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CLAUDE DEBUSSY trois nocturnes - printemps prélude à l’après-midi d’un faune rapsodie pour clarinette - deux danses accentus - olivier dartevelle - catherine beynon orchestre philharmonique du luxembourg emmanuel krivine

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CLAUDE DEBUSSY

trois nocturnes - printempsprélude à l’après-midi d’un faune rapsodie pour clarinette - deux danses

accentus - olivier dartevelle - catherine beynon orchestre philharmonique du luxembourg emmanuel krivine

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CLAUDE DEBUSSY

Œuvres pour orchestre vol. 2

Olivier Dartevelle clarinette (Rapsodie)

Catherien Beynon harpe (Danses)

Chœur de chambre Accentus (Sirènes)

Orchestre Philharmonique du Luxembourg

Emmanuel Krivine

www.timpani-records.com1C1173

www.opl.lu

1 - Prélude à l’après-midi d’un faune [9'12]

2 - Première Rapsodie, pour clarinette [8'21]

Trois Nocturnes3 - Nuages [7'30]

4 - Fêtes [6'27]

5 - Sirènes [10'31]

Deux Danses, pour harpe & cordes6 - Sacrée [4'45]

7 - Profane [4'44]

Printemps8 - Très modéré [9'03]

9 - modéré [6'11]

Enregistrement/recording: Luxembourg, Philharmonie, septembre 2009 et septembre 2010Son et direction artistique/balance and producing: Michael SeberichDirecteur de production: Stéphane Topakian

Accentus: avec l’aimable autorisation de/with kind permission of Naïve

& © OPL/Timpani 2011

TT = 67'28

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© Christian Aschmann

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« Les révolutions viennent à pas de colombe », disait Nietzsche. Dix minutes de musique géniale, une trentaine de pages de partition pour petit orchestre, exactement cent dix mesures ont suffi à ouvrir une ère nouvelle. Achevé en septembre 1894, en chantier depuis deux ans, le Prélude à l’après-midi d’un faune, bissé lors de sa triomphale première, à la Société Nationale, sous la direction de Gustave Doret, le 22 décem-bre de cette même année, inaugure véritablement la musique « moder-ne ». L’inoubliable cantilène de la flûte, au balancement langoureux, se détache sur un orchestre d’une idéale transparence, limité aux bois, aux cors, à deux harpes et aux cordes. C’est le seul volet achevé, en pleine composition de Pelléas, d’un projet de triptyque (les Interludes et la Pa-raphrase finale ne furent jamais réalisés) autour du célèbre poème de Stéphane Mallarmé, qui, dans son enthousiasme, écrivit à Debussy que son œuvre « ne présentait de dissonance avec le texte, sinon d’aller bien plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse. » Et il lui dédicaça un exemplaire de son poème en y inscrivant le quatrain :

Sylvain d’haleine première Si la flûte a réussi, Ouïs toute lumière Qu’y soufflera Debussy.

Ce dernier fit précéder sa partition d’une courte notice : « La musique de ce Prélude est une illustration très libre du beau poème de Stéphane Mallarmé. Elle ne prétend nullement à une synthèse de celui-ci. Ce sont plutôt des décors successifs à travers lesquels se meuvent les désirs et les rêves du faune dans la chaleur de cet après-midi. Puis, las de poursuivre la fuite peureuse des nymphes et des naïades, il se laisse aller au som-meil enivrant, rempli de songes enfin réalisés, de possession totale dans

l’universelle nature. » Et au chef d’orchestre Camille Chevillard, qui lui demandait conseil pour le solo initial, il répondit simplement : « C’est un berger qui joue de la flûte, le cul assis dans l’herbe. »

L’extraordinaire nouveauté du langage mélodique, harmonique, ryth-mique et orchestral s’inscrit dans une forme libre, certes, mais solide-ment rattachée aux schémas classiques du lied et de la sonate, et se découpant en cinq grands volets. C’est une combinaison de forme à mi-lieu (ternaire) et de sonate (avec deux développements), mais le second thème n’apparaît qu’à partir du premier développement.

Le premier volet se compose de quatre présentations du thème prin-cipal, chacune suivie d’un commentaire. La première est sans aucun accompagnement, les trois autres harmonisées d’autant de manières différentes. L’inoubliable arabesque de flûte, d’un caractère troublant, ensoleillé et oriental à la fois, comprend deux moitiés très contrastantes : chromatismes englobant un triton, aux valeurs rythmiques complexes, et franc diatonisme, affirmant nettement mi majeur et aux rythmes beau-coup plus simples. La troisième présentation établit cette tonalité, prê-tant à ce qui précède un caractère introductif, et sa quatrième introduit des cascades de triolets utilisés dans le milieu (section III), souvenir de la Schéhérazade de Rimsky-Korsakov ou de la Thamar de Balakirev.

Suit un premier développement au cours duquel intervient un second thème et parcourant un cycle descendant de non moins de neuf quintes. Le milieu (en ré bémol majeur) constitue le paroxysme expressif du mor-ceau, sur un thème expansif, dont la volupté rappelle un peu Massenet et l’harmonisation César Franck.

Un deuxième développement, en vagues parallèles wagnériennes, débute par un sensationnel changement d’éclairage tonal, tandis que le thème initial, en augmentation, plane à la flûte, rêveur et pur. Notons l’extraordinaire étagement des timbres, idée de chute vers le grave (flûtes froides, hautbois nasillard, clarinettes neutres, chauds bassons), cepen-dant que les valeurs sont paradoxalement ralenties alors que la vitesse de chute aurait dû les précipiter. La réexposition, variée et abrégée (deux présentations du thème au lieu de quatre) fait intervenir pour la première fois les sonorités argentines des petites cymbales antiques, que Berlioz avait utilisées le premier dans le Scherzo de la Reine Mab de Roméo et Juliette. La dernière harmonisation du thème, la plus complexe et la plus génialement belle, mène à la sublime coda de cinq mesures seulement,

FAUNES, HARPES ET SIRÈNESHarry Halbreich

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illustrant, selon de témoignage de Debussy lui-même, le dernier vers du poème : « Couple, adieu, je vais voir l’ombre que tu devins » ; le thème réduit à son squelette aux harpes, puis murmuré à la flûte, limité à qua-tre notes : sentiment d’inachèvement, de suspens, car le thème n’a plus abouti.

