témoignage - des géréonnais se sont installés sur l’île de...

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Jeudi 17 juillet 2014 - n° 8 796 5 ACTUALITE Témoignage - Des Géréonnais se sont installés sur l’île de Wallis La famille Hardy a trouvé son petit paradis La famille Hardy a emména- gé à l’autre bout du monde. Elle raconte cette « expé- rience unique ». « On a effectué notre bap- tême d’avion par un voyage de 22 000 kilomètres ! » Il y a un an, Sandrine, France, et leurs enfants Chloé (10 ans) et Léo (13 ans) ont quitté leur pavillon de Saint- Géréon pour un grand saut dans l’inconnu. Ils se sont posés à Wallis, une petite île perdue au milieu de l’océan Pacifique (lire encadré). « Ce séjour est une parenthèse de trois ans, avant de réintégrer notre vie comme avant », explique Sandrine. Il a été possible grâce à la muta- tion de France, militaire, qui travaille pour le corps de soutien technique et admi- nistratif de la Gendarmerie nationale. « Nous voulions découvrir une autre culture, vivre un expérience uni- que », confie-t-il. « Il ne faut pas être maniaque » La petite famille a bien pris ses marques, même si tout n’a pas été simple au début. « Il fait tout le temps chaud et humide, même la nuit », relève Sandrine. Et puis, il faut lutter contre les blat- tes, scolopendres, fourmis et autres lézards qui tendent à proliférer dans la maison. « Il ne faut pas être mania- que », en rigole France. Pas évident, non plus, de varier les menus car l’île est très dépendante des bateaux et des avions pour son appro- visionnement. « Devoir se concentrer sur l’essentiel, cela nous convient, finale- ment, se contente Sandrine. Après, si l’on pouvait trouver de la farine sans bébêtes…» France rebondit avec amu- sement : « Recevoir un colis de nos proches est toujours un moment agréable ! » « Heureusement qu’il y a Skype ! » C’est d’ailleurs l’éloignement avec les amis et la famille qui est « la seule chose difficile à vivre, selon Sandrine. Heu- reusement qu’il y a Skype ! » Chloé arrive ainsi à échanger avec son ancienne classe de l’école du Gotha, tout com- me Léo avec ses copains du collège Saint-Joseph. La famille donne également de ses nouvelles via son blog*, riche en photos. Un aquarium avec des baleines Mais au delà des contrain- tes, il reste l’essentiel : l’île de Wallis est déjà une porte d’entrée sur d’autres desti- nations exotiques comme Fidji, Futuna, bientôt la Nou- velle-Zélande, puis la Nou- velle-Calédonie… Et il y a ce cadre de vie exceptionnel, à la végétation luxuriante, ceint d’un lagon bleu tur- quoise et d’îlots paradisia- ques… « On a l’impression de nager dans un aquarium géant », s’émerveille France. Sandrine renchérit : « Nous avons aperçu une baleine au bord de la barrière de corail. On a tous ce souvenir magi- que ancré en nous. On adore prendre notre bateau pour aller bivouaquer sur un îlot. Cette liberté totale n’existe nulle part ailleurs…» Mathieu Cloteau (*) Blog : hardysfamilywal- lis.over-blog.com France, Léo, Sandrine et Chloé effectuent un séjour de trois ans au beau milieu du Pacifique. Ce sont des petits bouts de France, perdus au milieu de l’océan Pacifique : les îles Wallis et Futuna, distantes de 250 kilomètres, se situent entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, à proximité de Fidji. Ce territoire possède le sta- tut très particulier de collec- tivité d’outre-mer où le droit français côtoie le droit cou- tumier local. Autrement dit : le préfet et les services de l’Etat composent avec une assemblée territoriale élue et surtout avec la chefferie et trois rois (un à Wallis, deux à Futuna). Les deux îles se vident peu à peu, les jeunes émigrant surtout en Nouvelle-Calédo- nie, voire en métropole, pour trouver du travail : au dernier recensement, en 2013, la po- pulation avait encore baissé de 10 % en cinq ans, avec 8 584 