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LA GEOLOGIE à la Faculté des Sciences de Lille de 1857 à 1970 Tome 8 de l’Histoire de la Faculté des Sciences de Lille et de l’Université Lille1 - Sciences et Technologies

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LA GEOLOGIE

à la Faculté des Sciences de Lille de 1857 à 1970

Tome 8de

l’Histoire de la Faculté des Sciences de Lilleet de l’Université Lille1 - Sciences et Technologies

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Histoire de la Faculté des Sciences de Lilleet de l’Université des Sciences et

Technologies de Lille

Tome 1: Contributions à l’Histoire de la Faculté des Sciences (1854 - 1970)

Par A.Lebrun, M. Parreau, A. Risbourg, R. Marcel, A. Boulhimsse, J. Heubel, R. Bouriquet,G. Gontier, B. Barfetty, A. Moïses

Tome 2: Le Laboratoire de Zoologie (1854 - 1970)

Par Roger Marcel et André Dhainaut

Tome 3: La Physique à Lille (du XIXème siècle à 1970)

Par René Fouret et Henri Dubois

Tome 4: L’Institut Electrotechnique (1904 - 1924) et l’Institut Electromécanique (1924 -

1969) par Arsène Risbourg, l’Institut Radiotechnique et les débuts de l’électronique (1931- 1969) par Yves Leroy, l’Automatique (1958 - 1997) par Pierre Vidal

Tome 5: Histoire de la Botanique à la Faculté des Sciences (1856 - 1970) par Robert

Bouriquet, Le Doyen Maige par Raymond Jean

Tome 6: L’Electronique à l’Université de Lille de 1968 jusqu’à l’an 2000 par Yves

Crosnier

Tome 7 : La Physiologie Animale et la Psychophysiologie à la Faculté des Sciences de

Lille de 1958 à 1970 par Pierre Delorme et Jean-Marie Coquery

Tome 8 : La Géologie à la Faculté des Sciences de Lille de 1857 à 1970 par François

Thiébault

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HISTOIRE DE LA GEOLOGIE

Faculté des Sciences de Lille 1857-1970

François Thiébault

Professeur des Universités honoraire

La création par décret du 3 novembre 1857 de la chaire de Minéralogie etGéologie, dans le cadre de l'Histoire Naturelle, marque le début de la séparation desdifférentes disciplines rassemblées de nos jours sous l'appellation de Sciences de laVie et de la Terre.

L'histoire de la géologie lilloise de 1857 à 1970 peut être divisée en trois ères :la première, celle des Pères Fondateurs (1857-1926) ; puis celle des Disciples (1926-1960) ; enfin la troisième sera celle des Héritiers (1960-1970).

L'ère des Pères Fondateurs (1857- 1926)

Le 3 novembre 1857, la Faculté desSciences de Lille nomme dans la chaire deMinéralogie et Géologie le Docteur Faivre, origi-naire de Paris. Ce dernier qui enseigne aussi labotanique est rapidement nommé à Lyon dansla chaire devenue vacante suite au décès de M.Seringe. Après cet épisode météorique, laFaculté des Sciences de Lille patiente quatreannées avant de trouver un successeur auDocteur Faivre.

Le 21 décembre 1864, la nomination deJules Gosselet, venant de Poitiers, est une ren-contre heureuse pour la géologie lilloise et laFaculté des Sciences.

Heureuse initiative en effet, car formé pardeux maîtres parfaitement complémentaires,J.Gosselet unit en lui l'ouverture d'esprit deC.Prévost (cofondateur de la Société géologiquede France) et l'extrême rigueur de Ed.Hébert. Ilest permis de croire que le caractère si original

de son talent s'est épanoui au contact de cesdeux maîtres qui, en outre, favorisaient les ren-contres avec les grandes figures de l'époque, lorsdes séances de la Société , géologique de France(Halloy, Barande, de Verneuil, par exemple).Observateur hors pair, il révolutionne la géolo-gie du nord de la France et plus particulière-ment celles du bassin houiller franco-belge et dusegment correspondant de la chaîne hercynien-ne. Sachant synthétiser des faits non accessiblesà l'observation directe, il introduit le rôle pré-pondérant des forces et des déplacements tan-gentiels dans l'édification de ce segment d'unancien orogène. Ces travaux font de J.Gosseletle précurseur de P.Bertrand, P.Termier et desgéologues alpins qui feront triompher la tecto-nique tangentielle des nappes de charriage.

Grand géologue universitaire qui aune conscience aiguë de l'intérêt des applica-tions de la géologie, il est l'un des fondateurs dela géologie appliquée dans le Nord de la France.

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Il voit en elle une aide pour son enseignement,une source de débouchés pour ses élèves et unemanière d'amener des adeptes à la science pure.

Heureuse initiative, car profondémentattaché à sa région d'origine, Jules Gosselet, né àCambrai, fait de la géologie, science encore toutespéculative, une science très populaire dans leNord, région alors très sollicitée par l'industrieet le commerce. Quand il prend possession de lachaire de Minéralogie et Géologie, l'installationest rudimentaire. Les élèves manquent, il lesattire. Il recrute des préparateurs de grandevaleur : C. Barrois (cf.ci-après) et M.L. Cayeux,père fondateur de la sédimentologie française.La communication des résultats est balbutiante,il crée la Société Géologique du Nord (dernièresociété géologique régionale française encore enactivité en 2010). Du même coup, il dote sonlaboratoire d'une bibliothèque enviable que lamodicité des crédits bibliothécaires régionauxl'empêchait d'acquérir. Les collections fontdéfaut, il en crée et fait sortir du néant un MuséeGéologique qui porte son nom. Et c'est pour ladéfense de ce bien patrimonial, que cet homme"qui aimait son marteau comme d'autres leur épée"mourra le 20 mars 1916.

Lorsqu'il prend sa retraite en 1902, JulesGosselet est remplacé par l'un de ses élèves :Charles Barrois, issu d'une grande familleindustrielle du Nord. Le début de la carrière decelui-ci marque une rupture avec les études surle Nord de la France. Il commence, en effet, sestravaux de recherches par l'étude des " terrainscrétacés de l'Angleterre et de l'Irlande ". Il travailleensuite en Espagne, aux Etats-Unis, au Canada,en Europe Centrale et Orientale. Mais c'est tou-tefois en France, dans le Massif Armoricain, qu'ilaccomplit son œuvre principale.

Il va aussi orienter durablement l'activitéscientifique de la Faculté lilloise vers une parti-cipation au développement économique de larégion Nord-Pas-de-Calais. Il est convaincu quela géologie est la science désignée pour collabo-rer à l'exploitation du bassin houiller du Nord etdu Pas-de-Calais, l'un des plus riches et des plusimportants patrimoines du sous-sol français à

l'époque. Dans ce but, en 1908, il fonde le MuséeHouiller de l'Université de Lille.

