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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis Chapitre 3 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques depuis l’Affaire Dreyfus 1 La Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 établit les libertés d’expression et d’opinion. Mais sous l’Empire, la presse est contrôlée puis censurée et brimée sous la Restauration. Le Second Empire entrave la presse d’opposition par toute une série de mesures (droit de timbre, autorisation préalable). Sous la III ème République, la démocratie retrouvée restaure la liberté de la presse par la loi du 29 juillet 1881. Les lois scolaires de Jules Ferry instruisent les citoyens qui prennent l’habitude de la lecture de la presse d’opinion. Au début du XX ème siècle, la presse devient un véritable contre-pouvoir. L’émergence de l’opinion publique est indissociable de l’avènement la démocratie. C’est avec les Lumières qu’apparait le modèle de l’opinion publique contemporaine ancrée dans un espace public d’essence démocratique. Au cours des XIX ème et XX ème siècles, le triomphe de l’opinion publique s’appuie sur la reconnaissance des libertés individuelles et collectives. D’emblée, l’opinion publique est liée au développement des médias : elle s’affirme au XIX ème siècle tandis que le développement de la presse ouvre un espace favorable aux débats contradictoires, favorisant la formation de l’opinion publique tout en étant le reflet de cette opinion. La diversification des médias au XX ème siècle renforce l’importance de l’opinion publique et la confronte à de nouvelles problématiques. Opinion publique : ensemble des convictions, jugements et valeurs d’une société à une époque donnée. Les sondages, mis au point dans les années 1930 par l’américain Georges Gallup, essaient de mesurer l’opinion publique. Presse d’opinion : presse engagée qui défend des valeurs et des idéaux, et participe au débat politique. Médias de masse : moyens de diffusion d’information et d’opinions ; l’industrialisation permet une diffusion à grande échelle tout en abaissant les coûts. En France, les médias de masse sont la presse, à laquelle s’ajoute la radio dans les années 1930, la télévision dans les années 1960, Internet depuis les années 1990. Crise politique : période courte de tension politique et de mobilisation publique au cours de laquelle le système de gouvernement est l’objet d’une remise en cause. Problématiques : Quelles sont les interactions des médias et de l’opinion publique dans les crises politiques ? En quoi les médias permettent-ils, en mobilisant l’opinion des citoyens, de défendre la démocratie ? Et inversement : en quoi les médias sont-ils à l’origine du recul de la démocratie ? I. Le développement parallèle des médias et de l’opinion publique : fin du XIX ème siècle- années 1930 A. L’Affaire Dreyfus, guerre d’opinion, guerre de média Documents à utiliser : double page de document p. 162-163 1. Replacez les documents liés à l’Affaire Dreyfus dans leur contexte o Climat d’antisémitisme o Climat de nationalisme exacerbé o Climat de défense des valeurs de liberté et d’égalité, libertés fondamentales de la République o Antiparlementarisme => une partie des hommes politiques se défaussent du système parlementaire après le scandale de Panama. o Opposition entre différents courants de pensée et de cultures politiques qui ne sont pas forcément en accord avec le régime républicain.

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Thème 2 : Idéologies, opinions et croyances en Europe et aux Etats-Unis Chapitre 3 : Médias et opinion publique en France dans les grandes crises politiques

depuis l’Affaire Dreyfus

1

La Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 établit les libertés d’expression et d’opinion. Mais sous l’Empire, la presse est contrôlée puis censurée et brimée sous la Restauration. Le Second Empire entrave la presse d’opposition par toute une série de mesures (droit de timbre, autorisation préalable). Sous la IIIème République, la démocratie retrouvée restaure la liberté de la presse par la loi du 29 juillet 1881. Les lois scolaires de Jules Ferry instruisent les citoyens qui prennent l’habitude de la lecture de la presse d’opinion. Au début du XXème siècle, la presse devient un véritable contre-pouvoir. L’émergence de l’opinion publique est indissociable de l’avènement la démocratie. C’est avec les Lumières qu’apparait le modèle de l’opinion publique contemporaine ancrée dans un espace public d’essence démocratique. Au cours des XIX ème et XXème siècles, le triomphe de l’opinion publique s’appuie sur la reconnaissance des libertés individuelles et collectives. D’emblée, l’opinion publique est liée au développement des médias : elle s’affirme au XIXème siècle tandis que le développement de la presse ouvre un espace favorable aux débats contradictoires, favorisant la formation de l’opinion publique tout en étant le reflet de cette opinion. La diversification des médias au XXème siècle renforce l’importance de l’opinion publique et la confronte à de nouvelles problématiques. Opinion publique : ensemble des convictions, jugements et valeurs d’une société à une époque donnée. Les sondages, mis au point dans les années 1930 par l’américain Georges Gallup, essaient de mesurer l’opinion publique. Presse d’opinion : presse engagée qui défend des valeurs et des idéaux, et participe au débat politique. Médias de masse : moyens de diffusion d’information et d’opinions ; l’industrialisation permet une diffusion à grande échelle tout en abaissant les coûts. En France, les médias de masse sont la presse, à laquelle s’ajoute la radio dans les années 1930, la télévision dans les années 1960, Internet depuis les années 1990. Crise politique : période courte de tension politique et de mobilisation publique au cours de laquelle le système de gouvernement est l’objet d’une remise en cause. Problématiques : Quelles sont les interactions des médias et de l’opinion publique dans les crises politiques ? En quoi les médias permettent-ils, en mobilisant l’opinion des citoyens, de défendre la démocratie ? Et inversement : en quoi les médias sont-ils à l’origine du recul de la démocratie ? I. Le développement parallèle des médias et de l’opinion publique : fin du XIX ème

siècle- années 1930

A. L’Affaire Dreyfus, guerre d’opinion, guerre de média Documents à utiliser : double page de document p. 162-163 1. Replacez les documents liés à l’Affaire Dreyfus dans leur contexte

o Climat d’antisémitisme o Climat de nationalisme exacerbé o Climat de défense des valeurs de liberté et d’égalité, libertés fondamentales de la

