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La journée de l’éthique à l’EM Strasbourg 7 octobre 2014 LE JOURNAL Éthique, comment passer à l’action ? • Des experts témoignent • Le point de vue des entreprises • Zoom sur les débats de la journée

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La journée de l’éthique à l’EM Strasbourg

7 octobre 2014

LE

Journal

Éthique, comment passer à l’action ?

• Des experts témoignent• Le point de vue des entreprises• Zoom sur les débats de la journée

A v i S d ’ E x p E r t

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L’éthique : une démarche structurante et pragmatique

Un véritable management de l’éthique, en entreprise, nécessite une méthodologie rigoureuse. Or une approche à la fois globale et ambitieuse implique d’aller au-delà d’une simple charte et de dépasser les freins et résistances, comme l’explique Jean-Jacques Nillès, professeur de philosophie et cofondateur du cabinet de conseil Socrates.

Une démarche à l’origine de croissance économiqueAujourd’hui, la plupart des groupes et grandes entreprises se sont dotés d’une charte éthique : il s’agit d’un document de référence, affichant des valeurs traduites en principes d’action sur des sujets aussi variés que l’impact environnemental des activités, les relations avec les fournisseurs ou

encore le management des col-laborateurs. « La problématique de l’éthique devient la colonne vertébrale de la responsabilité sociétale des entreprises, surtout depuis la norme ISO 26 000 », explique Jean-Jacques Nillès. Cette évolution justifie l’intérêt croissant des acteurs économiques pour ce sujet, qui peut être traité de façon très différente. « Les démarches

s’inscrivent dans un spectre qui va d’une approche “française”, hyper-réflexive, de posture, à un modèle anglo-saxon, constructi-viste et pragmatique », précise le spécialiste.

Mise en place semée d’embûchesExiste-t-il un modus operandi unique, voire idéal ? Sans doute pas, tant les cultures d’entreprise et les objectifs visés sont divers, mais en revanche une dynamique en cinq étapes complémentaires peut être adoptée. Fort de son expérience, Jean-Jacques Nillès a en effet identifié une logique progressive, qui débute avec la définition d’un référentiel : « Il s’agit du corpus de valeurs associées au secteur d’activité et à

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Jean-Jacques Nillès PrOFESSEur dE PhILOSOPhIE à L’uNIvErSItÉ dE SAvOIE

CONSEIL SCIENtIFIquE du CAbINEt SOCrAtES

l’AdN de l’entreprise. » Seconde étape, la définition des lignes de conduite et des bonnes pratiques, qui vont servir de base à la rédac-tion de la charte. « La plupart des entreprises s’arrêtent à cette phase », indique Jean-Jacques Nillès, qui souligne plusieurs raisons : la difficulté à positionner le curseur sur des sujets aussi diffi-ciles à circonscrire que l’équité ou le partage de valeur ; l’évaluation délicate du retour sur investisse-ment, nécessitant des indicateurs précis ; ou encore le risque de dilemme éthique en cas de comportements opposés au référentiel mais source de croissance économique.

L’évaluation des actions en point de miredépasser ces limites est pourtant possible, et la mise en œuvre de pratiques éthiques peut être source de développement et de gain de parts de marché. La troisième étape est celle de la démarche qualité, « pour définir les indicateurs et mesures à prendre en compte, comme la perception des sous-traitants ou le ressenti des collaborateurs ». Sur cette base, des axes prioritaires de progrès seront définis, avant de mettre en œuvre un système de

management de l’éthique : « Cette dernière étape, encore rare dans les entreprises, vise à évaluer l’effet des actions dans une dynamique d’amélioration continue. » des outils y contri-buent, comme des questionnaires de retour d’expérience destinés à évaluer la pertinence d’une déci-sion dans une situation difficile, ou des baromètres de perception destinés aux collaborateurs ou aux

clients/usagers. L’ensemble de cette démarche dessine ainsi les contours d’un cercle vertueux inscrit dans une logique de progrès continu. x

Des valeurs déclinées en pratiques chez MapedPour mieux comprendre la manière dont les entreprises peuvent se saisir concrètement de leurs enjeux éthiques, on peut citer en exemple Maped, PME familiale de Haute- Savoie devenue leader mondial sur son marché – les fourni-tures scolaires et de bureau. Le développement de l’entreprise et l’acquisition de filiales dans diverses zones géographiques l’ont amenée à réfléchir à sa culture et à ses valeurs.

