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UNIVERSITÉ PARIS IV-SORBONNE ÉCOLE DOCTORALE V CONCEPTS ET LANGAGES I_I_I_I_I_I_I_I_I_I_I d’enregistrement attribué par la bibliothèque THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS IV-SORBONNE Discipline : Linguistique présentée et soutenue publiquement par Natalia BERNITSKAÏA le 17 novembre 2008 Titre : L’ORDRE TEMPOREL EN RUSSE CONTEMPORAIN : vers une approche pragmatique du marquage des relations chronologiques Directeur : M. le Professeur Jean BREUILLARD JURY : Mme Christine BRACQUENIER Professeur à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3 M. Jean BREUILLARD Professeur à l’Université Paris-Sorbonne Paris 4 M. Robert ROUDET Professeur à l’Université Jean-Moulin Lyon 3 M. Louis de SAUSSURE Professeur à l’Université de Neuchâtel M. Stéphane VIELLARD Maître de Conférences Habilité à Diriger des Recherches à l’Université Paris-Sorbonne Paris 4 2008

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Page 1: THÈSE · quelques séances de cinéma, en prêtant ses yeux à la relecture de ma thèse. Sans dévoiler entièrement la contribution mystérieuse qu’ont apportée mes amis à

UNIVERSITÉ PARIS IV-SORBONNE

ÉCOLE DOCTORALE V

CONCEPTS ET LANGAGES

I_I_I_I_I_I_I_I_I_I_I

! d’enregistrement attribué par la bibliothèque

THÈSE

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS IV-SORBONNE

Discipline : Linguistique

présentée et soutenue publiquement par

Natalia BERNITSKAÏA

le 17 novembre 2008

Titre :

L’ORDRE TEMPOREL EN RUSSE CONTEMPORAIN :

vers une approche pragmatique du marquage des relations

chronologiques

Directeur : M. le Professeur Jean BREUILLARD

JURY :

Mme Christine BRACQUENIER Professeur à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3

M. Jean BREUILLARD Professeur à l’Université Paris-Sorbonne Paris 4

M. Robert ROUDET Professeur à l’Université Jean-Moulin Lyon 3

M. Louis de SAUSSURE Professeur à l’Université de Neuchâtel

M. Stéphane VIELLARD Maître de Conférences Habilité à Diriger des

Recherches à l’Université Paris-Sorbonne Paris 4

2008

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2

REMERCIEMENTS

Je remercie Monsieur Jean Breuillard, qui a dirigé mes recherches avec un rare

mélange, n’appartenant qu’à lui, de générosité, d’humanisme, d’érudition,

d’ampleur de vue, de professionnalisme. Qu’il veuille accepter ce travail en

témoignage de ma profonde gratitude et de mon grand respect.

Je tiens à remercier Madame Christine Bracquenier et Messieurs Robert Roudet,

Louis de Saussure et Stéphane Viellard qui, malgré leurs nombreuses

occupations, ont aimablement accepté de participer au jury de cette thèse. Par

ailleurs, je remercie Monsieur Louis de Saussure pour son livre « Temps et

pertinence », qui, à l’insu de son auteur, m’a beaucoup inspirée au cours de mes

recherches.

Je dis un grand merci à mes amis et mes proches. Ceux-ci ne s’appellent pas

« Vincent, François, Paul et les autres » mais Thierry, Belka, Zora, Rodolphe. Je

pense aussi à Tcholpone, Rybka, Dorota, Léna, Gildas, Lucie, Elvira, Jean-Luc…

Je remercie Thierry pour toutes ses qualités humaines et aussi pour son

intelligence et sa culture générale hors pair qui m’ont été d’un soutien sans prix

dans mon travail. Ma gratitude va particulièrement à Rodolphe, qui a fréquemment

délaissé la reine des sciences, les mathématiques, et a sûrement sacrifié

quelques séances de cinéma, en prêtant ses yeux à la relecture de ma thèse.

Sans dévoiler entièrement la contribution mystérieuse qu’ont apportée mes amis à

ce travail, je les remercie de me faire souvent penser à une certaine Camille,

décrivant dans sa thèse la vie des « chevaliers paysans de l’an mil au lac de

Paladru ».

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3

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT ………………………………………………………………………4

INTRODUCTION .………………………………………………………………………..8

Chapitre 1. LA REPRÉSENTATION DES ÉVÉNEMENTS DANS LE

LANGAGE...……………………………………………………………...26

Chapitre 2. APPRÉHENDER LE TEMPS PAR LES RELATIONS EXISTANT

ENTRE LES ÉVÉNEMENTS…………………………………………..69

Chapitre 3. ÉNONCÉS A PRÉDICATS AUTONOMES …………………………...109

Chapitre 4. ÉNONCÉS A PRÉDICAT SECONDAIRE (LE CAS DU

GÉRONDIF)…………………………………………………………….219

CONCLUSION…………………………………………………………………………315

ANNEXE ……………………………………………………………………………….317

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………... 336

TABLE DES MATIÈRES ……………………………………………………………..357

Page 4: THÈSE · quelques séances de cinéma, en prêtant ses yeux à la relecture de ma thèse. Sans dévoiler entièrement la contribution mystérieuse qu’ont apportée mes amis à

AVERTISSEMENT

Afin de faciliter la lecture par les non-russophones, tous les exemples en cyrillique

sont suivis de : 1) leur translittération en caractères latins ; 2) une traduction mot à

mot ; 3) une traduction proprement dite en français.

1. La translittération en caractères latins est conforme à la norme explicitée

dans le tableau suivant :

1. TRANSLITTERATION ET PRONONCIATION

Lettres Signes de

translittération

Prononciation approximative

A a A a [a]

" # B b [b]

$ % V v [v]

& ' G g [g] comme dans gris

( ) D d [d]

* + E e [e] comme dans vélo

, - Ë ë [jo] comme dans idiot

. / Ž ž [ž] comme dans jeune, agir

0 1 Z z [z]

2 3 I i [i]

4 5 J j [j] comme dans briller

6 7 K k [k]

8 9 L l [l]

: ; M m [m]

< = N n [n]

> ? O o [o]

@ A Pp [p]

B C R r [r]

D E S s [s]

F G T t [t]

4

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Avertissement

H I U u [ou] comme dans jour

J K F f [f]

L M X x [h] comme ch dans le mot allement Buch

N O C c [ts]

P Q R S [tch] comme dans Gorbatchev

T U Š š [ch] comme dans chat

V W ŠS šS [ch’], consonne très molle, comme dans chimère, et

longue comme dans ch-chèpa, prononciation

relâchée de j’sais pas

X ’’ (double

apostrophe)

indique que la consonne précédente est dure

Y y [y] presque comme i : lèvres dans la position de [i],

langue dans la position de [u]

Z ’ (apostrophe) indique que la consonne précédente est molle

[ \ e [e] comme dans elle, mère

] ^ ju [jou] comme dans caillou

_ ` ja [ja] comme dans billard

2. La traduction mot à mot en français suit rigoureusement l’ordre linéaire de

l’énoncé russe. Ce style délibérément incorrect, ayant pour but de rendre

transparente la structure grammaticale de l’énoncé russe, obéit à quelques

règles :

i. La frontière entre les mots est signalée par un tiret. Celui-ci met en relief

la distinction entre la traduction mot à mot et la traduction littéraire qui lui

succède. Par ailleurs, le tiret s’avère très utile quand il s’agit de traduire

un mot russe par plusieurs mots français, par exemple :

!"# $%&'( )"*+,"-./.

Naš geroj zadumalsja.

Notre – héros – plongea dans ses pensées.

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Avertissement

ii. Des marqueurs grammaticaux (notamment les terminaisons indiquant

les cas obliques), inclus synthétiquement dans la structure du mot

russe, sont explicités et mis entre parenthèses :

C0&%1%2 2'&,')'3.

Skrežet tormozov.

Grincement – (de) freins.

iii. Les articles, absents en russe, sont omis.

iv. Les formes verbales du passé et le gérondif sont transposés de la

manière suivante :

2. TRANSPOSITION DES FORMES VERBALES DU PASSE ET DU GERRONDIF

Russe Français

PASSE PERFECTIF

45 +.-6#"- – On uslyšal

PASSE SIMPLE

Il – entendit

PASSE IMPERFECTIF

45 7%&%8'*9- +-9:+ – On perexodil

ulicu

IMPARFAIT

Il - traversait – rue

GERONDIF PERFECTIF

;"*+,"3#9.< – Zadumavšis’

FORME COMPOSEE DU PARTICIPE

PRESENT

Ayant plongé dans ses pensées

GERONDIF IMPERFECTIF

=-/*/ 7' .2'&'5", – Gljadja po

storonam

GERONDIF

En regardant – sur - côtés

3. La traduction proprement dite en français est précédée du signe : =.

Ainsi, la présentation intégrale d’un exemple apparaît comme suit :

6

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Avertissement

!"# $%&'(, )"*+,"3#9.<, 5% $-/*/ 7' .2'&'5",, 7%&%8'*9-

+-9:+. >*&+$ '5 +.-6#"- .0&%1%2 2'&,')'3.

Naš geroj, zadumavšis’, ne gljadja po storonam, perexodil ulicu. Vdrug on

uslyšal skrežet tormozov.

Notre – héros, – ayant plongé dans ses pensées, – ne – en regardant –

sur – côtés, – traversait – rue. – Soudain – il – entendit – grincement – (de)

freins.

= Plongé dans ses pensées et sans faire attention à ce qui se passait

autour de lui, notre héros traversait la rue. Soudain, il entendit un

grincement de freins.

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INTRODUCTION

1. Problématique

Veni, vidi, vici. Quelle autre démonstration langagière que cette célèbre formule

attribuée à Jules César témoignerait avec plus de concision, de sobriété et

d’éloquence de l’aptitude de la langue à ordonner les événements ?1

Toute notre expérience quotidienne atteste notre aisance à retracer la chronologie

des événements narrés. Effectivement, en écoutant les gens parler ou en lisant

des romans et des journaux, le destinataire comprend en général sans difficulté si

un événement s’est déroulé avant, après ou en même temps qu’un autre

événement. On peut donc supposer intuitivement que le langage possède un

arsenal de moyens spécifiques dont la vocation est de marquer l’ordre des

événements : l’ordre entre les prédicats 2 reflète l’ordre réel entre les événements,

les adverbes tels que d’abord, ensuite, puis contribuent aussi à établir la

chronologie entre les actions, – comme dans ce petit extrait du roman d’Albert

Cohen Belle du Seigneur où se suivent des « activités » d’un haut fonctionnaire :

(1) Assis devant son bureau, il gonfla ses joues et s’amusa à faire des vents

enfantins avec ses lèvres. Ensuite, il posa son front sur le sous-main et fit

basculer sa tête de part et d’autre, gémissant une mélodie cafardeuse.

Ensuite, il plia un bras sur la table, y coucha sa joue gauche, ferma les

yeux et rêvassa à mi-voix, s’interrompant de temps à autre pour puiser un

fondant, tête toujours couchée de côté (Cohen : 102).

1 D'après l’écrivain grec Plutarque (vers 50 – vers 125), la formule est extraite du rapport de César au Sénat romain après sa victoire remportée en – 47 av. J.-C., sur Pharnace II, roi du Pont.

Selon l’historien latin Suétone (vers 69 – vers 126), la formule aurait été affichée sur un panneau porté lors du triomphe de César, pour décrire sa campagne du Pont.

Par son rythme ternaire, la sentence de César traduit le déroulement de la campagne victorieuse de trois jours menée contre le roi Pharnace II : veni le premier jour, vidi le deuxième jour, vici le troisième et dernier jour. 2 Pour désigner un prédicat exprimé par une forme verbale finie, la linguistique française emploie plus facilement le mot verbe. Comme notre travail prend aussi en considération des énoncés où la prédication est exprimée par des formes verbales non finies, nous préférons le terme prédicat.

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Introduction

Est-ce à dire pour autant que, interprétant les dires et les écrits d’autrui, nous

parvenons toujours à établir infailliblement l’ordre dans lequel se sont succédé les

événements ? L’extrait suivant, tiré du roman de l’écrivain russe Alexej [Alexeï]

Ivanov =%'$&"? $-'@+. 7&'79- (Geograf globus propil)3, est à ce sujet une

gageure pour le lecteur qui, en se retrouvant en quelque sorte dans la peau de

Sloujkine, témoin fortuit de la conversation entre trois dames, s’aviserait d’établir

la succession exacte des événements du soap opéra dont elles parlent :

(2) !"#$%&' (&)*" + #,&-*".(%/0 &

123/"'4" $#5'2". […] 6 -5& )5#7&*

#,&"%& – (-2524, 3/$&"24 &

8/"/)*'.%24 – 9/"-2"&.

– : +,*52, ;<9/+. =*-5/+'2, +

/,*5*)& 35/(-/4"2 & '* 3/(8/-5*"2

>*(-.)*(4- +-/5#< (*5&<

« ?2)*$)/< $&+ ,*"/+*% », –

3/$2"/+2"2(. 3/$&"24. – @-/ -28

9A"/ ? B5(#"2 #1'2"2, ,-/ )/,.

9*5*8*''2 ?

– ?*-, *CD '* #1'2"2, – 52((%212"2

(-2524. – =&(.8/--/ E*5'2')2 &1

>%2-#"%& +A%52"2. 65%2)&/ +

9/".'&F# 3/32", &, 3/%2 /' 9A" '2

/3*52F&&, /'2 *7/ /)*$)# /9>25&"2

& '2>"2 %"<,.

Sloujkine était assis dans la salle et

remplissait le registre de la classe,

[…] alors que trois autres profs – une

vieille, une moins vieille et une

jeunette – bavardaient.

– Vous savez, Lioubov Piétrovna, j’ai

passé toute la soirée hier dans la file

d’attente et je n’ai pas pu regarder le

soixante-deuxième épisode de

« L’espoir fait vivre », se plaignit la

moins vieille. Qu’est-ce qui s’est

passé ? Ursula a appris que sa fille

était enceinte ?

– Non, pas encore, dit la vieille. C’est

vrai que Fernanda a volé la lettre

dans la boîte à bijoux. Arcadio s’est

retrouvé à l’hôpital et pendant qu’il se

faisait opérer, elle a fouillé ses

affaires et trouvé la clé.

3 Il est difficile de traduire instantanément ce titre en français. L’adaptation mot à mot donne approximativement : Le géographe a bu le globe terrestre ; A force de boire le géographe a perdu le globe terrestre.

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Introduction

– G2% +*). H/(* >%2-#"%# 12952" %

(*9*…

– B '*7/ $* I-2… %2% *D ?..

– J*9*%%2, %/-/524 68252'-#

/-52+&"2, – 3/)(%212"2 8/"/)24.

– K/-… J*9*%%2 $* # H/(*

/(-2'/+&"2(. 3/) ,#$&8 &8*'*8, 2

/' *D -2% & '* #1'2" 3/("*

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– L' -/".%/ 35/ 65%2)&/ #(3*"

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– : 9A '2 8*(-* 65%2)&/ I-/7/

(*'./52 '2 3/5/7 '* 3#(-&"2, –

35&1'2"2(. 3/$&"24.

– N-/ 3/-/8#, ,-/ 8A, 5#((%&*

-2%&*, – 3/4('&"2 (-25*'.%24. –[…]

G28 -2% '* 35&'4-/.

– Mais la boîte à bijoux était chez

José, non ?

– Oui, mais chez lui il y a … comment

elle s’appelle déjà ?

– Rebecca, celle qui a empoisonné

Amaranta, souffla la jeunette.

– C'est ça… Cette Rebecca est

descendue chez José sous une

fausse identité. Lui, il ne l’a pas

reconnue après sa chirurgie

esthétique.

– Comment ça ? Il a quand même

surpris sa conversation avec

Remedios…

– Il n’a entendu que la partie sur

Arcadio parce que Señor Moncada

l’a appelé et a détourné son

attention.

– Moi, à la place d’Arcadio, je

flanquerais ce Señor à la porte,

avoua la moins vieille.

– Oui, nous autres, les Russes, nous

sommes comme ça, expliqua la petite

vieille. – […] Eux là-bas, ils sont

différents.

(O+2'/+ : 71-72)

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Introduction

Comment parvenons-nous à comprendre qu’un événement se produit avant,

après ou bien en même temps qu’un autre événement ? Pourquoi est-il plus facile

de restituer l’ordre entre les événements dans le premier exemple tandis que le

deuxième présente à cet égard beaucoup plus de difficultés ? Ce dialogue sur un

feuilleton latino, rapporté avec une pointe d’ironie, suscite au moins deux

remarques. Tout d’abord, il est certain que les trois dames qui bavardent sont

capables de reconstruire la suite de ces passionnants événements beaucoup

mieux que le lecteur ou Sloujkine lui-même. La seconde remarque découle de la

première et se ramène à une question : est-il essentiel pour le lecteur et pour

Sloujkine de savoir si Rebecca a empoisonné Amaranta avant, après ou en même

temps que José s’emparait de la boîte à bijoux ?

Ce préambule d’exemples et de questions nous amène à formuler plus

précisément le sujet, les objectifs et les hypothèses de notre travail.

Sujet

Le sujet de notre thèse porte sur l’organisation chronologique des événements

dans le langage en général et dans la langue russe en particulier. Ce sujet est

directement relié à la problématique du temps langagier, abordée déjà dans

plusieurs travaux linguistiques et aussi philosophiques. L’examen de l’histoire de

la linguistique nous a permis de distinguer globalement cinq approches du temps :

psychologique, textuelle, référentielle, sémantique et pragmatique.

Les cinq approches

L’approche psychologique, fondée sur les travaux de Gustave Guillaume

[Guillaume 1929 / 1965] ou de Jacques Damourette et Edouard Pichon

[Damourette, Pichon 1911 – 1936 / 1951], considère que l’usage des temps

verbaux est motivé par une « manière psychologique » de se représenter les

événements. Si la complexité terminologique ainsi qu’une attitude quelque peu

sectaire des disciples de Guillaume ont considérablement limité l’exploitation de

ces deux courants de pensée, on peut toutefois voir à bon droit dans ces

linguistes les ancêtres titulaires de la sémantique cognitive « à la française »

[Valette 2006].

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Introduction

L’approche textuelle, qui remonte aux travaux de Käte Hamburger [Hamburger

1986], Harald Weinrich [Weinrich 1973] 4 et Emile Benveniste [Benveniste 1966 :

237-250], cherche à expliquer la fonction des temps du passé, en particulier en

français, comme une spécialisation d’emploi dans tel ou tel type de texte.

Brillamment développée entre autres par Gérard Genette [Genette 1972 / 2007],

l'approche textuelle attire un nombre conséquent de chercheurs et reste très

actuelle.

L’approche référentielle remonte à la Grammaire de Port-Royal [Arnauld, Lancelot

1660 / 1997] et à la grammaire de Nicolas Beauzée [Beauzée 1767 / 1974]. Deux

siècles plus tard, cette approche recevra un nouvel élan avec le travail de Hans

Reichenbach [Reichenbach 1947 / 1960]. L’idée centrale de l’approche

référentielle consiste à supposer qu’à travers la langue, l’esprit humain représente

les événements réels et objectifs d’une manière subjective, en leur attribuant une

référence temporelle. Cela veut dire que l’esprit humain effectue un calcul qui

permet de placer l’événement dénoté dans la langue au bon endroit dans

l’ensemble des représentations. En gros, les travaux linguistiques actuels qui se

déploient dans cette direction envisagent la récupération de la référence

temporelle de deux manières : sémantique ou pragmatique. Cette constatation

nous permet de distinguer deux approches à part – sémantique et pragmatique.

L’approche sémantique attribue aux temps verbaux et, plus largement, aux

informations linguistiques de l’énoncé des significations déterminées, destinées à

marquer la référence temporelle. On peut placer dans le cadre de l’approche

sémantique les travaux du linguiste russe Aleksandr Bondarko et de ses disciples

[Bondarko 1984 ; TFG 1987 ; Rjabova 1993], de Elena PaduSeva [PaduSeva

1996]. En Occident, de cette approche rassemble la Discourse Representation

Theory de Hans Kamp [Kamp 1981 ; Kamp, Rohrer : 1983 ; Kamp, Reyle : 1993]

et la Segmented Discourse Representation Theory de Nicolas Asher et Alex

Lascarides [Lascarides, Asher 1993 ; Asher 1993 ; Lascarides, Oberlander 1993].

4 Entre crochets sont indiquées les années de parution de la traduction française des ouvrages de K. Hamburger et de H. Weinrich. Les originaux ont été publiés bien avant, le livre de K. Hamburger en 1957 et celui de H. Weinrich en 1964.

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Introduction

L’approche pragmatique, enfin, pose que les informations linguistiques seules ne

suffisent pas à déterminer la référence temporelle, le destinataire étant

obligatoirement amené à recourir au contexte. Les recherches dans cette direction

ont été initiées et se développent aujourd’hui par les linguistes genevois Jacques

Moeschler, Louis de Saussure, Bertrand Sthioul et leurs collaborateurs [Moeschler

& all. 1998 ; CDLF 2002 ; Saussure 2003 a], qui prennent appui, dans leur

réflexion, sur la théorie de la pertinence de Dan Sperber et Deirdre Wilson

[Sperber, Wilson 1989].

Sémasiologie et onomasiologie

Dans la plupart des travaux linguistiques (mais aussi philosophiques et littéraires),

les relations chronologiques entre les événements ne font pas l’objet d’étude

spécifique et sont traitées dans le cadre beaucoup plus large de la représentation

du temps dans la langue et dans le langage. Cette approche large est, somme

toute, justifiée, car les relations chronologiques ne représentent qu’un petit rouage

dans le grand mécanisme qu’est la temporalité linguistique. Par ailleurs, les

études consacrées à la représentation du temps dans la langue et le langage ont

pendant longtemps privilégié l’approche purement sémasiologique. L’accent était

mis sur le fait que les langues possèdent des moyens grammaticaux spécifiques

destinés à représenter le flux temporel, tels que, par exemple, les temps verbaux,

les adverbes temporels ou encore l’aspect verbal dans les langues slaves. Par

conséquent, les relations chronologiques n’étaient étudiées que comme dérivant

des valeurs de catégories linguistiques dont la vocation était d’exprimer diverses

facettes du temps. On citera, par exemple, les travaux de [PaduSeva 1996 ;

Confais 1990 / 2002 ; Barbazan 2006].

Toutefois, le développement de la branche onomasiologique de la sémantique et

la progression de la linguistique pragmatique et cognitive ont favorisé l’apparition

de travaux dans lesquels l’enjeu est inversé : l’attention est ici focalisée sur les

relations chronologiques et le but est de définir par quelles formes linguistiques

sont désignées ces relations. Autrement dit, on part de l’idée que le langage se

construit autour de catégories logiques (ou sémantiques) universelles – telles que

la simultanéité, l’antériorité, la postériorité pour la chronologie – et on essaie

d’établir par quels moyens le langage et les langues transmettent ces liens

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Introduction

logiques. Selon un critère épistémologique, on peut distinguer globalement deux

courants qui étudient la chronologie entre les événements : le premier remonte à

Hans Reichenbach [Reichenbach 1947 / 1960] et décrit les relations temporelles

entre les événements dans des termes d’ordre temporel ; le second donne aux

relations chronologiques entre les événements le nom de taxis, notion proposée

par Roman Jakobson en 1957 [Jakobson 1963 / 1994] et développée par les

fonctionnalistes de l’Ecole aspectologique de Saint-Pétersbourg, dirigée par

A. V. Bondarko [TFG 1987].

Le sujet du présent travail – les relations chronologiques entre les événements –

montre d’emblée que nous nous tournons vers l’onomasiologie, qui va de pair

avec les théories référentielles sémantiques et pragmatiques. La référence

temporelle des événements est calculée sur la base de divers composants, parmi

lesquels se trouvent la chronologie et autres relations événementielles. Il nous a

paru intéressant et prometteur de centrer notre attention sur cet élément de

l’ « algorithme » général de la représentation temporelle dans le langage, en

contribuant ainsi, si modeste que soit cette contribution, à chercher un terrain

d’entente entre les catégories logiques et grammaticales. En passant rapidement

en revue ci-dessous quelques approches linguistiques sur la représentation du

temps, nous avons souhaité montrer que la multitude et la diversité des idées

linguistiques sur le temps permettent l’existence de pensées alternatives à la

nôtre. Ne pouvant guère nous arrêter longuement sur toutes les théories

consacrées au temps dans le langage – tâche coûteuse et excédant les

possibilités mêmes d’une thèse – nous ne détaillerons plus loin dans ces pages

que les conceptions qui ont directement influencé notre travail, à savoir les études

référentielles sémantiques et pragmatiques de A. V. Bondarko, H. Reichenbach,

E. V. PaduSeva, J. Moeschler et L. de Saussure.

Objectifs

L’objectif principal de notre travail consiste à dégager les mécanismes par

lesquels le destinataire systématise chronologiquement les événements. Il s’agit,

d’un côté, de comprendre et de décrire les moyens proprement linguistiques qui

servent à exprimer la chronologie des événements, c’est-à-dire les moyens

encodés dans le langage, en l’occurrence dans la langue russe. D’un autre côté, il

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Introduction

s’agit d’analyser les éléments du contexte qui aident le destinataire à calculer les

relations temporelles dans l’énoncé. Le cadre d’une seule thèse étant insuffisant

pour embrasser la totalité des structures syntaxiques, nous limitons notre

description aux énoncés contenant des prédicats autonomes liés par coordination

ou juxtaposition et aux énoncés contenant un prédicat secondaire exprimé par le

gérondif.

Pour atteindre ce but, il nous paraît nécessaire de passer par quatre étapes :

1. Définir comment le langage humain représente un événement réel,

autrement dit, trouver s’il y a une différence entre l’événement réel et sa

représentation dans le langage en général et dans la langue russe en

particulier.

2. Etablir les types de relations (temporelles, logiques ou sémantiques) qui

unissent les événements dans l’énoncé.

3. Systématiser les moyens linguistiques qui desservent, en russe, les

relations entre les événements dans l’énoncé.

4. Trouver quelles sont la part d’informations linguistiques et la part

d’informations pragmatiques mises en œuvre dans la compréhension des

liens entre les événements.

Hypothèses

Les hypothèses que nous avançons sont les suivantes :

1. Le langage réfère au monde réel, et les événements sont des référents du

monde réel tout comme les objets et les individus.

2. La chronologie entre les événements n’est pas le seul type de relation

possible entre les actions. Parfois même, il est plus pertinent de ne pas

imposer un ordre temporel quelconque.

3. L’interprétation de l’énoncé (et de l’ordre temporel dans l’énoncé) se fonde

à la fois sur le décodage des informations linguistiques et sur l’inférence

pragmatique.

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Introduction

2. Principes théoriques, précisions méthodologiques et terminologiques

Il est nécessaire de déterminer dès à présent le statut linguistique des relations

entre les événements et d’expliquer quelques termes que nous utiliserons tout au

long de cet exposé.

Comme nous l’avons noté, les études des relations chronologiques entre les

événements se développent sous une double terminologie : taxis ou ordre

temporel. Tout porte à conclure que ces deux traditions s’ignorent ou feignent de

s’ignorer, en s’éloignant de plus en plus l’une de l’autre. La timide tentative de

Bondarko pour conjuguer les deux termes a été peu convaincante, tant les

fondements théoriques de ces deux courants se sont déjà développés dans des

directions sinon opposées, du moins peu communes [Bondarko 1996 : 167-196].

Nous décrirons les conceptions de la taxis et de l’ordre temporel dans le

Chapitre 2. Dans l’immédiat, nous précisons notre propre terminologie, en

confrontant le contenu des deux termes.

Le choix des termes centraux

Le terme taxis a été introduit dans la linguistique par Roman Jakobson en 1957

dans son essai Shifters, verbal categories and the Russian verb. Ce travail a été

traduit en français par Nicolas Ruwet en 1963 sous le titre Les embrayeurs, les

catégories verbales et le verbe russe. Le traducteur a préféré ne pas garder le mot

grec taxis et le remplacer par son équivalent français ordre. Ce choix mène à une

confusion entre le terme de Jakobson et celui de Reichenbach, apparu en 1947

dans son travail Elements of Symbolic Logic. Pourtant, ces termes n’ont pas le

même contenu et il semblerait que les deux scientifiques ne connaissaient pas

leurs travaux respectifs. Quant à la linguistique russe, elle a conservé le terme

original de Jakobson – la taxis, terme qui s’est surtout fait connaître grâce au

travail de Bondarko et ses collègues [TFG 1987]. La notion de taxis, telle qu’elle

apparaît dans la conception du linguiste saint-pétersbourgeois, est présentée

comme une catégorie linguistique sémantico-fonctionnelle qui exprime différents

types de relations entre les événements, à savoir, les relations temporelles, mais

aussi les relations logiques et sémantiques. Recouvrant tous les liens entre les

événements, le terme taxis aurait été très commode dans notre travail. Mais

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Introduction

emprunter ce terme, fortement connoté par les travaux de Bondarko et de ses

disciples et de surcroît méconnu de la majorité des linguistes occidentaux,

présentait un risque : celui d’être perçu comme un accord heuristique avec les

postulats fondamentaux des Pétersbourgeois. Or ce n’est pas notre cas. Le

principal différend qui nous sépare de la pensée de Bondarko concerne le statut

des relations entre les événements. Pour Bondarko, celles-ci sont réunies dans

une seule catégorie sémantico-fonctionnelle. De notre point de vue, il est

inconcevable de réunir dans une seule catégorie des éléments aussi hétérogènes

que les relations chronologiques, les relations causales et les relations

sémantiques. Toutes ces relations sont marquées de façons différentes aux

différents niveaux de la langue et ne présentent pas de forts signes de

grammaticalisation.

Notre préférence va donc au terme ordre temporel, beaucoup plus familier à la

linguistique occidentale. La littérature linguistique distingue généralement trois

types de relations chronologiques dans le cadre de l’ordre temporel :

1) Progression temporelle, autrement dit, une succession d’événements, comme

dans la célèbre expression : Veni, vidi, vici ; 2) Régression temporelle : Max est

tombé. Paul l’a poussé ; 3) Non-ordonnancement temporel, cette relation

recouvrant les cas où le temps stagne (simultanéité et indétermination

temporelle) : Le président entra dans son bureau. L’horloge murale marchait

bruyamment. L’ordre temporel est considéré comme positif, dans le premier cas,

et comme négatif, dans le deuxième et troisième cas.

A noter toutefois que nous adaptons le terme ordre temporel à notre façon, en lui

attribuant d’une certaine façon le contenu du terme taxis (cf. la section 3.1. Types

de relations entre les événements dans l’énoncé : entrée en matière, pp. 109-

112). Comme les liens entre les événements ne se réduisent pas à des relations

chronologiques, nous userons également du générique relations entre les

événements et de ses dérivés – relations (temporelles) chronologiques

(antériorité, postériorité, simultanéité), relation logique, relation sémantique (de

caractérisation).

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Il convient ensuite de définir le terme événement, employé tout au long de notre

travail. En premier lieu, nous entendons par ce terme quelque chose qui se produit

dans le monde réel. Nous préférons cette dénomination au mot éventualité, utilisé

par certains chercheurs comme une traduction du terme anglais eventuality, cf.

par exemple [Moeschler 1998 : 4]. Le langage, en référant aux événements du

monde sensible, les transfère au niveau linguistique – dans les énoncés. En

deuxième lieu, le terme événement désigne pour nous ce transfert linguistique,

autrement dit, toute action (dynamique ou statique : fait, procès et état ; cf. à ce

propos la section 1.4.5. Classes sémantiques des verbes, pp. 61-65) qui est

représenté dans l’énoncé sous la forme d’un prédicat.

Insistons sur le fait que l’unité de notre analyse est un énoncé et non une phrase.

Cette distinction est très importante pour notre travail. La phrase est une suite de

mots organisés conformément à la syntaxe, en regard l’énoncé est la réalisation

d’une phrase dans un contexte (ou situation)5 déterminé. La phrase représente en

quelque sorte le noyau de sens, commun à tous les énoncés de la phrase en

question, mais différents énoncés d’une même phrase reçoivent en général

différentes interprétations [Sperber, Wilson 1989 : 22-23 ; Moeschler, Reboul

1994 : 22 ; Ducrot 1995 / 2005 b : 298]. Si on analyse l’exemple suivant :

(3) Oggy préfère les sachets bleus,

en tant que phrase, on peut en tirer des renseignements grammaticaux généraux.

On comprend, par exemple, qu’Oggy est un être animé qui préfère les objets

sachets de couleur bleue. Mais on ne sait pas qui est exactement Oggy, à quels

5 Le contexte (ou, dans la terminologie d’Oswald Ducrot [Ducrot 1995 / 2005 e : 764], – la situation [du discours] est un ensemble de circonstances au milieu desquelles a lieu un énoncé (écrit ou oral). Il faut entendre par là l’entourage physique et social où l’énoncé prend place, l’image qu’en ont les interlocuteurs, l’identité de ceux-ci, l’idée que chacun se fait de l’autre (y compris la représentation que chacun possède de ce que l’autre pense de lui), les événements qui ont précédé l’énonciation (notamment les relations qu’ont eues auparavant les interlocuteurs, et l’échange de paroles (ou le texte) où s’insère l’énonciation en question). Ainsi, le contexte regroupe à la fois des éléments linguistiques (contexte linguistique) et des éléments du monde extérieur (contexte extra-linguistique).

A la suite de Dan Sperber et de Deirdre Wilson [Sperber, Wilson 1989], nous considérons que le contexte n’est pas imposé aux interlocuteurs. Le contexte est un ensemble d’hypothèses parmi lesquelles le destinataire choisit celle qui lui semble la plus pertinente. Ce choix est une déduction mentale automatique et inconsciente qui peut s’avérer périlleuse, car le destinataire n’est pas entièrement assuré de faire le bon choix. Nous parlerons plus en détails de la notion du contextechoisi dans la partie consacrée à la théorie de la pertinence de Sperber & Wilson (p. 97).

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autres objets il (ou elle !) préfère les sachets bleus et selon quels critères il les

préfère aux autres objets. Pour obtenir ces informations, il faut analyser cet

exemple en tant qu’énoncé, c’est-à-dire dans le contexte d’une situation concrète.

En paraphrasant la célèbre formule de José Ortega y Gasset, disons que l’énoncé

c’est la phrase et sa circonstance6. Sans contexte, l’exemple (3) a une multitude

inépuisable d’interprétations. Comment un lecteur non averti peut-il deviner qu’en

écrivant cette phrase, l’auteur de ces lignes pensait à son chat qui s’appelle Oggy

et que celui-ci préfère la marque de croquettes dans des sachets bleus aux

croquettes emballées dans des sachets verts ou blancs ?!

Des notions phrase et énoncé, la linguistique énonciative distingue encore

l’énonciation qui est l’acte individuel de production, dans un contexte déterminé,

ayant pour résultat un énoncé ; les deux termes – énoncé et énonciation –

s’opposent comme la fabrication s’oppose à l’objet fabriqué [DLSL 1994 / 1999 :

180-181 ; Ducrot 1995 / 2005 a : 728]7.

Avançant l’idée que l’interprétation de l’énoncé, i.e. au fond, le sens de l’énoncé,

dépend non seulement des éléments linguistiques mais aussi de la situation dans

laquelle cet énoncé est employé, nous nous inscrivons à la fois dans les traditions

sémantique et pragmatique.

6 Nous faisons allusion à la célèbre formule qui apparaît dans l’œuvre de l’éminent philosophe espagnol Méditations sur Don Quichotte (Meditaciones del Quijote (1914)) : Je suis moi et ma circonstance (Yo soy yo y mi circunstancia).7 La traduction de ces concepts n’est pas une simple affaire. O. Ducrot remarque que comme le mot énonciation n’a pas une traduction simple en anglais, les chercheurs américains travaillant dans ce domaine sont dispersés dans des études portant sur tel ou tel aspect particulier du phénomène (modalités, déictiques, actes de langage, expressions évaluatives) [Ducrot 1995 / 2005 a : 738-739].

On peut dire que la situation est identique pour le russe. Quand il s’agit de cette triple antinomie phrase – énoncé – énonciation, on jongle avec les trois termes 7&%*-'1%59% (predloženie) – ?&")" (fraza) – 36.0")63"59% (vyskazyvanie). Quand on oppose phrase à énoncé, on les traduit souvent respectivement comme predloženie (ou fraza) et vyskazyvanie. Les termes énoncé – énonciation sont employés comme synonymiques dans plusieurs travaux et sont traduits par vyskazyvanie. Une des solutions possibles pour distinguer ces deux termes serait de suivre la terminologie de Roman Jakobson, pour qui énoncé devient en russe .''@A"%,6( ?"02(soobšPaemyj fakt – « fait communiqué ») et énonciation est ?"02 .''@A%59/ (fakt soobšPeniya – « fait de communication ») [Jakobson 1963 / 1994 ; Jakobson 1972].

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Introduction

La pragmatique

Le terme pragmatique a été proposé par le philosophe et sémioticien américain

Charles William Morris dans Foundations of the Theory of Signs (1938)8. Il

distinguait trois branches à l’intérieur de la sémiotique : la sémantique – la relation

entre les signes et ce qu’ils définissent ; la syntaxe – la relation des signes entre

eux ; et la pragmatique – la relation entre les signes et leurs utilisateurs. Ce

paradigme de Morris, devenu incontournable dans la linguistique, est en fait le lieu

des ambiguïtés, car la notion même de dimension sémantique peut être comprise

aussi bien comme les relations existant entre le signifiant et le signifié que comme

celles qui rattachent le signe global (signifiant + signifié) et le référent (objet du

monde réel). Cette ambivalence rejaillit, comme le remarque avec justesse J.-M.

Schaeffer [Schaeffer 1995 / 2005 : 258], sur la délimitation de la dimension

syntaxique : on peut entendre par ce terme l’étude des combinaisons entre les

signifiants ou le domaine de la combinatoire des signes, en opposition au domaine

sémantique qui porterait quant à lui, sur la relation entre les signes et le référent.

Quoi qu’il en soit, le projet de la sémiotique, conçue comme science générale des

signes, semble être assez dévalué aujourd’hui, laissant place à la linguistique,

science du langage, dans laquelle la trichotomie de Morris prend une autre

dimension. D’une manière générale, la linguistique est définie comme une science

qui est consacrée à l’étude du système du langage (phonologie, morphologie,

syntaxe, sémantique) [Moeschler, Reboul 1994 : 19]. Se pose donc la question : la

pragmatique, qui ne concerne pas, à strictement parler, la structure du langage,

mais l’emploi qui en est fait, est-elle une composante de la linguistique ou une

science à part ? La tradition pragmatique française, laquelle, faisons-le remarquer,

est assez récente, admet deux possibilités : 1) la pragmatique fait partie de la

linguistique ; 2) la pragmatique se trouve à côté de la linguistique et non en son

sein [Ibid. : 18-41].

8 Ce travail a été repris dans Writings on the general Theory of Signs, La Haye: Mouton, 1971. Pour la version française, cf. l’article Fondements de la théorie des signes dans Langages 35,1974, pp. 15-21 ; la traduction russe est parue en 1983 : Morris R., « Osnovanija teorii znakov », in Semiotika, Moskva, 1983, pp. 37-89.

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Introduction

La première position porte le nom de pragmatique intégrée. Elle a été inaugurée

par E. Benveniste [Benveniste 1966 ; 1974] et poursuivie par O. Ducrot [NDESL

1995 / 2005]. La théorie de la pragmatique intégrée considère donc que les

aspects pragmatiques sont encodés dans la langue et que la langue contient des

instructions sur ses usages possibles.

La seconde approche, appelée pragmatique radicale, pose que la pragmatique

n’est pas intégrée dans la sémantique, car l’interprétation des énoncés fait

intervenir des aspects à la fois vériconditionnels (relatifs aux conditions de vérité)

et non vériconditionnels9. Cette vision de la pragmatique est présentée dans les

travaux de Anne Reboul et Jacques Moeschler [Reboul, Moeschler 1994 ;

Moeschler 1998]. Cela ne veut pas dire que l’objet de la pragmatique est

complètement indépendant de la linguistique car la séparation entre code et usage

n’est que partielle [Reboul, Moeschler 1994 : 28].

Nous sommes à présent en mesure de situer plus précisément notre travail : celui-

ci s’inscrit dans le champ théorique de la pragmatique radicale. Il s’effectue

cependant dans le cadre de l’interaction, à la fois au niveau linguistique

(syntaxique et sémantique) et au niveau pragmatique. La pragmatique, science

assez jeune, ne s’est pas encore beaucoup affirmée dans la linguistique slave, du

moins dans les travaux consacrés à l’étude des événements10. Il nous a donc

paru inconcevable de minimiser l’importance des recherches sémantiques, que

nous considérons, bien au contraire, comme indispensables au fondement

théorique et pratique de notre travail. Ainsi, dans notre analyse (Chapitres 3 et 4),

des éléments pragmatiques apparaissent plutôt comme complémentaires à la

méthode qui se définit avant tout comme sémantique.

Tous les linguistes n’approuvent pas l’introduction du composant pragmatique

dans la description linguistique, considérant que la pragmatique est, par définition,

étrangère à la linguistique puisqu’elle fait référence aux éléments extérieurs qui

9 Cela signifie que l’interprétation de l’énoncé ne dépend pas uniquement des conditions dans lesquelles il est vrai mais aussi des conditions dans lesquelles il est faux. 10 Signalons par exemple des travaux pragmatiques pionniers sur le russe de Vladimir Sannikov, qui s’intéresse tout particulièrement aux conjonctions : raz – « puisque », ili – « ou », etc. [Sannikov 2008].

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viennent se greffer sur les phrases de la langue. Pour défendre la légitimité de la

pragmatique dans l’étude linguistique, rappelons que la question centrale de la

linguistique et des sciences du langage est bien celle du sens. Nous soutenons,

comme un grand nombre de linguistes de ces dernières décennies, que le

matériau linguistique à lui seul ne suffit pas pour que le destinataire puisse

comprendre le sens de l’énoncé. Le destinataire doit, en effet, exploiter également

des informations extra-linguistiques concernant la situation dans laquelle il se

trouve. D’autre part, c’est un truisme de remarquer que le recours à la situation

pour interpréter l’énoncé est souvent exigé par le matériau linguistique lui-même.

Ainsi, les déictiques de personne, de lieu ou de temps (moi, ici, maintenant)

nécessitent d’une manière intrinsèque la recherche du référent dans le contexte

[Moeschler, Reboul 1994 : 17 ; Ducrot 1995 / 2005 b : 131].

La méfiance à l’égard de la pragmatique est causée en grande partie par une

multitude de théories disparates qui se proclament pragmatiques, créant ainsi un

brouillage au sein de ce domaine. Comme l’observent A. Reboul et J. Moeschler,

on définissait dans les années soixante-dix la pragmatique comme « la poubelle

de la linguistique », en rejetant sous cette enseigne tous les problèmes qui

dépassaient les compétences réputées proprement linguistiques (la phonologie, la

syntaxe ou la sémantique) [Reboul, Moeschler 1994 : 24]. Pour simplifier, il est

possible de donner deux acceptions fondamentales de la pragmatique.

Premièrement, la pragmatique est définie comme un domaine où est étudiée

l’influence du contexte sur le sens des énoncés. Cette tradition remonte aux

travaux de Paul Grice11. La deuxième conception de la pragmatique est

revendiquée par un certain nombre de traditions psychosociales d’études du

langage, parmi lesquelles l’analyse du discours et la pragmatique

conversationnelle. Cette pragmatique, engendrée par les travaux de John

Austin12, étudie les possibilités d’actions inscrites dans la langue13.

11 Grice H. P. (1957), Meaning, in The Philosophical Review 67, pp. 377-388 ; (1967 / 1975), Logic and Conversation : The William James Lectures, in Cole P. & Morgan J. L. (éds.), Syntax and Semantics 3 : Speech Acts, New-York, Academic Press, pp. 41-58. 12 Austin J. L. (1955 / 1970), Quand dire, c’est faire, Paris, Ed. du Seuil. 13 On se reportera à ce sujet à la réflexion de bas de page de Louis de Saussure [Saussure 2003 a : 15]. Pour une étude détaillée des théories pragmatiques, cf. [Moeschler, Reboul 1994].

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Introduction

Nous nous inscrivons dans la lignée gricéenne, plus exactement dans son

déploiement cognitif, présenté par la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson

[Sperber, Wilson 1989 ; Sperber, Wilson 200414]. Nous partageons également

l’idée suivante, mise en avant dans la plus récente révision de la théorie de la

pertinence [Sperber, Wilson 2004] : le processus du traitement pragmatique n’est

pas l’étape ultime de la compréhension de l’énoncé, qui s’effectuerait à la sortie du

système linguistique ; le traitement linguistique et pragmatique est un processus

linéaire, l’introduction de l’élément pragmatique se fait donc à tous les niveaux du

traitement de l’énoncé. Nous trouvons cette idée aussi dans le travail de L. de

Saussure [Saussure 2003 a : 155-156].

On formulera enfin une dernière remarque concernant l’approche pragmatique

que nous adoptons. Nous pensons que, pour trouver la bonne interprétation de

l’énoncé, le destinataire doit obligatoirement attribuer au locuteur l’intention15 de

communiquer une information pertinente. Pour illustrer nos propos, prenons un

exemple présenté dans [Saussure 2003 a : 12] :

(4) A : – Voulez-vous du vin ?

B : – Je suis musulman.

Pour que A comprenne la réponse de B comme un refus de prendre du vin, il faut

déjà que A suppose que B cherche à répondre de manière adéquate à la question

posée par A ; autrement dit, il faut que A prête à B l’intention de communiquer une

information pertinente.

Il est donc important de souligner que nous comprenons la pragmatique comme la

science de l’interprétation du sens intentionnel. Dans notre travail, nous analysons

14 Ce travail est également disponible sur le site Internet de Dan Sperber : www.dan.sperber.com ; le lien direct est : http://www.dan.sperber.com/relevance_theory.htm 15 On dit également le vouloir-dire ou le sens voulu. Ces termes sont la traduction de l’expression anglaise speaker’s meaning, introduite par Paul Grice.

La notion d’ « énonciataire » utilisée par Jean-Paul Sémon rejoint cette définition. L’énonciataire ne se confond pas avec l’auditeur in praesentia. Il est l’image que se fait l’énonciateur de l’étendue des connaissances de son auditeur réel ou virtuel : ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas ; et donc ce qui est utile de lui dire et ce qui est inutile.

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Introduction

les énoncés où l’intention (le vouloir-dire) du locuteur est toujours présent. Pour

nous, il n’y a pas de sens, s’il n’y a pas d’intention.

3. Corpus

Les exemples que nous proposons tout au long de notre travail sont de quatre

types : 1) tirés des œuvres littéraires ; 2) repris dans des travaux linguistiques ;

3) trouvés sur le site de Ruscorpora16 ; 4) construits.

Une importante remarque méthodologique doit être faite. Même si la majorité de

nos exemples sont puisés dans des œuvres littéraires, l’objet de notre analyse

n’est en aucun cas le texte littéraire, mais bien le discours qui suppose un locuteur

et un destinataire. Ainsi, nous faisons abstraction de l’œuvre littéraire dont est tiré

l’exemple, en le considérant dans son contexte minimal, ne tenant compte que de

la situation au moment de l’interprétation. Suivant la même démarche, nous

excluons de notre analyse les énoncés dans lesquels le point de vue narratif se

dédouble, devenant à la fois celui du narrateur et du personnage (ou celui du

narrateur et de l’auteur). Ce dédoublement caractérise habituellement le discours

indirect libre, cf. l’exemple suivant :

(5) Dans le vestibule jonché de livres, il accentua la chute de ses moustaches,

gratta son crâne tondu. Hum, oui, il était terriblement en retard (Cohen :

483).

4. Plan de la thèse

La présente thèse contient quatre chapitres dont l’ordre obéit à la logique « du

général au particulier ».

16 Ruscorpora (www.ruscorpora.ru) est un corpus électronique de la langue russe qui, réunissant un grand nombre de textes, contient plus de 140 millions de mots. Munie de paramètres lexicaux et grammaticaux, cette base de données informatique est un outil efficace, offrant aux chercheurs un riche matériau linguistique.

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Introduction

Dans le premier chapitre, La représentation des événements dans le langage,

nous examinons le problème de la représentation des événements dans le

langage du point de vue référentiel, en considérant brièvement l’interdépendance

des notions de temps et d’événement, puis nous analysons les catégories

linguistiques exprimant l’idée du temps.

Le deuxième chapitre, intitulé Appréhender le temps par les relations existant

entre les événements, présente les théories linguistiques de la taxis et de l’ordre

temporel qui, étudiant les relations entre les événements, ont considérablement

influencé notre propre approche.

Dans le troisième chapitre, Enoncés à prédicats autonomes, nous dressons un

tableau sémantique des relations temporelles qu’établissent dans l’énoncé deux

prédicats autonomes. Ce faisant, nous analysons également les facteurs

linguistiques et pragmatiques qui amènent le destinataire à inférer une relation

chronologique entre les événements.

Enfin, le quatrième et dernier chapitre, Enoncés à prédicat secondaire (Le cas du

gérondif), est consacré à l’étude des relations temporelles entre les événements

exprimés par un prédicat autonome et un gérondif.

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CHAPITRE 1.

LA REPRÉSENTATION DES ÉVÉNEMENTS DANS LE LANGAGE

1.1. Événement réel et événement langagier

L’approche référentielle que nous développons dans ces pages considère que les

objets du monde désignés par le langage existent indépendamment de la

conscience humaine et que la dénotation de ces objets par le langage ne peut

s’expliquer sans avoir recours à cette existence. Tout en acceptant l’idée d’une

structure interne du langage, nous insistons sur le lien entre le signe linguistique

(signifiant + signifié) et le référent (objet du monde réel). Cette référence est une

étape indispensable à l’explication du sens. Nous considérons que le langage

décrit le monde extérieur et non un monde linguistique per se pour lequel la réalité

extra-linguistique que « Dieu seul connaît » demeure impénétrable, en tout cas

dénuée d’intérêt linguistique. En affirmant cela, nous ne prétendons aucunement

que la dénotation langagière correspond adéquatement à l’ontologie du monde

réel, car nous n’avons guère la possibilité d’avoir un regard externe sur le monde

pour vérifier si nos représentations sont exactes. Entre le pôle réaliste et le pôle

relativiste, nous choisissons de rester quelque part sur l’équateur : le langage

réfère au monde réel, certes, mais nous restons très prudente sur le degré de

correspondance entre les représentations humaines et le monde lui-même.17

Nous considérons que les événements qui se produisent dans le monde sont des

référents au même titre que les choses et les individus, et que les énoncés sont

susceptibles de référer aux événements comme ils réfèrent aux choses et aux

individus. Nous partageons l’idée de Louis de Saussure, selon laquelle le

destinataire, pour accéder au référent, doit probablement effectuer un certain

nombre d’opérations mentales. Si l’objet est perceptible dans le contexte

17 On observera que les racines de ce débat remontent à la querelle médiévale entre réalistes et nominalistes. Pour une discussion plus approfondie, il faudrait suivre les progrès des sciences cognitives. Cf. également sur cette question [Pinker 1999 ; Saussure 2003 : 18-29].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

d’énonciation, l’identification du référent se fait par sélection dans l’ensemble des

perceptions spatiales. Si le référent est absent dans le contexte d’énonciation, le

destinataire, pour le découvrir, doit réaliser des opérations un peu plus complexes,

en accédant à plusieurs éléments linguistiques, fournis par l’énoncé, et à des

éléments de sa connaissance du monde [Saussure 2003 a : 29]. Toutefois, si

l’identification du référent est relativement évidente pour ce qui est les objets, elle

l’est moins pour les événements : il est plus difficile de définir l’existence des

événements. Effectivement, la référence suppose l’existence. Pour nous,

l’existence des événements est prouvée par le fait que les événements modifient

l’état du monde. Cette affirmation est surtout vraie pour les événements passés,

elle est plus discutable pour les événements futurs, mais nous ne traiterons pas ici

de cette question ontologique très complexe.

Pour pouvoir décrire le monde réel, l’esprit humain doit le découper en concepts,

autrement dit, classifier et systématiser les objets du monde. Les événements,

plus abstraits que les choses ou les individus, sont plus difficilement quantifiables.

Le langage cerne des événements en leur assignant des paramètres temporels

(parfois spatiaux), ainsi que d’autres caractéristiques : des liens avec les sujets et

les objets de la situation, une attitude des interlocuteurs envers l’événement, etc.18

La conceptualisation du monde signifie que les représentations langagières des

objets sont vériconditionnelles (astreintes à des conditions de vérité), mais que la

langue les dénote d’une manière subjective et variable. Ainsi, la même réalité

événementielle est susceptible de recevoir des descriptions langagières très

différentes. Avant tout, on peut remarquer que la même réalité événementielle est

susceptible d’être découpée en nombre d’événements langagiers différents.

Observons les exemples suivants :

(6) ;'&&' .+5+- &+0+ 3 0"&,"5 9 *'.2"- '22+*" 79.2'-%2.

Zorro sunul ruku v karman i dostal ottuda pistolet.

Zorro – mit – main – dans – poche – et – retira – de là – pistolet.

= Zorro mit la main dans sa poche et en retira un pistolet.

18 Cf. les travaux de V. G. Gak sur la référence et la dénomination en russe et en français, par exemple l’ouvrage recueillant ses articles de différentes années : [Gak 1998] ou encore [Gak 1966 / 2006 ; 1977].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(6’) ;'&&' *'.2"- 9) 0"&,"5" 79.2'-%2.

Zorro dostal iz karmana pistolet.

Zorro – retira – de – poche – pistolet.

= Zorro retira de sa poche un pistolet.

Nous constatons que le même événement réel est exprimé par deux événements

langagiers (deux actions) dans (6) et par une seule action dans (6’).

Ensuite, on peut noter que chaque événement langagier « choisit » un angle sous

lequel il présente la réalité. Examinons les exemples suivants :

(7) B 7'-+C9- 7'.6-0+.

Ja poluPil posylku.

Je – reçus – colis.

= J’ai reçu un colis.

(7’) D5% 7&9#-" 7'.6-0".

Mne prišla posylka.

Me – arriva – colis.

= J’ai reçu un colis.

(8) E' *3'&+ 7&'%8"- $&+)'390.

Po dvoru proexal gruzovik.

A travers – cour – passa en roulant – camion.

= Un camion traversa la cour.

(8’) E' *3'&+ 7&'5F../ $&+)'390.

Po dvoru pronëssja gruzovik.

A travers – cour – passa en trombe – camion.

= Un camion traversa la cour en trombe.

(8’’) E' *3'&+ 7&'$&',68"- $&+)'390.

Po dvoru progromyxal gruzovik.

A travers – cour – passa en faisant beaucoup de bruit – camion.

= Un camion traversa la cour en faisant beaucoup de bruit.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(9) G61590 +7"- 3 .+$&'@.

Lyžnik upal v sugrob.

Skieur – tomba – dans – congère.

= Le skieur tomba dans une congère.

(9’) G61590 #,/05+-./ 3 .+$&'@.

Lyžnik šmjaknulsja v sugrob.

Skieur – s’affala – dans – congère.

= Le skieur s'affala dans la neige.

Dans les exemples (7) et (7’), le même événement reçoit une réalisation différente

au niveau du sujet et de l’objet de la situation. Le même sens reçoit une

expression grammaticale « antonymique » : le sujet du (7) « je » se transforme,

dans le (7’), en complément d’objet indirect « à moi », tandis que l’objet « un

colis » devient sujet.

En (8), (8’), (8’’), c’est la façon dont se déroule l’action et le regard du locuteur sur

l’action qui changent. Dans ces trois exemples, l’action inclut la caractéristique

direction du mouvement qui est exprimée au niveau lexico-grammatical à l’aide de

l’aspect perfectif et de la préposition pro- (passer à travers la cour une fois).

L’énoncé (8) marque, contrairement aux (8’) et (8’’), la caractéristique moyen de

déplacement, incluse dans le sens même du verbe (rouler). En revanche, en (8’)

et (8’’), le regard que le locuteur porte sur l’événement ignore le moyen de

déplacement mais il marque en revanche un trait expressivité qui accompagne ce

déplacement : la rapidité (8’) ou bien le bruit (8’’) du déplacement du camion. On

peut rassembler ces considérations dans le tableau ci-dessous :

3. CARACTERISTIQUES EVENEMENTIELLES DES ENONCES (8), (8’) ET (8’’)

Direction Moyen Expressivité

(8) 35/*Q2" + + –

(8’) 35/'D((4 + – + (intensité)

(8’’) 35/75/8AQ2" + – + (manière)

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

Les énoncés (9) et (9’) présentent une différence au niveau de l’attitude du

locuteur envers l’événement : en (9), cette attitude est neutre, tandis qu’en (9’),

elle est plus expressive, ce qui est marqué par le verbe de régistre familier

#,/05+2<./ (šmjaknut’sja – s'affaler)19.

Le choix de l’angle sous lequel un événement est décrit est plus ou moins imposé

par la langue. Si le locuteur russe veut décrire un mouvement ou un déplacement,

il est libre de décider de son attitude émotionnelle et du registre stylistique

adéquat par rapport à l’événement, comme nous le montre le cas du verbe

tomber. En revanche, en général, les verbes de mouvement et de déplacement

russes contiennent obligatoirement les sèmes direction et moyen de déplacement,

et le locuteur ne peut pas les éviter. Ce n’est pas le cas des verbes français qui

marquent la direction mais se passent souvent de la caractéristique moyen de

déplacement (Cf. encore [Gak 1977 : 155-169 ; 1998 : 285-291]. Observons

encore quelques exemples :

(10) E29:6 36-%2%-9 9) $5%)*".

Pticy vyleteli iz gnezda.

Oiseaux – s’envolèrent – de-nid.

= Les oiseaux quittèrent leur nid.

(11) H'&"@-< 7&97-6- 3 4*%..+.

Korabl’ priplyl v Odessu.

Bateau – arriva en naviguant – à – Odessa.

= Le bateau arriva à Odessa.

(12) D"-<C90 +@%1"-.

Mal’Pik ubežal.

Garçon – partit en courant .

= Le garçon s’enfuit.

19 On peut naturellement dresser toute une liste de synonymes, variés stylistiquement, du verbe +7".2< (tomber) : $&'85+2<./, #-F75+2<./, @+-2685+2<./, &"..2%-92<./,#"5*"&"85+2<./, etc. Il est difficile de trouver un équivalent français exact pour chacun de ces verbes, mais le verbe tomber en français possède des synonymes non moins multiples et variés : chuter, s’abattre, s’aplatir, s’affaler, se flanquer, etc. Laissons les spécialistes de stylistique continuer la liste.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(13) I"&90 7'*7'-) 0 8')/95+, 395'3"2' 7'*1"3 83'.2.

Šarik podpolz k xozjainu, vinovato podžav xvost.

Charik – rampa – vers – maître, – avec culpabilité – ayant baissé – queue.

= Charik rampa jusqu’à son maître, la queue entre ses pattes, l’air

coupable.

Les verbes de mouvement et de déplacement russes s’orientent vers la nature de

l’objet : les oiseaux, les papillons, les avions volent ; les poissons, les sirènes, les

bateaux nagent ou naviguent ; les serpents, les chenilles rampent, etc. Pour la

langue française, indiquer la nature de l’objet à travers son mouvement serait une

sorte de pléonasme, puisque l’on sait très bien comment se déplacent les oiseaux,

les poissons ou les serpents. C’est ce phénomène que nous constatons dans les

exemples (10) et (11). Par contre, dans les exemples (12) et (13), les

caractéristiques du déplacement en courant et ramper ne relèvent pas de la

nature de l’objet : les garçons peuvent marcher lentement et les chiens ne

rampent pas en permanence20. Le français peut choisir de marquer ces

caractéristiques inhabituelles à l’aide de verbes, s’il en dispose (ramper) ou hors

du verbe (en courant, en rampant).

Les verbes de mouvement et de déplacement ne sont qu’un échantillon des

divergences dans la représentation des événements (et des objets en général) qui

existent entre les langues. En complément de cette petite esquisse contrastive du

russe et du français, notons encore un phénomène curieux : en décrivant un

événement, le russe et le français peuvent choisir d’indiquer différents stades de

cet événement. Par exemple, en russe, pour désigner le début de l’action fumer,

on dit )"0+&92< (zakurit’ – commencer à fumer), en français, dans ce cas, on

utilisera l’expression allumer une cigarette. Ainsi, l’énoncé russe 45 )"0+&9- (On

zakuril) serait traduit en français : Il alluma une cigarette (sauf cas particuliers,

bien entendu) :

20 À cela s’ajoute le fait que le verbe polzti ne marque pas exactement le même mouvement que ramper. Le verbe français suppose le trait + /contact du ventre avec le sol/, que n’implique pas le verbe russe (en français, les araignées ne rampent pas, mais courent ; en russe une araignée peut polzti).

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(14) >6793 0'?%, '5 )"0+&9- .9$"&%2+.

Vypiv kofe on zakuril sigaretu.

Ayant bu – café, – il – commença à fumer – cigarette.

= Après avoir bu son café, il alluma une cigarette.

Le russe marque un stade plus avancé : on commence à fumer quand la cigarette

est déjà allumée. On observe le phénomène semblable dans l’expression -%)2<

3 *&"0+ (lezt’ v draku) qui signifie littéralement se mêler, se glisser dans la

bagarre, mais qui serait traduit en français par chercher la bagarre, cf. :

(15) 45 0"0 5"7<F2./, 2"0 3 *&"0+ -%)%2.

On kak nap’ëtsja, tak v draku lezet.

Il – dès que – boira, – alors – dans – bagarre – se glisse.

= Dès qu’il boit, il cherche la bagarre.

Sans doute peut-on trouver beaucoup d’autres cas intéressants de divergence

dans la représentation langagière entre le russe et le français.

Une dernière manifestation du fait que les événements langagiers ne sont pas des

copies conformes des événements réels mais plutôt leur représentation subjective

apparaît dans l’exemple ci-dessous :

(16) E'.-% ,"2C" ?+2@'-9.26 7'1"-9 &+0+ .+*<% 9 7'095+-9 7'-%.

Posle matPa futbolisty požali ruku sud’e i pokinuli pole.

Après – match – footballeurs – serrèrent – main – (à) arbitre – et –

quittèrent – terrain.

= Après le match, les joueurs serrèrent la main de l’arbitre et quittèrent le

terrain.

Le langage découpe la réalité événementielle en deux événements consécutifs :

d’abord les footballeurs ont serré la main de l’arbitre, ensuite ils ont quitté le

terrain. Cependant, les faits réels se déroulent de façon plus complexe. Nous

savons bien qu’il faut deux équipes pour que le match de football ait lieu ; dans

chaque équipe il y a onze joueurs (sans compter les remplaçants). Donc, à la fin

du match, les vingt-deux joueurs ont serré la main de l’arbitre tour à tour, cette

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

action peut être représentée de la manière suivante : les footballeurs serrèrent la

main de l’arbitre = R 1 serra la main de l’arbitre, ensuite R 2 serra la main de

l’arbitre, puis R 3 serra la main de l’arbitre … enfin R 22 serra la main de

l’arbitre. Les vingt-deux joueurs n’ont probablement pas quitté le terrain de

manière synchronisée, tous en même temps. On peut supposer que certains

footballeurs, après avoir serré la main de l’arbitre, sont restés un petit moment

pour discuter entre eux ou signer des autographes, etc. ; d’autres sont sortis

immédiatement. On peut même imaginer que certains joueurs n’ont pas voulu

serrer la main de l’arbitre. Les faits réels ne sont guère deux blocs consécutifs

d’événements : il est physiquement impossible que les vingt-deux joueurs serrent

la main de l’arbitre tous à la fois, il est aussi peu probable qu’après avoir serré

cette main ils sortent tous en même temps. Le tableau réel a plus de chances de

ressembler à ceci : pendant que le ! 4 serre la main de l’arbitre, les numéros 1,

12 et 6 discutent entre eux, le ! 10 signe des autographes, le ! 3 sort dans les

vestiaires… Le langage n’emploie pas tous ces moyens pour refléter la situation

réelle avec l’exactitude du miroir parce qu’un tel processus serait trop complexe et

coûteux. L’information linguistique est sous-déterminée, laissant l’esprit inférer

l’image de la réalité en se basant sur les connaissances du monde que nous

avons tous. Il est plus pertinent de ne pas tout dire que de tout dire dans les

moindres détails. C’est là une idée centrale de la théorie de la pertinence de Dan

Sperber et Deirdre Wilson [Sperber, Wilson 1989]. Nous la développons tout au

long de notre travail, et particulièrement dans les sections 2.3.1. et 2.3.2. du

Chapitre 2, consacrées spécialement à la théorie de la pertinence (pp. 92-101).

Pour conclure cette section, soulignons que, en tant que linguiste, nous étudions

les événements langagiers et les relations qui s’établissent entre les événements

langagiers et non entre les événements réels. Néanmoins, nous insistons sur le

fait que les représentations langagières ne se font pas pour elles et en elles à

l’intérieur d’un système clos et coupé du monde réel. Au contraire, le langage est

ouvert sur le monde, et il existe un lien étroit entre le signe linguistique et son

référent. Pour comprendre l’énoncé linguistique, il est impératif de prendre en

compte non seulement l’information linguistique, souvent sous-déterminée, mais la

situation réelle à laquelle l’énoncé fait appel.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

1.2. Événement langagier et prédication

Lorsque nous parlons de l’événement langagier, nous entendons par là tout type

d’action : dynamique et statique (fait, procès et état). Donc il s’agit d’un événement

dans les trois exemples ci-dessous : le (17) est un état, le (18) est un fait et le (19)

est un procès :

(17) J',%' -K@92 L1+-<%22+.

Romeo ljubit Džul’ettu.

= Roméo aime Juliette.

(18) J',%' 7'-K@9- L1+-<%22+.

Romeo poljubil Džul’ettu.

Roméo – tomba amoureux – Juliette.

= Roméo tomba amoureux de Juliette.

(19) J',%' 9 L1+-<%22" $+-/K2 3 ."*+.

Romeo i Džul’etta guljajut v sadu.

Roméo – et – Juliette – se promènent – dans – jardin.

= Roméo et Juliette se promènent dans le jardin.

Les événements dans l’énoncé sont le plus souvent exprimés par le verbe (seul

ou avec son entourage sémantique et syntaxique), plus exactement par les formes

finies (formes personnelles) du verbe dans la fonction de prédicat. Mais un

événement dans l’énoncé, est-il toujours exprimé par un seul prédicat et un

prédicat désigne-t-il toujours un seul événement ? Autrement dit, la formule

1 événement ! 1 prédicat, ou plutôt la formule 2 événements ! 2 prédicats (car,

étudiant les relations entre les événements, nous nous intéressons aux énoncés

qui contiennent au minimum deux événements) est-elle la seule possible et est-

elle toujours valable ? La réponse est non. Les relations entre la sémantique et la

syntaxe, dans l’énoncé, peuvent être symétriques et asymétriques, ce qui conduit

à distinguer le prédicat syntaxique et le prédicat sémantique (ou, plutôt, la

proposition sémantique). Par exemple, dans l’énoncé 45 7&9%8"- (On priexal – Il

est arrivé), la proposition sémantique est exprimée par le prédicat syntaxique,

autrement dit, une proposition sémantique = un prédicat syntaxique. Dans

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

l’énoncé M$' 7&9%)* ,%5/ '@&"*'3"- (Ego priezd menja obradoval – Son

arrivée m’a réjoui), il y a un seul prédicat grammatical (obradoval – a réjoui) mais

deux propositions sémantiques (il est arrivé ; cela m’a réjoui). Ainsi, les relations

entre le prédicat grammatical et la proposition sémantique admettent trois

formules possibles :

i) 2 événements ! 2 prédicats ;

ii) 1 événement ! 2 prédicats ;

iii) 2 événements ! 1 prédicat.

i) Le premier cas – 2 événements ! 2 prédicats – regroupe les énoncés à deux

prédicats autonomes, c’est-à-dire les prédicats exprimés par une forme finie du

verbe, et les énoncés qui contiennent un prédicat autonome (prédicat principal) et

un prédicat secondaire 21 – une forme impersonnelle du verbe, syntaxiquement

dépendante du prédicat principal.

Prédication proncipale

Les énoncés à prédicats autonomes sont :

a) Des propositions simples juxtaposées :

(20) N55" O3"5'35" )",'-C"-". P-F)6 $&"*', 0"29-9.< + 5%F 7'

A%0", (=2(-*5'2% : 86).

Anna Ivanovna zamolPala. Slëzy gradom katilis’ u neë po šPekam.

Anna – Ivanovna – se tut. – Larmes – comme grêle – roulaient – chez – elle

– sur – joues.

= Anna Ivanovna se tut. Un torrent de larmes coulait sur ses joues.

b) Des propositions simples à prédicats multiples, avec ou sans conjonctions :

(21) O77'-92 D"23%%39C 7','&A9-./ 9 +.0'&9- #"$ (O".S,

=*-5/+ : 14).

21 En russe, on utilise les termes 32'&9C5"/ 7&%*90":9/ (vtoriPnaja predikacija – prédication secondaire), 32'&9C56( 7&%*90"2 (vtoriPnyj predikat – prédicat secondaire). La proposition à prédication secondaire est appelée '.-'15F55'% 7&%*-o1%59% (osložnënnoe predloženie – proposition complexifiée).

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

Ippolit MatveeviP pomoršPilsja i uskoril šag.

Hyppolyte – Matveevitch – grimaça – et – accéléra – pas.

= Hippolyte Matveevitch fit une grimace et accéléra le pas.

(22) P Q29,9 .-'3",9 / 36.2&%-9- 3 -K.2&+, 5' 5% 7'7"-

(=*"*+&' : 36).

S etimi slovami ja vystrelil v ljustru, no ne popal.

Avec – ces – mots – je – tirai – sur – lustre, – mais – ne – atteignis.

= Sur ces mots, je tirai sur le lustre mais le manquai.

(23) E&9 &")$'3'&"8 . O0'5590'36, '5 &")*&"1"-./, @63"- $&+@,

5".,%#-93, '@)63"- %$' 2K&%(, &"),")5F(, 09.%-F,, #-/7'(

(T5/((82' : 26).

Pri razgovorax s Ikonnikovym on razdražalsja, byval grub, nasmešliv,

obzyval ego tjurej, razmaznëj, kiselëm, šljapoj.

Pendant – conversations – avec – Ikonnikov – il – s’énervait, – était –

grossier, – moqueur, – appelait – le – faiblard, – mauviette, – nouille, –

imbécile.

= En parlant avec Ikonnikov, il s’énervait, était grossier, moqueur, le traitait

de faiblard, de mauviette, de nouille, d’imbécile.

c) Des phrases complexes avec coordination :

(24) >.0'&% .0&975+-" *3%&<, 9 3'#F- ?'5 R&5%5 (=*"*+&' : 15).

Vskore skripnula dver’, i vošël fon Ernen.

Bientôt – grinça – porte, – et – entra – von – Ernen.

= Quelque temps après, la porte grinça et von Ernen entra.

(25) P+7&+$" 7'@%1"-" 3 7%&%*5KK, " !90"5'& O3"5'39C

&")-93"2%-<5'( -'10'( 7'3'-'0 9) '$5%*6#"A%$' ')%&" – %F,

0'.2<, 2&%.5+3#+K 3*'-< (U#"72%/+ : 102).

Supruga pobežala v perednjuju, a Nikanor IvanoviP razlivatel’noj ložkoj

povolok iz ognedyšaPšego ozera – eë, kost’, tresnuvšuju vdol’.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

Epouse – courut – dans – antichambre, – et – Nikanor – Ivanovitch –

versante – cuillère (avec) – se mit à extraire – de – brûlant – lac – lui, –

os, – fendu – en longueur.

= Tandis que son épouse allait ouvrir, Nicanor Ivanovitch, à l’aide d’une

louche, extrayait des profondeurs fumantes de la soupe un gros os fendu

sur le côté.

d) Des phrases complexes avec subordination :

(26) H'$*" "32','@9-< )"2'&,')9-, / +1% 5%,5'$' 7&9#F- 3 .%@/

(=*"*+&' : 25).

Kogda avtomobil’ zatormozil, ja uže nemnogo prišël v sebja.

Quand – voiture – freina, – je – déjà – un peu – revins à moi.

= Lorsque la voiture s’arrêta, je me sentais déjà un peu mieux.

(27) > '*95 9) '.%5598 *5%( 0 O3"5+ O3"5'39C+ )"#F- C%-'3%0, '2

0'2'&'$' 7"8-' &+1<F, 9 .'@"0'( (G5/*3/".(%&0 : 27).

V odin iz osennix dnej k Ivanu IvanoviPu zašël Pelovek, ot kotorogo paxlo

ruž’ëm i sobakoj.

Dans – une – des – automnales – journées – chez – Ivan – Ivanovitch –

passa – homme, – de – qui – (il) sentait – fusil – et – chien.

= Par une journée d’automne, un homme, qui sentait la poudre de fusil et le

chien, vint voir Ivan Ivanovitch.

Prédication secondaire

La prédication secondaire, en russe, est exprimée par :

a) Le gérondif :

(28) P7+.293#9.< 359), '5 '.2"5'39-./ (V#)&'F*+, I : 79).

Spustivšis’ vniz, on ostanovilsja.

Etant descendu – en-bas, – il – s’arrêta.

= Descendu en bas de l’escalier, il s’arrêta.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(29) P2".093"/ 7%&C"209, '5" 7'*'#-" 3 $'.295'( 0 '05+

(A. G/"(-/0, I : 274).

Staskivaja perPatki, ona podošla v gostinoj k oknu.

En retirant – gants, – elle – s’approcha – dans – salon – de – fenêtre.

= Tout en retirant ses gants, elle s’approcha de la fenêtre du salon.

Tous les linguistes s’accordent pour attribuer à cette forme impersonnelle du

verbe la fonction syntaxique de prédicat secondaire, même si on remarque que,

dans certains cas, le gérondif renforce les traits adverbiaux aux dépens des traits

verbaux (aspect, temps, rection22), et qu’il tend par conséquent à devenir un

adverbe23 :

(30) =&+77" 3."*590'3 *'19*"-".< ,".2%&" ,'-C" (U#"72%/+ : 384).

Gruppa vsadnikov dožidalas’ mastera molPa.

Groupe – (de) cavaliers – attendait – maître – en se taisant.

= Les cavaliers attendaient le maître en silence.

b) La proposition participiale :

(31) O77'-92 D"23%%39C, .-%$0" &")*&"1F556(, 36#%- 9) *',+

(O".S, =*-5/+ : 10).

Ippolit MatveeviP, slegka razdražënnyj, vyšel iz domu.

Hippolyte – Matveevitch, – légèrement – irrité, – sortit – de – maison.

= Hippolyte Matveevitch, légèrement irrité, sortit de chez lui.

c) L’infinitif (ou le participe) d’objet ou de sujet :

(32) S"*'3 7&9+C9- %F ,'-C"2< 7' :%-6, *5/, […] (6. G/"(-/0, I :

180).

Žadov priuPil eë molPat’ po celym dnjam.

Jadov – inculqua – elle – se taire – pendant – entières – journées.

= Jadov lui apprit à se taire pendant des journées entières.

22 C’est-à-dire la capacité d’avoir des compléments. 23 Pour une étude plus détaillée de la sémantique du gérondif, cf. les sections 4.2. et 4.3. du Chapitre 4, pp. 220-232.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(33) H")"09-.2"59C5909 36%)1"-9 0 7'%)*", .0+7"2< '&+19% […]

(6. G/"(-/0, I : 304).

Kazaki-staniPniki vyezžali k poezdam skupat’ oružie.

Cosaques-habitants de la stanitsa – allaient à cheval – vers – trains –

acheter – arme.

= Les cosaques de la stanitsa allaient vers les trains pour acheter des

armes.

(34) 45" '.2"39-" %$' .7/A9, (T*582' : 218).

Ona ostavila ego spjašPim.

Elle – laissa – lui – dormant.

= Quand elle partit, il dormait.

Ici, il faut remarquer que les énoncés avec les infinitifs n’expriment pas toujours

deux événements, car l’action de l’infinitif peut être hypothétique. A cet égard, les

énoncés avec l’infinitif sont ambigus, sous-déterminés linguistiquement ; on

comprend si l’action de l’infinitif est hypothétique ou réelle seulement grâce au

contexte (d’après la situation ou d’après les énoncés qui suivent celui avec

l’infinitif), cf :

(35) GK@9#095+ L"36*'3 &".7'&/*9-./ 36*"2< 79*1"0, #"&'3"&6

9 ."7'$9 (W/"/Q/+ : 136).

Ljubiškinu Davydov rjasporjadilsja vydat’ pidžak, šarovary i sapogi.

(À) Lioubichkine – Davydov – ordonna – fournir – veste, – culotte-

bouffante – et – bottes.

= Davydov ordonna de fournir à Lioubichkine une veste, une culotte-

bouffante et des bottes.

En lisant cet énoncé, on ne sait pas si une veste, un pantalon et des bottes ont été

réellement livrés à Lioubichkine ou si l’action reste hypothétique. On peut

supposer deux évolutions différentes : 1) Davydov ordonna de fournir à

Lioubichkine une veste, une culotte-bouffante et des bottes. Lioubichkine était

content et montrait à tout le monde ses nouveaux vêtements (L’action de l’infinitif

est réelle) ; 2) Davydov ordonna de fournir à Lioubichkine une veste, une culotte-

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

bouffante et des bottes. Mais on sabota les ordres de Davydov (Mais il n’y avait

pas de vêtement de la taille de Lioubichkine), et Lioubichkine repartit bredouille

(L’action de l’infinitif ne se réalise pas, elle est hypothétique).

d) Le participe ou l’adjectif en fonction d’attribut du verbe sémantiquement

autonome :

(36) D"-<C90 +#F- &"..2&'%556( (T*582' : 7).

Mal’Pik ušël rasstroennyj.

Garçon – partit – désemparé.

= Le garçon partit désemparé.

(37) 45 3')3&"A"-./ . &"@'26 )",")"556( $-95'(, ,'0&6( […]

(T5/((82' : 23).

On vozvrašPalsja s raboty zamazannyj glinoj, mokryj.

Il – rentrait – de – travail – maculé – (de) glaise, – trempé.

= Il rentrait du travail maculé de glaise, trempé.

e) L’adjectif détaché :

(38) L"#" .9*%-" 5" 3C%&"#5%, ,%.2%, 3 7-%2F5', 0&%.-%,

$&+.25"/ 9 298"/ (6. G/"(-/0, I : 78).

Daša sidela na vPerašnem meste, v pletënom kresle, grustnaja i tixaja.

Dacha – était assise – à – d’hier – place, – dans – en rotin – fauteuil, – triste

– et – silencieuse.

= Dacha, triste et silencieuse, était assise, comme hier, dans le fauteuil en

rotin.

(39) > @-95*"1 3-%) D".-%5590'3, $&/)56(, ,'0&6(, )",F&)#9(

(!&8/'/+ : 157).

V blindaž vlez Maslennikov, grjaznyj, mokryj, zamërzšij.

Dans – abri – se faufila – Maslennikov, – boueux, – trempé, – gelé.

= Maslennikov, boueux, trempé, gelé, se faufila dans l’abri.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

f) Le substantif détaché :

(40) L"36*'3, 3 2+-+7% 7'3%&8 7"-<2', .9*%- )" .2'-', […]

(W/"/Q/+, I : 146).

Davydov, v tulupe poverx pal’to, sidel za stolom.

Davydov, – en – pelisse – par-dessus – manteau, – était assis – à – table.

= Davydov, une pelisse par-dessus son manteau, était assis à table.

ii) La deuxième formule, 1 événement ! 2 prédicats, réunit les énoncés

suivants :

a) Les énoncés qui contiennent deux prédicats autonomes syntaxiquement

mais désignant sémantiquement un seul événement. Le cas le plus flagrant est

celui où le même prédicat se répète, exprimant ainsi l’intensité et /ou la durée du

procès :

(41) 45 3.F .2+C"- 9 .2+C"- 3 *3%&<.

On vsë stuPal i stuPal v dver’.

Il – toujours – frappait – et – frappait – dans – porte.

= Il continuait de frapper à la porte. / Il n’arrêtait pas de frapper à la porte.

(42) L"#" '20&6-" &'2 T9," 9 32'-05+-" 2+*" 0'2-%2+. T9,

7'*%&1"-, 7'*%&1"- %F 3' &2+, +*93-F55' $-/*/ 5" L"#+, "

0'2-%2" 2%, 3&%,%5%, 7&'$-'29-".< ."," (G5/*3/".(%&0 : 41).

Daša otkryla rot Bima i vtolknula tuda kotletu. Bim poderžal, poderžal eë vo

rtu, udivlënno gljadja na Dašu, a kotleta tem vremenem proglotilas’ sama.

Dacha –ouvrit – gueule – (de) Bim – et – enfourna – là – boulette de viande.

Bim – tint – tint – elle – dans – gueule, – avec étonnement – en regardant –

Dacha, – et – boulette de viande – entre temps – s’avala – seule.

= Dacha ouvrit la gueule de Bim et y mit une boulette de viande. Bim la

garda quelques instants dans sa gueule sans l'avaler tout en regardant

Dacha avec étonnement. Sans que Bim s'en rende compte, la boulette

glissa dans son estomac.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

En (42), l’ambiguïté peut disparaître si on met un trait d’union entre les deux

verbes (T9, 7'*%&1"--7'*%&1"- %F 3' &2+…). Dans ce cas, on a clairement

affaire au procédé de redoublement, comme dans :

(43) T9, 7'*+,"--7'*+,"- 9 '.2'&'15' 3'#F- (G5/*3/".(%&0 : 46).

Bim podumal-podumal i ostorožno vošël.

Bim – réfléchit-réfléchit – et – doucement – entra.

= Bim hésita quelques instants avant d’y entrer tout doucement.

Ce procédé – une combinaison de deux formes verbales finies – pour exprimer

des caractéristiques aspectuelles est assez courant en russe. Les deux verbes

peuvent être les mêmes, comme dans les exemples que l’on vient de voir, ou

distincts, cf. :

(44) 45 3)/- 9 .0")"-.

On vzjal i skazal.

Il – prit – et – dit.

= Le voilà qui dit brusquement.

(45) 45 @%&F2 9 *%-"%2.

On berët i delaet.

Il – prend – et – fait.

= Le voilà qui le fait aussitôt. / Aussitôt dit, aussitôt fait.

On rencontre également des cas sémantiquement complexes où la combinaison

de deux verbes, tout en marquant des caractéristiques aspectuelles d’un

événement, garde une certaine ambiguïté dans l’interprétation, cf. :

(46) D6 7'.9*%-9, 7'$'3'&9-9 ' 2', ' .F,.

My posideli, pogovorili o tom o sëm.

Nous – restâmes assis un moment, – parlâmes un moment – de – cela –

de – ceci.

= Nous sommes restés un bon moment à bavarder de tout et de rien.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

Dans cet exemple, le verbe 7'.9*%-9 (posideli) ne signifie pas littéralement nous

sommes restés assis, mais souligne plutôt que l’action 7'$'3'&9-9 (pogovorili) a

duré un certain temps : nous avons passé le temps (= nous sommes restés un

moment) à bavarder. Pourtant, la sémantique initiale du verbe 7'.9*%-9 ne

disparaît pas complètement et il n’est pas exclu que les sujets de cet énoncé aient

été réellement assis (et non debout) tout au long ou pendant une partie de leur

conversation.

b) Les énoncés dans lesquels le gérondif n’exprime pas une action secondaire,

comme dans les exemples (28) et (29), mais une caractéristique circonstancielle

du prédicat principal :

(47) E'59)93 $'-'. 7'C29 *' #F7'2", '5 *'@"39- […] (V#)&'F*+, I :

55).

Poniziv golos poPti do šëpota, on dobavil.

Ayant baissé – voix – presque – jusque – chuchotement, – il – ajouta.

= Baissant la voix jusqu’au chuchotement, il ajouta…

(48) !"$+-<5'3 79- 7&/,' 9) $&"?95" 7&'2935+K, .2%7-93#+K./

3'*+, -/.0"/ ' 0&"/ )+@",9 (W/"/Q/+, I : 178).

Nagul’nov pil prjamo iz grafina protivnuju, steplivšujusja vodu, ljaskaja o

kraja zubami.

Nagoulnov – buvait – directement – de – carafe – écoeurante – tiède – eau,

– en crissant – sur – bords – dents.

= Nagoulnov buvait l’eau tiède et dégoûtante à même la carafe, faisant

grincer ses dents sur les rebords.

iii) La formule 2 événements ! 1 prédicat correspond à l’approche sémantique

large, selon laquelle il y a autant d’événements dans l’énoncé que de propositions

sémantiques, ces dernières pouvant être enchâssées dans un syntagme nominal.

Sémantiquement, il y a proposition toutes les fois qu’il y a énonciation d’un

jugement. En ce sens, les énoncés suivants, contenant un seul prédicat

grammatical, comprennent deux propositions sémantiques, donc deux

événements :

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(49) > 2'2 1% ,9$ )3/05+-' 7&'@92'% 7+-%( '05' […] (=*"*+&' :

312).

V tot že mig zvjaknulo probitoe pulej okno.

A – ce – même – instant – tinta – transpercée – (par) balle – fenêtre.

= Au même instant, la fenêtre tinta, transpercée par une balle.

(Première proposition : '05' )3/05+-' – okno zvjaknulo – « la fenêtre tinta » ;

deuxième proposition : '05' @6-' 7&'@92' 7+-%( – okno bylo probito pulej –

« la fenêtre a été transpercée par une balle »).

(50) D%5/ &")@+*9- 1%5.09( 39)$ […] (=*"*+&' : 37).

Menja razbudil ženskij vizg.

Me – réveilla – féminin – cri perçant.

= Je fus réveillé par des cris aigus d’une femme.

(Première proposition : / @6- &")@+1%5 – ja byl razbužen – « j’ai été réveillé » ;

deuxième proposition : 0&9C"-" 1%5A95" – kriPala ženšPina – « une femme

criait »).

(51) […] 7'.-% 2"5:" '5 ')'&5' '7&'095+- %AF &K,0+ (O+2'/+ : 114).

Posle tanca on ozorno oprokinul ešPë rjumku.

Après – danse – il – allégrement – siffla – encore – verre.

= La danse finie, il siffla allégrement encore un verre.

(Première proposition : 2"5%: )"0'5C9-./ – tanec zakonPilsja – « la danse se

termina » ; deuxième proposition : '5 '7&'095+- &K,0+ – on oprokinul rjumku –

« il siffla un verre »).

Cette approche sémantiquement large présente un risque : celui-ci consiste à

croire à un événement dès qu’apparaît une ombre de jugement. Ainsi, dans

l’énoncé suivant :

(52) H&".93"/ J')" T'&9.'35" .-%$0" 7'0&".5%-" '2 /&'.29 […]

(O+2'/+ : 13).

Krasivaja Roza Borisovna slegka pokrasnela ot jarosti.

Belle – Rosa – Borissovna – légèrement – rougit – de – colère.

