tontines
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Ethique et Gestion Alain HENRY Tontiniser l’économie ?
Alain HENRY
Polytechnicien et ingénieur civil des ponts, directeur du département
infrastructures à l'Agence française de développement (AFD) ; il est également
chercheur associé à Gestion et société (CNRS) ; ses travaux portent sur la
relation entre le contexte culturel et la modernisation économique ; il a
contribué à plusieurs ouvrages, notamment Tontines et banques au Cameroun (Karthala,
1991), et Cultures et mondialisation (Point Seuil, 2001).
I- Résumé de L’article :
L’article d’Alain Henry nous décrit un usage Africain, celui des « Tontines » qui quoiqu’il eût
été inventé en Europe, a rapidement conquis l’Afrique pendant la période coloniale et
présente un énorme facteur de développement pour l’Afrique et sa diaspora, pour qui la notion
de solidarité est à mettre au dessus de tout.
Mais pourquoi dit-on « Tontine », me direz-vous ? On dit Tontine en hommage à Lorenzo
Tonti, le banquier napolitain qui a inventé en 1653 ce système de banque solidaire avant de le
proposer à Mazarin, l’illustre ministre de Louis VIV. Tonti proposa alors à ses voisins ce
concept qui plus tard porta son nom. En gros, de se rassembler pour cotiser mensuellement
dans une cagnotte qui tourne entre eux, selon un ordre établi par tirage au sort. Chaque
souscripteur verse une somme dans un fonds, et touche les dividendes du capital investi.
Quand un souscripteur meurt, sa part est répartie entre les survivants.
Alain Henry, dans le cadre de son activité au sein de L’Agence Française de Développement
(AFD) un opérateur pivot de l’aide bilatérale française, s’est intéressé dans son étude au
modèle camerounais des tontines afin de comprendre pourquoi cet usage semble être plus
prégnant dans des pays où le système bancaire fait défaut ainsi que pour en tirer les
enseignements nécessaires au développement de l’économie occidentale.
La tontine est une pratique universelle consistant en ce qu’un groupe de personnes cooptées se
rassemble périodiquement pour échanger des biens, des services ou de l’argent. Cette pratique
bien que particulièrement répandu en Afrique, existe un peu partout dans le monde,
notamment en Europe où on observe des formes de tontines de bien en nature : exemple des
cotisations de l’individu à des pots de départ en retraite jusqu’au jour où vienne son tour.
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Le principe d’une tontine pour échange d’argent est simple : Un groupe d’amis, de collègues
ou de membres d’une même famille se rencontre dans un lieu précis pour épargner de
l’argent. Ensemble, ils forment donc une "tontine". Ils cotisent une somme fixe et commune à
tous. À chaque rencontre, le total des cotisations est collecté puis attribué à l’un des membres,
Chaque nouvelle période, un autre membre reçoit le pactole et ainsi de suite, jusqu’à ce que
tous les membres de la "tontine" soient passés. L’attribution des tours de rôles peut se faire
selon une négociation arbitrée par le président de la tontine, ou selon des modalités
spécifiques à chaque collectivité de personnes.
La tontine peut être considérée comme un phénomène social total, qui revêt à la fois une
dimension de convivialité, une dimension économique et même une dimension mythique.
En effet, Toutes ces visées prônées par le modèle des tontines et se nourrissant de l’idéal
rousseauiste qui repose sur les vertus de l’entraide, de la mutualisation, de la performance des
rites sociaux, etc…peuvent faire apparaître le système tontinier comme attrayant : à la fois
véritable levier de développement les pays pauvres à travers sa modernisation et instrument
financier alternatif plus convivial dans les économies occidentales dites « pures ».
Mais à y voir de plus près, il apparaît que ce dispositif ne fonctionne correctement que parce
qu’il repose sur des règles tout aussi « correctes » et strictes, ainsi peut-on en citer :
La ponctualité : Dans le modèle proposé dans l’article, la cotisation a lieu le 25 de chaque
mois à 19 heures précises au domicile du coordinateur, passé 19h16, le retard est consommé
et il est constaté que sur un cahier spécial pour le censeur, le retardataire est amendé de cinq
mille francs payables avant la vente des lots.
Un protocole précis : La réunion doit respecter un ordre de jour strictement défini et un
protocole extrêmement précis. Ce n’est qu’une fois la réunion finie que les conversations
prennent une tournure plus conviviale et que les langues se délient.