République o Antiparlementarisme => une partie des hommes politiques se défaussent du système

parlementaire après le scandale de Panama. o Opposition entre différents courants de pensée et de cultures politiques qui ne sont pas

forcément en accord avec le régime républicain.

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2. Identifiez les valeurs de la République mise en évidence par Emile Zola dans son texte J’accuse. Montrez à l’aide du vocabulaire qu’il utilise qu’il évoque une période de grande crise où la République est en danger

Valeurs défendues par Zola : libertés individuelles, respect de l’individu, égalité devant la loi soit les valeurs issues de 1789. Zola utilise un vocabulaire marqué par la gravité : crime, diabolique, machination, néfaste, coupable => registre qui marque la dangerosité de la crise et des hommes qui en sont responsables : antisémites, droite nationaliste, antirépublicain, antiparlementaires. 3. Identifiez les idées mises en avant par les antidreyfusards. Pour eux, si Dreyfus est

acquitté, qu’est-ce qui est en danger ? Antisémitisme, nationalisme, opposition au régime républicain, importance de l’armée qui est le cœur de la nation et qui ne peut avoir tort. L’acquittement de Dreyfus voudrait dire la victoire de la juiverie considérée par eux comme une anti-France + déconsidération de l’armée, fer de la lance de la Nation, qui doit permettre la revanche sur l’Allemagne (attention, thème de la droite nationaliste et pas de la République). 4. Montrez comment la presse participe à l’exposition de ces divergences de point de vue au

cours de l’affaire mais aussi par la suite. Montrez comment la presse permet de véhiculer certaines images dans l’opinion publique.

L’affaire suscite la publication d’hebdomadaires illustrés (Le Grelot) ; les caricatures et dessins satiriques se répondent d’un camp à l’autre, avec des contenus simples mais percutants. Le pays se divise en deux camps, dreyfusards (Anatole France, André Gide, Marcel Proust, Charles Péguy, Georges Clemenceau, Jean Jaurès, et antidreyfusards (Maurice Barrès, Alphonse et Léon Daudet, Drumont). Les journaux antidreyfusards sont La libre Parole de Drumont, l’Action française de Charles Maurras. Ils enracinent dans l’opinion publique les stéréotypes antisémites. 5. Montrez que l’Affaire Dreyfus, en instituant deux camps à Paris et parmi les intellectuels

parisiens, provoquent une scission durable en France entre les différents partis issus de l’Affaire.

L’affaire est un tournant car elle révèle que la pratique de la démocratie n’a pas mis fin aux haines viscérales envers les Juifs considérés par les antidreyfusards comme des traîtres en puissance. Surtout, les valeurs démocratiques ont été bafouées au sein de l’armée et de la classe politique. L’affaire Dreyfus entraîne un reclassement des partis politiques :

o les antidreyfusards se retrouvent exclus du camp républicain : la droite devient alors une droite d’opposition, hostile à la république, nationaliste, autoritaire et nationaliste.

o Les Dreyfusards forment l’union des républicains pour sauver la démocratie et ses valeurs.=> cartel des Gauches

Une nouvelle extrême-droite voit le jour avec la création de l’Action française (AF), dirigée par Charles Maurras. Elle est monarchiste, xénophobe, antisémite, nationaliste, antiparlementaire. Rejetant les idées démocratiques, elle profite du recul de la droite classique, du mécontentement des catholiques face à la politique religieuse de l’Etat. L’enracinement de la culture républicaine s’est accompagné de la conquête essentielle de la liberté de la presse (lois de 1881 et de 1889). Dans le même temps, les innovations techniques favorisent le développement de la presse et permet tant une baisse du prix des journaux. Il s’agit d’une révolution médiatique et civique : le citoyen a dorénavant les moyens de lire le

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journal pour se forger une opinion et participer au débat démocratique. La presse triomphe dans une fonction médiatrice entre le citoyen, l’État et les forces partisanes. Forte de meilleurs moyens d’informations, d’un personnel qui se professionnalise, elle devient l’instrument privilégié de la communication politique et sociale. Les joutes idéologiques jouent un rôle essentiel dans le succès d’un journal. L’Affaire Dreyfus n’est pas le énième épisode des affrontements franco-français, mais au contraire un moment symbolique, un moment de naissance.

o C’est la modernité qui s’affirme à travers le rôle nouveau de la presse et de l’opinion. o Une des révélations de l’Affaire c’est la place de l’opinion dont le poids devient

déterminant dans la vie démocratique.

