tetractys et medietes

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1 LA MATHEMATIQUE PYTHAGORICIENNE volume 1 Guillaume DENOM TETRACTYS ET MEDIETES Apprendre à compter jusqu'à quatre, mais sans rien oublier en chemin, et en étant attentif à remarquer, chaque fois, ce qui est clos et complet au nombre quatre : tel est le programme mathématique proposé par Pythagore.

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La tétractys. Les objets premiers de la géométrie. L'invention de la théorie musicale. Le système des 12 médiétés (démonstration de complétude).

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    LA MATHEMATIQUE PYTHAGORICIENNE volume 1

    Guillaume DENOM

    TETRACTYS ET MEDIETES

    Apprendre compter jusqu' quatre, mais sans rien oublier en chemin, et en tant attentif remarquer, chaque fois, ce qui est clos et complet au nombre quatre : tel est le programme mathmatique propos par Pythagore.

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    Une figure, un pas.

    Symboles pythagoriciens , Protreptique, Jamblique

    Par celui qui transmit notre me la ttractys sacre, source de la Nature dont le cours est ternel.

    Serment pythagoricien, Vers dor de Pythagore

    La dcade est galement appele Foi. Lexplication donne par Philolaos est que, lorsque nous cherchons saisir la ralit de manire approfondie, nous accordons la dcade et ses parties une foi inbranlable.

    Thologoumnes arithmtiques, Pseudo-Jamblique Cest le Nombre qui, en rendant toutes choses adquates lme par la sensation, les rend connaissables et commensurables entre elles selon la nature du gnomon.

    Fragments, Philolaos

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    Prologue

    Si, pour le grand public, lhritage mathmatique de Pythagore est associ au thorme de lhypotnuse qui a emprunt son nom, bien quil ait t connu longtemps avant Pythagore, pour les pythagoriciens, cet hritage consiste, principalement, en quatre notions mathmatiques, notions qui ne sont pas seulement des thories, mais des ides mathmatiques au sens le plus fort, incluant chacune une varit indfinie de thories. Ces notions fondamentales sont : la ttractys, les mdits, le gnomon et les solides rguliers. Parmi ces quatre notions, la premire, la ttractys, a en outre la proprit de contenir les trois qui la suivent. Cest relier ces notions par le chemin mathmatique le plus court que sera consacr cet expos. La mathmatique pythagoricienne est une mathmatique lmentaire, dans les deux sens que revt ce mot. Dune part, elle ne comporte rien de trs difficile, rien qui soit hors datteinte dun lecteur cultiv ; - et, pour ce qui concerne notre expos, ceux qui seraient rebuts par les dmonstrations pourront, sans inconvnient pour la suite, laisser de ct les articles 6 et 7 de la premire section, o se trouve concentre la seule partie dmonstrative de ce texte. Dautre part, la mathmatique pythagoricienne est lmentaire en ce quelle porte sur les principes, les lments premiers de la mathmatique, quelle se propose de dfinir et de fonder partir dune seule pense originaire. Cette mathmatique est donc une rflexion sur le concept gnral de la science, qui sattache dfinir ce qui est premier dans chacun des domaines o celle-ci peut sexercer. Par ce ct, son propos aura peut tre plus de chance dintresser le philosophe ou lpistmologue, que le mathmaticien spcialis, install dans ses habitudes modernes. Il ne sera presque jamais question, ici, des dbats contemporains relatifs lhistoire du pythagorisme. En labsence de tout document sur le savoir de Pythagore, les historiens se trouvent rduits des suppositions purement conjecturales. De plus, la plupart sont domins, voire possds, par le prjug moderne que la science a toujours volu par

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    une progression gradue. Le plus ancien trait de mathmatique connu tant les Elments dEuclide, ils sont conduits supposer toute une srie de progrs de Pythagore Platon, Aristote ou Euclide ; alors mme que ce qui sest produit durant cette priode est exactement le contraire, savoir, une srie de rgressions sans quivalent dans lhistoire de la pense, vritables catastrophes intellectuelles qui ont abouti ce que la science, dont les principes s'taient dvoils dans toute leur puret dans la pense dun homme, sest retrouv enfouie et emprisonne pendant deux millnaires. Abandon de la doctrine du nombre naturel au profit du nombre idal (Platon) ; abandon de la logique mathmatique au profit de la logique langagire, abandon de la physique mathmatique au profit dune physique purement empirique, abandon de la cosmologie hliocentrique au profit du gocentrisme (Aristote) ; enfin, abandon de la primaut du nombre sur la figure (Euclide) : tels sont les principaux progrs survenus entre lpoque de Pythagore et celle quon a coutume de considrer comme lge dor de la pense grecque. A la fin du XIXe sicle, certains historiens ont cru reconnatre dans la mathmatique pythagoricienne des conceptions ressemblantes celles de la mathmatique moderne; et ils ont forg lexpression d algbre gomtrique pour caractriser cet ensemble de spculations, situes l'interface entre la thorie du nombre et la gomtrie, sans sapercevoir que le domaine dfini par ces spculations tait celui de la logique mathmatique, dont lobjet est de traiter, prcisment, des structures communes ces deux sciences : arithmtique et gomtrie. Alors, plutt que dentrer dans les vues de ces historiens autoproclams, qui ne sont en ralit que de modernes mythographes, et qui, force denfermement dans la mthode critique, de refus de la tradition pythagoricienne, ont tendu de plus en plus dpossder Pythagore de toute pense originale, on se fiera plutt au sentiment de ceux qui furent les restaurateurs de la science, les Copernic, Kepler, Newton, tous pythagoriciens fervents*, et qui taient pleinement conscients de renouer avec ce fil ancien de la pense. *Avec son mpris ou son indiffrence pour les "mathmatiques pures" (autres qu'appliques aux problmes physiques), et sa robuste philosophie de marchand de lunettes, l'anti-pythagoricien Galile demeure, il est vrai, le pre de la science "positive" et technicienne; cette science qui a libr l'homme du souci de la connaissance absolue, en acceptant de limiter son intelligence la seule distinction de "ce qui marche" et "ce qui ne marche pas".

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    LA TETRACTYS CONTIENT LE NOMBRE

    La thorie du Nombre

    A la question : quest-ce qui est premier en mathmatique? la mathmatique pythagoricienne rpond sans hsiter : ce qui est premier est le Nombre.

    Bien quelle puisse paratre anodine, cette particularit distingue radicalement la mathmatique pythagoricienne de toute autre mathmatique existante. Chez Euclide, larithmtique, science du nombre, se prsente comme une division, ou une spcialisation, de la gomtrie. Les nombres sont reprsents par des segments de droites. Dans la mathmatique moderne, la thorie du nombre est frquemment subordonne une notion logique, telle que la notion densemble, ou une quelconque thorie axiomatique.

    Bien que le nombre soit premier en naissance , le but de la mathmatique pythagoricienne est de construire, ou de produire, dans une seule et mme pense originaire, ces trois parties de la mathmatique que sont : larithmtique, la gomtrie et la logique, la troisime tant dfinie comme linterface ou la paroi entre les deux premires. La ttractys est un concept mathmatique qui prsente ces trois aspects, et les prsente sur un mode trs particulier qui est celui de la synthse, au sens mme o Kant qualifie les jugements mathmatiques de synthtiques a priori .

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    Le Quatre-Rceptacle

    Le Quatre-Rceptacle est une tymologie possible du mot ttractys , selon une tradition. Si cette tymologie est incertaine, le sens mathmatique de l'expression "ttractys", lui, est garanti par la multitude, autant que par la constance de ses applications, et on peut le traduire par l'expression franaise "clture quatre", ou "clture quaternaire".

    De mme que le Nombre est premier en naissance , et la science du nombre premire par rapport aux deux autres parties de la mathmatique (gomtrie, logique), la mathmatique pythagoricienne considre, au sein de linfinit des nombres, certains nombres comme premiers en naissance relativement tous les autres; et, pour des raisons trs prcises, elle dcide de limiter ces nombres-principes quatre : les quatre premiers nombres entiers.

    Cet acte de clture est un acte analogue, et mathmatiquement quivalent, au choix dune base arithmtique, telle que notre base 10. La diffrence tant quici, laction de clture seffectue non seulement dans lordre des nombres, mais simultanment dans trois ordres mathmatiques diffrents : arithmtique, gomtrique et logique.

    La Ttractys

    La ttractys est une notion mathmatique qui associe la croissance du nombre entier naturel, la croissance dune figure gomtrique : le triangle quilatral.

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    La ttractys est une certaine faon de compter jusqu quatre , dans laquelle les nombres sont reprsents par des points.

    L'unit, objet lmentaire de l'arithmtique, est coordonne au point, objet lmentaire de la gomtrie.

    Il existe de nombreuses dfinitions mathmatiques de la ttractys. Par exemple :

    La ttractys est une constellation de dix points quidistants du plan, distribus en symtrie hexagonale, et formant un triangle quilatral.