Mais au-delà de ce travail de réflexion et d’écriture collec-tives, elle a souhaité que ces valeurs soient déclinées dans les pratiques et que leur niveau de mise en œuvre soit évalué. Elle a mis en place des groupes de travail « métier », afin de décliner les valeurs dans les activités de chaque fonction et produire des lignes de conduite opérationnelles, confron-tées, dans un second temps, aux pratiques.

Les situations emblématiques de tensions éthiques vécues par les salariés ont été identifiées par ces groupes de tra-vail. Dans le but de prévenir les risques de stress éthique, ces situations ont fait l’objet d’enquêtes auprès de l’ensemble des salariés. Les résultats ont enfin été exploités afin d’éla-borer des plans d’amélioration. L’une des originalités de ce projet est d’avoir réalisé ce travail en prenant en compte les préoccupations des opérateurs et des techniciens de main-tenance. x

L ’ é t h i q U E à L ’ E M S t r A S b O U r g

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« Une éthique dans tous ses états » : cette formule d’isabelle barth, directrice générale de l’EM Strasbourg business School, résume bien l’ambition de la journée d’échanges et de réflexions organisée par l’école en octobre 2013. L’éthique est-elle abordée différemment dans le public ou dans le privé ? Le secteur d’activité a-t-il un impact ? Comment, en tant que manager, concilier impéra-tifs de performance et respect des valeurs ?

des compétences plus fortes que les stéréotypesvaleur humaniste, socle de rela-tions équitables et justes, l’éthique repose sur la confiance (par exemple, entre le manager et ses collaborateurs), l’objectivité et une bonne dose de recul sur soi et ses actions. un comportement éthique consiste par exemple à ne prendre

en compte que les compétences dans la sélection d’un candidat. Or la discrimination à l’embauche, les entretiens bâclés ou les promo-tions de complaisance existent et nécessitent une réaction appro-priée, comme l’a exposé thierry Potier, responsable des ressources humaines (rh) de l’EM Strasbourg.Les recruteurs peuvent effectuer un tri non équitable en s’appuyant sur des stéréotypes. Et souvent sans penser à mal, a expliqué Christophe Moore, responsable rh chez roquette. Le rôle de l’accompa-gnant, qu’il soit drh ou conseil extérieur, sera de faire comprendre que ces pratiques vont à l’encontre des bénéfices de la société, béné-fices autant sociaux que financiers. Cela passe par des prises de déci-sion éthiques, nécessitant de sortir des sentiers battus pour créer de nouvelles dynamiques.

L’importance du dialogue avec les parties prenantesL’éthique doit s’imposer comme une ligne directrice et structurante. dans un souci de management res-ponsable, la fondation vincent-de-Paul s’est par exemple dotée d’une charte mettant le collaborateur au cœur de son développement. Mais l’éthique s’applique aussi en aval, où des consultants, comme

Muriel Kuntzmann de rh Experilis, apportent leur expertise d’accom-pagnement de plans sociaux ou de reclassements. dans une telle situation, vécue en 2013 par l’entreprise Clestra, hélène bour, responsable formation et recrutement chez ce fabricant de cloisons, a rappelé la nécessité « d’instaurer un dialogue avec toutes les parties prenantes de l’entreprise : les managers, les partenaires sociaux et les salariés ».

