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STVDIA ASIATICA I (2000), 1-2, p. 47-76 Centre d’Histoire des Religions, Université de Bucarest LES ALAINS ET LA FONDATION DES TATS ROUMAINS Virgil CIOC{LTAN Institut d’histoire “Nicolae Iorga”, Bucarest Lun des traits particuliers du peuple des Alains est constituØ par leur double nom au Moyen ´ge ; ctØ du nom Alain, connu dLs lAntiquitØ, alan, 1 les sources mentionnent Øgalement le nom as 2 , que leurs descendants, les Ossettes, ont conservØ avec une lØgLre modification, jusqu nos jours 3 . Les Russes du Moyen ´ge ont adaptØ leur phonØtisme lethnicon as : ainsi, il a pris la forme яс (pl. ясы) 4 , qui se trouve la base de lhongrois jÆsz (pl. jÆszok) 5 et du roumain Ia] (pl. Ia]i) 6 . Les grands orages que lhistoire a levØs dans la steppe eurasiatique ont arrachØ de nombreuses branches du tronc alain, enracinØ l oø le Caucase rencontre la plaine. 7 Les deux ouragans provoquØs par 1 GGE A/I 39-48, 366-74; DIVR I 26; BrinN 126-31; LM I 266-7; EI 2 I 365: alan < aryan. 2 V. la note prØcØdente; les deux noms ont un sens absolument identique, comme le constatait, parmi dautres, la moitiØ du XIII e siLcle le missionnaire franciscain Guillaume de Rubrouck: Alani qui ibi dicuntur Aas et Alani sive Aas (WyngS I 191, 199). Pour les variantes phonØtiques de ces ethnonymes dans le monde musulman, v. EI 2 I 365 et pour ceux usitØs en Chine BretR II 88-90. 3 SIE I col. 329. 4 Ibid. s. v. ALANY (v rus. istonikah: jasy); de mŒme, VasmW III 496; VailM I 34: En vieux slave on observe un flottement de a- et ja- linitiale. 5 MNTES II 264 pour les variantes phonØtiques rencontrØes dans les textes latins concernant le royaume hongrois voir GombC IV 76; les auteurs mØdiØvaux ont considØrØ les Alains de faon erronØe - et par consØquent ils les ont appelØs les descendants soit des Philistei bibliques soit de Yaziges, population sarmate Øtablie dans la Pannonie pendant loccupation romaine (PÆHoP 64). 6 Le nom ethnique proprement dit nest enregistrØ dans aucune source; il se retrouve au pluriel dans le toponyme Ia]i et au singulier dans lanthroponyme aujourdhui sorti dusage, Ia] (ConsD 301). La prØsence de -] (au lieu de -s) au singulier” est dß aux influences du pluriel, utilisØ beaucoup plus souvent dans un tel cas (= ethnonyme) que le singulier (IordN I s. v. Ia]i) . 7 Pour lhabitat dorigine des Ossettes de nos jours, successeurs des Alains antiques et mØdiØvaux, v. SIE I col. 329.

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Alans in Romania.

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Page 1: The Alans and the Begining of Romanian States

STVDIA ASIATICA I (2000), 1-2, p. 47-76

Centre d’Histoire des Religions, Université de Bucarest

LES ALAINS ET LA FONDATION DES ÉTATS ROUMAINS

Virgil CIOC{LTAN

Institut d’histoire “Nicolae Iorga”, Bucarest

L�un des traits particuliers du peuple des Alains est constitué par leur double nom au Moyen Âge ; à côté du nom Alain, connu dès l�Antiquité, alan,1 les sources mentionnent également le nom as2, que leurs descendants, les Ossettes, ont conservé avec une légère modification, jusqu�à nos jours3. Les Russes du Moyen Âge ont adapté à leur phonétisme l�ethnicon as : ainsi, il a pris la forme яс (pl. ясы)4, qui se trouve à la base de l�hongrois jász (pl. jászok)5 et du roumain Ia] (pl. Ia]i)6.

Les grands orages que l�histoire a levés dans la steppe eurasiatique ont arraché de nombreuses branches du tronc alain, enraciné là où le Caucase rencontre la plaine.7 Les deux ouragans provoqués par

1 GGE A/I 39-48, 366-74; DIVR I 26; BrinN 126-31; LM I 266-7; EI2 I 365: alan < aryan. 2 V. la note précédente; les deux noms ont un sens absolument identique, comme le constatait, parmi d�autres, à la moitié du XIIIe siècle le missionnaire franciscain Guillaume de Rubrouck: Alani qui ibi dicuntur Aas et Alani sive Aas (WyngS I 191, 199). Pour les variantes phonétiques de ces ethnonymes dans le monde musulman, v. EI2 I 365 et pour ceux usités en Chine BretR II 88-90. 3 SIE I col. 329. 4 Ibid. s. v. ALANY (v rus. istoµnikah: jasy); de même, VasmW III 496; VailM I 34: �En vieux slave on observe un flottement de a- et ja- à l�initiale�. 5 MNTES II 264 pour les variantes phonétiques rencontrées dans les textes latins concernant le royaume hongrois voir GombC IV 76; les auteurs médiévaux ont considéré les Alains de façon erronée - et par conséquent ils les ont appelés les descendants soit des Philistei bibliques soit de Yaziges, population sarmate établie dans la Pannonie pendant l�occupation romaine (PáHoP 64). 6 Le nom ethnique proprement dit n�est enregistré dans aucune source; il se retrouve au pluriel dans le toponyme Ia]i et au singulier dans l�anthroponyme aujourd�hui sorti d�usage, Ia] (ConsD 301). �La présence de -] (au lieu de -s) îau singulierº est dû aux influences du pluriel, utilisé beaucoup plus souvent dans un tel cas (= ethnonyme) que le singulier� (IordN I s. v. Ia]i) . 7 Pour l�habitat d�origine des Ossettes de nos jours, successeurs des Alains antiques et médiévaux, v. SIE I col. 329.

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les Huns et les Mongols les ont éparpillés dans toutes les directions. La première vague les a portés jusqu�à l�Atlantique, dans la péninsule Ibérique et en Afrique du Nord,8 la seconde les a dispersés dans les parties orientales et centrales de notre continent9 et en Chine10.

Les qualités des mercenaires alains ont été partout hautement appréciées, ce qui explique dans une grande mesure leur dispersion géographique extraordinaire.11

L�un des plus consistants groupes alains, utilisé par les Tatares dans des buts militaires, a été cantonné dans la seconde moitié du XIIIe siècle dans la région située entre les Carpates et le Dniestr.12 Ils ont joué un rôle considérable non seulement dans le destin des Tatares des régions occidentales de la Horde d�Or, mais ils ont contribué dans une égale mesure à la fondation et à la consolidation étatique de la Valachie et de la Moldavie. En dépit des recherches entreprises sans relâche par les

8 Ibid.; GGE A/I 39-48, 366-74: DIVR 26. 9 V. les deux notes suivantes. 10 V. en général pour les Alains au Moyen Âge EI2 365, LM I 266-7 et VerlEs passim et pour ceux de l�Asie Centrale et de l�Extrême Orient, PellC 641 et BretR II 88-90. 11 Pendant que le missionnaire franciscain Jean de Marignolli/WyngS I 542 soutenait que les Mongols ont conquis la Chine à l�aide des Alains, le Byzantin G. Pachimeres consignait la bravoure de �ce peuple genéreux� de l�extrémité de l�ouest du territoire des Tatares: �En effet, ils étaient à la fois les compagnons de guerre de Nogai et ceux à travers lesquels il avait obtenu des victoires� (FHDR III 451). Des contingents alains sont attestés au XIVe siècle en Byzance, à T`rnovo, à Vidin et dans les royaumes hongrois et serbe (v. les notes 29-34). Br`tV 44 fournit une liste suggestive, bien qu�incomplète des souverains qui ont utilisé les Alains au Moyen Âge. 12 Des précisions d�ordre territorial sont fournies par Br`tV 43 (�... le pays des As, des Alains... n�est autre que la Moldavie actuelle�), DeceH 62 (�bilād ās - ce qui signifiait alors la partie centrale de la Moldavie, où se trouve aujourd�hui la ville de Ia]i�), SpinM 171 (� �le pays de Ia]i� - localisé en Moldavie et dans les régions limitrophes�). Plus incertain est le moment de l�établissement des Alains dans ce pays. Même si une note dont on ne connaît pas l�année du Chronicum Salernitanum précise que Alani... feruntur a Lanus fluvio ultra Danubium a été insérée dans le volume GCE A/1 41, qui comprend Lateinische Namen bis 900, il para[t qu�il s�agisse d�une erreur de datation des éditeurs; elle rappelle de façon trop évidente Alanus fluvius, inscrit sur les portulans dès le XIVe siècle (v. la note 23). Cette inscription ne peut pas constituer la preuve de la continuité des Alains à partir de l�Antiquité et jusqu�au Moyen Âge sur les territoires situés entre les Carpates et le Dniestr (v. aussi MöhlC 63). Le fait que les principales autorités au sujet de l�invasion mongole de 1241 en Europe Centrale et de l�Est, à savoir le savant persan Fäzl Ollāh Rä��d od-D�n et Rogerius, le chanoine de Oradea, ne les mentionnent pas dans la région nommée ci-dessus (DeceIn passim), est un argument qui ne peut être ignoré. La supposition conformément à laquelle les Tatares ont transféré ce groupe ethnique de son habitat natal dans la région carapato-dniestrienne � probablement en même temps que le déplacement des Turcs Seldjoucides de Kypµak en Dobroudja, c�est-à-dire peu après 1280 (DeceP 188) est plus plausible (CihoA 229, n. 10: les Alains �ont été amenés ici aux embouchures du Danube par le khan Nogai�).

