantquele miraclene consis-tât dans l'or et la richessequiamuaientverslui avec

Page 483: Trumelet Algerie Legendaire

XM\ SUBttBRAmM'ET-TAM 478

tant de persistance, et dont Hse servait d'une tnaniere)si généreusement magnifique. Ot<Alla «!<~«MM</

Pieu t~.dMsna en sait plus que nous,

XLVt1

8tnt AM-BOU-TLEHS

Vers t'an 720 de !'h~t!a (t:MO), un saint mara-

bouth dt. nom de Sidi Ali, et qu'on disait venir do Fas

(Fex), s'arrctatt sur l'Aïn-Bridî~, source abondantedont tes eaux formaient alors des ~Mc~a' ou les ber-

gers des environs venaient abreuver leurs troupeaux.Cette source se trouvait sur la rive nord de la Scbkha

(lac salé) d'Oran, et en même temps sur la route de

Ttemsan à cette première ville.

Ce lieu ptut sans doute au saint fakir, car il résolut

d'établir sa &Ae~o«a(ermitage) a proximité de cette

source, c'est-à-dire sur tes dernières pentes des mon-

tagnes au pied desquelles s'étend la Sebkha.

La vie austère de cet ot<a/<,ses macérations, sarecherche de la perfection, la ferveur de sa piété, n'a-

vaient pas tardé à appeler sur lui l'attention des popu-lations kabiles qui habitaient le Bjebet-Et-Kemara;aussi, le gourbi de branchages et de bouse de vache

qui lui servait de retraite était-it toujours rempli de

visiteurs, qui venaient demander au saint homme soit

des recettes pour retrouver leur vache égarée, ou leurs

i. Mare,Baqued'eau.

Page 484: Trumelet Algerie Legendaire

RAMENE tÊCENBAMtE~M

facultésgénésiaques,soitle moyendo guérir tesat~e'tions epi<soetiqueaqui, trop souvent,décimaientleursbestiaux.

Sidi AU,qu! sentait que aos voisina étaient de

piMfMMaautmans,et qui s'apercevait&laur malpro-preté qu'ils n'abusaient pas de la prière, laquellevxige, comme on le sait, l'ablution pf~alaNo, Sidi

Ali, disons-noua,sa résignait à faire, matgr~ son

grand Age,de fréquentesvisitespastoralesAces gros-siersKabits,lesquelsne venaientAsaMe~oMaquelors-

qu'i!savaientquelquechoseà lui demander,mais quino s'inquiétaientpaa plus du sort do leur âme que siellen'oat jamais oxisté.Pour faire ses coursesdans la

montagne,le saint avait besoind'avoir recoursà des

compatissantspourse procurersoit unemule,soituneAnessequi lui permitdo fairejusqu'au bout sonexcur-sion religieuse.Eh bien! dans ce cas, le saint mara-bouth poussait la conscienceet la délicatessea ce

point qu'il s'abstenaitde boire et do mangerpendanttout le tempsqu'il était, avecla bêteprêtée, absentdechezle propriétairedesa monture car, parte mangeret par te boire, il serait devenupourelle, pensait-il,plus pesant qu'au momentoù il l'avait empruntée.

Si cependant la longueur du voyageexigeait qu'ilmangeâtou but quelquechosependant laduréedo sa

possessionde l'animal, it ne manquaitjamais d'en in-former le propriétai.'e, et de se décharger la con-sciencesoit par une indemnité offerteau maître,qui n'acceptaitjamais, soit par un conseild'unecertaine valeur. Il embrassaitensuite la muleou l'A-nesse,et luifaisaitdesexcuses «Car,disait-il,d'aprèsles hommes de profondes études, les bêtes saventreconnattreet distinguerceuxqui leur veulentdu bienet ceuxqui leur veulentdu mai; seulement, on s'endoutait bien un peu, ellesnepeuventexprimeren

Page 485: Trumelet Algerie Legendaire

XtYt. MM AM-M!-TMM9 4T!i

parolescequ'ellereaaentent.»SidiA!!citait souvent,&l'appuide ceprincipe,le fait du chat « Lorsquevous

lui jetezun morceaude viande,prétendait-Ilavaara!-

aon, Il le mangeprès de vous,sana vos yeux, parcequ'il comprendque c'estde votre eonaantemcnt;maisaice mémochat a enlevéet voléce mêmemorceaude

viande, vous te verrez s'enfuir en ï'etnpovtant,et aemettre a l'abri de votre atteinte.Au reste, répétait-ilsouvent,cette doctrinene m'appartientpas; nous ladevonsau t:hat!toOmar-ïbn-Et.Khattab',lequo!allaitseposter sur te champqui conduisaitau marché,et ilfaisait alléger la charge de tout animal qu'il voyaittrop chargé. Parfoismême, le khalifefrappait d'une

baguette le mattre de l'animal,en punitiondes mau-vais traitementsqu'it avait fait subir à la bête en exa-

gérant sonchargement.«Dureste, ajoutait le saint, Et-Hafiz-Es-Sakhaouia

composéun traité fort bienfait à proposdescoupsetcorrectionsadministrésaux animauxdomeatiq~es*.

Il était dimcilode pousser plus loin le scrupuleàl'endroitdes égardsqui sontdus aux animauxde selleou de charge. Mva sans dire qu'il faisait uneguerresans relâche aux bourricotiers indigènes, lesquelspoussaientjusqu'à la cruauté le châtimentenverstes

ânes ou &nessesqui leur étaient confiéspour leurs

transportset pourleurs travaux.Le saint étaithors delui quand il voyait ces bourreaux entretenir, pouraccélérer son allure, une plaie vivedans la fesse de

l'animal,au moyend'un bâtondont le boutétaUentiè-rementm&chonné.Aussi,chaquefoisqu'il rencontraitun de ces cruelsbourricotiers,ne manquait-iljamaisdelui donnersa malédiction,et le mauditne la portait

1.LesecondkhalifeaprèsMahomet.2.D'Perron.

2!.

Page 486: Trumelet Algerie Legendaire

~AM'&am<~QE!MMHM

pasloin un eoupde piedde l'animal ou tout autreaeeidentM faisaitbientôtexpieraa cruauté.

Parmi te grand nombrede miraclesopérés par cesaint protecteurdesanimaux,la traditionen a surtoutretenu un qui attestejusqu'à têt pointcet eMaMavaitl'oreille de Dieu. C'est,du reste, Aceprodige que lesaint marabouthdut Mmsurnomde ~oM-?YeMs.

