traÇabilite agro-alimentaire

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COLE NATIONALE VETERINAIRE DALFORTAnne 2008

TRAABILITE AGRO-ALIMENTAIRE : ENJEUX ET PERSPECTIVES

THESE Pour le DOCTORAT VETERINAIRE Prsente et soutenue publiquement devant LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEILle

par

Gilles SCARSETN le 6 Aot 1975 Crteil (Val-de-Marne)JURY Prsident : M. Professeur la Facult de Mdecine de CRETEIL Membres Directeur : Mr. Vincent CARLIER Professeur lEcole Nationale Vtrinaire dAlfort Assesseur : Mme. Jeanne BRUGERE-PICOUX Professeur lEcole Nationale Vtrinaire dAlfort

LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANTDirecteur : M. le Professeur MIALOT Jean-Paul Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI Andr-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard Professeurs honoraires: MM. BRUGERE Henri, BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, CLERC Bernard, LE BARS Henri, MILHAUD Guy, ROZIER Jacques,

DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP)Chef du dpartement : Mme COMBRISSON Hlne, Professeur - Adjoint : Mme LE PODER Sophie, Matre de confrences - UNITE DANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES - UNITE DHISTOLOGIE , ANATOMIE PATHOLOGIQUE Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur M. CRESPEAU Franois, Professeur M. DEGUEURCE Christophe, Professeur* M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur * Mme ROBERT Cline, Matre de confrences Mme BERNEX Florence, Matre de confrences M. CHATEAU Henry, Matre de confrences Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Matre de confrences - UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE , MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Franoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur M. FREYBURGER Ludovic, Matre de confrences - UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE Mme COMBRISSON Hlne, Professeur* M. TIRET Laurent, Matre de confrences Mme STORCK-PILOT Fanny, Matre de confrences - UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur * M. TISSIER Renaud, Matre de confrences M. PERROT Sbastien, Matre de confrences - DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. DEPUTTE Bertrand, Professeur - DISCIPLINE : ANGLAIS Mme CONAN Muriel, Professeur certifi - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur * Mme LE PODER Sophie, Matre de confrences - DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET MEDICALES M. MOUTHON Gilbert, Professeur - UNITE DE GENETIQUE MEDICALE ET MOLECULAIRE M. PANTHIER Jean-Jacques, Professeur Mme ABITBOL Marie, Matre de confrences* - UNITE DE BIOCHIMIE M. MICHAUX Jean-Michel, Matre de confrences M. BELLIER Sylvain, Matre de confrences* - DISCIPLINE : EDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE M. PHILIPS, Professeur certifi

DEPARTEMENT DELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC)Chef du dpartement : M. POLACK Bruno, Matre de confrences - Adjoint : M. BLOT Stphane, Matre de confrences - UNITE DE MEDECINE - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur* M. FAYOLLE Pascal, Professeur * Mme CHETBOUL Valrie, Professeur M. MAILHAC Jean-Marie, Matre de confrences M. BLOT Stphane, Matre de confrences M. NIEBAUER Gert, Professeur contractuel M. ROSENBERG Charles, Matre de confrences Mme VIATEAU-DUVAL Vronique, Matre de confrences Mme MAUREY Christelle, Matre de confrences Mme RAVARY-PLUMIOEN Brangre, Matre de confrences (rattache au DPASP) - UNITE DE CLINIQUE EQUINE M. ZILBERSTEIN Luca, Matre de confrences contractuel M. DENOIX Jean-Marie, Professeur M. JARDEL Nicolas, Matre de confrences contractuel M. AUDIGIE Fabrice, Matre de confrences* Mme GIRAUDET Aude, Praticien hospitalier - UNITE DIMAGERIE MEDICALE Mme MESPOULHES-RIVIERE Cline, Matre de confrences Mme BEGON Dominique, Professeur* contractuel Mme STAMBOULI Fouzia, Praticien hospitalier Mme PRADIER Sophie, Matre de confrences contractuel - DISCIPLINE : OPHTALMOLOGIE - UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE Mme CHAHORY Sabine, Matre de confrences Mme CHASTANT-MAILLARD Sylvie, Matre de confrences* (rattache au DPASP) - UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES M. NUDELMANN Nicolas, Matre de confrences M. CHERMETTE Ren, Professeur * M. FONTBONNE Alain, Matre de confrences M. POLACK Bruno, Matre de confrences M. REMY Dominique, Matre de confrences (rattach au DPASP) M. GUILLOT Jacques, Professeur M. DESBOIS Christophe, Matre de confrences Mme MARIGNAC Genevive, Matre de confrences Mme CONSTANT Fabienne, Matre de confrences (rattache au Mme HALOS Lnag, Matre de confrences DPASP) M. HUBERT Blaise, Praticien hospitalier Mme DEGUILLAUME Laure, Matre de confrences contractuel (rattache au DPASP) - DISCIPLINE : NUTRITION-ALIMENTATION M. PARAGON Bernard, Professeur - DISCIPLINE : URGENCE SOINS INTENSIFS M. GRANDJEAN Dominique, Professeur Mme Franoise ROUX, Matre de confrences contractuel DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP) Chef du dpartement : M. MAILLARD Renaud, Matre de confrences - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Matre de confrences - UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE M. BENET Jean-Jacques, Professeur* M. COURREAU Jean-Franois, Professeur Mme HADDAD/ HOANG-XUAN Nadia, Matre de confrences M. BOSSE Philippe, Professeur Mme DUFOUR Barbara, Matre de confrences Mme GRIMARD-BALLIF Bndicte, Professeur Mme LEROY Isabelle, Matre de confrences - UNITE DHYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS M. ARNE Pascal, Matre de confrences DORIGINE ANIMALE M. PONTER Andrew, Matre de confrences* M. BOLNOT Franois, Matre de confrences * M. CARLIER Vincent, Professeur - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES Mme COLMIN Catherine, Matre de confrences ANIMAUX DE BASSE-COUR M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Matre de confrences M. MILLEMANN Yves, Matre de confrences* Mme BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur (rattache au DSBP) - DISCIPLINE : BIOSTATISTIQUES M. MAILLARD Renaud, Matre de confrences M. SANAA Moez, Matre de confrences M. ADJOU Karim, Matre de confrences * Responsable de lUnit

REMERCIEMENTS

A ma mre qui je lespre doit tre fire de l o elle nous regarde. A Laetitia et notre Lou-Anne (et ses futurs frres et surs) qui illuminent ma vie jour aprs jour.. A mon pre qui ne sera dsormais plus le seul docteur dans la famille. A mon frre qui va devoir mappeler docteur.. A mes beaux-parents Marc et Monique et ma belle-sur Lily pour leur soutien et leur prsence quelles que soient les circonstances A mes compagnons de route professionnelle : A Christian ERARD qui, par sa foi en la vie communicative, permet de croire que tout est possible si on sen donne la peine A Marc MONTEL pour sa prcieuse amiti et pour mavoir fait dcouvrir les filires agro-alimentaires A Jean-Julien MAZERIES et Matthieu DELALLEAU pour mavoir toujours rappel que possder le titre de docteur est un honneur et un aboutissement

Au Professeur Vincent CARLIER pour avoir dirig ce travail et pour mavoir fait dcouvrir sur les bancs de lcole le monde passionnant de la scurit sanitaire des aliments Au Professeur Jeanne BRUGERE-PICOUX davoir accept dtre lassesseur de ce travail

TRAABILITE AGRO-ALIMENTAIRE : ENJEUX ET PERSPECTIVESNOM et Prnom : SCARSET GillesRsum La traabilit est un nologisme apparu dans les annes 1990 bien quelle prenne racine dans lAntiquit. Elle doit son dveloppement et sa mdiatisation aux crises sanitaires de la fin du XXme sicle. Base sur quatre principes fondamentaux (identifier, grer les liens, enregistrer, communiquer), elle est devenue un principe de droit incontournable de la lgislation alimentaire europenne en 2005. Elle occupe une part prpondrante dans la stratgie des entreprises au cur des problmatiques sanitaires via la gestion des retraits et rappels de lot, des enjeux juridiques travers le droit de la responsabilit, et enfin des objectifs conomiques en permettant la valorisation de produits de qualit. Elle a bnfici du dveloppement des nouvelles techniques de linformation et de la communication ainsi que des progrs en biologie molculaire ou chimie analytique. La traabilit permet de redonner confiance aux consommateurs dans lindustrie agro-alimentaire. Cependant, elle nest quun outil et non une solution miracle face tous les risques sanitaires. Mots cls AGRO-ALIMENTAIRE / TRACABILITE / REGLEMENTATION / HACCP / PRINCIPE DE PRECAUTION / NOUVELLE TECHNOLOGIE / MARQUEUR ADN / MARQUEUR CHIMIQUE Jury Prsident : Pr. , Professeur la Facult de Mdecine de Crteil Directeur : Pr. CARLIER Vincent, Professeur lEcole Nationale Vtrinaire dAlfort Assesseur : Pr. BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur lEcole Nationale Vtrinaire dAlfort

Adresse de lauteur : 1 Chemin des Colles 06650 OPIO

FOOD TRACEABILITY : STAKES AND PERSPECTIVES

SURNAME : SCARSETGiven name : Gilles Summary Although traceability was coined in the 1990s, its roots go back to ancient times. The food safety crises at the end of the twentieth century have contributed to its development and to it becoming a well-known word. It is based on four principles : identifying, linking, recording and communicating. Traceability became a legal principle in the European Food Legislation in 2005. It is a very important concept in business strategy as well as in defining a discerning policy both for food safety issues such as food and feed alert system or for legal issues with regard to liability. Lastly it is although important in economic issues such as the promotion of quality product. Information and Communication Technologies as well as improvements in molecular biology and analytical chemistry have made traceability more effective. Traceability let consumers have more confidence in food industry again. Nevertheless it is basically a tool and not a miracle solution to all food safety risks. Keywords : FOOD / TRACEABILITY / LEGISLATION / HACCP / PRECAUTIONARY PRINCIPLE / NEW TECHNOLOGY / ADN MARKER / CHEMICAL MARKER

Jury President : Pr. , Professor at the Medicine University of Creteil Director : Pr. CARLIER Vincent, Professor at the Veterinary School of Maisons-Alfort Assessor : Pr. BRUGERE-PICOUX, Jeanne Professor at the Veterinary School of Maisons-Alfort

