terminaux a-conteneur
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Université Paul Cézanne – Aix Marseille III
Faculté de Droit et de Science Politique
Les Terminaux à conteneurs portuaires
Mémoire de Master II de Droit Maritime et des Transports
Présenté par Axelle JOUVE
Sous la Direction de Me SCAPEL
ANNEE UNIVERSITAIRE 2007 / 2008
1
Abstract
While terminal operators have become an essential link to the international transport chain, international legislations have yet to recognize and define the importance of this activity. In most cases, operators are limited to incompatible and restrictive national legislations.
In France, the terminal exploitation in harbour areas is constrained by the application and notion of public services. European Union legislations have permitted great improvements for terminal operators, nevertheless, the activity remains characterized by a lack of flexibility as well as a lack of judicial security.
Although operators around the world offer identical services, the notion of a common liability is non-existent. The Vienna Convention on the responsibility of transport exploiters, attempted to harmonize this responsibility on an international level which was then rejected by the international community. So far the existing texts only offer fragmented answers, borrowed from the judicial regimes of different transport actors.
Clarification of terminal operator’s legal status is wished.
L’opérateur de terminal est devenu un maillon essentiel de la chaîne de transport international.
Pourtant, aucun texte international ne reconnaît clairement son activité. Ne bénéficiant ni de définition
légale, ni d’un statut propre, les opérateurs sont soumis à des législations nationales souvent mal
adaptées et contraignantes.
En France, l’exploitation de terminal, implantée sur en zone portuaire, est soumise à un
ensemble de contraintes dont la plupart sont liées à l’application du régime de la domanialité publique,
encore trop largement rattaché à la notion de service public. La législation communautaire a
notamment permis d’améliorer la situation de l’exploitant de terminal mais l’activité reste caractérisée
par un manque de souplesse et de sécurité juridique.
Alors que les opérateurs réalisent des prestations identiques dans le monde entier, il n’existe
aucun régime impératif de responsabilité qui soit commun à tous. Les textes actuels n’apportent que
des réponses fragmentaires, empruntant aux régimes juridiques des différents auxiliaires de transport.
Le régime de responsabilité harmonisée initié par la Convention de Vienne sur la responsabilité des
exploitants de terminaux de transport dans le commerce international a été rejeté par la communauté
internationale.
Nous ne pouvons qu’espérer une clarification rapide du statut de l’opérateur de terminal.
2
Remerciements
Je tiens d’abord à adresser mes plus sincères remerciements à mes
professeurs, Christian Scapel et Pierre Bonassies, pour leur soutien et la qualité
de leur enseignement.
Je remercie tout particulièrement Mr Robert Rézenthel, pour son aide et sa
disponibilité tout au long de la rédaction de ce mémoire.
Je remercie également l’équipe du service juridique de la Compagnie
Maersk France à Marseille, pour m’avoir permis, lors de mon stage, d’aborder
sous un angle pratique et juridique les problématiques de transport et pour
m’avoir donné l’opportunité de visiter le Terminal à conteneurs de Fos-sur-Mer.
3
Sommaire
Abstract ................................................................................................................................... 1
Remerciements ........................................................................................................................ 2
Sommaire ................................................................................................................................ 3
Introduction - L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité économique prisée .................................................................................................................. 4
Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs portuaire .................................... 10
Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles de la domanialité portuaire ........................................................................................................... 11
Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire ............. 11
Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire .................... 24
Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un environnement portuaire compétitif et plus sûr ............................................................................................ 39
Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et l’application du droit communautaire .................................................................................................................. 39
Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ? ........................... 40
Section 2- Accroissement de la sécurité et de la sûreté sur le terminal à conteneurs ....... 53
TITRE 2 Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs pour les dommages causés aux marchandises ........................................................................................ 60
Chapitre 1- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs portuaire ............................................................................................................................... 60
Section 1- La phase de responsabilité ............................................................................... 61
Section 2- Les prestations réalisées par l’opérateur sur le terminal .................................. 70
Chapitre 2- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal .............................. 77
Section 1 – Les régimes actuels de responsabilité ............................................................ 77
Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité des opérateurs de terminaux .............................................................................................. 91
Conclusion .......................................................................................................................... 100
Bibliographie ...................................................................................................................... 101
Annexes ............................................................................................................................... 105
4
Introduction -
L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité
économique prisée
La croissance du commerce mondial nourrit les promesses d’un développement
toujours plus soutenu de la conteneurisation, suscitant ainsi un fort mouvement de
construction de nouveaux terminaux. Tous les grands ports maritimes ont leur projet de
terminal à conteneurs portuaire. Ces nouveaux aménagements devront répondre à la
croissance du trafic conteneurisé et disposer d’infrastructures adaptées aux navires porte-
conteneurs de plus en plus gros.
Le maître mot est à la réalisation d’économies d’échelle et à la maitrise du temps,
incitant les industries à se doter de navires et de terminaux de plus en plus gros1. Dans ce
nouveau contexte maritime, l’objectif est d’optimiser et maîtriser les mouvements et flux de
conteneurs. L’avènement de la logistique a permis d’y parvenir en adoptant une vue globale
de la chaîne de transport. De L’organisation de véritables réseaux logistiques a résulté la
concentration des investissements et des innovations dans les plus grands ports maritimes, qui
bénéficient seuls du développement des trafics.
Depuis la fin de la période de construction des zones industrialo-portuaires dans les
années 1990 en Europe, les constructions des terminaux à conteneurs représentent les projets
d’aménagement les plus importants. Ils marquent une nouvelle étape dans le développement
des zones portuaires répondant à une nouvelle problématique des flux mer/territoire. Les ports
doivent aujourd’hui répondre aux exigences des armateurs et des méga manutentionnaires,
alors que le budget public qui lui est consacré diminue et que les critères environnementaux et
sociaux s’alourdissent.
Autrefois, les chargeurs ou leurs représentants choisissaient leur port et leur armateur.
Aujourd’hui, ils veulent un transport complet de leur entrepôt à celui de leur client, peu
important les modes de transport et le « routing ». C’est ce que la pratique qualifie de service
« porte-à-porte » (ou « door to door »), l’armement prenant en charge l’organisation du pré et
post-transport terrestre, dit « carrier haulage ». Les taux de fret étant aujourd’hui assez bas et
les prestations de transport maritime équivalentes d’une compagnie maritime à une autre,
c’est sur les maillons terrestres que peuvent se réaliser les plus importants gains financiers et
1 « Les terminaux repoussent leurs limites », Journal Le Marin, N°3163, 22 février 2008, p.3
5
de productivité. La « bataille » entre les armateurs se joue donc à terre. Les ports sont à leur
tour mis en concurrence.
La fiabilité et la qualité des services à terre sont des facteurs décisifs du choix des
armateurs pour tel port. Les armateurs exigent une manutention sécurisée, capable de mettre
en œuvre le plus grand nombre possible de portiques compte tenu de la taille du navire et de
son plan de chargement ainsi que des temps d’attente à quai minimums. Le but est de
rationaliser les transbordements et de garantir au mieux la performance du transport.
Autre facteur important, le coût de la manutention dans un port. Quelques dizaines de
dollars d’écart par conteneur feront basculer le choix entre deux ports, par exemple entre
Marseille et Malte.
Dans ce contexte de développement soutenu du trafic conteneurisé, l’exploitation de
terminaux à conteneurs est devenue une activité de premier plan2.
La concurrence s’effectue aujourd’hui autant entre les opérateurs de terminaux
qu’entre les ports3. Cette concurrence qui ne concernait que certaines régions asiatiques s’est
généralise à l’échelle du globe4.
Dans les années 1990, on assista à l’émergence de groupes de manutention
internationaux spécialisés dans le trafic de conteneurs assurant leur manutention et leur garde.
Leur développement initial et leur originalité en termes de techniques de gestion ont été
rendus possible par leur réglementation portuaire nationale souple et ouverte aux
investissements privés. Ils ont, par la suite, exporté progressivement ce modèle. Les groupes
asiatiques tirent ici leur épingle du jeu aux côtés d’entreprises européennes et américaines.