La ritualisation de la remise de l’argent : Le moment de la remise de l’argent fait l’objet d’une
ritualisation des plus spectaculaires, le président prononce son discours avant de remettre
l’argent au bénéficiaire. Si « L’argent n’a pas d’odeur », le rituel de remise du grand lot veut
que l’argent mal acquis trahisse sa provenance et que cet argent retourne d’où il vient.
La sélection des participants : Toute personne souhaitant faire partie d’une tontine, doit être
présenté par un parrain ; c'est-à-dire son garant lors de la remise du gros lot. Ce garant doit
être un membre de la tontine afin qu’on puisse le cas échéant le poursuivre facilement. Ce
parrain est le même qui a parrainé l’entrée dans la tontine.
Des sanctions sévères : La tontine tient par la confiance et le respect mutuel. L’idée de
confiance est essentielle et l’engagement de la personne dans sa parole est totale.
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Celui qui trahit cette confiance, qui y a manqué est alors socialement considéré comme
indigne et mis au banc de la société. Le non respect des règles peut conduire à une exclusion
sociale totale : on refuse de le fréquenter, on ne lui adresse même plus la parole,…
La sanction sociale est considérée comme bien plus grave que toute autre forme de sanction
judiciaire ou éthique. Elle conduit à une forme d’autocensure pouvant qui peut aller alors
jusqu’à se suicider.
Toute faute commise est lourdement sanctionnée par le règlement. Ainsi tout membre qui
s’avère défaillant subit une leçon de morale collective péniblement vécue par l’intéressé ; et
toute contestation de la légitimité de l’amende est punie par le doublement de l’amende.
Même les morts paient : En cas de décès de l’un des membres de la tontine, c’est sa famille
qui paie et prend éventuellement le tour selon le principe qui veut que la « tontine ne meurt
pas ».
Des relations sociales encadrées : Les relations des individus sont encadrées à l’intérieur du
groupe comme à l’extérieur. Ainsi en cas de maladie de l’un des membres, les autres sont
tenus de lui rendre visite. De même, en cas de décès de l’un des membres ou de sa conjointe
la triste nouvelle est portée à la connaissance de tous les autres qui doivent assister alors à la
cérémonie d’enterrement.
Pourquoi une telle liturgie ?
L’auteur considère que deux grands fondamentaux de la culture africaine expliquent la mise
en place de règles très rigides visant à diriger de façon très ferme les tontines camerounaises.
En effet, l’encadrement extrêmement serré du fonctionnement des tontines qu’Alain HENRY
a qualifié de véritable liturgie n’est pas le fruit du hasard et trouve son origine dans deux
thèmes majeurs qui ont toujours imprégné la culture de l’ouest du Cameroun à savoir la
méfiance qui régit d’ordinaire les relations entre les membres de cette société et le devoir
d’entraide. Concernant le premier thème qui est celui de la méfiance, l’auteur estime, qu’elle
est due à l’intérêt personnel considéré comme légitime dans la société camerounaise : l’intérêt
personnel paraît parfaitement légitime ; il est naturel, et la notion de gratuité est en revanche
fortement suspecte. La place est constamment accordée aux appétits et intérêts individuels
comme moteurs de toute activité humaine. Dans la société camerounaise, on ne peut pas faire
confiance aux autres vu qu’ils peuvent agir de façon opportuniste sans aucun égard pour la
personne avec laquelle ils ont eu affaire. Et c’est cette caractéristique fondamentale de la
culture africaine qui explique le fait qu’on exige des enquêtes de moralité sur tout individu qui
émet le souhait de devenir tontinier. Le deuxième thème est le devoir d’entraide et d’amitié :
pour un Africain, ce qui distingue l’humain, civilisé, par opposition au bestial, c’est l’entraide
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et le fait de se comporter toujours de manière amicale. Le refus de rendre service à quelqu’un
est donc considéré comme un acte très grave. Ainsi, le fait d’appartenir à une tontine permet
d’éviter un abus d’entraide. En raison de la rudesse du système qui régit les tontines, un
individu qui sollicite quelque chose d’une autre personne sera obligé de renoncer à sa requête
si cette personne lui explique qu’elle cotise dans une tontine. Tout individu ne pourra abuser
de l’entraide, valeur ancrée dans la culture camerounaise et ne pourra se montrer pressant s’il
sait que l’autre a des engagements très contraignants envers les autres tontiniers. La tontine