Unjour de l'année '?a'!de l'hégire(1337),un envoyédu prince merinidoAbau-Hac~n-AU,en guerre alorsavect'Abd-ei-Ouadite-AboM.Taehnn,quirégnaitaTtem-san,vientdemanderbrutalement&SidiAiiunecertaine

quantité d'orge pour les chevauxde son mattre; or,l'état de pauvretédans lequel vivait le saint hommene lui permettait guère d'obtempérera l'ordre de cet

envoyé,lequelvoyaitbiend'ailleurs,aux bernousra-

piécésdu saint homme,qu'il n'était pas de ceuxqu'at-teignent les contributionsen nature ou autrement;1mais le percepteur, qui n'était pas bon, n'envoulut pasavoir le démenti,et s'oubliajusqu'à mena-cer i'o«aMde le faire batonner s'il ne fournissaitpassur-le-champla quantitéd'orge qui lui était réclamée.« C'estbien, répondit avecla pluaparfaite sérénitélevénérable marabouth; il sera fait selon tes ordres;mais laisse-moirentrer dans mongourbipourquej'yprépare la contributionque tu exiges. Fais vite,répondit d'un air hautain le brutal percepteur,car jen'ai pas le tempsdet'attendre, »

Sidi Ali entra dans son gourbi, et il reparut un in-stant après conduisant un lion énorme sur le dos

duquelétait un petit sac grandcommeun mezoued1

rempli d'orge. Il y en avait tout au plus pour le re-

pas d'un cheval. A la vue de ce lion, l'envoyé du

prince,tout à l'heure si arrogantet si peu traitable,

4.Sacfaitdelapeaud'unchevreau;eapeeedemusette.

Page 487: Trumelet Algerie Legendaire

4T$XtVt.– StMAU-MCTt.EMS

en ce tempa-ta,ils étaient tous commecela, se dis-

posait tout tromblantAprendrela fuitesans attendresonorge.Maisk mavabouthFarreta, et lui(lit «Con-duis-moià la tente du suitan. ? L'envoyé,qui n'était

pas très rassuré, obéit cependanta l'ordre du saint,et te mena en présence du sultan, lequel avait son

camp à pou de distance de la t:he!ouade Sidi Ali.

QuandAbou-Hacen-A!ivit la petite quantité d'orgequilui était apportée,il entra dans une violentecolère,c'eta!t nn de aoadéfauts, et il se mit a injurierlevénérémarabouth,et a le menacerdele faireécorchervif, lui, et son lion par-do~~Ms!omarche.

SidiAli, qui savaitque colèrosanapuissanceest unsouttlettout prêt, prit sans s'émouvoirle petit sacquiétait sur ic dos du tion, et versa lentementauxpiedsdu prince l'orgequ'Ucontenait.Il y en avaitdéjà do

répandusur te sol plusque n'en avait demandéAbou-

Haccn-Ati,et, pourtant, le sac était loin d'être vidé.Leprincemcrinidofinit par comprendre, ce n'é-

tait pas malheureux en présence de ce fait sur-

naturel, qu'il avait au'aire à un attsM;aussi se préci-pita-t-il,a son tour, à sespieds en lui demandantson

pardon et en sollicitant sa bénédiction.ït s'en fallutde fort peu qu'il ne Httrancher !a Mieà sontrop zélé

percepteurpour avoir été irrévérent envers Sidi Ali,et cen'estque sur l'interventiondu saintque leprinceconsentit à lui laisser, provisoirement, du moins,

sa tètesur ses épaules.C'està la suitede ce fait miraculeuxqueSidiAlifat

surnommé«~OM-77c/M», l'hommeau~<:< <c~:sLe bruitdece miraclese répandit dans toutle R'arb

t. Le<eHMestungrandsacentissudelaineet poUservantautransportdesgrainsoucéréales,et desdattes.!VeKsenestle diminutif.

Page 488: Trumelet Algerie Legendaire

4M <AMëMRt~SMMM}

(t'Oueat),et ce fut à qui viendrait demanderau saintsesprieraset M puissante intercession.

Lesaint homme,qui avait fait veaude pauvreté,navoulutpointabandonnersongourbi,bienqueteprincemérinide, devenu souverainde Ttema&o,en l'an 'M7do t'he~re (1337),lui eOttoCertune demeuresomp-tueusedans son palais. Sidi'Alimourutvers l'an 749

(i348),c'est-à-direl'année mêmede l'avènemontd'A-

htm-~Han-Fat'as,le successeurd'Abou-Hacen-AM,de-vanttequets'<ta!topéréeonmiracledelamultiplicationdol'orge. SidiAHava!tvëcusoixante-troisana, c'est-a-d!ro le nombre d'années que viventordinairementtes saints Musulmans.

LesKhoddamde SidiAU-Bou-TtoUss'empressèrentdo recueillirses restes mortels,qu'ils déposèrentnonloin d'Aïn-Bridïa,entre la route de Tlemsanà Oranetla Sobkhat-Et-Ouahranïa.Plus tard, ils élevèrentsursontombeaulakoubbaqu'ony voitencoreaujourd'hui.

XLVIÏ

SIDI ABOU-ABD-ALLAH-ECH-CHOUDI-

EL-HALOUI

Maispénétronsdans la villede Tiemsan(Tlimiçan),cettevieilleet illustre cité, ia capitalede tant de dy-nasties, cellequi a été chantéepar tous les poètes, etdont Yahya-Ibn-KhaIdoana dit « Tlemsanest une

Page 489: Trumelet Algerie Legendaire

XM~t AM~Mt-M~MMMW~aM, ??. ?1

eitodont la vue !asoinel'esprit, dont la beautéséduitles cours Ceux qui veulent la célébrerne sont pasembarrasséspourtrouverdos sujetsdelouanges;aussia-t-elloété longuementchantée,et a-t-ellefournima-tera &des poésies charmanteset suaves.a Ttemsan,dont l'émir-poèteE!<adj-Abd-a!-Kadera écrit: « Enme voyant, Ttemaanm'a donnésa main à baiser. Jel'aime commel'enfantaimele ccBMrde sa mèreJ'en-levai le voitequi couvrait son longvisage,et je pal-pitai de bonheur seajoues étaient rouges commeuncharbonprdont. T!emsana eu des mattres,maiseMene leur a montré que do l'indifférence;elle baissaitses beauxet longs cils, en détournant la tète. Amoiseulellea souri, et m'a rendu le plusheureuxdessul-tans Je l'ai tenuepar legrain de beautéqu'elleavaitsur unejoue, et ellem'a dit « Donne-moiun baiser,« et ferme-moila boucheavecta tienne!»

