tome second

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N ° 1717 _________ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 2004. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA MISSION D’INFORMATION (1) SUR LA SÉCURITÉ DU TRANSPORT AÉRIEN DE VOYAGEURS Présidente Mme Odile SAUGUES, Rapporteur M. François-Michel GONNOT, Députés. —— TOME II AUDITIONS (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

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  • N 1717 _________

    ASSEMBLE NATIONALE

    CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    DOUZIME LGISLATURE

    enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le 7 juillet 2004.

    RAPPORT

    FAIT

    AU NOM DE LA MISSION DINFORMATION (1)

    SUR LA SCURIT DU TRANSPORT ARIEN DE VOYAGEURS

    Prsidente Mme Odile SAUGUES,

    Rapporteur

    M. Franois-Michel GONNOT,

    Dputs.

    TOME II

    AUDITIONS

    (1) La composition de cette commission figure au verso de la prsente page.

  • La mission dinformation sur la scurit du transport arien de voyageurs, est compose de : Mme Odile SAUGUES, Prsidente ; MM. Charles de COURSON, Michel HERBILLON, Vice-prsidents ; MM. Jacques BRUNHES, Alain GOURIOU, Secrtaires ; M. Franois-Michel GONNOT, Rapporteur ; MM. Claude BARTOLONE, Jean-Louis BERNARD, Jean-Pierre BLAZY, Ghislain BRAY, Jean-Louis CHRIST, Marcel DEHOUX, Francis DELATTRE, Jacques DESALLANGRE, Jean-Jacques DESCAMPS, ric DIARD, Mme Nathalie GAUTIER, MM. Michel HUNAULT, Christian JEANJEAN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Bruno LE ROUX, Christian MNARD, Robert PANDRAUD, Christian PHILIP, ric RAOULT, Marc REYMANN, Jean-Marc ROUBAUD, Franois SCELLIER, Frdric SOULIER, Grard VIGNOBLE.

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    TOME SECOND

    SOMMAIRE DES AUDITIONS

    Les auditions sont prsentes dans lordre chronologique des sances tenues par la Commission.

    Audition conjointe de M. Jrme BANSARD, de M. Franck CHATELARD, Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), et de M. Edmond SUCHET, expert en rglementation arienne (sance du 11 fvrier 2004) ........................................7

    Audition conjointe de M. Michel WACHENHEIM, Direction gnrale de laviation civile (DGAC) et de M. Maxime COFFIN, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) de la DGAC (sance du 11 fvrier 2004) .......................................................................................................................27

    Audition de M. Gilles MEYNARD, Air Partner (sance du 25 fvrier 2004)...................41

    Audition de M. Robert DARFEUILLE, Syndicat national des agences de voyage (SNAV) (sance du 25 fvrier 2004).................................................................................57

    Audition de M. Paul-Louis ARSLANIAN, Bureau denqutes et danalyses (BEA) (sance du 2 mars 2004) ........................................................................................71

    Audition de M. Bruno FARENIAUX, directeur du Tourisme (sance du 2 mars 2004)...................................................................................................................................91

    Audition de M. Christophe LABB, journaliste (sance du 10 mars 2004) .....................103

    Audition de M. Marc DEBY, Conseil national des clients ariens (CNCA) (sance du 10 mars 2004) ...................................................................................................115

    Table ronde regroupant des voyagistes compose de M. Ren-Marc CHIKLI, CETO, M. Georges COLSON, FRAM, M. Bruno GALLOIS, Marsans, M. Herv PIERRET, Nouvelles frontires, M. Jean-Franois RIAL, Voyageurs du monde, M. Richard VAINOPOULOS, TourCom (sance du 16 mars 2004) ................................129

    Table ronde sur la scurit dans la construction des aronefs regroupant M. Rmi JOUTY, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) et Mme Florence LEBLOND, Groupement de la scurit de laviation civile (GSAC) la DGAC, M. Bernard CATTEEUW et M. Claude SCHMITT, Airbus Industrie, M. Jacques RENVIER, Snecma Moteurs, M. Gilles GARROUSTE, Dassault Aviation, M. Patrick LEPERCQ et M. Jean COURATIER, Michelin, M. Francis TRUCHETET et M. Jrme BANSARD, SNPL, M. Roger SIMON, Agence europenne de scurit arienne (AESA), M. Raymond AUFFRAY, expert auprs de la Cour de Cassation (sance du 31 mars 2004) .....................................155

    Table ronde sur la scurit dans lexploitation des aronefs regroupant Mme Genevive MOLINIER et M. Jean TEILLET, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) la DGAC, M. Laurent BARTHLMY et M. Bertrand de COURVILLE, Air France, M. Jrme BANSARD et M. Francis TRUCHETET, Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), M. Georges REBENDER, JAA (Joint aviation authorities) (sance du 7 avril 2004) .......................................................................................................................185

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    Table ronde regroupant des reprsentants des compagnies ariennes et des pilotes compose de M. Lionel GURIN et M. Michel DUCAMP, Fdration nationale de laviation marchande (FNAM), M. Pierre CAUSSADE, Air France, M. Philippe PILLOUD et Mme Marie BOYER, easyJet, M. Jrme BANSARD, Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), M. Serge MARTINEZ, Star Airline, M. Claude GUIBERT, expert judiciaire, M. Bruno DEHAIS, Air France, M. Yves ROGER, Syndicat national du personnel navigant de laviation civile (SNPNAC) (sance du 13 avril 2004) ...............................................................................221

    Table ronde sur les conditions de travail regroupant : M. Stphane DEHARVENGT, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) la DGAC, Mme Dominique MARCHANT, division travail/emploi de la DGAC, M. Jean-Claude BCK, commandant de bord, M. Ren AMALBERTI, Institut de mdecine arospatiale du service de sant des armes (IMASSA), M. Jan-Lou MIRIAL et Mme Martine LACOSTE, Air France, M. Jrme BANSARD et M. Thierry LE FLOCH, Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), M. Claude ROHMAN et M. Yves ROGER, Syndicat national du personnel navigant de laviation civile (SNPNAC), M. Jean PARIS, expert, M. Rgis MOLLARD, professeur luniversit de Paris V (sance du 14 avril 2004)...................................................................................................................................257

    Table ronde sur la scurit dans la maintenance des aronefs regroupant : M. Claude LABB et M. Paul MASTANTUONO, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) de la DGAC, M. Philippe MUZELLE, Air France Industrie, M. Christian SASSO, Dassault Falcon Service (Europe), M. Jrme BANSARD et M. Jean Michel BIDOT, Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), M. Sylvain SIMONNEAU et M. Jean-Luc JEANGEORGES, Syndicat national des mcaniciens au sol de laviation civile (SNMSAC), M. Paul LABRUNIE, Union syndicale des personnels navigants techniques (USPNT), M. Eric SIVEL, Agence europenne de scurit arienne (AESA), M. Georges REBENDER, JAA, M. Raymond AUFFRAY, expert auprs de la Cour de Cassation (sance du 14 avril 2004) ................................................287

    Table ronde sur les facteurs humains (formation, travail en quipage) regroupant M. Didier GUY, Ecole de pilotage d'Amaury la Grange (EPAG), M. Denis APVRILLE, Service d'exploitation de la formation aronautique (SEFA), M. Jean-Franois BUFFAT, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) de la DGAC, M. Jean-Pierre HLIOT, prsident de jury des examens du personnel navigant, M. Roger LOISEL, M. Bernard CHEGNION et M. Jean-Franois CRUCIS, Air France, M. Serge MARTINEZ, Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), M. Grard PIC et M. Jean-Pierre TRIMAILLE, Syndicat national des industriels et professionnels de l'aviation gnrale (SNIPAG), M. Philippe RAFFIN, Syndicat des pilotes de l'aviation civile (SPAC), M. Pierre BAUD, ancien responsable de Airbus training, M. Jean BARIL, JAA (sance du 27 avril 2004) ............................................................................315

    Table ronde sur la scurit dans le contrle du trafic arien regroupant M. Gilles MANTOUX, direction de la navigation arienne (DNA) la DGAC et M. Olivier JOUANS, service du contrle du trafic arien (SCTA) la DGAC, M. Frdric RICO, Aroports de Paris (ADP), M. Yann GOUPIL et M. Grald RGNIAUD, Syndicat national des contrleurs du trafic arien (SNTCA), M. Daniel JOUSSE, Union syndicale de laviation civile (USAC-CGT), M. Jean-Pierre HESTIN, direction de la circulation arienne militaire (DIRCAM), M. Vincent FAV, expert auprs de la Cour de Cassation, Mme Martine BLAIZE, M. Jean-Robert BAUCHET et M. Erik MERCKX, Eurocontrol, M. Koen De VOS et le gnral Franois RIVET, direction du transport arien de la Commission europenne (sance du 28 avril 2004) ...................................................................................................349

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    Table ronde sur le retour dexprience regroupant M. Pascal SNARD et M. Guillaume ADAM, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) de la DGAC, M. Pierre JOUNIAUX, Bureau denqutes et danalyses pour la scurit de laviation civile (BEA), M. Olivier JOUANS, Service du contrle du trafic arien (SCTA), M. Bertrand de COURVILLE, Air France, M. Christophe BAILLY, Corsair, M. Jrme BANSARD et M. Thierry LE FLOCH, Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), M. Franois GRANGIER, expert judiciaire, M. Claude GUIBERT, expert judiciaire, Matre Catherine HENNEQUIN, avocate, M. Nicolas LOUKAKOS, spcialiste du droit de laronautique, (sance du 4 mai 2004) ........................................................................387

    Audition conjointe de M. Gilles de ROBIEN, ministre de lquipement, des transports, de lamnagement du territoire, du tourisme et de la mer, accompagn de M. Lon BERTRAND, ministre dlgu au tourisme et de M. Franois GOULARD, secrtaire dEtat aux transports et la mer (sance du mardi 8 juin 2004)...................................................................................................................................425

    GLOSSAIRE ......................................................................................................................447

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    Audition conjointe de M. Jrme BANSARD, de M. Franck CHATELARD, Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL),

    et de M. Edmond SUCHET, expert en rglementation arienne

    (Extrait du procs-verbal de la sance du 11 fvrier 2004) Prsidence de Mme Odile SAUGUES, Prsidente