habitants pour Wallis et 3 613 pour Futuna. De par son isolement, le territoire est logiquement très dépendant de l’Etat français : 60 % de l’emploi salarié relève ainsi du ser- vice public. Si aucune ex- portation n’est envisagea- ble, l’autoconsommation (pêche, élevage, cultures) y est très développée. Mais pourquoi l’Etat chérit-il autant ces îles si lointaines ? Au-delà de la dimension historique, Wallis-et-Futuna présentent un intérêt géo- politique en Océanie : elles sont solidement arrimés à la France alors que le voisin néo-calédonien s’interroge toujours sur son indépen- dance. Et il y a ce domaine maritime considérable et sous-exploité : la zone éco- nomique exclusive (ZEE) de Wallis-et-Futuna atteint en effet 266 000 km 2 , soit autant que la métropole ! En 2010, 2011 et 2012, trois campa- gnes d’exploration, menées en partenariat public-privé (PPP), ont révélé des traces de métaux rares au fond de l’océan : sulfures hydrother- maux, riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent et or, voire indium et germanium. Une mine de richesses qui dort au beau milieu du Pa- cifique... M. C. Wallis-et-Futuna, pépites du Pacifique Non, “L’écho d’Ancenis” n’a pas délégué un envoyé spécial, qui s’est ingurgité trente heures d’avi- on pour recueillir le témoignage de Sandrine et France Hardy. Avec sa famille, notre ancien collabora- teur Mathieu Cloteau, qui a passé dix ans à Ancenis, a décidé lui aus- si de traverser le globe pour vivre une expérience unique. A son tour, il nous livre ses impressions à tra- vers une carte postale. « Découvrir une nouvelle culture, fuir le stress de la métro- pole, retrouver une vraie vie de famille ou encore voyager dans des contrées lointaines ont guidé notre choix. Cette décision a été rendue possible par la mutation de ma com- pagne, fonctionnaire d’Etat. Pour ma part, depuis dix mois, je n’ai pas d’activité salariée, mais je ne m’ennuie pas. Il faut en effet gérer l’intendance, ce qui n’est pas une mince af- faire au quotidien, surtout avec deux enfants en maternelle et en primaire qui se sont heureusement bien adaptés : ils chantent à tue-tête en wallisien ! On m’a proposé de créer un journal, mais une telle entreprise semble déjà très aléa- toire économiquement, et surtout très risquée. Le dernier hebdomadaire a été fermé, en 2002, par le roi de Wallis, qui n’avait pas apprécié un édito : son directeur a été prié de faire ses valises… Evidemment, dans un endroit aussi reculé, la société d’hy- per-consommation n’est plus qu’un vague souvenir, ce qui n’est pas plus mal. Il faut toutefois se doter d’une bonne dose de patience et se montrer débrouillard pour améliorer son confort quotidien. Il est nécessaire aussi de s’adapter à une vie très chère même si les salaires sont indexés : par exemple, un paquet de 12 crêpes sous-vide dépasse les 10 euros ! Alors, on les fabrique, tout comme le caramel au beurre salé ou les fouées, qui se marient d’ailleurs parfai- tement avec les rillettes de Sandrine. L’hygiène, aussi, est un combat de tous les jours : une incroyable diversité de bébêtes tendent à squatter la maison. C’est surprenant de trouver une énorme araignée dans le grille-pain ! Mais ces petits aléas sont presque anecdotiques quand on les met en balance avec les souvenirs : les bivouacs sur un îlot au milieu d’un lagon bleu turquoise ; les cochons grillés étendus, les pattes en l’air, lors des cérémonies coutumiè- res ; la plongée au dessus des requins et des raies mantas en Nouvelle-Calédonie ; bientôt la visite d’un volcan en acti- vité au Vanuatu... La vie, ici, n’est ni pire, ni meilleure, elle est juste très différente. Mais il y a des jours où un tel dépayse- ment prend vraiment tout son sens... » M. C. Pratique - Contact : [email protected] Une carte postale signée Mathieu Cloteau Mathieu Cloteau. Un petit coin de paradis...