Avec l'aide d'ingénieurs et de ses élèves,après vingt ans d'efforts, il aboutit, grâce à l'ap-plication de méthodes géologiques simples, à unmodèle structural du bassin houiller. Ce modèleest capital pour l'exploitation de ce bassinhouiller aux veines relativement minces, sou-vent décalées par des accidents tectoniques.Lorsqu'en 1918, le gisement lorrain est redeve-nu français et que celui de la Sarre échoit à laFrance pour 15 ans, il y organise et y accomplitle même travail fécond.

Charles Barrois prend sa retraite en 1926 etmeurt en 1939, 23 ans après son maître et, à nou-veau, en pleine tourmente pour sa région et sonpays.

Ainsi disparaît un homme qui a remarqua-blement servi la géologie lilloise par l'excellencede son travail et la valeur des élèves qu'il a suattirer : P.Bertrand, L.Dollé, A.Duparque,P.Pruvost (cf. l'ère des Disciples), et H.Douxami,trop tôt disparu. H.Douxami, ancien élève del'Ecole Normale Supérieure (1889-1893), docteures Sciences en 1896 à 25 ans, est recruté à Lillecomme Maître de Conférences en 1903. Sa nomi-nation marque la volonté d'élargir le cadre géo-graphique des recherches géologiques lilloises.En effet, les travaux de H.Douxami concernentles terrains tertiaires du Platé et les molassesrouges dans les Alpes Occidentales, chaîne demontagnes emblématique à l'époque, suite auxtravaux de P.Bertrand. Brillant chercheur,H.Douxami s'intéresse aussi à la géophysique endevenant directeur de la station sismologique del'Université de Lille. Malheureusement, en 1913,la maladie terrasse en quelques mois ce géolo-gue habitué aux longues courses en haute mon-tagne.

La guerre qui éclate en août 1914, l'occupa-tion allemande, l'investissement dans la recons-truction économique du Nord de la France met-tent fin à cette expérience, tant géographique(Alpes franco-italiennes), que thématique (géo-physique). Il faudra attendre la décennie 1950-

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1960 pour que des recherches soient à nouveauentreprises à Lille dans des chaînes alpines (cf.l'ère des Héritiers) et l'année 1980 pour desrecherches dans les Alpes franco-italiennes etplus particulièrement dans le Massif de laVanoise avec J.F.Raoult. Destin ou fatalité, cetessai sera à nouveau interrompu par le décèsbrutal et prématuré de J.F.Raoult en 1987.

Avec ces années de fondation, s'achève unepériode faste pour la géologie lilloise, couverted'honneurs au niveau régional et national : JulesGosselet est nommé doyen de la Faculté desSciences de Lille de 1896 à 1902, Président de laSociété géologique de France (une première

pour un professeur de province), membre nonrésident de l'Académie des Sciences de Paris,Président de la Société géologique de Belgique.Charles Barrois est nommé lui aussi Présidentde la Société géologique de France, membre del'Académie des Sciences de Paris en 1904 dont ilprésidera les séances de la section deMinéralogie jusqu'en 1927. En 1900, lors duCongrès géologique international organisé àParis et présidé par le célèbre paléontologueP.Gaudry, Charles Barrois sera Secrétaire

Général.

L'ère des Disciples (1926-1960)

Année du départ en retraite de C.Barrois,1926, marque la première évolution buissonnan-te de la géologie lilloise. En effet, à partir de cettedate, quatre nouvelles chaires vont s'agréger àl'axe originel de la Géologie et Minéralogie(fig.1).

De fait une nouvelle chaire de Géologie etMinéralogie appliquée est crée en 1921 pourPierre Pruvost, élève très prometteur deC.Barrois. Cette chaire disparaît en 1926 lorsqueP.Pruvost remplace son maître dans la chaire deGéologie et Minéralogie. Elle est remplacée parune chaire de Géologie Générale et GéographiePhysique, attribuée à Leriche. Cette chairedisparaîtra en 1947, la disciplina afférente étantensuite rattachée à la géographie.

En 1926 est créée la chaire dePaléobotanique, attribuée à Paul Bertrand, filsde Ch.E.Bertrand, fondateur de cette disciplineà Lille, dans le cadre de la chaire de Botaniquede 1878 à 1917. La nomination, en 1938, de P.Bertrand au Muséum d'Histoire Naturelle deParis entraîne la transformation de la chaire dePaléobotanique en une chaire de Pétrographiegénérale et appliquée, attribuée à AndréDuparque de 1938 à 1950. Le non-renouvelle-

ment de la chaire de Géologie générale etGéographie physique permet, en 1947, la renais-sance définitive de la chaire de Paléobotanique,attribuée à P.Corsin.

P.Pruvost est nommé, en 1950, à laSorbonne. Il est remplacé par André Duparquedont la chaire de Pétrographie générale et appli-quée, transformée en chaire de Géologie houillè-re, est attribuée à G.Waterlot.

Enfin, en 1926, Louis Dollé est nomméprofesseur sans chaire en Hydrogéologie, cettediscipline étant confortée, en 1937, par la créa-tion d'une chaire du même nom.

Paradoxalement, ce foisonnement des dis-ciplines et des personnels est marqué par lapoursuite de la focalisation (voulue parC.Barrois) de la recherche sur les problèmesrégionaux et appliqués : le bassin houiller duNord-Pas-de-Calais et les ressources en eau.

Comme souvent, la collaboration entresciences pures et appliquées donne des résultatsthéoriques fondamentaux. P.Pruvost dégageainsi, en 1930, d'une façon lumineuse, les rela-tions entre " sédimentation et subsidence ", dans

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une note brève qui permet de comprendre lagenèse des accumulations sédimentaires for-mées dans des bassins peu profonds. La puis-sance explicative de cette induction géniale luipermet de révolutionner la géologie sédimentai-re et d'échapper aux foudres des géophysiciens,malgré l'absence, à cette époque, de modèlephysique explicatif.

S'appuyant sur une percée technique dansles méthodes d'observation des matières natu-relles opaques, A.Duparque pourra alors propo-ser un modèle définitif de la formation des vei-nes de houille et de leur accumulation au sein deséries sédimentaires très épaisses.