= La jolie Rosa Borissovna rougit légèrement de colère,

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

on peut être tenté de voir non seulement les deux événements : 1) Rosa

Borissovna rougit, 2) Rosa Borissovna était en colère, mais aussi un événement

(puisque les états le sont, pour nous) : 3) Rosa Borissovna était jolie. Du point de

vue sémantique, on constate que la différence entre le prédicatif et le non-

prédicatif n’est pas absolue. Il est nécessaire donc d’élaborer les critères

sémantiques et syntaxiques qui permettent de tracer la frontière entre un véritable

événement et un non-événement, ce dernier étant un jugement sur un événement

ou une caractéristique concernant un sujet ou un objet de l’énonciation. Même si

l’élaboration de ces critères n’est pas le but de ce travail – nous n’allons analyser

de près que les énoncés qui contiennent deux prédicats autonomes et les

énoncés avec le syntagme gérondif – nous nous permettons d’émettre quelques

idées par rapport à la distinction événement / non-événement. Probablement, pour

départager un événement et un non-événement, il faut tout d’abord dresser une

échelle de prédications : à partir de la prédication complète jusqu’à la prédication

zéro, en passant par la prédication réduite et cachée (Une telle entreprise –

classer les prédicats – a été d’ailleurs entamée par V. G. Gak [1998 : 131-137]).

Ensuite, il faut savoir trancher à quel niveau la prédication, et donc l’événement,

cessent d’exister. On voit bien, par exemple, dans les énoncés suivants, faiblir la

prédication, mais si on est sûr que la prédication est présente en (53 a), (53 b),

(53 c) et absente en (53 g), les énoncés intermédiaires (53 d), (53 e), (53 f) font

hésiter :

(53a) >"./ .,+29-./ 9 '7+.29- $-")".

Vasja smutilsja i opustil glaza.

Vassia – se troubla – et – baissa – yeux.

= Vassia se troubla et baissa les yeux.

(53 b) P,+293#9.<, >"./ '7+.29- $-")"..

S’étant troublé – Vassia – baissa – yeux.

= Troublé, Vassia baissa les yeux.

(53 c) P,+AF556(, >"./ '7+.29- $-")"..

Troublé – Vassia – baissa – yeux.

= Troublé, Vassia baissa les yeux

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(53 d) P,+AF556( >"./ '7+.29- $-")"..

Troublé – Vassia – baissa – yeux.

= Vassia qui était troublé baissa les yeux.

(53 e) >"./ 3 .,+A%599 '7+.29- $-")". .

Vassia – dans – trouble – baissa – yeux.

(53 f) >"./ .' .,+A%59%, '7+.29- $-")".

Vassia – avec – trouble – baissa – yeux.

(53 g) >"./ .,+AF55' '7+.29- $-")". .

Vassia – * troublement – baissa – yeux.

Dans cette optique, une idée souvent émise dans les travaux linguistiques et que

l’on retrouve dans [Sakhno 2001 : 82], nous semble importante : dans un rapport

prédicatif classique, le lien entre l’objet décrit et la propriété est établi au moment

même de l’énonciation. En revanche, dans une locution non prédicative, ce lien

est donné a priori, il apparaît comme déjà établi, comme préexistant à

l’énonciation. Cette idée demande à être développée mais l’exemple ci-dessous

montre qu’elle est justifiée :

(54) I'?F& $&+)'3'( ,"#956 .' )-6, -9:', )"3'*9- ,'2'&

(U#"72%/+ : 67).

Šofër gruzovoj mašiny so zlym licom zavodil motor.

Chauffeur – (de) lourd – voiture – avec – méchant – visage – mettait en

marche – moteur.

Cet énoncé peut être compris au moins de deux façons : 1) Le chauffeur au

visage méchant mettait en marche le moteur de son camion ; 2) Le chauffeur, l’air

mécontent, mettait en marche le moteur de son camion. La première

interprétation, attribuant une caractéristique permanente, préexistante, a priori, au

chauffeur, est « moins prédicative » que la seconde, qui assigne au chauffeur la

caractéristique ponctuelle le visage mécontent (= l’air mécontent) : le chauffeur,

irrité par quelque chose, n’est mécontent qu’au moment où il est observé ; son

visage n’est pas pour autant toujours mécontent.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

D’autres types d’énoncés laissent hésitant par rapport à la quantité

d’événements : tels sont les énoncés avec des constructions causatives (55),

(56) :

(55) >"./ )".2"39- H'-K .%.2<.

Vasja zastavil Kolju sest’.

Vassia – força – Kolia – s'asseoir.

(56) >"./ +."*9- H'-K.

Vasja usadil Kolju.

Vassia – mit assis – Kolia.

Faut-il, dans ces énoncés, considérer qu’il y a deux actions qui se produisent car il

y a deux participants : 1) Vassia a fait quelque chose, 2) suite à quoi Kolia s’est

assis ? Ou faut-il considérer qu’une seule et unique action s’est déroulée ?

Enfin, le dernier cas ambigu que nous discernons est celui des verbes

sémantiquement complexes du type 7&'792< (propit’), 7&'9$&"2< (proigrat’).

Certains linguistes y voient deux événements : 7&'792< (propit’) = 1) boire de

l’alcool + 2) à cause de cela perdre de l’argent ou des biens dilapidés pour l’achat

de cet alcool ; 7&'9$&"2< (proigrat’) = 1) jouer aux jeux de hasard + 2) à cause

de cela perdre de l’argent.

Il est nécessaire d’approfondir les études sur le lien entre la prédication et

l’événement. A ce niveau de recherche, nous attribuons sans hésitation une

prédication (et par conséquent, le statut d’événement) seulement aux prédicats

autonomes, secondaires ou réduits, ces derniers exprimés par un substantif

(dé)verbal ('2$-"$'-<5'% .+A%.2392%-<5'% – otglagol’noe

sušPestvitel’noe). Ce substantif, portant une marque de substantif et de verbe à la

fois, est appelé également nom d’action (9,/ *%(.239/ – imja dejstvija –

« nomina actionis »). On note que les noms d’action gardent des éléments de

traits verbaux : temps et aspect (Cf. une étude plus approfondie des substantifs

d’action russes dans [Kazakov 1994], cf. aussi [Sakhno 2000]) :

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(57) […] 7&9 5"#%, 7'/3-%599 '59 )""7-'*9&'3"-9 (=*"*+&' : 84).

Pri našem pojavlenii oni zaaplodirovali.

A – notre – apparition – ils – se mirent à applaudir.

= En nous voyant, ils se mirent à applaudir.

(58) E'* *909( .39.2 9 $90"5<% 3."*590'3 5"# '2&/* ,C"-./ 7'

.2%79 (=*"*+&' : 220).

Pod dikij svist i gikan’e vsadnikov naš otrjad mPalsja po stepi.

Sous – sauvage – sifflement – et hululement – (de) cavaliers – notre –

détachement – galopait – dans – steppe.

= Sous les sifflements et les hululements bestiaux des cavaliers, notre

détachement galopait dans la steppe.

(59) P+*'&'$" 9.0")9-" %$' -9:' […] (U#"72%/+ : 65).

Sudoroga iskazila ego lico.

Spasme – déforma – son – visage.

= Un spasme déforma ses traits.

1.3. Le temps langagier

Pour que l’esprit puisse représenter un événement, il doit pouvoir le quantifier. La

quantification de l’événement s’opère à l’aide de paramètres temporels. Pour

cerner un événement, il faut le fixer sur la ligne métaphorique du temps et lui

assigner différentes caractéristiques temporelles : durée, répétition, etc.

La notion de temps est indissociable de celle d’événement. L’esprit humain

envisage les événements à l’aide de paramètres temporels et, inversement, le

temps est représenté à travers les événements.

Mais « Qu’est-ce en effet que le temps ? » (Quid est enim tempus ?) Telle est la

question par laquelle saint Augustin commence le livre XI de ses « Confessions »

et que bien d’autres philosophes se sont posée avant et après lui [Ricœur 1983 :

22]. Or la notion de temps est un dragon à plusieurs têtes : il n’y a pas « le »

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

temps mais « les » temps. Les sciences de la nature étudient le temps réel ou

objectif. Les philosophes et les psychologues se penchent sur le temps subjectif

ou vécu. Et les linguistes s’intéressent surtout au temps langagier, c’est-à-dire à la

« façon dont l’expérience humaine du temps est représentée à travers

l’organisation linguistique des énoncés » [Ducrot 1995 / 2005 f : 682]. Le temps

langagier fait partie d’un système de valeurs sémiotiques, entretenant des

rapports avec d’autres éléments de ce système. Ainsi, le temps langagier se

présente-t-il comme une réalité sémiotique objective. A l’intérieur du système

sémiotique linguistique, la représentation du temps par le langage est désignée

par le terme temporalité.

Le temps réel désigne « le continuum qui procède du déroulement et de la

succession des existences, des états et des actions » [DLSL 1994 / 1999 : 478].

Le temps, cette substance invisible, inaudible, inodore, impalpable… est

appréhendé par l’homme à travers les transformations de l’espace. On ne conçoit

pas l’idée de mouvement sans le temps toujours présent qui permet ce

mouvement et lui sert de support, et l’on ne conçoit pas la continuité sans la

possibilité de la décomposer des totalités en parties. Dès lors, le temps, divisible

et quantifiable, apparaît comme « le tout et ses parties, la mer vue comme une

totalité de gouttes distinctes les unes des autres » [Confais 1990 / 2002 :161].

Le temps est perçu dans l’esprit humain sous des formes différentes. La

représentation linguistique du temps est basée sur le modèle linéaire, souvent

opposé au modèle cyclique [Jakovleva 1994 : 97-101 ; Uspenskij 1996 : 28-45].

Le temps cyclique, propre à une conscience cosmologique et religieuse,

symbolise la succession et la répétition perpétuelles des événements de même

ordre : les saisons de l’année, le jour et la nuit, la naissance et la mort, etc.

Le temps linéaire, propre à la mentalité scientifique, représente l’idée

d’irréversibilité et de finalité du temps : chaque événement est unique. Le temps

linéaire apparaît dans l’esprit humain plus tard que le temps cyclique. La

dissociation temps cyclique / temps linéaire devient possible d’une part quand

l’homme commence à acquérir une conscience historique, dont les éléments

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

nécessaires sont le début et la fin, c’est-à-dire l’évolution, le développement ; et

d’autre part, quand l’esprit humain apprend à séparer le temps de ses

circonstances, créant un système mécanique de mesure du temps. Apte à la

catégorisation, le temps est « apprivoisé » dans le calendrier où les événements

sont situés par rapport à un point-repère (Jésus-Christ dans notre calendrier).

L’idée traditionnelle du temps dans le langage est fondée sur le même principe de

mesure que le temps du calendrier ou le temps de l’horloge : fixer un point-repère

et découper la ligne imaginaire du temps en tranches plus ou moins larges. Ainsi

les événements sont-ils placés sur la ligne du temps et ordonnés entre eux. Le

point de repère pour l’événement est le moment de l’énonciation (le moment de la

parole, dans une autre terminologie). Ce dernier fonde la notion de présent. La

ligne du temps est divisée en deux blocs par rapport à ce présent : un avant (le

passé) et un après (le futur). Dans toutes les langues, les énoncés situent les

événements par rapport à la distinction du passé, du présent et du futur, même si

toutes les langues ne possèdent pas de système temporel formellement tripartite,

distinguant seulement le passé et le non-passé ou le non-futur et le futur.

Le temps langagier n’est pas un reflet dans le miroir du temps réel, puisque,

comme nous le savons, la fonction dénotative du langage ne se mesure pas à une

norme de réalité objective. Cela signifie que les représentations langagières du

temps sont vériconditionnelles mais elles peuvent être dénotées de manière

subjective et variable par le langage.

L’énoncé accède à la représentation temporelle à l’aide de plusieurs moyens,

linguistiques et extra-linguistiques. Parmi les signes linguistiques, qui semblent

être véritablement destinés à incarner le temps, on cite traditionnellement les

temps verbaux et les adverbiaux temporels. Comme nous étudions les relations

entre les événements, nous nous intéressons tout particulièrement au verbe qui

matérialise en quelque sorte l’idée de procès dans le langage.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

1.4. Les catégories verbales exprimant l’idée du temps

Le nombre de catégories linguistiques liées à la temporalité ne peut être arrêté

avec précision, en raison même du statut et de la nature de certaines catégories.

Effectivement, si la légitimité du statut des temps verbaux ou de l’aspect n’est pas

discutable (même si l’on continue de discuter de leur contenu), ce n’est pas le cas,

par exemple, du bornage au sujet duquel on se demande s’il s’agit d’une catégorie

autonome, distincte de la télicité ou non. D’autre part, on se demande s’il est

possible de regrouper dans un même tableau des catégories de nature différente :

par exemple, l’aspect verbal grammatical et l’intervalle, qui est une catégorie

sémantique, exprimée à différents niveaux de la langue.

Nous allons passer en revue les catégories que nous jugeons indispensables pour

la description des relations chronologiques entre les événements.

1.4.1. Temps verbaux

Les temps verbaux (qu’on appelle également les temps grammaticaux ou tense,

en anglais) forment une catégorie qui regroupe les différentes formes d’un verbe

distinguées uniquement par la personne et / ou par le nombre (ce qu’on appelle la

conjugaison) : fais et faisons, en français ; *%-"K (delaju) et *%-"%, (delaem),

en russe. Le regroupement des temps verbaux croise le regroupement en mode

(mais nous ne traiterons pas de cette question, en nous limitant au mode indicatif).

Les temps référant directement au moment de l’énonciation (je, ici, maintenant)

sont appelés traditionnellement les temps absolus. Si les temps localisent un

événement par rapport à un autre événement et non par rapport au moment de

l’énonciation, il s’agit des temps relatifs24.

Le terme temps verbaux exige quelques précisions. On l’emploie par rapport aux

systèmes verbaux ramifiés, comme ceux du français, de l’anglais, du vieux slave

24 Il existe d’autres classifications : temps simples / temps composés, temps déictiques / anaphoriques, temps absolus / temps relatifs / temps absolus-relatifs. Cf. [Vetters 2000 : 13].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

ou du bulgare. Appliqué au système verbal russe, qui ne contient que les temps

absolus mais qui associe d’une manière indéfectible une dimension aspectuelle et

temporelle, ce terme semble non pertinent. Dans la linguistique aspectuelle russe,

on utilise largement le terme formes aspecto-temporelles du verbe (39*'-

3&%,%556% ?'&,6 $-"$'-" – vido-vremennye formy glagola) ou, plus court,

les formes verbales. Dans notre travail, nous emploierons tous ces termes comme

synonymes, en privilégiant le terme temps verbaux quand nous parlerons des

théories occidentales et en utilisant plutôt le terme formes aspecto-temporelles

quand nous parlerons concrètement du verbe russe.

1.4.2. Aspect

Si le temps verbal renvoie au temps extérieur, l’aspect est souvent défini comme

une catégorie qui décrit le temps intérieur de l’action, c’est-à-dire la façon dont le

procès se déroule, dont il occupe le temps extérieur.

L’apparition du terme aspect en français est assez controversée25. Une chose est

sûre, cette notion vient des langues slaves, et en particulier du russe. « Aspect »

est une traduction du mot russe 39* (vid). On fait généralement remonter la

naissance du terme vid à la grammaire du slavon écrite par Meletij (Mélèce)

Smotrickij au début du XVIIe siècle. Mais il faudra attendre la Grammaire russe

pratique (PraktiPeskaja russkaja grammatika ; première édition 1827, la deuxième

édition, la plus répandue, est parue en 1834) de Nikolaj GreS pour que s’implante

l’emploi du terme vid en grammaire russe. Nombreux sont les linguistes qui

considèrent que la grammaire européenne est redevable du terme aspect à Karl

Philipp Reiff 26 qui l’aurait choisi pour 39*6 (vidy – « aspects » au pluriel) de

GreS.

25 Pour l’histoire des notions vid et aspect, nous nous sommes appuyée sur les travaux de Jacqueline Fontaine [Fontaine 1983 : 17-42] et de Sylvie Archaimbault [Archaimbault 1999]. 26 Citons trois ouvrages de Reiff Karl Philipp : (1821) Grammaire russe à l’usage des étrangers qui désirent connaître à fond les principes de cette langue, précédée d’une introduction sur la langue slavonne, Saint-Pétersbourg ; (1849) Parallel-Wörterbucher der russischen, französischen, deutschen und englishen Sprache für die russische Jugend ; Saint-Pétersbourg (version française, St. P., 1852 ; version anglaise, St. P., 1862) ; (1853) Grammaire française-russe, Karlsruhe (2e

éd.).

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

L’aspect en russe est une catégorie grammaticale qui est fondée sur une

opposition : aspect perfectif (.'3%&#%556( 39* – soveršennyj vid) / aspect

imperfectif (5%.'3%&#%556( 39* – nesoveršennyj vid). Lorsqu’on parle d’une

catégorie grammaticale, cela signifie que son expression est grammaticalement

obligatoire, explicite. Effectivement, toute forme verbale en russe possède un

aspect verbal 27 : imperfectif ou perfectif. Morphologiquement, les verbes

imperfectifs et perfectifs peuvent être définis par leur lien paradigmatique avec la

catégorie du temps (nous avons évoqué, un peu plus haut, ce lien immuable entre

le temps et l’aspect dans le système verbal russe) : le verbe imperfectif comprend

à l’indicatif trois formes distinctes (le présent, le passé et le futur ou, dans une

autre classification, le présent, le passé et le futur composé), le verbe perfectif

possède à l’indicatif deux formes distinctes (le présent-futur et le passé ou, dans

une autre classification, le futur simple et le passé). Le système verbal russe

comprend donc à l’indicatif six formes aspecto-temporelles. Dans notre analyse

(Chapitres 3 et 4), nous prêtons une attention particulière à l’opposition du passé

perfectif / passé imperfectif, les formes au passé manifestant le plus clairement les

spécificités aspectuelles.

Pratiquement tous les verbes russes s’organisent en couple aspectuel 28 (on dit

aussi paire aspectuelle, cf. par exemple [Kuszmider 1999 : 15]) : verbe

imperfectif / verbe perfectif. Cela veut dire que chaque verbe russe d’un aspect

peut généralement s’apparier à un verbe de l’autre aspect, qui a une signification

assez proche de la sienne et souvent le même radical 29 : '.2"392< (ostavit’)

27 Excepté le verbe @62< (byt’ – « être »), qui n’appartient à aucun aspect. 28 L’idée du couple aspectuel est de plus en plus combattue, cf. [Mikaelian, Šmelëv, Zaliznjak 2008 ; Guiraud-Weber 2008]. 29 Le fait que cette organisation présente certaines asymétries et irrégularités ne remet pas en question la validité de l’opposition du couple aspectuel. En effet, il existe un certain nombre de verbes dits bi-aspectuels (on dit également, à deux aspects, ou encore, à double aspect), qui n’ont pas d’indicateur formel d’aspectualité et qui sont capables d’exprimer les deux valeurs, perfective et imperfective. Par ailleurs, certains verbes n’ont pas de correspondant dans l’aspect opposé : ce sont des imperfectiva tantum et des perfectiva tantum. Pour plus de détails sur ces questions, cf.par exemple [Zaliznjak, Šmelëv 2000 : 44-95 ; Guiraud-Weber 2004 : 19-33].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

PERF. / '.2"3-/2< (ostavljat’) IMPERF. – « laisser, abandonner » ; &9.'3"2<

(risovat’) IMPERF. / 5"&9.'3"2< (narisovat’) PERF. – « dessiner »30.

Devant cette situation, les aspectologues cherchent à définir, pour chaque verbe

du couple, un trait sémantique, un invariant (953"&9"525'% )5"C%59% –

invariantnoe znaPenie), qui le caractériserait. La recherche de la formule

« magique », qui permettrait de saisir la « quiddité » de l’aspect perfectif et

imperfectif, a pris deux directions.

La direction traditionnelle consiste à trouver une caractéristique précise, exacte

pour exprimer l’essence de chaque aspect. On part de l’idée que, malgré la

diversité des significations concrètes, tous les verbes perfectifs, d’un côté, et tous

les verbes imperfectifs, de l’autre côté, peuvent être réunis sous l’égide d’une

seule et unique valeur, intrinsèque à chaque aspect. Ainsi, a-t-on proposé, pour

définir l’action du perfectif, les étiquettes suivantes : globalité (:%-'.25'.2< –

celostnost’), achèvement ()"0'5C%55'.2< – zakonPennost’), ponctualité

(2'C%C5'.2< – toPePnost’), etc. Souvent, on assigne également au perfectif une

valeur intrinsèque de limite (ou de terme ; 7&%*%-, 7&%*%-<5'.2< – predel,

predel’nost’). L’action de l’imperfectif reçoit en parallèle les caractéristiques

suivantes : non-globalité (5%:%-'.25'.2< – necelostnost’), non-achèvement

(5%)"0'5C%55'.2< - nezakonPennost’), durée (*-92%-<5'.2< – dlitel’nost’),

etc. Dans cette optique, les définitions les plus courantes sont celles de Jurij

Maslov, l’un des fondateurs de l’Ecole aspectologique de Leningrad (Saint-

Pétersbourg), et d’Alexandr [Alexandre] Bondarko, chef de cette Ecole. Pour

Maslov, le perfectif, en tant que membre marqué de l’opposition privative

binaire 31, signale l’atteinte d’une limite, représentant l’action dans sa globalité

30 Dans le premier couple ostavit’ / ostavljat’, nous présentons en premier le verbe perfectif, parce que, morphologiquement, c’est le perfectif préverbal qui a servi de base pour la formation de l’imperfectif, à l’aide des suffixes -l, -ja. Dans le second couple risovat’ / narisovat’, c’est le contraire : le perfectif est dérivé de l’imperfectif par le préfixe (ou préverbe) na-.31 Cette définition, introduite par Roman Jakobson, signifie un rapport entre deux termes dont l’un possède un trait « positif » (globalité indivisible, limite, accomplissement, etc.). Le terme avec le trait « positif » est dit marqué, le terme privé de terme positif est dit non marqué. La forme marquée du couple aspectuel russe est le perfectif, la forme non marquée est l’imperfectif. Cependant, nous admettons avec A. Zaliznjak et A. Šmelëv que l’application de l’opposition terme marqué / terme non marqué aux catégories grammaticales ne s’est pas avérée très fructueuse [Zaliznjak, Šmelëv 2000 : 16-17].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

indivisible (5%*%-9,"/ :%-'.25'.2< – nedelimaja celostnost’) [Maslov 1990].

Pour Bondarko, le perfectif allie les valeurs de globalité et de limite [Bondarko

1996 : 101-109]. Ces formules sont largement contestées. Marguerite Guiraud-

Weber [Guiraud-Weber 2004 : 97-98] remarque, par exemple, que l’imperfectif

russe peut, lui aussi, exprimer une action globale, c’est-à-dire totalement

accomplie :

(60) > 7&'#-', $'*+ ,6 %)*9-9 5" K$.

V prošlom godu my ezdili na jug.

En – passée – année – nous – allâmes – dans – sud.

= L’année dernière, nous sommes allés dans le Midi.

Les travaux récents 32 choisissent une direction plus « sémantique » : on dresse

un éventail de toutes les valeurs possibles pour chaque aspect et en généralisant

toutes ces valeurs, on conclut à une signification commune pour chaque aspect.

En résumant ces travaux, on peut dire que les aspectologues privilégient une

définition qui tient compte du sème « changement (de situation) » qu’implique le

perfectif, l’imperfectif étant caractérisé comme privé de ce trait [Zaliznjak, Šmelëv

2000 : 32-35 ; Guiraud-Weber 2004 : 98-99].

La découverte de l’aspect dans les langues slaves a poussé les linguistes à

chercher des phénomènes semblables dans les langues qui ne permettent pas

une telle classification des verbes. Autrement dit, les grammairiens cherchent par

quels moyens, morphologiques, mais aussi syntaxiques et lexicaux, s’exprime,

dans les langues non slaves, la façon dont le procès se déroule dans le temps.

L’aspect apparaît comme une catégorie beaucoup plus extensible qu’une

opposition grammaticale du perfectif et de l’imperfectif. Aussi parle-t-on de l’aspect

comme d’une catégorie sémantique qui est également appelée aspectualité. On

constate qu’il est possible d’établir pour chaque langue un système aspectuel (ou

temporo-aspectuel, ou modo-temporo-aspectuel), mais en comparant les résultats

32 Enumérons-en quelques-uns : Barentsen A. TrexstupenPataja model’ invarianta soveršennogo vida v russkom jazyke , in Semantika i struktura slavjanskogo vida . I, Krakov, 1995, pp. 1-26 ; Glovinskaja M. Ja., Invariant soveršennogo vida v russkom jazyke, in Tipologija vida : problemy, poiski, rešenija, Moskva, 1998 ; Košelev A.D., K opisaniju jadernogo znaPenija soveršennogo vida,in Trudy aspektologiPeskogo seminara filologiPeskogo fakul’teta MGU. T. 3, 1997 ; Šatunovskij I.B., Semantika predloženija i nereferentnye slova, Moskva, 1996.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

obtenus, c’est-à-dire les aspects ad hoc de toutes les langues, on se retrouve face

à une telle diversité, qu’il est impossible de confronter directement les faits

aspectuels dans toutes les langues33 : dans les langues slaves l’aspect est

exprimé par l’opposition « verbe perfectif / verbe imperfectif », dans le grec ancien

la corrélation aspectuelle implique trois formes du même radical – le présent,

l’aoriste et le parfait [Maslov 1962 : 8], en français l’aspect se définit par

l’antinomie « l’accompli (perfectif ou parfait) / l’inaccompli (imperfectif) », dans les

langues ibériques on considère souvent comme aspectuelle l’opposition des

verbes ser / estar (« être ») – cf. en portugais, O João é alegre (João est joyeux,

est de nature joyeuse) / O João está alegre hoje (João est joyeux aujourd’hui) ;

ou bien l’opposition « progressif / non-progressif » – cf. en portugais, O João

come (João mange) / O João está comendo (João est en train de manger).

L’une des théories les plus cohérentes de l’aspectualité est proposée par

Bondarko pour qui l’aspect grammatical (l’opposition « perfectif / imperfectif ») en

russe est un noyau de l’aspectualité, cette dernière étant une catégorie sémantico-

fonctionnelle plus large, exprimée par des moyens morphologiques, syntaxiques,

dérivationnels et lexicaux. L’aspectualité englobe différents traits sémantiques

caractérisant la façon dont se déroule le procès dans le temps : localisation du

procès, achèvement, résultat, atteinte d’une limite, etc. Cette approche permet de

dépasser l’hégémonie du modèle « aspect perfectif / aspect imperfectif », tout en

le mettant en valeur [Bondarko 1984 ; TFG 1987].

1.4.3. Mode d’action (Aktionsart)

Les grammairiens se sont aperçus depuis longtemps que des valeurs aspectuelles

du verbe slave (ingressive, fréquentative, durative, résultative, etc.) peuvent être

33 Devant cet état de choses, se font entendre des voix qui contestent le « prototype » aspectuel russe. C’est ce que l’on a constaté en lisant le travail de Sylvie Archaimbault [Archaimbault 1999 : 11-13]. La chercheuse cite Zlatka Guentcheva et David Cohen : la première considère que la primauté du modèle aspectuel russe dans les langues slaves est due à des réalités plus géopolitiques que linguistiques (Guentcheva Z., Temps et aspect. L’exemple du bulgare contemporain, Paris, Ed. du CNRS, 1990, p. 13) ; le second avance même que des difficultés d’analyse de l’aspect dans les langues non slaves sont provoquées par le choix injustifié de l’aspect russe comme référence (Cohen D., L’aspect verbal, Paris, PUF, 1989, quatrième de couverture).

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

exprimées par des moyens dérivationnels, à l’aide d’un préverbe ou d’un suffixe.

Dans ce cas, il s’agit d’une catégorie lexicale, dérivationnelle, appelée dans la

tradition aspectuelle internationale par le mot allemand Aktionsart, suite au travail

du linguiste suédois Sigurd Agrell34. Le russe a adopté le terme .7'.'@

*%(.239/ (sposob dejstvija) ; en français, on dit mode d’action, modalité d’action

ou bien, comme Ducrot ou Culioli, mode de procès [Ducrot 1995 / 2005 f : 695 ;

Culioli 1999 : 147], cf. : .39.2%2< (svistet’ – « siffler ») IMPERF. – )".39.2%2<

(zasvistet’ – « se mettre à siffler ») PERF., MODE D’ACTION INGRESSIF ; ,9$"2< (migat’ –

« cligner ») IMPERF. – ,9$5+2< (mignut’ – « cligner une fois ») PERF., MODE D’ACTION

SEMELFACTIF, etc. L’aspect et le mode d’action sont donc deux catégories verbales

qui dénotent la représentation que se fait le locuteur de la façon dont le procès se

déroule. Cependant, tout en se rejoignant sur le plan du contenu, l’aspect et le

mode d’action se distinguent sur le plan de l’expression, le premier étant une

catégorie grammaticale et le second – une catégorie lexicale.

Le concept d’Aktionsart a joué un rôle important, aidant à distinguer ce qui était

proprement aspectuel (c’est-à-dire grammatical : l’opposition « perfectif /

imperfectif ») de ce qui relevait du sémantisme verbal. Une grande contribution

dans la consécration de la distinction entre l’aspect et le mode d’action a été

apportée par Ju. S. Maslov et A. V. Bondarko.

Même si nous acceptons l’idée de Marguerite Guiraud-Weber, qui pense

qu’aujourd’hui le concept de mode d’action n’est plus nécessaire pour l’étude des

langues slaves [Guiraud-Weber 2004 : 85], ce concept reste, à notre avis,

d’actualité pour les études des langues non slaves où règne encore une grande

confusion entre les termes aspectologiques, par exemple entre les termes aspect,

mode d’action, classes aspectuelles. Pour les études des langues non slaves, il

est probablement plus commode de ne pas utiliser le terme mode d’action

(modalité d’action, Aktionsart) mais plutôt aspect lexical. Nous opposerons donc

l’aspect grammatical (qui désigne la grammaticalisation d’une différence

34 Agrell S., Aspektänderung und Aktionsartbildung beim polnischen Zeitworte, Lund, Häkan Ohlssons Buchdruckerei, 1908. Cf. aussi un autre livre de S. Agrell – Przedrostki postaciowe czasowników polskich, Kraków, Nakaadem Akademii Umiejbtnocci, 1918 ; ou la synthèse en russe de ces deux livres dans [VGV 1962 : 35-38].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

sémantique) à l’aspect lexical (qui désigne la lexicalisation d’une différence

sémantique).

1.4.4. Télicité et bornage

Un autre trait sémantique verbal, qui est étroitement relié à l’aspect et au mode

d’action, est celui qui marque le bornage de l’action par une limite interne. Dans

l’aspectologie russe, le terme limite interne (35+2&%559( 7&%*%- – vnutrennij

predel ; 7&%*%-<5'.2< – predel’nost’) a été introduit par V. V. Vinogradov

[Vinogradov 1947 / 1972]. Les verbes sont classés en deux groupes :

1) Les verbes avec marque de bornage (7&%*%-<56% $-"$'-6 – predel’nye

glagoly) qui désignent une action qui atteint une limite : '20&62<

(otkryt’ – « ouvrir, finir d’ouvrir»), 7%&%79."2< (perepisat’ – « recopier, finir

de recopier ») ;

2) Les verbes sans marque de bornage (5%7&%*%-<56% $-"$'-6 –

nepredel’nye glagoly) qui indiquent une action qui tend vers une limite mais

ne l’atteint pas : '20&63"2< (otkryvat’ – « ouvrir ; être en train d’ouvrir »),

7%&%79.63"2< (perepisyvat’ – « recopier ; être en train de recopier »).

La question du bornage s’introduit dans la linguistique française par le biais de la

littérature anglo-saxonne et reste, pour l’instant, très peu étudiée dans le domaine

francophone. Dans la terminologie, nous suivrons la tendance prédominante qui

consiste à employer, pour les termes limite interne, verbe borné / verbe non-

borné, plutôt les dénominations télicité, verbe télique / verbe non-télique (atélique),

venues de l’article de Howard B. Garey Verbal aspect in French [Garey 1957]. Ce

choix s’impose d’autant plus qu’il existe une autre tendance : celle de dissocier les

notions de bornage et de télicité 35.

35 Cf. par exemple les travaux de I. Depraetere : (1995a), On the necessity of distinguishing between (un)boundedness and (a)telicity, in Linguistics and Philosophy 18, pp. 1-19; (1995b), Theeffect of temporal adverbials on (a)telicity and (un)boundedness, in Bertinetto P. M. Et al. (eds), Temporal Reference, Aspect and Actionality, Turin, Rosenberg and Sellier, pp. 43-54. Cf.également [Kozlowska 1998 b].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

Pour les chercheurs qui distinguent la télicité et le bornage, la télicité évoque

l’actualisation potentielle de la situation (the potential actualisation of a situation)

tandis que le bornage représente la réalisation actuelle de la situation (the actual

realization of a situation). La télicité se place au niveau sémantique, intrinsèque du

verbe, par contre le bornage est une propriété extrinsèque (syntaxique – N.B.)

[Kozlowska 1998 b : 222]. Cf. les exemples, présentés par Monika Kozlowska

[Ibid. : 222] :

(61) Max a couru le 400 mètres.

(62) Max est en train de courir le 400 mètres.

La situation courir le 400 mètres est télique, mais en (61) elle est bornée et en (62)

non-bornée.

La télicité représente, d’une part, diverses combinaisons avec l’imperfectivité / la

perfectivité (63) et, d’autre part, avec le bornage (64), cf. les exemples de

Kozlowska [Kozlowska 1998 a : 113 ; 1998 b : 223] :

(63) i. Pierre arrivait (verbe télique / temps imperfectif).

ii. Pierre est arrivé (verbe télique / temps perfectif).

iii. Pierre jouait (verbe non télique / temps imperfectif).

iiii. Pierre a joué (verbe non télique / temps perfectif).

(64) i. Sheila s’est évanouie (borné télique).

ii. Sheila a vécu à Londres avant (borné non télique).

iii. Elle est en train de tricoter un pull (non borné télique).

iiii. Elle habite au coin de Russell Square (non borné non télique).

En outre, certains énoncés, comme le suivant, peuvent avoir une double

interprétation :

(65) Jean a taillé une haie.

Si nous considérons que Jean a taillé entièrement une haie, l’énoncé reçoit une

lecture télique et bornée. Mais nous pouvons aussi interpréter cet énoncé de la

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

manière suivante : Jean a taillé une haie à plusieurs reprises ou Jean n’a pas

encore terminé de tailler une haie. Dans ce cas, l’énoncé est borné et non-télique

[Kozlowska 1998 b : 223]. Remarquons ici que, à notre avis, il serait utile de

distinguer, d’une part, les verbes téliques / non-téliques (niveau lexico-

grammatical) et, d’autre part, les situations téliques / non-téliques (niveau

sémantique). Le verbe tailler (une haie) est non-télique, tandis que la situation qui

contient le même verbe peut être télique ou non-télique.

Une autre différence entre la télicité et le bornage, remarque M. Kozlowska [Ibid. :

224-225], concerne les bornes, lesquelles peuvent être de deux types : à gauche

et à droite. La borne gauche porte sur le début du procès, la borne droite implique

la fin du procès. La télicité ne peut impliquer que la borne droite, tandis que le

bornage peut se manifester à gauche (66), à droite (67) ou à la fois à gauche et à

droite (68) :

(66) Soudain, Max s’est senti ivre.

(67) Max a apprécié la présence de Jean jusqu’à ce qu’il lui dise qu’il n’aimait

pas les universitaires.

(68) Max a travaillé dans le jardin de 14 heures à 16 heures.

Nous nous sommes attardée à la question du bornage parce que certains

chercheurs, notamment Monika Kozlowska, considèrent que ce concept est

pertinent pour l’étude des relations chronologiques entre les événements. Or ce

n’est pas notre point de vue. Tout d’abord, il nous semble que le bornage, dans sa

conception, est une notion mal définie, qui réunit dans un même concept des

éléments de niveaux linguistiques différents : la télicité d’une part et des

adverbiaux d’autre part. Par conséquent, le concept de bornage nous paraît vain

et coûteux, du moins pour l’étude des relations chronologiques, car, à notre avis,

le seul phénomène aspectologique, capable d’influencer l’ordre des événements,

est l’aspect (l’opposition « imperfectivité / perfectivité », en russe comme en

français). En même temps, soulignons que nous plaçons la télicité au niveau

lexico-grammatical et non au niveau sémantique, considérant, comme le fait

Bondarko [Bondarko 1996 : 121-138], que la télicité est étroitement liée à

l’opposition aspectuelle « imperfectivité / perfectivité ».

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

1.4.5. Classes sémantiques des verbes

On distingue fondamentalement deux classes (types) sémantiques des verbes :

dynamiques (@%1"2< (bežat)’ – « courir » ; &")@92<(./) (razbit’sja) –

« (se)briser ») et statiques (.2'/2< (stojat’) – « être debout » ;

.''23%2.23'3"2< (sootvetstvovat’) – « correspondre, concorder »).

Cette classification peut être approfondie. Ainsi, Zeno Vendler a proposé, dans

son travail devenu classique [Vendler 1967], de discerner quatre types36 de

verbes dont chacun correspond à un mode d’action et possède des propriétés

syntaxiques et sémantiques particulières :

a) Les verbes d’état (states) n’admettent pas le progressif – aimer, désirer,

savoir ;

b) Les verbes d’activité (activities) admettent le progressif et peuvent, en plus,

être accompagnés, comme ceux du type (a), d’une indication de durée (de

tel moment à tel moment) – nager, marcher, courir ;

c) Les verbes d’achèvement (achievements) désignent un procès instantané

et ne peuvent donc être complétés par une quelconque indication de

durée – partir, mourir, perdre ;

d) Les verbes d’accomplissement (accomplishments) indiquent un procès

ayant une durée, comme (b), mais, à la différence de (b), le procès de (d)

n’est pas homogène – courir le 400 mètres, peindre un tableau, construire

une maison.

L’homogénéité signifie que chaque partie du procès est la même que le procès lui-

même. En revanche, on parle de procès non-homogène si ses parties ne sont pas

identiques. Comparons deux énoncés :

36 Certains linguistes proposent le terme « classes aspectuelles » [Kozlowska 1998 a], dénomination avec laquelle nous ne sommes pas d’accord, car lorsqu’on dresse une pareille typologie, il s’agit plutôt des propriétés lexico-sémantiques et non grammaticales de l’aspect. Nous réservons le terme « classes aspectuelles » aux groupements de verbes selon leurs propriétés aspectuelles, comme le fait M. Guiraud-Weber, qui distingue trois classes aspectuelles du verbe russe : 1) les verbes de couple ; 2) les verbes imperfectifs hors couple ; 3) les verbes perfectifs hors couple [Guiraud-Weber 2004 : 32-33].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

(69) Wilson Kipketer 37 a couru.

(70) Wilson Kipketer a couru le 800 mètres.

Le procès du (69) se déroule de façon homogène : si Wilson Kipketer a couru

pendant une heure, il a couru pendant tout instant de cette heure, dans le premier

quart d’heure comme dans le dernier quart d’heure. Le procès de courir est donc

constitué de phases successives. Par contre, le procès en (70) ne se déroule pas

de façon homogène : si Wilson Kipketer a mis une minute et quarante-et-une

secondes pour courir le 800 mètres, cela veut dire que pendant, par exemple, les

trente premières secondes il n’a pas couru 800 mètres, mais qu’il a couru vers la

ligne d’arrivée qui marque la distance des 800 mètres. On compare souvent les

procès homogènes aux noms massifs (« beurre », « vin », « essence ») et les

procès non-homogènes aux noms comptables (« chien », « pomme », « table ») :

« un morceau de beurre est du beurre, mais une patte de chien n’est pas un

chien » [Ducrot 1995 / 2005 f : 693].

Par ailleurs, on peut remarquer que les quatre types des verbes de Vendler se

résorbent en deux branches :

1) les verbes d’état et d’activité sont caractérisés comme :

i) vrais dans tous les sous-intervalles,

ii) non-téliques,

iii) homogènes.

2) les verbes d’accomplissement et d’achèvement :

i) ne sont pas vrais dans tous les sous-intervalles,

ii) sont téliques,

iii) ne sont pas homogènes.

Plusieurs linguistes se sont proposé d’apporter des modifications à la classification

de Vendler. L’une des tentatives les plus intéressantes, de notre point de vue, est

37 Wilson Kipketer est l’athlète qui détient le record du monde de 800 mètres – 1.41.11.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

celle d’Alexander P. D. Mourelatos [Mourelatos 1981] 38, d’après lequel il y aurait

trois principaux types de prédication verbale : événements (Events), procès

(Processes) et états (States). Mourelatos range les accomplissements et les

achèvements dans la même catégorie : événements.

La tradition aspectologique russe se rapproche beaucoup de la classification de

Mourelatos, distinguant trois classes sémantiques de verbes : procès

(7&':%..6 – processy), états (.'.2'/59/ – sostojanija), événements

(.'@629/ – sobytija) [Zaliznjak, Šmelëv 2000 : 35-36]. Dans notre travail, nous

préférons remplacer le dernier terme de cette trichotomie – événement – par le

mot fait, pour éviter la confusion terminologique entre « événement » comme

classe sémantique et « événement » réel ou langagier que tout verbe décrit. Ainsi,

nous opposons les faits, les procès et les états. D’autres chercheurs font de

même : cf. par exemple [Akimova, Kozinceva 1987].

Les verbes d’état n’impliquent aucun changement, aucune progression :

.+A%.23'3"2< (sušPestvovat’ – « exister »), -%1"2< (ležat’ – « être

allongé »), etc.

Les verbes de procès indiquent un changement de situation et impliquent une

progression. Cela signifie que l’action verbale débouche sur une situation

différente de celle qui l’a précédée et peut être présentée comme composée de

phases différentes : 097%2< (kipet’ – « bouillir »), &")$'3"&93"2< . *&+$',

(razgovarivat’ s drugom – « parler avec un ami »), 79."2< &',"5 (pisat’ roman –

« écrire un roman »), etc.

Les verbes désignant les faits indiquent un changement mais, à la différence des

procès, les faits ne peuvent pas être saisis dans leur progression : 7&9(29

(prijti – « arriver »), 7'2%&/2< (poterjat’ – « perdre »), 7&',"85+2<./

(promaxnut’sja – « rater sa cible »), etc.

38 Cf. aussi les travaux de D. Dowty et de T. Parson : Dowty D. (1986), The effects of aspectual class on the temporal structure of discourse : semantics or pragmatics ?, in Linguistics and Philosophy 9, pp. 37-61; Parson T. (1990), Events in the Semantics of English, Cambridge (Mass.), MIT Press.

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

Marguerite Guiraud-Weber propose une autre terminologie : verbes adynamiques,

verbes dynamiques à effet progressif, verbes dynamiques à effet immédiat

[Guiraud-Weber 2004 : 87-104]. Les classifications de Zaliznjak, Šmelëv et de

Guiraud-Weber, comme les précédentes, concernent le fonctionnement des

verbes et non seulement leur sens lexical, c’est pourquoi, en parlant des classes

sémantiques, nous entendons en réalité situation verbale [Guiraud-Weber 2004 :

86].

Il n’y a pas d’unanimité sur les critères gouvernant la distribution des verbes

russes en trois classes aspectuelles.

Dans la classification d’Anna Zaliznjak et d’Alexej Šmelëv, les verbes perfectifs

désignent toujours les faits, tandis que les imperfectifs peuvent potentiellement

indiquer les trois types de situations [Zaliznjak, Šmelëv 2000 : 36]. Comparons la

classification de Guiraud-Weber [Guiraud-Weber 2004 : 87-97] avec celle de

Zaliznjak – Šmelëv [Zaliznjak, Šmelëv 2000 : 56-61], en faisant remarquer que,

parfois (par exemple, dans le cas des verbes sémelfactifs), ces linguistes n’ont

pas le même point de vue sur la formation du couple aspectuel :

1) Les verbes adynamiques de Guiraud-Weber sont des imperfectifs hors

couple qui correspondent aux verbes d’état (imperfectifs hors couple) et aux

procès non-téliques (imperfectifs hors couple) de la classification de Zaliznjak–

Šmelëv : .+A%.23'3"2< (sušPestvovat’ – « exister ») – verbe d’état ;

7&95"*-%1"2< (prinadležat’ – « appartenir ») – verbe d’état ; -%1"2< (ležat’ –

« être allongé ») – verbe d’état ; #+,%2< (šumet’ – « faire du bruit ») – verbe de

procès non-télique ; 0&9C"2< (kriPat’ – « crier ») – verbe de procès non-télique ;

etc.39

39 Pour Guiraud-Weber, les verbes hors couple ne sont pas uniquement les imperfectifs qui ne peuvent jamais avoir un correspondant perfectif, tels : )"39.%2< (zaviset’ – « dépendre »),36$-/*%2< (vygljadet’ – « avoir l’air »), 9.0"2< (iskat’ – « chercher »), etc., mais aussi les imperfectifs qui forment des couples occasionnels, dictés par le contexte : 0&9C"2< (kriPat’ – « crier ») pourrait alterner avec 0&905+2< (kriknut’ – « pousser un cri »), )"0&9C"2< (zakriPat’ – « se mettre à crier »), 7&'0&9C"2< (prokriPat’ – « dire en criant »). Selon Guiraud-Weber, les perfectifs sémelfactifs ne forment que les couples occasionnels : 0&9C"2< / 0&905+2< ou encore ,"8"2< &+0'( (imperfectif ; maxat’ rukoj – « agiter la main ») / ,"85+2< &+0'( (perfectif ; maxnut’ rukoj – « agiter la main une fois ») [Guiraud-Weber 2004 : 30]. Pour Zaliznjak et Šmelëv, les couples avec le perfectif sémelfactif sont réguliers [Zaliznjak, Šmelëv 2000 : 70].

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

2) Les verbes dynamiques à effet progressif de la classification de Guiraud-

Weber sont représentés par des couples « perfectif / imperfectif ». L’imperfectif

indique la progression de l’action vers sa limite naturelle et le perfectif dénote

l’acquisition du changement. Souvent, l’imperfectif prend une valeur conative (qui

exprime la tentative, l’effort pour atteindre le but), le perfectif représente alors le

résultat acquis. Les verbes dynamiques à effet progressif perfectifs correspondent

toujours aux faits, dans la classification de Zaliznjak et Šmelëv. En ce qui

concerne les imperfectifs, ils concordent avec des procès non-téliques, des procès

téliques, des états (qui mènent à un fait) : +2%#"2< (utešat’ – « chercher à

consoler » ; son perfectif est +2%#92< (utešit’ – « consoler »)) – procès télique ;

@-%*5%2< (blednet’ – « pâlir » ; son perfectif est 7'@-%*5%2< – poblednet’) /

procès non-télique ; +,9&"2< (umirat’ – « mourir » ; son perfectif +,%&%2< –

umeret’) – un état qui mène à un fait exprimé par le perfectif, etc.

3) Les verbes dynamiques à effet immédiat de Guiraud-Weber sont les couples

à paradigme fonctionnel défectif (le perfectif désigne le changement de situation,

l’imperfectif indique obligatoirement la répétition, sans pouvoir exprimer la durée

ou le développement de l’action) et les perfectifs hors couple. Les perfectifs des

verbes dynamiques à effet immédiat correspondent aux faits, dans la classification

de Zaliznjak et Šmelëv. Les imperfectifs des verbes dynamiques à effet immédiat

sont égaux aux faits : 5"8'*92< (naxodit’ – « trouver » ; son perfectif est

5"(29 – najti) – indique un fait ; 7&98'*92< (prixodit’ – « arriver, venir » ; son

perfectif est 7&9(29 – prijti) – un fait, etc.

Nous considérons que pour les besoins de notre travail, la distinction élémentaire,

selon laquelle les verbes perfectifs désignent les faits et les verbes imperfectifs

indiquent les procès et les états, s’avère suffisante.

1.5. En guise de bilan : la référence des événements

Suivant la logique de l’approche référentielle, nous considérons donc que les

événements dans l’énoncé ont la capacité de renvoyer au temps réel et d’être

ainsi situés sur la ligne métaphorique du temps. Mais comment les événements

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

langagiers se placent-ils sur la ligne du temps, comment trouvent-ils leur

référence ? En réponse à cette question, pratiquement tous les travaux de

linguistique référentielle représentent la référence temporelle comme un calcul

effectué sur la base de plusieurs éléments de l’énoncé : avant tout ce sont le

moment de l’énonciation, les temps verbaux, les adverbiaux temporels.

Néanmoins, comme le montrent plusieurs travaux référentiels, de la Grammaire

de Port-Royal jusqu’à l’Ecole de Genève, en passant par Reichenbach, ces trois

éléments ne suffisent pas toujours pour définir la référence d’un événement.

Prenons un exemple :

(71) !'C<K, 0'$*" 3.% +.5+-9 (a), $&%C%.09% 3'956 36@&"-9.< (b) 9)

0'5/, 7%&%@9-9 (c) C".'368 9 '20&6-9 (d) 3'&'2" '."1*"3#9,

(O1 )5*+'*75*,*(%&Q 8&S/+ // G528+20 R 1, 1990 ; Ruscorpora).

NoP’ju, kogda vse usnuli, grePeskie voiny vybralis’ iz konja, perebili Pasovyx

i otkryli vorota osaždavšim.

(Pendant) nuit, – quand – tous – s’endormirent, – grecs – guerriers –

sortirent – de – cheval, – tuèrent un par un - sentinelles – ouvrirent –

portes – (à) assiégeants.

= La nuit, quand tout le monde se fut endormi, les guerriers grecs sortirent

du cheval, tuèrent les sentinelles et ouvrirent les portes aux assiégeants.

Cet exemple élémentaire fait ressortir plusieurs choses. Premièrement, il montre

que pour définir la référence temporelle des événements de l’énoncé, il faut les

fixer sur la ligne du temps non seulement par rapport au moment de l’énonciation,

mais aussi l’un par rapport à l’autre, car il est impossible de définir le temps de

l’événement (c) – tuer les sentinelles sans prendre en considération le (b) – sortir

du cheval et le (a) – s’endormir. Deuxièmement, cet énoncé dévoile l’insuffisance

informationnelle des formes aspecto-temporelles et de l’adverbe temporel noP’ju.

Le seul renseignement incontestable que nous livrent les formes verbales du

passé perfectif vybralis’, perebili, otkryli dans cet énoncé est le fait que les

événements ont eu lieu dans le passé, sans donner plus de précisions sur la

proximité ou l’éloignement de ce passé. La succession syntaxique des prédicats

au passé perfectif ne signifie pas forcément une consécution temporelle des

événements puisque le russe abonde en énoncés, comme les suivants, dans

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

lesquels des formes successives du passé perfectif n’expriment pas les

événements qui se produisent l’un après l’autre :

(72) !' 3*&+$ -9:' %$' 7','&A9-'.<, $-")" 7'*0"29-9.<, *68"59%

'.2"5'39-'.< […] (@*Q/+, 31).

No vdrug lico ego pomoršPilos’, glaza podkatilis’, dyxanie ostanovilos’.

Mais - soudain – visage – son – se crispa, – yeux – roulèrent, – souffle –

s’arrêta.

= Mais soudain son visage se crispa, ses yeux se levèrent vers le plafond,

sa respiration s’arrêta.

(73) P%0&%2"&< .,%&2%-<5' 7'@-%*5%- 9 +&'59- .392'0 5" 7'-

(U#"72%/+ : 24).

Sekretar’ smertel’no poblednel i uronil svitok na pol.

Secrétaire – mortellement – pâlit – et – laissa tomber – rouleau – sur – sol.

= Le secrétaire pâlit mortellement et laissa choir son rouleau de parchemin.

L’adverbe noP’ju, dans l’exemple (71), précise que les événements se sont

déroulés la nuit. Cette information n’est pas suffisante pour définir l’ordre

chronologique entre les événements. Si on ne décidait de l’ordre des événements

qu’à partir de l’adverbe noP’ju, les trois événements se référant à cet indice

temporel, on devrait conclure à un ordre indéfini : les actions vybralis’, perebili,

otkryli se déroulent pendant un laps de temps – la nuit – mais cet adverbe ne

détermine pas la chronologie entre ces événements.

D’autres informations sur les événements sont fournies par le contenu sémantique

et le contexte. Si la mythologie grecque est plus ou moins familière au

destinataire, le contenu sémantique de cet énoncé lui fera penser qu’il s’agit sans

doute du célèbre épisode du cheval de Troie, qui aurait eu lieu pendant la

légendaire guerre de Troie, racontée sous forme poétique dans l’Iliade d’Homère.

Grâce à ces données encyclopédiques, le destinataire peut globalement situer

tous les événements de cet énoncé au XIIIe siecle av. J.-C. Et même si tout le

monde ne se rappelle pas à quel moment s’est déroulée la guerre de Troie,

pratiquement tout destinataire inférera, aidé par ses connaissances conceptuelles,

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Chapitre 1. La représentation des événements dans le langage

la succession des événements vybralis’, perebili, otkryli, parce que le bon sens

suggère que pour tuer les sentinelles, il faut d’abord sortir du cheval, et que pour

ouvrir les portes en cachette, il faut qu’il n’y ait pas de sentinelles.

On voit donc que généralement un événement ne reçoit pas une référence du seul

fait qu’il est exprimé par un temps verbal, ce dernier étant, somme toute, une

indication temporelle assez vague, et que les adverbiaux temporels et autres

marqueurs lexicaux ne suffisent pas non plus à eux seuls à fixer l’événement dans

le temps. La chronologie entre les événements constitue un axe intéressant dans

l’étude de la référence temporelle. Dans les chapitres suivants de notre travail,

nous développons l’idée d’interaction entre plusieurs éléments, linguistiques et

pragmatiques, dans le calcul de la chronologie des événements.

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CHAPITRE 2.

APPRÉHENDER LE TEMPS PAR LES RELATIONS EXISTANT

ENTRE LES ÉVÉNEMENTS

2.1. Le modèle logique des temps verbaux de Hans Reichenbach

Comme nous l’avons vu, la première borne du repérage temporel linguistique est

constituée autour du moment de l’énonciation. Pourtant, ce seul repère ne suffit

pas pour expliquer le fonctionnement des temps verbaux. En 1660, dans la

Grammaire générale et raisonnée, dite Grammaire de Port-Royal [Arnauld,

Lancelot 1660 / 1997], apparaît l’idée que le temps verbal exprime un rapport

entre deux coordonnées : le moment de l’énonciation et le moment de

l’événement. En 1767, Nicolas Beauzée ajoute une troisième coordonnée : « un

moment d’où l’événement est considéré » [Beauzée 1767 / 1974]40. Ces trois

points de repérage trouveront une expression plus rigoureuse et une

reconnaissance du plus large public dans le travail du philosophe et logicien

allemand Hans Reichenbach Elements of symbolic logic (1947 / 1960).

2.1.1. Présentation de la théorie de Reichenbach

Du volumineux Elements of symbolic logic, on ne retient généralement qu’une

douzaine de pages [Reichenbach 1947 / 1960 : 287-298], mais ces quelques

pages-là suffisent pour révolutionner les études de la sémantique des temps

verbaux. Ci-dessous, nous reproduisons la classification des temps verbaux chez

Reichenbach, en y ajoutant les équivalents traditionnels en anglais et en français,

ces derniers étant empruntés à L. de Saussure [Saussure 1998 a : 33].

40 Carl Vetters était probablement le premier à signaler la parenté entre les systèmes de N.Beauzée et de H. Reichenbach [Vetters 1996]. Nous ne nous attardons pas sur ses études des temps verbaux entreprises dans la Grammaire de Port-Royal ni dans celle de Nicolas Beauzée, le lecteur intéressé trouvera plus de détails concernant ses deux théories dans l’ouvrage mentionné de C. Vetters ou dans [Saussure 1998 : 19-44 ; 2003 : 46-49].

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

4. SEMANTIQUE DES TEMPS VERBAUX

Structure

Temps

(chez

Reichenbach)

Noms traditionnels

E–R–S Anterior past Past perfect (en anglais), Plus-que-

parfait (en français)

E,R–S Simple past Simple past (en anglais), Passé

simple (en français)

R–E–S

ou R–S,E

ou R–S–E

Posterior past Mode conditionnel

E–S,R Anterior present Present perfect (en anglais), Passé

composé (en français)

S,R,E Simple present Present (en anglais) Présent (en

français)

S,R–E Posterior present Simple future (en anglais), Futur

proche (en français)

S–E–R

ou S,E–R

ou E–S–R

Anterior future Future perfect (en anglais), Futur antérieur

(en français)

S–R,E Simple future Simple future (en anglais), Futur simple (en

français)

S–R–E Posterior future Equivalent de abiturus ero en latin

Dans la conception de Reichenbach, chaque temps verbal exprimerait une

combinaison de relations envers le moment de la parole S (point of speech), le

moment de l’événement E (point of the event) et le moment de référence R (point

of reference), ce dernier correspondant au repère proposé par N. Beauzée.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Ainsi, chaque temps verbal est noté à l’aide d’une formule composée de trois

lettres S / R / E ; le tiret (–) marque l’antériorité du terme gauche, et de la virgule

(,) indique la simultanéité. Par exemple, la formule du passé simple est la

suivante : E,R–S. La virgule entre E et R signifie que le moment de l’événement E

et le moment de référence R sont simultanés, le tiret à gauche de S montre que

les termes de gauche sont antérieurs au moment de la parole S, donc le moment

de référence R et le moment de l’événement E sont antérieurs au moment de la

parole S. En positionnant les points S / E / R sur la ligne du temps, Reichenbach

dresse un tableau logique des temps verbaux. Les mots past, present et future

indiquent la relation entre R et S ; anterior, simple et posterior désignent la relation

entre E et R, l’adjectif simple signifiant la simultanéité de R et de E. Dans la

conception de Reichenbach le point R peut être donné par rapport à un autre

événement (74) ou par rapport à un autre élément de contexte (75) [Reichenbach

1947 / 1960 : 288-289] :

(74) Peter had gone.

= Peter était parti.

(75) In 1678 the whole face of things had changed…eighteen years of

misgovernment had made the...majority desirous to obtain security

for their liberties at any risk.

= En 1678, les choses avaient complètement changé... dix-huit ans de

mauvais gouvernement avaient poussé la majorité à désirer l’obtention de

la sécurité pour leurs libertés, à quelque risque que ce fût41.

En (74), l’événement qui sert de point R pour Peter had gone est absent chez

Reichenbach, mais nous pouvons le présupposer, puisque past perfect (plus-que-

parfait) désigne une action antérieure à une autre action.

A propos de (75), Reichenbach se contente de dire tout simplement que le point

de référence est l’année 1678. Nous pouvons présumer que dans le cas où le

point R n’est pas un autre événement, c’est alors un indicateur temporel lexical (le

plus souvent, un adverbe de temps).

41 La traduction est empruntée à L. de Saussure [Saussure 1998 : 37].

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Selon Reichenbach lui-même, son tableau des temps verbaux doit être considéré

comme idéal, puisque, dans la représentation de la langue, une formalisation

mathématique ne peut avoir qu’une dimension approximative [Reichenbach 1947 /

1960 : 298]. Par cette remarque, « Reichenbach admet implicitement qu’outre les

coordonnées E / R / S, de nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour le

repérage des temps verbaux » [Saussure 1998 a : 33]. Comme le constate

Reichenbach, certaines combinaisons sont virtuellement équivalentes : les

combinaisons [E–S–R], [S–E–R] et [S,E–R] décrivent toutes le futur antérieur, et

[R–S–E], [R–S,E] et [R–E–S] correspondent toutes au conditionnel [Reichenbach

1947 / 1960 : 297]. Est-ce que cela signifie que plusieurs futurs antérieurs et

conditionnels avec une sémantique différente sont possibles ? Ou que ces temps

sont sous-déterminés sémantiquement par comparaison aux autres temps ?

Reichenbach n’éclaircit pas davantage ce problème.

Certains temps verbaux, notamment l’imparfait, n’apparaît pas dans cette

classification de Reichenbach. Cependant, Reichenbach en parle hors de son

tableau. L’imparfait fait partie des temps qui contiennent une dimension de durée

de l’action (ou de répétition), Reichenbach les appellent les temps étendus

(extended tenses). Les temps étendus sont caractérisés par l’extension du point

E. Ainsi, l’imparfait reçoit la même description formelle que le passé simple, à

savoir [E,R–S], mais avec une précision sur l’extension de E.

La théorie de Reichenbach donne les règles, premièrement, du repérage des

temps verbaux sur la ligne du temps et, deuxièmement, de l’ordre temporel (time

order), c’est-à-dire, de l’organisation des événements entre eux sur la ligne

métaphorique du temps.

Alors, pour repérer un temps verbal, il faut d’abord fixer le point S (le moment de

l’énonciation), qui est la seule coordonnée directement disponible. A partir de S,

on positionne le point de référence R, en s’appuyant sur un autre événement ou

une indication temporelle. Enfin, à partir de R, on établit le point d’événement E. A

cet algorithme, ajoutons une dernière opération, implicite chez Reichenbach :

statuer sur l’étendue de E.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

En ce qui concerne les règles de l’ordre temporel, qui doivent régir d’une part la

concordance des temps entre la principale et la subordonnée, et d’autre part

l’organisation temporelle entre plusieurs énoncés, Reichenbach en donne deux.

1) La première est la règle de la permanence du point de référence

(permanence of the reference point). Cette règle s’exprime de la manière

suivante : bien que les événements auxquels réfèrent les différentes parties de la

phrase puissent se situer à des moments différents, le point de référence doit être

le même pour le repérage de tous ces événements [Reichenbach 1947 / 1960 :

293]. L’exemple que prend Reichenbach est le suivant :

(76) (a) I had mailed the letter (b) when John came and (c) told me the

news.

= (a’) J’avais envoyé la lettre (b’) lorsque John arriva et (c’) me raconta les

nouvelles.

Pour (76), les points R des différentes proposition (a, b, c et a’, b’, c’) resteraient

identiques. Cette première règle de Reichenbach pose immédiatement un

problème, car pour que R soit identique entre (76 b) et (76 c), il faudrait que les

deux événements se situent au même moment, la formule du simple past (passé

simple) étant [E,R–S]. Autrement dit, les deux événements devraient être

simultanés, ce qui n’est pas le cas. Le principe de permanence du point R est

difficile à maintenir, lorsque deux événements (ou plus) se suivent au passé

simple (passé perfectif).

L. de Saussure modifie l’interprétation de la règle de permanence du point R,

suivant dans sa réflexion Kamp et Roher [Kamp, Roher 1983]. Le past perfect

(plus-que-parfait) et le premier simple past (passé simple) auraient le même point

de référence. Le deuxième simple past (passé simple) (et éventuellement, un

troisième, un quatrième, etc.) ne change(nt) pas le point R, il(s) l’incrémente(nt).

2) La deuxième règle de Reichenbach est celle de l’usage positionnel du point

de référence (positional use of the reference point) [Reichenbach 1947 / 1960 :

294]. Cette règle dit que lorsque dans l’énoncé apparaît une indication temporelle

explicite (now – maintenant, yesterday – hier, November 7, 1944 – le 7

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

novembre 1944, etc.), l’énoncé réfère d’abord au moment désigné par cette

indication, et ne réfère qu’incidemment à un événement situable par rapport à

cette indication. Le point de référence R est donc fixé par cette indication

temporelle explicite. Par exemple, dans l’énoncé « I met him yesterday – Je l’ai

rencontré hier », le point de référence R, construit autour de l’adverbe de temps,

et le point de l’événement E ne coïncident qu’occasionnellement ; tandis que dans

l’énoncé « I had met him yesterday – Je l’avais rencontré hier », le point de

référence R et le point de l’événement E ne coïncident pas, la rencontre pouvant

avoir lieu avant-hier.

2.1.2. Les pierres d’achoppement de la théorie de Reichenbach

Tout en apportant une énorme contribution à la problématique de la sémantique

des temps verbaux, la théorie de Reichenbach suscite toutefois quelques

questions et remarques critiques qui portent essentiellement sur la nature du

point R.

Le linguiste anglais Bernard Comrie relève deux principaux défauts dans le

système de Reichenbach [Comrie 1981]. D’un côté, la combinaison des points

E / R / S ne suffit pas à définir les modes conditionnels et, de l’autre côté, les

temps absolus n’ont pas besoin du point R pour être définis. Comrie propose alors

d’ajouter un deuxième point R pour le conditionnel passé et de ne conserver le

point R que pour les temps relatifs.

En effet, les points E / R / S ne permettent pas de fixer le conditionnel passé avec

exactitude. Comrie présente l’exemple suivant :

(77) John left for the front ; by the time he returned, the fields would

have been burnt to stubble.

= John partit pour le front ; lorsqu’il reviendrait, les champs auraient été

brûlés jusqu’au chaume.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Dans cet exemple, on voit bien que auraient été brûlés et reviendrait n’ont pas la

même référence par rapport à partit. Pour y remédier, Comrie propose donc

d’introduire un deuxième point de référence pour le conditionnel passé. Ainsi,

auraient été brûlés exige un point R1 antérieur au reviendrait et un point R2

postérieur au partit.

Le problème subsiste également pour le conditionnel présent. L. de Saussure

[Saussure 2003 a : 50] donne l’exemple suivant :

(78) Jean partit pour le front. Il en reviendrait infirme.

Dans cet exemple, le point R est fourni par le passé simple partit, le conditionnel

reviendrait peut exprimer diverses relations entre les coordonnées E / R / S : Jean

revient avant le moment de la parole [R–E–S], au moment de la parole [R–E,S] ou

après le moment de la parole [R–S–E].

Malgré cela, la proposition de Comrie d’établir un deuxième point R est

contestable, comme le démontre bien L. de Saussure [Saussure 1998 a : 34-40].

Si on pousse la logique de Comrie jusqu’au bout, il faudra tripler, quadrupler,

quintupler… le point R, bref il faudra tout simplement autant de points de

référence que d’événements dans l’énoncé. Cf. l’exemple fourni par L. de

Saussure :

(79) a) Jean partit pour le front. b) Lorsqu’il reviendrait, c) Julie aurait épousé

Max, d) aurait eu deux marmots et e) aurait finalement déménagé pour un

autre village.

Il faudrait donc ici ajouter un troisième point R pour repérer la naissance des

marmots de Julie et un quatrième pour le déménagement, car, si nous suivons

l’argumentation de Comrie, nous devons être capable de montrer pourquoi (79 d)

dénote un événement : 1) postérieur à partit ; 2) antérieur à reviendrait ;

3) postérieur à aurait épousé.

Un autre argument de L. de Saussure contre l’introduction d’un point de référence

complémentaire est fondé sur une relation instable entre les points R2 et E dans le

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

cas du conditionnel passé. Si en (79) la configuration est [R2–E], dans l’exemple

(80), donné par Saussure, elle est inverse [E–R2], Jean étant relâché après la

destruction de sa ferme et donc après la disparition de ses biens :

(80) Les villageois firent Jean prisonnier, l’emmenèrent et incendièrent sa

ferme. Jean contempla de loin ce spectacle désolant. Enfin, le feu

s’éteignit. On le relâcha. Il rentrerait au village ruiné, tous ses biens

auraient disparu. Les villageois étaient vengés.

Remarquons aussi que même le passé composé peut recevoir plusieurs

interprétations : [E,R–S] en (81), [E–S,R] en (82) ou même [E–R–S] en (83) (Cf.

aussi [Saussure 2003 a : 235-236]) :

(81) Le concierge a fermé la porte et a quitté les lieux.

(82) Le concierge a fermé la porte (= La porte est fermée).

(83) Le concierge a quitté les lieux et en plus il a fermé la porte.

Quand Comrie propose de supprimer le point R pour les temps absolus, il touche

à la nature même du point de référence. Pour Reichenbach, les trois points S / E /

R sont toujours nécessaires au repérage des temps verbaux, même si certains

d’entre eux ne se définissent qu’avec deux coordonnées. Tel est le cas, par

exemple, du simple past en anglais, où le moment de l’événement E et le moment

de référence R sont simultanés, les deux étant placés avant le moment de la

parole S [Reichenbach 1947 / 1960: 289]. Le système reichenbachien à trois

points permet d’expliquer la différence entre le simple past et le present perfect en

anglais.

Pour la description des temps verbaux, Saussure conserve le formalisme de

Reichenbach, donc ses trois points : E / R / S. Néanmoins, Saussure est amené à

amender et à augmenter le formalisme de Reichenbach en fonction d’observations

plus détaillées des temps verbaux. En particulier, le point R n’intervient pas pour la

description du passé composé, à cause de sa redondance avec le moment de

l’énonciation. Saussure annule la pertinence de R lorsque R se confond avec S,

mais il ne supprime pas R lorsqu’il se confond avec E. Lorsque R = E (comme

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

dans le passé simple : [E,R-S], R n’est pas inutile ou redondant. Il permet

l’attribution d’une référence temporelle au procès par comparaison avec un point

abstrait, tout comme le point S n’a rien de redondant dans une égalité S = E au

présent : [E,R,S]. En cela, R n’est pas un simple élément descriptif, qui permet de

dresser une structuration d’un système des temps verbaux, mais une

indispensable coordonnée de calcul qui doit être prise en considération dans le

processus interprétatif, ce processus qui vise la découverte du sens.

2.1.3. La théorie de Reichenbach et le verbe russe (La conception de

E. V. Padu!eva)

La notion de point de référence, proposée par H. Reichenbach, s’est révélée très

fonctionnelle pour la description des formes verbales russes, notamment pour le

passé imperfectif, comme le prouvent les travaux de E. V. PaduSeva [PaduSeva

1996]. Il est intéressant de noter qu’une notion très proche du point de référence,

celle de l’observateur (5"@-K*"2%-< – nabljudatél’), a été élaborée

indépendamment de la théorie de Reichenbach par Ju. D. Apresjan [Apresjan

1986]. Actuellement, la terminologie des slavisants assimile le plus souvent le

point de référence au point d’observation (2'C0" 5"@-K*%59/ – toPka

nabljudenija), c’est-à-dire le point d’où le locuteur observe l’événement

[Glovinskaja 1982 ; Timberlake 1985 ; Kozinceva 1991]. On trouve d’ailleurs la

même interprétation chez le linguiste français non slavisant, Oswald Ducrot, qui

lui-aussi comprend le point R comme le moment « regardé » par le locuteur,

comme celui auquel il prétend s’intéresser dans son discours [Ducrot 2005 / 1995

f : 687].

Dans sa description de la sémantique de l’aspect verbal russe, E. V. PaduSeva

[PaduSeva 1996 : 9-23] utilise deux notions clés : le point de référence de

Reichenbach (2'C0" '2.CF2" – toPka otsPëta) et la distinction entre le plan de

l’histoire et le plan du discours, introduite par Emile Benveniste dans son célèbre

article Les relations de temps dans le verbe français [Benveniste 1966 : 235-250].

77

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

La conception de PaduSeva prévoit une dichotomie du point de référence : point

de référence synchronisé / point de référence rétrospectif (.958&'55"/ /

&%2&'.7%02935"/ 2'C0" '2.CF2" – sinxronnaja / retrospektivnaja toPka

otsPëta). Cette distinction s’établit selon le rapport temporel entre l’observateur et

l’événement : si l’événement est simultané à la position de l’observateur dans le

temps, il s’agit du point de référence synchronisé ; si l’événement est antérieur à

la position de l’observateur, il s’agit du point de référence rétrospectif. Les plans

de l’histoire et du discours de Benveniste reçoivent respectivement, les noms de

régime de narration (5"&&"29356( &%19, – narrativnyj režim) et de régime de

discours (&%C%3'( &%19, – rePevoj režim). Dans le régime de narration, le texte

ne se rapportant pas au moment de la parole, le point S n’aurait aucune utilité. En

revanche, dans le régime de discours, le moment de la parole est indispensable

pour localiser l’événement.

D’après PaduSeva, le passé perfectif russe est toujours caractérisé par le point de

référence rétrospectif [PaduSeva : 87]. Si on se réfère au tableau de Reichenbach,

la formule du passé perfectif serait égale à celle du Simple past en anglais ou du

passé simple en français : [E,R–S]. Remarquons tout de même que le passé

perfectif pourvu d’une valeur de parfait possède un point de référence

synchronisé, tout comme le passé composé en français : [E–S,R]. Quant au passé

imperfectif, il est à même de changer le point de référence dans le contexte. Ainsi,

l’exemple suivant peut être interprété de deux façons, avec un point de référence

synchronisé ou un point de référence rétrospectif :

(84) D6 +C9-9.< 3 '*5'( $9,5")99 […] (=*"*+&' : 12).

My uPilis’ v odnoj gimnazii.

Nous – faisions études – dans – même – lycée.

= Nous faisions (avons fait) les études au même lycée.

On comprend le point de référence comme synchronisé si on interprète cet

énoncé en régime de narration. Dans le régime de narration, l’événement uPilis’

est actuel pour l’observateur, c’est le présent de l’observateur. L’événement uPilis’

est donc compris comme simultané à la position de l’observateur. Le système de

Reichenbach décrirait ce passé imperfectif de la même manière que le Past

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

simple anglais ou passé simple français avec une remarque sur l’étendu

(= l’imparfait) : [E,R–S] – Nous fîmes (faisions) les études au même lycée. Cette

valeur de l’imperfectif est appelée valeur de durée actuelle ("02+"-<5'-

*-92%-<5'% )5"C%59% – aktual’no-dlitél’noe znaPenie).

Le point de référence rétrospectif apparaît lorsque l’énoncé est réalisé en régime

de discours. L’événement uPilis’ n’est plus actuel au moment où le locuteur

l’évoque, cet événement est antérieur à la position de l’observateur. On peut

rajouter, dans cet énoncé, les adverbes du type 0'$*"-2' – kogda-to –

« autrefois », &"5<#% – ran’še – « avant » :

(84’) H'$*"-2' ,6 +C9-9.< 3 '*5'( $9,5")99 (" .%(C". 5% +C9,./).

Koda-to my uPilis’ v odnoj gimnazii (a sejPas ne uPimsja).

Autrefois – nous – étudiions – dans – seul – lycée – (et – maintenant – ne –

étudions).

= Nous avons fait nos études dans le même lycée.

Dans ce cas, il s’agit de la valeur de fait général de l’imperfectif

('@A%?"029C%.0'% )5"C%59% – obšPefaktiPeskoe znaPenie). Dans le tableau

de Reichenbach, ce passé imperfectif prendrait la formule identique au passé

composé en français : [E–S,R].

Ainsi, PaduSeva lie le point de référence synchronisé au régime de narration

(valeur de durée actuelle de l’imperfectif) et le point de référence rétrospectif au

régime de discours (valeur de fait général). Remarquons tout de même que le

passé imperfectif, employé dans le régime de narration, peut également avoir un

point de référence rétrospectif, si cet imperfectif désigne un procès antérieur à un

autre procès :

(84’’) B […] . 9)+,-%59%, +39*%- 7%&%* .'@'( =&9$'&9/ ?'5

R&5%5" – C%-'3%0", 0'2'&'$' / )5"- . *%2.098 -%2 […]. D6

+C9-9.< 3 '*5'( $9,5")99, 5' 7'.-% Q2'$' 39*%-9.< &%*0'

(=*"*+&' :12).

79

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Ja s izumleniem uvidel pered soboj Grigorija von Ernena – Peloveka,

kotorogo ja znal s detskix let. My uPilis’ v odnoj gimnazii, no posle etogo

videlis’ redko.

Je – avec – stupéfaction – vit- devant – moi – Grigory – von – Ernen –

homme, – que – je – connaissais – depuis – enfantines – années. – Nous –

étudiions – dans – seul – lycée, – mais – après – cela – voyions – rarement.

= A mon grand étonnement, j’ai vu devant moi Grigory von Ernen, l’homme

que je connaissais depuis l’enfance. Nous avions étudié dans le même

lycée mais après cela nous nous étions rarement revus.

La valeur de l’imperfectif uPilis’ est toujours celle de fait général, mais elle est

reportée dans le plan du passé. On peut l’identifier à l’Anterior past anglais ou au

plus-que-parfait français [E–R–S] : Nous avions fait nos études dans le même

lycée mais après cela nous nous étions rarement revus.

Mis à part le régime d’interprétation, PaduSeva indique d’autres facteurs

susceptibles de fixer le point de référence, tels les compléments de temps : .

*%./29 *' *3%5"*:"29 – s desjati do dvenadcati – « de dix heures à douze

heures », *3" &")" – dva raza – « deux fois », &"5<#% – ran’še – « avant », etc.

(pour le point de référence rétrospectif) ; 7'-7&%15%,+ – po-prežnemu –

« comme avant », 3.F %AF – vsë ešPë –« toujours, encore », etc. (pour le point

de référence synchronisé) [PaduSeva : 13-15].

Aussi voyons-nous que la sémantique des temps verbaux ne peut pas reposer

uniquement sur les relations entre E / R / S. Cette combinaison des points pour

définir les temps verbaux, proposée par Reichenbach, s’avère être assez juste,

bien qu’elliptique. Mais ne doit-elle pas être considérée seulement comme un

premier pas vers une compréhension plus complexe des formes verbales ? La

sémantique des temps verbaux est un phénomène plus subtil, relevant des

domaines sémantiques et pragmatiques (telles que la signification du verbe, les

relations de causalité ou encore le contexte). Et nous partageons l’avis des

linguistes qui suggèrent d’envisager le problème également sous l’angle de l’ordre

temporel, c’est-à-dire de l’organisation des événements entre eux, au lieu de

chercher des combinaisons complexes de points de référence.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

2.2. L’approche sémantique (Théorie de la taxis)

Comprendre comment les formes verbales dénotent un moment ou un intervalle

sur la ligne métaphorique du temps est une partie de la question de la référence

temporelle. Les formes verbales n’ont pas uniquement pour fonction de fixer un

événement comme présent, passé ou futur par rapport au présent de

l’énonciation, elles contribuent aussi à ordonner les événements entre eux. Ces

deux questions, celle de la référence temporelle et celle de l’ordre temporel (de la

taxis, dans la terminologie de Bondarko), sont très liées. L’ordre temporel, c’est-à-

dire la détermination de l’ordre entre deux actions permet de calculer la référence

temporelle de l’action en cours d’interprétation.

L’idée d’étudier la référence temporelle sous l’angle de l’organisation des

événements entre eux n’est pas nouvelle. Plusieurs recherches ont été menées

dans ce domaine. La théorie de la taxis a été lancée par R. Jacobson dans les

années cinquante dans son travail Shifters, verbal categories and the Russian

verb. C’est une théorie sémantique qui s’est formée à partir de l’idée que dans

plusieurs langues existent des catégories grammaticales spécifiques indiquant des

liens chronologiques entre les événements dans l’énoncé.

2.1.2. Origine de la théorie de la taxis

En parlant des catégories grammaticales du verbe, Jakobson évoque celle de la

taxis. Il dit : « Il n’existe pas de nom standardisé pour désigner cette catégorie ;

des termes tels que « temps relatif » ne recouvrent qu’une de ses variétés. Le

terme utilisé par Bloomfield (1946), ordre (ou encore [mieux] son modèle grec,

taxis) semble le plus approprié. La taxis caractérise le procès de l’énoncé par

rapport à un autre procès de l’énoncé et sans référence au procès de

l’énonciation » [Jakobson 1994 : 183].

Jakobson distingue deux types de taxis : la taxis dépendante et la taxis

indépendante. Les formes de la taxis dépendante désignent un procès de l’énoncé

concomitant à un autre procès de l’énoncé principal, tandis que les formes de la

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

taxis indépendante expriment le temps d’un procès par rapport au procès de

l’énonciation [Jakobson 1994 : 189]. Pour illustrer ses propos, Jakobson se réfère

au gilyak (une langue génétiquement isolée des indigènes de Sakhaline et de la

région du bas Amour) et au hopi (une langue des Indiens d’Amérique du Nord) :

« Le gilyak distingue trois types de taxis indépendantes – l’un requiert, l’autre

admet, et le troisième exclut une taxis dépendante, et la taxis dépendante exprime

diverses relations avec le verbe indépendant – simultanéité, antériorité,

interruption, connexion concessive, etc. » [Jakobson 1994 : 183].

En ce qui concerne le russe, la forme typique pour exprimer la taxis dépendante

est, d’après Jakobson, le gérondif (*%%7&9C".29% – deepriPastie).

La caractéristique de la taxis selon Jakobson suscite quelques remarques.

Premièrement, Jakobson se contredit en parlant des formes de taxis indépendante

qui excluent une taxis dépendante car par définition la taxis est une relation entre

deux formes corrélatives. Il est d'autant plus difficile de comprendre ce que voulait

dire Jakobson qu'il n'a donné aucun exemple en gilyak pour appuyer ses propos.

Ensuite, le sens du concept de taxis n'est pas très clair car les formes de taxis

dépendante peuvent exprimer diverses relations par rapport aux formes de taxis

indépendante: simultanéité, antériorité, interruption, concession, cause, etc. Il

s'agit donc de valeurs qu'on ne regroupe pas d'habitude dans le cadre de la même

catégorie.

Aujourd’hui, on peut distinguer deux approches de la taxis : étroite et large.

La première approche, dite étroite, remonte à la tradition européenne où la taxis

est appelée temps relatif. Il y a eu d’autres dénominations telles que : sécution

chez Tesnière [Tesnière 1965], rapport temporel (Zeitbezug) chez Koschmieder

[Koschmieder 1996] 42.

42 Rappelons que les temps relatifs constituent un ensemble de formes verbales qui expriment le temps d’une action par rapport à une autre action (habituellement, on parle de la simultanéité ou de l’antériorité de l’action exprimée par un temps relatif par rapport à l’action désignée par un temps absolu.). Les temps relatifs sont opposés aux temps absolus qui désignent le temps par rapport au moment de l’énoncé. Les formes de temps absolu et relatif varient d’une langue à l’autre, et souvent les linguistes n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le statut de telle ou telle forme. Comme exemple de temps absolu en français, on peut citer le présent, le passé simple, le futur simple, tandis que le plus-que-parfait ou le futur dans le passé sont des temps relatifs.

82

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Ce point de vue est soutenu par Igor Mel’Suk dans le deuxième volume de son

Cours de morphologie générale. Bien que connaissant parfaitement la théorie de

Jakobson, Mel’Suk préfère le terme temps relatif. Il écrit notamment :

« R. Jakobson a proposé un terme commode pour désigner la catégorie de temps

relatif : la taxis. Cependant, étant donné son emploi trop restreint, nous nous

sommes abstenu de l’introduire dans notre exposé » [Mel’Suk 1994 : 57].

L’approche dite large de la taxis rassemble les linguistes qui considèrent toutes

les formes verbales impersonnelles comme taxiques, indépendamment de leurs

sémantique. Parmi ces linguistes, on peut citer Vladimir Nedjalkov, cf. [Nedjalkov,

Otaina 1987].

2.2.2. La taxis dans la conception de A. V. Bondarko

La théorie de la taxis la plus connue, la plus répandue et la plus suivie est celle

d’Alexandr Bondarko qui prend une position intermédiaire entre les approches

large et étroite du terme. Pour Bondarko, les valeurs principales de la taxis sont

celles de la simultanéité, de l’antériorité et de la postériorité, mais ces valeurs sont

souvent représentées en corrélation avec des valeurs de cause, de condition, de

but, de concession, de conséquence et des éléments de modalité et de

caractérisation [Bondarko 1987 : 235]. Par exemple, dans l’énoncé :

(85) 4.')5"3 3.F, C2' 7&'9)'#-', '5 9),%59- .3'F &%#%59%.

Osoznav vsë, Pto proizošlo, on izmenil svoë rešenie.

Ayant compris – tout – quoi – se passa, – il – changea – sa – décision.

= Ayant pris conscience de tout ce qui s’était passé, il changea d’avis.

le prédicat secondaire exprime non seulement l'antériorité par rapport au prédicat

principal, mais aussi la cause.

Dans l’énoncé suivant, on distingue simultanément les valeurs de concomitance et

de condition.

83

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

(86) E'-<)+/.< Q2'( ,%2'*90'(, 36 5% &%#92% 59 '*5'( )"*"C9.

Pol’zujas’ etoj metodikoj, vy ne rešite ni odnoj zadaPi.

En employant – cette – méthode, – vous – ne – résoudrez – ni – un –

problème mathématique.

= En employant cette méthode, vous ne résoudrez aucun problème.

Très souvent, en russe, les énoncés avec le gérondif expriment les relations de

caractérisation43. Dans ce cas, on constate que le prédicat principal désigne une

action générale et le prédicat secondaire – une caractéristique complémentaire de

l’action principale, par exemple :

(87) 45" &")3-%0"-" 5"., *'3'-<5'-2"09 )-' 7'*#+C93"/ 5"*

&")56,9 *",",9 (M. U*%*-/+2 ; exemple de [Bondarko 1987 : 235]).

Ona razvlekala nas, dovol’no-taki zlo podšuPivaja nad raznymi damami.

Elle – distrayait – nous, – assez – méchamment – en se moquant – de –

différentes – dames.

= Elle nous amusait en se moquant assez méchamment de différentes

dames.

Ou, au contraire, le gérondif peut désigner un événement réel tandis que le

prédicat principal donne une appréciation de cet événement :

(88) H"2/ .'3%&#9-" '#9@0+, +%8"3 9) $'&'*".

Katia soveršila ošibku, uexav iz goroda.

Katia – commit – erreur, – étant partie – de – ville.

= Katia fit une erreur en quittant la ville.

Selon Bondarko, « la taxis pure », libérée de tous les éléments qui dépassent les

relations chronologiques propres, serait une abstraction, éloignée de l’ontologie

linguistique [Bondarko 1987 : 236].

D'autre part, il est parfois difficile d'établir un lien chronologique entre les actions.

Bondarko donne l’exemple suivant :

43 Les relations entre le prédicat principal et le gérondif sont détaillées dans le Chapitre 3 de notre travail.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

(89) ;" *3% 5%*%-9 5" 7'-2&" 36,"8"K2 9) 3'*6 83'A9, .'-5:% *'

*5" 7&'0'-%2 -+C",9 ')F&5+K 3'*+, " -%.5'( $&%@%5< :%-6,9

*5/,9 @+*%2 7&'CF.63"2< .95KK 5%@%.5+K -6.95+ (Exemple de

Bondarko tiré d’une œuvre de V. Belov [Bondarko 1987 : 235]).

Za dve nedeli na polmetra vymaxajut iz vody xvošPi, solnce do dna prokolet

luPami ozërnuju vodu, a lesnoj greben’ celymi dnjami budet proPësyvat’

sinjuju nebesnuju lysinu.

En – deux – semaines – de – demi-mètre – émergeront – de – eau – tiges,

– soleil – jusqu’à – fond – transpercera – (avec) rayons – (de) lac – eau, –

et – forestière – crête – (pendant) entières – journées – sera – peigner –

bleue – céleste – calvitie.

= En deux semaines, des tiges émergeront de l’eau de cinquante

centimètres, les rayons du soleil transparaîtront jusqu’au fond de l’eau du

lac et les cimes des arbres de la forêt peigneront des journées entières la

calvitie bleue du ciel.

