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Auteur : Thomas Jeegers Théorie des Organisations ECGE 1317 Page 1 THÉORIE DES ORGANISATIONS - ECGE 1317 Matthieu de Nanteuil : Vice président du programme en sciences économiques et de gestion. Enseignant depuis 7 ans et demi. Autres informations : Slides sur i-campus. Pas de mail. Premier cours : (Mardi, 16/09/2008) Nous sommes un public cosmopolite… Ce cours correspond plus à une manière d’aborder la vie es affaires, de s’interroger par soi-même sur les organisations, etc. Ce cours passe donc, cette année, en bac 2, au lieu de bac 3. Capacité à argumenter, à former des réponses matures. On ne va pas dans ce cours résoudre des problèmes, on va d’abord apprendre à poser correctement le problème et à envisager des réponses possibles, ou des systèmes de réponse. Comment être sûr que les réponses sont valides, pertinentes, voire exactes ? Ici, en sciences humaines, on ne mesure pas la qualité d’une réponse à sa rapidité, ni non plus à son caractère unique, on la mesure à la qualité des arguments que l’on va être capable de montrer, ainsi qu’à la controverse, des différentes réponses que l’on va pouvoir apporter. On va notamment parler du pouvoi r. Il y a, au fil de l’Histoire, des manières de parler du pouvoir différentes. Notre ressource, c’est la ressource du langage naturel, le Français, en lui appliquant un travail de rigueur, le pouvoir peut être considéré comme un concept, comme un principe d’analyse du réel. Il y a aussi une prise de recul radical, vis-à-vis des stéréotypes, les prêts-à-penser, celui avec lequel nous travaillons au bistrot, à la maison, … Ce sont les mêmes mots, mais ces mots vont prendre ici une signification, un contenu différent. Un des travaux de ce cours va être de doter d’un contenu concis certains mots, comme le pouvoir. Nous ne sommes globalement pas formés à ça ; ce, à quoi nous sommes formés, c’est à résoudre les problèmes par le langage mathématique, dans son ensemble. Ces discussions étant au cœur de l’identité occidentale (en tout cas depuis Descartes). Le problème n’est certainement pas de considérer que le langage mathématique n’est pas nécessaire. D’abord parce qu’on a appris à nous doter d’une économie, d’outils, qui répondent à nos besoins fondamentaux. Et c’est aussi grâce à ces outils que l’on a appris à comprendre les éléments du monde dans leur réalité la plus simple. Il faut d’abord comprendre que ce monde a été investi à des techniques qui iront bien plus loin que chacun d’entre nous. Ces ressources sont, pour nous tous, vitales, mais n’ont par elles-mêmes pas de fonction idéologique. Ce type de savoir présente une double limite, la première c’est qu’il n’est compétent que dans le domaine qui le concerne. La chose étrange, c’est que ces questions sont excessivement nombreuses, et touchent à la vie quotidienne ; il y a des questions d’identité par exemple. Exemples ; en tant qu’étudiant, dois-je m’inscrire à des activités interculturelles ? Devrais-t-on élire un délégué ? Dois-je aller au cours ? Ces questions ne peuvent pas admettre de réponse mathématique, elles font souvent appel à l’émotion, etc. Il y a une autre limite ; non seulement il y a des domaines dans lesquels l’usage du langage mathématique n’est pas compétent, mais en plus pour lesquels il n’a pas à être compétent. La deuxième limite est de nature idéologique, il est de croire que c’est grâce à une extension illimitée du savoir mathématique qu’on pourrait savoir ce qui nous échappe encore.

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Page 1: THÉORIE DES ORGANISATIONS - ECGE 1317 · Auteur : Thomas Jeegers Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 3 Deuxième cours: (Mardi, 23/09/2008) Sur le stage d‘initiation

Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 1

THÉORIE DES ORGANISATIONS - ECGE 1317

Matthieu de Nanteuil : Vice président du programme en sciences économiques et de

gestion. Enseignant depuis 7 ans et demi.

Autres informations : Slides sur i-campus. Pas de mail.

Premier cours : (Mardi, 16/09/2008)

Nous sommes un public cosmopolite…

Ce cours correspond plus à une manière d’aborder la vie es affaires, de s’interroger par

soi-même sur les organisations, etc. Ce cours passe donc, cette année, en bac 2, au lieu de bac

3.

Capacité à argumenter, à former des réponses matures. On ne va pas dans ce cours

résoudre des problèmes, on va d’abord apprendre à poser correctement le problème et à

envisager des réponses possibles, ou des systèmes de réponse. Comment être sûr que les

réponses sont valides, pertinentes, voire exactes ? Ici, en sciences humaines, on ne mesure pas

la qualité d’une réponse à sa rapidité, ni non plus à son caractère unique, on la mesure à la

qualité des arguments que l’on va être capable de montrer, ainsi qu’à la controverse, des

différentes réponses que l’on va pouvoir apporter. On va notamment parler du pouvoir. Il y a,

au fil de l’Histoire, des manières de parler du pouvoir différentes. Notre ressource, c’est la

ressource du langage naturel, le Français, en lui appliquant un travail de rigueur, le pouvoir

peut être considéré comme un concept, comme un principe d’analyse du réel. Il y a aussi une

prise de recul radical, vis-à-vis des stéréotypes, les prêts-à-penser, celui avec lequel nous

travaillons au bistrot, à la maison, … Ce sont les mêmes mots, mais ces mots vont prendre ici

une signification, un contenu différent. Un des travaux de ce cours va être de doter d’un

contenu concis certains mots, comme le pouvoir.

Nous ne sommes globalement pas formés à ça ; ce, à quoi nous sommes formés, c’est

à résoudre les problèmes par le langage mathématique, dans son ensemble. Ces discussions

étant au cœur de l’identité occidentale (en tout cas depuis Descartes). Le problème n’est

certainement pas de considérer que le langage mathématique n’est pas nécessaire. D’abord

parce qu’on a appris à nous doter d’une économie, d’outils, qui répondent à nos besoins

fondamentaux. Et c’est aussi grâce à ces outils que l’on a appris à comprendre les éléments du

monde dans leur réalité la plus simple. Il faut d’abord comprendre que ce monde a été investi

à des techniques qui iront bien plus loin que chacun d’entre nous. Ces ressources sont, pour

nous tous, vitales, mais n’ont par elles-mêmes pas de fonction idéologique. Ce type de savoir

présente une double limite, la première c’est qu’il n’est compétent que dans le domaine qui le

concerne. La chose étrange, c’est que ces questions sont excessivement nombreuses, et

touchent à la vie quotidienne ; il y a des questions d’identité par exemple. Exemples ; en tant

qu’étudiant, dois-je m’inscrire à des activités interculturelles ? Devrais-t-on élire un délégué ?

Dois-je aller au cours ? Ces questions ne peuvent pas admettre de réponse mathématique, elles

font souvent appel à l’émotion, etc. Il y a une autre limite ; non seulement il y a des domaines

dans lesquels l’usage du langage mathématique n’est pas compétent, mais en plus pour

lesquels il n’a pas à être compétent. La deuxième limite est de nature idéologique, il est de

croire que c’est grâce à une extension illimitée du savoir mathématique qu’on pourrait savoir

ce qui nous échappe encore.

Page 2: THÉORIE DES ORGANISATIONS - ECGE 1317 · Auteur : Thomas Jeegers Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 3 Deuxième cours: (Mardi, 23/09/2008) Sur le stage d‘initiation

Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 2

Fondamentalement, il y a un travail sur soi qu’il faudra effectuer dans le cadre de ce

cours. Ce cours va nous faire perdre nos repères en tant que cours, et c’est bon signe ; cela

signifie que notre spectre de connaissance s’agrandit.

Le travail que l’on va effectuer est une contrainte dans un certain sens, car il faudra se

poser dans une posture d’insatisfaction. Cette fois, il faudra aller un peu plus loin qu’en

ECGE11, car il faudra que chacun d’entre nous se soit approprié le travail, l’ait approfondi et

cela dans le but d’obtenir l’autonomie, d’être indépendants d’esprit (surtout dans le monde

d’aujourd’hui, non seulement car le politiquement correct est présent, mais aussi car il faut

pouvoir être en désaccord quand il faut, quoi qu’il faut savoir le faire avec finesse et

élégance).

Ce cours va réclamer 3 activités particulières :

Le stage ouvrier. Toutes les informations sur ce stage sont sur le site de l’université ;

faculté/département/1ercycle/enseignement&formation. Ce stage est obligatoire ; il s’agit

d’un stage de 5 jours consécutifs à temps plein (minimum 30 heures/semaine), dans tout type

d’organisation ; petite, moyenne ou grande, industrie ou service, public, privée, … Tout est

bon. Deux conditions fondamentales ; nous n’effectuons pas un stage d’apprentissage à notre

futur métier ou aux études nous faisons ; c’est un stage d’initiation au travail à travers la

découverte d’un métier ou une tâche particulière. Il faut donc un poste tout en bas de l’échelle

sociale. La deuxième condition, c’est de faire le rapport de stage, ce rapport sera côté et fera

partie de la côte finale. [Police 12, interligne 1.5]. Autres informations disponibles sur le

document.

Décrire, ce n’est pas interpréter, c’est relater

Décrire ; la taille, les données économiques, ainsi que factuellement les tâches qui

nous sont demandées ou que nous avons à accomplir.

Rédiger et décrire les faits aussi précisément que possible, ainsi que le fonctionnement

hiérarchique.

Décrire les personnes avec qui nous avons été amenés à travailler.

Identifier un « problème d’organisation ». Par exemple, une rupture de stock dans une

cafétéria. Dans ce point là, on identifie un problème, qui pour nous a été un problème

d’organisation.

Le tout doit faire 5 pages.

Ramener la fiche d’inscription de stage à temps ; avant le 1er

novembre si session de

janvier. 15 décembre si session de juin.

Remettre le rapport de stage à Jackie Geraerts B012.

Travail de groupe : Par groupe de 5 personnes. Ensemble, le groupe va décider d’une

situation de travail vécue par l’un ou par l’une d’entre nous. Et à partir de cette situation, nous

allons faire un travail particulier. Nous allons résumer l’un des chapitres de l’un des livres

proposés et expliquer comment ce chapitre va nous aider à approfondir la connaissance de

cette situation professionnelle. Mais aussi une ou plusieurs notions vues en cours.

La date n’est pas encore fixée (décembre ou janvier).

Les fiches qui seront postées sur i-campus forment la trame de ce cours et nous devons

être capables de les maitriser pour l’examen. Par moments, Mr. De Nanteuil va commenter

ces fiches, parfois les compléter. Nous obtiendrons un document de synthèse dans les

prochains cours. Par moments nous n’auront pas de support écrit et il faudra être

particulièrement vigilent.

Acheter le livre « Si c’est un homme » de Primo Levi. La lecture intégrale de ce petit

livre est obligatoire pour la dernière séance du cours.

Page 3: THÉORIE DES ORGANISATIONS - ECGE 1317 · Auteur : Thomas Jeegers Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 3 Deuxième cours: (Mardi, 23/09/2008) Sur le stage d‘initiation

Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 3

Deuxième cours : (Mardi, 23/09/2008)

Sur le stage d’initiation au travail d’exécution : tout ce qui correspond à sa description

se trouve sur i-campus.

Pour le travail à rendre, nous devons faire mention de la manière dont s’est déroulé le

processus délibératif qui nous a amenés à choisir tel ou tel problème. Nous devons partir du

problème d’organisation et dire « pourquoi » ce problème existe. Il faut également résumer un

chapitre, mais dans ce résumé il faut clairement dire comment ce chapitre participe à

l’ensemble de l’ouvrage.

Les différents livres sont :

1. Pierre Vetz : Le Nouveau Monde Industriel : Synthèse sur les questions

d’organisation Industrielle.

2. (fin des années 90) David Courpasson : L’action contrainte : principes des

gouvernements dans les organisations. Ce livre est appuyé sur de nombreuses

enquêtes, dans l’industrie et dans les services. Question de contrainte légitime

(par exemple : venir en cours).

3. Jean-Louis Laville : Sociologie des services.

4. Critique politique du travail.

Ces deux livre parlent de la nouveauté des services. Y a-t-il continuité dans le

monde du travail, que le taylorisme ait été limité, que quand la Taylorisation

des services peut se faire et que ce phénomène est récurrent et inhérent à la vie

quotidienne.

5. Deux livres collectifs : Matthieu de Nanteuil : La société flexible – Travail,

emploi, la société en débat. Doit-on penser que les questions de gestion sont

des questions de société. Relation entre flexibilité du travail et de l’emploi dans

les entreprises.

6. Superposer à l’analyse économique une analyse en termes de pouvoirs, de

rapports de force. L’organisation est un triptyque en termes d’efficacité. Au

travail, on ne vit pas uniquement aux rapports de pouvoirs, on se construit une

véritable identité. Les mondes sociaux de l’entreprise. Ils mettent en valeur le

modèle de l’entreprise en crise. Le mot de régulation est un thème

fondamental. La régulation, c’est la capacité à produire ensemble des règles de

fonctionnement, qui ne sont pas uniquement des processus suivis, qui

nécessitent un minimum d’accord, qui suppose d’être un minimum présent,

pour pouvoir participer à ces règles. Mais quand on établit des règles on

accepte de ne pas les faire uniquement pour son intérêt propre.

Pour la prochaine séance : remettre une page Nom-prénom-ECGE12 avec les différences,

les convergences entre les deux textes. Même si les problèmes d’organisation sont différents,

y a-t-il des formes qui sont communes ?

Le premier texte : Renault-Nissan : fait apparaitre une construction organisationnelle

originale – principe de coopération. Et « règle de la découverte mutuelle » → Dire ce que cela

évoque (obligation).

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 4

Troisième cours : (Mardi, 30/09/2008)

Entre l’action elle-même et les raisons de l’action, il y a un décalage. Bien s’organiser,

c’est aussi gérer ce décalage.

Premier constat, très général : Dans le premier texte, l’épreuve du partenariat, le texte

de Hatchuel est assez éloquent, on sent bien que le

partenariat fait partie de la dynamique actuelle et est une

condition du succès de Renault et Nissan. Mais on sent

également qu’il y a plus dans l’épreuve du partenariat

qu’un calcul de coût bénéfice strict ; il le dit lui-même. Il

y a également sur cette question du partenariat une

volonté d’être plus efficace, donc de s’inscrire dans une

logique d’efficacité et en même temps quelque chose qui

ne relève pas directement de la comptabilité, du calcul,

de la quantification. Il y a une « mise à l’épreuve » de

l’autre, par l’autre dans laquelle il est question de

confiance, c'est-à-dire de rupture de la confiance, de la

coopération, donc de relation. On voit qu’il y a là

quelque chose qui échappe à une procédure générale de

calcul qui permettrait d’objectiver définitivement ce

partenariat. Il y a une forme de paris, mais ce n’est pas

un pari qui répondrait à quelque chose de symbolique, de

politique, mais qui s’inscrit dans la logique même de

l’organisation. Comme si, pour être plus efficace, il faut

passer par des phases d’apprentissage, de mise à

l’épreuve, qui relève plus de la question des relations que

des calculs.

Deuxième constat : Dans le cadre du second texte, ce qu’on croyait relever

d’une folie, d’une pathologie, de déraison collective,

selon le texte s’organise autour d’une organisation

parfaitement rationnelle. Ce qu’on constate, c’est que

dans l’Europe occidentale moderne, la partie du monde

qui pensait avoir le monopole de la raison ; beaucoup de

recherches arrivent à la conclusion que cela n’a été

possible que parce que ces crimes de masses sont la

conséquence d’une administration de masse qui

banalisait le mal. Une administration dans laquelle il a

été possible à de nombreux humains, en l’occurrence de

nombreux fonctionnaires de l’Allemagne nazie, de

justifier leur comportement, non d’un pur fantasme, mais

que chacun a accompli correctement les ordres qui lui

ont été donné. Que chacun a bien effectué les tâches qui

lui étaient dictées par la division du travail (terme sur

lequel on va revenir). Une organisation a pu produire la

destruction de l’humanité, tout en s’appuyant sur des

principes d’efficacité. Ceci est en même temps une

énigme et un point de départ pour ce cours. Les

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 5

organisations ont pu être efficaces au nom même de la

barbarie.

Mais que signifie cette réalité là ? Il y a des principes d’efficacité, mais qui vont de

paire avec des processus de calcul qui semblent jouer un rôle décisif ; qui n’est pas

simplement un investissement et un retour sur investissement. À l’inverse, on peut faire

l’hypothèse que l’organisation totalitaire a justement été dans l’histoire ce moment limite dans

lequel faire autre chose que le simple calcul a été effacé. Le système totalitaire a justement été

tellement efficace que cet autre chose n’existait plus, cette chose qui n’a rien à voir avec le

fait organisationnel.

La justification en termes d’efficacité, de la destruction des juifs, elle est nulle. Le

propre des idéologies est qu’elles n’ont pas de compte à rendre à une rationalité fondé sur un

calcul d’efficacité, elles ne se justifient que par rapport à elles. Ce qu’on croyait être pure

folie, s’appuie en fait sur de la pure rationalité, c'est-à-dire beaucoup d’intelligence collective

(division des tâches).