Adapter la démarche éthique au contexteEngagement réciproque, confiance, prudence morale, dialogue, transpa-rence, moralité et persévérance : si ces sept piliers d’une prise de décision éthique, définis par danut Casoinic, enseignant-chercheur à l’EM Strasbourg, et Niels-Ingvar boer, consultant chez berenschot, peuvent inspirer tout manager, leur mise en œuvre peut connaître des spécificités en fonction du secteur d’activité. Finalement, c’est sans doute l’inter-vention – centrée sur le commerce équitable – de Sihem dekhili, maître de conférences à l’EM Strasbourg, qui illustre le mieux la complexité de la démarche éthique : « Il n’y a pas de stratégie généralisable. » x

« L’éthique nécessite du courage et de l’exemplarité »

Pour un management éthique et responsable : retour sur la journée de 2013

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« L’éthique nécessite du courage et de l’exemplarité »

Isabelle barthdIrECtrICE gÉNÉrALE dE L’EM StrASbOurg

isabelle barth, directrice générale de l’EM Strasbourg, est chercheur et spécialiste des questions de responsabilité sociétale des organi-sations. Elle revient sur les enjeux de cette 6e journée de l’éthique.

En quoi l’éthique et le management sont-ils liés ?dans le débat classique entre morale et éthique, les sciences du management ont tendance à considérer la première comme étant d’ordre privé, individuel, tandis que la seconde aurait une dimension organisationnelle. L’éthique renvoie à la notion de justice. Or le management est l’art de la décision juste, en termes de conséquences sur les individus et sur l’environ-nement, mais aussi de cohérence entre les actions et les valeurs. L’éthique est ainsi étroite-ment associée à un paradigme qui prend de l’importance depuis une vingtaine d’années : la responsabilité sociale des organisations.

quels éléments contribuent à une prise de décision juste ?En entreprise, la notion de justice s’inscrit dans des dimensions sociale – qui concerne les salariés, le sens donné à leurs missions, la reconnaissance de leur implication, etc. –, environnementale – qui prend en compte l’impact des choix stratégiques sur l’environne-ment physique – et économique – qui renvoie aux objectifs de croissance. Le management durable doit intégrer ces trois éléments. à chaque carrefour décisionnel, une vision réflexive doit être mise en œuvre. deux leviers essentiels, le courage et l’exemplarité, y contribuent : le courage de la franchise, du refus du prêt-à-penser, de l’affirmation de son point de vue, de la mise en œuvre de ce qui a été décidé...

Comment faire en sorte que l’éthique soit l’affaire de tous ? L’éthique ne se résume pas à une charte, elle implique la mise en action. Il s’agit de permettre l’expression de la parole, d’éduquer chacun au sens critique, de prendre de la distance pour apprendre des erreurs et échecs. L’entretien d’évaluation annuel est un exemple d’espace de parole, dans lequel le manager peut préciser ses attentes en termes de comportement éthique. La logique qui doit prévaloir est celle de l’amélioration continue. Et elle débute dès la formation des managers : nos étudiants sont amenés à réfléchir à leurs propres comportements – l’implication dans les travaux de groupe, l’attitude respec-tueuse vis-à-vis de l’enseignant et des pairs –, et à se mettre en situation – par exemple, par la confrontation à des scénarios impliquant une prise de décision et un feedback sur la dimension éthique de celle-ci, ou par le biais de leurs expériences de stage ou de semestre à l’étranger. x

Pour un management éthique et responsable : retour sur la journée de 2013

docteur Éric Kariger gÉrIAtrE, Ex-ChEF du PôLE « AutONOMIE Et SANtÉ » Au CENtrE hOSPItALO- uNIvErSItAIrE dE rEIMS

Un jour de 2008, le dr Kariger, alors médecin chef du pôle « autonomie et santé » de l’hôpital Sébastopol de reims, voit arriver dans son unité un grave accidenté de la route. vincent Lambert, jeune infirmier marié et père de famille, est dans le coma. Cinq ans après les faits. Dans un état de « conscience minimale », il est devenu un symbole du débat sociétal sur la fin de vie. Après une réflexion en équipe « mûrie sur plusieurs mois », le Dr Kariger, spécialiste en gériatrie et soins palliatifs, mais aussi catholique et homme de la cité – il est vice-président du conseil général de la Marne – arrête les soins pour Vincent Lambert et se trouve emporté par une vague de déchaînement médiatique et public. Cette « force de l’expérience » sera au cœur de l’intervention du Dr Kariger lors de la journée de l’éthique. Une éthique de l’humilité apprise grâce aux défis que la vie peut présenter au cours d’une carrière. x