Authors address: 1 Chemin des Colles 06650 OPIO

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES................................................................................................................. 1 LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES.......................................................................................... 5 LISTE DES ABREVIATIONS..........................................................................................................7 1.TRACABILITE AGRO-ALIMENTAIRE : HISTORIQUE ET DEVELOPPEMENT............... 11 1.1.Les racines de la traabilit agro-alimentaire.........................................................................13 1.1.1.Un peu dhistoire............................................................................................................. 13 1.1.1.1.La traabilit : un nologisme ................................................................................. 13 1.1.1.2.Lidentification au moyen de donnes enregistres et de marquages corporels et non corporels....................................................................................................................... 14 1.1.1.3.Lidentification et les certificats dans la lutte contre les pizooties.........................15 1.1.2.Lhistoire rglementaire de la traabilit agro-alimentaire............................................. 15 1.1.2.1.Lidentification des bovins : la premire pierre juridique de la traabilit agroalimentaire............................................................................................................................ 15 1.1.2.2.La traabilit : une histoire rglementaire sacclrant dans les annes 1990/2000 18 1.1.2.3.La conscration : le paquet hygine......................................................................... 20 1.1.2.4.Un dveloppement galement acclr par les filires et les interprofessions ....... 22 1.2.Les dfinitions de la traabilit, les diffrentes traabilits et les cls de comprhension de ce concept..................................................................................................................................... 24 1.2.1.Les dfinitions................................................................................................................. 24 1.2.1.1.Les normes ISO 9000 : les premires dfinitions.................................................... 24 1.2.1.2.Les dfinitions de la traabilit en secteur alimentaire............................................ 25 1.2.2.Les diffrentes traabilits.............................................................................................. 25 1.2.2.1.Traabilit interne, aval et amont............................................................................. 25 1.2.2.2.Traabilit ascendante et descendante..................................................................... 26 1.2.3.La traabilit produit et la traabilit logistique............................................................. 27 1.2.3.1.La traabilit logistique............................................................................................ 27 1.2.3.2.La traabilit des produits........................................................................................ 27 1.3.1.Quatre principes interdpendants.................................................................................... 29 1.3.1.1.Identifier................................................................................................................... 29 1.3.1.2.Grer les liens........................................................................................................... 30 1

1.3.1.3.Enregistrer................................................................................................................ 31 1.3.1.4.Communiquer........................................................................................................... 31 1.3.2.Appliquer ses principes de manire efficace................................................................... 32 1.3.2.1.La ncessit de parler un langage commun..............................................................32 1.3.2.2.La traabilit au cur du systme dinformation et de gestion de lentreprise....... 35 2.LES ENJEUX DE LA TRACABILITE........................................................................................ 36 2.1.Un outil au coeur des dispositifs de scurit sanitaire........................................................... 38 2.1.1.Un outil au cur de lHACCP........................................................................................ 38 2.1.1.1.Prsentation succincte de lHACCP ........................................................................38 2.1.1.2.Traabilit et les sept principes de lHACCP.......................................................... 39 2.1.2.La traabilit devient un principe de matrise sanitaire part entire ............................40 2.1.2.1.Le livre blanc sur la scurit des aliments............................................................... 40 2.1.2.3.Un outil de gestion des retrait et rappels des denres alimentaires.......................... 42 2.1.2.4.Traabilit et principe de prcaution........................................................................ 45 2.2.Un enjeu juridique.................................................................................................................. 47 2.2.1.La traabilit au cur de la lgislation........................................................................... 47 2.2.1.1.Quimpose lobligation gnrale de traabilit du rglement CE n178/2002 ?..... 47 2.2.1.2.Les zones dombre du rglement 178/2002 (CNA, 2004)....................................... 49 2.2.2.Traabilit et Responsabilit........................................................................................... 52 2.2.2.1.Traabilit et Responsabilit civile.......................................................................... 52 2.2.2.2.Traabilit et responsabilit pnale.......................................................................... 53 2.3.Un enjeu au cur de la vie conomique................................................................................ 54 2.3.1.Traabilit et libre circulation des produits..................................................................... 54 2.3.1.1.Le premier objectif de la traabilit pour lUnion Europenne : assurer le libre change................................................................................................................................. 54 2.3.1.2.La crise de la dioxine : labsence de traabilit comme frein aux changes............55 2.3.2.Un outil de segmentation marketing............................................................................... 57 2.3.2.1.Le dispositif des signes officiels de qualit..............................................................57 2.3.2.2.Un outil marketing pour regagner la confiance des consommateurs aprs une crise .............................................................................................................................................. 59 2.3.2.3.Un outil de protection des marques et de lutte contre les fraudes et la contrefaon 60 2.3.3.Un outil de rduction des cots mais galement un outil qui a un cot...................... 61 2.3.3.1.Un outil doptimisation logistique........................................................................... 61 2.3.3.2.Un outil de prvention et de limitation des crises.................................................... 61 2

2.3.3.3.La traabilit : une mise en uvre qui a un cot..................................................63 3.LA TECHNOLOGIE OUVRE UNE NOUVELLE ERE DE LA TRACABILITE..................... 64 3.1.Traabilit et les nouvelles technologies de linformation et de la communication............. 66 3.1.1.Les code-barres............................................................................................................... 66 3.1.1.1.Historique et dveloppement des code-barres..........................................................66 3.1.1.2.Le dveloppement de lEAN 128 : utilit dans les rappels de lots.......................... 68 3.1.2.Vers lavnement de la RFID.......................................................................................... 70 3.1.2.1.Historique et principes techniques........................................................................... 70 3.1.2.2.Intrts et perspectives de dveloppement............................................................... 72 3.1.3.Traabilit et outils internet............................................................................................ 73 3.1.3.1.Les principes des outils internet............................................................................... 73 3.1.3.2.Quelques exemples doutils internet........................................................................ 74 3.2.Traabilit et authentification alimentaire............................................................................. 76 3.2.1.La traabilit gntique................................................................................................... 76 3.2.1.1.Gnralits sur la technique..................................................................................... 76 3.2.1.2.Exemples de marqueurs gntiques ........................................................................ 76 3.2.1.3.Autres techniques faisant appel l ADN................................................................ 79 3.2.2.La traabilit et les marqueurs chimiques....................................................................... 80 3.2.2.1.Utilisation des isotopes............................................................................................ 80 3.2.2.2.Autres marqueurs chimiques.................................................................................... 83 3.2.2.3.Des mthodes de plus en plus prometteuses mais porteuses de question................ 85 CONCLUSION................................................................................................................................ 86 BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................... 88

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LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Tableau 1 : Chronologie des principaux textes rglementaires instaurant la traabilit dans les annes 1990/2000.......................................................................................................................................................19 Tableau 2 : Application des principes de traabilit en fabrication de Steak hach (DUPUY, 2004). .........32 Tableau 3 : Evaluation du niveau de gravit dune situation......................................................................... 43 Tableau 4 : Signes didentification de la qualit et de lorigine.....................................................................58 Tableau 5 : Avantages de lutilisation de ltiquette logistique EAN 128 (CAILLOTTE, 2007)................. 69 Tableau 6 : Probabilit de trouver deux bovins identiques en fonction du type et du nombre de marqueurs dans les tudes rcentes (DALVIT et al., 2007). ...........................................................................................79 Tableau 7 : Influence de diffrents facteurs sur les ratios disotope stable....................................................81 Figure 1 : Elments de traabilit du bouclage auriculaire des bovins en France (ACTA-ACTIA, 2007) 17

Figure 2 : Elments de traabilit du passeport bovin (ACTA-ACTIA, 2007)............................................. 18 Figure 3 : Textes fondamentaux du paquet hygine (MAAPAR, 2005)........................................................21 Figure 4 : Les diffrentes traabilits (DUPUY, 2004)..................................................................................26 Figure 5 : Donnes de traabilit produit enregistres et conserves partir de lexemple dun saut de buf cuisin en restauration collective.......................................................................................................... 28 Figure 6 : Principes cls de la traabilit........................................................................................................29 Figure 7 : Communications de donnes de traabilit : exemple de la viande bovine...................................31 Figure 8 : Une traabilit avec et sans langage commun............................................................................... 34 Figure 9: Plan de matrise sanitaire................................................................................................................ 41 Figure 10 :...................................................................................................................................................... 48 Figure 11 : Destinataires des informations de traabilit (DE BROSSES, 2004)..........................................52 Figure 12 : Logo Viande Bovine Franaise (source : Interbev)..................................................................... 59 Figure 13 : Exemple dun code EAN-13........................................................................................................67 Figure 14 : Schma dune tiquette radiofrquence (JEANNE-BEYLOT, 2005)......................................... 70 Figure 15 : Principes dchanges dinformations en RFID (JEANNE-BEYLOT, 2005).............................. 71 Figure 16 : Loutil Tracefel (NEFUSSI et PEZOUT, 2005)..........................................................................75 Figure 17 : Approches techniques de la traabilit par marqueurs STR (PORTERELLE et al., 2000)........ 78 Figure 18 : Caractrisation des origines demmental partir des ratios 2H/1H, 13C/12C, 15N/14N, 87Sr/86Sr (PILLONEL et al., 2003).............................................................................................................. 82 5

Figure 19 : Analyse 13C/12C et 15N/14N dans du tissu musculaire bovin (SCHMIDT et al., 2005).......... 83 Figure 20 : Identification de la zone de production dune huile dolive partir de sa composition en terpnodes (ZUNIN et al., 2005)...................................................................................................................84

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LISTE DES ABREVIATIONS

AESA : Agence Europenne de Scurit des Aliments AFNOR : Agence Franaise de NORmalisation AOC : Appellation dOrigine Contrle ASP : Application Service Provider BPH : Bonnes Pratiques dhygine CJCE : Cour de Justice des Communauts Europennes CPCASA : Comit Permanent de la Chane Alimentaire et de la Sant Animale DBES : Date Based Export Scheme DGAL : Direction Gnrale de lAlimentation DGCCRF : Direction Gnrale de la Consommation, de la Concurrence et de la Rpression des Fraudes DGS : Direction Gnrale de la Sant EDE : Etablissements Dpartementaux dElevage EDI : Echange de Donnes Informatises ERP : Enterprise Resource Planning ESB : Encphalopathie Spongiforme Bovine FCD : Fdration des entreprises du Commerce et de la Distribution GTIN : Global Trade International Number HACCP : Hazard Analysis Critical Control Point IFS : International Food Standard INTERBEV : INTERprofession BEtail et Viandes ISO : International Standard Organisation ITEB : Institut Technique de lElevage Bovin MAAPAR : Ministre de lAgriculture, de lAlimentation, de la Pche et des Affaires Rurales MDD : Marques De Distributeur 7