→ Qui dit rationalité ne dit pas sens des responsabilités, ni humanité, au sens d’un

désir d’humaniser le monde et non pas de le détruire. Mais il y a autre chose, évidemment ; il

faut se garder d’un usage abusif de ces idées là. Il y a un contexte qui a rendu possible ce type

d’organisation. L’organisation totalitaire n’est pas en germes avec n’importe quelle

organisation qui prétendrait à l’efficacité, il y a eu un contexte historique propre à ça.

L’organisation totalitaire repose sur la fraction totale entre efficacité et humanité.

Parallèlement, on remarque dans le cas de Renault-Nissan qu’une organisation qui prétend

être efficace, sans complètement être totalitaire repose sur le sens de ses actions (découverte

de l’autre, confiance, …). Dans les deux cas on a le fondement de la Théorie des

Organisations.

Voilà le point de départ du cours. Dans les deux cas, on a les prémisses de ce que c’est

qu’une organisation humaine. Ce cours commence à travers la mise en question de la

rationalité elle-même. L’organisation totalitaire suspend l’équation trop simple de rationalité

= efficacité. Il y a autre chose qu’une procédure de calcul qui renverrait a une procédure

immédiate du sens des relations humaine. Le partenariat n’est pas forcément absurde, il n’est

pas forcément fondé sur l’intuition ; il renvoi à une certaine logique. Mais refuser d’intégrer

cette idée là (c'est-à-dire l’idée qu’il y a autre chose qu’un simple calcul d’efficacité), c’est

ouvrir la voie à l’organisation totalitaire. L’organisation totalitaire est aussi à comprendre

comme une organisation qui a interdit toute interrogation sur le sens de la rationalité humaine.

Du coup, on ne peut pas ne pas penser les deux niveaux de la rationalité ; il y a deux

manières de définir ce qui est rationnel de ce qui ne l’est pas.

Pour nous, il y a comme une relation spontanée entre rationalité et efficacité. Ce cours

part de l’idée que cette adéquation est fausse ; mais qu’il faut définir deux niveaux

d’efficacité ; le premier est rationnel, l’autre, c’est qu’il y a sans doute de la rationalité sur le

sens de l’action, sur le sens de l’action humaine. Il y a une manière rationnelle de s’interroger

sur le sens de l’action humaine, même s’il ne relève pas d’un calcul. Il n’y a pas

d’organisation humaine qui puisse faire abstraction des relations auxquelles elle est

confrontée ; sauf, et c’est sans doute le cas limite, dans le cas d’une organisation totalitaire.

Quand on ouvre la porte des relations humaines, on va par exemple tomber sur la

notion de pouvoir ; le pouvoir ne se calcule pas. Il se gagne, se mérite et va de paire avec

toute relation humaine, mais ne se calcule pas. Il en va de même de la confiance.

La notion d’organisation : On part d’une définition d’organisation qui part du sens

même de l’idée de rationalité. Cette idée de rationalité est un problème, car elle couvre en

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Auteur : Thomas Jeegers

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même temps deux niveaux possibles ; l’un qui relève d’une logique d’efficacité, d’une

logique de calculabilité, l’autre n’est qu’une dimension, mais qui porte sur le sens de l’action

humaine et des relations humaines. Dernière remarque ; une organisation est une relation

humaine dans laquelle ces deux rationalité sont à la fois distinctes, mais toutes deux présentes.

Dans les organisations humaines (c'est-à-dire non totalitaires), on trouve toujours une

composante d’efficacité - une rationalité basée sur le calcul - et on trouve une autre

rationalité, qui ne repose pas sur une rationalité humaine. Bien sûr, on peut se baser sur ces

deux aspects, celui qui a fait ça s’appelle Max Weber. Cette rationalité basée sur le calcul,

que signifie-t-elle ? Il s’agit d’une rationalité formelle, c'est-à-dire qui met en forme la

rationalité humaine et qui met en forme pour celle là, un calcul coût-bénéfice, un calcul de

rationalité (calcul entre des ressources et des finalités). Mais pourquoi ce mot formel ? Car

dans cette rationalité, on s’attache plus à la forme qu’à la rationalité elle-même. Mais ce n’est

qu’une mise en forme, c'est-à-dire une torsion sur la réalité, qui passe par l’équivalence du

calcul. Weber poursuit ; premièrement, dans la modernité dans laquelle nous sommes tous

plongés, il n’est pas possible de faire abstraction de cette rationalité. Cette modernité est basée

sur le fait qu’il est possible de mettre en forme le réel pour compter, pour comptabiliser, pour

rationaliser. Cette rationalité fait partie de la modernité et donc est inhérente à toutes les

organisations humaines. Cette rationalité est intrinsèquement liée à la modernité occidentale,

mais plus largement à une notion d’organisation, plus efficace. C’est une mise en forme, mais

ce n’est qu’une mise en forme. Première caractéristique, cette mise en forme ne s’inscrit pas

dans un contexte particulier, c’est une procédure à vocation universelle. Cette procédure de

calcul est univoque. La procédure universelle de calcul est une procédure de mise en forme

qui ne souffre aucune discussion, qui ne prête à aucun conflit d’interprétation. Tout est dit. Ce

premier aspect est un niveau, mais c’est un niveau foncièrement insatisfaisant et partiel ; cette

mise en forme du réel transforme quelque chose ; le réel. Il transforme un environnement

social, c’est donc qu’il y a quelque chose à transformer, c’est donc qu’il y a une substance

dans la réalité qui fait l’objet d’une procédure de calcul, or cette substance peut s’appréhender

à travers une procédure de calcul. Du coup, on tombe sur le deuxième niveau de rationalité,

Weber le nomme rationalité substantielle. Il s’agit de la rationalité qui porte sur les relations

humaines en tant que telles, sans passer par le biais du calcul d’efficacité. A ce second niveau,

Weber apporte plusieurs précisions ; ce second niveau cherche à appréhender la rationalité

pour ce qu’elle est. Dans la philosophie des Lumières, il y a eu l’éloge de la Raison, mais pour

Weber, la rationalité, c’est un masque qui cherche à inhiber la raison même de la vie, de

l’émotion, de la créativité. Aucune raison ne peut rendre compte de cette relation primitive

qui est la rationalité. Si il est possible d’appréhender les relations humaines à travers l’idée de

rationalité ; mais pas la rationalité fondée sur le calcul, pas cette rationalité là ; une autre

rationalité, une qui considère qu’il y a des choix moraux, politiques, culturels qui sont fondés

sur une certaine logique, sur un certain degré de réflexion, sur un certain degré des valeurs,

qui est relativement logique, mais qui ne se justifie pas sur une procédure de calcul. Il y a

donc un espace dans les comportements humains que l’on peut appréhender à travers l’idée de

rationalité, mais qui pour autant ne relève pas du calcul d’efficacité.

Mais il y a, même dans l’amour, une certaine raison. Il y a des choix qui méritent

d’être rationnels, réfléchis. Cela ne veut pas dire qu’elle doit être basée sur le calcul.

Selon Weber, cette rationalité possède deux caractéristiques

1. C’est une rationalité qui possède une certaine cohérence, car elle mérite une

certaine argumentation. Là où le calcul servait de support pour la raison

formelle, l’argumentation sert comme support de la raison substantielle.

L’argumentation sert à rentrer dans une certaine délibération.

2. Mais cette rationalité substantielle, elle n’est pas univoque. La rationalité

substantielle, nous dit Weber est équivoque, c'est-à-dire qu’elle est ouverte à

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 7

la pluralité des interprétations possibles. Le pouvoir, la violence, l’idéologie,

ces questions trouvent leur solution, leur issue dans l’argumentation d’idées

différentes, voire contradictoires.

Revenons-en à la question : n’y a-t-il pas des limites à cette rationalité substantielle ?

S’il n’y avait que la rationalité formelle, l’organisation nazie a été parfaitement rationnelle.

Mais si je me situe sur l’autre niveau, sur le plan de la raison substantielle, il faut précisément

définir des conditions qui montrent que dans certains cas, on ne peut décrire l’organisation

nazie, et tous les génocides, comme rationnels.

Quatrième cours : (Mardi, 07/10/2008)

Le problème du régime totalitaire est que ce qui est rationnel sur le plan formel n’a pas

su s’arrêter sur ce qui ne l’est pas sur le plan humain. Si nous sommes en mesure de

considérer que le régime totalitaire est irrationnel sur le plan substantiel, c’est donc qu’il y a

un espace qui ne relève pas d’un calcul, mais qui doit faire l’objet d’une analyse quant à leur

degré de rationalité ou d’irrationalité. Ce que nous dit le régime totalitaire, c’est que la

barbarie, ou le caractère barbare du régime totalitaire, n’est pas évaluable sur le terme du

calcul. Ce qui a été barbare, ce n’est pas ce qui a été inefficace, ce n’est pas ce qui a

contrevenu aux règles du calcul, ce qui a été barbare, c’est ce qui a contrevenu au sens des

relations, au sens des relations humaines. Autrement dit, la rationalité formelle ne permet pas

de dire ce qui est barbare et ce qui ne l’est pas et pourtant, nous avons besoin de savoir si nous

sommes du coté de la barbarie ou si nous n’y sommes pas. Nous avons besoin de savoir si au-

delà ou indépendamment de la question de l’efficacité, nous sommes sur des actions qui

relèvent plutôt d’une forme de progrès moral ou, à défaut, qui traduisent une relation de

confiance, qui traduisent l’importance de la culture, qui traduisent l’importance des relations

de pouvoir, qui traduisent aussi peut être la place des conflits, des différends et ce qui à

l’extrême limite relève de l’abnégation de l’humanité qui est précisément illustré par le

génocide. Il y a donc un espace, cet espace substantiel, dans lequel il faut analyser les

différentes composantes sur lesquels s’appuient les relations humaines mais aussi leur degré

de rationalité. D’une part, ce n’est pas avec un latte, une balance ou un ensemble

mathématique hautement sophistiqué que l’on peut considérer ces actes, il y autre chose sur

lequel faire porter la rigueur de la réflexion. Ce qui est en jeu ici, c’est bien évidemment de

comprendre la gamme des situations possibles et de comprendre plus fondamentalement ce

qui, dans le champ substantiel, différencie des relations humaines acceptables et les relations

humaines inacceptables.

C’est donc qu’il y a plusieurs manières d’interpréter le champ des relations humaines

dans les organisations.

→ Voir premier texte. Pourquoi cette idée de paradigme ? Un paradigme, c’est une

manière de représenter le réel. Avant Einstein, nous étions dans le paradigme Newtonien.

Avec Einstein, on se représente le monde d’une autre manière ; avec le lien entre l’énergie et

la lumière. Dans les sciences humaines, il y a aussi des manières différentes de voir les

choses. Comment comprendre différemment les différentes composantes des relations

humaines. Nous allons aborder ici quatre paradigmes ; c'est-à-dire quatre manières de

réfléchir à la relation entre raison formelle et raison substantielle.

1. Paradigme utilitariste : La première manière consiste à considérer que la

rationalité consiste au calcul et qu’il n’y a rien d’autre à considérer. Tout ce qu’on

vient de dire, c’est une remise en cause de ce paradigme là. La question c’est :

comment est ce qu’on a pu à ce point réduire la rationalité au calcul ? Et comment

la notion de management est elle tributaire du calcul ? Ca n’a pas toujours été

comme ça ; ça date d’à peu près deux siècles, il y a eu une bifurcation, qui a

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 8

soudain lié la rationalité au calcul. A ce point, qu’il y a eu un sens d’efficacité

désincarnée. Le monde dans lequel nous sommes n’a pas toujours été comme il est

aujourd’hui. Il s’est passé quelque chose en Europe, qui a permis d’arriver à la

puissance du capitalisme actuel, mais qui a été un coup de force tel que toute l’idée

de rationalité à été réduite à une simple procédure de calcul. Parmi les moments

phares qui ont marqué cette évolution, il y a notamment le taylorisme, qui va tirer

toutes les technologies pratiques de ce choix de vision du monde. Nous travaillons

donc dans une discipline compliquée ; une discipline qui a une histoire. On pense

qu’il n’y a de raison efficace que celle qui arrive à faire abstraction des relations

humaines.

2. Paradigme structurel : Cette fois, on le verra, ce qui importe ce n’est plus la

rationalité formelle, ce n’est plus la rationalité, ce sont les structures sociales et les

relations. Ce que nous allons voir, c’est que les relations sont plus qu’un calcul,

elles définissent beaucoup plus que le calcul : les conditions d’efficacité globales

de l’efficacité. Parce que ça va être toute la force de ce paradigme, parce que la

critique qui va être faite est que dans cette vision du monde, si chacun poursuit son

intérêt qui est de maximiser le bien-être, le problème de toute organisation, c’est

un problème collectif. Le problème, c’est de se coordonner, de travailler ensemble.

Ce qui importe, c’est la coordination des actions individuelles. Ce qui importe, ce

n’est pas de diviser, c’est de rassembler. Le paradigme structurel considère que

c’est le problème de structure. La structure démocratique c’est une structure dans

laquelle on a défini des règles de fonctionnements collectifs fixes, au contraire de

la structure flexible (règles flexibles). Vous pouvez multiplier les incitations

individuelles, multiplier les situations d’individualisations, mais vous aller toujours

buter sur les problèmes de coopération. Celui qui a théorisé ça s’appelle

Mintzberg, c’est l’un des pionniers de la théorie des organisations. Pour qu’une

organisation s’adapte, il faut qu’elle change ses structures. Il s’agit d’une vision

très adaptative. Langage très adaptatif, très fonctionnel. À coté de ça, on va voir

une autre fonction des structures, qui est la lecture de Michel Foucault, il va

considérer que ce qui détermine les fonctionnements individuels, ce sont les

structures, les systèmes de contrôle. Là où Foucault va profondément renouveler

les analyses qui l’ont précédé, c’est qu’il va dire que là où la contrainte nous

arrête, ce sont des contraintes qui ne viennent plus d’une autorité (d’un roi, …),

mais qu’elles sont le produit de la modernité, d’internet, de l’organisation des

responsabilités, etc. Dans ce paradigme là, ce qui importe, c’est la notion de

structure. Il faut pouvoir utiliser la notion de structure pour s’adapter.

3. Paradigme stratégique : Ce paradigme va tenter de produire un virage à 180°.

Qu’est ce qu’il nous dit ? Il considère les choses un peu différemment ; la

proposition de départ est double ; d’une part les relations humaines sont d’abord

des relations de pouvoir. Tout est dans les relations de pouvoir que nous engageons

mutuellement. Tout est compris dans des relations asymétriques, inégalitaires.

Deuxième proposition ; le pouvoir, s’il est partout est en fait l’objet d’un calcul

permanent. Là on découvre le paradoxe du paradigme stratégique. Nous avons

voulu nous débarrasser du paradigme structurel, de celui d’utilité, avec des points

de vue différents. Le pouvoir, s’il est partout, est en fait l’objet d’un calcul

permanent ; c’est le paradoxe du paradigme : calcul plus formalisé, mais il reste

l’idée que les humains seraient des petits robots politiques qui tenteraient à chaque

fois de tirer le meilleur parti politique possible de toute situation sociale ou

professionnels. Deux auteurs : Crozier et Friedberg : utilitarisme politique, ayant

une influence considérable sur la Théorie des Organisations : les rapports humains

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 9

dans le domaine économique sont guidé par les relations de pouvoirs (étant le fruit

d’ajustement permanent) ; dans leurs visions, le pouvoir est une réalité implicite

dans toutes les relations humaines, celles-ci sont affaires de stratégies politiques.

4. Paradigme éthique (dans le sens d’une culture ou d’une morale) : ce paradigme

fait apparaitre que contrairement au paradigme stratégique, il faut rendre toute sa

place à la question des valeurs dans l’organisation, mais plus largement dans les

décisions humaines. Mais ne pas simplement rendre une place, mais montrer qu’il

existe des enjeux culturels et moraux dans le fonctionnement des organisations. Il

existe dans ce paradigme deux grandes orientations : l’une culturelle : culture

d’entreprise, de groupe, de relations dans la réalité des organisations mais aussi

dans les problèmes de changement. Qui a un lien avec l’identité au travail

(capacité de tirer un sens à son travail), car les organisations ne sont pas

simplement des lieux qui dépendent de stratégie, mais un endroit où les groupes

font l’expérience d’une identité professionnelle, du sens ou de l’absence de sens du

travail et en tire une manière d’être avec des valeurs, des rites, … et qui

apparaissent comme une composante très importante. L’autre orientation est

morale : une morale qui s’interroge sur la signification du bien et du juste des

décisions qui sont prises dans les organisations. En réalité, cette question se pose

quoi qu’on en pense, il y a toujours une manière de se justifier sur le terrain moral

dans les comportements que l’on adopte, mais aussi dans les organisations. Il n’y a

pas un bon comportement, mais une place pour s’interroger sur le sens morale, sur

la question : qu’est ce qu’une organisation/décision juste ? On doit pouvoir se

rendre compte des réalités humaines en allant jusqu’au bout de cette interrogation

(lien avec la Théorie des Organisations). Il n’a jamais été possible de se pauser des

questions relatives au sens des relations humaines et au sens moral, c’est pour cela

que les organisations totalitaires ont été si efficaces.

I. PARADIGME UTILITARISTE :

Deux exemples qui montrent que le calcul n’a pas toujours été une évidence :

Cité grecque : le calcul est considéré comme secondaire, voire même infâme comparé

à la politique (gouvernement de la cité : lieu où l’on convainc et où l’on gouverne :

importance du théâtre : on apparait et on fait croire et on ne veut pas gagner de l’argent).