    Ou encore cette dfinition qui ne fait appel qu' des figures gomtriques simples :

    La ttractys est une constellation de points dont les positions sont dfinies par les sommets d'un hexagone et dun trpied, inscrits ensemble dans un mme triangle quilatral.

    Rceptacle de lillimit

    La ttrade contient la dcade. En vertu de lgalit : 1+2+3+4 = 10, la clture du compte jusqu 4 concide avec la clture, habituelle pour nous, de la base 10. Chez les anciens, le terme Dcade est frquemment employ comme synonyme de la ttractys

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    Mais, dans la tradition pythagoricienne, la ttractys est appele rceptacle de lillimit , ce qui signifie que les quatre premiers nombres contiennent en puissance tous les autres.

    Cette assertion peut tre comprise selon une interprtation nave . La ttractys tant une structure qui associe la croissance du nombre entier la croissance du triangle, le mme procd peut tre rpt linfini, par lajout de nouvelles lignes sous la base du triangle.

    Mais ce serait oublier que la ttractys est une structure close . En arithmtique, la clture de la base implique toujours que : on arrte, puis on recommence , comme cest le cas dans le systme dcimal o, parvenu 10, on reprend le compte partir du dbut : 11, 12, 13...

    Aprs avoir construit la premire ttractys, on doit donc construire deux ttractys en mme temps, celle de la seconde dizaine, et celle de la centaine, en application cette fois de lgalit : 10+20+30+40=100. A partir de 101, ce sont trois ttractys qui se construisent en mme temps; et notre ttractys se dveloppe comme une figure fractale qui envahit lespace partir du sommet dont elle est issue.

    100

    200 300

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    Nombres dcimaux et ngatifs

    Mais la correspondance entre le nombre et la figure peut videmment tre pousse plus loin, sans que soit trahi en rien lesprit de la notion pythagoricienne.

    En effet, rien ninterdit de considrer chacun des dix points de la ttractys comme tant lui-mme un triangle, indfiniment dcomposable en parties ttractyques dcimales de rangs infrieurs (ttractys points triangulaires). De cette manire, la ttractys savre capable dexprimer tous les nombres dcimaux.

    Entier 1 (origine)

    Valeurs dcimales, centsimales, etc.

    Pour les nombres ngatifs, il suffit dopposer la ttractys une anti-ttractys, selon le schma suivant.

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    Pour le nombre zro lui-mme, il suffit dindiquer que la ttractys et lanti-ttractys sont, lune et lautre, vides.

    En langage moderne, on dira que, pour peu qu'une rgle de construction soit prcise, telle que "de haut en bas et de gauche droite", la ttractys points triangulaires contient un systme de coordonnes biunivoque de l'ensemble des nombres entiers, mais aussi des nombres dcimaux et ngatifs.

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    LA TETRACTYS CONTIENT LESPACE

    Les dimensions de lespace

    A chacun des quatre tages de la ttractys, correspondants aux nombres entiers, sont associes les 4 dimensions pythagoriciennes de lespace que sont :

    1. Dimension du point.

    2. Dimension de la droite (dim 1).

    3. Dimension du plan (dim 2) .

    4. Dimension du volume, ou de l'espace "euclidien" (dim 3) .

    Lespace pythagoricien compte donc une dimension de plus que le ntre, la dimension du point tant distingue de celle de la droite, ce qui est une dfinition plus analytique que celle dont nous faisons usage, puisqu chaque tage de la ttractys correspond le nombre de points qui sont mathmatiquement ncessaires pour dployer, ou paramtrer, chacune des dimensions considres. En effet, il faut deux points pour paramtrer une droite, trois pour un plan, et quatre pour un volume.

    Pour viter les confusions, partir dici on parlera uniquement en dimensions pythagoriciennes.

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    Les objets premiers de la gomtrie

    De mme que larithmtique pythagoricienne confre un statut distinctif aux quatre premiers nombres entiers, qui les distingue de linfinit des suivants, la gomtrie distingue quatre objets premiers , qui sont les objets les plus simples que lon puisse construire, dans chaque dimension, partir d'lments de dimensions infrieures.

    En dimension 1, lobjet premier, et unique, nest autre que le point lui-mme.

    En dimension 2, lobjet premier est le segment, dont la droite nest autre que la dimension.

    En dimension 3, lobjet premier est le triangle quilatral, (dont la dimension est le plan) : figure qui a la proprit dtre le plus simple des polygones rguliers.

    En dimension 4, lobjet premier est le ttradre (dont la dimension est le volume ou lespace euclidien ) : le plus simple des polydres rguliers.

    Point Segment Triangle quilatral Ttradre

    L encore, la dfinition pythagoricienne est plus fine que celles qui nous sont habituelles, en ce qu'elle associe de faon rigoureuse, chacun des objets gomtriques lmentaires qui sont dfinis et dlimits par

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    des points (1, 2, 3 ou 4), le fond ou le rceptacle indfini qui lui est propre, et qui n'est autre que sa dimension. Dimensions et objets premiers sont ainsi dploys au sein d'une relation gnrale, de laquelle chaque ralit reoit son juste statut. Ainsi, une droite ne peut jamais tre considre comme un objet dfini, qui pourrait tre reprsent de quelque faon que ce soit, ou qui, a fortiori, pourrait "cohabiter", au sein d'une construction, avec des objets tels qu'un cercle ou un segment, puisqu'elle est une ralit indfinie, analogue au plan ou lespace "euclidien". Pour la dimension 1, lobjet, qui est le point, est plus difficile distinguer intuitivement de la dimension qui est la sienne; nanmoins les deux sont bien diffrents sur le plan logique, puisqu'un objet-point peut tre dfini, (par un couple de coordonnes, ou par sa relation avec un autre point), alors que sa dimension reste indfinie.

    Ainsi, dans le mme espace o la gomtrie euclidienne parvient ne compter que trois "choses", trois dimensions, la gomtrie pythagoricienne dnombre 8 ralits diffrentes, 4 dfinies et 4 indfinies, recevant leur statut les unes des autres.

    Un point dlicat

    Dans la construction des objets premiers de la gomtrie, nous devons remarquer que la gomtrie pythagoricienne ne met pas seulement en jeu les proprits numriques de la ttractys, les nombres 1 4. Ce qui est en jeu est en ralit plus subtil, et concerne en outre le rapport arithmtique que chaque ligne de la ttractys entretient avec celle qui la prcde dans le temps.

    En effet, il faut 2 objets de la catgorie 1, savoir deux points, pour construire un segment, (2x1 units-points)

    Il faut 3 objets de la catgorie 2, savoir trois segments, pour construire un triangle quilatral (3x2x1 units-points).

    Enfin, il faut 4 objets de la catgorie 3, savoir quatre triangles quilatraux, pour construire un ttradre (4x3x2x1) units-points. Autrement dit, dans le ttradre, la ttractys est reconstitue de faon rgressive sous la forme dun produit de nombres, qui rcapitule lensemble des mouvements accomplis depuis le point originaire.

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    L encore, le niveau le plus abstrait est le niveau 1. En effet, la premire ligne nentretient pas de relation avec celle qui la prcde, puisquaucune ne la prcde, mais avec elle-mme. De sorte quon doit rellement comprendre quil faut 1 objet de la catgorie 1 pour construire l'objet le plus simple de cette mme catgorie 1 (1x1) unit-point.

    1 x 1 2 x 1 3 x 2 x 1 4 x 3 x 2 x 1

    Dans cette application : aux quatre objets premiers de la gomtrie sont donc associes, de faon biunivoque, les factorielles des quatre premiers nombres.

    Ces prcisions nous permettent de dfinir avec plus de justesse le statut exact des objets premiers de la gomtrie pythagoricienne. Au sens strictement mathmatique, les objets premiers ne sont pas les objets les plus simples qui existent dans leur dimension respective. En dimension 3, le cercle est un objet plus simple que le triangle, premier des polygones, puisqu'on peut le dfinir avec 2 points seulement. Mme chose pour la sphre, qui, en dimension 4, est un objet plus simple que le ttradre, puisqu'elle aussi ne ncessite que deux points pour tre dfinie. En toute rigueur donc, les objets premiers doivent tre dfinis comme les premiers objets que l'on puisse construire, dans chaque dimension, avec le matriel le plus simple de la dimension infrieure. La srie des objets premiers est donc une mthode de construction dans laquelle on exige que l'objet le plus complexe se laisse entirement dcomposer en lments discrets de dimensions infrieures, jusqu' l'unit.

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    Rcapitulons.

    Le chemin parcouru jusquici avait pour objet dillustrer deux noncs canoniques de la mathmatique pythagoricienne : la ttractys contient le nombre , la ttractys contient lespace .

    Mais on a vu que la deuxime proposition devait se comprendre selon deux chemins, dont lun est court, synthtique, et consiste dire : Il suffit de quatre pas, - quatre points - pour construire les dimensions de lespace; tandis que lautre est analytique, et consiste dtailler le rapport quentretient chaque ligne de la ttractys, soit avec elle-mme (pour la premire), soit avec celles qui la prcdent dans le temps, pour les trois suivantes.