Première affirmation pleinement aboutie à l’orchestre du langage per-sonnel de Debussy, le Prélude à l’après-midi d’un faune clôture une adolescence nonchalamment prolongée (il avait trente-deux ans !). Un des fruits les plus savoureux avait été le diptyque Printemps, dernier « envoi de Rome », sans doute achevé en février 1887, mais en réduction pour piano à quatre mains. Cette version comportait des chœurs voca-lisants, mais il est impossible de savoir si l’orchestration fut entièrement menée à bien, Debussy prétendant qu’elle avait « brûlé chez le relieur » (!). Quoi qu’il en soit les membres de l’Institut accueillirent très mal cette œuvre si fraîche et si neuve, lui reprochant « une tendance fâ-cheuse à l’impressionnisme vague des plus dangereux », la première fois que ce terme s’appliquait à sa musique. Mais Printemps n’est publié et joué aujourd’hui que dans une version pour orchestre seul, réalisée avec autant de goût que de talent par Henri Büsser sous l’étroite supervision du compositeur en 1912 et jouée pour la première fois le 18 avril 1913 (un mois avant la création de Jeux).

Debussy s’est inspiré de la célèbre Primavera de Botticelli (aux Offi-ces à Florence). Un quart de siècle plus tard, les Rondes de Printemps, dernières des Trois Images, seront, elles aussi, d’inspiration florentines. Dans une lettre au libraire Émile Baron du 9 février 1887, le composi-teur précisait notamment : « non plus le printemps pris dans son sens descriptif, mais le côté humain. Je voulais exprimer la genèse lente et souffrante des êtres et des choses dans la nature, puis l’épanouissement ascendant et se terminant par une éclatante joie de renaître à une vie nouvelle. »

Le langage du jeune compositeur apparaît déjà audacieux et person-nel, la forme, très neuve, concilie cohérence, concision et liberté, et la musique, chatoyante et voluptueuse, incarne, de pair avec les Ariettes oubliées, le meilleur jeune Debussy.

Bien qu’intitulé Suite symphonique, Printemps ne comprend que deux mouvements, le premier modéré, le second plus vif. Le premier, Très

modéré, à 9/8 est une très libre forme ternaire dont le premier thème nourrira toute la partition. Il chante, berceur, en fa dièse majeur, et l’on notera la couleur très spéciale que donne le piano, doublant la flûte, puis le hautbois. Très vite, c’est l’enivrement des accords de neuvième. Une grande bouffée de passion romantique (Chaleureux) mène au deuxième thème, voisin du premier par la tonalité de fa dièse et le rythme chan-tant aux cordes seules avec une tendresse proche de Borodine, si pré-sent chez le jeune Debussy. L’expression s’échauffe, le tempo s’anime, jusqu’à ce qu’un étourdissant glissando de tout l’orchestre ramène le thème initial, à présent en ut majeur, antipode de fa dièse, réinstallé à l’issue d’un appassionato. Le deuxième thème, à son retour, se remarque à peine : dans cette musique, tous les dessins mélodiques, tous les évé-nements semblent noyés dans les feuillages et la lumière ; c’est vraiment une forme sonate « mangée » par l’impressionnisme !

Le second mouvement est encore plus beau et plus libre en six sec-tions. La première enchaîne avec ce qui précède, puis, soudain, voici un joyeux appel du cor, auquel répond tout aussitôt l’éclaboussement de lumière du piano, de la harpe et des pizzicati, appel au réveil prin-tanier. Une gradation modulante nous dirige vers le ton (ré majeur) et le tempo (Allegro non tanto) principaux du morceau, atteints ensemble : l’introduction est terminée. La deuxième section fait revenir le thème principal du premier mouvement, mais chargé de rythme et de tonalité. Dans l’éclat joyeux des cors, il se développe en un climat d’allégresse croissante. Un bref intermède Scherzando mène au thème le plus mé-morable de ce Finale, joyeux cortège bachique dont les notes répétées rappellent Chabrier mais également le Ballet de la Petite Suite de De-bussy lui-même. Sa progression est interrompue par un bref Andantino, rappel chantant et expressif du premier mouvement, aux cors et violon-celles. Le cortège reprend, superposant les deux thèmes, puis ce cortège émerge seul en pleine gloire, aboutissant à une apothéose du thème du début, précédant la conclusion endiablée et ivre de soleil.

Le premier projet des Nocturnes est aussi ancien que celui du Pré-lude à l’après-midi d’un faune, 1892, mais leur lente gestation, passant par plusieures étapes différentes, dura presqu’une décennie, celle de la composition de Pelléas et Mélisande, dont ils constituent, par certains côtés, une sorte de résumé synthétique de toute la trame symphonique.

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Ce furent d’abord Trois Scènes au crépuscule, puis une version avec violon principal destinée à Eugène Ysaÿe et faisant appel à de petites formations : cordes pour la première pièce, trois flûtes, quatre cors, trois trompettes et deux harpes pour la deuxième, la troisième combinant les deux effectifs. Les premiers états ont disparu, et il n’est même pas certain qu’ils aient existé... La version définitive a coûté à Debussy deux ans de travail, de décembre 1897 à décembre 1899. Nuages et Fêtes obtinrent un très vif succès lors de leur création chez Lamoureux le 9 décembre 1900, mais on n’entendit le triptyque entier — Sirènes nécessitant un chœur féminin — que le 27 octobre 1901.