B. Le 6 février 1934, les médias comme illustration des fractures politiques1 Documents à utiliser : documents p. 166-167 Questions : 1. Montrez que la presse participe de la critique du régime républicain qui se met en place

dans les années 1920-1930. Presse exploite les scandales politico-financiers => présentation par cette presse d’un gouvernement et d’hommes politiques, voire de journalistes corrompus => reprise de certains thèmes déjà vus pendant la période de l’Affaire Dreyfus. Les journaux se politisent avec ouvertement deux camps de journaux qui se mettent en place :

o Les journaux en faveur du régime républicain comme le populaire ou l’Humanité qui pourtant critique ouvertement certaines décisions du gouvernement républicain

o Les journaux dans la mouvance de Charles Maurras et de Maurice Barrès (notamment l’Action Française) => thème anti-républicain

2. Montrez que les médias sont un reflet majeur des fractures politiques qui déchirent l’opinion française.

Le 6 février 1934, les parutions reflètent la violence des fractures politiques qui déchirent l’opinion. Les journaux conservateurs jouent, avec l’Humanité, un rôle certain dans la démission de Daladier le 7 février. Les journées présentent des visions très différentes des événements selon leur orientation politique en faveur ou en défaveur de la République aussi bien sur la réalité du déroulement de la manifestation, le nombre de mort et la perception de l’événement. Cette division de la presse montre aussi une division de la classe politique

1 Lors de la Première Guerre mondiale, l’Etat rétablit la censure pour encadrer l’opinion publique et mobiliser les esprits dans le cadre de la guerre totale. Les informations militaires sont strictement limitées pour ne pas renseigner l’ennemi et la réalité des combats est remplacée par une propagande nationaliste que les soldats appellent le « bourrage de crâne ». Les journaux de tranchées se multiplient et adoptent un ton plus libre, sarcastique mais soumis eux-aussi au contrôle militaire. Le Canard enchaîné, journal satirique et antimilitariste, fondé en 1915, est régulièrement victime de la censure. Au lendemain de la guerre, la profession de journaliste s’organise avec la création d’un syndicat en 1918 et l’adoption de règles de déontologie (règles morales et éthiques à respecter dans le cadre professionnel dont respect des sources, refus de la diffamation…). En 1935, un statut règlemente la profession. Dans les années 1920, les magazines sont lancés sur le modèle américain, en diffusant une culture de masse. Les grands reporters publient des reportages illustrés comme Albert Londres (Au bagne, 1923). Mais, la nouveauté réside dans la diffusion, aux cinémas d’actualités filmées devenues sonores en 1929 : elles sont diffusées avant le film, avec un temps de décalage par rapport à l’événement. Cependant, c’est la radio qui concurrence le plus la presse écrite avec la TSF (transmission sans fil) ; 10 % des Français ont un poste récepteur en 1932, 56 % en 1939. Ce nouveau média est très contrôlé par le pouvoir, monopole d’Etat depuis 1921, mais avec des autorisations d’émettre pour quelques stations privées. Le contenu des émissions relève surtout du divertissement (humour, chansons, musique).

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française reflet de la division de la classe politique européenne qui se divise peu à peu entre fascisme et communisme, entre idéal républicain et idéal totalitaire. 3. Identifiez le média qui commence à prendre de l’ampleur mais montrez qu’il a moins de

liberté que la presse écrite. Les informations diffusées à la radio sont, en revanche, Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative (DGESCO), étroitement surveillées par le pouvoir qui affirme son emprise sur le réseau national. Le traitement radiophonique du 6 février 1934 témoigne de ce contrôle de l’État. La nuit des affrontements, le réseau d’État attend la fin de l’opéra en cours pour retransmettre un communiqué du ministère de l’intérieur. Radio Paris présente les manifestants comme « des repris de justice ». Prenant appui sur la « menace fasciste », le gouvernement d’union nationale puis le Front populaire renforcent le contrôle étatique de la radio : une grande administration est crée et placée sous l’autorité directe de la présidence du Conseil. Les journaux de droite s’insurgent alors contre la TSFIO.

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II. La période de l’occupation allemande, entre contrôle des médias, de l’opinion et résistance

Documents à utiliser : document 1 p. 168, documents 4 et 5 p. 169, la presse sous l’occupation, Combat un journal clandestin de la résistance, la radio, une nouvelle arme dans le combat de la guerre. Document 1 : La presse sous l’occupation : […] Drieu de la Rochelle, […] qui avait avoué sa fascination pour le fascisme et le nazisme, se vit confier les clefs de la Nouvelle Revue Française. Les invitations à des voyages en Allemagne, les commandes allemandes généreusement financées et la répartition du papier entre les mains de l’occupant étaient des armes aussi efficaces que la censure – également très présente – pour établir un contrôle efficace de la production culturelle française et permettre aux auteurs et créateurs les plus pro-nazis de tenir le haut du pavé. Les mêmes procédés furent employés pour la presse. Les journaux qui ne s’étaient pas transportés en zone libre – à l’instar du Temps édité à Lyon – devaient solliciter une autorisation de reparution auprès du lieutenant Weber, du commandement militaire. Le premier journal à paraître, le 17 juin, porta le titre La Victoire qui situait bien où allait sa préférence. Il était dirigé par Gustave Hervé, ancien syndicaliste et pacifiste, devenu nationaliste pendant la Grande Guerre, fasciste dans les années 1930 et collaborateur acharné dès juin 1940. L’autorité allemande autorisa la reparution d’anciens titres mais qui furent le plus souvent confiés à une toute nouvelle direction, comme Paris-Soir ou encore L’Œuvre qui passa entre les mains de Marcel Déat et André Guérin et dont la rédaction comportait des anciens hommes de gauche passés à la Collaboration. Le Petit Parisien, qui tirait à 700 000 exemplaires, reparut et devint, au début de l’année 1941, l’un des organes de la Collaboration lorsque les principales signatures de Candide et de Je suis partout, dont Robert Brasillach et Georges Blond ou Lucien Rebatet, se mirent à y publier régulièrement.