    Mme la Prsidente : La mission a souhait vous entendre parce quen tant que pilotes vous tes en premire place pour apporter beaucoup de rponses nos questionnements sur la scurit dans le transport arien. Aprs votre expos liminaire, nous vous poserons les questions qui nous permettront de nous forger un jugement sur ces problmes extrmement graves et dlicats. Je prcise que cette mission est une mission gnrale sur la scurit du transport arien et que ce nest pas une commission denqute sur les vnements de Charm el-Cheikh, mme si cest bien cet accident qui a motiv notre initiative. M. Jrme BANSARD : Je suis vice-prsident du SNPL et commandant de bord chez Air France. M. Chatelard est copilote Air France mais il a t commandant de bord dans des compagnies charters diverses auparavant. Cest pour cette raison que jai tenu ce quil maccompagne. Il connat particulirement tous les aspects du transport arien que je connais moins bien tant depuis trs longtemps Air France/Air Inter, aprs avoir t dtach lAropostale comme officier de la scurit des vols. M. Suchet est pilote la retraite expert en rglementation arienne. Il tait pilote Air Inter et Air France et a toujours suivi les dossiers concernant lemploi, notamment en tant que prsident de la commission paritaire pour lemploi. Or nous savons que les modalits demploi et la scurit des vols sont extrmement lies. Au niveau de la scurit des vols, les constructeurs ont fait tous les progrs techniques imaginables depuis Mermoz de sorte que le nombre daccidents dus des causes techniques a considrablement diminu et reste stable depuis une dizaine dannes, alors mme que le trafic arien ne cesse de crotre. Le seul lment sur lequel il est possible de jouer, comme lont bien compris toutes les compagnies ariennes, est le facteur humain, cest--dire les relations hommes/machine et les relations entre hommes dans le poste de pilotage. Cest sur ce point que doit porter toute notre attention dans le futur pour inflchir encore un peu la courbe. Dans un contexte o, compte tenu de la croissance prvisible du trafic arien, les statistiques prvoient un accident majeur toutes les semaines dans un avenir proche de cinq dix ans, le facteur humain est le seul sur lequel on peut encore travailler. Travailler sur les hommes, cela suppose dabord que lon ait des quipages au sein desquels les hommes se connaissent, des compagnies o une structure est mise en place pour que les personnels travaillent ensemble et communiquent. Ce genre de communication ne se cre pas en cinq minutes. Par ailleurs, une culture dentreprise nest pas suffisante, il faut aussi des sminaires qui apprennent aux personnels grer une situation, en particulier une situation de crise. Sagissant de laccident de Charm el-Cheikh, je nai pas dinformation particulire sur Flash Airlines. Du point de vue technique, et ayant t moi-mme officier

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    de la scurit des vols pendant plusieurs annes, je sais que lon ne peut pas prjuger de ce qui sest pass, tant que le Bureau enqutes accident (BEA) na pas rendu ses conclusions. Par contre, il est intressant de parler de la compagnie et des garanties quelle offre. Pourrait-on affrter aujourdhui, en France, une compagnie sans avoir la certitude que la scurit est bien remplie ? Malheureusement, on est oblig de rpondre oui car les affrtements en France se font deux niveaux totalement diffrents. Lorsquune compagnie arienne affrte une autre compagnie arienne, elle doit rpondre des critres bien particuliers que lon appelle les JAR OPS 1. Ce sont des rgles oprationnelles rpondant certains critres techniques daffrtement. Inversement, lorsquun tour-oprateur affrte une compagnie comme celle qui nous occupe aujourdhui, elle na pas de critres techniques respecter. Elle ne rpond qu des critres commerciaux. La Direction gnrale de laviation civile (DGAC) na pas jug ncessaire dexiger des critres techniques. En 1996, un accident peu prs semblable a eu lieu Puerto Plata qui a fait 178 morts. Lensemble des mdias sest mu, des commissions parlementaires se sont saisies de laffaire, lEurope galement a dpos un projet de directive. En 2000, de commissions en commissions, ce projet a t enterr. On demandait ce moment-l que des critres techniques bien prcis soient exigs lorsque des tour-oprateurs affrtent une compagnie. Depuis 1996, il ne sest rien pass. Aprs ce deuxime accident, jespre que lon nen restera pas l. Il y a galement deux niveaux de rglementation (Livre IV, Titre II, Chapitre II sections 1-2 et 3 du code de laviation civile) en ce qui concerne les conditions de travail qui peuvent tre extrmement diffrentes entre des avions qui ont pourtant les mmes performances comme les Mister50 ou les Mister20 de laviation daffaires prive et ceux de laviation de type Air France ou dun troisime type daviation et qui a les mmes appareils quAir France : laviation charter. Les rgles imposes aux pilotes sont extrmement diffrentes, aussi bien au niveau des conditions de travail que des temps de travail. On peut imaginer, par exemple, quun pilote de Corsair parte pour un trajet Paris/Bangkok, non pas au sein dune quipe de trois pilotes mais, par drogation, avec un troisime pilote testeur , cest--dire qui ne va pas rellement faire son travail de pilote, mais va tester lquipage. Lavion se pose Bangkok 13 heures aprs. Les quipages repartent immdiatement dans le mme avion comme passagers en cabine arrire ou vice versa. On se pose cette question pour laccident de Charm el-Cheikh, puisque des membres dquipage taient bord. On aimerait savoir quel avait t le temps de travail de ces pilotes avant ce trajet. Pour linstant, il ny a pas de rponse. Inversement, ce genre de manipulation est strictement impossible dans une grande compagnie structure comme Air France. Lorsque vous arrivez Bangkok, vous allez lhtel, vous vous reposez 18 heures et vous reprenez un avion pour ramener vos 400 passagers dans lautre sens. Il y a donc, une diffrence dexercice professionnel dans ces petites compagnies charters ou ces petites compagnies daviation daffaires qui volent pourtant dans le mme ciel. La fatigue aidant, les conditions de travail tant diffrentes, on peut trs bien imaginer quun petit avion Mister50 aille heurter un avion dAir France. Je vous parlerai ensuite de la dlocalisation des pilotes car celle-ci a des consquences sur lvolution des gens au sol. On saperoit que lorsque les pilotes quittent une compagnie, cest le signe pralable de la disparition dune compagnie et que cela touche rapidement lensemble du tissu social de la rgion.

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    M. Edmond SUCHET : Je vais prciser les critres techniques sur lesquels sest appuy le discours de mon prsident. Les tour-oprateurs en France rpondent aux conditions dfinies par la loi 75.627 du 11 juillet 1975. Ils disposent dun numro de licence ou dun agrment et affrtent aujourdhui majoritairement des compagnies trangres de pays tiers, sur certaines destinations directement ou indirectement par des brokers . La compagnie trangre choisie demande, avec son tour-oprateur affrteur, une approbation de vol la direction de laviation civile franaise conformment et cest l ce qui est important aux circulaires 1920 et 1921 STA/12 du 19 juin 1991. Dans ces circulaires, que je tiens votre disposition, aucune disposition ne fait rfrence un niveau de scurit quivalent ceux quimpose la France ou lUnion europenne. Cet tat de fait existe depuis maintenant plus de dix ans. Depuis 2003, le dcret n 2003.230 du 13 mars 2003 modifie diverses dispositions du code de laviation civile et notamment dans son article 4, larticle R.330.6 du code de laviation civile, qui distingue trois types dexploitation de service arien rgulier ou non rgulier : les Franais, ceux de lUnion europenne et les non-Union europenne, cest--dire les pays tiers. Un arrt dapplication est en cours dlaboration la DGAC qui devrait fixer des conditions pour les non UE, abrogeant ainsi les circulaires prcites. Nous ne sommes pas consults sur ce projet darrt, contrairement notre souhait et nous suggrons que des conditions techniques de scurit et de sret y soient incluses. Au niveau de lUnion europenne, la suite de la catastrophe de Puerto Plata en Rpublique Dominicaine, qui a tu 176 Europens, la Commission europenne avait propos le 17 fvrier 1997 une directive visant instaurer une procdure dvaluation de la scurit des aronefs des pays tiers empruntant les aroports communautaires. La discussion de ce projet de directive sest arrte aprs une deuxime lecture au Parlement europen. Le projet a t retir le 9 juin 2000 par la Commission, sans explication connue. Larticle 10 prvoyait des dispositions qui auraient peut-tre pu viter laccident de Charm el-Cheikh, si celui-ci des causes techniques. Larticle prvoyait que : si un tat membre dcide dinterdire ou de soumettre certaines conditions lactivit dun exploitant dtermin ou dun exploitant dun pays tiers donn au dpart de ses aroports jusqu ce que lautorit comptente du pays tiers concerne ait adopt des mesures correctives satisfaisantes, cet tat membre notifie la Commission les mesures quil a prises . Si le texte avait t en vigueur, la Suisse aurait d en rfrer la Commission, puisquelle est partie laccord transport de la Communaut europenne. Larticle 12 de ce projet prvoyait que la Commission : examine les mesures que les tats membres jugent ncessaires . Cela veut dire que la Commission europenne aurait alors pris des mesures et les aurait diffuses lensemble des pays. Depuis lan 2000, lAgence europenne de scurit arienne (AESA) a vu le jour et ce type de problmes entre dans ses comptences. Il faudrait donc reprendre le projet dans le cadre de cette nouvelle structure. Il faut aussi parler du programme SAFA1 dvaluation de la scurit des aronefs trangers initialis en 1996 par la Confrence europenne de laviation civile (CEAC), mme sil sagit dun programme a minima.

    1 Safety assessment of foreign aircrafts (Evaluation de la scurit des aronefs trangers)

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    En tant que reprsentant de lEuropean Cockpit Institution lassemble gnrale de la CEAC, Strasbourg en 2000, javais publiquement fait observer que ce programme ne permettait pas de vrifier les donnes concernant les personnels navigants, notamment les donnes sociales. Je citais, lpoque, lexemple dune compagnie amricaine dont je tairai le nom qui travaillait en fret au dpart de Bruxelles avec des pilotes amricains et des avions immatriculs amricains pour le compte dune compagnie de transport de fret europenne. Ces pilotes navaient aucune couverture sociale et volaient malades parce que sils ne volaient pas, ils ntaient pas pays. Lavion fonctionnait donc avec un quipage tronqu. Cet exemple montre la ncessit de vrifier les conditions sociales dans lesquelles sont exploits les personnels navigants. Cette compagnie amricaine nopre plus cet affrtement, mais il y a encore des cas semblables. Je sais ainsi qu Marseille, par exemple, des avions russes volent avec des pilotes qui dorment dans lavion, qui ne bnficient daucune couverture et qui ne sont mme pas pays au SMIC. M. Jrme BANSARD : Ils sont dans le mme ciel que nous mais avec des tats de fatigue que lon ne peut mme pas imaginer. M. Edmond SUCHET : Sur le plan technique, lEurope a adopt en 2003 une directive 2003/42/CE du 13 juin qui oblige les acteurs du transport arien tablir des comptes rendus dvnement. Evidemment, pour la France, ceci sapplique uniquement sur les aroports franais et cela sapplique aux exploitants europens. Mais pour les aronefs des pays tiers, comment savoir, par exemple, sil y a une fuite dhuile ? Si cela ne se voit pas lextrieur, personne ne va chercher dans lavion et il ny a pas de personnel pour monter bord. Il nen reste pas moins que ce texte existe et quil faudrait ltendre aux aronefs des pays tiers et, surtout, centraliser les informations au niveau de lAESA, ce qui nest pas le cas actuellement pour les aronefs des pays tiers. M. Jrme BANSARD : Il faut quune forte volont politique appuie le travail de lAgence europenne de scurit arienne qui vient dtre mise en place et il faut que celle-ci reprenne tous les travaux abandonns depuis 1996. M. Edmond SUCHET : Jobserve que la Commission europenne a commenc communiquer la suite de laccident de Charm el-Cheikh mais quelle sest trs vite arrte, sans doute aprs stre rappele que le projet de directive avait t abandonn, alors quil comportait des solutions. Il faut dbloquer cette situation. Les compagnies ariennes franaises, quant elles, sont soumises des rgles oprationnelles, appeles OPS 1. Celles-ci doivent changer prochainement et jespre que tout ce que nous avons fait en 1997 sera pris en compte. Une circulaire avait t labore en 1990 la circulaire Delebarre du 17 avril 1990 qui imposent aux compagnies des rgles de vrification relatives la scurit en matire technique et de condition de travail des compagnies quelles affrtent. En tout tat de cause, il est plus difficile pour une compagnie franaise daffrter une compagnie trangre que pour un tour-oprateur. Les compagnies franaises doivent rpondre des exigences techniques qui ont t renforces aprs la catastrophe de Colombie o un avion de la Lufthansa, affrt en sous-traitance auprs dune compagnie locale qui effectuait le trajet Bogota/Quito, stait cras en Equateur faisant beaucoup de victimes europennes. Air France, qui avait le mme sous-traitant local, a suspendu immdiatement ses accords de sous-traitance et daffrtement avec cette compagnie. Ce quil faut retenir, cest quil ny a pas une galit de traitement entre les compagnies ariennes franaises et les tour-oprateurs.