Ttemsan était autrefois un foyer de lumières; sesrois aimaientles scienceset les lettres. Elleeut aussides saints en grand nombre; mais nous ne nousoc-

cuperonsque de deux des plus illustres, auxquelsla

légendea attribué des faits merveilleux,et la véné-rationpubliquedes mosquéesdignesde leur célébrité

religieuse.Nousvoulonsparler de SidiEl-Haloui,dontle tombeauest situéen dehorsde la ville,au basdela

portede Ziri, et de SidiAbou-Medyan,dontles restesmortelsont été déposésà El-Eubbad,villageindigènesituéà une demi-heuredemarcheau sud-estde Tlem-san.

SidiEl-Haloui 1naquità Ichbilya (Séville),où il fut

i. NousavonsempruntéleslégendesdeSidiEl-Halouiet deSidiAbom-Medyanauxbeauxet intéressantstravauxsurTiem-sandeM.Ch.Brosselard,un savantépigraphistedoubléd'unorientalistedesplusdistingués.

Page 490: Trumelet Algerie Legendaire

<? ~AMËM~L~MBAtM!

kadhy,dans le XÏH*sièclede notre ère. Las, un jour,des honneurset de la fortune,etpris d'un ardent désirde mort fc~e il ae couvritde haillons,et, prenant tebâtondo peterin, il quitta sa'patrie, passa la mer, etse dirigea sur Tlemsan, où, contrefaisantcelui dont

l'esprit s'est envolé,il laissait la foule s'amasserau-tourde lui et le huerdoha Ae«/~a Ao«/' Cecisepas-sait en Fan C6Sde l'hégire (i366),sous le règne del'AimohadeYarmoracen. Du reste, convaincu qu'ilétait plusfacilede prendre son mondepar la douceur

que par la dureté et la rudesse,SidiAbou-Abd-Allah-Ech'Choudisemità vendre, sur la placepublique,dos

Aa~aettot~c'est-à-diredesbonbonset des pâtessucrées,d'où luivint le surnom dEl-Halouique lui donnèrentles enfants. Puis, lorsque, par ses bouffonneries,ilavait rassemblé la foule autour do lui, il changeaittout à coupde ton et de langage,et se mettait à dis-courirencontroversisteconsommésur la religionet la

morale,et les gens qui l'écoutaientse retiraient con-fondusde tant d'éloquenceet pleins d'admiration.

Il est clair que le nom de Baba-Halouifut bientôtdanstouteslesbouches,et quesa réputationde scienceet de facilité d'élocutionne tarda pas à atteindre leslimitesdu royaumede Tlemsan.Sonbut était atteint,et il fut salué ouali, saint, par la populationdecetteville.Denombreuxmiraclesachevèrentd'établirsa réputationde sainteté.

Mais, ce qui ne pouvaitmanquerd'arriver, lebruit de la renomméede Sidi Et-Halouin'avait pastardé à parvenirjusqu'au sultan, qui s'était empressé

t. ActiondesevMirdehaUtona,deguenilles.2. C'estpar le criha&OM/C'estloi!le voici! queles

enfantsindigèneshuent,danslesruesdesvilles,lesgensquiaeridiculisentd'unemanièreoud'uneautre.

Page 491: Trumelet Algerie Legendaire

t t

X~M.MM AMH!-MB.ÀM~a-B(a~C!!0<!M, BTC. ~8&

de lui connerl'éducationde ses deux Ma.Cettesitua.tion ne fat pas de longuedurée, car, desservipar la

jalousie du OM)! vizir, qui le Bt passer poursorcier, te malheureuxSidi N-HalouiA)tdécapité,etsoncorps resta abandonne,sanssépulture, a la vora-cité des hyènes,doschacalset desoiseauxde proie.

La haine du grand vizirétait satisfaite; maisDieun'était pas content. Le peupleaussi faisait entendredes plainteset desmurmures.Or,voiciquele soirquisuivitl'exécutiondu saint, lorsquete bououab,ougar-diendes portes, se mità crier, commea l'ordinaire« La porte! ta porte Mann que les retardataires quise trouvaientencoredehors se hâtassentde regagnerleur logis,une voix lugubreretentit au milieudu si-lencede la nuit « 0 gardien ferme ta porte! va dor-

mir, o gardien! il n'y a pluspersonnedehors,exceptéRI-Haloui,l'opprime »

Saisid'étonnementet de terreur, le portier garda lesilencesur cetteétrangeaventure;mais,le lendemain,le surlendemain,et pendantseptjours, la mêmescènemiraculeusese reproduisità la fermeturede la porte.Lepeuple,qui eutventdece qui se passait,commençaà murmurer, et le fit avecune telle insistancequelesultan finitpar être informédece miracle.Cependant,avant de prendre une décisionsur ce qu'il convenaitde faire dans cette singulière circonstance,il vouluts'assurer par lui-mêmede l'exactitudedes bruits quiétaient parvenusjusqu'à lui. Il se rendit doncchezlebououabà l'heure de la retraite, et quand il eut en-tendu la plaintede Sidi El-Haloui,il se retira en di-sant «J'ai vouluvoir; j'ai vu. » Or,commecesultan

i. Titresouslequelon désigneles ministresdanslesÉtatsOrientaux.

Page 492: Trumelet Algerie Legendaire

4M t'AM~~a8t!M!M!

était d'une justice qui ne te cédait en rien &cellede

Daroun-er-Rechid,l'aurore du lendemainéclairait le

supplicedu grandvixir, lequelfut enaavoûrivantdansun bloc de pisé, que l'on posa justement vis-a-visdu'lieuoù l'oMaKavait étédécapité,et où soncorpsgisait'tou}our8sans sépulture; on rebâtissaitjustement ence momenttesrempartsdela viMe,et Fun de cesblocsdevaitêtre employédans leur reconstruction.

Pour que la réparationfut compïete,ou à peuprès,leprincedécidaqu'untombeaudignedu saintmartyr,

auquelle supplicedu vizirn'avait pu rendrela vie,serait élevésur ses restes précieux.

L'édiculequi renfermela pierre tumulairede SidiEt-Halouifut construitsur le tertre mêmeoù le saintfut misà mort.Un caroubierplusieursfoisséculairel'abrite de sonépais et sombre feuillage.Plus bas, la

mosquéesurgit, blancheet étinceiantede mosaïques,d'un plantureuxmassifde verdure.Sur le bandeauquisurmontel'arcade ogivaledu portail, la date de 754de l'hégire (13S3)nous fait connattre que son fonda-teur a été Fares-ben-Abou-'i-Hacon-Aiile Mérinide.Ilest difficiled'imaginerune œuvreplus exquise,en faitd'ornementationarabe, que la mosquéede Sidi El-Haloui.On lit sur le chapiteaude droite de l'une desdeux colonnes sur lesquelles repose le portique duMtAfaA*«Mosquéeconsacréeà la mémoiredu chikh'El-Haloui», et sur le chapiteaude gauche « L'ordred'édiBercettemosquéeest émanéde Farès,princedes

Croyants.»La mémoire de SidiHalouiest encoretrès vivante

parmi les Musulmansde Tlemsan, et, fréquemment,

t. Nichedanstes moaquéeaorientéedu côtédeMekka,~etoùseplacel'imampourréciterlaprtere.