Dans cet exemple, l’important est que toutes les actions se déroulent sur le même

plan chronologique (futur), les valeurs de simultanéité, d’antériorité ou de

postériorité ne sont pas actualisées, on peut changer les places des prédicats

sans que cela modifie le sens de la phrase [Bondarko 1987 : 237].

Ainsi, pour Bondarko, la sémantique de la taxis représente les relations

temporelles entre les actions dans le cadre du même plan chronologique. La

notion d’unité du plan chronologique des actions (edinyj period dejstvija (%*956(

7%&9'* *%(.239/)) – correspond approximativement au point E dans la

terminologie de Reichenbach, autrement dit les procès doivent avoir les points E

placés de la même façon par rapport au point S. Ces relations temporelles sont

toujours en corrélation avec des valeurs aspectuelles de l'énoncé. La sémantique

de la taxis peut être réalisée de la manière suivante :

85

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

a) relations de simultanéité / non-simultanéité (antériorité / postériorité) ;

b) emploi des actions sur le même plan temporel sans actualisation des

valeurs de simultanéité / non-simultanéité ;

c) lien des actions dans le temps en corrélation avec les valeurs de causalité

(condition, concession, cause, conséquence, but, etc.), des éléments de

modalité et de caractérisation [Bondarko 1987: 237].

L'interprétation de la taxis dépendante et indépendante chez Bondarko est aussi

spécifique, différente de celle de Jakobson (ce dernier, d’ailleurs, rappelons-le, n'a

pas été assez clair dans ses propos à ce sujet). Si chez Jakobson, la taxis est

toujours représentée dans le texte par deux formes: une forme de taxis

dépendante et une forme de taxis indépendante, – chez Bondarko, la taxis

dépendante désigne la relation temporelle entre deux actions dont l'une est

principale et l'autre est secondaire (concomitante). La taxis indépendante sous-

entend les relations temporelles entre des actions d’importance égale,

grammaticalement indépendantes les unes des autres. Des nuances d'inégalité

sont possibles, mais elles ne doivent pas avoir d'expression formelle ni constituer

la valeur grammaticale de telle ou telle forme ou construction [Bondarko 1987:

239].

Dans le russe, Bondarko a établi la hiérarchie suivante des composants de la taxis

dépendante:

i) L'élément central de la taxis dépendante est formée par les gérondifs

perfectifs et imperfectifs :

(90) E'0-'593#9.<, Q0.7%&2 36#%- .2&'(56, 5%)"39.9,6,

#"$', (V#)&'F*+, I : 115).

Poklonivšis, ekspert vyšel strojnym, nezavisimym šagom.

S’étant incliné, – expert – sortit – (de) pas – svelte – indépendant.

= Ayant salué, l’expert sortit d’un pas alerte et dégagé.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

(91) 45 7'.2'/- 7%&%* 7'&2&%2',, 9)+C"/ +."2'% 9 @&'3".2'%,

.%&*92'% -9:', 0%70+ 9 CF&56% 'C09 5"* 0')6&<0', (V#)&'F*+, I :

31).

On postojal pered portretom, izuPaja usatoe i brovastoe, serditoe lico,

kepku i Përnye oPki nad kozyr’kom.

Il – resta debout un moment – devant – portrait, – en étudiant –

moustachu – et – sourcilleux, – mécontent – visage – casquette – et –

noires – lunettes – au-dessus de – visière.

= Il s’attarda un moment devant le portrait, étudiant le visage contrarié,

moustachu, avec des sourcils fournis, la casquette et les lunettes noires

perchées sur la visière.

ii) Les constructions participiales :

(92) […] E'2"7'3, 3.2&%293#9( 98 5" 7'&'$%, '7/2< )"$'3'&9- '

7%-<,%5/8 (!&8/'/+ : 99).

Potapov, vstretivšij ix na poroge, opjat’ zagovoril o pel’menjax.

Potapov, – rencontrant – les – sur – seuil, – de nouveau – parla – de –

pelmeni 44.

= Potapov, qui les avait accueillis sur le pas de la porte, reparla des

pelmeni.

iii) Les constructions substantivales avec une préposition du type : 7&9

&"..,'2&%599… – pri rassmotrenii – litt. « à la considération ; à l’étude » = « en

étudiant » ; 7&9 7%&%8'*%… – pri perexode – litt. « au passage » = « en

traversant » :

(93) !90'-"( O3"5'39C […] @6- '0&+1F5 7&9 368'*% 9) .+*"

2'-7'( 1%5A95 (6. G/"(-/0, I : 70).

Nikolaj IvanoviP byl okružën pri vyxode iz suda tolpoj ženšPin.

Nicolaï – Ivanovitch – était – entouré – à – sortie – de – tribunal – (par)

foule – (de) femmes.

= A la sortie du tribunal, Nikolaï Ivanovitch fut entouré par une nuée de

femmes.

44 Ravioli sibériens.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Les constructions (ii) et (iii) sont des éléments périphériques de la taxis

dépendante.

En ce qui concerne la taxis indépendante, Bondarko donne la hiérarchie suivante :

i) La corrélation des prédicats dans les phrases à subordonnée de temps :

(94) H'$*" P"@+&'3 3'#F-, '@" 7'*5/-9.< (!&8/'/+ : 89).

Kogda Saburov vošël, oba podnjalis’.

Quand – Sabourov – entra, – les deux – se levèrent.

= Lorsque Sabourov entra, les deux hommes se levèrent.

Les phrases juxtaposées dont les prédicats sont liés par les relations temporelles

implicites rejoignent ce premier type :

(95) !" .2'-% )"2&%A"- 2%-%?'5, P"@+&'3 7'*5/- 2&+@0+

(!&8/'/+ : 78).

Na stole zatrešPal telefon, Saburov podnjal trubku.

Sur – table – se mit à sonner – téléphone, – Sabourov – leva – combiné.

= Le téléphone posé sur la table sonna, Sabourov décrocha.

ii) La corrélation des prédicats dans les phrases à prédicats multiples et dans

les phrases à propositions coordonnées :

(96) P2"&90 )",'-C"-, &")$-/*63"- &+09 5" 0'-%5/8, 8,+&9-./,

.''@&"1"- 7&' .%@/, 5"0'5%: 5%3%.%-' +.,%85+-./ (G*')54%/+ :

110).

Starik zamolPal, razgljadyval ruki na kolenjax, xmurilsja, soobražal pro

sebja, nakonec neveselo usmexnulsja.

Vieillard – se tut, – examinait – mains – sur – genoux, – était maussade, –

réfléchissait – en – soi, – enfin – non joyeusement – ricana.

= Le vieux se tut, examina un moment ses mains sur ses genoux, fronça les

sourcils, réfléchit et enfin ricana sans gaieté.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

(97) 45 7&'2/5+- &+0+, 5' >".9-9( .7&/2"- .3'K )" .795+ (T*582' :

91).

On protjanul ruku, no Vassilij sprjatal svoju za spinu.

Il – tendit – main, – mais – Vassili – cacha – sienne – derrière – dos.

= Il tendit la main, mais Vassili cacha la sienne derrière son dos.

iii) La corrélation des prédicats dans les phrases complexes à subordonnées de

cause, de but, de conséquence, de concession, de condition :

(98) !" Q2'2 3'7&'. U","&095 '23%2" 5% 7'-+C9-, 2"0 0"0 7&9%8"-

N-<2+. 9 3.% .%-9 )" .2'- (T*582' : 73).

Na etot vopros Tamarkin otveta ne poluPil, tak kak priexal Al’tus i vse seli

za stol.

A – cette – question – Tamarkine – réponse – ne – reçus, – parce – que –

arriva – Altus – et – tous – se mirent – à – table.

= Tamarkine ne reçut aucune réponse à cette question car Altus arriva et

tout le monde se mit à table.

(99) – ='-+@C90, .0'&%%, 7'1"-+(.2", – 7&'$'3'&9- O3"5 O-<9C,

8'2/ -98":09( 36.'09( 1%&%@%: 9 @%) 2'$' 0"0 3%2%& -%2%- 7'

7%&%+-0+ (6. G/"(-/0, I : 211).

– GolubPik, skoree, požalujsta, – progovoril Ivan Il’iP, xotja lixackij vysokij

žerebec i bez togo kak veter letel po pereulku.

Ami, – plus vite, – je vous prie, – prononça – Ivan – Illitch, – bien que –

fougueux – grand – étalon – et – sans – cela – comme – vent – volait –

dans – ruelle.

= – Plus vite, mon ami, je vous prie, dit Ivan Iliytch, bien que le grand étalon

fougueux filât déjà comme le vent dans la ruelle.

iiii) La corrélation des prédicats dans les phrases aux subordonnées

explicatives :

(100) >' 2<,% '5 +39*%-, 0"0 @-%.25+-9 %F 'C09 (V#)&'F*+, I : 49).

Vo t’me on uvidel, kak blestnuli eë oPki.

Dans – obscurité – il – vit, – comment – brillèrent – ses – lunettes.

= Il vit briller ses lunettes dans l’obscurité.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Pour Viktor Xrakovskij, les phrases à subordonnée de temps sont des

constructions de la taxis dépendante. Les autres constructions, définies par

Bondarko comme la taxis indépendante, ne relèvent pas de la taxis, car les

valeurs de simultanéité / non-simultanéité se réalisent dans le contexte, tandis que

les formes verbales ne contiennent pas de valeurs grammaticales de simultanéité

ou de non-simultanéité. Xrakovskij soutient plutôt l’approche étroite de la taxis en

remarquant qu’il ne faut pas essayer de mettre dans une seule catégorie les

valeurs qui ne sont pas de même nature grammaticale [Xrakovskij 2003 : 37].

Selon Xrakovskij, le mérite de Jakobson consiste en ce que le remplacement du

terme temps relatif par taxis a permis d’inclure dans cette catégorie non seulement

les formes de temps relatifs, mais aussi les nombreuses formes verbales

impersonnelles qui englobent les mêmes valeurs. On peut parler de la taxis

comme d’une catégorie grammaticale seulement si la simultanéité / non-

simultanéité est exprimée par des formes grammaticales spécialement destinées

à désigner ces relations.

Tout en partageant le point de vue de Xrakovskij sur l’opposition taxis

dépendante / taxis indépendante et sur la nature grammaticale de la taxis, nous

nous permettons quelques réflexions sur la théorie de Bondarko.

L’approche de Bondarko n’est pas grammaticale, elle est sémantico-fonctionnelle.

Il part de l’idée que toute notion peut être exprimée dans toutes les langues. La

notion de taxis, c’est-à-dire les relations de simultanéité, d’antériorité ou de

postériorité entre les actions, est selon lui universelle. Si une langue ne possède

pas de moyens grammaticaux pour les exprimer, elle en trouve d’autres (lexicaux,

contextuels, etc.). Bondarko s’appuie sur le contenu et non sur la forme. Pourtant,

Bondarko n’oublie pas l’importance de la nature grammaticale. Pour lui, les formes

grammaticales destinées à exprimer les valeurs taxiques (comme le gérondif)

constituent le centre (le noyau) de la sémantique de la taxis, tandis que les formes

qui expriment occasionnellement les valeurs taxiques en constituent la périphérie.

Le problème du point R pour Bondarko n’est pas explicité. En analysant sa

théorie, on peut comprendre que, dans les cas de non-simultanéité, une action

sert de point R pour l’autre, dans le cas de simultanéité les deux actions ont le

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

même point R et dans le cas des relations non différenciées le point R reste

introuvable pour l’observateur. C’est donc une dérogation à la règle de

permanence de point R de Reichenbach.

Bondarko (et ses collaborateurs) remarquent le rôle de la sémantique du verbe

dans les relations chronologiques. Pour eux, l’interprétation des relations

chronologiques entre les événements dépend des formes grammaticales, de la

sémantique du verbe et des indicateurs temporels (des conjonctions, des

adverbes). L’interprétation de l’énoncé est donc déterminée linguistiquement.

D’autre part, il est vrai qu’il est difficile de loger toutes les relations temporelles et

logiques possibles entre les actions dans la catégorie linguistique de taxis. Si on

réunit les temps relatifs et les formes de prédication secondaire (telles que le

gérondif ou le participe présent) dans la même catégorie, il vaut peut-être mieux

dire que la taxis exprime une simple dépendance syntaxique d’une action par

rapport à l’autre. Il est difficile de parler des valeurs chronologiques exprimées au

niveau grammatical, elles sont exprimées plutôt au niveau sémantique et

pragmatique.

2.3. L’approche pragmatique (L’École de Genève)

Un groupe de linguistes genevois – Jacques Moeschler, Louis de Saussure, Jean-

Marc Luscher, Bertrand Sthioul et d’autres – développent une approche

pragmatique procédurale de la référence temporelle, basée d’une part sur le

système de Reichenbach et d’autre part sur la théorie de la pertinence de Dan

Sperber et Deirdre Wilson [Sperber, Wilson 1989] 45.

45 La théorie de la pertinence de Wilson et Sperber a ouvert de larges perspectives pragmatiques à l’étude de la référence temporelle. Plusieurs chercheurs en ont compris l’enjeu et appliquent des principes pragmatiques inférentiels dans leurs travaux.

Diane Blakemore et Robyn Carston ont entrepris une analyse détaillée du traitement pragmatique des phrases liées par la conjonction et. Selon leur analyse, les relations temporelles ne reposent pas sur et mais sur un principe général de chronologie, qui rappelle une des maximes de manière de Grice « Soyez ordonné » et le principe de narration de la Segmented Discourse Representation Theory d’Asher et Lascarides [Asher 1993 ; Lascarides & Asher 1993 ; Lascarides & Oberlander 1993]. (Au sujet des maximes de Grice, cf. p. La Segmented Discourse Representation Theory est

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Ils ont rédigé, dans cette optique, plusieurs ouvrages dont deux collectifs, sous la

direction de Jacques Moeschler : Le temps des événements : pragmatique de la

référence temporelle [Moeschler 1998] et Cahiers de linguistique française 22

[CDLF 2000]. Bien que leurs points de vues sur certaines questions divergent, ces

linguistes gardent un esprit d’équipe et développent d’une façon assez homogène

une approche pragmatique procédurale de la référence temporelle, c’est pourquoi

nous les réunissons sous le nom « Ecole de Genève ».

Dans les sections suivantes (2.3.1. – 2.3.2.), nous exposerons dans les grandes

lignes les principes fondamentaux de la théorie de la pertinence et ceux des

chercheurs genevois. Un bref examen de ces travaux est indispensable pour

comprendre notre propre démarche et l’appareil conceptuel que nous proposons

d’expérimenter sur la langue russe. Pour une étude plus détaillée des modèles de

Moeschler et de Saussure, cf. Annexe.

2.3.1. Le socle de l’approche genevoise : la théorie de la pertinence

La théorie de la pertinence [Sperber, Wilson 1989]46 est une théorie cognitive de

la communication humaine. Cette théorie n’est pas purement linguistique car le

langage naturel constitue le moyen, certes, le plus important mais pas unique de

la communication humaine.

2.3.1.1. Sources de la théorie de la pertinence

Du point de vue épistémologique, la théorie de la pertinence se situe dans une

double tradition, celle du cognitivisme de Jerry Fodor d’une part, et celle de la

une théorie sémantique dynamique qui constitue aujourd’hui une des alternatives sémantiques les plus élaborées aux approches contextuelles pragmatiques du temps).

Neil Smith, quant à lui, a ébauché quelques stratégies pour appliquer aux temps verbaux la distinction entre usage descriptif et usage interprétatif [Smith 1993].

46 Cet ouvrage de Sperber et Wilson, mentionné dans la bibliographie, est une traduction de leur livre paru en anglais en 1986 (2e éd. 1995) sous le titre Relevance. Communication and cognition,Oxford, Blackwell.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

pragmatique de Paul Grice d’autre part. On peut réduire schématiquement la

contribution de ces deux paradigmes scientifiques à la théorie de la pertinence de

la manière suivante :

i) La théorie de la modularité de l’esprit de Fodor (1986) fait l’hypothèse que

l’esprit possède deux types de systèmes de construction et de traitement des

représentations. D’une part, il y a les systèmes d’input (ou les systèmes

périphériques) qui traitent les informations perceptives telles que les informations

visuelles, auditives, ainsi que les informations linguistiques. D’autre part, il y a les

systèmes d’output (ou les systèmes centraux) qui combinent l’information produite

par les différents systèmes d’input avec l’information déjà contenue en mémoire et

qui effectuent diverses tâches inférentielles.

ii) La théorie des implicatures de Grice (1975) insiste sur le fait que la

communication ne correspond pas à un simple décodage, mais concerne au

premier titre les conclusions implicites que le destinataire peut tirer de l’énoncé.

D’après Grice, entre le locuteur et le destinataire s’établit un principe de

coopération, car les deux participants reconnaissent poursuivre un but commun.

Grice développe ce principe en neuf maximes réparties en quatre catégories :

1) le locuteur donne autant d’informations qu’il peut mais pas trop (maximes de

quantité) ; 2) le locuteur donne une information qu’il croit être véridique (maximes

de qualité) ; 3) le locuteur doit être pertinent (maxime de relation) ; 4) le locuteur

essaye d’être le plus clair possible (maximes de manière). La théorie de la

pertinence a réduit toutes ces règles à un seul principe de pertinence qui serait à

l’origine des processus de communication.

2.3.1.2. Hypothèse de sous-détermination linguistique de l’énoncé

Se basant donc sur les conceptions de Fodor et de Grice, la théorie de la

pertinence porte un regard nouveau sur l’interprétation de l’énoncé, avançant la

thèse de la sous-détermination linguistique dans le processus de compréhension.

La communication verbale n’est pas une simple affaire de codage et de décodage

car le langage ne permet pas de chiffrer vraiment toutes les informations qu’il veut

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

transmettre. En fait, la communication verbale met en jeu deux types de

processus : l’un est basé sur le codage et le décodage linguistique, l’autre sur

l’ostension (c’est-à-dire un comportement qui rend manifeste une intention de

rendre quelque chose manifeste) et l’inférence (une série d’opérations déductives

dont le but est de récupérer, en confrontant la séquence linguistique à un

contexte, ce que le locuteur cherche à communiquer).

Ainsi, pour la théorie de la pertinence, le sens de l’énoncé est beaucoup plus que

sa signification, c’est-à-dire que le sens de l’énoncé ne se réduit pas à la structure

ordonnée de concepts encodée par la séquence linguistique. Le sens contient

également les implications que le destinataire tire de l’énoncé. Le locuteur ne

communique pas au destinataire ses pensées encodées mais son « intention

informative de rendre manifeste ou plus manifeste […] un ensemble

d’hypothèses » [Sperber, Wilson 1989 : 93]. A partir des données explicites et

implicites, le destinataire tire la conclusion (avec un certain degré de probabilité)

de ce que le locuteur voulait lui communiquer. Dans ses grandes lignes, le

processus de l’interprétation est le suivant [Sperber, Wilson 1989 : 112-119] :

1. Le destinataire reçoit un stimulus verbal (et éventuellement non verbal), qui

attire son attention sur le fait que le locuteur cherche ostensiblement à lui rendre

manifeste un certain nombre de faits ou de pensées. Par exemple, à la question :

« As-tu acheté du pain ? », le locuteur répond : « J’étais au bureau jusqu’à sept

heures ». Le système d’input du destinataire transforme des représentations

sensorielles de niveau « inférieur » en des représentations conceptuelles de

niveau « supérieur ». Ces dernières obtiennent dans le cerveau une forme

logique, nécessaire pour un traitement ultérieur par le système central qui procède

par des opérations logiques inférentielles. La forme logique est donc une suite

structurée de concepts, obtenue par des opérations de traitement linguistique. La

forme logique est produite par la syntaxe. Cette forme logique est « moins que

propositionnelle ».

2. La forme logique reçoit ensuite une forme propositionnelle, c’est-à-dire un

enrichissement pragmatique, notamment des assignations référentielles et des

désambiguïsations. Cette forme propositionnelle correspond à ce que le locuteur a

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

explicitement dit. Ainsi, par l’énoncé « J'étais au bureau jusqu'à sept heures », le

locuteur explicite qu’il produisait une action d’être au bureau et il pose des limites

temporelles jusqu’à sept heures. Dans cet exemple, il faut résoudre, selon le

contexte, l’ambiguïté entre « sept heures du soir » et « sept heures du matin ».

3. Enfin, à partir de la forme propositionnelle, le destinataire récupère par des

opérations d’inférence, à ses risques et périls, ce qui a été implicitement

communiqué : des implications (ou implicatures). Ainsi, « J’étais au bureau jusqu’à

sept heures » peut sous-entendre que le locuteur n’a pas pu acheter de pain car

lorsqu’il est sorti de son travail, les boulangeries étaient déjà fermées.

2.3.1.3. Hypothèse du contexte choisi

Nous voyons que pour bien interpréter l’énoncé, le destinataire doit recourir au

contexte. Pour la plupart des travaux sémantiques et pragmatiques, le contexte

est un ensemble de données, exprimées explicitement ou implicitement par les

énoncés antérieurs décrivant la même situation de l’énonciation. Certaines

théories du contexte ajoutent à ces données les entrées encyclopédiques des

concepts47 qui figurent dans l’énoncé, communes au locuteur et au destinataire.

Dans cette conception, le contexte serait donc connu par le locuteur et le

destinataire, ces derniers partageant la connaissance commune (ou le savoir

mutuel). Il faut souligner que, dans cette optique, le contexte est à tout moment

donné, déterminé à l’individu.

Sperber et Wilson proposent une autre vision du contexte. Ils critiquent la théorie

trop idéaliste du savoir mutuel [Sperber, Wilson 1989 : 31-38]. Pour résumer leurs

arguments, disons que nous ne savons que trop bien que les représentations du

monde et les capacités inférentielles sont variables d’un individu à l’autre. Le

locuteur et le destinataire n’ont probablement en commun qu’une partie limitée de

leurs représentations qui reste, par ailleurs, très difficile à cerner. D’après la

théorie de la pertinence, chaque individu a son environnement cognitif, c’est-à-dire

47 Les notions d’informations encyclopédiques et de concept sont détaillées dans la section 3.2.1. du Chapitre 3 de notre travail, pp. 130-137.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

l’ensemble des faits manifestes, connus ou inférables à la base des

connaissances conscientes. Le contexte sera construit à partir de quelques

propositions que le destinataire va extraire de cet ensemble hétérogène afin de

s’en servir pour comprendre l’énoncé. En d’autres termes, le destinataire effectue

des opérations de sélection pour choisir, parmi les innombrables hypothèses

formant son environnement cognitif, celles qui lui semblent les plus valables, les

plus pertinentes. Ainsi, le contexte n’est pas l’ensemble des faits manifestes mais

un sous-ensemble de ces faits.

2.3.1.4. Effets et efforts cognitifs

Pour comprendre l’énoncé, le destinataire doit donc réaliser des opérations

sélectives. Mais comment récupère-t-il de bonnes hypothèses dans l’abondance

des hypothèses présentes dans son environnement cognitif ? La théorie de la

pertinence répond à cette question, en disant que dans la communication, le

destinataire est guidé par la recherche d’un résultat. Ce résultat est formulé en

termes d’effets cognitifs. Les effets cognitifs sont de trois types :

i) L’ajout d’une nouvelle hypothèse aux hypothèses disponibles dans

l’environnement cognitif du destinataire ;

ii) Le renforcement des hypothèses déjà présentes ;

iii) L’annulation d’une hypothèse.

C’est en recherchant un effet cognitif que le destinataire va sélectionner, dans

l’ensemble de ses connaissances, les bonnes hypothèses contextuelles. La

recherche d’effets cognitifs suppose des efforts cognitifs, c’est-à-dire le coût de

traitement mobilisé par le processus d’interprétation.

Les relations entre les efforts et les effets cognitifs, orientées vers le ratio,

définissent la pertinence.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

La pertinence :

Toutes choses étant égales par ailleurs, plus un énoncé demande d’efforts

de traitement dans un contexte donné, moins il est pertinent dans le

contexte ; toutes choses étant égales par ailleurs, plus un énoncé produit

d’effets contextuels dans un contexte donné, plus il est pertinent dans ce

contexte.

Pour la théorie de la pertinence, l’esprit humain est orienté vers la recherche de la

pertinence et cette recherche est le moteur même de l’interprétation. La

particularité de la communication ouverte consiste en ce que nous pouvons non

seulement espérer mais légitimement escompter une certaine pertinence quand

un énoncé nous est adressé. C’est à quoi se résume le principe de pertinence.

Le principe de pertinence :

Tout acte de communication ostensive communique la présomption de sa

propre pertinence optimale.

Sperber et Wilson définissent une notion de pertinence optimale qui a pour but

d’indiquer précisément ce à quoi le destinataire s’attend en termes d’efforts et

d’effets :

La pertinence optimale :

L’énoncé communique que :

a) L’ensemble d’hypothèses que le locuteur veut communiquer est

suffisamment pertinent pour que le stimulus ostensif mérite d’être traité

par le destinataire ;

b) Le stimulus ostensif est le stimulus le plus pertinent que le locuteur peut

utiliser pour communiquer cet ensemble d’hypothèses.

La pertinence est une notion relative à l’individu : tel énoncé peut être pertinent

pour X, produisant de nombreux effets contextuels, et pas ou peu pertinent pour

Y, ne produisant que peu ou pas d’effets contextuels.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Enfin, une dernière caractéristique des interprétations doit être mentionnée. La

première interprétation qui vient à l’esprit est la « bonne » interprétation, à savoir

l’interprétation qui correspond à l’intention informative du locuteur. Cela implique

que le jeu « effets – efforts » n’est pas prolongé au-delà de ce qui est nécessaire :

dès qu’un effet contextuel compense l’effort de traitement, le processus

s’interrompt, et l’interprétation est obtenue. Mais il n’y a aucune garantie que la

communication fonctionne à cent pour cent. La théorie de la pertinence définit la

communication comme un processus à haut risque, qui peut échouer, notamment

lorsque les hypothèses sélectionnées par le destinataire pour traiter l’énoncé ne

sont pas les mêmes que celles du locuteur.

2.3.2. Pertinence et référence temporelle

Sperber et Wilson ont montré, dans leur article « Pragmatique et temps », que

certains phénomènes temporels pouvaient être expliqués dans le cadre de leur

théorie [Wilson, Sperber 1993 a ]. Effectivement, en se penchant particulièrement

sur des aspects temporels tels que l’ordre temporel avec ou sans et, l’intervalle ou

encore les relations causales entre les événements, ces chercheurs confirment

leur hypothèse principale, selon laquelle les relations temporelles ne sont pas

décodées linguistiquement par le destinataire, mais inférées pragmatiquement.

Wilson et Sperber montrent par exemple que la déduction des relations

temporelles ne découle pas de la conjonction et ou des informations

sémantiques :

(101) C’est toujours pareil dans les fêtes : soit je me saoule et personne ne

me parle soit personne ne me parle et je me saoule.

Cet énoncé, au niveau sémantique, est inconsistant, sa formule logique étant : P

et Q = Q et P. Or, le destinataire cherche à rendre l’énoncé pertinent, c’est

pourquoi il doit pallier cette inconsistance. Ce qu’il fait en attribuant à cet énoncé

des relations temporelles.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Le même principe entre en jeu pour la référence temporelle et l’intervalle entre les

événements. Comparons :

(102) J’ai déjeuné.

(103) J’ai été au Tibet.

Ici, la référence temporelle est indéterminée au niveau linguistique et précisée au

niveau pragmatique. En effet, aucune information linguistique ne montre à quel

moment précisément, entre le moment de l’énonciation et le début de l’univers, le

locuteur de (102) a déjeuné et le locuteur de (103) a visité le Tibet. Par contre,

grâce à la pragmatique, on comprend généralement que le déjeuner a eu lieu le

jour même où le locuteur a produit l’énoncé, alors que la visite du Tibet s’est

effectuée à un moment ou un autre de l’existence du locuteur.

Dans les exemples suivants :

(104) J’ai sorti ma clé et j’ai ouvert la porte.

(105) Ils ont planté un gland et il a poussé,

aucune information linguistique ne désigne la durée de l’intervalle entre les

événements. C’est de nouveau au niveau pragmatique que nous inférons que

l’intervalle entre les deux événements dans (104) est égal à quelques secondes,

tandis que dans (105) il s’étend sur quelques mois.

Enfin, les deux chercheurs montrent que les relations causales entre les

événements ne dépendent pas directement des relations temporelles. Le

destinataire peut ne pas avoir besoin d’établir une stricte succession entre les

événements pour déduire des relations causales :

(106) J’ai parlé à Jean et j’ai découvert qu’il était charmant.

(107) J’ai parlé à Jean et j’ai ensuite découvert qu’il était charmant.

L’interprétation naturelle de (106) est la suivante : J’ai parlé à Jean et, ce faisant,

j’ai découvert qu’il était charmant ; alors que (107) est interprété comme : J’ai

parlé à Jean et, après lui avoir parlé, j’ai découvert qu’il était charmant. En (106), il

99

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

y a une relation temporelle intuitive, qui n’est pas celle d’antériorité / postériorité ;

malgré cela la relation de conséquence entre les événements est bien présente.

En (107), c’est le contraire : il y a une nette relation temporelle – le premier

événement précède le second, – mais il n’y a pas de relation causale.

Wilson et Sperber soutiennent donc que le destinataire construit son interprétation

des faits temporels en se basant sur l’intention informative du locuteur et sur la

recherche de la pertinence optimale.

La théorie de la pertinence de Wilson et Sperber a ouvert de larges perspectives

pragmatiques à l’études de la référence temporelle. Plusieurs chercheurs en ont

compris l’enjeu et appliquent des principes pragmatiques inférentiels dans leurs

travaux. Diane Blakemore et Robyn Carston ont entrepris une analyse détaillée du

traitement pragmatique des phrases liées par la conjonction et. Selon leur

analyse, les relations temporelles ne reposent pas sur et mais sur un principe

général de chronologie, qui rappelle une des maximes de manière de Grice

« Soyez ordonné »48 et le principe de narration de la Segmented Discourse

Representation Theory 49 d’Asher et Lascarides [Asher 1993 ; Lascarides & Asher

1993 ; Lascarides & Oberlander 1993]. Neil Smith, quant à lui, a ébauché

quelques stratégies pour appliquer aux temps verbaux la distinction entre usage

descriptif et usage interprétatif [Smith 1993].

Enfin, les horizons qu’ouvre la théorie de la pertinence pour l’étude des

phénomènes temporels ont attiré tout un groupe de linguistes genevois, parmi

lesquels citons Jacques Moeschler, Louis de Saussure, Jean-Marc Luscher,

Bertrand Sthioul. Ils ont rédigé, dans cette optique, plusieurs ouvrages dont deux

collectifs, sous la direction de Jacques Moeschler : Le temps des événements :

pragmatique de la référence temporelle [Moeschler 1998] et Cahiers de

linguistique française 22 [CDLF 2000]. Bien que leurs points de vues sur certaines

questions divergent, ces linguistes gardent un esprit d’équipe et développent

48 Nous avons brièvement présenté les maximes de Grice dans la section 2.3.1.1. de notre deuxième chapitre (p. 93). La maxime « Soyez ordonné » est une des quatre maximes de la catégorie « Maxime de manière ». Les trois autres sont : 1) Evitez de vous exprimer de manière obscure ; 2) Evitez l’ambiguïté ; 3) Soyez bref. 49 C’est une théorie sémantique dynamique qui constitue aujourd’hui une des alternatives sémantiques les plus élaborées aux approches contextuelles pragmatiques du temps.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

d’une façon assez homogène une approche pragmatique procédurale de la

référence temporelle, c’est pourquoi nous les réunissons sous le nom « Ecole de

Genève ». Jacques Moeschler a élaboré un modèle de calcul de l’ordre temporel

dit Modèle des inférences directionnelles [Moeschler 1998 ; 2000]. Louis de

Saussure a exprimé quelques critiques au sujet du modèle de Moeschler et a

proposé son propre modèle dit Modèle pragmatique procédural du temps

[Saussure 2003 a]. Ce sont ces deux modèles que nous examinons dans les deux

sections suivantes.

2.3.3. Modèles de l’ordre temporel de Moeschler et de Saussure

Jacques Moeschler et Louis de Saussure ont pour ambition d’expliciter les

mécanismes linguistiques et pragmatiques par lesquels le destinataire parvient à

déterminer l’ordre temporel entre les événements dans l’énoncé. Pour ce faire,

Moeschler construit un modèle général de la détermination de l’ordre temporel, dit

Modèle des inférences directionnelles [Moeschler 1998 : 8-12, 311-321 ; 2000 a ;

2000 b]. Saussure se propose d’améliorer le modèle de Moeschler et crée son

propre modèle du calcul de l’ordre temporel, dit Modèle pragmatique procédural

du temps [Saussure 2003 a : 165-297]. Nous décrirons d’abord les types de

relations temporelles distinguées par les linguistes suisses (section 2.3.3.1) et

ensuite nous présenterons, dans ses grandes lignes, les modèles de l’ordre

temporel de Moeschler et de Saussure (section 2.3.3.2).

2.3.3.1. Configurations temporelles des énoncés

En général, les linguistes suisses distinguent trois types de relations

chronologiques entre les événements dans l’énoncé :

1. Ordre temporel positif (progression temporelle) ;

2. Ordre temporel négatif (régression temporelle) ;

3. Indétermination temporelle.

101

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Dans les conceptions sémantiques et discursives (la théorie de la taxis de

Bondarko ou la Segmented Discourse Representation Theory de Asher), l’énoncé

B est ordonné par rapport à l’énoncé A dans une paire isolée d’énoncés. Le

modèle pragmatique de Moeschler reprend le même schéma. Or, dans le modèle

de Saussure, le calcul d’une relation temporelle ne se fonde pas sur une paire

isolée d’énoncés mais sur un seul énoncé, celui qui est en cours de traitement, et

son contexte, ce dernier entendant les informations cognitives mémorisées. Dans

cette perspective, Saussure distingue deux types d’énoncés : 1) énoncés

temporellement liés ; 2) énoncés temporellement autonomes [Saussure 2003 a :

183-191].

Lorsqu’il s’agit des énoncés temporellement liés, le calcul de la référence

temporelle d’un énoncé se fait à partir d’un autre énoncé, fourni antérieurement et

présent dans l’environnement cognitif du destinataire, comme dans l’exemple

suivant, où on calcule la référence temporelle de l’événement (b) à partir de

l’événement (a) :

(108) Il sortit (a) une glace de poche et s’y mira (b) (Cohen : 113).

A noter que l’énoncé par rapport auquel on fixe l’ordre temporel n’est pas

obligatoirement celui qui précède immédiatement l’énoncé en cours de traitement.

Parlant des énoncés temporellement autonomes, Saussure entend des énoncés

qui se suffisent à eux-mêmes pour définir leur référence temporelle, sans avoir

recours à un élément extérieur. Il s’agit des énoncés qui contiennent certaines

expressions calendaires (le 3 décembre, en 1945), certains adverbes de

restriction (cette nuit-là, à l’aube) ou certaines informations encyclopédiques (le

cheval de Troie, les druides).

A l’intérieur de chacune de ces deux catégories Saussure différencie plusieurs

types de relations temporelles possibles dont la structuration repose sur la

conception générale de l’ordre temporel : il y a des énoncés qui font progresser le

temps, ceux qui font régresser le temps et enfin les énoncés dans lesquels le

102

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

temps stagne. Voici le tableau général des configurations temporelles des

énoncés d’après Louis de Saussure50 :

1) Enoncés temporellement autonomes.

i) Enoncés autonomes absolus (énoncés qui expriment une « vérité

générale » ; énoncés qui contiennent une expression calendaire)

ii) Enoncés autonomes relatifs (énoncés dans lesquels la référence

est fixée déictiquement).

2) Enoncés temporellement liés.

i) Ordre positif ;

ii) Ordre négatif ;

iii) Non-ordonnancement (stativité, encapsulation).

Donnons quelques précisions à ce tableau.

Les énoncés autonomes absolus peuvent trouver leur référence temporelle grâce

à une expression calendaire :

(109) La grande exposition eut lieu le mardi 22 décembre 1931 […] (Le

Clézio : 143).

Ce type d’énoncés inclut également des énoncés de « vérité générale » dont les

conditions de vérité sont indépendantes des conditions temporelles de

l’énonciation :

(110) La vie est plus romanesque que l’imagination (Aragon : 300).

(111) Jamais grand nez n’a déparé beau visage (Proverbe français que

Saussure emprunte à Damourette et Pichon [Saussure 2003 a : 189]).

Les énoncés autonomes relatifs fixent leur référence temporelle par rapport à un

élément déictique :

50 La classification de Saussure s’inspire beaucoup des cinq relations de discours (relations rhétoriques) mises au point par Asher et Lascarides dans le cadre de leur Segmented Discourse Representation Theory : 1) explication ; 2) élaboration ; 3) narration ; 4) arrière-plan ; 5) résultat [Lascarides, Asher 1993 ; Saussure 2003 : 64-76].

103

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

(112) La grande exposition a eu lieu avant-hier.

Les énoncés temporellement liés admettent un ordre temporel positif (113), négatif

(114) ou le non-ordonnancement temporel.

(113) André prit un jeu de cartes, le battit, étala une patience sur le divan

(Troyat : 214).

(114) Paul Denis interrompit Mary […]. Il avait un peu trop bu en servant les

autres (Aragon : 71).

La relation de non-ordonnancement comprend les situations complètement

statives (recouvrement total) (115), (116), les situations partiellement statives

(recouvrement partiel) (117) et l’encapsulation (un événement constitue une partie

d’un événement plus complexe) (118), (119) :

(115) Il n’aimait que les brunes et Bérénice était blonde, d’un blond éteint

(Aragon : 29).

(116) André ralentit le pas. Un point de côté lui coupait le souffle (Troyat :25).

(117) Ils avaient repris un verre. Aurélien écoutait son compagnon […]

(Aragon : 111).

(118) Les traits d’Aurélio se tendirent. Son visage prit une expression de

méchanceté hautaine (Troyat : 136).

(119) Il y eut un brouhaha au-dehors, des cris. Cela fit machine pneumatique,

le tabac se vida, les gens se dressèrent, Paul fut porté au-dehors (Aragon :

566).

2.3.3.2. Calculer l’ordre temporel

Pour inférer un ordre temporel, le destinataire effectue un calcul à partir de toutes

les informations, linguistiques et pragmatiques, présentes dans l’énoncé.

Moeschler distingue les informations suivants :

104

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

105

5. INFORMATIONS POUR CALCULER L’ORDRE TEMPOREL

Informations linguistiques Informations pragmatiques

Connecteurs Temps verbaux Conceptuelles

(causales)

Hypothèses contextuelles

Selon Moeschler donc, les facteurs linguistiques comprennent les connecteurs

temporels, les temps verbaux et les informations conceptuelles (fournies par les

items lexicaux). Ces informations conceptuelles, en particulier causales, sont

appelées par Moeschler règles conceptuelles. Les informations contextuelles sont

constituées d’un ensemble d’hypothèses contextuelles, liées à l’environnement

cognitif du destinataire. Remarquons qu’à la différence de Moeschler, Saussure

relègue les règles conceptuelles au statut d’informations pragmatiques 51. Cela

veut dire que pour Moeschler les relations causales, comme « pousser –

tomber », dériveraient entièrement des significations des verbes, c’est-à-dire du

lexique. Il faut donc comprendre que tomber est une implication lexicale de

pousser. Or, pour Saussure (dont nous soutenons le point de vue), pousser

n’implique tomber que dans certaines circonstances. Pousser peut aussi impliquer

un caddie, un cri ou une chansonnette [Saussure 2003 a : 149].

L’hypothèse fondamentale du modèle de Moeschler stipule que les facteurs

conduisant à la compréhension d’un ordre temporel peuvent être hiérarchisés et,

quels que soient ces facteurs, ils sont gérés par le biais de l’inférence générale.

6. HIERARCHIE DES INFORMATIONS DANS L’ENONCE

1. Hypothèses contextuelles

2. Expressions procédurales

2.1. Connecteurs

2.2. Temps verbaux

3. Règles conceptuelles

Fort

Fort

Faible

Faible

51 Pour plus de détails sur des divergences entre les modèles de Moeschler et de Saussure, cf.Annexe.

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

Le destinataire est amené à faire un calcul d’un ordre temporel, prenant en

compte différentes forces des informations dans l’énoncé. Les informations plus

fortes annulent les informations plus faibles. Observons l’énoncé suivant :

(120) Jean est tombé. Max l’a poussé.

Le calcul passe par quelques étapes :

1. La règle conceptuelle « pousser cause tomber » est annulée par

l’information plus forte des temps verbaux, il faut donc inférer : D’abord

Jean est tombé, ensuite Max l’a poussé.

2. Mais cette inférence est annulée par l’hypothèse contextuelle qui va de

paire avec la règle conceptuelle. L’inférence finale donne donc : Jean est

tombé parce que Max l’a poussé.

Saussure refuse la hiérarchisation, à son avis défaillante, des informations dans

l’énoncé. Selon lui, les informations linguistiques (temps verbaux et connecteurs

temporels) n’ont pas de significations stables, constantes, « non défaisables »

dans l’énoncé. En regard, Saussure introduit une règle par défaut. Celle-ci

suppose que la signification de toute expression linguistique est inférée à défaut

d’informations plus contraignantes ou par défaut de contraintes plus fortes. Par

exemple, on attribue habituellement au passé simple la valeur de faire progresser

le temps. Selon la règle par défaut, c’est une valeur préférée et non obligatoire.

On choisit cette signification par défaut de contraintes plus fortes, parce qu’elle est

la moins coûteuse pour l’interprétation, la moins pragmatiquement enrichie. Mais

si le destinataire rencontre des contraintes plus fortes que cette valeur du passé

simple, il la sacrifiera pour l’interprétation avec l’enrichissement pragmatique le

plus faible [Saussure 2003 a : 170-171].

Dans ses grandes lignes, le modèle de Saussure se présente de la façon

suivante [Saussure 2003 a : 276-284] :

! Le destinataire reçoit, dans son système d’entrée (input), un énoncé à

traiter, par exemple : Jean est tombé. Max l’a poussé.

106

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

! Le système détecte alors la présence et la nature des expressions

linguistiques (adverbiaux, temps verbaux). Dans cet exemple, il y a deux

verbes au passé composé.

! Le destinataire compare les données linguistiques avec les données de

l’environnement cognitif pour comprendre si l’instruction par défaut sera

productive d’effet ou non. Pour notre exemple, on compare les informations

suivantes : une suite de passés composés et une relation

conceptuelle « pousser – tomber ».

! Si aucune hypothèse ne contredit l’instruction par défaut (cela signifie

qu’aucun connecteur ni relation conceptuelle ne va à l’encontre de

l’interprétation par défaut), le destinataire l’applique et l’enrichit par des

instructions secondaires (si elles sont présentes), en tirant en fin de compte

l’ordre temporel. Dans notre exemple, la relation conceptuelle « pousser –

tomber » contredit l’instruction par défaut de passé composé.

! Si l’instruction par défaut ne peut se réaliser, le destinataire doit appliquer la

procédure d’un connecteur ou d’une relation conceptuelle. On applique

donc la règle « pousser cause tomber » et on infère : Jean est tombé parce

que Max l’a poussé.

2.4. Bilan : un modèle à compléter

Les théories que nous venons d’exposer ont eu un impact considérable sur notre

conception des relations chronologiques dans la langue et le langage. Nous avons

donc jugé nécessaire de les passer en revue pour mettre au point notre propre

appareil méthodologique, élaboré essentiellement sur la base des travaux de

Bondarko, Moeschler, Saussure, Sperber et Wilson.

La théorie de la taxis dans la conception de Bondarko présente, à nos yeux, la

tentative la plus aboutie de la classification sémantique des relations

chronologiques entre les événements sur le matériau de la langue russe.

Quant à la méthode du modèle, elle est sans aucun doute un moyen de traitement

du langage très prometteur pour les sciences cognitives. Les modèles fournis par

107

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Chapitre 2. Appréhender le temps par les relations existant entre les événements

J. Moeschler et L. de Saussure ont ouvert un chapitre nouveau de la description

cognitive des relations temporelles. Leur propos n’était pas de donner une

procédure complète de toutes les relations temporelles possibles et imaginables,

mais d’en dégager les grandes lignes. Comme le reconnaît Saussure lui-même,

son modèle présente une procédure générale, propre à recevoir le branchement

de diverses sous-procédures dont beaucoup restent à déterminer et à décrire

[Saussure 2003 a : 292]. Le linguiste suisse suggère d’étudier un certain nombre

de phénomènes qui devraient dans l’idéal être pris en charge par son modèle. Il

s’agit par exemple de la négation. Normalement, l’énoncé négatif bloque par

défaut la progression temporelle du passé simple, désignant un procès encapsulé

[Saussure 1998 b : 279-280] :

(121) Ce matin-là, Paul resta à ruminer ses pensées. Il ne se leva pas,

n’ouvrit pas le store ni ne contempla le soleil (Exemple de Saussure

[Saussure 1998 b : 279]).

Pour qu’un énoncé négatif soit ordonné temporellement, il faut qu’interviennent

des facteurs forçant la lecture temporelle : insuffisance informatique de l’énoncé

négatif, des connecteurs, des adverbiaux ou des relations conceptuelles

contredisant l’interprétation atemporelle :

(121) Jacques ne s’arrêta pas à la station-service. Ensuite il emprunta le

périphérique (Exemple de Saussure [Saussure 1998 b : 281]).

Les modèles présentés sont universels, du moins tout à fait applicables à la

langue russe, à la condition, bien entendu, de spécifier les composants

linguistiques, propres au système grammatical du russe. Dans les chapitres

suivants, nous ne chercherons pas à compléter les modèles de Moeschler et de

Saussure, réservant cette tâche à nos études ultérieures. Notre démarche

immédiate consiste à établir quelles sont les spécificités de l’expression des

relations chronologiques dans les énoncés à prédicats juxtaposés et coordonnés

(Chapitre 3) et les énoncés, contenant un gérondif (Chapitre 4). Ce faisant, nous

avons également cherché à définir quels sont les facteurs linguistiques (et non

linguisiques) qui amènent le destinataire à inférer telle ou telle relation entre les

événements.

108

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109

CHAPITRE 3.

ÉNONCÉS A PRÉDICATS AUTONOMES

3.1. Types de relations entre les événements dans l’énoncé : entrée en

matière

Dans ce chapitre, nous entendons étudier les relations temporelles qui s’instaurent

entre les prédicats juxtaposés ou coordonnés. Bien entendu, dans notre analyse,

le verbe est pris en compte avec son environnement sémantique et syntaxique.

L’esprit humain structure les événements avant tout du point de vue

chronologique : on sait que, normalement, un événement peut se produire avant,

après ou en même temps qu’un autre événement. Cependant, on sait aussi que

les relations entre les événements ne sont pas réduites à des liens purement

temporels ; d’autres connexions, logiques et sémantiques, s’établissent

régulièrement entre les actions. Après avoir étudié plusieurs travaux consacrés

aux événements, nous supposons que, de manière générale, il existe trois types

de relations que deux événements E1 et E2 peuvent entretenir dans l’énoncé52 :

1. Relations chronologiques. Il s’agit d’une part des relations temporelles

ordonnées (d’antériorité, postériorité, simultanéité) et d’autre part des

relations temporelles non ordonnées.

2. Relations causales. Il s’agit des relations logiques de cause, conséquence,

but, concession, condition.

3. Relations de caractérisation. Dans ce cas, il est question des relations

d’ordre sémantique entre les prédicats. L’énoncé ne présente pas

véritablement deux événements autonomes mais un seul événement et

deux représentations de cet événement.

52 Notre classification reprend les termes de A. V. Bondarko et ses collaborateurs [TFG 1987].

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

L’événement E1 est celui qui apparaît dans l’énoncé en première position

syntaxique, il est donc traité en premier par le destinataire. L’événement E2 suit

syntaxiquement l’événement E1 et est analysé par le destinataire par rapport à

l’événement E1 :

(122) André ferma (E1) les yeux et simula (E2) le sommeil (Troyat : 119).

(123) Elle s’assit (E1) sur un banc. Au-dessus, les feuilles de platane

s’agitaient (E2) à peine (Cohen : 409).

Les deux premiers types de relations, chronologiques et causales, concernent les

énoncés qui expriment réellement deux événements distincts. Cela veut dire que

deux prédicats formels P1 et P2 désignent deux réalités événementielles E1 et E2

(124). Le troisième type de relations entre les événements, que nous appelons

relations de caractérisation, concerne les énoncés où deux prédicats formels P1 et

P2 traduisent en effet un seul événement réel : un prédicat indique l’événement

d’une manière plus générale et l’autre donne une précision, une caractéristique

sémantique ou aspectuelle à propos de cet événement (125), (126) :

(124) > 0'5:% "--%9, + 7",/2590" ='$'-K, .9*%- (P1) ,+1C95",

C92"- (P2) $")%2+ (X. & K. T/5)**+A. ?* +(* 8A #85D8 ; Ruscorpora).

V konce allei, u pamjatnika Gogolju, sidel (P1) mužPina, Pital (P2) gazetu.

A – bout – (de) allée, – près de – monument – (à) Gogol’, – était assis

(P1) – homme, – lisait (P2) – journal.

= Au bout de l’allée, près du monument à Gogol, un homme était assis et

lisait un journal.

(125) […] '5 35/- (P1) 7&'.<@% $%5%&"-" U&+?"5'3",

0',"5*'3"3#%$' '*5'( 9) .2%7568 "&,9(, 9 '@%A"- (P2) %,+

7'@',@92< ,'A56( "&29--%&9(.09( +)%- &+,65 (T5/((82' : 48).

On vnjal (P1) pros’be generala Trufanova, komandovavšego odnoj iz

stepnyx armij, i obešPal (P2) emu pobombit’ mošPnyj artillerijskij uzel

rumyn.

110

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Il – consentit (P1) – (à) demande – (de) général – Troufanov, – dirigeant

(de) une – de – (de) steppe – armées, – et – promit (P2) – (à) lui –

bombarder – puissant – (de) artillerie – nœud – (de) roumains.

= Il accéda à la demande du général Troufanov, dirigeant une des armées

de steppe, en lui promettant de bombarder le puissant nid d’artillerie

roumaine.

(126) !%&195 .9*%- (P1) 9 .9*%- (P2) 3 ,'-C"599 (6. !/"$*'&FA'. K

%5#7* 3*5+/8 ; Ruscorpora).

Neržin sidel (P1) i sidel (P2) v molPanii.

Nerjine – était assis (P1) – et – était assis (P2) – dans – silence.

= Nerjine était toujours assis en silence.

Il est plutôt fréquent que les événements dans l’énoncé ne soient pas liés par l’une

des trois relations à l’état pur (chronologique, causale, de caractérisation) mais par

une association inégale de ces relations, ces dernières sont comparables aux

ingrédients d’un cocktail différemment dosés. Plus loin, au cours de la description

concrète des énoncés russes, nous essayerons de montrer l’interaction de

plusieurs types de relations.

A relever ici que notre nomenclature de l’ordre temporel diffère du classement

traditionnel, s’apparentant avec le contenu du terme taxis. Cette remarque

concerne avant tout la définition du non-ordonnancement temporel. Selon notre

position, toutes les relations entre les événements se répartissent en deux blocs :

1) relations temporellement ordonnées ; 2) relations temporellement non

ordonnées. La première formation regroupe l’antériorité / postériorité (ordre

temporel positif, dans la terminologie habituelle), la postériorité / antériorité (ordre

temporel négatif) et la simultanéité. Les relations chronologiquement non

ordonnées, quant à elles, incluent l’indétermination temporelle (les événements se

déroulent dans le même cadre temporel mais il est impossible de déterminer la

chronologie exacte entre eux) et la caractérisation (la chronologie entre les

événements n’est pas pertinente, cédant la place à des relations sémantiques).

Les relations causales peuvent être ordonnées ou non ordonnées. Toutes ces

dispositions se reflètent dans le tableau suivant :

111

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

112

7. NOMENCLATURE DE L’ORDRE TEMPOREL

Relations temporelles ordonnées :

Antériorité / postériorité

Postériorité / antériorité

Simultanéité

Relations temporelles non ordonnées :

Indétermination temporelle

Caractérisation (concrétisation, appréciation)

Ordre temporel

Relations causales

Les relations qui unissent deux événements dans l’énoncé sont établies à partir de

plusieurs paramètres dont chacun communique différents types d’informations à

propos de ces événements. Ces paramètres peuvent être stricto sensu

linguistiques, tels la nature sémantique et la dénotation du prédicat qui désigne

l’événement, le temps et l’aspect verbal ainsi que les adverbiaux temporels.

D’autres paramètres cruciaux sont pragmatiques, telles les informations

encyclopédiques et logiques que le destinataire garde en mémoire. La bonne

interprétation des événements est à trouver dans la confrontation entre les

paramètres linguistiques et pragmatiques, autrement dit dans la confrontation de

la signification sémantique de l’énoncé avec le contexte dans lequel l’interprétation

se réalise. Avant de présenter l’analyse détaillée des relations chronologiques,

causales et de caractérisation (Sections 3.4. – 3.6.), il nous semble nécessaire

d’examiner les facteurs linguistiques et pragmatiques qui influencent l’inférence de

tel ou tel rapport entre les événements.

3.2. Facteurs pragmatiques

A nos yeux, les facteurs pragmatiques les plus importants qui déteignent sur

l’interprétation des relations entre les événements sont d’ordre conceptuel. Il s’agit

des informations encyclopédiques et logiques qui s’organisent dans l’esprit

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

humain selon les règles conceptuelles. Ce sont ces notions que nous allons

examiner dans les sections suivantes (3.2.1. et 3.2.2.), en faisant une place à part

à la notion d’intervalle que nous considérons comme faisant partie des

informations encyclopédiques régies par des relations conceptuelles.

3.2.1. Informations encyclopédiques et logiques. Règles conceptuelles

Nous suivons, dans notre travail, l’idée traditionnelle et bien ancrée dans les

sciences cognitives selon laquelle les humains interprètent les phénomènes du

monde en utilisant des schémas logiques établis dans leur cerveau.

L’interprétation des relations entre les événements ne constitue qu’un cas

particulier de cette situation générale. Ainsi, pour interpréter lesdites relations

dans l’énoncé, le destinataire décode les informations linguistiques et

contextuelles en ayant en même temps recours à des schémas logiques, appelés

également règles déductives (terme de D. Sperber et D. Wilson), règles

conceptuelles (terme de la Segmented Discourse Representation Theory, repris

par J. Moeschler) ou encore relations conceptuelles (terme de L. de Saussure).

Les règles conceptuelles régissent les relations logiques qui unissent les

événements dans l’énoncé. Dans la théorie de la pertinence, les règles déductives

sont associées aux concepts, c’est pourquoi, devançant nos réflexions sur les

relations conceptuelles, nous nous arrêterons d’abord sur la notion de concept.

Les sciences cognitives reconnaissent unanimement que l’homme représente le

monde en termes conceptuels. Les concepts sont des représentations

psychologiques envisagées à un certain niveau d’abstraction qui rassemblent

sous une signification générale une série d’objets concrets possédant des

propriétés communes [DLSL 1994 / 1999 : 107].

Sperber et Wilson, dans le cadre de la théorie de la pertinence, approfondissent la

notion de concept, en lui attribuant non seulement une fonction d’adresse en

mémoire à laquelle différents types d’informations peuvent être conservés et

retrouvés, mais aussi une fonction de constituant dans une forme logique (et

113

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

propositionnelle) 53, où sa présence rend possible l’application de règles

déductives particulières [Sperber, Wilson 1989 : 134-135].

Les informations conceptuelles retenues en mémoire sont de trois types : 1) des

informations encyclopédiques ; 2) des informations lexicales ; 3) des informations

logiques [Ibid. : 135].

Les informations encyclopédiques regroupent les informations sur les objets, les

événements et les propriétés qui tombent sous un concept54. Les informations

encyclopédiques sont organisées dans la mémoire en blocs stéréotypés. Parlant

des stéréotypes, Sperber et Wilson présentent un exemple simple et efficace

portant sur les animaux de compagnie. Lorsqu’il s’agit des animaux de

compagnie, la majorité d’entre nous s’imagine un chat ou un chien et pas un

éléphant ou une araignée. Ainsi, si un voisin nous dit qu’il s’est acheté un animal

de compagnie, nous penserons à un chat ou à un chien et non à un éléphant ou à

une araignée [Sperber, Wilson 1989 : 138]. Les informations encyclopédiques

varient d’un individu à un autre et d’un moment à un autre et sont ouvertes [Ibid. :

138]. Pour ne pas quitter l’univers des animaux domestiques, imaginons qu’un ami

nous dise qu’il s’est acheté un chien de chasse. Ne partageant pas les mêmes

acquis sur les chiens et la chasse, les auditeurs auront en tête des

représentations différentes. Les connaisseurs envisageront au mois une quinzaine

de races spécialisées dans divers domaines de la chasse : pointer, fox-terrier,

drahthaar, setter irlandais, braque allemand, épagneul français, lévrier afghan,

griffon, beagle, borzoï… Les personnes moins portées sur les chiens et la chasse

imagineront tout simplement un mammifère domestique qui aboie et possède un

excellent odorat.

53 Pour revoir les définitions des formes logique et propositionnelle, cf. p. 96 du présent travail. 54 Depuis une trentaine d’années, les linguistes qui travaillant dans l’optique cognitive se sont beaucoup penchés sur l’organisation conceptuelle de la mémoire humaine. Différents modèles de ce que Sperber et Wilson appellent entrées (informations) encyclopédiques [Sperber, Wilson 1989 : 135-145]), ont été avancés. Ces modèles mettent en œuvre des schémas cognitifs et développent des notions comme celles de frame (terme que l’on doit à Marvin Minsky ; les recherches dans cette direction ont été continuées par Charles Fillmore et George Lakoff), de prototype (Eleanor Rosch), de script ou de scénario (Roger Schank et Robert Abelson), MOPs [memory organization packets] (David Rumelhart et Donald Norman), etc.

114

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Les informations lexicales contiennent les données sur l’expression linguistique du

concept, notamment les données phonologiques et syntaxiques [Ibid. : 141].

Les informations logiques d’un concept sont des ensembles de règles déductives

qui s’appliquent aux formes logiques dont ce concept est un élément. Même si la

science n’a pas encore déterminé toutes les règles logiques, on peut affirmer que

celles-ci sont de taille limitée et varient peu d’un locuteur à un autre [Ibid. : 139]55.

Les règles conceptuelles entre les événements dans l’énoncé sont donc

construites sur la base des concepts événementiels. Il est important de préciser

que les règles conceptuelles entre les événements sont des implications inférées

sur la base de deux prédicats réellement dénotés dans l’énoncé. Le destinataire

ne construit pas d’hypothèses anticipatoires à partir d’un seul procès mais cherche

à établir une relation effective entre deux représentations mentales [Saussure

2003 a : 205].

Les règles conceptuelles entre les événements, étant une application concrète

des règles déductives générales, peuvent être certainement décrites à l’aide de

toute une panoplie de lois logiques. Nous nous en tenons à une classification très

simple dont l’auteur est L. de Saussure [Saussure 2003 a : 206-210].

Premièrement, L. de Saussure divise les règles conceptuelles (relations

conceptuelles, dans sa terminologie) en règles causales et règles non causales. Il

appelle ces dernières des relations stéréotypiques (= règles stéréotypiques).

Deuxièmement, Saussure dissocie les règles nécessaires des règles non

nécessaires. Ainsi, le tableau général présente quatre types de règles

55 Sperber et Wilson décrivent dans leur ouvrage quelques types de déduction [Ibid : 160-180]. Pour donner l’idée de ce que peut être un modèle de déduction, nous nous autorisons à reprendre deux exemples du livre de L. de Saussure [Saussure 2003 : 67-68]. Le premier exemple présente une inférence à partir de la règle du modus ponens défaisable et du « principe du manchot » (leterme de Lascarides et Asher [Lascarides, Asher 1993]). Imaginons Tweety qui est non seulement un oiseau (qui normalement vole) mais, plus exactement, un manchot (qui ne vole pas). L’inférence, basée sur le modus ponens défaisable, est la suivante : Les oiseaux volent / Tweety est un oiseau / Tweety vole. Un tel modus ponens est défaisable parce qu’il existe des oiseaux qui ne volent pas. Le conflit entre les oiseaux volent et les manchots ne volent pas est résolu par le « principe du manchot » : Les manchots sont des oiseaux / Les manchots ne volent pas / Les oiseaux volent / Tweety est un manchot / Tweety ne vole pas. Le deuxième exemple est le principe de l’introduction de ou : si un Quaker est normalement un pacifiste, et un démocrate est normalement un pacifiste, alors un Quaker ou un démocrate est un pacifiste.

115

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

116

conceptuelles qui s’organisent selon leur influence sur la récupération d’une

relation entre les événements :

8. RELATIONS CONCEPTUELLES

1) Règles conceptuelles nécessaires causales Plus fortes

2) Règles conceptuelles nécessaires stéréotypiques

3) Règles conceptuelles non nécessaires causales

4) Règles conceptuelles non nécessaires stéréotypiques Moins fortes

Les règles conceptuelles causales concernent les énoncés dans lesquels un

événement est la cause d’un autre événement :

(127) V-65+- (a) *'1*<. U&"3" 5",'0-" (b).

Xlynul (a) dožd’. Trava namokla (b).

= La pluie éclata (a). L’herbe fut mouillée (b).

Effectivement, dans cet énoncé, le procès (b) est causé par le (a) : l’herbe fut

mouillée à cause de la pluie qui éclata.

Les règles conceptuelles non causales (stéréotypiques) sont motivées par des

conditions d’apparition des événements dans le monde, sans impliquer un lien de

cause à effet entre les deux procès :

(128) P",'-F2 7&9)%,-9-./ (a). E".."19&6 36#-9 (b).

Samolët prizemlilsja (a). Passažiry vyšli (b).

= L’avion atterrit (a). Les passagers descendirent (b).

Cet énoncé relate une suite habituelle d’événements entre lesquels il y a un lien

stéréotypique mais pas causal : le procès (a) n’est pas la cause du procès (b).

Les règles conceptuelles nécessaires sont celles qui revêtent un caractère

obligatoire, non défaisable. Cela signifie que le destinataire ne peut pas annuler

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

une relation de ce type sans toucher à la pertinence de l’énoncé. Les exemples

(127) et (128) présentent respectivement une règle conceptuelle nécessaire

causale et une règle conceptuelle nécessaire non causale. En effet, dans

l’environnement du contexte présent, on voit mal le destinataire, traitant les deux

procès du (127), aboutir à une autre conclusion que la suivante : l’herbe fut

mouillée à cause de la pluie. Cette inférence est la plus pertinente, donc la seule

possible. De même, l’énoncé (128) ne peut être compris que comme : les

passagers sont descendus à la condition nécessaire que l’avion soit au sol.

L. de Saussure range parmi les règles conceptuelles nécessaires causales les

corrélations tautologiques du type tuer Y mourir :

(129) 45%$95 +@9- (a) G%5.0'$' 5" *+Q-9. G%5.09( 7'$9@ (b).

Onegin ubil Lenskogo na dueli (a). Lenskij pogib (b).

= Onéguine tua (a) Lenski en duel. Lenski mourut (b).

Les règles conceptuelles non nécessaires présentent des relations causales ou

stéréotypiques dont les liens sont défaisables. Ainsi, les règles non nécessaires

causales montrent un rapport entre cause et effet sans que la cause provoque

nécessairement, obligatoirement un tel effet :

(130) E%39:" .?"-<#939-" (a). E+@-90" %F '.39.2"-" (b).

Pevica sfal’šivila (a). Publika eë osvistala (b).

= La cantatrice chanta faux (a). Le public la siffla (b).

Le premier événement cause le second mais ce lien est défaisable : les fausses

notes ne causent pas toujours les sifflets du public. Cependant, dans ce cas, la

cause des sifflets est bien la manière de chanter. Saussure donne un critère pour

distinguer les règles nécessaires causales des règles non nécessaires causales :

étant donné les deux procès, si les deux peuvent être le cas ensemble sans que

l’un implique l’autre, alors la règle est non nécessaire [Saussure 2003 a : 208].

Enfin, les règles non nécessaires stéréotypiques fournissent des prédictions

faibles fondées sur la connaissance du monde. Aucun événement n’est

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

conditionné ni causé par un autre, mais un lien entre eux est suggéré par les

connaissances encyclopédiques :

(131) P7%02"0-< )"0'5C9-./ (2). J")*"-9.< "7-'*9.,%526 (b).

Spektakl’ zakonPilsja (a). Razdalis’ aplodismenty (b).

= Le spectacle se termina (a). Les applaudissements éclatèrent (b).

Les règles conceptuelles, causales et stéréotypiques, déclenchent diverses

relations chronologiques (antériorité, postériorité, simultanéité, relations non

différenciées) et logiques entre les événements ; cf. les énoncés suivants :

(132) P'@"0" '.0"-9-".< (a). W%-'3%0 9.7+$"-./ (b).

Sobaka oskalilas’ (a). Zelovek ispugalsja (b).

= Le chien montra les dents (a). L’homme eut peur (b).

(133) T6-' 2%,5' (a). B 59C%$' 5% 39*%- (b).

Bylo temno (a). Ja niPego ne videl (b).

= Il faisait noir (a). Je ne voyais rien (b).

(134) >%C%&', 7'3"-9- (2) .5%$. H&6#9 *','3 .2"-9 @%-6,9 (b).

VePerom povalil sneg (a). Kryši domov stali belymi (b).

= Le soir, la neige commença à tomber (a). Les toits des maisons devinrent

blancs (b).

(135) P'@"0" '.0"-9-".< (a). W%-'3%0 5% 9.7+$"-./ (b).

Sobaka oskalilas’ (a). Zelovek ne ispugalsja (b).

= Le chien montra les dents (a). L’homme n’eut pas peur (b).

(136) 45 #F- (a) 9 8&',"- (b).

On šël (a) i xromal (b).

Il – marchait (a) – et – boitait.

= Il marchait en boitant.

Dans l’exemple (132) l’événement (a) se produit avant le (b) et cause le (b). Les

événements dans cet énoncé présentent donc à la fois une relation temporelle

d’antériorité et une relation logique de causalité.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

L’exemple suivant (133) est le cas de la causalité strictement concomitante :

l’événement (a) est la cause du (b), et les deux événements se déroulent en

même temps.

L’exemple (134) désigne à la fois une relation causale et une relation temporelle

non ordonnée : l’événement (b) se produit à cause du (a) mais il est difficile de

définir une relation temporelle exacte entre ces deux procès. On ne peut

interpréter cet énoncé ni comme : d’abord la neige a commencé à tomber, ensuite

les toits sont devenus blancs ; ni comme : la neige a commencé à tomber et,

pendant la chute, les toits sont devenus blancs, car on ne sait pas si l’événement

causant « la neige commença à tomber » dure seulement jusqu’à ce que les toits

deviennent blancs ou au-delà de cet événement causé.

Dans l’énoncé (135) apparaissent à la fois une relation causale de concession

(l’événement (b), conditionné par l’événement (a), exprime un effet à l’opposé de

l’effet attendu) et une relation chronologique que nous qualifions comme non

différenciée.

Enfin, l’exemple (136) montre une relation stéréotypique (l’événement (b) n’existe

pas sans l’événement (a)). La question de la chronologie ne se pose pas car il

s’agit en réalité d’un seul et unique événement, exprimé par deux prédicats : l’un

des prédicats désigne le procès général tandis que l’autre indique une

caractéristique, une précision de ce procès (Nous décrivons plus bas ce type de

relations sous le nom relations de concrétisation).

Voici, en guise de récapitulation, les définitions des quatre règles conceptuelles

[Saussure 2003 a : 209] :

Règle conceptuelle nécessaire causale

Si B ne peut être le cas sans que A soit la cause de B, alors la relation causale est

nécessaire.

Exemples :

1) A = tuer (Onéguine) ; B = mourir (Lenski) ;

2) A = tomber (pluie) ; B = être mouillée (l’herbe).

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Règle conceptuelle nécessaire stéréotypique

Si B ne peut être le cas sans que A soit le cas, mais que A ne cause pas B, alors

la relation est stéréotypique nécessaire.

Exemples :

1) A = atterrir (l’avion) ; B = descendre (les passagers) ;

2) A = marcher (l’homme) ; B = boiter (l’homme).

Règle conceptuelle non nécessaire causale

Si A peut être le cas sans que B soit le cas et que B peut être le cas sans que A

en soit la cause, alors la relation causale est non nécessaire.

Exemple :

A = chanter faux (le chanteur) ; B = siffler (le public).

Règle conceptuelle non nécessaire stéréotypique

Si A peut être le cas sans que B soit le cas et que B peut être le cas sans que A

soit le cas, mais que généralement dans le monde un procès analogue à B suit un

procès analogue à A, alors la relation est non nécessaire stéréotypique.

Exemple :

A = se terminer (le spectacle) ; B = applaudir (le public).

Et une dernière remarque que nous estimons importante. Nous considérons,

comme L. de Saussure ([Saussure 2003 a : 149 ; 212-213], et à l’opposé de

J. Moeschler, que les règles conceptuelles ne relèvent pas du domaine de la

sémantique mais de celui de la pragmatique. Cela veut dire que les règles

conceptuelles sont des implications tirées par le destinataire ad hoc sur la base

des informations qu’il possède. Dans les séquences du type pousser Y tomber, il

n’y a pas de relations sémantiques préexistantes, toutes faites, mises à disposition

en mémoire du destinataire, il faudrait sinon reconnaître un nombre infini de règles

fondées sur des liens sémantiques, comme : pousser Y vaciller, pousser Y

blesser, pousser Y casser, pousser Y rouler, pousser Y glisser à ski, pousser Y

faire glisser un traîneau… La longueur de la liste dépend de l’imagination de

chacun.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.2.2. Intervalle

Une composante importante de la relation temporelle est l’intervalle, c’est-à-dire

un laps de temps qui sépare les deux processus dans l’énoncé [Kozlowska

1998 b : 225].

Le destinataire considère normalement que les événements décrits sont séparés

par des intervalles différents, cf. les exemples suivants (137), (104), (138) qui sont

empruntés à Wilson et Sperber [Wilson, Sperber 1993 : 8] et les exemples (105),

(139), tirés de [Kozlowska 1998 b : 225] ) :

(137) Jean a laissé tomber le verre. Il s’est cassé.

(104) J’ai sorti ma clé. J’ai ouvert la porte (Cet exemple est également

présenté à la page 99 de notre travail).

(138) Max s’est réveillé. Il a pris une douche.

(105) Ils ont planté un gland. Il a poussé (Cet exemple est également

présenté à la page 99 de notre travail).

(139) Max a passé son enfance en Suisse. Pour sa retraite, il s’est installé en

France.

Comme ces exemples nous le montrent, la période qui sépare les actions est plus

ou moins longue. Elle peut correspondre à quelques secondes, à quelques

minutes, à quelques mois, à quelques années…

Même si l’intervalle peut être exprimé explicitement par des moyens linguistiques :

(140) Max s’est réveillé et a tout de suite pris une douche.

(141) Ils ont planté un gland. Il a poussé dix jours après,

dans de nombreux cas, les informations linguistiques sur la distance temporelle

séparant les événements sont absentes, et le destinataire calcule l’intervalle selon

le principe de pertinence (Cf. [Sperber, Wilson 1989 ; Wilson, Sperber 1993 : 17-

21] et pp. 97 de notre travail). Pour illustrer le fonctionnement de ce principe,

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

suivons les réflexions de Wilson et Sperber [Wilson, Sperber 1993 : 17-21] 56. La

théorie de la pertinence, comme la plupart des autres études, suppose que le

destinataire a un accès immédiat à des hypothèses encyclopédiques, dont celles

sur les clés et les portes. Les entrées encyclopédiques contiennent des morceaux

tout faits ou des schémas décrivant des suites d’événements souvent rencontrées.

Le schéma « sortir une clé et l’utiliser dans les secondes ou, tout au plus, dans les

minutes qui suivent pour ouvrir la porte » devrait donc se trouver dans les

connaissances encyclopédiques du destinataire ; de plus, vu son usage fréquent,

un tel schéma serait hautement accessible au destinataire. Dans les circonstances

normales, c’est même l’hypothèse la plus pertinente, alors que toute autre

interprétation moins probable serait injustifiée, par exemple, « sortir la clé,

s’endormir sur le paillasson et ouvrir la porte le lendemain », etc. Plus encore : le

locuteur qui veut communiquer un intervalle inhabituel entre les événements

« sortir une clé » et « ouvrir la porte » ne pourra jamais utiliser l’énoncé (104) tel

quel.

L’intervalle est important pour déterminer l’interprétation des relations d’antériorité

et de postériorité. Selon le rôle de l’intervalle, nous voyons deux situations

possibles de l’antériorité / postériorité : 1) antériorité (postériorité) de contact ;

2) antériorité (postériorité) d’intervalle.

1) Antériorité (postériorité) de contact. Dans ce cas, les événements se

produisent l’un après l’autre mais l’intervalle entre les actions est absent. Ce type

de relation entre les événements apparaît dans le contexte où un événement

cesse d’avoir lieu sous l’effet immédiat d’un autre événement :

(142) >%C%&', #F-, 3')-% *'," +7"- 3 0"5"3+ 9 +,%&

(N). =/"4'/+(%&0. !-25A* 5#((%&* // O1+*(-&4, 30. 11. 2001 ;

Ruscorpora).

VePerom šël, vozle doma upal v kanavu i umer.

(Pendant) soir – marchait, – près de – maison – tomba – dans – fossé –

et – mourut.

56 Dans cet article, Wilson et Sperber développent davantage les postulats de la théorie de la pertinence, en introduisant par exemple la notion de critère de cohérence avec le principe de pertinence. A ce stade de notre travail, nous ne jugeons pas nécessaire d’employer cette notion.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Le soir, quand il marchait près de la maison, il tomba dans un fossé et

mourut.

(143) >'-'*/ C92"- 059$+ 9 )".5+-.

Volodja Pital knigu i zasnul.

Volodia – lisait – livre et – s’endormit.

= Volodia lisait un livre et s’endormit.

(144) […] '5 $'3'&9- 7&'A"-<5+K &%C< 9 3*&+$ )",'-C"- […]

(K. [2+*5&'. V+2 %23&-2'2 ; Ruscorpora).

On govoril proPšal’nuju reP’ i vdrug zamolPal.

Il – disait – (de) adieu – discours – et – subitement – se tut.

= Il prononçait un discours d'adieu et subitement il se tut.

On peut également placer sous l’enseigne de l’antériorité / postériorité de contact

les événements liés par une relation logique où un événement est un résultat

immédiat ou une conséquence immédiate d’un autre événement. D’une certaine

façon, il est possible de parler de l’impact de deux événements, le début du

second se produisant au moment où le premier s’achève. On range dans ce cas

de figure les énoncés comme (137) à la p. 121 ; cf. aussi les exemples suivants :

(145) 45 +7"- . -'#"*9 9 .-',"- 5'$+.

On upal s lošadi i slomal nogu.

Il – tomba – de – cheval – et – cassa – jambe.

= Il tomba du cheval et se cassa une jambe.

(146) H')-'5'$9( 7'*5F. %( @'0"- . #",7"5.09,, '5" 3679-" %$', 9

.%&*:% %F .&")+ .'$&%-'.< (U#"72%/+ : 251-252).

Kozlonogij podnës ej bokal s šampanskim, ona vypila ego, i serdce eë

srazu sogrelos’.

Celui ayant les pieds de bouc – tendit – (à) elle – verre – avec –

champagne, – elle – but – lui, – et – cœur – son – immédiatement – se

réchauffa.

= Le faune lui tendit une flûte de champagne, elle la but et son cœur se

réchauffa immédiatement.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(147) L9&%0:9/ 7'.'3%A"-".< . 7&'?0',',, 9 &%#9-9

9.7'-<)'3"2< 368'*5'( *%5< (O. [&/. O""<1&& 9*1 &""<1&0 ;

Ruscorpora).

Direkcija posovePšalas’ s profkomom, i rešili ispol’zovat’ vyxodnoj den’.

Direction – s’entretint – avec – syndicat, – et – (ils) décidèrent – utiliser –

jour – (de) repos.

= La direction s'est entretenue avec le syndicat et ils ont décidé d'utiliser le

jour de repos.

On peut classer ici une relation spécifique d’antériorité / postériorité qui n’admet

aucun intervalle entre les événements, le second événement constituant le

dernière stade du premier :

(148) D6 […] 7&'@&"-9.< .03')< 2'-7+ 0&".5'$3"&*%(:%3 9

'0")"-9.< + 0'5K#%5 (=*"*+&' : 213).

My probralis’ skvoz’ tolpu krasnogvardejcev i okazalis’ u konjušen.

Nous – passâmes – à travers – foule – (de) gardes rouges – et – se

retrouvâmes – près de – écuries.

= Nous nous frayâmes un passage à travers la foule de soldats et nous

nous retrouvâmes près des écuries.

2) Antériorité (postériorité) d’intervalle. Dans ce deuxième cas, un événement

atteint son achèvement naturel et l’autre lui succède après un certain intervalle de

temps. Selon la nature des événements, l’intervalle peut être très court ou très

long, cf. les exemples à la page 12157.

57 V. S. Xrakovskij propose de distinguer deux types d’intervalle : l’intervalle de contact et l’intervalle de distance. Dans le premier cas, le second procès suit immédiatement le premier ; dans le second cas, l’action qui suit est séparée de la précédente par une plus longue période du temps [Xrakovskij 2003 : 42-43]. Cette classification ne nous semble pas justifiée. Même si une action suit l’autre immédiatement, on constate un intervalle. Autrement, on peut couper l’échelle des intervalles en nombre infini : intervalle infinitésimal, intervalle plus grand, intervalle énorme… Parfois, on sent intuitivement que l’intervalle est présent, mais il nous est difficile de le mesurer.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.3. Facteurs linguistiques

Dans les prochaines sections de notre travail, nous décrivons les paramètres

linguistiques qui influencent l’inférence de la relation entre les événements dans

l’énoncé. Ce sont des moyens lexicaux (les adverbes temporels et les

conjonctions) et grammaticaux (le temps et l’aspect verbal).

3.3.1. Adverbiaux et conjonctions : connecteurs temporels, causaux et

logiques

Il est évident que les adverbiaux temporels et les conjonctions contribuent

fortement à la détermination des relations entre les événements. Pourtant, tous les

adverbiaux temporels et les conjonctions n’ont pas le même impact, seuls les

connecteurs temporels, logiques et causaux sont véritablement pris en compte

dans le calcul des relations entre les événements. Précisons ces termes.

Les connecteurs temporels font partie des adverbiaux temporels. Il s’agit des

expressions qui indiquent un lien temporel entre les événements : .5"C"-" –

snaPala – « d’abord » ; 7'2', – potom – « après, puis» ; )"2%, – zatem –

« ensuite, puis » ; 0"0 2'-<0' – kak tol’ko – « dès que » ; 7'.-% 2'$' 0"0 –

posle togo kak – « après que » ; &"5<#% – ran’še – « avant, auparavant » ;

7')1% – pozže – « plus tard » ; 0'$*" – kogda – « quand »… Les autres

adverbiaux temporels indiquant une restriction temporelle (3C%&" – vPera –

« hier » ; 3%.5'( – vesnoj – « au printemps » ; 2'( 5'C<K – toj noP’ju – « cette

nuit-là » ; 3 .%52/@&% – v sentjabre – « en septembre » ; 3 1980 $'*+ – v 1980

godu – « en 1980 »…) ou une durée ()" 7/2< ,95+2 – za pjat’ minut – « en

cinq minutes » ; 3 2%C%59% *5/ – v tePenie dnja – « durant la journée » ; 3.K

5'C< – vsju noP’ – « toute la nuit »…) n’apportent pas, dans la plupart des cas, de

véritables informations sur la détermination des relations entre les événements

[Saussure 2003 a : 177-178].

Les connecteurs causaux sont des adverbiaux qui marquent un lien causal

(cause, conséquence, concession, condition, but) entre deux événements : 2"0

125

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

0"0 – tak kak – « parce que, puisque », 7'2',+ C2' – potomu Pto – « parce

que », 9@' – ibo – « car », 8'2/ – xotja – « quoi que, bien que », %.-9…2' –

esli…to – « si… (alors) », etc. Les connecteurs causaux n’agissent pas

directement sur le temps, ils ne font qu’indiquer une relation conceptuelle qui, elle,

participe contextuellement à l’inférence des relations temporelles.

Les connecteurs logiques sont des conjonctions du type 9 – i – « et » ; 5' – no –

« mais », " – a – « et, mais »58. Nous pensons que ces conjonctions incarnent

simplement le concept logique de conjonction sans influencer les relations

temporelles (cf. [Wilson, Sperber 1993 a], [Saussure, Sthioul 2002] et aussi p. 98

de notre travail). Les exemples suivants montrent que les relations entre les

événements ne reposent pas sur la conjonction u (« et ») mais sont inférées sur la

base du temps et de l’aspect verbal et du fonctionnement du principe de

pertinence :

(149) B 5% )5"K 2'C5', 0"0 3.F @6-' : '5 7&'.-"39-./ 9 5"79."-

,%,+"&6, 9-9 '5 5"79."- ,%,+"&6 9 7&'.-"39-./.

Ja ne znaju toPno, kak vsë bylo : on proslavilsja i napisal memuary, ili on

napisal memuary i proslavilsja.

Je – ne – sais – exactement – comment – tout – fut : – il – devint célèbre –

et – écrivit – mémoires, – ou – il – écrivit – mémoires – et – devint –

célèbre.

= Je ne sais pas exactement comment tout s’est passé : il est devenu

célèbre et a écrit ses mémoires, ou il a écrit ses mémoires et est devenu

célèbre.

(150) !" 3%C%&950"8 3.%$*" '*5' 9 2' 1% : / 5"793"K.<, 9 5902' .'

,5'( 5% &")$'3"&93"%2, 9-9 5902' .' ,5'( 5% &")$'3"&93"%2, 9

/ 5"793"K.< (Exemple adapté au russe de Wilson, Sperber [Wilson,

Sperber 1993 a : 10], également p. 100 de notre travail).

Na vePerinkax vsegda odno i to že : ja napivajus’, i nikto so mnoj ne

razgovarivaet, ili nikto so mnoj ne razgovarivaet, i ja napivajus’.

58 Le champ de valeurs sémantiques et fonctionnelles des conjonctions russes et françaises n’est pas le même. La traduction française, privée de contexte, est donc à considérer comme approximative.

126

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Dans – soirées – toujours – une – et – même (chose) – alors : – je – bois

(jusqu’à l’ivresse) – et – personne – avec – moi – ne – parle, – ou

personne – avec – moi – ne – parle – et – je – bois (jusqu’à l’ivresse).

= C’est toujours pareil dans les soirées : soit je me saoule et personne ne

me parle, soit personne ne me parle et je me saoule.

En continuité avec la position de Saussure et de Moeschler, remarquons que

même les connecteurs temporels, si forte que soit leur information dans l’énoncé,

perdent leur signification, étant en conflit avec l’hypothèse conceptuelle, cf. :

(151) !%0'2'&'% 3&%,/ '5 7&'.,"2&93"- %F, 7'2', +.,%85+-./ 9,

'2-'193 $")%2+, 7&95/-./ )" ,'&'1%5'% (E. O(%2')*5. ;*-'&8

)'D8 ; Ruscorpora).

Nekotoroe vremja on prosmatrival eë, potom usmexnulsja i, otloživ gazetu,

prinjalsja za moroženoe.

Certain – temps – il – parcourait – le, – puis – pouffa – et, – ayant mis de

côté – journal, – se mit – à – glace.

= Pendant quelque temps il le parcourait, puis il pouffa et, mettant le journal

de côté, se mit à manger la glace.

Malgré la présence de l’adverbe 7'2', (potom – « ensuite »), la relation qui lie

les événements A et B, en (151), est celle de non-ordonnancement temporel. Par

son arrivée, le fait +.,%85+2<./ (usmexnut’sja – « pouffer ») ne met pas

nécessairement fin au procès 7&'.,"2&93"2< (prosmatrivat’ – « parcourir ») :

pouffer peut avoir lieu pendant le dernier stade de l’action parcourir le journal.

3.3.2. Temps et aspect

Parmi toutes les caractéristiques linguistiques des formes verbales russes, ce sont

le temps et l’aspect qui importent le plus dans l’inférence des relations entre les

événements.

127

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

D’habitude, les études grammaticales traditionnelles, en décrivant les formes

verbales, présentent des valeurs « conceptuelles », c’est-à-dire des valeurs de

base (ou des valeurs invariantes) qui sont censées gouverner tous les emplois de

ces formes verbales. Cependant, en consultant la liste des différents emplois, on

constate parfois un gouffre entre les valeurs de base générales et les emplois

spécifiques.

La théorie de la pertinence propose une solution à ce problème, en introduisant

une différence importante entre deux manières d’encoder linguistiquement les

informations : soit de manière conceptuelle, soit de manière procédurale [Wilson,

Sperber 1990]. L’information conceptuelle permet de déterminer le contenu d’un

concept (ou de manière plus générale, d’une représentation mentale), alors que

l’information procédurale détermine la manière dont le système de traitement (par

exemple, la cognition humaine) doit traiter l’information conceptuelle. Rappelons

que c’est dans le sens de ces réflexions que L. de Saussure décrit, dans son

modèle pragmatique général du temps, les procédures des temps du passé en

français (passé simple, passé composé, imparfait et plus-que-parfait) [Saussure

2003 a : 221-249] (Cf. aussi la section 2.3.3. et Annexe). L’objectif de la procédure

est de livrer les instructions spécifiques pour une forme verbale dans son emploi

concret et non de donner toutes les interprétations possibles de cette forme dans

différents contextes. Une procédure, par exemple, du passé simple chez Saussure

prend la forme suivante :

1. E,R–S (L’événement et le point de référence appartiennent au passé).

2. R : = R+1 (Incrémenter la valeur de R si possible : instruction par défaut).

3. Si un connecteur demande l’inversion temporelle, appliquer l’inversion.

4. Si une relation conceptuelle demande une encapsulation, appliquer la règle

[Ibid. : 228].

128

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.3.2.1. Passé perfectif : valeurs temporelles de base

Les descriptions classiques attribuent au passé perfectif deux valeurs temporelles

fondamentales suivantes [GRJ I : 488-489] :

1. Le passé perfectif désigne un événement qui s’est déroulé dans le passé,

avant le moment de l’énonciation. Dans la narration, une suite de formes au passé

perfectif marque des événements qui se succèdent dans le passé, autrement dit,

l’ordre des prédicats montre l’ordre réel des événements :

(152) O3"5 O3"56C .5/- &K0)"0, *'.2"- '22+*" 0'-@".0+, '2&%)"-

,"-%5<09( 0+.'C%0 9 @&'.9- G'8,"20% (G5/*3/".(%&0 : 16).

Ivan IvanyP snjal rjukzak, dostal ottuda kolbasku, otrezal malen’kij kusoPek i

brosil Loxmatke.

Ivan – Ivanytch – enleva – sac à dos, – prit – de là – petit saucisson, –

découpa – petit – morceau – et – jeta – (à) Lokhmatka.