    La construction du ttradre, qui tait le but de cet article, peut elle-mme tre comprise comme la synthse de ces deux cheminements, lun court, lautre dtaill. En effet, il peut suffire de deux points pour dfinir un segment, trois pour un triangle, et 4 points pour dfinir un ttradre : ses 4 sommets, ou, indiffremment, les centres de ses quatre faces; et, si l'on choisit les sommets, cette construction peut seffectuer par la simple projection dun point dun sommet un autre. (On voit mme que, dans ce cas, seuls trois "mouvements" sont en ralit ncessaires, correspondant au dploiement de nos dimensions "euclidiennes" ; nanmoins, en pythagorisme, la position du point initial compte comme un mouvement part entire.)

    Mais il est galement possible de construire le ttradre de la faon analytique indique plus haut, qui explicite cette fois, le rapport de chaque objet avec celui qui le prcde dans le temps, et dans ce cas, ce sont 4 triangles, donc 12 segments, donc 24 points en tout qui seront ncessaires sa construction.

    On verra que ces prcisions, bien que dlicates, seront utiles pour aborder le domaine qui se prsente nous maintenant, et qui est celui de la thorie musicale.

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    LINVENTION DE LA THEORIE MUSICALE

    Une tradition assez unanime attribue Pythagore une invention capitale de lhistoire de la pense, qui est la dcouverte des rapports mathmatiques correspondants aux principaux accords musicaux. Lhistoire nous en a t transmise par divers rcits, qui sont autant de fictions ou de recrations imaginaires. Ces rcits sefforcent d'apporter une rponse une nigme historique, qui est l exprience cruciale ayant permis cette dcouverte. La plupart dcrivent des expriences dont le principe est scientifiquement correct, mais commettent des erreurs dans lapplication du raisonnement. Le fait retenir pour nous est que la dcouverte de Pythagore ait donn lieu, ds la plus haute antiquit, une multitude de descriptions dexpriences possibles , qui sont typiques du style et des conventions de la physique moderne. Hypothses en forme d'quations ou de gnralisations mathmatiques, protocoles d'expriences reproductibles, bass sur la mesure de grandeurs physiques : on peut dire que linvention de Pythagore inclue titre d'incidente celle de la physique mathmatique elle-mme. Si Pythagore n'a pas dsign lui mme un experimentum crucis, charg d'en illustrer le principe, c'est en ralit sans importance, parce que son quation constituait en elle-mme un programme dexprimentation vident et multiple : rapport entre la hauteur dun son et la longueur dune corde, le poids dun maillet, etc. Qu'elles aient eu une base rellement exprimentale - car il y en eut -, ou qu'elles fussent seulement thoriques et fictionnelles, comme celle qu'on va lire, les spculations des pythagoriciens dans les domaines de l'harmonie et de l'acoustique, se signalent par leur direction scientifique, trangre l'esprit de l'antiquit : notamment par leur comprhension du phnomne du son, dont la nature vibratoire, voire ondulatoire, tait dj souponne.*

    L'un de ces rcits, donc, rapport par plusieurs auteurs antiques et mdivaux, raconte que Pythagore, passant prs dune forge, fut charm et surpris par les sons de marteaux de diffrents poids frappant sur une enclume. Il pesa les marteaux et trouva que ceux-ci pesaient

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    respectivement 6, 8, 9 et 12 units de poids. En rapportant ces nombres 6, on obtient les fractions suivantes (rduction en facteurs premiers) :

    6 8 9 12

    1 4/3 3/2 2

    Qui sont respectivement lunisson, la quarte, la quinte et loctave.

    (Prcisons que l'exprience ici dcrite est incorrecte en ce que, dans le cas de marteaux de diffrents poids, les rapports corrects ne s'appliquent pas des nombres entiers, mais aux racines carres de ces nombres. D'autres rcits dcrivent des expriences correctes, comme celle prte Hippase sur des disques de bronze de diffrentes paisseurs; d'autres encore appliquent le mme raisonnement des cordes de longueurs diffrentes, ou encore des vases remplis de diffrentes quantits d'eau.)

    Ce systme permet de dfinir tous les rapports musicaux en nutilisant que les 4 nombres de la ttractys.

    Mais l encore, nous devons remarquer que ces nombres se dduisent de la ttractys d'une manire bien particulire. Non seulement les nombres qui composent les fractions sont les nombres de la ttractys, mais, en disposant les 4 rapports dans cet ordre : 1, 2, 3/2, 4/3, on saperoit que la ttractys est exprime de manire gntique, puisque ces quatre rapports correspondent, respectivement, au rapport de la premire ligne de la ttractys avec elle-mme (1 ou 1/1), au rapport de la seconde ligne la premire (2, ou 2/1), au rapport de la troisime ligne la seconde (3/2), enfin, au rapport de la quatrime ligne la troisime (4/3).

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    Supersymtrie des accords musicaux et des objets premiers. **

    Conclusion : les rapports arithmtiques qui sont ceux des quatre accords fondamentaux de l'harmonie musicale, (unisson, octave, quinte, quarte), correspondent, biunivoquement, aux rapports qu'entretiennent entre eux les quatre objets premiers de la gomtrie, (point, segment, triangle quilatral, ttradre), quant au nombre de points qui les composent ou, ce qui revient au mme, quant au nombre de sommets qu'ils comportent.

    Unisson Octave Quinte Quarte

    1/1 2/1 3/2 4/3

    Dans cette application, les objets premiers de la gomtrie apparaissent donc, relativement aux accords musicaux, comme des ralits moins primitives, mais en quelque sorte drives, puisqu'ils expriment dans leurs rapports mutuels ce que les accords musicaux expriment en eux-mmes.

    L'ide que l'espace et le temps sont des ralits qui ne peuvent se dvelopper que de manire symtrique et coordonne, est une ide dont on trouve d'autres illustrations dans la littrature pythagoricienne.

    Dans les articles suivants, nous verrons que ces rapports musicaux permettent en outre de dfinir les trois mdits classiques qui, dans la tradition, jouent le rle de noyau logique du systme complet des 12

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    mdits; savoir la mdit arithmtique , la mdit gomtrique , et la mdit harmonique .

    *Contrairement un prjug rpandu, qui voudrait que la doctrine pythagoricienne ait entretenu une certaine confusion entre les plans mathmatique et physique, toutes les expriences que nous rapporte la tradition montrent un tagement correct des niveaux ontologiques : mathmatique / physique et hypothse / exprience. Archytas : "Les sons sont causs par la vibration de l'air. Les sons aigs correspondent des mouvements rapides, les sons graves des mouvements lents." Selon le sentiment de plusieurs historiens de la physique, la premire grandeur physique qui soit caractristique du style et des procdures de la physique moderne, n'est autre que la vitesse archytenne, qui est, dans toute sa rigueur mathmatique, et avec son rel horizon exprimental : la vitesse de vibration de l'air correspondante la hauteur d'un son. Georges Mourier, historien de la physique ondulatoire, a ainsi montr que la thorie moderne du son se dduisait trs naturellement des oprateurs mathmatiques mis en oeuvre par Archytas et ses congnres.

    ** Nous empruntons le terme contemporain de "supersymtrie" pour dsigner ce qui est ici, trs simplement, une symtrie entre deux symtries, - entre deux sries d'objets dont le principe gnrateur individuel est dj une symtrie.

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    LES TROIS MEDIETES DE LA THEORIE CLASSIQUE

    A la fin de son Introduction arithmtique, et comme en couronnement de ce livre, Nicomaque qualifie de "mdit parfaite" la srie harmonique (6 - 8 - 9 - 12), dont l'importance dans la mathmatique pythagoricienne est telle, qu'elle a reu le nom de "grande ttractys". Rcemment, certains auteurs se sont mme enthousiasms voir en elle la ttractys la plus ancienne ou la plus originelle, mais ces hypothses historiques, au demeurant aussi gratuites que possible, n'ont pas d'intrt pour les vritables pythagoriciens, puisqu'on a vu que cette grande ttractys n'tait qu'une simple application, qu'un simple dveloppement mathmatique de la ttractys classique .

    La perfection de la srie harmonique (6 - 8 - 9 - 12), tient ce qu'elle contient les rapports des trois mdits que la tradition dfinit comme "premires en naissance"; et l'on sait dj l'importance de ce critre en pythagorisme. Cet article sera consacr illustrer cette primaut gnalogique des trois premires mdits sur les suivantes; et nous verrons au passage comment elles se dduisent de la srie harmonique de la grande ttractys. On s'efforcera ensuite, dans les deux articles suivants, de traiter du systme complet des mdits.

    Comme la thorie du gnomon, ltude du systme des mdits est un domaine encore peu explor de la mathmatique. Le nombre mme de ces mdits est une question problmatique, et fait lobjet dun flottement selon les auteurs : 10 selon Nicomaque de Grase, 12 selon Thon de Smyrne, 11 pour la plupart des auteurs rcents qui ont tent de donner une dfinition moderne de ce systme. Nous montrerons ici que la dtermination exacte du nombre des mdits dpend de lensemble arithmtique dans lequel on les dfinit. En effet, sil y a bien 11 mdits dans N* (lensemble des entiers naturels, sauf zro), il y en a 12 dans N (lensemble des entiers naturels, inclu zro), conformment la conjecture de Thon de Smyrne. Dans cette tude, on appelle Nicomaque 1 10 les 10 mdits recenses dans le catalogue de cet auteur, et Thon 11 et 12 les deux qui ont d leur tre ajoutes. Nous

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    donnons, la fin de cette premire section, une table des mdits, laquelle le lecteur pourra se reporter selon ses besoins.