Page 493: Trumelet Algerie Legendaire

)O.VM. StMANOO~ABB-AtMN-ECB-CBOUM,BTC 483

des miracles opérés sur son tombeau démontrentsurabondammentque la tempa n'a point amoindrila

puissanteprotectiondont te saintcouvreses khoddamles Tlemsanions.

XLvm

SIDI CHOAÏB-IBN-HOCEÏN-EL-ANDALOCt

(StDt ABOU-MEDYAN)

A une demi-heure de marche dans le sud-est de

Tlemsan,on rencontrelevillageindigèned'Ei-Eubbad,célèbreà plus d'un titre, et qui, autrefoij, avait l'im-

portance d'uneville. On y comptait alors cinq mos-

quées à minaret et un grand nombre d'oratoiresoù

s'exerçaitla piétéd'unepopulationde ferventsMusul-mans. C'était comme l'annexe de TIemsan-Ia-Guer-rière. Toutefois,le souvenir des splendeurs passéesn'y est pas éteint; il vit toujoursdans la mémoiredes

pieuxenfantsde l'Islam; il est, en outre, consacrépardes monumentsremarquablesqui ont déjà vécuplu-sieurs siècles,et qui, s'il plaît à Dieu entraverserontbien d'autres encore.

C'est à l'extrémité orientaleet au point culminantdu village actuel qu'il faut chercher les. monummtsdont nous venonsde parler. Ils sont au nombrede

trois, réunis en un seul groupe le tombeaude l'oMcKSidi Abou-Medyan,puis la mosquéeet la medersa

Page 494: Trumelet Algerie Legendaire

496 t.'AK:6mE t~asNBAme

placéessous l'invocationde co saint et illustre mara-bouth.

Chcaïb-ïb~-Hoccïn-El-Andalocï,surnommé Abou-

Medyan, naquit à Sevilla vers l'an §20 de l'hégire(ii26), sous le règne du sultan almoravideAli-Ibn-YouceMbn-Tachnn.

Abou-Medyanavait été destiné par sa familleà la

processiondes armes; mais sa vocation l'entrainaitirrésistiblementvers la science. Libre enfinde suivreses goots et ses aptitudes, qui le poussaientdu côtéde l'étude, il fréquenta pendant quelque temps lesécolesde Sevilla, puis il passa à Fas pour s'y livreraux étudesthéologiquessupérieures.

Maissa véritable inclination ne tardait pas à serévéleraux yeuxde ses savantsprofesseurs;déjà, en

effet, le marabouth perçait sous l'étudiant; déjàl'amourde l'ascétismeet de lavie contemplativeenva-hissait cette âme qui semblait mal &l'aise dans un

corps humain, et dont toutes les tendancesétaient ledétachement des choses de la terre et le besoindes'en retournervers le mondeimmatériel,sa patrie spi-rituelle.

Depuislongtempsdéjà, le jeune Cho&ïb-Ibn-Hoceïnétait hafodh, c'est-à-direqu'il savaitpar cœur tout le

Koran, qu'il récitait en véritable<a~ et avecdesmo-dulationstellement suaves que tes angeschargésdela gardedu premiercieln'hésitaientpas à quitterleur

postepour venir l'entendre et l'applaudir.Après être resté quelque temps à Fas, le thaleb

Choâîbreprit le bâtonde voyageet se mit en route

pour Tlemsan;mais,dominé déjà par le besoinde lasolitude et de la vie anachorétique, et sentant lesoufflede la familiaritédivinequi descendaitsurlui,il se retira dans la montagnede Terni,au-dessusd'El-

Eubbad,passant sesjours et ses nuitsen prièreset en

Page 495: Trumelet Algerie Legendaire

Xt.Vm.–SïM CMOAÏ~-MK-MCËfK-N.-ANMMCt 487

mortificationssur !e tombeau de l'ouali Sidi Abd-

AMab-ben-AM,en grandevénérationà Tlemsan,et quiy étaitmort en l'an 4~0de l'hégire(1077).

Sidi Cho&ïbprouva bientôt que le Dieu uniquerayait trouvé digne du don de prescience et de la

délégation d'une part de sa toute-puissance.Ce futdans les circonstancessuivantesque se révélale jeunethaumaturge. Unjour, le nls du célèbreAbd-Et-Mou-

men,Abou-Hafs,gouverneurde Tlemsan,eut sontré-sor volé des malfaiteurss'étaient introduits furtive-ment dans son palais et l'avaientdévalisé.Vainementdes recherches furent faites dans toute la viUepourarriver à la découvertedes auteurs de cet audacieuxlarcin. Ils avaient échappéà toutesles investigations,et le gouverneurdésespéraitde rentrer dans sonbien,

lorsqu'on lui conseillad'avoir recoursà un saint ma-rabouth qui vivait en ascète dans le Djebel-Terni,et

qu'on nommait Sidi Abou-Medyan.L'ouali fut, en

eSet, mandédevant le prince, qui l'interrogea sur lesauteursdu vol dont il avait été la victime.

SidiAbou-Medyanréponditsansla moindrehésita-tion «Celuiqui t'a volé,ô sultan est aveugleet cul-

de-jatte. Envoiedans telle maisonruinée située danstel endroitde la ville, et tu y trouveraston trésor etl'auteur du vol. »

Onse rendit, en effet,au lieu indiqué,et l'on trouvale trésor enfouidans la cour de la maison.Leshabi-tants de cette masure étaient,commele saint l'avait

indiqué, un aveugleet un cul-de-jatte; ce dernier,monté sur les épaules del'aveugle,l'avait dirigé, et,de concert,ils avaientainsicommisle vol.

Bienquetrèsjeune encore,puisqu'iln'était Agéquedevingt-cinqans, Sidi Abou-Medyaupréludaitaiusi àla belle réputation de thaumaturge qu'il se fit plustard dans tous les pays qu'il visitaou qu'il parcourut.