MES : Manufacturing Executive System OGM : Organisme Gntiquement Modifi OMC : Organisation Mondiale du Commerce RASSF : Rapid Alert System for Food and Feed SCE : Supply Chain Execution SSCC : Serial Shipping Container Code UPC : Universal Product Code VBF : Viande Bovine Franaise

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INTRODUCTION

La traabilit a effectu une entre fracassante dans la conscience citoyenne avec les crises provoques par lEncphalopathie Spongiforme Bovine (ESB), laffaire des dioxines belges ou lpizootie de fivre aphteuse. Rares sont les articles des journaux sur la scurit et la qualit des denres alimentaires qui ne font appel la desse traabilit pour faire disparatre les inquitudes.. La traabilit et le secteur alimentaire sont dsormais totalement associs dans linconscient collectif mme si elle sexerce dans bien dautres domaines comme la pharmacie, les actes hospitaliers ou le suivi et le contrle des individus. La traabilit agro-alimentaire passionne, fait dbatCela est normal, la notion de trace possde une dimension fondamentale et symbolique pour lhomme. Elle constitue un outil de mmoire et de tmoignage, un lien transgnrationnel (PEDROT, 2003). En outre, lalimentation aide les individus se construire et surtout sidentifier comme lcrit le sociologue Claude FISCHLER si on ne sait pas ce que lon mange, on ne sait plus ce que lon devient ..Or, le consommateur de plus en plus citadin na plus de lien avec le monde rural et la production primaire. La traabilit doit combler ce lien par tous les moyens car ce qui est proche rassure.. Mais que se cache t-il rellement derrire ce mot magique ? Une solution face tous les dangers potentiels ? Un simple outil lhistoire dj longue ? Lobjectif de ce travail sera de redfinir en premier lieu la notion, dvoquer son histoire travers les sicles, de suivre son dveloppement rglementaire et de dcouvrir ses principes fondamentaux. Dans un deuxime temps, il sagira de comprendre ses enjeux pour les diffrents acteurs du secteur alimentaire que sont les professionnels, les services officiels et les consommateurs. Dans une troisime partie, les perspectives offertes par le dveloppement des nouveaux outils de communication et dinformation et la mise en uvre de techniques analytiques innovantes seront tudies.

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1.TRACABILITE AGRO-ALIMENTAIRE : HISTORIQUE ET DEVELOPPEMENT

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1.1.Les racines de la traabilit agro-alimentaire1.1.1.Un peu dhistoire1.1.1.1.La traabilit : un nologisme

Le mot traabilit a une histoire tymologique trs rcente. Il a fait son apparition dans le Petit Robert pour la premire fois en 1998 (PELLATON et VIRUEGA, 2007). Il est driv de langlais traceability qui nest apparu dans le dictionnaire anglais quen 1994 que nous traduirons par capacit tracer . Le terme est donc relativement jeune mais le concept en lui-mme et les dimensions quil recouvre existent depuis fort longtemps. Comme tmoin de ce nologisme, il est amusant de remarquer que les dernires versions des logiciels Word de Microsoft ne reconnaissent pas le mot traabilit . La traabilit dans sa connaissance contemporaine, avant dtre trs fortement lie lalimentation, a concern des domaines sensibles et techniques tels que les secteurs des activits militaires, aronautiques ou spatiales. Cette notion apparat explicitement pour la premire fois dans des manuels militaires amricains Ltalonnage a t galement un domaine de prdilection du dveloppement de la traabilit grce laction du NIST (National Institute of Standards and Technology) quivalent nord amricain du LNE (Laboratoire National dEssais). La traabilit mtrologique consiste assurer que des rsultats obtenus par des laboratoires sont comparables et transfrables. Tout rsultat dune mesure doit tre reli par une procdure de rfrence et une chane de comparaisons un talon reconnu. Dans le domaine animal, les prmices de ce concept ont t directement lis la proprit danimaux vivants de valeur (chevaux ou btail par exemple) et ce ds lAntiquit. On rejoint la notion de trace qui implique lutilisation dlments de marquage et didentification prouvant cette proprit.

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1.1.1.2.Lidentification au moyen de donnes enregistres et de marquages corporels et non corporels

Le code dHammurabi, grav sur un bloc de pierre conserv au muse du Louvre et qui tient son nom dun Roi de Msopotamie, rapporte ainsi que le marquage corporel des animaux remonte plus de 3 800 ans (BLANCOU, 2002). Il consistait marquer les animaux avec un colorant dune couleur caractristique de chaque propritaire. Dans lhistoire on distingue : des marques corporelles : colorant sur le pelage, marques naturelles ou au feu sur les cornes des bovins ou la robe des chevaux (comme le rapporte Maurice DRUON , le cheval dAlexandre le Grand avait sur le flanc une tche blanche en forme de tte de buf do son nom : Bucphale), marques au couteau laissant une cicatrice sur le bec ou sur les pattes (utilis sur les cygnes en Angleterre du XIIIme au XIXme sicle), des marques non corporelles : papyrus entourant la corne danimaux subissant un sacrifice dans lEgypte Ancienne, lutilisation de collier pour les chiens domestiques qui a t rapporte dans les premiers textes akkadiens, bagues pour les oiseaux notamment dans le domaine de la fauconnerie.

Ces marques pouvaient tre potentiellement associes un systme denregistrement et darchivage si elles napparaissaient pas assez explicites vis--vis du propritaire. Ainsi lensemble des caractristiques des chevaux de larme dAlexandre Le Grand tait inscrit sur des tablettes en plomb (nom du cheval, couleur de la robe, nom du propritaire, prix de lanimal). Lusage de la traabilit dans sa dimension sanitaire et comme outil de gestion des risques napparut quau XVIIIme sicle.

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1.1.1.3.Lidentification et les certificats dans la lutte contre les pizooties

Lapparition des certificats accompagnant les animaux dlevage date de 1716. Ils stipulaient lorigine des animaux. Leur utilisation avait pour objectif de lutter contre la propagation de la peste bovine. Ainsi Frdric-Guillaume 1er, Roi de Prusse, exigea dans un dcret le marquage au fer rouge de la corne droite des bovins imports avec le sigle FW. Ce marquage tait accompagn dun document enregistrant le nom du propritaire et lorigine de lanimal. Si un tel bovin devait se retrouver dans latelier dun boucher, ce dernier devait inscrire ses propres initiales sur la corne gauche et devait patienter 3 jours avant abattage. En France, on retrouve la trace de lenjeu sanitaire de la traabilit dans un arrt du Roi de France en date du 19 Juillet 1746. Lobjectif consistait aussi lutter contre la peste bovine. Il sagissait la fois de marquer les animaux malades devant tre abattus et dtablir un certificat dofficier de police qui permettait la circulation et le transport des animaux. Cette identification des animaux a engendr plus tardivement des impacts sur le suivi des produits alimentaires dorigine animale. Toujours en lien avec les pizooties et aussi les zoonoses, elle fut mise en uvre pour suivre et identifier les produits : soit vecteurs dagents pathognes pour les humains (peste par exemple), soit vecteurs dagents pathognes pour les animaux (peste bovine).

Ces certificats sont les premiers lments de lhistoire rglementaire de la traabilit.

1.1.2.Lhistoire rglementaire de la traabilit agro-alimentaire1.1.2.1.Lidentification des bovins : la premire pierre juridique de la traabilit alimentaire agro-

La traabilit agro-alimentaire a fait son apparition auprs de la majorit des consommateurs avec la non moins clbre premire crise de lESB en 1996. Le secteur de la viande bovine a toujours t prcurseur dans le domaine de la traabilit car les premiers textes rglementaires sur la gnralisation du marquage des animaux sont apparus dans ce cheptel. Cette filire est le principal artisan du dveloppement contemporain de la traabilit agro-alimentaire. 15

La rforme du march de production et commercialisation des viandes des annes 1960 est ainsi considre comme la borne chronologique (PIET, 2005) de la traabilit alimentaire contemporaine. Cette loi de modernisation agricole a entrin la mise en place dun systme de suivi des animaux et des viandes. Deux textes fondateurs sont retenir : la loi du 8 juillet 1965 sur la modernisation du march des viandes qui a dfini en place une politique de mise aux normes des abattoirs et a institu linspection sanitaire des carcasses grce la cration du corps des vtrinaires inspecteurs en tablissant le lien entre les carcasses inspectes et lanimal dorigine, la loi du 28 dcembre 1966 sur llevage qui a organis une politique de slection et damlioration gntique du cheptel bovin (BOURDIEU et al., 2004). A cette fin, la mise en place dun systme didentification des animaux est envisage. Sur le fond lobjectif de ces deux textes est en premier lieu conomique, cependant laspect sanitaire va sassocier parfaitement. Il sagit dorganiser et de dynamiser le march des viandes laune de la construction europenne pour faire de la France un leader du secteur. Les parlementaires ont clairement conscience que cette place de leader dpend dune situation sanitaire satisfaisante du cheptel et par consquent dune matrise des maladies animales, condition sine qua non au dveloppement des exportations. Les objectifs conomiques et sanitaires sont ainsi totalement interdpendants. Lidentification des animaux va se mettre en uvre sur plus de 15 ans car elle ne concernait au dbut que 23 abattoirs tests. Il fallut en premier lieu harmoniser la nomenclature didentification des animaux. Le dcret n69-422 du 6 mai 1969 relatif lidentification des animaux et aux enregistrements zootechniques tablit le principe du numro didentification unique des animaux afin de pouvoir faciliter les changes dinformation (PIET 2004). La cration de lInstitut Technique de lElevage Bovin (ITEB) et des Etablissements Dpartementaux dElevage (EDE) constitue une autre tape clef dans la gnralisation de lidentification des bovins. Au final, la gnralisation du systme didentification sera tablie dans le dcret n78-415 du 23 mars 1978 relatif lidentification permanente et gnralise du cheptel bovin. Ce dcret instaura des exigences lies la tenue dun registre dtable par les leveurs et la mise en place du document daccompagnement unique des bovins appel aujourdhui plus communment passeport bovin. En 1978, on estime que 90% des bovins taient identifis et ce dcret constituera la dernire tape cette identification. 16

Lidentification des animaux est ltape de dmarrage de la traabilit. Elle sest dvelopp en France partir des annes 1960 dans le cheptel bovin et a abouti en 1998 une harmonisation europenne et la mise en place du double bouclage auriculaire des bovins (figure 1). Depuis, elle sest largie aux autres secteurs de production animale. Figure 1 : Elments de traabilit du bouclage auriculaire des bovins en France (ACTA-ACTIA, 2007)

Ce bouclage auriculaire est accompagn dun autre support didentification et dinformation non li physiquement lanimal : le passeport bovin (figure 2).