permet donc de résister aux abus de l’entraide. Celle-ci découle d’une logique culturelle
spécifique à la communauté africaine à savoir l’éthique de fidélité aux amis selon laquelle
tout principe paraît négociable dès lors qu’il s’agit de rendre service à un proche. Néanmoins,
les tontines permettent de remédier à la méfiance spontanée qui régit les relations entre les
gens et au choc des intérêts individuels en instaurant la confiance et en imposant la gentillesse
et l’entraide qui sont reconnues comme les valeurs humaines les plus fondamentales. Par
ailleurs, l’auteur considère que le projet de modernisation des tontines dans le but de
dynamiser l’économie des PED est voué à l’échec et ce pour différentes raisons. Tout
d’abord, les experts qui veulent moderniser les tontines remettent en question tout le dispositif
et peuvent, de ce fait, nuire au bien fondé de la rigidité de ce système à savoir la protection de
l’épargne. En voulant assouplir le système de règlements par les tontiniers, ils risquent
d’altérer la finalité d’une telle rigidité du système et cette finalité dont parle l’auteur est la
protection de l’épargne. En effet, il dit que les règlements rigides permettent de faire face à la
pression du devoir d’entraide et ainsi de protéger l’épargne ; plutôt que chercher à simplifier
les tontines, on devrait conseiller les banques camerounaises de s’inspirer de la rigueur des
procédures tontinières pour obtenir de leurs clients un comportement fiable. Une autre
suggestion des experts en développement pour moderniser les tontines était d’y faire
prospérer le crédit en y injectant de l’argent. Or, les tontines sont une affaire d’épargne et non
de crédit aussi bien pour le premier que pour le dernier qui reçoit les cotisations (la cagnotte).
Tous les tontiniers sont, en effet, considérés comme épargnants, au même titre que celui qui a
pris en dernier. Une telle entreprise est susceptible de mettre fin aux tontines. Selon les
bamilékés, développer le crédit en injectant de l’argent dans les tontines serait un véritable
contresens puisqu’ils considèrent le crédit comme une pratique très dangereuse. Une autre
suggestion de ces experts est d’accroître le nombre de membres et de les recruter dans un
public plus large. Néanmoins, cette proposition ne peut être concrétisée vu que les tontiniers
doivent être triés sur le volet et que le remboursement doit être garanti par des avalistes et ce,
pour assurer le paiement des cotisations. L’auteur considère également que l’éthique de
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fidélité occupe une place très particulière et renvoie au second plan l’éthique des principes
universels. Afin de remédier à cette situation, D’Iribarne et l’auteur proposent le
développement de systèmes de gestion extrêmement normatifs qui permettront à la
convivialité et à la fidélité aux amis de s’exprimer mais sans pour autant submerger les règles
élémentaires du développement économique.
II- Problématiques Ethiques :
1- La modernisation des tontines :
La modernisation des tontines risque de les faire disparaître. En effet, les experts qui ont
l’ambition de les assouplir suggèrent un ensemble de mesures susceptibles de mettre fin au
caractère fédérateur et solidaire de cette cotisation informelle. La tontine est considérée
comme un phénomène social total comprenant, entre autres, une dimension de convivialité.
Cette pratique permet de se réunir entre amis et symbolise un lieu de rencontre où l’on traite
les gens sur le même pied d’égalité. Faire prospérer le crédit dans les tontines en y injectant
de l’argent nuira sans nul doute à l’égalité qui est une valeur enracinée dans le système des
tontines africaines. En effet, tous les tontiniers sont considérés comme épargnants, au même
titre que celui qui a reçu la « cagnotte ». En outre le crédit est mal perçu par les bamilékés qui
le trouvent très dangereux. Une telle mesure ne pourrait que les dissuader de participer aux
tontines. Le comportement éthique à développer dans les tontines fait appel à un ensemble de
valeurs qui seront certainement détruites suite à une modernisation du dispositif mis en place.
2. Une perpétuation de la reproduction sociale :
Le soutien financier que procure l’acquisition d’un versement de tontine ne répond en
définitive qu’à un besoin circonstanciel. C’est pourquoi les tontines ne peuvent valoir qu’au
niveau de lutte contre la pauvreté conjoncturelle puisque l’argent recueilli peut être investi et
l’individu pourrait en tirer un bénéfice certain.