Ce sont les Nocturnes de Whistler, peintre qu’il aimait tout particu-lièrement, qui semblent avoir inspiré son titre à Debussy, dont le com-mentaire aussi concis que suggestif ne saurait manquer ici : « Le titre Nocturnes veut prendre ici un sens plus général et surtout plus décoratif. Il ne s’agit donc pas de la forme habituelle de nocturne, mais de tout ce que ce mot contient d’impressions et de lumières spéciales. Nuages, c’est l’aspect immuable du ciel avec la marche lente et mélancolique des nuages finissant dans une agonie grise, doucement teintée de blanc. Fêtes : c’est le mouvement, le rythme dansant de l’atmosphère avec des éclats de lumière brusque, c’est aussi l’épisode d’un cortège (vision éblouissante et chimérique) passant à travers la fête, se confondant en elle, mais le fond reste, s’obstine, et c’est toujours la fête et son mélange de musique, de poussière lumineuse participant à un rythme total. Sirè-nes : c’est la mer et son rythme innombrable, puis, parmi les vagues ar-gentées de lune, s’entend, rit et passe le chant mystérieux des sirènes. »

Il faut ajouter que le cadre d’inspiration des deux premiers Noc-turnes n’est nullement quelque lointaine campagne, mais tout sim-plement Paris. Ainsi, pour Nuages, Debussy nous précise : « C’était une nuit, sur le pont de Solferino, très tard dans la nuit. Je m’étais accoudé à la balustrade du pont. La seine, sans une ride, com-me un miroir terni. Des nuages passaient lentement sur un ciel sans lune, des nuages nombreux, ni trop lourd, ni trop légers : des nuages, c’est tout. » Et pour Fêtes, il en fixe le cadre ainsi : « C’est le Bois de Boulogne. Une retraite aux flambeaux, le soir, au bois... J’ai vu de loin, à travers les arbres, approcher des lueurs et la foule courir vers l’allée où le cortège allait passer. Puis des cavaliers de la Garde républicaine, resplendissants, les armes et les casques illuminés par les

flambeaux, et les clairons qui sonnaient leur fanfare. Enfin, tout cela s’éteignant, s’éloignant... »

L’ensemble constitue une sorte de « symphonie inversée », puisque deux mouvements lents (centrés tous deux autour de la tonique si) y en-cadrent un morceau central vif. Marcel Dietschy, parfait exégète, résume : « Nuages, c’est la contemplation, Fêtes, l’action, Sirènes, l’ivresse. »

Nuages, morceau d’une incomparable sonorité, à la fois laiteuse et oua-tée, est un véritable Turner sonore. C’est en fait un libre rondo à cinq com-partiments suivi d’une coda. Son début a profondément marqué le jeune Stravinsky, comme en témoigne le prélude de la seconde partie du Sacre du printemps. Dès la cinquième mesure, voici l’appel plaintif du cor anglais, à intervalle de triton, suggérant l’espace. Puis se déploie le merveilleux tapis des cordes, aux divisions multiples (jusqu’à douze parties de vio- lons !). Ce n’est qu’à la quatrième section qu’intervient le vrai contraste avec un thème pentaphone (flûte et harpe) issu de la troisième mesure du Prélude à l’après-midi d’un faune. Après le retour modifié du dé-but, un mystérieux decrescendo noyé d’ombre mène à la coda, où les thèmes se désintègrent dans les ténèbres : le dessin initial est mangé de silence, puis privé de son harmonie...

Les six sections de Fêtes définissent une grande forme ternaire. En fa mineur modal s’élance la folle arabesque des triolets des bois, évoquant des guirlandes tournoyant dans la nuit. Très vite un discret commentaire des trompettes annonce le futur cortège. Un éclatant appel en fanfare aux cuivres, puis un glissando de harpe relance la folle farandole. À présent (section 2) s’installe le ton principal de la majeur, avec un 15/8 en staccato léger de croches, rappelant la fin du Scherzo du Quatuor. À un nouveau thème du hautbois, joyeux et euphorique vient s’adjoin-dre un commentaire passionné des cordes, dont les rythmes pointés in-troduisent le tournoiement d’une valse capiteuse. Brusque rupture, et c’est le milieu du morceau, le cortège féerique, d’abord très lointain, presqu’inaudible, puis se rapprochant peu à peu grâce à une merveilleu-se orchestration par plans successifs (on pense déjà au cinéma !). Le retour de la première arabesque se superpose à présent au cortège arrivé au sommet de sa puissance en un tutti d’un éclat incomparable, soudain coupé net. La farandole repart seule (section 4) et s’adjoint bientôt un contre-chant passionné des cordes. Après une dernière et brève fanfare, retour au 15/8 et à la majeur (section 5), mais l’attente du thème eupho-

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rique de hautbois n’est pas comblée, et la musique se désintègre peu à peu. Dans la coda (section 6) le thème tant attendu est toujours au hautbois, mais méconnaissable, ralenti, boiteux. Quelle tristesse, la fête est finie, la foule disparue, quelques papiers et girandoles traînent par terre, remués par le petit vent aigre de l’aube proche. La tête du thème ne suscite plus qu’un très lointain écho de la fanfare du cortège. Puis les triolets reprennent leur course fantomatique, et leur pulsation s’éva-nouit dans les ténèbres.

Sirènes, aussi génial que les deux morceaux précédents, mais plus audacieux, plus prophétique encore — notamment par le traitement purement instrumental des seize voix de femmes — offre une vision complémentaire, « nocturne », de celles, toutes trois « diurnes » de La Mer de 1905. Mais en plus se trouve ici l’envoûtement insidieux de la femme, son irrésistible magnétisme, qui se mêlent intimement à ceux de l’« infidèle élément » cher à Tristan L’Hermite. Contrairement à Fêtes, la fusion et la continuité des cinq sections l’emportent ici sur les contrastes et les ruptures. Dans l’introduction très modulante, s’impose d’emblée la présence du motif d’appel iambique (brève-longue) qui dominera égale-ment La Mer. Les voix entrent aussitôt. Il y a des liens thématiques avec les futurs Jeux de vagues, seulement, en plein jour, elles n’abriteront plus de sirènes pour leur jeux ! Le ton principal de si majeur s’installe pour la deuxième section. Le dessin initial de cor anglais devient un ostinato, et l’on remarque ici l’extraordinaire richesse polyrythmique et la dispersion des timbres annonçant déjà l’écriture de Jeux. Un bref sommet d’inten-sité, dans l’éclaboussement de l’écume, précède le milieu du morceau. Tandis que le thème vocal devient accompagnement aux bois et cordes alternés, un nouveau thème en valeurs longues, sorte d’augmentation du précédent, apparaît aux voix : c’est l’un des moments les plus rares, les plus indicibles de tout Debussy ; le choc au cœur de l’immense force d’attraction fatale des sirènes donneuses d’oubli, leur envoûtement ma-gnétique sur les marins de l’Antiquité, promesse de toutes les voluptés ! On ne veut plus que mourir de bonheur. Un grand développement pas-sionné est suivi d’une soudaine accalmie, comme un creux, un trou dans la mer...