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historiens pour éclaircir la genèse des pays roumains, la contribution alaine à ce processus est restée complètement négligée.

1. �Le pays des Alains� et les Tatares Les parties occidentales de la Horde d�Or ont connu dans les

deux dernières décennies du XIIIe siècle une évolution à part à l�intérieur de l�État tatare. Le noyau initial - marque de frontière sur le Bas Danube - s�est développé à tel point sous le commandement du général mongol Nogai, que celui-ci a pu défier dans les dernières années du siècle mentionné ci-dessus le pouvoir central pour se proclamer khan. Il a fallu deux guerres acharnées au chef légitime de l�ulus Djuµi13, Tokta, pour liquider cette dissidence en 130114.

L�espace contrôlé par Nogai, agrandi par ses propres forces15 et qu�il a directement conduit vers la fin de sa vie (m. cca 1300), s�étendait sous la forme d�un semi-cercle en dehors de l�arc des Carpates, à partir de la Ruthénie jusqu�aux Portes de Fer sur le Danube. Le centre de commande, optimal pour coordonner les deux ailes, a été fixé à Isaccea.16

La contribution du groupe alain au renforcement du pouvoir de Nogai n�est pas restée inaperçue pour les contemporains avisés de Byzance.17 Les liens économiques et diplomatiques du sultanat mamelouk avec les Tatares de la Horde d�Or ont fait que les réalités de cette dernière - y compris celles de la région située entre les Carpates et le Dniestr - soient relativement bien connues en Egypte et en Syrie.18 Les informations fournies par les sources mameloukes sur les Nogaides et sur leurs auxiliaires nous permettent de saisir des aspects importants de

13 L�expression courante dans les sources orientales pour désigner la Horde d�Or. 14 Voir la monographie VeseH et dans l�historiographie roumaine Br`tV 38-9, 43, 54, 57, 72-3, 108-11, DeceH 61-3, SpinM 171-2. 15 Au détriment du khan régnant sur la Volga (Pachimeres/FHDR III 444-50). 16 Les chroniqueurs mamelouks Baibars/TiesS I 93 et an-Nuwair�/ibid. 139 précisent que les résidences de Nogai se trouvaient à �Isaccea, sur le Danube, jusqu�aux Portes de Fer� (Saqdj� wa nahr Tunā wa mā yal� Bābu �l-Ħad�d). C�est dans la �capitale� Isaccea que furent frappées des monnaies au nom du khan Nogai et de son fils Čaka (OberA 269-9). Les troupes tatares ont occupé en 1291 le Banat de Maµva (NikoI 68 suiv., PapaR 168). En Dobroudja se sont instalés les Turcs Seldjoucides (v. DeceP passim avec la conclusion catégorique dans ce sens à la fin de l�étude) et dans le territoire carpato-dniestrien les Alains (v. la note 12). Le Boudjak, en tant que prolongement naturel de la steppe eurasiatique, a été et devait demeurer jusqu�à la dissolution finale du pouvoir nomade dans cette région l�habitat de prédilection de la chevalerie tatare. 17 V. la note 11. 18 V. CiocCom 1108.

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l�organisation de la population ci-dessus mentionnée ; elles prouvent aussi sans équivoque l�existence d�un �pays des Alains�19, dirigé par un �chef�20, appartenant probablement au même peuple. Il y avait également des troupes tatares qui stationnaient sur le territoire de ce �pays�.21

La cartographie occidentale confirme cette réalité ; dans le portulan de Giovanni da Carignano du début du XIVe siècle on trouve consignée au-dessus du Danube l�Alania22, qui correspond certainement au �pays des Alains� des sources mameloukes. Important pour la localisation de cette Alania est le nom que certains cartographes médiévaux ont attribué au fleuve Prut : Alanus fluvius23, eau qu�un auteur arabe de la même période appelait nahr Yað�24, c�est-à-dire �la rivière Ia]i�.

Les Alains sont restés à côté des membres de la puissante famille mongole du Danube non seulement dans la période de gloire, mais également pendant les temps durs. Après la seconde bataille entre Tokta et Nogai, pendant laquelle ce dernier a été vaincu et tué,25 son fils, Čaka, s�est retiré et a organisé la résistance dans �le pays des Alains�, d�où il a repoussé les attaques de ses ennemis acharnés26. Ce n�est qu�après le khan vainqueur eut envoyé comme renfort un corps d�armée que Čaka a été forcé de se réfugier au sud du Danube, sur le territoire de l�État bulgare, où il a été assassiné à T`rnovo, sur l�ordre du tzar Théodore Svetoslav27.

La fidélité des Alains à l�égard de Nogai et de son fils, prouvée dans la confrontation avec le pouvoir central, a fini par les exposer après l�élimination de Čaka, le dernier �rebelle� de marque, à des représailles de la part des vainqueurs. Les vicissitudes par lesquelles sont passées à cette occasion les Turcs Seldjoucides de Dobroudja, compromis en tant

19 Baibars/TiesS I 92: bilād ās. 20 Ibid.: muqaddam. 21 Ibid. en 1300 ou 1301 est mentionné le tümen (= théoriquement, unité de 10.000 soldats) dans l�armée de Čaka. 22 PoSpR I 62, 64, Br`tV 43, SpinM 203. 23 MillM 17, Br`tV 43, SpinM 203. 24 Baibars/TiesS I 88 a noté la variante phonétique enregistré par son informateur chez les Roumains ou chez les Russes, respectivement chez les Ruthènes. Quant à l�identification avec le Prut, v. VeseH 45, VernM 188. 25 Le plus probable en 1300 (Baibars/TiesS I 90-1, an-Nuwair�/ibid.138). 26 Baibars/TiesS I 92-3, an-Nuwair�/ibid. 138-9. 27 Baibars/TiesS I 93, an-Nuwair�/ibid. 139, Pachimeres/FHDR III 448-51; au sujet du contexte politique et des conséquences de cet acte, v. CiocH.

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que �gens de Nogai�28, ne pouvaient pour rien au monde épargner les braves Alains. La conséquence de cette situation a été un véritable exode de leurs demeures éparpillées entre les Carpates et le Dniestr.

Le groupe probablement le plus massif, �dénombrant environ seize mille personnes, dont plus de la moitié étaient apte pour la guerre�29, s�est déplacé en 1302 avec l�accord de l�empereur Andronic II en territoirre byzantin.30 Même si l�empereur bâtissait de grands espoirs sur �cette chance arrivée juste au moment opportun�31, leur rendement militaire n�a pas répondu à ses attentes ; les Alains ont été vaincus en tant que mercenaires par les Turcs en l�Asie Mineure, près de Magnésia32 et puis par les Catalans aux pieds des Balkans près d�Apros en 130533.

La tension croissante avec les Byzantins et surtout le désastre souffert de la part des Catalans34 ont déterminé les survivants Alains de traverser les montagnes pour chercher abri dans la Bulgarie de Théodore Svetoslav35. La tâche qu�ils s�engageaient de mener à fin au service du tzar a été formulée dans des termes clairs : défendre les frontières contre les Byzantins, impatients de reconquérir les cités de Mesembria et d�Anchialos36, occupées quelques années avant par les Bulgares37. Tout ce que l�on sait sur leur sort c�est qu�ils ont été accueillis par Théodore Svetoslav, leur traces se perdant par la suite sur le territoire bulgare.38

La présence des Alains est en revanche attestée jusqu�à une époque relativement tardive à Vidin ; le tzar Jean Sratzimir a employé

28 Une partie d�entre eux ont réussi à traverser la mer jusqu�en Anatolie natale, le reste ont été contraints de renoncer à la religion musulmane pour devenir chrétiens. Ces derniers sont connus sous le nom de Gagauzi (DeceP 174, 188-92). 29 Pachimeres/FHDR III 451. 30 La demande d�asile a été transmise à l�empereur par l�intermédiaire du métropolite de Vicinia et expliquée par Pachimeres/ibid. comme un acte de libération de la servitude de Nogai; une autre motivation, à la fois intéressée et fausse, chez Gregoras/ibid. 509: �îLes Alainsº qui étaient chrétiens depuis les temps les plus anciens sont tombés sous le pouvoir des Scythes (= Tatares) qu�ils ont servis à contrec�ur, de leurs corps ; en revanche leur esprit était torturé par le désir de liberté et par la haine des mécréants� ; pour la datation (1302), v. DölgR IV 37. 31 Pachimeres/ibid. 32 Gregoras/ibid. 509, 511. 33 Pachimeres/ibid. 453 et PachB II 548-51 ; pour ces luttes, v. OstrG 406-7, Br`tV 44 ; datation chez DölgR IV 48: 1306. 34 Quelques soient les exagérations, les pertes avançées par une source contemporaine sont impressionnantes : des 3000 cavaliers et 6000 fantassins seuls 300 auraient survécus (SchlE 229, Br`tV 44). 35 PachB II 601. 36 Ibid. 37 OstrG 407. 38 Ibid.

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dans les luttes de 1365 contre le roi de Hongrie, Louis d�Anjou, un détachement d�Alains musulmans.39 Ce groupe, converti a l�islam probablement sous l�influence de Nogai, doit avoir fait partie du groupe de 3000 cavaliers refugiés dans les premières années du XIVe siècle avec Kara Ki�ek, le fils de Čaka, auprès du tzar Michel �i�man de Vidin, après l�arrêt et l�exécution du dernier conspirateur contre Totka, à savoir Turaï, le fils de Nogai40.

On peut également supposer que c�est de ce groupe de mercenaires alains que se sont détachés ceux qui ont trouvé un emploi à la cour des princes serbes41.