Quant à la pauvreté structurelle, liée à la formation organisationnelle et à la hiérarchie sociale,
le système de tontines a potentiellement pour effet de la maintenir et la perpétuer même à
travers la reproduction sociale : une réplication de schémas sociaux déjà existants. Ceci est
d’autant plus clair qu’en raison du mécanisme de cotisation, les différentes personnes ne
peuvent que participer à des tontines correspondant à leur niveau de dépenses. Ainsi se crée
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une stratification des tontines, allant des tontines à basse cotisation pour les revenus faibles, à
des tontines à hautes cotisations pour les revenus élevés.
Du fait de cette stratification, les tontines jouent potentiellement, à travers la transmission
intergénérationnelle de leurs mécanismes, dans la reproduction sociale et semblent ainsi avoir
un impact négligeable voire nul sur la réduction de la pauvreté structurelle en maintenant une
certaine hiérarchisation qui est fondée sur le pouvoir d’achat des membres.
Dans cette situation, les partenaires d’une tontine à basse cotisation auront du mal à se hisser
au rang des partenaires de la tontine à haute cotisation. Car le rendement espéré d’une tontine
ne dépend pas seulement que de la volonté d’un individu mais reste tributaire des conditions
générales de vie de l’ensemble des partenaires, de leur engagement, de leur disponibilité et en
dernier ressort de leur capacité de gestion du capital social généré par ce type de solidarité.
3. L’engagement moral des participants et la lourdeur de la sanction :
La tontine est bien plus qu’un contrat. A la base il y a la parole donnée comme dans tout
contrat, mais la tontine est bien plus qu’un échange de droits et d’obligations. La participation
à une tontine implique une coopération, une solidarité avec les membres du groupe, même en
dehors de l’objet précis de la tontine.
Il convient de souligner que même si certains individus peuvent voir leur situation s’améliorer
après avoir perçu le premier versement d’une tontine, cela n’exclut pas le fait qu’ils doivent
obligatoirement rembourser cette somme, en plus du fait que les membres d’une tontine ne
sont pas tous de très bons gestionnaires.
Ainsi, il peut arriver que le membre d’une même tontine puisse avoir plusieurs côté parts (2 à
3 mains) ce qui augmente ses chances de perception mais également ses charges de
cotisation. Et à la moindre cause externe, il peut se retrouver incapable de tenir à ses
engagements ce qui provoque son exclusion ou son amende.
Les membres d’une même tontine prennent tous des engagements moraux à cotiser
régulièrement à chaque échéance mais il peut arriver que pour telle ou telle raison ou
circonstance un ou plusieurs membres ne s’acquittent pas convenablement de leurs
cotisations.
Dans ce cas de figure, les contrevenants sont exclus ipso facto du réseau, ou bien ils sont
soumis à une amende qui peut aller jusqu’à la vente de quelques uns de leurs objets de valeur
(bijoux, meubles, etc.) pour rembourser les fonds manquants.
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Dans tous les cas et selon les règles du jeu, celui qui n’aura pas contribué finira par être
marginalisé.
Ainsi, l’individu qui aurait intégré une tontine dans l’optique d’obtenir des entrées en vue de
compenser un besoin immédiat que lui pris séparément, se trouve dans l’incapacité de réaliser
peut se retrouver sanctionné par une conjonction de circonstances défavorables et un système
de sanctions aux conséquences irréversibles.
III- Perspectives possibles dans le cas marocain :
La tontine est plus connue au Maroc sous l’appellation « DARET » parce qu’elle est rotative
et que les participants prennent l’argent à tour de rôle. Cette pratique ancienne est toujours
d’actualité au Maroc.
C’est le cas de le dire pour des personnes qui se trouvent face à un besoin important d’argent
mais qui ne peuvent justifier d’une solvabilité auprès d’une banque. La tontine est dès lors le
moyen le plus pratique à défaut d’emprunter de l’argent auprès des membres de sa famille,
pour faire face à des besoins en argent assez conséquents.
C’est le cas de personnes ne disposant pas de contrat de travail et encore moins de justificatifs
de salaire, ce qui ne leur permet pas de contracter des crédits auprès d’une banque.
Prenons par exemple le cas d’une mère de famille qui pour acheter un réfrigérateur de
4000dh, s’inscrit à une tontine de 500 dh mensuelle avec un groupe de 10 personnes. Ainsi,
son tour venu, elle empochera 5000 dh.