Les stratégies de croissance des manutentionnaires mondiaux sont diverses. Elles
restent principalement axées sur l’implantation dans des zones à fort potentiel de
développement, notamment en Asie du Sud-est, zones appelées à devenir des plaques
tournantes des trafics mondiaux ou régionaux. Mais les grands groupes maintiennent aussi
leurs investissements dans les ports déjà plaques tournantes des trafics, situés sur les grandes
routes maritimes, car ils représentent une « valeur sûre ». Leur stratégie peut également passer
par l’acquisition de la gestion de nouveaux terminaux à conteneur par le rachat de groupes
2 Journal de la Marine Marchande du 29 juin 2007, N°4567/4568, « Les équipementiers profitent de la mondialisation », Loïc Salmon, p.23 3 Wang and Slack, “The evolution of a regional container port system: the Pearl River Delta”, Journal of Transport Geography n°8, 2000, p. 263 - 276 4 Par exemple, en Chine méridionale, Hutchinon Port Holdings (HPH) et Modern Terminals Limited (MTL) ont des intérêts concurrentiels dans plusieurs ports du delta de la Rivière des Perles et à l’intérieur du port de Hong Kong.
6
concurrents qui jouissent déjà de l’exploitation de terminaux ou encore par un partenariat avec
un autre opérateur pour la gestion en commun d’un terminal.
La tendance actuelle est à la concentration des grands opérateurs mondiaux, par le jeu
d’acquisitions, de partenariats et d’expansions. Le secteur est structuré autour des grands
opérateurs de terminaux, aux premiers rangs desquels on trouve Hutchinon Port Holdings
(HPH), Port of Singapore Authority (PSA), APM Terminals (groupe AP Moller), Peninsular
& Oriental Ports (P&O Ports) et Eurogates5.
On notera que les entreprises de manutention sont entrées depuis peu dans une
nouvelle phase d’expansion de type organisationnelle. A l’heure de la logistique et du
management de la « supply chain », les opérateurs souhaitent, eux aussi, se diversifier en
offrant de plus en plus des services logistiques et deviennent organisateurs de transport6.
Face à ce schéma de couverture mondiale des principaux sites portuaires par les
opérateurs de terminaux les plus importants, on peut s’interroger sur la réelle indépendance
des entreprises de taille plus réduite, manutentionnant des volumes moins importants et de
chiffres d’affaires moins colossaux7,8.
La venue de ces groupes leaders dans un port constitue un réel avantage pour ce
dernier. Les grands groupes n’investiront sur un site que lorsqu’ils seront sûrs de pouvoir
dégager des profits en s’appuyant sur la massification des trafics. Ceci explique qu’ils
recherchent toujours une position dominante dans un port. Au-delà de la position stratégique
d’un port, leur implantation sur un site dépendra largement de leur certitude de pouvoir
contrôler le plus de paramètres de gestion possibles dans l’exploitation du terminal, à partir
notamment d’une concession sur le long terme. Les opérateurs veulent pouvoir maitriser à la
fois leurs prix et les technologies de manutention, pour augmenter les cadences et avoir un
service de qualité. De cette manière, ils réalisent des économies d’échelle et augmentent la
rentabilité de leur activité en intégrant des logiques industrielles.
De nombreux Etats en ont bien pris conscience de cet enjeu et ont engagé des réformes
portuaires pour permettre le transfert vers le secteur privé d’une partie des investissements et
5 Cornier J-C « Opérateurs : les trois premiers pèsent plus de 60 millions d’EVP », Journal Le Marin, hors-série novembre 2002, p.12 6 Lacoste Romuald et Terrassier Nicolas « La manutention portuaire conteneurs : les opérateurs internationaux – perspectives européennes », Synthèse ISEMAR n°39, novembre 2001, p.2 7 Cornier J-C « Terminaux : à côté des très grands groupes… », Journal de la Marine Marchande, N°4586 du 16 novembre 2007, p.30 8 Citons l’exemple du groupe PSA qui a acquis la majorité du capital de HNN, premier manutentionnaire de conteneurs d’Anvers, lui-même fruit d’une fusion entre deux opérateurs locaux (Hessenatie et Noord Natie
7
des compétences du secteur portuaire. Certains Etats, comme le Royaume-Unis dans les
années 1980, sont allés jusqu’à engager des procédures de privatisations des ports.
La France semble bien aujourd’hui décidée à s’engager dans ce mouvement de réforme
portuaire pour « attirer » les opérateurs en leur permettant de contrôler tous les paramètres de
leur activité et de développer leur industrie dans les mêmes conditions qu’une entreprise
privée. Les autorités publiques semblent maintenant prêtes à investir massivement dans les
installations portuaires9.
Parallèlement au développement de ces grands groupes spécialisés sur les sites
portuaires, les armateurs de lignes régulières s’intéressent eux aussi, et de plus en plus, aux
terminaux à conteneurs10. L’avènement du conteneur a changé la compréhension du transport
maritime de lignes régulières. En peu de temps, les armateurs ont dû adapter leurs méthodes
de travail et investir différemment, dans des navires coûteux, des flottes de conteneurs et dans
des installations adéquates au trafic conteneurisé.
Paradoxe des évolutions de la pratique maritime, les armateurs, autrefois actionnaires
de nombreux terminaux, avaient décidé de recentrer leur activité sur le transport maritime pur.
Les terminaux regagnent aujourd’hui leur faveur.
Pressentant la tendance prochaine, le transporteur maritime Sea-Land investit, dès 1972, dans
un terminal à Hong Kong, ce qu’a récemment fait la CMA-CGM sur le site de Marseille Fos
en devant l’opérateur de terminal pour la gestion de Fos 2XL11, et encore plus récemment en
concluant un accord portant sur la construction et l’exploitation pour une durée de 50 ans d’un
futur terminal à conteneurs dans le port de Tanjin12.
Les raisons qui poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et en particulier
dans les terminaux à conteneurs sont multiples.
Plusieurs raisons poussent les armateurs à réinvestir dans le maillon portuaire et, en
particulier, dans les terminaux à conteneurs.
Investir dans ces structures, c’est d’abord garantir à leurs clients chargeurs une
meilleure prestation globale de transport. Les armateurs s’assurent une gestion plus efficace
du passage portuaire, un gain de temps et partant, une fidélisation des chargeurs de plus en
9 Dossier de presse, Plan de relance des ports, 8 avril 2008, publié par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire 10 Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Compagnies : intégrer ou non le terminal portuaire », p.2 11 Journal Le Marin, hors série novembre 2002, « Jean-François Mahé de la CMA-CGM : « Nous avons tout intérêt à influer sur la manutention » », Pierre Graves, p.9 12 Accord du 21 août 2008, Communiqué de Presse de la CMA CGM « CMA CGM investit dans le port de Tanjin », 21 août 2008
8
plus exigeants. Investir dans les terminaux, c’est aussi marquer un site portuaire de sa
présence et s’assurer une indépendance vis-à-vis des grands groupes de manutention qui
investissement massivement dans ces zones stratégiques. A l’heure où les prestations
maritimes des transporteurs se valent, la maîtrise du maillon portuaire peut clairement faire la
différence et constitue une marge potentielle de bénéfices. Les armateurs qui s’assurent de la
productivité de la chaine portuaire, viabilise et stabilise par la même, leurs investissements
nautiques.
Ce phénomène d’intégration portuaire répond d’avantage à une logique maritime qu’à
une volonté de diversification de leurs activités, le secteur étant déjà fortement structuré par
les grands groupes de manutention.
Pour disposer de terminaux dédiés, les grands armements constituent des filiales avec
les grands manutentionnaires ou développent des contrats d’exclusivité1314. Certains
armements pourront aussi s’appuyer sur des filiales de leur groupe comme c’est le cas d’APM
Terminal, filiale de AP Möller auquel appartient Maersk Line.