    En ralit, seules les trois premires de ces mdits, qui sont les mdits immdiatement dductibles des rapports arithmtiques de la grande ttractys, ont fait lobjet, - et ce, ds lantiquit - dune tude vraiment dtaille. A ces trois mdits classiques on peut ajouter la mdit Nicomaque 10, qui a fait lobjet dun intrt plus rcent, en raison de sa relation avec la clbre suite de Fibonacci .

    *

    Dfinitions

    Ren Taton.

    "Une mdit est un rapport entre trois termes, tel que deux d'entre eux et deux de leurs diffrences soient dans le mme rapport."

    Cette dfinition peut tre transforme en une dfinition purement logique et formelle, sans contenu smantique. Par exemple :

    Une mdit est une expression six places vides de la forme ci-dessous, dans laquelle les relations arithmtiques entre les termes sont constantes, et o les six places doivent tre remplies par les lettres a, b, c, telles que a < b < c.

    (...) - (...) = (...)

    (...) - (...) (...)

    Enfin, les relations arithmtiques entre les termes tant supposes connues, il est possible, comme nous le verrons dans la partie dmonstrative de cet expos, de rduire le problme des mdits celui

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    d'un tableau six cases (logon), o les cases doivent tre remplies par les lettres a, b et c.

    aaa

    aaa

    De telles dfinitions ne sont bien sr pas compltes, puisque, si toutes les mdits sont des expressions de cette forme, toutes les expressions de cette forme ne sont pas des mdits. En effet, le total des solutions possibles pour cette formule est de 36 = 729, entre lesquelles un petit nombre seulement, de dix douze selon les auteurs, sont des mdits.

    Nous appellerons ici mineure la partie de l'expression situe droite du signe gal, concernant des termes simples (a, b, ou c) et majeure celle situe gauche du signe gal, concernant des diffrences entre ces termes, et conviendrons de placer toujours la majeure devant la mineure, comme ci-dessus.

    Nous prsenterons les 6 premires mdits dans leur ordre traditionnel, qui est d'ailleurs l'expression d'une ralit structurelle que nous traiterons en son lieu. La documentation sur les 3 premires mdits est assez abondante, et, ne pouvant les traiter de faon exhaustive, nous favoriserons ici, en fonction des besoins qui sont les ntres, d'une part, les lments de description qui permettent d'extraire des mdits un contenu intuitif ou intellectif, d'autre part, les lments permettant de dgager les aspects topologiques et structurels du systme des mdits.

    Comme il n'entre pas dans notre propos d'tudier la place des mdits dans l'histoire de la philosophie, on se contentera, ici, de citer quelques exemples. Platon, dans le Time, recourt la mdit gomtrique pour construire son chelle harmonique de l'me du monde. Aristote, dans son Ethique Nicomaque, utilise la mme mdit pour exposer le principe conomique de la justice et de l'galit. Fibonacci montre, lui, comment on peut utiliser la mdit 10 pour dcrire la croissance d'une population de lapins; et cest un peu dans le mme esprit que Malthus, dans son clbre thorme conomique, nonce que la

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    population humaine s'accrot en moyenne gomtrique, alors que ses ressources ne s'accroissent qu'en moyenne arithmtique.

    Evoquons une question de vocabulaire. L'usage d'appeler "arithmtique", "gomtrique" et "harmonique" les 3 premires mdits est traditionnel. Il est dj prsent chez Archytas, et a mme reu chez Nicomaque une justification tendue. Quelle que soit l'anciennet de cet usage, il nous parat, nous, plutt de nature engendrer la confusion. Les 3 mdits renferment chacune des aspects arithmtiques, gomtriques et harmoniques; ces appellations ne sont donc pas dcisives pour comprendre leurs proprits principales, du moins au point de vue qui est le ntre.

    Bien que la tradition attribue Pythagore la dcouverte des 3 premires mdits, la premire recension crite de ces mdits se trouve dans l'oeuvre d'Archytas de Tarente. Pour ces trois mdits, nous donnerons chaque fois en ouverture la dfinition d'Archytas.

    La mdit arithmtique

    Archytas :

    "En musique, il existe trois mdits : arithmtique, gomtrique et subcontraire, encore appele harmonique.

    "On parle de moyenne arithmtique, quand trois termes entretiennent entre eux une proportion selon un excs donn, et que l'excs du premier par rapport au deuxime est celui du deuxime par rapport au troisime."

    Prcisons que nous suivons ici l'usage moderne, de prfrence celui d'Archytas, et dsignons comme "le premier" (a) le plus petit des trois termes, et appelons "c", ou "troisime", le plus grand des trois termes.

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    Cette mdit se note :

    b - a = a ( = b = c ) ( = 1)

    c - b a b c

    avec : a < b < c

    Et sa plus petite solution possible pour (a, b, c) est (1, 2, 3)

    L'exemple le plus simple que l'on puisse trouver est donc celui de la suite des entiers naturels : 1, 2, 3, 4, 5, ....

    Commenons par dtailler quelques proprits de cette mdit.

    On a :

    c - b = b - a

    b = a + c

    2

    c = (b - a) + b

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    c = 2b - a

    Si l'on prend la chane des entiers naturels, on constate que l'on peut appliquer n'importe quel endroit de cette chane un objet logique en forme de trident, correspondant aux termes a, b, c; en vertu de quoi tout triplet de nombres successifs choisis dans cette chane satisfait la mdit "Nicomaque 1", ou mdit "arithmtique".

    Mieux encore, cet objet logique, le trident, peut tre affect d'un vecteur de croissance indfinie, de manire pouvoir slectionner cette fois des termes non voisins de la chane, la seule condition que la croissance du trident soit uniforme, c'est--dire, que l'galit entre les deux sous-intervalles soit continuellement maintenue.

    Rsumons les aspects les plus originaux de la mdit arithmtique.

    - Dans cette mdit, le rapport mineur a une valeur constante : 1. Cette particularit est propre la mdit Nicomaque 1 l'exclusion de toutes les autres.

    - Dans sa solution la plus simple (1, 2, 3), cette mdit a une signification intuitive qui est l'opration "+1", qui engendre la chane des entiers, et qui est aussi l'explication de son qualificatif d'arithmtique.

    - Dans son application par la croissance du trident, cette mdit a une signification intuitive qui est la continuit, toutes les chelles du nombre, de la fonction d'intervalle rgulier. La croissance du trident est

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    tout simplement la croissance endomorphe de la fonction arithmtique d'intervalle rgulier, qui, partant d'une portion atomique ou entire d'intervalle, s'tend ensuite, par une progression continue, toutes les dimensions pouvant contenir celle-l, comme une partie. A partir d'un intervalle minimum, sommet d'un cne topologique, est dfini le principe de la croissance illimite de cet intervalle.

    - Ajoutons une dernire singularit. La mdit Nicomaque 1 est la seule comporter 3 fractions du ct de la mineure. Une autre mdit, la mdit Nicomaque 2, comporte 2 fractions, tandis que les dix autres ne comportent qu'une seule fraction.

    Ces prcisions nous serons utiles lorsque nous aurons analyser le sous-systme constitu par les 3 premires mdits.

    La mdit gomtrique

    Archytas :

    "On parle de moyenne gomtrique, quand le rapport des trois termes est tel que le premier est au deuxime ce que le deuxime est au troisime."

    Des exemples courants de cette mdit sont les proportions que nous appelons communment "double", "triple", "quadruple", etc.

    Ainsi, la srie suivante (double) :

    1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, ...

    Ou encore la srie suivante (triple) :

    1, 3, 9, 27, 81, 243, ...

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    On voit que le domaine d'application de cette mdit est, comme celui de la prcdente, d'une grande gnralit mathmatique, puisque les rapports tels que "double", "triple", dont la liste est videmment infinie, peuvent, chacun son tour, tre appliqus tout nombre n, comme on vient de le faire ici au seul nombre 1.

    Cette mdit se note :

    b - a = a ( = b )

    c - b b c

    et sa plus petite solution possible pour (a, b, c) est (1, 2, 4).

    Pour cette mdit, on a, outre la dfinition d'Archytas, celle du Time de Platon.

    (On parle de moyenne gomtrique), "chaque fois que, de trois nombres quelconques, que ces nombres soient entiers ou en puissance, celui du milieu est tel que ce que le premier est par rapport lui, lui-mme l'est par rapport au dernier, et inversement, que ce que le dernier est par rapport celui du milieu, celui du milieu l'est par rapport au premier, le dernier et le premier pouvant leur tour devenir moyen."