Une transition conduit à une « réexposition » profondément variée, amenant un élément nouveau, appel ascendant de trompette couvrant l’ambitus de triton, symétrique donc du motif d’écho de Nuages et qui,

tel quel, ouvrira Jeux de vagues. Les voix reprennent l’envoûtant thème du milieu, mais à présent calmé, « démagnétisé » de son attirance mor-telle. À la fin, les thèmes ont disparu, il ne reste plus que le miroir paisi-ble et lisse de la mer déserte sous l’immensité du ciel nocturne.

La Rapsodie pour clarinette et orchestre naquit en 1910 comme mor-ceau de concours pour le Conservatoire de Paris. Séduisante, capricieu-se et poétique, elle dépasse de loin son propos occasionnel. Rêverie et enjouement y alternent avec une liberté et une poésie enchanteresse. Après une introduction toute embuée de nostalgie en récitatif de l’ins-trument soliste, le tempo se fixe en un modéré calme et souple. Mais la rêverie sereine de la clarinette fait place soudain à une capricieuse cadence accompagnée, reprend très brièvement dans un climat plus lu-mineux et cède enfin la place à l’agitation d’un dialogue fantasque entre le soliste et le basson. La clarinette lance un nouveau thème dansant et narquois, passant d’un registre extrême à l’autre. Un bref rappel de la sérénité initiale précède la conclusion brillante, caracolante, alanguie un court instant par un ultime quasi cadenza.

Les deux Danses pour harpe et cordes, remontent à avril 1904, comme fruit d’une commande de la maison Pleyel, qui essayait alors de lancer sur le marché une harpe chromatique pour concurrencer la harpe diato-nique — à pédales — dont Érard détenait le quasi monopole. Une classe de harpe chromatique avait même été créée au Conservatoire de Paris, et l’ouvrage de Debussy devait y figurer comme morceau de concours. La création au concert eu lieu chez Colonne le 6 novembre 1909. Si l’instrument nouveau ne s’imposa pas, le diptyque de Debussy, parfaite-ment jouable sur l’instrument usuel, est demeuré au répertoire. Ces deux pièces d’un archaïsme modal et raffiné, dans la veine des Épigraphes antiques ou encore de certaines des futurs Préludes, comme Danseuses de Delphes, ne sont pas sans rappeler les Gymnopédies d’Erik Satie, que Debussy avait orchestrées quelques années plus tôt. La Danse sacrée a l’allure d’une noble sarabande dans le mode dorien, tandis que la Danse profane, de rythme ternaire elle aussi, adopte le mode lydien pour une valse au tournoiement langoureux, avec des intermèdes plus brillants et plus capricieux dont la dernière reprise, d’une grande plénitude sonore, précède pourtant une fin discrète.

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AccentusFondé par Laurence Equilbey, Accentus est un chœur de chambre

professionnel se produisant dans les plus grandes salles de concert et festivals internationaux. L’ensemble collabore régulièrement avec chefs et orchestres prestigieux (Pierre Boulez, Christophe Eschenbach, Or-chestre de Paris, Ensemble intercontemporain, Orchestre de l’Opéra de Rouen/ Haute-Normandie, Concerto Köln, Akademie für Alte Musik). Il participe également à des productions lyriques, tant dans des créations contemporaines (Perela l’Homme de Fumée de Pascal Dusapin) que dans des ouvrages de répertoire (Le Barbier de Séville au Festival d’Aix-en-Provence, Mignon à l’Opéra Comique). Il poursuit sa résidence à l’Opéra de Rouen Haute-Normandie et est ensemble associé à l’Ensem-ble orchestral de Paris depuis 2009-2010. Mécénat Musical Société Gé-nérale est le mécène principal d’Accentus. Pieter-Jelle de Boer est chef associé principal d’Accentus.

Olivier DartevelleNé dans les Vosges, Olivier Dartevelle a étudié la musique à Remire-

mont, sa ville natale, puis à Nancy avant de rejoindre le Conservatoire National supérieur de Paris dans la classe de Guy Deplus tout en pour-suivant une formation universitaire à Strasbourg. Nantis des premiers prix d’usage, il participe à divers concours internationaux et décroche un prix au concours international, Printemps de Prague. Depuis il mène une carrière de soliste, tout en étant au premier pupitre de l’OPL. Il s’est également tourné vers la composition, et a à son actif une cinquantaine d’œuvres, qui vont des pièces pour piano à l’orchestre.

Catherine BeynonCatherine Beynon joue de la harpe depuis l’âge de huit ans et a été

formée successivement au Royal College of Music Junior Department, à la Royal Academy of Music et au CNSM de Lyon. Elle se produit fré-quemment en musique de chambre ou en soliste (Wigmore Hall, Pur-cell Room, aux «Proms»), avec orchestre (English Chamber Orchestra, Philharmonia, le BBC National of Wales, le European Union Youth Or-

chestra, le Luzern Festival Orchestra... En 1999, elle est nommée soliste de l’Orchestre Royal du Danemark, et en 2003, elle prend le même poste à l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg. Elle a réalisé de nombreux disques, dont l’intégrale de la musique de chambre de Pierné pour Timpani.