Reste que les terminaux dédiés, bien qu’étant en augmentation, ne sont réalisables que
par les grands armateurs, car la chose est coûteuse. Ainsi, les partenariats sont fréquents15.
Dans certains pays comme la France, les acteurs locaux auront leur « mot à dire » dans la
constitution des exploitations de terminaux dédiés16.
C’est ainsi qu’une tendance à la privatisation s’accentue vivement.
Cet aperçu de l’environnement économique de l’activité d’exploitant de terminaux à
conteneurs portuaires, démontre bien l’enjeu que constitue le maillon terrestre pour les acteurs
du transport maritime en termes de développement et de productivité de la chaîne de transport
mais aussi plus largement pour les ports et leurs Etats.
Comment la législation envisage-t-elle cette activité ?
Nous le verrons, l’activité de terminaux à conteneurs portuaires reste encore largement
tributaire des législations nationales. Ainsi, nous nous attacherons principalement à l’étude de
la législation française.
13 Cornier J-C « Présence accrue des armateurs dans la manutention », Journal Le Marin, hors série, novembre 2002, p. 6 et 7 14 On citera en exemple le cas de Maersk-Sealand qui dispose de ses terminaux à Algesiras et à Tanjung Pelapas 15 Par exemple, APM Terminal et l’opérateur de manutention Terminaux de Normandie (TN) du groupe Perrigault ont signé avec Maersk une convention pour la création, la gestion et l’exploitation du deuxième terminal à conteneurs (Terminal de la Porte Océane) de Port 2000 16 Ainsi, CMA-CGM a signé une convention avec un opérateur local la Générale de Manutention Portuaire pour exploiter le terminal de France à Port 2000 dédié à la CMA CGM
9
Notre mémoire s’attachera à envisager deux aspects juridiques de l’activité.
Sera d’abord abordée la problématique du terminal à conteneurs dans son contexte
portuaire. Dès lors qu’une activité s’implante en zone portuaire, un certain nombre de
contraintes seront à observer, et en particulier, les règles domaniales, les règles de
concurrence, de sécurité et de sûreté (Titre 1). Quelle sécurité juridique et quelle liberté,
l’opérateur de terminal à conteneurs peut-il escompter en s’implantant dans un port français ?
Si l’exploitation d’un terminal à conteneurs crée en premier lieu des relations de nature
publique entre l’exploitant et le gestionnaire de l’autorité portuaire, le propre même du
terminal est de créer des relations commerciales entre l’exploitant et ses clients. C’est sous cet
angle ci que le terminal sera ensuite envisagé (Titre 2). Dans le cadre de ses relations
contractuelles avec ses clients, l’exploitant s’engage à réaliser un certains nombres de
prestations. Si des dommages sont causés à la marchandise alors qu’il en avait la garde, la
question du régime de responsabilité qui lui sera applicable se pose.
La réponse à ces questions nous permettra d’apprécier l’opportunité de ces règles au
regard du contexte actuel d’économie de marché et de voir en quoi elles sont adaptées ou non
aux logiques du commerce international, de la conteneurisation et de la libéralisation des
échanges. Il est clair aujourd’hui que le terminal doit être envisagé comme un maillon intégré
de la chaîne de transport et qu’il devra s’adapter aux logiques du transport mondialisé. Il ne
doit plus caractériser un lieu de rupture dans la chaîne de transport.
Nous le verrons, cette activité souffre d’un grand nombre d’incertitudes, tant en ce qui
concerne ses modes d’exploitation qu’en ce qui concerne son régime de responsabilité.
10
Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs
portuaire
« L’exploitation d’un terminal portuaire constitue un labyrinthe juridique dans lequel on y
entre avec prudence, muni du « fil d’Ariane » tiré de la robe de Thémis 17»
La pratique maritime exige aujourd’hui des ports qu’ils soient munis d’installations
spécifiques, d’un outillage et d’un personnel adapté pour recevoir et traiter les marchandises
qui leurs arrivent quotidiennement.
La conteneurisation quant à elle, exige que les ports recevant des conteneurs disposent
au moins de terre-pleins aux abords des quais, sur lesquels pourront être entreposés les
conteneurs, avant qu’ils ne soient chargés à bord du navire ou après qu’ils aient été déchargés.
Les ports de plus grande envergure possèdent des terminaux portuaires. Ils nécessitent
des installations techniques à la fois pour la manutention et pour la prise en charge de
conteneurs avec, en fonction de la nature des marchandises transportées, des installations
électriques auxquelles les conteneurs frigorifiques pourront être branchés.
En France, l’aménagement et l’extension des infrastructures portuaires se trouvent
cependant limités par des contraintes domaniales et un nombre restreint de modes
d’exploitation auxquels les opérateurs pourront recourir (Chapitre 1). Le manque de souplesse
de ces règles aura pour conséquence directe le ralentissement de la croissance du trafic
conteneurisé en France. Une réforme apparaît donc nécessaire.Si l’opérateur de terminal
manque de sécurité dans sa relation avec l’autorité portuaire, le droit de la concurrence, les
législations en matière de sécurité et de sûreté rendent l’exploitation des terminaux plus sûre
(Chapitre 2).
17 Rézenthel R. « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème siècle, Mélanges offerts à P. Bonnasies, éd. Moreux 2001, p. 291
11
Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles
de la domanialité portuaire
Si l’on peut affirmer que l’exploitation d’un terminal est une activité de type
industrielle et commerciale, son implantation en zone portuaire, la contraint à composer avec
les règles de la domanialité publiques qui s’attachent à protéger l’intégrité du domaine public
(Section 1). En France, la législation permet aux opérateurs de conclure avec l’autorité
portuaire un certain nombre de conventions, qui demeurent, somme toute, encore assez mal
adaptées eu égard à l’obligation de service public qui est souvent corrélative (Section 2).
Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte
portuaire
Il convient en premier lieu d’envisager les notions de « terminal » et d’ « opérateur de
terminal » (I) qui, à l’instar de la notion de « port », sont des concepts imprécis de notre droit
positif et pour lequel une unité de conception fait clairement défaut. Autre incertitude, celle de
la consistance de la domanialité publique dans la réalité portuaire d’aujourd’hui (II).
I. Le terminal à conteneurs et l’opérateur en charge de son exploitation
Notions pourtant omniprésentes dans le jargon maritime, le « terminal » (A) et
l’ « opérateur de terminal » (B), restent des réalités difficiles à définir juridiquement. Ce
manque de précisions est un obstacle évident à l’établissement d’un régime juridique clair
d’exploitation de terminal portuaire.
12
A. Définition du terminal
1. L’absence d’unité de conception de la notion
La notion de « terminal », bien que traditionnellement invoquée en droit maritime et
droit portuaire, souffre d’une relative imprécision en droit positif. En effet, elle ne bénéficie
pas d’une définition légale générique. Ni les conventions internationales, ni le droit
communautaire, ni le droit national, ne s’entendent sur la signification et les limites de ce
concept18.
Ce terme générique, importé des Etats-Unis, est né de la pratique. Il est avant tout le
fruit de la logistique et de l’économie portuaire. S’il ne fait l’objet d’aucune définition
précise, ce terme usuel du vocabulaire propre au monde des transports, est partie intégrante du
paysage portuaire, et des chaînes de transport et de logistique19.
Au détour des textes et des décisions judiciaires, se dessinent des définitions mais qui
ne sont, malheureusement, qu’éparses et relatives.
2. Des références textuelles éparses
L’article R 115-7-III du Code des ports maritimes, évoquant la convention
d’exploitation de terminal, définit le terminal comme « (…) comprenant les terre-pleins, les
outillages et les aménagements nécessaires aux opérations de débarquement,
d'embarquement, de manutention et de stockage liées aux navires ». On retrouve dans cette
analyse pragmatique du terminal, les éléments constitutifs essentiels de son exploitation.