Ces résultats aboutissent, le 20 août 1931, àla création de l'Institut de la Houille dirigé à l'o-rigine par P.Pruvost, puis par A.Duparque etenfin par P. Corsin. Cet institut est structuré audépart en trois laboratoires : un laboratoire dechimie de la houille (rattaché à la chimie), unlaboratoire des roches combustibles, et un labo-ratoire de paléontologie et de paléobotaniquehouillère. Ces laboratoires seront installés maté-riellement en 1935.

L'importance financière de cet institut per-durera jusqu'à l'installation de l'Université desSciences et Technologies de Lille dans ses nou-veaux locaux à Villeneuve d'Ascq. Ce qui per-mettra aux laboratoires concernés d'acquérir unéquipement scientifique (microscopes et loupes

binoculaires Leitz, matériel de microphotogra-phie) et logistique (véhicule) que leur crédits defonctionnement n'auraient pas permis.

Outre ces travaux sur la houille, LouisDollé, influencé par J.Gosselet à l'origine, fondel'hydrogéologie lilloise, avec la première des-cription, en 1924, d'un aquifère dans la région deCambrai. A partir de 1925 et jusqu'en 1948,L.Dollé consacre tous ses travaux à l'hydrogéo-logie. Lors de son départ en retraite, la Facultédes Sciences recrute A.Bonte, assistant àBesançon, qui est nommé professeur sans chairele 01/01/1954 à la tête d'un laboratoire deGéologie appliquée, discipline nouvelle confor-tée par la création d'une chaire du même nom le01/04/1961.

En dehors de ces travaux focalisés sur lebassin houiller et les ressources en eau, GérardWaterlot reprend l'étude théorique de la structu-re du Massif de Rocroi. Il publie, en 1945, unereconstitution originale de l'évolution paléo-zoïque des Ardennes qui restera classiquedurant trois décennies.

Des assistants et maîtres de conférencesdébutent des travaux dans les chaînes alpines :Polvêche (Algérie), P.Celet (Grèce), inaugurantune diversification des thèmes et lieux derecherche qui va s'intensifier dans l'ère suivante.

L'ère des Héritiers (1960-1970)

Les années 1960 correspondent à uneseconde évolution buissonnante de la géologielilloise (fig.1). Durant cette phase, trois nouvel-les chaires sont crées : Géologie générale(C.Delattre), Géologie appliquée (A.Bonte),Géologie dynamique (P.Celet). Trois professeursà titre personnel sont nommés : Minéralogie(J.Prouvost), Géologie structurale (J.Dercourt),Géologie sédimentaire (P.Deleau).

Le nombre d'enseignants-chercheurs

atteint 8 pour les professeurs, et 12 pour lesassistants et maîtres-assistants. Le nombre de 8professeurs ne sera jamais dépassé ultérieure-ment. Cette croissance des effectifs d'ensei-gnants-chercheurs est manifestement la consé-quence d'une augmentation rapide du nombredes étudiants inscrits au certificat de Géologieou de Géologie générale (fig.2). Ce nombre tri-ple en quatre ans, passant de 42 (1955-1956) à144 (1958-1959) et culmine à 152 (1959-1960).

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Mais contrairement à la phase précédentede 1926, ce foisonnement s'accompagne d'unrenouvellement profond des thèmes et des lieuxde recherche. L'âge d'or de la géologie régionaleet houillère se termine, avec le déclin lent et irré-versible de l'exploitation du bassin houiller duNord-Pas-de Calais. Les recherches afférentesau charbon se concentrent dans les laboratoiresde Paléobotanique (P.Corsin, M.Danze, MmeP.Corsin, J.P.Laveine), et de Géologie générale(travaux de C.Delattre et d'E.Mériaux). La géolo-gie appliquée se focalise sur l'expertise enhydrogéologie avec P.Bonte et G. Waterlot.

Pour le reste les thèmes de recherche sedélocalisent et s'internationalisent dans lesPyrénées (M.Waterlot), dans les chaînes alpinesméditerranéennes : cordillères bétiques(J.Paquet), chaînes siciliennes (P.Broquet),Dinarides yougoslaves (J.Charvet, B.Waterlot),Dinarides helléniques (P.Celet, J.Dercourt,B.Clément, J.J.Fleury, F.Thiébault). P.Debrabantmène quant à lui des recherches de géochrono-logie et géochimie.

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Epilogue

Durant l'été 1966, les différents laboratoi-res de géologie déménagent des locaux de la rueGosselet à Lille dans les bâtiments de la futureUniversité des Sciences et Techniques de Lille.

Comblés par l'espace mis à leur disposi-tion, par la possibilité de compléter leurs équi-pements grâce aux crédits d'installation, ils nepeuvent imaginer qu'ils vont devoir bientôtaffronter deux révolutions : une révolution

socioprofessionnelle, conséquence des événe-ments de Mai 1968 et surtout une révolutionscientifique induite par la naissance du paradig-me de la " Tectonique des Plaques " en 1968, qui vabouleverser complètement la géologie etconduire à une explication globale de l'évolu-tion de notre planète.

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Le Doyen Gosselet (1832-1916)

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Jules Gosselet est né le 18 août 1832 àCambrai de l'union de deux familles (Gosselet etDollez) tenues en haute estime dans la grandefamille médicale du Nord, tant à Landreciesqu'à Cambrai, Lille et Tourcoing. Il passe sonenfance à Landrecies puis entre au lycée deDouai où il obtient le diplôme de bachelier.Poussé par son père, il s'inscrit comme étudianten pharmacie à Paris. Il devient élève-pharma-cien à Landrecies. Mais, jugé maladroit et dis-trait par son patron, il s'oriente, en 1852, versl'enseignement comme second professeur demathématiques dans le collège du Quesnoy. En1853, il affronte l'épreuve de la licence à Paris. Iléchoue à l'unanimité des suffrages du jury. Maisson troisième examinateur, C.Prévost, lui offrede demeurer auprès de lui comme préparateurdu cours de géologie. C'est ainsi qu'il entre à laSorbonne à 21 ans.

La chance de J.Gosselet est d'avoir bénéfi-

cié durant les sept années passées à la Sorbonnede l'enseignement de deux maîtres dont lecontraste devait lui profiter. Le premier,C.Prévost, (cofondateur de la SociétéGéologique de France avec A.Boué), est ouvert,libéral, sceptique ; il ne dédaigne pas d'appuyerses raisonnements sur des hypothèses. Lesecond, Ed.Hébert, est pondéré, quelque peudogmatique, réglé ; il ne voit de certitude quedans la réalité de faits géologiques strictementobservés et relevés. IL est permis de penser quele caractère original du talent de J.Gosselet s'estépanoui au contact de C.Prévost et que larigueur constante de ses observations et le soucide la précision de ses relevés sont des legsd'Ed.Hébert.