Emmanuel Krivine et l’OPLC’est en juin 2001 qu’Emmanuel Krivine monte pour la pre-

mière fois au pupitre de l’Orchestre Philharmonique du Luxem-bourg, dans le cadre du Festival d’Echternach, répondant à une in-vitation somme toute logique, lorsque l’on sait que le chef a dirigé la plupart des grands orchestres européens. Les Luxembourgeois font ainsi connaissance avec un musicien connu dans le monde pour une carrière étonnante débutée comme violoniste. Emmanuel Krivine, d’ori-gine russe par son père, polonaise par sa mère, Premier Prix au Conser-vatoire de Paris, pensionnaire de la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, entame jeune une prodigieuse carrière au violon. En 1965, la rencontre avec Karl Böhm est déterminante pour sa vocation de chef d’orchestre. Chef invité permanent du Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France de 1976 à 1983, puis Directeur musical de l’Orchestre National de Lyon de 1987 à 2000, il est alors invité par les plus grande pha-langes internationales, comme l’Orchestre Philharmonique de Berlin, le Concertgebouw d’Amsterdam, le London Symphony Orchestra, l’or-chestre de la NHK Tokyo, les orchestres de Boston, Cleveland, Philadel-phie.

Après son 1er concert avec l’OPL, l’impression est forte au Grand Du-ché de Luxembourg et dès 2002, il est nommé premier chef invité d’un orchestre à la fois jeune et chargé d’histoire. C’est en effet en 1996 qu’est créé l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, héritier du Symphonique de RTL et dépositaire de plus de soixante ans d’une tradi-tion musicale — aux confins des mondes germaniques et francophones — où, qui plus est, l’action en faveur de la musique contemporaine a toujours été considérée comme une donnée naturelle. Cette démarche s’est perpétuée et a trouvé sa traduction dans la très riche discographie de l’OPL, avec les volumes consacrés à Ohana, Xenakis ou Malec, et qui voisinent avec de grandes réalisations qui sont autant de premières, comme Cydalise et le chèvre-pied de Pierné dirigé par le premier titu-

LES INTERPTÈTES

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laire de l’OPL, David Shallon (Cannes Classical Awards en 2002), l’opéra Polyphème de Jean Cras enregistré par son successeur Bramwell Tovey, ou les disques Ropartz, d’Indy et Debussy (deux volumes), réalisés par Emmanuel Krivine depuis 2002. Les rapports de plus en plus étroits entre ce dernier et l’OPL, le succès grandissant de leurs concerts, à Luxembourg comme à l’étranger, ont conduit l’Orchestre à lui confier la Direction musicale à partir de l’automne 2006.

© Christian Aschmann

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“Revolutions come on the feet of doves”, said Nietzsche. Ten minutes of brilliant music, some thirty pages of score for small orchestra, exactly one hundred and ten bars, were enough to open a new era. Completed in September 1894 after two years’ work, the Prélude à l’après-midi d’un faune, encored at its triumphant premiere at the Société Natio-nale conducted by Gustave Doret on 22 December of that same year, truly inaugurated ‘modern’ music. The unforgettable flute cantilena, with its languorous lilt, stands out over an orchestra of ideal transpa- rency, limited to the woodwind, horns, two harps and strings. It was the sole completed part, right in the middle of his composing Pelléas, of a projected triptych (the Interludes and the concluding Paraphrase were never written) based on the celebrated poem of Stéphane Mallarmé, who, in his enthusiasm, wrote to Debussy that his work “presented no discordance with the text, except in going very much further, really, in nostalgia and in light, with refinement, with an unsettled feeling, with diversity.” And he dedicated to him a copy of his poem by inscribing on it the quatrain:

Sylvan of primal breath If the flute has succeeded, Hear all light Infused there by Debussy.

The latter preceded his score with a short notice: “The music of this Prélude is a very free illustration of the beautiful poem by Stéphane Mal-larmé. It in no way claims to be synthesis of it. It is, rather, a succession of scenes through which the desires and the dreams of the faun move in the heat of the afternoon. Then, tired from chasing the timorous flight of the nymphs and naiads, he succumbs to an intoxicating sleep, full of dreams at last realised, of total possession in universal nature.” And to the conductor Camille Chevillard, who had asked for advice about the opening solo, he merely replied: “It’s a shepherd who plays the flute, arse in the grass.”

The extraordinary novelty of the melodic, harmonic, rhythmic and or-chestral language is set in a free form, clearly, yet one that is robustly attached to the classical forms of the lied and the sonata, and it is divi-ded into five main sections. It is a combination of form with a middle (ternary) and of sonata form (with two developments), but the second theme does not appear until the first development.

The first section comprises four presentations of the main theme, each followed by a commentary. The first has no accompaniment at all, the three others are harmonised in as many different ways. The unforgetta-ble flute arabesque, of an unsettling character, both sunny and oriental, consists of two highly contrasted halves: chromaticisms comprising a tritone, with complex rhythmic values, and overt diatonicism, clearly affirming E major and with much simpler rhythms. The third presentation establishes this tonality, lending to the preceding passage an introduc-tory character, and the fourth introduces cascades of triplets that are exploited in the middle section (section III), reminiscent of Rimsky-Kor-sakov’s Sheherazade or Balakirev’s Thamar.

There follows a first development in the course of which there occurs a second theme that passes through a descending cycle of no less than nine fifths. The middle part (in D flat major) constitutes the expressive pa-roxysm of the piece, with a broad theme, its voluptuousness somewhat recalling Massenet and its harmonisation César Franck.

A second development, in parallel Wagnerian waves, opens with a sensational change of tonal lighting, while the opening theme, in augmentation, hovers on the flute, dreamy and pure. Note the extraordinary layering of tone-colours, the idea of des-cent to the low register (cold flutes, nasal oboe, neutral clarinets, warm bassoons), although the note values are paradoxically slowed down, for the speed of descent should have raced it down. The re- exposition, varied and shortened (two presentations of the the-me instead of four) brings in for the first time the silvery sounds of the antique cymbals, that Berlioz had first used in the Queen Mab Scherzo of Roméo et Juliette. The last harmonisation of the theme, the most complex and most brilliantly beautiful, leads to a su-blime coda of only five bars, illustrating, according to Debussy himself, the last line of the poem: “Couple, farewell, I go to see the shadow you b came.”; the theme in skeletal form on the harps, murmured subsequently

FAUNS, HARPS AND SIRENSHarry Halbreich

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on the flute, restricted to four notes: a feeling of incompletion, of suspen-sion, for the theme no longer has an end.