Source : Nicolas Beaupré, Les Grandes Guerres 1914-1945, Histoire de France sous la direction de Joël Cornette, 2013, p. 869-870.

Document 2 : Combat, un journal clandestin de la Résistance

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Source : Archives départementales des Bouches du Rhône.

Document 3 : La radio, une nouvelle arme dans le combat de la guerre : « Ici Londres ! Les Français parlent aux Français... » En 1940, la BBC ouvre ses antennes à ceux qui refusent la défaite. Radio Londres est née et va devenir le lieu de rendez-vous quotidien des Français pendant quatre ans. De jeunes et talentueux chroniqueurs (Jacques Duchesne, Jean Oberlé, Pierre Bourdan, jean Marin, Maurice Schumann, Pierre Dac...) insufflent un ton nouveau et inventent la radio de proximité. Des messages personnels aux appels à résister, une véritable guerre des ondes se joue face à Radio Paris (Philippe Henriot) et Radio Vichy, démagogiques, collaborationnistes, voire antisémites. Jusqu’au triomphe des

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Alliés, Radio Londres se mue en arme de guerre. Voix de la France libre du général de Gaulle, elle est victime de son succès : les Allemands interdisent son écoute et brouillent ses émissions sans jamais réussir à briser son pouvoir. […] Bien entendu, même si le texte de l’appel du 18 juin n’a pas été enregistré, la voix du général De Gaulle sur Radio Londres est toujours présente. Dans cette France qui compte 6,5 millions de récepteurs TSF, la radio qui s’est développée au début des années 30 juin joue un rôle spécifique. Elle réunit, d’abord dans les cafés, ensuite dans les foyers, des auditeurs attentifs. La presse écrite qui avait le monopole de l’information jusqu’au début des années 20 s’est en partie discréditée à cause du bourrage de crânes auquel elle s’était livrée pendant la guerre de 14-18. […] Ces postes de radio utilisant les services de speakers français, essaiment peu à peu de fausses nouvelles, en se revendiquant, selon les cas, d’un pacifisme d’extrême droite ou d’une référence au communisme. En janvier 1940 « Radio Humanité » est présentée comme le porte-parole officiel du parti communiste français, dissous à la suite du pacte germano-soviétique. Redoutablement efficace aussi, Radio Stuttgart connaît un pic d’audience au début du mois de mars 1940. Trois jours après la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, Goebbels donne l’ordre aux émetteurs français de mettre fin à leurs programmes. La France restera muette jusqu’au 5 juillet 1940, l’écoute de radios étrangères hostiles à l’Allemagne étant passible de prison voire même de travaux forcés. Dès le 18 juillet 1940, les services de propagande du Reich sont à pied d’œuvre dans Paris. La presse parisienne est entièrement tombée sous la domination nazie, les deux tiers des journaux de la zone occupée disparaissent ou se muent en feuilles de propagande sous le contrôle du Reich. […] Radio Paris met l’accent sur la collaboration avec l’Allemagne pour l’instauration d’une Europe nouvelle […]. Deux des principaux animateurs de Radio Londres qui étaient en poste avant le 17 juin ont été rappelés à Paris, mais à partir du 19 juin les Britanniques font le choix de constituer à la BBC une rédaction purement française avec à sa tête Jacques Copeau. Il prendra comme pseudonyme Jacques Duchesne en référence au titre de la période révolutionnaire, le Père Duchesne. Les programmes commencent à partir de 20 h 15 et ses bulletins, initialement rédigés par les services britanniques, vont incarner la voix de la France à partir de Londres. C’est le 6 septembre 1940 que l’émission « Ici la France » prend le titre devenu célèbre « les Français parlent aux Français ». Le rappel quotidien du nombre de jours d’occupation, un procédé qui sera repris dans bien d’autres circonstances, vise à montrer aux Français l’importance de l’action nécessaire pour y mettre fin. […] La rubrique des messages personnels était initialement destinée à donner des nouvelles de ceux qui étaient parvenus à rejoindre Londres à leurs familles, mais c’est un colonel anglais, responsable de la section française du service des opérations spéciales qui a eu l’idée de mêler à ses messages des phrases codées destinées à ses agents opérant en territoire occupé. La ritournelle « Radio Paris ment, Radio Paris est allemand ! » a été inventée en septembre 1940.