= Ivan Ivanytch enleva le sac à dos, y prit un saucisson, découpa un petit

morceau et le jeta à Lokhmatka.

2. Le passé perfectif désigne une action dans le passé dont le résultat est

présent au moment de l’énonciation :

(153) T&'5<0" &'5/%2 $'-'3+ 5" $&+*<, *'-$' ,'-C" 7-"C%2,

'.0"-9-./, .0&9792 )*'&'36,9 )+@",9, ,'2"%2 @%)+2%#5'

$'-'3'( (W#%>&' : 97).

Bron’ka ronjaet golovu na grud’, dolgo molPa plaPet, oskalilsja, skripit

zdorovymi zubami, motaet bezutešno golovoj.

Bronka – laisse tomber – tête – sur – poitrine, – longtemps – en silence –

pleure, – fit un rictus, – grince – (avec) saines – dents, – secoue –

inconsolablement – tête.

= Bronka baisse la tête, pleure longtemps en silence, un rictus aux lèvres,

grince de ses dents saines, secoue inconsolablement la tête.

129

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(154) G9:' 7%&3'.3/A%5590" 7'0&6-'.< 7/25",9, $-")" $'&%-9

(U#"72%/+ : 37).

Lico pervosvjašPennika pokrylos’ pjatnami, glaza goreli.

Visage – (de) pontife – se couvrit – (de) taches – yeux – flamboyaient.

= Le visage du pontife se couvrit de taches, ses yeux flamboyaient.

Nous partageons globalement cette définition des valeurs temporelles

fondamentales du passé perfectif : cette forme aspecto-temporelle manifeste,

selon la sémantique verbale et le contexte, deux valeurs temporelles. On peut

appeler la première valeur d’aoriste ()5"C%59% "'&9.2" – znaPenie aorista), et

la seconde – valeur de parfait (7%&?%025'% )5"C%59% – perfektnoe znaPenie)

qui modifie la nature aspectuelle (ou la classe aspectuelle) du passé perfectif, ce

dernier ne désignant plus une action dans le passé mais un état résultant au

moment de l’énonciation. Dans beaucoup d’emplois, le passé perfectif s’avère

ambigu. Effectivement, l’énoncé :

(155) D9#" )"0&6- *3%&<.

Miša zakryl dver’.

= Micha a fermé la porte,

peut être compris comme :

1) L’énoncé qui renvoie à un événement antérieur (valeur d’aoriste) : c’est

l’action effectuée elle-même qui compte ;

2) L’énoncé qui renvoie à l’état résultant au moment de l’énonciation (valeur de

parfait) : c’est le résultat de l’action effectuée qui importe : Micha a fermé la porte /

La porte est fermée en ce moment 59.

La seule information temporelle immuable que fournisse le passé perfectif

concerne le rapport entre le moment de la parole S et le moment de l’événement

E : le moment de l’événement est antérieur au moment de la parole (<E–S>, dans

la formule de Reichenbach). Il est impossible, dans ce contexte minimal, de se

59 Signalons la position radicale de Georges Martinowsky qui soutient que le russe n’a pas d’aoriste. Pour lui, les formes du perfectif en <- l > sont toujours des parfaits [Martinowsky 2008 : 70].

130

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

prononcer en définitive sur le point R, il peut être antérieur au point S et

concomitant avec le point E (la formule dans le tableau de Reichenbach est

<E,R –S>), ou postérieur au point E (la formule est <E–S,R>).

3.3.2.2. Passé imperfectif : valeurs temporelles de base

Comme l’indiquent les grammaires, le passé imperfectif désigne un procès ou un

état qui se déroule dans le passé et qui est complètement coupé du présent. On

distingue trois valeurs générales du passé imperfectif [GRJ I 1960 : 487-489] :

1. La plupart du temps, le passé imperfectif remplit une fonction descriptive, on

l’appelle passé descriptif. Le passé descriptif désigne un procès sans fixer un

cadre temporel. Plusieurs passés descriptifs dans un énoncé indiquent des

événements qui ont duré dans le passé sans fixer un ordre chronologique dans

leur déroulement :

(156) ;" 7&9&%C56,9 3%&@",9 &")5'$'-'.' $','59-9 -/$+#09. ;"

@+$&', 3"-9-'.< C%&%) 7'&'$ .'-5:%. E' 8+2'&+ P%2&"0'3+

&"..".63"-".< 7&%*3%C%&5// 7&'8-"*". 42 *','3 5" .+8+K

*'&'$+ 7"*"-9 '$&',56% 0'.6% 2%59 […]. P 36$'5",

7%&%@&%893"/.< 5'3'.29#0",9, 7'$'5// 0'&'3 83'&'.295",9,

#-9 0")"C09. E' 7&'+-0", @'.6% 9 +1% )"$'&%3#9% 0")"C"2"

0')-'0'3"-9 3 C%8"&*%. P2"&909 .2%7%55' .9*%-9 5" )"3"-950"8

(W/"/Q/+, II : 635).

Za prirePnymi verbami raznogoloso gomonili ljaguški. Za bugrom valilos’

Perez porog solnce. Po xutoru Setrakovu rassasyvalas’ vePernjaja proxlada.

Ot domov na suxuju dorogu padali ogromnye kosye teni. S vygona,

perebrexivajas’ novostiškami, pogonjaja korov xvorostinami, šli kazaPki. Po

proulkam bosye i uže zagorevšie kazaPata kozlokovali v Pexarde. Stariki

stepenno sideli na zavalinkax.

Derrière – (de) rivière – saules – en dissonance – s’époumonaient –

grenouilles. – Derrière – colline – s’écroulait – à travers – seuil – soleil. –

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Dans – village – Setrakovo – se résorbait – vespérale – fraîcheur. – De –

maisons – sur – seche – route – tombaient – immenses – obliques –

ombres. – De – pâturage, – en jacassant – petites nouvelles – en fouettant

vaches – (avec) triques – marchaient – femmes cosaques. – Dans –

ruelles – pieds-nus – et – déjà – bronzés – enfants cosaques – sautaient –

dans – saute-mouton. – Vieux – dignement – étaient assis – sur – remblais.

= Derrière des saules se donnaient en récital des grenouilles. Derrière la

colline disparaissait le soleil. Dans le village de Setrakovo la fraîcheur

vespérale se dispersait. Les ombres obliques des maisons s'étalaient sur la

route sèche. En s'échangeant des petites nouvelles et en donnant des

coups de trique aux vaches, les femmes rentraient du pâturage. Les gamins

pieds-nus et déjà bronzés jouaient à saute-mouton dans les ruelles. Les

vieux étaient assis posément sur les remblais.

(157) 45" .-%*9-" " .3'*0",9 P'395?'&,@K&', @6-" 3 0+&.%

3'%5568 .'@629(, 3,%#93"-".< 3 &")$'3'&6 ' 7'-9290%

(T5/((82' : 63).

Ona sledila za svodkami Sovinformburo, byla v kurse voennyx sobytij,

vmešivalas’ v razgovory o politike.

Elle – suivait – derrière – comptes-rendus – (de) bureau d’information

soviétique, – était – au courant – (de) guerre – événements, – intervenait –

dans – conversations – sur – politique.

= Elle suivait les comptes-rendus officiels, était au courant des événements

de la guerre, intervenait dans les conversations politiques.

2. Le passé imperfectif exprime une action dans le passé sans faire valoir la

valeur de durée :

(158) > Q2', $'*+ / '2*68"- 3 H9.-'3'*.0%, *3% 5%*%-9 7&'3F- 3

."5"2'&99 (V#82 9*1 7*5/4 // [/88*5(2'-\-K"2(-., R 31, 08.08.

2000 ; Ruscorpora).

V etom godu ja otdyxal v Kislovodske, dve nedeli provël v sanatorii.

En – cette – année – je – me reposais – à – Kislovodsk, – deux –

semaines – passai – dans – station thermale.

132

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Cette année, je suis allé en vacances à Kislovodsk, j’ai passé deux

semaines dans une station thermale.

(159) H2'-2' .2&%-/- 3 -'.F50" 9 &"59- %$' (]. [/+2".. B %5&+/0

(/('A ; Ruscorpora).

Kto-to streljal v losënka i ranil ego.

Quelqu’un – tirait – sur – petit élan – et – blessa – le.

= Quelqu’un a tiré sur le petit élan et l’a blessé.

3. Le passé imperfectif formé des verbes itératifs sans préfixes désigne une

action passée, éloignée du présent, irrégulièrement répétée :

(160) P2"&+#0" %(: «N 3'2 0",95;

;*%.< @"&95 .9193"- '*95.

;*%.< . 59, '@%*63"- )9,'K

E'0'(56( G%5.09(, 5"# .'.%* » (=#>%&' : 145).

Staruška ej : « A vot kamin;

Zdes’ barin sižival odin.

Zdes’ s nim obedyval zimoju

Pokojnyj Lenskij, naš sosed ».

Petite vieille – (à) lui : « Et – voilà – cheminée –

Ici – Monsieur – était souvent assis – seul –

Ici – avec lui – dînait souvent – en hiver –

Feu – Lenski, – notre – voisin ».

= Guidant Tania, « là-bas, Monsieur

Restait tout seul au coin du feu.

L’hiver, on y dressait la table

Quand feu Monsieur Lenski venait »60.

Tout comme pour le passé perfectif, la seule information temporelle stable fournie

par le passé imperfectif est le rapport entre le point S et le point E : <E–S> avec

une remarque sur l’étendue ou la répétition du procès. Dans un énoncé concret, le

60 Traduction de André Markowicz, empruntée dans : Alexandre Pouchkine. Eugène Onéguine (roman en vers traduit du russe par André Markovicz), Ed. : Actes Sud, 2005, p. 183.

133

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

passé imperfectif peut acquérir la valeur synchronisée (la formule chez

Reichenbach <E,R–S>), la valeur rétrospective (la formule est <E–S,R>) ou

même, comme nous l’avons signalé dans la partie 2.1.3. pp. 81-82, la valeur de

plus-que-parfait <E–R–S>.

3.3.2.3. Combinaisons des formes aspecto-temporelles du passé : valeurs

par défaut

Après avoir examiné les valeurs temporelles du passé perfectif et imperfectif

isolés dans l’énoncé, nous pouvons conclure qu’il est impossible de poser la

valeur temporelle par défaut pour chacune de ces formes, la seule information

temporelle stable étant <E–S> (La valeur par défaut est une valeur qui apparaît

dans un contexte minimal, privé de contraintes spécifiques, comme une relation

conceptuelle ou un connecteur temporel). Néanmoins ne serait-il pas

envisageable de définir les valeurs d’ordre temporel par défaut propres aux

combinaisons des formes aspecto-temporelles ?

Les deux formes du passé en russe, perfectif et imperfectif, produisent quatre

combinaisons formelles possibles :

1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif ;

2. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif ;

3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif ;

4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif.

Deux conditions nous semblent indispensables pour l’établissement de la valeur

d’ordre temporel par défaut : 1) le destinataire considère toujours l’énoncé produit

par le locuteur comme pertinent ; 2) l’énoncé a lieu dans un contexte minimal.

La première condition, celle de la pertinence de l’énoncé, repose sur le principe

selon lequel le locuteur a l’intention de communiquer quelque chose au

destinataire. Cela veut dire que le destinataire fait confiance au locuteur et

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

considère que tout l’énoncé produit par ce dernier est pertinent. Ainsi donc si le

locuteur énonce :

(161) François épousa Adèle. Paul s’acheta une maison à la campagne,

le destinataire, orienté vers la recherche de pertinence, perçoit cet énoncé comme

pertinent même dans les conditions du contexte minimal, c’est-à-dire sans

disposer dans son environnement cognitif d’aucune hypothèse conceptuelle qui lui

permettrait d’inférer que l’achat de la maison est conditionnée d’une manière ou

d’une autre par le mariage de François et Adèle. Le destinataire considère donc

que les deux événements ne sont pas mentionnés absurdement mais sont unis

par un lien thématique (topique).

Appliqué à notre problématique, le lien thématique entre les événements repose

impérativement sur l’unité du plan chronologique des actions, notion proposée par

Bondarko [Bondarko 1987 : 237-238] (Cf. aussi p. 85 de notre travail). L’unité du

plan chronologique est un cadre temporel, une sorte de microsystème qui

rassemble les événements liés à la même situation. La condition indispensable de

l’unité du plan chronologique est la référence des événements au même moment

de l’énonciation. Ainsi, les énoncés suivants, qui ne respectent pas cette

condition, n’appartiennent pas au même cadre chronologique et n’entrent pas

dans le champ de notre étude :

(162) 45 .0")"-, C2' '59 7&9%*+2 )"32&".

On skazal, Pto oni priedut zavtra.

Il – dit – que – ils – viendront – demain.

= Il a dit qu’ils viendraient demain.

(163) J9,.09( +23%&1*"-, C2' 590"0'( =%--6 3 '05% + .%@/ 3

0"@95%2% '5 5% 39*%- […] (U#"72%/+ : 347).

Rimskij utverždal, Pto nikakoj Gelly v okne u sebja v kabinete on ne videl.

Rimski – affirmait – que – aucune – Hella – dans – fenêtre – chez – soi –

dans – bureau – il – ne – voyait.

= Rimski affirma qu’il n’avait jamais vu aucune Hella à la fenêtre de son

bureau.

135

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Le contexte minimal, qui suppose que la relation temporelle entre deux

événements dans l’énoncé ne subit aucune contrainte conceptuelle, est une

abstraction car il est pratiquement impossible d’épurer le contexte au point

d’exclure tout élément conceptuel. Nous voyons au moins trois éléments

ubiquitaires, indélogeables qui exercent un impact sur les hypothèses

contextuelles et indirectement sur la valeur temporelle entre les événements :

1) Le sujet (le même sujet pour les deux actions ou deux sujets distincts) ; 2) La

sémantique verbale ; 3) L’ordre d’apparition des verbes.

Nous supposons qu’un énoncé à sujet unique contient davantage de contraintes

pour exprimer la simultanéité qu’un énoncé à deux sujets distincts, étant donné

que la capacité d’une seule personne à effectuer plusieurs actions en même

temps est normalement réduite, voire impossible. Observons, par exemple, les

énoncés suivants : en (164) la simultanéité est exclue tandis qu’en (165) elle est

tolérée :

(164) L"#" 36,6-" 7'.+*+, .8'*9-" 3 ,"$")95.

Daša vymyla posudu, sxodila v magazin.

Dacha – lava – vaisselle, – fit aller-retour – à – magasin.

= Dacha a fait la vaisselle, a fait les courses.

(165) L"#" 36,6-" 7'.+*+, O3"5 .8'*9- 3 ,"$")95.

Daša vymyla posudu, Ivan sxodil v magazin.

Dacha – lava – vaisselle, – Ivan – fit aller-retour – à – magasin.

= Dacha a fait la vaisselle, Ivan a fait les courses.

Remarquons que dans les énoncés où le sujet des deux actions est le même, ce

sujet sert de lien thématique supplémentaire.

La contrainte de sujet est associée à la sémantique verbale : s’il est difficilement

concevable que la même personne fasse la vaisselle et les courses

simultanément, on peut, par exemple, chanter et danser en même temps :

(166) N&29.2 .7%- 9 .2"5:%3"-.

Artist spel i stanceval.

= L’artiste a chanté et a dansé.

136

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Enfin, l’ordre d’apparition des prédicats est également un critère important. Il est

pertinent d’admettre qu’habituellement, dans la narration, l’ordre des prédicats

reflète l’ordre des événements réels (ce que R. Jakobson appelle ordre des mots

iconique)61. Ainsi, la relation des événements en (164) qui, dans le contexte

minimal abstrait, est comprise comme indétermination temporelle, peut être

facilement interprétée comme la relation d’antériorité / postériorité dans un

contexte réel (D’abord Dacha a fait la vaisselle, ensuite elle a fait les courses).

L’unité du plan chronologique peut être déterminée par des moyens lexicaux. On

n’a pas assez remarqué l’interdépendance entre l’étendue du cadre chronologique

commun et la détermination du lien temporel entre les événements : plus le cadre

temporel commun est étendu, long, moins déterminé est le lien temporel entre les

événements. Cf. les exemples ci-dessous :

(167) !" 7&'#-'( 5%*%-% H"2/ 5"79."-" 79.<,' N-F#%, 7&'C92"-"

« H'&'-/ G9&" ».

Na prošloj nedele Katja napisala pis’mo Alëše, proPitala « Korolja Lira ».

A – semaine – dernière – Katia – écrivit – lettre – (à) Alecha – lit – « Roi –

Lear ».

= La semaine dernière, Katia a écrit une lettre à Alecha, a lu « Le roi Lear ».

(168) >%C%&', H"2/ 5"79."-" 79.<,' N-F#%, 7&'C92"-" « H'&'-/

G9&" ».

VePerom Katja napisala pis’mo Alëše, proPitala « Korolja Lira ».

(Pendant) soir – Katia – écrivit – lettre – (à) Alecha, – lit – « Roi – Lear ».

= Le soir, Katia a écrit une lettre à Alecha, a lu « Le roi Lear ».

Les deux énoncés (167) et (168) expriment une indétermination temporelle mais à

différents degrés, le (168) étant beaucoup plus proche de l’antériorité / postériorité

que le (167).

61 Autrement dit, elle exploite le deuxième caractère du signifiant, selon Ferdinand de Sausssure : sa linéarité, dont le maître de Genève rappelle : « Ce principe est évident, mais il semble qu’on ait toujours négligé de l’énoncer, sans doute parce qu’on l’a trouvé trop simple ; cependant il est fondamental et les conséquences en sont incalculables […] » [Saussure 1916 / 1998 : 103] .

137

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Passé perfectif + Passé perfectif

Les linguistes attribuent unanimement à cette séquence la faculté de favoriser la

progression temporelle. PaduSeva pose même un axiome : « !/3/"/$*''A* &"&

(/,&'D''A* S/58A !K +A52$2<- 3/("*)/+2-*".'/(-. (/9A-&0 »

[PaduSeva 1996 : 362] – « Les formes juxtaposées ou coordonnées du passé

perfectif désignent la consécution des événements » (traduction personnelle –

N.B.). A notre avis, cette hypothèse de PaduSeva est trop forte, et de nombreux

énoncés dans lesquels la succession des passés perfectifs n’exprime pas

forcément l’ordre temporel positif viennent la contredire :

(169) 459 7'C29 *'#-9 *' *',", 0'$*" 9) 5"@%1"3#%( .%&'( 2+C09

0'.'( 9 /*&F56( @&6)5+- *'1*<. 45 7&9@9- 5" *'&'$% -F$0+K,

7"85+A+K .'-5:%, 76-<, )"AF-0"- 7' 0&6#",, 7"85+-

.3%1%.2<K, 2&%7%256, 8'-'*0', (W/"/Q/+, II : 262).

Oni poPti došli do doma, kogda iz nabežavšej seroj tuPki kosoj i jadrënyj

bryznul dožd’. On pribil na doroge lëgkuju, paxnušPuju solncem pyl’,

zašPëlkal po kryšam, paxnul svežest’ju, trepetnym xolodkom.

Ils – presque – arrivèrent – jusqu’à maison, – quand – de – venu en

courant – gris – petit nuage – oblique – et drue – gicla – pluie. – Elle –

plaqua – sur – route – légère – sentant – soleil – poussière, – commença à

claquer – sur – toits, – fit sentir – fraîcheur – saisissant –petit froid.

= Ils étaient déjà tout près de la maison, quand, venue d’un petit nuage gris,

éclata une pluie drue et oblique. Elle cloua sur la route la légère poussière

qui dégageait une odeur de soleil, tambourina sur les toits, apporta un

parfum de fraîcheur, un frisson saisissant.

(170) H'1" 5" -9:% #3%(:"&" 7&95/-" 29?')56( '22%5'0, " $-")"

7',%&23%-9 (U#"72%/+ : 66).

Koža na lice švejcara prinjala tifoznyj ottenok, a glaza pomertveli.

Peau sur – visage – (de) portier – prit – (de) typhus – nuance, – et – yeux –

devinrent morts.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Le teint du portier prit une couleur qui caractérise les malades du typhus,

son regard se figea.

Nous pensons que, dans le contexte minimal, la succession des formes au passé

perfectif dans l’énoncé exprime par défaut une suite temporellement non ordonnée

des événements. Cette suite temporellement non ordonnée est ensuite souvent

interprétée comme la progression temporelle grâce à l’ordre iconique des formes

du passé perfectif. Pour nous, l’ordre des mots est un facteur supplémentaire qui

influence une relation temporelle. Le facteur de l’ordre des mots, que nous

plaçons au niveau du contexte minimal, est évidemment beaucoup moins fort que

celui des relations causales ou stéréotypiques qui sont considérées comme des

contraintes spécifiques, enrichissant le contexte minimal.

La succession des passés perfectifs favorise incontestablement l’ordre temporel

positif mais de façon indirecte, faisant tout simplement obstruction à la valeur de

simultanéité (et, plus largement, à la valeur de concomitance). Généralement,

pour que l’esprit considère les actions comme simultanées, il doit les représenter

dans leur stade médian (tel est le cas de l’imparfait). Or le perfectif, qui, selon la

définition la plus reconnue, à savoir celle de Ju. S. Maslov, désigne l’action dans

sa globalité indivisible, est de par sa nature même incompatible avec l’expression

de la simultanéité. Evidemment, les passés perfectifs sont à même d’exprimer la

simultanéité si une contrainte plus forte que leur nature intervient dans l’énoncé,

comme par exemple des hypothèses conceptuelles ou des adverbiaux temporels :

'*5'3&%,%55' – odnovremenno – « simultanément, en même temps » ; 3 '*5'

9 2' 1% 3&%,/ – v odno i to že vremja – « en même temps ».

Prenant en considération le critère de l’agent (du sujet) de l’énoncé (X, Y), on

obtient deux possibilités de contexte minimal pour la combinaison de deux passés

perfectifs :

1) X 7&'9)3F- *%(.239% N, 7&'9)3F- *%(.239% >.

X a accompli une action A, a accompli une action B.

2) X 7&'9)3F- *%(.239% N. X 7&'9)3F- *%(.239% B.

X a accompli une action A. Y a accompli une action B.

139

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Dans les conditions du contexte minimal, le destinataire infère l’indétermination

temporelle. Dans d’autres conditions, si le contexte offre des éléments

supplémentaires, le destinataire peut inférer la non-simultanéité ou la simultanéité

des actions (X a d’abord fait A, ensuite a fait B ; X a d’abord fait A, ensuite Y a fait

B ; X a fait A et en même temps Y a fait B, etc.).

Passé imperfectif + Passé imperfectif

Nous pensons que, dans cette séquence, la valeur d’ordre temporel par défaut est

celle de l’indétermination temporelle. Cependant, l’indétermination temporelle

exprimée par la succession des imperfectifs n’est pas de même nature que

l’indétermination désignée par les perfectifs. En effet, la suite de passés perfectifs

s’oppose à l’expression de simultanéité, marquant une sorte de consécutivité non

ordonnée et favorisant ainsi l’occurrence de l’ordre temporel positif. Quant aux

imperfectifs qui se succèdent, ils ne sont pas incompatibles avec la simultanéité,

indiquant une sorte de coexistence ou de coïncidence des actions dans certaines

phases. La suite d’imperfectifs ne signifie pas automatiquement la simultanéité

mais crée des conditions propices à son apparition. Remarquons ici que nous

comprenons la simultanéité dans un sens large : les actions sont simultanées si le

temps individuel de leur déroulement coïncide entièrement ou partiellement.

Cette fois encore, nous allons à l’encontre de E. V. PaduSeva pour qui : « […]

(/3/"/$*''A* &"& (/,&'D''A* S/58A ?!K /9/1'2,2<- /)'/+5*8*''A*

35/F*((A &"& (/(-/4'&4 » [PaduSeva 1996 : 362] – « Les formes juxtaposées

ou coordonnées du passé imperfectif désignent les procès ou les états

simultanés » (traduction personnelle – N.B.). Le contexte minimal avec la

séquence Passé Imperfectif + Passé Imperfectif se présente sous deux formes :

1) X 7&'9)3'*9- *%(.239% N. V 7&'9)3'*9- *%(.239% >.

X accomplissait l’action A. X accomplissait l’action B.

2) X 7&'9)3'*9- *%(.239% N. X 7&'9)3'*9- *%(.239% B.

X accomplissait l’action A. Y accomplissait l’action B.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Passé perfectif + Passé imperfectif et Passé imperfectif + Passé perfectif.

Pour ces cas de figures, quatre possibilités sont envisageables :

1) X .*%-"- N, V *%-"- >.

X a fait A, X faisait B.

2) V .*%-"- N, X *%-"- >.

X a fait A, Y faisait B.

3) V *%-"- N, V .*%-"- >.

X faisait A, X a fait B.

4) V *%-"- N, X .*%-"- >.

X faisait A, Y a fait B.

Pour ces configurations, l’interprétation par défaut serait également

l’indétermination temporelle car aucun élément n’indique clairement une

prédilection envers la simultanéité ou la non-simultanéité (antériorité / postériorité

ou postériorité / antériorité).

Ainsi, nous supposons que les combinaisons des formes aspecto-temporelles du

passé en russe présentent une seule valeur par défaut – l’indétermination

temporelle. Les autres résultats chronologiques se réalisent quand les opérations

par défaut échouent, contrariées par des facteurs linguistiques ou pragmatiques

plus forts. Théoriquement, chacune des quatre combinaisons devrait pouvoir

exprimer les quatre relations chronologiques possibles : antériorité / postériorité,

postériorité / antériorité, simultanéité et relations non ordonnées. En même temps,

il faut reconnaître que la succession des passés perfectifs présente un facteur

linguistique favorisant l’ordre temporel positif tandis que celle des passés

imperfectifs avantage la simultanéité.

Avant de procéder, dans les sections suivantes, à l’analyse de la probabilité

sémantique de toutes ces possibilités, donnons une dernière précision

aspectologique, importante pour notre étude : nous considérons globalement que

le passé perfectif exprime un fait et le passé imperfectif – un procès ou un état

(pour ces notions, cf. la section 1.4.5.). Cependant, dans certains contextes, nous

141

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

142

attribuons au passé perfectif, marqué par la valeur de parfait, la signification d’un

état résultant et non d’un fait. Une telle interprétation influence bien entendu la

lecture des relations entre les événements.

3.4. Relations chronologiques entre les événements

Nous distinguons quatre types de relations chronologiques entre deux

événements E1 et E2 dans l’énoncé :

1. L’événement E1 se produit avant le second E2 (antériorité) ;

2. L’événement E2 se produit avant le premier E1 (postériorité) ;

3. Les deux événements E1 et E2 se produisent en même temps

(simultanéité) ;

4. La chronologie réelle entre les événements E1 et E2 n’est pas marquée (ou

l’ordre entre les événements est plus complexe). Il s’agit des relations

temporelles non ordonnées (non différenciées, dans la terminologie de

Bondarko), tandis que les trois premiers types représentent les relations

temporelles ordonnées (différenciées) .

3.4.1. Antériorité / postériorité

Définition. L’événement A suit (ou précède) de façon stricte l’événement B si et

seulement si chaque moment de A se produit avant (ou après) chaque moment de

B [Ivin 1969 ; Poljanskij 1987 : 243]. Les conditions sémantiques les plus

favorables dans l’énoncé pour ce type de relation se réalisent quand les

événements entretiennent un rapport d’exclusion temporelle : pendant un laps de

temps t se produit A ou B, mais non A et B (ou leurs parties) ensemble :

(171) […] '5 5" )"*598 -"7"8 7'*'#F- 0 7'*)%&0"-<5',+ .2'-90+,

7%&%*5%( -"7'( 362"A9- 7&'@0+ 9) $&"?95", 5"-9- 3'*6 3

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

.2"0"5, 3679- %F, 3'*&+)9- 7&'@0+ 5" ,%.2' 9 $&9,9&'3"-<5'(

2&/70'( 362%& +.6 (U#"72%/+ : 122).

On na zadnix lapax podošël k podzerkal’nomu stoliku, perednej lapoj

vytašPil probku iz grafina, nalil vody v stakan, vypil eë, vodruzil probku na

mesto i grimiroval’noj trjapkoj vyter usy.

Il – sur – (de) derrière – pattes – s’approcha – de – sous miroir – petite

table, – (avec) (de) devant – patte – retira – bouchon – de – carafe, –

versa – (de) eau – dans – verre, – but – elle, – remit – bouchon – en –

place – et – (avec) à démaquiller – chiffon – essuya – moustaches.

= Il se dirigea sur ses pattes de derrière vers la petite table que surmontait

un miroir, enleva avec ses pattes de devant le bouchon d’une carafe, versa

de l’eau dans un verre, la but, remit le bouchon en place et essuya ses

moustaches avec un chiffon à démaquiller.

Dans les relations de non-simultanéité (antériorité / postériorité ou postériorité /

antériorité), il est important de limiter « le temps individuel » de chaque

événement : l’événement qui précède doit être clairement représenté comme un

événement qui a abouti avant que ne se produise le second événement. Selon

Poljanskij [Poljanskij 1987 : 244], en russe, l’un des moyens réguliers pour

délimiter le temps de l’événement serait l’aspect perfectif avec sa caractéristique

sémantique dominante – la télicité (ou la globalité). C’est pourquoi, dans les

énoncés à prédicats multiples, les formes perfectives, aidées par la sémantique du

verbe (ajoute prudemment Poljanskij), expriment les événements qui s’ensuivent,

même si les moyens lexicaux spécifiques (comme )"2%, – zatem – « ensuite » ;

C%&%) 5%0'2'&'% 3&%,/ – Perez nekotoroe vremja – « quelque temps après » ;

7'2', – potom – « après »…) sont absents. L’exemple qu’il donne :

(172) P2"&+8" 7'*'#-" 0 +,9&"KA%(, 7'$-/*%-" 5" 5%F, 7'0"C"-"

$'-'3'( 9 5"0&6-" 7'-'25', -9:' +,9&"KA%( (;. G/"(-/0).

Staruxa podošla k umirajušPej, pogljadela na neë, pokaPala golovoj i

nakryla polotnom lico umirajušPej.

Vieille – s’approcha – de – mourante, – jeta un coup d’œil – sur – elle, –

hocha – tête – et – couvrit – (avec) linge- visage – (de) mourante.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= La vieille s’approcha de la mourante, la regarda, hocha la tête et couvrit

d’un linge le visage de la mourante.

Poljanskij note que si on remplace, dans cet énoncé, le perfectif par l’imperfectif

du présent historique, la non-simultanéité stricte devient moins évidente :

(172') P2"&+8" 7'*8'*92 0 +,9&"KA%(, $-/*92 5" 5%F, 0"C"%2

$'-'3'( 9 5"0&63"%2 7'-'25', -9:' +,9&"KA%(.

[podxodit, gljadit, kaPaet, nakryvaet].

= La vieille s’approche de la mourante, la regarde, hoche la tête et couvre

d’un linge le visage de la mourante.

Le point de vue de Poljanskij va dans le même sens que notre réflexion sur la

succession des passés perfectifs. Comme nous l’avons montré plus haut, la

succession des formes au passé perfectif ne garantit pas l’ordre temporel positif. Il

faut que la relation temporelle d’antériorité / postériorité soit confirmée par d’autres

hypothèses dans l’énoncé (comme des hypothèses conceptuelles qui englobent

finalement la sémantique verbale). Passons maintenant à l’analyse de la relation

d’antériorité / postériorité dans les quatre combinaisons des formes aspecto-

temporelles du passé.

3.4.1.1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif

Cette combinaison est, reconnaissons-le, celle qui est censée exprimer la

consécution temporelle (l’antériorité / la postériorité des actions) de la façon la

plus fréquente et la plus naturelle :

(173) !"$+-<5'3 .3%&5+- 9 7'-'19- &".79.0+ 3 $&+*5'( 0"&,"5

)"A925'( $9,5".2F&09, 095+- 5" .2'- 5"$"5, 7&'3'*9- T"5590"

*' *3%&%( (W/"/Q/+, I : 180).

Nagul’nov svernul i položil raspisku v grudnoj karman zašPitnoj gimnastërki,

kinul na stol nagan, provodil Bannika do dverej.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Nagoulnov – plia – et – mit – reçu – dans – (de) poitrine – poche – (de)

kaki – vareuse, – jeta – sur – table – revolver, – accompagna – Bannik –

jusqu’à – porte.

= Nagoulnov plia et mit le reçu dans la poche avant de sa vareuse, jeta le

revolver sur la table, accompagna Bannik jusqu'à la porte.

Cependant, un peu plus haut, nous avons avancé l’hypothèse selon laquelle la

succession des formes verbales au passé perfectif ne désigne pas toujours la

consécution temporelle, exprimant par défaut le non-ordonnancement temporelle.

Nous pensons, en effet, que malgré les conditions initiales propices à la non-

simultanéité (la valeur de globalité indivisible du perfectif et la règle de l’ordre des

mots iconique), ces facteurs ne mènent pas obligatoirement à l’ordre temporel

positif. Ils doivent être validés ou annulés par une (des) hypothèse(s)

conceptuelle(s). Considérons l’exemple suivant :

(174) U'-90 7'2/5+- )" '#%(590 33%&8. T9, .%- (G5/*3/".(%&0 : 44).

Tolik potjanul za ošejnik vverx. Bim sel.

Tolik – tira – avec – collier – (vers) haut. – Bim – s’assit.

= Tolik tira le collier vers le haut. Bim s’assit.

L’interprétation la plus naturelle de cet énoncé sera : d’abord Tolik a tiré le collier

vers le haut, suite à cela Bim s’est assis. Si on change les prédicats de place, on

comprendra, au contraire, que d’abord Bim s’est assis et ensuite Tolik a tiré le

collier vers le haut :

(174’) T9, .%-. U'-90 7'2/5+- )" '#%(590 33%&8.

Bim sel. Tolik potjanul za ošejnik vverx.

Bim – s’assit. – Tolik – tira – avec – collier – (vers) haut.

= Bim s’assit. Tolik tira le collier vers le haut.

Il y a des moyens linguistiques pour modifier le comportement des formes

verbales. On pense en premier lieu aux adverbes temporels ()"2%, – zatem –

« puis, ensuite » ; 7'2', – potom – « puis, ensuite, après », etc.), mais ils ne

sont pas les seuls. Par exemple, l’énoncé (174’) peut facilement recevoir une

valeur explicative si on met deux points après le premier verbe. Oralement, cette

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

valeur explicative serait exprimée par une intonation spécifique. Dans ce cas, on

comprend que dans un premier lieu Tolik a tiré le collier et ensuite Bim s’est assis,

or l’ordre des prédicats n’est pas iconique :

(174'') T9, .%- : U'-90 7'2/5+- )" '#%(590 33%&8.

La même valeur explicative peut être davantage explicitée à l’aide d’une

focalisation lexicale, cf. :

(174’’’) T9, .%- : Q2' U'-90 7'2/5+- %$' )" '#%(590 33%&8.

Bim sel : eto Tolik potjanul ego za ošejnik vverx.

= Bim s’est assis, c’est Tolik qui l’a tiré vers le haut par son collier.

A l’encontre de la conception traditionnelle, qui nous enseigne que la succession

des formes au passé perfectif désigne la succession réelle des événements, nous

soutenons que si le contexte ne livre aucune information sur un lien logique ou

chronologique possible entre les deux événements, le destinataire ne peut pas

vraiment définir la chronologie réelle des événements et donc fixer le second

événement par rapport au premier. Effectivement, si, dans les énoncés (174) et

(174’’), la relation chronologique entre les événements s’appuie sur un lien causal

(Bim s’est assit parce que Tolik avait tiré son collier vers le haut) et, dans l’énoncé

(174’), la relation chronologique est fondée sur un lien stéréotypique (Bim s’est

assit. Tolik tira le collier vers le haut – Bim est un chien / Les chiens portent les

colliers / Bim s’est assis / Ensuite Tolik tira Bim vers le haut par le collier),

l’exemple suivant, en revanche, ne fournit aucun lien conceptuel apparent entre

les événements :

(175) G%5" 0+79-" .'@"0+, 7&'C92"-" 3.%$' I%0.79&".

Lena kupila sobaku, proPitala vsego Šekspira.

Léna – acheta – chien, – lit – tout – Shakespeare.

= Léna a acheté un chien, a lu tout Shakespeare.

Si le destinataire ne trouve pas de lien chronologique ou causal entre les

événements, il les fixe dans une seule période temporelle assez large, sans établir

l’ordre réel des événements : Léna, dans une période de sa vie, a acheté un

chien, a lu Shakespeare, mais on ne sait pas si elle a d’abord acheté un chien et a

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

ensuite lu toutes les œuvres de Shakespeare62, ou si ces deux événements se

sont entrecroisés.

Si on complique cet énoncé en rajoutant d’autres événements qui n’ont pas de

réel lien logique avec un des événements précédents, l’absence de chronologie

devient encore plus évidente :

(176) G%5" 0+79-" .'@"0+, 7&'C92"-" 3.%$' I%0.79&", .*"-" 5"

7&"3".

Lena kupila sobaku, proPitala vsego Šekspira, sdala na prava.

Léna – acheta – chien, – lit – tout – Shakespeare, – passa – pour – permis.

= Léna a acheté un chien, a lu tout Shakespeare, a passé son permis.

En observant cet exemple, on peut remarquer que, compte tenu de la nature des

actions, il est difficile d’installer entre elles des intervalles et de délimiter ainsi le

temps de chaque événement. Il est effectivement délicat d’affirmer que Léna a

séparé dans le temps les actions acheter un chien, lire les livres de Shakespeare

et passer le permis. Le bon sens nous dit qu’il est impossible de lire toutes les

œuvres du grand poète dramatique anglais en une soirée ni passer son permis en

une journée. Il est plus raisonnable de supposer que Léna a mis quelques

semaines, voire quelques mois, pour lire tout Shakespeare, probablement autant

de temps pour passer son permis et en parallèle à ces événements elle s’est

acheté un chien. Il y a lieu donc d’objecter à S. M. Poljanskij : le perfectif livre

effectivement quelques informations sur la délimitation individuelle de l’action

(limite, résultat, achèvement), mais ces informations sont finalement assez floues

et insuffisantes, en indiquant seulement que les événements dans l’énoncé se

sont produits pendant un laps de temps situé avant le moment de l’énonciation.

Pour préciser le temps individuel d’une action et la placer chronologiquement par

rapport à une autre action, le destinataire doit recourir à ses connaissances

encyclopédiques. Et finalement, pour inférer un bon ordre entre les événements,

le destinataire doit confronter toutes les informations, linguistiques et

pragmatiques, qu’il a à sa disposition. En l’occurrence, le contexte minimal de

62 Remarquons que, dans cet énoncé, la tournure 3%.< I%0.79& (ves’ Šekspir – « tout Shakespeare ») peut être également comprise comme : un seul livre ou une seule œuvre de Shakespeare qui sont lus entièrement.

147

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

l’énoncé (175) ne permet pas de définir avec exactitude l’ordre entre les procès.

L’hypothèse finale sera la suivante : Léna a effectué les trois actions (acheter un

chien, lire Shakespeare et passer son permis) sur une période s’étalant de

quelques semaines à quelques mois ou quelques années maximum, lesdites

actions se chevauchant les unes les autres. Pour aboutir à une telle conclusion, le

destinataire tire certainement de ses connaissances encyclopédiques les

hypothèses suivantes : Pour pouvoir s’acheter quelque chose, savoir lire du

Shakespeare, passer le permis de conduire il faut être adulte / Pour pouvoir faire

ces choses, il ne faut pas être trop âgé non plus / Léna a plus de 18 ans mais

moins de 100 ans / Léna a effectué ses actions en quelques années maximum,

etc.

Une autre remarque, concernant le(s) sujet(s) de l’énoncé, nous paraît importante.

Le sujet commun pour deux actions, comme en (176), apporte un lien logique

supplémentaire, contribuant ainsi au calcul d’une relation entre les événements.

Comparons les exemples suivants :

(177) G%5" 7%&%%8"-", 0+79-" .'@"0+.

Lena pereexala, kupila sobaku.

= Léna a déménagé, a acheté un chien.

(178) G%5" 7%&%%8"-", >'-'*/ 0+79- .'@"0+.

Lena pereexala, Volodja kupil sobaku.

= Léna a déménagé, Volodia a acheté un chien.

L’énoncé (177) ne présente pas de difficultés particulières pour être interprété, on

le comprend normalement comme : Léna a déménagé, ensuite elle a acheté un

chien. En revanche, en (178) l’instruction de la relation antériorité / postériorité est

bloquée parce que le destinataire dispose de trop peu d’informations

contextuelles, notamment au sujet des participants concernés. Si aucune relation

pertinente entre les participants n’est connue, il est délicat de s’aventurer dans

des conjectures au sujet des relations chronologiques ou logiques que pourraient

entretenir les deux événements. Le contexte peut nous fournir les interprétations

suivantes de cet énoncé :

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

a) Antériorité / postériorité conditionnée par une relation causale :

(178’) G%5" 7%&%%8"-", 7'Q2',+ >'-'*/ 0+79- .'@"0+

Lena pereexala, poetomu Volodia kupil sobaku.

= Léna a déménagé c’est pourquoi Volodia a acheté un chien.

Par rapport à cette interprétation, on peut imaginer des situations diverses et

variées : Léna et Volodia vivaient ensemble, ils se sont séparés, Léna a

déménagé, Volodia, se sentant seul, s’est acheté un chien ; ou bien Léna et

Volodia étaient collocataires, Volodia voulait prendre un chien mais ne pouvait pas

le faire parce que Léna était allergique aux poils d’animaux, quand Léna a

déménagé Volodia a pu prendre un chien, etc.

b) Postériorité / antériorité conditionnée par une relation causale :

(178’’) G%5" 7%&%%8"-", 2"0 0"0 >'-'*/ 0+79- .'@"0+.

Lena pereexala, tak kak Volodia kupil sobaku.

= Léna a déménagé parce que Volodia avait acheté un chien.

Dans ce cas, on peut par exemple imaginer que Léna et Volodia vivaient sous le

même toit, Volodia voulait que Léna quitte les lieux ; sachant qu’elle ne supporte

pas les chiens il en a acheté un, ce qui l’a fait partir.

c) Relations non différenciées. On peut envisager un contexte où les

événements Léna a déménagé, Volodia a acheté un chien sont inclus dans un

événement plus général, entretenant une relation de partie / tout (relation

d’encapsulation, selon la terminologie de L. de Saussure [Saussure 2003 a : 186-

191]) à l’égard de cet événement général :

(178''') > 7&'#-', $'*+ 7&'9)'#-9 @'-<#9% 9),%5%59/ : G%5"

7%&%%8"-", >'-'*/ 0+79- .'@"0+ (D"#" 5"#-" 5'3+K &"@'2+,

O3"5 .*"- 5" 7&"3"...).

V prošlom godu proizošli bol’šie izmenenija : Lena pereexala, Volodja kupil

sobaku (Maša našla novuju rabotu, Ivan sdal na prava).

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= L’année dernière, il y a eu beaucoup de changements : Léna a

déménagé, Volodia a acheté un chien (Macha a trouvé un nouveau travail,

Ivan a passé son permis…).

Nous considérons donc que la suite des passés perfectifs donne, dans l’énoncé,

l’ordre temporel positif s’il y a un lien conceptuel (logique, stéréotypique ou

thématique) entre les actions qui montre que la première action précède la

deuxième.

1. La première action sert souvent de prémisse pour la deuxième, indiquant un

instrument appliqué dans la deuxième action, un premier stade de la deuxième

action, etc. :

(179) O 3'2 8')/95 3.2"-, &".C%8-9- &+1<F, 3-'19- 7"2&'56

(G5/*3/".(%&0 : 23).

I vot xozjain vstal, rasPexlil ruž’ë, vložil patrony.

Et – voilà – maître – se leva, – déhoussa – fusil, – mit – cartouches.

= Et voilà que le maître se leva, sortit le fusil de sa housse, le chargea.

(180) M$'&+#0% *"-9 -'10+. 45 .2"- %.2< […] (@*Q/+ : 107).

Egoruške dali ložku. On stal est’.

(A) Egorouchka – (on) donna – cuillère. – Il – se mit – manger.

= On donna à Egorouchka une cuillère. Il se mit à manger.

(181) 45 5"-9- .%@% 3'*09 9 3679- (=*"*+&' : 15).

On nalil sebe vodki i vypil.

Il – versa – (à) soi – vodka – et – but.

= Il se versa de la vodka et but.

(182) GF30" 36.7"-./ 9 .%- '@%*"2< (U29*". : 99);

Lëvka vyspalsja i sel obedat’.

Levka – dormit bien et assez – et – s’assit – déjeuner.

= Après avoir bien dormi, Levka se mit à table.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

L’interprétation des deux formes perfectives comme une suite temporelle d’actions

peut être confirmée, explicitée au niveau lexicologique, par les adverbes

(.5"C"-" – snaPala – « d’abord » ; 7'.-% – posle – « après » ; 7'2', –

potom – « puis », )"2%, – zatem – « ensuite » ; 7'.-% C%$' – posle Pego –

« après quoi », etc.) :

(183) D6 7&'.-+#"-9 7%.5K ,'-C", 7'2', &")3%&5+-9 #2"5*"&26

9 7'* )3+09 $&%,/A%$' ,"&#" 3'&3"-9.< 3 T%&%.2%C0' (U29*". :

64).

My proslušali pesnju molPa, potom razvernuli štandarty i pod zvuki

gremjašPego marša vorvalis’ v BerestePko.

Nous – écoutâmes – chanson – en silence, – puis – déployâmes –

étendards – et – sous – sons – (de) tonitruante – marche – entrâmes en

force – à – Bérestetchko.

= Nous avons écouté la chanson en silence, puis avons dressé les

étendards et, aux sons d’une marche militaire tonitruante, avons envahi le

village de Bérestetchko.

(184) 45 7&'19- 3 *%&%35% '0'-' 3'.<,9 -%2, " )"2%, 7%&%@&"-./

5" K$, 3 4*%..+ (T5/((82' : 23).

On prožil v derevne okolo vos’mo let, a zatem perebralsja na jug, v Odessu.

Il – vécut – à – campagne – environ – huit – ans, – et – puis –

déménagea – à – sud, – à – Odessa.

= Il vécut à la campagne environ huit ans, ensuite il s’installa dans le sud, à

Odessa.

Notons un emploi décalé de l’adverbe 2%7%&< – teper’ – « maintenant », capable

de survenir dans le régime narratif, cf. l’exemple suivant :

(185) T9, 3679- 9) &+0"39:6 7'C29 3.K 3'*+. U%7%&< '5

7'.,'2&%- 1%5A95% 3 $-")" 9 .&")+ 1% 7'3%&9- : 8'&'#9(

C%-'3%0 (G5/*3/".(%&0 : 50).

Bim vypil iz rukavicy poPti vsju vodu. Teper’ on posmotrel ženšPine v glaza i

srazu že poveril : xorošij Pelovek.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Bim – but – de – moufle – presque – toute – eau. – Maintenant – il regarda

– femme – dans – yeux – et – immédiatement – alors – crut : – bonne –

personne.

= Bim but presque toute l’eau dans la moufle. Alors il regarda la femme

dans les yeux et sut tout de suite : c’est quelqu’un de bien.

L’intervalle entre les actions peut être explicité à l’aide des adverbes : C%&%) *3"

*5/ – Perez dva dnja – « dans deux jours » ; 2'2C". – totPas – « tout de

suite » ; 3*&+$ – vdrug – « subitement », etc. :

(186) G'#"*< 3'#-" 3 3'*+ 7' @&K8' 9 '.2"5'39-".<, 5' 2'2C".

1% '7/2< 7'#-", 5"7&/$"/ .9-6 […] (@*Q/+ : 429-430).

Lošad’ vošla v vodu po brjuxo i ostanovilas’, no totPas že opjat’ pošla,

naprjagaja sily.

Cheval – entra – dans – eau – jusqu’à – panse – et – s’arrêta, – mais – tout

de suite – alors – se mit en marche, – en tendant – forces.

= Le cheval entra dans l’eau jusqu’au ventre et s’arrêta mais se remit

aussitôt à avancer en rassemblant toutes ses forces.

(187) […] '5 *'7-6- *' .",'( .%&%*956 7-F." 9 56&5+-, 9 C%&%)

,95+2+ 7'0")"-./ 5" *&+$', ,%.2% […] (@*Q/+ : 443).

On doplyl do samoj serediny plesa i nyrnul, i Perez minutu pokazalsja na

drugom meste.

Il –parvint en nageant – jusqu’à – même – milieu – (de) étendue calme – et

– plongea, – et – dans – minute – se montra – dans – autre – endroit.

= Il atteignit le milieu même de la rivière et disparut, puis, un instant plus

tard, il réapparut ailleurs.

2. Certains énoncés présentent une relation de non-simultanéité partielle,

autrement dit une relation temporelle d’antériorité / postériorité incluant un laps de

temps pendant lequel les deux actions peuvent être considérées comme

simultanées. C’est le cas des énoncés où le fait postérieur se déroule sur le fond

d’un fait antérieur, exprimé par un verbe perfectif ingressif ou un verbe perfectif

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

indiquant la phase débutante de l’action (5"C"2< – naPat’ – « commencer »)

[Akimova, Kozinceva 1987 : 277-278] :

(188) > $-")"8 7'7-6-9 0&".56% 7/25", / .2"- .*F&$93"2< . 7-%C"

&+1<F […] ( ]. [/+2".. B %5&+/0 (/('A ; Ruscorpora).

V glazax poplyly krasnye pjatna, ja stal sdërgivat’ s plePa ruž’ë.

Dans – yeux – se mirent à flotter – rouges – taches, – je – commençai –

retirer – de – épaule – fusil.

= Des taches rouges se mirent à danser devant mes yeux, je détachai le

fusil de mon épaule.

On peut également interpréter comme non-simultanéité partielle la relation qui

s’installe entre les événements dont l’un désigne un fait postérieur qui se déroule

sur le fond d’un état résultant exprimé par un verbe perfectif à valeur de parfait

[Akimova, Kozinceva 1987 : 278] :

(189) 45 5"0-'59- $'-'3+ 9 .2"- #+,5', @'-<#9,9 $-'20",9 792<

3'*+ (!. T*/57&*+. M2"*'.%&0 1*"D'A0 "47#>/'/% ; Ruscorpora).

On naklonil golovu i stal šumno, bol’šimi glotkami pit’ vodu.

Il – inclina – tête – et – se mit – bruyamment, – (à) grandes – gorgées –

boire – eau.

= Il pencha la tête et se mit à boire l’eau bruyamment, à grandes gorgées.

3. Dans certains contextes, le locuteur est amené à interpréter le premier

perfectif qui indique le début de l’action (mode d’action ingressif) comme

désignant un fait accompli, strictement antérieur au fait suivant :

(190) N 4-<$" >".9-<%35" 7'#-" 0 .2'-+ 9 2'1% .2"-" 79.a2<

(6. V#)/"2)/+. U2F – & 7/-/+/ ! ; Ruscorpora).

A Ol’ga Vasil’evna pošla k stolu i tože stala pisat’.

Et – Olga – Vassilievna – se mit à marcher – vers – table – et – aussi –

commença – écrire.

= Quant à Olga Vassilevna, elle gagna la table et se mit aussi à écrire.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(191) T%-0" 7'@%1"-" 7' .23'-+ 9 7'39.-" 5" 3%20% […] (]. [/+2"..

;&(-/9/0 ; Ruscorpora).

Belka pobežala po stvolu i povisla na vetke.

Ecureuil – se mit à courir – sur – tronc – et – se suspendit – sur – branche.

= L’écureuil courut sur le tronc et s’immobilisa, accroché à une branche.

Dans ces cas, on perçoit un hiatus entre les deux actions et on reconstruit

mentalement une action supplémentaire entre les deux perfectifs, implicite dans

l’énoncé, cf. :

(190’) N 4-<$" >".9-<%35" 7'#-" 0 .2'-+, .%-" 9 2'1% .2"-"

79.a2< (6. V#)/"2)/+. U2F – & 7/-/+/ ! ; Ruscorpora).

A Ol’ga Vasil’evna pošla k stolu, sela i tože stala pisat’.

Et – Olga – Vassilievna – se mit à marcher – vers – table, – s’assit – et

aussi – commença – écrire.

= Quant à Olga Vassilievna, elle gagna la table, s’assit et se mit aussi à

écrire.

4. Et, enfin, évoquons l’antériorité / postériorité de contact (pour la définition, cf.

pp.139-140 de notre travail). Dans ce cas, le second perfectif désigne la phase

finale de l’action du premier perfectif :

(192) B '@'$5+- @"#5K 9 7'7"- 5" ,'AF55+K @+-61590', +-'C0+

3*'-< .2%56 H&%,-/ (!. ]5(%&0. U#82$'&% H/S82''2 ; Ruscorpora).

Ja obognul bašnju i popal na mošPënnuju bulyžnikom uloPku vdol’ steny

Kremlja.

Je – contournai – tour – et – tombai – sur – revêtue – (de) gros pavés –

ruelle – le long de – mur – (de) Kremlin.

= Je passai la tour et débouchai sur une ruelle pavée qui longeait la

muraille du Kremlin.

(193) D%5/-9 ,%.2", 9)&6-9 3%.< +C".2'0, 9 7'* 0'5%: *'0'7"-9.<

(]. V/895/+(%&0. E2%#".-*- '*'#$'AQ +*C*0 ; Ruscorpora).

Menjali mesta, izryli ves’ uPastok, i pod konec dokopalis’.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(On) changeait – endroits, – creusa – tout – terrain, – et – vers – fin –

trouva.

= On changea d’endroits plusieurs fois, on creusa le terrain partout et enfin

on trouva.

3.4.1.2. (E1) Passé imperfectif) + (E2) Passé imperfectif)

La succession syntaxique des passés imperfectifs peut produire un ordre temporel

positif. Dans ce cas, il s’agit, dans la grande majorité des cas, des procès qui se

répètent :

(194) D"#" 7&9%)1"-" 3 0'-/.0% ; / ."*9-./ 0 5%(, 9 ,6 %8"-9

3,%.2% 3 L+@%C5K, 3%.F-6%, .3'@'*56% (@*Q/+ : 366).

Maša priezžala v koljaske ; ja sadilsja k nej, i my exali vmeste v DubePnju,

vesëlye, svobodnye.

Macha – arrivait – en – calèche ; – je – m’asseyais – auprès de – elle, – et

– nous – roulions – ensemble – à – Doubetchnia – joyeux, – libres.

= Macha venait en calèche ; je prenais place à côté d’elle, et nous allions

ensemble à Doubetchnia, joyeux, libres.

(195) 45" .2"5'39-".< 37%&%*9 8'&", 9.7'-5/-" )"7%3 (K. G/%25*+2.

!+/4 352+)2 ; Ruscorpora).

Ona stanovilas’ vperedi xora, ispolnjala zapev.

Elle – se mettait debout – devant – coeur, – interprétait – solos.

= Elle prenait place devant le chœur, interprétait les solos.

(196) E&'.67"-./ '5 &"5', C".'3 3 7/2<, '*%3"-./, @&"- 059$+,

@95'0-< 9 5%)",%25' 7&'#,6$93"- 5" +-9:+, 0 ,'&K

(]. V/895/+(%&0. E2%#".-*- '*'#$'AQ +*C*0 ; Ruscorpora).

Prosypalsja on rano, Pasov v pjat’, odevalsja, bral knigu, binokl’ i

nezametno prošmygival na ulicu, k morju.

Se réveillait – il – tôt, – heures – à – cinq, – s’habillait, – prenait – livre –

jumelles – et – discrètement – filait – dans – rue, – vers – mer.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Il se réveillait tôt, vers cinq heures, s’habillait, prenait un livre, ses

jumelles et filait discrètement dans la rue, en direction de la mer.

Il est possible que la suite des imperfectifs passés indique une consécution

temporelle des procès qui ne sont pas répétés63. Dans ce cas, le contexte de

l’énoncé doit contenir des éléments restrictifs qui montrent que les actions ne se

produisent qu’une seule fois et ne se répètent pas. Ces éléments restrictifs sont

habituellement des adverbiaux qui limitent la période du déroulement des actions

(3C%&" – vPera – « hier » ; 5" 7&'#-'( 5%*%-% – na prošloj nedele – « la

semaine dernière » ; .5"C"-" … 7'2', – snaPala … potom – « d’abord …

ensuite », etc.) :

(197) E"7" .,'2&%- 2%-%39)'&, " 7'2', 7%- (6. T*"2(&8/+. ?*$'A0

+/152(- ; Ruscorpora).

Papa smotrel televizor, a potom pel.

Papa – regardait – télévision, – et – ensuite – chantait.

= Papa a regardé la télé, ensuite il a chanté.

(198) P%$'*5/ 5/5/ .5"C"-" $+-/-" . ,"-6#',, 7'2', 0'&,9-" %$'

'@%*', (Exemple donné dans [Akimova, Kozinceva 1987 : 285-286)].

Segodnja njanja snaPala guljala s malyšom, potom kormila ego obedom.

Aujourd’hui – nounou – d’abord – se promenait – avec – petit – ensuite –

nourrissait – le – (de) repas.

= Aujourd'hui la nounou a commencé par promener le petit, puis lui a donné

son repas.

(199) N H'.2'$-'2'3" 36)3"-9 5" &%52$%5. 45 1*"- 2",, 7'2',

-%1"- 7'* "77"&"2',, 7'2', %AF 36#%- 5" 0&6-<:'

7'.,'2&%2<, '2C%$' 7'$'*" 2"0"/ 8,+&"/ (6. !/"$*'&FA'.

J2%/+A0 %/53#( ; exemple présenté dans [Sémon 2008 a : 310]).

63 Cf. aussi des remarques intéressantes à ce sujet dans l’article de Jean-Paul Sémon [Sémon 2008].

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

A Kostoglotova vyzvali na rentgen. On ždal tam, potom ležal pod

apparatom, potom ešPë vyšel na kryl’co posmotret’, otPego pogoda takaja

xmuraja.

Et – Kostoglotov – (on) appela – pour – radio. – Il – attendait – là-bas, –

puis – était allongé – sous – appareil, – puis – encore – sortit – sur –

perron – regarder, – pourquoi – temps – si – gris.

= Kostoglotov fut convié à passer la radio. Il attendit là-bas, puis resta

allongé sous l’appareil, puis sortit sur le perron voir pourquoi il faisait si gris.

3.4.1.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif

1. Un passé imperfectif est à même de désigner un procès postérieur au fait

exprimé par un passé perfectif :

(200) 45" 7'#-" 9 -%$-", " / %AF . C". .9*%- 9 &"..,"2&93"-

9--K.2&":99 (@*Q/+ : 383).

Ona pošla i legla, a ja ešPë s Pas sidel i rassmatrival illustracii.

Elle – alla – et – se coucha, – et – moi – encore – environ – heure – étais

assis – et – regardais – illustrations.

= Elle alla se coucher et moi, je restai encore environ une heure à regarder

des illustrations.

(201) 459 +#-9, " / %AF *'-$' .9*%- 5" 7&9.2"59 […]

([. =2#(-/+(%&0. =/+*(-. / $&1'& ; exemple présenté dans [Fontaine

1983 : 122]).

Oni ušli, a ja ešPë dolgo sidel na pristani.

Ils – partirent, – et – moi – encore – longtemps – étais assis – sur –

débarcadère.

= Ils partirent tandis que moi je restai encore longtemps sur le débarcadère.

Rappelons que, normalement, dans l’énoncé qui combine un passé perfectif et un

passé imperfectif, la valeur temporelle par défaut est celle de simultanéité (ou,

dans une autre terminologie, le recouvrement) : le fait exprimé par le passé

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

perfectif se déroulant sur le fond du procès du passé imperfectif. En (200) et (201),

cette instruction par défaut n’est pas valable, annulée par les expressions

adverbiales ešYë s Yas (« environ une heure encore ») et ešYë dolgo (« encore

longtemps ») qui indiquent une limitation dans le temps de l’imperfectif.

Dans l’exemple suivant (qui est la continuation de l’énoncé (185)) :

(202) T9, […] 7'.,'2&%- 1%5A95% 3 $-")" 9 .&")+ 1% 7'3%&9- :

8'&'#9( C%-'3%0. O -9)"-, -9)"- %F $&+@6%, 3 2&%A95"8, &+09,

.-9)63"/ 0"7%-<09, 7"*"KA9% 9) $-") (G5/*3/".(%&0 : 50).

Bim posmotrel ženšPine v glaza i srazu že poveril : xorošij Pelovek. I lizal,

lizal eë grubye, v trešPinax, ruki, slizyvaja kapel’ki, padajušPie iz glaz.

Bim – regarda – femme – dans – yeux – et – aussitôt – alors – crut : –

bonne – personne. – Et – léchait, – léchait – ses – rugueuses, – avec –

crevasses – mains, – en avalant en léchant – gouttelettes, – tombantes

de – yeux.

= Bim regarda la femme dans les yeux et vit tout de suite : c'est quelqu'un

de bien. Et il léchait, léchait ses mains rugueuses, abîmées, en avalant les

petites gouttes qui tombaient de ses yeux ;

la postériorité du procès exprimé par le passé imperfectif (léchait) est déclenchée

par l’hypothèse causale : Le chien Bim crut que devant lui se trouvait quelqu’un de

bien, c’est pourquoi il léchait les mains de cette personne. Le choix de l’imperfectif

lizal (« léchait ») pour indiquer un procès postérieur peut être expliqué par le fait

que l’auteur a voulu donner à l’événement une dimension aspectuelle de

l’étendue, comparable à une longue séquence cinématographique. Cf. aussi les

exemples suivants :

(203) E'2', '5" @6.2&' +3%-" >'-'*<0+ '2 Q2'$' *%&%3" 0

*&+$',+ 9 :%-'3"-".< . *&+$9, 5".2&'%59%, […] (K. G/%25*+2.

!+/4 352+)2 ; Ruscorpora).

Potom ona bystro uvela Volod’ku ot etogo dereva k drugomu i celovalas’

uže s drugim nastroeniem.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Puis – elle – vite – emmena – Volodka – de – ce – arbre – vers – autre –

et – s’embrassais – avec – autre – humeur.

= Puis, elle éloigna rapidement Volodka de cet arbre vers un autre et

l’embrassait avec une autre humeur.

(204) 42.5/-9 %AF *+@-<, '7/2< 1*"-9, 0+&9-9 (T. U2%"2'/+. K

8*(-* (+*-"/8, + 8*(-* 1"2,'/8, + 8*(-* 3/%/0'/8 ; Ruscorpora).

Otsnjali ešPë dubl’, opjat’ ždali, kurili.

(On) tourna – encore – scène, – à nouveau – attendait, – fumait.

= On a tourné la scène encore une fois, après quoi on s’est à nouveau

interrompu, on a fumé.

2. On trouve aussi des énoncés dans lesquels le passé perfectif exprime un fait

unique suivi d’un procès répété. Dans ce cas, la forme du passé imperfectif est

normalement accompagnée d’un adverbial indiquant une répétition (C".2' –

Pasto – « souvent » ; 0"1*6( *%5< – každyj den’ – « chaque jour » ; C".",9 –

Pasami – « pendant des heures », etc.) :

(205) 45 0+79- &K0)"0 9 0"1*6( 3%C%& 368'*9- 5" 7&',6.%- […]

(6. !"23/+(%&0. ?* (9A"2(. 8/4 8*,-2 ; Ruscorpora).

On kupil rjukzak i každyj vePer vyxodil na promysel.

Il – acheta – sac à dos – et – chaque – soir – sortait – à – chasse.

= Il acheta un sac à dos et tous les soirs sortait chercher sa proie.

(206) XC".2'0 @6- '$&',56(, E"3%- N-%0.%%39C +.2&'9- C%26&%

0'&,+#09, 9 U"5/ C".",9 5"@-K*"-", 0"0 0'&,9-9.< 5"

*%&%3/55', .2'-90%, 7'* 0'.6, 5"3%.', 0&".5'$&+*6% .5%$9&9

9 2%,5'AF09% .959:6 (;. B"&F%24. =#-*>*(-+&* + (*).8#<

(-/5/'# (+*-2 ; Ruscorpora).

UPastok byl ogromnyj, Pavel AlekseeviP ustroil Petyre kormuški, i Tanja

Pasami nabljudala, kak kormilis’ na derevjannom stolike, pod kosym

navesom krasnogrudye snegiri i temnošPëkie sinicy.

Terrain – était – gigantesque, – Pavel – Alexeevitch – installa – quatre –

mangeoires, – et – Tania – heures – contemplait – comment – sur – en

159

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

bois – tablette, – sous – oblique – toit – à poitrine rouge – bouvreuils – et –

à joues foncées – mésanges.

= Le terrain était gigantesque, Pavel Alexeevitch y installa quatre

mangeoires, et Tania regardait des heures durant manger sur une tablette

en bois, sous un toit oblique, les bouvreuils à poitrine rouge et les

mésanges aux joues foncées.

3. Dans les énoncés que nous venons d’examiner, l’intervalle entre les

événements n’est pas spécialement marqué. Il existe néanmoins un type d’énoncé

où la relation d’antériorité / postériorité en question (un fait est antérieur à un

procès) est soutenue par un intervalle explicite entre les actions. Cet intervalle est

perçu comme un « saut », l’omission d’une action qui devrait avoir lieu entre le fait

exprimé par le perfectif et le procès exprimé par l’imperfectif. Habituellement, dans

les énoncés de ce type, le procès de l’imperfectif est accompagné par un adverbe

temporel (+1% – uže – « déjà » ; C%&%) *3" C"." – Perez dva Pasa – « dans deux

heures », etc.) [Akimova, Kozinceva 1987 : 285] :

(207) 45 7&'#F- 3 7"85+A9( .",'3"&', 3'0)"- 9 C%&%) ,95+2+

.9*%- 3 0+7% ,%1*+5"&'*5'$' 3"$'5" (O. U#'&' ; exemple donné

dans [Akimova, Kozinceva 1987 : 285]).

On prošël v paxnušPij samovarom vokzal i Perez minutu sidel v kupe

meždunarodnogo vagona.

Il – passa – dans – sentant – samovar – gare – et – dans – minute – était

assis – dans – compartiment – (de) internationale – voiture.

= Il entra dans la gare qui exhalait l’odeur de samovar et une minute plus

tard il était déjà assis dans le compartiment d’une voiture des lignes

internationale.

(208) N..9.2%52 56&5+- 7'* 3%&F30+ 9 3.0'&% 7'*3'*9-

*%."52590" 0 &%19..F&+ (T. U2%"2'/+. K 8*(-* (+*-"/8, + 8*(-*

1"2,'/8, + 8*(-* 3/%/0'/8 ; Ruscorpora).

Assistent nyrnul pod verëvku i vskore podvodil desantnika k režissëru.

Assistant – plongea – sous – corde – et – bientôt – amenait – para – vers –

réalisateur.

160

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= L’assistant plongea sous la corde et peu de temps après ramenait le para

vers le réalisateur.

3.4.1.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif

1. Le passé perfectif exprime un fait qui met la fin au procès du passé

imperfectif. Cf. les exemples (142), (143), (144), pp. 122-123, ou les exemples

suivants :

(209) !'C<K L%,%529( U&9?'5'39C 79."-, .9*/ )" .2'-', […]. 45

.-'19- 79.<,' 9 .0")"- […] (T5/((82' : 105).

NoP’ju Dementij TrifonoviP pisal sidja za stolom. On složil pis’mo i skazal.

(Pendant) nuit – Démenti – Trifonovitch – écrivait, – étant assis – à – table.

– Il – plia – lettre – et – dit.

= La nuit, Démenti Trifonovitch écrivait, assis à table. Il plia la lettre et dit

[…].

(210) W%-'3%C%0 C92"- $")%2+, '2'&3"-./ 5" ,"-'% 3&%,/,

7'.,'2&%- 5" O3"5"… (K. W#%>&'. =*,%&-"2+/,%& ; Ruscorpora).

ZelovePek Pital gazetu, otorvalsja na maloe vremja, posmotrel na Ivana...

Bonhomme – lisait – journal, – s’interrompit – pour – petit – temps –

regarda – sur – Ivan.

= Le bonhomme lisait un journal, interrompit sa lecture pendant un moment,

regarda Ivan…

(211) D9,' #-" 0"0"/-2' .2"&+#0" . .+,'C0'(, '.2"5'39-".<…

(K. W#%>&'. [2"&'2 %52('24 ; Ruscorpora).

Mimo šla kakaja-to staruška s sumoPkoj, ostanovilas’.

Devant – passait – quelconque – vieille – avec – petit sac, – s’arrêta.

= Une petite vieille qui passait devant avec un sac, s’arrêta.

La postériorité de l’action du passé perfectif peut être mise en évidence à l’aide de

l’adverbe potom – potom – « ensuite, puis » :

161

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(212) T9, '@5K893"-, 2&'$"- -"7'( )" *-9556( 5'., 7'2', .%-,

7'*&"$93"/ 9 7%&%@9&"/ 7%&%*59,9 -"7",9 3 +*93-%599

(G5/*3/".(%&0 : 12).

Bim obnjuxival, trogal lapoj za dlinnyj nos, potom sel, podragivaja i

perebiraja perednimi lapami v udivlenii.

Bim – flairait, – touchait – (avec) patte – sur – long – museau, – puis –

s’assit, – en tremblant – et – en piétinant – de devant – pattes – dans –

étonnement.

= Bim reniflait, touchait avec sa patte le long museau [de l’animal], puis

s’assit, ses pattes de devant tremblant et piétinant d’étonnement.

(213) >%&5+3#9.< . 7-/1", '5" *'-$' 7&959,"-" *+#, 7'2',

7&'2F&-" )"7'2%3#%% '05' (M2Q5/+24 &(-/5&4 // V/8/+/0,

09.04.2002 ; Ruscorpora).

Vernuvšis’ s pljaža, ona dolgo prinimala duš, potom protërla zapotevšee

zerkalo.

Etant revenue – de – plage, – elle – longtemps – prenait – douche, –

ensuite – essuya – embuée – glace.

= Revenue de la plage, elle est longtemps restée sous la douche, après elle

a essuyé la glace embuée.

2. La relation d’antériorité / postériorité de contact que nous avons signalée

dans la combinaison avec deux formes de passé perfectif se réalise aussi dans la

séquence passé imperfectif + passé perfectif, la seconde action étant un ultime

stade et / ou un résultat, un aboutissement du premier procès :

(214) 45 36$&%@"- &+0",9 9 367-6- 5" 7'3%&85'.2<.

On vygrebal rukami i vyplyl na poverxnost’.

Il – ramait – (avec) bras – et – remonta en nageant – à – surface.

= Il ramait avec les bras et remonta à la surface.

(215) H'&6295 .", %)*9- 5" .2"5:9K, 0 7'%)*+, %F 3.2&%C"2< 9

7&93F) 7&/,' 0 5"0&62',+ .2'-+ (U. X%&8/+. =&'/,*- ;

Ruscorpora).

162

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Korytin sam ezdil na stanciju, k poezdu, eë vstrePat’ i privëz prjamo k

nakrytomu stolu.

Korytine – lui-même – roulait – à – station, – vers – train, – la – accueillir –

et – amena en roulant – directement – vers – servie – table.

= Korytine alla en personne la chercher à la gare, à son train, et la ramena

directement vers la table servie.

(216) O),+C%556( @'-<K 3 @'0+, -'.F5'0 5% '*95 %AF *%5< @&'*9- 3

-%.+ 9 7&9#F- .K*", 3 '.95590 + H&93'( .'.56 (]. [/+2".. B

[5&+/0 (/('A ; Ruscorpora).

IzmuPennyj bol’ju v boku, losënok ne odin ešPë den’ brodil v lesu i prišël

sjuda, v osinnik u Krivoj sosny.

Harassé – (par) douleur – dans – flanc, – petit élan – non – une – encore –

journée – rôdait – dans – forêt – et – vint – ici, – dans – tremblaie – près de

– Tordu – Pin.

= Harassé par la douleur dans le flanc, le petit élan, après avoir rôdé

plusieurs jours dans la forêt, vint ici, dans la tremblaie près du Pin Tordu.

(217) E%&36( 0'C%$"& […] 7&'*'-1"- 3')92<./ . @+26-0",9 9

5"0'5%: .-%$0" .*395+- 0&6#0+ '*5'( 9) @+26-'0 […]

(E. O(%2')*5. U*)'A0 )*827/7 ; Ruscorpora).

Pervyj koPegar prodolžal vozit’sja s butylkami i nakonec slegka sdvinul

kryšku odnoj iz butylok.

Premier – chauffeur – continuait – s’occuper – de – bouteilles – et – enfin –

légèrement – fit glisser – couvercle – (de) une – de – bouteilles.

= Le premier chauffeur s’obstinait à ouvrir les bouteilles et réussit enfin à

déplacer le couvercle de l’une d’elles.

Souvent, les actions sont accompagnées d’adverbiaux restrictifs de temps qui

précisent le cadre temporel des événements :

(218) 45 #F- 3.K 5'C< @%) *'&'$9, 5"+$"* 9 5" &"..3%2% 'C+29-./

5" )"*"8 0"0'(-2' *%&%359 (K. [2-2*+. G52+2 129+*'.4 ;

Ruscorpora).

163

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

On šël vsju noP’ bez dorogi, naugad i na rassvete oPutilsja na zadax kakoj-

to derevni.

Il – marchait – entière – nuit – sans – chemin, – à l’aveugle – et – à –

aube – se retrouva – sur – derrère – (de) quelconque – village.

= Il marcha toute la nuit sans route, à l'aveugle et à l'aube se retrouva

derrière un village.

3.4.2. Postériorité / antériorité

3.4.2.1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif

Dans les énoncés où la succession des passés perfectifs désigne la régression

temporelle, cette signification est inférée grâce à des hypothèses conceptuelles,

stéréotypiques ou causales, qui annulent l’ordre temporel positif :

(219) B 3679- %AF @'0"- )"3%25'$' ,+.0"2". J"9." C'05+-".< .'

,5'( (U29*". : 325).

Ja vypil ePšë bokal zavetnogo muskata. Raisa Poknulas’ so mnoj.

Je – bus – encore – verre – (de) exceptionnel – muscat. – Raïssa – trinqua

– avec – moi.

= J’ai bu encore un verre de ce muscat exceptionnel, Raïssa ayant trinqué

avec moi.

On sait que normalement on trinque avant de boire, et dans ce contexte aucune

autre hypothèse ne vient contredire cette règle conceptuelle stéréotypique, donc le

destinataire infère l’ordre temporel régressif : j’ai bu, Raïssa avait trinqué avec

moi.

Cet exemple peut aussi recevoir une autre interprétation : le second fait (trinquer)

est considéré comme un détail par rapport au fait plus général qui l’englobe

(boire). Il s’agit alors de la simultanéité.

Observons l’exemple suivant :

164

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(220) P2"&90 […] 36#%- )" 3'&'2". U+*" 7&9#-" 9 T".<0" 3.-%* )"

59,. 45" '*%-" ,+1.09% #29@-%26 9 '&"51%3'% 7-"2<%, '5"

'*%-" #-/7+, '@3%#"55+K 729:",9, 9 +.%-".< 5" -"3'C0%

(U29*". : 229).

Starik vyšel za vorota. Tuda prišla i Bas’ka vsled za nim. Ona odela

mužskie štiblety i oranževoe plat’e, ona odela šljapu, obvešannuju pticami, i

uselas’ na lavoPke.

Vieillard – sortit – derrière – portes. – Là-bas – vint – et – Baska – suite –

derrière – lui. – Elle – mit – masculins – chaussures – et – orange – robe, –

elle – mit – chapeau, – décoré – (de) oiseaux, – et – s’assit – sur – petit

banc.

= Le vieux sortit hors de la cour intérieure de la maison. Baska à son tour

vint là-bas le rejoindre. Elle portait des chaussures d’homme et une robe

orange, elle portait un chapeau, décoré d’oiseaux. Elle s’assit sur un banc.

L’ordre réel des événements est : (B1 + B2 (s’habiller)) d A (sortir) d C (s’asseoir

sur un banc). Le destinataire infère cette succession grâce aux hypothèses

stéréotypiques : on s’habille avant de sortir et non après ; on s’assoit sur un banc

après être sorti de la maison.

Cf. aussi un autre exemple où l’ordre temporel négatif est inféré par le biais d’une

hypothèse conceptuelle :

(221) >*"-9 '2 &'*5'$' *'," +,%& H9&9-- 9 2"0 .0")"- 7%&%*

.,%&2<K […] (6. ^20F*+. U52-.4 ; Ruscorpora).

Vdali ot rodnogo doma umer Kirill i tak skazal pered smert’ju.

Loin – de – natale – maison – mourut – Cyril – et – ainsi – dit – avant –

mort.

= Cyril mourut loin de sa maison natale et dit, avant de mourir […].

Comme nous l’avons signalé un peu plus haut, la ponctuation par écrit, et

l’intonation oralement, peuvent contribuer à l’inférence de l’ordre temporel négatif,

cf. :

165

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(222) L/*/ >'-'*/ )"*+,"-./ 5"* [#"8,"25'(] *'.0'( : P-"30"

5%'19*"55' .*%-"- 0"3%&)56( 8'* (W#%>&' : 51).

Djadja Volodja zadumalsja nad šaxmatnoj doskoj : Skavka neožidanno

sdelal kaverznyj xod.

Oncle – Volodia – se mit à réfléchir – au-dessus de – échiquier : – Slavka –

d’une manière inattendue – fit – rusé – déplacement.

= L’oncle Volodia se mit à réfléchir au-dessus de l’échiquier : Slavka avait

joué un coup astucieux.

Plus précisément, les deux points servent souvent à confirmer une relation

causale entre deux événements, c’est pourquoi on infère normalement, dans cet

énoncé : L’oncle Volodia prit l’air pensif, parce que Slavka avait joué d’une façon

astucieuse. Cet énoncé présente donc deux relations à la fois : temporelle et

causale.

Dans d’autres cas, c’est le contexte linguistique, c’est-à-dire les énoncés

précédant ou suivant l’énoncé examiné, qui conduit le destinataire à privilégier la

relation de postériorité / antériorité (ordre temporel négatif).

Aussi l’exemple ci-dessous, sans contexte supplémentaire, serait-il interprété

comme présentant une relation d’antériorité / postériorité (ordre temporel positif) :

(223) N5*&%( 3%&5+-./ 3 *',. V')/(0" . *'C%&<K .'@&"-9 3 ,%#'0

C+$+56 9 7'.+*+.

Andrej vernulsja v dom. Xozjajka s doPer’ju sobrali v mešok Puguny i

posudu.

André – retourna – à – maison. – Maîtresse de maison – avec fille –

ramassèrent – dans – sac – pots – et – vaisselle.

= André retourna à la maison. La maîtresse de maison et sa fille

ramassèrent les pots et la vaisselle dans un sac.

Cependant, dans un contexte plus large, le destinataire est amené à annuler

l’hypothèse de l’ordre temporel positif et à conclure à la postériorité du fait A par

rapport au fait B :

166

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(223') N5*&%( 3%&5+-./ 3 *',. V')/(0" . *'C%&<K .'@&"-9 3 ,%#'0

C+$+56 9 7'.+*+. Z&'-, 7'-7'0'(59:09 .0&%.293 5" $&+*9

7"-<:6, -%1"- 5" -"30% +1% 3 '*598 C+-0"8 (W/"/Q/+, I : 77).

Andrej vernulsja v dom. Xozjajka s doPer’ju sobrali v mešok Puguny i

posudu. Frol, po-pokojnicki skrestiv na grudi pal’cy, ležal na lavke uže v

odnix Pulkax.

André – retourna – à – maison. – Maîtresse de maison – avec – fille –

ramassèrent – dans – sac – pots – et – vaisselle. – Frol, – à la manière de

défunt – ayant croisé – sur – poitrine – doigts, – était allongé – sur – banc –

en – seules – chaussettes.

= André retourna à la maison. La maîtresse de maison et sa fille avaient

déjà ramassé les pots et la vaisselle dans un sac. Frol, n'ayant gardé que

ses chaussettes, les doigts croisés sur sa poitrine à la manière d’un défunt,

était allongé sur le banc.

Grâce à l’amplification du contexte, on comprend qu’André retourna à la maison et

vit le tableau suivant : les femmes avaient déjà ramassé les pots et la vaisselle et

Frol était allongé déjà rien qu’en chaussettes.

Des connecteurs temporels du type déjà, d’abord, ensuite influencent évidemment

la lecture de la relation entre les événements :

(224) !"095+- 79*1"0, .5/- . 7%C9 3"-%509, 36#%-. E'-'3:%3 +1%

33F- 3 0"-920+ 0'5/, )"7%& 3'&'2" 5" )".'3 (W/"/Q/+, I : 197).

Nakinul pidžak, snjal s pePi valenki, vyšel. Polovcev uže vvël v kalitku konja,

zaper vorota na zasov.

[Il] mit – veste, – enleva – de – poêle – valenkis, – sortit. – Polovtsev – déjà

– introduit – dans – portillon – cheval, – ferma – portes – à – verrou.

= Il mit la veste, prit les valenkis sur le poêle, sortit. Polovtsev avait déjà

amené le cheval dans la cour et fermé les portes.

Dans cet exemple, les actions successives amener, fermer sont interprétées

comme antérieures à l’action de sortir grâce à l’adverbe uže.

167

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.4.2.2. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif

Nous n’avons pas rencontré d’exemples qui contiendraient cette combinaison.

Une telle conjoncture nous semble pourtant possible bien qu’extrêmement rare, cf.

l’exemple construit :

(225) >'-'*/ 3')3&"A"-./ *','( *"-%0' )"7'-5'C<, '5 .%$'*5/

*'7')*5" &"@'2"- 3 -"@'&"2'&99.

Volodja vosvrašPalsja domoj daleko zapolnoP’, on segodnja dopozdna

rabotal v laboratorii.

Volodia – rentrait – (à) maison – loin – minuit passé, – il – aujourd’hui –

jusqu’à tard – travaillait – dans – laboratoire.

= Volodia rentrait à la maison minuit bien passé, ce jour-là il a travaillé tard

dans le laboratoire.

Nous avons déjà noté la contradiction entre la nature de l’imperfectif (qui présente

habituellement le procès dans son stade médian ou désigne la répétition de

procès) et la valeur de non-simultanéité. Il est donc difficile et coûteux pour une

suite d’imperfectifs d’exprimer la progression temporelle. Quant à la régression

temporelle, son expression par les imperfectifs est d’autant plus impertinente que

s’impose alors une contrainte supplémentaire d’ordre des mots iconique. Pour que

la suite d’imperfectifs exprime l’ordre temporel régressif, il est impératif que

l’énoncé présente de puissants supports contextuels (hypothèses contextuelles

et / ou indices lexicaux). Probablement, le deuxième imperfectif doit souvent avoir

la valeur explicative intrinsèque comme en (225), fréquemment renforcée par des

éléments modaux (une appréciation du locuteur) comme dans l’exemple suivant :

(226) 45 8'&'#' '23%C"- 5" Q0)",%5"8, 5% )&/ )+@&9- 3.K 5%*%-K.

On xorošo otvePal na ekzamenax, ne zrja zubril vsju nedelju.

Il – bien – répondait – à – examens, – ne – en vain – bachotait entière –

semaine.

= Il a bien répondu aux examens, ce n’est pas en vain qu’il avait bachoté

toute une semaine.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Soulignons à nouveau l’importance du sujet (commun ou non) et des liens

causaux ou stéréotypiques pour l’interprétation de l’énoncé. Dans l’exemple

suivant :

(227) >'-'*/ -'19-./ 3 7'.2%-<. E-'25' )"0&63"- .2"359, C2'@6

*5%35'( .3%2 5% @+*9- %$'.

Volodja ložilsja v postel’. Zakryval plotno stavni, Ptoby dnevnoj svet ne budil

ego.

Volodia – s’allongeait – dans – lit. – Bien – fermait – volets, – pour que –

(de) jour – lumière – ne – révéillait – le.

= Volodia se mettait au lit, baissait bien les volets pour que la lumière du

jour ne le révéillât pas ;

on infère que le procès fermer les volets précède celui de se mettre au lit, grâce

au sujet commun pour tous les procès (Volodia) et grâce à l’hypothèse

conceptuelle stéréotypique : on baisse les volets avant de dormir.

Comparons l’énoncé (227) avec les énoncés où : 1) le sujet n’est pas le même

mais il existe un lien conceptuel évident entre deux événements (228) ; 2) le sujet

est le même mais il n’y a pas de liens causaux ou stéréotypiques évidents (229) ;

3) le sujet n’est pas le même et il n’y a pas de liens causaux ou stéréotypiques

(230) :

(228) >'-'*/ -'19-./ 3 7'.2%-<. G%5" 7-'25' )"0&63"-" .2"359,

C2'@6 *5%35'( .3%2 5% @+*9- %$'.

Volodja ložilsja v postel’. Lena plotno zakryvala stavni, Ptoby dnevnoj svet

ne budil ego.

Volodia – s’allongeait – dans – lit. – Léna – bien – fermait – volets, – pour

que – (de) jour – lumière – ne – réveillait – lui.

= Volodia se mettait au lit. Léna fermait bien les volets pour que la lumière

du jour ne le réveillât pas.

(229) >'-'*/ -'19-./ 3 7'.2%-<, 0'&,9- 0'#0+.

Volodja ložilsja v postel’, kormil košku.

Volodia – s’allongeait – dans – lit, – nourrissait – chat.

= Volodia se mettait au lit, donnait à manger au chat.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(230) >'-'*/ -'19-./ 3 7'.2%-<. G%5" 0'&,9-" 0'#0+.

Volodja ložilsja v postel’. Lena kormila košku.

Volodia – s’allongeait – dans – lit. – Léna – nourrissait – chat.

= Volodia se mettait au lit. Léna donnait à manger au chat.

En (228), on conclut à une relation causale entre A et B : Léna fermait les volets

parce que Volodia se couchait. La relation temporelle n’est pas déterminée : Léna

peut fermer les volets juste avant, pendant ou juste après que Volodia se couche.

En (229), si on sait que le locuteur a l’intention de communiquer quelque chose,

donc si on exclut la possibilité que l’énoncé est absurde, on infère l’ordre temporel

positif : Volodia se couchait et ensuite, de son lit, donnait à manger au chat.

La lecture neutre de l’énoncé (230) attribuerait aux procès A et B une relation

temporelle non différenciée (ou, à la limite, une simultanéité partielle). Cependant,

une intonation qui met en relief le prénom Léna (baisse de la voix focalisante sur

la syllabe accentuée de Léna) changerait l’interprétation de cet énoncé, en lui

assignant une hypothèse causale : Volodia se couchait, et c’est pourquoi Léna

donnait à manger au chat. Remarquons que le même résultat est atteint si on

change l’ordre des mots, en mettant Léna à la fin (Léna formant le rhème) :

H'#0+ 0'&,9-" / G%5". – Košku kormila / Lena. – C’était Léna qui donnait à

manger au chat (Il est également possible : Košku / kormila Lena. – Quant au

chat, c’était Léna qui lui donnait à manger).

Bien entendu, des adverbiaux peuvent faciliter l’inférence d’une relation temporelle

(ou logique), cf. :

(227') >'-'*/ -'19-./ 3 7'.2%-<, 5' .5"C"-" 7-'25' )"0&63"-

.2"359, C2'@ *5%35'( .3%2 5% @+*9- %$'.