The first fully accomplished affirmation on the orchestra of Debussy’s personal language, the Prélude à l’après-midi d’un faune brings to an end an adolescence that was nonchalantly extended (he was thirty-two!). One of its most delightful fruits had been the diptych Printemps, his last ‘despatch from Rome’, no doubt finished in February 1887, though in a reduction for piano four hands. This version included a vocalising cho-rus, but it is impossible to know whether the orchestration was com-pletely finished, Debussy claiming that it had “burned at the binder’s” (!). Whatever the truth, the members of the Institut gave a very frosty welcome to such a fresh, novel work, reproaching him for “an annoying penchant for the most dangerous, vague impressionism”, the first time that this term had been applied to his music. Yet Printemps is published and played today solely in a version for orchestra alone, prepared with as much taste as talent by Henri Büsser under the composer’s close su-pervision in 1912 and played for the first time on 18 April 1913 (one month before the premiere of Jeux).

Debussy had found inspiration in Botticelli’s famous Spring (in the Ufizzi in Florence). A quarter of a century later, Rondes de Printemps, the last of the Trois Images, was also to be of Florentine inspiration. In a letter to the bookseller Émile Baron dated 9 February 1887, the com-poser notably made clear it was “no longer spring in the descriptive sense, but the human side. I wanted to express the slow, painful genesis of beings and things in nature, then the rise and the blossoming, ending with a flash of joy at being reborn to a new life.”

The language of the young composer already appears bold and in-dividual, the form, highly novel, reconciles coherence, concision and freedom, and the music, scintillating and voluptuous, embodies, along with the Ariettes oubliées, the best of the young Debussy.

Although called a ‘Suite symphonique’, Printemps comprises only two movements, the first moderate in tempo, the second faster. The first, Très modéré (very moderate), in 9/8, is in a very free ternary form, the first theme of which will feed the whole score. Its sings, like a lullaby, in F sharp major, and one should note the very special colour given by the piano, doubling the flute and then the oboe. Very quickly it beco-

mes an intoxication of ninth chords. A great wave of romantic passion, Chaleureux (warm), leads to the second theme, close to the first in its key of F sharp and with the rhythm solely on lyrical strings with a Bo-rodin-like tenderness, such a prominent feature of the young Debussy. The expression becomes warmer, the tempo livelier, until a deafening glissando through the whole orchestra brings back the initial theme, now in C major, the polar opposite of F sharp, re-established after an appassionato. The second theme, on its return, is barely noticed: in this music, all the melodic profiles, all the events, seem to be drowned in the verdure and the light; this is truly a sonata form ‘eaten’ by impres-sionism!

The 2nd movement is even more beautiful and more free in its six sec-tions. The first is linked to the preceding movement, then, suddenly, here comes a joyful horn call, to which responds no less promptly a splash of light from the piano, the harp and some pizzicati, a call for a springtime awakening. A modulating progression takes us towards the movement’s main key (D major) and main tempo (Allegro non tanto), both reached at the same time: the introduction is over. The second section brings back the main theme of the first movement, though now it is charged with rhythm and tonality. In the joyful outburst from the horns there develops an increasingly lively atmosphere. A brief intermezzo Scherzando leads to the most memorable theme in this Finale, a joyous, Bacchic proces-sion, the repeated notes of which recall Chabrier and also the Ballet in Debussy’s own Petite Suite. Its progression is interrupted by a short Andantino, a lyrical and expressive reminder of the first movement, on horns and cellos. The procession moves off again, superimposing both themes, and then this procession emerges alone in full glory, culmina-ting in an apotheosis of the opening theme, just before a furious, sun-drunk conclusion.

The first project of the Nocturnes reached as far back as that of the Prélude à l’après-midi d’un faune, 1892, but its slow gestation, pas-sing through several different stages, was to last for almost a decade, that of the coMposition of Pelléas et Mélisande, of which the Nocturnes form, in certain aspects, a kind of synthetic summary of the whole sym-phonic weave. It was originally Trois Scènes au crépuscule, then a ver-sion with princIpal violin for Eugène Ysaÿe requiring small formations: strings for the first piece, three flutes, four horns, three trumpets and

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two harps for the second, the third combining both groupings. The first drafts have disappeared, and it is in fact by no means certain they ever existed... The definitive version cost Debussy two years of work, from December 1897 to December 1899. Nuages and Fêtes were very suc-cessful when premiered by Lamoureux on 9 December 1900, but the whole triptych — Sirènes requiring a female chorus — was not heard un-til 27 October 1901.

It was the Nocturnes of Whistler, a painter he most particularly li-ked, that seem to have given Debussy the inspiration for the title, the composer’s commentary, as concise as it is suggestive, being crucially pertinent: “The title Nocturnes here takes on a more general and, espe-cially, more decorative meaning. This is not therefore the usual form of the nocturne, but all that this word contains of impressions and special lights. Nuages is the unchanging aspect of the sky with the slow, me-lancholic advance of the clouds ending in a grey agony that is gently tinged with white. Fêtes: this is movement, the dancing rhythm of the atmosphere with abrupt bursts of light, it is also the episode of a pro-cession (a dazzling, chimerical vision) passing through the celebrations, mingling with it, but the essence remains, insistent, and still it is ever celebrations and its blend of music, of luminous dust taking part in the overall rhythm. Sirènes: this is the sea and its countless rhythms, and then, among the waves, silvered by the moon, the lyrical mystery of the sirens reaches out, laughs and moves on.”