Le 19 janvier 1857, lors d'une séance de laSociété Géologique de France, il présente descoupes détaillées relevées dans les carrièresd'Etroeungt, près de Landrecies. Ces observa-tions montrent un passage progressif des ter-rains dévoniens et carbonifères, contredisant lesidées reçues de l'époque (dont cellesd'Ed.Hébert) qui postulaient des limites tran-chées, absolues, correspondant à des cataclys-mes. Gosselet fait beaucoup de bruit pour sesdébuts ; il est taxé de " révolutionnaire en géologie"par O.Halloy, maître incontesté de la géologierégionale à l'époque.

Poursuivant ses travaux durant troisannées encore, il présente, en 1860, sa thèseinaugurale sur " Les terrains primaires de laBelgique, des environs d'Avesnes et du Boulonnais "qui lui vaut le grade de Docteur es Sciences. Cediplôme lui ouvre la voie de l'EnseignementSupérieur, mais le règlement de l'époque exi-geait que l'on passât par l'EnseignementSecondaire avant d'entrer dans les Facultés.

A son grand regret, il quitte Paris et laSorbonne pour enseigner les Sciences physiqueset naturelles au lycée de Bordeaux. En 1864, ilest recruté par la Faculté des Sciences de Poitierscomme professeur suppléant d'HistoiresNaturelles. Quelques mois plus tard, le 21

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décembre 1864, il est nommé titulaire de la chai-re de Géologie et Minéralogie à la Faculté desSciences de Lille. Professeur à 32 ans, J.Gosseletvoyait ses rêves se réaliser.

Gosselet débute ses travaux de recherchespar l'étude des massifs anciens de l'Ardenne,reprenant les analyses de l'ingénieur belgeDumont. Il renouvelle profondément l'étude desterrains dévono-carbonifères ardennais grâce àune biostratigraphie judicieusement utilisée, enintroduisant de manière raisonnée le conceptd'évolution latérale des faciès au sein d'unmême bassin sédimentaire. Il change complète-ment la physionomie géologique des Ardennesen découvrant : la crête silurienne du Condroz,la distinction des bassins de Dinant et Namur, lechangement de faciès de certaines assises dévo-niennes du Nord au Sud dans le bassin deDinant, l'absence de sédiments dévoniens infé-rieurs dans le bassin de Namur, le dépôt simul-tané du Dévonien moyen, du Dévonien supé-rieur et du Carbonifère dans les deux bassinsjusqu'à la phase principale de déformation.

Il établit en outre la continuité géologiqueentre les massifs distincts du Boulonnais et del'Ardenne. Surtout, en 1880, il révolutionne lastructure du massif ardennais en montrant quele bassin houiller franco-belge est dissymétriquerenversé vers le Nord et que le massif del'Ardenne en chevauche le bord méridional sui-vant une surface faiblement inclinée : la grandefaille du Midi. Cette induction fondamentale,confortée par toutes les études ultérieures (son-dages miniers et pétroliers, prospections géo-physiques), a ouvert la voie au développementde la tectonique tangentielle dans les chaînesalpines. En effet, quatre années plus tard, enessayant simplement d'étendre aux Alpes l'ex-plication si simple et si rationnelle queJ.Gosselet avait donnée pour le Nord, MarcelBertrand réinterprète le " double pli " de Glaris enSuisse Centrale comme un grand chevauche-ment. L'aura de Marcel Bertrand est telle que lathéorie des charriages connaît un succès impres-sionnant.

L'Ardenne et son prolongement souter-rain, le bassin houiller, n'absorbent pas toute

l'activité scientifique de J.Gosselet. Dans sonœuvre on trouve de nombreuses études sur lesformations secondaires, tertiaires et quaternai-res du Nord de la France. Dans une synthèse,exécutée en partie pour le Service de la CarteGéologique de France, il décrit les transgres-sions et les régressions marines qui déterminentla nature et la répartition des sédiments de l'é-poque triasique à l'époque actuelle. Il insistesurtout sur les terrains d'âge crétacé supérieur. Ilest l'un des premiers, grâce à l'étude desphosphates de chaux associés à la craie, à propo-ser pour cette craie une aire de dépôt peu pro-fonde, très différente de celle des boues blan-ches des profondeurs océaniques.

Il est aussi l'un des premiers à soulignerl'importance des failles épicrétacées dans lemodelé des surfaces topographiques du Nordde la France.

De toute cette activité scientifique est néeune école géologique lilloise que les travaux deson créateur et de son élève favori C.Barrois fontconnaître dans toute la communauté géologiquede l'époque. La reconnaissance de ses pairs vautà J.Gosselet de nombreux honneurs : Officier dela Légion d'Honneur, Doyen de la Faculté desSciences de Lille de 1896 à 1902, correspondantde l'Institut, membre non résident del'Académie des Sciences de Paris, Président dela Société Géologique de France en 1894 (pre-mier professeur de province élu à ce poste),Président de la Société Géologique de Belgique,récipiendaire de la Croix de Léopold et membrede l'Académie Royale de Belgique.

Tous ces honneurs ne détournent pasJ.Gosselet des applications de la géologie. Il cul-tive la géologie appliquée de manière altruiste etpragmatique, voyant en elle une aide pour sonenseignement, un agent de propagande capabled'attirer des adeptes à la science pure.

Dans le domaine des applications indus-trielles il est considéré comme un bienfaiteur dela région Nord de la France en contribuant àmieux faire connaître la structure du bassinhouiller du Nord et en agrandissant le champpossible de son exploitation.

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Dans la seconde moitié du XIXème siècle, ilest l'un de ces grands géologues universitairesqui jettent en France les bases d'une hydrogéolo-gie scientifique et appliquée, comme en témoi-gne son ouvrage magistral intitulé : Leçons surles nappes aquifères du Nord de la France, 1886-1888 .

Cet éminent scientifique a une notion per-sonnelle de son devoir professionnel, tenantque, dans une chaire d'université, celui qui l'oc-cupe se doit tout entier à ses élèves, à son ensei-gnement et à la région où il professe. Lorsqu'ilarrive à Lille en 1864, la tâche qui s'offre à lui estimmense et rebutante. Fort heureusement lejeune professeur est un homme d'initiative, dedécision et de volonté, sachant discerner lestalents, décupler les énergies et susciter les voca-tions, regardant toujours du côté de l'avenir.L'installation de la chaire de géologie, nouvelle-ment crée, est rudimentaire : pas de laboratoire,pas de collection, pas de livres, pas de créditssuffisants, pas de préparateurs. J.Gosselet saitsuppléer à tout par ses propres ressources. Sonlaboratoire devient peu à peu un foyer très actif;il attire des élèves, se plaisant à encourager leurstendances à s'éloigner des sentiers battus et àdévelopper leur esprit d'initiative. C'est ainsique, formé à son école, L.Cayeux contribue audéveloppement d'une nouvelle discipline : lapétrographie sédimentaire.

