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THEMA Vers un crash alimentaire mardi 2 décembre 2008 à 21.00 www.arte.tv/thema

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THEMA

Vers un crash

alimentairemardi 2 décembre 2008 à 21.00

www.arte.tv/thema

thema

Vers un crash alimentaireMardi 2 décembre 2008 à 21.00

Soirée présentée par thomas Kausch

La tourmente financière, qui vient démentir toutes les promesses de la mondialisation, a éclipsé les signes avant-coureurs d’une autre crise, infiniment plus grave : une pénurie alimentaire générale. Pour comprendre comment tous les voyants sont passés au rouge, ARTE ausculte un système devenu fou.

thema – Vers un crash alimentaire

conjuguées au dérèglement climatique, les logiques économiques actuelles conduisent à brève échéance à une catastrophe alimentaire planétaire. est-il trop tard pour inverser la tendance ? La récente flambée des prix agricoles a été un coup de semonce : jamais le monde n’avait affronté une crise alimentaire d’une telle ampleur. Mais comme le montre l’enquête d’Yves Billy et Richard Prost, les difficultés ne font que commencer. Les stocks mondiaux de céréales baissent depuis huit années consécutives et n’assurent plus à la population mondiale qu’une avance de vingt jours d’alimentation, bien en deçà du niveau officiel de sécurité fixé à soixante-dix jours. Aujourd’hui, rappellent-ils, 925 millions de personnes souffrent de la faim sur la planète et leur nombre croît de plus en plus vite. À la hausse du prix des matières premières, à la raréfaction de l’eau et des surfaces arables et aux ravages causés par les dérèglements climatiques, se sont ajoutés deux phénomènes récents : au moment même où la demande chinoise en céréales s’accélérait brutalement, les biocarburants ont commencé à redessiner la carte de l’agriculture mondiale. Par exemple, la production américaine d’éthanol à base de maïs, qui engloutit le tiers des récoltes du pays, devrait passer de 80 millions de tonnes en 2007 à 120 millions cette année. Quant au productivisme agricole, qui en un demi-siècle a épuisé

les sols et pollué l’environnement, il a atteint ses limites. Tout comme le dogme néolibéral, qui a poussé les pays du Sud à tout miser sur des cultures d’exportation, mettant la survie des populations locales à la merci des cours mondiaux. De plus en plus nombreuses, des voix s’élèvent pour que ces logiques économiques soient remises à plat, même au sein du FMI et de la Banque mondiale, afin de prendre en compte les besoins des différents pays, y compris des plus pauvres.

Nourrir les hommes ou l’économie ?Les réalisateurs ont enquêté en Europe, interrogé de nombreux spécialistes de l’agriculture et de l’alimentation, parcouru les exploitations céréalières de l’Argentine et des États-Unis, puis traversé une Chine en voie d’urbanisation accélérée. Pour parvenir à nourrir sa population, celle-ci investit désormais à l’extérieur de ses frontières, en Afrique, en Corée du Sud et, justement, en Argentine. Avec l’exemple du maïs et du soja, deux cultures majoritairement livrées aux OGM, que l’industrie, mais aussi l’élevage intensif, disputent à l’alimentation humaine, ils nous permettent de comprendre très concrètement pourquoi la demande agricole grimpe alors que l’offre baisse. Une démonstration accablante, qui nous interroge : sommes-nous capables de modifier le cours de cette catastrophe annoncée ?

Vers un crash alimentaireDocumentaire d’Yves Billy et Richard Prost(France, 2008, 1h20mn)Coproduction : ARTE France, Auteurs Associés

Mardi 2 décembre 2008 à 21.00

thema – Vers un crash alimentaire

YVes BillYco-réalisateur du documentaire Vers un crash alimentaire

« Sensibiliser à la rareté alimentaire »

Dans son documentaire, Vers un crash alimentaire, Yves Billy éclaire les mécanismes d’une crise alarmante, déjà considérée comme « le » défi majeur du XXie siècle. Précisions.