    C'est cette mdit qui sera mise en oeuvre ensuite dans la clbre construction arithmtique et musicale de l'me du monde

    Nicomaque, quant lui, nous introduit cette mdit par une voie apparemment dtourne, qui est de la considrer d'abord comme un problme 4 termes, pouvant ensuite tre ramen 3 termes. Cette voie d'exposition tant assez intellective, nous nous y attarderons un instant.

    Si nous considrons des sries familires telles que les rapports : double , triple , etc :

    1, 2, 4, 8, 16, ...

  • 28

    1, 3, 9, 27, ...

    On observe que :

    a/b = c/d = e/f = ...

    Ce qui, pour la srie double, donne :

    1/2 = 4/8 = 16/32 = ...

    Et pour la srie triple :

    1/3 = 9/27 = 81/243 = ...

    Si nous exprimons maintenant cette application comme une fonction "en trident", cela revient ddoubler la barre centrale du trident, de faon inclure dsormais quatre termes dans la relation, soit :

    O : 1/2 = 4/8 = ...

    La mdit devient alors une fonction qui relie des termes successifs par paires, exprimant que chacune des fractions composes d'une de ces paires est gale la suivante et toutes les suivantes.

    Mais n'oublions pas que le rapport "trident" qui est prsent ci-dessus sous une forme "disjointe", peut tre ramen une forme "conjointe",

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    donc un trident simple, puisque la proportion qui court dans les intervalles - les "trous" de la chane ci-dessus - est galement la mme. En effet :

    Les rapports : 2/4, 8/16, ..., correspondant ces "jointures" suprieures sont eux mmes gaux ceux de la chane infrieure.

    Notons qu' partir d'une suite de termes tendue telle que :

    a b c d e f g h

    on peut former des quations telles que : a/d = e/h, ou encore a/c = b/d. Les segments peuvent crotre indfiniment, ou se croiser, pour peu qu'il soient toujours de mme longueur.

    Pour conclure, remarquons une proprit de cette mdit, qui peut claicir le contenu smantique de celle-ci; de la mme manire que nous avions reconnu dans la premire mdit un contenu smantique qui est la constance, toutes les chelles du nombre, de la fonction d'intervalle rgulier.

    Dans cette mdit, on a : ac = b2

    par exemple 1 x 4 = 22, etc, dans la srie "double".

    ou 1 x 9 = 32, etc, dans la srie "triple".

    Une faon de comprendre cette mdit peut donc consister transformer l'quation ac = b2 en un axiome d'existence, postulant que tout carr d'un nombre n (le terme mdian "b"), tel que n > 1, peut s'exprimer comme le produit de deux nombres, l'un infrieur, l'autre suprieur n (les termes extrmes a et c).

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    La mdit peut, de cette manire, tre lue comme une conjecture ou un thorme mathmatique qui serait le suivant :

    Pour tout b > 1, il existe une paire (a, c) telle que a < b < c, et telle que ac = b2. La preuve de ce thorme est du reste aise produire, puisqu'on peut montrer que pour tout nombre b suprieur un, il existe au moins un couple de ce genre, qui est le couple (1, b2), o l'on a bien a < b < c. La formule ac = b2 prend simplement, dans cette formulation, la place de la formule "constructive", dont notre mdit drive par extension.

    A ces quelques remarques, on peut ajouter que les concepts de "double" et de "triple", qui dcoulent des premires applications de cette mdit, ont fait l'objet, dans l'antiquit, d'amples spculations gomtriques, comme dans le fameux problme de la duplication du cube, ce qui peut expliquer son appellation traditionnelle de mdit gomtrique.

    La mdit harmonique

    Archytas :

    "On parle de moyenne subcontraire, celle que nous appelons harmonique, quand le rapport de trois termes est le suivant : le premier terme dpasse le deuxime d'une fraction de lui-mme et le moyen dpasse le troisime de la mme fraction du troisime. "

    Cette mdit se note :

    b - a = a

    c - b c

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    et ses plus petites valeurs possibles pour (a, b, c) sont (2, 3, 6).

    Dautres auteurs anciens, tels que Platon ou Nicomaque, ont galement dfini cette mdit, et ont fait remarquer, comme Archytas, que la mdit harmonique entretient une relation directe avec la mdit arithmtique, puisquelle nest autre quune moyenne arithmtique entre inverses.

    En effet, il est assez simple de dmontrer mathmatiquement que des termes (a, b et c) sont en moyenne harmonique si et seulement si leurs inverses sont en moyenne arithmtique.

    Cette remarque doit maintenant nous faire entrer dans des remarques structurelles.

    Structure des mdits 1, 2, 3

    La mdit harmonique dcoule de l'arithmtique en prenant les inverses des termes de celle-ci, par quoi on la dsigne du nom de sous-contraire ou subcontraire.

    Ici se place un petit problme de vocabulaire. L'expression "sous-contraire", qui dsigne la relation entre une fraction et son inverse, va devenir, aprs Archytas, une sorte de mot-valise, exprimant l'ide qu' partir de la mdit Nicomaque 1, on peut retrouver toutes les autres, ceci prs que la relation d'inversion n'est pas applique aux mmes endroits de la mdit. Selon les auteurs, l'expression "sous-contraire" dsigne une formule pouvant tre obtenue partir dune autre, soit en prenant les inverses de ses termes, soit en prenant les inverses de l'une ou l'autre des fractions qu'elle contient. La signification du terme "sous-contraire" s'largit mme en deux temps, de sorte qu'aprs avoir dsign, partir d'Archytas, la relation de la mdit 3 la mdit 1, il dsignera, chez Thon de Smyrne, la relation du sous-ensemble des

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    mdits 4 6 celle du sous-ensemble 1 3, et enfin la relation du sous-ensemble 7 12 au sous-ensemble 1 6. A y regarder de prs, ces emplois du terme sous-contraire ne sont pas incompatibles, puisqu'ils dlimitent des parties disjointes, mais complmentaires et solidaires, du systme des mdits.

    Paralllement cette liaison entre les mdits 1 et 3, on trouve chez de nombreux auteurs l'ide que les mdits 1, 2 et 3 constituent une structure indpendante.

    Commenons par nous faire une ide de la nature de cette "triangularit" qui est ralise dans le sous-systme des mdits 1 3, formant le noyau logique du systme gnral. Les trois mdits sont identiques dans leur partie majeure, et ne se distinguent que par leur partie mineure. Le systme de leurs diffrences doit donc trouver son expression dans le systme de variation de la fraction mineure. Pour le saisir, il nous faut faire subir cette fraction une rotation de 90 degrs, pour l'amener reprsenter ce qu'elle est effectivement : un intervalle sur la chane, conventionnellement horizontale, des entiers. De cette manire, on s'aperoit que, dans la mdit Nicomaque 1, cet intervalle est le minimum, puisqu'il est nul :

    a / a (intervalle de rang zro)

    Tandis que, dans la mdit Nicomaque 3, cet intervalle est l'intervalle maximum, puisqu'il est l'intervalle entre les deux extrmes:

    a / c (intervalle de rang 2)

    L'observation de ces deux formules permet donc de trouver dductivement la troisime, qui n'est autre que la formule intermdiaire entre les deux autres, o de ce fait l'intervalle est "moyen".

    a/b (mais aussi b/c) (intervalles de rang 1)

  • 33

    Nous disons l'intervalle, mais il s'agit bien dans cette mdit Nicomaque 2 de deux intervalles a/b et b/c; de sorte qu'au triangle form par la croissance de l'intervalle de la fraction mineure de la mdit

    A cette structure donc s'oppose une structure en triangle qui est l'inverse de celle-l, et qui est celle du "nombre de fractions dans la partie mineure".

    Mdit 1 : 3 fractions (a/a b/b c/c)

    Mdit 2 : 2 fractions (a/b b/c)

    Mdit 3 : 1 fraction (a/c) Dcroissance du nombre de fractions

    Une rflexion un peu attentive fera comprendre que cette seconde structure est un corrlat de la premire, de sorte qu'on a affaire deux structures triangulaires qui sont rciproques et duales l'une de l'autre.

    Concernant cette double proprit de la triade des mdits Nicomaque 1 3, de constituer la fois le noyau et la matrice de toutes les suivantes, en mme temps qu'un systme achev et clos sur lui-mme, nous devons

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    nous rappeler que ces trois mdits sont celles qui se dduisent des rapports arithmtiques de la "grande ttractys" (6 - 8 - 9 - 12).

    Comme l'a montr Nicomaque, alors que les termes 6, 9, 12 sont en proportion arithmtique, les termes 6, 8, 12, sont eux, en proportion harmonique.

    Quant la mdit gomtrique, elle s'obtient, elle, par alternation des rapports 6 - 9 et 8 - 12.

    Articulation de l'ensemble des mdits 1 3 celui des mdits 4 6

    A prsent, le systme triangulaire dont nous venons d'exposer les caractres de compltude et de clture, ce systme se dfinit aussi comme un sous-ensemble, au sein d'un ensemble de rang suprieur, comprenant, celui-l : "toutes les formules qui ont pour majeure la sous-formule (b - a) / (c - a)".