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    Mme la Prsidente : Dans votre propos, vous avez insist sur le facteur humain, et il est vrai que cet aspect correspond un certain nombre de nos questions. Prcisment, je voudrais vous demander comment sont octroyes les drogations relatives la dure du travail ? Pour la France, il sagit de 10 heures de vol conscutives. Cette rgle est-elle respecte ? Daprs vos propos, il semblerait que non pour les compagnies trangres qui sont affrtes. M. Franck CHATELARD : En ralit, il ny a pas de drogation une rgle quelconque, puisque les rglementations ne sont pas les mmes dans les diffrents pays europens. Jai travaill en Belgique, notamment chez Euro Belge Air Airlines qui est devenu Virgin Express, o lon pouvait faire 110 heures de vol par mois, ce qui est strictement interdit en France par le code de laviation civile. Les rgles ntant pas harmonises, chacun respecte les rgles qui sappliquent dans le pays dimmatriculation de lavion. Mme la Prsidente : Connaissez-vous les rgles qui sappliquaient dans le cas prcis de Charm el-Cheikh ? M. Franck CHATELARD : Non, nous navons aucune information sur ce point. Lavion tait-il immatricul en Egypte ? Mme la Prsidente : Oui, ctait un avion gyptien. M. Franck CHATELARD : Dans ce cas, les rgles applicables en matire de temps de travail taient celles du code daviation civile gyptien que je ne connais pas. En France, on sait que le code de laviation civile autorise 10 heures de vol sur une amplitude de 14 heures. Le temps est dcompt partir du moment o les freins sont lchs et sarrte partir du moment o lon serre les freins larrive. Si lon a commenc un service de vol 8 heures 30 pour un vol qui doit dcoller 10 heures et que lavion dcolle 11 heures, le temps ne sera dcompt qu partir de 11 heures, ce qui fait des amplitudes relativement importantes. Il faut savoir quAir France applique des rgles drogatoires au code de laviation civile sur la base daccords internes qui sont gnralement plus restrictifs, puisque Air France accorde un peu plus de recul. Les compagnies charters franaises appliquent, quant elles, le code de laviation civile pour le temps de travail et le temps de repos. Mais pour les autres pays, les rgles sont diffrentes et je sais, par exemple, quen Italie les temps dactivits sont plus longs. Mme la Prsidente : Vous avez parl des charters et je minterroge sur les low-costs . Quelle est la rglementation dans ce domaine ? M. Franck CHATELARD : L encore, cest lEtat dimmatriculation qui va imposer ses rgles aux avions, immatriculs dans ce pays. Par exemple chez easyJet ou Ryanair qui sont bases sur le sol irlandais, le droit du travail sera celui de lIrlande. Je ne les connais pas, mais gnralement les rglementations sont moins restrictives quen France. Mme la Prsidente : Il ny pas de normes europennes ? M. Franck CHATELARD : Non.

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    M. Edmond SUCHET : Les seules normes europennes rsultent de la directive working time , applicable depuis le 1er dcembre 2003, qui impose 96 jours de repos annuels, 900 heures de vol annuelles rparties le plus uniformment possible et 2 000 heures de temps de service. Cette directive aurait d tre transcrite dans le droit franais. Elle ne la pas t, mais elle est de fait applicable puisque les directives sont directement applicables, mme en labsence de mesure interne. Il sagit toutefois dune directive a minima. Il faudrait normalement un texte complmentaire sur les temps de vol ce que lon appelait les Flight Time Limitations , les FTL qui replaceraient les dispositions figurant au code de laviation civile. Ces rgles devraient tre normalement incorpores lEU-OPS, cest--dire aux rgles oprationnelles europennes, lesquelles devaient tre reprises en annexe du rglement n 3922/91/CE, qui est le rglement instituant les Joint aviation authorities (JAA). Avec la mise en place de lAESA, le processus est pendant devant la Commission europenne et le Parlement europen. En principe, un compromis doit intervenir sur les normes FTL entre le Parlement europen et la Commission. Pour linstant, il ny a donc pas duniformisation du temps de travail au sein de lUnion europenne, si ce nest cette directive sur le nombre annuel dheures de vol et de temps de service annuel, notion qui nexiste pas en droit franais. Evidemment, cette directive ne sapplique quaux Etats membres de lUnion europenne et encore, certains comme lItalie ne lappliquent pas. Hors de lUnion europenne, quil sagisse de la Turquie ou de lEgypte, on est dans le flou le plus artistique. En rgle gnrale, toutes les rgles techniques europennes qui sappliquent aux compagnies europennes ne sappliquent pas aux pays tiers. Mme la Prsidente : Vous parlez des compagnies italiennes, mais dans le cas o interviendrait un accord entre Alitalia et KLM Air France au sein dune compagnie phare, quen serait-il ? Il faudrait bien quil y ait, dans ce cas, une unicit des rgles appliques. M. Jrme BANSARD : Pour KLM, la fusion est pratiquement ralise et les rgles sont extrmement diffrentes pour linstant. Mme la Prsidente : Elles restent diffrentes malgr la fusion ? M. Jrme BANSARD : Oui. Mme la Prsidente : Cest un point intressant noter. M. Jrme BANSARD : Avec Air Italia, ce sera autre chose. On parle l de compagnies majeures qui ont des rglements intrieurs nettement plus restrictifs que les codes de laviation civile locaux de chaque pays. On aura donc certainement plus de facilit harmoniser les rgles. Ce qui nous inquite, cest que lAESA ne soit quune nouvelle commission pour enterrer les initiatives. Depuis 1996, chaque fois que le Conseil a t saisi, il a fini de commissions en commissions dnaturer les propositions initiales et, en particulier, les propositions techniques. Pour les temps de travail, cest la mme chose. Depuis 1996, des propositions ont t faites, sur la base dtudes mdicales extrmement strictes de la NASA. De commissions en commissions, on se limite maintenant la rgle des 900 heures par an. LAESA doit se saisir du dossier, mais nous nous inquitons des dlais.

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    M. le Rapporteur : Vous avez beaucoup insist sur les conditions de travail, on le comprend et nous allons regarder cette question de trs prs. Je voudrais vous demander sil y a des pilotes avec lesquels vous ne monteriez jamais ? De quelles nationalits seraient-ils ? On a compris quil y a un problme avec les pilotes russes. Quels sont les pires ? M. Jrme BANSARD : Je fais beaucoup dinstruction ; on ne peut pas parler de nationalit de pilotes mais de compagnies qui lon naurait pas envie de confier ses enfants. M. le Rapporteur : Dans quels pays les conditions de travail vous semblent-elles compltement anormales par rapport au minimum de scurit quun passager est en droit dattendre dun pilote ? M. Jrme BANSARD : Toute lAfrique avec les licences de complaisance. M. le Rapporteur : Quappelez-vous licences de complaisance ? M. Jrme BANSARD : Les pays dAfrique en particulier dlivrent des licences, selon les besoins. Vous pouvez voir arriver par fax une licence pour voler sur un avion immatricul dans un pays dAfrique. Cela ne se fait pas beaucoup en Europe car les pilotes europens ne sont pas trs exportables, et les pilotes franais en particulier. Par contre, avec les pilotes amricains qui sont prts bouger sans arrt, cest une chose assez habituelle. M. le Rapporteur : On sait que les pilotes militaires ont un document qui rcapitule leurs heures de vol et qui permet tout moment de savoir combien de temps et quand ils ont vol, quelle a t leur formation et, ventuellement, leur formation continue pour lhabilitation certains types dappareils. Ce type de document existe-t-il au niveau international pour les pilotes de laviation civile ? Et si ce document existe, la DGAC peut-elle exiger dun pilote quil le produise pour savoir quelle heure il a fini son travail la veille, quelle est ventuellement la rglementation de son pays, voir si elle est respecte, sil est en tat de piloter, sil est habilit pour lappareil quil est cens devoir piloter ? M. Edmond SUCHET : Tout fait. Dans le cadre des rgles de lOACI qui sappliquent lensemble du monde aronautique, la tenue du carnet de vol est une obligation. M. le Rapporteur : Est-il consult ? M. Edmond SUCHET : Il est consultable. M. le Rapporteur : Non ! Est-il consult ? M. Edmond SUCHET : Je ne sais pas sil est consult. M. le Rapporteur : En tant que pilote, ce document vous est-il rgulirement demand ? M. Edmond SUCHET : Dans la compagnie, non, puisque cest la compagnie qui tient le carnet de bord notre place, comme cest souvent le cas dans les grandes compagnies. Pour les plus petites compagnies, cest le pilote qui remplit le carnet de vol et qui doit