C�est toujours entre les Carpates et le Dniestr que semble avoir ses origines la puissante communauté des Alains du royaume hongrois. Signalés dans les documents pour la première fois en 1318 ou 1323, ils ont occupé un territoire étendu dans les collines de Mátra, où ils ont fondé un �pays� (Iászság), attesté en 1366.42 Les privilèges dont a joui la colonie alaine pendant les XIVe-XVe siècles, prouvent l�importance des services rendus à la royauté hongroise.43

Si l�on suit sur une carte imaginaire la dispersion des Alains de l�espace situé entre les Carpates et le Dniestr à partir de 1302, causée par la crainte des représailles du khan Tokta, on constate que tous les souverains du centre et du sud-est de l�Europe ont accueillis les bras ouverts ces fameux guerriers chez qui le métier de mercenaire avait été élevé au rang d��occupation nationale�. Basarab, le fondateur de la Valachie, a pu lui aussi apprécier les vertus militaires des Alains.

2. �La seigneurie des Alains� et Basarab Entré depuis longtemps dans le circuit de l�historiographie

roumaine, le témoignage écrit du contact du premier voïvode de la Valachie avec les Alains se trouve dans l�archi-connue note de la préface du Zakonik, rédigé par le souverain �tefan Du�an, et qui concerne les

39 GjuzG 235, PavlM 119. 40 An-Nuwair�/TiesS I 139-40. 41 FranS 45, IordT 169, n. 4. 42 PáHoP 62-3. Tout en niant la contribution des informations des sources mameloukes et byzantines, qui attestent l�existence des Alains dans l�espace carpato-dniestrien à la fin du XIIe siècle, MöhlC 64 a supposé de façon erronnée que les Ia]i, qui ont donné le nom à la capitale de la Moldavie, sont venus de Hongrie au cours du siècle suivant; les tentatives de trouver un contexte historique dans lequel une telle �migration de l�ouest vers l�est� aurait pu avoir lieu se sont avérées, inévitablement, inutiles. (ibid. 64 suiv.). 43 PáHoP 63-4.

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adversaires des Serbes dans la bataille de Velbu¤d : à côté des Bulgares et des Byzantins, dans l�armée commandée par le tzar Michel �i�man se trouvaient �Basaraba Ivanco, ..., les Tatares noirs, qui vivent dans les environs, la seigneurie des Alains et encore d�autres seigneurs�44.

Si de cette note on peut uniquement déduire que les Valaques ont lutté en tant qu�alliés des Alains dans la campagne contre les Serbes, organisée sous le grand patronage du khan de la Horde d�Or, Özbek45, un indice de nature toponymique nous laisse entendre que le prince de la Valachie, comme tous ses voisins d�ailleurs, a eu lui-même à sa solde des Ia]i. Les villages de Valea Ia]ului46 (identique au village Ia]i, attesté dans certains documents internes du voïvodat valaque47) et de E]ciori48, dans son proche voisinage, sont situés trop prés de la première capitale du pays, Curtea de Arge],49 pour ne pas suggérer la fonction que remplissaient auprès du souverain ceux qui prétêrent leur nom à ces endroits. La garnison cantonnée dans ce périmètre doit avoir constitué, toutes proportions gardées, un corps de garde à l�instar des légions d�élite alaines des grands khans mongols, Ögodai, Möngke et Koubilaï50.

Pourtant, on ne peut pas préciser à ce point de la recherche, si d�autres communautés alaines, répandues sur tout le territoire de la Valachie,51 ont eu des attributions militaires au service des voïvodes roumains.

3. �E\cu pris`cariul� et Drago] Parmi ceux qui ont affronté l�armée serbe à Velbu¤d est

également mentionné �la seigneurie des Alains� (господско яшко)52. De

44 IosiR 74, Mih`C 274. 45 Voir CiocH 1112-3. 46 ILR 261. 47 DIR B LI 71, DIR B L2 71; StoiB II 679: �Le village mentionné à partir de 1523, quand il appartenait au monastère d�Arge]�. 48 DIR B L2 57 village aujourd�hui disparu, près de B`rb`te]ti, l�ancien district Curtea de Arges. 49 6 kilomètres du centre ville (RATR 70 C). 50 BretR II 88-9. 51 Ia]i-Gorj, le département Gorj (ILR 158) et les villages aujourd�hui disparus: Ia]ii de la Olte\, village situé près de Morunglav, l�ancien district Bal] (DIR B L1 71, DIR B L2 71), Ia]i, village situé probablement près de Scorţarul Vechi, l�ancien district Br`ila (ibid.), Ia]i, village près de Strâmba, l�ancien district de Mih`ile]ti (ibid.), E]ciori, village près de B`rb`te]ti, l�ancien district Curtea de Arge] (DIR B L2 57) ; pour d�autres toponymes de la même origine, v. IordT 169. 52 V. la note 44.

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l�énumération même des combattants - Basaraba Ivanco, les Tatares noires du voisinage, c�est-à-dire du Boudjak53, puis les Alains -, il résulte que cette �seigneurie� se trouvait sur le territoire de l�ancien �pays des Alains� entre les Carpates et le Dniestr54.

Le séisme politique, qui a secoué �le pays des Alains� au tournant du XIIIe au XIVe siècles, n�a pas provoqué, en dépit des grandes pertes dues à l�émigration, l�ébranlement de la structure d�organisation de la communauté : �la seigneurie alaine� n�est qu�un autre nom pour le �pays� mentionné ci-dessus. Ses membres étaient, respectivement dérivaient probablement en égale mesure des Ia]i qui ayant défié le danger avaient refusé d�émigrer après 1301 et de ceux qui, émigrés à Byzance, étaient rentrés chez eux à la suite de l�appel de Tokta, qui leur était parvenu pendant la bataille d�Apros en 1305.55

Le mérite d�avoir reconstitué après un laps de temps relativement court la marque de frontière alaine fondée par Nogai appartient selon toutes les probabilités à Tokta, que la source byzantine citée ci-dessus a surpris dans son effort - significatif quant à la question en discussion - de faire rentrer les Ia]i réfugiés dans la péninsule Balcanique. Le même besoin de sécurité à la frontière de l�Ouest de la Horde d�Or a déterminé ses successeurs au trône de Sarai, Özbek (pendant le règne duquel est attesté �la seigneurie alaine�) et Djani Bek (m. 1358) de conserver intacte la formation militaire située entre les Carpates et le Dniestr. Toutefois, dès que le pouvoir des khans a commencé à decliner après l�accession au trône de Berdi Bek (1358-1362),56 les �auxiliaires� alains de l�extrémité occidentale de l�État tatare ont echappé au contrôle de l�autorité centrale pour entrer dans l�orbite des vainqueurs arrivés avec des forces nouvelles d�au-delà des montagnes.

De la �seigneurie alaine� ne se sont conservés que quelques vestiges, malheureusement très peu nombreux. L�un des plus importants est, certes, Ia]i57, le nom de la plus récente capitale de la Moldavie. Selon 53 V. les notes 97-101, 109. 54 V. les notes 19 et 22 (Alania). 55 V. la note 33 et PachB II 548. 56 SpulH 109: �Mit dem Tode Djambeks (1357) hörten die geordneten Zustände in der Horde für fast zwei Jahrzenhte überhaupt auf� ; Никоновская Летопись/GrIaH 255 : �Cette année là (1357) les querelles à l�intérieur de la Horde étaient loin de s�éteindre, au contraire, elles prenaient des proportions� ; SpinM 06. 57 PhilO I 730: �le nom topique de Ia]i est analogue aux noms topiques de Bulgari, Comani, Ru]i, Sârbi... � ; sur la même ligne, IordT 274 énumère les toponymes qui contiennent le mot Ia](i) sur le territoire de la Roumanie et �comme il est très probable que ces toponymes proviennent du nom ethnique, d�origine slave, des Alains�, il les insère justement dans le chapitre Toponymes formés à partir de noms des peuples (p. 261) ; cependant, à la page 169 il contredit cette affirmation, qui est du domaine de

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un témoignage de la chronique du Concile de Konstanz (1415-1418), rédigée par Ulrich von Richental, la première capitale de la Moldavie58 a été, elle aussi, une cité alaine ; après avoir cité les villes Ia]i (Iesmarckt) et Baia (Molga),59 on fait la précision suivante : Die zwu seind Philistei60.

Il est bon de rappeler que ces Alains semblent �être devenus noirs�, comme tous ceux qui ont peuplé pendant le Moyen ^ge le territoire situé entre les Carpates et le Dniestr : Roumains, Comans, Tatares61. Dans quelques chroniques russes, où sont mentionnées des villes de la Moldavie, on trouve la séquence suivante : над морем Бъльгород, Чернъ, Яськыи торгь на Пруть рецеь62. Certains historiens ont rapporté чернь �noir� comme épithète de Ясь(с)кыи торгь, ce qui donnerait �la foire des Alains noires� 63.

C�est à quoi se réduit l�héritage toponymique inventorié dans notre historiographie sur la �seigneurie des Alains�. Quant au processus de désagrégation de cet organisme, il reste enveloppé dans les voiles du silence et du mystère.