Volodja ložilsja v postel’, no snaPala plotno zakryval stavni, Ptob dnevnoj

svet ne budil ego.

Volodia – s’allongeait – dans – lit, – mais – d’abord – bien – fermait –

volets, – pour que – (de) jour – lumière – ne – réveillait – le.

= Volodia se mettait au lit mais d'abord baissait bien les volets pour que la

lumière du jour ne le réveille (réveillât) pas.

170

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(229') >'-'*/ -'19-./ 3 7'.2%-<, 5' .5"C"-" 0'&,9- 0'#0+.

Volodja ložilsja v postel’, no snaPala kormil košku.

Volodia – s’allongeait – dans – lit, – mais – d’abord – nourrissait – chat.

= Volodia se mettait au lit mais d'abord donnait à manger au chat.

3.4.2.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif

La relation de postériorité / antériorité dans cette combinaison n’est pas non plus

très fréquente, inhibée par les valeurs aspecto-temporelles des verbes. Si ces

dernières sont annulées par une hypothèse contextuelle, le destinataire peut être

alors amené à inférer la postériorité du fait de passé perfectif au procès exprimé

par un passé imperfectif :

(231) T-91% 0 +2&+ [&9( N5*&%%39C 7&'.5+-./ 3 *&+$'( &"). 47/2<

%,+ .59-'.< C2'-2' 7&9/25'% (=2(-*5'2% : 276).

Bliže k utru Jurij AndreeviP prosnulsja v drugoj raz. Opjat’ emu snilos’ Pto-to

prijatnoe.

Plus près – de – matin – Iouri – Andreevitch – se réveilla – à – autre – fois.

– Encore – (à) lui – (il) rêvait – quelque chose – agréable.

= Vers le matin, Iouri Andreevitch se réveilla encore une fois. Il avait de

nouveau rêvé de quelque chose d’agréable.

N’ayant pas trouvé beaucoup d’exemples, nous supposons néanmoins que, dans

un tel cas de figure, le passé imperfectif aurait souvent une valeur explicative, cf.

l’exemple construit :

(232) H'2F5'0 7&','0 *' 59209. 45 (*'-$', 3.K 5'C<, *3" C".")

$+-/- 7'* *'1*F,.

Kotënok promok do nitki. On (dolgo, vsju noP’, dva Pasa) guljal pod

doždëm.

Chaton – fut trempé – jusqu’à – fil. – Il – (longtemps, – entière – nuit, –

deux – heures) – se promenait – sous – pluie.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Le chaton fut complètement trempé. Il était resté (longtemps, toute la nuit,

deux heures) sous la pluie.

Les adverbes restrictifs de temps ne sont pas décisifs pour limiter la durée du

procès de l’imperfectif car le passé perfectif, incarnant le résultat ou la phase

finale, pose par sa sémantique la limite de ce procès.

Le procès du passé imperfectif peut contenir des éléments modaux

d’appréciation :

(233) H9.-/&.09( .*%-"-./ ,&",'&56,. MAF .%$'*5/ '5 2"0 30+.5'

9 .7'0'(5' '@%*"-, %- 0+&956% 7+7'C09, @+-<'5 . '&%#0",9 9

59C%$' 5% )5"- ' .2&"#5', « .'K)% ,%C" 9 '&-" » (O".S,

=*-5/+ : 124).

Kisljarskij sdelalsja mramornym. EšPë segodnja on tak vkusno i spokojno

obedal, el kurinye pupoPki, bul’on s oreškami i niPego ne znal o strašnom

« sojuze mePa i orla ».

Kisliarski – devint – (de) marbre. – Encore – aujourd’hui – il – si – bon – et –

tranquillement – déjeunait, – mangeait – gésiers de poulet, – bouillon –

avec – noisettes – et – rien – ne – savait – sur – terrifiante – « union – (de)

glaive – et – aigle ».

= Kisliarski se pétrifia. Aujourd'hui encore, il avait si bien et si tranquillement

déjeuné, mangé des gésiers de poulet, du bouillon aux noisettes et ne

savait rien de la terrifiante « union du glaive et de l'aigle ».

3.4.2.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif

Dans les énoncés avec cette combinaison, le passé perfectif prend une valeur

explicative :

(234) O.79."556% O3"5', -9.209 3"-/-9.< 5" 7'-+ ; 98 .*+-'

3%2&',, 3-%2%3#9, 3 0',5"2+ 7%&%* 5"C"-', $&')6 (U#"72%/+ :

116).

172

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Ispisannye Ivanom listki valjalis’ na polu ; ix sdulo vetrom, vletevšim v

komnatu pered naPalom grozy.

Ecrites – (par) Ivan – feuilles – jonchaient – sur – sol ; – les – (il) emporta –

(par) vent, – venu en volant – dans – pièce – avant – début – (de) orage.

= Les feuilles de papier écrites par Ivan jonchaient le sol ; elles avaient été

emportées par le vent qui s’était engouffré dans la chambre avant le début

de l’orage.

Dans cet énoncé, l’antériorité de l’action du passé perfectif est inférée grâce à

l’hypothèse causale qui vient naturellement à l’esprit : les feuilles jonchaient le sol

parce qu’elles étaient emportées par le vent. Cependant, un simple adverbe

suffirait pour changer l’ordre en positif : O.79."556% O3"5', -9.209

3"-/-9.< 5" 7'-+ ; 7'2', (potom) 98 .*+-' 3%2&',, 3-%2%3#9, 3

0',5"2+ 7%&%* 5"C"-', $&')6. – « Les feuilles jonchaient par terre, ensuite le

vent les emporta ».

3.4.3. Simultanéité

Définition. Les événements A et B sont simultanés si ces événements ont lieu

pendant un laps de temps t, le déroulement de l’événement A ne contredisant à

aucun moment la réalisation de B et, inversement, le déroulement de l’événement

B ne contestant pas la réalisation de A. Remarquons que A e B et que A et B

coincident à un moment ou à un autre :

(235) W"7"%3 3.F 2"0 1% .9*%- 5"7&'293 .' .2"0"5', 3 &+0%, C2'-

2' 5"7%3"- .%@% 7'* 5'. 9 $-/*%- 3 .2%5+ (=*"*+&' : 150).

Zapaev vsë tak že sidel naprotiv so stakanom v ruke, Pto-to napeval sebe

pod nos i gljadel v stenu.

Tchapaev – tout – ainsi – alors – était assis – en face – avec – verre –

dans – main, – quelque chose – chantonnait – à soi – sous – nez – et –

regardait – dans – mur.

= Tchapaev était toujours assis en face de moi, un verre à la main, il

chantonnait doucement quelque chose et fixait le mur.

173

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(236) !'C<K L%,%529( U&9?'5'39C 79."-, .9*/ )" .2'-',. S%5" 3

8"-"2% .9*%-" 7'*-% 5%$', .-%*9-" )" %$' &+0'( (T5/((82' : 105).

NoP’ju Dementij TrifonoviP pisal, sidja za stolom. Žena v xalate sidela podle

nego, sledila za ego rukoj.

(Pendant) nuit – Démenti – Trifonovitch – écrivait, – étant assis – à table. –

Femme – en – robe de chambre – était assise – près de – lui, – suivait –

derrière – sa – main.

= La nuit, Dementi Trifonovitch écrivait, assis à la table. Sa femme en robe

de chambre était assise près de lui, observait sa main.

3.4.3.1. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif

Cette configuration transmet le mieux la simultanéité des événements dans la

langue. L’imperfectif, qui désigne généralement un procès non ponctuel

(5%2'C%C5'% *%(.239% – netoPePnoe dejstvie), et sous-entend donc une durée

de l’action dans le temps, permet à deux événements de coïncider durant un laps

de temps. On ne peut prétendre que les événements considérés comme

concomitants le sont réellement pendant chaque instant de leur déroulement.

D’une certaine façon, la langue construit un cadre temporel d’observation dans

lequel se produisent les procès interprétés comme simultanés. L’esprit humain ne

peut pas retenir et fixer toutes les caractéristiques instables, versatiles, fugaces

des objets ou des événements et ne retient que des propriétés stables qui durent

assez de temps pour être remarqués et fixés. En ce qui concerne les procès non

ponctuels, la langue souligne des moments de leur stabilité qualitative, en les

représentant habituellement dans leur phase médiane sans prêter attention aux

phases débutante ou finale [Poljanskij 1987 : 247]. L’aspect imperfectif correspond

tout à fait à l’objectif de mettre en évidence la phase médiane du procès, cf. les

exemples (235), (236).

Soulignons à nouveau le rôle du sujet (qui se mêle à des hypothèses

conceptuelles) dans l’interprétation des relations temporelles, cf. :

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(237) >'-'*/ .7"-. G%5" C92"-". H"2/ .,'2&%-" 2%-%39)'&.

Volodja spal . Lena Pitala. Katja smotrela televizor.

Volodia – dormait. – Léna – lisait. – Katia – regardait – télévision.

= Volodia dormait. Léna lisait. Katia regardait la télé.

(238) >'-'*/ .7"-, C92"-, .,'2&%- 2%-%39)'&.

Volodja spal, Pital, smotrel televizor.

Volodia – dormait, – lisait, – regardait – télévision.

= Volodia dormait, lisait, regardait la télé.

Les procès de (237) seront normalement interprétés comme simultanés, tandis

que les procès de (238) sont en relation d’exclusion : dans les conditions

habituelles, normales, une seule personne ne peut dormir, lire et regarder la télé à

la fois. La relation temporelle entre ces événements sera définie comme non

ordonnée : les procès dormir, lire, regarder la télé ne se déroulent pas en même

temps mais l’ordre entre eux est indéterminé.

La relation de simultanéité entre deux imperfectifs présente quelques régularités

sémantiques et syntaxiques.

1. Dans les énoncés à un seul sujet, le premier verbe définit un emplacement

(ou déplacement) spatial du sujet, le deuxième verbe quant à lui désigne l’action

effectuée par le sujet :

(239) 4@" 0',@"2", E'*C+?"&'3 9 D'3#'39C, .9*%-9 )" .2'-', 9

)"32&"0"-9 (T5/((82' : 55)

Oba kombata, PodPufarov i MovšoviP, sideli za stolom i zavtrakali.

Les deux – chefs de bataillon, – Podtchoufarov – et – Movchovitch, –

étaient assis – à table – et – petit-déjeunaient.

= Les deux commandants, Podchoufarov et Movchovitch, étaient assis à

table et prenaient leur petit déjeuner.

(240) ;" 79.<,%556, .2'-', .9*%-" *'C< 951%5%&" 9 C92"-"

$")%2+ (@*Q/+ : 333).

Za pis’mennym stolom sidela doP’ inženera i Pitala gazetu.

175

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Derrière – à écrire – table – était assise – fille – (de) ingénieur – et – lisait –

journal.

= Au bureau était assise la fille de l'ingénieur et elle lisait le journal.

(241) E'.&%*9 2&+@6 3 .2"&%5<0'( $9,5".2F&0%, 3 79-'2'C0% .

)%-F5'( ?&'52'3'( )3F)*'C0'( .2'/-, .0-'593 $'-'3+,

,+)60"52 9 9$&"- 5" .0&970% (T5/((82' : 45).

Posredi truby v staren’koj gimnastërke, v pilotoPke s zelënoj frontovoj

zvëzdoPkoj stojal, skloniv golovu, muzykant i igral na skripke.

Au milieu – (de) tube – en – vieille – vareuse, – en – petit calot – avec –

verte – (de) front – petite étoile – se tenait debout, – ayant incliné – tête, –

musicien – et – jouait – de – violon.

= Au milieu des tubes de canalisations, vêtu d'une vareuse, un calot avec

une petite étoile militaire verte sur la tête, se tenait debout, la tête penchée,

un musicien qui jouait du violon.

(242) 45" #-" 7' $&/)5'( +-9:% 9 +-6@"-".< (6. !"23/+(%&0.

M*$)#'25/)'24 "<9/+. ; Ruscorpora).

Ona šla po grjaznoj ulice i ulybalas’.

Elle – marchait – dans – boueuse – rue – et – souriait.

= Elle descendait la rue boueuse en souriant.

2. Le deuxième verbe désigne un procès répété (mode d’action itératif) :

(243) V'*9- 7' 0',5"2% &'.-6( ,'-'*'( 7"&%5<, 3&%,%5",9

7'$-/*63"- 5" 2%-%?'5 (K. W#%>&'. [2"&'2 %52('24 ; l’exemple de

Ruscorpora).

Xodil po komnate roslyj molodoj paren’, vremenami pogljadyval na telefon.

Marchait – dans – pièce – grand – jeune – gars, – de temps en temps –

jetait des coups d’œil – sur – téléphone.

= Un grand jeune homme arpentait la pièce, en jetant des coups d’œil au

téléphone.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3. Dans les énoncés à deux (ou plusieurs) sujets, chaque sujet produit son

propre procès dans le même cadre spatial :

(244) 42%: 5F. %$' 5" 7-%C"8, $'&*/.< 9, 9 .3'%( '2:'3.0'( .9-'(,

,"," #-" &/*', […] (6. !"23/+(%&0. T&9*". 7&-25&(-2 ;

Ruscorpora).

Otec nës ego na plePax, gordjas’ im i svoej ocovskoj siloj, mama šla

rjadom.

Père – portait – le – sur – épaules – en s’enorgueillissant – (de) lui – et –

(de) sa – paternelle – force, – maman – marchait – à côté.

= Le père le portait sur ses épaules, fier de lui et de sa propre force

paternelle, la mère marchait à leur côté.

(245) I"$"- L%* D'&') 7' *'&'$%, " )"(C90 3 ,%#0% + 5%$' .9*%-

(]. M2%25/+. =5/ 120F2 ; Ruscorpora).

Šagal Ded Moroz po doroge, a zajPik v meške u nego sidel.

Marchait – Grand-Père – Gel – sur – route, – et – petit lièvre – dans – sac –

chez – lui – siégeait.

= Le Père Noël avançait sur la route, et il avait dans son sac un petit lapin.

Dans tous les cas, la simultanéité peut être soulignée par un adverbe :

(246) B @%1"- 9 3.F 3&%,/ .,'2&%- 7'* 5'$9 […] (E. O(%2')*5. K5*84

(,2(-"&+AQ '2Q/)/% ; Ruscorpora).

Ja bežal i vsë vremja smotrel pod nogi.

Je – courais – et – tout – temps – regardais – sous – pieds.

= Je courais en regardant sans arrêt sous mes pieds.

(247) P%&F1" .7"-, " [&9( 2%, 3&%,%5%, &"),6#-/- (O. T5*%/+2.

^'2%/8A* "<)& ; Ruscorpora).

Serëža spal, a Jurij tem vremenem razmyšljal.

Serioja – dormait – et – Iouri – (pendant) ce – temps – réflechissait.

= Pendant que Serioja dormait, Iouri réflechissait.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.4.3.2. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif

Cette combinaison n’exprime pas facilement la simultanéité, car la valeur

aspectuelle de globalité de l’action empêche de dégager la phase médiane chez

les formes perfectives. Cependant, certaines conjonctures permettent à la suite de

perfectifs de désigner la simultanéité.

1. Des adverbiaux temporels ou autres indicateurs lexicaux indiquent

explicitement que les faits se sont produits simultanément :

(248) !' 3*&+$ 3 '*5' 9 2' 1% 3&%,/ '5 7'C+3.23'3"- .%@/

395'3"26, 9 7'1"-%- %F (;. G/"(-/0 ; exemple donné par Poljanskij

[Poljanskij 1987 : 248]).

No vdrug v odno i to že vremja on poPuvstvoval sebja vinovatym i požalel

eë.

Mais – soudain – en – seul – et – même – temps – il – sentit – soi –

coupable – et – eut pitié – (de) elle.

= Mais soudain il se sentit coupable et en même temps eut pitié d’elle.

(249) !"$+-<5'3 ,9$5+- L"36*'3+, 36#%-. \+0"&K 5" 8'*+ 7'*5F.

0 @'&'*% 0+-"0 (W/"/Q/+, I :70).

Nagul’nov mignul Davydovu, vyšel. ŠPukarju na xodu podnës k borode

kulak.

Nagoulnov – cligna d’œil – (à) Davydov – sortit. – (A) Choukar – en –

marche – apporta – vers – barbe – poing.

= Nagoulnov fit un clin d’œil à Davydov, sortit . En marchant, tendit un poing

serré vers la barbe de Choukar.

2. La durée implicite du fait exprimé par le perfectif inclut le procès de

l’imperfectif :

(250) J"),F25'3 &"..0")"-, C2' )5"-, ' 5"C"3#%,./ +@'% .0'2".

E'* 0'5%: L"36*'3 %-, 7'C29 5% 7&'1F363"/ […] (W/"/Q/+, I :

112).

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Razmëtnov rasskazal, Pto znal o naPavšemsja uboe skota. Pod konec

Davydov el, poPti ne prožëvyvaja.

Razoumovski – raconta, – quoi – savait, – sur – commencé – abattage –

(de) bétail. – Vers – fin – Davydov – mangeait, – presque – ne – en

mastiquant.

= Razmetnov raconta tout ce qu'il savait sur l'abattage du bétail qui avait

commencé. Vers la fin de son récit Davydov mangeait en avalant tout sans

mâcher.

3. Les deux faits se déroulent strictement pendant un seul laps de temps. C’est

le cas lorsque un perfectif exprime le déplacement d’un objet (ou d’un sujet) qui

accompagne obligatoirement le mouvement du sujet désigné par l’autre perfectif :

(251) PF.2&6 […] 7'.0'&%( +#-9 3 $'&59:+ 9 +5%.-9 2+*"

C%,'*"56 (W#%>&' : 99).

Sëstry poskorej ušli v gornicu i unesli tuda Pemodany.

Soeurs – au plus vite – partirent – dans – chambre – et – emportèrent – là-

bas – valises.

= Les sœurs partirent vite dans la chambre et y emportèrent les valises.

(252) P'@9&"2< $"&*%&'@ 7&9#F- *3'&590 D"&0%-. 45 7&93F- .

.'@'( #%.29-%25KK *'C< D"&9(0+ (=2(-*5'2% : 80).

Sobirat’ garderob prišël dvornik Markel. On privël s soboj šestiletnjuju doP’

Marijku.

Monter – garde-robe – vint – domestique – Markel. – Il – amena – avec –

soi – (de) six ans – fille – Mariyka.

= Pour monter le meuble vint le domestique Markel. Il amena avec lui sa

fille de six ans Mariyka.

4. Les deux faits se produisent strictement pendant le même laps de temps

désignant deux perceptions d’un seul phénomène. Il s’agit ici de deux faits ayant

deux sujets différents et décrivant la même réalité du point de vue de ces deux

sujets. Les deux événements sont distincts (E1 e E2) : décrivant la même réalité,

la langue donne deux perceptions différentes de cette réalité :

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(253) O)-)" ,'$9-<5'$' 0",5/ 367'-) *%* . @"5*+&'( 9 *%2.09,

$'-'.', .7%- 7&' @6-+K 0")"C<K .-"3+. D6 7&'.-+#"-9 7%.5K

,'-C" […] (U29*". : 64) ;

Iz-za mogil’nogo kamnja vypolz ded s banduroj i detskim golosom spel pro

byluju kazaP’ju slavu. My proslušali pesnju molPa.

De derrière – tombale – pierre – apparut en rampant – vieillard – avec –

bandoura64 – et – (de) enfantine – voix – chanta – de – ancienne – (de)

cosaques – gloire. – Nous – écoutâmes – chanson – en silence.

= De derrière la pierre tombale apparut un vieillard tenant une bandoura,

qui chanta d’une voix d’enfant l’ancienne gloire des cosaques. Nous

écoutâmes la chanson sans parler.

(254) – E+*190, 09.-09., – 7')3"- '5. – H'-@".6 8'C%#< ? N 5%2+ ! –

O '5 7'-'19- 0'-@".+ 3 &'2. E+*190 7&'3'*9- %F $-")",9

(O+2'/+ : 96).

– Pudžik, kis-kis, – pozval on. – Kolbasy xoPeš’ ? A netu ! – I on položil

kolbasu v rot. Pudžik provodil eë glazami.

Poudjik, – pss-pss, – appela – il. – Saucisson – veux ? – Mais – point ! – Et

– il – mit – saucisson – dans – bouche. – Poudjik – accompagna – lui – (de)

yeux.

= Poudjik, pss-pss, appela-t-il. – Tu veux du saucisson ? Mais y'en a pas ! –

Et il déposa le saucisson dans sa bouche. Poudjik le suivit des yeux.

(255) 45 )"0&9C"- 5%C%-'3%C%.09, 9 7&'2/156, 0&90', ; Q2'2

2'.0-936(, '*95'09(, )"2%&/3#9(./ 3'7-< 7&'#F- 7'

3)@'&'5F556, 7'-/, […] (U29*". : 177) ;

On zakriPal nePelovePeskim i protjažnym krikom ; etot tosklivyj, odinokij,

zaterjavšijsja vopl’ prošël po vzboronënnym poljam.

Il – se mit à crier – (de) inhumain – et – prolongé – cri ; – ce – lugubre, –

solitaire, – éperdu – hurlement – passa – sur – labourés – champs.

= Il poussa un cri inhumain et prolongé ; ce hurlement lugubre, solitaire,

éperdu parcourut les champs labourés.

64 Sorte de guitare.

180

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.4.3.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif

1. Le procès de l’imperfectif fait partie de la durée implicite du fait exprimé par le

perfectif. La perspective temporelle (l’action du perfectif) est exprimée par un

verbe marquant le début de l’action (mode d’action ingressif) (256), (257) ou par

un verbe désignant une action résolue qui a duré dans le temps (mode d’action

délimitatif relativement) (258), (259) [Akimova, Kozinceva 1987 : 282-283] :

(256) O .2"- '5 9, &"..0")63"2< ' 5%3%&'/2568 C+*%."8, '

5"+C568 *'.291%59/8, " .", 7&9 Q2', 2' 9 *%-' 7&9$+@-/-

3'*0+ (@. 60-82-/+ ; exemple de [Akimova, Kozinceva 1987 : 283]).

I stal on im rasskazyvat’ o neverojatnyx Pudesax, o nauPnyx dostiženijax, a

sam pri etom to i delo prigubljal vodku.

Et – commença – il – (à) eux – raconter – sur – extraordinaires – miracles,

– sur – scientifiques – acquis, – et – lui-même – sur – cela – ce – et –

faisant – mettait à ses lèvres – vodka.

= Et il se mit à leur parler de miracles extraordinaires, des acquis

scientifiques, et ce faisant il portait de temps à autre la vodka à ses lèvres.

(257) T9, […] .2"- -"0"2<. S%5A95" $-"*9-" %$' 7' .795%

(G5/*3/".(%&0 : 50).

Bim stal lakat’. ŽenšPina gladila ego po spine.

Bim – commença – laper. – Femme – caressait – lui – sur – dos.

= Bim se mit à laper. La femme lui caressait le dos.

(258) M-% *' *',+ *'5F.. E' *'&'$% 7/2< &") '.2"5"3-93"-./ –

'2*68"- (L. G&Q/8&5/+. =5/ %/1"2 G&Q/8&52 ; Ruscorpora).

Ele do domu donës. Po doroge pjat’ raz ostanavlivalsja – otdyxal.

A peine – jusqu’à – maison – (il) parvint à porter. – En – route – cinq –

fois – s’arrêtait – se reposait.

= Il parvint à peine à le porter jusque chez lui. Il s’arrêta cinq fois en route

pour se reposer.

181

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(259) >'2 9 7&'.9*%-9 + F-09 *"-%0' )" 7'-5'C<, 7%-9 9 *"1%

2"5:%3"-9 (U. X%&8/+. =&'/,*- ; Ruscorpora).

Vot i prosideli u ëlki daleko za polnoP’, peli i daže tancevali.

Voilà – et – (on) resta assis – près de – sapin – loin – derrière – minuit, –

chantait – et – même – dansait.

= Ainsi on resta près du sapin jusqu’à minuit passé, on chanta et même on

dansa.

2. Le fait (perfectif) se produit sur le fond du procès (imperfectif).

Habituellement, dans ce cas, interviennent des indices temporels explicitant la

simultanéité (3 Q2' 3&%,/ – v eto vremja – « pendant ce temps » ;

'*5'3&%,%55' – odnovremenno – « en même temps », etc. ) :

(260) 4*5"1*6 +2&',, – Q2' @6-' +1% 3 5"C"-% .%52/@&/, ZF0-"

7&95%.-" .59)+ *3" 3%*&" 3'*6 ; 3 Q2' 3&%,/ D"&</ 9 4-<$"

.9*%-9 )" .2'-', 9 79-9 C"( (@*Q/+ : 413).

Odnaždy utrom, – eto bylo uže v naPale sentjabrja, Fëkla prinesla snizu dva

vedra vody ; v eto vremja Marja i Ol’ga sideli za stolom i pili Paj.

Une fois – (pendant) matin, – cela – était – déjà – à – début – (de)

septembre, – Fiokla – apporta – (de) en-bas – deux – seaux – (de) eau ; –

en – ce – temps – Maria – et – Olga – étaient assises – à – table – et –

buvaient – thé.

= Un matin, – c'était déjà début septembre, Fiokla monta d'en bas deux

seaux remplis d'eau ; pendant ce temps Maria et Olga étaient assises à

table et prenaient du thé.

3. Le procès (imperfectif) se déroule sur le fond de l’état résultant (perfectif) :

(261) T9, +205+-./ 5'.', 3 @'295'0 9 2"0 -%1"- (G5/*3/".(%&0 :

44).

Bim utknulsja nosom v botinok i tak ležal.

Bim – se mit – (avec) nez – dans – chaussure – et – ainsi – était allongé.

= Bim fourra le nez contre la chaussure et restait allongé ainsi.

182

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.4.3.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif

1. Le fait (perfectif) se produit sur le fond du procès (imperfectif). La

simultanéité est inférée grâce à des hypothèses conceptuelles (liens causaux ou

stéréotypiques) :

(262) >%-909( 0',@95"2'& C+3.23'3"- 3*'85'3%59%, +7'92%-<5'%

.'.2'/59% 7%&%* 36#%.&%*59, #"52"1',. 45 7&'#F-./ 7'

0',5"2%, 0"0 @"&. (O".S, =*-5/+ : 120).

Velikij kombinator Puvstvoval vdoxnovenie, upoitel’noe sostojanie pered

vyšesrednim šantažom. On prošëlsja po komnate kak bars.

Grand – combinateur – sentait – inspiration, – enivrant – état – avant – au-

dessus de la moyenne – chantage. – Il – passa – à travers – pièce comme

– panthère.

= Le grand combinateur se sentait inspiré, éprouvant une sensation

d’ivresse avant un chantage au-dessus de la moyenne. Il traversa la pièce

de long en large comme une panthère.

(263) E'%)* +5'.9- *&+)%( 3 #+,56( :%52&. L&+)</ 7&9590-9 0

'05+ (O".S, =*-5/+ : 130).

Poezd unosil druzej v šumnyj centr. Druz’ja prinikli k oknu.

Train – emportait – amis dans – bruyant – centre. – Amis – se collèrent –

contre – fenêtre.

= Le train emportait les amis vers le centre bruyant. Les amis collèrent leur

visage contre la vitre.

(264) B .2'/- 5" 0&6-<:%, " '5 .7+.29-./ 3' *3'& 9 363%- 9) ."&"/

3%-'.97%* (E. O(%2')*5. V/"$'&%& ; Ruscorpora).

Ja stojal na kryl’ce, a on spustilsja vo dvor i vyvel iz saraja velosiped.

Je – étais debout – sur – perron, – et – il – descendit – dans – cour – et –

sortit – de – abri – vélo.

= J’attendais sur le perron tandis que lui descendit dans la cour et sortit le

vélo de l’abri.

183

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

2. L’état résultant du perfectif apparaît sur le fond du procès (265) ou de l’état

(265) de l’imperfectif :

(265) […] EF2& L,92&9C 0'.9- 2&"3+. […] ="-.2+0 &")3/)"-./,

C".'3"/ :%7'C0" 367"-" 9) 7%2-9 (@*Q/+ : 152).

Pëtr DmitriP kosil travu. Galstuk razvjazalsja, Pasovaja cepoPka vypala petli.

Piotr – Dmitritch – fauchait – herbe. – Cravate – se dénoua – (de) montre –

chaîne – tomba – de – boutonnière.

= Piotr Dmitritch fauchait l'herbe. Sa cravate se dénoua, sa chaîne de

montre se décrocha de sa boutonnière.

(266) X @&"2" .%0-9 -'@ ,'&A956, 7'/39-".< &%*0"/, 5' .%*95"

(U. X%&8/+. =&'/,*- ; Ruscorpora).

U brata sekli lob moršPiny, pojavilas’ redkaja, no sedina.

Chez – frère – taillaient – front – rides, – apparurent – rares, – mais –

cheveux gris.

= Des rides taillaient le front du frère, quelques cheveux gris apparurent.

3.4.4. Relations temporelles non ordonnées

Définition. Ce type de relations est opposé aux relations ordonnées de

simultanéité et de non-simultanéité (antériorité / postériorité). Les événements A et

B sont considérés comme non ordonnés (non différenciés) s’il s’agit de deux

événements distincts, autonomes, qui se produisent à l’intérieur d’une période de

temps commune et possèdent un lien temporel, la nature chronologique exacte de

ce dernier étant impossible de définir. Autrement dit, dans l’énoncé, se produisent

deux événements A et B, mais il est impossible d’établir si l’événement A se

produit avant, après ou en même temps que l’événement B.

Ce type de relations apparaît souvent dans les énoncés dont le sujet au pluriel

présente la valeur de « pluralité distributive » (*9.2&9@+2935"/

,5'1%.23%55'.2< – distributivnaja množestvennost’). Cette valeur implique la

division d’une pluralité en plusieurs éléments (participants) dont chacun possède

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

son propre espace de mouvement. Probablement, chaque action de l’énoncé

occupe, dans le cadre temporel commun, une période de temps (et d’espace)

indéfinie et peut ne pas être liée à tous les participants de l’énoncé. Effectivement,

en réalité, chaque participant de la pluralité distributive peut effectuer une seule

action qui lui est propre sans s’associer à toutes les actions, mais la langue

présente toutes les actions de l’énoncé comme effectuées par tous les participants

de la pluralité [Poljanskij 1987 : 249-250] :

(267) D+1909 '@59,"-9 ",%&90"5:", A+7"-9 %$' '*%1*+ 9 9)' 3.%(

.9-6 1"-9 %$' &+09, 7-%C9 (K(, O+2'/+ ; exemple cité dans [Poljanskij

1987 : 250]).

Mužiki obnimali amerikanca, šPupali ego odeždu i izo vsej sily žali ego ruki,

plePi.

Hommes – étreignaient – américain, – tâtaient – ses – vêtements – et –

de – toute force – serraient – ses – mains, – épaules.

= Les hommes étreignaient l’Américain, tâtaient ses vêtements et serraient

de toutes forces ses mains, ses épaules.

La relation de non-ordonnancement temporel est aussi celle qu’entretiennent entre

eux des actions-hyponymes constituant les parties d’une action générale-

hypéronyme :

(268) ;" .2'-', D"&+./ 3.F 3&%,/ )"@'29-".< (A) ' H-9,'3% :

7'*0-"*63"-" (B) %,+ 5" 2"&%-0+ %*+, .7%#9-" (C) 5"7'-592<

.2'70+, 7'*'*39$"-" (D) 2' .'-<, 2' 8&%5, 2' $'&C9:+,

7&95'.9-" (E) 8'-'*5+K 3'*+ 3 0&+10%... (].?27&9&' ; exemple cité

dans [Poljanskij 1987 : 249]).

Za stolom Marusja vsë vremja zabotilas’ (A) o Klimove : podkladyvala (B)

emu na tarelku edu, spešila (C) napolnit’ stopku, pododvigala (D) to sol’, to

xren, to gorPicu, prinosila (E) xolodnuju vodu v kružke.

A – table – Maroussia – tout – temps – prenait soin (A) – de – Klimov : –

mettait (B) – (à) lui – sur – assiette – nourriture, – se pressait (C) – remplir –

verre, – glissait (D) – tantôt – sel, – tantôt – raifort, – tantôt – moutarde, –

apportait (E) – froide – eau – dans – bol.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= A table, Maroussia prenait tout le temps soin de Klimov : elle mettait dans

son assiette de la nourriture, remplissait son verre, glissait vers lui le sel, le

raifort, la moutarde, lui apportait de l’eau froide dans un bol.

En (268), les procès B, C, D, E sont en relation de non-ordonnancement l’un par

rapport à l’autre, faisant partie du procès général A. (Rappelons que ce type de

relation est défini comme partie / tout, hyponymie / hyperonymie ou encore, dans

la terminologie de Saussure, encapsulation).

3.4.4.1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif

Nous avons avancé que la succession de passés perfectifs avantage l’ordre

temporel positif. Néanmoins, si aucune hypothèse contextuelle ne vient renforcer

cet avantage, les passés perfectifs expriment deux faits qui se produisent dans un

seul cadre temporel sans préciser un ordre temporel.

1. Les événements non ordonnés sont exprimés par les perfectifs à valeur

d’aoriste :

(269) D"0.9,9-9"5 N5*&%%39C 7'0"#-/-, 7'2'7"- 5'$",9, 9 2'$*"

*3%&< 0"@95%2" '20&6-".<, 9 3 7%&%*5KK 36#%- H'&'3<%3

(U#"72%/+ : 204).

Maksimilian AndreeviP pokašljal, potopal nogami, i togda dver’ kabineta

otkrylas’, i v perednjuju vyšel Korov’ev.

Maximilian – Andreevitch – toussota quelques fois, – tapa quelques fois –

(de) pieds, – et – alors – porte – (de) bureau – s’ouvrit, – et – dans –

entrée – sortit – Koroviev.

= Maximilian Andreevitch toussota, tapa des pieds sur le sol, et alors la

porte du bureau s'ouvrit, et dans l'entrée pénétra Koroviev.

2. Le premier perfectif à valeur d’aoriste exprime un fait, le second perfectif à

valeur de parfait désigne un état résultant :

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(270) – P7".9@', – '23%29- H5/)%3. X 5%$' .1"-'.< .%&*:% '2

*+&5'$' 7&%*C+.3239/ (W#%>&' : 201).

– Spasibo, – otvetil Knjazev. U nego sžalos’ serdce ot durnogo

predPuvstvija.

Merci – répondit – Kniazev. – Chez – lui – se serra – cœur – de –

mauvais – pressentiment.

= – Merci, répondit Kniazev, le cœur serré d’un mauvais pressentiment.

(271) !".2+79-' ,'-C"59%, 9 T%&-9') 7'@-%*5%- (U#"72%/+ : 43).

Nastupilo molPanie, i Berlioz poblednel.

Arriva – silence, – et – Berlioz – pâlit.

= Le silence se fit et Berlioz était tout pâle.

(272) E"&"-9)'3"556( P9,'5->'-<? .83"29-./ )" &+-< .3'%(

2%-%109 9, 39)1" 9 363'&"C93"/ -"*'59, *395+-./ 0 *3%&9.

M&,'-0" .*395+-".< . ,"-95'3'(, &")*+2'( %$' $'-'36 (U29*". :

297).

Paralizovannyj Simon-Vol’f sxvatilsja za rul’ svoej teležki i, vizža i

vyvoraPivaja ladoni, dvinulsja k dveri. Ermolka sdvinulas’ s malinovoj,

razdutoj ego golovy.

Paralysé – Simon-Wolf – se saisit – de – guidon – (de) sa – charrette – et, –

en hurlant – et – en retournant – paumes, – se dirigea – vers porte. –

Calotte – glissa – de – cramoisie, – enflée – sa – tête.

= Le paralytique Simon-Wolf saisit le guidon de sa charrette et, hurlant et

tournant les mains, le dirigea vers la porte. Sa calotte avait glissé sur sa

tête cramoisie et enflée.

3. Tous les perfectifs, dans l’énoncé, ont une valeur de parfait et expriment un

état résultant :

(273) > 2K&<,% !%*"C95 7'1%-2%- 9 '@&K)$ (U29*". : 345).

V tjur’me NedaPin poželtel i obrjuzg.

Dans – prison – Nedatchine – jaunit – et – enfla.

= En prison Nedatchine était devenu jaune et soufflé.

187

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(274) ;" )9,+ '5" 7'8+*%-", 7'*+&5%-", 5%,5'$' 7'.%*%-" […]

(@*Q/+ : 422).

Za zimu ona poxudela, podurnela, nemnogo posedela.

Pendant – hiver – elle – maigrit, – enlaidit, – un peu – grisonna.

= Pendant l’hiver, elle avait maigri, enlaidi, pris quelques cheveux blancs.

(275) !"$+-<5'3 .*395+- &")-"26% @&'39, C+2< 7'@-%*5%-

(W/"/Q/+, I : 177).

Nagul’nov sdvinul razlatye brovi, Put’ poblednel.

Nagoulnov – fronça – larges – sourcils, – un brin – pâlit.

= Nagoulnov fronça ses larges sourcils, légèrement pâle.

4. La suite de passés perfectifs représente des actions hyponymes (actions

encapsulées) qui concrétisent, c’est-à-dire définissent en « extension », une action

générale (action hyperonyme, encapsulante) :

(276) D%*-/09 .6$&"-9 .3'K &'-<, 9 2%7%&< 5902' 5% '.2"-./

.9*%2<. H'-%.590'3 7&90-%9-./ 0 P"#%, T+*095 '@-"79- !"*K, "

P-+1095+ *'.2"-".< >%20" (O+2'/+ : 113).

Medljaki sygrali svoju rol’, i teper’ nikto ne ostalsja sidet’. Kolesnikov

prikleilsja k Saše, Budkin oblapil Nadju, a Služkinu dostalas’ Vetka.

Slows – jouèrent – leur – rôle, – et – maintenant – personne – ne – resta –

être assis. – Kolesnikov – se colla – à – Sacha, – Boudkine – enserra dans

ses pattes – Nadia, – et – (à) Sloujkine – échut – Vetka.

= Le moment des slows arriva et maintenant personne ne resta assis.

Kolesnokov se colla à Sacha, Boudkine serra dans ses pattes Nadia et

Sloujkine décrocha Vetka.

Dans de nombreux énoncés, la relation d’encapsulation entre les passés perfectifs

est sous-entendue sans être dénotée par une action hyperonyme. Ainsi, on peut

considérer que l’énoncé (273) présente implicitement une situation générale :

Nedatchine changea en mal. En (277), l’action générale implicite serait : Judith

était agitée (en colère, indignée, etc.) :

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(277) E%5.5% 5" 5'.90% [*9?9 )"0"C"-'.<, $&+*< %F 36#-" 9)

5"0&"8,"-%55'$' 8"-"2" (U29*". : 297).

Pensne na nosike Judifi zakaPalos’, grud’eë vyšla iz nakraxmalennogo

xalata.

Pince-nez – sur – petit nez – (de) Judith – se mit à trembler, – poitrine –

sa – sortit – de – amidonnée – blouse.

= Le pince-nez se mit à trembler sur le petit nez de Judith, sa poitrine

déborda de la blouse blanche amidonnée.

3.4.4.2. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif

1. Les procès sont réunis dans un seul cadre temporel sans précision

chronologique entre eux. Ce type de relation peut être également considéré

comme simultanéité non stricte :

(278) > 2&"3% .2&%0'2"-9 0+)5%C909, 3 3')*+8% 1+11"-9 .-%759 9

,+89, 9 5"7%&%$'509 5'.9-9.< &")5':3%256% @"@'C09

(K. [/"/75&+. M*)/+A0 "#7 ; Ruscorpora).

V trave strekotali kuznePiki, v vozduxe žužžali slepni i muxi, i naperegonki

nosilis’ raznocvetnye baboPki.

Dans – herbe – stridulaient – sauterelles, – dans – air – bourdonnaient –

taons – et – mouches, – et – à qui arrivera le premier – volaient –

multicolores – papillons.

= Des sauterelles stridulaient dans l’herbe, des taons et des mouches

bourdonnaient dans l’air et des papillons multicolores jouaient à qui arrivera

le premier.

2. Les procès répétitifs (de mode d’action fréquentatif, itératif, etc.) s’agencent

dans un seul cadre temporel sans fixer d’ordre temporel exact entre eux :

(279) M$' @-F0-6% +.6 $5%35' '@39."-9. H+&5'.'% -9:'

#%3%-9-'.<. 45 3659,"- 9) .2'-" 5"7%C"2"556% .3%2'79.<K

5" .95%( @+,"$% C%&2%19, .%&*92' 7'0")63"- 98 1%5% 3

26./C56( &") (O".S, =*-5/+ : 106).

189

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Ego blëklye usy gnevno obvisali. Kurnosoe lico ševelilos’. On vynimal iz

stola napePatannye svetopis’ju na sinej bumage Perteži, serdito pokazyval

ix žene v tysjaPnyj raz.

Ses – ternes – moustaches – furieusement – tombaient. – Camard –

visage – remuait. – Il – retirait – de – table – imprimés – (avec) encre

spéciale – sur – bleu – papier – plans, – avec irritation – montrait – les – (à)

femme – pour – millième – fois.

= Ses moutaches ternes tombaient de colère. Son visage au nez camus

remuait. Il sortait d'un tiroir des plans imprimés avec une encre spéciale sur

un papier bleu, les montrait, irrité, à sa femme pour la millième fois.

(280) 45 9 .",, O3"5 O3"56C, 2' *&%,"-, 2' 7&'.67"-./ 3

'19*"599 &"..3%2" (G5/*3/".(%&0 : 18).

On i sam, Ivan IvanyP, to dremal, to prosypalsja v ožidanii rassveta.

Lui – et – même, – Ivan – Ivanytch, – tantôt – somnolait, – tantôt – se

réveillait – en – attente – (de) aube.

= Ivan Ivanytch lui-même, tantôt somnolait, tantôt se réveillait en attendant

le lever du soleil.

En (280), la répétition non ordonnée des actions est aussi soulignée par le moyen

lexical : la conjonction disjonctive to… to – « tantôt… tantôt ».

Le sujet au pluriel apporte la valeur de pluralité distributive et contribue à la

relation temporelle non ordonnée entre les événements :

(281) E&98'*9-' 3&%,/ '@%*", 9) '0'5 36.'363"-9.< ,",6 9

@"@+#09 9 )3"-9 *%2%(, 0"1*"/ .' .3'9, "0:%52', (K. G/%25*+2.

!+/4 352+)2 ; Ruscorpora).

Prixodilo vremja obeda, iz okon vysovyvalis’ mamy i babuški i zvali detej,

každaja so svoim akcentom.

Arrivait – temps – (de) déjeuner, – de – fenêtres – se montraient –

mamans – et – grands-mères – et – appelaient – enfants, – chacune –

avec – son – accent.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= L’heure du déjeuner arrivait. Les mères et les grands-mères

apparaissaient aux fenêtres et appelaient les enfants, chacune avec son

accent.

3. Les procès hyponymes non ordonnés sont encapsulés dans un événement

hyperonyme :

(282) H 3%C%&+ '5 )"@%.7'0'9-./ : 7'*8'*9- 0 D"2&F5%, ."*9-./,

3/-' .%,%59- 7%&%*59,9 -"7",9, .,'2&%- %( 3 -9:', .5'3"

'28'*9-, -'19-./, 5' 3.0'&% '7/2< 7'*8'*9- 9 .5'3"

'2*"-/-./ (G5/*3/".(%&0 : 51).

K vePeru on zabespokoilsja : podxodil k Matrëne, sadilsja, vjalo semenil

perednimi lapami, smotrel ej v lico, snova otxodil, ložilsja, no vskore opjat’

podxodil i snova otdaljalsja.

Vers – soir – il – commença à s’agiter : – s’approcher – de – Matriona, –

s’asseyait, – mollement – trottinait – (avec) de devant – pattes, – regardait –

(à) elle – dans – visage, – de nouveau – partait, – se couchait, – mais –

bientôt – de nouveau – s’approchait – et – de nouveau – s’éloignait.

= Vers le soir il commença à s’agiter : il s'approchait de Matriona,

s'asseyait, bougeait mollement les pattes avant, fixait son visage,

s'éloignait, se couchait et bientôt s'approchait de nouveau pour s'éloigner

une nouvelle fois.

3.4.4.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif

Le perfectif exprime un résultat (mode d’action à résultativité spéciale ou

générale). Il est impossible d’introduire un intervalle entre l’action du perfectif et

celle de l’imperfectif :

(283) 459 36#-9 5" @"). E'&'#9-" ,'0&"/ ,%2%-< (W/"/Q/+, I : 127).

Oni vyšli na baz. Porošila mokraja metel’.

Ils – sortirent – sur – corral. – Poudrait – mouillée – bourrasque de neige.

= Ils pénétrèrent sur le corral. Une neige mouillée tourbillonnait.

191

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(284) >'#F- L'-190'3. 45 3629&"- 7'-'2%5:%, #%K (@*Q/+ : 334).

Vošël Dolžikov. On vytiral polotencem šeju.

Entra – Doljikov. – Il – essuyait – (avec) serviette- cou.

= Entra Doljikov. Il s’essuyait le cou avec une serviette.

(285) 4C5+-./ '5 5" 2&'2+"&%, 5"* 59, 8-'7'2"- 2'2 .",6(

C%-'3%0 (6. !"23/+(%&0. ?* (9A"2(. 8/4 8*,-2 ; Ruscorpora).

OPnulsja on na trotuare, nad nim xlopotal tot samyj Pelovek.

Reprit connaissance – il – sur – trottoir, – au-dessus – lui – s’affairait –

celui – même – homme.

= Quand il reprit connaissance, il était allongé sur un trottoir et au-dessus

de lui s’affairait le même homme.

3.4.4.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif

On peut remarquer que les énoncés contenant cette combinaison prennent

généralement une valeur descriptive : le procès de l’imperfectif et le fait du

perfectif, unis par un lien stéréotypique ou causal, sont des éléments descriptifs

particuliers permettant de donner une appréciation générale d’une personne ou

d’une situation :

(286) U' 9 *%-' ,'&'.9- *'1*9C%0, 9 2'-<0'-2'-<0' 5"C"-9

5"@+8"2< )" )"@'&",9, 5" ,'0&68 @+-<3"&"8 9 3 @+26-0"8 5"

7'*'0'5590"8 @+&6% 7'*"2-936% 7'C09 (]. V/895/+(%&0.

H52'&-*". )5*+'/(-*0 ; Ruscorpora).

(To i delo) morosil doždiPek, i tol’ko-tol’ko naPali nabuxat’ za zaborami, na

mokryx bul’varax i v butylkax na podokonnikax burye podatlivye poPki.

(De temps en temps) – bruinait – petite pluie, – et – à peine-à peine –

commencèrent – enfler – derrière – grilles, – sur – mouillés – boulevards –

et – dans – bouteilles – sur – rebords de fenêtres – bruns – malléables –

boutons.

192

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Une petite pluie fine tombait fréquemment et de malléables boutons bruns

commencèrent à enfler à peine derrière les grilles, sur les boulevards

mouillés et dans des bouteilles posées au bord des fenêtres.

Du point de vue aspectologique, on distingue les situations suivantes :

1. Le même cadre temporel rassemble un procès de l’imperfectif et un fait du

perfectif qui mènent vers une appréciation plus générale d’une personne ou d’une

situation :

(287) […] D+190, #"2"/.<, 7'@&F- *','(, $*% *'-$' 9 @'-<5' @9-

1%5+ 9 5" 0+.'C09 &")'&3"- 5'36( 7-"2'0, 0'2'&6( 5" 7&'#-'(

5%*%-% 0+79- %( 3 7'*"&'0 (;. 6')5**+. [#(2%2 ; Ruscorpora).

Mužik, šatajas’, pobrël domoj, gde dolgo i bol’no bil ženu i na kusoPki

razorval novyj platok, kotoryj na prošloj nedele kupil ej v podarok.

Homme, – en vacillant, – se mit à marcher – (à) maison, – où – longtemps –

et – douloureusement – battait – femme – et – en – petits morceaux –

déchira – neuf – fichu, – que – en – passée – semaine – acheta – (à) elle –

en – cadeau.

= L’homme, vacillant, prit la route de la maison, où il battit longtemps et fort

sa femme et déchira le nouveau fichu qu’il lui avait acheté la semaine

passée.

(288) 45" 3.F 3&%,/ ,'-C"-", .9*%-" 298'5<0' $*%-59@+*< 3 +$-+ 9

.&%*9 3.%8 .2"&68 U"5<09568 9$&+#%0 36@&"-" 7'C%,+-2' 2+

.",+K 0+0-+, 0'2'&+K 5"#-" 3 7%&36( *%5< (6. T*"2(&8/+. @#$24

929#>%2 ; Ruscorpora).

Ona vsë vremja molPala, sidela gde-nibud’ v uglu i sredi vsex staryx

Tan’kinyx igrušek vybrala poPemu-to tu samuju kuklu, kotoruju našla v

pervyj den’.

Elle – tout – temps – se taisait, – était assise – discrètement – quelque

part – dans – coin – et – parmi – tous – vieux – (de) Tanka – jouets –

choisit – pourquoi donc – celle – même – poupée, – que – trouva – en –

premier – jour.

193

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Elle ne disait jamais rien, restait assise, discrète, quelque part dans un

coin et parmi tous les vieux jouets de Tanka elle choisit, on ne sait

pourquoi, la poupée qu’elle avait trouvée le premier jour.

L’action de l’appréciation générale peut être explicitée :

(289) O 0'#0" .%$'*5/ +,63"-".<, 9 5'190 5" 7'- +7"-, – 2"0 9

%.2<, $'.2< 7'1"-'3"- (]. [/+2"., ;*('&% U#"A72 ; Ruscorpora).

I koška segodnja umyvalas’, i nožik na pol upal, – tak i est’, gost’ požaloval.

Et – chat – aujourd’hui – se lavait, – et – petit couteau – sur – sol – tomba,

– ainsi – et – est, – hôte – arriva.

= Aujourd’hui, le chat avait fait sa toilette et le couteau était tombé par terre,

et effectivement on eut une visite.

Ici, l’appréciation générale on eut une visite est une explication des deux présages

populaires, annonciateurs d’une visite. On comprend que les événements le chat

avait fait sa toilette et le couteau était tombé, tous les deux antérieurs à on eut une

visite, ont simplement eu lieu dans le même cadre temporel sans qu’aucun ordre

chronologique ne soit précisé entre eux.

2. Un fait (perfectif) a lieu dans le même cadre temporel qu’une suite de procès,

répétitifs ou non, exprimés par l’imperfectif :

(290) D6#95 […] )3"- 7&9%8"3#%$' '?9:%&" 7'$&%2<./, '@&"A"-

%$' 359,"59%, C2' .9*92 )*%.< 5'C",9, 2'&'79- 9 *F&$"-

!%*"-"#95" 9 5" 3./09( .-+C"( .7&'.9- + .",'$' T'@6595",

2%7-' -9 '5 '*%-./ […] (6. !/"$*'&FA'. K %5#7* 3*5+/8 ;

Ruscorpora).

Myšin zval priexavšego oficera pogret’sja, obrašPal ego vnimanie, Pto sidit

zdes’ noPami, toropil i dërgal Nedalašina i na vsjakij sluPaj sprosil u samogo

Bobynina, teplo li on odelsja.

Mychine – appelait – venu – officier – se réchauffer, – attirait – son –

attention, – que – est assis – ici – (pendant) nuits – pressait – et –

bousculait – Nédalachine – et – à – tout – cas – demanda – à – même –

Bobynine, – chaudement – si – il – s’habilla.

194

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Mychine proposait à l’officier de se réchauffer, attirait son attention sur le

fait qu’il restait là toutes les nuits, tarabustait Nédalachine et demanda à

tout hasard à Bobynine lui-même s’il avait mis des vêtements chauds.

En (290), le fait du perfectif sprosil s’insère dans le même cadre temporel que les

procès à l’imperfectif. Dans l’interprétation de cet énoncé, il importe que les

actions se soient déroulées dans le même cadre temporel ; il n’est pas nécessaire

d’établir un ordre exacte entre elles.

(291) 45 +7&/,' 762"-./ .3'*92<, ,9&92<, .%-9- 3,%.2% 5" *"C%,

'*5"1*6 0+79- '@%9, 7+2F309 5" J91.0'% 3),'&<%, 5' 59C%$'

7+25'$' 9) Q2'$' 5% 368'*9-' (]. G5&S/'/+. L98*' ; Ruscorpora).

On uprjamo pytalsja svodit’, mirit’, selil vmeste na daPe, odnaždy kupil

obeim putëvki na Rižskoe vzmor’e, no niPego putnogo iz etogo ne vyxodilo.

Il – obstinément – s’efforçait – rapprocher, – réconcilier, – logeait –

ensemble – à – datcha, – une fois – acheta – (à) toutes les deux – tour –

à – (de) Riga – côte, – mais – rien – de bien – de – cela – ne – résultait.

= Il s’obstinait à les rapprocher, les réconcilier, les logeait ensemble dans

sa datcha, leur acheta une fois à toutes les deux un tour au bord de la mer

Baltique, mais il n’obtenait rien de bien.

En (291), l’action au perfectif kupil s’insère dans le cadre de cohabitation forcée de

deux femmes.

(292) !%.0'-<0' ,%./:%3 / 2'-<0' 2%, 9 )"59,"-./, C2' 79."-

79.<," 9 )"/3-%59/, 8'*9- 7' 5"C"-<.23+, )3'59- 7' 2%-%?'5+,

.'@9&"- .2'&'5590'3, 892&9-, )-9-./, 368'*9- 9) .%@/, .]%-

5%.0'-<0' 7"C%0 .%*+0.%5" 9 3"-9*'-" 9 2'-<0' @-"$'*"&/ 3.F

%AF 5%7-'8',+ )*'&'3<K 36#%- 9) @'&<@6 @%) 95?"&02"

(K. K/0'/+&,. O+2'.%&2)2, &"& 52((%21 / +(*"*'&& 3&(2-*"4

K/0'/+&,2 + '/+#< %+25-&5# ; Ruscorpora).

Neskol’ko mesjacev ja tol’ko tem i zanimalsja, Pto pisal pis’ma i zajavlenija,

xodil po naPal’stvu, zvonil po telefonu, sobiral storonnikov, xitril, zlilsja,

195

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

vyxodil iz sebja, s’’el neskol’ko paPek seduksena i validola i tol’ko

blagodarja ešPë neploxomu zdorov’ju vyšel iz bor’by bez infarkta.

Plusieurs – mois – je – seulement – ce – et – faisais, – que – écrivais –

lettres – et – déclarations, – allais – à – chef, – appelais – par – téléphone,

– rassemblais – sympathisants, – rusais, – me fâchais – sortais – de – soi,

– mangeai – plusieurs – paquets – (de) seduxène – et – (de) validol – et –

seulement – grâce à – encore – non mauvaise – santé – sortis – de –

lutte – sans – infarctus.

= Durant quelques mois je n’ai pas arrêté : j’écrivais des lettres et des

déclarations, allais voir l’administration, téléphonais, rassemblais des

sympathisants, rusais, me fâchais, m’emportais, avalai plusieurs boîtes de

sédatif et sortis de la lutte sans infarctus seulement grâce à une santé

encore solide.

En (292), le complément direct neskol’ko paPek seduksena – « plusieurs boîtes de

sédatif » nous fait comprendre que le perfectif s’’el désigne une action répétée.

Celle-ci se produit dans le même cadre temporel que les actions répétées à

l’imperfectif pisal, xodil, zvonil, etc.

3. L’état résultant (perfectif) a lieu dans le même cadre temporel que le procès

(imperfectif) :

(293) 45" .2'/-" 9 $-/*%-" 5" 5%$', 7-"2'0 + 5%F .@9-./ 5"@'0

(]. V/895/+(%&0. E2%#".-*- '*'#$'AQ +*C*0 ; Ruscorpora).

Ona stojala i gljadela na nego, platok u neë sbilsja nabok.

Elle – était debout – et – regardais – sur – lui, – foulard – chez – elle – se

mit – de travers.

= Elle était là à le regarder, son foulard mis de travers.

(294) MF -9:' 3.F @'-<#% 362/$93"-'.<, @&'39 3.F 36#%

7'*59,"-9.< 5" -'@, " .%&6% $-")" .2"-9 .'3.%, 0&+$-6,9

(K. T#925*+. G5/* '2 /(-5/+* ; Ruscorpora).

Eë lico vsë bol’še vytjagivalos’, brovi vsë vyše podnimalis’ na lob, a serye

glaza stali sovsem kruglymi.

196

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Son – visage – tout – encore plus – s’allongeait, – sourcils – tout – plus

haut – se levaient – sur – front, – et – gris – yeux – devinrent –

complètement – ronds.

= Son visage s’allongeait de plus en plus, ses sourcils se levaient de plus

en plus haut sur le front et ses yeux gris étaient devenus tout ronds.

4. L’état résultant (perfectif) est conditionné par le procès de l’imperfectif. Cette

situation présente donc une fusion de la relation d’indétermination temporelle et de

la relation de cause à effet :

(295) B 7%&%2"7263"-./ '2 8'-'*", 9 ,'9 @'29509 +#-9 3 $-95+

7'C29 7' A90'-'20+ (!. ]5(%&0. U#82$'&% H/S82''2 ;

Ruscorpora).

Ja peretaptyvalsja ot xoloda, i moi botinki ušli v glinu poPti po šPikolotku.

Je – piétinais – de – froid, – et – mes – chaussures – partirent – dans –

glaise – presque – jusqu’à – cheville.

= Je piétinais de froid et mes chaussures s’enfonçaient dans la glaise

presque jusqu’à la cheville.

(296) B 5%,5'$' 5%&359C"-, 9 &+09 + ,%5/ @6.2&' 3.7'2%-9

(6. T*"2(&8/+. GA 8/$*>. ; Ruscorpora).

Ja nemnogo nervniPal, i ruki u menja bystro vspoteli.

Je – un peu – étais nerveux, – et – mains – chez – moi – vite – devinrent

moites.

= J’étais un peu nerveux et j’eus vite les mains moites.

3.5. Relations causales

Les relations temporelles entre les événements peuvent se combiner avec des

relations logiques (causales) ou même s’effacer au profit de ces dernières.

Généralement, on distingue quatre types de relations causales :

197

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

1. Cause / conséquence (cause à effet) ;

2. But ;

3. Concession ;

4. Condition.

3.5.1. Cause / conséquence

On parle de la relation causale (cause / conséquence) entre les événements

lorsqu’un événement est causé, conditionné par un autre événement. On a donc

deux événements : l’événement A, qui exprime la cause, et l’événement B, qui

désigne la conséquence provoquée par A. La langue peut expliciter la cause à

l’aide des conjonctions du type parce que (2"0 0"0, 7'2',+ C2', '22'$'

C2', 339*+ 2'$' C2', 9@', 3 .9-+ 2'$' C2', etc.) ou la conséquence, à

l’aide des conjonctions du type c’est pourquoi (7'Q2',+, 2"0 C2', etc.), cf. les

exemples (297) et (298) :

(297) > 2'2 *%5< T9, )*'&'3' 5"&"@'2"-./, 7'Q2',+ @6.2&'

+.5+- 9 59C%$' 5% .-6#"- (G5/*3/".(%&0 :31).

V tot den’ Bim zdorovo narabotalsja, poetomu bystro usnul i niPego ne

slyšal.

En – celui-là – jour – Bim – énormément – travailla, – c’est pourquoi – vite –

s’endormit – et – rien – ne – entendais.

= Ce jour-là, Bim travailla énormément, c’est pourquoi il s’endormit vite et

n’entendait rien.

(298) U%@/ *&")59-9 =%&'.2&"2', )" 2', C2' 26 0")F55+K 05910+

7"79&'.0'( 7&'1F$, " ,%5/ R?9"-<2', )" 2', C2' / /@%*59C"2<

-K@9- (@*Q/+ : 37).

Tebja draznili Gerostratom za to, Pto ty kazënnuyu knižku papiroskoj

prožëg, a menja Efial’tom za to, Pto ja jabedniPat’ ljubil.

Te – (on) traitaient – (de) Hérostrate – pour – ce, – que – tu – public –

bouquin – (avec) cigarette – brûla, – et – me – (de) Ephialte – pour – ce, –

que – je – rapporter – aimais.

198

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= On t’avait surnommé Hérostrate parce que tu avais brûlé un livre de

bibliothèque avec ta cigarette, et moi, on m’avait appelé Ephialte parce que

j’aimais rapporter 65.

Analysant les prédicats juxtaposés et coordonnés, nous nous intéressons

particulièrement aux énoncés qui n’affichent aucun signe extérieur de cause, la

relation causale étant inférée grâce au contexte (299) :

(299) >%.< 5'/@&< '*955"*:"2'$' $'*" N55" O3"5'35" 7&'-%1"-" 3

7'.2%-9. X 5%F @6-' 3'.7"-%59% -F$098 (=2(-*5'2% : 83).

Ves’ nojabr’ odinnadcatogo goda Anna Ivanovna proležala v posteli. U neë

bylo vospalenie lëgkix.

Tout – novembre – (de) onzième – année – Anna – Ivanovna – resta

couchée – dans – lit. – Chez – elle – était – inflammation – (de) poumons.

= Pendant tout le mois de novembre de 1911, Anna Ivanovna resta alitée.

Elle avait une pneumonie.

La relation entre la notion de causalité et celle de temporalité est assez complexe.

On pourrait croire que les événements qui entretiennent une relation de cause à

effet sont nécessairement liés par l’ordre temporel positif car la causalité suppose

qu’un élément est premier par rapport l’autre. Or il n’est pas toujours évident de

cerner la relation chronologique entre les événements liés par une causalité

[Wilson, Sperber 1993 ; Saussure 2003 a : 194-196 ; Saussure 2003 b] ; cf. deux

exemples donnés par Wilson, Sperber [Wilson, Sperber 1993 : 14] :

(106) J’ai parlé à Jean et j’ai découvert qu’il était charmant (Cet exemple est

également présenté à la page 99 de notre travail).

(300) Nous avons examiné tous les cas et nous avons découvert que le

problème était plus complexe que nous ne l’avions pensé.

Effectivement, en (106) et en (299), il y a à la fois une relation temporelle et une

relation de conséquence. Les actions j’ai parlé à Jean et nous avons examiné tous

65 Hérostrate est connu pour avoir brûlé, en 356 av. J.-C., le temple d’Artémis à Ephèse afin d’immortaliser son nom. Ephialte est le traître qui, lors de la guerre gréco-perse de 500-449 av. J.-C., dévoila aux Perses le sentier secret par lequel ils contournèrent les positions des Spartiates.

199

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

les cas précèdent respectivement les actions j’ai découvert et nous avons

découvert, mais il impossible de paraphraser ces énoncés de façon adéquate par

les énoncés avec l’adverbe ensuite :

*(106’) J’ai parlé à Jean et j’ai ensuite découvert qu’il était charmant.

*(300’) Nous avons examiné tous les cas et nous avons ensuite découvert

que le problème était plus complexe que nous ne l’avions pensé.

Nous supposons que la relation de cause à effet est susceptible de s’associer à

toutes les relations chronologiques (antériorité / postériorité, postériorité /

antériorité, simultanéité, indétermination temporelle).

3.5.1.1. Antériorité / postériorité (Ordre temporel positif)

Dans ce type de relation, il est possible d’établir un intervalle entre l’événement E1

(cause) et l’événement E2 (conséquence) : d’abord se produit E1, ensuite se

produit E2 :

(301) 4@% @"&6#59 .0")"-9 C2'-2' 7'-?&"5:+).09 .2+*%52+, 9

2'2 7'*"- P"#% *3+$&93%556( (@*Q/+ : 412).

Obe baryšni skazali Pto-to po-francuzski studentu, i tot podal Saše

dvugrivennyj.

Deux – demoiselles – dirent – quelque chose – en français – (à) étudiant, –

et celui-ci – donna – (à) Sacha – vingt kopecks.

= Les deux demoiselles dirent quelque chose en français à l’étudiant et ce

dernier donna une pièce de vingt kopecks à Sacha.

(302) P7+.2/ 5%.0'-<0' *5%( B0'3 G+09C +.-6#"- 5'C<K .2+0 3

.2"35K, 36#%- 3 .%59 (W/"/Q/+, I : 163).

Spustja neskol’ko dnej Jakov LukiP uslyšal noP’ju stuk v stavnju, vyšel v

seni.

Après – quelques – jours – Yakov – loukitch – entendit – (pendant) nuit –

battement – dans – volet, – sortit – dans – entrée.

= Quelques jours après, Yakov Loukitch entendit quelqu’un frapper dans le

volet et se précipita dans l’entrée.

200

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

3.5.1.2. Postériorité / antériorité (Ordre temporel négatif)

L’événement E1 est la conséquence de l’événement E2. Il est possible d’introduire

un intervalle entre les deux événements :

(303) T"&65/ '2'#-" 9 5"8,+&9-".<. >5%)"75'% *391%59% .'@"09

%F 9.7+$"-' (G#57*'*+ : 378).

(Conséquence) Barynja otošla i naxmurilas’. (Cause) Vnezapnoe dviženie

sobaki eë ispugalo.

Barynia – s’éloigna – et – se renfrogna. – Brusque – mouvement – (de)

chien – la – effraya.

= Madame s’éloigna et se renfrogna. Le brusque mouvement du chien

l’avait effrayée.

(304) > 2'-7% 5%'19*"55' 7'.-6#"-./ $&',09( .,%8 4.2"7"

T%5*%&". 45 ':%59- Q2+ ?&")+ (O".S, =*-5/+ : 111).

V tolpe neožidanno poslyšalsja gromkij smex Ostapa Bendera. On ocenil

etu frazu.

Dans – foule – inopinément – s’entendit - fort – rire – (de) Ostap – Bender.

– Il – apprécia – cette – phrase.

= On entendit soudain dans la foule le gros rire d'Ostap Bender. Il avait

apprécié cette phrase.

3.5.1.3. Simultanéité

La cause et la conséquence se produisent pendant le même laps de temps, les

deux actions étant exprimées par l’imperfectif :

(305) D%*3%1'5'0 7'.2"39- .",'3"&, " ^190 7%&%,95"-./ . 5'$9 5"

5'$+ – 5% )5"-, 0"0 7&%*-'192< 95'7-"5%2/5", &")*%2<./

(!. [/1"/+. ?/+/7/)'44 (%21%2 ; Ruscorpora).

Medvežonok postavil samovar, a Ëžik pereminalsja s nogi na nogu – ne

znal, kak predložit’ inoplanetjanam razdet’sja.

201

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Ourson – mit – samovar, – et – Hérisson – balançait – de – pied – sur –

pied – ne – savait, – comment – proposer – (à) extraterrestres – se

déshabiller.

= Ourson alluma le samovar et Hérisson se dandinait d’un pied sur l’autre,

se demandant s’il pouvait inviter les extraterrestres à se mettre à l’aise.

La conséquence (perfectif) se déroule sur le fond de la cause (imperfectif) :

(306) P2'/-9 2F7-6% 5'C9, 9 / 7&95'&'39-./ .7"2< 5" 2&"3% 3

,%#0% (]. [/+2".. [25-/S*".'24 E?#f7f ; Ruscorpora).

Stojali tëplye noPi, i ja prinorovilsja spat’ na trave v meške.

Se tenaient – douces – nuits, – et – je – m’accoutumai – dormir – sur –

herbe, – dans – sac de couchage.

= Les nuits étaient douces et je m’accoutumai de dormir à la belle étoile

dans un sac de couchage.

(307) T6-' *+#5', 9 ,6 &".7"85+-9 '05' 7&/,' 3 CF&56% 0+.26

.9&%59 (]. V/895/+(%&0. ;*)& M2%9*- ; Ruscorpora).

Bylo dušno, i my raspaxnuli okno prjamo v Përnye kusty sireni.

(Il) était – étouffant, – et – nous – ouvrîmes grand – fenêtre – directement

dans – noirs – buissons – (de) lilas.

= Il faisait chaud et nous ouvrîmes tout grand les fenêtres qui donnaient

directement sur les buissons noirs des lilas.

3.5.1.4. Indétermination temporelle

Il est impossible d’introduire un intervalle entre deux événements. Du point de vue

syntaxique, l’action causante peut précéder (308), (309) (cf. aussi les exemples

(295), (296), pp. 197) ou suivre l’action causée (310) :

(308) B *'-$' 3629&"- @'29509 ' 2&"3+ 9 7&','C9- 98 5".03')<

(!. ]5(%&0. U#82$'&% H/S82''2 ; Ruscorpora).

Ja dolgo vytiral botinki o travu i promoPil ix naskvoz’.

202

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Je – longtemps – essuyais – chaussures – contre – herbe – et – trempa –

elles – de part en part.

= Je frottai longtemps mes chaussures dans l'herbe et elles furent trempées

de part en part.

(309) 45 $'3'&9- -%$0', +3%&%55', +@%*92%-<5', 9 '5" 7'.2%7%55'

+.7'0'9-".< (]. V/895/+(%&0. J#,%2, '/$%2, /7#5*,&% ; Ruscorpora).

On govoril legko, uverenno, ubeditel’no, i ona postepenno uspokoilas’.

Il – parlait – légèrement – sûrement – pertinemment, – et – elle – petit à

petit – se calma.

= Il parlait avec légèreté, assurance, conviction et petit à petit elle se calma.

(310) !% &".7'-5%-" . $'*",9, .'@-K*"-" &%19, (O. T5*%/+2.

=*5*"/8 ; Ruscorpora).

Ne raspolnela s godami, sobljudala režim.

(Elle) ne – grossit – avec – années, – observait – régime.

= Elle n'avait pas grossi au fil des ans, elle suivait un régime.

3.5.2. But

La relation de but est explicitée dans l’énoncé par les conjonctions accompagnant

l’infinitif C2'@6 – Ptoby –« pour », *-/ 2'$' C2'@6 – dlja togo Ptoby – « pour

que », *"@6 – daby – « afin de » :

(311) W2'@6 &"..%/2<./ 5%,5'$', O77'-92 D"23%%39C 36#%- 5"

0&6-<:' (O".S, =*-5/+ : 18).

Ztoby rassejat’sja nemnogo, Ippolite MatveeviP vyšel na kryl’co.

Pour – se distraire – un peu, – Hippolyte – Matveevitch – sortit – sur perron.

= Pour se changer un peu les idées, Hippolyte Matveevitch sortit sur le

perron.

Dans les énoncés où la relation de but est implicite, c’est toujours le prédicat en

deuxième position syntaxique qui exprime le but :

203

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(312) N&897 @6- 3 :%&039, '2,"-93"- $&%89 (W/"/Q/+, I : 187).

Arxip byl v cerkvi, otmalival grexi.

Arkhip – était – dans – église, – priait pour – péchés.

= Arkhip était à l’église, priait pour ses péchés.

(313) L%3'C0" $'5/-".< 7' &9$% )" 7%2+8',, 3.F 5'&'39-" 7'(,"2<

%$' )" 83'.2 (O. U#'&' ; exemple de Akimova, Kozinceva [Akimova,

Kozinceva 1987 : 282]).

DevoPka gonjalas’ po rige za petuxom, vsë norovila pojmat’ ego za xvost.

Fillette – courait – dans – grange – après – coq, – tout – essayait –

attraper – le – par – queue.

= La fillette courait après le coq dans la grange, voulait l’attraper par la

queue.

(314) P3/A%55909 8'*9-9 7' *',", 9 '7'3%A"-9 5".%-%59%

(!. V/+"2-/+. ?2>& ; Ruscorpora).

SvjašPenniki xodili po domam i opovešPali naselenie.

Prêtres – allaient – dans – maisons – et – informaient – population.

= Les prêtres faisaient du porte à porte, informaient la population.

(315) 40")63"%2./, 7&9%)1"- . P%3%&" C%-'3%0 9 7&93F) 9)3%.29%,

C2' +,%& */*/ H'.2/, ,+1 2F29 G%-9 (6. ^20F*+. U52-.4 ;

Ruscorpora).

Okazyvaetsja, priezžal s Severa Pelovek i privëz izvestie, Pto umer djadja

Kostja, muž tëti Leli.

Il s’avère – venait – de – Nord – homme – et – apporta – nouvelle, – que –

mourut – oncle – Kostia – mari – (de) tante – Lelia.

= Il s’avère qu’un homme du Nord était passé et avait apporté la nouvelle

de la mort de l’oncle Kostia, le mari de la tante Lelia.

3.5.3. Concession

Les relations de concession entre les événements apparaissent lorsqu’un

événement exprime une contrainte qui influe sur un déroulement attendu d’un

204

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

autre événement. La concession est une « dérogation » à la relation causale : la

relation de concession apparaît quand l’événement A, supposé de causer

l’événement B, cause le contraire de B. Au centre même de la concession, il y a

donc une négation.

Dans les phrases complexes à proposition subordonnée, la concession est

explicitée par les conjonctions 8'2/ – xotja – « bien que, quoi que », 8'2< –

xot’ – « bien que, quoi que », 5%.,'2&/ 5" 2' C2' – nesmotrja na to Pto –

« malgré que », ,%1*+ 2%, 0"0 – meždu tem kak –« tandis que », 2'-<0'

@6 – tol’ko by – « pourvu que », -9#< @6 – liš’ by – « pourvu que », 7+.2< –

pust’ – « que » :

(316) >'7&'.6 -K@39 9 .,%&29 5% 3'-5'3"-9 O77'-92"

D"23%%39C" >'&'@</595'3", 8'2/ Q29,9 3'7&'.",9 7' &'*+

.3'%( .-+1@6 '5 3%*"- . *%3/29 +2&" *' 7/29 3%C%&"

%1%*5%35' . 7'-+C".'36, 7%&%&63', *-/ )"32&"0" (O".S,

=*-5/+ : 7).

Voprosy ljubvi i smerti ne volnovali Ippolita MatveeviPa Vorob’janinova,

xotja etimi voprosami po rodu svoej služby on vedal s devjati utra do pjati

vePera ežednevno s poluPasovym pereryvom dlja zavtraka.

Questions – (de) amour – et – (de) mort – ne – troublaient – pas –

Hippolyte – Matveevitch – Vorobianinov, – bien que – (de) ces –

questions – par – genre – (de) son – service – il – s’occupait – de – neuf –

(de) matin – jusqu’à – cinq – (de) soir – quotidiennement – avec – demi-

heure – pause – pour – déjeuner.

= Hippolyte Matveevitch Vorobianinov n'était pas touché par les questions

d'amour ou de mort, même si, par son travail, il s'occupait de ces questions

tous les jours de neuf heures du matin à cinq heures de l’après-midi, en

faisant une pause d’une demi-heure pour déjeuner.

Dans les phrases complexes à propositions coordonnées, la concession est mise

en relief par les conjonctions adversatives " – a – « mais », 5' – no –« mais »,

plus rarement 9 – i – « et, mais » :

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(317) O$&"-9 *%&<,'3', 5' ,5% 7'5&"39-'.< (6. T*"2(&8/+. ?*$'A0

+/152(- ; Ruscorpora).

Igrali der’movo, no mne ponravilos’.

(Ils) jouaient – de manière m…que, – mais – (à) moi – (cela) plut.

= Ils ont joué comme des pieds mais ça m’a plu.

(318) 45 7&'@%1"- 7/2< 09-',%2&'3 9 59.0'-<0' 5% +.2"-.

On probežal pjat’ kilometrov i niskol’ko ne ustal.

Il – courut – cinq – kilomètres – et – nullement – ne – se fatigua.

= Il courut cinq kilomètres mais il n’était pas fatigué.

Même si l’opposition entre les événements se manifeste à travers la sémantique

verbale, la relation de concession demande généralement une confirmation par

une conjonction. S’il n’y a pas de conjonction adversative, on conclut normalement

à la relation causale :

(318’) 45 7&'@%1"- 7/2< 09-',%2&'3. 45 59.0'-<0' 5% +.2"-.

On probežal pjat’ kilometrov. On niskol’ko ne ustal.

Il – courut – cinq kilomètres. – Il – nullement – ne – se fatigua.

= Il courut cinq kilomètres. Il n’était pas fatigué.

3.5.4. Condition

Un événement se déroule à condition que l’autre ait lieu. Les conjonctions de

condition %.-9 – esli, %.-9 @6 – esli by, &") – raz, -9 – li, 0'-< – kol’, 0"@6 –

kaby – « si » aident à expliciter cette relation :

(319) M.-9 + 3". 5%2 .'@"09, %F 5% '2&"392 .'.%*. O . *&+$', 5%

@+*%2 *&"09, %.-9 + 3". *&+$" 5%2 (6. 65/'/+ ; extrait d’une chanson

populaire).

Esli u vas net sobaki, eë ne otravit sosed. I s drugom ne budet draki, esli u

vas druga net.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Si – chez – vous – pas – (de) chien, – le – ne – empoisonnera – voisin. –

Et – avec – ami – ne – sera – bagarre, – si – chez – vous – (de) ami – pas.

= Si vous n’avez pas de chien, le voisin ne l’empoisonnera pas. Et vous ne

vous battrez pas avec votre ami, si vous n’en avez pas.

La relation de condition dans les énoncés à prédicats autonomes n’entre pas dans

le champ de notre étude, les événements appartenant a des plans chronologiques

différents.

3.6. Relations de caractérisation

Dans les relations de caractérisation, les verbes désignent le même événement,

représentant ses différents aspects. La relation chronologique entre les actions est

restreinte à une coexistence dans le même cadre temporel. Appliquant aux

prédicats autonomes la classification des relations gérondivales proposée par

Akimova, Kozinceva [Akimova, Kozinceva 1987 : 263-267], nous distinguons

globalement deux types de relation de caractérisation : 1) concrétisation

('25'#%59% 0'50&%29)":99 – otnošenie konkretizacii) ; 2) appréciation et

interprétation (952%&7&%2"2935'-':%5'C5'% '25'#%59% – interpretativno-

ocenoPnoe otnošenie).

Les événements A et B liés par la relation de concrétisation appartiennent au

même plan sémantique : ils constatent les faits. Les conditions de vérité de

l’énoncé dépendent de la réalité et non de l’attitude du locuteur :

(320) (A) S9-9 '59 @%*5', (B) 0'%-0"0 .3'*9-9 0'5:6 . 0'5:",9

(!. !*)/+. V/95/* (*5)F* J/9&'2 ; Ruscorpora).

(A) Žili oni bedno, (B) koe-kak svodili koncy s koncami.

(A) Vivaient – ils – pauvrement, – (B) comme ci comme ça – joignaient –

bouts – avec – bouts.

= Ils étaient pauvres, joignaient les deux bouts tant bien que mal.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Les événements A et B unis par la relation d’appréciation et d’interprétation

représentent deux plans sémantiques différents : un événement constate le fait,

l’autre donne une appréciation de ce fait du point de vue du locuteur. Ainsi, les

conditions de vérité de l’énoncé sont déterminées par le jugement du locuteur :

(321) (A) P' .3'9, .2"&90', '5" '@&"A"-".< 5% -".0'3', (B)

'@)63"-" %$' 2' -%1%@'0'(, 2' 8'-%&'( (@*Q/+ : 405).

(A) So svoim starikom ona obrašPalas’ ne laskovo, (B) obzyvala ego to

ležebokoj, to xoleroj.

(A) Avec – son – vieux – elle – se comportait – non – doucement, – (B)

traitait – lui – tantôt – (de) fainéant, – tantôt – (de) choléra.

= Elle se comportait durement avec son vieux, le traitant tantôt de fainéant

tantôt de teigne.

3.6.1. Concrétisation

Selon le rapport sémantique entre les événements, on distingue les situations

suivantes :

1. Les événements sont liés par une relation partie / tout, l’un des verbes

désignant une action générale (hyperonyme) et l’autre verbe – une action

particulière (hyponyme) qui fait partie de l’action générale (322) ou exprime la

manière dont elle se déroule (323) :

(322) D6 32&'F, +195"-9. L'02'& 9 D"&9/ >902'&'35" 79-9

0&".5'% 395', #",7"5.0'% 9 0'?% . 0'5</0', […] (@*Q/+ : 356).

My vtroëm užinali. Doktor i Maria Viktorovna pili krasnoe vino, šampanskoe

I kofe s kon’jakom.

Nous – (à) trois – dînions. – Docteur – et – Maria – Victorovna – buvaient –

rouge – vin, – champagne – et – café – avec – cognac.

= Nous dînions tous les trois. Le docteur et Maria Victorovna buvaient du

vin rouge, du champagne et du café arrosé de cognac.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(323) T9@-9'2%0"&< 7&936C5' )"@'29-./ ' .3'F, @'$"2.23% –

'@%&%$a- '2 76-9 9 c6&'.29, '2 0&6. 9 7'1"&'3 (K. UA%/+.

T"2+'A0 %5&7(82' ; Ruscorpora).

Bibliotekar’ privyPno zabotilsja o svoëm bogatstve – oberegal ot pyli i

syrosti, ot krys i požarov.

Bibliothécaire – habituellement – se souciait – de – son – trésor – protégeait

de – poussière – et – humidité, – de – rats – et – incendies.

= Le bibliothécaire prenait un soin quotidien de son trésor – le protégeait de

la poussière et de l’humidité, des rats et des incendies.

Le plus souvent, la relation partie / tout se réalise sous forme d’encapsulation.

Cela veut dire que, dans l’énoncé, se trouve un événement hyperonyme qui est

découpé en plusieurs événements hyponymes, chaque hyponyme étant en

relation de concrétisation avec l’hyperonyme :

(324) O 7"7"#" H&90 7'.-%*'3"- .'3%2+ .65". 45 )"0+.9- 9 3679-

(U29*". : 218).

I papaša Krik posledoval sovetu syna. On zakusil i vypil.

Et – pépère – Krik – suivit – conseil – (de) fils. – Il – mangea un peu – et –

but.

= Et le père Krik suivit le conseil de son fils. Il mangea et but.

(325) P2"&90 7&'?%..'& &".#"-9-./, -"/-, 0+0"&%0"- (!. V/+"2-/+.

O'24 $&1'. ; Ruscorpora).

Starik professor rasšalilsja, lajal, kukarekal.

Vieillard – professeur – se déchaîna, – aboyait, – poussait des cocoricos.

= Le vieux professeur était complètement déchaîné, il aboyait, poussait des

cocoricos.

(326) T+?%2C90 .9*%- 5%7'*3915' 9 'C%5< 7'.2"&%-. UF,56%

0'-<:" '0&+19-9 %$' $-")", AF09 '@39.-9 9 5915// C%-K.2<

'23"-9-".< (U#"72%/+ : 215).

BufetPik sidel nepodvižno i oPen’ postarel. Tëmnye kol’ca okružili ego glaza,

šPëki obvisli i nižnjaja Peljust’ otvalilas’.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

Buffetier – siégeait – de manière immobile – et – beaucoup – vieillit. –

Foncés – cernes – encerclèrent – ses – yeux, – joues – pendirent – et –

inférieure – mâchoire – tomba.

= Le buffetier, immobile sur son siège, semblait avoir subitement vieilli. Des

cernes entouraient ses yeux, ses joues étaient flasques et sa mâchoire

inférieure pendait.

Si dans les exemples (324), (325), (326), l’action hyperonyme se présente comme

sémantiquement autonome, à même d’exister sans être développée par les

hyponymes (suivre le conseil, se déchaîner, vieillir), dans les énoncés ci-dessous,

l’action hyperonyme exige des précisions sémantiques sous formes

d’hyponymes :

(327) (A) W%, 2'-<0' 5% 762"-9.< W+(0'3, H&6-'3 9 =+&'3

)"7'-592< Q2'2 *%5< – (B) .')*"3"-9 39*9,'.2< *%-", 79."-9

79.<,", .7'&9-9 ' 3'),'1568 7%&%*391%59/8 7&'293590",

#+29-9, 9 3'*0+ 79-9 . )"0+.0'( 9 @%) )"0+.09, 9 ,'-C"-9,

7&9.-+#93"/.< 0 $&',+ @',@F109 (T5/((82' : 30).

(A : HYPERONYME) Zem tol’ko ne pytalis’ Zujkov, Krylov i Gurov zapolnit’ etot

den’ – (B : HYPONYMES) sozdavali vidimost’ dela, pisali pis’ma, sporili o

vozmožnyx peredviženijax protivnika, šutili, i vodku pili s zakuskoj i bez

zakuski, i molPali, prislušivajas’ k gromu bombëžki.

(A) (De) quoi – seulement – ne – s’efforçaient – Tchouïkov, – Krylov – et –

Gourov – remplir – ce – jour – (B) créaient – apparence – (de) travail, –

écrivaient – lettres, – discutaient – de – éventuels – déplacements – (de)

ennemis, – plaisantaient, – et – vodka – buvaient – avec –

accompagnement – et – sans – zakouski, – et – se taisaient, – en écoutant

attentivement – à – orage – (de) bombardement.

= Que n’essayèrent pas Tchouïkov, Krylov et Gourov pour remplir cette

journée ! Ils firent mine de travailler, écrivirent des lettres, discutèrent des

déplacements éventuels de l’ennemis, plaisantèrent, burent de la vodka

avec ou sans amuse-gueule et firent silence pour écouter le fracas des

bombardements.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(328) (A) U+2 95'.2&"5%: '20'-'- 2"0+K #2+0+ : (B) 3.2"- 9

7'1"- 9)+,-F55',+ &%*"02'&+ &+0+ […] (U#"72%/+ : 11).

(A : HYPERONYME) Tut inostranec otkolol takuju štuku : (B : HYPONYMES) vstal

i požal izumlënnomu redaktoru ruku.

Ici – étranger – fit éclater – tel – truc : – se leva – et – serra – (à) ébahi –

rédacteur – main.

= Alors l’étranger fit une chose époustouflante : il se leva et serra la main du

rédacteur ébahi.

L’action hyponyme transmet diverses caractéristiques de l’action hyperonyme : la

manière de passer le temps (329), la manière de se déplacer (330), (331),

d’accomplir une tâche (332), etc. :

(329) !'C",9 '5 *' 0'C%2'3 7&'.9193"- 3 .3'%( 0',5"2+#0%, C2'-

2' 79."-, C%&29- 89,9C%.09, 0"&"5*"#', 0"09%-2' 0"&26,

C92"- (W/"/Q/+, I : 163).

NoPami on do koPetov prosižival (HYPERONYME) v svoej komnatuške, Pto-to

pisal, Pertil ximiPeskim karandašom kakie-to karty, Pital.

(Pendant) nuits – il – jusqu’à – coqs – restait assis – dans – sa –

chambrette, – quelque chose – écrivait, – dessinait – (avec) chimique –

crayon – quelconques – plans, – lisait.

= Il restait éveillé dans sa chambrette des nuits entières, écrivait quelque

chose, traçait des plans avec un crayon à encre, lisait.

(330) […] 359)+ #F- E"52%-%(, 7&92'763"- 5'$",9 […] (@*Q/+ :

108).

Vnizu šël Pantelej, pritopyval nogami.

En bas – marchait – Pantéléï, – tapait – (avec) pieds.

= En bas Pantéleï marchait, battant la mesure avec ses pieds.