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Jeudi 17 juillet 2014 - n° 8 796 5ACTUALITE

Témoignage - Des Géréonnais se sont installés sur l’île de Wallis

La famille Hardy a trouvé son petit paradisLa famille Hardy a emména-gé à l’autre bout du monde. Elle raconte cette « expé-rience unique ».

« On a effectué notre bap-tême d’avion par un voyage de 22 000 kilomètres ! » Il y a un an, Sandrine, France, et leurs enfants Chloé (10 ans) et Léo (13 ans) ont quitté leur pavillon de Saint-Géréon pour un grand saut dans l’inconnu. Ils se sont posés à Wallis, une petite île perdue au milieu de l’océan Pacifique (lire encadré). « Ce séjour est une parenthèse de trois ans, avant de réintégrer notre vie comme avant », explique Sandrine. Il a été possible grâce à la muta-tion de France, militaire, qui travaille pour le corps de soutien technique et admi-nistratif de la Gendarmerie nationale. « Nous voulions découvrir une autre culture, vivre un expérience uni-que », confie-t-il.

« Il ne faut pas être maniaque »

La petite famille a bien pris ses marques, même si tout n’a pas été simple au début. « Il fait tout le temps chaud et humide, même la nuit », relève Sandrine. Et puis, il faut lutter contre les blat-tes, scolopendres, fourmis et autres lézards qui tendent à proliférer dans la maison. « Il ne faut pas être mania-que », en rigole France. Pas évident, non plus, de varier les menus car l’île est très dépendante des bateaux et des avions pour son appro-visionnement. « Devoir se concentrer sur l’essentiel, cela nous convient, finale-

ment, se contente Sandrine. Après, si l’on pouvait trouver de la farine sans bébêtes…» France rebondit avec amu-sement : « Recevoir un colis de nos proches est toujours un moment agréable ! »

« Heureusement qu’il y a Skype ! »

C’est d’ailleurs l’éloignement avec les amis et la famille qui est « la seule chose difficile à vivre, selon Sandrine. Heu-reusement qu’il y a Skype ! » Chloé arrive ainsi à échanger avec son ancienne classe de l’école du Gotha, tout com-

me Léo avec ses copains du collège Saint-Joseph. La famille donne également de ses nouvelles via son blog*, riche en photos.

Un aquarium avec des baleines

Mais au delà des contrain-tes, il reste l’essentiel : l’île de Wallis est déjà une porte d’entrée sur d’autres desti-nations exotiques comme Fidji, Futuna, bientôt la Nou-velle-Zélande, puis la Nou-velle-Calédonie… Et il y a ce cadre de vie exceptionnel, à la végétation luxuriante,

ceint d’un lagon bleu tur-quoise et d’îlots paradisia-ques… « On a l’impression de nager dans un aquarium géant », s’émerveille France. Sandrine renchérit : « Nous avons aperçu une baleine au bord de la barrière de corail. On a tous ce souvenir magi-que ancré en nous. On adore prendre notre bateau pour aller bivouaquer sur un îlot. Cette liberté totale n’existe nulle part ailleurs…»

Mathieu Cloteau

(*) Blog : hardysfamilywal-lis.over-blog.com

France, Léo, Sandrine et Chloé effectuent un séjour de trois ans au beau milieu du Pacifique.

Ce sont des petits bouts de France, perdus au milieu de l’océan Pacifique : les îles Wallis et Futuna, distantes de 250 kilomètres, se situent entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, à proximité de Fidji. Ce territoire possède le sta-tut très particulier de collec-tivité d’outre-mer où le droit français côtoie le droit cou-tumier local. Autrement dit : le préfet et les services de l’Etat composent avec une assemblée territoriale élue et surtout avec la chefferie et trois rois (un à Wallis, deux à Futuna).Les deux îles se vident peu à peu, les jeunes émigrant surtout en Nouvelle-Calédo-nie, voire en métropole, pour trouver du travail : au dernier recensement, en 2013, la po-pulation avait encore baissé de 10 % en cinq ans, avec 8 584 habitants pour Wallis et 3 613 pour Futuna. De par son isolement, le territoire est logiquement très dépendant de l’Etat français : 60 % de l’emploi salarié relève ainsi du ser-vice public. Si aucune ex-portation n’est envisagea-ble, l’autoconsommation (pêche, élevage, cultures) y est très développée.