17

Figure 2 : Elments de traabilit du passeport bovin (ACTA-ACTIA, 2007)

Cependant cette identification ne permet dans un premier temps que de relier les carcasses aux animaux et aux levages. Le lien entre produits secondaires dcoups et carcasses nest pas tabli et le systme de traabilit sarrte aux portes des ateliers de dcoupe et de conditionnement.

1.1.2.2.La traabilit : une histoire rglementaire sacclrant dans les annes 1990/2000

Lhistoire rglementaire sest acclre brusquement dans les annes 1990 avec le dveloppement des crises alimentaires savoir la dcouverte du nouveau variant de la Maladie de Creutzfeld-Jacob li la consommation de produits issus de bovins atteints de lESB. Les polmiques entourant les OGM (Organisme Gntiquement Modifi) ont galement mis le concept de traabilit sur le devant de la scne et des mdias. 18

Ces crises vont entraner une acclration au niveau europen de la mise en uvre dun systme didentification et dtiquetage des produits alimentaires. Ce dveloppement rglementaire va se faire par une approche sectorielle (BERTRAND, 2003) avant dtre gnralis toutes les filires et tous les oprateurs de lamont laval (tableau 1). Tableau 1 : Chronologie des principaux textes rglementaires instaurant la traabilit dans les annes 1990/2000 PRINCIPALES CARACTERISTIQUES

REFERENCE Dcret n97-298 du 27 mars 1997 modifi intgr dans le code de la Consommation articles R112-1 R 112-3 (JORF du 3 Avril 1997) Rglement CE n820/97 du 21 avril 1997 (JOCE du 7 mai 1997)

OBJET

Evolution des rgles dtiquetage des produits alimentaires

Obligation dinscrire le n de lot sur ltiquetage des denres premballes Harmonisation des rgles didentification des bovins et lignes directrices pour ltiquetage des produits Obligation pour la viande bovine franaise dtiqueter les lments dorigine (pays de naissance, levage et abattage) + le type racial + la catgorie (jeune bovin, vache, taureau) Mise en uvre dun comit de biovigilance sappuyant sur la

Systme didentification et denregistrement des bovins et tiquetage de la viande bovine

Arrt du 19 octobre 1998 (JORF du 21 octobre 1998)

Extension de laccord interprofessionnel sur ltiquetage des viandes bovines

Loi n99-574 du 9 juillet 1999 (JORF du 10 juillet 1999)

Loi dOrientation Agricole

traabilit des OGM Parution dun dcret devant fixer les denres alimentaires soumises traabilit

REFERENCES

OBJET

PRINCIPALES CARACTERISTIQUES

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Rglement CE n1760/2000 du 17 juillet 2000 (JOCE du 11 aot 2000) Directive CE n95/2001 du 3 dcembre 2001 (JOCE du 15 janvier 2002) Rglement CE n178/2002 du 28 janvier 2002 (JOCE du 1er fvrier 2002) Rglement CE n1830/2003 du 22 juillet 2003 (JOCE du 18 octobre 2003)

Identification et enregistrement des bovins et tiquetage de la viande bovine et de produits base de viande bovine Scurit gnrale des produits (alimentaires et non alimentaires) Principes gnraux et prescriptions gnrales de la lgislation alimentaire Traabilit, tiquetage des OGM et la traabilit des produits destins l'alimentation humaine ou animale produits partir d'OGM Matriaux et objets en contact avec les denres alimentaires Agrment des tablissements

Mise en place de ltiquetage obligatoire de lorigine de la viande bovine Obligation dinformation sur les produits Obligation de pouvoir procder des retraits de produits Mise en place de lobligation gnrale de traabilit pour tous les oprateurs Obligations de transmission dinformation entre les oprateurs. Etiquetage si un ingrdient est identifi comme issu dOGM Obligation de traabilit pour les emballages alimentaires Mise en place du plan de matrise sanitaire, lment constitutif du dossier dagrment dans lequel la traabilit constitue un des 3 chapitres

Rglement CE n1935/2004 (JOCE du 13 novembre 2004)

Arrt du 8 juin 2006 (JORF du 8 aot 2006)

mettant sur le march des produits dorigine animale ou des produits dorigine animale

1.1.2.3.La conscration : le paquet hygine

Lensemble des textes de la nouvelle lgislation alimentaire europenne est appel paquet hygine . Cette nouvelle rglementation doit rpondre lobjectif fix par le Livre Blanc sur la scurit des aliments 20

publi par la Commission europenne en 2000. Cet objectif unique est de faire de la lgislation alimentaire un instrument prospectif, dynamique, cohrent et complet permettant d'assurer un niveau lev de protection de la sant humaine et des consommateurs . Ces textes concernent la fois les denres alimentaires et lalimentation animale car cette dernire a t lorigine de crises de confiance la fin des annes 1990 avec la maladie de la vache folle et les contaminations par la dioxine.

Figure 3 : Textes fondamentaux du paquet hygine (MAAPAR, 2005)

Les textes principaux pour le secteur alimentaire sont : Rglement CE n178/2002 appel General Food Law

Texte socle, il impose les principes et les prescriptions gnrales applicables aux denres alimentaires. Il met en uvre la nouvelle approche intgre (SOROSTE, 2002) dans la droite ligne de la directive CE n93/43, base sur un suivi des produits et fournisseurs de la fourche la fourchette . Le champ dapplication de ce rglement est ainsi large car il concerne lensemble des maillons de la chane alimentaire en incluant lamont agricole. En plus dtre lacte fondateur de lAgence Europenne de Scurit des Aliments (AESA), il dfinit les principes et les obligations suivantes : article 6 : une lgislation axe sur lanalyse des risques comportant la fois lvaluation scientifique du risque et la gestion dite politique de ce risque, article 7 : le principe de prcaution, 21

article 8 : la protection des intrts consommateurs vis--vis de toutes pratiques frauduleuses ou trompeuses, de la falsification des denres alimentaires,

article 9 : le principe de transparence dans linformation des consommateurs, article 11 et 12 : obligation gnrale de conformit des produits, article 14 et 15 : obligation gnrale de scurit des produits (dj prsente dans la directive CE n2001/95),

article 17 : obligation gnrale de vrification de la conformit base sur la mise en uvre dauto-contrles,

article 18 : obligation gnrale de traabilit, article 19 : obligation gnrale de coopration et de notifications des risques aux autorits.

La traabilit devient une notion indpendante dans la scurit des aliments et un principe de droit. Rglement CE n852/2004

Il dfinit les prescriptions en matire dhygine des aliments de manire gnrale. Ce texte renforce la position de lHACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) comme outil incontournable de la scurit des aliments et insiste sur la ncessit de guides de bonnes pratiques dhygine par filire. La traabilit napparat pas intrinsquement dans les dispositions de ce texte except dans le considrant n20 et comme disposition intgrer dans la rdaction des guides de bonnes pratiques.

Rglement CE n853/2004

Il dfinit lensemble des dispositions spcifiques en matire dhygine pour les denres dorigine animale. La traabilit apparat sous son rle didentification et denregistrement dans les articles 4 et 5 consacrs aux procdures dagrment des entreprises agro-alimentaires.

1.1.2.4.Un dveloppement galement acclr par les filires et les interprofessions

22

Au-del du dveloppement rglementaire de la traabilit, les interprofessions et les organismes de normalisation ont galement jou un rle moteur mais au fil du temps ces dmarches volontaires ont t rattrapes par la rglementation sanitaire. Ainsi lAFNOR (Association Franaise de NORmalisation) a labor avec de nombreuses filires des normes et lignes directrices en matire de traabilit. Autre exemple, en 1996 pour rpondre une chute de consommation de la viande bovine face la crise de la vache folle, lINTERprofession BEtail et Viandes (INTERBEV) a lanc le logo Viande Bovine Franaise (VBF). Comme voqu dans le tableau 1, certains accords interprofessionnels ont parfois t tendus quelques mois plus tard par la rglementation lensemble des acteurs dune filire. INTERBEV a aussi dvelopp des normes de traabilit pour les abattoirs avec lAFNOR. Enfin lorganisation GS1 France (anciennement GENCOD EAN France) est une instance paritaire de concertation et dchanges entre professionnels du monde de la production primaire, de lindustrie, de la distribution ou de la restauration. Cette organisation a permis de dvelopper des guides de mises en uvre de la traabilit dans diffrents secteurs bass sur une standardisation et damlioration des flux et des changes dinformations. Elle a permis de contribuer au dveloppement des code-barres, des changes EDI (Echange de Donnes Informatises) ou de la RFID (Radio Frequency Identification). . En comparaison avec le modle nord-amricain (BONNIN et NGO, 2007), la traabilit en Europe fait particulirement appel la rglementation. De lautre ct de lAtlantique, la traabilit est considre par les autorits comme une dmarche dinitiative prive mme sil existe un cadre lgislatif allg. A titre dexemple lindustrie agro-alimentaire canadienne a dfini une norme non coercitive appele Initiative Can Trace en 2003 qui fixe des exigences minimales en terme de traabilit pour toutes les denres alimentaires vendues au Canada. Lhistoire rglementaire de la traabilit agro-alimentaire a commenc il y a plus dune quarantaine dannes mme si le concept dans les annes 1960 ntait pas identifi de faon aussi claire et prcise. Cela fait seulement une vingtaine dannes que la traabilit possde enfin une dfinition.