(331) 45" 3)/-" .' .2'-" 0-KC9 9 @6.2&' +#-", 7'C29 7'@%1"-"

(G5/*3/".(%&0 : 32).

Ona vzjala so stola kljuPi i bystro ušla, poPti pobežala.

Elle – prit – de – table – clés – et – vite – partit, – presque – courut.

= Elle prit les clés sur la table et partit vite, courut presque.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

(332) D"," U'-.2+#0" &"@'2"-" *3'&59C98'( 9 :%-6,9 *5/,9

,%-" 76-< 7' *3'&+ (6. V/5/S**+. N"*-E2'-&% ; Ruscorpora).

Mama Tolstuška rabotala dvorniPixoj i celymi dnjami mela pyl’ po dvoru.

Maman – Rondelette – travaillait – (comme) agent de propreté – et –

entières – journées – balayait – poussière – dans – cour.

= Maman Rondelette travaillait comme agent de propreté et toute la journée

passait le balai dans la cour.

2. La durée et / ou l’intensité de l’action est exprimée par la répétition du même

verbe :

(333) E'2', '5 @%1"- 5%0'2'&'% 3&%,/ )" 7'.-%*59, *',90', *'

2%8 7'&, 7'0" 2'2 5% .0&6-./ 9) 39*+, @%1"- 9 *"-<#%, 7' 2'(

1% *'&'$%, 7'2',+ C2' '5" 590+*" 5% .3'&"C93"-". L'-$' @%1"-

(G5/*3/".(%&0 : 49-50).

Potom on bežal nekotoroe vremja za poslednim domikom do tex por, poka

tot ne skrylsja iz vidu, bežal i dal’še, po toj že doroge, potomu Pto ona

nikuda ne svoraPivala. Dolgo bežal.

Puis – il – courait – certain – temps – après – derrière – maisonnette –

jusqu’à – ce – temps, – que – celle-ci – ne – se cacha – de – vue, –

courait – et – plus loin, – sur – cette – même – route, – parce – que – elle –

nulle part – ne – tournait.

= Puis il courut pendant quelque temps après le dernier wagon jusqu'à ce

qu'il fût hors de sa vue, et même après il continua de courir toujours tout

droit, en poursuivant le même chemin. Il courut ainsi très longtemps.

(334) E'*+,"-, 7'*+,"- L"36*'3 9 7&9#F- 0 363'*+, C2' B0'3

G+09C 5% 395'3%5 3 5%.C".25', .-+C"% . @60",9 (W/"/Q/+, I :

167).

Podumal, podumal Davydov i prišël k vyvodu, Pto Jakov LukiP ne vinoven v

nesPastnom sluPae s bykami.

Réfléchit, – réfléchit – Davydov – et – arriva – à – conclusion, – que –

Yakov – Loukitch – ne – coupable – dans – malheureux – accident – avec –

bœufs.

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Davydov réfléchit pendant quelque temps et en déduisit que Yakov

Loukitch n'était pas responsable de l'incident avec les bœufs.

3. La durée et / ou l’intensité de l’action est exprimée par une combinaison de

verbes, désignant chacun un stade différent de l’événement. Les verbes de la

combinaison sont des synonymes (335), (336) ou constituent un couple aspectuel

(337) :

(335) P2"- / .5'3" 0&9C"2< 9 '&"- +1".5' […] (]. [/+2".. =5/ '&Q ;

Ruscorpora).

Stal ja snova kriPat’ i oral užasno.

Me mis – je – à nouveau – crier – et – hurlais – terriblement.

= Je me remis à crier et je hurlais terriblement.

(336) T9, +39*%-, C2' .2&"#56( */*<0" 9.7+$"-./ %$', C2' '5 %$'

*' .2&".29 @'92./ (G5/*3/".(%&0 : 47).

Bim uvidel, Pto strašnyj djad’ka ispugalsja ego, Pto on ego do smerti boitsja.

Bim – vit, – que – affreux – individu – eut peur – (de) lui, – que – il – le –

jusqu’à – peur – craint.

= Bim vit que l’affreux individu eut peur de lui, qu’il le craignait à mort.

(337) 45 &%#"- )"*"C+ 3%.< 3%C%& 9, 5"0'5%:, &%#9- %F.

On rešal zadaPu ves’ vePer i, nakonec, rešil eë.

Il – résolvait – problème mathématique – entière – soirée – et, – enfin, –

résolut – le.

= Il passa toute la soirée à essayer de résoudre le problème et finit par le

résoudre.

3.6.2. Appréciation et interprétation

Dans les énoncés de ce type, un seul événement est décrit par deux verbes. Un

verbe renvoie directement à l’événement réel et l’autre présente une appréciation,

un jugement que formule le locuteur sur cet événement. L’appréciation et

213

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

l’interprétation communiquées par le locuteur se manifestent dans l’énoncé de

différentes façons :

1. La sémantique de l’un des verbes recèle des éléments de jugement :

5"7',95"2< – napominat’ – « rappeler, faire penser », ')5"C"2< – oznaPat’ –

« signifier, symboliser », @62< 7&"36, / 5%7&"36, – byt’ pravym / nepravym –

« avoir raison / tort », 7'.2+7"2< 7&"39-<5' / 5%7&"39-<5' – postupat’

pravil’no / nepravil’no – « agir bien / mal », *%-"2< 8'&'#' / 7-'8' – delat’

xorošo / ploxo – « faire bien / mal », etc. :

(338) 4@%* @6- 7-'8'(. E'*"3"-9 2'-<0' 79&'$ . $'&<09,

23'&'$', 9 ,'-'C56( .+7 (@*Q/+ : 339).

Obed byl ploxoj. Podavali tol’ko pirog s gor’kim tvorogom i moloPnyj sup.

Déjeuner – était – mauvais. – (On) servait – seulement – tarte – avec –

amer – fromage blanc – et – laitière – soupe.

= Le dîner était mauvais. On ne servait que de la tarte au fromage blanc

amer et de la soupe au lait.

La relation d’appréciation accompagne fréquemment celle d’encapsulation :

(339) P'2590 7'7&'A"-./ . 59,9 8'-'*5'3"2', .+5+- *3" 7"-<:"

7'* 0')6&F0 9 '23%&5+-./ (W/"/Q/+, II : 40).

Sotnik poprošPalsja s nimi xolodnovato, sunul dva pal’ca pod kozyrëk i

otvernulsja.

Chef d’escadron – prit congé – de – eux – un peu froidement, – mit – deux

doigts – sous – visière – et – se détourna.

= Les adieux du chef d'escadron furent un peu froids, il mit deux doigts

sous sa visière et se détourna.

En (339) l’action hyperonyme poprošPalsja s nimi xolodnovato encapsule les

hyponymes sunul dva pal’ca pod kozyrëk, otvernulsja.

(340) H'2 '0")"-./ 5% 2'-<0' 7-"2F1%.7'.'@56,, 5' 9

*9.:97-959&'3"556, )3%&%,. E&9 7%&3', 1% '0&90%

214

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

0'5*+02'&#9 '5 7&%0&"29- 5".2+7-%59%, .5/-./ . 7'*5'109 9

.%- 5" '.2"5'30%, 7'29&"/ $&93%5590', +.6 (U#"72%/+ : 50).

Kot okazalsja ne tol’ko platëžesposobnym, no i disciplinirovannym zverem.

Pri pervom že okrike konduktorši on prekratil nastuplenie, snjalsja s

podnožki i sel na ostanovke, potiraja grivennikom usy.

Chat – s’avéra – non – seulement – solvable, – mais – et – discipliné –

bête. – Sous – premier – même – cri – (de) receveuse – il – cessa – assaut,

– se décrocha – de – marchepied – et – s’assit – sur – arrêt, – en frottant –

(avec) dix kopecks – moustaches.

= Le chat s'avéra être une bête non seulement solvable mais également

bien disciplinée. Juste après le premier cri de la receveuse, il arrêta net son

assaut, descendit du marchepied et s'assit à l'arrêt du tramway en frottant

ses moustaches avec dix kopecks.

En (340), l’hyperonime kot okazalsja disciplinirovannym zverem est défini « en

extension » par les hyponymes prekratil nastuplenie, snjalsja s podnožki, sel na

ostanovke.

(341) >"&%5+8" 7&'*%-"- 3.F, C2' 7'-"$"%2./ C%-'3%0+ 3 ,95+26

3%-90'$' 9)+,-%59/. 45 9 7' 0"@95%2+ 7&'@%1"-./, 9 *3"1*6

3)*6,"- &+09, 0"0 &".7/26(, 9 3679- :%-6( .2"0"5

1%-2'3"2'( 3'*6 9) $&"?95", 9 3'.0-9:"- :

– !% 7'59,"K ! !% 7'-59-,"-K ! (U#"72%/+ : 109).

Varenuxa prodelal vsë, Pto polagaetsja Peloveku v minuty velikogo

izumlenija. On i po kabinetu probežalsja, i vzdymal ruki, kak raspjatyj, i vypil

celyj stakan želtovatoj vody iz grafina, i vosklical :

– Ne ponimaju ! Ne ponimaju !

Varénoukha – fit – tout – que – (il) est dû – (à) homme – dans – minutes –

(de) grande – stupéfaction. – Il – et – à travers – bureau – parcourut, – et –

deux fois – leva – mains, – comme – crucifié, – et – but – entier – verre –

(de) jaunâtre – eau – de – carafe, – et – s’exclamait : – Ne – comprends ! –

Ne – comprends !

= Varénoukha fit tout ce que fait habituellement un homme en état de

grande stupéfaction. Il parcourut le bureau de long en large, leva deux fois

215

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

les mains au ciel comme un crucifié, but tout un verre de l’eau jaunâtre de

la carafe et s'exclamait :

– Je ne comprends pas ! Je ne comprends pas !

En (341), l’hyperonyme est prodelal vsë, Pto polagaetsja Peloveku v minuty

velikogo izumlenija, les hyponymes sont : probežalsja, vzdymal ruki, vypil stakan

vody, vosklical.

2. L’un des verbes est précédé d’une particule comparative, exprimant ainsi des

doutes, une incertitude du locuteur :

(342) P:%7-%556% 0&+26% C%-K.29 %$' *39$"-9.<, .-'35'

7&'1F363"-9 C2'-2' 5%7'*"2-93' 23F&*'% (W/"/Q/+, I : 163).

Sceplennye krutye Pelusti ego dvigalis’, slovno prožëvyvali Pto-to

nepodatlivo tvërdoe.

Serrées – osseuses – mâchoires – (à) lui – remuaient, – comme –

mâchaient – quelque chose – (de) insensiblement – dur.

= Ses mâchoires osseuses contractées remuaient comme s'il mâchait

quelque chose de très dur.

(343) – P2&"556% 36 -K*9, $'.7'*" ! – 7&'*'-1"- '5 $&',0' 9

2"09, 2'5',, 0"0 @+*2' *%-"- ,5% 36$'3'& (@*Q/+ : 334).

– Strannye vy ljudi, gospoda ! – prodolžal on gromko i takim tonom, kak

budto delal mne vygovor.

Etranges – vous – personnes – messieurs ! – poursuivit – il – fort – et – (de)

tel – ton, – comme – si – faisait – (à) moi – blâme.

= – Comme vous y allez, messieurs ! – poursuivit-il d'une voix forte et sur

un ton tel que l’on pouvait croire qu’il me blâmait.

(344) 45" . .%&<F)6,, 8'-'*56, 36&"1%59%, '$-/*%-" ,%@%-<,

2'C5' 8'2%-" .'.C92"2< %F (@*Q/+ : 354).

Ona s ser’ëznym, xolodnym vyraženiem ogljadela mebel’, toPno xotela

sosPitat’ eë.

Elle – avec – serieuse – froide – expression – examina en regardant –

meuble, – comme – voulait – compter – lui.

216

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

= Avec une expression sérieuse et froide, elle examina les meubles comme

si elle voulait les compter.

3.7. Bilan

Pour décrire les relations temporelles entre les événements exprimés par les

prédicats autonomes juxtaposés ou coordonnés, il nous a fallu tout d’abord définir

un cadre méthodologique et terminologique. Celui-ci doit beaucoup aux travaux de

A. V. Bondarko et ses collaborateurs, en particulier, à la classification de T. G.

Akimova et N. A. Koziceva [Akimova, Kozinceva 1987], sur laquelle nous nous

sommes appuyée au cour de notre analyse sémantique. Quant à l’apport

pragmatique, il nous a été inspiré par L. de Saussure [Saussure 2003 a]. Guidée

par ses idées, nous avons entrepris de cerner les facteurs linguistiques et

pragmatiques qui influencent les relations entre les événements dans l’énoncé et

de définir la valeur par défaut du passé perfectif et imperfectif en russe.

Nous avons constaté que les rapports qu’entretiennent les événements dans

l’énoncé sont de nature complexe, relevant de la chronologie, de la causalité et

des liens sémantiques, tels que l’inclusion ou l’équivalence. Nous avons donc

rangé toutes les relations entre les événements en trois groupes : 1) relations

temporelles ; 2) relations causales ; 3) relations de caractérisation.

L’interprétation d’une relation entre les événements s’effectue à partir de

l’information linguistique et pragmatique, cette dernière intervenant à tous les

niveaux de l’analyse. Les observations que nous avons faites nous permettent de

rejeter la conjecture traditionnelle, selon laquelle le passé perfectif fait avancer le

temps, tandis que le passé imperfectif indique la stagnation, et d’affirmer que

l’inférence des relations chronologiques ne se base pas directement sur des

propriétés linguistiques intrinsèques des verbes. Les caractéristiques aspecto-

temporelles du verbe russe fournissent des informations sur le déroulement de

l’action (durée, limite, répétition, etc.) et favorisent l’inférence d’une relation

temporelle sans pour autant être décisives. Dans certaines conditions

contextuelles, toute combinaison de formes aspecto-temporelles (passé perfectif +

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Chapitre 3. Énoncés à prédicats autonomes

passé perfectif, passé imperfectif + passé imperfectif, passé perfectif + passé

imperfectif, passé imperfectif + passé perfectif) est à même de désigner toute

relation chronologique. Ainsi, par exemple, deux passés perfectifs peuvent être

non seulement en relation d’antériorité / postériorité mais aussi en relation de

postériorité / antériorité, de simultanéité ou de non-ordonnancement temporel.

Il est aussi important de remarquer que les trois types de relations entre les

événements se superposent fréquemment dans l’énoncé. La relation

chronologique peut s’effacer au profit d’une relation causale ou sémantique.

218

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219

CHAPITRE 4.

ÉNONCÉS A PRÉDICAT SECONDAIRE (LE CAS DU GÉRONDIF)

4.1. Précisions terminologiques

Le terme de gérondif (*%%7&9C".29% – deepriPastie) est réservé à la forme

isolée dans l’énoncé : 5"7%3"/ (napevaja – « en chantonnant »)66, C92"/

(Pitaja – « en lisant »), '2*'85+3 (otdoxnuv – « s’étant reposé), 7'*7&6$5+3

(podprygnuv – « ayant sauté »).

Est appelée construction gérondivale (*%%7&9C".256( '@'&'2 – deepriPastnyj

oborot) le gérondif et ses extensions éventuelles : 5"7%3"/ "&9K $%&:'$" 9)

'7%&6 « J9$'-%22' » (napevaja ariju gercoga iz opery « Rigoletto » – « en

chantonnant l’air du duc de l’opéra « Rigoletto »), C92"/ 7'-9:%(.09( &',"5

(Pitaja policejskij roman – « en lisant un roman policier »), 8'&'#%5<0'

'2*'85+3 (xorošen’ko otdoxnuv – « s’étant bien reposé »), 7'*7&6$5+3 '2

&"*'.29 *' 7'2'-0" (podprygnuv ot radosti do potolka – « ayant sauté de joie

jusqu’au plafond »).

Nous appelons relation gérondivale le couple formé par le gérondif (ou la

construction gérondivale) et le verbe dont il relève, ce dernier étant nommé verbe

régissant (ou verbe principal) 67 :

(354) 45 -%1"- 5" *93"5%, C92"/ 7'-9:%(.09( &',"5.

On ležal na divane, Pitaja policejskij roman.

Il – était allongé – sur – canapé, – en lisant – policier – roman.

= Allongé sur le canapé, il lisait un roman policier .

66 Le gérondif russe n’ayant pas d’équivalent exact en français, dans la traduction mot à mot le gérondif perfectif est transposé en français à l’aide du participe passé composé, le gérondif imperfectif à l’aide du gérondif ou du participe présent. 67 Le gérondif peut aussi se rapporter à d’autres formes dites verbales (infinitif, participe, un autre gérondif), mais nous ne traitons pas ces cas ici. Cf., par exemple, l’énoncé où le gérondif se réfère au participe passé : W%-'3%0, .9*%3#9( .'$5+3#9.<, 7'*5/- $'-'3+. – Zelovec, sidevšij sognuvšis’, podnjal golovu. – Litt. : Homme – assis – s’étant courbé – leva – tête ». = « L’homme, qui était assis le dos courbé, leva la tête ».

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté, le recours à cette tripartition terminologique est

superflu, le terme de gérondif pouvant être employé pour les trois cas.

4.2. Le gérondif, forme hybride : le flou des définitions

Les définitions du gérondif russe ()**35&,2(-&* – deepriPastie) cherchent à

mettre en évidence la « cohabitation » des traits verbaux et adverbiaux à l’intérieur

de cette forme, cf. par exemple la formule que donne la Grammaire russe 1980

[RG I 1980] : « V**35&,2(-&* – I-/ 2-5&9#-&+'24 S/582 7"27/"2, +

%/-/5/0 (/+8*C2<-(4 1'2,*'&4 )+#Q ,2(-*0 5*,&, 7"27/"2 & '25*,&4, -. e.

1'2,*'&* )*0(-+&4 & /9(-/4-*".(-+*''/-/35*)*"&-*".'/* […] » [RG I

1980 : 672]. – (Le gérondif est une forme verbale fléchie qui combine les valeurs

de deux parties du discours, du verbe et de l’adverbe, c’est-à-dire les valeurs

d’action et de circonstance attributive – traduction personnelle). La coexistence

des traits verbaux et adverbiaux à l’intérieur du gérondif a valu à cette forme les

caractéristiques telles que « partie du discours hybride » ($9@&9*5"/ C".2<

&%C9 – gibridnaja Past’ rePi) [Peškovskij 1956 : 128], « forme d’adverbe verbal »

[Comtet 1997 / 2002 : 280].

Définies de cette manière, les valeurs gérondivales demeurent assez floues et

même contradictoires. Reste obscure notamment la question sur le poids de la

verbalité et de l’adverbialité à l’intérieur du gérondif : quels traits prédominent,

verbaux ou adverbiaux, ou se manifestent-ils sur un pied d’égalité ? Passant sous

silence ce problème épineux, les grammaires classiques continuent de placer le

gérondif parmi les formes verbales impersonnelles (cf. la définition de la

Grammaire russe 1980 ci-dessous ou encore celles de [GRJ I 1960 : 520 ; GSRLJ

1970 : 421] et d’exclure de la classe du gérondif les formes dans lesquelles

l’adverbialité devient un peu trop manifeste (parfois sans effacer complètement,

soulignons-le, la valeur d’action), en les considérant comme des adverbes ou des

formations adverbiales (5"&%C56% '@&")'3"59/ – narePnye obrazovanija).

Ainsi, la Grammaire de la langue russe 1960 [GRJ I 1960] et la Grammaire du

russe littéraire contemporain 1970 [GSRLJ 1970] qualifient les mots et les

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

expressions suivants comme adverbes : .2'/ (stoja – « (étant) debout »), -F1"

(lëža – « (étant) couché), .9*/ (sidja – « (étant) assis »), ,'-C" (molPa – litt.

« (en) se taisant » = « en silence »), .7+.2/ &+0"3" (spustja rukava – litt. « (en)

baissant les manches ; les manches baissées » = « sans ardeur, avec paresse »),

7'3%./ 5'. (povesja nos – litt. « (en) baissant le nez ; le nez baissé » =

« découragé, attristé »), #+2/ (šutja – litt. « (en) plaisantant » = « facilement,

sans efforts »), )"90"/.< (zaikajas’ – « (en) bégayant »), 5% 2"/.< (ne tajas’ –

litt. « ne se cachant pas » = « sans se cacher »), 9$&"KC9 (igrajuPi – litt. « (en)

jouant » = « facilement, sans efforts »), 0&"*+C9.< (kraduPis’ – « (en) marchant à

pas de loup »), +,%KC9 (umejuPi – litt. « (en) sachant » = « avec compétence,

avec savoir-faire »), 7&97%3"KC9 (pripevajuPi – litt. « en chantonnant » = « avec

joie et facilité »), etc. La Grammaire russe 1980 « réhabilite » cependant les

gérondifs du type stoja, lëža, sidja, šutja, en notant que le développement des

valeurs adverbiales dans ces formes ne les projette pas en dehors du verbe.

Quels sont des traits verbaux et adverbiaux présents dans le gérondif ? Les

grammaires disent que le gérondif désigne une action secondaire,

complémentaire (32'&'.2%7%55'%, *'7'-592%-<5'% *%(.239% –

vtorostepennoe, dopolnitel’noe dejstvie). La capacité d’indiquer une action

rapproche donc le gérondif du verbe. Tout comme le verbe, le gérondif possède la

catégorie d’aspect – perfectif et imperfectif. Nous repoussons, comme le fait aussi

Jacqueline Fontaine [Fontaine 1983 : 146], les termes de gérondif passé et de

gérondif présent, largement employés à titre pédagogique dans les ouvrages

français. Ces termes ne sont pas conformes à la réalité morphologique, ne

répondant à la réalité sémantique qu’en partie. Nous adoptons les dénominations

habituelles des grammaires russes : gérondif perfectif et gérondif imperfectif. Les

termes rejetés nous renvoient toutefois à la valeur spécifique du temps relatif

qu’incarne le gérondif. Il est sous-entendu, dans les grammaires et manuels

traditionnels, que tous les gérondifs possèdent cette signification. Généralement,

on assigne au gérondif perfectif la valeur d’antériorité (plus rarement – de

postériorité) et au gérondif imperfectif – la valeur de simultanéité par rapport à

l’action du verbe principal de l’énoncé. Plus loin, nous essayerons de démontrer

qu’une partie seulement des gérondifs gardent la valeur du temps relatif tandis

221

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

qu’un grand nombre de gérondifs expriment différentes circonstances ou

caractéristiques sémantiques par rapport au verbe régissant sans garder de

marque temporelle. Enfin, tout comme le verbe, le gérondif peut avoir des formes

réfléchies et non-réfléchies (3.2&%C"/ (vstrePaja) / 3.2&%C"/.< (vstrePajas’)

IMPERF. ; 3.2&%293 (vstretiv ) / 3.2&%293#9.< (vstretivšis’) PERF. – « en

rencontrant/ en se rencontrant ») et une rection (5%C"/55' 3.2&%293 *&+$" 5"

+-9:% – nePajanno vstretiv drouga na ulice – « en rencontrant un ami par hasard

dans la rue »).

Les traits communs du gérondif et de l’adverbe, selon les grammaires, sont

l’invariabilité morphologique et la fonction syntaxique : le gérondif, comme

l’adverbe, joue le rôle du complément circonstanciel (de manière, de cause, de

concession, etc.).

Comment les traits verbaux et adverbiaux sont donc répartis à l’intérieur du

gérondif ? Quelle part de traits verbaux et de traits adverbiaux doit posséder le

gérondif pour ne pas perdre son statut ? On peut remarquer que, dans les

descriptions des grammaires, les traits verbaux du gérondif sont mis en avant

quand il s’agit de sa sémantique et de sa morphologie ; ils se dissipent, cédant la

place aux traits adverbiaux, dès qu’il est question des fonctions syntaxiques. En

même temps, la prééminence des traits verbaux est sous-entendue, car même si

toutes les grammaires traditionnelles ne marquent pas ouvertement dans leur

définition, comme le fait la Grammaire russe 1980, que le gérondif est une forme

verbale, elles le rangent invariablement dans les sections consacrées aux formes

verbales impersonnelles.

Une telle approche mène à l’amalgame de la valeur gérondivale avec celles du

verbe et de l’adverbe. Nous soutenons l’idée de D.I. Arbatskij, selon laquelle le

gérondif ne copie pas les significations du verbe et de l’adverbe mais possède sa

propre valeur qui exprime à la fois une action et une circonstance (Arbatskij

appelle cette valeur spécifique au gérondif 7&':%..+"-<5"/

'@.2'/2%-<.23%55'.2< (processual’naja obstojatel’stvennost’ –

« circonstance processive ») ou '@.2'/2%-<.23%55"/ 7&':%..+"-<5'.2<

(obstojatel’stvennaja processual’nost’ – « procès circonstanciel »)) [Arbatskij

222

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

1980]. Ainsi, les valeurs verbales et adverbiales du gérondif ne doivent pas être

séparées mais, au contraire, doivent être envisagées conjointement. Il n’y a pas

de prédominance obligatoire des traits verbaux. La verbalité et l’adverbialité ne se

manifestent pas de la même façon chez tous les gérondifs, les uns développant

plus des traits verbaux, les autres amplifiant des particularités adverbiales. Le

gérondif n’est privé de son statut qu’à la condition d’avoir complètement perdu

toute trace de verbalité. Il devient adverbe : )&/ (zrja – « pour rien, en vain »),

)"$'*/ (zagodja – « (bien) d’avance »), 5é8'2/ (nexotja – « à contrecœur »),

.2&%,$-"3 (stremglav – « à toute vitesse »), etc. ; ou préposition : @-"$'*"&/ +

Dat. (blagodarja – « grâce à »), 5"C95"/ (.) + Gén. (naPinaja – « à partir de »),

.7+.2/ + Gén. (-5& 7/)2) (spustja (tri goda)) – « dans (trois ans) »), .+*/ (7')

+ Dat. (sudja (po) – « selon, d’après ») ; ou même conjonction : 8'2/ (xotja –

« bien que, quoi que »). La complexité de la valeur gérondivale est due à sa

double nature syntagmatique : le gérondif se rapporte à la fois au prédicat et au

sujet de l’énoncé.

4.3. Particularités syntaxiques et sémantiques du gérondif

Le principal défaut des définitions traditionnelles réside, à notre avis, dans la

description du gérondif comme une forme isolée du reste de l’énoncé. Cependant,

l’essence même du gérondif est son attachement syntaxique direct au prédicat et

indirect au sujet de l’énoncé. L’emploi du gérondif seul, fréquent surtout dans les

titres de journaux, ne déroge pas à cette dépendance syntaxique : W92"/

$")%26 (Zitaja gazety – « (En) lisant les journaux ») ; O)+C"/ 729C<9 2&"..6

(IzuPaja ptiP’i trassy – « (En) étudiant des itinéraires des oiseaux ») ; 4@$'5//

3&%,/ (Obgonjaja vremja – « (En) dépassant le temps ») ; >')3&"A"/.< 0

5"7%C"2"55',+ (VozvrašPajas’ k napePatannomu – « (En) revenant à nos

écrits »), etc. (Ces exemples sont présentés dans [Arbatskij 1980 : 117]). On peut

dire que, artificiellement détaché de son support syntaxique, le gérondif désigne

une action, dans le sens large du terme, c’est-à-dire, un fait, un procès, un état.

Or, dans son emploi normal, le gérondif apparaît dans l’énoncé qui met en rapport

deux actions, l’une, syntaxiquement indépendante, exprimée par le verbe et

223

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

l’autre, syntaxiquement subordonnée, exprimée par le gérondif. De notre point de

vue, la capacité du gérondif d’exprimer la prédication secondaire doit être

considérée comme une fonction syntaxique et non une valeur sémantique. Le

gérondif possède donc deux fonctions syntaxiques : 1) prédicat secondaire et / ou

2) complément circonstanciel.

La sémantique du gérondif n’est pas autonome, elle est indéfectiblement liée à sa

syntaxe. C’est la corrélation entre le verbe et le gérondif attelé à ce verbe, qui

produit un éventail d’effets de sens. L’interprétation de la relation gérondivale

dépend de différents facteurs, linguistiques et pragmatiques, et ne peut se faire

qu’a posteriori, après la confrontation des deux formes dans l’énoncé. Il est difficile

d’encadrer les valeurs sémantiques du gérondif, c’est-à-dire les relations

qu’exprime le gérondif par rapport au verbe régissant, en raison de l’hétérogénéité

de ces relations. En effet, on attribue au gérondif la capacité d’exprimer le temps

(relatif), la cause, le moyen, etc. Il y a deux problèmes, à notre avis, avec ces

catégories logiques : premièrement, le nombre de ces catégories et les frontières

entre elles ne sont pas complètement définis ; deuxièmement, il n’y a pas

forcément correspondance exacte des catégories logiques avec les catégories

grammaticales. Comme pour les prédicats autonomes, nous divisons les valeurs

sémantiques gérondivales en trois catégories : 1) chronologiques (antériorité,

simultanéité, postériorité) ; 2) causales (cause, conséquence, concession, but,

condition) ; 3) valeurs de caractérisation (manière, intensité, concrétisation, etc.).

Les valeurs sémantiques et syntaxiques du gérondif ne restent pas figées,

changeant au cours de l’évolution de la langue. L’origine du gérondif est connue :

il est le résultat de la transformation progressive de l’ancienne forme courte du

participe passé actif. On est redevable de cette découverte à Alexandr Potebnja

qui fut le premier à décrire le processus de conversion de la forme courte du

participe actif en gérondif, en s’appuyant sur des textes historiques abondants

[Potebnja 1874 / 1958] 68. Dans les grandes lignes, la transformation s’est

déroulée de la manière suivante 69 :

68 Avant Potebnja, d’autres linguistes russes se trouvaient déjà sur la voie d’une explication correcte de l’origine du gérondif. Jacques Veyrenc cite un éclaircissement étymologique fantaisiste, amusant et touchant dans sa naïveté, que donne un dictionnaire russe de 1845 du mot

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

1) Au niveau morphologique, en vieux russe, à côté de la forme courte du

participe passé actif, s’est progressivement développée une forme longue (sdelav

Y sdelavšij –« (ayant) fait »). L’existence de la forme courte se réduit petit à petit

au seul cas du nominatif : sdelav M SING. ET N SING., sdelavši F SING., sdelavše PL. DES

TROIS GENRES.

2) Sémantiquement et syntaxiquement, la transformation du participe passé

actif court en gérondif consiste en un changement du centre d’attraction du

participe dans la phrase. Le participe, qualifiant le sujet, gravite autour de ce

dernier, tandis que le gérondif se rattache à l’action du prédicat et tend vers une

certaine autonomie syntaxique. Progressivement, le centre d’attraction du

participe passé actif court s’est déplacé du sujet vers le prédicat. Dans l’exemple

suivant :

(346) W%-'3%0, .0")"3 Q2', 3'#F- 3 0',5"2+.

Zelovek, skazav eto, vošël v komnatu.

= L’homme, ayant dit cela, entra dans la chambre,

la tournure skazav eto était considérée par le vieux russe comme participiale,

égale à skazavšij eto (L’homme qui avait dit cela entra dans la chambre) ; le

participe skazav s’accordant en genre, en nombre et en cas avec le substantif

Pelovek. Aujourd’hui, cette tournure est envisagée comme gérondivale, désignant

une action secondaire (L’homme après avoir dit cela entra dans la chambre).

Chronologiquement, la procédure de transformation a duré presque trois siècles :

la confusion des formes aurait commencé vers la fin du XIIème ou le début du

XIIIème siècle, en se terminant vers le XVème siècle par la constitution d’une

catégorie grammaticale autonome – le gérondif. Au cours de sa formation, le

gérondif renforce son lien syntagmatique avec le verbe, en affaiblissant son lien

avec le sujet, ce qui favorise le développement des valeurs circonstancielles au

détriment des valeurs verbales. Il est intéressant en l’occurrence d’observer le

)**35&,2(-&* : « G2% %2% /'& 35/&(Q/)4- /- 35&,2(-&0, 3/-/8# & '21A+2<-(4)**35&,2(-&48&, )*-.8& 35&,2(-&0, 3/-(-25&''/8# 35&,2(-/)*-48& » [Veyrenc 1962 : 10]. Quant au mot $%&+5*9( (gerundij), on ne l’emploie que rarement parce qu’il se serait compromis dans l’argot des étudiants en %&+5*" (erunda – « billevesée ») [Ibid. : 10]. 69 Nous nous référons à la synthèse de l’étude de A. A. Potebnja dans [Veyrenc 1962 : 10-11].

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

destin des gérondifs en -vši. Ces gérondifs, fréquents du XVème au XIXème siècle,

sortent de l’usage au début du XXème siècle. Dans la langue moderne, les

gérondifs en -vši sont considérés comme archaïques ou populaires (vypivši –

« ayant bu », kupivši – « ayant acheté », skazavši – « ayant dit », uznavši –

« ayant appris », reconnu, užinavši – « (en) dînant », etc.), certains continuent

d’apparaître dans des expressions figées (E'2%&/3#9 $'-'3+, 7' 3'-'.", 5%

7-"C+2 (Proverbe russe). – Poterjavši golovu, po volosam ne plaPut. – Litt. :

« (En) ayant perdu <la> tête, <on> ne pleure pas <les> cheveux ») 70. Les

grammaires signalent le remplacement des gérondifs en -vši par la forme

concurrente en -v, en expliquant souvent ce fait par des raisons d’euphonie. A

notre avis, la disparition de l’usage de la forme en -vši est plutôt liée à des

phénomènes sémantiques et syntaxiques (Cf. aussi [Veyrenc 1962]). Les

gérondifs en -vši manifestent plus d’attachement au sujet que leurs concurrents,

tandis que la tendance est à la diminution des traits verbaux chez les gérondifs.

Cf. l’exemple de A. Mazon, cité dans [Veyrenc 1962 : 213] :

(347) G%1"3#9 5" *93"5%, EF2& O3"5'39C 5% )",%29-, 0"0

5".2+79-9 .+,%&09.

Ležavši na divane, Pëtr IvanoviP ne zametil, kak nastupili sumerki.

Etant allongé – sur – canapé, – Piotr – Ivanovitch – ne – remarqua, –

comment – arriva – pénombre.

= Allongé sur le canapé, Piotr Ivanovitch ne vit pas la nuit arriver.

La forme concurrente lëža serait plus adverbialisée, soulignant moins bien la

signification causale, clairement présente avec ležavši [Ibid. : 213]. La capacité de

certains gérondifs en -vši d’accomplir la fonction d’attribut, inaccessible aux

gérondifs concurrents modernes, prouve davantage le lien plus étroit de cette

forme avec le sujet, cf. :

(348) 45 5% %3#9.

On ne evši.

Il – ne – ayant pas mangé.

= Il n’a pas mangé. / Il a faim.

70 On dit cela lorsqu’il est trop tard et donc inutile de regretter les choses que l’on a faites. Un équivalent français à ce proverbe serait : Ce qui est fait est fait.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(349) 45 36793#9.

On vypivši.

Il – ayant bu.

= Il a bu. / Il est ivre.

Aujourd’hui, la dépendance obligatoire du gérondif du sujet ne représente pas un

critère décisif pour trancher sur le statut du gérondif. Certes, la norme du russe

littéraire contemporain exige que le gérondif et le prédicat se rapportent au même

sujet :

(350) =+-//, '5 3.2&%29- 7&9/2%-/.

Guljaja, on vstretil prijatelja.

= En se promenant, il rencontra un copain,

mais on trouve à foison des exemples qui dérogent à cette règle dans la littérature

russe du XIXème siècle et dans la langue moderne, administrative et parlée :

(351) E'*]%)1"/ 0 .9%( .2"5:99 9 $-/*/ 5" 7&9&'*+, . ,%5/

.-%2%-" #-/7" (Exemple tiré d’une œuvre de Tchékhov, cité dans de

nombreux ouvrages pédagogiques).

Pod’’ezžaja k siej stancii i gljadja na prirodu, s menja sletela šljapa.

En arrivant – vers – cette – station – et – en regardant – sur – nature, –

de – moi – s’envola – chapeau.

= Pendant que le train arrivait à cette station, j’observais la nature et mon

chapeau s’envola.

(352) E&959,"/ &%#%59%, / 7&'#+ 3". 7',592<…

Prinimaja rešenie, ja prošu vas pomnit’…

En prenant – décision, - je – prie – vous – vous souvenir…

= En prenant une décision, n’oubliez pas…

Ici, nous voudrions également défendre la « popularité » du gérondif. De

grammaire en grammaire, on répète que le gérondif est une forme livresque qui

n’est pas utilisée dans la langue parlée. A notre avis, c’est une méprise provoquée

par la vision du gérondif comme une forme exclusivement verbale. Effectivement,

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

les gérondifs, dans lesquels prédominent les traits verbaux, ne sont employés que

dans la langue littéraire :

(353) E&9*/ *','(, W%&3/0'3 &"..0")"- 1%5% ' .3'F, 5%3%1%.23%

(@*Q/+ : 32).

Pridja domoj, Zervjakov rasskazal žene o svoëm nevežestve.

Etant rentré, – maison – Tcnerviakov – parla – (à sa) femme – de – sa –

impolitesse.

= Rentré chez lui, Tcherviakov parla de son impolitesse à sa femme.

Néanmoins les gérondifs à prédominance de traits adverbiaux sont largement

représentés dans la langue parlée :

(354) 45 0+&9-, .2'/ + '05".

On kuril, stoja u okna.

Il – fumait, – en étant debout – près de – fenêtre.

= Il fumait, debout près de la fenêtre.

(355) 423%C"2< 5" 3'7&'.6 5% )"*+,63"/.<.

OtvePat’ na voprosy ne zadumyvajas’.

Répondre – à – questions – ne – en réflechissant.

= Repondre aux questions sans réfléchir.

(356) ='3'&92< )"90"/.<.

Govorit’ zaikajas’.

= Parler en bégayant.

(357) >6(29 5% $'3'&/ 59 .-'3".

Vyjti ne govorja ni slova.

Sortir – ne – en disant – ni – mot.

= Sortir sans un mot.

(358) J"..0")"2< 5% 3*"3"/.< 3 7'*&'@5'.29.

Rasskazat’ ne vdavajas’ v podrobnosti.

Raconter – ne – en entrant – dans – détails.

= Raconter sans entrer dans les détails.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Le russe contemporain contient un grand nombre de gérondifs qui conservent un

lien syntagmatique étroit avec le sujet. Ces gérondifs ne diffèrent pas beaucoup

des verbes et peuvent être facilement remplacés, dans l’énoncé, par une forme

finie du verbe :

(359) J"),F25'3, 7'0+&93, +#F- (W/"/Q/+, I : 123).

Razmëtnov, pokuriv, ušël.

Razmëtnov – ayant fumé – partit.

= Ayant fumé, Razmetnov partit.

(359’) J"),F25'3 7'0+&9- 9 +#F-.

Razmëtnov pokuril i ušël.

= Razmetnov fuma et partit.

Cependant, la grande majorité des gérondifs modernes s’attachent, au niveau

syntagmatique, plus au verbe qu’au sujet. Dans l’énoncé, ils jouent plutôt le rôle

de complément circonstanciel que de prédicat. Dans la plupart des cas, ces

gérondifs ne peuvent pas être remplacés par la forme finie du verbe sans

déformer le sens de l’énoncé :

(360) 45" […] +#-", […] )".%,%593 7'-.2"&+#%C<9 (G5/*3/".(%&0 :

32).

Ona ušla, zasemeniv po-starušeP’i.

Elle – partit, – s’étant mis à trottiner – comme une vieille.

Elle partit, en trottinant comme une vieille.

*(360’) 45" +#-" 9 )".%,%59-".

Ona ušla i zasemenila.

= Elle partit et trottina.

(361) 45 ,"..9&'3"- 0'1+ 7'* $-")",9, 3&"A"/ 3'0&+$ 598

7"-<:",9 (=*"*+&' : 117).

On massiroval kožu pod glazami, vrašPaja vokrug nix pal’cami.

Il – massait – peau – sous – yeux, – en tournant – autour – eux – doigts.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= Il massait la peau sous les yeux, en faisant autour d’eux des ronds avec

ses doigts.

*(361’) 45 ,"..9&'3"- 0'1+ 9 3&"A"- 7"-<:",9.

On massiroval kožu i vrašPal pal’cami.

= Il massait la peau et faisait des ronds avec ses doigts.

L’évolution du gérondif passe donc par la décroissance des traits verbaux et

l’augmentation des traits adverbiaux. D.I. Arbatskij signale que dès la fin du

XVIIIème – le début du XIXème siècle, l’usage des gérondifs à prédominance de

traits verbaux diminue, tandis que celui des gérondifs adverbiaux augmente

[Arbatskij 1980 : 110]. Le linguiste explique ce phénomène par le fait que la langue

n’a pas besoin des gérondifs verbaux car, dans l’énoncé, ils sont facilement

remplaçables par une forme finie du verbe [Ibid. : 110]. Cette supposition n’est

peut-être pas fausse, par contre, nous contestons l’approche morphologique de

D.I. Arbatskij, sur laquelle cette idée est fondée. Selon Arbatskij, la langue forme

facilement les gérondifs à signification circonstancielle, tandis que la dérivation

des gérondifs verbaux est limitée. Plusieurs verbes se montrent défectifs au

niveau morphologique, ne pouvant pas former de gérondifs ou produisant des

formes douteuses, parce que ces gérondifs seraient trop verbaux :

@%&%C< – bereP’ – « garder » Y * @%&%$/ (beregja), @%&%$#9 (beregši) ;

-92< – lit’ – « verser » Y * -</ (l’ja), -93#9 (livši) ;

,'C< – moP’ – « pouvoir » Y * ,'$/ (mogja), ,'$#9 (mogši) ;

7%2< – pet’ – « chanter » Y * 7'/ (poja), 7%3#9 (pevši) ;

2%&%2< – teret’ – « frotter, râper » Y * 2&/ (trja), 2%&%3#9 (terevši),

2F&#9 (tërši), etc.

Nous considérons qu’il est illégitime de parler de verbalité ou d’adverbialité du

gérondif au niveau purement morphologique, c’est-à-dire lorsque le gérondif est

seul, isolé du reste de l’énoncé. Pour nous, la verbalité ou l’adverbialité du

gérondif ne ressort qu’à travers son usage dans l’énoncé, quand plusieurs

facteurs (morphologiques, sémantiques, syntaxiques, pragmatiques) entrent en

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

jeu, cf., par exemple, deux emplois de la construction gérondivale '7+.293

$-")" (opustiv glaza – litt. « ayant baissé les yeux » = « les yeux baissés ») :

(362) 47+.293 $-")", '5 +39*%- + .3'98 5'$ 0'2F50".

Opustiv glaza, on uvidel u svoix nog kotënka.

Ayant baissé – yeux, – il – vit – près de – ses - pieds – chaton.

= Il baissa les yeux et vit à ses pieds un chaton.

(363) 45 .2'/-, '7+.293 $-")".

On stojal, opustiv glaza.

Il – était debout, – ayant baissé – yeux.

= Il restait debout, les yeux baissés.

La même construction gérondivale opustiv glaza se comporte différemment, selon

les conditions dans lesquelles elle est employée. Dans le premier cas, elle joue le

rôle de prédicat secondaire en exprimant l’antériorité par rapport à l’action du

verbe régissant. Dans le second cas, la tournure gérondivale accomplit la fonction

de complément circonstanciel, désignant la manière dont se déroule l’action (plus

précisément l’état) du verbe régissant. Le critère morphologique est certes très

important mais il n’est pas décisif. En même temps, nous reconnaissons que les

gérondifs ne sont pas égaux sur le plan morphologique, les uns manifestant plus

de verbalité et les autres tendant vers l’adverbialité. Par exemple, les gérondifs

perfectifs sont initialement « plus verbaux » que les gérondifs imperfectifs ou les

gérondifs avec négation, perfectifs et imperfectifs (*'2"5:%3"3 PERF. –

dotancevav – « ayant fini la danse » ; 2"5:+/ IMPERF. – tancuja – « en dansant » ;

5% *'2"5:%3"3 PERF. – ne dotancevav – litt. « n’étant pas allé jusqu’au bout de

la danse » = « sans finir la danse » ; 5% 2"5:+/ IMPERF. – ne tancuja – « en ne

dansant pas » = « sans danser »). Les gérondifs formés à partir des verbes

intransitifs sont a priori « plus adverbiaux » que ceux formés à partir des verbes

transitifs, parce que l’emploi du gérondif isolé augmente son adverbialité.

Néanmoins les prédominances morphologiques ne se réalisent dans l’énoncé que

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

par défaut, c’est-à-dire à condition que des contraintes plus fortes ne conduisent

pas à leur annulation 71, cf. les exemples plus haut avec opustiv glaza.

4.4. Gérondif et ordre temporel

Comme nous l’avons noté un peu plus haut, les grammaires et les manuels

traditionnels attribuent habituellement au gérondif les valeurs du temps relatif : le

gérondif perfectif exprime l’antériorité par rapport à l’action du prédicat principal, le

gérondif imperfectif désigne la simultanéité par rapport à l’action principale. Or ce

tableau des valeurs gérondivales n’est qu’un résumé extrêmement incomplet et

simplifié de la sémantique de cette forme verbale. Si l’on se tourne vers les études

spécialisées du gérondif [Fontaine 1983 ; Akimova, Kozinceva 1987], on constate

que, depuis au moins vingt ans, les significations, considérées habituellement

comme dominantes, ont été détrônées : les linguistes signalent que le gérondif

perfectif peut bien exprimer la postériorité et la simultanéité par rapport à l’action

principale, alors que le gérondif imperfectif est tout à fait capable d’indiquer une

action antérieure à l’action du prédicat principal. On remarque également que le

gérondif peut être atemporel, désignant un lien logique avec le verbe principal.

Même les grammaires classiques, présentant comme principales la valeur

d’antériorité pour le gérondif perfectif et la valeur de simultanéité pour le gérondif

imperfectif, montrent plusieurs dérogations à la règle.

Les relations gérondivales dans l’énoncé, comme le sens de tout l’énoncé, sont

inférées par le destinataire, qui prend en compte les données linguistiques et

pragmatiques. Plus haut, nous avons distingué trois types fondamentaux de

relations que le gérondif est capable a priori d’exprimer dans l’énoncé :

1) chronologie ; 2) circonstance et 3) caractérisation. Dans cette section, nous

allons présenter une analyse de ces valeurs sémantiques gérondivales.

Soulignons encore une fois que cette classification représente un tableau idéal

des relations gérondivales. Il est impossible de façonner des moules sémantiques

pour les valeurs de gérondif dans l’énoncé. Chaque cas doit être traité à part. Les

facteurs linguistiques (l’aspect du verbe et du gérondif, la position syntaxique du

71 L’idée de la règle par défaut fut lancée par L. de Saussure [Saussure 2003 : 170].

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gérondif par rapport au verbe régissant, la sémantique du verbe et du gérondif)

sont très importants pour la compréhension de l’énoncé mais doivent être validés

ou non au niveau pragmatique. Cela signifie que le même énoncé peut être

interprété de différentes manières, selon sa réalisation concrète. Par exemple,

l’énoncé suivant peut-être compris au moins de deux façons, chronologique ou

causale :

(364) E'$'3'&93 . 59,, / . 3*'85'3%59%, 3)/-./ )" 5"79."59%

.2"2<9.

Pogovoriv s nim, ja s vdoxnoveniem vzjalsja za napisanie stat’i.

Ayant parlé – avec – lui, – je – avec – enthousiasme – me mis – à –

écriture – (de) article.

= Ayant parlé avec lui, je me mis avec enthousiasme à l’écriture de l’article.

Interprétation chronologique : Je parlai avec lui, ensuite je me mis à l’écriture de

l’article. Interprétation causale : Je me mis à l’écriture avec enthousiasme parce

que j’avais parlé avec lui (sous-entendu : il sut me donner un élan). Cet exemple

peut aussi être interprété d’une troisième façon – chronologique et causale à la

fois : Je parlai avec lui, ensuite je me mis à l’écriture (sous-entendu : car il sut me

donner un élan).

Théoriquement, huit combinaisons syntaxiques avec le gérondif et son verbe

régissant au passé sont envisageables :

(E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif

(E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif

(E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif

(E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif

(E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif

(E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif

(E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif

(E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

4.5. Relations chronologiques entre les événements

4.5.1. Le gérondif exprime une action antérieure

Quand le gérondif exprime une action antérieure, les huit combinaisons

énumérées ci-dessus sont envisageables.

4.5.1.1. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif

1. Le fait (exprimé par le gérondif perfectif) est antérieur à un autre fait (exprimé

par le verbe perfectif) :

(365) O, ,"85+3 %,+ &+0'(, '5" 7'@%1"-" 7'* "&0+ (V#)&'F*+, I : 61).

I, maxnuv emu rukoj, ona pobežala pod arku.

Et - ayant agité – lui – main elle – se mit à courir – sous – porche.

= Et après avoir agité la main en signe d'adieu, elle se précipita sous le

porche.

(366) N0"*%,90 J/*5', 0&/05+3, +.%-./ )" .3'( .2'- (V#)&'F*+, I : 5).

Akademik Rjadno, krjaknuv, uselsja za svoj stol.

Académicien – Riadno – ayant ahané – s’assit – derrière – sa – table.

= En ahanant, l’académicien Riadno s’assit à sa table.

La valeur de l’antériorité du gérondif peut se manifester comme « pure »

(aoristique) ou se combiner avec la valeur de parfait (il s’agit alors des

conséquences que laisse l’action du perfectif).

Il est question de la valeur d’aoriste chez le gérondif perfectif (7%&?%025'-

"0:9'5"-<5'% *%%7&9C".29% – perfektno-akcional’noe deepriPastie), lorsque

l’action antérieure du gérondif ne laisse pas de résultat qui influencerait ou

déterminerait l’action principale :

(367) L"#", . 5%5"39.2<K 7'$-/*%3 %,+ 5" ,/$09% @'-<#9% $+@6,

7'#-" )" H"2%( 3 %F .7"-<5K (6. G/"(-/0, I : 42).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Daša s nenavist’ju pogljadev emu na mjagkie bol’šie guby, pošla za Katej v

eë spal’nju.

Dacha – avec – haine – ayant jeté un coup d’œil – (à) lui – sur – molles –

grosses – lèvres, – alla – derrière – Katia dans – sa – chambre.

= Dacha, ayant jeté un coup d'œil plein de haine sur ses grosses lèvres

molles, suivit Katia dans sa chambre.

(368) 422'-05+3 ,%5/, @"@+#0" @&'.9-".< 0 *3%&9 (M. T/5.%&0 ;

l’exemple donné par Arbatskij dans [Arbatskij 1980 : 110]).

Ottolknuv menja, babuška brosilas’ k dveri.

Ayant repoussé – me, – grand-mère – se jeta – vers – porte.

= Ma grand-mère me repoussa et se précipita vers la porte.

Le gérondif à valeur d’aoriste peut être remplacé par une forme finie du verbe

sans modifier le sens de l’énoncé : L"#" 7'$-/*%-" 5" %$' $+@6 9 7'#-" )"

H"2%( – Daša pogljadela na ego gubyi pošla za Katej – « Dacha jeta un coup

d’œil sur ses lèvres et suivit Katia » ; T"@+#0" '22'-05+-" ,%5/ 9

@&'.9-".< 0 *3%&9 – La grand-mère me repoussa et et se précipita vers la

porte.

Généralement, l’antériorité du gérondif à valeur d’aoriste est soutenue par des

relations conceptuelles exposant les liens suivants entre le gérondif et le verbe

régissant : a) le sujet obtient un instrument ou un objet (action du gérondif) qu’il

utilise (action du verbe) (369), (370) ; b) le résultat de l’action exprimée par le

gérondif apparaît comme une étape préalable, nécessaire à l’action du verbe

(371), (372) :

(369) H'5K0'3 […], 362"A93 9)-)" 7'/." #9&'09( 2&'?%(56( 5'1,

.2"- 7'3'&"C93"2< 5" .0'3'&'*% 0"&2'#0+ (!&8/'/+ : 212).

Konjukov, vytašPiv iz-za pojasa širokij trofejnyj nož, stal povoraPivat’ na

skovorode kartošku.

Ayant retiré – de derrière – ceinture – large – trophée de guerre –

couteau, – se mit – tourner – sur – poêle – pomme de terre.

235

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= Konioukov prit derrière sa ceinture un large couteau, trophée de guerre,

et commença à tourner des morceaux de pommes de terre sur la poêle.

(370) >)/3 795:%2, ZF*'& O3"5'39C &".0&6- '*95 9) 3%&8598

@+2'5'3 (V#)&'F*+, II : 18).

Vzjav pincet, Fëdor IvanoviP raskryl odin iz verxnix butonov.

Ayant pris – pince, – Fiodor – Ivanovitch – ouvrit – un – des – d’en haut –

boutons.

= Fiodor Ivanovitch prit une pince et ouvrit l’un des boutons du haut.

(371) E'*5/3 3952'30+, J'A95 3'#F- 7' 7'/. 3 3'*+ […]

(6. G/"(-/0).

Podnjav vintovku, RošPin vošël po pojas v vodu.

Ayant levé – carabine, – Rochtchine – entra – jusqu’à – ceinture dans –

eau.

= Protégeant sa carabine, Rochtchine s’enfonça dans l’eau jusqu’à la taille.

(372) P@%1"3 7' .2+7%5<0",, ZF*'& O3"5'39C $5%356,9 #"$",9

7&'.-%*'3"- 0 C%-'3%0+, 0'2'&6( 5% c*395+-./ . ,%.2"

(V#)&'F*+, II : 79).

Sbežav po stupen’kam, Fëdor IvanoviP gnevnymi šagami prosledoval k

Peloveku, kotoryj ne sdvinulsja s mesta.

Ayant descendu en courant – sur – petites marches, – Fiodor – Ivanovitch –

(de) coléreux – pas – passa – vers – homme, – qui – ne – bougea – de –

place.

= Fiodor Ivanovitch descendit l’escalier et se dirigea d’un pas coléreux vers

l’homme qui ne broncha pas.

Quant au gérondif perfectif à valeur de parfait (7%&?%025'-&%)+-<2"2935'%

*%%7&9C".29% – perfektno-rezul’tativnoe deepriPastie), il exprime une action

dont les conséquences sont visibles pendant le déroulement de l’action du verbe

principal :

(373) 47+.293#9.< 5" 0'-%59, '5 7%&%0&%.29- 1F-2'-3'.0'3'%

-9:' H'&59-'3" 9 7':%-'3"- %$' 3 -'@ (6. G/"(-/0, I : 359).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Opustivšis’ na koleni, on perekrestil žëlto-voskovoe lico Kornilova i

poceloval ego v lob.

S’étant baissé – à – genoux, – il – signa de croix – jaune-cire – visage –

(de) Kornilov – et – embrassa – le – sur – front.

= S’étant mis à genoux, il bénit par un signe de croix le visage jaune

comme la cire de Kornilov et l'embrassa sur le front.

(374) E'*'@&"3 7&"3'( &+0'( &/.+ […], '2%: ZF*'& 7&'5F../ 0

368'*+ (O".S, =*-5/+ : 14).

Podobrav pravoj rukoj rjasu, otec Fëdor pronëssja k vyxodu.

Ayant retroussé – (de) droite – main – soutane, – père – Théodore – passa

en trombe – vers – sortie.

= Retenant sa soutane de la main droite, le père Théodore passa en

trombe vers la sortie.

2. La combinaison Gérondif perfectif + Verbe au passé perfectif exhibe un lien

temporel renforcé par des relations (règles) conceptuelles. Il s’agit donc non

seulement de la succession des actions dans un même cadre temporel mais aussi

de la détermination de l’action principale par le temps du déroulement de l’action

secondaire72. Dans ce cas, la construction gérondivale est facilement remplacée

par la subordonnée de temps, ce remplacement étant impossible pour les

énoncés (385-394) :

(375) X.-6#"3 )5"0','% .-'3' « 3'.792"59% », ,9C+&95%: _3/8

)"093"- $'-'3'( (V#)&'F*+, I : 24).

Uslyšav znakomoe slovo « vospitanie », miPurinec Cvjax zakival golovoj.

Ayant entendu – familier – mot – éducation, – disciple de Mitchourine –

Tsviakh – se mit à hocher – tête.

= Ayant entendu le mot familier « éducation », Tsviakh hocha la tête.

Cf. : H'$*" _3/8 +.-6#"-, '5 )"093"- $'-'3'(. – Kogda Cvjax uslyšal, on

zakival. – « Quand Tsviakh entendit, il hocha la tête ».

72 Cf. aussi à ce sujet [Akimova, Kozinceva 1987 : 267-269].

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(376) 42*6#"3#9.<, '5 .0")"- […] (T*582' : 103).

Otdyšavšis’, on skazal.

Ayant repris souffle – il – dit.

= Le souffle retrouvé, il dit.

Cf. : H'$*" '5 '2*6#"-./, '5 .0")"-. – Kogda on otdyšalsja, on skazal. –

Quand il reprit son souffle, il dit.

Le lien temporel renforcé se manifeste habituellement dans les énoncés avec le

gérondif perfectif à valeur d’aoriste. Le conditionnement temporel de l’action

principale par l’action secondaire se réalise de deux façons : a) l’action principale

est suscitée par l’achèvement de l’action secondaire (377), (378) ; b) l’action

principale se produit sur le fond des conséquences ou du résultat laissés par le

déroulement de l’action secondaire (379), (380), (381), (382) :

(377) !"0'5%:, '2&6*"3#9.<, 2FA" .+8' 7&9$-".9-" >".9-9/

!90"5*&'39C" 0 .2'-+ (T*582' : 169).

Nakonec, otrydavšis’, tëšPa suxo priglasila Vasilija NikandroviPa k stolu.

Enfin – ayant fini de sangloter, – belle-mère – sèchement – invita – Vassili

Nikandrovitch – à – table.

= Quand sa belle-mère finit de sangloter, elle invita sèchement Vassili

Nikandrovitch à table.

(378) L'.-+#"3 9.2'&9K 7&' =59-+K G97+, '5" 7'#-"

7&97+*&92<./ (6. G/"(-/0, I : 276).

Doslušav istoriju pro Gniluju Lipu, ona pošla pripudrit’sja.

Ayant fini d’écouter – histoire – du – Pourri – Tilleul, – elle – alla – se

poudrer.

= Quand l’histoire du Tilleul Pourri eut été finie, elle partit remettre de la

poudre sur son visage.

Remarquons que les gérondifs en (377) et (378) sont formés des verbes de mode

d’action à résultativité spéciale. L’achèvement de l’action du gérondif (valeur

d’aoriste) est donc marqué grammaticalement : par le confixe ot-…-sja en (377) et

par le préfixe do- en (378).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(379) E'*'(*/ 7'@-91%, ZF*'& O3"5'39C +39*%- 3 .03%&90%

*-9556( 0&".56( A92 5" 7'.2",%52% (V#)&'F*+, I : 31).

Podojdja pobliže, Fëdor IvanoviP uvidel v skverike dlinnyj krasnyj šPit na

postamente.

S’étant approché – plus près, – Fiodor – Ivanovitch – vit – dans – petit

square – long – rouge – panneau – sur – piédestal.

= Quand il s’approcha plus près, Fiodor Ivanovitch vit, dans un petit square,

un long panneau rouge dressé sur un piédestal.

(380) !90'-"( O3"5'39C, +)5"3, C2' H"2/ .7".%5", '@83"29-

,'85"26( 19-%2 L,92&9/ P2%7"5'39C" 9 )"&6*"- (6. G/"(-/0,

I : 173).

Nikolaj IvanoviP, uznav, Pto Katja spasena, obxvatil moxnatyj žilet Dmitrija

StepanoviPa i zarydal.

Nikolaï – Ivanovitch, – ayant appris, – que – Katia – sauvée, – entoura –

duveteux – gilet – Dmitrij – Stepanovitch – et – se mit à sangloter.

= Quand Nikolaï Ivanovitch apprit que Katia était sauvée, il entoura de ses

bras le gilet duveteux de Dmitriï Stepanovitch et éclata en sanglots.

(381) !' +39*%3 G%5+, '5 7'2%&/- +3%&%55'.2< (V#)&'F*+, I : 19).

No uvidev Lenu, on poterjal uverennost’.

Mais – ayant vu – Léna, – il – perdit – assurance.

= Mais dès qu’il eut vu Léna, son assurance disparut.

(382) 47',593#9.< '2 7"*%59/, P"@+&'3 3.0'C9- […] (!&8/'/+ :

252).

Opomnivšis’ ot padenija, Saburov vskoPil.

Etant revenu en soi – de – chute – Saburov – bondit.

= Ayant repris connaissance après sa chute, Sabourov se remit sur ses

pieds d’un bond.

Dans le cas (b), l’action secondaire laisse des conséquences qui déterminent le

déroulement de l’action principale. De ce point de vue, le gerondif peut indiquer un

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changement de localisation du sujet dans l’espace (379), des informations reçues

par le sujet (380), (381), un changement d’état du sujet (382).

4.5.1.2. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif

Le gérondif perfectif qui suit le verbe régissant perfectif peut également exprimer

l’antériorité.

1. L’antériorité du gérondif est confirmée par des moyens lexicaux, tels les

adverbes (.5"C"-" – snaPala – « d’abord », .7%&3" – sperva – « d’abord,

premièrement », 7&%*3"&92%-<5' – predvaritel’no – « préalablement ») :

(383) […] x')/95 03"&29&6 +%8"- '2.K*", 7&%*3"&92%-<5'

'27&"393 .%,<K (!&8/'/+ : 50).

Xozjain kvartiry uexal otsjuda, predvaritel’no otpraviv sem’ju.

Propriétaire – appartement – partit – d’ici, – préalablement – ayant

évacué – famille.

= Le propriétaire de l'appartement partit d'ici ayant préalablement évacué

toute sa famille.

2. L’énoncé peut contenir certaines informations linguistiques qui contribuent à

l’expression de l’antériorité du gérondif dans la post-position syntaxique. Ces

informations peuvent être :

i) Morphologiques : le préverbe po- conférant au gérondif la valeur d’une action

préalable :

(384) – !+ 9 -"*5', – .0")"-" '5", 7','-C"3 (V#)&'F*+, I : 83).

– Nu i ladno, – skazala ona, pomolPav.

– Euh – et – d’accord, – dit – elle, – s’étant tue.

= – Bon, d'accord, dit-elle après quelques instants de silence.

ii) Morphologiques et syntaxiques : le gérondif avec la négation ne et le

préverbe do- (ou autres préverbes qui signalent l’achèvement de l’action), cf. le

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

modèle : 45 .*%-"- C2'-2', 5% *'- (7&'-, 7'-, )"- ) + -*%-"3 C2'-2'

*&+$'% – On sdelal Pto-to ne do- (pro-, po-, za-) + -delav Pto-to drugoe – « Il a fait

(fit) quelque chose n’ayant fait <que>… » :

(385) 45 '.2"5'39-./, 5% 7&'(*/ .2" ,%2&'3.

On ostanovilsja, ne projdja sta metrov.

Il – s’arrêta, – ne – en ayant marché – cent – mètres.

= Il s’arrêta n’ayant fait que cent mètres.

(386) 45 )"0&6- 059$+, 5% 7&'C92"3 9 *3+8 .2&"59:73.

On zakryl knigu, ne proPitav i dvux stranic.

Il – ferma – livre, – n’ayant lu – et – deux – pages.

Il ferma le livre n’en ayant lu que deux pages.

(387) 4$'5<09 7'$".-9, 5% *'-%2%3 *' )%,-9, .2"-' C%&5'

(6. G/"(-/0, I : 373).

Ogon’ki pogasli, ne doletev do zemli, stalo Perno.

Petits feux – s’éteignirent, – ne – en ayant volé – jusqu’à – terre, – (il)fut –

noir.

= Les petits feux s’éteignirent sans atteindre la terre, tout redevint noir.

(388) […] *%3C'50" 36@%1"-" 9) 8"26, 59C%$' 5% *'$'3'&93 .'

.2&"8+ (6. G/"(-/0, l’exemple présenté dans [Akimova, Kozinceva :

262]).

DevPonka vybežala iz xaty, niPego ne dogovoriv so straxu.

Fille – sortit en courant – de – maison, – rien – ne – en ayant fini à dire –

de – peur.

= Prise de peur, la fille s’enfuit sans avoir fini sa phrase.

3. L’antériorité de l’action du gérondif en post-position peut être inférée grâce

au contexte :

73 Dans certaines conditions, la relation gérondivale dans ces exemples peut être interprétée comme concession : Il s’arrêta bien qu’il n’ait fait que cent mètres ; Il ferma le livre bien qu’il n’ait lu que deux pages.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(389) – E&93%2 ! – .0")"- ;"5"*3'&5'3, '@%&5+3#9.< 5"

.0&975+3#+K *3%&< (T*582' : 134).

– Privet ! – skazal Zanadvornov, obernuvšis’ na skripnuvšuju dver’.

Salut ! – dit – Zanadvornov, – s’étant retourné – pour – ayant grincé – porte.

= – Salut ! dit Zanadvornov, après avoir tourné la tête vers la porte qui

grinça.

(390) O '5 )".5+-, %*3" +.7%3 &")*%2<./ (6. G/"(-/0, I : 279).

I on zasnul, edva uspev razdet’sja.

Il – s’endormit, – à peine – ayant eu le temps – se déshabiller.

= A peine déshabillé, il s’endormit.

Effectivement, en (389), on suppose que pour saluer quelqu’un, il faut faire face à

son interlocuteur, donc Zanadvornov d’abord s’est retourné et ensuite a dit salut.

L’interprétation naturelle de (390) sera : on se déshabille avant de se coucher.

Souvent, la relation chronologique est sugérée par le contexte linguistique :

(391) H'@%-< . 3'%, '2.0'C9-, +.7%3-2"09 5"7'.-%*'0 &".7+.292<

*%*'3+ #+@+ 5"*3'% (W/"/Q/+, I : 78).

Kobel’ s voem otskoPil, uspev-taki naposledok raspustit’ dedovu šubu

nadvoe.

Chien – avec – hurlement – s’éloigna d’un bond, – ayant le temps-tout de

même – en dernier lieu – déchirer – (de) vieux – pelisse – en deux.

= Le chien hurla et fit un bond en arrière non sans avoir pris le temps de

déchirer la pelisse du vieux en deux.

Dans cet exemple, la signification du verbe +.7%2< – uspet’ – « avoir le temps »,

la particule 2"09 – taki (dont la signification est très proche de celle d’une

conjonction adversative) et l’adverbe 5"7'.-%*'0 – naposledok – « en dernier

lieu » sont des éléments indiquant que l’action du gérondif s’est produite avant

l’action du verbe.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

4.5.1.3. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif

L’antériorité de l’action gérondivale est possible dans certaines conditions

contextuelles permettant d’enfreindre la forte contrainte de l’imperfectif d’exprimer

la phase médiane du procès. Du point de vue aspectuel, les actions sont

forcément répétées, cf. :

(392) !"793"/.<, '5 .0-'5%5 @6- 0 7'-929C%.09, &")$'3'&", […]

(W/"/Q/+, I : 170).

Napivajas’, on sklonen byl k politiPeskim razgovoram.

En s’enivrant, – il – enclin – était – à – politiques – conversations.

= Après avoir bu, il parlait politique.

L’énoncé (392) présente deux contraintes à la valeur d’imperfectivité : la télicité du

gérondif (gérondifs de mode d’action à résultativité générale) et un lien conceptuel

entre l’état (exprimé par le verbe régissant) et le procès du gérondif (hypothèse

conceptuelle : l’alcoolémie délie la langue). Tous ces éléments mènent à un

rapport temporel renforcé. Dans cet énoncé, le gérondif est donc facilement

remplaçable par une subordonnée de temps :

(392’) H'$*" '5 5"793"-./, '5 @6- .0-'5%5…

Kogda on napivalsja, on byl sklonen…

Quand – il – s’envivrait, – il – enclin – était…

Quand il buvait, il était enclin…

4.5.1.4. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif

Cette situation est possible dans les mêmes conditions que pour la configuration

précédente. Il s’agit, dans ce cas, de procès répétés :

(393) 45 -%) 3 *&"0+, 5"793"/.<.

On lez v draku, napivajas’.

Il – se mêlait – dans – bagarre, – en s’envivrant.

= Il cherchait la bagarre dès qu’il buvait trop.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

4.5.1.5. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif

1. Le fait exprimé par le gérondif perfectif (d’habitude avec la valeur de parfait)

est antérieur au procès désigné par le verbe principal (imperfectif). La valeur

d’antériorité se combine souvent avec celle de simultanéité : le résultat (les

conséquences) de l’action du gérondif est simultané avec le procès du verbe

principal :

(394) J")*395+3 '0+2"556% 7"+295'( 3%239 -')5/0", S"*'3

.-%*9- )" 7%&%7&"3'( (6. G/"(-/0, I : 168).

Razdvinuv okutannye pautinoj vetvi loznjaka, Žadov sledil za perepravoj.

Ayant écarté – enveloppées – (de) toile d’araignée – branches – (de) osier,

– Jadov – suivait – pour – passage.

= Ayant écarté des branches d’osier couvertes de toile d’araignée, Jadov

épiait les gens passer la rivière.

(395) 47+.293 #%&.2/5'% 3/)"59%, M0"2%&95" L,92&9%35"

$-/*%-" 5" 7"*"KA9% 3 @%)3%2&%55'( 29#95% .5%19509

(6. G/"(-/0, I : 154).

Opustiv šerstjanoe vjazanie, Ekaterina Dmitrievna gljadela na padajušPie v

bezvetrennoj tišine snežinki.

Ayant baissé – de laine – tricotage, – Ekaterina – Dmitrievna – regardait –

sur – tombants – dans – sans vent – silence – flocons de neige.

= Ekaterina Dmitrievna cessa de tricoter et contemplait les flocons de neige

tomber dans un silence impassible.

2. Le fait exprimé par le gérondif perfectif est antérieur au procès répétitif du

verbe principal. L’action du gérondif perfectif est répétée autant de fois que se

produit l’action principale :

(396) E'$'3'&93 . E'-'3:%36,, B0'3 G+09C #F- 3%C%&/2< […]

(W/"/Q/+, I : 165).

Pogovoriv s Polovcevym, Jakov LukiP šël vePerjat’.

Ayant parlé – avec – Polovtsev, – Yakov – Loukitch – allaît – dîner.

= Après avoir parlé à Polovtsev, Yakov Loukitch allait dîner.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

4.5.1.6. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif

Dans cette situation, le verbe régissant à l’imperfectif désigne un procès qui est en

train de se dérouler ou un procès qui se répète. Le gérondif perfectif exprime un

fait. La post-position syntaxique du gérondif et la valeur d’imperfectivité du verbe

régissant apportent une contrainte supplémentaire à l’expression de l’antériorité

du gérondif, favorisant plutôt le non-ordonnancement temporel. Il faut donc que

l’énoncé présente de puissants moyens capables de transgresser ces contraintes,

telles les règles conceptuelles :

(397) 45 )".67"-, 7'.,'2&%3 ?9-<, 7' 2%-%39)'&+.

On zasypal, posmotrev fil’m po televizoru.

Il – s’endormait, – ayant regardé – film – à – télévision.

= Il s’endormait, après avoir regardé un film à la télé.

En effet, en (397), l’hypothèse conceptuelle la plus pertinente sera : on s’endort

après avoir vu le film. Des informations linguistiques contextuelles explicitent

davantage la relation d’antériorité / postériorité, cf. :

(397’) 45 )".67"-, 7'.,'2&%3 .5"C"-" (7%&%* .5',) ?9-<, 7'

2%-%39)'&+.

On zasypal, posmotrev snaPala (pered snom) fil’m po televizoru.

Il – s’endormait, – ayant regardé – d’abord – (avant – sommeil) – film – à –

télévision.

= Après avoir regardé un film à la télé, il s’assoupissait.

4.5.1.7. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif

L’antériorité / postériorité se réalise, dans cette combinaison, comme l’antériorité /

postériorité de contact. Grâce au sens lexical des formes verbales, l'action

principale est représentée comme le résultat atteint à un moment du déroulement

de l'action secondaire. Il est impossible d’introduire un intervalle entre les deux

actions. Cette dernière disparaît quand l'action principale se concrétise :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(398) >6$&%@"/ &+0",9, '5 'C+29-./ 5" 7'3%&85'.29 (!&8/'/+ : 23).

Vygrebaja rukami, on oPutilsja na poverxnosti.

En ramant – (avec) bras, – il – se retrouva – à – surface.

= En ramant avec ses bras, il se retrouva à la surface.

4.5.1.8. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif

Une telle conjoncture est rare puisque très coûteuse en traitement. On peut

imaginer deux types de situations où l’action du gérondif imperfectif en post-

position syntaxique est antérieure à l’action du verbe régissant :

1. Le verbe régissant exprime un fait qui interrompt le procès du gérondif :

(399) 45 +7"-, 9*/ 7' +-9:%.

On upal, idja po ulice.

Il – tomba, – en marchant – dans – rue.

= Il tomba quand il marchait dans la rue.

2. Le verbe régissant désigne un fait (perfectif de mode d’action à résultativité

générale), le gérondif (ou la construction gérondivale) indique un procès qui,

précèdant ce fait, ne fait que décrire la manière du déroulement de ce dernier.

Dans notre travail, nous choisissons d’interpréter cette relation plutôt comme

caractérisation (cf. la section 4.7.) :

(400) 45 5"79."- '20&620+, .2"&"2%-<5' 363'*/ 0"1*+K @+03+.

On napisal otkrytku, staratel’no vyvodja každuju bukvu.

Il – écrivit – carte postale, – soigneusement – en calligraphiant – chaque –

lettre.

= Il écrivit la carte postale, en calligraphiant soigneusement chaque lettre.

4.5.2. Le gérondif exprime une action postérieure

Il faut dire sur-le-champ que la faculté du gérondif de désigner une action

postérieure est réduite et, dans les cas où elle se manifeste, le gérondif se trouve

246

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

obligatoirement en post-position syntaxique par rapport au verbe régissant. Nous

expliquons cette situation par la nature du gérondif, verbale et adverbiale à la fois,

et par la tendance générale de cette forme de renforcer ses traits adverbiaux. Le

gérondif perfectif est évidemment « plus verbal » que le gérondif imperfectif ; le

gérondif perfectif à valeur d’aoriste est « plus verbal » que son homologue à

valeur de parfait. Compte tenu de ces observations, la position syntaxique du

gérondif dans l’énoncé importe beaucoup pour l’expression des valeurs

chronologiques. Le gérondif prépositif (seul ou avec ses extensions) montre

pleinement ses aptitudes verbales tandis que, post-positif, il tend à effacer sa

verbalité, diminuant sa capacité à exprimer le temps relatif, cf. :

(401) 45 .0")"-, '23%&5+3#9.< (0 '05+).

On skazal, otvernuvšis’ (k oknu).

Il – dit, – s’étant détourné – (vers – fenêtre).

= Il dit, la tête détournée (la tête tournée vers la fenêtre).

(402) O23%&5+3#9.< (0 '05+), o5 .0")"-.

Otvernuvšis’ (k oknu), on skazal.

S’étant détourné – (vers – fenêtre), – il – dit.

= Il se détourna et dit (Il tourna la tête vers la fenêtre et dit).

(403) 45 7')3'59- 1%5%, 36(*/ 9) 0"?%.

On pozvonil žene, vyjdja iz kafe.

Il – téléphona – (à sa) femme, – étant sorti – de – café.

En sortant du café, il téléphona à sa femme.

(404) B6(*/ 9) 0"?%, o5 7')3'59- 1%5%.

Vyjdja iz kafe, on pozvonil žene.

Etant sorti – de – café, – il – téléphona – (à sa) femme.

Sorti du café, il téléphona à sa femme.

La relation gérondivale dans les énoncés (401) et (402), contenant le gérondif à

valeur de perfectif otvernuvšis’, est interprétée respectivement comme non

ordonnancement et antériorité / postériorité. Si on remplace le gérondif par la

forme finie :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(401') 45 .0")"- 9 '23%&5+-./.

On skazal i otvernulsja.

= Il dit et se détourna.

(402’) 45 '23%&5+-./ 9 .0")"-.

On otvernulsja i skazal.

= Il se détourna et dit,

la relation temporelle dans les deux énoncés (401’) et (402’) sera comprise

comme antériorité / postériorité. On constate donc l’affaiblissement de l’aptitude

du gérondif d’exprimer le temps, en (401).

Les énoncés (403), (404) contiennent un gérondif à valeur d’aoriste, et la relation

gérondivale, dans les deux exemples, est celle d’antériorité / postériorité. En

revanche, si on remplace le gérondif par la forme finie :

(403’) 45 7')3'59- 1%5% 9 36#%- 9) 0"?%.

On pozvonil žene i vyšel iz kafe.

Il téléphona à sa femme et sortit du café.

(404’) 45 36#%- 9) 0"?% 9 7')3'59- 1%5%.

On vyšel iz kafe i pozvonil žene.

Il sortit du café et téléphona à sa femme,

l’interprétation la plus naturelle qui s’impose pour les deux énoncés est celle

d’antériorité / postériorité. Ainsi, si on compare le gérondif en (403) avec la forme

finie en (403’), on voit que leur valeur n’est pas la même : non ordonnancement

pour le gérondif et postériorité pour le verbe. C’est aussi une preuve

supplémentaire qui témoigne du fait que le gérondif, perdant des traits verbaux,

n’est l’équivalent de la forme finie. Pour que le gérondif du (403) exprime la

postériorité, il faut ajouter dans l’énoncé des informations complémentaires, par

exemple, des adverbes ()"2%, – zatem – « ensuite » ; 7'2', – potom –

« puis ») :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(403’’) 45 7')3'59- 1%5%, 36(*/ )"2%, 9) 0"?%.74

On pozvonil žene, vyjdja zatem iz kafe.

Il – téléphona – (à sa) femme, – étant sorti – ensuite – de – café.

= Il téléphona à sa femme, ensuite il sortit du café.

Du point de vue aspectuel, nous distinguons les situations suivantes :

4.5.2.1. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif

Le fait (verbe perfectif) est suivi par le fait (gérondif perfectif, souvent avec la

valeur de parfait) :

(405) H"3"@"2" 7&'@%1"- 7' 0',5"2%, 3)/- .3'( @'-<#'( ,%C 9

3%&5+-./ 0 P%&*K0+, 3.2"3 + 5%$' )" .795'( (=*"*+&' : 205).

Kavabata probežal po komnate, vzjal svoj bol’šoj meP i vernulsja k

Serdjuku, vstav u nego za spinoj.

Kawabata – courut – à travers – pièce, – prit – sa – grande – épée – et –

revint – vers – Serdiouk, – s’étant mis debout – chez – lui – derrière – dos.

Kawabata parcourut la pièce, s’empara de sa grande épée et revint vers

Serdiouk, s’arrêtant derrière son dos.

(406) D"2< +-'19-" %$' 3 7'.2%-<, 5"0&63 @-%*56( -'@

7'-'2%5:%, (M. T/5.%&0 ; exemple présenté dans [Akimova, Kozinceva

1987 : 263]).

Mat’ uložila ego, nakryv blednyj lob polotencem.

Mère – coucha – le, – ayant couvert – pâle – front – (avec) serviette.

= La mère le mit au lit, en posant une serviette sur son front pâle.

(407) J'A95 3-%) 5" +$'- 2%-%$9, .3%.93 5'$9 5"* 0'-%.',

(6. G/"(-/0, I : 344).

RošPin vlez na ugol telegi, svesiv nogi nad kolesom.

74 On imagine aisément ce genre d’énoncé dans un compte rendu de police ou de détective privé.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Rochtchine – grimpa – sur – bord – chariot (de), – ayant pendu – pieds –

au-dessus – roue.

= Rochtchine grimpa dans le chariot et s’assit, les pieds pendant au-dessus

de la roue.

4.5.2.2. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif

Dans ce cas, est exprimée la postériorité du fait (gérondif perfectif) au procès dans

son déroulement ou au procès répétitif (verbe imperfectif). La valeur temporelle

d’antériorité / postériorité faiblit et confine à celle de caractérisation, cf. :

(405’) H"3"@"2" 3')3&"A"-./ 0 P%&*K0+, 3.2"3 + 5%$' )" .795'(.

Kavabata vozvrašPalsja k Serdjuku, vstav u nego za spinoj.

Kawabata – revenait – vers – Serdjuk, – s’étant mis debout – chez – lui –

derrière – dos.

Kawabata revenait vers Serdiouk, s’arrêtant derrière son dos.

(406’) D"2< +0-"*63"-" %$' 3 7'.2%-<, 5"0&63 @-%*56( -'@

7'-'2%5:%,.

Mat’ ukladyvala ego v postél’, nakryv blednyj lob polotencem.

Mère – couchait – le – dans – lit, – ayant couvert – pâle – front – (avec)

serviette.

La mère le mettait au lit, lui posant une serviette sur son front pâle.

(407’) J'A95 3-%)"- 5" +$'- 2%-%$9, .3%.93 5'$9 5"* 0'-%.',.

RošPin vlezal na ugol telegi, svesiv nogi nad kolesom.

Rochtchine – grimpait – sur – bord – chariot (de), – ayant pendu – pieds –

au-dessus – roue.

Rochtchine s’installait dans le chariot, les pieds pendant au-dessus de la

roue.

4.5.2.3. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif

Le procès du gérondif imperfectif est postérieur au fait du verbe perfectif :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(408) !"(*F5'3 .2"A9- .3'K 7&',".-%55+K 0%70+, 7&9$-"193"/

7'*5/3#9%./ 2'&C,/ 3'-'.6 (W/"/Q/+, I : 185).

Najdënov stašPil svoju promaslennuju kepku, priglaživaja podnjavšiesja

torPmja volosy.

Naïdenov – tira en bas – sa – huilée – casquette, – en lissant – levés –

debout – cheveux.

= Naïdenov essayait de ranger ses cheveux ébouriffés après avoir enlevé

sa casquette imbibée d’huile.

Souvent, la relation gérondivale de postériorité se confond avec la conséquence :

(409) [O77'-92 D"23%%39C] […] .%- 5" 7'*+#%C0+, 5%,5'$'

3')36#"/.< 5"* 2&%,/ .3'9,9 .'.-+193:",9 (O".S, =*-5/+ :

11).

Ippolit MarveeviP sel na podušePku, nemnogo vozvyšajas’ nad tremja

svoimi sosluživcami.

[Hippolyte – Matveevitch] – s’assit – sur – coussinet, – un peu – en

dominant – au-dessus – trois – ses – collègues.

= Hippolyte Matveevitch s’assit sur le coussin, dépassant légèrement ses

collègues en hauteur.

4.5.2.4. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif

Le procès du gérondif suit le procès unique ou répétitif du verbe :

(408’) !"(*F5'3 .2".093"- .3'K 7&',".-%55+K 0%70+, 7&9$-"193"/

7'*5/3#9%./ 2'&C,/ 3'-'.6.

Najdënov staskival svoju promaslennuju kepku, priglaživaja podnjavšiesja

torPmja volosy.

Naïdenov – tirait en bas – sa – huilée – casquette, – en lissant – levés –

debout – cheveux.

Naïdenov enlevait sa casquette imbibée d’huile et essayait de ranger ses

cheveux ébouriffés.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(409’) 45 ."*9-./ 5" 7'*+#%C0+, 5%,5'$' 3')36#"/.< 5"* 2&%,/

.3'9,9 .'.-+193:",9.

On sadilsja na podušePku, nemnogo vozvyšajas’ nad tremja svoimi

sosluživcami.

Il – s’asseyait – sur – coussinet – un peu, – en dépassant – au-dessus –

trois – ses – collègues.

Il s’asseyait sur le coussin, dépassant légèrement ses collègues en

hauteur.

4.5.3. Simultanéité

4.5.3.1. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif

(E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif

L’imperfectif marquant la phase médiane du procès, ces deux combinaisons sont

celles qui expriment le plus aisément la simultanéité entre les actions du verbe et

du gérondif. Du point de vue sémantique et syntaxique, nous distinguons trois

situations : 1) le procès du verbe sert de cadre temporel pour le procès du

gérondif ; 2) le procès du gérondif sert de cadre temporel pour le procès du verbe ;

3) aucun des procès ne sert pour l’autre de cadre temporel, les deux actions se

déroulant sémantiquement sur un pied d’égalité.

1. Le procès du verbe est le cadre temporel pour le procès du gérondif :

(410) O ZF*'& O3"5'39C #F- .' 3.%,9, '@*+,63"/ .3'K

7&%*.2'/A+K 3.2&%C+ . +CF56, .'3%2', (V#)&'F*+, II : 42).

I Fëdor IvanoviP šël so vsemi, obdumyvaja svoju predstojašPuju vstrePu s

uPënym sovetom.

Et – Fiodor – Ivanovitch – marchait – avec – tous, – en réfléchissant – son –

prochain – entretien – avec – scientifique – conseil.

= Et Fiodor Ivanovitch marchait au côté des autres en pensant à son

prochain entretien avec le conseil scientifique.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(411) > 7'-+*%55', 7%0-%, 7&'0-95"/ .+*<@95+ 9 $-'2"/ 76-<, #-9

$&%5"*F&.09% 9 ,+#0%2F&.09% 7'-09 (O. V5#F* ; exemple de

[Akimova, Kozinceva 1987 : 259]).

V poludennom pekle, proklinaya sud’binu i glotaja pyl’, šli grenadërskie i

mušketërskie polki.

Dans – (de) midi – fournaise, – en maudissant – destin – et – en avalant –

poussière, – marchaient – (de) grenadiers – et – mousquetaires –

régiments.

= Des régiments de grenadiers et de mousquetaires avançaient sous un

implacable soleil de midi, maudissant le destin et avalant la poussière.

La relation de simultanéité entre les procès s’accompagne de différents effets

aspectuels (cf. aussi [Akimova, Kozinceva 1987 : 258-259]) : l’un des procès

exprime une action itérative (ou fréquentative) (412), (413), le procès du verbe est

limité dans le temps par des indicateurs temporels (414) et aussi (413) :

(412) D"2&F5", 7'.3%&093"/ @%-')+@'( +-6@0'(, ,%.9-" 2%.2'

(6. G/"(-/0, I : 362).

Matrëna, posverkivaja belozuboj ulybkoj, mesila testo.

Matrena, – en brillant de temps en temps – à dents blanches – sourire

(avec) – pétrissait – pâte.

= Matrena, jetant de temps en temps un sourire éclatant, travaillait la pâte.

(413) 45 )"0&6- $-")" 9, 2' 2%&// .')5"59%, 2' .5'3" 7&98'*/ 3

.%@/, -%1"- %AF 7/2<, " ,'1%2 @62< *%./2< ,95+2 (!&8/'/+ :

121).

On zakryl glaza i, to terjaja soznanie, to snova prixodja v sebja, ležal ešPë

pjat’, a možet byt’ desjat’ minut.

Il – ferma – yeux – et, – tantôt – en perdant – connaissance, – tantôt – à

nouveau – en revenant – à – lui, – était allongé – encore – cinq, – et –

peut – être – dix – minutes.

= Il ferma les yeux et, tantôt perdant connaissance, tantôt revenant à lui,

resta par terre encore cinq ou peut-être dix minutes.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(414) P ,95+2+ G+0". .2'/-, '@3'*/ 3)$-/*', 3)]%&'#%55'$', 0"0

@'-<#"/ 729:", N779/ […] (G*')54%/+ : 138).