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    lavoir avec lui. Normalement, cest un document qui fait partie des documents de bord que lon doit avoir avec soi. Sur le carnet de bord, figurent un certain nombre de rfrences, telles que la date, le terrain de dpart, lheure de dcollage. M. le Rapporteur : Pourrait-on avoir un exemplaire de ce document ? M. Edmond SUCHET : Il est normalis au sein des Joint aviation authorities , JAA. Pendant dix ans, jusquau mois de juillet 2003, jai t le reprsentant de l European cockpit association qui est lassociation des pilotes de ligne europens auprs des autorits conjointes de laviation civile et, ce titre, jai particip tous les travaux sur lharmonisation des licences. Ce document fait partie des rgles que nous mettons en uvre actuellement au niveau europen et elles dcoulent de lOACI. Mais, pour le carnet de vol, on a ajout un certain nombre de paramtres par rapport au document exig par lOACI. Je vous donne un exemple. On dcompte les heures faites en avion mono-pilote et multi-pilotes car cela a une importance sur la progression de la carrire. En effet, on est oblig davoir un minimum de 500 heures davion multi-pilotes pour accder la licence pilote de ligne. Vous avez galement le carnet de route de lappareil qui est aussi un document OACI o est consign tout ce qui concerne lavion. Ces documents doivent tre bord. Mais il y a le problme du contrle. M. Jrme BANSARD : Je prcise que le carnet de vol permettrait de savoir ce qua fait un pilote la veille ou lavant-veille dun accident, mais ne permettrait pas de savoir ce quil a fait aux commandes, par exemple, sil est venu en passager de classe conomique pendant 13 heures pour reprendre les commandes de lavion et rentrer dans lautre sens pendant 13 heures. Mme la Prsidente : Les mmes conditions sont-elles appliques aux sous-traitants ? M. Franck CHATELARD : Les affrtements dAir France, sont relativement surveills sur le plan technique. Il ny a pas de peur avoir systmatiquement ce niveau-l. Je parle de la technique. Edmond Suchet vous parlera de laspect social. M. Edmond SUCHET : Par exemple, Cityjet est une filiale dAir France 100 %. Cette compagnie est base Dublin et travaille essentiellement pour Air France au dpart de Charles de Gaulle. Les pilotes franais employs par cette compagnie sont bass Charles de Gaulle, font des vols au dpart de Paris sur Florence, Gteborg, etc., sous numros de vols Air France. Ils sont pays en Irlande. Ils payent leurs impts et leurs charges sociales en Irlande. Les prlvements sociaux sont faibles et la couverture sociale a minima. M. Jean-Jacques DESCAMPS : On nest pas l pour parler de cela. Mme la Prsidente : Si, il faut le dire car la situation sociale des salaris a des incidences. Je vous en prie, Monsieur, continuez. M. Edmond SUCHET : Je ne voudrais pas choquer. Mme la Prsidente : Vous ne nous choquez pas, vous nous apprenez la vrit, nous le souhaitons tout au moins.

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    M. Edmond SUCHET : Je prcise que les pilotes irlandais qui sont bass Paris touchent 1 500 de prime pour vivre Paris. La France perd les produits fiscaux, alors que ces personnels rsident en France. Les charges sociales ne sont pas non plus verses en France. Cette situation rsulte dune convention fiscale entre la France et lIrlande, datant de 1968. Elle permet aux marins, aux travailleurs mobiles dtre fiscaliss dans le pays du contrat de travail, cest--dire lIrlande quand lentreprise y a son sige. Par contre, sur le plan social, il y a un doute total. Lors dune table ronde ministrielle organise en 1997, les services sociaux avaient estim que les charges sociales sont normalement payables dans le pays de lactivit prpondrante. Quand un pilote est bas en France, son activit prpondrante se situe normalement en France, puisque tous les avions sont au dpart de Paris. Il y a donc une anomalie sur le plan social. Jai pris le cas de Cityjet qui est un cas dcole car cest une filiale dAir France qui utilise des personnels aux cots irlandais pour diminuer ses frais et cela, semble-t-il, de faon tout fait lgale sur le plan fiscal. Sur le plan social, le problme nest toutefois pas rgl. Il nest pas non plus rgl pour les compagnies trangres qui fonctionnent au dpart de Paris, puisque des quipages anglais par exemple easyJet bass Paris fonctionnent dans les mmes conditions. Je prcise que les htesses qui sont bord des avions affrts par Air France chez Cityjet ne possdent pas le CSS. Cest un exemple de diffrence en terme de conditions dactivit. M. Jrme BANSARD : Le CSS est le certificat de scurit sauvetage , formation obligatoire en France qui garantit un niveau de comptence des personnels navigants en matire de scurit en cas dvacuation ou de maladie bord de lavion. M. Edmond SUCHET : A titre dexemple, je cite le cas dune personne qui, sur un rcent vol Paris/Zurich, avec un billet Air France sest retrouve dans un avion de Cityjet dont aucune des htesses ne parlait franais. Cette personne tait trs mcontente davoir pay un billet cher et de ne bnficier que dun service a minima. Cela signifie que les conditions demploi conduisent ce type danomalies sur un trajet qui est effectu par une compagnie affrte fut-ce dans le mme groupe. M. Jrme BANSARD : Si Air France vrifie effectivement les critres techniques, cela peut ne pas tre le cas dans les autres compagnies. Il peut mme ne pas y avoir de vrification technique. Par exemple, il peut tre extrmement intressant de faire rparer son avion dans un pays qui pratique des cots infrieurs mais, dans ce cas, il nest pas certain que latelier ne vous mettra pas une pice achete sur le march parallle. M. le Rapporteur : Je voudrais que lon parle du problme de la formation. Y a-t-il une ingalit de situation dans ce domaine qui pourrait peser sur la scurit ? Je parle aussi bien de la formation initiale que de la formation continue, par exemple lhabilitation piloter un certain type dappareil. Il est en effet trs choquant qu loccasion de chaque accident arien on voque le nombre dheures de vol du pilote et du copilote ce fut le cas pour Charm el-Cheikh , sous-entendant que le manque dexprience pourrait tre lune des causes de laccident. Vous semble-t-il que le niveau de formation requis au niveau international pour lhabilitation piloter un type dappareil donn est suffisant pour garantir la scurit ? Y a-t-il des diffrences selon les pays ? M. Edmond SUCHET : Au niveau de lUnion europenne et des Etats membres associs, existent les Joint aviation authorities qui ont permis dlever le standard en exigeant non seulement un examen thorique, mais galement un cours approuv. Cest--dire que vous ne pouvez pas vous prsenter lexamen sans avoir suivi un cours

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    approuv. Ce nouveau standard est en cours dextension au niveau de lOACI. Les JAA ont donc tir vers le haut les rgles internationales et lon peut sen fliciter. Au-del, se pose le problme de lapplication car lorsque lon dite des rgles, il faut tre sr quelles sont correctement appliques. Sur ce point, nous nous heurtons au sein de lEurope la diversit de nos cultures. Il y a, par exemple, de gros carts entre lAngleterre et la France, mais hors de lUnion europenne, cest encore autre chose. On ne peut absolument pas garantir qualit de la formation, sauf si le pilote a fait une formation aux Etats-Unis ou en Europe, et encore, dans une cole connue car, mme aux Etats-Unis, les coles nont pas toutes le mme niveau. Les Europens se plaignent dailleurs de la qualit des formations aux Etats-Unis. Cest pour cette raison que lon ne reconnat pas un certain nombre dactes de formation effectu aux Etats-Unis dont nous estimons que le niveau est trop bas. Cest notamment le cas pour la qualification de vol aux instruments pour lesquels on est oblig dexiger un nombre dheures de vol supplmentaires pour les accepter dans nos licences. Il y a l une bataille mene au niveau franais et europen qui conduit une certaine rsistance dans le processus dharmonisation avec les USA. En ltat, ce sont les Europens qui devraient baisser leurs standards et non pas les Amricains qui devraient monter les leurs car la structure de modification de leurs textes est trs lourde et se heurte des lobbies trs puissants qui empchent daugmenter les exigences minimales au niveau de la FAA (Agence fdrale pour laviation). Jai moi-mme particip aux discussions avec les Etats-Unis car je faisais partie du groupe dharmonisation JAA/FAA. M. Franck CHATELARD : A titre danecdote, il faut savoir que les Etats-Unis dlivrent des licences et des qualifications sur certains types dappareils, comme les Boeing, en prcisant que cette qualification nest pas valable au-dessus du territoire amricain... En somme, ils vendent une formation. Vous la suivez et vous en sortez avec un diplme M. Jrme BANSARD : La licence que dlivrent les Etats-Unis est un permis de monter dans un avion, mais ce nest pas un permis de se servir rellement de lavion. Le nouveau diplm monte bord de lavion en troisime pilote. Il fait office de ce que lon appelait autrefois lofficier mcanicien navigant . Il y reste quelques annes avant davoir le droit de passer deuxime pilote, puis de passer commandant de bord. Cette initiation nexiste pas du tout dans la licence europenne. Quand vous avez une licence europenne, vous tes apte monter comme copilote immdiatement dans un avion de nimporte quelle compagnie europenne. M. le Rapporteur : Donc, il ny a pas duniformisation ? M. Jrme BANSARD : Il ny a aucune harmonisation sur les licences en gnral, de mme quil ny a aucune harmonisation sociale, mais ce nest pas seulement dans laviation. M. Jean-Jacques DESCAMPS : Vous navez voqu que les problmes humains, mais il y a deux types de problmes, celui de la scurit matrielle et celui de la scurit lie aux personnes qui font fonctionner le matriel, cest--dire les quipages et tout ce quil y a au sol. Il faut quand mme que vous nous disiez ce que vous pensez de la scurit matrielle car, quil sagisse des aspects matriels ou humains, il faut disposer dun lment de jugement sur ce qui est ou non conforme ce que lon pense tre la scurit. La notion de risque nest pas la mme partout. Ce nest pas parce que les conditions sociales sont diffrentes, ou que lon est pay moins cher, que la scurit est diffrente.