23

1.2.Les dfinitions de la traabilit, les diffrentes traabilits et les cls de comprhension de ce concept1.2.1.Les dfinitions1.2.1.1.Les normes ISO 9000 : les premires dfinitions

Le dveloppement des normes dAssurance Qualit a mis au grand jour et a dvelopp la traabilit. Ces normes ont essay de dfinir le concept. Ces dfinitions gnralistes ne concernent pas spcifiquement le secteur alimentaire. La norme de vocabulaire ISO 8402-1987 applicable au management de la qualit et lassurance qualit a dfini pour la premire fois la traabilit dans son point 3.16 : laptitude retrouver lhistorique, lutilisation ou la localisation dune entit au moyen didentifications enregistres La dernire version en vigueur savoir la norme ISO 9001-2000 apporte une trs lgre volution : laptitude retrouver lhistorique, la mise en uvre ou lemplacement de ce qui est examin Cette dfinition est complte par le point 7.5.3 de cette mme norme qui prcise que lorganisme doit matriser et enregistrer lidentification unique si la traabilit est une exigence tablie (SOROSTE, 2002). A la lecture de ces deux dfinitions, la traabilit apparat possder les caractristiques suivantes : elle ncessite une identification (notion de marquage : numro de lot, numro de lignes, numro dordre, quantime), elle exige la mise en uvre dun enregistrement ce qui suppose un archivage et une conservation des informations, elle recouvre une double dimension de suivi des produits dans le temps ( historique ) et dans lespace ( emplacement/localisation ), elle est un outil sutilisant a posteriori et est fonde sur une organisation mise en uvre au pralable comme un systme dassurance qualit.

24

1.2.1.2.Les dfinitions de la traabilit en secteur alimentaire

Le rglement CE n178/2002 apporte la dfinition suivante dans son article 3 : capacit de retracer, travers toutes les tapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement dune denre alimentaire, dun aliment pour animaux, dun animal producteur de denres alimentaires ou dune substance destines tre incorpores ou susceptible dtre incorpore dans une denre alimentaire Le champ dapplication apparat large puisquil englobe lensemble des maillons de la chane alimentaire. La notion de filire est donc implicite. Par contre la dfinition reste floue avec le terme cheminement qui ne dtermine pas les lments et les donnes quil faut retracer . Enfin, la norme ISO 22005 Traabilit de la chane alimentaire : Principes gnraux et exigences fondamentales sappliquant la conception du systme et sa mise en uvre publie en Octobre 2007 et issue de la norme ISO 22000 sur le management de la scurit alimentaire dsigne la traabilit comme : la capacit suivre le trajet dun aliment travers les tapes prcises de production, de traitement et de distribution . Dans cette dfinition, la dimension logistique ( trajet ) est mise en avant au dtriment des lments de suivi qualitatif des produits.

1.2.2.Les diffrentes traabilits1.2.2.1.Traabilit interne, aval et amont

Ces trois autres notions smantiques lies la traabilit se positionnent lchelle dun oprateur prcis dans la filire alimentaire. Ainsi, dans une cuisine centrale de collectivits, ces traabilits correspondent aux lments suivants : pour lamont : il sagit de lensemble des informations lies aux matires premires et aux fournisseurs approvisionnant cette cuisine, 25

pour linterne : il sagit de lensemble des informations lies la vie de la matire premire de lentre la sortie de la cuisine,

pour laval : il sagit didentifier tous les clients livrs (restaurants satellites) par lots de produit fini mais pas chaque consommateur final individuellement.

Un maillon dune filire doit impliquer ses partenaires en amont et en aval pour que sa traabilit soit juge fiable et efficace. Ainsi, il est gnralement admis que le niveau de traabilit dune filire est celui du maillon le plus faible.

1.2.2.2.Traabilit ascendante et descendante

La traabilit ascendante et descendante (figure 4) se comprend lchelle dun oprateur ou dune filire. Concrtement, elle peut servir retrouver lensemble des donnes dutilisation dune matire premire. Cela consiste dterminer lensemble des conditions de production et des lots de produits finis contenant cette matire premire. Il sagit dans ce cas de faire appel une traabilit descendante car le flux de la production est descendu . La traabilit descendante possde la dfinition suivante donne par lAFNOR dans la norme FD V01-020 relative l'organisation d'une dmarche de traabilit dans les filires agricoles et alimentaires (SOROSTE, 2002) : elle permet tous les stades du cycle de vie du produit de retrouver la destination dun lot ou dune unit de produit. Du point de vue dune filire, les donnes associes doivent viser descendre de lamont jusquau produit fini La traabilit ascendante consiste retrouver partir dun produit fini lensemble des conditions de production de ce produit fini et galement lensemble de matires premires ayant servi llaboration ainsi que leur historique. LAFNOR dans cette mme norme dsigne la traabilit ascendante comme permettant tous les stades du cycle de vie du produit, parti dun lot ou dune unit de produits, de retrouver lhistorique et lorigine du lot. Du point de vue dune filire, les donnes doivent viser remonter du produit jusquaux matires premires . Figure 4 : Les diffrentes traabilits (DUPUY, 2004). 26

1.2.3.La traabilit produit et la traabilit logistique1.2.3.1.La traabilit logistique

La traabilit possde une double dimension spatiale et temporelle. Elle consiste localiser tout instant une entit. Son objectif est doptimiser les flux physiques de produits en terme de cot et de dlai. Cest donc une utilisation purement quantitative dans la chane logistique ou en terme plus communment employ dans la supply chain . Les Anglo-saxons nomment cette traabilit tracking . Elle est utilise dans toutes les filires industrielles et est loin dtre spcifique lagro-alimentaire.

1.2.3.2.La traabilit des produits

La traabilit de produits rejoint les notions dhistorique et denregistrement. Elle concerne lensemble des informations lies la vie dun produit au cours de son process. Elle est dite qualitative et sappuie sur un flux dinformations. Elle permet de connatre toutes les conditions de production dun produit. Communment la traabilit des produits est une traabilit dite qualitative . Son objectif est li aux enjeux sanitaires du secteur agro-alimentaire. Elle est galement appele tracing ou traabilit administrative (BOLNOT et FLEURYNCK, 2002). Dans le primtre dune cuisine centrale, la figure 5 illustre les donnes que regroupe la traabilit administrative partir de lexemple dun saut de buf.

27

Figure 5 : Donnes de traabilit produit enregistres et conserves partir de lexemple dun saut de buf cuisin en restauration collective

Au final, la dfinition de la traabilit la plus adapte au secteur agro-alimentaire est celle donne par Conseil dEtat (BOLNOT et FLEURYNCK, 2002) car elle regroupe lensemble des traabilits : tablir et tenir jour des procdures crites dinformations enregistres et didentification des produits ou des lots de produits, laide de moyens adquats, en vue de permettre de remonter aux origines et de connatre les conditions de production et de distribution de ces produits ou lots de produits . Au-del de sa dfinition, la traabilit sappuie sur quelques principes incontournables.

1.3.

Les principes cls de la traabilit28

1.3.1.Quatre principes interdpendants

Mettre en place un systme de traabilit ncessite la mise en uvre de quatre principes fondamentaux (GENCOD EAN France, 2001) : identifier, grer des liens, enregistrer, communiquer.

Tous ces principes sont interdpendants (figure 6) et toutes les tapes doivent tre conues en totale coordination comme les pices dun puzzle. Si une pice manque, le puzzle nest pas termin et analogiquement la traabilit est rompue. Figure 6 : Principes cls de la traabilit

1.3.1.1.Identifier

29

Lidentification est unique pour chaque lot chaque stade du process ou de la filire. Un lot de rception est diffrent dun lot de cuisson. Il existe deux identifiants distincts pour ces deux lots. Le lot est dfini dans larticle R112-5 du code de la consommation : On entend par lot un ensemble d'units de vente d'une denre alimentaire qui ont t produites, fabriques ou conditionnes dans des circonstances pratiquement identiques. . Cette dfinition est axe sur les produits finis car elle rejoint les obligations dtiquetage prvues dans le code de la consommation. Cependant elle claire peu sur ce quest un lot en cours de production. En prenant lexemple dune entreprise de fabrication de jambon cuit, un lot de rception peut tre dfini de trs nombreuses manires du plus fin au plus large : choix n1 : Un lot = un camion + un numro de rception + un abattoir, choix n2 : un lot = un camion de jambon + un numro de rception, choix n3 : un lot = tous les camions de jambons en rception le mme jour.

Cet identifiant unique en rception sera : un numro dordre : 1, 2, 3, 4... un quantime de rception : 33 (pour le 2 Fvrier par exemple), une squence de lettre et de chiffres : initiale du fournisseur + quantime rception

La dmarche de dfinition du lot chaque tape influera sur le niveau de prcision ou de dispersion de la traabilit.

1.3.1.2.Grer les liens

Cette tape consiste dterminer lidentifiant cl qui permettra de faire le lien entre ltape n et ltape n+1 puis ltape n+2..comme dans un jeu de domino pour que la chane de traabilit reste continue. Dans une unit de fabrication de jambon cuit, il est ncessaire dtre capable de faire le lien entre un lot de jambon prsent dans une baratte et le lot ou les lots de dsossage/dcoupe eux-mmes relis aux lots de matires premires en rception. Si ce lien na pas t organis, avoir identifi les lots de matires premires en rception nest daucune utilit. 30

1.3.1.3.Enregistrer

Enregistrer, cest ici conserver et archiver les donnes lies aux lots chaque tape de la filire ou de la chane de fabrication. Le support denregistrement est soit informatique soit papier. Le choix du support conditionnera la rapidit de la traabilit. Ces donnes de traabilit doivent tre relies dans le systme avec le numro didentifiant unique dfini chaque tape. La dure darchivage doit aussi tre fixe.

1.3.1.4.Communiquer

La traabilit doit permettre de transmettre les informations au maillon suivant au sein dune mme usine ou dans une filire. Dans une entreprise, lobjectif est de communiquer le numro didentification de chaque lot latelier suivant pour tablir un lien. Dans une filire, lobjectif est dinformer le maillon suivant du numro didentification du produit fini qui en cas de question de la part des clients permettra de retrouver les caractristiques du lot. Un support de communication doit donc tre dfini. Il peut sagir: dun support li au produit, le plus connu tant ltiquette, dun autre support matriel (bon de livraison, feuilles de suivi de lot), dun support dmatrialis (message EDI, base de donnes partages).