Organisation monacale (abbaye) : organisation au sens fort, lieu où il faut combiner

le souci pour la production et le moyen de ressource matérielle et en même temps la question

substantielle qu’est l’activité religieuse proprement dite (culte). Mais il est évident que

contrairement à ce que l’on a put dire ou penser, se sont des organisations qui doivent faire

face au caractère indispensable de la préservation des ressources matérielles (enjeux de la

rationalité formelle) ; en gérant des ressources limitées, en travaillant pour que ces ressources

se développent ; et vendent pour bénéficier d’avoir un revenu minimal pour vivre. L’intérêt

est qu’on découvre qu’on a bien à faire à une organisation, mais aussi qu’il existe une

hiérarchie claire, car s’il existe des préoccupations de nature monétaire, les relations

principales sont les enjeux relationnels et monacales, on peut d’ailleurs mettre de côté les

activités lucratives pour mettre en avant l’activité monacale : priorité au culte. Les enjeux

strictement utilitaires sont présents mais secondaires par rapport à la dimension substantielle

(prière, culte, …) au point que l’on peut interrompre le cycle économique en son nom.

Mais dans le monde moderne, on assiste à une inversion de ce rapport : c’est

l’organisation totalitaire. Celui-ci à eu lieu à la fin du XVIIIème

siècle : par la publication d’un

livre par Adam Smith. Les Grecs parlaient déjà d’organisation (pour diriger et faire la

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 10

guerre), et s’il fallait s’organiser dans l’abbaye, c’était pour la raison utilitaire des ressources

et ce au nom du sacré. Mais à la fin du XVIIIème

, on considère donc que la raison formelle (le

calcul) doit être la priorité des priorités ; au point que l’efficacité devient le seul nom possible

de l’idée de rationalité ; est rationnel ce qui est efficace (voire fiche I).

Cinquième cours : (Mardi, 14/10/2008)

Le but va être d’insister sur les points cruciaux de la fiche. On ne va pas revenir sur les

principales caractéristiques des Lumières, à partir desquelles la Théorie des organisations va

prendre forme. Ces principales caractéristiques sont importantes. Les Lumières avaient

notamment pour objectif de valoriser les satisfactions ordinaires, le bien-être, et que

désormais, elles ont donné une tout autre vision de ce qui est souhaitable pour les

comportements humains que nous sommes.

Le paradoxe, le moment dans lequel vont prendre forme les premières notions de ce

que recouvre la Théorie des organisations, ce paradoxe, d’un côté, sous la plume de David

Hume, on assiste à un discrédit donné à tout ce qui relève de la question des valeurs, du sens.

Parce que, pour lui, tout ce qui importe, ce sont les faits, rien que les faits, empiriquement

observables, palpables (d’une certaine manière), qui sont le seul niveau de rationalité possible,

le reste, dit-il, ce sont des constructions abstraites (les valeurs, le sens, …). Le reste est

contraire à la raison. C’est une position de scepticisme, à l’égard de tout ce qui ne relèverait

pas simplement d’une rationalité factuelle. Cette position, un empirisme radicalement

sceptique, constitue le premier noyau philosophique de l’utilitarisme. Premier noyau

philosophique ; un discrédit philosophique historique de tout ce qui ne relève pas des faits

observables et quantifiables. Second noyau philosophique ; paradoxalement, la richesse

devient un bien exigible, la richesse entend qu’elle permet le bien-être. Celui qui autorise

cette modification morale, c’est Adam Smith. La richesse est vécue de manière très

péjorative. La richesse aliène l’homme à des nécessités matérielles et l’empêche de se tourner

vers ce qui est essentiel ; le gouvernement de la cité, les principes les plus nobles. Dans la

religion chrétienne, elle détourne l’Homme de Dieu. D’un autre côté, la richesse, en tant que

vecteur de bien-être est survalorisée comme la seule valeur rationnellement souhaitable. Il y a

donc une sorte de tour de force qui opère sur le plan philosophique. Ce tour de force est très

important, car il va valoriser la naissance de l’utilitarisme et des organisations. Comment

comprendre ce qui va prendre forme pour donner naissance à la première formulation

utilitariste d’une organisation. Il y a trois étapes à souligner ; la première concerne

l’utilitarisme en général. La philosophie utilitariste comme une forme générale à part entière.

Quelles en sont les caractéristiques ?

1. Well-fariste : L’utilitarisme est une philosophie que l’on appelle « wel-fariste »

c'est-à-dire orientée vers le bien-être. Elle se définit comme la direction vers

l’accroissement du bien-être. Ceci est important car a une conséquence quant-à la

définition de ce qui est rationnel. Un comportement est rationnel, pour les

utilitaristes, s’il est orienté vers l’accroissement du bien-être matériel.

2. Individualiste : C’est une philosophie individualiste. Là encore, qu’est ce que ça

veut dire ? Ca veut dire une philosophie qui considère que le fief de l’action

rationnelle, c’est l’individu solitaire, l’individu séparé de ses appartenance, de son

influence, de son inscription dans le social. Le bien-être collectif ne sera que la

somme des différents biens-êtres individuels. Il y a bien, pour les utilitaristes

une réflexion sur le collectif, mais c’est une réflexion qui vient après coup. Une

décision d’agir en vue du bien-être. Le principe d’une construction du bien-être

collectif, c’est un principe d’agrégation du bien-être naturel.

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 11

3. Calculatrice : La manière que peut avoir chaque individu d’agir consiste en la

mesure des coûts et des bénéfices de chaque action en termes de bien-être. Le

coût fait office du bien-être général que chaque individu est sensé avoir pour avoir

un bien-être rationnel.

La question n’est pas de jouer chacun pour soi, cet individualisme n’est pas conçu

comme un égoïsme. Une philosophie conséquentialiste ; ce qui importe, ce ne sont que les

conséquences des choix. On ne prend conscience uniquement de ce que ces comportements

produisent.

Il y a une faculté humaine, morale, consistant à considérer que l’être de l’homme

consiste à poser des aprioris, de juger de ce qui est désirable ou pas. Et donc de conformer nos

comportements à un certain idéal de vie. Le problème tient à la deuxième étape, qui est un

choc anthropologique, caractéristique de la modernité, des Lumières, qui n’a pas d’équivalent

chez les philosophes anciens, pré-modernes. Entre la philosophie morale et la science-

économique : d’abord, il s’agit d’une économie qui ne prétend pas dicter un modèle de

rationalité, de normalité, mais qui vise simplement à permettre aux humains de répondre à un

certain nombre de besoins substantiels, notamment un besoin de survivre. Depuis le Moyen-

âge, l’économie ne prétend pas être une méta-science, qui prédomine sur les autres. De plus,

elle ne sert pas qu’à l’accumulation du capital, elle peut être variable. Bref, l’économie dans

l’époque pré-moderne peut être considérée comme une manière de répondre à des besoins

fondamentaux, survivre par exemple, mais pas uniquement.

Il y a un télescopage qui s’opère entre être individualiste et être égoïste. Quels en sont

les caractéristiques ? Il y en a trois ;

1. Le bien-être ne définit plus seulement un régime de préférence, ce qu’il faut

atteindre. Le bien-être est à ce point intériorisé par la science économique qu’il

devient une logique formelle, une fonction d ‘utilité. Il est une valeur qui, pour être

soumise à une appréciation morale de principes a une validité morale. Les

stoïciens, les moines, les écolos, etc. Dans la science économique, le bien être est

devenu le support d’une logique formelle, dont l’enjeu n’est plus simplement la

notion de bien-être, mais de réfléchir sur les moyens optimaux d’accéder au bien-

être. On bascule alors dans une philosophie qui va se contenter de formaliser les

moyens d’accès au bien-être.

2. L’individualisme se transforme, car dans ce monde ou l’utilitarisme est l’une des

prérogatives inaliénables de la condition humaines, on tombe dans la situation dans

laquelle ce qui est à moi n’est pas à toi et ce qui est à toi n’est pas à moi. Dans un

monde dans lequel, compte tenu du fait que les ressources ne sont pas illimitées, il

y a concurrence permanentes entre les égos. On assiste donc à l’émergence d’un

principe érigé de la rationalité. Donc si je ne le fait pas, j’adopte un comportement

irrationnel. L’égoïsme devient une caractéristique propre de la raison, de la

rationalité de cet utilitarisme radicalisé. On passe donc d’un individualisme à un

égoïsme comme support de la rationalité.

3. L’optimisation. Elle a une origine historique. Elle renvoie à une certaine lecture de

l’individu sur son environnement. Pourquoi optimisation ? Car elle correspond à

une volonté de participer à un bien-être collectif. L’enjeu est différent ; il est

d’arriver à un optimum, à des variables qui rentrent dans la composition de cet

équilibre. La question aujourd’hui est d’optimiser un équilibre de bien-être.

Troisième dimension : La naissance du problème d’organisation qui, chez Adam

Smith, est théorisé à travers l’articulation de marché et division du travail. Sur le plan

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 12

d’une histoire, d’une théorisation de la Théorie des Organisations. Le critère pour une

organisation, c’est, bien-sûr, sa préférence pour le bien-être, mais telle qu’elle est arbitrée,

sanctionnée pas le marché. La réponse d’Adam Smith, c’est la notion de division du travail.

Il s’agit de la « répartition des tâches devant êtres accomplies dans une organisation humaine

en vue d’accroitre au maximum l’efficacité de cette organisation sur le marché ». La division

du travail est donc le processus originel de la notion d’organisation qu’Adam Smith

considère comme le moyen de l’organisation pour accroitre l’efficacité de son organisation.

Chez les pré-modernes, chez les Grecs, chez les Chrétiens et chez notamment, les

premiers modernes, ceux qui se sont organisés chez John Locke, le travail c’est ce que fait un

sujet. On ne peut pas dissocier l’acte de travail de la personne qui le fait. Chez les Grecs, le

travail, c’est la tâche qui est confiée aux esclaves ou aux artisans, c'est-à-dire les « gens de

peine ». Le travail, c’est l’esclave, c’est l’artisan. Il n’y a pas de distinction entre le fait de

travailler et la personne. Il y a une forme de condamnation au travail, cette condamnation

porte autant sur la personne que sur le travail. Le travail, pour Locke, c’est la manière par

laquelle l’Homme s’approprie la nature, la matière, et qui devient de fait ce qui lui appartient.

Le travail renvoi encore une fois à l’identité même du sujet qui l’accomplit. D’après Adam

Smith, le travail, il faut le mesurer, il faut donc considérer, non plus le travailleur, mais

l’activité de travail, purement objectivable. Mais ce qui est objectivable, ce n’est pas le

travail, mais le temps de travail. Le temps de travail, c’est aussi la manière que l’on a de

séparer l’activité du travailleur de l’acte du travail. Ce qui importe, c’est la division des temps

de travail, peu importe qui l’accomplit. Le travail devient mesurable par l’objectivité

comptable ; la mesure est le temps.

Ce travail objectivé doit permettre de faire en sorte que le temps passé à

l’accomplissement des tâches soit le plus réduit possible. Il faut faire en sorte de diminuer le

temps passé à la production, car le temps passé, c’est d’abord des gains de productivité, mais

aussi de permettre de rémunérer le plus faiblement possible ceux qui vont accomplir ce

travail. Plus ce temps est faible, plus il est réductible, moins la personne est sensée être

qualifiée, moins elle est sensée être dotée d’un savoir faire, d’une habileté complète et de

salaire. Au contraire, plus elle est longue, plus ce travail est indivisible et plus l’habileté est

importante et plus le salaire est élevé.

C’est le travail objectivé qui va définir quelles sont les qualités supposées des

personnes. On passe à une conception objectiviste du travail, en tant qu’un temps, plus ou

moins réductible, qui va définir la qualité de personnes. Le sujet du travailleur est assujetti à

cette réalité sur laquelle il a de moins en moins prise.

Première caractéristique : C’est la scission entre ces deux composantes (travail et

travailleur). C’est la naissance d’un travail objectivé.

Deuxième caractéristique : c’est à partir des qualités du travail que l’on reconnaitra la

qualité du travailleur, et non pas l’inverse. Si ce temps est faible, la qualité aussi, et

inversement.

Troisième caractéristique : comment faire pour que l’univers soit accepté par tous ?

C’est un bouleversement. On modifie du tout au tout ; c’est un bouleversement

anthropologique ; on redéfinit le rapport qu’à l’homme à lui-même. Comment rendre ce

bouleversement acceptable ? Adam Smith a une théorie consistant à dire : tout le monde s’y

retrouve. Pourquoi ? Avec les progrès de la division du travail, on élève le niveau général du

bien-être. Dans cette évolution, les travailleurs, ceux qui n’ont que leur force de travail tirent

de leur participation au travail un niveau de revenu leur permettant de survivre, d’assurer leur

condition personnelle d’existence. Parallèlement, pour les employeurs, les patrons, Adam

Smith considère que délié de toute contrainte, peuvent choisir les personnes qui, par leur

talents, ont accès au travail. Par cette division du travail, les uns perpétuent leur mode de

survie, les autres trouvent le moyen d’améliorer leur condition. Ce qui est au cœur de ce

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 13

système, c’est que tout le monde, selon Adam Smith, y a intérêt, à partir d’une lecture

naturelle des inégalités. Bien sûr, le XIXème

siècle va bouleverser ces conceptions de

l’économie de marché.

Remarques : Le grand constat de ce siècle, c’est la question sociale. On pensait

découvrir un moyen de créer de l’intérêt à tous, mais ce système crée de la richesse de

manière inégalitaire, mais il produit également de la misère, et un appauvrissement qui est

d’autant plus injuste qu’il s’inscrit dans une dynamique d’enrichissement global. Ce travail,

sensé reposer sur un arbitrage rationnel, dans cette société, ceux qui travaillent éprouvent

l’épreuve de leur indignité ; des situations de souffrance, des situations de domination

sociales, dans le monde du travail. Pas l’indignité sociale des vagabonds, ni de ceux qui ne

participent pas à la société, mais au contraire, ceux qui y sont au centre ; les travailleurs.

Comme réponse, il y a l’État social, mais il y a également un certain nombre de choses qui se

mettent en place dans les organisations. A quoi assiste-t-on à ce niveau là, un siècle plus tard ?

On assiste à deux états de fait ;

1. Ce qui, à première vue caractérise le travail ouvrier et les organisations du travail,

c’est d’abord les progrès de la division du travail. Indéniablement, les

organisations sont de plus en plus différentiées, mais aussi les progrès de la

standardisation ; un standard aussi privé de tout contenu. Bref, un travail dé-

substantialisé. Une grande partie de la société se trouve prise au piège d’un travail

qui s’est petit à petit vidé de tout intérêt et de la possibilité même d’y trouver du

sens. La philosophie utilitariste a tout simplement considéré qu’il n’y a pas de

limite à la division du travail, qu’elle devait continuer tant qu’elle pouvait créer de

l’efficacité. C’est une classe ouvrière, pour une grande partie, rivée à un travail

standardisé. Mais il existe une tout autre situation dans bon nombre

d’organisations industrielles, dans lesquelles les ouvriers ont su se doter d’un

certain pouvoir.

2. Il faut achever ce qu’Adam Smith n’a fait qu’initier à travers une théorie du

travail. Qui est celui qui va pousser à bout la division du travail ? C’est Taylor, qui

comprend que l’on ne viendra pas à bout tant que l’on ne développe pas une

science de ce que doit être la division du travail. C’est la naissance du taylorisme.

Il faut mettre sur pied ce qu’on appelle « scientific management ».

Deux choses :

a. Taylor comprend que, par rapport à la vision un peu naïve de Smith, il y a

des révoltes, des grands clivages idéologistes. Là où Adam Smith pensait

qu’on ferait rentrer les individus en fonction de leur travail, Taylor

comprend qu’on peu améliorer ces relations de travail. Il faut faire en sorte

que vraiment, une bonne fois pour toute, les organisations n’aient plus à

faire appel à cette dimension si caractéristique des relations humaines. Il y

a un enjeu fondamental sur lequel il va s’atteler ; il faut continuer à dé-

substantialiser le travail de manière à ce que les rapports humains ne

viennent plus à l’encontre de l’efficacité. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait

même plus de rapports humains.

b. Mais, Taylor se dit, « je ne dispose pas des moyens de l’État. En

particulier, je ne dispose pas du monopole de la violence légitime », même

si, dans le capitalisme, les forces de police ont souvent arrêté les révoltes.

On baigne à l’époque en plein positivisme, en plein scientisme. On pense, à

l’époque, ce que les sciences nous apprennent ailleurs ; dans la société, il

faut mettre sur pied une science de la division du travail. Une théorie

objective, encore plus objective que ce qu’était l’utilitarisme.

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 14

À nouveau, pour Adam Smith, tout le monde y a intérêt. Et ceux qui voudraient

considérer que les travailleurs ne sont pas des robots, qu’ils sont des sujets, dotés d’un sens,

d’une signification, ceux là s’opposent au peuple et à la possibilité à la classe ouvrière de

s’enrichir. Il met l’accent sur ce qu’il défend comme une contradiction ; si vous voulez lutter

contre le système, vous ne ferez qu’empêcher l’enrichissement de votre classe et ne

bénéficierez pas des retombées. Si vous souhaiter vous enrichir, il faut vous soumettre au

principe de la division scientifique du travail. A celle définie de manière parfaitement

objectivée.