Source : D’après l’ouvrage d’Aurélie Luneau, Radio Londres 1940-1944, 2010 Questions : 1. Expliquez quelle est l’attitude du gouvernement français vis-à-vis de la presse au cours de

la période allant de janvier à juin 1940. Au début de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement renoue avec la censure pratiquée en 1914-1918. Le premier ministère de l’information est créé en mars 1940. Les informations cinématographiques diffusées en mai 1940 n’évoquent même pas l’attaque allemande qui déferle sur le territoire national.

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2. Expliquez si la presse française à la possibilité de fonctionner normalement au moment de la défaite française en 1940. Montrez également qui a alors le pouvoir sur la presse en France.

Les caméras et les photographies ayant été interdites par les autorités militaires, les historiens ne disposent que de documents allemands pour illustrer les combats de mai-juin 1940. La presse est totalement désorganisée par la débâcle française et les Allemands, maîtres de Paris, interdisent tous les journaux. Dès lors, tous les médias sont sous le contrôle allemand en zone occupée et sous le contrôle de Vichy en zone libre. En zone occupée, les Allemands utilisent la censure, le contrôle de la distribution du papier, indispensable à l’impression des journaux. Ils favorisent aussi des voyages en Allemagne pour les auteurs de ces journaux. Enfin, dans la zone occupée, les journaux sont soumis à l’autorisation militaire allemande pour être imprimés à nouveau. 3. Expliquez quels sont les journaux sont autorisées dans la phrase sous l’occupation (des

exemples précis doivent être utilisés pour justifier votre répondre). Montrez quelles sont les idées qu’ils développent.

Seuls sont autorisés les journaux collaborationnistes, favorables aux Allemands, comme Je suis Partout sont autorisés. C’est l’heure de gloire des journalistes d’extrême-droite qui sévissaient déjà dans les années 30, avec l’implication directe d’intellectuels de talents comme Robert Brasillach et Pierre Drieu-La Rochelle. Berlin met en place des subventions pour soutenir les médias qui encouragent la collaboration avec l’Allemagne, notamment la radio par le biais de Radio Paris. 4. Montrez que la presse non collaborationniste existe toujours et vous préciserez dans

quelles conditions, elle continue à exister. La résistance intérieure appuie son action par des journaux clandestins qui sont dans un premier temps des feuilles volantes manuscrites diffusées sous le manteau. Puis, ils sont imprimés clandestinement et connaissent une plus grande diffusion toujours clandestine. Les principaux titres sont Combat (Henri Frenay), Franc-Tireur (Jean-Pierre Lévy), Libération (D’Astier de La Vigerie). 5. Montrez que la radio joue un rôle majeur dans l’affrontement des forces de l’Axe, de la

France de Vichy, de la Résistance et de Londres. La Radio est le média dominant de la période car désormais, du fait d’un équipement généralisé, elle diffuse au cœur des foyers français. On assiste alors à une véritable guerre des ondes. Pétain avait annoncé l’armistice par un célèbre discours radiodiffusé aux Français le 17 juin 1940. Le lendemain, De Gaulle lui répondait sur les ondes de la BBC, appelant à poursuivre le combat lors de son discours du 18 juin 1940, peu entendu au demeurant le jour-même… Churchill saisit parfaitement l’importance de la radio pour la France Libre et accorde des plages horaires pour la BBC qui émet vers la France. De Gaulle groupe autour de lui une équiper qui anime la célèbre émission Les Français parlent aux Français où sont diffusés des messages codés pour la résistance, des nouvelles du front, des émissions parodiques réalisées par des chansonniers de talent (Pierre Dac, Maurice Schumann, Jean Oberlé Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand), des attaques contre Vichy et l’Allemagne nazie. Malgré l’interdiction d’écouter une radio étrangère, les Français écoutent en nombre la BBC malgré les opérations de brouillage. Les collaborationnistes français répondent sur Radio Paris avec des orateurs réputés comme Philippe Henriot. III. Médias et opinion publique dans l’ère des médias de masse, de la télévision à

Internet

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A. Le poids grandissant des médias dans la démocratie française restaurée A la Libération, l’épuration frappe aussi les journalistes compromis avec le régime de Vichy ou avec l’occupant allemand : 687 sont suspendus, 99 fusillés. Les journaux collaborationnistes sont interdits. Les journaux de la Résistance sortent de la clandestinité. Les ordonnances de l’été 1944 rétablissent la liberté de la presse qui est subventionné par l’Etat. Ce dernier crée l’AFP (Agence France Presse), qui recueille à travers le monde l’information pour la redistribuer aux différents médias. Toujours en 1944, le journal Le Monde est fondé par Hubert Beuve-Méry et devient vite un quotidien de référence. Seulement, la presse écrite est limitée par les pénuries de l’après-guerre, notamment la pénurie de papier. Les Trente Glorieuses voit l’apparition des magazines d’information hebdomadaires, souvent engagés et adoptant une liberté de ton vis-à-vis du pouvoir, dénonçant par exemple la torture pratiquée par l’armée française en Algérie. Les principaux sont L’Express (1953), Le Nouvel Observateur (1964). Le contexte de Guerre froide et la force du PCF accompagnent l’importante diffusion de L’Humanité, à laquelle s’oppose Le Figaro (quotidien de la droite). La presse est souvent appelée le « quatrième pouvoir » grâce aux enquêtes d’investigation qui révèlent des scandales politico-financiers (affaire des diamants de Giscard donnés par Bokassa, en 1973, Le Canard Enchaîné). Mais cette période est avant tout l’âge d’or de la radio qui diversifie ses programmes d’informations et propose des émissions politiques et des programmes de divertissement : elle est la première source d’information. A la fin des années 50, le transistor permet l’écoute des radios « périphériques » qui émettent depuis l’étranger comme « Radio Luxembourg » (future RTL) ou Europe 1 (1955) qui émet depuis la Sarre. Ainsi, le monopole de la radio d’Etat est contourné. La télévision, apparue en 1947, ne touche qu’un public très réduit mais qui va croissant : 125 000 téléviseurs en 1954, 10 millions à la fin des années 1960. Charles de Gaulle use pleinement de ce nouveau média, multipliant les conférences de presse et allocutions télévisées à 59 reprises entre 1958 et 1969. La télévision contribue pleinement à forger l’opinion publique et devient le média de masse par excellence avec des émissions phare comme « Les Dossiers de l’écran » (1967), « Cinq colonnes à la Une ». Mais l’Etat entend la contrôler aussi étroitement que la radio regroupée au sein de l’ORTF (Office de la radiodiffusion-télévision française remplaçant, en 1964, la TRF). Les programmes sont sévèrement contrôlés par le ministère de l’Information et l’ORTF sert de relai au pouvoir en place : l’opposition n’y a pas vraiment accès et la censure frappe les informations lors de la guerre d’Algérie.