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valérie LeraydIrECtrICE dE LA rEChErChE CLINIquE ChEz PhArMACEutICAL PrOduCt dEvELOPMENt

dans l’industrie pharmaceutique, éthique et risque sont étroitement liés. Si les essais cliniques de molécules, chez l’homme, visent à confirmer les bénéfices espérés, ils révèlent également les effets secondaires associés et leur intensité. « Les risques ne peuvent pas être supérieurs aux bénéfices, explique Valérie Leray, directeur de recherche clinique de PPD. Aucun essai ne peut être poursuivi au détriment des personnes qui y participent. » Des systèmes de régulation existent, à la fois en interne – « nous disposons d’une charte éthique et de nombreuses procédures opératoires » – et en externe – « des audits qualité et des inspections sont conduits par la Food and Drug Administration et l’Agence européenne des médicaments ». Autant de garde-fous au service d’un équilibre délicat à trouver et maintenir : celui du « risque contrôlé ». x

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A U p r O g r A M M E d E v O t r E J O U r N é E

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Éthique et entrepreneuriat Éthique et commissariat aux comptes Éthique et management responsable des ressources humaines Éthique et éco-labellisation Comportement responsable de l’étudiant : Les dilemmes managériaux Ethics and organizational commitment: Is it ever OK to break a promise ? Médiation animale en milieu carcéral Organizational ethics and integrity Éthique et finance Penser son projet entrepreneurial de manière responsable Éthique et milieu associatif Éthique dans la comptabilité et l’audit Éthique et management : les restructurations Éthique et engagement étudiant dans une École de commerce Un comportement éthique en entreprise, c’est quoi ? Create your entrepreuneurial project in a responsible way Ethics and public management: the case of the European administration Éthique et risques psychosociaux Éthique et accompagnement de la personne en situation de handicap Expériences de jeunes entrepreneurs : entre rêve et embûches

des ateliers débats

Les ateliers et films débats animés par les collaborateurs de l’EM Strasbourg sont l’occasion pour les intervenants extérieurs d’interpeller les étudiants sur diverses thématiques autour des questions de l’éthique. La conférence « sur le vif », portant sur un thème d’actualité et ouverte au public, vient clôturer la journée.

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Éthique et management : In the air, un film réalisé par Jason Reitman (2010)

Éthique et management : Article 23, un film réalisé par Jean Delépine (2012)

Éthique et management : La dame de fer, un film réalisé par Phyllida Lloyd (2012)

Éthique et finance : Margin Call, un film réalisé par J. C. Chandor (2011)

Éthique et industrie pharmaceutique : The Constant Gardener, un film réalisé par Fernando Meirelles (2005)

Éthique et sport : Invictus, un film réalisé par Clint Eastwood (2010)

Éthique et enseignement supérieur : Bowling for Columbine, un documentaire réalisé par Michael Moore (2004)

Éthique et médiation animale : L’animal et le prisonnier, un film réalisé par Florence Gaillard (2014)

Management éthique et fin de vie : quelles spécificités ?

des films débats

une conférence « Sur le vif »Ouverte à tous

Claude Collet AdMINIStrAtEur d’uNICEF FrANCE Et bÉNÉvOLE Au COMItÉ du bAS-rhIN

Sans ses 64 000 bénévoles, l’Unicef ne pourrait mener à bien ses missions humanitaires. « L’éthique est la condi-tion de base pour apporter sa pierre à l’effort collectif », estime Claude Collet, membre du conseil d’administration de l’organisation. Une éthique adaptée au contexte asso-ciatif, mais dont le monde de l’entreprise peut s’inspirer en partie. Si le renoncement à tout bénéfice personnel est spécifique au premier, le respect de l’individu et des différences – culturelles, religieuses, etc. – concerne les deux environnements. L’écoute d’autrui, ainsi que l’exemplarité de la parole et de l’action, sont deux autres points communs. Tel est le message que souhaite faire passer Claude Collet aux étudiants de l’EM Strasbourg : « L’éthique est une valeur transposable qui doit s’adapter au milieu dans lequel elle s’exprime. » x