Dans l�espoir d�éclairer quelque peu que ce soit cette question, il convient de réexaminer la première source narrative interne au sujet de l�espace situé entre les Carpates et le Dniestr après la mention en 1330 de �la seigneurie alaine�. La source, qui reflète à sa manière - étrange pour beaucoup d�historiens - la situation de la région à une distance de presque trente ans, c�est-à-dire en 1359, est due à Simion Dasc`lul, qui a interpolé la chronique de Grigore Ureche. C�est lui qui a consigné la tradition suivante sur Drago] desc`lec`torul, c�est-à-dire sur le �fondateur� de la Moldavie, et sur E\co pris`cariul : l�évidence, et présume inutilement un anthroponyme : �En tant que formation, la situation est semblable à celle constatée à Hu]i; un individu appelé Ia] a fondé ou a été à un moment donné ma[tre de la localité qui a pris par la suite son nom, au pluriel Ia]i�. Les vicissitudes explicatives subies par ce toponyme dans notre historiographie sont passées en revue par MöhlC 61 suiv.; GiurT 242-8 a dressé un court historique documenté de la localité. 58 GoroD 86-7. 59 V. la micromonographie de la ville chez GiurT 182-90. 60 KaradD 82 et dans un des manuscrits avec la même référence: Das sind Philistri (ibid. 83) ; les passages ont été rélévés par MöhlC 65, qui cite également d�autres sources dans lesquelles les Alains de la Moldavie sont ainsi nommés (v. aussi la note 5). 61 V. CiocCom 1114 suiv. 62 VosLe 240; ErmLe 163: Белгород, Чернь, Асьскый Торгь; NovLeN 475: Бельгород, Чернь, Ясьскый Торгь; AndrAO 216 et GiurT 243 ont reproduit la dernière variante. 63 Sur les traces de N. Karamzin et de W. Tomaschek, dans l�historiographie roumaine GherF 38 et PhilO I 730.

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O poveste din predoslovia letopise\ului cestui moldovenesc

Ce [ntr� [nsa spune c` este f`cut` \ara din dou` limbi, din români ]i din rusi, de care lucru se cunoa]te c` ]i pân` ast`zi este \ara gium`tate de rusi ]i gium`tate de români. Ce aceasta poveste nu se afl` [nsemnat` de Ureche vornicul, iar eu n-am vrut s` las nici aceasta s` nu pomenesc, socotind c` cum am adus aminte de altele, ca s` nu r`mâie nici aceasta ne[nsemnat`.

Scrie la letopise\ul moldovenesc la predoslovie de zice c`, dac` au ucis acei vân`tori acel bour, [ntorcându-se [napoi, v`zând locuri desf`tate, au luat pre câmpi [ntr-o parte ]i au nimerit la locul unde este acum târgul Sucevei. Acolo, mirosindu-le fum de foc ]i fiind locul despre ap`, cu p`dure m`nunt`, au pogorât pre mirodenia fumului la locul unde este acum mân`stirea E\canii. Acolo pre acela] loc au g`sit o prisac` cu stupi ]i un mo]neag b`trân de p`zia stupii, de semin\ie au fost rus ]i l-au chemat E\co, pre carele, dac` l-au [ntrebat vân`torii, ce omu-i ]i din ce \ar` este, el au spus c` este rus din \ara le]asc`. A]ijderea ]i de loc l-au [ntrebat, ce loc este acesta ]i de ce st`pân ascult`. E\co au zis c` este un loc pustiu ]i f`r` st`pân, de-l domnesc fierile ]i pas`rile, ]i se [ntinde locul in jos pân` la Dun`re, iar` [n sus pân` la Nistru, de se hot`r`]te cu \ara le]asc`, ]i este un loc foarte bun de hran`. {n\elegând vân`torii acest cuvânt, au sârguit la Maramure] de ]i-au tras oamenii s`i [ntr�aceast` parte, ]i pre al\ii au [ndemnat. }i au desc`lecat [ntâiu sub munte, ]i s-au l`\it pre Moldova [n jos. Iar` E\co pris`cariul, dac` au [n\eles de desc`lecarea maramure]enilor, [ndat` s-au dus [n \ara le]asc` de au adus ru]i mul\i, ]i i-au desc`lecat pre apa Sucevei [n sus ]i pre Siret despre Boto]ani, ]i a]a de sârg s-au l`\it românii [n gios ]i ru]ii [n sus.

A]ijderea ]i târgul Baia scrie c` l-au desc`lecat ni]te sa]i ce-au fost olari, iar Suceava scrie c` o au desc`lecat ni]te cojocari ungure]ti, ce se chiam` pre limba lor suci, iar Suceava se chiam` pre limba ungureasc` cojoc`rie.

A]a [ntr�acest chip se afl` s` fie fost desc`lecarea |`rii Moldovei.64

�Récit tiré de la préface de la chronique moldave� �Cette histoire raconte un fait connu jusque de nos jours, à savoir que

ce pays est habité par deux peuples parlant deux langues, moitié sont Roumains et moitié sont Russes. Parce que cette histoire n�est pas consignée par le vornic (= dignitaire de la cour moldave) Ureche, j�ai tenu à la consigner, comme j�ai fait avec d�autres, pour la sauver de l�oubli. La préface de la chronique moldave raconte qu�après avoir tué l�aurochs, et se préparant de rentrer, les chasseurs se détournèrent de leur chemin pour admirer quelques endroits merveilleux ; et traversant quelques champs, ils se retrouvèrent à l�endroit où s�étend de nos jours le bourg de Suceava. Et dès qu�ils sont arrivés au bord de l�eau, là où la forêt est petite, ils sentirent la fumée d�un feu qu�ils poursuivirent jusqu�à l�endroit où s�élève de nos jours le monastère E\canii. Là

64 UrecG 14-6.

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ils trouvèrent un rucher et un homme très vieux, E\co, Russe par son origine, qui gardait les ruches. Questionné par les chasseurs qui il était et de quel pays il venait, le vieillard leur répondit qu�il s�appelait E\co et qu�il venait de la Pologne. Ils lui ont également demandé comment s�appelait cet endroit-là et à qui il appartenait. E\co leur répondit que c�était un endroit désert, mais riche en nourriture, habité uniquement par des bêtes et des oiseaux qui s�étendait au sud jusqu�au Danube et au nord jusqu�au Dniestr, où il fait frontière avec la Pologne. Après avoir entendu cela, les chasseurs rentrèrent au Maramure] d�où ils firent venir leurs gens et d�autres encore dans ces endroits. D�abord, ils s�installèrent au pied de la montagne pour se répandre ensuite sur le territoire moldave, vers le sud. Dès qu�il apprit l�arrivée des gens de Maramure], E\co se rendit en Pologne d�où il fit venir un grand nombre de Russes qui s�installèrent tout au log du fil de Suceava vers le nord, ainsi que sur le Siret, du côté de Boto]ani. C�est ainsi que les Roumains se sont répandus vers le sud et les Russes vers le nord.

De même, le bourg Baia fut fondé par des potiers saxons et Suceava, dit la chronique, fut fondée par des pelletiers hongrois, qui dans leur langue s�appellent suci ; c�est pouquoi en hongrois Suceava s�appelle pelleterie.

C�est ainsi que fut fondée la Moldavie.�

La variante de cette tradition, telle qu�elle est consignée par Miron Costin est partiellement différente de celle qui est enregistrée par Simion Dasc`lul. Les guerriers de Maramure] ont rencontré le même vieillard qui, questionné par un interprète qui il était, leur répondit : �Je suis Ia\co de Sniatyn, je me suis installé dans cet endroit depuis quelques années et j�ai un petit rucher. A part vous, je n�ai vu personne dans ces endroits�. Drago] lui dit qu�il est venu avec ses hommes pour s�établir dans ces endroits, les Tatares ne constituent plus un empêchement. Et s�il veut y faire venir ses gens et ses parents, il leur offrira toutes les terres des alentours avec le droit d�héritage. Le vieillard lui remercie de ses paroles bienveillantes et lui promet d�y amener tous ses parents ; il tint sa parole : il fit venir tous ses gens de Sniatyn de Pocutie dans ce pays ; le village Ia\cani, portant le nom de l�aïeul Ia\co, est le plus ancien habitat de la Moldavie. Ce nom s�est conservé jusque de nos jours même si le village s�est uni avec la ville Suceava. Le sort a fait que la ville ne porte pas son nom ancien. Quelques pelletiers sont venus de la Hongrie et s�y sont installés (en hongrois, pelletier se dit soci) et ainsi la ville et la rivière prirent le nom de Suceava. Toutefois le nom Ia\cani ne disparut pas, restant attaché à une partie de la ville.65

65 CostOP 232 (la traduction roumaine de la Poème polonaise).

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La question cardinale, de laquelle dépend de façon décisive la séparation du �noyau historique� de la légende rapportée par les chroniqueurs moldaves, regarde l�identité d�E\co pris`cariul.

E\co représente de toute évidence la prononciation dialectale de Ia\co, comme c�est le cas de E]i pour Ia]i. Soumis à une analyse linguistique qui tient compte de l�origine ruthène du personnage dans la version de Simion Dasc`lul, le nom comprend deux composents : ia\- et -ko, le dernier étant une désinence typiquement ukrainienne, qui entre dans la composition des anthroponymes66. C�est dans ce contexte que s�explique également la semi-occlusive dentale -t- : celle-ci provient de la fricative dentale -s-, transformée sous l�influence de la voyelle précédente : Trubetzkoǐ face à Donskoǐ67 portent témoignage pour ce phénomène linguistique slave. D�ailleurs, la forme Iasko(s) est attestée par un acte patriarcal de 1359 en tant que nom d�un grand boyard moldave.68 Par conséquent, l�anthroponyme d�origine ruthène Ia\co est la paire de Ia]i, nom de personne en circulation dans la Moldavie médiévale,69 les deux ayant la même signification que le français Alain - l�Alain. Un acte banal de vente-achat rédigé le 17 octobre 1667 à Ia]i est providentiel pour cette identité : le vendeur se présente comme Ia\co (Ia] - �je l�ai signé à la manière des Polonais�)70. La formulation un peu maladroite veut dire que le signataire a utilisé dans l�acte la variante polonaise - en fait ukrainienne � Ia\co, qu�il considérait certainement comme étant plus protocolaire et donc plus adéquate à figurer dans un document officiel que le nom familier Ia], porté par le mari d�Anghelina, la fille de Gliga Mânjea. Mais afin d�éviter tout équivoque, la nature de l�acte réclamait également un enregistrement de l�identité du vendeur, laquelle ne pouvait être garantie que par Ia], le nom courant dans le cercle de ses connaissances. L�heureuse équivalence Ia\co = Ia], qu�affirme le mari d�Anghelina, prouve que pour un Moldave quelconque du XVIIe siècle les deux noms avaient encore, en dépit des formes si différentes, le même sens. Devant cet argument valable du moins sur le territoire de la Moldavie au Moyen ^ge, sinon ailleurs, comme il semble probable, il n�y a pas d�autre solution étymologique possible.71