B. Le tournant de Mai 68 entraîne la libéralisation des médias Documents à utiliser : documents 1 p. 174, documents 4 et 6 p. 175, l’ORTF, les médias au cœur de la tourmente, Mai 68 à la radio par Emile Chaline (Entretien donné à l’Association Georges Pompidou le 20 décembre 2000), Les radios périphériques, seul moyen d’information ?

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Document 1 : l’ORTF, les médias au cœur de la tourmente

Source : Jean-Pierre Filius, Mai 1968 à l’ORTF, 2010.

Document 2 : Mai 68 à la radio par Emile Chaline (Entretien donné à l’Association Georges Pompidou le 20 décembre 2000) Le cabinet du Premier ministre se constitue alors en état-major opérationnel pour aider M. Pompidou dans sa tâche. Comme d’habitude, les militaires sont en première ligne et participent au dispositif de permanence qui a été mis en place. Je suis de service de nuit une fois sur deux et couche sur un lit de camp. Je fais équipe avec M. Somveille, préfet et conseiller technique, qui grâce à une voiture radio de la police stationnée dans la cour de Matignon sous ses fenêtres, peut suivre en direct de son bureau le déroulement des manifestations. J’assure moi-même dans le bureau voisin la liaison du Premier ministre avec ses collègues sur le réseau téléphonique interministériel et l’écoute des radios périphériques (RTL, Europe N° l). C’est passionnant de suivre les combats ; à leur paroxysme, M. Pompidou est présent. Très vite un phénomène d’ingérence se produit. (…) L’écoute des radios périphériques prouve que certains reporters dramatisent à plaisir les évènements et exacerbent l’agitation dans les rues. Les directeurs de stations sont invités à rendre les comptes-rendus de leurs journalistes plus sincères. (Remarque : De 1967 à 1969, E. Chaline est adjoint au chef du cabinet militaire du Premier ministre, puis adjoint au chef de l’État-major particulier du Président de la République de 1969 à 1971). Document 3 : Les radios périphériques, seul moyen d’information ? L’allusion aux fréquences d’ondes courtes exige qu’on rappelle comment fonctionnaient les radios périphériques (les seules auxquelles on pouvait faire confiance pour savoir ce qui se passait dans la rue). Le monopole de l’ORTF faisait que les émetteurs de ces radios se situaient à l’étranger, à l’exception de Radio Monte-Carlo dont le capital était possédé à 80 % par l’État et qui bénéficiait, avec un émetteur sur le mont Agel (Alpes-Maritimes), d’une situation d’illégalité tolérée. (…) les radios périphériques firent remarquablement leur travail. Mais, lorsque les journalistes faisaient en direct la description d’un mouvement de rue, cela

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amenait très rapidement du monde sur les lieux ; une petite manifestation pouvait vite devenir énorme. C’est pourquoi le pouvoir appelait Europe n° 1 "Radio Émeute ". Or, pour pouvoir couvrir l’événement en direct, les radios avaient besoin de fréquences d’ondes courtes, qui leur ont été très vite confisquées sous le prétexte officiel que la police en avait besoin pour la communication entre les cars des forces de l’ordre. Les journalistes en étaient réduits à monter chez les particuliers et à emprunter leur téléphone pour faire malgré tout du direct. Ces fréquences leur ont été restituées le 30 mai pour qu’ils contribuent involontairement au succès de la manifestation gaulliste.