Sixième cours : (Mardi, 21/10/2008)

Proposition : le travail de groupe devrait être remis le 16 décembre. Le livre de Primo

Levi doit également être lu pour cette date là. Suggestion : remettre le travail de groupe

pendant le premier quadrimestre.

Le 9 décembre pourrait être une séance de rencontre avec des personnes

professionnelles.

Le paradigme utilitariste : suite.

Analyse détaillée du taylorisme :

Taylor faisait le constat, à la fin du XIXème

du fait que les organisations de production

sont encore des lieux ou avaient été préservées un ensemble de relations de travail, dans

lesquelles une partie de la classe ouvrière avait réussi à maintenir son savoir-faire et son

pouvoir. La tâche que Taylor va se donner ; en reprenant l’idée d’Adam Smith que la

division du travail est un principe général, abstrait, qui grâce auquel le travail est réparti et

s’organise la production des richesses. Il y a une sorte d’évidence, chez lui, liée à la division

du travail, qui ne doit souffrir aucune remise en cause, tant elle est garante de l’efficacité.

Taylor prend conscience que cette lecture est insuffisante. Cette lecture a marqué l’histoire de

la Théorie des Organisations. Avec Smith, le travail devient une entité comptable. Ceci est le

contexte dans lequel Smith a pensé la division du travail. Il veut diviser le travail de manière

illimitée, du moins dans les limites qui sépare l’efficacité marchande. Puisque le travail est un

dispositif abstrait, il ne doit faire l’objet d’aucune négociation avec les travailleurs. Taylor

prenant conscience de ces conditions là, quoi que son esprit soit fidèle à l’égard de l’idée de

l’utilitarisme. Son idée n’est pas de sortir de l’utilitarisme ; il veut faire de la division du

travail, véritablement ce sur quoi doit se concentrer le management. La division du travail doit

faire l’objet d’une réflexion pour parvenir à une efficacité optimale. Il faut en améliorer la

définition, en renforcer les principes, pour qu’il ne soit plus possible d’observer des situations

de résistance, de négociation. Dès le départ, il y a un rapport conflictuel dans la division du

travail. Comment faire pour achever ce travail ? Pour que cette division soit garante d’une

efficacité plus forte et surtout, qu’elle ne puisse plus faire l’objet de résistance ? Pour parvenir

à cette fin, Taylor va parler de la division scientifique du travail. Cette division ne doit pas

être définie abstraitement, mais doit faire l’objet d’une division scientifique. Pour en arriver

là, Taylor modifie les acquis du positivisme, du caractère scientifique du travail. Un certain

nombre de précisions ; (non compris dans la fiche) : Il y a en fait, deux définitions du

positivisme ; la première est une définition très large. Elle décrit l’activité par laquelle

l’humanité cherche à produire des connaissances, un savoir positif sur le monde et sur elle-

même, un savoir positif, c'est-à-dire un savoir produit par l’usage de sa raison, sous toutes ses

formes. C’est au fond l’identité même de la modernité. Depuis Descartes, la modernité en

occident, par le travail de la raison produit le savoir des connaissances positives sur le monde

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 15

et sur les hommes. Le savoir positif s’oppose à un savoir négatif, ce qui traduit une forme de

non-savoir, ou d’un savoir qui n’est pas le fruit de la raison (croyance, magie, …). C’est

contre la dépendance séculaire des hommes contre les croyances magiques qu’est né le

mouvement des Lumières. Kant, a fondé un savoir positif et en a tiré une philosophie morale.

L’idée de dignité, de droit universel sont des catégories positives par lesquelles l’homme

apprend à se respecter et fonde un droit moral sur la base du respect. Le positivisme décrit le

mouvement de la pensée dans la modernité occidentale. Ce mouvement grâce auquel nous

avons pu nous libérer d’un certain nombre de croyances magiques et nous munir d’un certain

nombre de croyances durables ; l’université, l’institution judiciaire, etc. Mais il y a une

seconde forme de positivisme, qui nait sous la plume d’Auguste Comte, ce positivisme dit

que seule la science est l’expression de la raison. Il dit aussi que la science, la connaissance

scientifique au sens large est une voie incontournable, vers le progrès. Il dit enfin que la

science doit constituer, dans les sociétés modernes, ce que la religion faisait dans les sociétés

pré-modernes, c'est-à-dire constituer le ciment, le principe général autour duquel se

développent les pensées modernes. Cette lecture est donc éminemment problématique. Deux

raison à cela :

1. Sous la plume des positivistes (de Comte), il y a une identité entre les sciences de

la nature et les sciences humaines. Ca veut dire que l’on peut aborder l’analyse de

l’action humaine, comme on observe une opération mathématique.

2. D’où la deuxième caractéristique de ce positivisme, c’est que dans cette vision là,

le réel des sciences de la nature ou des sciences humaines est toujours

appréhendable ou analysable à l’aide de relations de causalité, et surtout à l’aide de

relations quantifiables. Tous nos comportements, toutes nos activités seraient

simplement le fruit de variables qui résultent de relations de cause à effet. Et toutes

nos activités devraient être quantifiables. Comte dit que tout peut faire l’objet

d’une quantification exhaustive.

Ce positivisme là exclut donc de fait une interrogation sur les valeurs, le sens des

activités humaines, la prise en compte des dimensions qui nous influencent, façonnent

l’idéologie, une culture, les représentations qui négligent des pans entiers de la réalité. Son

idéologie est liée au fait que le réel peut faire l’objet d’une quantification. La réalité cache un

ordre que l’on doit pouvoir faire émerger en transformant la réalité à l’aide de variables

quantifiables. On voit bien que ce scientisme est extrêmement problématique. Ce positivisme

n’est qu’un moment dans la modernité. Mais c’est en s’appuyant sur cette jeune considération

positiviste que Taylor va porter les stockages de la classe ouvrière à la division du travail, en

parlant d’une « division scientifique du travail ». C’est donc une division qui prend appui sur

ce que le positivisme d’Auguste Comte a fait de la science.

C’est grâce à ces relations causales et quantifiables que va se mettre en œuvre la

division scientifique ou taylorienne du travail.

Taylor en tire une véritable philosophie, une véritable idéologie par laquelle il pense

faire œuvre de science, de progrès, en réduisant le travail humain à un ensemble de variables

causales et surtout quantifiables.

Le taylorisme a été synthétisé par Pierre Vetz. Taylor a entretenu la vision utilitariste

d’Adam Smith, notamment à l’idée qu’il y aurait une sorte de pacte, de deal, dont la division

scientifique du travail serait la garante. Ce deal consistant à dire qu’avec la division du travail,

tout le monde y gagne. La division du travail telle qu’elle est revue, amandée, affinée par

Taylor. Ce deal était déjà présent chez Smith entre dépenses somptuaires et dépenses

nécessaires. Taylor reprend ce discours et montre que la division scientifique du travail a

pour mission de requalifier les pauvres entre employeurs et travailleurs. Remettre en cause la

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 16

division du travail est non seulement un risque pour l’efficacité, mais aussi un risque pour les

travailleurs eux-mêmes, qui pourraient y perdre leur salaire, et à travers eux, un risque pour le

peuple (au sens les classes populaires). C’est pourquoi il dit que celui qui nuit à la division du

travail vole le peuple. En s’opposant à la division du travail, les ouvriers pourraient se voler

eux-mêmes, ou voler les plus pauvres. On voit bien comment Taylor en vient à développer

une vision profondément tronquée de l’identité humaine. Il faudrait que les travailleurs se

réduisent uniquement à cette entité comptable, à ce qui, dans leur activité humaine est

réductible à un temps de travail, à une dépense. Qu’il accepte cela sans broncher, quel qu’en

soit le coût ou le non-sens. Pour recevoir un salaire en tant que consommateur. Pour que le

niveau de richesse s’accroisse et que tout le monde en bénéficie.

Ces deux dimensions de l’identité, pour les travailleurs, sont inconciliables. C’est

effectivement une vision profondément clivées, déformée de l’identité humaine elle-même

que Taylor promeut. En fait, c’est une conception très péjorative de l’homme lui-même qui

est développée ici et qui s’exprime à travers l’expression taylorienne de l’homme bœuf. Dans

l’esprit de Taylor, l’homme bœuf, c’est la figure par excellence de ce qu’est et de ce que doit

être la classe ouvrière. Ce qu’il ne voit pas, c’est que son discours, son idéologie même fait

effectivement de l’homme un bœuf, un animal au sens péjoratif du terme. C’est cette

déformation profonde de l’identité humaine qui semble devoir être soulignée quand on

s’intéresse au taylorisme, quand on s’intéresse aux origines du management. C’est une

inflexion notoire par rapport à l’utilitarisme des origines. A travers les principes de

l’économie de marché, à travers les principes de la division du travail, une forme de progrès

humain était à l’œuvre. Ce qu’il ne voit pas, c’est l’existence des rapports sociaux dans la

production, la tension, les conflits qui vont s’organiser autour de ces rapports humains et la

manière dont va s’organiser la division du travail redéfinie par Taylor. Qu’on le veuille ou

non, les organisations et la division qui les traversent ont une influence sur nos rapports

humains. Son échec, c’est d’avoir cru pouvoir instituer un principe de division du travail

devant faire abstraction des relations humaines. Devant faire en sorte que ces relations

n’existent pas ou n’interfèrent pas dans la recherche d’efficacité. Alors que ce faisant, il a

instauré un type de relations humaines particulièrement néfastes. Il y a donc bien un enjeu

dans les organisations, consistant à penser ce tissu humain qui n’est pas réductible à une

abstraction comptable car, quand on veut le réduire à une abstraction comptable au point où

l’a fait Taylor, on crée un autre type de rapports humains. On crée en fait un ensemble de

rapports humains marqués par cette lecture péjorative de cette lecture de l’identité humaine.

Marqué par la dévalorisation de l’humain.

On va voir s’ouvrir deux genres de critique ; une critique portée sur le monde du

taylorisme. Mais on va aussi voir des critiques internes à la société, mais consistant à dire

qu’on doit quand même renforcer le capitalisme. Cette lecture critique va naitre à la fois une

critique générale de ce qu’est le capitalisme, mais aussi du management, de sa place, son rôle

dans les organisations contemporaines.

Les trois caractéristiques du taylorisme de la fiche (voir fiche) ;

1. Taylor ne voit les relations de travail, l’habileté professionnelle, qu’à travers le

filtre de la flânerie. On peut dire que tous ces éléments se sont cristallisés pour

Taylor et tous ses disciples dans l’idée d’un savoir de métier. Ce qui est en jeu,

c’est la déconstruction d’un savoir de métier. Cette vision là est d’ailleurs assez

partagée par un grand nombre de sociologues, philosophes des Lumières qui vont

notamment en 1791 voter la loi Lechâtelier qui interdit toute corporation

artisanale, religieuse, etc. Toute corporation est frappée d’un interdit selon la loi

Lechâtelier. Ces corporations se sont maintenues à travers les savoirs de métier.

Taylor veut mettre fin à ces corporations de métier. Simplement, pour y mettre fin,

il ne s’agit pas simplement de les interdire juridiquement, il s’agit pratiquement de

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 17

définir une division du travail qui rendra ces savoirs inutiles et impossibles à

recréer, parce qu’on va standardiser le plus possibles, aplanir toute forme

d’habileté et ainsi faire en sorte qu’on ait même plus besoin d’y recourir pour être

efficace.

2. La standardisation, c’est l’entrée du chronomètre dans l’atelier. La mesure du

travail en tant qu’il se réduise à du temps. C’est aussi, du même coup la

standardisation ou la parcellisation des tâches. Plus le travail est standardisé,

moins il sera nécessaire de faire appel à des relations de travail, moins il sera

nécessaire pour les ouvriers de s’organiser en groupe et plus l’efficacité sera au

rendez-vous.

3. La division du travail entre concepteur et exécutant. La plus importante des

trois caractéristiques. Plusieurs remarques :

a. Cette division du travail doit être une division hermétique. Les concepteurs

ne peuvent pas être des exécutants. Et inversement. Parallèlement, on doit

relever une évolution intéressante ; au cours du XIXème

siècle et ceci, de

Smith à Marx, la pression était plutôt que le monde du travail opposait les

employeurs et les travailleurs, les propriétaires des moyens de production

et ceux qui n’étaient propriétaires que de leur travail étaient, la classe

ouvrière et la classe bourgeoise. Premièrement, on définit qui sont les

concepteurs ; les étudiants et à qui on va demander de venir dans

l’entreprise, pour devenir le bras droit de l’économie. Les concepteurs ne

sont pas forcément propriétaires des moyens de production. Ils sont eux

aussi soumis au pouvoir de ceux qui les emploient. Mais ils sont là pour

effectuer une tâche très importante, consistant à concevoir la division du

travail à partir d’outils mathématiques, à partir du découpage de toutes les

activités de travail et à partir de leur quantification. Qu’est ce qui est

important. Ce qui est important, c’est que les concepteurs n’ont pas le

pouvoir économique, ils n’ont pas la légitimité du pouvoir économique, ils

ne sont propriétaires de rien, mais ils ont la légitimité de la science. Ils ont

la légitimité du savoir scientifique. Ce sont les ingénieurs de production,

qui dans l’entreprise vont être les garants, les porteurs, d’une expertise

incontestable, d’une expertise qu’ils sont les seuls à détenir. L’expertise de

la conception du travail. Diviser le travail entre concepteur et exécutant,

c’est faire apparaitre une séparation entre un groupe d’individu qui se

définit par la légitimité du savoir scientifique et les autres. Cette légitimité

dont le positivisme a cru pouvoir dire qu’elle était incontestable, dont les

ingénieurs, les concepteurs, sont les seuls à détenir. Ce qui définit ces

ingénieurs, c’est leur formation universitaire, leur maitrise, devant laquelle

les exécutants semblent tout à fait privés. Devant laquelle les exécutants

semblent sans opposition possible. Pour l’essentiel, il y a un discours qui

définit une classe ouvrière qui n’a pas les moyens d’accéder à un savoir

scientifique, ce discours semble indéniable. Les exécutants sont

caractérisés par leur travail qui consiste d’abord à travers l’idée qu’il y a

tout à faire et rien à dire, à exécuter des ordres donnés par d’autres. Des

ordres qui paraissent indiscutables. Bien-sûr, la classe ouvrière ne va pas se

réduire à la définition du travail d’exécution, et elle va rester dans des

rapports d’affrontement avec des élites, il n’empêche que cette idée de

travail d’exécution va permettre de définir une grande partie de ce qu’est le

travail ; un travail perçu et rémunéré comme un simple travail d’exécution.

La contradiction principale du capitalisme industriel devient désormais non

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 18

seulement l’accès aux richesses, mais aussi l’accès à la décision. Il devient

impossible que les moins qualifiés aient accès aux décisions qui définissent

la réalité du travail. C’est là que se cristallisent l’essentiel des tensions du

capitalisme et pas seulement dans la question de l’accès aux richesses. En

fait les deux sont étroitement liées, même si les deux ne se recouvrent pas.

b. Il y a une profonde cohérence dans la manière dont Taylor va chercher

dans le positivisme des arguments pour pousser la division du travail

jusqu’à son terme. Il y a une cohérence entre tout cela et le fait de donner le

pouvoir dans l’entreprise plus seulement aux patrons, aux employeurs,

mais aux concepteurs, à ceux qui ont le monopole de la décision, de la

définition de la division du travail. Cette division sera d’autant plus

acceptée si elle recourt au langage scientifique et dont il pense que les

concepteurs sont les seuls garants. Pour comprendre la manière, dont le

mangement est né et s’est développé par la suite, il faut comprendre

l’ensemble de cette trajectoire, il faut comprendre la critique que le

management a fait de cette critique.

La fiche I se termine par trois critiques. Parmi ces critiques macro-sociales, arrêtons-

nous sur la critique de Marx. Deux remarques :

1. Alors même que le XXème

siècle a offert un dévoiement historique, systémique du

marxisme, il est important de comprendre ce qui, dans la philosophie marxienne,

garde une actualité élémentaire.

2. Dans la critique marxienne, il y a des catégories importantes qu’il faut toujours

avoir en tête, qu’il faut toujours séparer d’une quantité de stéréotypes, auxquels il

faut faire attention.

Trois types de critiques :

1. La première critique de Marx adresse à l’utilitarisme en général, c’est la critique

consistant à dire que l’utilitarisme est la seule voie vers le bonheur et que le

bonheur s’acquiert par le marché, parce que l’économie de marché produit un

équilibre, une situation harmonieuse. Montesquieu parlait du doux commerce ;

d’un commerce qui adoucit les mœurs. Marx rappelle que l’utilitarisme radical fait

de l’égoïsme une norme, un mode de comportement, parce que la rationalité

individuelle, qui est à l’origine de la pensée utilitariste doit désormais s’appliquer à

des ressource rares qu’il s’agit de capter à travers le concept de la propriété privée

conduit à mettre des individus en concurrence en opposition constante les uns avec

les autres ; en partie par l’idée que ce qui est à moi n’est pas à toi et

réciproquement. Il est donc probable qu’à travers un idéal marxien de l’harmonie,

il y ait un idéal de tous contre tous. En faisant de chaque individu le siège de la

raison calculatrice, on bascule vers une société où tous rentrent en concurrence, en

opposition avec tous. Cette critique est d’ordre politique. Elle fait de la lutte

généralisée l’objet de la lutte principale de l’économie de marché capitalisée.

Derrière l’harmonie se cache une lutte de tous contre tous.