Quand il est envisagé sous un angle structurel, l’absence d’unité de la notion est
particulièrement évidente. Si le terminal est considéré comme une installation extérieure aux
ports20, ou encore comme un équipement distinct des équipements portuaires 21par certains
18 Pour une étude complète de la définition de « terminal », voir la thèse de Laurent Fedi « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », thèse de droit maritime, Faculté de droit Université Paul Cézanne, chap. I, p. 30 à 37 ; L. Fedi « La notion de « terminal » : entre incertitudes de jure et certitudes de facto », DMF n°692, mai 2008, p. 455 19 Journal Le Marin du vendredi 16 mars 2007, « Dossier Logistique », p.17, 18 et 19 20 Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures (publiée par le décret n°75-553 du 26 juin 19751 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716) 21 Accord multilatéral relatif à l’Annexe V des règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures des navires telles que modifiée par le protocole de 1978, signé le 17 février 1978 publié par le décret n°89-115 du 21 février 1989
13
textes internationaux, il est pourtant implicitement reconnu élément d’un port par la
Commission des Communautés dans une décision en date du 9 juin 1989 22ainsi que par
plusieurs arrêts23 de la Cour de Justice des communautés qui visent le « terminal portuaire ».
Parfois, le terminal est simplement décrit d’un point de vue fonctionnel. Ainsi, la
Convention de Genève du 25 juin 197924, dans une approche soucieuse de la sécurité des
hommes et des biens, l’envisage comme un aménagement où s’effectue la manutention des
marchandises dans le respect des prescriptions réglementaires. Le Parlement européen a
également pu caractériser le terminal de « station de déchargement 25».
Aucune des définitions ne pourra prétendre avoir valeur universelle ; chacune d’elles
ne vaut que pour l’application du texte qu’elles édictent. Dans cette logique, chaque
réglementation adopte une définition en fonction du type de trafic concerné.
Ainsi, la Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971, portant création d’un fonds
international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures, vise
sous le terme « installation terminale », « tout emplacement de stockage d’hydrocarbures en
vrac permettant la réception d’hydrocarbures transportés par voie d’eau, y compris toute
installation située au large et reliée à cet emplacement »26.
Certains textes communautaires adoptent aussi cette même approche. La Directive
communautaire sur l’établissement des exigences et des procédures harmonisées pour le
chargement et déchargement des vraquiers qualifie de « terminal », « toute installation fixe,
flottante ou mobile équipée et utilisée pour le chargement et déchargement de cargaisons
sèches, en vrac dans les vraquiers » 27.
22 Décision de la Commission des Communautés européennes n°89/408/CEE du 9 juin 1989 relative à la procédure d’application de l’article 85 du Traité CEE - J.O.C.E. n° L 190 du 5 juillet 1989 p.22 23 CJCE 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl – affaire n° C-343/95 – Rec. p. I-1580 ; CJCE 12 février 1998 – Silvano Raso e.a. – affaire n° C-163/96 – Rec. p. I-570 24 Art 31-1 de la Convention de Genève du 25 juin 1979 qui concerne la sécurité et l’hygiène du travail dans les manutentions portuaires (publiée par le décret n°86-1274 du 10 décembre 1986 – J.O. du 3 juillet 1975 p.6716) 25 Résolution du Parlement européen du 21 avril 1993 sur les industries maritimes – J.O.C.E. n° C 150 du 31 mai 1993 p. 76 26 Convention de Bruxelles du 18 décembre 1971 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures publiée par le décret n°96-774 du 30 août 1996 – J.O. du 7 septembre 1996 p. 13307 27 Directive 2001/96/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 décembre 2001, établissant des exigences et des procédures harmonisées pour le chargement et le déchargement sûr des vraquiers
14
Le Livre vert de la Commission européenne relatif aux ports et aux infrastructures
maritimes fait de même et traite des terminaux comme des postes de manutention
spécialisés28.
Pour aller au-delà de ces controverses sur la notion de terminal, il parait judicieux de
se reporter à la définition établie par la doctrine qui se veut unificatrice. Le terminal y est
envisagé comme « un espace portuaire aménagé, (…) mais également un concept technique
désignant un ensemble d’ouvrages (quais, terre-pleins, silos, hangars…) et d’outillages
(portiques, grues, passerelles de manutention horizontale…) dans un périmètre portuaire
déterminé et affecté au transit de trafics spécialisés »29.
Cette approche a le mérite de présenter le terminal comme étant affecté spécialement à
un trafic spécifique, comme ayant un opérateur exclusif et comme ayant pour fonctions
essentielles, le transit, la manutention et le stockage.
Le terminal trouve ici sa place au sein des concepts du droit maritime. Il recouvre des
réalités différentes, lui permettant de la sorte de s’adapter aux logiques logistiques et
économiques. Le législateur a bien compris les enjeux qui se profilent derrière ce terme qu’il
ne vaut mieux ne pas figer dans le marbre.
Si la définition du terminal n’est pas aisée trouver, il en est de même pour celle de
l’ « opérateur de terminal ».
B. Compréhension de la notion d’ « opérateur de terminal»
1. Une notion incertaine
Il n’existe pas, présentement, de statut d’opérateur de terminal à conteneurs portuaire.
Terminologie née de l’avènement des terminaux, l’ « opérateur de terminal » correspond
d’avantage à une fonction plutôt qu’à une profession clairement établie et réglementée.
La notion s’appliquera aux organismes portuaires, parfois privés, souvent encore
publics, tenus de prendre en charge la marchandise avant ou après le transport maritime. 28 Livre vert, du 10 décembre 1997, relatif aux ports et aux infrastructures maritimes [COM (97) 678 final - Non publié au Journal officiel] 29 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème siècle, Mélanges offerts à P.Bonassiès, éd. Moreux 2001, p. 291
15
Si son intervention a lieu à l’issue du transport maritime, l’opérateur de terminal est
celui qui reçoit d’un entrepreneur de manutention, agissant pour le compte du transporteur
maritime, un ou plusieurs conteneurs, en vue de leur livraison ultérieure au destinataire ou à
son représentant.
Si son intervention a lieu avant le transport maritime, l’opérateur de terminal reçoit du
chargeur ou de son représentant, un ou plusieurs conteneurs en vue de leur livraison ultérieure
à une entreprise de manutention agissant pour le compte du transporteur maritime qui l’a
choisi.
Le seul texte faisant référence à la notion d’ « exploitant de terminal » est la
Convention de Vienne du 19 avril 1991, dont l’objet est précisément de déterminer le régime
de responsabilité à appliquer aux exploitants de terminaux de transport30. Elle le définit dans
son article 1er a) comme « toute personne qui, dans l’exercice de sa profession, prend en
garde des marchandises faisant l’objet d’un transport international en vue d’exécuter ou de
faire exécuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans
une zone placée sous son contrôle ou sur laquelle elle a un droit d’accès ou d’utilisation.
Toutefois, cette personne n’est pas considérée comme un exploitant dès lors qu’elle est un
transporteur en vertu des règles juridiques applicables au transporteur ».
Cette définition, si elle reste à ce jour dénuée de toute application - le texte n’étant à ce
jour pas encore entré en vigueur - a le mérite d’opter pour une approche claire et globale de
l’opérateur de terminal, qui rompt avec une approche « compartimentée » des différents
auxiliaires de transport en fonction des prestations fournies par eux31. On note ici l’exclusion
formelle de la définition du transporteur, donc a priori, même les consignataires sont
concernés par cette législation.
2. La compréhension de la notion dans le système français de la manutention
Le droit français ne connait pas le terme d’ « opérateur de terminal » mais uniquement
le terme d’ « entreprise de manutention », qui est amené à réaliser les mêmes prestations que
celles réalisées par l’opérateur de terminal. 30 Convention des Nations Unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international du 19 avril 1991, non entrée en vigueur à ce jour. 31 Martin Ndendé, « Regards sur une Convention internationale méconnue – la Convention de Vienne du 17 avril 1991 sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport », Revue de droit des transports n°4, Mai 2007, Etude 6
16
L’entreprise de manutention est définit comme « l'entreprise (…) qui effectue un
certain nombre d'opérations matérielles de manipulation des marchandises, et son rôle
consiste principalement à effectuer les opérations de chargement et de déchargement,
d'arrimage et de mise à quai ou en entrepôt »32.