Source : Le 30 mai 1968 - Témoignage de Jean-Pierre Baud Questions : 1. A l’aide de vos connaissances de l’année de première et de recherches personnelles, vous

expliquerez quel est le contexte de la jeunesse en France au moment de la crise de mai 1968

Les classes nombreuses arrivent à l’adolescence ce qui entraîne une véritable explosion scolaire d’autant plus que l’Etat mène une politique d’élévation du niveau d’instruction. En 1963, les moins de 20 ans dépassent le tiers de la population. L’université est touchée par ce phénomène et les locaux deviennent inadaptés, les méthodes pédagogiques paraissent désuètes. Cette nouvelle jeunesse s’affirme au travers d’une culture symbolisée par la mode « yéyé » composée de nouvelles danses (le twist), de nouvelles musiques (le rock). La culture jeune est le produit de la révolution des moyens de communication : transistor, disque, télévision. Or, c’est la contestation étudiante qui déclenche Mai 68. Dans le contexte de la guerre d’Algérie, puis de la guerre du Vietnam, les jeunes se politisent et adhèrent à des syndicats étudiants. 2. A l’aide de vos connaissances de la classe de première, rappeler les raisons qui expliquent

la crise de mai 1968 La crise débute à l’université de Nanterre, récemment bâtie et construite au milieu d’un bidonville. Les étudiants dénoncent la société de consommation qui écrase la personnalité de l’homme au nom du productivisme, et aboutit à la frénésie de consommation des uns pendant qu’une grande partie du monde croupit dans la misère. Il est donc question de justice sociale, de libérer l’homme de tout ce qui est contraintes (sociales, administratives, religieuses), de lutter contre le capitalisme, et contre le verrouillage par les autorités des médias. Les affiches se multiplient pour rendre visible la contestation. Le fer de lance du mouvement est composé des étudiants gauchistes qui dénoncent la société capitaliste et le communisme bureaucratique de type soviétique, des anarchistes libertaires, des admirateurs du maoïsme, des trotskistes. La grande majorité des étudiants n’est pas autant politisée mais rejoint le mouvement. Le leader étudiant est Daniel Cohn-Bendit appelé « Danny le Rouge »2. Le gouvernement ferme l’université de Nanterre ce qui déverse les étudiants sur la Sorbonne qui entre dans le mouvement. Les forces de l’ordre interviennent pour faire évacuer la Sorbonne ce qui occasionne de véritables affrontements de rues très violents dans le Quartier latin (il y aura 5 de morts, dont 3 en juin). Les photographies dans la presse ont un impact fort pour retracer les faits. Un climat de révolution nationale s’installe en France sans être encadré par les syndicats et les partis politiques qui sont dépassés. La contestation déborde le mouvement étudiant et touche les milieux ouvriers qui se mettent en grève à leur tour.

2 Il est aujourd’hui l’un des leaders du parti écologiste européen. C’est un élu vert allemand au parlement européen.

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3. Quelles sont les principales critiques qui sont émises contre les médias en France à

l’époque de mai 1968. Les jeunes et une partie de la population française critique les médias, notamment les médias radiophoniques et télévisuels, expliquant qu’ils sont soumis au pouvoir et qu’ils ne sont donc pas libres de leurs propos. Certains manifestants montrent leur défiance vis-à-vis de ces médias, notamment par le biais des affiches dans lesquels ils dénoncent le contrôle de la liberté d’expression par le gouvernement. Les médias sont aussi considérés comme étant en décalage avec les jeunes de la génération Yéyé dont les aspirations culturelles ne sont pas toujours en lien avec les émissions proposées. 4. Expliquez comment le gouvernement tente de contrôler les médias pendant la crise de mai

1968 et quelle en est la principale conséquence. Le gouvernement impose la censure à l’ORTF ce qui provoque la grève des personnels en retour. Les journalistes se mettent en grève pour protester contre la tentative de contrôle de l’information et l’impossibilité faite aux journalistes de l’ORTF de parler des émeutes étudiantes de mai 1968. 5. Expliquez quel est le rôle de la radio au cours de la crise de mai 1968. Les radios périphériques sont au cœur des événements (nuit des barricades, 10 mai 1968) du Quartier latin et donnent la parole aux étudiants et médiatisent l’événement, impliquant dans la lutte encore plus de jeunes. Les radios périphériques sont interdites par l’Etat mais elles émettent depuis des centres de diffusion à l’étranger ce qui empêche les autorités françaises de les contrôler. En revanche, les autorités françaises tentent de calmer les choses en invitant les journalistes à mesurer leurs propos. L’utilité et l’organisation des radios périphériques semblent diviser l’opinion et le gouvernement. Mais, de Gaulle, dans un discours radiodiffusé du 30 mai 1968, rétablit la situation en jouant sur la peur et en appelant les Français à le soutenir : c’est une sorte de nouvel appel gaulliste. 6. La crise de mai 1968 a-t-elle pour autant permis une libération générale des médias ? Si 200 journalistes de l’ORTF sont licenciés, la contestation interne a fragilisé l’institution qui sera supprimée en 1974 sous Giscard. Cependant, il faudra attendre 1981 et le pouvoir socialiste pour libérer les médias avec l’autorisation d’émettre accorder aux « radios pirates ».

