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Thème 2 1. Le secteur informel en Afrique : définition et caractéristiques générales : Le rôle du « secteur informel » dans l’intégration régionale Le secteur informel est défini comme l'ensemble des unités de production dépourvues de numéro d'enregistrement administratif et/ou de comptabilité écrite formelle. Divers travaux montrent que les activités informelles ne sont pas incompatibles avec les mécanismes de l’économie de marché, on y trouve des éléments de l’économie pure. En outre, les échanges informels trouvent leur source dans les disparités des politiques économiques financières, monétaires, commerciales distinctes selon les pays. Les activités informelles se déploient sur des espaces frontaliers, à partir de réseaux de marchands différenciés par l’ethnie et souvent par la famille sur des générations. Ainsi sur la base ethnique ou familiale et d’échanges régionaux, le comportement des acteurs n’est pas irrationnel mais s’insère dans un cadre communautaire de référence. L’économie informelle dégage finalement des ressources et représente un facteur de décollage économique qui, s’il n’est pas suffisant, n’en est pas moins réel. Il faut bien évidemment distinguer le petit artisan, le petit commerce de rue, les multiples services à faibles revenus des activités informelles plus porteuses et qui créent de substantiels profits. 2. Le rôle dynamique du secteur informel La mondialisation s’accompagne d’un processus de régionalisation dont les niveaux et les rythmes varient d’un état à l’autre. L’hypothèse d’un marché régional et/ou mondial propre aux grandes entreprises et d’un marché local voire national propre aux petites entreprises mérites d’être abordée, si tel est le cas des liens entre les niveaux local-national et régional-mondial attesteraient du rôle des activités informelles dans le processus de régionalisation. Une enquête réalisée par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) entre 2001 et 2003 réaliser sur 7 capitales de l’espace

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Thème 2

1. Le secteur informel en Afrique : définition et caractéristiques générales

: Le rôle du « secteur informel » dans l’intégration régionale

Le secteur informel est défini comme l'ensemble des unités de production dépourvues de numéro d'enregistrement administratif et/ou de comptabilité écrite formelle.

Divers travaux montrent que les activités informelles ne sont pas incompatibles avec les mécanismes de l’économie de marché, on y trouve des éléments de l’économie pure. En outre, les échanges informels trouvent leur source dans les disparités des politiques économiques financières, monétaires, commerciales distinctes selon les pays.

Les activités informelles se déploient sur des espaces frontaliers, à partir de réseaux de marchands différenciés par l’ethnie et souvent par la famille sur des générations.

Ainsi sur la base ethnique ou familiale et d’échanges régionaux, le comportement des acteurs n’est pas irrationnel mais s’insère dans un cadre communautaire de référence.

L’économie informelle dégage finalement des ressources et représente un facteur de décollage économique qui, s’il n’est pas suffisant, n’en est pas moins réel.

Il faut bien évidemment distinguer le petit artisan, le petit commerce de rue, les multiples services à faibles revenus des activités informelles plus porteuses et qui créent de substantiels profits.

2. Le rôle dynamique du secteur informel La mondialisation s’accompagne d’un processus de régionalisation dont les

niveaux et les rythmes varient d’un état à l’autre.

L’hypothèse d’un marché régional et/ou mondial propre aux grandes entreprises et d’un marché local voire national propre aux petites entreprises mérites d’être abordée, si tel est le cas des liens entre les niveaux local-national et régional-mondial attesteraient du rôle des activités informelles dans le processus de régionalisation.

Une enquête réalisée par l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) entre 2001 et 2003 réaliser sur 7 capitales de l’espace

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UEMOA ont permis de réaliser que le secteur informel n'est pas seulement un conglomérat d'unités de production exerçant dans des conditions précaires, mais aussi un secteur atomisé, où la dynamique entrepreneuriale est limitée. Dans leur grande majorité, en effet, les unités de production informelles ont été créées par ceux ou celles qui les dirigent actuellement. Contrairement à une idée reçue, la mise à son compte dans le secteur informel est bien souvent un choix délibéré.