2. Deuxième critique, plus fondamentale, qui puise nos racines, c’est le terme de

l’aliénation. Ce mot signifie par le travail, soumis au capitalisme, l’homme est

devenu un étranger dans sa propre maison. Il est devenu, d’après Marx, une

conscience étrangère à elle-même. Marx s’appuie ici sur une anthropologie qui

considère que c’est par le travail humain que l’homme s’humanise, que l’homme

se découvre producteur de son histoire, de sa vie. Dans ce cadre là, le fait d’avoir

fait du travail une pure catégorie comptable à compter, à contrôler. Le fait d’avoir

arraché le travail de l’identité du travailleur et d’en avoir fait une catégorie

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 19

abstraite est le signe de cette aliénation. Matthieu à très fort insisté là-dessus :

Dans cet arrachement ; l’entreprise capitaliste a, en effet, divisé le travail tant

et si bien que ce qui reste aux travailleurs, ce ne sont que des miettes, c’est en

effet un travail parcellisé, découpé, vidé de tout sens. C’est parce qu’il y a eu

cet arrachement du travail et à travers cela division extrême du travail, qu’il

y a aliénation. Il ne reste aux travailleurs non pas un travail, mais des miettes.

3. Troisième critique, c’est le concept d’exploitation, l’exploitation décrit une réalité

économique, cette fois Marx va s’attaquer au postulat qui est à l’origine de

l’utilitarisme, celui de l’égalisation progressive des richesses. Ni Taylor, ni Smith

n’avaient développé l’idée que tout le monde serait à égalité. Dans l’utilitarisme,

tout le monde y gagne, en proportion de ses besoins. Ce que montre Marx, c’est

que cet horizon là est impossible. L’exploitation désigne une réalité où les

travailleurs ne sont jamais rémunérés à la hauteur de la contribution effective. Car

cette non-rétribution est une condition du profit. C’est dans cette non-rétribution

que s’organise la création du profit. C’est une idéologie de croire que tout le

monde va y gagner en proportion de ses besoins. Ce travail donné en plus, qui

n’est pas rétribué, est la preuve qu’il y a de la richesse, du profit dans le système

capitaliste.

On a donc ici la lutte, l’aliénation et la rétribution. Notions : Politique, philosophique

et économique respectivement.

Septième cours : (Mardi, 28/10/2008)

Remarque du paradigme utilitaire ; on s’est arrêté sur deux moments ; Adam Smith et

Taylor, car ces deux moments sont nécessaires dans l’Histoire de ce paradigme. Compte tenu

de ce qu’on a dit au début du cours, l’articulation formelle (coût-bénéfice) et une rationalité

substantielle, qui renvoie aux relations, au sens du travail a pour principe de discréditer une

rationalité substantielle. Chez Smith cette question ne se pose pas. Chez Taylor elle se pose

comme un frein qu’il faut pouvoir surmonter par la division du travail. Ce paradigme marque

la manière dont s’est constituée en occident une Théorie des Organisations. Historiquement, à

l’origine, l’organisation est conçue uniquement à travers une rationalité formelle et à travers

le discrédit qui a pris des formes différentes dont a fait l’objet l’idée de rationalité

substantielle. Bien évidemment, ce paradigme a fait l’objet de nombreuses critiques

(notamment la critique marxiste). Parmi les critiques faites, cette critique fut la plus

importante. Les principales dimensions et les limites ont été évoquées dans la fiche.

Rappelons deux de ces limites ;

1. Il n’y a pas, chez Marx, de Théorie des Organisations au sens strict. Il n’y a pas

d’analyse des difficultés qui traversent une organisation.

2. Il n’a pas en tête d’organisations non-capitalistes. La critique des organisations est

donc une critique du capitalisme. Le paradigme utilitaire suppose, chez Marx une

relation entre le concept d’organisation et le concept de capitalisme.

Il y a d’autres critiques possibles ;

1. La critique fonctionnaliste : le taylorisme est sous-optimal, sous-efficace (critique

fortement étayée par l’objet économique). Poussée à l’extrême, on peut dire que le

taylorisme dysfonctionnerait.

2. La critique structuraliste : la critique qui est faite au taylorisme n’est pas seulement

la critique de son système de pensée, comme chez Marx. Ce n’est pas seulement

un problème fonctionnel. Ce qui est mis en lumière par Taylor, c’est que derrière

le pari utilitariste, Taylor disait aux ouvriers que face au travail dans l’entreprise,

ils peuvent se taire, parce qu’en gros, ils en retireront plus de bien-être.

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 20

La critique fonctionnelle et la critique structuraliste n’ont pas de rapport direct avec la

critique de Marx. Car elles viennent de la nature même des organisations. Ce sont elle qui

nous permettent de faire le lien avec la fiche II, avec le prochain thème : le paradigme

structurel.

II. PARADIGME STRUCTUREL

Ce paradigme contient en vérité deux branches ; d’abord celle fonctionnaliste (voir la

critique ci-dessus).

Ensuite, la branche structuraliste va mettre en lumière le type d’assujettissement qui

est à la fois organisé et dissimulé par les organisations modernes. On a donc en réalité deux

visée radicalement différentes. La première visée est fonctionnaliste, c'est-à-dire dans laquelle

ce qui est recherché c’est amélioration de l’environnement de l’organisation, dans la seconde,

c’est l’amélioration de l’organisation dans son environnement. La critique de structures ou des

formes de domination, afin de permettre aux dominés d’en prendre conscience (de leur

domination).

Par rapport à la visée utilitariste, investir les organisations humaines, pour que tout le

monde puisse en tirer un profit, n’est pas possible. Condition : pas d’organisation qui ne soit

capable d’assurer ses fonctions avec un minimum d’efficacité. L’organisation est donc bien au

centre de l’enjeu que constitue l’économie moderne, sous son versant marchand en particulier.

Il y a dans les organisations des enjeux qui ne peuvent pas être laissés simplement à une

conception utilitaire car il y a là une conception qui touche à ce qu’est l’humain à ce qu’est la

dignité humaine et qui touche à la question des rapports de pouvoir, des rapports de

domination, ou à une certaine forme des rapports d’autonomie.

La fiche II commence par le fait qu’on ne peut pas réduire l’organisation à la

rationalité primaire et qu’il y a quelque chose de substantiel que l’on doit pouvoir analyser.

C’est le paradoxe des organisations ; elles doivent répondre à une certaine efficacité. Mais

elles doivent répondre à une contrainte d’utilité, en sortant du prisme de l’utilitarisme et en

devant investir dans le domaine très large de la rationalité substantielle.

Sainsaulieu : Nous n’apprenons pas à devenir irrationnels, nous entrons dans une

autre lecture de la rationalité.

Faut-il considérer ces problèmes humains comme l’objet d’une nouvelle quête de la

rationalité explicitement centré sur ce que l’organisation taylorienne avait laissé de côté à

savoir les relations entre les individus. Entrer dans cette nouvelle quête porte un nom :

structure. La notion de structure va décrire une manière d’aborder les relations humaines,

c'est-à-dire d’échapper au prisme des relations utilitaires tout en considérant qu’il y a là une

nouvelle quête de rationalité, tout en considérant qu’il y a là quelque chose de cohérent, mais

qui ne se réduit pas à ce qu’Adam Smith ou Frederick Winslow Taylor voulait en faire.

C’est cela que veut dire la notion de structure.

Comme décrire cette notion ? En quelques mots ;

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 21

1. La première intuition, assez simple, c’est qu’une organisation ne peut être faite

de séparations ou de morcellements, il doit être aussi possible de parler de ce qui

regroupe, rassemble, attrait à la dimension collective. La structure ou l’idée de

structure a d’abord trait à l’importance que l’on veut donner à ce qui a une

dimension collective. Il est tout à fait absurde de vouloir parler de structure en

voulant parler de comportements individuels. La structure a d’abord trait à ce qui

est collectif.

2. Une structure n’apparait jamais entièrement visible (elle n’apparait jamais

explicitement). La structure désigne quelque chose qui est en partie invisible, qui

n’est pas accessible, quelque chose de caché derrière des manifestations concrètes.

En d’autres termes, cela revient à dire que dans la vie sociale, il y a une part qui est

immédiatement visible à l’œil nu, mais aussi quelque chose, des structures, qui

tout en étant très présentes ne sont pas directement accessibles. En soi, ce n’est pas

surprenant ; une famille, une structure familiale, n’existe pas en dehors des

individus qui la composent. Sans parler d’organisation, on peut considérer que

dans la vie politique, il y a des événements structurels qui dépassent la compétence

ou la volonté des responsables politiques. Le fait par exemple que depuis deux

siècles, ce qui semble une composante structurelle de la vie politique, c’est qu’on

parle d’état-nation ; on ne conçoit pas un état plurinational. De même on considère

que la vie politique repose sur le fait que l’appareil d’état revient principalement

aux représentants, et que cela ne revient pas à la société civile. Les mouvements

sociaux, les différentes composantes de la société n’ont pas au sens strict à exercer

une certaine responsabilité politique.

3. On voit bien que les rôles sont distribués à priori et que nous, le peuple,

fonctionnons à travers une certaine structuration de cet espace public. Il y a donc

quelque chose d’invisible, mais à travers laquelle nous pré-structurons les choix.

Cette chose indique l’idée que les acteurs sociaux ne maitrisent que de façon

limitée leur choix. Ce quelque chose, c’est ce qu’évoque la notion de structure.

4. En même temps ce quelque chose, ce n’est pas la folie des hommes, ce n’est pas

l’absurde, c’est une cohérence cachée ; quelque chose de cohérent, quelque chose

de logique, quelque chose donc d’assez rationnel, mais qui n’est pas la rationalité

au sens utilitariste, mais qui est une disposition collective à agir. Une manière

d’agir en quelque sorte prédéterminée. De même que dans une famille, les rôles

sont prédéterminés. Nous ne choisissons pas d’être issus d’un milieu structurel,

avec ses normes. Nous ne choisissons pas le pays dans lequel nous sommes nés.

Nous ne maitrisons pas entièrement les rencontres que nous allons faire dans notre

existence. Et pourtant, il y a là quelque chose qui doit pouvoir s’appréhender de

manière assez cohérente, comme des structures sociales, comme des structures

organisationnelles.

5. Si l’on veut donner une définition exhaustive de cette idée de structure, il faut

radicalement tourner la page de l’utilitarisme et de son individualisme, que celui-ci

prenne la forme d’un individualisme bienveillant chez Adam Smith ou que cela

prenne la forme d’un égoïsme assumé chez Taylor, dans un utilitarisme radical. Il

faut définitivement tourner cette page là, car ce que la notion de structure désigne,

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 22

c’est la logique d’ensemble ; l’idée qu’il y a une logique à l’œuvre dans une

totalité sociale, dans un ensemble qui ne se réduit jamais à la somme de ses

composantes, à la somme de ses parties. Ce qu’il va falloir regarder, ce n’est pas

d’abord les comportements de chaque membre de la famille, c’est la logique

d’ensemble de la famille ou de la fratrie ; c’est la logique qui a prédéterminé nos

choix et qui a trait à une logique d’ensemble. Dans ce paradigme, l’idée de totalité,

c’est bien l’idée qu’il y a quelque chose comme une totalité sociale et sur lequel

nous devons faire porter notre réflexion. L’idée de structure fait que, même si elle

s’exprime dans des comportements particuliers, elle ne se réduit pas à ces

comportements particuliers. C’est cela qui, pour le paradigme auquel nous prenons

part, est la propriété principale de la dimension substantielle des organisations, de

l’action humaine. Une organisation ne pourra améliorer son fonctionnement sans

faire évoluer ses structures. Les structures sont donc un levier pour faire évoluer

ses organisations. C’est la première voie sur laquelle nous envoi le paradigme

structurelle.

La vision de Mintzberg ;

Comment caractériser sa visée fonctionnaliste ? Il faut savoir que, chez tous les

fonctionnalistes, on assiste à une rupture assez forte par rapport à la visée utilitariste. Cette

rupture tient au fait que l’auteur fait une rupture entre sa vision et son environnement.

Premier constat ; cette environnement est d’abord multiple, divers, pluriel. Il ne s’agit

pas seulement d’environnement économique ou marchand. Il doit pouvoir s’adapter à tout

type d’environnement.

Deuxième caractéristique, cet environnement est considéré comme un environnement

exogène. On doit s’y adapter, on doit s’y soumettre. Pour les fonctionnalistes,

l’environnement échappe à la maitrise de l’organisation. C’est une donnée exogène qui

s’impose à toute organisation, quelle qu’elle soit. Du même coup, ces auteurs développent une

lecture très déterministe de l’environnement ; C'est-à-dire une lecture sur laquelle il n’est plus

possible d’émettre une idée normative sur l’environnement. La richesse peut et doit être

considérée comme une valeur, comme un horizon désirable. Plus largement, les utilitaristes

défendent l’idée qu’il n’est pas possible de construire un certain idéal de vie réalisé ou de vie

bonne, sans s’intéresser aux conditions matérielles d’existence, sans faire de ces conditions

matérielles une préoccupation centrale. C’est sans doute la part la moins naïve de

l’utilitarisme. Dans le paradigme utilitariste, il y a une visée normative de ce que doit être la

visée du bien-être de soi. Les fonctionnalistes s’en foutent, ce n’est plus la seule

préoccupation. Leur préoccupation, c’est comment une organisation peut s’insérer dans un

environnement. Il y a, là derrière, un modèle général mobilisé, qui sert de modèle d’analyse

de la société, c’est le modèle de l’adaptation biologique. Ils considèrent les organisations

comme des cellules qui doivent s’adapter aux contraintes environnementalistes. L’adaptation

à une situation exogène devient donc le mot d’ordre qui va nous préoccuper désormais. A-t-on

pour autant à faire à une vision réductrice de l’organisation ? Non. Car les fonctionnalistes

vont consolider l’intérieur de l’organisation. Le message clé de Mintzberg, c’est qu’une

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 23

organisation quelle qu’elle soit ne pourra s’adapter à son environnement que si elle a

conscience des structures qui sont les siennes et qu’elle se met en demeure de les faire

évoluer. Le changement doit viser un surcroit d’adaptation, et ceci n’est possible que dans la

mesure où les organisations font évoluer les structures, leurs structures.

Mintzberg va préciser cette notion en disant qu’elle se décline entre deux notions ;

celle de pouvoir et celle de coordination. On peut caractériser les structures

organisationnelles à travers un certain type d’articulation entre du pouvoir et de la

coordination. La notion de structure, c’est un mode de répartition entre pouvoir et

coordination.

Huitième cours : (Mardi, 04/11/2008)

(« Nous sommes sans doute à la veille d’un moment historique »).

Nous sommes toujours dans le paradigme structurel :

Nous avons vu ce qu’était la notion de structure, nous n’y revenons plus. Sur cette

base, le paradigme structurel se scinde en deux parties, décrites autour de deux principales

figures intellectuelles ;

1. Lecture fonctionnaliste des structures ; incarnée par le théoricien canadien ;

Henry Mintzberg. Selon l’idée que les organisations ne se réduisent jamais au

simple calcul d’utilité, mais qu’elles peuvent êtres décrites par la notion de

structure

2. La critique structuraliste ; le structuralisme, en particulier lorsqu’il s’applique aux

organisations, défend une lecture critique. Ce qui est en jeu, c’est la prise de

conscience de la réalité structurelle de l’organisation, comme un ensemble de

pratiques ou de processus de domination. Analyser une organisation, c’est rendre

compte de ces processus de domination qui répondent à des critères nouveaux.

Rappel : Dans le paradigme utilitariste, l’organisation est perçue uniquement à travers

le filtre d’organisation du travail ; principe de division (qui va de paire avec les fonctions de

standardisation, de déqualification, mais aussi avec la coupure entre les concepteurs et les

exécutants). La vision taylorienne consistait à dire qu’au delà des employeurs, les concepteurs

sont les seuls acteurs légitimes ; eux-seuls savent. Et ils savent parce que leur savoir vient de

la science, avec laquelle ce qui repose sur un savoir mathématique a valeur de vérité. La

vision de Taylor a pour conséquence de défendre une conception idéologique de

l’organisation, dans laquelle celle-ci se résume à un processus de division des activités, jamais

à un processus de regroupements des activités séparées ; Et par ailleurs, il n’y aurait qu’un

seul type d’acteur légitime pour organiser le travail ; les concepteurs. D’une certaine manière,

seuls les concepteurs, par leur savoir, par leur science de la division du travail sont à même de

produire une dynamique collective. À priori, c’est un non-sens, mais pour Taylor, cet acte de

division est l’acte même par lequel les organisations peuvent réfléchir à leur travail.

Le contenu de la lecture fonctionnaliste de ces structures :

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Il faut d’emblée préciser certaines choses :

La première chose que Mintzberg a en tête, c’est de rompre avec la conception

utilitariste qui voudrait qu’une organisation soit, non seulement répartie en fonction de

l’utilité, mais en plus doive répondre à des critères économiques. Il ne doit pas s’agir

uniquement des organisations économiques, mais aussi et surtout des partis politiques, des

ONG, des églises, des syndicats, etc. Il lui faut donc défendre une théorie pour laquelle une

organisation soit en mesure de s’adapter à son environnement, quel qu’il soit. Mintzberg

défend deux choses :

a. Une conception adaptative de l’organisation ; il s’agit d’un ensemble, qui

doit s’adapter à l’environnement qui est le sien

b. Une conception fonctionnelle ; tout ce qui participe à l’organisation a une

fonction.