s’oriente-t-on vraiment vers un crash alimentaire ?Si l’on ne prend pas de mesures rapidement, la rareté alimentaire ne peut que s’accentuer. Entre les agrocarburants et la demande croissante des pays émergents, la menace d’un crash existe réellement. C’est le défi du XXIe siècle. Depuis des années, pourtant, la FAO a tiré la sonnette d’alarme, et alerté sur le rétrécissement des productions et les sécheresses qui frappaient de grands pays producteurs de céréales comme l’Australie. Si la récolte 2008 s’annonce meilleure, le problème, d’ordre structurel, n’est pas résolu, en particulier concernant l’Afrique. D’autant que l’aide alimentaire dépend aussi des denrées disponibles. Rééquilibrer la production dans les pays pauvres coûterait environ 30 milliards de dollars par an, selon la FAO qui a peiné à en obtenir 5, lors de son dernier congrès en juin. D’où son étonnement aujourd’hui devant la mobilisation de mille milliards de dollars pour sauver la finance internationale.

comment avez-vous enquêté ?Ce documentaire s’inscrit dans le prolongement de mes précédents films, dont notamment la série Paradis perdus pour ARTE, sur le réchauffement climatique. Car les paysans et les agriculteurs en sont les premières victimes. Nous avons rencontré de nombreux experts et enquêté dans des pays emblématiques de la question agroalimentaire. La Chine, par exemple, réunit à elle seule tous les enjeux, à la fois démographiques,

économiques et écologiques. Si elle a presque réussi à nourrir ses 1,3 milliard d’habitants (en dépit de 150 millions de sous-alimentés), la désertification dans le Nord, l’érosion des sols et l’urbanisation galopante réduisent à grande vitesse ses terres arables. En même temps, une partie de sa population, dont le niveau de vie augmente (20%, soit 300 millions de personnes !) mange davantage de viande et de laitages. Affectée aussi par les changements climatiques, l’Afrique subsaharienne, elle, reçoit les produits subventionnés des pays du Nord, moins chers que ceux des paysans locaux. Et puis il y a ces pays considérés comme les greniers du monde, telle que l’Argentine et, au centre de tout, les Etats-Unis.

Peut-on inverser la tendance ?Malheureusement, dès qu’ils en ont les moyens, la plupart des pays émergents s’orientent vers une agriculture faisant la part belle aux engrais, voire aux OGM. Une politique désastreuse pour les paysans, contraints à l’exode rural. Si certains pays riches comme la France peuvent combiner deux types d’agricultures, il faut parvenir à réguler le système de l’intérieur, en fonction de chaque pays, rééquilibrer les importations et les exportations et aider les plus pauvres à développer des agricultures vivrières qui permettent aux gens de se nourrir. Surtout, il est essentiel que la nourriture soit retirée des marchés financiers et ne soit plus dépendante de fluctuations à court terme. Avec ce film, nous voulons d’abord sensibiliser à la rareté alimentaire, peu perceptible en Occident. Dans le monde, trois milliards d’hommes souffrent déjà de malnutrition.

Propos recueillis par sylvie Dauvillier

thema – Vers un crash alimentaire

les interVenants (liste non-eXhaustiVe)

Vic lespinasseAnalyste financier

stefan tangermannDirecteur du département agriculture de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques)

lester r. BrownPrésident du Earth Policy Institute

Dr amani elobeidExpert international de l’éthanol - FAPRI (The Food and Agricultural Policy Research Institute - Université d’Iowa)

alberto GomezReprésentant de « Via Campesina », un mouvement international composé d’organisations paysannes de petits et moyens agriculteurs, de travailleurs agricoles, de femmes et de communautés indigènes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et d’Europe.

maryam rahmanianCENESTA (Centre for Sustainable Development & Environment)

Flavio ValenteSecrétaire général du FIAN International- Brésil (Foodfirst Information and Action Network/ Réseau d’Information et d’Action pour le droit à se nourrir, une organisation non gouvernementale (ONG) apolitique et non confessionnelle, qui agit pour la défense et la réalisation du droit à l’alimentation.)

Bruno ParmentierDirecteur de l’ESA (École Supérieure d’Agriculture)

marc Dufumier Chercheur AgroParisTech (Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement)

Jean-luc DomenachDirecteur de recherche Sciences Po - CERI (Centre d’études et de recherches internationales)

Dermot J. hayesCo-directeur du FAPRI (The Food and Agricultural Policy Research Institute - Université d’Iowa)

li XiandeChercheur - Institut de l’économie et du développement rural

Zhang shihuangExpert du maïs, CIMMYT - Chine (Centre International pour l’Amélioration du Maïs et du Blé)