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    Cette dfinition du sous-ensemble des mdits 1 6, notons le, nous renvoie dj la question de la clture du systme des mdits, puisque nous verrons que le sous-ensemble des 6 mdits restantes (de 7 12), pourra lui-mme tre dfini comme l'ensemble des mdits qui n'ont pas pour majeure la formule (b - a) / (c - a).

    On voit que, dans cette situation gnosologique particulire, l'hyper-ensemble, le systme complet, est construit dductivement partir de l'ensemble-noyau, par la simple considration de ce qui lui manque. Le systme qui nous occupe prsent comprend 6 lments, et la dduction des trois premires mdits aux trois suivantes se fait, comme de coutume, par la mise en oeuvre d'un oprateur de "sous-contrarit".

    En effet, les mdits 4 6 sont des sous-contraires, de mdits (ou plus exactement, comme on va le voir, de formules de mdits) appartenant au groupe 1 3. Le "triangle" des mdits (1-2-3) se voit dot d'un complment triangulaire, dont les lments se dduisent des lments du premier groupe en inversant les deux termes de la fraction mineure.

    Mais que devons-nous remarquer tout de suite?

    Que cette relation, la sous-contrarit, n'est pas biunivoque, mais comporte une dissymtrie. En effet :

    a) La mdit 1 n'a pas de sous-contraire, puisqu'en inversant les termes de la fraction a/a on n'obtient pas une nouvelle formule, mais la mme formule.

    b) La mdit 2 possde deux sous-contraires, qui ne sont pas des proprits distinctes d'une mme mdit, mais bel et bien deux mdits distinctes, dont les solutions sont diffrentes.

    c) La mdit 3 ne possde qu'une sous-contraire.

    Nous sommes prsent en mesure de reporter tout ceci sur un schma topologique continu, dans lequel le triangle intrieur des mdits (1-2-3) est la matrice du triangle des mdits (4-5-6).

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    Remarquons toutefois que, pour exprimer cette relation topologique, on doit consentir ce que la reprsentation de la mdit ne soit pas la mme, dans le triangle (1-2-3) et dans le triangle (4-5-6). En effet, dans le triangle intrieur, une mdit est reprsente par un segment(de longueur nulle pour la mdit 1), tandis que, dans le triangle extrieur, une mdit est reprsente par un point topologique

    Avant d'aborder, dans le prochain article, la partie dmonstrative de cet expos, faisons le point sur la question du dveloppement historique de la thorie des mdits. L'analyse structurale que nous venons de mener sur les mdits 1 6 constitue un socle ancien et stable, que lon trouve autant en accord avec Thon qu'avec Nicomaque. Mais partir de l, tout change. Thon nous annonce 12 mdits, les 6 dernires devant tre une fois de plus les "sous-contraires" des 6 premires; mais, hlas, il ne nous dtaille rellement que les mdits 1 3. Nicomaque nous prsente une "dcade de mdits", ce qui a trs tt veill un soupon qui s'exprime ainsi : que vient faire ici la dcade.

    C'est la question de la compltude du systme des mdits et la dtermination rigoureuse de leur nombre que sera consacr le prochain article.

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    LE SYSTEME DES 12 MEDIETES

    (dmonstration de compltude)

    L'objet de cet article est de dmontrer que, conformment la conjecture de Thon de Smyrne, il existe 12 mdits, mais en outre, qu'il ne peut en exister davantage.

    On verra que la rsolution du systme, ou sa clture, en onze ou en douze mdits relve, en ultime instance, d'une situation de choix, qui quivaut dfinir le systme des mdits ou bien dans N* (N sauf zro) ou bien dans N (inclu zro ou l'ensemble vide). Nous verrons nanmoins que l'adoption de la 12e mdit est recommande par la symtrie interne du systme, au sein duquel cette mdit se rduit un nonc qui n'est autre qu'un axiome d'existence du nombre zro.

    Commenons par prsenter notre mthode de dmonstration.

    Dans un premier temps, le problme des mdits est dfini sur un plan strictement logico-formel, qui est celui que nous avons dj nonc plus haut :

    "Une mdit est une expression 6 places vides de la forme :

    (...) - (...) = (...)

    (...) - (...) (...)

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    dans laquelle les relations arithmtiques sont constantes, et o les six places vides doivent tre remplies par les lettres a, b, c, telles que : a < b < c."

    Cette dfinition permet de paramtrer le champ topologique complet du systme des mdits, dfini par l'ensemble, intgralement coordonn, de "toutes les formules possibles de ce modle". Cet ensemble est compos de 36 = 729 lments.

    Lorsqu'on saisit dans cette jungle de formules une formule particulire pour l'examiner dans le dtail, il va se produire trs souvent (en fait, dans presque tous les cas) que cette formule s'limine d'elle-mme, entranant dans sa chute d'autres formules du mme modle, par la simple considration de sa signification.

    On appelle ici "mthode des cribles" cette mthode de balayage du champ amorphe des formules logoniques, par des moyens smantiques, issus de l'analyse du sens des propositions. Alors que les planches logoniques I IX nous donneront de la mdit une image purement formelle et syntaxique, les cribles successifs appliqueront sur ce champ logonique une analyse localise, formule par formule. Ces cribles considrent le sens de certaines formules, et, ayant reconnu ce sens comme contraire la dfinition d'une mdit, ou bien manifestement faux, ou bien redondant avec une autre formule, liminent la suite toutes les formules homologues la formule incrimine.

    La mthode des cribles permet de dfinir ce qu'est une mdit d'une faon qui est entirement mathmatique, bien que sa forme soit en apparence ngative. Les mdits se trouvent la fin dfinies comme les formules qui restent, une fois actionns l'un aprs l'autre la totalit des cribles. Nanmoins, cette dfinition ngative peut tre "retourne", c'est--dire comprise positivement. Une mdit se trouve dfinie comme une formule n'ayant aucune des proprits numres par les cribles. La dfinition est mathmatiquement complte en ce que :

    1. Aucune des 12 mdits n'a l'une ces proprits,

    2. Seules entre toutes les formules de mdits, ces 12 ont la proprit de n'avoir aucune de ces proprits.

    Ou bien, synthtiquement : toutes ces formules (de 1 12), et seulement elles, ont la proprit de n'avoir aucune de ces proprits.

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    Les formules chappant la succession des cribles se voient ainsi dfinies comme constituant le systme complet des mdits pythagoriciennes, en tant que systme des seules mdits possibles, rsultantes.

    Notre programme sera le suivant :

    - On introduit un crible initial qu'on appelle le crible zro, qui permet de passer de 729 formules 144, la suite de quoi on expose le principe selon lequel sont construites nos 9 planches logoniques

    - On introduit les cribles 1 8 en tenant le compte exact des formules limines au fur et mesure.

    - On donne la suite les 9 planches logoniques sur lesquelles s'effectuent ces oprations, planches sur lesquelles sont indiques, pour chacune des 132 formules limines, l'intitul du crible au nom duquel elle a t supprime.

    - Enfin notre enqute se conclut par quelques remarques finales sur la structure du systme des mdits, ainsi que sur le statut particulier de la mdit Thon 11.

    Le crible zro et la structure des planches logoniques I IX.

    Nous commenons par noncer une dfinition de la mdit plus restrictive que celle, purement formulaire, qui nous a servi jusqu'ici, et cette dfinition nous permettra ensuite d'actionner, non seulement le crible zro qui nous occupe ici, mais un autre par la suite (le crible 4), en partant du fait qu'un certain nombre de formules ne correspondent pas cette dfinition restrictive de la mdit.

    Dfinition :

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    "Une mdit est une galit de rapports entre des diffrences positives et non nulles (majeure), et des nombres positifs et non nuls (mineure). Ou bien, pour parler mathmatiquement :

    Une mdit est une expression de la forme :

    x = a

    y b

    dans laquelle x, y, a et b sont des nombres positifs suprieurs zro.

    Dans le contexte qui est celui du pythagorisme, o le zro, aussi bien que les nombres ngatifs, sont rputs n'avoir pas d'existence, une telle limitation, - qui est naturellement respecte aussi bien dans les 10 mdits de Nicomaque que dans la 11me qui lui a t ajoute par les commentateurs modernes, - une telle restriction n'apparatra pas abusive, mais bien plutt, elle nous semblera pointer une proprit implicite de ce que nous comprenons, dans ces 11 exemples, comme tant une mdit.

    Cette nouvelle dfinition permet de supprimer un grand nombre de formules, et notamment toutes celles (crible zro) qui, dans leur partie majeure, contiennent une diffrence de type (a - b) ou encore (b - c), autrement dit une diffrence o le terme le plus petit prcde le plus grand, et dont le rsultat est, de ce fait, ngatif. Notre dfinition de la mdit n'admettant que des diffrences positives, toutes les formules de ce type ne sont pas autorises.