L’organisation est dans un environnement qui est une sorte de bain naturel auquel elle

doit s’adapter, et en même temps, elle n’a que peu d’influence sur cet environnement.

L’environnement est exogène, c'est-à-dire ; il s’impose à l’organisation de l’extérieur.

L’organisation n’a pas les moyens de contrôler la réalité de cet environnement. A partir de là,

Mintzberg va défendre une conception structurelle de l’organisation ; c'est-à-dire que pour

s’adapter, pour assurer ses fonctions, l’organisation doit se rendre compte qu’elle n’est pas

seulement le produit d’individuels, mais qu’elle est un ensemble structuré qui doit s’adapter.

Rappelons qu’il y a une totalité sociale qui est plus importante que ses parties. C’est au niveau

des structures que se met en place la capacité des organisations à s’adapter.

Pouvoir d’autorité Pouvoir d’influence

= coordination

→ Division du travail

Mintzberg commence par dire que ces structures ont un contenu politique, elles se

définissent à partir de l’exercice du pouvoir. Ces structures sont d’abord des

structures politiques. Elles se définissent comme un certain mode d’expression du

pouvoir ; mais la question est : à quel pouvoir a-t-on à faire ? Ici, Mintzberg

apporte une certaine théorisation en supposant qu’il y a en fait deux logiques de

pouvoir ;

i. Une première logique, liée à la division du travail. En simple, ceux qui

sont en haut de la ligne hiérarchique ont du pouvoir, ceux qui sont en

bas n’en ont pas. Ce pouvoir est principalement lié à la division du

travail, à une hiérarchie. On peut encore le qualifier de pouvoir formel.

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 25

ii. Mais il y a une autre logique de pouvoir ; un pouvoir d’influence ; un

pouvoir qui va influencer un pouvoir d’autorité. D’où vient-il ? Il vient

de la maîtrise de différents principes, de différentes ressources de

coordination. Il vient de la faculté à maitriser des principes ou des

ressources de coordination. Contre la logique taylorienne, Mintzberg

considère que l’organisation ne se réduit pas à cette logique de division,

elle possède une faculté à se coordonner. Ceux qui, dans l’organisation

maîtrisent cette logique, ceux qui en définissent le contenu, en

contrôlent l’exercice, ceux-là ont du pouvoir. Puisqu’une organisation,

ce n’est pas seulement savoir diviser, c’est aussi savoir créer du pouvoir

collectif.

Pour que l’organisation s’adapte, elle doit prendre conscience des structures qui

sont les siennes. Il y a deux modes de pouvoir ; une combinaison entre le pouvoir

d’autorité et le pouvoir d’influence. Mieux on maîtrise cette combinaison, mieux

on est en mesure d’adapter l’organisation dans sa composante structurelle à un

environnement, quel qu’il soit. Il faut donc comprendre ces structures de pouvoir,

et comment s’organisent les liens entre structures d’influence et structures de

pouvoir. Mais nous avons besoin de connaître les différents types de structures. On

peut construire une typologie des principales structures, c'est-à-dire les principales

manières de structurer le pouvoir et la coordination. Alors que Mintzberg parlait

de structures, il va aussi parler de configuration organisationnelle, car celle-ci est

plus ouverte à la polymorphie des différents types d’organisation. Les principales

structures ou configurations sont au nombre de 6. En fait, Mintzberg en a décrit 5

principales. Ce qui va sous-tendre la vision de Mintzberg, c’est que non-

seulement il faut bien sûr se coordonner, mais les lieux de cette coordination sont

multiples. D’une part, parce qu’il faut se coordonner. Mais aussi parce qu’à partir

d’un moment, où on accepte l’importance de la coordination, il faut reconnaitre

que les lieux de coordination sont divers et qu’ils ne sont pas sous le contrôle d’un

seul acteur. Pour faire bref ; il y a trois lieux, trois mécanismes de coordination

principaux. Décrivons ces mécanismes. D’abord, le premier niveau élémentaire de

coordination, ce sont les relations interpersonnelles. Y compris au niveau des

exécutants, puisqu’ils doivent coordonner par eux-mêmes leurs relations. On entre

donc de plein pied dans une configuration substantielle de la rationalité. Il y a un

deuxième niveau, qui est celui du contrôle hiérarchique, le chef, celui qui ne

contrôle pas, mais celui qui donne des ordres. À tous les niveaux, là où il y a des

responsabilités d’équipe qui supposent une supervision. Ce faisant, Mintzberg

subvertit les notions de contrôle hiérarchique. Ce qu’il dit, c’est que le

management, dans la modélisation qu’il propose se construit essentiellement

autour de sa capacité à superviser, c'est-à-dire à définir des règles de coordination.

Mais il n’est pas pour lui une affaire de contrôle immédiat, mais il n’est pas non

plus purement une affaire de personnalité ou de leadership, mais c’est un acte

social qui s’inscrit dans une pluralité de sources, pour lequel il est nécessaire de

définir un niveau spécifique de subordination.

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Mintzberg définit cette standardisation ; nous avons besoin de managers.

1. La standardisation des procédures, des règles, des résultats. C’est

globalement la standardisation taylorienne. Elle est nécessaire dans la

mesure où elle définit le minimum qui est impossible d’ignorer (pour

Mintzberg). Mais cette standardisation doit être complétée par deux autres

modes de standardisation des activités humaines.

2. La standardisation des qualifications, des compétences. Contrairement à

la volonté de Taylor qui voulait briser des logiques de métier ; au

contraire, il y a dans les logiques de métier une forme substantielle de

standardisation. Dans des métiers divers, de fait, on favorise l’ajustement,

l’organisation collective, sur la base de ces qualifications, de ces

connaissances partagées. Et c’est bien parce qu’elles existent, qu’il peut y

a voir de la coordination, c'est-à-dire des règles de fonctionnement

collectives. Il s’agit bien de règles de cohérence de métier. Elles

permettent à des individus de travailler ensemble, de manière coordonnée.

C'est-à-dire sans avoir besoin de redéfinir constamment les logiques de

métier.

3. La standardisation par la culture, ou standardisation des modèles

culturels. D’une certaine manière, Mintzberg s’intéresse à une dimension,

une réalité que Taylor ignorait délibérément. Mintzberg considère que la

culture est un modèle en soit, non réductible à un calcul d’utilité. Qu’est-ce

que la culture ? C’est un ensemble de valeurs, de rites, de symboles,

qui répondent à une logique propre, qui permettent de construire des

identités sociales et par ce biais, donnent sens aux activités humaines.

Cette réalité doit être prise en compte car elle permet de répondre aux défis

de la division du travail. C'est-à-dire de produire un certain sens collectif là

ou la division du travail ne faisait que morceler, fragmenter, diviser. Ce

sens collectif, c’est donc cet ensemble de valeurs. Pourtant Mintzberg

nous parlait d’une standardisation de la culture comme un levier de

l’organisation. Mais quand il dit ça, de quelle culture parle-t-il ? Sur ce

point, sa définition est très ambigüe. Certes, il s’intéresse à la notion de

culture et il s’y intéresse pour elle-même ; il y a une réalité culturelle, et

non pour ce que les utilitaristes voulaient en faire. Mais la culture à

laquelle il fait allusion est une culture très limitée ; il s’agit en fait de la

culture des élites dirigeantes de l’organisation, c'est-à-dire de la manière

dont les élites dirigeantes, pour produire un sens collectif, imposent une

certaine culture, une certaine standardisation culturelle. La culture à

laquelle Mintzberg fait donc appel, c’est donc la culture des élites

dirigeantes, c'est-à-dire l’image culturelle que ces élites produisent sur

l’organisation elle-même. Il ne s’agit pas de l’ensemble des cultures qui

composent l’organisation. Il s’agit d’une culture d’un ensemble limité de

normes culturelles. Car, dit-il, ce niveau est nécessaire et est devenu de

plus en plus important, dans des organisations mondialisées ou

internationalisées, dans des organisations qui doivent gérer des parcours

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 27

individuels de plus en plus diversifiés, précarisés aussi et dans lesquels

l’appel à un ensemble de valeurs collectives semble une nécessité.

a. Mintzberg fait appel à notre lucidité, il demande que la culture

dominante soit explicitée, soit devenue visible.

b. Et puis, deuxième raison, cette conception unilatérale va de

paire avec la volonté d’en faire un support de standardisation, il

faut l’organiser rationnellement (la culture), la redessiner en

fonction de la réalité économique de l’entreprise, ou de

l’organisation. Il faut permettre que chacun y retrouve quelque

chose de son activité, sans pour autant prétendre représenter

l’ensemble des cultures ; Donc il y a une cohérence dans sa

représentation des cultures ; la culture d’une élite mais une élite

qui a pour mérite de représenter son image, en vue de

standardiser son image, d’en faire un outil très fonctionnel et

non pas d’en faire une pure création.

La culture est un levier de coordination, qui permet à tous de

surmonter la division de travail, mais cette idée de culture est loin

d’être une idée en l’air. La culture, c’est un ensemble vaste fait

d’acteurs et d’un environnement.

Les 5 structures de Mintzberg :

1. La configuration taylorienne ; complétée par la standardisation des procédés. La

configuration bureaucratique, est une configuration qui allie une très forte

coordination du travail avec une procédure.

2. La configuration entrepreneuriale ; Il y a généralement peu de niveau hiérarchique.

En revanche, la coordination par la vision hiérarchique va jouer un rôle considérable.

La figure type est celle de l’entreprise naissante, qui est souvent une organisation

marchande, qui peut être une jeune ASBL et pourquoi pas un kot à projet. L’accent est

mis sur celui qui coordonne l’entreprise.

3. La configuration professionnelle.

4. La configuration missionnaire.

5. La configuration adhocratique est une organisation par projet ; elle superpose à la

division du travail classique une nouvelle division du travail qui est celle du projet, un

projet d’investissement, un projet marketing, un projet de réforme d’organisation.

C’est d’ailleurs l’organisation qui coordonne la vie étudiante, en pratique. Cette

organisation vient télescoper l’organisation du travail. Elle met l’accent sur la

supervision, qui est celle assurée par le chef de projet. Parfois l’expérience du projet,

et donc la configuration adhocratique, peut être une formidable expérience culturelle.

6. L’organisation flexible, c’est une organisation qui traduit une double radicalisation à

la fois radicalisation de l’organisation taylorienne, notamment entre la division du

travail entre les stables et les précaires. Et en même temps, c’est une organisation à

laquelle on demande toujours une adaptation formelle ; ad-hoc, c'est-à-dire au cas par

cas, par des organisations informelles multiples.

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 28

Neuvième cours : (Mardi, 17/11/2008)

Rappel : Nous sommes dans le paradigme structurel. La notion clé est celle de

structure. Mintzberg développe sur ce point une vision fonctionnaliste. Premier

enseignement : Une organisation, quelle qu’elle soit, doit s’adapter à son environnement

en faisant évoluer ses structures. Deuxième enseignement : ces structures sont des

structures de pouvoir. Le pouvoir est au cœur de l’analyse qu’il développe sur les

organisations. Plus précisément, on dira que les structures reposent sur l’articulation

entre pouvoir d’autorité et pouvoir d’influence. Ou encore entre le pouvoir qui résulte

d’une position hiérarchique et le pouvoir qui résulte de ce qu’il appelle la maitrise, ou le

contrôle, des sources de coordination.

Il y a plusieurs sources de coordination, nous n’y revenons pas. Mais ce qui va

intéresser Mintzberg, c’est ce qu’il va appeler une typologie ; une description savante des

différentes structures d’organisation. Ces structures, il les appelle des configurations. Ces

configurations, ces structures organisationnelles, Mintzberg en propose une liste. Résumons

les ici :

1. L’organisation taylorienne ; en bon fonctionnaliste, Mintzberg ne cherche pas à

se débarrasser définitivement du taylorisme ou de la démocratie. Il considère en

réalité qu’il y a là un mode d’organisation particulier, parmi d’autres. Bien-sûr, la

prétention du taylorisme à constituer le seul modèle d’organisation, a vouloir se

débarrasser de toutes les dimensions substantielles de l’organisation, tous ces

éléments, Mintzberg les réfute. Mais il est très fonctionnel et il a conscience du

fait que dans certains cas, notamment dans les marchés stables, une certaine dose

du taylorisme peut être une source pertinente d’efficacité. Chez Mintzberg,

d’ailleurs, l’organisation taylorienne n’est pas juste la division du travail, c’est une

division très marquée, très pyramidale, complétée par un mode ou une source de

coordination particulière qu’il appelle la standardisation des procédures, ou des

résultats. Bien-sûr, la force de son analyse est là. Mais il a conscience qu’il y a

d’autres structures organisationnelle.

2. L’organisation entrepreneuriale, celle qui est tout entière autour de la fonction

de l’entrepreneur. Dans ce cas là, nous sommes dans une situation pratiquement

inverse ; la division du travail est faiblement marquée et il y a deux sources de

coordination qui dominent, qui sont prépondérante. La coordination par

supervision et puis surtout l’adhésion à un modèle culturel ; le projet de

l’entreprise.

3. L’organisation professionnelle, celle qui donne le pouvoir aux professions, plus

exactement celle dans laquelle, malgré une division du travail très marquée, la

coordination est confiée aux experts, à des pôles d’expertise, à des métiers, à des

professions. La structure universitaire est à la frontière entre une logique

taylorienne et une logique professionnelle.

4. L’organisation missionnaire ; elle révèle certaines choses que Taylor ne voulait

plus voir apparaître (qu’il voulait effacer). Avant la modernité, nous avions des

organisations (les monastères, l’armée romaine, les corporations de métiers, …),

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 29

mais ces organisations se caractérisent par le fait que toutes considèrent que la

rationalité substantielle est plus importante que la rationalité formelle. En d’autres

termes que la finalité de l’organisation est plus importante que les règles de calcul.

Avec les Lumières, on voit que tout bascule, désormais c’est la thèse de Max

Weber, désormais les organisations sont dominées par le calcul d’utilité, c'est-à-

dire par le calcul formel. La volonté de Taylor étant de le déréguler entièrement.

Weber nous rappelle que non seulement cette élimination n’a pas eu lieu, mais

qu’en plus certaines organisations se caractérisent précisément par le fait qu’elles

restent sous l’emprise d’une rationalité substantielle, c'est-à-dire sous

l’emprise d’une finalité non-utilitaire. En bon pragmatique, comme disait le

taylorisme, il y a des organisations taylorienne, mais il y en a aussi d’autres. Il ne

veut pas hiérarchiser ces organisations, il dit juste que certaines sont plus adaptées

à leur environnement que les autres. Il y a des buts de mission et des buts de

systèmes.

5. L’organisation adhocratique (« ad hoc »). C'est-à-dire une organisation qui

s’adapte à une demande très précise et pour une durée très limitée. Ici, Mintzberg

a en tête l’organisation par projet. Qu’est ce que c’est ? C’est en fait une

organisation qui vient se greffer, pour une durée limitée, sur une organisation

existante. La division du travail est plus ou moins marquée, mais ‘l'important, n’est

pas là. L’important est que sa durée de vie est limitée. Du même coup, Mintzberg

ajoute, dans l’organisation adhocratique ou par projet, on voit apparaître

différentes sources de coordination. Le rôle du chef de projet, du manager, le rôle

de certains experts, de certains métiers. L’important c’est que l’organisation vient

se greffer sur une organisation existante, mais il faut gérer la transition entre

l’organisation par projet et l’organisation existante. Et notamment gérer le fait que

le chef de projet peut avoir de l’influence sur les deux. Le retour sur une

organisation classique porte souvent des difficultés et est généralement très mal

appréhendée par « terme manquant ».

6. Mr. De Nanteuil propose une sixième organisation ; ce serait l’organisation dite

flexible. L’organisation dite flexible c’est en fait la fin de l’idée d’organisation.

L’organisation doit toujours faire cohabiter une rationalité formelle et des

dispositions collectives, or la flexibilité tue tout fonctionnement collectif, elle

radicalise les comportements individuels, elle précarise les statuts d’emplois. On

peut plutôt faire l’hypothèse que contrairement à cette thèse on a un nouveau type

d’organisation, qui se caractériserait par deux mouvements contradictoires, c’est ce

qu’on appelle une double radicalisation. Il s’agit non seulement de proposer un

travail standardisé, déqualifié, mais en plus de lui ajouter une autre division du

travail ; celle entre les stables et les instables (entre les précaires et les non-

précaires). Il s’agit bien d’assigner chacun à des tâches précises, tout en modifiant

le lien salarial, voire tout en le précarisant. Ca, c’est un premier mouvement de la

flexibilité. Étendu à la question des liens d’emplois. Mais il y a aussi une autre

face ; la flexibilité consacre également l’organisation par projet, c'est-à-dire des

petits fonctionnements collectifs, très souples dans lesquels le pouvoir du chef de

projet est important. Les frontières qui séparent les métiers sont souvent poreuses

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 30

et on assiste aussi à une forte variation collective de ces métiers. La thèse est ; on a

peut-être l’émergence d’une nouvelle organisation qui serait une variable de

l’organisation taylorienne et de l’organisation adhocratique.

On propose un livre : « Le nouvel esprit capitaliste » Luc Boltanski et E. Chiapello.