D’une nécessité impérieuse, elle intervient en phase de transit, à chaque rupture de charge,
quand il faut décharger puis recharger. Sa position stratégique dans les ports ainsi que la
difficulté et complexité des opérations qu’elle réalise font la particularité de la manutention
maritime.
Les activités et le régime juridique des entreprises de manutention sont réglementés
par la loi de 1966 33relative aux contrats d’affrètement et de transport maritimes.
Traditionnellement, on distingue deux types de manutentionnaires dans les ports
français. Dans les ports de la façade Nord-Manche-Atlantique, les « stevedores » assurent le
chargement et le déchargement des navires. Dans les ports de la façade Méditerranée, ce sont
les acconiers qui assurent ces phases de chargement et déchargement, ainsi que la garde des
marchandises à quai avant le chargement et après le déchargement. Dans la plupart des cas, ils
agissent pour le compte du transporteur maritime.
Comment l’opérateur de terminal intègre-t-il cette logique ?
La notion d’ « entreprise de manutention » a le mérite d’une grande souplesse. Elle
s’appliquera quelque soit la qualification professionnelle de l’entreprise, dès lors que cette
entreprise effectue les opérations de chargement, déchargement et de garde à quai de la
marchandise prévues aux articles 50 et 51 de la loi française de 1966.
Cette précision a été apportée par le législateur français, dans la loi du 3 janvier 1969, tant
pour le consignataire du navire (art 13), que pour le consignataire de la cargaison (art 15).
« Le régime de la manutention pourrait s’appliquer à toute autre entreprise, par exemple à un
transitaire »34.
La loi du 18 juin 1966 distingue les opérations réalisées à titre principal des opérations
dites accessoires, uniquement réalisées par les acconiers.
32Lamy Transport Tome 2, Commission de transport, Mer, fer, air, Commerce extérieur, Editions Lamy, 2008, n° 972 33 Loi N° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises de manutention », articles 50 et suivants et Décret N° 66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, Titre IV « Entreprises de manutention », articles 80 et suivants 34 Bonassies Pierre et Scapel Christian, Traité de droit maritime, édition L.G.D.J 2006, p. 440, n° 679
17
L’entreprise de manutention réalise à titre principal « toutes les opérations qui
réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises, y compris les opérations de
mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite
nécessaire »35. Si elle se limite à ces opérations, elle interviendra comme « stevedore ».
Les opérations accessoires que pourra en outre réaliser l’entreprise de manutention36,
consistent d’une part, en la reconnaissance des marchandises et d’autre part, en leur garde sur
des emplacements à quai appropriés37. Dans ce cas, l’entreprise de manutention intervient en
qualité d’ « acconier ».
L’avènement des terminaux et la naissance du terme d’opérateur de terminal, perturbe
le schéma classique de la manutention portuaire française. La distinction entre « stevedores »
et acconiers tend à s’estomper et les aspects logistiques et économiques prennent le devant. La
flexibilité du terme d’« entreprise de manutention », bien qu’imparfaitement adapté, permet
néanmoins aux opérateurs de terminaux de bénéficier d’une certaine existence légale.
Les difficultés de définitions et de concepts ne s’arrêtent pas là, puisque le terminal se
trouve lui-même englobé dans une autre entité mal définie et au régime peu clair, le « port ».
II. Le port et le régime de domanialité portuaire
Lieu d’interface entre les modes de transport maritime et terrestre et lieu de
massification des trafics, le port est au premier plan concerné par les enjeux que représentent
les infrastructures portuaires, notamment les terminaux, en termes de développement, de
complémentarité des modes de transports et de contribution aux objectifs de croissance. Il
reste une réalité complexe, juridiquement mal délimitée(A).
Réel enjeu économique de la croissance contemporaine, l’occupation du domaine
portuaire par les industries créatrices de richesse demeure soumise au régime bien particulier
et relativement « archaïque » de la domanialité publique, en décalage apparent avec le
développement économique des ports et la libéralisation du commerce38 (B).
35 Article 50, Loi n° 66-420, 18 juin 1966 36 Article 51, loi n° 66-420 18 juin 1966 37 Art. 80, décret 31 déc. 1966 38 Intervention du Professeur C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, Colloque de droit comparé, « L’implantation des entreprises privées sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999, p. 682
18
A. La complexité de la réalité portuaire
Le monde portuaire est un monde complexe qui mêle public et privé, rendant ainsi
difficile sa pleine insertion dans un contexte pleinement concurrentiel.
Si le régime de la domanialité publique s’applique « logiquement », il doit trouver à
concilier la logique de marché et la gestion et l’exploitation des installations portuaires. Les
ports maritimes ne doivent plus être considérés uniquement comme un lieu d’exercice d’un
service public portuaire mais plutôt comme un pôle de développement économique.
Etablissements publics de l’Etat, les ports assurent, concurremment, une mission de
service public à caractère administratif, avec notamment l’aménagement, l’entretien, la police
des aménagements et l’accès au port, et également une activité de nature industrielle et
commerciale, avec en particulier l’exploitation des outillages portuaires39. D’où la référence
qui a été faite au « double visage »40 du domaine public portuaire.
Historiquement, l’intervention de l’Etat dans le domaine portuaire a toujours été
importante en France. Nombre de ports sont nés de l’initiative de la puissance publique.
Le rôle de l’Etat demeure aujourd’hui encore prépondérant. Les politiques portuaires décident
des investissements à faire et des réformes à adopter. L’Etat exerce également la tutelle des
ports autonomes maritimes et gère les ports d’intérêt national. Il y consacre chaque année
entre 100 et 150 M€ de crédits budgétaires depuis 199941.
Aujourd’hui, l’Etat n’est plus le seul acteur de ce secteur qui est désormais ouvert à la
concurrence. Depuis les lois de décentralisation, les collectivités territoriales contribuent aussi
de plus en plus au financement des investissements des ports et de leurs dessertes. Depuis
plusieurs années, les grands armements et les opérateurs de la manutention s’engagent
également dans les stratégies de développement des ports maritimes. Ils ont investi, depuis
1980, plus de 4 Md€ dans des opérations de modernisation et de développement financées à
hauteur des deux tiers par des fonds publics.
39 L’article L111-2 du Code des ports maritimes définit les missions des ports autonomes en ces termes : « Le port autonome est chargé, à l'intérieur des limites de sa circonscription, et dans les conditions définies ci-après, des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de reconstruction, ainsi que de l'exploitation, de l'entretien et de la police, au sens des dispositions du livre III du présent code, du port et de ses dépendances et de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté. ». 40 J. Rosgovas, « L’utilisation du domaine public portuaire », mémoire sous la direction de Me C. Scapel, Aix Marseille III, 2005, p. 4 à 9, « Le double visage du domaine public portuaire » 41 Chiffre donné par la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur « Les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p.1
19
A la complexité née de l’intervention d’acteurs multiples, s’ajoute la complexité née
de l’absence de définition claire des notions clés de « port », de « domanialité publique
portuaire ».
A l’instar de la notion de « terminal », la notion de « port » est absente de la loi
française42, exception faite des délimitations administratives de la zone portuaire mentionnées
à l’article R 151-1 du Code des ports maritimes43. La référence n’est malheureusement pas
d’une grande aide et se révèle n’être qu’une « présomption simple »44. En effet, la
jurisprudence ajoute aux hésitations en adoptant une position fluctuante dans la définition du
« port » dont les critères ne sont pas clairement fiables.