Page 496: Trumelet Algerie Legendaire

t'AKi&MRtÊCENBAMEMB

MaisÏa von le plua ardent de Sidi Abeu-Medyanétait le pèlerinageaux ViHossaintes et bénies,Mekhaet El-Medina: il quitta donc saMMiduadu ï~obel-Terni,et M mit de nouveauen route pour accomplircet important devoir. Il rencontra à MeMtal'illustreSidi Abd-el-Kader-El-B~ilani,lequel, reconnaissantinstantanément en lui un élu de Dieu, l'anilia àl'ordre dontiï<ta!t te chef; il !u! donnait en même

temps la missionde faire des prosélytesdans toutesles parties des pays musulmansvers lesquelsDieu

dirigeraitsespas.Sidi Abou-Medyanvisita Baghdad,où il conquitde

nombreuxadeptes à l'ordre du grand saintde cette

cité; puis, pris de la nostalgie du pays natal, ilretourna à Sevilla qu'il quitta pour Cordoba. Il

s~ourna quelques années dansces deux villes,ou il

professa la théologie, la rhétorique et la jurispru-dence il prêchaitsurtout le méprisde la vieille,de la'mèredelapuanteur; c'est ainsiqu'il désignaitsouventle monded'ici-bas, et il répétait fréquemmentcettemaximedu Prophète « L'espace de la longueurdel'arc de l'un d'entre vous, û Musulmans1 oula placede sonfouetdans leparadis, vautmieuxquetout l'es-

pace du monde d'ici-bas, et que tout ce qu'il ren-ferme.»

« Qu'est-ceque la vie de ce monde?disait-il aussi

quelquefois rien autre chose qu'un accident, quiéchoitaussibienau vertueuxqu'au méchant,»

Il y avait longtemps d6}àque Sidi Abou-Medyanavaitété éclairé pour la première fois par les rayonsd' révélation divine; aussi était-il fréquemmentdaus cet état qu'on appelle !KOU<cfoM~c'est-à-diredans le ravissement mystique,ou dans celui qui senommefana, lequel est l'anéantissementde l'indivi-dualité de l'homme absorbé dansl'essence de Dieu;

Page 497: Trumelet Algerie Legendaire

48&:H.VHt.–S!M CMAÏB~K.nM~.Bt-ASfAMCÏ

<MMsienétait-il arrivé &la parfaite contemplationde)a Divinité,tout au moinsen ses attributs.

Sidi Abou-Madyancombattait vio!emmentla doc-trine des ~a&ar~a~cette secte qui n'admet point lelibre arbitre chez l'homme; il exaltait, au contraire,les ~Ka~o~a,qui professent la doctrine opposée.Ilétait également sans pitié pour les sectairea do la

MMmeAe&MAa,ces impieset orgueilleuxauthropomor-phiates qui oaont assimiler la nature de Dieua celledes hommes.

Hcroyait,avec tes Ehet-Et-KotnoMn,que les Amesde toutes tes générationsfutures ont été créées à la

fois, et que leurs germes ont été déposésen la per-sonnedu premier homme,Adam.

tt est inutile de répéterque SidiAbou-Medyanpos-sédait le don des miracles de première puissance,celte qui poavait, à sa volonté,changer l'ordre deséléments. Ce n'était point un de ces thaumaturgeshonteux qui dissimulentleur pouvoir surnaturel, et

qui se font longtemps prier, même pour opérer en

petit. Quandun visiteur se présentait à lui, il allaitau-devant de sa demande, il lisait dans la penséede ceux qui le consultaient,ou qui sollicitaient son

intervention, absolumentcomme dans son Koran

« Queveux-tu,o femme?. Unenfant, n'est-cepas?.Dieu te l'accorde par mon intermédiaire.-Et toi, ôhomme?. tu désires un héritier?. Hest trop tard;tu as un pied dansla tombe,et tes reins sont dessé-chés. Et toi, jeune allé, tu veuxun riche et jeuneépoux,sans doute?. Eh bien quandtu rencontrerascelui que tu désires pour fiancé, fais-lui entendre tavoix et laisse-lai voir ton pied car il sait que,lorsque ces deux choses cachées d'une femmesont

belles, le reste est beau aussi. » Quelleque soit lasolution qu'il donnât aux demandesqui lui étaient

Page 498: Trumelet Algerie Legendaire

t~ t'AM&MB~<!SMM)HB

faites, te client se retirait toujours satisfait; nous

jouterons que aa rondeur ua peu brutale no déplai-sait pas, au contraire, aux gens qui venaient luidemander son !ntereeasion.Certainement,dans tes

réponsesque nous venonsde rapporter, il n'y a rienlà qui soit bien miraculeux;maisnouspouvonsciterdesactes du saint marabouthMeaautrementsurnatu-rels que les précédents; le aMivant,par exemple,démontre jusqu'à l'évidenceque le Dieu unique luiavait cédé une partie assez notablede sa toute-puis-sance.

Unjour, c'était à Bougie,où Hs'était nxéd'unemanièrequi paraissait dénnitive, un thalebde sesélevés,à qui sa femme,une certaine nuit, n'avait pasdonné les satisfactionsnécessaires,et qui, à raisonde ce qu'il appelait son mauvaisvouloir,voulaits'en

séparer par le divorce,sortit de bon matinpour allerconsulterSidi Abou-Medyansur le parti qu'il devait

prendre. Il était à peine entré dans la salle où setenait l'illustre chikh, que celui-ci,élevant la voixet

apostrophant son disciple, lui jetait cette parole du

Prophète « Garde ta femme,et crains Dieu.» Cettecitation du Koran, sourateXXXIII,verset37, ré-

pondait si à propos aux préoccupationsdu mari

offensé,que la surprisele clouasur place.« Et commentas-tusu, 6 Monseigneur!la cause de

ma démarche?se hasarda &lui demander le <Aa~,car, j'en jure Dieu1jen'en ai parlé à âmequi vive.

Lorsque tu es entré, lui réponditAbou-Medyan,j'ai lu distinctementcesparolesdu Livre sur ton ber-

nous, et j'ai ainsi devinéton intention. n

Il est inutiled'ajouterquele<Ae~ gardasa femme;mais la légende ne dit pas s'il eut lieu désormaisd'en être plus satisfait, et si la paix rentra dam le

ménage.

Page 499: Trumelet Algerie Legendaire

4MXt.VtM.-MM~HMÏH-tBK-HOCKtN-M-AKaAMC!