Les 500 dh constituant le tiers de son salaire, elle doit alors s’entourer de toutes les
précautions notamment en ce qui concerne le choix des bénéficiaires de la tontine. Ces
derniers doivent être des personnes de confiance. Ainsi la meilleure façon de se prémunir
contre un risque de défaut des autres participants est de recevoir le pactole le premiers, ou
juste après la cotisation.
Dans ce cas-là, le bénéficiaire reçoit la cotisation en crédit «sans intérêt» et devra continuer à
cotiser jusqu'à la fin de la tontine. Le dernier, lui, reçoit la cotisation en guise d’épargne de
quelques mois avec, bien entendu, un risque important de voir un des bénéficiaires omettre de
payer sa cotisation. Auquel cas, le doyen ou la personne en charge de collecter l’argent
intervient auprès d’elle; autrement, rien n’engage une personne à honorer ses engagements si
ce n’est sa parole d’honneur. ;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;
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Il convient aussi de citer qu’il n’y a pas que les gens à revenus modestes ou ceux qui ne sont
pas solvables auprès des banques qui recourent à la tontine. Même des hauts cadres y ont
recours. Car la tontine ne fascine pas uniquement les fonctionnaires, employés ou cadres…
Elle fait l’apanage aussi des fortunés, qui, aussi, ont leur « Daret » qui pèse, bien plus lourd.
Chaque participation peut facilement frôler les 10.000 DH. La cagnotte mensuelle
comptabilise les 100.000 DH. Ainsi, certains, lancent, grâce aux tontines, leur propre affaire.
Toutefois, lorsqu’il s’agit de grandes sommes, seuls les proches sont admis. On peut
également cotiser avec des sommes moins importantes pour faires des dépenses assez lourdes.
Par exemple, certains cotisent afin de régler les frais d’assurance et d’immatriculation pour
acheter une voiture. Les femmes au foyer et les bourses moyennes participent avec leurs
voisines, amies ou membres de la famille aux tontines. Pour cela, elles ont recours à leurs
économies qu’elles extirpent au budget des dépenses quotidiennes. Sauf que chez cette
catégorie, le montant n’est pas important : La somme exigée se fixe souvent à 20, 30 et 50
dirhams. Quant à la collecte, elle est hebdomadaire. Par ailleurs, Daret ne rivalise pas le
crédit bancaire comme on pourrait le penser. Ce système est très réussi car il y a de vraies
relations sociales. Mais dans des contextes plus individualisés, ce sont les organismes de
micro crédit qui prennent le relais. Donc « Daret » ne rentre nullement en compétition avec
les banques. En plus, un bon nombre de personnes participent à la tontine et pourtant elles
contractent des crédits. Sauf qu’il ne faut pas oublier que pour bénéficier d’un crédit, des frais
de dossiers sont prélevés de la somme « offerte ». Cela n’a rien à voir avec Daret. C’est tout
un système où plusieurs conditions sont prescrites. C’est aussi le contraire de la tontine où la
seule exigence est d’être en mesure d’honorer ses engagements avec les autres participants et
de respecter les délais. Toutefois, il faut préciser que Daret est loin d’être sans risque majeur.
Car il suffit d’un mauvais payeur pour tout gâcher. Et il n’existe aucun recours formel contre
lui puisqu’il n’y a aucun papier signé. Aussi, parfois à force de vouloir épargner de grandes
sommes ou à cause de certains participants pas très sérieux, on risque de tout perdre.
Le capital social auquel les individus et les ménages peuvent faire appel - ont été largement
cités dans les récits individuels de vie. Ces réseaux, qui généralement interconnectent les
membres d'une famille vivant dans un même ménage ou un ménage de proximité, des amis de
la famille ayant accès à des ressources matérielles importantes, des connaissances ou des
contacts, ou encore des membres apparentés vivant dans d'autres régions du Maroc ou à
l'étranger, ont aidé à trouver de bons emplois, à acquérir des compétences commercialisables
telles que la confection de robes ou l'exploitation d'un commerce, et ont également aidé à
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établir des relations de crédit avec les fournisseurs. La participation au daret, variation
marocaine de l'association rotative d'épargne et de crédit quasi universelle, a donné aux
ménages un moyen de faire face aux crises journalières, voire même de réaliser des
investissements.
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