Dans une filire, chaque maillon dfinit galement les informations de traabilit quil souhaite communiquer au maillon suivant. Cependant cest souvent la rglementation qui impose les donnes de traabilit communiquer. Cest le cas pour la viande bovine (figure 7) o les entreprises dabattage/dcoupe ont lobligation dindiquer des informations prdfinies destination de leurs clients quils soient des clients utilisateurs comme la restauration ou les consommateurs au final.

Figure 7 : Communications de donnes de traabilit : exemple de la viande bovine

31

1.3.2.Appliquer ses principes de manire efficace1.3.2.1.La ncessit de parler un langage commun

Pour pouvoir communiquer, il faut se comprendre et parler un langage universel. La traabilit se pense au sein dune entreprise ou dune filire (tableau 2). Dans le premier cas, parler un langage commun semble plus vident. Les quipes travaillent ensemble, avec des intrts et des objectifs gnralement communs et au final une direction qui a le dernier mot. Chacun est inform et form au systme de traabilit de lentreprise, les lots chaque tape sont dfinis et les liens sont connus (tableau 2).

Tableau 2 : Application des principes de traabilit en fabrication de Steak hach (DUPUY, 2004).Identifiant unique des lots chaque stade Support de communication de lidentifiant unique Informations enregistres Support denregistrement

Lot

32

Animal dans llevage

Numro national didentification unique

Boucle sur les oreilles de chaque animal Etiquette sur chaque quartier de la carcasse dun mme animal Etiquette sur chaque lot de quartiers Etiquette sur chaque bac de hachage Etiquette sur chaque bac de la mme mle Etiquette sur chaque barquette pour informer le consommateur

Carcasse

Numro de tuerie

Lot de quartiers Bacs de prparation de hachage Mle

Numro de lot de quartiers Numro de bac Numro de mle

Barquette de steak hach

Numro de lot produit fini

Numro didentification national Date de naissance / Sexe Races pre et mre Numro de cheptel de naissance + levage Numro de tuerie Numro national didentification Date de naissance / Sexe Races pre et mre Numro de cheptel de naissance + levage Numros de lot de quartiers Numro(s) de tuerie des carcasses intgrs dans chaque lot de quartier Numro de bac Numro des lots de quartiers intgrs au bac de prparation Numro de mle / Poids Numro(s) des bacs de hachage intgrs la mle Taux de MG/ Taux de Collagne/Protine Numro de lot produit fini Numro(s) de mle Date limite de Consommation Date de conditionnement Prix

Passeport bovin

Informatique

Informatique Informatique Informatique

Informatique

Au sein dune filire, cette donne est moins acquise. Les intrts entre lamont agricole, les industriels agro-alimentaires, les distributeurs, les grossistes, les restaurateurs et enfin les consommateurs peuvent tre divergents. Il est tout dabord difficile de sentendre sur les informations tracer car les maillons en aval exigent un maximum dinformations de la part de lamont mais sans tenir compte des contraintes. Par exemple, une cuisine centrale rceptionnant deux palettes de steak hach souhaiterait que le distributeur indique le nombre de lots diffrents prsents dans les 150 cartons environ. Cette demande ncessiterait une traabilit trs fine et prcise et par consquent coteuse dans sa conception et sa mise en uvre. Il est donc rare que ces informations soient fournies. La cuisine centrale na pas les moyens humains ou matriels pour identifier et vrifier les 150 tiquettes colles sur les cartons. Cest pourquoi, au sein des filires, le rle de GS1 France est primordial. Cette structure a en charge de dfinir des standards pour amliorer les changes dinformations au sein de la chane logistique. Le travail men dans le domaine par cette structure permet de runir chaque acteur pour dterminer : les informations ncessaires et suffisantes transmissibles entre chaque maillon, les modalits de transmission dinformation. 33

Ces travaux de concertation amliorent la fluidit de la chane logistique et de la chane dinformation et tablissent lalphabet de ce langage commun (figure 8). GS1 France a publi de nombreuses lignes directrices au sein des filires viandes (viande bovine, viande porcine, viande ovine), fruits et lgumes ainsi que produits de la mer. La russite de la traabilit dune filire passe par une coopration entre lensemble des maillons. Sans coute et comprhension des besoins de chacun, une traabilit fiable ne peut exister. Figure 8 : Une traabilit avec et sans langage commun Langage commun Pas de langage commun

A titre dexemple, les lgumes surgels conditionns en sachet de 2,5kg et livrs dans le secteur RHD sont identifis de la manire suivante par certains industriels : une DLUO en mois/anne : 10/2009 correspondant en gnral au mois de conditionnement + 24 mois, un numro de lot compos dune suite de chiffres : 1234567.

Dans un restaurant, pour assurer la traabilit ltape rception, le principe le plus courant est de conserver une tiquette du produit livr ou de reporter sur un registre les informations inscrites sur cette tiquette. La DLUO est une information connue du grand public et trs bien matrise par les oprateurs. En gnral les oprateurs lidentifient et lenregistrent clairement. Par contre les numros de lot possdent un format alatoire et peu comprhensible. Le numro de lot est parfois inscrit sur le sachet dans un champ diffrent de la DLUO, voire loppos.Les oprateurs oublient de le relever ou peuvent faire des erreurs en le recopiant sur un registre. Or sans ce numro de lot impossible pour lindustriel de remonter aux caractristiques de ce lot.

34

A partir du numro de lot, lindustriel a construit une traabilit trs prcise (1 lot = 2 tonnes par exemple) mais comme ses clients ont beaucoup de difficult comprendre que le numro de lot est une donne cl, cette traabilit nest pas efficace. A partir de la DLUO, lindustriel doit rechercher sur plusieurs numros de lots reprsentant dun tonnage 10 100 fois suprieur. Le manque de communication et de comprhension des attentes du maillon suivant affaiblit le niveau de traabilit.

1.3.2.2.La traabilit au cur du systme dinformation et de gestion de lentreprise

La traabilit nest pas une fin en soi mais un outil qui doit totalement sintgrer au systme de gestion de donnes de lentreprise. Ce systme est appel ERP (Enterprise Resource Planning) type SAP pour ne citer que le plus clbre. Selon le Grand Dictionnaire Terminologique de loffice qubcois de langue franaise, ce type de logiciel permet de grer l'ensemble des processus oprationnels d'une entreprise, en intgrant l'ensemble des fonctions de cette dernire comme la gestion des ressources humaines, la gestion comptable et financire, mais aussi la vente, la distribution, l'approvisionnement, le commerce lectronique . LERP, colonne vertbrale de lentreprise, est organis en modules relis une base de donnes commune. Il permet dutiliser les donnes dun module pour en alimenter un autre et vice versa. Ils sont fournis en information par les oprateurs. Ces informations de traabilit doivent pouvoir tre intgres ce systme soit directement soit via une application interface. Au del des ERP, dautres applications informatiques peuvent aussi vhiculer et enregistrer des lments de traabilit : MES (Manufacturing Executive System) : logiciel spcifique utilis lchelle dun atelier, SCE (Supply Chain Execution) : logiciel de gestion des stocks, prparation de commandes, expdition Trop souvent, les informations de traabilit sont gres de manire totalement isole sur des logiciels indpendants, des tableaux Excel ou un systme documentaire papier part.Dans ce type dorganisation, elle est considre par les oprateurs comme totalement dconnecte de la ralit de lentreprise et les lots ne seront aucunement lis aux donnes du process.La traabilit ne pourra tre ni efficace ni fiable. La traabilit est une notion identifie pleinement depuis 10 ans. Base sur quatre principes fondamentaux, elle permet de suivre la vie dun produit dans le temps et dans lespace avec lappui dun systme 35

documentaire. Son dveloppement a t acclr par le droit europen des aliments mais galement par sa capacit rpondre de nombreux enjeux stratgiques pour les entreprises.

2. LES ENJEUX DE LA TRACABILITE

36

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2.1.Un outil au coeur des dispositifs de scurit sanitaire2.1.1.Un outil au cur de lHACCP2.1.1.1.Prsentation succincte de lHACCP

LHACCP est labrviation de Hazard Analysis Critical Control Point traduit de faon approximative par Analyse des Dangers et Points Critiques pour leur Matrise . Il sagit dune mthode de matrise de la scurit sanitaire des denres permettant de dterminer les paramtres clefs valuer et surveiller pour mettre sur le march des denres sres et saines. Elle a t dveloppe initialement par la NASA (National Aeronautics and Space Administration) pour la fabrication des repas des astronautes. Cette mthode a t ensuite reprise au sein du Codex Alimentarius, organisation internationale mixte entre lOrganisation des Nations Unies pour lAlimentation et lAgriculture (FAO : Food and Agriculture Organisation) et lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS). Le Codex Alimentarius est en charge dlaborer des lignes directrices qui servent de base la lgislation alimentaire au niveau mondial. Elle a dfini cette mthode HACCP comme tant un systme qui permet d'identifier le ou les dangers spcifiques, de les valuer et d'tablir les mesures prventives pour les matriser . Dans lUnion Europenne, lHACCP est apparue, du moins dans ses principes, dans la directive CE n93/43 du 14 juin 1993 relative lhygine des denres alimentaires. Cette directive a mis en uvre la nouvelle approche . Elle a ax les dispositifs de gestion sanitaire sur la mise en place de mesures de matrise tout au long du process plutt que sur les contrles microbiologiques des produits finis. Elle a remis en valeur les Bonnes Pratiques dHygine (BPH) et mis en avant la responsabilit des professionnels. Ce texte a ainsi impos la mthode HACCP comme outil de base de gestion de la scurit des produits agro-alimentaires. La nouvelle lgislation europenne base sur le rglement CE n178/2002 et lensemble des textes affrents dnomms le paquet hygine , a confirm cette mthode comme pierre angulaire des dispositifs de scurit sanitaire des aliments.