66 �Non russe� précise VasµS 138. 67 Les exemples cités, ibid. 146-7. 68 N`stD 346. 69 Ia]ul, boyard de Falciu, cité par ConsD 301. 70 GhibS IV 276 signalé par ConsD 301, qui a proposé par conséquent la dérivation Iaţcu < Ia]. 71 GrinS IV 536 identifie Яцько, -ка = Яcько = Якиiв et envoie pour des preuves chez GrinM II 243-4, où dans un conte ukrainien avec des animaux, cueilli dans le village Taranovka de la région Harkov, apparaît la paire Яцько et Яцькa, qui ne prouve aucune

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Malgré la forme ruthène de l�anthroponyme, E\co appartient sans aucun doute, comme le montre le contenu sémantique du nom, au patrimoine alain, tel que les fondateurs de la Moldavie l�ont trouvé, après avoir traversé les montagnes. Complètement absente chez Miron Costin, l�instance avec laquelle Simion Dasc`lul a souligné l�origine slave du personnage - Russe de la Pologne - pour expliquer pourquoi le pays est peuplé moitié par des Roumains et moitié par des Russes renvoie nécessairement à la �légende étiologique� censée éclaircir un état des choses en dévoilant �la cause efficiente�72. La forme ukrainienne d�E\cu et de Ia\cu est tout aussi peu concluante quant à l�appartenance ethnique de la figure légendaire comme, par exemple, Ste\co pour }tefan Mu]at, le prince moldave d�origine indiscutablement roumaine dans la première moitié du XVe siècle73. L�origine de Ia\co et de ses parents de Sniatyn ne prouve, elle non plus, l�origine ruthène de ce peuple ; dans la principauté de Halyµ, définie dans les sources mamelouks comme �pays des Roumains et des Russes�,74 vivaient ensemble et s�influençaient réciproquement des groupes ethniques différents.

La question que nous nous proposons d�examiner par la suite se réfère à la consistance historique du personnage en discussion.

Quelque sommaire que paraisse, une comparaison du tableau fourni par les chroniqueurs avec l�image de l�espace carpato-dniestrien à la veille du desc`lecat (�fondation de l�État�), reconstituée par les historiens et les archéologues, montre que la simplification jusqu�au

relation entre Яцько et Якиiв. Il n�y a pas non plus de fondement documenaire et explicatif pour SSM II 586-7, qui considère que Яцько et Яcько sont des mots différents, le premier provenant de Янь, le second de Яковь. L�homonymie des noms propres avec les adjectifs яськый (v. la note 62 ; pour d�autres attestations GiurT 243), respectivement яшкый (v. la note 52) avec le sens unanimement accepté d��alain� est resté inexplicablement en dehors du raisonnemenet linguistique. La même carence appara[t chez IoneE 160 qui fixe comme etymon le nom �répandu dans la Pologne du XIIIe siècle, Hyacinthe: par un intermédiaire latino-catholique, Jacek et Jacko, les hypocoristique polonaises actuelles de cet anthroponyme ont été connues également en ukrainien et sont identiques aux formes plus anciennes d�origine slave: Ia\cu, I\cani, etc. en roumain�. 72 StahC 171; pour d�autres interprétations, v. les études récentes: CazaP, PeciD et particulièrement PeciE. 73 CostD II 877 (indice) ; pour les noms similaires de boyards moldaves, v. IRSSSM1 195. 74 Du contexte des chroniques il résulte que cette bil�d �l�q wa �r-r�s se trouvait dans la proximité du �pays des Alains� (Baibars/TiesS I 92 et an-Nuwair�/ibid. 138); SpinM 190 considère que les auteurs cités ont pris en considération deux pays et conclut: � �Le pays des Valaques�, associée au �pays des Russes�, était situé dans les zones limitrophes de cette dernière, donc dans la moitié nordique de la Moldavie�. Pris à la lettre, le texte arabe ne confirme la séparation opérée par l'historien de Ia]i.

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schématisme du récit transmis longtemps de façon orale, se trouve en contraste foncier avec la réalité complexe découverte par les savants.75 Le fait qu�après une sélection brutale, qui a pratiquement transformé l�aire géographique mentionnée en tant que terra inhabitata à l�aspect virginal, de toute la population ait survécu dans la légende seulement E\cu pris`cariul, prouve son importance exceptionelle dans la fondation de la Moldavie.

Il est, certes, ridicule de supposer que la rencontre du vieillard solitaire ait pu avoir une telle signification pour Drago] et ses gens, arrivés dans ces parages pour s�en rendre ma[tres. Mais si l�on va dans le sens inverse du processus de personnification, on constate que E\cu est un produit classique de l�imagination folklorique - fiction qui incarne le groupe alain, appelé dans le contexte même de la chronique les I\cani76. Il est naturel qu�à la suite de l�accord avec Drago], la collectivité alaine de Suceava fût augmentée par les mercenaires appartenant à la même population venus de Sniatyn77 ; abandonnés après le reflux du pouvoir tatare - endroit désert et sans ma[tre, comme le dit sans ambages Simion Dasc`lul, pendant que Miron Costin apprécie le fait comme prémisse de la fondation du pays -, les Alains de Pocutie sont entrés volontiers au service du nouveau pouvoir, lequel fut renforcé à son tour grâce à eux.

75 Il existe un vrai consensus à cet égard; parmi d�autres, GiurT et MateMP, qui soulignent un degré relativement avancé d�urbanisation avant l�arrivée de Drago], tout aussi bien que SpinM 322, qui attire l�attention sur �l�effectif démographique considérable avant la fondation�. 76 Les deux mots sont incontestablement apparentés, sauf que I\canii (Ia\cani chez Miron Costin) ne proviennent pas de E\co, comme l�ont pensé nos chroniqueurs, mais de l�adjectif substantivisé ясь(с)кый, connu en Moldavie (v. la note 70), auquel on a ajouté le suffixe roumain -an, qui (avec ses variantes: -ean, -ian, -eanca etc.) fait dériver en général des noms de famille d�appartenance locale, tels Albean < Alba, Budeanu < Buda (ConsD LVIII), mais également des ethnonymes comme rutean, macedonean. On peut trouver une forme intermédiaire entre l�adjectif slave mentionné et Ia\cani dans le nom de la localité située près du bord du Dniestr, Ia]ca (RATR 43 D, correctement citée par Br`tV 43 dans la série des habitats alains). Ce dernier nom topique au féminin singulier, est sûrement la paire du masculin pluriel Iaţcani et s�inscrit parmi les couples formés de toponymes dérivés d�ethnonymes : Comana/Comani, Rusca/Ru]i, Scheia/Schei, Sârba/ Sârbi (IordT 269, 281, 284-6). Un argument de plus pour prouver que le nom Iţcani n�est pas dû au vieillard Eţcu, mais qu�il désignait à l�origine un groupe ethnique est offert par deux homonymes de la Moldavie, elles aussi au pluriel : I\cani, village dans le départment Bac`u (ILR 161, RATR 39 A, COSTD II 464, n.2) et E\cani, village sur le Dniestr dans l�ancien département Orhei (DIR A LI 94). 77 Pas loin de Sniatyn se trouve le village Iasenov-Polnyi et la ville Iasinea dans les Carpates Boisés (RATR I C, 8B) qui rappellent les Alains.

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Un indice décisif de la profession et de la force de ces I\cani, dont Drago] a certainement dû tenir compte, est offert par le décryptage de l�occupation d�E\cu.

Ce n�est qu�avec quelques variations, peu significatives, que les dictionnaires de la langue roumaine ont retenu deux sens de base du mot prisac` �rucher� : 1. endroit dans une forêt où l�on a abattu les arbres ; clairière ; 2. endroit ainsi préparé pour les ruches.78 C�est le slave preseka qui a été enregistré comme étymon.79

Tout comme les chroniqueurs, les lexicographes qui ont déduit les sens de �rucher� des textes roumains relativement tardifs par rapport à l�époque de la fondation de la Moldavie, ont ignoré la signification militaire et administrative initiale, solidement attestée dans toute l�Europe Centrale et de l�Est, à savoir celle de �obstacle à la frontière� réalisé par des aménagements forestiers80. Ce sens a disparu de notre langue avec la réalité qu�il désignait : les rangs de ruches ont été partout remplacés dans l�espace mentionné au cours des XIIe-XIVe siècles par un système de défense assuré par les forteresses situées sur la frontière81.

Dans ces conditions, la mutation sémantique connue par le mot pris`car �apiculteur� n�a rien d�étonnant: quand Simion Dasc`lul a noté au XVIIe siècle l�attribut professionnel de E\cu, il a retenu, sans en être conscient, seulement la forme genuine du vocable transmis par tradition, car le sens originaire du mot, à savoir celui de �gardien de frontière�, avait été depuis longtemps oublié et remplacé par celui d��apiculteur�82.