Ils disent qu’on assiste plutôt à des organisations collectionnistes, c'est-à-dire des

organisations en réseau. Le réseau serait la nouvelle figure contemporaine. Les organisations

se branchent sur des réseaux. Des réseaux qui échangent leurs pratiques, ou alors qui font des

transferts de compétences. Mais toute la question étant d’être dans les bons réseaux, dans les

réseaux professionnels, dans les bons réseaux d’experts.

On oppose les mobiles et les immobiles ; les mobiles sont ceux qui ont un capital

culturel, qui ne sont peu ou pas implantés, mais qui s’adaptent facilement, ceux qui passeront

d’un réseau à l’autre facilement. A l’opposé les immobiles ne s’arracheront pas à leur culture,

ne changeront pas de réseau.

Critiquons (par 3 critiques) la vision de Mintzberg du pouvoir ;

1. Mintzberg propose une typologie des organisations. Mais au-delà de cette typologie,

il ne dit pas comment passer d’une structure à l’autre. Il dit qu’il faut que les

organisations fassent évoluer leur structure pour s’adapter, mais il ne dit pas comment

elles doivent évoluer.

2. Mintzberg développe une division du pouvoir. Ce pouvoir d’influence renvoie à un

certain nombre d’acteurs qui ont du pouvoir (les experts, …). Mais en même temps,

dans sa vision, ces acteurs n’en sont pas vraiment, des acteurs. Pourquoi ? Parce

que, en fait, ces acteurs, ce sont surtout des positions sociales, qui sont elles-mêmes

produites par la structure, par la configuration. Les bureaucrates sont conçus par la

bureaucratie, mais qui sont-ils vraiment ces gens là ? Dans une bureaucratie il n’y a

pas que les bureaucrates, il y a aussi les autres. On voit donc que si Mintzberg a une

conception originale du pouvoir et des organisations, ces conceptions sont

extrêmement fragiles, mais ce sont en même temps des conceptions sans acteurs ; Ils

ne sont que des positions sociales influencées, déterminées par une structure. On ne

sait rien en fait des relations entre les acteurs.

3. Mintzberg exclut de son analyse l’idée que les rapports de pouvoirs sont des

rapports de domination. Pour lui, le pouvoir a simplement un rôle fonctionnel, en

plus de la ligne hiérarchique, le pouvoir d’influence se distribue en fonction des

configurations. Mais le pouvoir n’est jamais analysé, chez Mintzberg, comme un

rapport de force. Qu’est ce que la domination ? C’est une relation politique entre les

acteurs sociaux, dans laquelle une minorité exerce une contrainte, ou un ensemble de

contraintes sur une majorité. Là-dessus, Mintzberg est étonnamment neutre. Or

l’organisation, c’est bien évidemment un lieu qui est réglé par les questions d’utilité,

c’est un lieu où le fonctionnement collectif donne un certain pouvoir d’influence, mais

c’est aussi un lieu où il existe un certain nombre de contraintes, qui, pour certains, sont

subies, mais qui, du moins, sont dépassables. À partir de cette dernière question ; le

pouvoir, quelle qu’en soit la source, ne peut être séparé d’un pouvoir de domination,

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 31

c’est à partir de cette dernière critique que va s’ouvrir une autre voie, une autre

analyse des organisations. Celle qui est analysée par Michel Foucault. Comme nous

dit Foucault, quel que soit l’efficacité de l’organisation, toute organisation humaine

cristallise des rapports de pouvoirs et ces rapports de pouvoirs mettent en lumière

l’existence d’un ensemble de contraintes collectives. Ces contraintes nous façonnent,

nous limitent, sans que nous en ayons vraiment conscience. Il y a des structures

invisibles de pouvoir qui sont à l’œuvre dans toutes les organisations humaines.

L’analyse de Michel Foucault est très différente. Foucault est un grand penseur,

philosophe anthropologue, dont les principaux ouvrages sont relatés dans la fiche. Il y en a un

qui retient notre attention ; sur les prisons et l’incursion carcérale. Il est engagé dans de

nombreux mouvements de lutte pour la protection des minorités. Il consacre une partie de son

œuvre à l’analyse des malades mentaux, des fous, des homosexuels. La question de la

normalité est l’un de ses thème ; c'est-à-dire les procédures d’exclusion qui accompagnent la

modernité. L’un de ses principaux messages consiste en une critique de la modernité. Que dit-

il ? Il dit que la modernité, cette époque qui est née avec la Révolution Française et

américaine et qui voit le triomphe de la Raison, est en réalité un processus à deux faces. La

première face, c’est la face de la rationalité, du progrès, c’est cela qu’avaient en tête les

Lumières. Et ce progrès est censé concerner tous les domaines de l’existence, toutes les

sphères de la vie en société, mais pas seulement, la politique. Qu’est ce que la politique si non

que l’arbitraire du prince est limitée par le droit. C’est vrai également pour le domaine de la

science. La science a les mains libres pour découvrir le monde matériel, mais aussi le monde

de nos comportements. La science rationnelle, celle qu’on pratique à l’université est censée

avoir les mains libres. La science est une condition du progrès, elle est même la voie vers le

progrès. Bref, il y a une première face, celle qui est la face du progrès, celle qui a fondé le

projet des Lumières. Mais il y a une autre face, plus obscure, plus sombre, plus souterraine.

Celle dont personne ne parle, et qui pourtant est à l’heure, constamment. Dans l’époque

moderne, cette face, c’est la face du pouvoir, du contrôle et de la surveillance généralisée.

Que dit-il ? Il dit ceci, qui est assez simple, mais qu’il faut entendre ; les Lumières nous

avaient promis l’émancipation à l’égard du dogme, des replis corporatistes, des forces

obscures de la nature ou des corporations. En réalité, nous sommes entrés dans un monde où

nous sommes asservis, où nous sommes assujettis, par des structures de pouvoir qui mettent

en scène des dispositifs de contrôle et de surveillance généralisés. La modernité est un

processus éminemment ambigu. Le rôle de l’analyse critique, le rôle de ce qu’on appelle ici la

critique structuraliste étant de faire apparaître ces processus, ces structures qui nous

façonnent, qui nous contrôlent, pour s’en libérer effectivement et pas naïvement. C'est-à-dire,

dit Foucault, à la fois pour y résister et pour les transformer. D’emblée, la question du

pouvoir est posée comme rapport de domination invisible, qui, d’une certaine manière,

accompagne la modernité elle-même, qui se niche dans toutes nos croyances et nos

organisations modernes. Exemple type ; la prison, l’organisation carcérale. Comment est

organisée la prison ? Quelle est la vision des utilitaristes de la prison ? Et bien, puisqu’elle

doit faire face à un afflux de plus en plus important de détenus, parallèlement, elle doit utiliser

un corps de fonctionnaires experts, rémunérés, qui doivent effectuer le travail de surveillance.

Pour que tout ceci soit efficace, il faut repenser l’organisation de la prison. Comment ? Non

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 32

plus en enfermant les détenus dans des cachots immondes, mais tout au contraire, en

permettant aux surveillants de se trouver à un endroit central (une tour), et de là, pouvoir

observer tous les détenus. Maintenant, le détenu est une personne et en même temps, il faut

que cette organisation carcérale soit utile. Le panoptique, il a pour objectif de modifier

l’organisation de la prison, de sorte que les détenus connaissent des conditions moins

infamantes que leurs prédécesseurs, mais surtout pour faire en sorte que la prison soit

rationnalisée, soit plus efficace dans ses pratiques de contrôle. Il faut que les surveillants

soient des personnes de classe moyenne. La tâche du contrôle, dans la modernité est confiée à

des hommes moyens. Elle n’est plus confiée à des représentants de la puissance. L’autorité ne

s’exprime pas d’en haut, elle passe par le milieu de la société, par des hommes ordinaires, à

l’aide de ces nouvelles techniques de contrôle, à l’aide de ses nouveaux dispositifs de

contrôle. La permanence du contrôle en l’absence de la puissance, de l’autorité, pour dégager

deux grandes évolutions qui sont à la fois sociologiques et philosophiques.

Première grande évolution, c’est ce que l’on pourrait appeler un bouleversement du

rapport d’autorité. L’autorité ne s’exprime plus dans une figure personnalisée qui aurait tous

les attributs de la puissance, elle passe par des hommes moyens mais qui utilisent des

techniques des dispositifs, en l’occurrence une architecture. Foucault va parler ici de ce qu’il

appelle une microphysique du pouvoir. Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que le pouvoir se loge

dans notre manière de s’organiser les uns avec les autres. Le pouvoir devient, à ses yeux, de

plus en plus anonyme. Qui est désormais le représentant du pouvoir ? Il y a partout du

contrôle, mais un contrôle exercé par des gens ordinaires, sur des gens ordinaires. Ils sont des

moyens désincarnés. Personne n’est plus le représentant habilité, officiel du pouvoir. Au fond,

et sur ce point Foucault est très visionnaire, c’est ce qu’à voulu faire Taylor ; remplacer le

pouvoir des concepteurs. Le pouvoir anonyme.

Deuxième caractéristique, tout aussi importante ; une modification du rapport au

corps, et plus largement, ce qu’on peut avec Foucault appeler un renversement des relations

entre le visible et l’invisible. Qu’est ce que ça veut dire ? Dans l’ancien régime, le pouvoir se

voit. Le monarque est celui qui s’affirme dans la visibilité absolue. Et lorsqu’il sanctionne, on

met en scène, on rend visible la puissance du souverain. L’empereur de Rome était celui que

l’on voyait, celui qui se voyait, alors que les sujets, ceux sur qui pesait sa puissance étaient au

contraire ceux que l’on ne voyait pas. La puissance est la puissance du visible,

l’impuissance est invisible. Dans la modernité, dit Foucault, c’est ce rapport là qui se

renverse complètement. Celui qui contrôle le surveillant de prison, il n’a plus l’apparat de la

puissance et il n’a surement pas intérêt à être vu. Il a des outils, des techniques qui permettent

de tout voir, sa présence charnelle, son identité même, peu importe. Il contrôle, mais dans une

forme de croissance de lui-même, dans une forme d’invisibilité. Il est derrière des écrans. La

personne physique et charnelle qu’il est, on ne la connait pas, et d’ailleurs, cette présence

n’est plus nécessaire. Les ouvriers sur une chaîne de production, il faut les voir en

permanence, il faut faire en sorte qu’ils soient vus tout le temps. L’ouvrier, il faut le voir, pas

pour le libérer, mais pour le contrôler. Le visible permet l’exercice du contrôle de la

modernité. Pour que rien n’échappe à l’exercice du contrôle de la surveillance. A ses yeux, les

organisations au sens large, dont l’entreprise, sont d’abord des lieux qui révèlent ce double

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 33

renversement. Un pouvoir anonyme, et qui pour contrôler, à besoin de rendre visible ce qu’il

contrôle. Les organisations sont d’abord des lieux où prend racine la critique du pouvoir.

Dixième cours : (Mardi, 25/11/2008)

→ Questions-réponses sur le travail.

Onzième cours : (Mardi, 02/12/2008)

Reprenons : Le cours s’est construit autour de l’idée que historiquement, les

organisations se construisaient autour d’un seul type de rationalité ; la rationalité

fonctionnelle, telle qu’elle était conçue par le paradigme utilitariste. Ce paradigme a fait

apparaitre deux orientations nettement différentes ; une orientation fonctionnelle et une

orientation critique. Une orientation fonctionnelle avec Mintzberg qui consistait à montrer

que la dimension substantielle de la rationalité pouvait être mise à jour à travers des structures

organisationnelles. Cette mise à jour ayant pour fonction d’adapter l’organisation à son

environnement. A ses yeux, la division du travail, au sens taylorien est très insuffisante ; il

faut faire apparaitre des structures de pouvoir qui existent dans les organisations, parce que

seule la prise en compte de ces structures permet à une organisation de s’adapter à un

environnement changé. Du coté de Foucault, la lecture était proche et différente ; proche dans

la mesure où la dimension substantielle de la rationalité se dévoile à travers l’existence de

structures. Ces structures sont pour lui aussi des structures de pouvoir. Mais ces structures ne

s’inscrivent pas comme chez Mintzberg dans une vision fonctionnelle. Pour Foucault,

l’analyse des structures permet de faire apparaitre des processus de domination,

d’assujettissement qui traversent toutes les organisations et qui accompagnent l’utilité ou

l’efficacité. Autrement dit, il y a chez Foucault une vision de la raison comme un Jalus (Dieu

à deux têtes). D’un coté, la raison sert un projet économique fondé sur la recherche indéfinie

d’efficacité, d’utilité. En même temps, elle s’accompagne de processus de domination d’un

genre tout à fait nouveau. La domination n’est pas d’abord la caractéristique ou la propriété

d’un prince ou d’une figure de l’autorité, elle se met en œuvre, elle se développe à travers ce

que Foucault appelle des dispositifs anonymes, des techniques de surveillance des structures.

La domination ne met pas d’abord en rapport des acteurs, mais des dispositifs anonymes des

structures. La domination ne consiste plus à opposer la puissance visible du prince, de

l’autorité et la petitesse invisible du prisonnier, du supplicier. La domination, au contraire

s’exerce de manière radicalement nouvelle. Ceux qui exerce le contrôle sont des anonymes,

des hommes moyens alors que ceux sur qui s’exerce le contrôle sont au contraire

constamment surveillés, contrôlés, rendus visibles. [Réponse à une question : Les rapports de

domination ont changé et du même coup, on doit aussi changer sa manière de l’analyser. A

l’époque actuelle sévissent encore des rapports de domination et à l’inverse qu’à l’époque de

l’ancien régime, … Aujourd’hui, on assiste peut-être à un retour du visible, via les médias.]

Quelle remarque ou plutôt quelles critiques doit-on faire à son égard ?

1. Dans ce paradigme, il n’y a pas vraiment d’acteur au sens fort. Les

comportements des acteurs, leurs décisions, leurs choix sont le produit des

structures ; sont le reflet des structures qui le domine et dont ils n’ont pas l’entière

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 34

structure. Il y a des structures qui influencent des comportements, mais il n’y a pas

d’acteurs qui sont maîtres de leur destin et de leur choix, qui s’engagent dans des

conflits ou des organisations et qui sont ensuite considérés comme la pièce

maitresse de l’organisation. Première critique : Le paradigme structurel fait

apparaître des structures sans acteurs.

2. Deuxième critique, qui concerne plus spécifiquement Foucault. Certes, on sent

une théorie du pouvoir chez Foucault, cette théorie repose sur l’idée d’une raison

à deux faces ; la face du progrès et la face de la domination, ou de la surveillance

généralisée. Ces deux faces cohabitent constamment et en même temps, c’est un

peu comme si elles coexistaient, sans communiquer, en même temps, on ne voit

pas comment ces deux univers communiquent ensemble. On ne voit pas comment

les rapports de domination peuvent influencer les choix, les calculs, ni comment

ces calculs pourraient influencer tel ou tel type de pouvoir ; tel ou tel type

d’organisation. Le pouvoir lié à la faculté de produire du collectif permettait

d’influencer la décision. On avait donc un mouvement entre le pouvoir d’autorité

et le pouvoir d’influence. Avec Foucault, tout est tellement soumis à une lecture

en termes d’assujettissement censé accompagner en permanence la quête

d’efficacité, qu’on ne voit plus comment ces deux univers, comment ces deux

plans de la rationalité communiquent ensemble. L’utilité et la domination, les deux

constamment ensemble, sans que l’on puisse distinguer clairement les relations qui

les unissent.

3. Cette dernière critique concerne Foucault, mais aussi Mintzberg et attrait à la

nature même de la rationalité. Au fond, dans le paradigme structurel, comme dans

le paradigme utilitaire, il y a une idée que la raison fondée sur le calcul est toute

puissante, qu’elle est pleinement maitresse d’elle-même et que les décideurs qui

fondent leur décision sur une procédure de calcul le font sans sourciller, sans

douter, sans reculer. C’est un peu comme si la rationalité utilitaire était une

rationalité illimitée ; parfaite, sans défauts, pleinement maitresse d’elle-même.

Ceci était vrai dans la conception utilitaire, en particulier dans la conception

taylorienne, mais ceci est vrai aussi dans la rationalité …, quoi qu’avec des

nuances. Chez Mintzberg, cette rationalité doit être complétée par des processus

de coordination car seule cette complémentarité permet à l’organisation de

s’adapter effectivement, mais en même temps, il semble aller de soi que cette

rationalité est parfaitement lisse, sans défauts, sans limites. Foucault va considérer

que d’une certaine manière, la raison utilitaire est elle aussi optimale, qu’elle ne

rencontre pas de défaut majeur, qu’elle décrit de façon formelle la réalité des

organisations. Dans tout les cas, on a l’idée d’une rationalité illimitée, qui ne

rencontre pas d’obstacle, même si il faut en rappeler la part sombre, la part

obscure, la relation de domination qu’elle cache.

Le paradigme que l’on va aborder est contraire à la critique que nous venons de faire.

Cette dernière critique est la plus importante, parce qu’elle renverse complètement la lecture

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 35

que nous avions jusqu’à présent. Jusqu’à présent, l’idée que la raison formelle était illimitée,

lisse, sans obstacle, cette interprétation semblait aller de soi. Or c’est d’abord cela qui pose

problème. Toute rationalité, aussi calculatrice soit elle est une rationalité limitée et non pas

illimitée.