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    Je comprends bien votre position un peu corporatiste qui consiste penser que lexception franaise est la meilleure. Mais la vraie question est de savoir ce qui se passe ailleurs dans la mesure o le problme est mondial. La demande passe par des affrteurs qui ont des rgles diffrentes, il y a des brokers dun ct et des compagnies ariennes de lautre. La question ne sarrte ni aux frontires de la France, ni celles de lEurope, ni mme celles de lensemble des pays dvelopps. La question concerne, par exemple, lAfrique o les risques sont les plus forts. La vraie question est de savoir sil est utile dharmoniser car, aprs tout, qui a la science infuse pour dire quel est le bon quilibre en matire de contrle de scurit et en matire sociale ? Qui va contrler, au cas o lon se mettrait daccord sur un certain nombre de rgles minimums et qui va tablir ces rgles minimums ou minima ? La normalisation ne peut se faire quau niveau mondial, sinon personne ne la respectera. A quoi servent les normes europennes si les Amricains fixent des rgles infrieures et ne se considrent pas concerns au-del ? Vous avez parl de lagence de lAESA, mais si lAESA na pas dinterlocuteur en Afrique ou aux Etats-Unis, elle ne sert pas grand-chose. Le commandant de bord peut-il apprcier srieusement les problmes de scurit matrielle ? Jusquo peut aller lharmonisation ? Essayons dviter de penser quil faut tout harmoniser sur la base du systme franais qui a une longue histoire, mais qui nest peut-tre pas toujours un modle dconomie et de risque. M. Jean-Pierre BLAZY : Je souhaiterais que vous prcisiez deux points. Je voudrais dabord savoir si le programme SAFA, qui est un programme europen relativement rcent, vous parat satisfaisant pour contrler lapplication des normes existantes de scurit. Par ailleurs, quel jugement portez-vous sur la faon dont la DGAC applique le programme ? Les moyens dont elle dispose sont-ils suffisants, les contrles sont-ils en nombre suffisant, la qualit des contrles est-elle satisfaisante ? Jai compris que les inspections trs courtes taient loin de permettre un examen de lensemble des problmes de scurit ? Quel est votre point de vue sur la question ? On parle toujours des catastrophes ariennes qui sont fortement mdiatises, mais vous avez parl, juste titre, des incidents en souhaitant quils soient mieux signals et quils fassent lobjet dun recensement centralis, notamment dans le cadre de la nouvelle agence europenne. Pour avoir vcu de prs le crash du Concorde dans ma circonscription et pour avoir ensuite examin tous les rapports, jai appris ce que tout le monde sans doute ignorait, que cet avion dont on pensait quil ne pouvait rien lui arriver, avait connu de nombreux incidents, peut-tre pas tous rpertoris. Cette question des incidents est importante car le signalement et lanalyse des incidents doivent permettre de contribuer une meilleure prvention des accidents. M. Jean-Marc ROUBAUD : Le problme de la scurit arienne est manifestement international. Pensez-vous quil est ncessaire de crer un organisme mondial ayant une comptence dans les trois piliers qui me paraissent devoir tre traits au-del des lgislations europennes, amricaines, africaines, etc. : luniformisation du temps de travail car cest un facteur de scurit, luniformisation des diplmes et celle des normes de vrification technique de ltat des appareils ? Jai par ailleurs t effar par ce que vous avez dit sur le contrle technique des rparations par les pilotes. Lorsque vous amenez votre avion en rparation, vous ne savez pas, dans certains pays, si lon vous met une pice neuve ou doccasion ? Un

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    minimum de conscience professionnelle exigerait pourtant de vrifier ce genre de chose. Quand je fais changer les pneus de ma voiture, je vrifie si lon ma mis des pneus rechaps ou des pneus neufs, je demande voir la pice de rechange et je contrle les oprations. Cela me semble tre un minimum. M. Michel HERBILLON : Vous avez les uns et les autres, au cours de vos exposs, voqu la fois laspect technique et laspect humain. Je voudrais, en fonction de votre exprience, que vous fassiez dores et dj et mme si nous devons vous entendre nouveau un effort de synthse concernant les aspects techniques, sans entrer dans le dtail de techniques qui ne sont pas de notre comptence en tant que parlementaires. Vous avez voqu le fait quun certain nombre de rgles de scurit minimales ntaient pas respectes par les avions tiers. Je voudrais que vous nous disiez les points principaux quil vous paratrait ncessaire de corriger sur cette question cruciale et prioritaire par rapport dautres lments relevant du statut social. Quelles sont ces rgles de scurit minimum qui ne vous paraissent pas tre appliques, et dans quel domaine, sur les avions tiers ? Est-ce le cas aussi sur les avions de compagnies nationales qui ont davantage pignon sur rue ? O sont les secteurs principaux de dysfonctionnement, comment les corriger et par qui ? Il est trs important que vous fassiez un effort de synthse sur cette question pour notre propre comprhension au dbut de cette mission. Ma deuxime question concerne la formation. Vous avez, M. Bansard, voqu limportance de la formation la gestion de crise en cas dincident. Cest aussi une question cruciale car mme si un avion est techniquement parfait, mme si les conditions de salaire, de travail sont harmonises, sil ny a pas eu de formation suffisante en cas de crise et compte tenu du stress engendr, il peut y avoir un problme. Les pratiques de la compagnie Air France vous paraissent-elles suffisantes ? Que fait-on, votre connaissance, sur ce point en Europe et au-del dans les autres compagnies ? M. le Rapporteur : On na pas encore voqu deux problmes qui me paraissent importants. Cest dabord celui de la responsabilit des pilotes vis--vis de la compagnie, en matire de scurit. Tout lheure, vous avez voqu le cas de personnels navigants non-pilotes dont la formation vous parat insuffisante. O commence et o sarrte la responsabilit du pilote vis--vis de sa compagnie quant sa libert de dcider de dcoller ou pas en fonction dincidents, daccidents, daberrations, qui lui paraissent poser problme ? Je voudrais aussi connatre votre point de vue sur la rgle qui, aux Etats-Unis, offre limpunit aux pilotes qui dcident de dnoncer un certain nombre dincidents, danomalies, ce qui permet de casser la loi du silence. Le second problme concerne le contrle arien. Le personnel navigant communique avec dautres hommes qui sont les contrleurs ariens. Vous avez dit que les constructeurs avaient fait tous les efforts ncessaires, mais le contrle arien est-il parfait dans le monde ? Un certain nombre daccidents ont eu un lien avec le fonctionnement du contrle arien, en France comme en Europe. Avez-vous une opinion sur ce point ? Que pensez-vous de la privatisation du contrle arien, du stockage des avions au-dessus de laroport ? M. Edmond SUCHET : Sur la premire question concernant le niveau de scurit des appareils et lharmonisation, il y a le ple europen des JAA qui reprsente tous les pays du Conseil de lEurope, cest--dire 36 ou 38 pays, cest quand mme important. Dans ce cadre, des rgles dentretien ont t dictes la JAR 145 qui, linstar de toutes les propositions JAA, a t reprise dans la rglementation franaise. Depuis, elles ont t annexes au rglement europen 3922 qui impose des rgles dentretien. Ces rgles

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    permettent davoir des ateliers agrs aussi bien sur le sol europen, qu ltranger dailleurs. Il y a peut-tre l un problme. Les normes de la JAR 145 donnent une garantie de srieux pour tout entretien effectu sur les appareils dans ces ateliers agrs. Mais, il y a maintenant aussi des ateliers JAR 145 en Chine, en Asie du Sud-Est. Aux Etats-Unis, il y a des accords bilatraux entre la FAA et les JAA, des accords avec le Canada, car eux aussi ont un systme dateliers agrs. Dans le cadre europen, les contrles se font par lautorit nationale de chaque pays. En France, cest la DGAC qui vrifie les ateliers JAR 145 qui a t donn lagrment. L o il peut y avoir problme, cest que cette communaut dateliers JAR 145, implique un systme dquivalence dagrments : si les Anglais ont donn un agrment en Chine un atelier JAR 145, les Franais, bien que ce ne soit pas tout fait lgal vis--vis de la loi franaise, reconnaissent les travaux qui sont faits dans latelier chinois surveill par les Anglais. Des quipes dharmonisation devraient normalement exister au sein des JAA, mais elles nont pas le temps de vrifier. Il doit y avoir 5 000 ou 10 000 ateliers, je ne sais pas, cest en tout cas un nombre phnomnal. De fait, la rglementation europenne a largement dbord ses frontires. Elle est un label de garantie pour certains oprateurs. Ainsi, les ptroliers demandent oprer en Angola, en Libye avec des hlicoptres sous immatriculation franaise et entretenus sous JAR 145, parce quils considrent que cest une garantie technique davoir un aronef vrifi par un atelier aux normes europennes. Par contre, si vous sortez de lEurope, il ny a aucune obligation internationale. Cest la raison pour laquelle beaucoup davions dAirbus sont sous immatriculation franaise, en leasing et sont vrifis par des ateliers JAR 145 car si lavion nest pas entretenu par un atelier JAR 145, il perd son certificat de navigabilit en France et en Europe. Cest quand mme important. M. Jean-Jacques DESCAMPS : Les Etats-Unis disposent-ils de cette JAR 145 ou de normes quivalentes ? M. Jrme BANSARD : Ils ont une FAR (Federal aviation regulation). M. Edmond SUCHET : Avec les normes europennes et les FAR, nous couvrons lEurope, les Etats-Unis et le Canada. La couverture est importante, mais pour tous les avions immatriculs dans des pays tiers, il ny a aucune obligation, alors que cet avion peut venir sur votre sol ou transporter vos passagers, ce qui pose des problmes de scurit. Limmatriculation des appareils est trs importante car cest le certificat de navigabilit qui sous-tend les oprations dentretien. Le problme humain ne se pose pas que chez les pilotes, il se pose pour tous, pour les mcaniciens au sol aussi. Dans les ateliers JAR 145, tous les mcaniciens doivent avoir une licence, avoir suivi une formation qui garantit que leur comptence est en adquation avec le travail fourni. Ce nest pas le cas dans dautres systmes. Je ne suis pas certain quil y ait en Egypte des mesures aussi labores. M. Jean-Marc ROUBAUD : On a vu dans laffaire de Flash Airlines que lappareil incrimin avait t interdit en Suisse et autoris en France. Quelles sont les normes en vigueur en Suisse ?

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    M. Edmond SUCHET : Pour un aronef immatricul dans un pays tiers, ils se sont bass sur les rgles a minima de lOACI. LEurope et les Etats-Unis (avec les JAR et les FAR) sont au-dessus du standard OACI et nous, Franais, sommes vraiment au sommet de la pyramide. M. Jean-Marc ROUBAUD : Je comprends alors dautant moins que la Suisse ait interdit lappareil et que la France lait autoris. M. Jrme BANSARD : En ce qui concerne cet accident, il semblerait que lavion a t contrl en Suisse et ensuite plus ou moins rpar dans un atelier quils ont cit, puis contrl en France ultrieurement, les rparations ayant t effectues. Comme vous, je nai que les informations des mdias. M. Michel HERBILLON : Des pays chappent-ils ces rglementations ? M. Edmond SUCHET : La Suisse, quand il sagit dun avion des pays tiers, le contrle, comme la France, dans le programme SAFA au niveau des rgles internationales, pas au niveau de ses propres rgles. Ce nest pas la mme chose. La rfrence nest pas la mme. Lopration SAFA qui fait partie de la CEAC, donc de la zone du Conseil de lEurope, seffectue par rapport aux normes internationales et non par rapport aux normes JAA. Je prcise que les Suisses respectent maintenant les JAA, comme nous. Ils font partie de lespace JAA. M. Jean-Jacques DESCAMPS : Y a-t-il des pays qui ne respectent pas le minimum OACI et qui ne sont pas contrls ce titre ? M. Edmond SUCHET : LOACI est un plancher, mais les contrles OACI se font par des experts de lOACI qui voyagent et qui vont faire des petits contrles ponctuels, mais ils ne vont pas sur le terrain pour tel ou tel type davion. LOACI ne contrle que lautorit nationale et ce que fait lautorit mais elle ne va pas voir les compagnies pour savoir ce qui se passe. Donc, lautorit peut tre dfaillante ou corrompue. M. Jrme BANSARD : Cela veut dire que lOACI dit : vous avez cr un atelier, une cole, avez-vous bien toutes ces structures ? Mais elle ne va pas voir sur le terrain si latelier fait son travail correctement. Mme la Prsidente : Nous tirerons les conclusions de clart ou de non-clart de ce qui existe institutionnellement. Il apparat que cest trs complexe. M. le Rapporteur : Quel est le champ dapplication des rgles OACI, ou bien celles-ci ne concernent-elles que les vols internationaux ? Les vols intrieurs russes sont-ils rgis par les rgles OACI ? M. Edmond SUCHET : LOACI couvre lensemble des pays membres, soit 189 pays. Le programme SAFA a pour objet de vrifier les rgles minimums OACI, pas les rgles internes. Cest le minimum, le plancher, et il est notoirement insuffisant sur un certain nombre de points. M. Jean-Pierre BLAZY : Pouvez-vous prciser ?