Des collections s'ébauchent grâce à uneactivité sans pareil sur le terrain. Sobre, mar-cheur infatigable, collectionneur insatiable, ilremplit sacs et poches d'échantillons, mettantses préparateurs à rude épreuve. De ce labeur,J.Gosselet fait sortir une collection régionale trèscomplète, enrichie par les dons qu'il sait attirer(collections Decok, Debray, Horion, Crespel,Piérart), et qui intéresse même des chercheursétrangers. Malgré l'offre d'achat du directeurd'un grand musée d'un pays voisin, J.Gosseletfait don de sa collection à la ville de Lille et à sonuniversité, créant le Musée Géologique Régional

qui porte son nom.

Conscient de l'importance de la vulgarisa-tion des travaux géologiques régionaux,J.Gosselet crée, en 1870, la Société Géologiquedu Nord, dernière société géologique régionaleencore en activité après 140 ans d'existence, prèsde mille membres depuis sa création et 100 000pages imprimées sous forme de mémoires, d'an-nales et de publications. J.Gosselet profite decette opportunité pour doter son laboratoired'une bibliothèque enviable à l'époque grâceaux échanges de publications de la jeune sociétécontre des revues spécialisées de géologie.

En 1902, Jules Gosselet a accompli sa tâcheet brillamment réalisé l'idéal de sa jeunesse. ILdébute alors une retraite active auprès de sonélève préféré Charles Barrois, " et l'on put voir cetouchant spectacle, qui est tout à l'honneur des deuxhommes: le nouveau titulaire s'ingéniant à donnerl'illusion à l'ancien que rien n'était changé et le maî-tre s'appliquant à éviter tout empiètement sur l'auto-rité de l'élève ".

La fin de vie de Jules Gosselet est boule-versée, à partir de l'automne 1914, par l'occupa-tion allemande. Il continue néanmoins à fré-quenter la Faculté des Sciences et son musée.Dans la nuit du mardi 10 au mercredi 11 janvier1916, à trois heures trente du matin, l'explosiond'un dépôt de munitions (dit des " Dix-huitPonts "), situé sur le boulevard de Belfort, entreles portes de Douai et de Valenciennes, à envi-ron 400 mètres de la gare Saint-Sauveur, détruiten partie le musée. Ne voulant ni remettre à unepériode plus clémente, ni confier à aucun autrele sauvetage de ce bien patrimonial, JulesGosselet tente de l'organiser au plus tôt, jus-qu'au moment où, glacé et souffrant, il contractela maladie dont il meurt à 84 ans.

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Charles Barrois est l'un des premiers élèvesde Jules Gosselet. Né en 1851 dans l'une desgrandes familles industrielles du Nord, il n'op-te pas pour les affaires, mais choisit délibéré-ment, à l'âge de vingt ans, la recherche scienti-fique et une carrière universitaire. EN 1871, larencontre de J.Gosselet l'oriente vers cette écolegéologique lilloise que ce dernier venait de fon-der.

Audacieux, il débute ses recherches ens'expatriant dans le pays voisin où est née lagéologie chronologique : la Grande-Bretagne. Ilen revient avec une thèse brillante : " Les terrainscrétacés de l'Angleterre et de l'Irlande ", qui luiassure, dès l'âge de 25 ans, une notoriété certai-ne et durable. Il continue durant sa carrière ceteffort d'expatriation en travaillant en Espagne(Asturies, Galice, Andalousie), aux Etats-Unis,au Canada, en Europe centrale, en Russie et enSuède. Ce cosmopolitisme explique le nombred'académies qui lui ont ouvert leurs portes :

Société Royale de Londres, Académie desSciences de New-York, de Madrid, AcadémieRoyale de Belgique.

Mais c'est en Bretagne, pour le service dela Carte Géologique de France, qu'il réalise sestravaux les plus considérables par leur nombreet leur portée. Cependant, estimant commeJ.Gosselet que l'activité scientifique lilloise avaitle devoir de collaborer au développement éco-nomique de la région Nord, il choisit d'offrirdurablement ses services et ceux de ses élèvesaux ingénieurs et techniciens qui exploitent lebassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais.Dans ce but il fonde, en 1908, le Musée Houillerde l'Université de Lille.

A la fin de sa carrière, il a participé aurenouvellement des connaissances sur la struc-ture complexe de ce bassin houiller. Il accomplitle même travail fécond sur les gisements lor-rains redevenus français après 1918. Cet enraci-nement, thématique et régional, va caractériserla recherche géologique lilloise durant l'entre-deux guerres avec les travaux de ses élèves :P.Pruvost, A.Duparque et L.Dollé.

L'œuvre géologique de C.Barrois est trèsimportante, tant du point de vue régional quenational. Elle contribue largement à la renom-mée de la géologie lilloise. Elle explique leshommages que C.Barrois reçoit de ses pairs :Chevalier de la Légion d'Honneur à 37 ans,Président de la Société Géologique de France,membre de l'Académie des Sciences en 1904,Président de la section de Minéralogie en 1927.En 1900, C.Barrois est désigné SecrétaireGénéral du Congrès Géologique International,organisé à Paris.

Lorsqu'il prend sa retraite, en 1926,Charles Barrois a la chance d'assister à la pre-mière évolution buissonnante de la géologieuniversitaire lilloise. Mais le sort voudra, qu'à 23ans de distance, il meure dans un pays en pleinetourmente, à la veille d'une nouvelle occupationpar les forces allemandes. Le destin des deuxpères fondateurs de la géologie lilloise ne pou-vait être davantage lié.

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Charles Barrois (1851-1939)

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Né dans une famille de médecins, PierrePruvost commence des études de médecinemais opte rapidement pour la géologie. Aprèsl'obtention de la Licence es Sciences en 1910, ilest recruté comme assistant (préparateur à l'é-poque) par Charles Barrois, puis devient Maîtrede conférences en 1919.

Suivant la démarche thématique et régio-nale de son maître C.Barrois, il s'attache tout d'a-bord à l'étude de la géologie du Nord de laFrance. Son travail de thèse de doctorat (1919) apour objet les faunes continentales des terrainshouillers du Nord-Pas-de-Calais, travail qu'ilprolonge dans le bassin houiller belge en 1930.Formant équipe avec C.Barrois et le paléobota-niste Paul Bertrand, il participe à l'étude strati-graphique et structurale du bassin houiller duNord-Pas-de-Calais et à l'établissement de plu-sieurs cartes géologiques. Forts de l'expérienceacquise, Pierre Pruvost et Paul Bertrand entre-prennent ensuite le même travail dans le bassinde la Sarre.