It should be added that the inspirational frame-work of the first two Nocturnes is in no way some distant landscape, but quite simply Paris. Regarding Nuages, for example, Debussy points out: “It was one ni-ght, on the bridge of Solferino, very late at night. I was leaning on the bridge’s balustrade. The Seine, without a ripple, like a tarnished mir-ror. Clouds were moving slowly through a moon-less sky, many clouds, neither too heavy, nor too light: clouds, that is all.” And for Fêtes he set the scene in this manner: “It is the Bois de Boulogne. A torch-lit procession, in the evening, in the woods... I saw from afar, through the trees, some faint lights approaching and the crowd running towards the pathway where the procession was going to pass. Then the horsemen of the Garde Républicaine, resplendent with their arms and helmets lit by the torches, and the bugles sounding the fanfare. Finally, all that died away, into the distance...”

The whole work is a kind of ‘reversed symphony’, since the two slow movements (both centred on the tonic B) frame a lively central piece. Marcel Dietschy, a perfect commentator, summed it up: “Nuages is contemplation, Fêtes, action, Sirènes, intoxication”.

Nuages, a piece with an incomparable sonority, both milky and cos-seted, is a veritable Turner paint-ing in sound. It is in fact a free rondo in five sections followed by a coda. Its opening left a deep mark on the young Stravinsky, as can be felt in the prelude to the second part of The Rite of Spring. From the fifth bar, here is the plaintive call of the cor an-glais, with the interval of a tritone, giving an impression of space. Then there unfolds the wonderful tapestry of the strings, with multiple subdi-visions (up to twelve violin parts!). It is only at the fourth section that the true contrast appears with a pentatonic theme (flute and harp) stemming from the third bar of the Prélude à l’après-midi d’un faune. After a mo-dified return of the opening, a mysterious decrescendo sunk in shadows leads to the coda, where the themes dis-integrate in the shades: the ini-tial figure is eaten by silence, then deprived of its harmony...

The six sections of Fêtes constitute a large-scale ternary form. In a mo-dal F minor the wild arabesque of woodwind triplets is launched, conju-ring up garlands swirling in the night. Very quickly a discreet commen-tary from the trumpets announces the coming procession. A dazzling fanfare call on the brass, then a glissando on the harp sets off the wild farandole again. It is now (section 2) that the main key of A major is es-tablished, with a 15/8 in light, staccato quavers, recalling the end of the Scherzo in the String Quartet. A new oboe theme, joyful and euphoric, is joined by an impassioned commentary from the strings, their dotted rhythms introducing the swirling of a heady waltz. An abrupt rupture and the centre of the piece is reached, the enchanted procession, at first very distant, almost inaudible, than gradually getting closer and closer thanks to some wonderfully graded orchestration (one already thinks of the cinema!). The return of the first arabesque is now superimposed on a procession that has reached the climax of its power in a tutti of incom-parable brilliance that is suddenly broken off. The farandole starts again on its own (section 4) and is soon joined by an impassioned counter-melody on the strings. After a final, brief fanfare, there is a return to 15/8 and to A major (section 5), though the expectation of the euphoric oboe theme is not satisfied, and the music gradually disintegrates. In the coda

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(section 6) the long-awaited theme is still on the oboe, but now unreco-gnisable, slower, limping. How sad! The celebrations are over, the crowd has dispersed, a few bits of paper and girandoles lie on the ground, flut-tering in the sharp, light wind of the approaching dawn. The head of the theme now only excites a very distant echo of the processional fanfare. Then the triplets start up again on their ghostly round, and their pulsation evaporates in the shadows.

Sirènes, as brilliant as the two preceding pieces though more auda-cious, and even more prophetic — notably through the purely instrumen-tal treatment of the sixteen female voices — presents a complementary vision, one that is ‘nocturnal’, to those, all three of them ‘diurnal’, in La Mer of 1905. But here there is also the insidious enchantment of woman, her irresistible magnetism, that blends tightly with that of the “infidel ele-ment” dear to Tristan L’Hermite. Unlike Fêtes, the fusion and continuity of the five sections are her more prevalent than the contrasts and ruptures. In the highly modulating introduction, the presence of the iambic calling figure (short-long) immediately establishes itself, the figure that will also dominate La Mer. The voices enter at once. There are thematic ties with the future Jeux de vagues, but, in full daylight, they will no longer be shel-tering sirens at play! The main key of B major establishes itself for the se-cond section. The opening cor anglais figure becomes an ostinato, and one notices here the extraordinary polyrhythmic diversity and the dispersal of tone-colours already heralding the style of Jeux. A brief high-point in intensity, in the splash of the foam, precedes the heart of the piece. While the vocal theme be-comes accompaniment alternately on wood-wind and strings, a new theme in long note values, a kind of augmen-tation of the preceding, appears in the voices: this is one of the rarest of moments, the most ineffable in all Debussy; the shock at the heart of the immense, fatal power of attraction of the oblivion inducing sirens, their magnetic enchantment of sailors in Antiquity, the promise of every voluptuousness! There remains only to die of happiness. A great impas-sioned development is followed by a sudden calm, a hollow as it were, a hole in the sea...

A transition leads to an extensively varied ‘re-exposition’ before a new element appears, a rising trumpet call covering the interval of a tritone, symmetrical therefore with the echo figure of Nuages and one that, wi-thout change, will open Jeux de vagues. The voice reprises the enchan-

ting central theme, but now it has been calmed, ‘demagnetised’ of its lethal attraction. By the end, the themes have disappeared, there remains nothing but the peaceful, smooth mirror of the lonely sea beneath the immensity of the night sky.

The Rhapsody for clarinet and orchestra saw the light of day in 1910 as a competition piece for the Paris Conservatory. Charming, whimsi-cal and poetic, it goes far beyond its circumstantial purpose. A dreamy good-naturedness alternates with freedom and bewitching poetry. After a thoroughly nostalgic introduction in the form of a recitative for the solo instrument, the tempo settles into a calm, smooth modéré (moderato). The serene dreaminess of the clarinet, however, suddenly gives way to a whimsical accompanied cadenza, moves very briefly to a more lumi-nous atmosphere, and finally makes way for the agitation of a fantastical dialogue between the soloist and the bassoon. The clarinet introduces a new theme, dancing and sardonic, passing from one extreme register to the other. A brief reminder of the initial serenity precedes a brilliant, frisky conclusion, held back for a brief instant by an ultimate quasi cadenza.