    Il nous faut ici dfinir avec prcision les limites exactes introduites par cet axiome. Notre dfinition n'oblige pas par exemple les lments(a, b ou c) intervenant dans la majeure tre non nuls, mais seulement les diffrences entre ces lments. Par contre, du ct de la mineure, les lments doivent tre non nuls, c'est -dire qu'un terme (a, b ou c) figurant dans la mineure, ne peut pas tre gal zro. Cette prcision aura toute son importance lorsque nous aurons examiner le statut particulier de la mdit Thon 11.

    Examinons maintenant plus en dtail la situation combinatoire - ou logonique - dtermine par l'actionnement du crible zro.

    Alors qu'auparavant nous avions, pour chaque case du diagramme, trois solutions possibles, (a, b ou c), la somme de ces solutions tant ds lors gale 36 = 729 formules, ne sont plus permises dsormais, dans chacune des cases du logon 6 places, que les solutions suivantes :

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    Soit en tout : 2 x 2 x 2 x 2 (= 16 ) x 3 x 3 = 144 formules seulement.

    Cette analyse nous permet d'expliciter la structure de nos 9 planches logoniques.

    La formule majeure constitue un systme combinatoire autonome comportant 16 solutions seulement. Ces 16 solutions sont dveloppes identiquement sur chacune des planches de notre logothque : ce qui signifie que nos 9 planches sont identiques pour ce qui est de la formule majeure et ne diffrent entre elles que par la mineure. Ces neuf planches correspondent tout simplement aux 9 solutions possibles (3x3) pour le "remplissage" de la mineure soit : (a/a, b/b, c/c, a/b, b/a, a/c, c/a, b/c, c/b).

    Ce qui nous donne bien, au total 16 x 9 = 144 formules

    Ces prcisions nous permettent en outre d'attribuer chaque formule un numro d'ordre deux coordonnes, de type (II, 4), dans lequel le chiffre romain indique le numro de la planche (qui permet donc de retrouver sa formule droite ou mineure), et le chiffre arabe son rang dans le dveloppement de 1 16 de la partie majeure.

    C'est donc sur ce champ logonique rduit que vont dsormais s'appliquer les 8 cribles successifs numrs ci-aprs.

    Sur les 729 formules dont nous disposions au dpart, le crible zro a supprim toutes les formules contenant une diffrence ngative, de forme (a - b), (a - c) ou (b - c), mais aussi les deux tiers des formules contenant une diffrence nulle (les formules en (a - a) et (c - c)). Seules les diffrences nulles de la forme (b - b) ont rsist au crible zro, puisque notre diagramme prend en compte uniquement les solutions possibles pour chacune des cases du tableau, sans prjuger de ce qui figure sur une

  • 42

    autre case du mme tableau; or, la lettre b est la seule tre possible sur chacune des 6 cases du diagramme, contrairement aux lettres a et c. La suppression des formules contenant l'expression (b - b) devra donc faire l'objet d'un crible spcial ultrieurement (crible 4).

    Crible 1 : Ne contient pas trois lettres

    Une mdit est un rapport entre trois termes (a, b, c)

    Sur nos 144 formules, le critre : "cette formule ne contient pas trois lettres, est n'est donc qu'une relation entre - au maximum - deux lments" - ce critre permet d'liminer 34 formules.

    Restent 144 - 34 = 110 formules.

    Crible 2 : Formule miroir

    On peut liminer toutes les formules dans les quelles le haut et le bas (de la formule) sont identiques.

    Prenons par exemple la formule :

    b a c

    b a c, qui se lit :

    (b - a) = c

    (b - a) c

  • 43

    Le sens de cette formule n'est qu'une pure vidence mathmatique qui nonce :

    x/x = y/y (=1)

    En tout tat de cause, cette formule n'nonce pas une relation dtermine entre trois termes rciproquement dfinis, mais une vidence mathmatique valable indistinctement pour tout nombre n.

    Ce critre limine quatre nouvelles formules. Restent 110 - 4 = 106 formules.

    Crible 3 : Image de (..., ...)

    On peut supprimer toutes les formules qui peuvent tre obtenues partir d'une autre formule, en inversant le haut et le bas.

    Par exemple la formule :

    b a c

    c b a

    Cette formule peut-tre obtenue partir de la formule :

    c b a

    b a c en inversant les lignes du haut et du bas.

  • 44

    En ralit, ces deux formules ne sont pas deux formules diffrentes, mais l'une n'est qu'une consquence mathmatique triviale de l'autre, en vertu de l'vidence selon laquelle :

    si (a/x) = (b/y) alors (x/a) = (y/b)

    Autrement dit, nous n'avons pas affaire deux formules diffrentes, mais deux expressions quivalentes de la mme formule. Pour cette raison, l'une ou l'autre de ces formules peut indiffremment tre limine, et l'autre conserve comme un reprsentant valable de la formule considre. Ici, on choisit arbitrairement de conserver la premire qui apparat dans notre liste.

    Le critre "Cette formule est l'image de la formule (..., ...) permet lui seul d'liminer la moiti des formules subsistantes, ce qui laisse subsister 106/2 = 53 formules.

    Notons en particulier que trois planches entires peuvent tre rayes d'un seul trait de plume. En effet, la planche 5, par exemple, tant tout simplement l'image de la planche 4, peut tre supprime intgralement. Mme chose pour les planches 7 et 9, qui sont respectivement les images des planches 6 et 8.

    Crible 4 : Contient une diffrence nulle

    Selon notre dfinition initiale d'une mdit, les diffrences entre deux termes qui figurent dans la majeure doivent tre des valeurs positives et non nulles. Cette restriction a dj permis d'liminer, l'occasion du crible zro, toutes les formules dans lesquelles figurait une diffrence ngative, ainsi que les formules contenant une diffrence nulle de la forme (a - a) ou (c - c).

    A prsent, la mme restriction nous permet d'liminer toutes les formules subsistantes o figure une diffrence nulle, de la forme (b - b), - formules qui, pas plus que les prcdentes, ne sont permises par notre dfinition.

    Le critre "Cette formule contient une diffrence nulle" permet d'liminer 20 nouvelles formules, et il nous reste ce stade 53 - 20 = 33 formules.

  • 45

    Crible 5 : Faux 1

    Examinons maintenant la formule Nicomaque 1, qui nous est familire :

    ( c - b ) = a ( = 1 )

    ( b - a ) a

    Cette formule implique que ( c - b ) = ( b - a )

    De la mme manire, toutes les formules qui ont pour mineure une sous-formule du type ( x/x ) (= 1), impliquent que, dans la majeure, la diffrence du haut soit gale la diffrence du bas.

    Cette analyse permet ds lors d'liminer un certain nombre de formules comme mathmatiquement fausses.

    En effet, toutes les formules dans lesquelles on a la fois, dans la mineure, une fraction de type ( x/x ), et, dans la majeure, deux lettres identiques se situant sur une mme verticale, toutes ces formules sont, de toute vidence, mathmatiquement fausses.

    Prenons par exemple la formule :

    ( c - a ) = a

    ( b - a ) a

    Cette formule contient, dans sa mineure, une expression de la forme (x/x) (=1), et, dans sa majeure, deux lettres identiques sur une

  • 46

    mme verticale (a/a). Cela signifie que, pour que cette formule soit vraie, il faudrait tout simplement que b = c, ce qui est interdit par dfinition, puisqu'on a toujours b < c.

    Ce critre "Faux 1" permet d'liminer 6 nouvelles formules, et il nous reste ce stade 33 - 6 = 27 formules.

    Crible 6 : Faux 2

    Une autre famille de formules peuvent tre reconnues fausses par hypothse, les formules o l'on a en face d'une mineure de type (x/y) une majeure de type : (o - g) / (o - g)

    soit une formule de la forme :

    (o - g) = x

    (o - g) y

    Dont un exemplaire pris au hasard est la formule :

    (c - a) = a

    (c - a) b

    Une telle formule est videmment fausse. En effet, pour que cette formule soit vraie, il faudrait que a = b, ce qui est impossible, puisqu'on a par dfinition : a < b.

    Ce critre limine son tour 6 nouvelles formules, et il nous reste ce stade 27 - 6 = 21 formules.

    Crible 7 : Doublon de Nicomaque 1 ou 2

  • 47

    Notre connaissance particulire des mdits Nicomaque 1 et Nicomaque 2 nous suggre ici l'ide d'un crible supplmentaire.

    Nous savons qu'entre toutes les mdits connues, la mdit Nicomaque 1 est la seule comporter 3 fractions dans sa partie mineure, tandis que la mdit Nicomaque 2 est la seule compter 2 fractions dans sa partie mineure, alors que toutes les autres mdits connues ne comptent, dans leur partie mineure, qu'une seule et unique fraction.

    Nous avons donc d'ores et dj connaissance de trois formules qui ne sont pas des mdits autonomes mais, pour les deux premires, ne sont autres que la mdit Nicomaque 1, bis et ter, et pour la troisime, la mdit Nicomaque 2 bis. Nous savons en effet que ces doublons particuliers ne correspondent pas des mdits diffrentes, mais de simples variantes des mdits susdites, ayant les mmes solutions.

    Ce critre nous permet donc d'liminer 3 nouvelles formules.