En 1930, grâce à la minutie de ses recher-ches dans ces deux bassins, P.Pruvost dégage,dans une note brève et lumineuse, le concept desubsidence. Ce dernier permet de comprendrela superposition sur des centaines de mètres desédiments qui, à l'évidence, se sont tous déposéssous une faible, voire très faible, profondeurd'eau. Ce concept fondamental est décrit commel'enfoncement progressif, régulier ou saccadé,pendant une très longue période, du fond d'unbassin sédimentaire. Il est un très bel exemplede l'importance du raisonnement inductif enSciences de la Terre. Cette notion a permis decomprendre et de décrire scientifiquement lagenèse et l'évolution des bassins sédimentairessans attendre de disposer du mécanisme phy-sique induisant ces phénomènes.

Dans cette période très féconde de recher-ches fondamentales, n'oubliant pas les considé-rations régionales et appliquées, P.Pruvost parti-cipe à la création (20 août 1931) de l'Institut de laHouille au sein de la Faculté des Sciences et endevient le premier directeur. Cet institut rassem-ble trois laboratoires dont l'installation matériel-le sera effective en 1935 : un laboratoire de chi-mie de la houille, un laboratoire de pétrographiedes roches combustibles et un laboratoire depaléontologie et de paléobotanique houillère.

Resté à son poste durant la seconde guerremondiale, Pierre Pruvost devient doyen de laFaculté des Sciences de 1946 à 1950. Sa notoriétéscientifique lui vaut l'honneur d'être élu àl'Académie des Sciences de Paris en 1947 et d'ê-tre nommé dans la chaire de géologie de laSorbonne à partir du 1er octobre 1950. Il y mèneune carrière brillante durant laquelle il remetses pas dans ceux de son maître reprenant l'étu-de, dans le Massif Armoricain du Brioverien etdes massifs granitiques de Pontivy et deRostrenen.

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Pierre Pruvost (1890-1967)

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André Duparque est né le 11 octobre 1892.Son père étant greffier-audiencier au tribunal deLille, il commence des études de droit avant lapremière guerre mondiale. Mais, en 1920, ayantachevé sa Licence es Sciences Naturelles, il estrecruté comme préparateur par Charles Barrois.En 1926 il devient assistant.

Sa carrière illustre l'importance des pro-grès des techniques d'analyse dans le domainescientifique. Depuis 1887 on distinguait quatretypes de lits de houille d'après leur éclat mat oubrillant : fusain, clairain, durain et vitrain. Maisles méthodes habituelles de la pétrographie n'é-taient alors d'aucune utilité devant l'opacité decette roche examinée en lames minces partransparence. Faute d'informations indiscuta-bles sur la nature, l'origine et la structure de sesconstituants, les hypothèses autochtonistes etallochtonistes s'affrontaient de manière stérile.

Or, depuis une dizaine d'années, existait unenouvelle technique microscopique permettantprécisément d'étudier les corps opaques métal-liques en lumière réfléchie par leur surface pré-alablement polie.

Charles Barrois, conscient de l'intérêt decette méthode, acquiert le matériel métallogra-phique nécessaire et oriente les recherches dujeune André Duparque dans cette direction.D'autres chercheurs ont déjà tenté la mêmedémarche mais se sont heurtés à un sérieux obs-tacle car le charbon ne se laisse pas polir commeun métal. Le grand mérite d'A.Duparque sera derésoudre toutes les difficultés grâce à uneméthode dite " d'auto-usure sélective ".

Fort de cette percée analytique,A.Duparque peut alors observer et décrire lesstructures authentiques des charbons et propo-

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André Duparque (1892-1960)

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ser un modèle explicatif de leur genèse. Dans cemodèle chaque couche de houille est le résultatde deux phases. La première phase voit le déve-loppement d'une forêt autochtone dont les solsde végétations fossiles témoignent de son exis-tence en bordure d'une lagune. Puis cette forêtest détruite par inondation consécutivement àl'affaissement de son sous-sol. Les débris végé-taux provenant de la destruction de la forêt sontdispersés sur toute l'étendue de la lagune et enparticulier là où prospérait auparavant la végé-tation forestière. Chaque couche de houille jux-tapose par conséquent latéralement une accu-mulation de débris sur l'ancien sol forestier(dépôt autochtone) et une accumulation dedébris déplacés et dispersés sur le fond de lalagune précédant l'inondation (dépôt allochto-ne).

Chaque couche de houille étant le résultatde cette double opération, l'accumulation denombreuses veines de houille implique unenfoncement lent, saccadé, mais régulier dusous-sol du futur bassin houiller. C'est cetteimplication qui amènera P.Pruvost à proposer leconcept de subsidence.

Dans le même temps, analysant les débrisvégétaux, A.Duparque distingue deux types de

charbons fossiles : les houilles ligno-cellulo-siques formées de débris de bois et de scléren-chyme (houille à coke) et les houilles de cutineformées de débris de feuilles et de spores(houille flambante). De sorte que A.Duparquefait d'une pierre deux coups en fournissant auxscientifiques un modèle de la genèse des cou-ches de houille et aux techniciens des applica-tions de la pétrographie à la mise en valeur descharbons et à leur exploitation raisonnée.

Fort de la reconnaissance de nombreuxscientifiques et industriels, la carrière d'AndréDuparque s'accomplit entièrement à l'Universitéde Lille où il est nommé professeur à titre per-sonnel en 1937, puis titulaire de la chaire deGéologie et Minéralogie et directeur de l'Institutde la Houille en 1950.

Cette carrière lilloise est interrompue parl'occupation allemande de 1940 à 1944, AndréDuparque se repliant dans le département de laDordogne. Cet exil pénible le marque profondé-ment et altère sa santé. Il reprend ses fonctionsen mars 1945. Malgré la maladie, il continue jus-qu'au bout sa mission de professeur et meurt en1960.

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Louis Dollé est né le 10 décembre 1878 àNiergnies (Nord) dans une famille installéedans cette région depuis des générations. Eneffet, par ses ascendants, on peut remonter jus-qu'à Jacques-Etienne Dollé, Maître des Eaux etForêts de la région de Laon sous Louis XIV. Cetancêtre de Louis Dollé eut à résoudre, entreautres, de graves problèmes d'écoulement deseaux dans la région de Bohain. La vocation de L.Dollé pour l'hydrologie a donc un enracine-ment indiscutable dans le passé.