Bian shaofengDirecteur adjoint de l’Institut agricole des ressources agricoles et de l’environnement

ernesto ambrosettiEconomiste - Sociedad Rural Argentina

Javier de urquizaEx-secrétaire d’état à l’agriculture d’Argentine

ricardo negriIngénieur agronome, AACREA (Association Argentine de Consortiums Régionaux d´Expérimentation Agricole)

Philippe colinSecrétaire national de la Confédération Paysanne (France)

Pascal du châteauChercheur, Maïsadour, un groupe agro-alimentaire coopératif basé en Aquitaine

...

thema – Vers un crash alimentaire

le monoPolY De la FaimDocumentaire de Karel Prokop(France, 2008, 30mn)Coproduction : ARTE France, Constance Films

comment l’aide alimentaire d’urgence est tombée dans l’escarcelle de la finance. un exemple éloquent, à travers le destin de la récolte éthiopienne 2006.Ce fut une des idées lumineuses du début du millénaire, quand les promesses virtuelles de la spéculation financière internationale semblaient sans limites. Et si la bourse ou les assurances pouvaient aussi renflouer l’aide d’urgence ? Les experts onusiens du Programme alimentaire mondial (PAM) décidèrent ainsi d’assurer la récolte de l’Éthiopie, en proie à un risque endémique

de famine, contre la sécheresse. Malheureusement, en 2006, ce sont des inondations catastrophiques qui ont emporté une partie du cheptel et détruit les stocks annuels de vivres dans une partie du pays. Nullement ébranlée par cette erreur de prévision, l’organisation a préconisé d’élargir l’expérience… Ce documentaire éloquent met en perspective l’immense décalage entre deux univers : les lieux où se décident abstraitement les politiques mondiales, et des «sociétés de survie» qui ont perdu toute capacité à agir sur leur propre destin.

Mardi 2 décembre 2008 à 22.30

Directeur de l’esa (École supérieure d’agriculture), Bruno Parmentier, ingénieur des mines et économiste, est l’auteur d’un ouvrage référence Nourrir l’humanité* sur le défi alimentaire. il en décrypte les enjeux.

Pourquoi n’a-t-on pris conscience de la crise alimen-taire qu’en 2007 ?Alors que huit des dix dernières années ont été déficitaires en céréales, les stocks préalablement constitués (environ six mois de consommation depuis des décennies) ont un temps permis de maintenir les cours à bas niveau, jusqu’à ce qu’apparaisse la réalité d’une légère pénurie. Or, quel que soit le prix, la demande des 6,5 milliards d’habitants sur la planète, elle, ne fléchit pas. Elle augmente même de 2 % par an, entre les 80 millions de « convives supplémentaires », la croissance de la consommation de viande et de lait par une partie de la population, notamment les classes moyennes d’Asie, et la production de biocarburants. En outre, au gâchis à la production dans le Sud - les récoltes pourrissent par insuffisance de transports et de stockage -, s’ajoute celui, effrayant, à la consommation dans le Nord. Ainsi, en 2007, les courbes de croissance structurelle de la demande et celle de l’offre, dépendante des conditions climatiques, se sont croisées.

comment vont évoluer l’offre et la demande alimen-taire mondiale dans les prochaines décennies ?Avec environ 3 milliards d’habitants en plus d’ici 2050, la demande alimentaire variera en fonction des continents. Afin que chacun mange à sa faim, il faudrait doubler la production agricole mondiale, mais en réalité la multiplier par 5 en Afrique, 2,3 en Asie et 1,9 en Amérique latine. L’offre peinera à suivre. Pourtant, le XXe siècle a enregistré certains succès en la matière. Ce n’est peut-être pas glorieux, mais alors que la population quadruplait, le chiffre de ceux qui souffraient de la faim est resté stable, à savoir 850 millions. On a donc produit plus, avec plus de ressources. Désormais, nous allons devoir faire plus, avec moins...

moins de terres, mais aussi moins d’eau et d’éner-gie…Les terres arables (1,5 milliard d’hectares soit 12% de la planète) ne sont pas extensibles. Bien que les réserves, essentiellement les forêts tropicales, soient mises en culture à un rythme déraisonnable, accélérant le réchauffement climatique, nous perdons plus de terres que nous n’en gagnons, à cause de la pollution et de l’urbanisation massive. La Chine, par exemple, perd 1 million d’hectares par an ! Si en 1960, nous mangions à deux sur un hectare de terre cultivée pour quatre aujourd’hui, nous serons six en 2050. De plus,

thema – Vers un crash alimentaire

entretien Bruno Parmentier – Directeur de l’ESA

« Pour une révolution de la pratique agricole»