Les pris`cari formaient un corps professionnel, jouissant de divers privilèges.83 Il arrivait très souvent - dans le royaume hongrois par 78 TiktW XX 1261, DLR VIII/5 1499, DLRLC VIII 580. 79 Qui signifie �ausgehauene Stelle im Walde, wo man Bienenstöcke aufstellt� (TiktW 20 1261). 80 GöckH 9: �Neben dem lateinischen Namen indagines und des deutschen Hag erscheint früh die slavische preseka und das magyarische gyepü. Sie alle gelten als Bezeichnung für einen �Verhau� im engeren und für ein �Grenzhindernis� im weiteren Sinne�. G. Popa-Lisseanu a traduit dans cet esprit indagines par �prisac`� (Chronicon pictum Vindobonense/IIR XI 110, 234-5) et K. Horedt a constamment utlisé le mot avec ce sens dans un ouvrage consacré à ce genre de fortifications en Transylvanie, où il a également signalé des toponymes roumains Presaca, quelques-uns ayant des correspondants hongrois composés: -gyepü (HoreE passim et 115, 117) ; v. aussi CzajS 13 suiv. (chap. Die Preseka), GrünG, KleiG, LoseG, StarG, TagáG. 81 V. HoreE 113. 82 La réduction de Iţcani à Eţcu peut s�expliquer par le métier assigné par confusion au vieillard ; on sait que l�apiculture est une occupation solitaire par excellence, étant pratiquée de façon individuelle, tandis que la garde et la défense d�un point militaire constituent obligatoirement une activité de groupe. 83 Pour les noms de ces �gardes de frontière� médiévaux et leur régime préférentiel, v. surtout GöckH 12 suiv. (chap. Grenzwächter)

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exemple - que la défense de divers segments de la frontière d�État et des points de passage fortifiés soit confiée à certains groupes allogènes du point de vue ethnique.84

C�est de ce genre de services (des Alains, en l�occurrence) qu�ont bénéficié les Tatares dans le périmètre délimité par les Carpates et le Dniestr. A l�intérieur de cette vaste marque de frontière, comme dans toutes les formations à destinations similaires, d�ailleurs, ont été fortifiées les positions d�intérêt stratégique. Selon toutes les probabilités, le fondateur du �pays des Alains�, le général mongol Nogai ne pouvait omettre l�importance militaire, offensive et défensive, d�un point géographique comme celui qu�occupe Suceava de nos jours. Il contrôle d�un côté la voie qui se bifurque à Iacobeni vers la Transylvanie � trajet expérimenté avec succès en 1241 par le contingent tatar commandé par le prince Kadan85 - et vers le Maramure], d�où Drago] est descendu en 1359 avec ses gens. D�autre part, il n�est pas moins important de noter le rôle de Suceava en tant que n�ud de communication sur l�axe nord-sud, qui reliait les pays de l�Europe Centrale et de l�Est avec le bassin pontique.

C�est à ces bienheureux attributs que doit sa fondation la prisaca d�I\cani, défendue par ceux qui l�ont nommée ainsi. Elle doit avoir existé pour des décennies, tout comme le �pays� dont elle faisait partie, c�est-à-dire depuis les dernières décennies du XIIIe siècle jusqu�après la fondation de la Moldavie par les gens de Maramure] en 1359, avec une brève interruption due à l�exode du début du XIVe siècle.

Pour une juste évaluation de l�héritage alain dans son ensemble, il faut souligner que les I\cani ont contribué d�une manière décisive au développement de la structure urbaine de la Moldavie : à la seule exception de Siret, les trois capitales de ce pays � Baia,86 Suceava,87 Ia]i88

84 Idem, passim. 85 A cette époque-là, le chemin séparait Ruscia au nord de Comania au sud (Rogerius/DeceIn 201 avec des commentaires). 86 V. la note 60. La ville a connu un essor important grâce à l�exploitation et à l�usinage des gisements d�or et d�argent situés dans sa proximité (GiurT 182-3). 87 Dans l�opinion de Miron Costin ce nom est une usurpation du nom Iaţcani �qui était le plus ancien� (v. la note 65). 88 V. MöhlC passim. Ce �bourg du XIVe siècle�, qui est mentionné pour la première fois (comme douane) dans le privilège commercial accordé en 1408 par Alexandre le Bon aux commerciants de Liov, a été l�un des centres les plus importants sur �la route tatare� (CostD II 312) �qui traversait Suceava, Ia]i, L`pu]na, Tighina jusqu�à Hadjibei et Oceakov� (IRSSM1 I 95). On peut supposer que les Alains, que les Tatares ont cantonnés dans cet endroit, ont eu la mission, même si ce n�était la seule, de garder et d�administrer le plus important gué sur le cours moyen du Prut.

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- furent à leurs origines, situées chronologiquement avant la fondation,89 des établissements alains dans leur plus grande partie.

Appuyé sur ces piliers massifs, d�entre lesquels font leur apparition dans le miroir de la toponymie d�autres fragments moins importants de Ia]i, de Ie\cani90 et, peut-être, de Le\cani91, séparés par la �rivière des Ia]i�, ou le Prut, �le pays� et puis �la seigneurie� des Alains a eu de toute évidence pour frontières le Dniestr à l�Est et les Carpates à l�Ouest.

C�est Simion Dasc`lul qui nous dit quelle fut l�extension ultérieure de ce �pays� vers les autres points cardinaux : �jusqu�au Danube vers le sud et jusqu�au Dniestr vers le nord�. Discréditée par le cadre fantastique dans lequel elle fait son apparition, cette précision de géographie politique n�a pas été prise au sérieux et de ce fait elle n�a pas joui de l�examen critique des exégètes. Cette omission est préjudiciable pour la connaissance des réalités de l�extrémité nordique du �pays des Alains� autant que de ses limites dans la direction opposée.

Conformément au récit de Miron Costin, Ia\co a amené à la suite de son entente avec Drago] �ses gens de Sniatyn, de Pocutie�. Par son caractère topographique ponctuel, ce témoignage, contrastant visiblement avec l�assertion généralisatrice et explicative d�une manière forcée de Simion Dasc`lul, définit un groupe restreint, dont la similitude avec la

89 Voir GiurT 184 suiv., 277-8, 242. 90 E]anca au nord de Dorohoi (RATR 12 A), peut-être Ia]lov`\ au sud de R`d`u\i (ibid.), la région de Ia]i dans l�ancien département B`l\i (CostD II 243), I\canii mentionnés ci-dessus (v. la note 76). 91 Dans l�une des traductions de l�acte du prince Iuga de 28 novembre 1399 figure le chancelier �La\co� (DIR A I 7), indiscutablement le même que le boyard Ia\co du temps d�Alexandre le Bon (ibid. 8, 10, 12, 15, 17, 18, 20, 21 22, 25; pour l�identification, v. CihoA 60 et AnstD 347-8). Vu la différence graphique considérable entre les lettres du début des deux mots, on ne peut pas soupçonner un lapsus calami des copistes, mais une alternance phonétique due à l�approchement sonore de la voyelle et de la consonne liquide. Ce cas semble indiquer plutôt une contamination avec \, nom porté, parmi d�autres, par le successeur de Bogdan au règne de la Moldavie, dérivé chez les Transylvains et les Moldaves de l�hongrois Lack, hypocoristique de László = �Vladislav� (ConsD 94). Si des noms topiques tels Laţcani/Laţcana proviennent de l�anthroponyme Laţcu, comme on l�a supposé (ibid.), ou de l�ethnonyme I\can/E\can (altéré sous l�influence de l�anthroponyme cité?) on ne peut le savoir de façon catégorique. Le groupe de toponymes - aussi équivoques que nombreux - mérite une investigation ultérieure à part: Lescana - ancien nom du village Leţcani dans le départment Bac`u (ILR 166), identique à L`\cani (DIR A LI 144), puis L`\cani/Le\cani, village situé sur Bahlui, département Ia]i et La\cani, village situé sur Albinea, non loin de la ville de Roman, L`\cani sur Jijia, département Boto]ani, L`\cani, village sur Moldova, département Suceava, L`\cani, situé sur Soholui, département Covurlui et L`\cani, village près de Fere]ti, département Vaslui (DIR A LI 144).

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colonie de I\cani est frappante. La supposition, selon laquelle les Alains de Sniatyn auraient été, tels leurs parents établis près de Suceava, des pris`cari de profession, s�impose de soi. La lecture de la carte renforce cette idée : placé dans une position stratégique de première importance, tout comme I\cani, Sniatyn surveillait l�artère qui se bifurquait pas loin de là, vers l�ouest, en deux grandes routes : l�une menait vers la Pologne, l�autre vers la Hongrie. Suggérée par les traces toponymiques de la Pocutie,92 la présence des Alains à Sniatyn comme gardiens de frontière au service des Tatares est appuyée par la principale source narrative au sujet des événements de la région dans la dernière partie du XIIIe siècle93. Elle atteste le vif intérêt de Nogai de transformer la principauté ruthène en fer de lance de sa politique dirigée contre la Lituanie, la Pologne et la Hongrie.94 L�implantation d�une garnison formée de ses fidèles Alains dans la Pocutie répondait dans ces conditions à une nécessité.

Vue de Isaccea, �la capitale� des possessions de Nogai, la prisaca alaine du bassin supérieur du Dniestr se révèle comme le poste le plus avancé vers le nord du système organisé par le fameux général tatare - paire symétrique des Portes de Fer sur le Danube.95

Il est impossible d�établir avec certitude si les Tatares ont annexé la Pocutie au �pays des Alains�, comme nous le laisse soupçonner la colonie des Ia]i de Sniatyn et la désignation du Dniestr comme frontière nordique dans le passage narratif de Simion Dasc`lul, ou s�ils l�ont cédée aux voisins, �le pays des Roumains et des Russes�, qui ne peut être autre

92 V. la note 77. 93 Il s�agit de la chronique de Halyµ-Volynia qui s�achève en 1292 (ZdanD 511). 94 La diagrame de cette relation fondée sur les faits de la chronique mentionnée ci-dessus est présentée ibid. 509-10: �The Halych-Volyn� Chronicle, mentioning Danylo�s son Lev�s request for aid against the Poles, which he submitted to the khan Menke Timur (1274), adds: «because all the princes were than under the Tartars». The dependance of Halych-Volyn� Rus� on the Mongols is confirmed by the apparently friendly message of Nogay to the Halych-Volyn� princes, about which there is a notice in the chronicle under the year 1277. In this message Nogay expresses himself in this way: «You always complained of Lithuania; see, now I myself give you my army and the general Mamshiy with it, so go with them against your enemies». When, to continue our argument, Lev contemplated extending the boudaries of this realm with the help of the same Nogay, after the death of Boleslaw of Cracow, all other princes had «under Tartar pressure» to assist him in his campaign against Poland. The expression «all the princes being Tartar underlings» is repeated once again in the chronicle under the year 1285, on the occasion of the Mongol invasion of Hungary, and also in the account of the advance of the Mongol army against Poland in 1286 with Halych-Volyn� regiments as auxiliaries�. 95 V. la note 16.