L.Dollé commence pourtant sa formationpar des études de médecine avant de s'orientervers la géologie. Cette formation initiale a sonimportance car elle le prédispose à associer dansle futur hydrogéologie et hygiène.

Licencié es Sciences en 1902, il est recrutécomme aide-préparateur en Géologie etMinéralogie par Charles Barrois qui vient de

succéder à Jules Gosselet. Continuant à fréquen-ter assidûment le laboratoire de géologie, ce der-nier va orienter la carrière de L.Dollé vers l'étu-de pétrographique de la craie et surtout vers leseaux souterraines qui sont pour J.Gosselet unsujet d'études de grand avenir. Ainsi va voir lejour, à la Faculté des Sciences de Lille, cette dis-cipline particulièrement féconde, l'hydrogéolo-gie, grâce à l'intuition du père fondateur de lagéologie lilloise.

Durant toute sa carrière, Louis Dollé saitrépondre à l'attente de son mentor. Il s'intéressetout d'abord à la pétrographie et à la stratigra-phie de la craie. Puis il focalise ses recherchessur le réservoir d'eau que constitue cette assise,n'oubliant aucun aspect du problème, en parti-culier celui de l'hygiène publique.

Ses recherches, d'un caractère nouveau,entreprises dès 1912, sont interrompues par laPremière Guerre Mondiale et reprises en 1919après sa démobilisation. Elles aboutissent finale-ment, en 1924, à la première description mono-graphique d'un réseau aquifère intitulée : "Etudesur les eaux souterraines de la région de Cambrai ".L'hydrogéologie lilloise vient de naître, mais ilfaudra attendre la création de la chaired'Hydrogéologie en 1937 pour voir la reconnais-sance officielle de cette nouvelle discipline. Sonessor depuis cette date et son intérêt à toutes leséchelles (régionale, nationale et mondiale)témoignent de la clairvoyance de J.Gosselet etde la valeur de son disciple.

A partir de 1925, L.Dollé consacre tous sestravaux à l'hydrogéologie qu'il professe jusqu'en1948, comme professeur sans chaire à partir de1927, puis professeur de chaire à partir de 1937.

Dans la première monographie régionaleconsacrée à un aquifère, L.Dollé en décrit l'ori-gine et l'évolution. Il fait remarquer que l'ali-mentation de ce réservoir se fait essentiellementdans les régions crayeuses par infiltration direc-te des eaux pluviales. Il en déduit que la qualité

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Louis Dollé (1878-1965)

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des eaux souterraines peut, par conséquent, êtrefortement influencée par des processus superfi-ciels et en particulier l'activité humaine (épanda-ges, faux puits, etc…).Cette mise en évidence del'influence de la surface du sol sur l'hygiène deseaux souterraines permet d'expliquer et de pré-venir les épidémies d'origine hydrique dans lesrégions de la craie.

L.Dollé devient membre de nombreuxconseils d'hygiène départementale et provoquela mise au point de nouveaux règlements admi-nistratifs traitant de la protection des aquifères,de la création des cimetières et des lotissements.Les rapports de L.Dollé avec les hygiénistes etles médecins sont nombreux. Il travaille long-temps avec l'Institut Pasteur pour d'innombra-

bles analyses permettant d'apprécier la qualitédes eaux souterraines.

Malgré l'intérêt qu'il porte à sa spécialité,Louis Dollé ne néglige pas les autres disciplinesde la géologie. Il procède à des recherches strati-graphiques et paléontologiques (faunes desgraptolites du Maroc et d'Espagne) et participeaux levers de plusieurs cartes géologiques.

Ainsi en 1965, disparaît un universitairequi a pratiqué une interdisciplinarité fécondeentre Sciences de la Terre et Génie Civil et qui amontré, il y a près d'un siècle, l'importance despratiques humaines sur la gestion des ressour-ces en eau.

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Paul Bertrand est le fils de Charles-Edouard Bertrand, fondateur de la paléobota-nique à la faculté des Sciences de Lille, dans lecadre de la chaire de Botanique crée en1878 (cf.Histoire de la botanique).

Recruté comme préparateur au MuséeHouiller de Lille en 1907, Paul Bertrand devientMaître de Conférences en 1910. Mobilisé en1914, il est nommé à son retour, en 1919, profes-seur dans la chaire de Botanique appliquée quisera, en 1926, transformée en chaire dePaléobotanique. Il occupe ce poste jusqu'en1938, année où il est nommé dans la chaired'Anatomie comparée des plantes fossiles auMuséum d'Histoires Naturelles de Paris. Ilmeurt à Paris le 24 février 1944 des suites d'unecourte maladie aggravée par les privations.

L'essentiel de ses travaux publiés l'a étédurant son activité lilloise. Ses contributions lesplus importantes se répartissent en deux grou-pes.

Le premier concerne la stratigraphie duCarbonifère en Europe et en Amérique, fondéesur ses études des paléoflores carbonifères desterrains houillers du bassin franco-belge. PaulBertrand montre qu'il est possible de décrire etde définir des unités chronostratigraphiquesdans le Carbonifère grâce à la succession d'asso-ciations paléofloristiques.

Le second correspond à des monographiesde grande qualité sur des genres de ptérido-spermes : Aléthoptéris, Marioptéris etNeuroptéris.

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Paul Bertrand (1879-1944)

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Paul Corsinnaît le 12 Mai 1904 àSologny en Bour-gogne, près du villa-ge de Milly oùnaquit Lamartine, encette même Bour-gogne où avait vu lejour le Doyen Maige.

Nanti du bac-calauréat, PaulCorsin est recruté enqualité de répétiteuraux collèges deBoulogne et deBéthune, puis aulycée de Douai de1921 à 1926. Cesfonctions lui permet-

tent de poursuivre des études supérieures à laFaculté des Sciences de Lille, où il obtient lalicence en 1926.

Distingué dès 1925 par C.Barrois, P.Corsinest recruté en 1926 comme aide-préparateur enMinéralogie. Mais, attiré par l'enseignement etles travaux de P.Bertrand, il est nommé en 1927assistant de Paléobotanique, discipline qui vientd'être créée en remplacement de la Botaniqueappliquée. Pour pallier le départ, en 1938, deP.Bertrand au Muséum National d'HistoiresNaturelles, P.Corsin est nommé, le 1 novembre1939, Maître de Conférences de Paléontologiehouillère et chef du service de Paléobotanique àl'Institut de la Houille.

Il est nommé Professeur sans chaire à par-tir du 1 juillet 1944, puis Professeur titulaire dela chaire de Paléobotanique à partir du 1 octob-re 1947, poste qu'il occupera jusqu'à son départen retraite. En 1961, il est nommé Directeur del'Institut de la Houille.