Nouaavona dit plus haut que Sidi Abou-Medyanavait quitté Cordobapour Bedjaïa (Bougie), où lascience,&cette époque,était en grand honneur. Il youvrit uneMC~M~à laquellete degré supérieurdessciencesqu'ony enseignaitlit bientôt une réputationdans tout le pays et au delà. Les élèves accoururenten foulepour écouter les docteset fortifiantes leçonsdu saint et savant marabouth,dont on admirait sur-tout l'éloquenceet la parole harmonieuse.Serappe-lant ces parolesdu Prophète « Lachaireoù je précheest un des gradins du paradis o, i'ot'oMvénérése fai-sait fréquemmententendredans le MCtt~M~*(tribune)de la grandemosquéede Bougie.Il yétait,disaientses

contemporains,vraiment magnifique quand, y dé-

ployantsa haute taille, et la maindroitenerement<")-puyeo sur le sabre de bois, il inondait la foule d~sflotsdo son éloquenteparole, parfuméecommel'eaude Selsebilou de Tesnim,ces délicieusessourcesduParadis. Mais autant il était doux, suave, quand il

dépeignait les merveillesdes ï~oiman-Edcn,cesjar-dins du séjouréternel où chaquebienheureuxcomptesoixante-douzefemmespour son service particulier,autant il était terrible quand il faisait le tableau du

jugementdernier, et des affreux tourments du brû-lant Sakar, l'Enfer. Un frisson de terreur courait le

long de la colonnevertébrale de ses auditeurslors-

qu'il s'écriait de sa voixmétallique, et l'oeil en feu« Dans ce jour redoutable, le soleil s'approchera si

près des hommes que leurs ventres bouillonnants

-gronderontet crieront »

Mais, desservi par des envieux auprès du sultanYâkoub-El-Mensourl'Almohade,qui comptait Bougiedans ses États depuis qu'Abd-El-Moumens'en était

emparé, Sidi Abou-Medyanfut rappeléà Tiemsanen894de l'hégire (1197)par ce prince, quivoulutle voir

Page 500: Trumelet Algerie Legendaire

?9 t'AM~MJBt~ttMOMtM!

et l'interroger lui-même. Le saint marabouth Mmiton route sans retard pour obéir aux ordres de sonsouverain. Lorsque, arrive &Aïn-TekbaIet,il aperçutTIemaan,? récria, on indiquanta ses compagnonsteribath, d'El-Eubbad,et comme s'il eût le pressenti-mentdosa finprochaine etCombienceMeuest proprepour y dormir on paix do l'atomet aommeiU» Par-venu sur l'ouad,!cer, il vida sa coupe en disant:sa Dieu eat la vérité aupremet » Sidi Abou-Medyanavaitvécusoixante-quinzeans.

Transportéa Ei-Eabbad,it fut rendu à la terre surun point où reposaient d~& les précieux restea de

plusieursmarabouthsmorts en odeurde sainteté.

Mohammed-En-Naceur,successeur{d'Et-Mensour,nt éiever un magninquo mausoléeà la mémoiredeSidi Abou-bledyan.C'est ce monument,embelli de-

puis par Yarmoracen-ben-Zeyanet par le sultanmérinide Abou-'t-Hacen-Ali,que nous voyonsencore

aujourd'hui.Onarrive à la koubbadu saint marabouthen des-

cendant,par plusieursmarches, dans une petitecourcarrée à arcadesretombantsur des colonnes d'onyx.Decettecour, on entre de plain-pieddans ta koubba,ou se dresse, sous un dômepercéde fenêtresétroitesà travers lesquellesarrive, par des vitres de couleur,une lumière discrètementmystérieuse,un <e~oM<debois sculptérecouvertd'étoiïeslaméesd'or, d'argent,et de drapeauxde soiebrodésd'inscriptions fournies

par le Koran.C'estlà que repose depuisbientôt septsiècles, la dépouillemortellede Sidi Choàïb-tbn-Ho-

ceïn-El-Andaloci,surnommé Abou-Medyan,l'ouali,le Kotb,le ~'<Mi~

i. CmMentdereligieuxgu~Tiers.a. L'OMa~lesaint,l'ami,l'éludeDieu; le &)M,littérale-

Page 501: Trumelet Algerie Legendaire

X<.V<U.–8M< caOAÏB-WN-MOCEÏK-Et.-ANOAMCt 4M

ï<&porte de la mosquéed'Ei-Eubbadest dueà unmiraclepusthumede Sidi Abou'Medyan.Cetteporte,d'un très riche travail, fut construitepar un captifespagnolpour prix de sa rançon; eUefat jeMeà la

mer, la Mgenden'en dit pas la raison, et aban-donnée à rineonst~nce des nota; 'nais, Sidi Abou-

Medyans'en mêlant,la portearriva miraculeusement&Et-Eubbad.

Pendant sa longue existence, et depuis sa mort,'Sidi Abou-Medyanopéra de nombreuxmiracïesdontle souvenirfut précieusementconservepar la tradi-tion mais, danaia crainte de redites,tesqueHesde-viendraientfastidieuses, car plusieurs des ~<n'<!<Ma<

attribuées &cet OM<~le sont également à d'autressaints, nous nous dispenseronsde les rapporter.Bien que Sidi Abou-Medyansoit incontestablementune des illustrationsreligieusesles plus anciennesetles pluspopulairesdel'Algérie,nousnousentiendrons

cependantla pour ce qui concernel'oualivénéréd'Ei-Eùbbad.

ment,le pMe;dansle langagemystique,le saintpar excel-lence,celuiquioccupele sommetde l'axeautourduquellegenrehumain, bonsoumauvais,–accompUtsonévolution;

te N'eM<<,t'ôtreunique,le recourssuprêmedesaBiges,tesauveursurtout.(Ça.BMMELAM.)

Page 502: Trumelet Algerie Legendaire

SIDI BOU-MEMAA

Si noussortonsdeTlemsanpar la portede FM,quia remplacéle Bab-El-Guechoutdes Arabes,nousren-

contrerons,sur la route qui mèneà Ei-Mensoura,un

petit monumentfunéraireélevésur le tombeaude Sidi

Bou-t~emaa.Cetédicule,simplecommele fat l'hommedont il renfermeles restesmortels,secomposed'une

petite cour carrée clôturée par un mur blanchi a la

chaux,avecune porte ogivalequi n'est pas sans élé-

gance. C'est là tout ce que la piété des fidèlesa crudevoirfairepour un saint qui, d'ailleurs,doit se sou<cier médiocrementdessplendeursde la terre, à moins

pourtant que les magnificencesdes jardins d'Ëdennelui aientdonnéle goût du luxe et dessomptuosités.Ilfaut dire aussi quele degré de protectionqu'il accordeaux Tlemsaniensest tout à fait enrapportavecla pau-vreté du monument qu'ils ont fait élever sur sacendre.

Sidi Bou-Dje~aa, qui vivait dans le courant dnXIV"sièclede notre ère, n'était certainementpas un

grand de la terre, et ilavait toutjuste assezde science

i. Cettelégendea étéracontée,en partie,parM.Ch.Br<ts-selard.M.L. Piesseen a egatementdit quelquesmotsdanssonexcellent7<M~Mt&~der~Ate. Nousl'avonscomplétée;commetoutesles autrestégendea,par les détauaquenousavonsrecueillisà diversessourcesindigènes.