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que la principauté de Halyµ-Volynia avec sa population mélangée.96 De toute façon, quand les Alains de Sniatyn se sont établi dans la Moldavie de Drago], la Pocutie n�est pas entrée dans la composition du nouvel État parce que, si elle avait été annexée par les gens du Maramure], le transfert de cette colonie aurait été dépourvu de sens.

La seconde partie de la relation de Simion Dasc`lul au sujet de la frontière, selon laquelle le pays désert d�E\cu s�étendait �au sud jusqu�au Danube�, se heurte dès le début contre un obstacle apparemment insurmontable : le Boudjak a été un territoire habité exclusivement par les nomades tatares, qui le traversaient d�un bout à l�autre avec leurs troupeaux et leurs haras. Malgré cet obstacle, la déclaration incroyable d�E\cu a obtenu au bout d�approximativement deux années un certificat de véracité.

Un acte rédigé par le notaire Antonio di Ponzò le 11 février 1361 à Kilia montre que Thorboch tartarus de miliario Coia de centenario de Rabech de decena de Boru a vendu à Bernabà di Carpena une esclave dans la présence de quelques témoins gênois nominalisés, à côté desquels sont également mentionnés dans la même qualité Bechangur nuncius Coia, Aruch et Oia tartari, habitatores Iavarii.97 Une conclusion à coup sûr correcte a été tirée par un réputé médiéviste de Ia]i : selon lui, Iavaria - fruit de la confusion que faisaient les Génois et les Tatares du Danube entre les Alains et une autre population caucasienne, à savoir les Iviri de la Géorgie - désigne la bien connue Alania entre les Carpates et le Dniestr.98

Cette identification ouvre de multiples perspectives explicatives sur le statut du Boudjak et de ses habitants en 1361, tout aussi bien qu�avant et après cette année.

Ce que prouve l�information enregistrée sur place, nota bene, est d�un côté l�inclusion du Boudjak dans la Iavaria et d�une autre côté l�existence de la structure organisatrice traditionnelle de cette enclave 96 Ce vaste mélange ethnique, qui caractérise également la Bukovine avant la �fondation�, semble avoir été le résultat d�un long processus d�osmose, non l�effet d�une colonisation, comme l�affirme Simion Dasc`lul pour expliquer la situation de la Moldavie. 97 PistN 16. 98 CihoA 229, n.10: �Iavaria signifie l�Ibérie, c�est-à-dire le pays habité par les Ibères (Alains), emmenés ici aux embouchures du Danube par le khan Nogai�. Il est dificile de décider si le Dominus de Auria, censarius in Chili, qui est cité dans un document similaire, dressé six jours plus tard (PistN 23), est un Tatare, �ma[tre de l�Auria�, cette dernière étant considérée comme une autre variante phonétique de l�Ibérie (CihoA ibid.), ou si le �seigneur� est un Doria < d�Oria < de Auria, nom porté par une illustre famille génoise dont provient également le chroniqueur Iacobus Aurie, c�est-à-dire Iacopo Doria (v. DoriI).

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tatare. Employé partout par les Mongols pour enrégimenter ses sujets, le système décimal - mis en évidence par le vendeur de l�esclave dans le but de se légitimer - évoque le tümen de Čaka, le fils de Nogai, fondé sur le même principe et cantonné au début du siècle dans le �pays des Alains�99. Au bout d�une interruption de quelques années, période pendant laquelle il s�est trouvé sous l�autorité du tzar bulgare Théodore Svetoslav (m. 1322), le vassal du khan de Sarai,100 le Boudjak est rentré entre les frontières du �pays des Alains�. Ses habitants, les �Tatares noirs�, mentionnés en 1330, doivent avoir survécu, à l�instar de leurs consanguins attestés dans cette région en 1301 et 1361, en tant que groupe organisé, inclus dans �la seigneurie alaine�. Cet encadrement territorial ne semble pas avoir été doublé par un rapport hiérarchique. La série des chefs nomades d�au-delà du Dniestr - dépendants ou non des khans de la Volga - montre, au contraire, le Boudjak tatare comme entité autonome à l�intérieur du �pays des Alains�.101

C�est dans ce vaste pays que sont entrés les gens du Maramure] en 1359. Quelque instable qu�eut été �la seigneurie alaine� à cette époque - ce que les sources ne soutiennent pas ! -, la solidarité parentale devait obliger ses membres de réagir de façon unitaire dans des moments décisifs pour leur sort à tous. Un de ces tournants fut la rencontre avec Drago]. Heureusement, la légende n�a pas dissout entièrement la vérité sur cet événement majeur.

Ce qui est surprenant avant tout c�est le caractère pacifique de la fondation, d�autant plus que dans le �droit international� du Moyen ^ge une conquête par l�épée assurait la légitmité ultérieure de la possession. A la base de la l�acte fondateur du pays - une Landnahme certaine dans le cas de la Moldavie - il n�y a pas de guerre par laquelle les nouveaux venus bannissent ou soumettent les autochtones, comme il est arrivé ailleurs, mais un accord.

99 V. la note 21. 100 V. CiocH 1101 suiv. 101 Atlamos, présenté comme le chef des Tatares des embouchures du Danube et beau-frère du khan Djani Bek dans une chronique hongroise et une chronique valaque, a été roumanisé par les auteurs anonymes d�une balade populaires dans Alimo], haiduc din |ara de Jos �Alimo], haïdouk du Bas Pays� (sources et bibliographie chez CiocPa 351). Préfiguré par Čaka au début du siècle, Atlamos annonce pendant la cinquième décennie le dernier potentat de Boudjak, attesté dans les documents en 1368 : Demetrius, que le titre de �prince des Tatares� place parmi les chefs indépendants, chose expliquable dans les conditions de la décomposition de la Horde d�Or (v. Br`tD et SpinM 275). Il est incertain si Dominus de Auria de 1361 appartient à cette série. Le cours inférieur du Siret a formé la frontière de sud-est du Boudjak tatare, respectivement de l�Alania (v. CiocPa passim).

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La façon harmonieuse de l�entente, préparée probablement par des négociations, laisse entrevoir une complémentarité des intérêts des forces en collusion.

La disparition du patronage des Tatares, au service desquels les Alains avaient été jusqu�alors,102 a créé pour les mercenaires cantonnés entre les Carpates et le Dniestr une situation critique : ils sont restés sans occupation et... sans solde. En acceptant le nouveau règne, ils pouvaient de nouveau �se nourrir� à la manière traditionelle: la marque de frontière - la c`pit`nia (�le commandement�) comme l�appellait Grigore Ureche103 -, fondée et administrée par les gens de Maramure] au service du roi de la Hongrie, Louis d�Anjou,104 a conservé la fonction que Nogai avait jadis attribuée au �pays des Alains�, fonction perpétuée par les khans régnant sur la Volga. L�installation de la nouvelle autorité sur la place restée vide, suite au reflux du grand pouvoir de l�Est, a conduit la communauté alaine à tourner les armes contre ses anciens ma[tres. La man�uvre fut d�autant plus facile à accomplir que les membres de ce groupe ethnique étaient, à la différence des chefs musulmans des Tatares devenus de plus en plus intolérants,105 des chrétiens orthodoxes, tout comme leurs aïeux du Caucase106 et comme leurs voisins roumains et ruthènes du nouvel habitat.

Selon l�opinion accréditée par les historiens, le noyau de l�État fondé par Drago] se trouvait au Nord-Ouest de la Moldavie, ayant pour centres les villes de Baia et de Siret.107 L�extension territoriale de la marque de frontière la [ncep`tur` (�au commencement�) n�est pas réductible à cette région.

L�entente de Drago] avec les Alains concernait à coup sûr toute la communauté, pas seulement les I\cani de Suceava et de Sniatyn, comme étaient tentés de le croire, suivant la tradition orale, les chroniqueurs moldaves. Ainsi, les Ia]i d�à côté du Prut et le pays des Ia]i des environs de la bourgade de B`l\i108 prouvent que la c`pit`nia de 102 V. la note 65; dans le même sens, toutes les chroniques slavo-roumaines, comme le remarquait SpinM 307. 103 UrecG 17 n. 1. 104 SpinM 307 remarque la concordance des opinions des historiens dans cette question. 105 V. SpulH 217 suiv. 106 V. RichP 305 (indice) qui présente la situation confessionnelle des Alains du Caucase et de la Crimée entre le XIIIe et XVe siècle, tout comme les efforts de la papauté de leur imposer l�obédience ecclésiastique à l�égard de Rome. 107 �Et il est tout à fait normal que ce soit ainsi, ajoute SpinM 308, vu la proximité du Maramure], d�où étaient originaires les �fondateurs�. L�affirmation de l�auteur à l�égard du �noyau de l�État� ainsi localisé, est valable uniquement dans l'acception de Kernland, qui suppose obligatoirement un Nebenland connexe. 108 V. la note 90.