Dès 1926, P.Corsin a entrepris des étudesde paléontologie et surtout de paléobotanique.Ces travaux concernent :1-l'anatomie comparée des plantes fossiles d'âgecarbonifère ;2-la paléobotanique descriptive et systématique;

3-la paléobotanique stratigraphique.

Ses recherches d'anatomie comparéeconcernent un groupe de fougères : les invertisé-cales. Ils aboutissent à sa thèse de Doctorat esSciences, mémoire qui améliore considérable-ment les connaissances sur la structure des fou-gères permo-carbonifères et sur la phylogéniedes fougères anciennes. En ce qui concerne lapaléobotanique descriptive et systématique,P.Corsin a publié de nombreux mémoires dont :"Les Marioptérides de la Sarre et de la Lorraine", "Les espèces guides du terrain houiller du Nord de laFrance ", et un mémoire sur " Les algues del'Eodévonien de Vimy ". Dans le domaine de lapaléobotanique stratigraphique, P.Corsin a,dans de nombreuses notes et plusieurs mémoi-res, permis d'élucider maints problèmes intéres-sant la structure du bassin houiller du Nord etdu Pas-de-Calais.

La qualité de ses travaux valut à P.Corsinla reconnaissance de l'Institut, l'Académie desSciences lui ayant attribué en 1935, conjointe-ment à P.Bertrand, P.Pruvost et G.Waterlot, lePrix H.Wilde. En 1945 il reçoit le Prix Coincy.P.Corsin devient correspondant de l'Académiedes Sciences en 1958.

Au-delà de son œuvre scientifique,P.Corsin se distingua par son courage et sonpatriotisme durant la seconde guerre mondiale.Il fit partie de l'organisation franco-anglaise ducapitaine Michel. Pour l'aide apportée aux avia-teurs et aux soldats évadés alliés, il reçut undiplôme d'honneur décerné par le BritishCommonwealth et un diplôme de gratitude dugouvernement des Etats-Unis. Le 19 juillet 1948,la médaille de la Libération commémorant laguerre 1939-1945 lui fut attribuée.

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Paul Corsin (1904-1983)

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Gérard Waterlot naît à Pont à Vendin, peti-te cité minière du Pas-de-Calais, le14 octobre1904. D'abord élève à l'Ecole Normale de Douai,il obtient ensuite brillamment la Licence esSciences Naturelles à la Faculté des Sciences deLille. Il y rencontre Charles Barrois et PierrePruvost ; ce dernier le recrute comme assistanten 1929. Il effectue toute sa carrière à Lillecomme Maître de Conférences à partir de 1947,puis comme Professeur titulaire de la chaire his-toriquement la plus prisée de Géologie etMinéralogie à partir de 1960.

Lors de ses premières recherches,G.Waterlot aborde des problèmes de paléontolo-gie et stratigraphie houillère. Il participe, sous ladirection de P.Pruvost, à l'étude collective desterrains houillers sarro-lorrains. Il reprendensuite l'examen des Productidés houillers, etmontre que les espèces à ornements pustuleux,qui ont une évolution rapide, peuvent être utili-sées comme marqueurs bio-stratigraphiques. Il

consacre ensuite un important mémoire auxgraptolites des terrains siluriens du Maroc.

Mais, comme J.Gosselet, C.Barrois etP.Pruvost, G.Waterlot considère la paléontologiecomme un instrument au service de la stratigra-phie et de la géologie structurale. C'est pourquoiil va se lancer sur les traces du maître tutélairede la géologie lilloise et reconsidérer le problè-me de la structure du Massif de Rocroi et l'his-toire paléozoïque de l'Ardenne. Après une ana-lyse de terrain détaillée, il élucide en 1937 lastructure du Massif de Rocroi. Puis, poursuivantl'exploitation des nombreux documents accu-mulés, il profite de son immobilisation forcéedurant l'occupation allemande de 1940 à 1944pour élaborer et publier, en 1945, une synthèseremarquable sur l'évolution de l'Ardenne auxcours des différentes phases orogéniques calé-doniennes puis hercyniennes. Cette reconstitu-tion est restée classique jusqu'au réexamen desfaits à la lumière du paradigme de la tectoniquedes plaques.

Spécialiste incontesté du Paléozoïque del'Ardenne et du Nord de la France, G.Waterlot, àl'instar de Jules Gosselet, élargit le champ de sespréoccupations aux problèmes de l'hydrogéolo-gie et de la gestion des ressources en eaux pota-bles. Après le départ de Louis Dollé, il est char-gé officiellement de la direction du laboratoired'Hydrogéologie et, comme lui, il collaboreavec les techniciens de l'eau. Il effectue pour leBRGM de très nombreuses expertises concer-nant, par exemple, les ressources hydrogéolo-giques du Nord de la France ou le chimisme deseaux de l'aquifère carbonifère de la métropoleLille-Roubaix-Tourcoing.

Gérard Waterlot quitte l'Université de Lilleen 1971. Son état de santé précaire le tiendra,malheureusement, éloigné de la vie universitai-re jusqu'à sa mort le 24 avril 1982.

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G.Waterlot (1904-1982)

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Bibliographie

BARROIS Charles. Notice biographique (Nb) par Pierre Pruvot. ImprimerieL. Danel. Lille. 1939

BERTRAND Charles-Eugène. (Nb). F. Morvillez. Imp. Delesques, Caen. 1917.

BERTRAND Paul. Reprinted from " Nature ", vol.155, P. 419. 1945

DOLLE Louis. (Nb). A. Bonte. A.S.G.N. * T. LXXXVI. 1966

DOUXAMI Henri. (Nb). Ch. Barrois. A.S.G.N. T. XLII. 1913

DUPARQUE André. (Nb). Charles Delattre et Pierre Pruvost. A.S.G.N. T.LXXXVI. 1966

GOSSELET Jules. Cinquantenaire Scientifique, 30 novembre 1902. Imp.Liègeois-Six. Lille

GOSSELET Jules. Vie et œuvre par Ch. Barrois. 1920. Imp. Centrale du Nord.Lille

GOSSELET Jules. (Nb). M.L. Cayeux. Revue générale des Sciences. DoinEditeurs. 1916

PREVOST Constant. A.S.G.N. T. XXV. 1856

PRUVOST Pierre. (Nb). Paul Fourmarier. C.R. des Séances, SPHN, Genève, vol.3, p. 13. 1968

WATERLOT Gérard. (Nb). Charles Delattre. A.S.G.N. T. T. CI. 1982

*(A.S.G.N. : Annales de la Société Géologique du Nord de la France)

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