Attention, il y a un piège ; le piège est le suivant ; quand on parle de rationalité limitée,

on a tendance à penser que ça veut dire « c’est moins rationnel », c’est une rationalité réduite,

moindre de mois bonne qualité. C’est tout le contraire. Voici le pourquoi : tout d’abord que

signifie le terme de rationalité limitée ? (trois choses)

1. Dans les paradigmes antérieurs, il semblait aller de soi que les décideurs, lorsqu’ils

devaient prendre une décision fondée sur le calcul, disposaient de toutes les

informations nécessaires. Pour prendre une décision, pour procéder à des

arbitrages fondés sur des calculs coûts-bénéfices. Martin Simon casse cette

première illusion. L’accès à l’information est limité. Parce que l’information

n’est pas une pure donnée abstraite, mais une pure conception sociale.

L’information résulte de rapports sociaux. Une information se produit, se

sélectionne, se façonne, se manipule. L’information, c'est-à-dire la matière

première dont les décideurs ont besoin pour faire des choix optimaux, cette

information est limitée. Et on pourrait ajouter : partielle. Ce qui est limité, c’est

accès à l’information. → Attention, ce paragraphe est à l’examen.

2. Ce qui caractérisait le modèle de rationalité formelle, lors des paradigmes

antérieurs, c’est que les décideurs devaient toujours se conformer à leurs choix

initiaux. Il suffisait en fait, en théorie, d’émettre des préférences, et de passer

ensuite à l’acte, comme si les choses étaient décidées une fois pour toutes, de façon

linéaire, stable, invariante. C’est en fait principalement le contraire ; les

préférences, et par extension les décisions des acteurs évoluent au fil des décisions

d’eux mêmes. Pourquoi ? Pas seulement parce que les décideurs seraient

lunatiques, mais parce que dans la décision réelle, on découvre des imperfections,

des doutes, on les reformule constamment et on peut donc les modifier

constamment. Or, pour qu’un choix soit optimal, il est impossible d’en créer. Il

n’y a que des choix dont la satisfaction est temporaire.

3. Pourquoi doit on parler de rationalité limitée et non pas de rationalité illimitée,

comme le voulait Taylor. Pour une raison simple ; dans les modalités initiales, il

semblait aller de soi que toute décision, pour être optimale aurait par avance

envisagé l’ensemble des scénarios alternatifs. C’est ce qu’on appelle l’illusion

synoptique. L’illusion consistant à penser que l’on puisse faire tout le tour des

possibles avant d’agir. Martin Simons avance que c’est impossible ; que c’est une

illusion de l’esprit. On peut évoquer deux raison à cela :

a. La première, c’est que le traitement de l’ensemble des scénarios

alternatifs dépassent et de loin les capacités de traitement du cerveau

humain.

b. L’illusion synoptique renvoie à l’idée que quelqu’un(les décideurs)

serait en quelque sorte au dessus du monde, serait en mesure de tout

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 36

voir et d’envisager par avance toutes les conceptions possibles des

choix possibles. Que les décideurs seraient en quelque sorte en apesanteur,

hors du réel. Hors personne n’est au dessus du réel. Tout le monde, chacun

d’entre nous, est inscrit dans une particularité, dans un corps, dans une

histoire, dans une organisation, dans un tissu de relations humaines. Aucun

humain n’est un surhomme. Dans une particularité qui fait être chacun là

où nous sommes et non pas ailleurs. Nous sommes liés les uns aux autres

parce que nous sommes inscrits dans une contingence qui nous fait être

dans le monde et non pas au dessus du monde.

Le concept de rationalité est tout sauf une manière de limiter l’usage de la raison.

C’est le contraire qui se vérifie. La notion de rationalité limitée vise à défendre une

conception plus modeste, mais aussi plus réaliste, plus proche de la réalité, plus pragmatique

de la raison. Non pas une moindre raison, mais une raison moins utopique que la vision des

utilitaristes. C’est sur la base de cette reformulation de la raison que Michel Crozier et

Richard Friedberg vont développer une nouvelle théorie des organisations. Le pouvoir n’est

plus affaire de structure, mais de relations. Qu’est ce que le pouvoir dans cette conception là ?

Le pouvoir est la capacité d’exercer une influence sur autrui, c'est-à-dire d’accroitre son

autonomie dans les organisations. Le pouvoir a une face positive et une face négative. Cela

étant, ce qu’il faut retenir, c’est que les relations humaines quelles qu’elles soient sont

toujours des relations de pouvoir précisément parce que elles font apparaitre des rapports

d’influence mutuels. Toute relation, chez Crozier et Friedberg est donc une relation

d’influence, au sens que l’on l’exerce ou qu’on le subit dans ses actions. Cette conception

généralisée du pouvoir. Cette idée que le pouvoir innerve toutes les relations humaines a deux

conséquences ; la première, c’est que les relations humaines sont d’abord et avant tout des

relations asymétriques. L’omniprésence du pouvoir ne signifie aucunement l’égalité dans la

distribution du pouvoir, au contraire. Qui dit que le pouvoir est partout dit qu’il y a partout des

déséquilibres, de l’asymétrie en matière de relation de pouvoir. Ou encore partout il y a une

inégale distribution des ressources de pouvoir. La deuxième conséquence ; si partout il y a du

pouvoir et distribué de façon asymétrique, si partout il y a du déséquilibre, partout également

on trouve, selon eux des perspective de négociation, des perspectives de compromis. Tout est

asymétrique, mais personne n’est véritablement sans pouvoir, à leurs yeux. Et donc, partout,

le jeu d’influence réciproque donne lieu à des compromis, à des négociations plus ou moins

stables, plus ou moins fragiles, etc. D’une part les relations humaines sont des relations

asymétriques ; personne ne détient des ressources comparables ou analogues de pouvoir. Mais

en même temps, tout le monde dispose d’un minimum de pouvoir permettant de négocier des

compromis au travail. Beaucoup de monographie sont menées dans les entreprises,

notamment dans les enquêtes ouvrières. Et Crozier et Friedberg découvrent que même ceux

qui sont situés tout en bas de la division du travail peuvent nouer des compromis, s’organiser

au travail, négocier un ralentissement des cadences. Bref, partout il y aurait de la négociation,

du compromis lié à ces influences mutuelles que chacun est en mesure de subir ou d’exercer.

Si on accepte momentanément cette vision du pouvoir, des relations, il y a plusieurs

conséquences qui s’en dégagent, des conséquences dont la portée est tout à fait fondamentale ;

la première conséquence c’est que ce qui change, c’est la vision même de l’organisation.

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 37

Parce que pour Crozier et Friedberg, tous les modèles antérieurs deviennent obsolètes. En

fait, ils disent que c’est tout à fait faux ; une organisation n’est rien d’autre que les relations

croisée entre les étudiants et les profs ; les profs et le personnel logistique, … Bref il n’y a

rien d’autre dans les organisations que des relations croisées entre des individus et des

groupes. Il n’y a que des relations plus ou moins stables, plus ou moins conflictuelles,

desquels s’organisent des compromis plus ou moins stables. Et c’est l’ensemble de ces

compromis qui forment une relation stable. Ce sont des relations mobiles. Ce qui importe,

c’est l’idée qu’il y a des relations multiples, changeantes, des relations essentiellement

politiques qui font tenir ensemble une organisation, qui lui donne sa réalité propre. C’est un

ensemble de compromis politiques plus ou moins stabilisés. Chez Foucault, il y a d’un coté la

raison soumise au calcul, qui est le produit même de la modernité. Et de l’autre, il y a la face

sombre qui s’infiltre partout, de façon invisible et qui accompagne la quête incessante d’utilité

ou d’efficacité. Mais c’est d’abord cette vision là que Crozier et Friedberg vont déconstruire.

Il n’y a pas d’un coté le calcul et de l’autre les relations. Les rapports de pouvoirs sous-

tendent des dynamiques, des procédures de calcul. Exemple ; l’information, que l’on

considère depuis le modèle de rationalité limitée, elle n’est pas disponible, pleinement

accessible, mais qu’elle est compliquée ; en partie accessible, en partie inaccessible. Elle est le

problème social, qu’elle organise ou non la collectivité. Et pourtant, c’est bien de cette

information là dont les décideurs ont besoin pour mesurer l’efficacité de telle ou telle

décision. À l’inverse, les rapports de pouvoirs sous-tendent constamment les dynamiques

d’efficacité. Pour eux, rationalité formelle et rationalité substantielle sont constamment

intriquées. Les relations humaines réelles, qui sont pour eux des relations politiques

conditionnent les décisions, les choix en matière d’efficacité. Les choix en matière

d’efficacité reflètent des rapports de pouvoir. La vision générale de l’organisation change,

l’articulation entre les deux niveaux de la raison change. Leur approche va encore plus loin. Il

y a une raison qui ne relève pas simplement du calcul. Il y a une raison substantielle qui a ses

raisons, qui a sa logique, qui a sa cohérence. Les structures désignent en même temps cette

disposition collective qui dépasse en partie la maitrise rationnelle que peuvent en avoir les

individus. Au contraire, Mintzberg et Crozier vont considérer que cette fois la raison dispose

d’un critère autonome qui permet d’en faire une rationalité propre. Pas une rationalité fondée

sur le calcul ; une vraie rationalité, une rationalité propre. Ce critère c’est l’intérêt politique.

Le fait que toute action humaine, parce qu’elle se situe dans des relations, est motivée par un

intérêt politique. Un intérêt politique, c'est-à-dire un désir d’exercer une influence sur autrui et

d’accroitre son autonomie. Il y a bien, disent-ils, dans cette conception, un intérêt à agir, mais

cet intérêt n’est plus de nature économique ou utilitaire. Cet intérêt est de nature politique. Ce

qui guide leur action, ce n’est pas l’appétit pour le bien-être, c’est la soif de pouvoir.

Attention ; un pouvoir revisité, pas un pouvoir tyrannique. Il y a, à partir de là, plusieurs

développements possibles de ce paradigme. On peut considérer que sa réussite, son succès,

tient au fait qu’il présente une dimension opérationnelle, opératoire très forte. Le travail que

vont mener Crozier et Friedberg va être de montrer que dans toutes les organisations, ça va

être de montrer quelles sont les logiques de pouvoir qui sous-tendent. Et de fait, ils vont

établir une carte des relations de pouvoir de toutes les relations dans lesquelles ils vont

intervenir. Et de montrer toutes les bases possibles sur lesquelles une organisation doit

s’appuyer. Révéler les relations de pouvoir, c’est montrer en fait tous les lieux où existent des

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 38

compromis, où pourraient exister des compromis, compromis qui à leurs yeux fondent le

développement futur d’une organisation. Les relations de pouvoir mobilisent des ressources

diverses, elles font apparaitre des stratégies et elles développent donc un certain type de

pouvoir. Différentes caractéristiques ; Ressource, stratégie, pouvoir, multiplicité des

ressources, dualité de la stratégie, et enfin, elle montre la réalité du pouvoir. Un terme sur

lequel nous n’avons pas eu le temps de s’arrêter, c’est le terme de coopération. Influence

réciproque permettant d’agir ensemble pendant une durée donnée. À la différence de la

coordination, la coopération met en scène des relations proprement dites et pas seulement des

règles de travail collectif. Elle suppose donc que les acteurs s’accordent sur des objectifs,

voire des valeurs communes, et encore une fois, pas seulement sur des règles de coordination.

Le pouvoir n’est pas le contraire de la coordination, c’est tout l’inverse ; c’est parce qu’il y a

des rapports de pouvoirs et d’influence perpétuels qu’il y a des conflits possibles et qu’il y a

des compromis possibles.

Désormais, il faudrait se passer de toute allusion aux structures et de toute allusion aux

rapports de domination, mais est-ce vraiment possible ? Entre le pouvoir de l’ouvrier sans

qualifications et le pouvoir du cadre. Entre le pouvoir d’un employé de bureau et le pouvoir

d’un directeur de département, n’y a-t-il pas des différences de pouvoir ? Pouvons-nous

simplement assimiler toutes les formes de pouvoirs, en assumant simplement que chacun en a

plus que d’autres ? Le pouvoir des personnes en bas de l’échelle n’est pas comparable à

d’autres pratiques du pouvoir. Deux critiques :

1. Première critique donc cette vision assez naïve que tout le monde aurait un peu de

pouvoir et que personne n’en serait dénué. Cette idée aussi que rien ne structure les

relations de pouvoir et se joue sur les relations mutuelles.

2. Au nom de quoi est-il possible de considérer par avance que toute relation doit être

analysée comme une relation de pouvoir. Certes on peut comprendre qu’il y a là une

volonté de résister à la nature humaine. Il y a une volonté de dire qu’entre pairs, il y a

une volonté d’équilibre. Que toute action serait simplement guidée par la soif de

pouvoir, par un intérêt politique. Est-ce que cette vision là n’est pas terriblement

réductrice ? Voire mensongère ? Est-ce que ce n’est pas réduire considérablement la

rationalité substantielle ? Que de la plaquer à son tour sur un calcul politique, sur une

stratégie politique en sous-estimant d’autres dimensions possibles. En particulier, nous

le verrons, l’attachement à un certain nombre de valeurs, la défense ou en tout cas

selon les moments et les lieux la mise à jour de certaines conditions ne serait pas elles

aussi des moyens permettant d’agir. D’agir en s’interrogeant précisément sur le sens

de l’action. En s’interrogeant sur le caractère juste ou injuste d’une action. Agir en

n’étant pas seulement focalisé sur la soif de pouvoir, mais en s’interrogeant sur la

diversité des motifs de la raison humaine. L’idée d’une rationalité en valeur, que la

rationalité des choix ne serait pas seulement motivée par un calcul, mais aussi par une

logique politique. Cette notion est fondamentale pour comprendre les limites du

paradigme stratégique.

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Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 39

Douzième cours : (Mardi, 09/12/2008)

Réception de consultants.

Treizième cours : (Mardi, 16/12/2008)

Analyse du livre de Primo Levi :

La situation de victime ne transforme pas fondamentalement la façon d’agir. Nous y

reviendrons.

Ce qui est nouveau dans notre histoire moderne ; c’est que le siècle qui nous a mis au

monde est le siècle des pires barbaries, même s’il est aussi le siècle des plus grandes

innovations techniques. Ce n’est pas seulement les génocides en soi, c’est la capacité humaine

de mettre la rationalité au service de la barbarie.

Lors des procès, l’argument le plus utilisé était « je n’ai fait que mon travail ». La

Terreur de masse n’explique pas l’adhésion à l’organisation totalitaire ; il y a eu une

administration rationnelle du crime. Il y a eu une adhésion d’une part de la population,

notamment de la part des victimes, capable de raisonner avec la rationalité formelle. Il a fallu

s’organiser.

Deux thèses :

1. La Raison, celle héritée des Lumières, a traversé le XXème

siècle. Ce n’est pas la

Raison qui a fait naître la Shoa, c’est la folie des hommes.

2. Cette thèse, avancée par des philosophe allemands de l’entre deux guerres, critique

la Raison. La Raison héritée des Lumières devait nous libérer et des hommes se

sont révoltés pour cela. Elle devait nous apporter la Science. Auschwitz nous

montre que cette Raison nous a rendu esclave du calcul, esclave de la

désorganisation. Elle a rendu les hommes esclaves d’une technique. C’est la

Raison qui s’est retourné en son contraire, au point de pouvoir mettre à mort nos

propres frères, nos propres semblables.

L’énigme de la Shoa, c’est qu’il a fallu s’organiser pour que ceci soit possible, pour

que le concept même soit possible. Il faut faire des calculs pour que la mise à mort soit

possible. Il faut gérer un camp, sa comptabilité, ses flux, sa main d’œuvre. Et de ce point de

vue là, on ne peut pas s’interroger sur la manière dont on se met au service de la barbarie.

D’un point de vue, ça nous dépasse. Mais en fait, ce n’est pas juste une monstruosité qui s’est

glissée dans l’histoire, ce sont des hommes qui se sont rendus industriellement capables de

mettre à mort des gens.

Il a fallu modéliser l’organisation du crime, à l’aide de cette raison là, pour que les

crimes soient possibles, puis soient efficaces.

Lorsque la rationalité formelle est livrée à elle-même, elle débouche sur l’irrationalité

absolue.

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Auteur : Thomas Jeegers

Théorie des Organisations – ECGE 1317 Page 40

Nous, qui prétendons nous organiser, la question est de savoir comment articuler

rationalité formelle avec quelque chose d’autre, qu’on appelle ici les réflexions sur les

interactions, sur le sens du travail, la dimension substantielle du travail.

Responsabilité : Il y a eu inversion des responsabilités. Lorsqu’on a substitué la

responsabilité morale par la responsabilité formelle, c’est ça qui a donné à l’organisation

nazie le pouvoir de fonctionner. La responsabilité formelle consiste à répondre à des ordres.

La responsabilité se situe sur le terrain substantiel. Il y a eu rationalité sans responsabilité. La

rationalité formelle se caractérise par son absence de responsabilité ; il y a exécution, mais il

n’y a pas « réponse ».

La raison formelle ne nous permet pas de trancher entre le barbare et l’humain. Pour

ce domaine là, c’est la rationalité substantielle.

Pour l’examen :

Il y a trois questions ;

1. les fiches et ce qu’il en a dit au cours (8 points).

2. Petit texte (non-préparable), on doit faire le lien entre théorie et pratique (8 points).

3. Cours d’aujourd’hui : l’organisation totalitaire, mais aussi le petit article de

Baumann de septembre ; la rationalité du mal (4 points).