The two Dances for harp and strings, date from April 1904, the result of a commission from the house of Pleyel, that was at that time attemp-ting to launch a chromatic harp on the market to rival the diatonic harp of which Érard held the quasi monopoly. A class for the chromatic harp had even been established at the Paris Conservatory, and Debussy’s work was to feature there as a competition piece. The first concert perfor-mance was held at Colonne’s on 6 November 1909. Though the new instrument did not establish itself, Debussy’s diptych, perfectly playable on the customary instrument, has remained in the repertory. These two refined, archaically modal pieces, in the vein of the Épigraphes antiques or some of the future Preludes, such as Danseuses de Delphes, are not without recalling the Gymnopédies of Erik Satie, that Debussy had or-chestrated a few years earlier. The Danse sacrée has the air of a noble sarabande in the dorian mode, while the Danse profane, also in ternary rhythm, adopts the lydian mode for a languorously swaying waltz, with some more brilliant and more whimsical intermezzi, including a final reprise that, though highly sonorous, gives way to a discreet ending.

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AccentusFounded by Laurence Equilbey for the purpose of performing the

major works of the a cappella repertoire and engaging with contem-porary creation, Accentus is today an ensemble of 32 professional singers which appears at the leading French and international fes-tivals. The choir collaborates regularly with prestigious conductors and orchestras (Pierre Boulez, Jonathan Nott, Christoph Eschenbach, Orchestre de Paris, Ensemble Intercontemporain, Orchestre de l’Opéra de Rouen/Haute Normandie, Concerto Köln, Akademie für Alte Mu-sik). It has participated in a variety of operatic productions ranging from contemporary premieres (Pascal Dusapin’s Perelà, uomo di fumo and Matthias Pintscher’s L’Espace dernier at the Paris Opéra) to the standard repertoire (Rossini’s Il barbiere di Siviglia at the Aix-en-Provence Festi-val). The ensemble is also privileged partner of the Cité de la musique in Paris

Olivier DartevelleHe follows his studies at the National conservatory in Paris with Guy

Deplus. He obtained a brilliant results at musical competitions specially in Prague. First clarinet soloist in the Luxembourg Philharmonic Or-chestra, He participates in numerous concerts as soloist and chamber musician. At the same time, he continues his activities as pedagogue at the Conservatoire National de Nancy (France) and in many summer aca-demies where he works regular. But to maintain the pleasure for music in his life he anxiously diversifies his activities; especially he wrote fifty works for chamber music or orchestra.

Catherine BeynonCatherine Beynon began playing the harp at the age of eight, and

attended the Royal College of Music Junior Department, the Royal Aca-demy of Music, and the CNSM, Lyon. She regularly performs as soloist or chamber music player (Wigmore Hall, Purcell Room, ‘Proms’), and with famous orchestras (English Chamber Orchestra, Philharmonia, BBC National of Wales, the European Union Youth Orchestra, the Luzern Fes-

tival Orchestra...) In 1999, she is appointed principal of the Royal Da-nish Orchestra, and in 2003, principal in the Orchestre Philharmonique du Luxembourg. She has made numerous recordings including, for Tim-pani, Pierné’s complete chamber music.

Emmanuel Krivine and OPLIn June 2001, Emmanuel Krivine mounted the podium of the Luxem-

bourg Philharmonic Orchestra for the first time, in the framework of the Echternach Festival. This was a logical invitation, given that the Maestro had conducted most of the great European orchestras. The Luxembourg musicians were thus introduced to a musician known the world over for an amazing career, begun as a violinist. Of Russian origin on his father’s side and Polish on his mother’s, First Prize at the Paris Conserva-toire and a grant-holder of the Chapelle Musicale Reine Elisabeth (Bel-gium), Emmanuel Krivine began his prodigious career on the violin at an early age. In 1965, he met Karl Böhm, and this was a determining factor in his vocation as a conductor. Permanent guest conductor of the Nouvel Orchestre Philharmonique of Radio France from 1976 to 1983, then musical director of the Orchestre National de Lyon from 1987 to 2000, he was invited by the leading international orchestras, including the Berlin Philharmonic, Orchestra of the Concertgebouw, Amsterdam, London Symphony Orchestra, NHK Symphony Orchestra of Tokyo and the orchestras of Boston, Cleveland and Philadelphia. More recently, in France he founded the Chambre Philharmonique, an ensemble meeting some of his artistic aspirations and demands.

Following his first concert with the OPL, he made such a strong impression in the grand duchy of Luxembourg that, in 2002, he was appointed principal guest conductor of an orchestra that is both young and boasts a long history. The Luxembourg Philhar-monic Orchestra was created in 1996, heir to the RTL Symphony and guardian of a musical tradition stretching back more than sixty years, on the borders of the Germanic and French-speaking worlds. Moreover, the action in favour of contemporary music has always been considered a natural given. This approach has perpetuated itself and resul-ted in a very rich discography, with releases devoted to Ohana, Xenakis and Malec, along with major realisations that are as many premières, such as Pierné’s Cydalise et le chèvre-pied, conducted by the OPL’s first director,

THE PERFORMERS

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David Shallon (Cannes Classical Awards, 2002), Jean Cras’ opera Polyphème, recorded by his successor, Bramwell Tovey, or the Ropartz, d’Indy and Debussy discs made by Emmanuel Krivine in 2002 and 2006.

The increasingly close relations between the latter and the OPL, along with the growing success of their concerts both in Luxembourg and abroad, led the Orchestra to make him musical director beginning in the autumn of 2006.

© Anton Solomoukha© Philippe Hurlin

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Catherine BeynonOlivier Dartevelle

Accentus

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