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Drago] ne s�est pas résumé au nid modeste de la Bukovine, d�où il se serait élargi dans les décennies suivantes, mais qu�elle a compris dès le début toute la zone des collines de l�espace entre les Carpates et le Dniestr.

Ce n�est pas seulement la toponymie qui plaide dans ce sens. Entré depuis longtemps dans le circuit historiographique, où il a été sous-estimé, le témoignage de l�une des sources les plus proches de l�épisode en discussion révèle toute sa valeur informative dans la perspective de l�entente des gens de Maramure] et des Alains. Il s�agit de la Chronique moldo-russe, qui précise que Drago] et ses compagnons sont arrivés �à la frontière (margine), où vaguaient les nomades tatares�109. Dans l�acception médiévale du terme, margine ne désignait pas une réalité filiforme, mais - tout comme le mot hotar �frontière� du vocabulaire actuel des Transylvains - il faisait référence à une large bande territoriale qui, dans ce cas, couvrait sûrement tout le Boudjak.

Malgré leur caractère fragmentaire et disparate, les informations ci-dessus permettent la reconstitution d�une image cohérente de l�espace d�entre les Carpates et le Dniestr à l�époque de la fondation de la Moldavie. Au-delà des incertitudes de détail, on constate que les frontières naturelles - les Carpates, le Dniestr, le Danube et la mer Noire - ont été tellement fortes, qu�elles ont contraint l�Alania de se constituer comme État.

Le caractère unificateur de ces éléments géographiques a prévalu sur la �disjonction� interne : il y a eu un Haut Pays, |ara de Sus, le domaine proprement-dit des Alains, et un Pays Bas, |ara de Jos, le Boudjak, réservé aux Tatares nomades. C�est dans ce moule géopolitique que sera tournée en deux étapes, 1359 et ante 1393, la Moldavie,110 en tant qu�héritière directe de la �seigneurie des Alains�. On ne saurait souligner suffisamment la valeur formative à long terme de cette matrice dans le développement du second état médiéval roumain situé au nord du Danube.

L�héritage alain fut déterminant non seulement pour l�étendue du territoire sur lequel a régné Drago] ; c�est surtout l�appui militaire apporté par les premiers partisans du nouveau prince qui présente une importance encore plus grande pour les débuts de l�État, y compris pour l�acte d�indépendance par rapport à la couronne hongroise : le premier 109 CSR 160; texte 156: во краи татарьскыx кочевнищь. 110 Adoptant une opinion largement répandue, PapaÎ 112 considère que ce processus, obscur dans sa majeure partie, a eu lieu en plusieurs étapes: �La Moldavie des fondateurs s�est progressivement attaché les formations � les pays � situés au nord et au sud, remplissant la fonction de noyau unificateur. La dernière de ces formations a été le Pays Bas, attaché du temps de Roman Mu]at�.

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voïvode de la Moldavie est entré en possession d�un dispositif militaire constitué, composé de professionnels endurcis dans les guerres. Fondée sur cette structure, le règne a été vigoureux dès le début et de ce fait il a découragé toute rébellion locale. L�ambiance idyllique de la genèse de la Moldavie, telle qu�elle a été retenue par les narrateurs anonymes et par les chroniqueurs, constitue un reflexe véridique de cet état de choses.

La solidité du nouvel État l�a rendu résistant à toute épreuve extérieure. La rapidité avec laquelle il a obtenu son indépendance de la tutelle hongroise (1365) et le succès avec lequel il l�a défendue consécutivement sont des signes de sa vigueur première. Sans pouvoir la prouver par des documents, la contribution des Alains au processus d�émancipation initié par Bogdan I devient dans le contexte historique donné un paramètre qui ne peut être passé de vue.

Conformément au récit enregistré par Miron Costin, Drago] et le légendaire Ia\co établirent un accord comprenant des obligations réciproques, qui stipule clairement �la prestation� du nouveau prince à l�égard des Alains : il �leur fait don, avec droit d�héritage, de tous les domaines des environs�111. Il s�agit sûrement d�une reconnaissance des réalités antérieures, précédant la fondation de la Moldavie, et non de dons proprement dits. Le fait que cette opération ait réellement eu lieu et qu�elle n�appartient pas à la fabulation historique folklorique est témoigné par des documents qui font sortir ces derniers Alains du territoire ténébreux de la légende les déplaçant dans la lumière de l�histoire.

Un acte émis à Constantinople en 1395 confirme le fait que le patriarche �cuménique a accepté la soumission de deux monastères appartenant à Iaskos de la Moldavie.112 Il n�y a aucun doute quant à l�identité du personnage : c�est le chancelier, attesté entre 1399 et 1411 en tant que membre du conseil princier sous le règne de Iuga et d�Alexandre le Bon113. La même certitude quant à la localisation d�un des deux monastères : où ailleurs qu�à... I\cani114.

Les documents de la chancellerie princière moldave ont associé donc deux noms - de la personne et de l�endroit - pour une seconde fois,

111 V. la note 65. 112 N`stD 346. 113 CostD II 849, DIR A I 7, 8, 10, 12, 15, 17, 18, 20, 21, 22, 25; DRH A I 13-39 (la denière mention en 1409); identifié au possesseur des deux monastères de N`stD 347-8. 114 Le voïvode Alex`ndrel faisait un don à ce monastère ��près de Suceava, le monastère de Ia\cu, ayant pour patronne la Sainte Vierge...� (CostD II 462 ; v. StoiR 797-8) ; N`stD 350 a supposé que le second monastère aurait pu avoir été édifié près de Suceava, à l�endroit où Petru Rare] a fait bâtir l�église ayant pour patron Saint Démètre.

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après leur association par la tradition orale. Il est important de remarquer que les deux juxtapositions proviennent de deux catégories de sources indépendantes : les chroniqueurs, qui ont consigné l�histoire de E\co et de Drago], n�ont pas connu les actes officiels mentionnés ; s�ils les avaient connus, ils n�auraient pas pu manquer de remarquer - et de consigner ! - le parallélisme frappant des deux paires de noms.

Si au sujet des mentions des I\cani on constate que les noms renvoient tous à la localité située en marge de la ville Suceava, pour ce qui est de l�anthroponyme, la situation est plus complexe. En contraste avec le Ia\cu de la légende, création représentative pour la communauté alaine, mais pour autant fictive, son homonyme des documents a été sans aucun doute un personnage en chair et en os. Ce dernier a été à sa manière édificateur pour l�héritage laissé par les Alains à la Moldavie.

Le nom de Ia\cu doit avoir été entendu par les contemporains comme dérivé de l�ethnonyme �l�Alain�115, ayant par conséquent une valeur exponentielle pour le groupe duquel il provenait et qu�il a probablement représenté au début auprès du pouvoir.

Pendant les quatre décennies passées après l�établissement de l�accord historique entre Drago] et E\co, au cours de l�assimilation de la communauté des Ia]i au sein de la majorité a eu lieu la transformation des chefs alains en boyards moldaves. Une usurpation de la propriété collective, reconnue en tant que telle dans le traité originaire de 1359116, a accompagné ce processus. Elle explique la manière dans laquelle pan (�seigneur�) Ia\cu est devenu l�un des plus riches hommes de son époque, comme le montre la possession des deux monastères, les plus anciennes fondations nobiliaires de ce genre en Moldavie117.

La situation matérielle, aussi bien que le contrat initial entre les Alains et �le pouvoir� se trouvent à l�origine de l�ascension du personnage dans la haute hiérarchie politique de l�État. Devenu au plus tard en 1395 une figure de premier rang de la Moldavie,118 le boyard 115 L�absence d�un autre déterminant onomastique plaide dans le même sens, ce qui le particularise dans le conseil princier et de ses homonymes, qui vont lui succéder (v. CostD I 849 et les documents mentionnés dans la note 113): le nom de Iaţcu, plein de sens par lui même, n�anvait pas besoin de quelque marque supplémentaire pour fixer l�identité du personnage. 116 V. la note 65. 117 AnstD 350. CihoA 156 se trompe quand il pense que le copiste Iaţcu aurait bénéficié lui aussi des dons faits par Alexandre le Bon à quelques artistes et lettrés : �Grâce à son métier, celui-ci était devenu probablement assez riche, pour pouvoir faire bâtir un monastère près de Suceava�; de plus, il n�a pas fait bâtir le monastère �pendant les premières années du règne d�Alexandre� (ibid. 121), mais plus tôt. 118 Les vicissitudes qu�ont subies les Alains de la Moldavie entre 1359 et 1395 sont complètement ignorées. Il m�est impossible de décider si la chronique de Iurg

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Ia\cu a participé, avant même de fonctionner comme chancelier (logof`t)119 dans les assemblés princiers de Iuga120 et d�Alexandre le Bon121, à la prise des grandes décisions politiques de l�État : l�année mentionnée, il a voué ses monastères à la patriarchie de Constantinople pour aider le voïvode }tefan de se réconcilier avec l�instance suprême de l�Église orthodoxe122.

La grandeur du personnage était pourtant une manifestation crépusculaire. Avec la disparition du boyard Ia\cu s�achève le chapitre de la coopération moldo-alaine ou du moins ce que nous en connaissons. En même temps, c�est l�accord final de l�histoire des Alains dans l�espace carpato-danubien, qui avait été illustré, avant l�épisode moldave, par leur coopération avec les Tatares et les Roumains de la Valachie.

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Koriatoviµ de 1374 �écrite par Ia\co� peut être considérée comme la première attestation du personnage en question, vu que les conclusions des spécialistes à l�égard de l�authenticité du document sont diamétralement opposées (v. par exemple PanaD 51-7 et BoldH 20-2). 119 Sur ce titre en Moldavie, v. StoiS 170-85. 120 V. la note 113. 121 Ibid. 122 V. le contexte et l�évolution chez N`stD 348-9.

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