De cette enquête, il ressort que 60% des chefs d'unités de production considèrent le secteur informel comme un mode privilégié d'insertion sur le marché de travail en invoquant la possibilité d'obtenir un meilleur revenu que le salaire auquel ils pourraient prétendre (28%) ou en refusant le statut de travailleur dépendant et en mettant en avant le désir d'être leur propre patron (32%). Ce résultat permet d'affirmer que le secteur informel est de loin le premier pourvoyeur d'emplois et se présente comme une solution face au chômage galopant des jeunes. En outre, le secteur informel est massivement constitué de micro-unités, la taille moyenne des unités informelles étant de 1,53 personne par établissement se présente comme un moyen rapide pour les gouvernants d’absorber les jeunes en les engageant dans des métiers dont la durée de formation est relativement court et n’a pas besoin de qualification spécifiques.

Sur la base de « circuits financiers clos », des circuits ethniques et des clubs divers (où se côtoient des chefs d’entreprises, des hommes ou des femmes d’affaires, des décideurs politiques), les conditions d’accumulation sont réunies.

3. Le modèle asiatique A l’exemple de l’acteur économique asiatique qui peut déployer son esprit

d’initiative d’autant qu’il bénéficie des conditions macro-économiques favorables tel : économies protégées, liberté d’entreprise, interventionnisme de l’état avec un rôle efficace d’orientation des ressources vers des projets porteurs à long terme, révolution verte, développement des infrastructures et autres, faisant ainsi du secteur informel un espoir de réussite.

Le marché informel est une source importante de financement du secteur informel. En Asie, la complémentarité entre les petites et les grandes entreprises permet aux premières de profiter des conditions de crédit obtenus par les seconds. Dans une étude relative aux tontines dans les années 1995 par M. Leart constate que les pratiques financières informelles asiatiques sont davantage orientées vers la disponibilité du crédit ce qui n’est pas le cas des pratiques financières informelle africaines. Les emprunts peuvent être opérés auprès de la famille, des amis, du propriétaire, du commerçant ainsi qu’auprès des prêteurs

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professionnels ou auprès de ceux qui accordent des crédits au nm d’une banque mais sous leur responsabilité Dans les pays asiatiques, les tontines ont une vocation économique où les fonds sont utilisés pour l’investissement.

L’une des raisons pour lesquelles l’Asie a réussie à concilier le rôle et l’intervention de l’Etat avec le marché tient, selon Chaponnière, à l’existence des divers liens associant l’Etat, les entreprises, les réseaux formels mais aussi informels. L’Afrique semble être éloigner de cette réalité alors les liens communautaires existent, que les tontines sont nombreuses, que les solidarités ethniques sont réelles et que les activités informelles ne demandent qu’à bénéficier d’un environnement favorable.

Les divers exemples concrets montrent que ce ne sont pas les dotations factorielles initiales ou les conditions naturelles qui expliquent les écarts de compétitivité entre l’Asie et l’Afrique mais bien plus le cadre plus ou moins réglementaire auquel sont assujetties les activités de production et de distribution. De fait, le dynamisme des activités officielles ou non, s’en trouve renforcé ou pénalisé ; les acteurs du « bas » sont incités à travailler plus ou, à l’opposé, amenés à satisfaire uniquement les besoins primaires de consommation et/ou d’épargne, par précaution. Au lieu de produire pour satisfaire le marché intérieur afin d’exporter ensuite au sein d’une filière locale-nationale-régionale-mondiale, les micro-entreprises africaines se replient sur elles-mêmes et restent isolées. Elles ont donc peu de chances de maîtriser la connaissance nécessaire et d’acquérir la capacité de construire des réseaux de distribution régionaux puis mondiaux qui limiteraient leurs coûts de transaction. On voit mal dans ce contexte les chances de satisfaire les conditions d’un processus de régionalisation. Non coordonnées, elles entrainent encore des duplications de projets concurrents et peu viables. Et pourtant, depuis près de 40 ans, de nombreux organismes à vocation régionale ont été créés dans le but de satisfaire les échanges commerciaux, de favoriser l’intégration des activités de transformation, industrielles et de services, d’accéder davantage aux technologies extérieurs. Les micro-entreprises sont finalement confrontées à une fiscalité trop lourde, à un accès au crédit difficile et cher, à des taux de change surévalués, à des appuis aux producteurs insuffisants ou mal ciblés. Le secteur informel y est mal perçu, insuffisamment aidé, et les capacités d’exportations restent trop limitées pour exercer un effet levier et stimuler la croissance. Or ces capacités existent et elles peuvent être valorisées à l’échelle locale puis régionale à partir, entre autre, des potentialités du secteur informel.