    Et il nous reste : 21 - 3 = 18 formules.

    Crible 8 : Faux 3

    Examinons la formule :

    ( c - a ) = a

    ( c - b ) b

    Par hypothse ( c - a ) > ( c - b ) puisqu'on a : a < b.

    Ce qui fait que nous avons l une formule qui nonce elle mme les rapports suivants entre ses quantits :

  • 48

    (plus grand que dessous) = (plus petit que dessous)

    (plus petit que dessus) (plus grand que dessus)

    Cette formule est mathmatiquement absurde, car le rapport d'un plus grand nombre sur un plus petit ne peut pas tre gal celui d'un plus petit sur un plus grand, pour la raison, tout simplement, que le premier est ncessairement suprieur 1, tandis que le second est ncessairement infrieur 1.

    Ce critre permet d'liminer 6 nouvelles formules, et les 12 formules qui nous restent constituent le systme des 12 mdits pythagoriciennes. CQFD.

    Notre dmonstration tablit qu'il ne peut exister plus de 12 mdits pythagoriciennes, puisque toute autre formule que ces 12 appartient l'une ou l'autre des catgories de formules qui, pour ainsi dire, noncent elles-mmes qu'elles ne sont pas des mdits, et ont pu sur cette base tre limines sur des critres purement smantiques. En outre, nous devons tre bien convaincus d'avoir, par la mthode des cribles, parcouru la totalit du champ logique dans lequel s'inscrivent les mdits; c'est--dire que nous savons rellement ce qu'nonce individuellement chacune des 717 formules limines depuis la mise en oeuvre du crible zro.

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  • 51

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    TABLE DES MEDIETES

    Nicomaque 1 Nicomaque 2

    (b - a) = a (= b = c) (= 1) (b - a) = a (= b)

    (c - b) a b c (c - b) b c

    (1, 2, 3) (1, 2, 4)

    Nicomaque 3 Nicomaque 4

    (b - a) = a (b - a) = c

    (c - b) c (c - b) a

    (2, 3, 6) (3, 5, 6)

    Nicomaque 5 Nicomaque 6

    (b - a) = b (b - a) = c

    (c - b) a (c - b) b

    (2, 4, 5) (1, 4, 6)

    Nicomaque 7 Nicomaque 8

    (b - a) = a (c - b) = a

    (c - a) c (c - a) c

    (6, 8, 9) (6, 7, 9)

  • 55

    Nicomaque 9 Nicomaque 10

    (b - a) = a (c - b) = a

    (c - a) b (c - a) b

    (4, 6, 7) (3, 5, 8)

    Thon 11 Thon 12

    (b - a) = b (c - b) = b

    (c - a) c (c - a) c

    (0, 1, 2) (3, 4, 6)

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    CONCLUSIONS :

    STATUT DE LA MEDIETE THEON 11

    ET STRUCTURE DU SYSTEME DES MEDIETES

    La mthode des cribles laisse survivre 12 mdits, comprenant les 10 mdits recenses dans la liste de Nicomaque de Grase, la 11me mdit recense notamment dans diverses thses de mathmatique (Thon 12), et enfin une 12e mdit (Thon 11), produisant un compte conforme la conjecture de Thon de Smyrne.

    La mdit Thon 12 ne prsente pas de diffrence significative avec les 10 premires. Elle n'est pas, comme l'a indiqu par ngligence Grardin, la mdit dite de "Fibonacci", qui engendre une suite de nombres de Fibonacci tendant vers le nombre d'or, puisque cette mdit figurait en bonne place dans le catalogue de Nicomaque, au 10me et dernier rang. La mdit Thon 12 absente de la liste de Nicomaque est la mdit :

    (c - b) = b

    (c - a) c

    Il convient prsent d'examiner le statut, bien particulier quant lui, de la mdit Thon 11. Commenons par l'examiner.

    (b - a) = b

    (c - a) c

  • 57

    Cette mdit possde une solution si et seulement si a = 0, et elle alors vraie dans tous les cas, quelles que puissent tre les valeurs de b et c ; mais elle savre fausse pour toute autre valeur de a.

    On a vu qu'un moyen souvent efficace d'extraire le contenu smantique d'une mdit (comme Nicomaque 2), tait de la transformer en un axiome d'existence. On peut donc comprendre cette mdit comme laffirmation quil existe un nombre a tel que (b - a) = b. Autrement dit, il existe un ensemble vide.

    Cette soit disant "mdit" n'a pas dautre signification. En tant que mdit entre trois termes, elle n'nonce rien de plus que l'ide que si a = 0, alors tout nombre b infrieur c est une "mdit" entre a (zro) et c ; - le sens du mot mdit se trouvant alors rduit sa signification la plus vide : que b se situe "n'importe o" entre a et c. La notion de moyenne se trouve dilue dans la gnralit la plus abstraite, puisqu'elle se trouve occuper toute la zone comprise entre a (zro) et c.

    Cette mdit est donc particulire par son absence d'intrt mathmatique, autant que par son excessive gnralit, qui la dnonce comme une forme "sature", voire "dgnre" de la notion de mdit. Mais nous avons vu que le systme admettait des gradations de ce genre, en ce sens que la mdit Nicomaque 1 pouvait dj nous apparatre, par rapport aux autres, comme demi-sature , ou comportant une signification par trop gnrale (puisque notamment identique aux notions de nombre entier ou d'intervalle rgulier). Nous voyons donc qu'il ne s'agit, dans cette mdit Thon 11, que d'un degr suprieur, et du reste ultime, de saturation ou de dgnrescence.

    Car ces remarques ngatives ne doivent pas masquer l'essentiel :

    Les 717 formules ayant t limines par la mthode des cribles l'ont t sur la base de dfauts smantiques irrvocables : faux, impossible, doublon d'un autre, etc, dfauts dont chacun est une rfutation dfinitive de sa validit ou de sa signification.

  • 58

    Rien de si ngatif ne caractrise la mdit Thon 11.

    En effet, ce qu'nonce la mdit Thon 11 est dune absolue vracit mathmatique, savoir que :

    " (S'il existe un ensemble vide)

    Il existe un nombre a tel que (b - a ) = b

    Et par consquent tel aussi que :

    ( b - a ) = b

    ( c - a ) c

    Dautre part, cette mdit ne contrevient aucun des axiomes du systme que nous avons noncs jusqu'ici.

    En effet, ces axiomes n'exigent pas que les lments de la majeure soient suprieurs zro, mais seulement que les diffrences entre ces lments le soient. C'est bien le cas dans notre formule, les diffrences (b - a) et (c - a) sont toutes deux suprieures zro.

    D'autre part, notre axiome exige galement que, dans la mineure, aucun lment ne soit gal zro. C'est encore bien le cas de notre formule, puisque le nombre a (gal zro) ne figure pas dans la mineure.

    Autrement dit, la mdit Thon 11 satisfait bien la forme :

    x = a

    y b o x, y, a et b sont des nombres positifs suprieurs zro.

  • 59

    La mdit Thon 11 est donc libre de l'escarcelle des cribles logiques au mme rang que les onze autres, et ne contrevient aucun des axiomes noncs dans le systme. C'est dire que, pour l'liminer, nous serions obligs d'introduire un axiome et un crible supplmentaire, auxquels contrevienne seule cette mdit ; par exemple : "la majeure non plus ne doit pas contenir d'lment gal zro". Un tel dcret donnerait du coup l'impression d'tre cr "sur mesure" pour liminer la mdit Thon 11; et son adoption relverait uniquement, ds lors, d'une situation de choix, dans la dfinition du systme.

    Or, il nous faut bien constater que le systme lui-mme ne nous invite pas choisir en ce sens.

    En effet, que constate-t-on ce stade dans la structure gnrale du systme?

    Si l'on observe l'ensemble des mdits 7 12, on s'aperoit que la dtermination de la mdit Thon 11 (comme celle de n'importe quelle autre mdit de cet ensemble) relve d'un simple exercice de logique amusante. Jugeons plutt :

    ( b - a ) = ( a ) ( c - b ) = ( a )

    ( c - a ) ( c ) ( c - a ) ( c )

    ( b - a ) = ( a ) ( c - b ) = ( a )

    ( c - a ) ( b ) ( c - a ) ( b )

    ( ..... ) = (...) ( c - b ) = ( b )

    (.......) (...) ( c - a ) ( c )

  • 60

    Je pense que chacun, en y mettant un peu de coeur, trouvera sans difficult la mdit n 11 sans autre tude que l'observation des 5 formules qui l'environnent.

    Qu'est-ce que cela signifie pour nous?

    Cela signifie que, si la structure des mdits 1 6 tait une structure quelque peu capricieuse et asymtrique, dans le cas des mdits 7 12, la structure se caractrise par une parfaite rgularit logico-combinatoire. Cette structure se rsout, en somme, une complte relation logique biternaire, dveloppe ici sous la forme topologique :

    La conclusion de tout ceci sera donc que le dploiement logique complet du systme des mdits pythagoriciennes conduit admettre, au titre de mdit n11, un axiome d'existence du nombre zro.