Mais pourquoi l’Etat chérit-il autant ces îles si lointaines ? Au-delà de la dimension historique, Wallis-et-Futuna présentent un intérêt géo-politique en Océanie : elles sont solidement arrimés à la France alors que le voisin néo-calédonien s’interroge toujours sur son indépen-dance. Et il y a ce domaine maritime considérable et sous-exploité : la zone éco-nomique exclusive (ZEE) de Wallis-et-Futuna atteint en effet 266 000 km2, soit autant que la métropole ! En 2010, 2011 et 2012, trois campa-gnes d’exploration, menées en partenariat public-privé (PPP), ont révélé des traces de métaux rares au fond de l’océan : sulfures hydrother-maux, riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent et or, voire indium et germanium. Une mine de richesses qui dort au beau milieu du Pa-cifique... M. C.

Wallis-et-Futuna, pépites du Pacifique

Non, “L’écho d’Ancenis” n’a pas délégué un envoyé spécial, qui s’est ingurgité trente heures d’avi-on pour recueillir le témoignage de Sandrine et France Hardy. Avec sa famille, notre ancien collabora-teur Mathieu Cloteau, qui a passé dix ans à Ancenis, a décidé lui aus-si de traverser le globe pour vivre une expérience unique. A son tour, il nous livre ses impressions à tra-vers une carte postale.« Découvrir une nouvelle culture, fuir le stress de la métro-pole, retrouver une vraie vie de famille ou encore voyager dans des contrées lointaines ont guidé notre choix. Cette décision a été rendue possible par la mutation de ma com-pagne, fonctionnaire d’Etat. Pour ma part, depuis dix mois, je n’ai pas d’activité salariée, mais je ne m’ennuie pas. Il faut en effet gérer l’intendance, ce qui n’est pas une mince af-faire au quotidien, surtout avec deux enfants en maternelle et en primaire qui se sont heureusement bien adaptés : ils chantent à tue-tête en wallisien ! On m’a proposé de créer un journal, mais une telle entreprise semble déjà très aléa-toire économiquement, et surtout très risquée. Le dernier hebdomadaire a été fermé, en 2002, par le roi de Wallis, qui n’avait pas apprécié un édito : son directeur a été prié de faire ses valises…Evidemment, dans un endroit aussi reculé, la société d’hy-per-consommation n’est plus qu’un vague souvenir, ce qui n’est pas plus mal. Il faut toutefois se doter d’une bonne dose de patience et se montrer débrouillard pour améliorer son confort quotidien. Il est nécessaire aussi de s’adapter à une vie très chère même si les salaires sont indexés : par exemple, un paquet de 12 crêpes sous-vide dépasse les 10 euros ! Alors, on les fabrique, tout comme le caramel au beurre salé ou les fouées, qui se marient d’ailleurs parfai-tement avec les rillettes de Sandrine. L’hygiène, aussi, est un combat de tous les jours : une incroyable diversité de bébêtes tendent à squatter la maison. C’est surprenant de trouver une énorme araignée dans le grille-pain !Mais ces petits aléas sont presque anecdotiques quand on les met en balance avec les souvenirs : les bivouacs sur un îlot au milieu d’un lagon bleu turquoise ; les cochons grillés étendus, les pattes en l’air, lors des cérémonies coutumiè-res ; la plongée au dessus des requins et des raies mantas en Nouvelle-Calédonie ; bientôt la visite d’un volcan en acti-vité au Vanuatu... La vie, ici, n’est ni pire, ni meilleure, elle est juste très différente. Mais il y a des jours où un tel dépayse-ment prend vraiment tout son sens... »

M. C.Pratique - Contact : [email protected]

Une carte postale signée Mathieu Cloteau

Mathieu Cloteau.

Un petit coin de paradis...