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2.1.1.2.Traabilit et les sept principes de lHACCP

Le Codex Alimentarius admet sept principes pour lHACCP. La traabilit est prsente dans ces principes sans tre clairement nomme en tant que telle. La promotion de cette mthode par cette instance datant de plus de 20 ans; il est normal de ne pas retrouver le nologisme traabilit dans lHACCP. Les 7 principes de lHACCP sont : principe n1 : conduire une analyse des dangers, principe n2 : dterminer les CCP, principe n3 : tablir des limites critiques, principe n4 : tablir un systme pour surveiller la matrise des CCP, principe n5 : dfinir les actions correctives qui doivent tre menes lorsque la surveillance indique qu'un CCP n'est plus matris, principe n6 : dfinir des procdures pour vrifier que le systme HACCP est efficace, principe n7 : archiver toutes les procdures et les enregistrements.

Les principes n4, n5 et n7 font appel au concept de traabilit dans ses dimensions didentification, denregistrement et de conservation. La traabilit contribue la connaissance des carts et la gestion des non conformits. Le systme denregistrement permet de mener un vritable contrle des procds de production, de dtecter les carts par rapport aux cibles dfinies et de mener de vritables enqutes de recherche de causes. Lusage a posteriori des lments de traabilit grce larchivage permet de mettre en oeuvre des actions damlioration. En tant quoutil de gestion des non-conformits, la traabilit sapplique videmment dautres domaines que la scurit des aliments. Il sagit dun outil damlioration de la qualit au sens large do sa prsence dans tous les rfrentiels des systmes de management de la qualit. La traabilit joue galement un rle dans la prvention des risques dans son usage doutil de gestion des non conformits.

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2.1.2.La traabilit devient un principe de matrise sanitaire part entire2.1.2.1.Le livre blanc sur la scurit des aliments

La Commission europenne a publi en janvier 2000 un Livre Blanc sur la scurit alimentaire. Ce document tablissait les futures orientations de la politique europenne de scurit sanitaire des aliments savoir (JECHOUX, 2006) : contribuer la meilleure protection possible des consommateurs europens en mettant en oeuvre une politique qui intgre lensemble des proccupations des filires alimentaires, de la fourche la fourchette, regagner la confiance des consommateurs dans la capacit des industries alimentaires et des pouvoirs publics garantir la scurit des aliments, dfinir les bases juridiques et techniques permettant de garantir cette scurit en prenant notamment en compte les problmes sanitaires lis lalimentation, se doter dun nouveau dispositif lgislatif et dune Agence Europenne de Scurit Alimentaire (AESA). La traabilit est considre comme essentielle pour assurer la russite des deux premiers points. Elle contribue au concept de lapproche globale intgre caractrise par la notion de filire ou chane alimentaire. Ainsi, dans le chapitre 2, point n10, la traabilit est rige en principe fondamental de la scurit sanitaire des aliments : Une politique alimentaire efficace requiert la traabilit des aliments destins aux humains et aux animaux et de leurs ingrdients .

2.1.2.2.La traabilit : un lment clef dans les dossiers dagrment sanitaire

Larrt du 8 juin 2006 relatif lagrment sanitaire des entreprises agro-alimentaires dfinit les nouvelles modalits dobtention des marques de salubrit ou agrment pour les entreprises agro-alimentaires. Cet arrt dtaille la procdure dagrment au niveau national prvue dans le rglement CE n853/2004 relatif 40

lhygine des denres alimentaires dorigine animale. Il a galement t complt et explicit par la note de service DGAL/SDSSA/N2007-8013 du 11 janvier 2007. Ladministration franaise a men un travail dinterprtation des rglements europens pour dterminer les documents fournir et les points valuer pour rpondre lensemble des obligations demandes. Les industries agro-alimentaires soumises agrment doivent dsormais laborer un plan de matrise sanitaire (figure 9). Figure 9: Plan de matrise sanitaire

Ce plan de matrise traduit la politique qualit mise en place par lentreprise au niveau sanitaire et rpond donc aux trois grands enjeux du rglement CE n178/2002 que sont lHACCP, les guides de bonnes pratiques, et la traabilit. La traabilit constitue par consquent un chapitre indpendant. Un autre signe de laffirmation de la traabilit en tant que principe sanitaire incontournable est sa place dans le rfrentiel IFS (International Food Standard). Ce rfrentiel dvelopp lorigine par le secteur de la Distribution Alimentaire en Allemagne sapplique tous les fournisseurs laborant des produits Marque De Distributeur (MDD). Ce rfrentiel fait lobjet daudits de qualification auprs des industriels. En France, la FCD (Fdration des entreprises du Commerce et de la Distribution) a adopt ce rfrentiel depuis 4 ans environ.

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LIFS a dfini les exigences de traabilit comme tant des KO . Cela signifie que le fournisseur qui ne rpond pas aux exigences du rfrentiel dans ce domaine ne peut recevoir le certificat IFS mme si sa note globale est satisfaisante. Il sagit dun critre liminatoire. 2.1.2.3.Un outil de gestion des retrait et rappels des denres alimentaires

Au sens du rglement CE n178/2002 qui concrtise les objectifs du Livre Blanc sur la scurit alimentaire, la traabilit est un outil essentiel de gestion des retraits et rappels suite des alertes sanitaires. Dans le considrant n28, le texte avance qu il est ncessaire de mettre sur pied dans les entreprises du secteur alimentaire et les entreprises du secteur de lalimentation animale, un systme complet de traabilit des denres alimentaires et des aliments pour animaux permettant de procder des retraits cibls et prcis . Pour procder un retrait ou un rappel, il faut dans un premier temps dterminer si la denre est considre comme dangereuse, lment prcis par le rglement dans son article 14. Une denre est juge comme dangereuse si elle est : prjudiciable la sant : cela regroupe les risques microbiologiques, chimiques et physiques avec lvaluation des effets court terme, long terme, cumulatifs, sur des catgories spcifiques de consommateurs, impropre la consommation humaine.

Pour apprcier cette dangerosit, le lgislateur demande de tenir compte : des conditions normales dutilisation, de linformation fournie au consommateur.

Pour aider les professionnels dans lvaluation de la dangerosit, les services officiels en charge de la sant publique et de la scurit des aliments savoir la DGAL, la DGCCRF (Direction Gnrale de la Concurrence, de la Consommation et de la Rpression des Fraudes) et la DGS (Direction Gnrale de la Sant) ont publi en mai 2005 un guide daide la gestion des alertes dorigine alimentaire entre les exploitants de la chane alimentaire et l'administration lorsqu'un produit ou un lot de produits est identifi. . Ce guide apporte des outils (tableau 3) pour dterminer concrtement ce niveau de dangerosit.

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Tableau 3 : Evaluation du niveau de gravit dune situation

Le tableau est un outil daide mais il nexiste pas de grille de dcision ou de notation associe. Il reste par consquent une part de subjectivit dans lvaluation de la situation. Une fois le niveau de dangerosit tabli (par exemple danger prjudiciable la sant des consommateurs), il est ncessaire de procder des retraits ou rappels. Selon ce guide, le retrait est constitu par toute mesure visant empcher la distribution et l'exposition la vente d'un produit ainsi que son offre au consommateur .

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Quand au rappel, il sagit de toute mesure visant empcher, aprs distribution, la consommation ou lutilisation dun produit par le consommateur et/ou linformer du danger quil court ventuellement s'il a dj consomm le produit . Le rappel est ltape suivante du retrait puisquil entrane une information des consommateurs. La traabilit va tre utilise ici dans sa dimension logistique et didentification. Il faut localiser dans le temps et dans lespace les produits afin dinformer leurs dtenteurs de la dangerosit et des mesures mettre en uvre sans dlai. La dfinition des lots joue galement un rle fondamental. Le rglement demande des retraits cibls et prcis ce qui implicitement requiert que la dtermination des lots soit la plus fine possible. Cet enjeu de la traabilit est un axe essentiel au vu des moyens de gestion des alertes mis en uvre par lUnion Europenne. Le rglement CE n178/2002 impose dans son article 19 la notification par les professionnels aux autorits comptentes de toute mesure de retrait ou rappel de leur initiative. Limportance de la traabilit est galement renforce travers les articles 50, 51 et 52 du rglement. Ils engagent la cration par la Commission europenne du rseau europen de gestion rapide des alertes sanitaires dsign par labrviation RASFF : Rapid Alert System for Food and Feed. Ce rseau a pour objectif que chaque pays europen informe la commission en cas de dangers avrs sur une denre alimentaire ou un aliment pour animaux, charge ensuite cette dernire de diffuser cette information aux autres Etats membres pour action. Il existe deux niveaux de notification : linformation : la denre ou l'aliment pour animaux reprsentant un risque ne ncessite pas une action immdiate dans les autres tats membres tant donn que le produit na pas atteint leur march, lalerte : la denre ou l'aliment pour animaux reprsentant un risque se trouve dj sur le march; une action immdiate est donc requise. En 2007, 916 alertes ont t dclenches par le RASSF ainsi que 2 015 informations, soit plus de 8 notifications par jour. Dans la gestion des alertes, la traabilit constitue un instrument de raction (DE BROSSES, 2003).

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2.1.2.4.Traabilit et principe de prcaution

Le principe de prcaution, issu du droit de lenvironnement, est dfini dans larticle 7 comme principe de base de la lgislation alimentaire. En France, il a t intgr en 2005 dans la Constitution travers la Charte de lenvironnement et dfini comme tel : Lorsque la ralisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'tat des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manire grave et irrversible l'environnement, les autorits publiques veilleront, par application du principe de prcaution, et dans leurs domaines d'attribution, la mise en uvre de procdures d'valuation des risques et l'adoption de mesures provisoires et proportionnes afin de parer la ralisation du dommage . Dans le monde agro-alimentaire, il a fait son apparition travers le litige lOMC (Organisation Mondiale du Commerce) opposant les Etats-Unis et lUnion Europenne propos de lutilisation des hormones dans llevage des veaux (LEWANDOWSKI-ARBITRE, 2006). Ce litige, dbut en 1996, a de nouveau fait lobjet dun arbitrage OMC en avril 2008, arbitrage qui na pourtant pas fait voluer la situation puisque chaque partie interprte la dcision en sa faveur.Ainsi linterdiction dimportation de viandes aux hormones est maintenue dans lUnion Europenne et les Etats-Unis continuent imposer des mesures de rtorsion sur les produits europens.. Le principe de prcaution fait partie aujourdhui des notions clefs guidant toute dcision publique en matire de scurit des aliments. Il possde un caractre rversible comme le souligne larticle 8 de la General Food Law : ces mesures sont rexamines dans un dlai raisonnable, en fonction de la nature du risque identifi pour la vie ou la sant et le type dinformations scientifiques ncessaires pour lever lincertitude scientifique et raliser une valuation plus complte. La traabilit est fondamentale dans lapprciation de cette rversibilit. La mise en place dun dispositif dobservation efficace permet de complter lvaluation, a priori, par un recueil dinformations, a posteriori, sur les dysfonctionnements possibles. Ce dispositif de vigilance pourra sappuyer en particulier sur une traabilit renforce des produits, limage de la pharmacovigilance exerce pour les mdicaments humains et vtrinaires (JECHOUX, 2006). Cest notamment tout le sens des rglements CE n1829/2003 et n1830/2003 relatifs ltiquetage et la traabilit des OGM pour valuer limpact sur lenvironnement et sur la scurit sanitaire des aliments contenant ou issus dOGM.