Par exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que l’aménagement de quais de
déchargement sur l’une des berges d’un canal existant pouvant recevoir jusqu’à cinq péniches
constitue un port45, alors que dans une autre affaire, il a qualifié un ouvrage ne pouvant
recevoir que quelques embarcations de plaisance, de « petite installation portuaire »46.
La Haute Assemblée a également pu qualifier d’équipement portuaire des installations
établies dans le cadre d’une concession de plage artificielle et destinées à être utilisées par des
moyens nautiques légers à voile47.
On notera que la Convention de Genève des Nations Unies du 9 décembre 1923
portant statut international des ports maritimes les définit comme des zones d’accueil des
navires affectées à titre principal au trafic maritime.
La Commission européenne, par l’intermédiaire de son groupe de travail portuaire, a
défini le port comme « une superficie de terrain et d’eau comprenant des aménagements et
des installations permettant principalement la réception des navires de mer, leur chargement
et leur déchargement, le stockage des marchandises par des moyens de transport terrestre et
42 R. Rézenthel « Le port maritime à la recherche d’une identité », Revue Espaces et ressources maritimes 1998, n°12, p. 167 (éd. Pédone) 43 Article R 151-1 du Code des ports maritimes, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 1 JORF 3 janvier 1984, modifié par Décret n°83-1244 du 30 décembre 1983 - art. 9 JORF 3 janvier 1984 : « Il est procédé à la délimitation des ports maritimes relevant de la compétence de l'Etat, du côté de la mer ou du côté des terres, par le préfet sous réserve des droits des tiers. » 44 R. Rézenthel, « La gestion privatisée des terminaux dans les ports maritimes », JMM, 3 décembre 1993, n° 3859, p. 2969 45 CE, 13 juillet 1965, Min. int. et préfet Meurthe-et-Moselle, et Synd. de défense des copropriétaires exploitants et non-exploitants, fermiers, horticulteurs de Fleuville-devant-Nancy, Ludres, Houdemont, Laneuville et Richardmesnil et a. : Rec. CE 1965, p.438 46 CE, 14 mars 1986, n°40105, Sté du « domaine des Barbaresques » c/ Ferrari 47 CE, 4 novembre 1987, secr. D’Etat Mer c/ Paz : Rec. CE 1987, p. 345
20
pouvant comporter également des activités d’entreprises liées aux transports maritimes »48.
Ce texte a une approche plus pragmatique et fonctionnelle qu’organique. Tout comme la
jurisprudence française, il ne retient pas le critère administratif.
Comment donc ne pas appréhender cette notion sans une certaine circonspection. Seul
trait commun à l’ensemble de ces approches, le port est considéré comme un espace plutôt
que comme une institution.
En droit français, l’exploitation de terminal, comme celle des autres activités
portuaires, est largement dépendante des régimes juridiques de la domanialité publique et du
service public, ce qui n’est pas pour encourager la venue de capitaux privés.
B. La domanialité publique
Le domaine portuaire s’est jusqu’à récemment caractérisé par l’appartenance
majoritaire de ses terrains portuaires au domaine public et par une conception extensive du
service public virtuel. Les terrains privés sur lesquels on peut de rencontrer des terminaux
purement privés restent peu nombreux.
Dans la tradition française, les terminaux portuaires relevaient logiquement du droit
public, le port appartenant par définition, au domaine public et était spécialement aménagé
pour satisfaire l’intérêt commun.
L’ancien article 538 du Code civil, abrogé par l’Ordonnance du 21 avril 2006
instituant le Code général de la propriété des personnes publiques, incorporait les ports dans le
domaine public49. L’ensemble des ouvrages portuaires était considéré comme étant soumis au
régime de la domanialité publique.
Les règles de la domanialité publique ont longtemps constitué un réel obstacle pour les
opérateurs portuaires. Très contraignantes, elles engendrent une grande précarité pour
l’occupant du domaine. Parmi ces règles, on trouve le principe d’inaliénabilité,
d’imprescriptibilité et de précarité.
48 Commission européenne – ESPO, Report of an enquiry into the current situation in the major community sea-ports, Rapport, publication ESPO, Bruxelles, 1996, p. 7 49 Art. 538 du Code civil abrogé : « Les chemins, routes et rues à la charge de l’Etat, les fleuves, rivières navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades, et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine public »
21
L’autorisation d’occupation du domaine public est précaire en ce qu’elle est toujours
révocable par l’autorité portuaire et non créatrice de droits au profit de son bénéficiaire50, qui
ne peut revendiquer un droit au renouvellement de son autorisation d’exploitation51.
L’occupant doit également supporter les frais de modification ou de déplacement de ses
installations et doit fondamentalement respecter la destination52 et la spécialité53 du domaine
public qu’il occupe. Ces restrictions à l’usage constituent des restrictions à l’exercice des
activités des occupants du domaine public.
Cette grande précarité est accrue par une définition incertaine de la notion de
« domanialité publique » qui reste largement tributaire de la jurisprudence. La jurisprudence
en matière portuaire a largement contribué à la compréhension de la notion de « domaine
public »54, comme elle a d’ailleurs consacré celle de « domanialité publique portuaire »55. Si
ce dernier terme marque la spécificité du contexte portuaire, il n‘en demeure pas moins en
principe entièrement soumis au régime classique de la domanialité publique.
La jurisprudence retient traditionnellement trois critères pour définir le régime
domanial de l’espace portuaire : l’appropriation par une personne publique, l’aménagement
spécial et l’affectation au service public ou à l’usage du public.
Le concept de domanialité publique a connu une très forte extension au gré des
jurisprudences jusqu’à la consécration d’une « domanialité publique globale » dont l’arrêt
« Société Le Béton » est fondateur56. La jurisprudence a appliqué généreusement, pendant
plusieurs années, la théorie du « service public virtuel »57, appliquant le régime de la
domanialité publique à un aménagement futur, ou encore qualifiant la manutention portuaire
d’élément du service public58.
50 CE 24 novembre 1993 – société anonyme Atlantique bâtiments, construction – req. n°124933 51 CE 22 octobre 1971 – société des ateliers et chantiers de Bordeaux – req. n° 77608, 77611 et 77613 ; CE 23 avril 2001 – syndicat intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre – req. n° 187007 52 CE 3 juin 1988 – EDF GDF – req. n° 41918 ; Cons. Const. Décis. n° 94-346 DC du 21 juillet 1994 – JO 23 juillet 1994 p. 10635, RFDA 1994 p. 1119 53 CE 9 juin 1972 – Ministre du développement industriel et scientifique c/ port autonome du Havre – req. n° 82828 54 CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 55 CE 22 juin 1984, secrétaire d’Etat auprès du ministre des transports, chargé de la mer, Req. n°53630 ; CE 15 juin 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux, Req. n° 39250,39291 et 39308. 56 CE 19 octobre 1956, Société Le Béton, Rec. p. 375, D. 1956, J, p. 681 : Dans cette espèce, l’aménagement spécial résultait de la situation géographique de la parcelle, tandis que l’affectation au service public portuaire découlait naturellement de l’ensemble formé par le port 57 CE 23 juin 1939, Ch. Synd. des entrepreneurs arrimeurs de chargements et déchargements des navires, Rec. CE 1939, p. 429 58 CE Sect, 5 mai 1944, Cie maritime de l’Afrique Orientale, Rec. CE 1944, p. 129
22
Cette extension souvent injustifiée, en particulier lorsqu’elle s’applique aux parcelles
portuaires accueillant des entreprises privées, a eu pour conséquence pratique d’aggraver les
sujétions à l’égard des opérateurs économiques et des gestionnaires de terminaux.
La jurisprudence a alors entrepris de restreindre la consistance du domaine public.
Il a été jugé par le Conseil d’Etat des terrains qui appartiennent à un port maritime
autonome mais qui ne sont pas aménagés en vue de l’affectation au service public ne relèvent
pas du domaine public59.