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    M. Edmond SUCHET : Par exemple, il ne porte pas sur la vrification des comptences des navigants. M. Jrme BANSARD : La comptence comprend la formation initiale, mais galement le suivi de la formation qui est au moins aussi important car ce nest pas parce que vous tes pilote de chasse ou de Boeing aujourdhui que, dans dix ans, vous serez aussi comptent si vous navez pas suivi des recyclages rguliers. Il y avait une question sur une banque de donnes des incidents. Tous les constructeurs notent les incidents que lon veut bien dclarer et mettent des consignes de rparations, si ncessaire. Ils orientent galement une grande partie du travail humain sur la scurit des vols en communiquant les informations quils ont rcoltes lors des incidents, et en disant comment y remdier. Cest du suivi de formation. M. Edmond SUCHET : Il faut aussi parler de la directive 2003.42.CE qui sera applicable en 2005 et qui dresse la liste des comptes rendus dvnements dans laviation civile. Il serait ncessaire de pouvoir les lister au niveau de lAESA et den tirer les consquences. Cette liste est assez exhaustive et vous pouvez vous y reporter. Sur la question de savoir sil faut un organisme mondial pour les temps de travail, je prcise que dans les rgles de lOACI, il ny a pas de volet temps de travail. Mais, pour la formation, les normes internationales sont en train dtre amliores par laction mme des JAA, et se rapprochent de nos normes. Sagissant des rgles de scurit minimum applicables aux avions tiers, ce sont les rgles de lOACI qui sappliquent, donc des rgles a minima. En 1989, lOACI a incorpor les facteurs humains, mais tout dpend de la faon dont sont appliques ces rgles. En Europe, il y a eu des formations dans les compagnies ariennes. En France, la DGAC les a rendus obligatoires. Des cours de cockpit ressource management ont t dispenss aux anciens et des modifications ont t apportes dans les programmes de formation initiale. Ladaptation a exig pratiquement deux ans de formations. Cest un effort financier que toutes les compagnies ont fourni en Europe. M. Jrme BANSARD : Il faut galement savoir que, tous les six mois, les pilotes dAir France, suivent une formation de contrle qui porte aussi sur les facteurs humains. On demande aux instructeurs dtre trs vigilants sur le travail dquipage. On demande mme aux instructeurs dintervenir pendant les vols de contrle pour distraire lattention des pilotes et noter leurs ractions. Si deux pilotes nont jamais travaill ensemble parce quon a lou leurs services dans deux entreprises diffrentes, on nobtiendra videmment pas le mme rsultat. Sagissant de la responsabilit du personnel navigant vis--vis de lemployeur en terme de scurit, il faut savoir que le pilote nassiste pas aux rparations qui sont faites sur lavion. Il doit faire confiance au mcanicien de latelier agr qui a fait les rparations. Il est peu vraisemblable quil puisse voir les pneus neufs que lon a mis, savoir sils sont rechaps ou non, ce qui se passe lintrieur dun racteur, du train datterrissage, si la bielle a bien t change Comme je lai dj dit, les ateliers dcouvrent rgulirement que lon a mis des pices non homologues. Dans ce cas, ils prviennent la compagnie et changent la pice. Mme la Prsidente : A-t-on constat que cela tait plus frquent dans les compagnies trangres ou les petites compagnies ? Existe-t-il des bilans ?

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    M. Jrme BANSARD : On sait que cela arrive dans toutes les compagnies. M. Edmond SUCHET : Les ateliers JAR 145 ou les ateliers agrs sont obligs davoir une comptabilit trs exacte de leur activit. Il y a donc une traabilit. Mais quand un atelier nest pas soumis cette traabilit, tout est permis. Le maintien du certificat de navigabilit de laronef, est subordonn la dcision de lautorit qui vrifie tous les travaux effectus. Les pilotes disposent dun compte rendu matriel et cest une pice obligatoire qui signale toutes les anomalies constates pendant le vol. Selon leur classification, lanomalie doit tre rectifie immdiatement aprs latterrissage, sinon lavion ne peut plus dcoller, ou bien elle doit tre rectifie ultrieurement dans latelier. Cest ce quon appelle les tolrances techniques qui sont rfrences dans la MEL (Minimum equipment list). Sur ce point, certaines compagnies peuvent faire pression sur le pilote en disant quelles ne veulent rien savoir et quil faut dcoller quand mme. Je lai constat dans certaines compagnies qui volent en Europe. Si le pilote ne veut pas dcoller parce quil estime quil y a un danger et sil nest pas protg sur le plan social, il peut se faire licencier. La question est simple, ou bien vous volez ou bien vous tes licenci. On voit ainsi que le social est li la technique. Jai moi-mme subi une telle pression dans une petite compagnie. Jtais jeune, javais 22 ans. On ma ordonn de dcoller le soir malgr une gnratrice en moins, sinon jtais licenci ds le lendemain. Comme jtais jeune, jai dcoll. M. le Rapporteur : Ainsi, le commandant de bord est matre bord, mais il ne lest pas vis--vis de lemployeur ? M. Edmond SUCHET : Il est matre bord, mais il y a des circonstances dans lesquelles il ne peut plus ltre. M. Jrme BANSARD : Il faut bien faire la diffrence entre les compagnies majeures et les petites entreprises de charters o il peut y avoir une pression. Le commandant de bord, daprs le code de laviation civile, est bien matre bord, cest lui de dcider ce quil fait ou ce quil ne fait pas. Mais, il faut savoir que, dans certaines compagnies, il devra rpondre de sa dcision et sa dcision pourra tre interprte de diverses faons sur le plan social. Sagissant des contrleurs ariens, ce sont nos partenaires. Nous travaillons avec eux en permanence. Il y a sans doute des diffrences dans les modes de fonctionnement. On le voit bien lorsque lon traverse des rgions dAfrique o les radars ne sont pas encore tous mis en place actuellement. Par contre, au niveau europen et amricain, le contrle arien fonctionne de la mme faon. M. Edmond SUCHET : LOACI a rcemment, dans lamendement 167, propos damliorer le niveau de communication entre les contrleurs et les navigants et la comptence linguistique figurera, partir du 1er mars 2004, dans des dispositions transitoires et, en 2008, de faon obligatoire pour tout le monde. Il y aura des contrles de comptence linguistique annuels ou semestriels. Il faudra pouvoir communiquer dans la langue du pays. Si cest langlais, il faudra avoir un certain niveau danglais. Si cest le franais, il faudra connatre le franais. A mon avis, cela va mme trs loin car aujourdhui il y a aux Etats-Unis des problmes de comprhension entre Amricains cause des accents. Un anglais ne comprendra pas forcment un Texan. Il faudra harmoniser la langue de communication anglaise au niveau international.

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    Mme la Prsidente : Je voudrais insister nouveau sur la question pose par M. le Rapporteur de savoir pourquoi les pilotes franais ne font pas comme les pilotes amricains, un compte rendu des problmes, des anomalies ou des fautes pour briser la loi du silence. M. Alain GOURIOU : Sur les gros aroports nationaux atterrissent et dcollent des avions de compagnies diverses et de pays divers. Ces appareils, au moment de leur atterrissage ou de leur dcollage, ou bien lors de leur maintien au sol, font-ils lobjet dun contrle systmatique de la part des autorits franaises ? Les pilotes de ces avions font-ils aussi systmatiquement lobjet dune vrification de leur identit et de leur qualification ? Les autorits franaises peuvent-elles sopposer au dcollage dun avion lissue dun contrle ayant tabli une anomalie ? Il ma sembl lire dans la presse, il y a quelque temps, que lon avait d faire appel lautorit dun sous-prfet dIle-de-France pour sopposer au dcollage dun avion. On a parl dans une autre commission denqute de navires poubelles . Des avions poubelles peuvent-ils atterrir sur des aroports franais ? M. Jacques DESALLANGRE : Je ne voudrais pas que vous repartiez avec le sentiment que la mission ne sintresse pas aux problmes sociaux. Bien au contraire, les problmes humains, donc sociaux, nous intressent au premier chef. On a mesur tout au long de votre intervention quel point ils avaient leur importance et il faut absolument mesurer cette importance. M. Jrme BANSARD : En effet, on sest aperu ds le dbut que le matriel avait fait dnorme progrs et quil faut maintenant travailler sur lhumain si lon veut des rsultats tangibles dans lavenir. M. Franck CHATELARD : Sagissant des contrles de charters sur les aroports franais, jai pu constater que ces contrles taient effectus. Un fonctionnaire de la DGAC monte bord avec un programme. Il peut vrifier soit les aspects techniques de la machine, soit la qualification des pilotes partir des documents de bord. Cela se fait-il assez souvent et partout ? Je ne le sais pas. Cest la DGAC qui dcide denvoyer des inspecteurs. Je sais que, quand jtais chez Air Toulouse, il y avait des avions qui ntaient pas tout fait neufs et il mest arriv dtre contrl deux fois au cours de la mme semaine, par le mme inspecteur, sur le mme aroport. Apparemment, on tait donc suivi. Quels sont les pouvoirs des contrleurs ? Si vous ne prsentez pas les papiers demands, ils peuvent clouer lavion au sol. Et, je ne vois pas qui essaierait de repartir, ds lors quon ne laurait pas autoris le faire. Pour ce qui est du contrle des compagnies trangres, il faut dire que les contrleurs sont des fonctionnaires franais ayant parfois du mal sexprimer dans la langue de Shakespeare. Quand ils sadressent des Amricains ou des quipages parlant anglais comme les Indiens, lchange risque de tourner court. Il peut y avoir des problmes de comptence linguistique. Quand il faut examiner fond un problme technique, la matrise du vocabulaire technique dans la langue dchange est trs importante. Pour ce qui est des pressions sur les commandants de bord, je me fonde sur mon exprience dans diffrentes compagnies charters, pour dire que cest toujours le commandant de bord qui, en son me et conscience, doit dcider de partir ou non. Il y a des passagers dans lavion, 150 personnes qui ont pay, des enfants, des familles, on na