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Franck horand PhOtOgrAPhE

diplômé de la faculté des arts de Strasbourg, professeur des écoles, Franck horand est aussi photographe. de sa rencontre avec la fonda-tion Evi’dence, fondation prônant la média-tion animale en milieu carcéral, naîtra le projet (in)visible. La médiation animale ? Une approche thérapeutique fondée sur le lien entre animaux abandonnés et détenus, recréant ainsi pour la personne incarcérée un principe de respon-sabilisation avant la sortie, et pour l’animal, un nouveau rapport de confiance en l’être humain. Franck Horand est le témoin photographique de ses interventions dans les secteurs proté-gés des prisons. Pour lui, la démarche éthique se manifeste dans deux registres : une éthique réglementaire, émanant de l’administration pénitentiaire qui interdit la divulgation de l’iden-tité des prisonniers ; et une éthique personnelle, Franck Horand ayant décidé de faire abstraction de leurs motifs d’incarcération. x

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betagroup : l’entraide au service de l’innovationLa belgique aime ses start-up, soutenues par les aides allouées par l’état. Or, comme le dit Julie Foulon, directrice de l’association betagroup, « l’Europe, ce n’est pas encore la Silicon valley ». Combien de projets de start-up n’aboutissent pas, faute notamment de convaincre des business angels ? Les idées doivent être suivies d’effets et trouver leur marché pour s’imposer comme des innovations pérennes. C’est la vocation de Betagroup, réseau d’entraide basé à Bruxelles. Il s’agit d’une association à but non lucratif qui réunit plus de 8 000 membres de la communauté tech’ afin de les soutenir dans leurs démarches de création d’en-treprise. Son éthique de gratuité du service a été confrontée à la diminution des subventions allouées, ce qui l’a obligée à repenser son modèle. Et c’est de ses membres qu’est arrivé leur salut quand ceux-ci ont suggéré de payer leur adhésion. Ou comment la solidarité des membres vint au secours d’un réseau d’entraide… x

L ’ é t h i q U E d A N S L E S O r g A N i S At i O N S

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Fun’Ethic : l’enjeu de l’éco-labellisation difficile de faire peau neuve dans l’univers de la cosmétique. Fun’Ethic,

jeune entreprise reconnue par bpi France et Alsace innovation pour son innovation organisationnelle basée sur l’éthique, la transparence et les trois piliers du déve-loppement durable, a dû batailler ferme pour se faire comprendre des investisseurs et les convaincre. « L’immatérialité » de leur concept – une cosmétique responsable, naturelle et biologique – ne correspondant pas aux schémas classiques, les aides et financements ont souvent été refusées, et leurs fondateurs, Martine Schmitt et Olaf Maurice, se sont vus régulièrement répondre que « tout cela ne marcherait pas ». Dans une industrie où le greenwashing est trop souvent de mise et où les logos foisonnent, les dirigeants de Fun’Ethic ont prouvé le bien-fondé de leur démarche en obtenant le label Cosmébio et en étant certifiés par Ecocert. Lors de leur intervention, ils aborderont la question de l’éco-labellisation et de son importance en termes de crédibilité. x

Julie Foulon, directrice de l’association Betagroup

Comment intègrent-ils l’éthique dans la pratique de leur profession, de leur orga-nisation ou entreprise ? C’est la question posée à ces intervenants professionnels,invités à témoigner.

Les règles de gestion de l’entreprise sont-elles solubles dans le monde associatif ? Lors de son arrivée à la direction de la communauté Emmaüs de Strasbourg Montagne verte, en 2007, dominique Freund constate le besoin de redresser la barre et d’assainir les comptes. Il construit alors un projet centré sur la structuration d’une équipe de salariés, le respect de la sécurité et des obligations légales, et l’objectif zéro dette. « L’éthique est intervenue à plu-sieurs niveaux dans ce processus, notamment l’impli-cation des compagnons dans la définition des choix stratégiques ou encore la mise en place d’analyses de pratiques », explique Dominique Freund, qui souligne les difficultés de sa mission : par exemple, chaque décision de dépense relève d’un choix éthique, d’un arbitrage entre investissement, fonctionnement de la communauté, action solidaire… Il relève également l’importance de l’exemplarité, « dans une démarche réflexive permanente ». x