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le réchauffement de la planète accentue la sécheresse - depuis cinq ans, il ne pleut plus en Australie, qui était un grand pays exportateur de céréales - et les inondations. Avec d’énormes investissements, nous ne pourrons augmenter les 200 millions d’hectares irrigués sur la planète que de 20 %, tandis que le niveau des nappes phréatiques va baisser dans de nombreuses régions. Enfin, pour produire une tonne de blé, il faut près de 300 litres de pétrole, pour les engins, mais surtout pour les engrais et les pesticides. Les agriculteurs devront produire avec moins d’énergie. Dans le même temps, on leur demande de remplir les réservoirs avec les biocarburants. C’est un défi gigantesque.

Quelles solutions préconisez-vous ?Au XXe siècle, on a artificialisé au maximum l’activité agricole, et notamment par la chimie, à travers les engrais, les fongicides, les insecticides et les herbicides. Une solution coûteuse, tant sur le plan financier qu’en termes d’énergie, de pollution et d’impact sur la santé. L’âge de la chimie pour l’agriculture est révolu. Le XXIe siècle devra être celui de la biologie, et en particulier de l’agriculture à « haute intensité environnementale ». Il faut trouver des moyens de faire jouer à la nature le rôle des engrais et des pesticides, c’est à dire avoir recours à des associations de plantes qui se protègent et se nourrissent entre elles, et faire appel à la biodiversité : les vers de terre, excellents laboureurs, les abeilles, les bactéries, les champignons... En outre, comme dans les régions tropicales, nous devrons récolter au moins deux fois l’an : une l’hiver pour nourrir la terre avec des plantes fixant le carbone et l’azote et économiser les engrais, et une l’été pour nourrir les hommes. Cette révolution urgente de toute la pratique agricole implique de vastes programmes de recherches. D’autant qu’il va falloir inventer des milliers d’agricultures, une par canton et par micro-climat…

Que pensez-vous du débat sur les oGm ?Il est faussé, parce que les premiers OGM n’apportent pas de réelle solution et qu’ils ont été fabriqués par une multinationale américaine spécialisée dans les

herbicides et les insecticides, Monsanto, dont le gouvernement américain a assuré des conditions favorisant le monopole, la privatisation du vivant et une impunité face aux dérives. Mais les vrai enjeux sont autres, par exemple la mise au point de céréales moins consommatrices d’eau ou de plantes productrices de protéines ou de vitamines. Il peut y avoir des OGM « de vie ». Tandis que l’Europe bloque sur la question, les OGM plantés dans le monde recouvrent déjà cinq fois la surface agricole française. S’il faut d’abord parier sur une agriculture à haute intensité environnementale, nous devons aussi lancer des recherches, publiques, sur les OGM. Car si les paysans échouent, la faim, elle, sera également très dangereuse quand elle engendrera émeutes et guerres.

Quelle est la responsabilité de l’omc dans la crise alimentaire ?Depuis vingt ans, la pensée unique a imposé l’idée qu’il fallait arrêter de soutenir les agriculteurs et ouvrir les frontières, pour une plus grande émulation. C’est pourquoi on a retiré à la FAO l’organisation de l’agriculture mondiale pour la confier aux commerçants de l’OMC. On a ainsi expliqué aux États africains que s’acharner à faire de la nourriture ne servait à rien, puisque d’autres pays étaient plus efficaces pour produire. Au nom du remboursement de la dette, la Banque mondiale et le FMI ont découragé le soutien à l’agriculture vivrière, au profit de celle génératrice de devises : arachide, coton, café, cacao... Cette politique s’est effondrée. Si dans l’imaginaire français, la faim est un phénomène urbain, ce sont en réalité des paysans qui meurent aujourd’hui de faim dans le monde, en silence. Il faut cesser de les empêcher de se nourrir eux-mêmes ! D’où la nécessité d’une sorte de « plan Marshall » pour reconstruire et soutenir l’agriculture vivrière et familiale dans ces pays. La paix mondiale sera à ce prix.

*Nourrir  l’humanité, de Bruno Parmentier, Ed. La Découverte, 2007

Propos recueillis par sylvie Dauvillier

Contact presse Martina Bangert : 01 55 00 72 90 / [email protected]

Rédaction : Sylvie DauvillierDossier de presse en ligne sur www.artepro.com

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