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    pas non plus spcialement envie de mourir. Il peut y avoir une pression sociale, mais chacun de prendre sur soi. Quant moi, je nai jamais transig avec la scurit de la machine, mais cest une question de formation et de culture. Quoi quen pense lemployeur, si jai dcid de planter une machine, je le fais sans tat dme. Je me suis dailleurs aperu que, mme en cas de pressions, celles-ci se calment rapidement partir du moment o le dossier technique est tay. Nanmoins, ces pressions sociales existent bien, parce que lorsquun avion est immobilis, il y a beaucoup dargent en jeu. Mais cest vraiment un problme humain, un problme de conscience personnelle. M. Edmond SUCHET : En France, on peut encore refuser de dcoller. Cela peut poser des problmes sociaux, mais le code du travail nous donne quelques garanties. Quand celui-ci ne sapplique pas, la situation est diffrente. Je sais quil y a des avions qui volent en France ou en Europe sans tre forcment dans la situation de le faire. Il y a aussi le problme des avions de fret qui sont souvent beaucoup moins contrls que les avions de passagers. DHL, dans toute lEurope, a vol avec des avions qui taient dans un tat assez lamentable. Un certain nombre est parti la casse, mais dautres volent encore. Jai eu connatre des problmes techniques de ces avions. M. Jrme BANSARD : Concernant les comptes rendus de scurit et de sret effectus par les pilotes, ce type de comptes rendus existe dans les grandes compagnies. Ils sont, le cas chant, anonymes et sont exploits par la compagnie. Mais cette pratique ne peut exister quau sein dune compagnie structure, avec une culture dentreprise. Cest impossible dans une entreprise cre pour une saison, employant des pilotes dorigines diverses. M. le Rapporteur : Que pouvez-vous dire sur le problme de lalcoolisme ? Mme la Prsidente : Effectivement, cette question est importante et jajoute que jai lu dans un document tout fait officiel que Swissair avouait, il y a quatre ou cinq ans, compter 7 % de pilotes alcooliques, malgr la qualit du service. M. Jrme BANSARD : Jai le souvenir danecdotes concernant des pilotes alcooliques, qui sortaient de la guerre et qui avaient t engags dans des compagnies parce quil ny avait pas de pilotes. Ceux-ci avaient pris lhabitude de boire plus que de raison. Mais depuis, je nai pas eu dcho de problme dalcoolisme dans les compagnies que jai frquentes. M. le Rapporteur : Je corrige le mot car lalcoolisme est une maladie. Parlons plutt d usage immodr de lalcool, titre accidentel . Cela existe-t-il ou pas ? Je peux vous citer lexemple de British Airways o rcemment un quipage a refus de dcoller cause de ltat du pilote. M. Jrme BANSARD : A titre individuel, il arrive certainement que des pilotes aient trop bu en dehors du travail. M. le Rapporteur : Etes-vous contrls ? M. Jrme BANSARD : Tous les six mois, un contrle physique et mental est effectu. M. le Rapporteur : Avec un contrle de lalcoolmie ?

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    M. Jrme BANSARD : Tout fait. Tous les six mois, un contrle est effectu avec une prise de sang. Mme la Prsidente : Il sagit dun contrle annonc ? M. Jrme BANSARD : Oui. Il ny a personne qui, comme sur la route, vous donne un ballon avant de dcoller. Cela nexiste pas. Par contre, un de mes camarades qui avait fait un arrt dcollage, cest--dire qui avait fait arrter lavion cause dun problme mcanique, a d souffler dans un ballon sur demande de la police parce quune ou deux personnes staient cognes un peu le nez sur les tablettes qui staient ouvertes. M. Edmond SUCHET : Je prcise que dans les manuels dexploitation de compagnies, il est indiqu que lon ne doit pas boire huit heures avant le dcollage. A travers le contrle mdical semestriel des gammas GT que subissent ces pilotes, on voit trs bien si la personne a lhabitude de consommer de lalcool ou de la drogue. Les deux sont vrifis et cet aspect figure parmi les normes mdicales qui vont changer avec lapplication des normes mdicales FCL3 des JAA. Mme la Prsidente : Je ne pourrai mettre quun regret, cest quil y ait quand mme un voile de discrtion, pour ne pas dire plus, sur ce point. Nous avons en effet appris, vingt ans aprs, quun avion qui venait de Lyon et qui stait cras pas trs loin de Clermont-Ferrand, tait parti aprs que lquipage ait arros lanniversaire du pilote. Cela ne sest su que trs longtemps aprs. Cest laccident de Noirtable. Messieurs, je vous remercie. Nous sommes intresss par toute documentation susceptible de complter notre information et nous nous rservons le droit de faire de nouveau appel vous, si cela parat ncessaire. M. Edmond SUCHET : Je me permets dajouter que la scurit a un prix et cest la raison pour laquelle nous avons propos, lors du projet de loi portant diverses dispositions dadaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (n 375, 1999-2000), un texte sur les Prix abusivement bas en matire de transport arien . Malheureusement, lamendement n 39 prsent par la commission fut neutralis dans ses effets sur laffrtement par un sous-amendement n 68. Nous le dplorons et vous adresserons une proposition ce sujet.

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    Audition conjointe de M. Michel WACHENHEIM, Direction gnrale de laviation civile (DGAC)

    et de M. Maxime COFFIN, Service de la formation aronautique et du contrle technique (SFACT) de la DGAC

    (Extrait du procs-verbal de la sance du 11 fvrier 2004)

    Prsidence de Mme Odile SAUGUES, Prsidente

    Mme la Prsidente : Messieurs, bonjour. Tout dabord, je tiens rappeler que nous nenqutons pas sur laccident de Charm el-Cheikh, bien que notre mission ait t constitue la suite de ce drame et que les circonstances de cette catastrophe peuvent clairer notre rflexion sur lensemble des problmes de scurit arienne. Je propose que vous nous prsentiez quelques propos liminaires, aprs quoi nous vous poserons des questions. M. Michel WACHENHEIM : Je suis directeur gnral de la Direction gnrale de laviation civile et M. Maxime COFFIN est le chef du Service de la formation aronautique et du contrle technique la DGAC Mon expos sera bref car je suppose que les questions sont nombreuses. Laccident de Charm el-Cheikh a de nouveau pos la question de lorganisation de la scurit du transport arien et il est important, compte tenu de tout ce qui a pu tre dit sur le sujet, de bien recadrer la faon dont la scurit est assure au niveau international. Tout dabord, le transport arien tant par nature une activit internationale, la garantie de la scurit doit faire lobjet dune coordination au niveau mondial. Cest la raison pour laquelle lOrganisation de laviation civile internationale (OACI) a t cre en 1944, par la convention de Chicago. Les 189 Etats membres de lOACI, sengagent principalement sur deux points. Le premier est de respecter les normes tablies dans le cadre de cette convention et de ses annexes. Le deuxime est daccepter que les avions des Etats tiers, membres de lOACI, survolent, se posent ou dcollent dun pays, sur la base des normes de scurit tablies par lOACI. Ce systme de reconnaissance mutuelle sur lequel se fonde lOACI fonctionne depuis 60 ans. Evidemment, les normes sont en permanence mises jour en fonction de lvolution du secteur. Nanmoins, on ne peut pas prtendre que tous les Etats du monde respectent parfaitement leurs engagements. Il y a dans un certain nombre de cas des suspicions. Cest pourquoi les Etats de lOACI, ont dcid, il y a quelques annes, de procder des audits pour sassurer que les engagements sont bien respects. A lheure actuelle, pratiquement tous les Etats ont t audits par lOACI, part sept ou huit pour des raisons lies la conjoncture politique ou internationale. 180 Etats ont t audits et certains lont mme t deux fois, loccasion daudits de suivi. En tant quEtat membre de lOACI, nous disposons des rsultats de ces audits. Ceux-ci nous donnent des indications sur le niveau de respect des normes de lOACI, la fois sur le plan organisationnel, sur le plan oprationnel, sur la navigabilit, cest--dire ltat des avions, sur la formation et les licences des personnels, etc. Ces informations sont la disposition des Etats membres mais ne sont pas rendues publiques

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    afin que les Etats acceptent de se soumettre ces audits. On peut en effet penser, mais ce nest bien sr quune hypothse, que si ces audits taient rendus publics, un certain nombre dEtats ne souhaiteraient plus participer au programme. Au niveau europen, un certain nombre de rgles sont tablies dans le cadre de la Confrence europenne de laviation civile (CEAC) et plus prcisment dans le cadre des JAA2. Les JAA sont un organe informel, non normatif, mais qui prsente lavantage de regrouper la plupart des pays europens et, au-del de lUnion europenne, une quarantaine dEtats europens qui, de faon volontaire, se sont entendus sur ltablissement de normes techniques communes, aussi bien dans le domaine des oprations, que pour lutilisation des pilotes, les questions techniques, etc. La France applique volontairement ces normes depuis plusieurs annes, quelquefois avec de petites diffrences. Au niveau de lUnion europenne a t rcemment cre lAgence europenne de scurit arienne (AESA). Cette agence, sur la base dun rglement europen, est charge, terme, dtablir la rglementation de lUnion europenne dans les domaines de la navigabilit, des oprations ariennes, des licences des pilotes et dans diffrents domaines techniques, le but tant de rassembler progressivement, au sein de cette agence, lensemble de la rglementation technique de laviation civile. Cette agence est charge, en outre, de la certification des types davions depuis le 29 septembre dernier. Il y a donc une volont dharmonisation europenne et, surtout, une volont de faire appliquer ces normes de scurit. Au niveau franais, la DGAC est en charge du contrle de la scurit du transport arien, travers le service de la formation aronautique et du contrle technique dont M. Coffin est le responsable. Nous intervenons de plus en plus au niveau du contrle, cest--dire de la vrification de lapplication des normes que nous avons adoptes. Lvolution europenne se traduit par une harmonisation des rglementations et par une implication de plus en plus grande des Etats dans le contrle de la conformit des oprateurs cette rglementation. Cette rglementation nous conduit dlivrer des certificats ou des agrments. Nous dlivrons des certificats de navigabilit individuels aux avions attestant quils respectent bien les normes de navigabilit, des agrments aux centres de maintenance garantissant quils respectent les normes internationales, aux coles de formation et des licences aux pilotes davion pour attester quils ont toutes les comptences pour exercer leur mtier. Nous dlivrons des certificats de transporteur arien des compagnies ariennes, qui ne sont pas les licences dexploitation de transport arien proprement dites, mais des certificats attestant que la compagnie arienne respecte bien les normes techniques adoptes aux niveaux international et franais. 120 compagnies ariennes fonctionnent sous notre autorit, ainsi que 400 centres de maintenance et une soixantaine dcoles de pilotage dont une dizaine sont des coles importantes. Je passe sur le contrle des aroclubs. Le systme de contrle et de surveillance de lensemble du secteur de laviation civile emploie environ 500 personnes au sein de la DGAC. Pour terminer, il faut parler des contrles en escale, les fameux contrles SAFA. Je ne les ai pas intgrs dans le systme gnral de contrle de la scurit, le noyau dur de notre systme tant lOACI. Au niveau europen, et malgr un constat identique celui tabli au niveau de lOACI, cest--dire que tous les pays ne respectent pas les normes de la mme faon et que certains sont dfaillants, il y a une volont de rassembler des informations sur les avions qui viennent sur les aroports europens , au sens de la Confrence europenne de laviation civile, qui regroupe 41 tats.