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Emmaüs : l’indispensable professionnalisation

Les Jardins de gaïa : les relations avec les fournisseurs, priorité n°1

Chaque année, Les Jardins de gaïa commercialisent 250 à 300 tonnes de thés et de tisanes bio et équitables. Les fournisseurs de l’enseigne sont donc au cœur de son business model. Ce qui ne va pas sans difficultés, comme le souligne Cassandre Maury, responsable produits et filières : « Le sourcing est compliqué, du fait d’une offre limitée et

d’une demande croissante. Et les aléas climatiques peuvent perturber l’approvisionnement. » Pour répondre à ses défis, l’orientation des Jardins de Gaïa est « le dialogue constant avec nos partenaires, élément indispensable d’une relation de confiance dans la durée ». Ainsi, en cas de mauvaise récolte, les coopératives sont soutenues pour passer ce cap difficile. Déplacements annuels sur le terrain, appui technique aux produc-teurs, travail en amont avec les associations locales : la société multiplie les initiatives. Sur le terrain, Les Jardins de Gaïa travaillent avec les organisations locales (ONG, bureaux d’étude etc.) pour soutenir le développement des groupements de producteurs partenaires. x

dominique Freund,direction de la communauté Emmaüs de Strasbourg Montagne verte

Le milieu médical est un sec-teur dans lequel la dimension éthique occupe une place de premier plan. Célia Lemaire élargit le champ de la réflexion en s’intéressant aux oubliés de l’éthique dans le champ du handicap : les équipes qui

accompagnent les personnes en situation de han-dicap et les familles. « On pense plus souvent à l’éthique dans le cadre de la pratique médicale, confirme Célia Lemaire. Mais la question de la bientraitance, enjeu majeur promu nationale-ment, passe par la prise en compte des accom-pagnants. Notre responsabilité de chercheur et d’enseignant en management est de permettre aux étudiants de s’interroger sur leurs pratiques pour que l’éthique s’applique également au management des équipes dans ce secteur. » x

« L’éthique est une valeur qui doit faire partie intégrante du mode de fonctionnement des entreprises. » Que ce soit dans le choix de ses partenaires ou four-nisseurs, le rapport à ses clients ou les pratiques managériales,

la posture éthique contribue à la réalisation des ob-jectifs de croissance à long terme. Dominique Siegel invite les entrepreneurs à questionner avant chaque prise de décision, la valeur éthique de l’action concernée. Cette nécessité est encore plus flagrante en cas d’internationalisation de l’entreprise ; les dirigeants vont alors se confronter à des modes de pensée dont ils n’ont pas forcément les clés. Pour-tant, l’entrepreneur est étroitement lié à « l’autre ». Ses compétences et sa position font de lui un acteur économique qui se doit d’agir en prenant en compte son environnement et les individus qui le composent. x

Célia Lemaire (maître de conférences en santé-management

hospitalier )

dominique Siegel (maître de conférences,responsable du master

entrepreneuriat en PME)

N O S E N S E i g N A N t S E N d é b At t E N t

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tenir compte des ressources pour gérer au mieux le sys-tème de santé : pour thierry Nobre, l’objectif est clair, il faut « réussir à allier dimen-sion humaine et performance dans les organisations hospi-talières ». Car la gestion des coûts élevés auxquels doit faire face le système hospita-

lier – public ou privé – peut de facto se répercuter en une baisse de la qualité des soins. Soins devant lesquels nous devons tous être égaux. Par la définition de règles d’action, il s’agit de favoriser le passage d’une éthique par régulation individuelle, celle du soignant, à une éthique

collective de prise en charge globale du système de santé. L’éthique hospitalière doit donc s’inscrire dans l’application de pratiques managériales prenant en compte les budgets alloués. x

thierry Nobre (Professeur des universités, responsable de l’EMbA management hospitalier et des structures de santé)

L’éthique au sein des organisations revêt des formes multiples. voici un panora-ma des questionnements qui agitent la communauté scientifique sur cette théma-tique, vu par les enseignants de l’école.