C. La libération des médias et de leur impact sur l’opinion publique (1981-nos jours)

1) Libéralisation et évolutions constantes des médias « traditionnels » :

Plusieurs transformations clés touchent les médias traditionnels : - Défis et recul de la presse écrite : La presse écrite peut jouer rôle de contre-pouvoir comme lors de l’affaire du Rainbow Warrior en 1985, mais elle traverse crise depuis les années 1970 marquée notamment par l’érosion des tirages et la concurrence d’Internet et de la sphère d’information en continue. De nombreux problèmes apparaissent :

o perte de lectorat et difficulté à attirer jeunes ; o question de rentabilité ; o concurrence de la télévision et d’Internet, o concurrence des journaux gratuits depuis 2002

Les subventions de l’Etat indispensables et les investissements de riches hommes d’affaires pose la question de la liberté et de l’indépendance comme l’ont montrés le rachat du Figaro par S. Dassault en 2004 ou l’entrée dans capital de Libération d’Edouard de Rothschild en 2005. - Libéralisation et diversification des ondes :

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La libéralisation des ondes se fait dans les années 1980. Les « radios libres » sont autorisées à émettre en 1981, mais l’Etat attribue fréquences à chacune pour éviter nuisances. Les radios entrent dans logique concurrentielle, si bien que radios indépendantes disparaissent, tandis que grands groupes se constituent comme le groupe NRJ par exemple. La Libéralisation de la télévision est aussi à l’ordre du jour avec la création d’une Haute autorité chargée de garantir l’indépendance du service public. De plus, à partir de 1985, des chaînes privées apparaissent ce qui diminue l’impact de l’Etat sur la télévision. La télévision devient le média souverain : le réflexe du journal télévisé s’est imposé dans les foyers, même si aujourd’hui, elle se pratique autrement grâce à Internet (streaming, VOD, …) Dès les années 1980, la télévision est entrée dans l’ère de la consommation de masse avec :

o augmentation du volume horaire d’émissions o l’augmentation du nombre de chaînes : le PAF s’est ouvert au secteur privé dans les

années 1980 avec la fin du monopole d’Etat : Canal + ( 1984 ) et La Cinq (1985 ), TF1 privatisée en 1987, puis un large éventail de chaîne s’est ouvert avec le lancement de la TNT en 2005 et la multiplication des offres box Internet.

La télévision est devenue le cadre essentiel pour les hommes politiques qui y délivrent un message, dans un souci de maîtrise des techniques et exigences de communication : ex campagne de 1981 de F. Mitterrand, prise en main par publicitaire J. Séguela.

2) Une opinion touchée par la révolution numérique : Depuis la fin des années 1990, le temps que les Français passe devant la télévision fléchit après une hausse spectaculaire dans les décennies précédentes. Ce recul coïncide avec l’essor des NTIC lié au développement d’Internet et à la généralisation des appareils nomades innovants : Smartphone, netbook, tablette tactile permettant l’accès à des contenus multimédias très divers. Depuis la fin des années 1990, et surtout depuis le milieu des années 2000, on constate l’irruption et le succès rapide d’internet. Cela oblige les médias traditionnels à s’adapter :

- la plupart des radios, des journaux et des chaînes de télévision proposent une version en ligne de leurs contenus éditoriaux

- de nouveaux journaux apparaissent même uniquement sur le Web (Rue89 ou Mediapart, le Huffington post – par ailleurs mondialisé)

- les chaînes ont unsouci de l’interactivité dans les émissions politiques et dans l’ensemble des programmes.

Internet révolutionne les rapports entre médias, politique et opinion : Internet devient un nouvel espace de débat et de polémique. Cela a de multiples effets :

- cela brouille distinction entre citoyens et journalistes ; - Internet est un outil à accaparer pour les hommes politiques (vœux de certains sur

internet ; élections présidentielles de 2002 marquées par entrée d’Internet dans débat ; nouveau média pleinement intégré à stratégie de campagne par candidats lors des élections de 2007, utilisation des réseaux sociaux) ;

- Les hommes politiques sont sous surveillance quasi-permanente dans l’espace public. Cela pose aussi un certain nombre de problèmes :

- Absence quasi-systématique de vérification de données, de sources, - Cela peut contribuer à propagation de fausses nouvelles et de rumeurs.

D’où la nécessité d’une vigilance redoublée des citoyens face à ce nouveau média…

3) Une opinion publique plus « affranchie », méfiante et vigilante ? Les Citoyens sont désormais confrontés à une offre pléthorique et flot continu d’info. Les Citoyens oscillent entre :

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- Une participation directe au débat civique : via forums, blogs, Facebook, Twitter… (certains sont autant lus voire plus que de grands quotidiens).

- méfiance envers les médias « traditionnels » placés sous de nouvelles formes de contrôle : recherche de l’audimat, souci de rentabilité, « tyrannie » des sondages (voir le « séisme » électoral du 21 avril 2002 ou le débat de 2005 pour le Traité en vue d’une constitution européenne).

Les médias sont la cible des critiques de l’opinion : - Depuis les années 1990, émerge une dénonciation de l’uniformisation de

l’information. Certains vont jusqu’à dire que les médias sont les propagateurs de la « pensée unique ».

- Les accusations de connivence supposée entre journalistes, hommes politiques et grande entreprises font peser sur les principaux médias un soupçon quasi permanent de la part d’une partie de l’opinion.

- Les médias accusés d’avoir dramatisé les enjeux sécuritaires lors de l’élection présidentielle de 2002 et ainsi avoir favorisé au 2nd tour le candidat d’extrême droite, de chercher à manipuler par recours trop fréquent aux sondages. Cela conduit certains historiens à parler « d’obsession de mesure de l’opinion ».

Conclusion :