    2 JAA : Joint aviation authorities.

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    Ce dispositif consiste effectuer un certain nombre de contrles externes, faire le tour de lavion pour vrifier visuellement un certain nombre dlments : le cockpit, certains documents, la cabine passagers. Ces contrles portent sur un peu plus de 50 points, bien nomenclaturs. Les rsultats, qui sont exprims en niveaux 1, 2, 3 selon la gravit de lanomalie, sont communiqus une base centrale situe en Hollande, gre par les JAA, afin dtre compils, exploits et ventuellement communiqus aux autorits respectives des compagnies ariennes concernes. Il sagit donc dintervenir auprs des autorits de laviation civile lorsque des anomalies sont rencontres. En cas danomalies graves, notamment celles de niveau 3, les avions ne peuvent repartir que si ces anomalies sont corriges sur place. Nous faisons annuellement environ 2 500 contrles de ce type en France dont la moiti sur des avions trangers la France. Pour ces derniers, cest le seul moyen direct davoir des informations sur la scurit. En cas danomalie nous demandons aux autorits de laviation civile des compagnies concernes soit de faire en sorte que les choses soient corriges immdiatement avant le redcollage de lavion, soit lorsquil sagit dune simple alerte, de nous informer sur la suite donne ce qui a t constat. Mme la Prsidente : Merci, M. le directeur. Comment, avec de telles contraintes peut-on expliquer le pas de deux qui sest produit entre le contrle suisse et le contrle franais concernant lavion de Flash Airlines ? M. Michel WACHENHEIM : Le contrle suisse faisait tat dun certain nombre danomalies de niveaux 1, 2, 3. Il faut savoir que la Suisse effectue en moyenne six fois plus de constats danomalies de niveau 3 que lensemble des autres pays europens. Ceci montre que le systme nest pas parfait et quil y a un problme dapprciation. Parmi les anomalies de niveau 3 releves par la Suisse, certaines, selon nous, ne relevaient pas de ce niveau, par exemple, les siges en mauvais tat, les vide-poches dchirs. Pour nous, il sagit dune mauvaise qualit de service mais cela ne met pas en jeu la scurit du vol. Autre exemple, le contrle suisse relevait un dfaut libell doute sur la compression des jambes de train . Aprs vrification, il a t constat que cet lment tait dans les normes. Ces deux exemples expliquent pourquoi le coordonnateur central des Pays-Bas na pas recommand aux Etats de suivre lexemple des Suisses en interdisant cette compagnie. Il a simplement conseill dadapter les contrles car des informations manant de la Suisse mritaient dtre vrifies et suivies. Les Suisses ont dcid dinterdire cette compagnie. Mais, je le dis clairement, si nous avions fait les mmes contrles en France, nous naurions pas interdit la compagnie. Cela prouve que le systme doit tre amlior au niveau europen pour que tout le monde ait la mme chelle de valeurs. Cela ne veut pas dire pour autant que cette compagnie tait fiable cette poque-l car les contrles dont il sagit nont pas de valeur gnrale quant au niveau de scurit des compagnies. Ils ne permettent pas de savoir si un moteur ou les gouvernes de vol sont en bon tat. Dailleurs, je signale que, dans ce contrle, il ny avait rien sur les moteurs et les gouvernes de vol, contrairement ce qui a t dit. Jai moi-mme adress une lettre mon collgue suisse pour lui demander des explications ce sujet. Il faudrait un processus de dcision conjoint. Je comprends parfaitement que le public soit interloqu par le fait quun pays comme la Suisse, interdise une compagnie arienne, alors que les autres pays europens ne linterdisent pas. Mme la Prsidente : Oui, mais lavion sest cras.

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    M. Michel WACHENHEIM : Effectivement, mais pas ncessairement cause des anomalies signales par la Suisse. Il y a manifestement un besoin dharmonisation des attitudes et des enseignements tirs de ces contrles. Cest dans ce sens que nous allons travailler, la demande expresse de notre ministre, au niveau du comit directeur du groupe SAFA, mais galement au niveau de lUnion europenne qui vient dadopter une directive rendant le systme obligatoire ; ainsi, il y aura une harmonisation des positions sous lgide de la Commission europenne. On voit bien que le systme a besoin dtre amlior mais que les informations produites par la Suisse ne justifiaient pas en elles-mmes une interdiction. Aprs ces contrles suisses, qui ont eu lieu en octobre 2002, la compagnie a procd un certain nombre de travaux sur ses deux avions. Ceux-ci ont t entirement rviss, loccasion de ce que lon appelle une grande visite . Un moteur a t galement entirement rvis. Les contrles suivants, en Pologne (juin 2003) et en France (octobre et novembre 2003), nont pas donn dlment alarmant sur la situation de cette compagnie arienne. Jajoute une information dont on a moins parl : lAllemagne a procd, en septembre 2003, un audit par questionnaire de cette compagnie arienne. Mon collgue allemand qui jai tlphon, dans les jours qui ont suivi, ma rpondu que tout tait parfait. Voil la situation objective des faits. M. le Rapporteur : Vous avez rpondu beaucoup de questions que nous nous posions sur lorganisation du contrle. Nanmoins, je voudrais savoir si les rsultats des 2 500 contrles SAFA effectus chaque anne permettent davoir une ide prcise de la typologie des lments accidentognes. Le syndicat des pilotes de ligne nous a dit quaujourdhui les problmes ne sont plus tant lis aux machines les constructeurs faisant un gros effort quaux problmes de maintenance, de contrle, et surtout aux problmes humains. Ils nous ont dit galement quil ny avait pas de mise en cause du contrle arien, notamment en France. Votre service, qui a connaissance de tous les contrles mais qui na pas connaissance des incidents de vol, alors que ceux-ci sont parfois des accidents vits qui a connaissance de toutes les enqutes menes dans le monde entier sur les causes des accidents, devrait tre en mesure de donner notre mission des lments trs prcis sur ce que nous devons chercher. Pourquoi un avion scrase-t-il ? Est-ce la faute de la machine, des contrles, de lingalit des conditions de travail des personnels navigants ? Est-ce le manque de rigueur de certains Etats ? M. Michel WACHENHEIM : Nous disposons des rsultats des audits des Etats. Nous avons mme essay de les classer par types de problmes de scurit les licences des pilotes, la navigabilit des avions, les oprations, etc. et aussi de donner une valeur aux audits de lOACI. Mais ce nest pas une classification officielle. Cest quelque chose qui nous est compltement personnel, subjectif. Selon nos informations, lEgypte se situait au plus haut niveau, cest--dire sans anomalie dans les cinq catgories dinformations recueillies lors de ces audits. Il ny avait aucune raison objective de ne pas avoir confiance dans lautorit de laviation civile gyptienne. Je prcise, en pesant mes mots, que, pour la Suisse, la classification nest pas la mme. Il y a eu une crise lanne dernire en Suisse qui nest pas termine. LOFAC Office fdral de laviation civile na toujours pas de directeur et se retrouve dans une situation difficile. Le prcdent directeur a t vinc la fin du mois daot 2003 pour

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    des raisons tenant la scurit du transport arien. Des dispositions ont t prises visant une meilleure transparence. Or, quand un organisme est dans une telle situation, il cherche mieux travailler. Cela explique que la transparence ait t aussi forte dans la priode rcente. Malheureusement, il ny a pas de directeur pour confirmer ces informations. Le directeur actuel est un directeur par intrim qui soccupe des routes ou des chemins de fer. Les accidents daviation sont rares et on ne peut assurer 100 % de scurit, mais quand ils ont lieu ils sont meurtriers. Il y a environ 2 000 morts par an dans le monde entier sur les vols commerciaux. Le chiffre exact est de 1 600 morts et on compte 1,6 milliard de passagers dans le monde. Faites le ratio. Cest forcment trop. Mme si lon prend des taux de scurit de 10-6 ou 10-9 dans notre organisation technique, malheureusement il y a toujours forcment des petites dficiences un moment ou un autre. Quels sont les points faibles ? Les enqutes sur les accidents indiquent quun accident est rarement d une seule cause et que, parmi celles-ci, il y a souvent des causes humaines. Dans la plupart des cas, on peut prvoir la cause technique et envisager des comportements suivre dans les situations difficiles. Mais dans certains cas, les attitudes ou les ractions des quipages ne sont pas ncessairement celles que lon aurait pu attendre. Cest pourquoi je ne peux que confirmer limportance du facteur humain. M. Maxime COFFIN : Il y a effectivement une typologie des accidents et des priorits en matire de scurit, mais ce nest pas partir du programme de contrle des aronefs sur le terrain quon peut ltablir. Ces 2 500 contrles annuels sont importants, il faut les faire, mais je les comparerais un peu au contrle quun motard peut faire sur le bord de la route quand il arrte votre voiture, vous demande votre permis de conduire, la carte grise et regarde si vous avez la ceinture. Ce type de contrle ne suffit pas faire une politique de scurit routire. Ce nest pas non plus travers ces interventions que lon pourra conduire une vraie rflexion sur les accidents de la route. Dans le transport arien, cest pareil. Notre rflexion se fonde beaucoup plus sur le dialogue permanent avec les autorits trangres et sur lanalyse systmatique des incidents dexploitation. Toutes les compagnies franaises ont une obligation de rapport sur les incidents dexploitation et chaque pays doit mettre ce mme systme en place pour ses oprateurs et ses constructeurs. Donc, il y a un retour dexprience trs important analys en commun. De cette analyse, il ressort quun accident est trs rarement d une cause unique, il y a de multiples causes. On a bti au niveau mondial un double systme : un regard sur le pass pour en tirer les leons et dire dans quels domaines des efforts sont ncessaires et une rflexion sur ce qui, dans les volutions du transport arien mondial, pourrait tre accidentogne. Il y a deux types daccidents ou dincidents particulirement inquitants aujourdhui, sur lesquels on travaille beaucoup. Le premier est ce que lon appelle en franais le vol contrl dans le terrain , (controlled flight into terrain), cest--dire la collision dun avion avec le sol, alors quil ny a pas de problme particulier. Cest essentiellement une erreur de reprsentation matrielle : on croit se poser sur une piste, alors quon se pose ct ou bien on croit survoler un espace dgag, alors quon est sur une montagne. Les causes de cette collision avec le sol sont diverses, mais elles proviennent essentiellement dune erreur de reprsentation matrielle de lquipage : lquipage ne sait pas exactement o il est et dans bien des cas, parce quil est en vol automatique il ne sait pas ce que sont en train de faire les automatismes ou, en tout cas, il en a une ide fausse. Il croit voir affich un axe pour intercepter une balise et, en fait, ce nest pas laxe qui est affich. Je caricature, cest souvent un peu plus complexe. Il y a un trs gros travail faire dans ce domaine la fois pour amliorer, par la formation, les processus de reprs