S minutu Lukas stojal, obvodja vzgljadom vz’’erošennogo, kak bol’šaja

ptica, Appija.

Environ – minute – Lucas – était debout, – en cernant – regard (avec) –

hérissé, – comme – grand – oiseau, – Appiï.

= Lucas resta une minute environ à regarder des pieds à la tête Appiï, qui

ressemblait à un oiseau herissé.

2. Le procès du gérondif sert de cadre temporel pour le procès du verbe :

(415) P-+#"/ 7' &"*9' Q2+ *&",+, O3"5 D98"(-'39C 3.7',95"-

.,%&2< .3'%$' *&+10", C%09.2" E%&#%50' (T*582' : 98).

Slušaja po radio etu dramu, Ivan MixajloviP vspominal smert’ svoego

družka, Pekista Peršenko.

En écoutant – à – radio – ce – drame, – Ivan – Mikhaïlovitch – se rappelait

– mort – (de) son – copain, – tchékiste – Perchenko.

= En écoutant ce drame à la radio, Ivan Mikhaïlovitch se souvenait de la

mort de son copain, le tchékiste Perchenko.

(416) ZF*'& O3"5'39C, .-+#"/ T&+)1"0", . 9..-%*'3"2%-<.09,

952%&%.', 3590"- 3 %$' 952'5":99 (V#)&'F*+, II : 48).

Fëdor IvanoviP, slušaja Bruzžaka, s issledovatel’skim interesom vnikal v

ego intonacii.

Fiodor – Ivanovitch, – en écoutant – Brouzjak, – avec – (de) chercheur –

intérêt – entrait – dans – ses – intonations.

= En écoutant Brouzjak, Fiodor Ivanovitch examinait avec une curieusité de

chercheur ses intonations.

(417) « W2' .' ,5'( .-+C9-'.< ? » – *+,"- '5, 9*/ ,%1*+

.2%--"1",9 (V#)&'F*+, I : 26).

– « Zto so mnoj sluPilos’? » – dumal on, idja meždu stellažami.

« Que – avec – moi – arriva ? » – pensait – il, – en marchant – entre –

étagères.

= « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? », pensait-il, en circulant entre les étagères.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Dans ce cas, le lien temporel entre les actions est renforcé, la construction

gérondivale équivalant à la subordonnée de temps : H'$*" O3"5 D98"(-'39C

.-+#"- 7' &"*9' Q2+ *&",+, 2' 3.7',95"- .,%&2< .3'%$' *&+10" –

Kogda Ivan MixaloviP slušal, to vspominal smert’ svoego družka – Quand Ivan

Mikhaïlovitch écoutait à la radio ce drame, il se souvenait de la mort de son

copain ; H'$*" ZF*'& O3"5'39C .-+#"- T&+)1"0", 2' 3590"- 3 %$'

952'5":99 – Kogda Fiodor IvanoviP slušal Bruzžaka, to vnikal v ego intonacii –

Quand Fiodor Ivanovitch écoutait Brouzjak, il examinait ses intonations ; H'$*" '5

#F-, 2' *+,"- – Kogda on šël, to dumal – Quand il marchait, il pensait.

Remarquons aussi que, dans cette situation, le gérondif fait partie du « thème » de

l’énoncé, se rapportant aux informations contextuelles déjà évoquées.

On observe également des énoncés où la relation causale se confond avec celle

de caractérisation, le verbe principal décrivant une caractéristique de l’action du

gérondif :

(418) […] $'-'. O-<9 D"0"&'39C", 0"0 .2"-<5'( 7&+2, $5+-./ 9

&".7&/,-/-./, .-"3/ 2'3"&9A" P9*'&'3" (G*')54%/+ : 268).

Golos Il’i MakaroviPa, kak stal’noj prut, gnulsja i rasprjamljalsja, slavja

tovarišPa Sidorova.

Voix – (de) Ilia – Makarovitch, – comme – tige – en acier, – se pliait – et –

se redressait, – en glorifiant – camarade – Sidorov.

= La voix d’ilia Makarovitch se pliait et se redressait, telle une tige en acier,

en glorifiant le camarade Sidorov.

(419) 45 […], 7&'A"/.<, 2"0 *'-$' '.2"3"-./ 7&91"26, 0 &+0%

M0"2%&956 L,92&9%356, C2' + 5%F 7'&')'3%-" .795"

(A. G/"(-/0, I : 20).

On, prošPajas’, tak dolgo ostavalsja prižatym k ruke Ekateriny Dmitrievny,

Pto u neë porozovela spina.

Il, – en faisant ses adieux, – si – longtemps – restait – accolé – à – main –

(de) Ekaterina – Dmitrievna, – que – chez – elle – rosit – dos .

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= En faisant ses adieux, il resta si longtemps accroché à la main de

Ekaterina Dmitrievna qu’elle sentit son dos rosir.

3. Les deux procès se déroulent dans le même cadre temporel sans que l’un

englobe l’autre :

(420) J"@'C9%, .2'/ + .2"50'3, .2&"55' 7'$-/*63"-9 5"

7&'8'*/A%% 5"C"-<.23' […] (6. G/"(-/0, I : 79).

RaboPie, stoja u stankov, stranno pogljadyvali na proxodjašPee naPal’stvo.

Ouvriers, – étant debout – près de – machines-outils, – étrangement –

jetaient des coups d’œil – sur – supérieurs – passant.

= Les ouvriers, debout près de leurs machines, jetaient des coups d’œil

étranges sur les supérieurs qui passaient.

4.5.3.2. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif

(E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif

Sémantiquement, cette situation prévoit globalement deux interprétations : a) Le

procès du gérondif apparaît comme arrière-plan pour le fait du verbe, autrement

dit le temps du procès inclut le moment où se produit le fait ; b) Le procès du

gérondif se déroule pendant la durée implicite du fait exprimé par le verbe

[Akimova, Kozinceva 1987 : 259].

a) Dans le premier cas, le gérondif précède normalement le verbe :

(421) V'*%&/895, . ,+0'( $-/*/ %,+ 3 $-")", 36.2"39- 37%&F*

$'&#09 . 0"&2'?%-<56,9 :3%2",9 (V#)&'F*+, I : 20).

Xoderjaxin, s mukoj gljadja emu v glaza, vystavil vperëd gorški s

kartofel’nymi cvetami.

Khoderiakhine, – avec – souffrance – en regardant – lui – dans – yeux, –

exposa – devant – pots – avec – (de) pomme de terre – fleurs.

= Khoderiahkine, en le regardant dans les yeux avec souffrance, plaça

devant lui les pots de fleurs de pommes de terre.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Le gérondif peut être accompagné par des éléments lexicaux soulignant le

caractère ininterrompu et continu de l'action (3.F @'-<#% 9 @'-<#% – vsë bolše

i bolše – « de plus en plus », 3.F .9-<5%% 9 .9-<5%% – vsë sil’nee i sil’nee –

« de plus en plus fort », 3.F 2"0 1% – vsë tak že – « toujours, avec la même

intensité », 3.F %AF – vsë ešPë – « toujours, encore ») :

(422) >.F %AF 2&+*5' *6#", '5 '7+.29-./ 5" .2+- […] (6. G/"(-/0,

I : 142).

Vsë ešPë trudno dyša, on opustilsja na stul i sidel nepodvižno.

Tout – encore – difficilement – en respirant – il – se baissa – sur – chaise.

= Continuant à respirer avec difficulté, il s'assit sur une chaise.

(423) – 42 3", 9 5+! – 7-"C" 3.F .9-<5%% 9 .9-<5%%, 3'.0-905+-" '5"

(T*582' : 104).

Ot vam i nu ! – plaPa vsë sil’nee i sil’nee, voskliknula ona.

Voilà – (à) vous – et – ben! – en pleurant – tout – plus fort – et – plus fort, –

s’exclama – elle.

= Et ben voilà ! s'exclama-t-elle, pleurant de plus en plus fort.

Le gérondif exprime la continuité par sa sémantique (7&'*'-1"/, 5% @&'."/ +

inf. – prodolžaja, ne brosaja + inf. – « tout en continuant de faire qch » ; 5%

7&%&63"/ + subst. – ne preryvaja + subst. – « sans arrêter de faire qch » :

(424) 4.2'&'15' )3/05+- 2%-%?'5, O3"5 D98"(-'39C, 7&'*'-1"/

C92"2<, .5/- 2&+@0+ […] (T*582' : 140).

Ostorožno zvjaknul telefon, Ivan MixajloviP, prodolžaja Pitat’, snjal trubku.

Précautionneusement – sonna – téléphone, – Ivan – Mikhaïlovitch, – en

continuant – lire, – enleva – combiné.

= Le téléphone émit un son hésitant, Ivan Mikhaïlovitch décrocha tout en

continuant sa lecture.

On distingue les énoncés avec le lien temporel renforcé, la construction

gérondivale équivalant à la subordonnée de temps. Dans ce cas, le gérondif peut

se trouver non seulement en préposition (425), (426) mais également en post-

position syntaxique (427), (428) :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(425) >0-"*63"/ .3%1+K 7"C0+ 7"2&'5'3, J'A95 7'C+3.23'3"-,

C2' 3.F %AF *&'1"2 &+09 (6. G/"(-/0, I : 401).

Vkladyvaja svežuju paPku patronov, RošPin poPuvstvoval, Pto vsë ešPë

drožat ruki.

Mettant – frais – paquet – cartouches, – Rochtchine – sentit, – que – tout –

encore – mains – tremblent.

= En rechargeant son arme, Rochtchine sentit que ses mains tremblaient

toujours.

(426) 4@8'*/ 32'&+K &'2+, P"@+&'3 3.7',59- 2'$' .'-*"2", .

0'2'&6, $'3'&9- 3 R-<2'5% (!&8/'/+ : 30).

Obxodja vtoruju rotu, Saburov vspomnil togo soldata, s kotorym govoril v

El’tone.

En faisant le tour – (de) deuxième – compagnie, – Sabourov – se rappela –

ce – soldat, – avec – qui – parlait – à – Elton.

= En faisant le tour de la deuxième compagnie, Sabourov se souvint du

soldat avec lequel il avait parlé à Elton.

(427) – U"0 2'C5', – '23%29- H'5K0'3, 368'*/ (!&8/'/+ : 70).

– Tak toPno, – otvetil Konjukov, vyxodja.

Cela – exact, – répondit – Konjukov, – en sortant.

= – Affirmatif, répondit Konioukov, en sortant.

(428) 45 5%,5'$' 7'@'-2"- .' .2"&+8'( 3 0+85%, *'19*"/.<, 0'$*"

36(*%2 H-"3*9/ (T*582' : 201).

On nemnogo poboltal so staruxoj v kuxne, dožidajas’, kogda vyjdet Klavdia.

Il – un peu – bavarda – avec – vieille – dans – cuisine, – en attendant –

quand – sortira – Klavdia.

= En attendant Klavdia, il bavarda un peu avec la vieille dans la cuisine

La relation temporelle renforcée, comme nous l’avons observé plus haut, apparaît

lorsque l’action du verbe et celle du gérondif contiennent des liens stéréotypiques

et causaux. Quand le gérondif précéde le verbe, comme en (425) et (426), on

devine un lien causal implicite : le tremblement des mains de Rochtchine a un

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

certain lien causal avec le fait qu’il rechargeait son arme ; le souvenir de Sabourov

est sans doute provoqué par le procès faire le tour de la deuxième compagnie.

Dans l’exemple suivant, on observe un lien stéréotypique entre les événements

qui appartiennent au même « univers » de sommeil :

(429) X1% )".67"/, '5 )%35+- '2 @-"1%5.23" (T*582' : 119).

Uže zasypaja, on zevnul ot blaženstva.

Déjà – en s’endormant, – il – bâilla – de – béatitude.

= Déjà presque endormi, il bâilla béatement.

Quand le gérondif suit le verbe, comme en (427), (428), on a affaire à la situation

où le procès du gérondif sert d’arrière-plan au fait exprimé par le verbe.

Quant aux énoncés ci-dessous, on y décèle un lien causal implicite entre les

événements, le verbe régissant exprimant une réaction émotionnelle (430), (431)

ou physique (432) par rapport à l’action du gérondif :

(430) !90'-"( O3"5'39C, $-/*/ 5" L"#+, 7'*3679- 9 )"$&+.29-

(6. G/"(-/0, I : 103).

Nikolaj IvanoviP, gljadja na Dašu, podvypil i zagrustil.

Nikolaï – Ivanovitch – en regardant – sur – Dacha, – but un peu – et –

devint triste.

= En regardant Dacha, Nikolaï Ivanovitch but un coup et devint triste.

En (430), on suppose un lien de cause à effet : Nikolaï Ivanovitch but un coup et

devint triste parce qu’il regardait Dacha. Il y avait quelque chose en Dacha qui

forçait Nikolaï Ivanovitch à boire et à devenir triste.

(431) P-+#"/, L"#" 298'5<0' 5"C"-" .,%/2<./ (6. G/"(-/0, I : 95).

Slušaja, Daša tixon’ko naPala smejat’sja.

En écoutant, – Dacha – tout doucement – commença – rire.

= En l’écoutant, Dacha se mit à rire tout doucement.

Ici, on suppose que Dacha riait parce qu’il y avait quelque chose de drôle dans ce

qu’elle écoutait.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(432) D9-9:9'5%& […], *'19*"/.< %$' )*%.< 5" ,'&')5', 3%2&+,

7'.95%- (T*582' : 56).

Milicioner, dožidajas’ ego zdes’ na moroznom vetru, posinel.

Milicien, – en attendant – le – ici – sous – froid – vent, – devint bleu.

= Le milicien qui l’attendait dehors sous le vent glacial devint bleu de froid.

Enfin, en (432), il est évident que le milicien est devenu bleu de froid parce qu’il

était resté trop longtemps dehors sous le vent glacial.

b) Dans ce cas donc le procès (gérondif en post- ou préposition syntaxique) se

déroule pendant le fait (verbe), lequel sous-entend alors une certaine durée avant

d’atteindre sa limite. Il est possible de discerner certaines régularités aspectuelles

(cf. aussi [Akimova, Kozinceva 1987 : 259- 260]).

b1) Le procès du gérondif imperfectif accompagne la durée implicite du fait

exprimé par un verbe imperfectif de mode ingressif :

(433) ZF*'& O3"5'39C 7'*5/-./ 5" 32'&'( Q2"1 9 7'#F- 7'

7'-+2F,5',+ 0'&9*'&+, *93/.< %$' ?'&,% […] (V#)&'F*+, I : 98).

Fëdor IvanoviP podnjalsja na vtoroj etaž i pošël po polutëmnomu koridoru,

divjas’ ego forme.

Fiodor – Ivanovitch – monta – à – deuxième – étage – et – se mit à

marcher – dans – semi-obscur – couloir, – en s’étonnant – (de) sa forme.

= Fiodor Ivanovitch monta au premier étage et s’enfonça dans un couloir

obscur, surpris par sa forme.

(434) 45 @&'.9- .9$"&+ 3 ,'&% 9 .2"- .7+.0"2<./ 7' -%.259:% 5"

@%&%$, 3%&2/ .%&%@&/5'( 2&'.2<K […] (G/"(-/0, I : 101).

On brosil sigaru v more i stal spuskat’sja po lestnice na bereg, vertja

serebrjanoj trost’ju.

Il – jeta – cigare – dans – mer – et – se mit – descendre – par – escalier –

sur – côte, – en tournant – argentée – canne .

= Il jeta le cigare dans la mer et se mit à descendre l’escalier qui menait

vers la côte, tournant sa canne argentée.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

b2) Le verbe principal exprime un fait qui a atteint son résultat (mode

d’action à résultativité générale), le gérondif exprimant un procès simultané à la

durée implicite de ce fait :

(435) H'&59-'3 #9&'0' 7%&%0&%.29-./, :"&"7"/ 5'$2F, ,9)95:" 7'

)".0'&+)-',+ 7'-+#+@0+ (6. G/"(-/0, I : 346).

Kornilov široko perekrestilsja, carapaja nogtëm mizinca po zaskoruzlomu

polušubku.

Kornilov – largement – se signa, – en grattant – (avec) ongle – (de)

auriculaire – sur – calleux – manteau court.

= Kornilov fit un large signe de croix, l’ongle de son petit doigt grattant le

manteau calleux.

Faisons observer que la relation gérondivale en (435) flirte avec la caractérisation

car on peut interpréter le procès du gérondif non comme un événement à part

mais comme une caractéristique, décrivant la manière dont se déroule l’action

principale.

(436) 45 7'.2'/- 7%&%* 7'&2&%2',, 9)+C"/ +."2'% 9 @&'3".2'%,

.%&*92'% -9:', 0%70+ 9 CF&56% 'C09 5"* 0')6&<0', (V#)&'F*+, I ;

31).

On postojal pered portretom, izuPaja usatoe i brovastoe, serditoe lico,

kepku i Përnye oPki nad kozyr’kom.

Il – resta debout un moment – devant – portrait, – en étudiant –

moustachu – et – sourcilleux, – mécontent – visage, – casquette – et –

noires – lunettes – au-dessus – visière.

= Il resta un moment devant le portrait, étudiant ce visage mécontent,

moustachu et sourcilleux, la casquette et les lunettes noires au-dessus de

la visière.

(437) V')/95 3 2&9 #"$" '@%1"- 7' 0',5"2% 0&+$, 7'.7%#5'

.'@9&"/ 3 '*5' ,%.2' 5" .2'- 7&%*,%26, '.2"3-%556% +2&',

$*% 7'7"-' (V#)&'F*+, I : 116).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Xozjain v tri šaga obežal po komnate krug, pospešno sobiraja v odno mesto

na stol predmety, ostavlennye utrom gde popalo.

Propriétaire – en – trois – pas – parcourut – à travers – pièce – rond, –

hâtivement – en ramassant – dans – seul – endroit – sur – table – objets –

laissés – matin – où (ça) tomba.

= Le propriétaire parcourut la pièce en trois pas, en mettant hâtivement

dans un seul endroit, sur la table, les objets laissés le matin un peu

n’importe où.

(438) > 0"K2% O3"5 O-<9C 7&'.9*%- C"." 2&9, 7&9*+,63"/, 0"0

'@]/.592< L"#% .3'(, 7' %$' 7'59,"59K, 7'#-6( 9 5"3/)C936(

7'.2+7'0 (G/"(-/0, I : 78).

V kajute Ivan Il’iP prosidel Pasa tri, pridumyvaja, kak objasnit' Daše svoj, po

ego ponimaniju, pošlyj i navjazPivyj postupok.

Dans – cabine – Ivan – Illitch – resta assis un moment – heures – trois, – en

inventant, – comment – expliquer – (à) Dacha – son, – selon – sa –

compréhension, – vulgaire – et – importun – acte.

= Ivan Ilitch resta environ trois heures dans sa cabine à réfléchir comment

expliquer à Dacha son acte qui lui semblait vulgaire et importun.

Quant aux énoncés (436), (437) et (438), l’interprétation temporelle de la relation

gérondivale peut aussi être enrichie d’une lecture causale, à savoir de la relation

de but : Il resta un moment devant le portrait pour étudier le visage mécontent ; Le

propriétaire parcourut la pièce pour mettre les objets dans un seul endroit ; Ivan

Illitch resta dans sa cabine pour réfléchir.

4.5.3.3. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif

(E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif

Dans ces combinaisons, il s’agit de la simultanéité de l’état résultant (gérondif

perfectif à valeur de parfait) et du procès principal (verbe imperfectif) [Akimova,

Kozinceva 1987 : 260].

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Les gérondifs à valeurs de parfait sont généralement formés des verbes

intransitifs ou des verbes transitifs à objet possessif ('7+.292< $-")" – opustit’

glaza – « baisser les yeux ») qui désignent l’état du sujet, perdurant pendant

l’action principale. Nous présentons ci-dessous quelques groupes sémantiques de

verbes engendrant des gérondifs à valeur de parfait (cf. aussi [Akimova,

Kozinceva 1987 : 260-261].

a) Expression du visage (5"8,+&92<./ – naxmurit’sja – « se renfrogner »,

.,'&A92<./ – smoršPit’sja – « faire une grimace », 7&9A+&92<./ –

prišPurit’sja – « plisser les yeux ») :

(439) S,"095, 7&9A+&93#9.<, $-/*%- 5" T"-"$+ (T*582' : 124).

Žmakin, prišPurivšis’, gljadel na Balagu.

Jmakin – ayant plissé les yeux – regardait – sur – Balaga.

= Jmakine, les yeux plissés, regardait Balaga.

(440) H"2/, 3./ .,'&A93#9.<, $-/*%-" 2' 5" ,+1", 2' 5" U%2<095"

(6. G/"(-/0, I : 324).

Katja, vsja smoršPivšis’, gljadela to na muža, to na Tet’kina.

Katia – toute – ayant fait une grimace – regardait – tantôt – sur – mari –

tantôt – sur – Tetkine.

= Katia, toute grimaçante, jetait des regards tantôt sur son mari, tantôt sur

Tetkine.

b) La disposition ou le mouvement du sujet (du corps et / ou de ses parties)

dans l’espace.

Verbes intransitifs

367&/,92<./ – vyprjamit’sja – « se redresser » ;

362/5+2<./ – vytjanut’sja – « s’allonger » ;

5"3"-92<./ – navalit’sja – « s’écrouler, s’appuyer (de tout son poids) » ;

5"$5+2<./ – nagnut’sja – « se pencher » ;

'@%&5+2<./ – obernut’sja – « se retourner » ;

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

'.2"2<./ – ostat’sja – « rester » ;

'23%&5+2<./ – otvernut’sja – « tourner la tête » ;

'2095+2<./ – otkinut’sja – « se rejeter en arrière » ;

7%&%$5+2<./ – peregnut’sja – « se pencher au-dessus de… » ;

7'3%&5+2<./ – povernut’sja – « tourner le dos, faire un demi-tour » ;

7'*@'C%592<./ – podboPenit’sja – « mettre les mains sur les hanches » ;

7&9*395+2<./ – pridvinut’sja – « s’approcher, se rapprocher » ;

7&9,'.292<./ – primostit’sja – « se mettre dans un endroit, se percher, se

caser » ;

7&97'*5/2<./ – pripodnjat’sja – « se soulever » ;

7&9.%.2< – prisest’ – « s’asseoir pour un moment, s’accroupir » ;

7&9205+2<./ – pritknut’sja – « se caser, se mettre dans un endroit » ;

&")3"-92<./ – razvalit’sja – « s’avachir, être assis d’une façon négligente » ;

&".095+2<./ – raskinut’sja – « s’étaler, s’étendre » ;

.'$5+2<./ – sognut’sja – « se plier » ;

.'(29.< – sojtis’ – « se rapprocher » ;

+$5%)*92<./ – ugnezdit’sja – « se percher, s’installer confortablement dans un

endroit », etc. :

(441) M."+- . 0&93'( +.,%#0'( .-+#"- %$', &")3"-/.< 3 .%*-%

(6. G/"(-/0, I : 242).

Esaul s krivoj usmeškoj slušal ego, razvaljas’ v sedle.

Capitaine de cosaques – avec – dédaigneux – sourire – écoutait – le, –

s’étant négligemment assis – dans – selle.

= Le capitaine l’écoutait avec un sourire dédaigneux, assis négligemment

sur sa selle.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Verbes transitifs

362/5+2< #%K – vytjanut’ šeju – « tirer le cou » ;

5"0-'592< $'-'3+ – naklonit’ golovu – « baisser la tête » ;

'7+.292< $-")" – opustit’ glaza – « baisser les yeux » ;

'20&62< &'2 – otkryt’ rot – « ouvrir la bouche » ;

7&97'*5/2< @&'39 – pripodnjat’ brovi – « relever les sourcils » ;

7&'2/5+2< &+09 – protjanut’ ruki – « tendre les bras » ;

.1"2< )+@6 – sžat’ zuby – « serrer les dents » ;

.0&%.292< &+09 – složit’ ruki – « croiser les bras » ;

.29.5+2< )+@6 (&+09) – stisnut’ zuby (ruki) – « serrer les dents (les mains) » ;

.:%792< 7"-<:6 – scepit’ pal’cy – « entrelacer, croiser les doigts », etc. :

(442) L" 9 7%&36(, ,"2F&6( [3'-0] %AF 5% @6- +@92 – '5 @9-./ 9

$&6) .5%$, 363%&5+3 #%K (T*582' : 53).

Da i pervyj, matëryj [volk] ešPë ne byl ubit – on bilsja i gryz sneg, vyvernuv

šeju.

Mais – et – premier – [loup] – encore – ne – était – tué – il – se débattait –

et – rongeait – neige, – ayant tordu – cou.

= Et même le premier, le gros, n’était pas encore mort – il se débattait en

rongeant de la neige, le cou retourné.

(443) =%5%&"-6 .-+#"-9, '7+.293 $-")" (6. G/"(-/0, I : 356).

Generaly slušali, opustiv glaza.

Généraux – écoutaient, – ayant baissé – yeux.

= Les généraux écoutaient, les yeux baissés.

(444) H-"3*9/ O3"5'35", . +2&" 7'*&9.'3"3 .%@% @&'39 9 5"*%3

7"&90 3'&'5'3" 0&6-", ."*9-".< &".0-"*63"2< 7".</5.

(6. G/"(-/0, I : 270).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Klavdija Ivanovna, s utra podrisovav sebe brovi i nadev parik voronova

kryla, sadilas’ raskladyvat’ pas’jans.

Klavdia – Ivanovna, – dès – matin – ayant dessiné – (à) soi – sourcils – et –

ayant mis – perruque – (de) corbeau – aile, – s’asseyait – disposer –

patience.

= De bon matin, Klavdia Ivanovna, les sourcils dessinés et une perruque

noire comme du jais sur la tête, se mettait à faire des réussites.

c) Changement de l’état physique et / ou moral :

3'.7-",%592<./ – vosplamenit’sja – « s’enflammer » ;

36.7"2<./ – vyspat’sja – « dormir bien et suffisamment » ;

)"@62<./ – « perdre conscience, se plonger dans ses pensées, dans ses

rêves » ;

5".2'&'192<./ – « se mettre sur ses gardes, prêter l’oreille » ;

5".+792<./ – nasupit’sja – « se renfrogner » ;

'C5+2<./ – oPnut’sja – « revenir à soi » ;

7'*'@&"2<./ – podobrat’sja – « se contracter, se crisper » ;

7'5+&92<./ – ponurit’sja – « s’affaisser, se courber » ;

7'0&".5%2< – pokrasnet’ – « rougir » ;

7&9$'2'392<./ – prigotovit’sja – « se mettre en attente » ;

&")',-%2< – razomlet’ – « s’amollir, se détendre, se relaxer » ;

+$-+@92<./ 3 .%@/ – uglubit’sja v sebja – « se plonger dans ses pensées » ;

+.7'0'92<./ – uspokoit’sja – « se calmer, se rassurer », etc.

(445) M-%5" >-"*9,9&'35", 7'&')'3%3, .,'2&%-" 3 +7'& (V#)&'F*+,

I : 26).

Elena Vladimirovna, porozovev, smotrela v upor.

Elena – Vladimirovna, – ayant rosi, – regardait – dans – point.

= Elena Vladimirovna, toute rosissante, le regardait fixement.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(446) >%.< 7'*'@&"3#9.<, P",.'5 E'7F5095 7&'@'3"- 5"7&"392<

.3'F /.5'39*%59% 3 '*5+ 2'C0+ (G*')54%/+ : 224).

Ves’ podobravšis’, Samson Popënkin proboval napravit’ svoë jasnovidenie

v odnu toPku.

Tout – s’étant contracté, – Samson – Popenkine – essayait – diriger – sa –

clairvoyance – dans – seul – point.

= Samson Popenkine, extrêmement concentré, essayait de focaliser sa

clairvoyance en un seul point.

(447) X$-+@93#9.< 3 .%@/, '5 *6#"- . 5+2&/56, ')"@'C%556,

.'7%5<%, (V#)&'F*+, I : 44).

Uglubivšis’ v sebja, on dyšal s nutrjanym ozaboPennym sopeniem.

Plongé – dans – soi, – il – respirait – avec – (de) tripes – préoccupé –

reniflement.

= Absorbé par ses réflexions, il émettait, en respirant nerveusement, un

bruit caverneux.

4.5.3.4. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif

(E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif

Compte tenu de la valeur du perfectif, ces combinaisons expriment difficilement la

simultanéité et pour que cette valeur se réalise il faut que le contexte présente de

fortes contraintes capables de modifier le comportement du perfectif :

(448) 45 .0")"-, 7'$-/*%3 7&9 Q2', 5" 5%F…

On skazal, pogljadev pri etom na neë…

Il – dit, – ayant jeté un regard – pendant – cela – sur – elle…

= Il dit, en lui jetant un regard…

(449) E'$-/*%3 5" 5%F, '5 7&9 Q2', .0")"-…

Pogljadev na neë, on pri etom skazal…

Ayant jeté un regard – sur – elle, – il – pendant – cela – dit…

= En lui jetant un regard, il dit…

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

4.5.4. Relations temporelles non ordonnées

La relation temporelle non ordonnée entre le verbe et le gérondif se réalise dans

les combinaisons suivantes.

4.5.4.1. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif

Dans ce cas, le gérondif peut exprimer la valeur de parfait ou la valeur d’aoriste

(cf. [Akimova, Kozinceva 1987 : 263]).

Le gérondif à valeur de parfait exprime l’état résultant qui apparaît pendant la

durée implicite de l’action principale :

(450) !"C#2"@" 36.-+#"- )",%C"59% ,'-C", '7+.293 $'-'3+

(6. G/"(-/0, I : 404).

NaPštaba vyslušal zamePanie molPa, opustiv golovu.

Chef de l’état-major – écouta – remarque – en silence, – ayant baissé –

tête.

= Le chef de l’état-major écouta la remarque en silence, la tête baissée.

(451) – H-"3*/, – .0")"- '5, '7/2< '20&63 $-")" […] (T*582' : 214).

– Klavdja, – skazal on, opjat’ otkryv glaza.

Klavdia – dit – il, – à nouveau – ayant ouvert – yeux.

= – Klavdia, dit-il, les yeux ouverts de nouveau.

Le gérondif à valeur d’aoriste indique un fait concomitant au fait du verbe principal.

Il est impossible d’inférer la relation chronologique exacte, l’action du gérondif

pouvant se produire avant, après ou en même temps que l’action du verbe :

(452) – U&%7-', – 7&'#97%-" U+,"5'3", +*"&93 0+-"C0', .

7%&.25/,9 7' 7'*+#0% (V#)&'F*+, I : 58).

– Treplo, – prošipela Tumanova, udariv kulaPkom s perstnjami po poduške.

Fanfaron – cracha – Toumanova – ayant frappé – (avec) petit poing –

avec – bagues – sur – oreiller.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= – Minable fanfaron, cracha Toumanova, frappant l’oreiller avec son petit

poing serti de bagues.

(453) – O)39592%, – .0")"- G"7#95, .-%$0" *'2&'5+3#9.< &+0'( 3

7%&C"20% *' 0'5<0'3 K5'#9 (T*582' : 46).

– Izvinité, – skazal Lapšin, slegka dotronuvšis’ rukoj v perPatke do kon’kov

junoši.

Pardon – dit – Lapchine, – doucement – ayant touché – (avec) main –

dans – gant – à – patins – (de) jeune homme.

= – Excusez-moi, dit Lapchine, effleurant avec sa main gantée les patins du

jeune homme.

Contrairement aux énoncés (452) et (453) qui tolèrent la simultanéité, il y a

également des énoncés où les actions du verbe et du gérondif sont en relation

d’exclusion mutuelle. La simultanéité est donc évincée sans qu’on puisse inférer

pour autant l’ordre exact entre les événements :

(454) – 45 3.F +.7%3"%2, – )",%29- "0"*%,90, 898905+3 (V#)&'F*+,

II : 4).

– On vsë uspevaet, – zametil akademik, xixiknuv.

Il – tout – a le temps de faire – remarqua – académicien, – ayant pouffé.

= – Il a le temps de tout faire, remarqua l'académicien en ricanant.

(455) – M.-9 5% 7&'9)'(*F2 C+*", – .0")"- '5, 7'0"#-/3, – 2' ,6

7'$9@-9 (6. G/"(-/0, I : 278).

– Esli ne proizojdët Puda, – skazal on, pokašljav, – to my pogibli.

Si – ne – se produira – miracle – dit – il – ayant toussé – alors – nous –

mourûmes.

= – Si un miracle ne se produit, dit-il en toussant, on est mort.

En effet, si en (452), (453), l’action du gérondif peut servir d’arrière-plan à l’action

du verbe, en (454), (455) une telle interprétation est exclue, le fait exprimé par le

gérondif se produisant avant ou après le fait du verbe.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

On peut interpréter comme indétermination temporelle la relation qui s’établit entre

le verbe et le gérondif dans l’énoncé avec le sujet au pluriel. Le lien chronologique

entre les événements est compris comme concomitance de plusieurs actes

verbals et gérondivals dans le même cadre temporel :

(456) !' '20+*"-2' .@'0+ 8-'75+- C%23F&26( &%3'-<3%&56(

36.2&%-, 9 7'-%2%-' 5%.0'-<0' 0",5%(, +*"&93#9.< ' 1%-%)'

(6. G/"(-/0, I : 86).

No otkuda-to sboku xlopnul Petvërtyj revol’vernyj vystrel, i poletelo neskol’ko

kamnej, udarivšis’ o železo.

Mais – (de) quelque part – à côté – claqua – quatrième – (de) revolver –

coup, – et – se mit à voler – plusieurs – pierres, – ayant cogné – contre –

fer.

= Mais quelque part à côté claqua un quatrième coup de revolver en faisant

s’envoler quelques pierres qui cognèrent contre la ferraille.

4.5.4.2. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif avec négation

Certains linguistes définissent comme indétermination temporelle la relation qui

unit, dans l’énoncé, le verbe perfectif et le gérondif imperfectif avec négation en

post-position [Odincova 1974 ; Akimova, Kozinceva 1987 : 263].

(457) – !% 7'*79#+, – .0")"- E&':%50', 5% 7'*59,"/ $'-'36

(!&8/'/+ : 162).

– Ne podpišu, – skazal Procenko, ne podnimaja golovy.

Ne – (je) signerai – dit – Procenko, – ne – levant – tête.

= – Je ne signerai pas, dit Protsenko sans lever la tête.

(458) 45 7&9.%- 5" .2+-, 5% .59,"/ 7"-<2' 9 #-/76 (Exemple de

[Akimova, Kozinceva 1987 : 263]).

On prisel na stul, ne snimaja pal’to i šljapy.

Il – s’assit – sur chaise, – ne – enlevant – manteau – et – chapeau.

Il s’assit sur une chaise sans enlever son manteau ni son chapeau.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

4.5.4.3. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif

(E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif

Il s’agit, dans ce cas, des actes répétés exprimés par le verbe qui coexistent dans

le même cadre temporel avec les actes répétés du gérondif :

(459) > Q2'2 *%5< 3 $&"*% H92%1% )5"0',6(, 3.2&%C"/ )5"0','$',

7'.-% « )*&"3.23+(2% » (95'$*" *"1% 3,%.2') 5%2%&7%-93'

.7&"#93"- : « N 36 C92"-9 ? » (G*')54%/+ : 244).

V etot den’ v grade Kitjaže znakomyj, vstrePaja znakomogo, posle

« zdravstvujte » (inogda daže vmesto) neterpelivo sprašival : « A vy

Pitali ? »

En – ce – jour – dans – ville – Kitej – connaissance, – en rencontrant –

connaissance, – après – bonjour – (parfois – même – (au lieu)) –

impatiemment – demandait : – « Et – vous - lisiez ? »

= Ce jour-là, dans la ville de Kitej, les gens en rencontrant quelqu’un qu’ils

connaissaient, après le bonjour (parfois même à la place) lui demandaient :

« Avez-vous lu ? »

Dans les exemples suivants, la répétition des actions est explicitée par des

moyens lexicaux, en (460), l’adverbe Pasto – « souvent ») ou lexico-

grammaticaux, en (461), la conjonction li… li – « ou… ou », la construction net-

net da i + passé imperfectif – « tantôt, de temps en temps ») :

(460) > 5'C56% *%1+&.23" O3"5 O-<9C C".2', 7'*8'*/ 0 J+@-F36,,

.-+#"-, 0"0 '2%: 9 .65 )"3'*9-9 .7'&6 (6. G/"(-/0, I : 221).

V noPnye dežurstva Ivan Il’iP Pasto, podxodja k Rublëvym, slušal, kak otec i

syn zavodili spory.

En – (de) nuit – services – Ivan – Ilitch – souvent, – en s’approchant – de –

(les) Roublev, – écoutait, – comment – père – et – fils – commençaient –

discussions.

= Quand il était de service de nuit, Ivan Ilitch, s’approchant des Roublev,

écoutait souvent les discussions entre le père et le fils.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(461) X@9&"/ -9 0+.09, .2"3/ -9 ,9.0+ . 5'3'( %*'(, D"2&F5" 5%2-

5%2 *" 9 0"."-".< %$' 2' &+0'(, 2' $&+*<K (6. G/"(-/0, I : 367).

Ubiraja li kuski, stavja li misku s novoj edoj, Matrëna net-net da i kasalas’

ego to rukoj, to grud’ju.

En ramassant – ou – morceaux, – en mettant – ou – assiette – avec –

nouvelle – nourriture, – Matrena – non-non – mais – et – touchait – le –

tantôt – (avec) main, – tantôt – (avec) poitrine.

= En débarrassant ou en mettant sur la table un nouveau plat, Matrena

l’effleurait comme par hasard tantôt avec sa main, tantôt avec sa poitrine.

4.6. Relations causales

La relation temporelle entre le gérondif et le prédicat principal peut être effacée au

profit de la relation de causalité. On distingue six types de causalité : cause, but,

conséquence, condition, concession et temps.

4.6.1. Cause

Dans les énoncés où l’action principale est conditionnée par l’action secondaire,

s’emploient souvent les gérondifs perfectifs et imperfectifs formés des verbes

appartenant aux groupes sémantiques suivants :

a) Les verbes désignant le changement d’état émotionnel ou psychique du sujet

('@&"*'3"3"2<./ – obradovat’sja – « se réjouir » ; &"..%&*92<./ –

rasserdit’sja – « se fâcher » ; &".2%&/2<./ – rasterjat’sja – « se

décontenancer » ; &%#92<./ – rešit’sja – « se décider » ; .7'83"292<./ –

spoxvatit’sja – « se ressaisir » ; +3-%C<./ – uvleP’sja – « se passionner pour »,

etc. ) :

(462) U+2 1% .7'83"293#9.<, '5 '23%&5+-./ […] (V#)&'F*+, I : 6).

Tut že spoxvativšis’, on otvernulsja.

Ici – même – s’étant ressaisi, – il – se détourna.

= Ressaisi immédiatement, il détourna la tête.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

b) Les verbes mentaux et de perception (39*%2< – videt’ – « voir » ;

*+,"2< – dumat’ – « penser » ; )5"2< – znat’ – « savoir » ; 7'*')&%3"2< –

podozrevat’ – « soupçonner » ; 7'59,"2< – ponimat’ – « comprendre » ;

.C92"2< – sPitat’ – « croire, penser » ; +@%*92<./ – ubedit’sja – « se

convaincre » ; +39*%2< – uvidet’ – « voir » ; +.-6#"2< – uslyšat’ –

« entendre », etc.) :

(463) P"@+&'3, 7'5/3 Q2' 0"0 7&9$-"#%59% .-%*'3"2< )" 59,, 2'1%

3'#F- (!&8/'/+ : 84).

Saburov, ponjav eto kak priglašenie sledovat’ za nim, tože vošël.

Sabourov, – ayant compris – cela – comme – invitation – suivre – après –

lui, – aussi - entra.

= Ayant compris cela comme invitation à le suivre, Sabourov entra aussi.

c) Les verbes d’état émotionnel (@'/2<./ – bojat’sja – « avoir peur » ;

9.76263"2< 2&%3'$+ – ispytyvat’ trevogu – « être inquiet, angoissé » ;

'7"."2<./ – opasat’sja – « craindre » ; C+3.23'3"2< 5%-'30'.2< –

Puvstvovat’ nelovkost’ – « être mal à l’aise », etc.) :

(464) O, 792"/ 5%7&9/)5< 0 -9#59, &")$'3'&",, P"@+&'3 7&'.2'

.0")"- […] (!&8/'/+ : 96).

I, pitaja neprijazn’ k lišnim razgovoram, Saburov prosto skazal.

Et – en nourrissant – aversion – envers – superflues – conversations, –

Sabourov – simplement – dit.

= Et, nourrissant une aversion pour les conversations inutiles, Sabourov, dit

simplement […].

(465) E%2/, C+3.23+/, C2' %,+ 5% '23%&2%2<./, &%#9-

7&9)5"2<./ (!&8/'/+ : 44).

Petja, Puvstvuja, Pto emu ne otvertet’sja, rešil priznat’sja.

Petia, – en sentant, – que – (à) lui – ne – échapper, – décida – avouer.

= Pétia, sentant qu’il ne pouvait pas y échapper, décida de tout avouer.

d) Les verbes d’intention (5"*%/2<./ – nadejat’sja – « espérer, attendre » ;

5",%&%3"2<./ – namerevat’sja – « avoir l’intention », etc.) :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(466) >".<0" 7&'.67"-./ '2 0&90", 5' 5% 7'*"3"- 7&9)5"0'3 19)59,

5"*%/.<, C2' 0"0-59@+*< '@'(*F2./ @%) 5%$' 9 C2' %,+ 5%

7&9*F2./ 3.2"3"2< (T*582' : 16).

Vas’ka prosypalsja ot krika, no ne podaval priznakov žizni, nadejas’, Pto

kak-nibud’ obojdëtsja bez nego i emu ne pridëtsja vstavat’.

Vasska – se réveillait – de – cri, – mais – ne – donnait – signes – (de) vie, –

en espérant – que – comment n’importe – (il) se passera – sans – lui – et –

à lui – ne – arrivera – se lever.

= Les cris réveillaient Vasska, mais il ne bougeait pas, en espérant que,

d’une manière ou d’une autre, on se passerait de lui et qu’il ne serait pas

obligé de se lever.

(467) P%(C". '5 3%&2%-./ + 0&6-<:", 9A" .-+C"/ 7'7&'.92<./ 3

7%&%*'3+K )".2"3+ (6. G/"(-/0, I : 338).

SejPas on vertelsja u kryl’ca, išPa sluPaja poprosit’sja v peredovuju zastavu.

Maintenant – il – tournait autour – près de – perron, – en cherchant –

occasion – demander d’être pris – dans - d’avant-garde – pointe.

= En ce moment, il tournait autour de l’entrée, cherchant une occasion de

demander la permission d’être pris dans la pointe d’avant-garde.

La relation de cause se réalise également dans les situations où le gérondif est la

source d’un état émotionnel exprimé par le verbe :

(468) !' '@'(*/ 0&+$', 7"-+@+ 9 5% 5"(*/ L"#9, O3"5 O-<9C

3)3'-5'3"-./ (6. G/"(-/0, I : 78).

No obojdja krugom palubu i ne najdja Daši, Ivan Il’iP vzvolnovalsja.

Mais – ayant fait le tour – autour de – pont – et – ne – ayant trouvé –

Dacha, – Ivan – Ilitch – s’inquiéta.

= Après avoir fait tout le tour du pont sans trouver Dacha, Ivan Ilitch se

sentit inquiet.

Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, plusieurs énoncés manifestent à la

fois une relation temporelle et causale, cf. aussi :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(469) X.-6#"3 #"$9, '5 .*%-"- *391%59%, C2'@6 '2.2&"592<./

(!&8/'/+ : 129).

Uslyšav šagi, on sdelal dviženie, Ptoby otstranit’sja.

Ayant entendu – pas, – il – fit – mouvement, – pour – se détacher.

= Entendant le bruit des pas, il eut un mouvement pour se détacher d’elle.

(470) ZF*'& O3"5'39C 3)*&'$5+-, +39*%3 %$' +.2"-+K 8+*'@+ 9

&%#9,'.2< (V#)&'F*+, I : 116).

Fëdor IvanoviP vzdrognul, uvidev ego ustaluyu xudobu i rešimost’.

Fiodor – Ivanovitch – tressaillit, – ayant vu – sa – fatiguée – maigreur et –

détermination.

= Fiodor Ivanovitch tressaillit, voyant sa maigreur causée par la fatigue et

sa détermination.

Du point de vue aspectuel, plusieurs configurations sont possibles :

1. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif et (E1) Verbe perfectif + (E2)

Gérondif perfectif. Le fait principal est causé par le fait secondaire (le gérondif est

souvent marqué par la valeur de parfait) qui suit immédiatement l’action

principale :

(471) E'*3%&5+3 7&9 7&610% 5'$+, '5 36&+$"-./ (!&8/'/+ : 11).

Podvernuv pri pryžke nogu, on vyrugalsja.

Ayant foulé – pendant – saut – pied, – il – jura.

= Parce qu’il venait de se fouler le pied en sautant, il lança une injure.

(472) X39*%3 %$' 3 *3%&/8, M0"2%&95" L,92&9%35" )"-9-".< /&0'(

0&".0'( (G/"(-/0, I : 19).

Uvidev ego v dverjax, Ekaterina Dmitrievna zalilas’ jarkoj kraskoj.

Ayant vu – le – dans – porte, – Ekaterina – Dmitrievna – se remplit – (de)

vive – couleur.

= En le voyant dans la porte, Ekaterina Dmitrievna devint toute rouge.

(473) 4*95 2'-<0' &") '5 0"0 @6 7&'.5+-./, +.-6#"3 )5"0',+K

?",9-9K (V#)&'F*+, I : 25).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Odin tol’ko raz on kak by prosnulsja, uslyšav znakomuju familiju.

Une – seulement – fois – comme – si – s’éveilla, – ayant entendu –

familier – nom.

= Il semblait ne s’être éveillé qu’une fois : lorsqu’il entendit un nom familier.

2. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif et (E1) Verbe imperfectif +

(E2) Gérondif perfectif

Le procès exprimé par le verbe imperfectif est causé par le fait du gérondif

perfectif :

(474) E&'9$&"3 3.% *%5<$9 3 0"&26, '5 5"8'*9-./ 2%7%&< 3 0&"(5%(

5+1*%.

Proigrav vse den’gi v karty, on naxodilsja teper’ v krajnej nužde.

Ayant perdu – tout – argent – à – cartes, – il – se trouvait – maintenant –

dans – extrême – besoin.

= Après avoir perdu tout son argent en jouant aux cartes, il se trouvait dans

un extrême besoin.

(474’) O5 5"8'*9-./ 2%7%&< 3 0&"(5%( 5+1*%, 7&'9$&"3 3.% *%5<$9 3

0"&26.

On naxodilsja teper’ v krajnej nužde, proigrav vse den’gi v karty.

Il – se trouvait – maintenant – dans – besoin – extrême, – ayant perdu –

tout – argent – à cartes.

Il se trouvait dans un extrême besoin parce qu’il avait perdu tout son argent

aux cartes.

3. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif et (E1) Verbe perfectif + (E2)

Gérondif imperfectif

Dans le premier cas, le fait principal se déroule à cause du procès secondaire. Ce

dernier apparaît comme arrière-plan pour l’action du verbe :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(475) W+3.23+/ $'-'3'0&+1%59%, '5 5%,5'$' 7'.9*%- + 0"-9209

(!&8/'/+ : 138).

Zuvstvuja golovokruženie, on nemnogo posidel u kalitki.

Sentant – vertiges, – il – un peu – resta assis un moment – près de –

portillon.

= Comme sa tête tournait, il resta assis un moment près du portillon.

Dans le second cas, le procès du gérondif (cause) se déroule pendant le laps de

temps occupé par la durée implicite du fait principal (conséquence). La valeur

causale est moins manifeste que dans l’énoncé avec le gérondif prépositif :

(475’) O5 5%,5'$' 7'.9*%- + 0"-9209, C+3.23+/ $'-'3'0&+1%59%.

On nemnogo posidel u kalitki, Puvstvuja golovokruženie.

Il – un peu – resta assis un moment – près de – portillon, – en sentant –

vertiges.

Il resta assis un moment près du portillon, sentant sa tête tourner.

4. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif et (E1) Gérondif

imperfectif + (E2) Verbe imperfectif

Le procès principal se déroule à cause et en même temps que le procès

secondaire :

(476) […] 2'-<0' 4@5'.095 .-%$0" +-6@"-./, 7&%*39*/ $'50+,

0'2'&+K )"*"*+2 */*% (E. V/(-/*+(%&0 ; exemple emprunté à

Akimova et Kozinceva [Akimova, Kozinceva 1987 : 270]).

Tol’ko Obnoskin slegka ulybalsja, predvidja gonku, kotoruju zadadut djade.

Seulement – Obnoskine – légèrement – souriait – prévoyant –réprimande –

que – (on) imposera – (à) oncle.

= […] seulement Obnoskine souriait légèrement, prévoyant le savon qu’on

passerait à l’oncle.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

L’imparfait peut signifier un procès répété, cf. l’énoncé (477) où le procès

principale itératif se produit à cause du procès secondaire répétée :

(477) S%5A95", 7+$"/.<, 3%#"-" 2&+@0+ (T*582' : 16).

ŽenšPina, pugajas’, vešala trubku.

Femme – prenant peur – raccrochait – combiné.

= De peur, la femme raccrochait chaque fois.

4.6.2. Conséquence

Le gérondif en post-position est également capable d’exprimer la conséquence (le

résultat) provoquée par l’action du verbe principal. Les situations aspectuelles

suivantes sont envisageables :

1. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif :

(478) U%-%$95 […] .' 3)*'8', -F$ 5" 0'(0+, )".0&97%3 7&+195",9

(6. G/"(-/0, I : 396).

Telegin so vzdoxom lëg na kojku, zaskripev pružinami.

Teleguine – avec – soupir – s’allonga – sur – lit, – ayant fait grincer –

ressorts .

= Soupirant, Teleguine s’allonga dans le lit dont les ressorts grincèrent.

(479) U'-7" […] .',05+-".<, .0&63 +C92%-/ '2 +C%590'3

(G*')54%/+ : 13).

Tolpa somknulas’, skryv uPitelja ot uPenikov.

Foule – se ferma, – ayant caché – maître – de – élèves.

= La foule serra ses rangs, cachant le maître de ses élèves.

2. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif. La relation gérondivale de

conséquence se combine alors avec celle de caractérisation :

(480) P"@+&'3 7&9*395+-./ 37-'25+K 0 .",',+ &"*9', 2%.5/

7-%C', >"595" (!&8/'/+ : 156).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Saburov pridvinulsja vplotnuju k samomu radio, tesnja plePom Vanina.

Sabourov – s’approcha – tout près – de – même – radio, – en pressant –

(avec) épaule – Vanine.

= Sabourov s’approcha tout près de la radio, touchant Vanine avec son

épaule.

3. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif :

(481) 459 %AF *'-$' 7&%&%0"-9.<, ,%#"/ G"7#95+ C92"2< (T*582' :

77).

Oni ešPë dolgo prerekalis’ mešaja Lapšinu Pitat’.

Ils – encore – longtemps – se chicanaient, – en empêchant – Lapchine –

lire.

Ils se sont chicanés encore longtemps, empêchant Lapchine de lire.

4.6.3. But

Dans les énoncés avec la relation gérondivale de but, les valeurs sémantiques du

verbe et du gérondif en post-position se combinent de la sorte que ce dernier

exprime une intention du locuteur liée à l’action principale. Ainsi, par exemple, le

verbe principal peut désigner un discours ($'3'&92< – govorit’ – « parler » ;

0&9C"2< – kriPat’ – « crier » ; #%72"2< – šeptat’ – « murmurer », etc.), le

gérondif indiquant une intention du locuteur attachée à ce discours (9)395//.< –

izvinjajas’ – « en s’excusant » ; '@395// – obvinjaja – « en accusant » ; 7&'./

7&'A%59/ – prosja prošPenija – « en demandant pardon » ; .'$-"#"/.< –

soglašajas’ – « en consentant », etc.) :

(482) M0"2%&95" L,92&9%35" &%#9-".<, 5"0'5%:, 7'$'3'&92< .

,+1%,, 7&'./ 7&9.2&'92< %F 5" 0"0'%-59@+*< *%-' (6. G/"(-/0,

I : 155).

Ekaterina Dmitrievna rešilas’, nakonec, pogovorit’ s mužem, prosja pristroit’

eë na kakoe-nibud’ delo.

279

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Ekaterina – Dmitrievna – se décida – enfin – parler – avec – mari, – en

demandant – placer – la – à – un – travail.

= Ekaterina Dmitrievna se décida enfin à parler à son mari pour lui

demander de lui trouver un travail.

Les gérondifs sont formés des verbes susceptibles d’exprimer une intention

(9.0"2< – iskat’ – « chercher » ; $'2'392<./ – gotovit’sja – « se préparer

à… » ; 7&%.-%*'3"2< – presledovat’ – « suivre » ; 7&'@'3"2< – probovat’ –

« essayer » ; 762"2<./ – pytat’sja – « tenter » ; &"..C9263"2< – rassPityvat’

– « compter sur » ; .0&63"2< – skryvat’ – « cacher » ; .'@9&"2<./ –

sobirat’sja – « se préparer, avoir l’intention » ; .7"."2<./ – spasat’sja – « se

sauver » ; .2"&"2<./ – starat’sja – « s’appliquer » ; .2&"8'3"2<./ –

straxovat’sja – « s’assurer » ; .2&%,92<./ – stremit’sja – « aspirer à…, tendre

à… », etc.) :

(483) L"#" 5%.0'-<0' &") 7&' .%@/ 7'32'&9-" Q2+ ?&")+, .2"&"/.<

7'5/2<, C2' '5" ')5"C"%2 (6. G/"(-/0, I : 23)

Daša neskol’ko raz pro sebja povtorila etu frazu, starajas’ ponjat’, Pto ona

oznaPaet.

Dacha – plusieurs – fois – en – soi – répéta – cette – phrase, – en

s’efforçant – comprendre – que – elle – signifie.

= Dacha répéta cette phrase plusieurs fois dans sa tête, en s’efforçant de

comprendre ce qu’elle signifiait.

(484) 45 7'3F- 7' .2%5% &+0'(, 9A" 360-KC"2%-< (V#)&'F*+, I : 116).

On povël po stene rukoj, išPa vykljuPatel’.

Il – glissa – sur – mur – (avec) main, – en cherchant – interrupteur.

= Il glissa sa main le long du mur, cherchant un interrupteur.

Nous avons observé les combinaisons aspectuelles suivantes :

1. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif :

(485) P"@+&'3 […] 7')3'59- 7' 2%-%?'5+ .5"C"-" D".-%5590'3+, "

7'2', ='&9%50', 7&%*+7&%1*"/ 98 ' $'2'3/A%(./ "2"0%

(!&8/'/+ : 42).

280

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Saburov pozvonil po telefonu snaPala Maslennikovu, a potom Gorienko,

predupreždaja ix o gotovjašPejsja atake.

Sabourov – appela – à – téléphone – d’abord – Maslennikov, – et –

ensuite – Gorienko, – en prévenant – les – de – attaque – se préparant.

= Sabourov téléphona d’abord à Maslennikov et ensuite à Gorienko pour

les prévenir de l’attaque qui se préparait.

2. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif :

(486) 45" 2&/85+-" $'-'3'(, '2$'5// .3'9 .',5%59/ (V#)&'F*+, I :

84).

Ona trjaxnula golovoj, otgonjaja svoi somnenija.

Elle – secoua – tête, – en chassant – ses – doutes.

= Elle secoua la tête pour chasser ses doutes.

(487) > 2+ 1% ,95+2+ O3"5 O-<9C @&'.9-./ 9 .83"29- P'&'095" )"

&+0+ + 09.29, 5% *"3"/ %,+ 7'*5/2< &%3'-<3%& (6. G/"(-/0, I :

405).

V tu že minutu Ivan Il’iP brosilsja i sxvatil Sorokina za ruku u kisti, ne davaja

emu podnjat’ revol’ver.

Dans – cette – même – minute – Ivan – Ilitch – se jeta – et – saisit –

Sorokine – par – main – près de – poignet, – ne – en donnant – (à) lui –

lever – revolver.

= A l’instant même, Ivan Ilitch se jeta vers Sorokine et, saisissant son

poignet, lui empêcha de lever le revolver.

3. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif :

(488) >'.2&90'3 *'-$' 0'7"-./ 3 C%,'*"5%, '26.093"/ 0"&2+,

0'2'&+K *"35' 5% 3659,"-9 (!&8/'/+ : 231).

Vostrikov dolgo kopalsja v Pemodane, otyskivaja kartu, kotoruju davno ne

vynimali.

Vostrikov – longtemps – fouillait – dans – valise, – en cherchant – carte –

que – longtemps – ne – retirait. .

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= Vostrikov mit du temps pour trouver dans la valise la carte qu’on n’utilisait

plus depuis longtemps.

(489) M-%5" >-"*9,9&'35" &%#92%-<5' 3.2&/893"-" .2"&90",

2".0"-" %$' 7' 0'&9*'&+, '259,"/ + 5%$' 7&9@'& (V#)&'F*+, I : 47-

48).

Elena Vladimirovna rešitel’no vstrjaxivala starika, taskala ego po koridoru,

otnimaja u nego pribor.

Elena – Vladimirovna – décidément – secouait – vieillard, – traînait – le – à

travers – couloir, – en arrachant – chez – lui – appareil.

= Elena Vladimirovna secouait avec détermination le vieux, le traînait dans

le couloir, en essayant de lui arracher l’appareil.

4.6.4. Concession

La relation gérondivale de concession apparaît lorsqu’on infère une contradiction

entre les actions du verbe et du gérondif. Pour expliciter la valeur de concession,

on emploie les conjonctions 5' – no – « mais », '*5"0' – odnako –

« cependant », les particules 3.F-2"09 – vsë-taki – « quand même, tout de

même », 3.F 1% – vsë že – « quand même, toute de même », *"1% – daže –

« même », 3,%.2% . 2%, – vmeste s tem – « en même temps » :

(490) H'5K0'3 2'1% .%-, 5"9.0'.< '2 5%$', 5' *"1% .9*/ 5" 59)0'(

"32','@9-<5'( 7'*+#0%, +892&/-./ .'8&"5/2< 7'*2/5+26(

39* (!&8/'/+ : 211).

Konjukov tože sel, naiskos’ ot nego, no daže sidja na nizkoj avtomobil’noj

poduške, uxitrjalsja soxranjat' podtjanutyj vid.

Konioukov – aussi – s’assit, – en sens oblique – de – lui, – mais – même –

étant assis – sur – bas – d’automobile – coussin, – arrivait – garder –

irréprochable – air.

= Konjukov prit aussi une place à côté de lui mais, même assis sur un bas

coussin d’automobile, arrivait à garder sa prestance.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

La négation devant le gérondif est un autre élément permettant d'extérioriser une

contradiction entre les actions du verbe et du gérondif, en instaurant entre elles la

relation de concession :

(491) U"0 9 5% *'1*"3#9.< G%56, '5, 5"0'5%:, 7'*5/-./ (V#)&'F*+, I :

79).

Tak i ne doždavšis’ Leny, on, nakonec, podnjalsja.

Ainsi – et – ne – ayant attendu jusqu’au résultat – Léna, – il – enfin – se

leva.

= Il se leva enfin pour partir sans avoir vu Léna.

(492) > +C92%-<59:6 '5" 7'#-" 9) 5+1*6, 5% C+3.23+/ 590"0'$'

7&9)3"59/ (@*Q/+ : 427).

V uPitel’nicy ona pošla iz nuždy, ne Puvstvuja nikakogo prozvanija.

Dans – institutrices – elle – s’engagea – de – besoin, – ne – en sentant –

aucune – vocation.

= Elle devint institutrice par besoin, sans sentir aucune vocation.

La relation gérondivale de concession se manifeste dans les situations suivantes :

1. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif / (E1) Verbe perfectif + (E2)

Gérondif perfectif. Le fait du gérondif est antérieur à celui du verbe :

(493) E&'C92"3 #9?&'30+ 3.%$' -9#< &"), I29&-9: )"7',59- %F

5"9)+.2<.

ProPitav šifrovku vsego liš’ raz, Štirlic zapomnil eë naizust’.

Ayant lu – codage – en tout – seulement – une fois, – Stirliz – retint – le –

par cœur.

= N’ayant lu le codage qu’une seule fois, Stirliz le retint toutefois par cœur.

(493’) I29&-9: )"7',59- #9?&'30+ 5"9)+.2<, 7&'C92"3 %F 3.%$'

-9#< &").

Štirlic zapomnil šifrovku naizust’, proPitav eë vsego liš’ raz.

Stirliz – retint – codage – par cœur, – ayant lu – le – en tout – seulement –

une fois.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Stirliz retint le codage par cœur, bien qu’il ne l’ait lu en tout et pour tout

qu’une seule fois.

2. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif / (E1) Verbe imperfectif +

(E2) Gérondif imperfectif. La relation de concession unit, dans ce cas deux procès

(et / ou états) simultanés, répétés ou non :

(494) H'2 3 5%( *+#9 5% C"/- 9, @+*+C9 $&+@'(, +$&K,'( .0'295'(,

)"39*/ .2"&+8+, 35+2&%55% 7&%'@&"1"-./, .2"5'39-./ -".0'3,

3%.%- (T5/((82' : 109).

Kot v nej duši ne Pajal i, buduPi gruboj, ugrjumoj skotinoj, zavidja staruxu,

vnutrenne preobražalsja, stanovilsja laskov, vesel.

Chat – en – elle – âme – ne – espérait – et, – étant – rude – maussade –

brute, – en ayant vu – vieille, – intérieurement – changeait, – devenait –

câlin, – joyeux.

= Le chat l’adorait et, d’habitude, une brute hérissée et maussade, se

métamorphosait entièrement, devenant câlin et joyeux, dès qu’il apercevait

la vieille.

(495) E&/C".< 3 @'C0%, Q2'2 .2"&6( 7'C92"2%-< P'0&"2",

7'8'1%, .-6#92 3.F, ' CF, $'3'&/2 %$' .'@&"2</ (G*')54%/+ :

45).

PrjaPas’ v boPke, etot staryj poPitatel’ Sokrata, poxože, slyšit vsë, o Pëm

govorjat ego sobrat’ja.

En se cachant – dans – tonneau, – ce – vieux – admirateur – (de) Socrate,

– il semblerait, – entend – tout – de – quoi – parlent – ses – confrères.

= Caché dans un tonneau, ce vieil admirateur de Socrate entend, on dirait,

tout ce dont parlent ses confrères.

3. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif / (E1) Verbe imperfectif + (E2)

Gérondif perfectif. Le gérondif prépositif désigne un fait antérieur au procès du

verbe, celui-ci se déroulant alors malgré les conséquences laissées par l’action du

gérondif :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(496) I3%(:"&, 7'.2"393 C%,'*"5 5" &%#F2C"2+K 7'*.2"30+ +

*3%&%(, 5% 2'&'79-./, '*5"0', +8'*92< (T. U*5*1%/ ; exemple

présenté dans [Akimova, Kozinceva 1987 : 271]).

Švejcar, postaviv Pemodan na rešëtPatuju podstavku u dverej, ne toropilsja,

odnako, uxodit’.

Portier, – ayant posé – valise – sur – à grille – support – près de – porte, –

ne – se pressait – toutefois – partir.

= Après avoir posé la valise sur la grille métallique près de la porte, le

portier n’était pas pressé de partir.

Quand le gérondif suit le verbe, la relation de concession s’estompe au profit de la

relation temporelle qui se présente comme indéterminée, cf. :

(496’) I3%(:"& 5% 2'&'79-./ +8'*92<, 7'.2"393 C%,'*"5 5"

&%#F2C"2+K 7'*.2"30+ + *3%&%(.

Švejcar ne toropilsja uxodit’, postaviv Pemodan na rešëtPatuju podstavku u

dverej.

Portier – ne – se pressait – partir – ayant posé – valise – sur – à grille –

support – près de – porte.

= Le portier n’était pas pressé de partir, la valise posée sur la grille

métallique près de la porte.

4. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif / (E1) Verbe perfectif + (E2)

Gérondif imperfectif. Dans ce cas, il s’agit de la simultanéité du fait principal et du

procès secondaire :

(497) – E'.7"-9 @6, O3"5 O-<9C, – +@92' 7'7&'.9- %$' 8')/95

0',5"26, )5"/, C2' 7&'.<@" '.2"5%2./ @%) '23%2" (6. G/"(-/0,

I : 119).

Pospali by, Ivan Il’iP, – ubito poprosil ego xozjain komnaty, znaja, Pto

pros’ba ostanetsja bez otveta.

Dormîtes – si – Ivan – Il’iP – désespérément – demanda – le – propriétaire –

(de) chambre, – en sachant, – que – demande – restera – sans – réponse.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= – Et si vous dormiez un peu, Ivan Ilitch, lui demanda désespérément le

propriétaire de la chambre, sachant que sa demande resterait sans

réponse.

Si le sujet est au pluriel ou s’il s’agit d’actions répétées, la relation temporelle peut

être considérée comme indéterminée :

(498) D%*5909 […], 7-'25909, $'5C"&6, 2'&$'3:6 […]

7&9.'%*95/-9.< 0 2'-7%, )"&"1"-9.< %F 5%5"39.2<K, *"1% 5%

+.7%3 +)5"2<, 3 CF, 1% 7&'3959-./ '.+1*F556( (G*')54%/+ : 86).

Medniki, plotniki, gonPary, torgovcy prisoedinjalis’ k tolpe, zaražalis’ eë

nenavist’ju, daže ne uspev uznat’, v Pëm že provinilsja osuždënny.

Chaudronniers, – charpentiers, – potiers, – marchands – se joignaient – à –

foule, – contractaient – sa – haine, – même – ne – ayant eu le temps –

apprendre, – en – quoi – donc – se rendit coupable – accusé.

= Des chaudronniers, charpentiers, potiers, marchands se joignaient à la

foule, contractaient sa haine sans avoir même pris la peine de savoir de

quoi exactement l’accusé était coupable.

4.6.5. Condition

Le gérondif (perfectif ou imperfectif, en post-position ou en préposition) pose une

condition pour l’accomplissement de l’action du verbe principal, ce dernier

désignant un événement futur ou hypothétique. La relation temporelle entre

l’action principale et secondaire est constante : la condition précède la

conséquence [Akimova, Kozinceva 1987 : 272].

(499) E'-+C93 79.<,' '2 5%F, '5 '@&"*+%2./.

PoluPiv pis’mo ot neë, on obraduetsja.

Ayant reçu – lettre – de – elle, – il – se réjouira.

= Il sera heureux de recevoir une lettre d’elle.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(500) […] 7'.,'2&%3 5" #2"@5+K 0"&2+ $'&'*", '5 @6 +39*%- […]

(!&8/'/+ : 14).

Posmotrev na štabnuju kartu goroda, on by uvidel.

Ayant regardé – sur – (de) état-major, – carte – (de) ville – il – si – vit.

= S’il avait consulté la carte d’état-major de la ville, il aurait vu […].

Il s’agit souvent d’énoncés non localisés temporellement, désignant des vérités

générales75 ou des événements usuels :

(501) ;5"/ 5"7'& 3'*6, 2'-A95+ 7-'2956, 7-'25'.2< $&+52",

951%5%& ,'1%2 &"..C92"2< .0'&'.2< &"),63" […] (G*')54%/+ :

49).

Znaja napor vody, tolšPiu plotiny, plotnost’ grunta, inžener možet rassPitat’

skorost’ razmyva.

En connaissant – pression – (de) eau, – épaisseur – (de) digue, – densité –

(de) sol, – ingénieur – peut – calculer – vitesse – (de) affouillement.

= Connaissant la pression de l’eau, l’épaisseur de la digue, la densité du

sol, l’ingénieur peut calculer la vitesse de l’affouillement.

4.7. Relations de caractérisation

Dans un nombre considérable d’énoncés, le gérondif n’exprime pas une action

indépendante mais fait partie intégrante de l’action du verbe principal,

représentant une de ses caractéristiques :

(502) U'2 7&9#F-, 8&',"/ (T*582' : 126).

Tot prišël, xromaja.

Celui-là – arriva, – en boitant.

Celui-là arriva en boitant.

(503) – O)39592% ,%5/, 7'1"-+(.2", – )"$'3'&9- 7'*'#%*#9( .

95'.2&"556, "0:%52',, 5' 5% 0'3%&0"/ .-'3 (U#"72%/+ : 9).

75 Cf. le proverbe que nous citons à la page 242 : E'2%&/3#9 $'-'3+, 7' 3'-'.", 5% 7-"C+2– Poterjavši golovu, po volosam ne plaPut.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

– Izvinite menja, požalujsta, – zagovoril podošedšij s inostrannym

akcentom, no ne koverkaja slov.

Excusez – moi, – s’il vous plaît, – se mit à parler – venu – avec – étranger –

accent, – mais – ne – en écorchant – mots.

= Veuillez m’excuser, dit le nouveau venu avec un accent étranger mais

sans écorcher les mots.

Le gérondif exprimant la caractérisation est évidemment fortement adverbialisé et

s’emploie donc le plus souvent à l’aspect imperfectif. La relation temporelle entre

le verbe et le gérondif est définie par Poljanskij comme pseudo-simultanéité car,

dans la réalité, il ne s'agit pas de deux actions différentes mais d'une seule action

et de sa caractéristique [Poljanski 1987: 250-253].

Comme nous l’avons fait pour les énoncés à prédicats autonomes, nous

distinguons deux types de caractérisation, suivant, dans ses grandes lignes, la

classification de Akimova, Kozinceva [Akimova, Kozinceva 1987 : 263-267] :

1) Concrétisation (ou, dans une autre terminologie, la relation d’hyponymie), le

gérondif remplissant la fonction de complément de manière :

(504) !"(*F5'3 *39$"-./ . 5%7&936C5'( *-/ D"0"&" @6.2&'2'(,

3"-0', 7'-+295',+ 7'0"C93"/.< (W/"/Q/+, I : 184).

Najdënov dvigalsja s neprivyPnoj dlja Makara bystrotoj, valko, po-utinomu

pokaPivajas’.

Naïdenov – marchait – avec – inhabituelle – pour – Makar – rapidité, – de

manière chaloupée, – en canard – en se balançant.

= Naïdenov avançait trop vite pour Makar, de sa démarche chaloupée, se

dandinant comme un canard.

2) Appréciation et interprétation (ou, dans la terminologie d’Odile Halmøy,

relation d’inclusion et d’équivalence [Halmøy 2003 : 99]). Une action constate

l’événement et l’autre présente une appréciation (interprétation) que porte sur lui

le locuteur :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(505) P"@+&'3 7'*+,"-, C2' 8'&'#' .*%-"-, 7&90")"3 .5/2< 9,

#95%-9 (!&8/'/+ : 24).

Saburov podumal, Pto xorošo sdelal, prikazav snjat’ im šineli.

Sabourov – pensa – que – bien – fit, – en ordonnant – enlever – (à) eux –

capotes.

= Sabourov pensa qu’il avait bien fait de leur ordonner d’enlever les

manteaux.

4.7.1. Concrétisation

Dans les énoncés avec relation de concrétisation, le couple gérondif-verbe

régissant ne marque en réalité qu’une seule action. L’action du gérondif, faisant

partie de l’action plus générale du verbe, exprime une caractéristique particulière

de cette dernière :

(506) 45 7'*'#F- 0 .2'-+, 7&98&",63"/ 9 .-%$0" '79&"/.< 5"

.",'*%-<5+K 7"-'C0+ (!&8/'/+ : 65).

On podošël k stolu, prixramyvaja i slegka opirajas’ na samodel’nuju

paloPku.

Il – s’approcha de – table, – en claudiquant – et – en s’appuyant –

légèrement – sur – improvisée – canne.

= Il s’approcha de la table en claudiquant et en s’appuyant sur une canne

improvisée.

(507) – P-'3',, '@605'3%55"/ 9.2'&9/, – 7&'$'3'&9- P"7'10'3,

'2CF2-93' 7&'9)5'./ 0"1*+K @+03+ (V#)&'F*+, I : 390).

– Slovom, obyknovennaja istorija, – progovoril Sapožkov, otPëtlivo

proiznosja každuju bukvu.

(En un) mot – ordinaire – histoire, – dit – Sapojkov, – nettement – en

prononçant – chaque – lettre.

= – Bref, l’histoire habituelle, dit Sapojkov en articulant nettement chaque

lettre.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Selon Odile Halmøy, qui a entrepris une étude très intéressante du gérondif

français [Halmøy 2003], les gérondifs en relation d’hyponymie avec le verbe

régissant de mouvement / déplacement ou de dire sont les seuls gérondifs

auxquels peut s’appliquer l’étiquette de manière : « Dans une séquence comme

« rentrer en boitant », « boiter » dénote en effet la manière dont s’effectue le

déplacement, tandis que dans « fermer la fenêtre en haussant les épaules »,

« hausser les épaules » n’est pas une manière de fermer la fenêtre » [Ibid. : 104].

En accord absolu avec le rôle syntaxique de complément de manière attribué à

ces gérondifs par Halmøy, nous contestons toutefois son affirmation selon laquelle

ils sont les seuls à présenter cette particularité. Effectivement, dans sa

classification, la chercheuse norvégienne sépare les gérondifs de manière

(marcher en boitant) des gérondifs de moyen (se suicider en se noyant), alors que

pour nous ces gérondifs forment un seul groupe, celui de caractérisation. Par

ailleurs, il ne faut pas, certes, oublier la différence de nature et de fonctionnement

entre les gérondifs russes et les gérondifs français [Makarieva 1993 ; Bernitskaïa

1999]. Les séquences avec le verbe régissant de mouvement / déplacement et de

dire étant effectivement les plus répandues et aussi probablement les plus

éloquentes, la relation gérondivale de caractérisation se produit également dans

d’autres énoncés relatant des activités diverses et variées de la vie quotidienne.

Au cours de notre recherche, nous avons rencontré les situations sémantiques

suivantes (et la liste n’est pas close) :

1. Le gérondif se rapporte au verbe de mouvement / déplacement, exprimant la

manière du déplacement, vue de l’extérieur et perçue subjectivement ou

objectivement par le locuteur (@+8"/ ."7'$",9 – buxaja sapogami – « en faisant

du bruit avec les bottes » ; 3'-'C" 5'$9 – voloPa nogi – « en traînant les

pieds » ; %*3" 7%&%*39$"/ 5'$9 – edva peredvigaja nogi – « en remuant à

peine les jambes » ; )3/0"/ #7'&",9 – zvjakaja šporami – « en faisant tinter ses

éperons » ; 0'36-// – kovyljaja – « en clopinant » ; 5%.-6#5' .2+7"/ –

neslyšno stupaja – « en marchant sans bruit » ; 7%&%3"-93"/.< –

perevalivajas’ – « en se dandinant » ; 7'#"263"/.< – pošatyvajas’ – « en

chancelant » ; 7&92'7263"/ – pritoptyvaja – « en piétinant, en tapant du

pied » ; 7&98&",63"/ – prixramyvaja – « en claudiquant » ; 7&'3"-93"/.< 3

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

.5%$ – provalivajas’ v sneg – « en s’enfonçant dans la neige (dans le sable) » ;

&")]%)1"/.< 5'$",9 – raz’’ezžajas’ nogami – « en écartant les pieds » ;

.0'-<)/ – skol’zja – « en glissant » ; .0&97/ .5%$', – skripja snegom – « en

faisant crisser la neige » ; .7'260"/.< – spotykajas’ – « en trébuchant » ;

8&',"/ – xromaja – « en boitant » ; #9&'0' #"$"/ – široko šagaja – « en

faisant de grands pas » ; #-F7"/ @'.90', – šlëpaja bosikom – « en tapant le sol

de ses pieds nus », etc. ) :

(508) E'2',, 2&+*5' 7%&%*39$"/ 9.0+."556% 3'-0",9 5'$9, '5

7'*'#F- 0 9)*68"KA%,+ )3%&K [...] (T*582' : 53).

Potom, trudno peredvigaja iskusannye volkami nogi, on podošël k

izdyxajušPemu zverju.

Puis, – difficilement – en déplaçant – mordues – (par) loups – jambes, – il –

s’approcha – de – crevant – animal.

= Puis, remuant avec peine ses jambes lacérées par les loups, il s’approcha

de l’animal mourant.

(509) T9, […] . '$&',56, +.9-9%, 7'*5/-./ 9, #"2"/.<, ,%*-%55'

7'@&F- )" 5%K (G5/*3/".(%&0 : 50).

Bim s ogromnym usiliem podnjalsja i, šatajas’, medlenno pobrël za neju.

Bim – avec – énorme – effort – se leva – et, – en chancelant, – lentement –

se mit à marcher – derrière – elle .

= Bim fit un effort énorme pour se lever et, chancelant, la suivit lentement.

Le gérondif qui caractérise un déplacement peut rendre compte non seulement du

mouvement des pieds ou des jambes mais aussi du mouvement d’autres parties

du corps ou d’objets participant au déplacement (3),"893"/ -'02/,9 –

vzmaxivaja loktjami – « en levant les coudes » ; 3'-'C" ,%#'0 – voloPa mešok –

« en traînant un sac » ; $&'8'C" C%,'*"5",9 – groxoPa Pemodanami – « en

faisant du bruit avec des valises » ; *%&1" &+09 3 0"&,"5"8 – derža ruki v

karmanax – « en tenant les mains dans les poches » ; )".+5+3 &+09 3

0"&,"56 – zasunuv ruki v karmany – « ayant mis les mains dans les poches » ;

5"$9@"/.< – nagibajas’ – « en se penchant » ; 7',"893"/ 5"$"(0'(

()'5290',) – pomaxivaja nagajkoj (zontikom) – « en brandissant le fouet (le

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

parapluie) » ; &"),"893"/ &+0",9 – razmaxivaja rukami – « en agitant les

bras » ; 2"A" )" .'@'( C%,'*"5 – tašPa za soboj Pemodan – « traînant

derrière soi une valise » ; +5'./ .+,09 – unosja sumki – « en emportant les

sacs », etc.) :

(510) >*'-< 2&'2+"&", &"),"893"/ 7'-",9 7'-+#+@0", #F- &"@'C9(

[…] (6. G/"(-/0, I : 234).

Vdol’ trotuara, razmaxivaja polami polušubka, šël raboPij.

Le long – (de) trottoir, – en agitant – pans – (de) pelisse courte, –

marchait – ouvrier.

= Le long du trottoir, agitant les pans de sa pelisse courte, marchait un

ouvrier.

(511) H 59A%,+, 7',"893"/ ."-?%20'(, +1% #F- '?9:9"52 – $5"2<

3)"#%( (T*582' : 120)

K nišPemu, pomaxivaja salfetkoj, uže šël oficiant – gnat’ vzašej.

Vers – clochard, – en agitant doucement – serviette, – déjà – marchait –

serveur – chasser – (par) cou.

= En s’éventant doucement avec une serviette, un serveur avançait déjà

vers le clochard pour le flanquer à la porte.

(512) D%&5' &"@'2"/ &+0",9, ZF*'& O3"5'39C @%1"- 9 7'.2%7%55'

&")'$&%3"-./ (V#)&'F*+, II : 50).

Merno rabotaja rukami, Fiodor IvanoviP bežal i postepenno razogrevalsja.

Rythmiquement – en travaillant – (avec) bras, – Fiodor – IvanoviP – courait

– et – petit à petit – se réchauffait.

= En remuant rythmiquement les bras, Fiodor Ivanovitch courait et se

réchauffait petit à petit.

Le gérondif peut aussi exprimer la vitesse du déplacement (2'&'7/.< –

toropjas’ – « en se dépêchant » ; 5% 2'&'7/.< – ne toropjas’ – « en ne se

dépêchant pas » = « sans se dépêcher » ; .7%#" – speša – « en se hâtant » ; 5%

.7%#" – ne speša – « en ne se hâtant pas » = « sans se hâter » ; ,%*-%55'

.2+7"/ – medlenno stupaja – « en marchant lentement », etc. ) :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(513) […] 0',"5*9& +*"&9- 7-%2<K -'#"*< 7' #%%, 36&'35/- %F 9

7'.0"0"- 3 7%&%+-'0, 7%&%8'*/ 3 $"-'7 (U#"72%/+ : 41).

Komandir udaril plet’ju lošad’ po šee, vyrovnjal eë i poskakal v pereulok,

perexodja v galop.

Commandant – frappa – (avec) cravache – cheval – sur – encolure, – aligna

– lui – et – se mit à aller à cheval – dans – ruelle, – en passant – à – galop.

= Le commandant cravacha le cheval à l’encolure, maîtrisa sa direction et

se mit au galop pour s’engager dans la ruelle.

Le gérondif marque une direction, une caractéristique spatiale (5"7&"3-//.<

*','( – napravljajas’ domoj – « en se dirigeant à la maison » ; '2*"-//.< –

otdaljajas’ – « en s’éloignant » ; '$9@"/ +."*<@+ – ogibaja usad’bu – « en

contournant le manoir » ; 7&9@-91"/.< 0 @"-0'5+ – približajas’ k balkonu – « en

s’approchant du balcon », etc. ) :

(514) W"." C%&%) *3" ZF*'& O3"5'39C @6.2&' #F- 7' '*5'( 9)

"--%( 7"&0", 5"7&"3-//.< *','( (V#)&'F*+, I : 8).

Zasa Perez dva Fëdor IvanoviP bystro šël po odnoj iz allej parka,

napravljajas’ domoj.

Heures – dans – deux – Fiodor – Ivanovitch – vite – marchait – dans – une

– de – allées – (de) parc, – en se dirigeant – (à) maison.

= Environ deux heures plus tard, Fiodor Ivanovitch traversait vite une allée

du parc pour rentrer chez lui.

(515) E%&%@%$"/ '2 3'&'2 0 3'&'2",, 3*'-< .2%5, )" 59,9

*395+-9.< "32',"2C909 […] (!&8/'/+ : 63).

Perebegaja ot vorot k vorotam, vdol’ sten, za nimi dvinulis’ avtomatPiki.

En courant – de – porte – en – porte, – le long – (de) murs, – derrière –

eux – se mirent à marcher – mitrailleurs.

= En courant de porte en porte, le long des murs, les mitrailleurs se

lancèrent à leur suite.

Le gérondif exprime la continuité / discontinuité du déplacement

('.2"5"3-93"/.< – ostanavlivajas’ – « en s’arrêtant » ; 5% '.2"5"3-93"/.< –

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ne ostanavlivajas’ – « en ne s’arrêtant pas » = « sans s’arrêter » ; 2'&,')/ –

tormozja – « en freinant » ; )"*%&193"/.< + 392&95 – « en s’arrêtant devant

les vitrines ») :

(516) >.% *395+-9.< *"-<#% 3*'-< .2%--"1", '.2"5"3-93"/.<

'0'-' 0"1*'$' 5'3'$' /A90" 9-9 $'&#0" (V#)&'F*+, I : 25).

Vse dvinulis’ dal’še vdol’ stellaža, ostanavlivajas’ okolo každogo novogo

jašPika ili gorška.

Tous – se mirent à marcher – plus loin – le long de – étagère, – en

s’arrêtant – à côté de – chaque – nouvelle – caisse – ou – pot. .

= Tout le monde se remit en marche le long de l’étagère, en s’arrêtant

devant chaque nouvelle caisse ou nouveau pot.

2. Le gérondif accompagnant le verbe régissant de dire (verba dicendi)

($'3'&92< – govorit’ – « parler » ; .0")"2< – skazat’ – « dire » ; 0&9C"2< –

kriPat’ – « crier » ; #%72"2< – šeptat’ – « murmurer » ; 7%2< – pet’ –

« chanter », etc.) exprime des caractéristiques objectives ou subjectives de la

parole (0"&2"3/ – kartavja – « en grasseyant » ; 5% .-6#" .'@.23%55'$'

$'-'." – ne slyša sobstvennogo golosa – « en n’entendant pas sa propre voix »

= « sans entendre sa voix » ; '2CF2-93' 7&'9)5'./ 0"1*'% .-'3' – otPëtlivo

proiznosja každoe slovo – « en prononçant distinctement chaque mot » ; C%0"5/

0"1*'% .-'3' – Pekanja každoe slovo – « en martelant chaque mot », etc.) :

(517) 45 .2"- C92"2< 7%&%*'39:+, 36$'3"&93"/ .-'3" 2"0, @+*2'

'59 @6-9 5"79."56 5% 7'-&+..09 (6. G/"(-/0, I : 335).

On stal Pitat’ peredovicu, vygovarivaja slova tak, budto onii byli napisany ne

po-russki.

Il – commença – lire – la une, – en prononçant – mots – ainsi, – si – ils –

étaient – écrits – non – en russe.

= Il commença à lire la une du journal en prononçant les mots comme s’ils

n’étaient pas écrits en russe.

(518) « D92/ ! D92/ ! E'.2'( ! » – )3"- '5, 5% .-6#" .'@.23%55'$'

$'-'." (W/"/Q/+ I : 180).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

« Mitja ! Mitja ! Postoj ! » – zval on, ne slyša sobstvennogo golosa.

« Mitia ! – Mitia ! – Arrête-toi ! » – appelait – il, – ne – en entendant –

propre – voix.

= « Mitia ! Mitia ! Arrête-toi ! », appelait-il sans entendre sa propre voix.

Le gérondif peut désigner la vitesse (C92"/ 3.F @6.2&%% 9 @6.2&%% – Pitaja

vsë bystree i bystree – « en lisant de plus en plus vite » ; ,%*-%55'

36$'3"&93"/ .-'3" – medlenno vygovarivaja slova – « en prononçant

lentement des mots ») :

(519) – D%5*%-9.26-,'&$"59.26 3.-%* )" >%(.,"5',

+23%&1*"K2, – 5"@&"3 .0'&'.2<, C92"- >"&9C%3 […] (V#)&'F*+,

I : 35).

– Mendelisty-morganisty vsled za Vejsmanom utverždajut, – nabrav

skorost’, Pital VariPev.

– Mendelistes-morganistes – suite – à – Weismann – affirment, – ayant

pris – vitesse, – lisait – Varitchev.

= – Suivant la théorie de Weismann, les partisans de Mendel et de Morgan

affirment, lisait Varitchev lancé maintenant à toute vitesse.

(520) […] $'3'&9- '5 7'*&'@5' 9 5% .7%#" (W/"/Q/+, I : 161).

Govoril on podrobno i ne speša.

Parlait – il – en détail – et – ne – en se pressant.

= Il parlait d’une manière détaillée et sans se presser.

Le gérondif désigne la force ou l’intensité du son ()"$-+#"/ 0&909 – zaglušaja

kriki – « en couvrant les cris », )".2+1"/ $-'20+ – zastužaja glotku – « en

prenant froid à la gorge » ; 5"*."193"/.< – nadsaživajas’ – « en s’égosillant, en

s’époumonnant » ; 7'36.93 $'-'. – povysiv golos – « ayant haussé la voix » ;

7'2%&/3 $'-'. – poterjav golos – « ayant perdu la voix » = « sans voix » ;

.@"3-// 2'5 – sbavljaja ton – « en baissant le ton », .2"&"/.<

7%&%0&9C"2< – starajas’ perekriPat’ – « en essayant de couvrir avec sa voix »,

etc. ) :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(521) E'59)93 $'-'. 7'C29 *' #F7'2", '5 *'@"39- […] (V#)&'F*+, I :

55).