XLÏX

Page 503: Trumelet Algerie Legendaire

493XUX. MM BOO-MENAA

pour l'exerciceda sa profession, car it n'était aa<rachosequ'un pauvre chevrier.Nddansla montagnedea

Trara, il N'adonnade bonneheure à cetteviehorizon-tale et contemplativequi fait encore les délices des

bergersde notretemps.Seulenprésencede la nature,dont il célébraitles beautéssur son <~OMOMa&il n'a-vait pas tardé a pressentirl'existencedu Dieuunique.Dureste, il avaiteuquelquefoisFoccasionde converseravecdesaints anachorètesréfugiésdansles montagnesde sonpays. Et puis, toujourscommeles gardeursde troupeaux, il entendaitdes voixintérieuresqui,généralement, quand ellesn'étaientpoint des bor-

borygmes, lui dictaient sa conduiteou lui don-naient des conseils.Unjour, une do cesvoixlui souf-fla Fidéod'abandonnersonpays et ses chèvres,et de

poursuivreailleurs d'autres destinées: le jeune fa<!<'a

ne se le ut pas répéter deux fois; il se dirigeaversle

Sud, il faisaitfacede cecôtéquandla voixluiparla,traversa l'ouad Thafna, et quand la mêmevoix in-

térieurelui ordonnade s'arrêter, il était précisémenten face de Tiem~an,ta terre bénie où tant de saintssont venusmourir.

SidiBou-memàarésolut de s'établirjdevantla ported'Et-Guechoat,puisquetel paraissaitêtre l'ordre de lavoixabdominale.Unepierre se trouvaitjustementde-vantcetteporte; lesaint bergers'yassit, et n'en bougeaplusjusqu'à sa mort, qui se fit attendreencoreassez

longtemps.Mvivaitlà des aumônesdespassants car,pour tout le monde,il était devenul'hôte de Dieu.Aforcede recevoir,SidiBou-Djem&a,qui déposait tout

l'argent monnayéqu'on lui donnaitdansun tronc qu'il

i. Petiteflùteenroseau.2.Berger.

Page 504: Trumelet Algerie Legendaire

1. 49C t'AtOÉNtB!.)66ENBAmE

avait creuséauprèsde sa pierre, nuit, avecte temps,

par se trouverpoaseasewd'an veritable trésor. Maia

que lui importaient &lui les richesses de la terre ?N'avait-ilpas faitvœude pauvreté?Cen'était là d'ail-leurs un secret pour personne, car Sidi Bou-Djemaa,–qui n'était point an ingrat, ne faisait jamais àses haillonsl'injure de les quitterle premier; toujoursil leur avait laissé cette initiative;il remplaçaitalorssa guenillepar un lambeaud'étoffedont il se ceignaitles reins sousle spécieuxprétextedevoiler sa nudité.!i arrivait quelquefoisau sainthommede se sentir

p:quépar l'aiguillonde la chair; dansce cas, levénéré

fakir se ruait sur la premièrefemme, jeune, quipassait, et l'accolait devant tout le monde sans lemoindrescrupule; les spectateursse bornaientà cou-vrir respectueusementl'ouali d'un bernous pendantl'accomplissementde l'acte. Quant à la femme quiavait été appeléeà la grâcederecevoirainsiles faveursdu saint, ellese relevait,se secouait,et continuaitsoncheminsans regarder en arrière, et toute confitedefélicitéd'avoirservide vased'électionà unamide Dieu.

En effet,en les appelantplusparticulièrementà lui,Dieun'a-t-il pas déchargé ces saints de toute obliga-tion sociale,et n'a-t-ilpas sanctifiéd'avancetousleurs

caprices?Il est clair que lesactes de cette nature dé-coulent directementde la doctrineexagéréede l'ex-

tase, de r<!cAeM~c'est-A-direde l'amour mystiquedeDieu.

Tant de vertus avaientfinipar mériter au chevrier

Bou-D)emàale précieuxtitre d'ouali, distinctionpar-faitementjustifiée, d'ailleurs,par sa prescienceet ledon des miracles dont il jouissait depuis longtempsdéjà. Aussile sultan lui-mêmele prit-il en amitié,etsouventil daignase déranger pour venir consulterlevénérédéguenillé.

Page 505: Trumelet Algerie Legendaire

XMX. S!MBOU-MRMAA

M.

EnBn, un matin, on ie trouva mort auprès de sapiètre on l'enterra sur le Neumêmeoù il avaitvécu,et les Tientsaaiensôtevereatplus tard autour de sontombeau l'enceinte funéraire dont nous avons parléplus haut.

La tradition n'a conservale souvenirque d'unpetitnombre de miraclesop6respar Sidi Bou-ï~em&a,etencoreceuxdont eUes'est souvenuene sont qued'unmédiocreintérêt. Aussinous dispensons-nousde les

rapporter.

Nota. Certes,ce ne sont pas les documentsqui nous

manquent, et il nous serait facile, imitant en cela, à pro-pos des saints Musulmans, l'hagiographe flamand Jean

Bollandus, de pousser nos ~4c<aSaHc<orMtMaussi loin quenous l'eussions voulu, car l'Islam est riche en thauma-

turges. Mais, voulant ne donner aux personnes qui s'oc-

cupent des choses de la religion de l'Islam qu'une idée

générale de la façon dont les Islamites entendent les

questions thaumaturgiques, lesquelles sont généralement

peu et mal connues, et nos saints s'étant répétés dans

leurs actes, ou plutôt les miraclesqu'on leur attribue ne

nous étant parvenus que par la tradition, et, par suite,d'une façon plus ou moins exacte, nous poserons ici leterme de notre pèlerinage, laissant à nos continuateurs,

s'il en est que tente cette besogne,-le soin de com-

pléter. notre œuvre.U ne faut, d'ailleurs, pour cela, quede la patience et de la foi;

Page 506: Trumelet Algerie Legendaire

1 POS1-SCRÏPTUM

Avantde clorecelivre,nousvoulonsicirendrehom-

mage et payer notre tribut de reconnaissance auxécrivainset narrateursqui nousont faciliténotre tra-

vail, ou qui nous ont permisde le compléter.:on ne

peut nier, en effet,quec'estgrâceà la science,à l'éru-dition et aux patientesrecherchesde nos interprètesmilitaires, que l'histoire de l'Algérie est sortie des

épaisses ténèbresqui l'enveloppaientde toutesparts,et qui la tenaienthermétiquementferméeaux investi-

gations des profanes,c'est-à-dire de tout hommequin'avait pas eu !'héur de nattre Musulman,et ces re-

cherches,cesfouilles,étaient d'autant plus diŒcitesà

opérer que cette histoire n'était écrite nulle part, et

qu'il fallait, pourenretrouverquelquesbribes,fouillersoit dans la mémoiredes hommes,c'est-à-diredanslatradition orale, soit dans de vieux manuscritspou-dreux ayant, depuis plus ou moins longtemps, servid'alimentationaux rongeurs, bien qu'ils fussentcon-servésjalousementdans quelquesgrandesfamillesde

<f/o<«Mf'ou de cAeMr/e*,lesquellesne leslivraientpasfacilementà la curiositédes Chrétiens.

i. Djouad,nobles.Ondonnece titre auxArabesd'AlgériedescendantdeceuxdelapremièreinvasionduMoghreh.