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La traabilit joue aussi un rle de prvention face une situation prsente. Elle ne sert pas uniquement rvaluer scientifiquement des risques grce au suivi quelle met en place. Elle sert galement de justification la dcision publique. Labsence ou les ngligences en matire de traabilit peuvent concourir justifier en effet la proportionnalit dune dcision qui est avec la rversibilit et la cohrence le troisime pilier de la dcision publique en matire de gestion des risques (JECHOUX, 2006). Un exemple est donn travers le litige arbitr par la Cour de Justice des Communauts Europennes (CJCE) ayant oppos la France la Grande-Bretagne et la Commission Europenne en matire de gestion de lESB. En 1999, la France avait refus de suivre la dcision de lUnion Europenne dautoriser nouveau lexportation de viande bovine britannique sous certaines garanties apportes par le systme DBES (Data Based Export Scheme) : date de naissance de lanimal, postrieure la date de certitude affirme dabsence de consommation de farines de viande et dos (1er aot 1996), un ge de plus de six mois et de moins de trente mois, lassurance, base sur la dclaration des leveurs, que les mres des bovins exports sont restes vivantes sans signe dEncphalopathie Spongiforme Bovine (ESB) au cours des six mois suivant la naissance, la viande destine la consommation est dsosse, dnerve et les ganglions lymphatiques sont limins, les oprations sont ralises dans des abattoirs spcialiss et des ateliers de dcoupe, des ateliers de transformation ainsi que des entrepts frigorifiques ddis cette activit. La France avait justifi sa position avec trois arguments principaux : la possible existence dune troisime voie de contamination autre que les farines animales et la transmission entre la mre et le ftus, un dispositif de traabilit des animaux dfaillant en Grande-Bretagne, une traabilit des produits base de viande bovine inexistante.

Dans son arrt du 13 dcembre 2001, la CJCE mit en dfaut la position de la France sur les trois arguments. Cependant largumentation fut plus que prudente sur laspect traabilit comme le signifie les points 114 et 115 de larrt (HERMITTE, 2003) : 46

114. Ainsi qu'il rsulte, en effet, du treizime considrant de la dcision 98/692 et du point 7 de l'annexe III de la dcision 98/256 modifie, il tait indispensable que les produits soumis au rgime DBES soient traables jusqu'au point de vente afin de permettre le rappel d'un lot, notamment dans l'hypothse o il se rvlerait qu'un animal tait inligible ce rgime. 115. Or, il ressort des lments soumis la Cour que cette traabilit n'tait pas intgralement assure par la rglementation communautaire existant au moment de l'adoption de la dcision 1999/514, notamment pour ce qui concerne les viandes et produits soumis au rgime DBES dcoups, transforms ou reconditionns. La France a utilis la notion de traabilit afin de justifier la proportionnalit de sa dcision de refuser la leve lembargo sur la viande britannique face au risque encouru. Cet exemple illustre la porte juridique de la traabilit.

2.2.Un enjeu juridique2.2.1.La traabilit au cur de la lgislation2.2.1.1.Quimpose lobligation gnrale de traabilit du rglement CE n178/2002 ?

Le rglement CE n178/2002 a install la traabilit en tant que principe juridique en crant lobligation gnrale de traabilit (cf point 1.1.1.3.). Concrtement, cette obligation, concept apparemment simple en premire lecture, revt des aspects trs prcis pour la Commission comme la exprim le CNA en 2004 dans son avis n48 sur la prparation de la mise en uvre du rglement CE n178/2002 : Qui est concern ?

La traabilit, dont lobligation gnrale est explicite dans les 5 alinas de larticle 18, sapplique lensemble des maillons de la chane alimentaire de lamont agricole au distributeur final. Lobligation juridique incombe aux entreprises but lucratif ou non (les associations caritatives entrant par exemple dans le champ du rglement) mais sa mise en uvre pratique est place sous la responsabilit des exploitants comme lexprime le considrant n30 du rglement :

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Un exploitant du secteur alimentaire est le mieux mme d'laborer un systme sr de fourniture de denres alimentaires et de faire en sorte que les denres alimentaires qu'il fournit sont sres. Il y a lieu par consquent que la responsabilit juridique primaire de veiller la scurit des denres alimentaires lui incombe. Bien que ce principe existe dans certains tats membres et dans certains domaines de la lgislation alimentaire, dans d'autres domaines, soit il n'est pas exprim explicitement, soit la responsabilit est assume par les autorits comptentes de l'tat membre, travers leurs activits de contrle. Ces disparits sont susceptibles de crer des entraves aux changes et des distorsions de concurrence entre les exploitants du secteur alimentaire dans les diffrents tats membres . La responsabilit de lexploitant peut tre engage au mme titre que celle de lentreprise en tant que personne morale (Code Pnal, article 121-2) devant les juridictions civiles et pnales. Quels produits doivent tre tracs ?

Le champ de la traabilit va plus loin que le champ dapplication du rglement. Le rglement dans son article 2 concerne uniquement les denres alimentaires et les aliments pour animaux. Lobligation de traabilit inclut les animaux vivants et le lien est vident avec les crises lies lamont agricole. Quelles actions doivent mettre en place les oprateurs ?

Les obligations concrtes des oprateurs sont exprimes dans les alinas 2, 3 et 4.

Figure 10 : Exigences de la traabilit dans le rglement CE n178/2002

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Concrtement le document interprtatif des orientations du rglement CE n178/2002 publi en Dcembre 2004 par le Comit Permanent de la Chane Alimentaire et de la Sant Animale (CPCASA) explique la dmarche suivre et dcrypte le texte. L'exigence vise procde de la mthode juste avant/juste aprs, consistant en quatre obligations imposes aux exploitants du secteur alimentaire, savoir: disposer d'un systme qui leur permette d'identifier le ou les fournisseurs directs

(n-1), tablir un lien fournisseur-produit (pour savoir quels produits proviennent de quels fournisseurs), tablir un lien client-produit (pour savoir quels produits ont t livrs quels clients) pour les clients dits professionnels, tant entendu que les exploitants du secteur alimentaire n'ont pas identifier les clients directs lorsque ceux-ci sont les consommateurs, mettre en uvre un tiquetage ou une identification adapt aux informations que loprateur souhaite transmettre. Il sagit de mettre en place un dispositif de traabilit aval et amont grce un systme documentaire. Cette obligation napparat pas comme rvolutionnaire premire vueet peu complique mettre en uvre.

2.2.1.2.Les zones dombre du rglement 178/2002 (CNA, 2004)

Le rglement impose une obligation de rsultats et laisse une grande libert vis--vis des moyens adopter. Sa lecture en premire intention laisse de grandes zones dombre qui ont laiss les oprateurs dans la perplexit face la mise en uvre de lobligation de traabilit. Quid de la traabilit interne ?

Rien ne semble obliger le professionnel a priori mettre en place une traabilit interne permettant de suivre les matires premires entrantes jusquau produit fini. La traabilit nest donc pas envisage sous son aspect de traabilit des processus et outil de lien entre auto-contrles et produits. En France, la rglementation nationale via larticle L 214-1-1 du Code de la Consommation exige cette traabilit 49

interne en prcisant que les procdures mises en place permettent de connatre lorigine de ces produits et de ces lots ainsi que les conditions de leur production et de leur distribution . Au final, le document interprtatif du rglement prcise que cette traabilit interne est implicitement encourage via le considrant n28 qui demande un systme complet de traabilit pour des retraits cibls et prcis . Mais ce nest pas une obligation, ce qui est pour le moins surprenant.Si un exploitant dcide dlibrment de ne pas mettre en place un systme de traabilit interne, ses capacits de dfense en cas de litige seront plus que limites. Quels types dinformations conserver ?

A priori, il ny a aucune ligne directrice dans le rglement. Le document interprtatif apporte galement ses lumires. Les informations enregistrer et archiver sont hirarchises en deux classes de priorits : priorit n1 (obligatoire) : nom, adresse du fournisseur, nature des produits fournis par ce dernier, nom, adresse du client, nature des produits livrs ce dernier, date de transaction/livraison, priorit n2 (fortement recommande) : volume ou quantit, numro de lot, s'il y a lieu, description plus dtaille du produit (produit premball ou produit en vrac, varit de fruit/lgume, produit brut ou produit transform). Il est tonnant de ne pas rendre obligatoire le suivi des numros de lots car sans cette information, comment concevoir des retraits et rappels cibls et prcis . Tracer de faon fiable et efficace sans utiliser llment didentification de la plus petite unit apparat comme une vritable gageure. Quelle dure pour rendre ces informations disponibles aux autorits ?

Les professionnels ont lobligation de notifier toute information lie la prsence dune denre alimentaire considre comme dangereuse comme le stipule les articles 19 et 20 du rglement CE n178/2002. La rapidit de la traabilit garantit aux autorits lassurance dune ractivit exemplaire face toute situation de crise potentielle. Loprateur doit-il fournir la liste des clients quil a livr en 2h00, 12h00, 1 jour, 2 jours ?

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Les lignes directrices communautaires ne sont pas dune grande aide puisquelles indiquent, uniquement pour les informations de priorit n2, quelles doivent tre transmises dans les plus brefs dlais raisonnablement envisageables avec des dates butoirs adaptes aux circonstances Cette phrase fait comprendre que les informations de priorit n1 doivent tre mises disposition sans dlai. Quelle dure de conservation pour les informations de traabilit ?

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