L’atelier qu’animera patrice Char-lier lors de la journée de l’éthique va accueillir le président du conseil régional de l’Ordre des experts comptables et celui de la Compa-gnie régionale des commissaires aux comptes. « Ces deux profes-sions sont directement confron-tées à l’éthique dans leur exer-cice quotidien », estime Patrice

Charlier, citant plusieurs exemples : le respect des règles fiscales, la résistance aux pressions éventuelles, ou encore l’évitement des conflits d’intérêt – « on n’établit pas les documents fiscaux, pas plus qu’on ne les audite, pour un ami ou un membre de la famille ». Une autre règle est imposée par la loi : « Un commissaire aux comptes ne peut exercer le rôle d’expert-comptable pour la même entreprise, une totale séparation des rôles est exigée. » En respectant ces normes éthiques, les membres de ces deux professions s’assurent une bonne réputation qui, en retour, va faciliter les rela-tions avec l’administration fiscale et les établissements bancaires – au bénéfice de leurs clients... x

Est-il possible de concilier santé au travail et performance de l’entreprise ? Cette question sera au cœur de l’atelier consacré aux conditions de travail et animé par Sarah richard. Didier Raffin, professeur associé de psycho-logie du travail à l’université

de Strasbourg et principal intervenant, en est convaincu : « Pendant plus d’un siècle, le monde du travail a considéré que la performance éco-nomique n’était pas compatible avec le respect de la santé des salariés. Aujourd’hui, la donne est en train de changer. » Plusieurs éléments y contribuent, notamment des éléments macro-écono-miques – « des enquêtes internationales révèlent que la première cause d’arrêt de travail concerne les risques psychosociaux » – et micro-économiques – « l’absen-téisme, compensé par des remplaçants moins aguerris, impacte directement la qualité des produits et des ser-vices proposés par les entreprises ». De plus, des salariés bénéficiant d’une bonne qualité de vie professionnelle restent plus longtemps en poste, sont davantage moti-vés et font preuve de plus de souplesse dans la gestion des horaires ou l’organisation du travail. x

Patrice Charlier (maître de conférences,

responsable de la chaire transmission d’entreprise)

Sarah richard (doctorante en sciences de gestion et référente

« handicap »)

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« quand on vise le dévelop-pement durable d’une orga-nisation, le positionnement éthique relève d’un compro-mis entre l’économique, le social et l’environnemental. » Le rôle du chef d’entreprise, pour Pia Imbs, est de prendre en compte ces trois dimen-sions et de réussir à les équi-librer. Plusieurs tendances récentes contribuent à cette dynamique : « Les dirigeants réalisent que les investisse-ments liés au développement

durable sont porteurs de croissance économique ; de plus, les grandes entreprises se dotent de directeurs de l’éthique et de déontologues, chargés de s’assurer que les engagements de responsabi-lité sociétale des entreprises sont réellement mis en œuvre ; enfin, la formation des managers intègre désormais l’éthique dans les enseigne-ments. » Pour Pia Imbs, la journée de l’éthique amène les étudiants à se poser des

questions concernant le type de mana-ger qu’ils souhaitent devenir. « Ils seront confrontés à des choix complexes, nécessitant de prendre en compte de nombreux éléments. Cette journée les sensibilise au fait que l’éthique est à la fois le préalable et le moteur de chaque prise de décision. »

Pia Imbs (maître de conférences, responsable de l’EMbA développement durable et responsabilité sociétale des entreprises)

LE JOUrNAL dE L’éthiqUE ESt édité pAr EM StrASbOUrg • Directrice de la publication : Isabelle Barth • rédacteur en chef : Théo Haberbusch, [email protected] • Coordination éditoriale : Julie bouton, Fanny Cygan • Organisation de l’événement : Agathe Yverneau et Karine Bouvier • Conception et réalisation : Bruno Bayol • Crédit photographiques : DR • Alexis Chézière • Marie Faggiano • Patrick Bogner • © HieroGraphic - Fotolia.com

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William James, philosophe

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