Le droit de déclassement du domaine public a ensuite été reconnu par le Conseil réuni
en Assemblée60. L’aménagement ultérieur qui ne serait pas directement lié au fonctionnement
du service public ne peut entraîner de réintégration dans le domaine public. Il semble bien que
la Haute Assemblée écarte l’application de la théorie du domaine public virtuel pour les ports
maritimes et limite ainsi la portée de la jurisprudence « Société Le Béton »61.
Envisageant le déclassement du domaine public aéroportuaire, le Conseil
Constitutionnel a précisé que le déclassement d’un bien ne saurait avoir pour effet de priver
de garanties légales les exigences résultant de l’existence et de la continuité de services
publics auxquels il est affecté62. Désormais, le service public peut, dans certains cas
particuliers, être exercé sur des biens ne faisant pas partie du domaine public.
Les notions de domaine public et de service public se trouvent donc « déconnectées »
l’une de l’autre et bénéficient de régimes autonomes. La Cour de Justice des communautés a
considéré que le critère de la domanialité publique est insuffisant à déterminer le régime
juridique de l’activité qui y est exercé63. Abondant dans le même sens, le Conseil d’Etat a
reconnu à l’occupant du domaine public propriétaire des ouvrages qu’il exploite pendant le
temps de l’occupation, sauf à servir directement le service public64.
Les exigences légales d’existence et de continuité de service public pourront être
assurées par la participation majoritaire de l’Etat dans la société65, ou encore par l’insertion
d’obligations de service public à un cahier des charges.
59 CE 30 mai 1951, Sieur Sempé, Rec. p. 297 ; CE 11 avril 1986, ministre des transports c. Daney, Mme Giret, syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebou, Rec. p. 88, RFDA, 1987, p. 44, note Ph. Terneyre 60 Avis CE Ass. 16 octobre 1980, Revue de droit immobilier 1981 p. 309 61 R. Rezenthel, « La liberté de gestion du domaine des ports autonomes », DMF, juin 2000, n°605, p. 588 62 Cons. Const. Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005 – JO 21 avril 2005 p. 6974 63 CJCE 14 décembre 2000, Fazanda publica, aff. n° C-466/98 64 CE 23 juin 1993, Sté industrielle de construction et réparations, req. n° 111.569 65 Conformément au neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946
23
Le Professeur C. Lavialle appelle même de ses vœux que les espaces affectés aux
services publics à caractère industriel et commercial soient placés sous le régime de la
domanialité privée. Citant l’exemple du port autonome de Strasbourg, il démontre que le
recours à la domanialité publique n’est pas nécessaire à une bonne gestion de l’espace
portuaire66.
Mesurant les répercutions que la domanialité publique a nécessairement sur le mode
de gestion des terminaux et partant sur la compétitivité des ports, le législateur a engagé une
réflexion sur la domanialité publique qui aboutit à l’émergence du Code général de la
propriété des personnes publiques67 en 2006. La volonté de repenser et de réduire la
consistance du domaine public, pour se soucier d’avantage des intérêts des opérateurs
portuaires, a clairement été affichée dès l’exposé des motifs de l’Ordonnance du 21 avril
200668. Le domaine public portuaire possède désormais la terminologie nouvelle
de « domaine public maritime artificiel », ainsi qu’une définition nouvelle donnée à l’article L
2111-1 de ce code69. La domanialité publique s’appuie toujours sur le service public, mais le
« aménagement indispensable » est désormais requis.
Un mouvement de fond semble bien s’être engagé en faveur d’une conception
renouvelée de la domanialité publique et du service public.
Cependant, et contre toute attente, le Tribunal de Marseille a rendu, le 11 juin 200870,
une ordonnance qui s’inscrit clairement à contre courant de cette tendance. Les juges y
adoptent une conception extensive de la notion d’outillage public à l’occasion d’un référé pré-
contractuel portant sur la mise à disposition d’une forme radoub et de terre-pleins adjacents.
Alors que cette activité ne saurait être considérée en tant que telle comme activité de service
public, la juridiction administrative a retenu qu’il s’agissait ici d’une concession d’outillage
66 Intervention de C. Lavialle, cité par R. Rézenthel, « Colloque de droit comparé, « L’implantation des entreprises privés sur le domaine public affecté aux transports », DMF n° 595, juillet-août 1999 67 Code général de la propriété des personnes publiques institué par l’Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 68 Rapport au Président de la République relatif à l’Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relatif à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques, J.O. du 22 avril 2006, p. 6016 : « Il s’agit de proposer une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique. C’est désormais la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service public, qui déterminera de façon objective l’application à ce bien de la domanialité publique. De la sorte, cette définition prive d’effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ». 69 L’article dispose : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service ». 70 Ordonnance du Tribunal Administratif de Marseille du 11 juin 2008, Observations Claire Merlin-Merrien et Robert Rézenthel, DMF 694, juillet-août 2008, p. 674 à 683
24
public, en raison des équipements et outillages publics qui avaient été mis à sa disposition.
L’affaire fait l’objet d’un pourvoi en Cassation.
Quels sont à présent les principaux types de contrats d’occupation du domaine public
que l’opérateur de terminal peut conclure avec l’autorité portuaire ?
Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire
Maillon essentiel du paysage portuaire, le terminal est également un maillon essentiel
de la chaîne de transport et du « business plan » des grands groupes de manutentionnaires. A
partir de cette réalité, l’enjeu majeur qui se pose aux opérateurs de terminaux et aux autorités
portuaires est celui de trouver l’instrument juridique qui répondra le mieux à leurs attentes
respectives. Il devra à la fois concourir au développement du port et être compatible avec les
mécanismes d’une gestion commerciale.
La difficulté de mettre en place l’instrument juridique idéal résulte de l’antagonisme
premier qui existe entre l’exploitation de terminal, envisagée comme prérogative de puissance
publique et l’exploitation de terminal, envisagée comme une activité lucrative. La viabilité
d’un contrat et partant celle de l’infrastructure elle-même, dépendra de sa capacité à concilier
logique de service public et logique économique.
Initialement, on avait recours aux conventions traditionnelles d’occupation domaniale
(I). Si leur application perdure, elle se révèle plutôt inadaptée. A alors émergé une nouvelle
convention mieux adaptée aux réalités de l’activité, la « convention d’exploitation de terminal
portuaire » (II). Consacrée par les textes, elle se trouve aujourd’hui au centre de la réforme
portuaire à venir.
I. Dès régimes classiques d’occupation domaniale inadaptés à la création d’un régime
d’occupation propre à l’exploitation des terminaux
Les régimes des « concessions d’outillage public » et des « autorisations d’outillage
privée avec obligation de service public » ont largement été utilisés (A), avant d’être écartés
par les praticiens au profit de la « convention d’exploitation de terminal portuaire » (B).
25
L’article R 115-7 du Code des ports maritimes consacrent ces trois modes d’exploitation.
A. La concession d’outillage public et l’autorisation d’outillage privé avec obligation
de service public
1. Le régime de la concession d’outillage public
La jurisprudence a reconnu l’application de ce régime à un ensemble d’exploitations
d’outillages divers, sans égard à l’importance de l’occupation domaniale. La notion
d’ « outillage public » ne possède pas de définition légale. Le Code des ports maritimes n’en
définit que sa procédure d’instruction préalable et ses conditions d’usage.
En pratique, seront notamment considérés comme des outillages publics, les grues,
portiques, hangars, silos et chemins de roulement. La jurisprudence a étendu la notion à un
grand nombre de biens mobiliers, par application de la théorie de l’accessoire. Le Conseil
d’Etat a même reconnu que la construction d’un ouvrage permanent pouvait se faire en
application d’une concession d’outillage publique, ce qui se révèle très intéressant pour la
réalisation de terminaux de transport71.
On notera que l’avènement de la notion de « terminal » n’est pas sans causer de
difficultés dans la compréhension de la notion d’outillage public. Alors que les juges ont
refusé au port de commerce la qualification d’outillage public, elle a été reconnue au terminal
qui, pourtant selon l’article R 115-7 du code des ports maritimes dispose lui aussi de terre-
pleins, d’outillages et d’aménagements nécessaires aux opérations de débarquement,
d’embarquement et de stockage liées au navire, à l’instar d’un port.