Poniziv golos poPti do šëpota, on dobavil.

Ayant baissé – voix – presque – jusqu’à – chuchotement – il ajouta.

= Baissant la voix jusqu’à chuchoter, il ajouta […].

(522) P)"*9 7'*@%1"- 02'-2', +7"- 5" 0'-%59 &/*', .

H&".9-<590'36, 9 0&9C"-, 0&9C"-, 5"*."193"/.< (6. G/"(-/0, I :

313).

Szadi podbežal kto-to, upal na koleni rjadom s Krasil’nikovym i kriPal, kriPal,

nadsaživajas’.

Derrière – arriva en courant quelqu’un, – tomba – à – genoux – près – de –

Krasil’nikov – et – criait, – criait – en s’égosillant.

= Quelqu’un arriva en courant derrière, tomba à genoux près de Krasilnikov

et criait, criait à se faire éclater les poumons.

(523) – U'3"&9A9, – )".2+1"/ $-'20+, 0&9C"- . $&"5925'$' :'0'-/

8+*'( ,"-6( […] (6. G/"(-/0, I : 290).

TovarišPi, – zastužaja glotku, kriPal s granitnogo cokolja xudoj malyj.

– Camarades, – en prenant froid – (à) gorge, – criait – de – (de) granit –

socle – efflanqué – type.

= Camarades, s’égosillait un type efflanqué du haut du socle de granit.

Le gérondif peut indiquer la position dans laquelle se trouvent les organes (les

parties du corps) participant directement ou indirectement à la parole

(362/$93"/ #%K – vytjagivaja šeju – « en tendant le cou » ; )"09*63"/

$'-'3+ – zakidyvaja golovu – « en renversant la tête » ; 5"0-'5// $'-'3+ –

naklonjaja golovu – « en baissant la tête » ; 5"7&/$"/ ,+.0+-6 – naprjagaja

muskuly – « en tendant les muscles » ; .1"3 )+@6 – sžav zuby – « en serrant les

dents », etc. ) :

(524) – H-KC, – .0")"- '5, #%3%-/ +.",9 (V#)&'F*+, I : 8).

– KljuP, – skazal on, ševelja usami.

– Clé, – dit – il, – en bougeant – moustache.

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= – La clé, dit-il, la moustache frémissante.

(525) P"*'0, 5"7&/$"/ 19-6 5" 2'A%( #%%, )"@-"$'3%.29-

(G*')54%/+ : 16).

Sadok, naprjagaja žily na tošPej šee, zablagovestil.

Sadok, – en faisant saillir – veines – sur – cou – malingre, – se mit à

annoncer des bonnes nouvelles.

= Les veines saillantes sur son cou malingre, Sadok se mit à annoncer de

bonnes nouvelles.

Le gérondif donne des caractéristiques sur la continuité / discontinuité de la parole

()",'-0"/ – zamolkaja – « en se taisant » ; '2*+3"/.< – otduvajas’ –

« soufflant » ; 7%&%@93"/ – perebivaja – « en interrompant » ; 7&%&63"/ –

preryvaja – « en interrompant, en arrêtant » ; 7'0"#-93"/ – pokašlivaja – « en

toussant légèrement » ; +.2"3"/ – ustavaja – « ne ustavaja » – « en se

fatiguant » ; 5% +.2"3"/ – ne ustavaja – « en ne se fatiguant pas » = « sans se

fatiguer ») :

(526) – W2' $'3'&92, " ? W2' $'3'&92 ? – *3" 9-9 2&9 &")",

7%&%@93"/ 5%,:", .7&"#93"- H'5K0'3 (!&8/'/+ : 36).

Zto govorit, a ? Zto govorit ? – dva ili tri raza, perebivaja nemca, sprašival

Konjukov.

Quoi – dit – quoi – dit ? – deux – ou – trois – fois, – en interrompant –

Allemand, – demandait – Konioukov.

= – Qu’est-ce qu’il dit, hein ? Qu’est-ce qu’il dit ? interrompant l’Allemand,

demanda Konioukov deux ou trois fois.

Le gérondif répète explicitement l’information, transmise dans le discours direct

(36&+$"3#9.< vyrugavšis’ – « ayant lancé un juron » ; 7%&%(*/ 5"

'?9:9"-<56( 2'5 – perejdja na oficial’nyj ton – « en passant au ton officiel » ;

7%&%(*/ 5" « 26 » – perejdja na « ty » – « en tutoyant ») :

(527) – N 36 .7&'.92%, – 5")9*"2%-<5', '7/2< 7%&%(*/ 5" « 36 »,

.0")"- G"7#95 (T*582' : 86).

A vy sprosite, – nazidatel’no, opjat’ perejdja na « vy », skazal Lapšin.

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Et – vous – demandez, – sentencieusement, – de nouveau – ayant passé –

à – « vous », – dit – Lapchine.

= Demandez donc, dit Lapchine prenant un ton sentencieux et le vouvoyant

derechef.

Le gérondif reflète l’état émotionnel ou l’attitude du locuteur envers les paroles

(7&97',95"/ – pripominaja – « en se souvenant » ; .0&6259C"/ –

skrytniPaja – « en faisant des cachotteries » ; 2'&1%.23+/ – toržestvuja – « en

triomphant ») :

(528) – L" 2"0, 7'@-9)'.29, – .0&6259C"/, 7'32'&9- E%2/

(!&8/'/+ : 43).

Da tak, poblizosti, – skrytniPaja, povtoril Petja.

Et – ainsi, – pas loin, – en faisant des cachotteries, – répéta – Pétia.

= Dans un endroit, pas loin d’ici, répéta Pétia en faisant des cachotteries.

Le gérondif concrétise, donne des détails sur le contenu du discours ('@]/.5// –

ob’’jasnjaja – « en expliquant » ; '@&"A"/ 359,"59% 5" – obrašPaja vnimanie

na – « en prêtant attention à ») :

(529) >.F 1% "0"*%,90 3'3&%,/ '2&F0./ '2 )"@-+1*%59( 9 C92"-

.2+*%52", .3'( 7%&%.,'2&%556( 0+&., +@%*92%-<5' &+$"/

,'5"8" D%5*%-/, 7&"3*" 5%,5'$' $&','$-".5' (V#)&'F*+, I : 3).

Vsë že akademik vovremja otrëksja ot zabluždenij i Pital studentam svoj

peresmotrennyj kurs, ubeditel’no rugaja monaxa Mendelja, pravda

nemnogo gromoglasno.

Tout – or – académicien – à temps – renonça – à – erreurs – et – lisait –

(à) étudiants – son – révisé – cours, – avec conviction – en critiquant –

moine – Mendel, – à vrai dire – un peu – emphatiquement.

= Toutefois l’académicien se rétracta à temps et lisait aux étudiants son

cours révisé dans lequel il critiquait avec conviction le moine Mendel, avec

un peu trop d’emphase, il est vrai.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Le gérondif fait référence à la personne vers laquelle le discours est tourné

('@&"A"/.< 0... – obrašPajas’ k… – « en s’adressant à » ; &")$'3"&93"/ .... –

razgovarivaja s … – « en parlant avec ») :

(530) 4@&"A"/.< 0 %*3" 7'.7%3"KA%,+ )" 59, 7'-0'3590+, '5

&+$"-./ 9 .3'-'C9-./ 7' "*&%.+ 36.#%$' 0',"5*'3"59/

(6. G/"(-/0, I : 352).

ObrašPajas’ k edva pospevajušPemu za nim polkovniku, on rugalsja i

svoloPilsja po adresu vysšego komandovanija.

En s’adressant – à – à peine – suivant – derrière – lui – colonel, – il –

jurait – et – proférait de gros mots – à – adresse – (de) suprême –

commandement.

= Parlant au colonel, qui avait de la peine à le suivre, il proférait des jurons

et des gros mots à l’adresse du commandement suprême.

Dans ce dernier cas, la subordonnée de temps remplace facilement la

construction gérondivale : H'$*" '5 '@&"A"-./ 0 7'-0'3590+, 2' &+$"-./ 9

.3'-'C9-./ – Kogda on obrašPalsja k polkovniku, to rugalsja i svoloPilsja –

« Quand il s’adressait au colonel, il proférait des jurons et des gros mots ».

3. Le gérondif caractérise le processus d’écriture 79."2< – pisat’ – « écrire »

(363'*/ .-'3" – vyvodja slova – « en calligraphiant les mots » ; 0&'#" ,%- –

kroša mel – « en émiettant la craie » ; 5% '2&63"/ $-") – ne otryvaja glaz –

« en ne quittant pas des yeux » = « sans quitter des yeux » ; -F1" 5" .2'-% –

lëža na stole – « étant affalé sur la table » ; 7'*CF&093"/ .-'3" – podPërkivaja

slova – « en soulignant des mots », etc. ) :

(531) O '5 )".2&'C9-, 7'C29 -F1" $&+*<K 5" -9.2% 9 .2"&"2%-<5'

363'*/ .-'3", )"3/)63"/ 5" @+03"8 « + » 9 « * » )",6.-'3"26%

@"52909 (V#)&'F*+, I : 30).

I on zastroPil, poPti lëža grud’ju na liste i staratel’no vyvodja slova,

zavjazyvaja na bukvax « y » i « g » zamyslovatye bantiki.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Et – il – se mit à écrire vite – presque – étant couché – (avec) poitrine –

sur – feuille – et – soigneusement – en calligraphiant – mots, – en nouant –

sur – lettres – « y » – et – « g » – sophistiqués – rubans.

= Et il se mit à écrire rapidement, presque couché sur sa feuille, en

calligraphiant les mots et en tortillant les « y » et les « g » par des rubans

sophistiqués.

(532) >)/- .79.'0 9 2A"2%-<5' .5/- . 5%$' 0'79K, 7'-5'.2<K

)"79.63"/ 9,%5", '2C%.23", ?",9-99 9 3)/26% 3%A9, .2"3/

7&'293 ?",9-99 0"1*'$', 7'-+C93#%$' '*%1*+ 9-9 '@+3<

0&%.290 (W/"/Q/+, I : 165).

Vzjal spisok i tšPatel’no snjal s nego kopiju, polnost’ju zapisyvaja imena,

otPestva, familii i vzjatye vešPi, stavja protiv familii každogo, poluPivšego

odeždu ili obuv’ krestik.

Prit – liste – et – soigneusement – fit – de – elle – copie, – entièrement – en

écrivant – noms, – patronymes, – noms de famille – et – pris – objets, – en

mettant – en face – (de) nom de famille – (de) chacun, – ayant reçu –

vêtements – ou – chaussures – petite croix.

= Il prit la liste et en fit soigneusement une copie, en écrivant en toutes

lettres les prénoms, les patronymes, les noms de famille et les objets pris,

en mettant une petite croix en face du nom de chacun qui avait reçu des

vêtements ou des chaussures.

4. Le gérondif caractérise le processus d’ingestion de nourriture %.2< – est’ –

« manger » ; 792< – pit’ – « boire » ; '@%*"2< – obedat’ – « déjeuner » ;

$-'2"2< – glotat’ – « avaler » (*39$"/ C%-K.2/,9 – dvigaja Peljustjami –

« en bougeant les mâchoires » ; 5% ,'&A".< – ne moršPas’ – « ne faisant pas

de grimace » = « sans grimacer » ; 5% 7&'1F363"/ – ne prožëvyvaja – « ne

mâchant pas bien » = « sans mâcher » ; '@19$"/.< – obžigajas’ – « en se

brûlant » ; 7%&%29&"/ )+@",9 – peretiraja zubami – « en malaxant avec les

dents » ; '20+.63"/ @'-<#9% 0+.09 – otkusyvaja bol’šie kuski – « en

mangeant (en prenant) de gros morceaux », etc. ) :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(533) V')/(0" 7&95%.-" 9, @'-<#'% "52'5'3.0'% /@-'0', 9 '59

.2"-9 %.2< %$' 3*3'F,, 7''C%&F*5' '20+.63"/ 9 .2"&"/.<

7'@'-<#% '.2"392< *&+$',+ (!&8/'/+ : 130).

Xozjajka prinesla im bol’šoe antonovskoe jabloko, i oni stali est’ ego

vdvoëm, pooPerëdno otkusyvaja i starajas’ pobol’še ostavit’ drugomu.

Propriétaire – apporta – (à) eux – grande – antonovka – pomme, – et –

eux – se mirent – manger – la – (à) deux, – à tour de rôle – en mordant –

et – en essayant – le plus possible – laisser – (à) autre.

= La propriétaire leur apporta une grosse pomme aigre, et ils se mirent à la

manger à deux, en y mordant chacun à leur tour et en essayant d'en laisser

plus à l'autre.

(534) _3/8 %-, Q5%&$9C5' *39$"/ 3.%, -9:', (V#)&'F*+, I : 23).

Cvjax el, energiPno dvigaja vsem licom.

Tsviakh – mangeait – énergiquement – en bougeant – tout – visage.

= Tsviakh mangeait en faisant bouger énergiquement son visage.

(535) P"@+&'3, '@19$"/.<, 3679- 0&+10+ $'&/C%$' C"K (!&8/'/+ :

159).

Saburov, obžigajas’, vypil kružku gorjaPego Paju.

Sabourov, – en se brûlant, – but – mug – (de) chaud – thé.

= Sabourov, en se brûlant, vida un mug de thé bouillant.

5. Le gérondif caractérise le processus du sommeil (@'&,'C" – bormoPa –

« en marmonnant » ; 7'."763"/ – posapyvaja – « en reniflant » ; 8&"7/ –

xrapja – « en ronflant ») :

(536) D".-%5590'3 &".2/5+-./ 5" 0'(0% 9 .&")+ 1%, 7'-*%2.09

7'."763"/ 5'.',, )".5+- […] (!&8/'/+ : 202).

Maslennikov rastjanulsla na kojke i srazu že, po-detski posapyvaja nosom,

zasnul.

Maslennikov – s’étendit – sur – lit – et – immédiatement – alors, – comme

enfant – en reniflant – (avec) nez, – s’endormit.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= Maslennikov s’étendit sur le lit et s’endormit aussitôt faisant un bruit léger

avec son nez, comme un enfant.

(537) – P3'-'C< ! – 5% &")19,"/ )+@'3, . 3%-909, 7&%)&%59%,

7&':%*9- E'-'3:%3. O .5'3" )"*&%,"- .9*/, 7'0"C93"/ @'-<#'(

.%*%KA%( $'-'3'( (W/"/Q/+, I : 197).

SvoloP’ ! – ne razžimaja zubov, s velikim prezreniem procedil Polovcev. I

snova zadremal sidja, pokaPivaja bol’šoj sedejušPej golovoj.

Fumier ! – ne – desserrant – dents, – avec – grand – mépris – dit

Polovtsev. – Et – à nouveau – tomba en somnolence – étant assis, – en

balançant – grande – grisonnante – tête.

= – Fumier ! fit Polovtsev les dents serrées, avec beaucoup de mépris. Et il

retomba dans sa torpeur, assis, en dodelinant de sa grosse tête

grisonnante.

6. Le gérondif caractérise le processus d’habillage :

(538) P"@+&'3 […], 7&936C56, 1%.2', 7'7"*"/ 3 &+0"3", 5"*%-

7'3%&8 $9,5".2F&09 #95%-< (!&8/'/+ : 54).

Saburov privyPnym žestom popadaja v rukava, nadel poverx gimnastërki

šinel.

Sabourov, – (de) habituel – geste – en dirigeant – dans – manches, – mit –

par-dessus – vareuse – capote.

= Sabourov, enfilant les manches d'un geste habituel, passa le manteau

par-dessus sa vareuse.

(539) O)'$5+3#9.<, C2'@ 5% 2&%3'192< -%36( @'0, 2' 9 *%-'

-'1".< '2*'85+2<, '5 .5/- @'29509 9 5"*%- ."7'$9 (V#)&'F*+, I :

81).

Izognuvšis’, Ptob ne trevožit’ levyj bok, to i delo ložas’ otdoxnut’, on snjal

botinki i nadel sapogi.

S’étant tortillé, – pour – ne – déranger – gauche – flanc, – ce – et – affaire –

en se couchant – se reposer, – il – ôta – chaussures – et – mit – bottes.

302

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

= En se tortillant pour épargner son flanc gauche, en faisant de petites

pauses pour s’allonger et se reposer, il réussit à enlever ses chaussures et

à mettre ses bottes.

7. Le gérondif apporte des caractéristiques au processus de fumer :

(540) 45" 5%+,%-' )"0+&9-", @6.2&' 32/$93"/ 9 .&")+ 1% 367+.0"/

*6, (!&8/'/+ : 207).

Ona neumelo zakurila, bystro vtjagivaja i srazu že vypuskaja dym.

Elle – gauchement – se mit à fumer, – vite – en tirant – et – aussitôt –

alors – en relâchant – fumée.

= Elle alluma gauchement une cigarette, tirant rapidement une bouffée et

rejetant aussitôt la fumée.

(541) L,92&9( P2%7"5'39C 0+&9-, .67-/ 7%7-', 5" ,'85"26(

19-%2 (6. G/"(-/0, I : 170).

Dmitrij StepanoviP kuril, syplja peplom na moxnatyj žilet.

Dimitri – Stepanovitch – fumait, – en parsemant – (de) cendre – sur –

duveteux – gilet.

= Dimitri Stepanovitch fumait, en laissant tomber de la cendre sur son gilet

duveteux.

8. Le gérondif caractérise le processus du rasage :

(542) G"7#95 @&9-./, 5"*+3"/ '*5+ AF0+ (T*582' : 186).

Lapšin brilsja, naduvaja odnu šPëku.

Lapchine – se rasait, – en gonflant – une – joue.

= Lapchine se rasait en gonflant une joue.

9. La chasse :

(543) X2&', '59 […] 7&'3%&9-9 7"2&'52"#, 7%&%0-"*63"/

7"2&'56 9) $5%)*" 3 $5%)*' (G5/*3/".(%&0 : 18).

Utrom oni proverili patrontaš, perekladyvaja patrony iz gnezda v gnezdo.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Matin – ils – examinèrent – cartouchière, – en déplaçant – cartouches –

de – compartiment – en – compartiment.

= Le matin, ils examinèrent la cartouchière, en déplaçant les cartouches de

compartiment en compartiment.

10. Le gérondif désigne la manière de passer, d’occuper le temps. L’action

principale est exprimée par les verbes du type 7&'3%.29 3&%,/ – provesti

vremja – « passer le temps » ; +@92< 3&%,/ – ubit’ vremja – « tuer le temps » ou

d’autres verbes désignant une tâche, une occupation, tandis que le gérondif

concrétise des détails de cette occupation :

(544) U"0 3 29#95% .'.&%*'2'C%55' C92"/ 9 &")*+,63"/, '5

7&'.9*%- C"." *3" (T*582' : 140).

Tak v tišine sosredotoPenno Pitaja i razdumyvaja, on prosidel Pasa dva.

Ainsi – dans – silence – avec concentration – en lisant – et – en

réflechissant, – il – resta assis – heures – deux.

= Il resta ainsi, dans le silence, près de deux heures, absorbé à lire et à

réfléchir.

(545) !' 9 37&"3*+ %,+ 7&9#-'.< 7&'3')92<./ 3%.< 3%C%&, '@+C"/

2'3"&9A%( – 0"0 5+15' 59159, C95", 2/5+2<./, 0')6&/2< 9

'23%C"2< […] (6. G/"(-/0, II : 354).

No i vpravdu emu prišlos’ provozit’sja ves’ vePer, obuPaja tovarišPej – kak

nužno nižnim Pinam tjanut’sja, kozyrjat’ i otvePat’.

Mais – et – en vérité – (à) lui – fallut – s’occuper – toute – soirée, – en

apprenant – (à) camarades – comment – (il) faut – (à) inférieurs – grades –

se mettre au garde-à-vous, – saluer – et – répondre.

= Mais il dut en effet se dépenser toute la soirée à instruire ses camarades :

leur expliquer comment les subalternes devaient se mettre au garde-à-

vous, saluer et répondre.

11. Le gérondif suit le verbe désignant la position du sujet dans l’espace

(-%1"2< – ležat’ – « être couché, allongé » ; .9*%2< – sidet’ – « être assis » ;

.2'/2< – stojat’ – « être debout ») et indique la contribution des parties du corps

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

à cette position (362/5+3 #%K – vytjanuv šeju – « ayant tendu le cou » ;

362/5+3#9.< – vytjanuvšis’ – « s’étant étendu » ; *%&1".< )"… – deržas’ za –

« en se tenant à… » ; '@-'0'293#9.< – oblokotivšis’ – « s’étant appuyé avec

les coudes » ; '@5/3#9.< – obnjavšis’ – « s’étant entrelacés » ; '79&"/.<

5"… – opirajas’ na – « en s’appuyant sur… » ; '7+.293 $'-'3+ – opustiv

golovu – « ayant baissé la tête » = « la tête baissée » ; &")3"-/.< – razvaljas’ –

« s’étant affaissé » ; 7'-'193 &+09 5"… – položiv ruki na – « ayant mis les

mains sur… » ; 7&9.-'593#9.< – prislonivšis’ – « s’étant appuyé, adossé » ;

7&9.-'5/.< – prislonjas’ – « s’étant appuyé, adossé », etc. ) :

(546) M0"2%&95" L,92&9%35" .2'/-" '0'-', *%&1".< )" .7950+

0&%.-" (6. G/"(-/0, I : 66).

Ekaterina Dmitrievna stojala okolo, deržas’ za spinku kresla.

Ekaterina – Dmitrievna – était debout – près, – en se tenant – à – dossier –

(de) fauteuil.

= Ekaterina Dmitrievna se tenait debout tout près, les doigts sur le dossier

du fauteuil.

(547) P"@+&'3 .9*%-, 7&9.-'593#9.< .795'( 0 .2%50% '0'7"

(!29#5/+ : 193).

Saburov sidel, prislonivšis’ spinoj k stenke okopa.

Sabourov – était – assis, – s’étant appuyé – (de) dos – contre – paroi – (de)

tranchée.

= Sabourov demeurait assis, le dos contre la paroi de la tranchée.

(548) E&'?%..'& 2%7%&< +.2"-' 7'-+-%1"-, 5"3"-93#9.< 5" .3'(

.2'- (V#)&'F*+, I : 11).

Professor teper’ ustalo poluležal, navalivšis’ na svoj stol.

Professeur – maintenant – de manière fatiguée – était mi-allongé, – s’étant

écroulé – sur – sa – table.

= L’air fatigué, le professeur était maintenant presque couché, le buste

appuyé contre sa table.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Quand le gérondif suit le verbe, la relation gérondivale de caractérisation se

confond avec la relation temporelle de postériorité :

(549) T"5590 .%-, #9&'0' &"..2"393 5'$9 (W/"/Q/+, I : 177).

Bannik sel, široko rasstaviv nogi.

Bannik – s’assit, – largement – ayant disposé – jambes.

= Bannik s’assit, les jambes largement écartées.

(550) O3"5 O-<9C 36#%- 9) 0+7% 9 .2"- 3 7&'8'*% + '05", 7'C29

0"."/.< .2%0-" -9:', (6. G/"(-/0, I : 218).

Ivan Il’iP vyšel iz kupe i stal v proxode u okna, poPti kasajas’ stekla licom.

Ivan – Illitch – sortit – de – compartiment – et s’arrêta – dans – couloir –

près de – fenêtre, – presque – en touchant – vitre – (avec) visage.

= Ivan Illitch sortit du compartiment et s’arrêta dans le couloir, son visage

presque plaqué contre la vitre.

12. Les gérondifs formés des verbes statiques (-F1" – lëža – « étant couché,

allongé » ; .9*/ – sidja – « étant assis » ; .2'/ – stoja – « étant

debout ») désignent une position dans laquelle le sujet effectue une action :

(551) L"#" […], .9*/ @'0',, '*5'K &+0'K 5"C"-" &")@9&"2<

P0&/@95" (6. G/"(-/0, I : 14).

Daša, sidja bokom, odnoju rukoj naPala razbirat’ Skrjabina.

Dacha, – étant assise – de côté, – (de) une – main – commença –

déchiffrer – Skriabine.

= Dacha, assise de travers, commença d’une main à déchiffrer du

Skriabine.

(552) 459 *'@&68 *3" C"." 79-9 C"(, .9*/ )" @'-<#9, .2'-',,

3'0&+$ .2"&955'$', '2-92'$' 9) '-'3" 9 7'.%&%@&F55'$'

C"(590" […] (V#)&'F*+, I : 29).

Oni dobryx dva Pasa pili Paj, sidja za bol’šim stolom vokrug starinnogo,

otlitogo iz olova i poserebrënnogo Pajnika.

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Ils – bonnes – deux – heures – buvaient thé, – étant assis – à – grande –

table, – autour de – ancienne, – fondue – en – étain – et – argentée –

théière.

= Ils prirent le thé pendant deux bonnes heures, assis à la grande table,

autour de la théière ancienne en étain et argentée.

4.7.2. Appréciation et interprétation

La relation gérondivale d’appréciation et d’interprétation rend compte d’un nombre

non négligeable d’énoncés où une action dénote un événement réel et l’autre un

jugement, une appréciation du locuteur sur cet événement. Suivant la

classification de Akimova-Kozinceva, nous distinguons trois types de relation

gérondivale d’appréciation et d’interprétation :

1. Le gérondif exprimant un événement concret, l’appréciation est donnée par le

verbe régissant (@62< 7&"36, / 5%7&"36, – byt’ pravym / nepravym – « avoir

raison / tort » ; 7'.2+792< 7&"39-<5' / 5%7&"39-<5' – postupit’ pravil’no /

nepravil’no – « agir bien / mal » ; .'3%&#92< '#9@0+ – soveršit’ ošibku –

« commettre une erreur » ; $'3'&92< %&+5*+ – govorit’ erundu – « dire des

bêtises » ; 5%.29 C+#< – nesti Puš’ – « dire des âneries » ; 7-'8'

36.7"2<./ – ploxo vyspat’sja – « mal dormir », etc.) :

(553) 45 &%#9-, C2' @6- .'3%&#%55' 7&"3, 0'&'20' '23%C"/ 5"

3'7&'.6 (T*582' : 69).

On rešil, Pto byl soveršenno prav, korotko otvePaja na voprosy.

Il – décida – que – était – complètement – juste – brièvement – en

répondant – à – questions.

= Il se dit qu’il avait eu entièrement raison en répondant aux questions

brièvement.

(554) O 7'Q2',+ D"&</ N-%0."5*&'35" 7&%3'.8'*5' 7'.2+79-",

.'.-"3 N?"5".9/ D"23%9C" 3 7'*$'&'*5+K *%&%35K (E.

V/(-/*+(%&0 ; exemple présenté dans [Akimova, Kozinceva 1987 : 266]).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

I poetomu Maria Alexandrovna prevosxodno postupila, soslav Afanasija

MatveiPa v podgorodnuju derevnju.

Et – c’est pourquoi – Maria – Alexandrovna – magnifiquement – agit, –

ayant envoyé – Afanassi – Matveitch – dans – environnant – village.

= Et c’est pourquoi Maria Alexandrovna agit parfaitement bien lorsqu’elle

envoya Afanassi Matvéévitch à la campagne.

2. Le gérondif exprime une interprétation qu’attribue le locuteur à l’événement

dénoté par le verbe régissant :

(555) 4@5"&+193 7&936C09 #2"2.0'$' C%-'3%0", '5 .&")+ .5/- 9

7'-'19- 5" .2'- ?+&"10+ 9 '27+.29- 5" '*5+ *6&'C0+ &%,%5<

(!&8/'/+ : 65).

Obnaruživ privyPki štatskogo Peloveka, on srazu snjal i položil na stol

furažku i otpustil na odnu dyriPku remen’.

Ayant révélé – habitudes – (de) civil – homme, – il – aussitôt – ôta – et –

posa – sur – table – casquette – et – relâcha – de – un – trou – ceinture.

= Révélant des habitudes de civil, il ôta sa casquette, la posa sur la table et

relâcha sa ceinture d’un cran.

(556) 45" 7'.2'/55' 3'&C"-" 9 0+&9-" 2&+@0+, 5"7',95"/ .2"&'$'

.'-*"2" (K. [2+*5&' ; exemple donné dans [Akimova, Kozinceva 1987 :

265]).

Ona postojanno vorPala i kurila trubku, napominaja starogo soldata.

Elle – constamment – maugréait – et – fumait – pipe, – en rappelant –

vieux – soldat.

= Elle n’arrêtait pas de maugréer et de fumer la pipe, faisant penser à un

vieux soldat.

Les exemples suivants montrent que la relation d’interprétation recouvre celle de

but :

(557) E'Q2',+, 7&'A"/.< . G%5'(, ZF*'& O3"5'39C @6- .+8 9 *"1%

5%3%1-936, '@&")', 7&'*'-1"- &")$'3'& . _3/8',, 7'0")63"/,

C2' 'C%5< +3-%CF5 (V#)&'F*+, I : 18).

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

Poetomu, prošPajas’ s Lenoj, Fëdor IvanoviP byl sux i daže nevežlivym

obrazom prodolžal razgovor s Cvjaxom, pokazyvaja, Pto oPen’ uvlePën.

C’est pourqoi, – en prenant congé – de – Léna, – Fiodor – Ivanovitch –

était – sec – et – même – (de) impolie – manière – continuait –

conversation – avec – Tsviakh, – en montrant, – que – très – occupé.

= C’est pourquoi, quand il faisait ses adieux à Léna, Fiodor Ivanovitch était

sec et continuait même impoliment une conversation avec Tsviakh pour

montrer qu’il était très occupé.

(558) E&':%50' -K@9- 5")63"2< 3.%8, *"1% .",68 ,"-%5<098

0',"5*9&'3, 0'2'&68 '5 *"35' )5"-, 5%7&%,%55' 7' 9,%59-

'2C%.23+, 7'*CF&093"/ Q29, 7%&%* '.2"-<56,9 .3'F .2"&'%

.'-*"2.0'% 2'3"&9A%.23' . 59,9, 5%)"39.9,' '2 98 )3"59(

(!&8/'/+ : 27).

Procenko ljubil nazyvat’ vsex, daže samyx malen’kix komandirov, kotoryx

on davno znal, nepremenno po imeni-otPestvu, podPërkivaja etim pered

ostal’nymi svoë staroe soldatskoe tovarišPestvo s nimi, nezavisimo ot ix

zvanij.

Protsenko – aimait – appeler – tous, – même – les plus – petits –

commandants, – que – il – depuis longtemps – connaissait, –

obligatoirement – par – prénom-patronyme, – en soulignant – (par) cela –

devant – autres – sa – vieille – militaire – camaraderie – avec – eux, –

indépendamment – de – leurs – grades.

= Protsenko aimait appeler tous les gradés qu’il connaissait de longue date,

même les plus humbles, toujours par leur prénom et leur patronyme pour

souligner devant les autres la vieille camaraderie de soldats qui les unissait,

indépendamment de leurs grades.

3. Le gérondif, exprimant une appréciation de l’action principale, est

accompagné de particules comparatives modales ((0"0) @+*2' (@6) – (kak)

budto (by) – kak budto by, .-'35' (@6) – slovno (by), 2'C5' – toPno – « comme

(si) ») :

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

(559) W%-'3%0 . .'-',%556,9 3'-'.",9 362"A9- 5'.'3'( 7-"2'0

9 7&9-'19- %$' 0' &2+, @+*2' @6 .2"&"/.< .0&62< +.,%#0+

(6. G/"(-/0, I : 246).

Zelovek s solomennymi volosami vytašPil nosovoj platok i priložil ego ko rtu,

budto by starajas’ skryt’ usmešku.

Homme – avec – (de) paille – cheveux – retira – (pour) nez – mouchoire –

et – appliqua – le – à – bouche, – comme – si – en essayant – cacher –

rictus.

= L’homme aux cheveux de paille prit un mouchoir et couvrit sa bouche

comme s’il voulait cacher son rictus.

(560) P-'35' '7"."/.< Q2'( 29#956, L"#" .2"&"-".< 5% ,'-C"2<

(6. G/"(-/0, I : 268).

Slovno opasajas’ etoj tišiny, Daša staralas’ ne molPat’.

Comme – en redoutant – ce – silence, – Dacha – essayait – ne – se taire.

= Comme si elle avait peur de ce silence, Dacha essayait de ne pas se

taire.

(561) 45" 7'3%&5+-" 3 &+0% 0'&'@'0, 0"0 @+*2' 5% 39*/ %$'

(V#)&'F*+, I : 83).

Ona povernula v ruke korobok, kak budto ne vidja ego.

Elle – tourna – dans – main – petite boîte, – comme – si – ne – en voyant –

la.

= Elle tourna la boîte dans sa main, comme si elle ne la voyait pas.

4.8. Bilan

Dans le quatrième chapitre, nous avons examiné la relation gérondivale dans

l’énoncé. Les observations que nous avons pu faire nous permettent de tirer les

conclusions suivantes.

Le gérondif est une forme spécifique dont la singularité est due à son double

attachement syntaxique dans l’énoncé, à la fois au sujet et au verbe. Le gérondif

310

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

conjugue donc en lui des traits verbaux et adverbiaux, développant la tendance à

se lier davantage au verbe et à augmenter ainsi son adverbialité. Le gérondif est

à même de remplir deux fonctions syntaxiques, celle de prédicat secondaire

(Naevšis’, on zasnul – « Ayant mangé, il s’endormit ») et celle de complément

circonstanciel (On skazal, ele voroPaja jazykom – « Il dit, remuant à peine la

langue »).

La nature du gérondif est complexe, il est inconcevable d’assimiler la sémantique

du gérondif (et de la construction gérondivale) à la sémantique du verbe ou de

l’adverbe. Effectivement, nous avons constaté, au cours de notre analyse, la

diversité sémantique et syntaxique du gérondif, la valeur de celui-ci dépendant

dans l’énoncé de plusieurs facteurs : syntaxiques, sémantiques, morphologiques

et pragmatiques. Remarquons, par exemple, que les gérondifs dits « verbaux » ne

peuvent pas toujours être remplacés par la forme finie sans que le sens de

l’énoncé en soit modifié. Ainsi, dans l’énoncé :

(562) L'793 C"(, '5 36#%- 9) 0"?%.

Dopiv Paj, on vyšel iz cafe.

Ayant bu – thé, – il – sortit – de – café.

Après avoir terminé son thé, il sortit du café.

le gérondif perfectif prépositif désignant une action antérieure par rapport à l’action

du verbe régissant peut être aisément remplacé par la forme finie ou par la

subordonnée de temps : On dopil Paj i vyšel iz cafe – Il termina le thé et sortit du

café ; Kogda on dopil Paj, on vyšel iz cafe – Quand il termina son thé, il sortit du

café.

En revanche, un énoncé similaire mais avec le gérondif perfectif en post-position :

(562’) 45 36#%- 9) 0"?%, *'793 C"(.

On vyšel iz café, dopiv Paj.

Il – sortit – de – café, – ayant bu – thé.

Il sortit du café, après avoir terminé son thé,

311

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

se prête seulement au remplacement du gérondif par la subordonnée du temps :

On vyšel iz kafe, kogda on dopil Paj – Il sortit du café, quand il avait terminé son

thé. La forme finie à la place du gérondif modifierait la relation temporelle entre les

événements. L’énoncé On vyšel iz kafe i dopil Paj – Il sortit du café et termina son

thé est normalement compris comme : Il sortit d’abord du café et ensuite il termina

son thé.

Si on modifie la valeur temporelle du gérondif :

(562’’) 45 36#%- 9) 0"?%, *'793 C"( 5" +-9:%.

On vyšel iz kafe, dopiv Paj na ulice.

Il – sortit – de – café, – ayant bu – the – dans – rue.

Il sortit du café et termina son thé dans la rue,

on ne peut alors remplacer le gérondif que par la forme finie : On vyšel iz kafe i

dopil Paj na ulice – Il sortit du café et termina son thé dans la rue. La subordonnée

de temps est impossible : * On vyšel iz kafe, kogda dopil Paj na ulice – Il sortit du

café quand il but le thé dans la rue.

Sémantiquement, le rapport entre le verbe régissant et le gérondif induit plusieurs

effets de sens, la relation gérondivale pouvant exprimer des valeurs

chronologiques, causales et sémantiques (inclusion de l’action gérondivale dans

l’action verbale, jugement sur l’action du verbe, etc.). La valeur sémantique du

gérondif, se trouvant sous la forte influence des facteurs linguistiques (place du

gérondif dans l’énoncé, aspect), doit toutefois toujours être validée au niveau

pragmatique. Observons l’exemple suivant :

(563) 45 &"@'2"- )".+C93 &+0"3".

On rabotal zasuPiv rukava.

Il – travaillait – ayant retroussé – manches.

L’interprétation habituelle, la plus fréquente serait adverbiale : Il travaillait sans

relâche. Néanmoins, au fond, rien, au niveau linguistique, ne nous empêche

d’interpréter cet énoncé au pied de la lettre : Il travaillait, les manches retroussées.

La deuxième interprétation, adverbiale elle aussi, manifeste tout de même un peu

312

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

plus de verbalité que la première. Si on mettait une virgule devant la tournure

gérondivale, le degré de verbalité augmenterait encore (en même temps, il faut

remarquer que les règles sur la virgule dans les énoncés contenant des tournures

gérondivales demeurent floues et instables). L’ambiguïté de l’interprétation se

résout au niveau pragmatique : la première interprétation est inférée par le

destinataire parce qu’elle est la plus pertinente, coûtant le moins d’efforts

possibles. Cependant, si le destinataire possède des informations susceptibles

d’annuler la première interprétation, il donne à l’énoncé une autre interprétation,

par exemple :

(564) 45 &"@'2"-, )".+C93 &+0"3", 7'Q2',+ 5" ,"51%2"8 5%2 59

'*5'$' 7/256#0".

On rabotal, zasuPiv rukava, poetomu na manžetax net ni odnogo pjatnyška.

Il – travaillait, – ayant retroussé – manches, – c’est pourquoi – sur –

manchettes – non – ni – seule – petite tache.

= Il avait travaillé, les manches retroussées, c’est pourquoi il n’y a pas la

moindre petite tache sur ses manchettes.

Selon la théorie de la pertinence de Sperber, Wilson [Sperber, Wilson 1989], dont

nous avons soutenu ici les postulats, l’interprétation de l’énoncé (et donc

l’interprétation de la relation gérondivale) est une opération mentale d’inférence.

L’information linguistique dans l’énoncé est souvent sous-déterminée. Le

destinataire rassemble tous les facteurs en présence dans l'énoncé ainsi que ses

connaissances du monde réel et choisit alors l’interprétation la plus pertinente

possible, la moins coûteuse en calcul. Ainsi, on peut établir, dans ses grandes

lignes, l’interprétation de la construction gérondivale zasuPiv rukava.

Le destinataire reçoit un stimulus verbal (et éventuellement non verbal), qui attire

son attention sur le fait que le locuteur cherche ostensiblement à lui rendre

manifeste un certain nombre de faits ou de pensées. Par exemple, à la question :

– U6 8'C%#< 7%&%'*%2<./ ?

– Ty xoPeš’ pereodet’sja ?

– Tu – veux – te changer ?

= – Veux-tu te changer ?,

313

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Chapitre 4. Énoncés à prédicat secondaire (Le cas du gérondif)

le locuteur répond :

– B ,6- ,"#95+ )".+C93 &+0"3".

– Ja myl mašinu zasuPiv rukava.

Je – lavais – voiture – ayant retroussé – manches.

Cette réponse est d’abord une forme logique, produite par la syntaxe, qui reçoit

ensuite une forme propositionnelle, c’est-à-dire un enrichissement pragmatique,

notamment des assignations référentielles et des désambiguïsations. Cette forme

propositionnelle correspond à ce que le locuteur a explicitement dit. Ainsi, à

travers l’énoncé Ja myl mašinu zasuPiv rukava – « J'ai lavé la voiture les manches

retroussées », le locuteur explicite qu’il produisait une action de laver la voiture et

caractérise cette action par les manches retroussées. Dans cet exemple, le

destinataire résout, selon le contexte, le problème de référence de la voiture

(Quelle voiture exactement ? A qui appartient-elle ?) ou encore le problème de la

tournure gérondivale (Faut-il la comprendre comme sans relâche ou littéralement

ayant remonté les manches ?). Enfin, à partir de la forme propositionnelle, le

destinataire récupère par des opérations d’inférence, à ses risques et périls, ce qui

a été implicitement communiqué : des implicatures. Ainsi, Ja myl mašinu zasuPiv

rukava – « J’ai lavé la voiture les manches retroussées » peut sous-entendre que

le locuteur ne va pas se changer parce que sa chemise est propre, il n’y a pas fait

de taches en lavant la voiture.

314

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CONCLUSION

La réalité dépasse le langage. En disant cela, nous n’avons nullement l’intention

d’affirmer que le langage ne rend pas compte de la réalité mais qu’il choisit

toujours un angle, un point de vue. En transposant les événements réels dans le

langage, l’esprit humain les cadre et les structure, en saisissant, dans la multitude

des caractéristiques événementielles, celles qui lui semblent les plus importantes.

Ainsi, prétendant à l’objectivité, la description langagière des événements garde

aussi une grande part de subjectivité. Par ailleurs, le choix de l’angle sous lequel

on décrit un événement dépend, d’une part, de la langue et, d’autre part, du

locuteur. Ce choix est donc à la fois conscient et inconscient.

Les relations qu’entretiennent entre eux les événements du monde réel sont

complexes, relevant de la chronologie et de la causalité. S’appropriant les

événements réels, le langage est apte à leur conférer des liens chronologiques,

causaux et aussi sémantiques, ces derniers exposant l’attitude subjective du

locuteur.

Du point de vue chronologique, toutes les relations entre les événements dans

l’énoncé peuvent être divisées en deux blocs : 1) relations temporellement

ordonnées ; 2) relations temporellement non ordonnées. Fixer la chronologie

exacte entre les événements n’est pas toujours le meilleur moyen de les décrire,

d’autres éléments pouvant se révéler plus pertinents. Ainsi, la langue (et le

locuteur qui la manie) privilégie souvent des liens causaux ou une énumération

d’événements sans préciser l’ordre temporel entre eux. La condition nécessaire

pour que se réalise un lien quelconque entre les événements dans l’énoncé est

l’unité de la période de temps pendant laquelle se passent les actions. Quand il

s’agit des relations temporellement ordonnées, cette unité représente une sorte de

cadre général à l’intérieur duquel se déroulent les événements simultanés ou non

simultanés. Lorsqu’il s’agit de relations non ordonnées, ce cadre temporel général

s’installe au premier plan, devenant plus important que la distinction nette de

chronologie entre les événements qui se déroulent en son sein.

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Conclusion

Toutes les relations chronologiques, ordonnées ou non ordonnées, peuvent être

purement temporelles ou « partager le terrain » de l’énoncé avec les relations

causales ou sémantiques. Plusieurs types de relations peuvent se superposer et

parfois il n’est pas évident (et il n’est pas nécessaire) de les démêler.

Les informations qui aident à interpréter la chronologie entre les événements

dans l’énoncé sont : 1) linguistiques ; 2) pragmatiques.

Les informations linguistiques importantes pour l’interprétation de l’ordre temporel

sont : 1) les adverbiaux (temporels, logiques) ; 2) l’aspect. Pourtant, ces

informations ne sont pas décisives et doivent être validées ou invalidées au niveau

pragmatique, celui-ci intervenant à tout moment de l’interprétation, dès la

phonétique juqu’à la sémantique.

En sachant cela, on comprend mieux ce qui manque à Sloujkine, le personnage

que nous évoquons dans l’exemple (2) de l’Introduction. D’une part, Sloujkine est

handicapé par l’absence de l’intention de lui communiquer quelque chose : les

trois dames parlent entre elles sans se soucier de l’intrus. D’autre part, Sloujkine

ne partage pas les mêmes connaissances du monde (donc les informations

pragmatiques) avec elles : il n’a probablement jamais vu le feuilleton dont il s’agit.

Les informations linguistiques dont dispose Sloujkine ne suffisent pas à elles

seules pour qu’il puisse facilement reconstituer la trame du récit. Cependant, cet

exemple montre aussi qu’il n’est pas toujours utile de tout comprendre. En

interprétant un énoncé, on ne cherche pas une compréhension exhaustive mais

une compréhension pertinente.

316

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317

ANNEXE

I. Modèle des inférences directionnelles de Jacques Moeschler

Pour Jacques Moeschler [Moeschler 1998 : 8-12, 311-321 ; 2000 a ; 2000 b],

l’objectif a été de construire un modèle général de la détermination de l’ordre

temporel. Pour son Modèle des inférences directionnelles (MID), Moeschler s’est

inspiré non seulement de la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson, mais

aussi des théories sémantiques du discours, telles que la SDRT (Segmented

Discourse Representation Theory) d’Asher et Lascarides [Asher 1993 ; Lascarides

& Asher 1993 ; Lascarides & Oberlander 1993] et la DRT (Discourse

Representation Theory) de Kamp et Rohrer [Kamp & Roher 1983 ; Kamp & Reyle

1993].

Présentation du modèle de Moeschler

L’hypothèse fondamentale de Moeschler stipule que les facteurs conduisant à la

compréhension d’un ordre temporel peuvent être hiérarchisés et, quels que soient

ces facteurs, ils sont gérés par le biais de l’inférence générale.

Pour établir un ordre entre deux énoncés dans le discours, le destinataire est

amené à faire des inférences directionnelles : en avant et en arrière. Les

inférences en avant (exemple (A1)) stipulent la correspondance entre l’ordre réel

des événements et l’ordre dans lequel les événements apparaissent dans le

discours (ordre temporel positif). Les inférences en arrière (exemple (A2)) donnent

l’inversion temporelle où l’ordre réel des événements n’est pas respecté (ordre

temporel négatif ) :

(A1) Max poussa Jean. Jean tomba ;

(A2) Jean tomba. Max l’avait poussé.

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Annexe

Les énoncés dans lesquels il n’y a pas de progression (ou régression) temporelle,

comme (A3) ou (A4) sont caractérisés comme ne contenant aucune inférence

directionnelle, ni en avant, ni en arrière :

(A3) Comme tous les matins à la même heure, ils allèrent d’un pas martial

vers la récréation. Ils étaient heureux, tous les deux (Cohen : 102).

(A4) Tout se mit à tourner autour d’Aurélien. Sa vue se brouilla (Aragon : 459).

Les inférences directionnelles sont le résultat d’un calcul qui prend en compte

divers facteurs organisés en degrés de force différents. Ces facteurs sont de deux

types. Premièrement, il y a les informations linguistiques, à savoir les expressions

procédurales (connecteurs et temps verbaux principalement) et les informations

conceptuelles (fournies par les items lexicaux). Ces informations conceptuelles, en

particulier causales, sont appelées par Moeschler règles conceptuelles.

Deuxièmement, il y a les informations contextuelles c’est-à-dire un ensemble

d’hypothèses contextuelles, liées à l’environnement cognitif du destinataire. On

peut représenter ce schéma dans le tableau suivant :

I. INFORMATIONS POUR CALCULER L’ORDRE TEMPOREL

Informations linguistiques Informations contextuelles

Procédurales

Connecteurs Temps verbaux

Conceptuelles

(causales)

Hypothèses contextuelles

Ces différentes informations portent chacune un trait directionnel dont la force est

forte ou faible. Ces traits directionnels sont distribués comme suit:

1) Les hypothèses contextuelles et les connecteurs ont un trait fort.

2) Les temps verbaux et les règles conceptuelles ont un trait faible.

La hiérarchie, destinée à résoudre des conflits entre des traits, se construit de la

manière suivante : l’information contextuelle (les hypothèses contextuelles) est

plus forte que l’information linguistique, l’information procédurale est plus forte que

318

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Annexe

319

l’information conceptuelle, l’information procédurale propositionnelle (les

connecteurs) est plus forte que l’information procédurale morphologiquement

incorporée (les temps verbaux). Cette hiérarchie est résumée dans le tableau

suivant :

II. HIERARCHIE DES INFORMATIONS DANS L’ENONCE

1. Hypothèses contextuelles

2. Expressions procédurales

2.1. Connecteurs

2.2. Temps verbaux

3. Règles conceptuelles

Fort

Fort

Faible

Faible

Afin d’ordonner deux énoncés entre eux, le destinataire doit effectuer une

« procédure » d’évaluation des traits directionnels présents dans les deux

énoncés en choisissant le trait le plus valable. Le calcul de la relation temporelle

se déroule selon les principes ci-dessous :

1. Un trait fort annule un trait faible si leurs directions sont opposées ;

2. Un trait faible (ou un ensemble de traits faibles) n’est actif que s’il est validé

par un trait fort de même direction. (En même temps, pour être actif, un trait

directionnel, faible ou fort, doit impérativement être validé par une

hypothèse contextuelle) ;

3. Des traits faibles de directions opposées ne permettent d’inférer aucune

direction.

Pour illustrer le fonctionnement de son système, Moeschler présente deux

exemples rituels dans lesquels se conjuguent des relations temporelles et

causales :

(A5) Max a poussé Jean. Jean est tombé ;

(A6) Jean est tombé. Max l’a poussé.

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Annexe

Selon le linguiste genevois, ces exemples contiennent une règle conceptuelle

« pousser cause tomber », laquelle, engendre une hypothèse contextuelle : Si

Max pousse Jean, Jean tombe.

Les informations nécessaires au calcul de relation temporelle, présentes dans les

énoncés, sont notées de la manière suivante :

– [IAV] en majuscule indique les traits forts d’inférence en avant, [iav] en

minuscule correspond aux traits faibles d’inférence en avant ;

– [IAR] et [iar] correspondent respectivement aux traits forts et faibles d’inférence

en arrière ;

– [PC] définit le temps verbal – passé composé ;

– [RC] renvoie à la règle conceptuelle ;

– [HC] indique l’hypothèse contextuelle.

La description donc de (A5) et de (A6), selon le modèle de Moeschler, est la

suivante :

(A5) Max a poussé Jean. Jean est tombé.

" Le passé composé porte un trait en avant, ce trait est faible, donc le

symbole de E1 « a poussé » et de E2 « est tombé » est [iav PC].

" La règle conceptuelle « pousser cause tomber » porte un trait en

avant faible, elle reçoit le symbole [iav RC].

" L’hypothèse contextuelle « Si Max pousse, Jean tombe » possède

un trait en avant fort, recevant le symbole [IAV HC].

" Tout l’énoncé « Max a poussé Jean. Jean est tombé » est donc

retranscrit comme suit :

< [iav PC], [iav RC], [IAV HC] >.

320

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Annexe

(A6) Jean est tombé. Max l’a poussé.

" Le passé composé porte un trait en avant, ce trait est faible, donc le

symbole de E1 « a poussé » et de E2 « est tombé » est [iav PC].

" La règle conceptuelle « pousser cause tomber » porte un trait en

arrière faible, elle reçoit le symbole [iar RC].

" L’hypothèse contextuelle « Si Max pousse, Jean tombe » possède

un trait en arrière fort, recevant le symbole [IAV HC].

" Tout l’énoncé « Max a poussé Jean. Jean est tombé » est donc

retranscrit comme suit :

< [iav PC], [iar RC], [IAR HC] >.

L’étape suivante consiste à effacer des contradictions entre les traits, en annulant

les traits faibles au profit des traits forts. En (A5), les traits sont homogènes, on

conclut donc facilement à l’inférence en avant, autrement dit à la progression

temporelle – [IAV]. En revanche, en (A6), les traits divergent ; en reprenant le

calcul, on obtient : < [iav PC], [iar RC], [IAR HC] > d < [iar RC], [IAR HC] > d

< [IAR] >, c’est-à-dire la régression temporelle.

Donnons encore un exemple du calcul de la relation temporelle entre deux

événements E1 et E2 selon le modèle de Moeschler, cette fois avec le connecteur

temporel parce que [Moeschler 2000 b : 9] :

(A7) Jean tomba parce que Max le poussa.

a. E1_tomba – [iav PASSÉ SIMPLE]

b. parce que – [IAR PARCE QUE]

c. E2_poussa – [iav PASSE SIMPLE] & [iar RC]

d. E2_ [IAR PARCE QUE] & [iav PASSE SIMPLE] & [iar RC] d [IAR]

e. E1_ [iav] & E2_ [IAR] d E1 & E2_ [IAR]

f. Hypothèse contextuelle accessible : [IAR POUSSER CAUSE TOMBER]

g. Résultat de l’interprétation : E1 & E2_ [IAR].

Moeschler montre également comment fonctionne son modèle dans des énoncés

où le temps ne progresse ne régresse :

321

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Annexe

(A8) Bianca chanta l’air des bijoux et Igor l’accompagna au piano.

(A9) Ce soir-là, notre héros but une bouteille de whisky et écrivit une lettre à

Lady Ann.

En (A8) et (A9), le passé simple et le connecteur et ont des traits [iav] et [IAV].

Pourtant, il n’y a pas de progression temporelle dans ces exemples : en (A8), il y a

concomitance et l’on est enclin à interpréter la relation temporelle en (A9) comme

indéterminée.

Dans le premier cas (A8), explique Moeschler, la règle conceptuelle :

X accompagner Y au piano Y X et Y chanter et jouer du piano en même temps, –

déclenche une hypothèse contextuelle : Si Bianca chante et Igor l’accompagne au

piano, alors Bianca chante en même temps que Igor joue du piano76. La règle

conceptuelle et l’hypothèse contextuelle annulent les traits en avant [iav] du passé

simple du connecteur et.

Dans le deuxième cas (A9), c’est aussi une hypothèse contextuelle qui abolit les

traits en avant [iav] des deux formes verbales au passé simple. Cette hypothèse

se fonde sur les entrées encyclopédiques des concepts boire une bouteille de

whisky et écrire une lettre : processus discontinus qui peuvent être interrompus

par d’autres événements. La formulation de l’hypothèse contextuelle est donc la

suivante : Si le héros but une bouteille de whisky et s’il écrivit une lettre à Lady

Ann, alors il but une bouteille de whisky et écrivit une lettre à Lady Ann en même

temps.

Les failles du modèle de Moeschler

Le modèle des inférences directionnelles de Moeschler présente une tentative

intéressante de décrire la procédure du calcul qu’effectue le destinataire pour

établir la relation temporelle entre deux événements. Cependant, ce modèle

s’avère réfutable tant du point de vue de la description linguistique que de celui de

76 Cependant, remarque L. de Saussure, ces deux événements peuvent également être interprétés comme temporellement ordonnés : D’abord Bianca chanta, ensuite Igor l’accompagna jusqu’au piano [Saussure 2003 : 147].

322

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Annexe

l’analyse pragmatique. Selon Louis de Saussure, ce sont certains présupposés

théoriques erronés et l’architecture même, pas assez finement construite, du

modèle qui provoquent des faiblesses dans la lecture des données linguistiques et

pragmatiques. Ces défauts théoriques et architecturaux concernent surtout le rôle

des traits directionnels, le statut de l’hypothèse contextuelle, la nature des règles

contextuelles et le nombre des énoncés à analyser. Nous allons montrer certaines

failles du système de Moeschler, en nous appuyant sur la synthèse critique de

Saussure [Saussure 2003 a : 140-151].

Le rôle des traits directionnels

Posant les inférences directionnelles en avant, en arrière et nulles, le modèle de

Moeschler réduit ainsi toutes les relations temporelles possibles dans l’énoncé à

trois types : 1) inférences en avant (= progression temporelle) ; 2) inférences en

arrière (= régression temporelle) et 3) inférences nulles (= indétermination

temporelle). Si la progression et la régression temporelles, traduites en termes

d’inférences en avant et en arrière, sont assez bien couvertes par son modèle, les

relations d’indétermination temporelle, représentées par les inférences nulles,

restent mal définies. Le paradigme de Moeschler ne permet pas d’accéder à une

description détaillée de nombreux types d’indétermination temporelle, comme il

oublie la concomitance. L’une des solutions, pour assouplir le calcul des relations

temporelles, est suggérée par L. de Saussure, qui, proposant sa propre procédure

de l’ordre temporel, abandonne les directions au profit d’opérations plus fines,

basées sur des coordonnées temporelles.

Comme nous l’avons vu, les inférences directionnelles, dans le modèle de

Moeschler, sont déclenchées par les informations linguistiques et contextuelles

contenues dans les énoncés. Toutes les informations possèdent des traits, forts

ou faibles. Concrètement, le modèle dispose de quatre types d’informations (trois

types pour les informations linguistiques : connecteurs, temps verbaux, règles

conceptuelles ; et un type d’informations contextuelles : hypothèses contextuelles.

(Cf. Le tableau I, p. 318), ce qui devrait nous amener à avoir quatre forces

différentes. Seulement, en réalité, il n’y en a que deux, et, du point de vue formel,

323

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Annexe

la force d’un connecteur temporel est égale à celle d’une hypothèse contextuelle

(Cf. Le tableau II, p. 319).

En plus, ce type d’architecture donne aux traits forts une domination totale, ce qui

rend la présence des traits faibles, dans le calcul de certains énoncés, purement

symbolique, voire complètement inutile. Saussure remarque que, dans les trois

exemples (A5), (A6), (A7), il suffit de ne retenir que les traits forts pour obtenir le

même résultat de l’analyse [Saussure 2003 a : 144]. Ainsi, les temps verbaux,

porteurs des traits faibles, ne jouent pratiquement aucun rôle dans le calcul de

l’ordre temporel, même s’ils fournissent des traits directionnels (en avant pour le

passé simple et le passé composé, en arrière pour le plus-que-parfait). Les traits

faibles des temps verbaux sont soit superflus, leur direction coïncidant avec celle

des traits forts, soit annulés par une direction opposée des traits forts. Dans le

modèle de Moeschler, un ordre temporel ne se déduit in fine que de la présence

de(s) trait(s) fort(s). Les énoncés, comme (A10) qui ne contiennent que des traits

faibles, ne reçoivent donc aucune interprétation dans le modèle des inférences

directionnelles :

(A10) François épousa Adèle. Paul acheta une maison à la campagne

(Exemple de Saussure [Saussure 2003 a : 146, 222] ).

Il y a un autre problème concernant les temps verbaux, dans le modèle de

Moeschler. Nous avons vu que les traits directionnels des temps verbaux sont

invariables, assignés par défaut : en avant pour le passé simple et le passé

composé, en arrière pour le plus-que-parfait. Or, si pour le passé simple, cette

hypothèse s’avère assez juste, pour les autres temps verbaux elle semble

erronée.

Effectivement, en attribuant au passé simple le trait directionnel en avant, le MID

va dans le sens de pratiquement toutes les études de cette forme verbale,

lesquelles affirment que la valeur principale du passé simple est de faire

progresser le temps. Cette affirmation est surtout vraie pour les séquences

homogènes passé simple + passé simple. Cependant, on peut remarquer que

dans des séquences hétérogènes avec l’imparfait – passé simple + imparfait (ou

324

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Annexe

imparfait + passé simple), – le passé simple désigne habituellement une action

simultanée au procès de l’imparfait (A11) ou bien la relation temporelle entre les

deux formes verbales reste indéterminée (A12) :

(A11) En 1943-1944, lorsqu’il écrivit « Aurélien », Aragon vivait dans la

clandestinité.

(A12) Monsieur Amédée m’appela un soir d’une cabine téléphonique. Il

semblait inquiet (Simon : 53).

En ce qui concerne le plus-que-parfait, il est vrai que, dans une séquence avec le

passé simple (A13), le plus-que-parfait a en général un trait en arrière :

(A13) Max enleva ses chaussures. Il avait beaucoup marché (Exemple de

[Saussure 2003 a : 254]).

Mais, dans des séquences plus-que-parfait + plus-que-parfait, cette forme désigne

plutôt la progression temporelle (A14) :

(A14) D’un bond elle avait sauté sur ses genoux, l’avait embrassé dans la

nuque, et pendant que se déroulait un baiser très hollywoodien, il avait

déployé son journal autour de leurs visages […] (Simon : 65).

Le passé composé, dans des séquences homogènes, peut marquer la

progression (A15) ou l’indétermination temporelle (A16) :

(A15) Marianne s’est approchée et a reconnu la veste à franges de son amie

(Simon : 116).

(A16) Une autre nuit, le même froid. Des propriétaires ont posé une housse

sur leur voiture en stationnement, d’autres ont glissé un carton d’emballage

entre les essuie-glaces et le pare-brise (Simon : 157).

Remarquons que L. de Saussure avance l’hypothèse selon laquelle, le plus-que-

parfait et le passé composé, dans les séquences homogènes, désignent par

défaut l’indétermination temporelle [Saussure 2003 a : 150 ; 249-260]. Le modèle

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Annexe

de Moeschler devrait soit assigner aux temps verbaux les traits directionnels

indéterminés par défaut, soit attribuer une valeur au temps verbal d’un énoncé à

partir du temps verbal de l’énoncé conjoint.

Le nombre d’énoncés à analyser

Le modèle de Moeschler analyse à la fois deux énoncés à ordonner. Cette

position implique donc la procédure suivante : étant donné deux énoncés A et B, il

faut analyser parallèlement les données linguistiques et contextuelles dans ces

deux énoncés et en inférer un ordre temporel ; ensuite on traite de la même façon

les énoncés B et C, C et D et ainsi de suite. Incluant dans son champ d’analyse

deux énoncés, le modèle de Moeschler réduit ainsi l’espace cognitif de l’analyse,

autrement dit le contexte dans lequel le destinataire pourrait puiser ses

hypothèses. D’une part, une telle approche rend difficile l’étude des énoncés qui

s’interprètent par le biais d’un tiers énoncé, comme le (A17) où les événements (b)

et (c) sont à la fois indéterminés temporellement par rapport l’un à l’autre et

englobés par l’événement général du (a) :

(A17) L’été de cette année-là vit de nombreux changements dans la vie de

nos héros (a). François épousa Adèle (b). Paul s’acheta une maison à la

campagne (c).

D’autre part, restent exclus de l’analyse les énoncés ayant des relations

temporelles entre eux mais séparés par d’autres énoncés, comme dans l’exemple

suivant où les événemente (a), (b) et (d) sont liés temporellement, représentant

une relation de progression temporelle, mais (b) et (d) sont séparés par (c) :

(A18) Marcel ralentit (a). La voiture se rangea contre le talus (b). Le chien

courait toujours, de gauche et de droite, mi-affolé, mi-amusé (c). André

ouvrit la portière […] (Troyat : 9).

Nous sommes encline à partager l’avis de L. de Saussure : il semblerait plus près

de la réalité cognitive de ne pas traiter deux énoncés conjointement mais un

énoncé seul au milieu de son contexte [Saussure 2003 a : 149].

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Annexe

Le statut de l’hypothèse contextuelle et la nature des règles conceptuelles

Moeschler ne fait qu’effleurer l’explication de ce qu’est une hypothèse

contextuelle. D’où provient-elle exactement ? A partir de quelles informations le

destinataire construit-il des hypothèses contextuelles ? Quel est le rôle des

connecteurs temporels et des règles conceptuelles dans la construction des

hypothèses contextuelles ? Y a-t-il d’autres données contextuelles qui participent

à la construction des hypothèses contextuelles ? A toutes ces questions, le

modèle de Moeschler n’apporte guère de réponse.

Les exemples avec le couple « pousser – tomber » nous font comprendre que

l’une des possibilités d’accéder aux hypothèses contextuelles passe par les règles

conceptuelles. Cependant, le mécanisme de l’ascension d’une règle conceptuelle

au rang d’une hypothèse contextuelle n’est pas expliqué.

Le modèle de Moeschler ne nous présente qu’un seul type de règles

conceptuelles – la règle causale et reste muet sur d’autres relations conceptuelles,

comme, par exemple, les relations stéréotypées. Cependant, l’un des exemples

de Moeschler ((A8) Bianca chanta l’air des bijoux et Igor l’accompagna au piano))

montre que, mis à part les relations temporelles et causales, il y a d’autres liens

possibles entre les événements, des relations conceptuelles en l’occurrence

(appelées sémantiques, dans les approches plus traditionnelles).

Le modèle des inférences directionnelles relègue les règles conceptuelles au

statut d’informations linguistiques. Ainsi, les relations causales, comme

« pousser – tomber », dériveraient entièrement des significations des verbes,

c’est-à-dire du lexique. Il faut donc comprendre que tomber est une implication

lexicale de pousser. Nous voyons, dans cette position, un égarement du

pragmatisme de la théorie de la pertinence, notamment de son hypothèse du

contexte choisi. Premièrement, d’après la théorie de la pertinence, les relations

conceptuelles, dont causales, ne sont pas lexicales, mais inférées

pragmatiquement. Deuxièmement, les informations pragmatiques ne sont pas

imposées au destinataire, ce dernier construit ses hypothèses ad hoc à partir des

informations qui sont à sa disposition. Pousser n’implique tomber que dans

certaines circonstances. Comme remarque L. de Saussure, légèrement ironique,

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pousser peut aussi impliquer un caddie, un cri ou une chansonnette [Saussure

2003 a : 149]. En ce qui concerne les relations conceptuelles, nous nous rangeons

du côté de la théorie de la pertinence et de L. de Saussure. Nous parlerons en

détail de notre position ultérieurement.

II. Modèle pragmatique procédural du temps de Louis de Saussure

Insatisfait du modèle de Moeschler, Louis de Saussure se propose de l’améliorer.

Ainsi, il construit son propre modèle du calcul de l’ordre temporel, dit Modèle

pragmatique procédural du temps (MPPT) [Saussure 2003 a : 165-297].

Les principes théoriques du modèle de Saussure

Saussure part d’une idée ambitieuse qu’il est possible de construire un modèle

pragmatique procédural général d’interprétation de l’énoncé (et donc du langage).

Son Modèle pragmatique procédural du temps constitue en quelque sorte un

premier jalon de ce modèle général. Le MPPT porte l’empreinte de cinq théories, à

savoir : 1) le modèle des inférences directionnelles de Moeschler ; 2) la théorie de

la pertinence ; 3) le modèle logique des temps verbaux de Reichenbach ; 4) la

SDRT (Segmented Discourse Representation Theory) d’Asher et Lascarides ; 5)

la DRT (Discourse Representation Theory) de Kamp et Rohrer [Kamp, Rohrer

1983]. Les deux notions-clefs du modèle de Saussure sont la procédure et la

pragmatique.

La théorie de la pertinence lance une idée : l’interprétation est une procédure.

Saussure s’inspire de cette idée et de son évolution dans le travail de J.-M.

Luscher [Luscher 2002]. Effectivement, pour interpréter un énoncé, autrement dit,

pour accéder au bon référent, le destinataire doit réaliser une série d’opérations

mentales. L’esprit ne manipule pas des informations linguistiques et pragmatiques

n’importe comment, au hasard. Au contraire, à partir d’un input phonologique,

l’esprit déclenche une suite d’opérations automatiques bien organisées entre elles.

Dès lors, il est possible de décrire ces opérations d’une manière structurée, donc

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de dresser une procédure. Une procédure est un parcours à suivre, pas à pas, qui

démarre dès le stimulus verbal et se poursuit jusqu’à l’hypothèse interprétative

finale [Saussure 2003 a : 155, 165-166].

Selon Saussure, le modèle de Moeschler, s’attachant trop à la logique discursive

et sémantique, n’exploite pas pleinement les attendus pragmatiques de la théorie

de la pertinence. Dans le modèle de Moeschler, les paramètres permettant de

calculer un ordre temporel sont directement fournis au destinataire : ce dernier n’a

pas vraiment à effectuer une procédure d’inférence. Donc, le caractère inférentiel

même de ce modèle est compromis [Saussure 2003 a : 143, 145]. Saussure garde

le modèle de Moeschler comme point de départ mais va beaucoup plus loin que

son confrère dans le développement des principes inférentiels de la théorie de la

pertinence en fondant son modèle sur la procédure.

L’autre trait prépondérant du modèle de Saussure est son aspect pragmatique,

lequel se manifeste à tous les niveaux de l’analyse. Saussure n’emploie pas la

méthode traditionnelle de l’analyse, c’est-à-dire la méthode où l’on procède

progressivement, strate par strate : d’abord la syntaxe, ensuite la sémantique et

enfin la pragmatique. Non, pour Saussure, la pragmatique s’infiltre dans l’analyse

dès le niveau syntaxique. Effectivement, un certain nombre d’observations, allant

à l’encontre de la structure classique à trois étages (syntaxe, sémantique,

pragmatique), donnent raison au chercheur genevois. Rappelons que la théorie de

la pertinence assure l’analyse de l’énoncé à trois niveaux : 1) le stimulus verbal

reçu par le destinataire est transformé en une représentation sémantique

minimale – forme logique (ce qui correspond aux étages syntaxique et sémantique

du traitement) ; 2) le système central procède à la désambiguïsation de la forme

logique en la transformant en forme propositionnelle (niveau pragmatique) ; 3) par

des opérations inférentielles, le destinataire assigne à la forme propositionnelle

des enrichissements pragmatiques et obtient ainsi le vrai référent (niveau

pragmatique développé) [Sperber, Wilson 1989 : 112-119]. Pourtant, remarque

Saussure [Saussure 2003 a : 155-156], il est judicieux de supposer que, dans

certains énoncés, dans ceux, par exemple, qui peuvent avoir deux formes

syntaxiques (126), le destinataire est d’emblée guidé pragmatiquement pour

trouver la bonne interprétation (A19’) et non (A19’’) :

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Annexe

(A19) La petite brise la glace (exemple tiré de [Sperber, Wilson 1989 : 274]).

(A19’) La ARTICLE petite NOM brise VERBE la ARTICLE glace NOM = La petite

fille brise la glace ;

(A19’’) La ARTICLE petite ADJECTIF brise NOM la PRONOM glace VERBE = Le petit

vent lui donne froid.

En effet, dans une situation neutre de communication, il est peu probable que le

destinataire accède à un moment ou à un autre du traitement à l’hypothèse

(A19’’), car tout le contexte le guide directement au référent petite fille de (A19’). Il

semblerait ainsi que le système central de la pensée, à savoir la dimension

pragmatique, interviendrait dès le début, lors des modules syntaxiques et

sémantiques, évitant au destinataire des opérations inutiles et coûteuses. Pour

Sperber et Wilson, le système central bloque des opérations de décodage inutiles,

pour Saussure, le système central défavorise des opérations inutiles ; ce qui

revient, au fond, à la même conclusion : le système central favorise les

hypothèses les plus pertinentes [Saussure 2003 a : 155-156]. Pourtant, souligne

Saussure, le système linguistique n’est pas une partie du système central. Le

système central agit comme un fournisseur de service pour le système linguistique

en favorisant son action, et inversement le système linguistique est un fournisseur

pour le système central en produisant la représentation dont ce dernier a besoin

pour trouver une forme propositionnelle, assigner des référents et tirer des

implications, bref pour réaliser une interprétation complète. Ainsi, le système

central n’a pas seulement la fonction de fournisseur de service mais aussi celle de

producteur d’étapes du processus interprétatif. Le système central est orienté vers

la pertinence et il intervient pour minimiser le coût des opérations du système

linguistique, mais ce dernier possède par ailleurs ses propres mécanismes de

computation [Ibid. : 156].

On constate que le modèle de Saussure suit fidèlement l’hypothèse centrale de la

théorie de la pertinence : l’information linguistique est sous-déterminée,

l’interprétation de l’énoncé dépend hautement du contexte77. Cela veut dire que la

77 Dans l’idéal, note Saussure, l’élaboration d’une procédure générale d’interprétation devrait tenir compte du contexte qui n’est pas donné mais qui, comme nous le dit la théorie de la pertinence, se

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Annexe

plupart des faits linguistiques n’ont pas de significations stables mais sont inférés

par le destinataire.

Le modèle de Saussure, suivant la méthode de la Discourse Representation

Theory de Kamp et Rohrer, abandonne les arbres purement descriptifs au profit

d’algorithmes, qui offrent une description plus logique, plus explicite, plus

minutieuse et plus en adéquation avec la réalité psychologique. L’algorithme

semble plus approprié que l’arbre de Porphyre pour expliciter tous les choix que

fait le destinataire lors du processus du traitement de l’énoncé [Saussure 2003 a :

149, 166, 172].

Contrairement au modèle de Moeschler, le modèle de Saussure ne traite pas deux

énoncés à la fois, mais un seul. Sa référence temporelle est fixée par rapport à un

énoncé antérieur ou par rapport à une (des) information(s) encyclopédique(s)

incorporée(s) dans l’énoncé en cours de traitement.

Les faits linguistiques (et pragmatiques) qui influencent l’ordre temporel sont

appelés, dans le modèle de Saussure, expressions procédurales. Comme il est

impossible de prendre en considération tous les facteurs qui déteignent sur l’ordre

temporel pour une raison évidente de place, Saussure se limite aux faits les plus

courants et les plus significatifs. Ainsi, son modèle encadre les mêmes facteurs

que le modèle de Moeschler : temps verbaux du passé (passé simple, imparfait,

passé composé et plus-que-parfait), connecteurs temporels, adverbiaux, règles

conceptuelles (ces dernières deviennent chez Saussure relations conceptuelles).

En même temps, Saussure souligne l’importance, pour le calcul de l’ordre

temporel, de la dimension aspectuelle et de la sémantique des prédicats,

lesquelles sont également incluses dans le paradigme de son modèle.

construit pendant l’interprétation. Il est probablement possible de construire la procédure d’interprétation en envisageant deux ensembles de faits : le premier, constitué par l’environnement cognitif du destinataire (l’état du système) ; le deuxième, qui est considéré comme vide au début du processus de l’interprétation et qui se construit au fur et à mesure en récupérant des hypothèses pertinentes et en inférant des hypothèses implicitées (contexte). Cependant, pour confirmer cette piste, il faut étudier en détail les mécanismes de computation à toutes les étapes des opérations, en s’appuyant peut-être sur des expérimentations neurocognitives [Saussure 2003 a : 156-157].

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Annexe

A la différence de Moeschler, Saussure refuse aux expressions procédurales des

significations stables, constantes, « non défaisables » et introduit une règle par

défaut. La règle par défaut suppose que la signification de toute expression

procédurale est inférée à défaut d’informations plus contraignantes ou par défaut

de contraintes plus fortes. Par exemple, on attribue habituellement au passé

simple la valeur de faire progresser le temps. Selon la règle par défaut, c’est une

valeur préférée et non obligatoire. On choisit cette signification par défaut de

contraintes plus fortes, parce qu’elle est la moins coûteuse pour l’interprétation, la

moins pragmatiquement enrichie. Mais si le destinataire rencontre des contraintes

plus fortes que cette valeur du passé simple, il la sacrifiera pour l’interprétation

avec l’enrichissement pragmatique le plus faible. La logique de choix mise en

œuvre dans le modèle est non prudente. Cela signifie que le destinataire opte

pour une hypothèse qui lui semble la plus prometteuse et qui peut s’avérer fausse,

auquel cas le destinataire revient sur son choix et adopte une autre possibilité. La

logique prudente, c’est-à-dire un choix entre plusieurs possibilités à la fois serait

trop coûteuse pour le calcul, incompatible avec l’hypothèse d’effets et efforts

cognitifs de la théorie de la pertinence [Saussure 2003 a : 170-171].

Enfin, pour Saussure, la détermination de l’ordre temporel implique

nécessairement la détermination de la référence temporelle du procès. Il ancre

donc dans son modèle les points de repérage temporel de Reichenbach E / R / S.

Cependant, pour Saussure les formules à trois points des temps verbaux ne sont

pas figées, il les manipule selon les conditions de l’énoncé, en annulant par

exemple la pertinence de R lorsqu’il se confond avec S, en incrémentant la valeur

de R au passé simple ou encore en rajoutant des caractéristiques aspectuelles

supplémentaires (étendue du procès, état résultant) [Saussure 2003 a : 221-249].

Architecture de la procédure de l’interprétation temporelle

Le modèle d’interprétation temporelle de Saussure prévoit trois types

d’opérations :

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Annexe

1) Instruction par défaut. Ce sont des instructions qui s’appliquent dans des

conditions normales (par exemple, l’instruction par défaut du passé simple est la

suivante :

E, R – S ; R : = R + 1 (la valeur de R est incrémentée) ; E : = R).

2) Instructions secondaires. Ce sont des instructions du temps verbal qui ne

portent pas directement sur l’ordre temporel mais enrichissent l’interprétation de

manière générale. Il s’agit par exemple de diverses caractéristiques aspectuelles :

état résultant, mode d’action ingressif, itératif, etc. (Nous supposons que c’est à ce

niveau-là que le russe se distingue particulièrement du français, grâce à son

système aspectuel grammaticalisé).

3) Instructions contraintes. Ce sont des instructions qui ne s’appliquent que

lorsque les instructions par défaut ne se réalisent pas à cause d’un conflit

[Saussure 2003 a : 261] :

Dans ces grandes lignes, la procédure se présente de la façon suivante [Saussure

2003 a : 276-284] :

! Le destinataire reçoit, dans son système d’entrée (input), un énoncé à

traiter.

! Le système détecte alors la présence et la nature des expressions

procédurales (adverbiaux, temps verbaux).

! Le destinataire compare les données procédurales avec les données de

l’environnement cognitif pour comprendre si l’instruction par défaut sera

productive d’effet ou non.

! Si aucune hypothèse ne contredit l’instruction par défaut (cela signifie

qu’aucun connecteur ni relation conceptuelle ne va à l’encontre de

l’interprétation par défaut), le destinataire l’applique et l’enrichit par des

instructions secondaires (si elles sont présentes), en tirant en fin de compte

l’ordre temporel.

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Annexe

! Si l’instruction par défaut ne peut se réaliser, le destinataire doit appliquer la

procédure d’un connecteur ou d’une relation conceptuelle [Saussure 2003

a : 277-279].

L. de Saussure attire l’attention sur le fait que la procédure n’est pas linéaire, les

processus de traitement des données linguistiques et conceptuelles se déroulant

en parallèle. Le modèle de l’interprétation temporelle est en fait conçu comme un

système de branchement de sous-procédures à la procédure générale. On peut

maintenant donner le schéma général de la procédure d’interprétation temporelle :

C = connecteur ;

RC = règle conceptuelle ;

TV = temps verbal ;

Vn = variable temporelle

334

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Annexe

335

III. SCHEMA GENERAL DE LA PROCEDURE DE L’INTERPRETATION TEMPORELLE DE

L. DE SAUSSURE

Input (Enoncé)

Traitement linguistique

Connecteurs ou

compléments

Procédure TV, sémantique de

base, instruction par défaut

Ordre TV

Relations conceptuelles

saillantes ?

Ordre TV

pertinent ?

Procédure Récupération de

Connecteur l’instr. directionnelle

Instr. Directionnelle ou demandée par le

Par défaut compléments

Ordre C

Variable

indisponible ?

Crée Vn selon

sém. TV

Construction de

l’instruction

Ordre RC

Conflit avec

un C

Avec une RC

pertinente ?

?*

Procédure TV

instr. secondaire

Mise à jour Vn – FIN

Validation de

Ordre C

Procédure TV

Instructions

contraintes

Validation de

Ordre RC

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Les abréviations « p. » (pour « page ») et « pp. » (pour « pages ») sont employées quelle que soit la langue de l’ouvrage (russe, allemand, etc.).

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TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS……………………………………………………………………….2

SOMMAIRE………. ………………………………………………………………………3

AVERTISSEMENT………..……………………………………………………………...4

INTRODUCTION……………………………………………………………………….....8

1. Problématique………………………………………………………………………...8

2. Principes théoriques, précisions méthodologiques et terminologiques………16

3. Corpus……………………………………………………………………………….24

4. Plan de la thèse…………………………………………………………………….24

Chapitre 1. LA REPRÉSENTATION DES ÉVÉNEMENTS DANS LE

LANGAGE………………………………………………………………..26

1.1. Événement réel et événement langagier ....................................................26

1.2. Événement langagier et prédication ...........................................................34

1.3. Le temps langagier .....................................................................................48

1.4. Les catégories verbales exprimant l’idée du temps ....................................51 1.4.1. Temps verbaux .…………………………………………………………………...511.4.2. Aspect ............................................................................................................521.4.3. Mode d’action (Aktionsart) ..............................................................................561.4.4. Télicité et bornage ..........................................................................................581.4.5. Classes sémantiques des verbes ...................................................................61

1.5. En guise de bilan : la référence des événements .......................................65

Chapitre 2. APPRÉHENDER LE TEMPS PAR LES RELATIONS EXISTANT

ENTRE LES ÉVÉNEMENTS…………………………………………..69

2.1. Le modèle logique des temps de Hans Reichenbach..................................69 2.1.1. Présentation de la théorie de Reichenbach.....................................................69

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Table des matières

2.1.2. Les pierres d’achoppement de la théorie de Reichenbach..............................742.1.3. La théorie de Reichenbach et le verbe russe (La conception de

E.V. PaduSeva)............................................................................................... 77

2.2. L'approche sémantique (Théorie de la taxis) ...............................................81 2.2.1. Origine de la théorie de la taxis .......................................................................812.2.2. La taxis dans la conception de A. V. Bondarko ...............................................83

2.3. L'approche pragmatique (L'Ecole de Genève).............................................91 2.3.1. Le socle de l’approche genevoise : la théorie de la pertinence.......................92

2.3.1.1. Sources de la théorie de la pertinence .....................................................922.3.1.2. Hypothèse de sous-détermination linguistique de l’énoncé......................932.3.1.3. Hypothèse du contexte choisi...................................................................952.3.1.4. Effets et efforts cognitifs ...........................................................................96

2.3.2. Pertinence et référence temporelle..................................................................982.3.3. Modèles de l'ordre temporel de Moeschler et de Saussure.......................... 101

2.3.3.1. Configurations temporelles des énoncés………………………………….1012.3.3.2. Calculer l'ordre temporel ...................................................................... .104

2.4. Bilan : un modèle à compléter......................................................................107

Chapitre 3. ÉNONCÉS A PRÉDICATS AUTONOMES…………………………..109

3.1. Types de relations entre les événements dans l’énoncé : entrée en matière………………………………………………………………………… 109

3.2. Facteurs pragmatiques ..............................................................................112 3.2.1. Informations encyclopédiques et logiques. Règles conceptuelles................ 1133.2.2. Intervalle ....................................................................................................... 121

3.3. Facteurs linguistiques ................................................................................125 3.3.1. Adverbiaux et conjonctions : connecteurs temporelles, causaux et

logiques…………………………………………………………….……………….1253.3.2. Temps et aspect ........................................................................................... 127

3.3.2.1. Passé perfectif : valeurs temporelles de base ....................................... 1293.3.2.2. Passé imperfectif : valeurs temporelles de base ................................... 1313.3.2.3. Combinaisons des formes aspecto-temporelles du passé : valeur par

défaut .................................................................................................... 134

3.4. Relations chronologiques entre les événements .......................................142 3.4.1. Antériorité / postériorité................................................................................. 142

3.4.1.1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif…………………………..1443.4.1.2. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif…………………….1553.4.1.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif ……………………….1573.4.1.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif ……………………….161

3.4.2. Postériorité / antériorité................................................................................. 1643.4.2.1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif…………………………..1643.4.2.2. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif ……………………1683.4.2.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif ……………………….1713.4.2.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif………………………..172

358

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Table des matières

3.4.3. Simultanéité .................................................................................................. 1733.4.3.1. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif ……………………1743.4.3.2. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif…………………………..1783.4.3.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif………………………..1813.4.3.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif ……………………….183

3.4.4. Relations temporelles non ordonnées .......................................................... 1843.4.4.1. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé perfectif ………………………….1863.4.4.2. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé imperfectif…………………….1893.4.4.3. (E1) Passé perfectif + (E2) Passé imperfectif ……………………….1913.4.4.4. (E1) Passé imperfectif + (E2) Passé perfectif ……………………….192

3.5. Relations causales.....................................................................................197 3.5.1. Cause / conséquence ................................................................................... 198

3.5.1.1. Antériorité / postériorité (Ordre temporel positif) ……………………2003.5.1.2. Postériorité / antériorité (Ordre temporel négatif)……………………2013.5.1.3. Simultanéité...…………………………………………………………...2013.5.1.4. Indétermination temporelle…………………………………………….202

3.5.2. But ................................................................................................................ 2033.5.3. Concession ................................................................................................... 2043.5.4. Condition....................................................................................................... 206

3.6. Relations de caractérisation.......................................................................207 3.6.1. Concrétisation............................................................................................... 2083.6.2. Appréciation et interprétation........................................................................ 213

3.7. Bilan...........................................................................................................217

Chapitre 4. ÉNONCÉS A PRÉDICAT SECONDAIRE (LE CAS DU

GÉRONDIF)…………………………………………………………….219

4.1. Précisions terminologiques ........................................................................219

4.2. Le gérondif, forme hybride : le flou des définitions.....................................220

4.3. Particularités syntaxiques et sémantiques du gérondif ..............................223

4.4. Gérondif et ordre temporel .........................................................................232

4.5. Relations chronologiques entre les événements .......................................234 4.5.1. Le gérondif exprime une action antérieure ................................................... 250

4.5.1.1. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif……………………………2344.5.1.2. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif …………………………..2404.5.1.3. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif ……………………..2434.5.1.4. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif ……………………..2434.5.1.5. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif ………………………..2444.5.1.6. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif………………………...2454.5.1.7. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif ………………………..2454.5.1.8. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif ………………………..246

4.5.2. Le gérondif exprime une action postérieure ................................................. 2464.5.2.1. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif……………………………249

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Table des matières

360

4.5.2.2. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif ………………………..2504.5.2.3. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif ………………………..2504.5.2.4. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfecti………………………251

4.5.3. Simultanéité .................................................................................................. 2524.5.3.1. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif……………………..252

4.5.3.2. (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe perfectif (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif………………………...2564.5.3.3. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe imperfectif (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif perfectif………………………...2624.5.3.4. (E1) Gérondif perfectif + (E2) Verbe perfectif (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif……………………………267

4.5.4. Relations temporelles non ordonnées .......................................................... 2684.5.4.1. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif perfectif …………………………..2684.5.4.2. (E1) Verbe perfectif + (E2) Gérondif imperfectif avec négation ………2704.5.4.3. (E1) Verbe imperfectif + (E2) Gérondif imperfectif (E1) Gérondif imperfectif + (E2) Verbe imperfectif ……………………..271

4.6. Relations causales.....................................................................................272 4.6.1. Cause ........................................................................................................... 2724.6.2. Conséquence................................................................................................ 2784.6.3. But ................................................................................................................ 2794.6.4. Concession ................................................................................................... 2824.6.5. Condition....................................................................................................... 286

4.7. Relations de caractérisation.......................................................................287 4.7.1. Concrétisation............................................................................................... 2894.7.2. Appréciation et interprétation........................................................................ 307

4.8. Bilan...........................................................................................................310

CONCLUSION…………………………………………………………………………315

ANNEXE………………………………………………………………………………..317

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………...336

TABLE DES MATIÈRES……………………………………………………………..357