4. Des marchés étroits et administrés La taille des marchés africains est conditionnée par des bas revenus. En

outre, les moyens de transport sont inadaptés. On trouve beaucoup de petits « sous marché » limité en volume et en extension spatiale. La constitution d’un

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processus de régionalisation permettrait à court et moyen terme de multiplier les échanges de biens et services différenciées de part et d’autre des économies nationales.les potentialité d’exportation ouvrent des perspectives aux micro-entreprises, formelles et informelles. L’exemple des productions maraîchères et fruitières dans l’ouest du Cameroun sous l’impulsion des Bamiléké est à cet égard révélateur. Leur dynamique dans un contexte de solidarité ethnique leur permettait dans les années 80 d’exporter vers les pays frontaliers, dont le Gabon.

Par ailleurs, les tontines jouent un rôle financier majeur. Mais, à la différence des tontines asiatiques, les tontines ont plutôt une vocation sociale où les fonds d’abord sont utilisés pour la consommation dans la grande majorité des pays africains. En plus du recours au marché financier informel, la taille du marché informel qui posent problème. Elle se limite à l’épargne domestique, laquelle dépend à terme de la croissance économiques ou, globalement des performances économiques nationales. Les conditions macro-économiques dans lesquelles évoluent les micro-entreprises informelles africaines méritent donc davantage de flexibilité. Il s’agit de réduire par exemples les charges administratives sur les entreprises informelles et faire en sorte que l’environnement économique soit plus favorable à l’expansion de leurs activités.

5. Le recours aux poly-activités Le souci d’anticiper les risques peut encore consister à multiplier les

activités. He évoque à ce propos le recours aux poly-activités qui, à leur tour, s’inscrivent sur un espace interrégional. La situation économique des zones agricoles est d’une importance cruciale pour les performances du secteur informel. Un accroissement de la productivité et une baisse de la pression démographique dans ces zones signifient un moindre recours au facteur travail, le volume de la quantité de travail inemployé doit être absorbé par le secteur informel. Si en revanche, le niveau de salaire du secteur formel est assez élevé pour attirer la quantité de travail excédentaire, la pression de l’emploi dans le secteur informel s’atténue. L’anticipation de la hausse du niveau de salaire dans le secteur formel peut donc inciter les travailleurs agricoles à immigrer. Au niveau macro-économique, cela revient à analyser la division du travail entre le secteur agricole, le secteur formel et le secteur informel.

En Asie, on assiste à une extension des activités non fermières dans les zones rurales, laquelle freine l’exode vers la ville.

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• Le rapport de l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social intitulé Combattre la pauvreté et l'inégalité

Référence :

• REVUE TIERS MONDE, 01/09/1998, Jean Claude Perez sur « le rôle du secteur informel dans un contexte de régionalisation »

INSEE : l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

Acronymes et Abréviations :

UEMOA : Union Economique Monétaire Ouest Africain CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement PIB : Produit Intérieur Brut