2.LesCheurfasontlesnoblesdenoblessereligieuse,c'est-à-direlesdescendantsdeMahometparsamUeFathnm.

Page 507: Trumelet Algerie Legendaire

PMT-SCMfTOM 499

Aussiest-cegénertdementpar la légendeque nousavensappris l'histoirede cettepartie de t'AMqaesep-tentrionalequenousavonsconquise,et quenousoccu-

pons, et c'est, tout naturellement,à nos interprètesMilitaires,parmi lesquelson a compté,depuisÏ'occu-

pation, des savants éminents, des erudits de hautevaleur et des orientalistesdes plus distingués, c'cst à

eux, -nous l'avonsdéjà dit dansnotre brochure «Ze

Corpsdes Interprètes militaires, Cequ'il a été,Ce~M'~est, Cequ'il doit a, quenousdevonsdevoir clair dans le passé ei intéressantde cepays.

Parmi ceux qui nous ont si largemnnt ouvert la

voie, et à qui nous avonsfait des emprunts, nousci-terons

MM.le docteurPERRON,le professeurCaEMONNEAO,le professeurGoMUOs;

Ça.BttOSSELARB,Ça. FÉRAM,

MM.les interprètes L. GutN,ARNAUD,ADRIEN DELPECB.

La Revueafricaine,cette très intéressante et trèsutilepublication,qui, depuisi8S6,est le Conservatoirede l'histoiredel'Algérie,et qui,à partir desacréation,a comptéparmi sesrédacteurs des hommeséminentsdans tous les genres, orientalistes,épigraphistes,his-

toriens ce précieuxrecueil, disons-nous,nous a étéaussid'un grandsecoursdans la tâche quenousnoussommesdonnés de vulgariser l'Algérie dans la me-sure de nosmoyens.

Page 508: Trumelet Algerie Legendaire
Page 509: Trumelet Algerie Legendaire

TABLEDES MATIÈRES

p<j~tAVANT-MMtPOS. iL~otam M6oB!m*mB. i3

EN PËLEMNAGEDU SUDAU SUD-EST

ï. Sidi AM-Iten-Mahammedet Sidi Bou.Z!d. MN. SMIMou~a-ben-Sidi-AU. ?N1. Sidi AM.el-Azh-Et-HMtj. 40IV. Sidi AU-Bou-Farès. 10V. Sidi AÏ~a-ben-MahanuMed. 83Vf. Sidi Eth-Tha!yeb-hea-Sidi-A:c<t i0<VU. Sidi pt.Hadj-Aïca. mVIU. Sidi M&mmar.ben-Stimaa-Et-Aatya i2SIX. Sidi<A!ben-Sidi Mammar. 12TX. Sidi SMmaa-Aboa.Smaha. i3iXI. Sidi Ech-CMMt. 134XII. Sidi Et-Hadj-Abou-Hafs. nsxm. Sidi Bn-Naceur. neXIV. Sidi AIi-Ahou-'S4id. HtXV. Sidi NaS.XVI. Sidi Mahammed-ben-Sidi-AM-er-Rahman SMXVÏÏ. Sidi TanMar-hen-Sidi-Abd-er-RahnMM 210XVin. Sidi Mahammed-ben-Alya 2i3XIX. Sidi El-Hadj-Ibrabim. 2M

EN PËMRINAGEDE L'EST A L'OUEST

XX. Sidi Abid 236XXI. Sidi Abd~r-Rahman.ben.MeN&teki. 252

Page 510: Trumelet Algerie Legendaire

Ma TAM~B~aMAM~S

XXH.<- NdÏ MohMMtaed-Et.R'crab. XMXXnt. SMiKacem. a~

XXtV.– 8!dtMegrts lea

XXV.–8idiA!~a. a~

XXVt. Sidi Mohammcd~M-M et a~ Bew~em~ ~tXXVM. Hamia.< 9aaXXVIII. Sidi Ha4)~a-bea.AN. 300XXÏX. Sidi Et-Hadj-Mo~a-bea-AU. 308XXX. St<MA!Hton.M<m~-NTouaaa. aaeXXXt. M(HMohatamed-bea.AM-ar.Rahman.Bo~u.Kobfeïm.aaaXXXtt. Sidi OuaU-Dada, Sidi Betka, Sidi B<w-

Gnedour. 341fXXXIII. NdfBetat et LeMaÏMMMa-Baowa. 334XXXIV. Sidi Ahmed-Ez-ZeaaMti. 384XXXV. Sidi Ferod~ 309XXXVt:– 8idiAU.Mhàre& 3?SXXXVH. Lella ïmma-HaMoata.. 38tXXXVIII. Sidi Et-Khetfa-!)en-S!di-Y)thya. 388XXXÏX. Sidi Ahmed-bea-ïoucef. 399

< XL. Sidi Mohamtaed-Et-R'ebrtni. <HXLI. Sidi Bfaham-hen-Stdt-Mohammed.Et-R'obrini. ti6XLÏL.– Sidi Mohammed-Ech-Cherif.Es-Sr'ir. 440XLIII. Sidi Mdticaz-BiUah. 449XUV.. Sidi Mohammed-ben-Omar-m.Haouari. 4S4XLV.r- Sidi Ibrahim.Et-Tazt. 46ttXLy~ Sidi AU-Bon-TteUs. M3XLVIL Sidi Abou.Abd.AMah.Ech-Choudi.Ei.Haiooi. 480XLVIII. Sidi ChoMb.tbn-Hoce~-Et.Andaioci(SidiAbou

· Medyan). 483XLIX. Sidi Bou-Djem&a. 494

POM-SCMMOM. 498

Page 511: Trumelet Algerie Legendaire

A PARIS

DESPRESSESDED.JOUAUST

RueJeLitte,7i

"MCCXCW

Page 512: Trumelet Algerie Legendaire

Originalen couleur

MF Z 43-120-a