Selon une jurisprudence constante, la gestion et l’exploitation de l’outillage public
constitue une délégation de service public72 à caractère industriel et commercial73 en raison du
contrôle de l’activité par une personne de droit public et de son utilité pour l’intérêt général.
Tout contrat passé par une autorité publique qui aurait pour objet de confier à un tiers la
71 Exemple de la construction du Centre multivrac au Port autonome du Havre sous le régime d’une concession accordée à la Compagnie industrielle des pondéreux havrais, cité par M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 205 72 Conseil d'État – 20 décembre 2000 CCI du Var Requête n° 217639 73 CE 15 décembre 1967, Level, AJDA 1968, II, p. 230 concl. G. Braibant ; CE 5 avril 1978, société X…, Rec. p.176 ; Trib. Confl. 12 janvier 1987, société navale des chargeurs Delmas-Vieljeux c/ port autonome de Dunkerque, req. n° 2449, D. 1987, J, p. 707 note Rézenthel ; CE 24 juillet 1987, société Carfos, Rec. p. 274
26
gestion du service public doit être considéré comme une convention de délégation de service
public et ce, quelque soit sa dénomination. Cette approche a été consacrée par l’article L.
1411-1 du Code général des collectivités territoriales, qui ajoute le critère d’une rémunération
du cocontractant « substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service »74.
Ce mode de gestion indirect de service public par l’autorité publique apporte
l’assurance que les outillages publics exploités seront en priorité affectés aux besoins des
usagers du service public.
Un cahier des charges fixe les droits et obligations de l’autorité portuaire et de
l’opérateur concessionnaire. Support de l’exploitation d’un service public, il comporte un
ensemble de clauses réglementaires portant essentiellement sur la mise en œuvre du service
public concédé. Ces clauses pourront faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La
jurisprudence reconnaît cependant sa nature contractuelle75. De nature hybride, il demeure un
bon outil de régulation et de contrôle des concessions passées avec l’autorité portuaire.
2. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public
L’exploitation est ici de type privatif, assortie d’une obligation de service public. Elle
s’entend comme la mise à disposition de ses équipements aux usagers du service public qui le
demandent, une fois ses besoins propres satisfaits76. Ainsi, l’exploitation d’équipements
privés se concilie avec la possibilité de mise à disposition du public.
L’obligation de service public n’est donc pas permanente mais seulement
occasionnelle. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public demeure
néanmoins une véritable délégation de service public, avec les exigences qui en découlent.
On peut s’interroger sur la possibilité pour l’autorité portuaire d’autoriser l’exploitant
à s’exempter de l’obligation de service public. La réponse sera variable selon les cas d’espèce.
Un exploitant qui ne parvient pas à satisfaire ses besoins privés propres, sera de droit exempté
74 Article L 1411-1 du Code des collectivités territoriales tel qu’issu de la loi n° 2001-1168 du 11 déc. 2001 75 CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 concl. Bergeal ; CE 20 décembre 1933, Chambfrault, Rec. 1202 76 Art. R 122-11 du Code des ports maritimes
27
de l’obligation de service public. En revanche, il en sera exempté de fait lorsqu’il s’agit, par
exemple, de l’exploitation d’un terminal qui ne concerne que l’exploitant77.
Pour la concession d’outillage public comme pour l’autorisation d’exploitation
d’outillage privé avec obligation de service public, la loi du 29 janvier 1993 relative à la
prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques, dite loi Sapin78, impose une procédure de publicité pour la mise en concurrence des
offres. Un appel à la concurrence est ainsi nécessaire à l’attribution du droit d’exploiter un
terminal dans le cadre d’une occupation du domaine public avec obligation de service public.
Le Code des ports maritimes impose lui un tarif public pour l’usage des outillages
publics et équipements exploités selon le régime d’autorisation d’outillage privé avec
obligation de service public. Ces redevances constituent des redevances pour service rendu.
Avant 1999, leur barème était approuvé par l’autorité portuaire après procédure d’instruction.
Depuis le décret du 9 septembre 199979, un certain assouplissement a eu lieu, et l’article
R115-17 prévoit désormais que les procédures d’instructions80 relatives aux tarifs et
conditions d'usage des outillages publics concédés ou affermés et des outillages privés,
lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de l'obligation de service public, ne sont pas applicables
aux « tarifs d’abonnement » ou « tarifs contractuels ».
Mais le principe même de la détermination des tarifs publics indépendamment du jeu
naturel de la concurrence, n’est-il pas contraire à l’article 1 de l’Ordonnance du 1er décembre
1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui prône le principe de la liberté des
prix par le jeu de la concurrence ?
B. L’avènement d’un nouvel instrument juridique, « convention d’exploitation de
terminal »
Jusqu’à la fin des années 1990, les différents cadres juridiques et financiers existants
privaient les opérateurs de leur liberté tarifaire et ne les incitaient pas à investir dans les
terminaux qu’ils exploitaient dans le cadre, précaire, des conventions d’occupation du
domaine public.
77 M. Ndendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 206 et 207 78 L. n° 93-122, 29 janvier 1993, JO 30 janvier relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques 79 Décret n° 99-782 du 9 septembre 1999, art. 11 JORF 11 septembre 1999 80 Art R 115-15 et R 115-16 du code des ports maritimes
28
En pratique, ces dispositifs ont connu des aménagements dans des secteurs d’activité
tels que les hydrocarbures ou les pondéreux, pour lesquels des concessions à usage exclusif
ont été octroyées. Ces exemples ont jusqu’alors bénéficié à des secteurs faiblement
consommateurs de main d’œuvre, ou à fort pouvoir de négociation vis-à-vis du port
bénéficiant de trafics à forte valeur ajoutée et dont les résultats compensaient les déficits
d’autres secteurs d’activité.
La volonté marquée des armateurs de disposer de terminaux dédiés à leurs trafics
conteneurisés, a rendu nécessaire un nouveau cadre juridique et financier d’exploitation des
terminaux. L’idée était de parvenir à simplifier les relations entre usagers et gestionnaire des
installations portuaires, et d’apporter plus de souplesse à l’activité d’exploitant de terminal.
Ainsi, la convention d’exploitation de terminaux portuaire (CET) est née de la
nécessité de pallier à la rigidité et à l’inadaptation des autorisations d’exploitation classiques,
et à celle de créer un instrument propre à l’exploitation de terminal. Elle est avant tout un
contrat né de la pratique. Le port de Dunkerque a été le premier port à appliquer un tel régime
et ce sans texte. Cette innovation a été rendue possible car le droit français pose comme
principe la liberté, sauf interdiction expresse.
L’objectif clairement affiché est d’offrir une gestion intégrée du domaine portuaire
dans un cadre juridique permettant le transfert de personnel de l’autorité portuaire à
l’exploitant de terminal.
Après l’expérience réussie à Dunkerque pour ses terminaux charbonniers et
conteneurs, elle a été introduite dans le Code des ports maritimes à l’article 115-7-III81, par un
décret du 9 septembre 199982. La convention d’exploitation est conforme à une convention
type approuvée par le Conseil d’Etat dans un décret du 19 juillet 200083, texte qui reprend ce
qui avait été fait à Dunkerque. On y trouve notamment des dispositions relatives aux objectifs
de trafic du terminal et aux sanctions qui les accompagnent en cas de non respect de ces
81 Art R. 115-7, III : « Le port autonome peut également conclure avec une entreprise une convention d’exploitation de terminal. Cette convention porte exclusivement sur la gestion et, le cas échéant, la réalisation d’un terminal spécifique à certains types de trafics et comprenant les terre-pleins, les outillages et aménagements nécessaires aux opérations de débarquement, d’embarquement, de manutention et de stockage liées aux navires. Le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine portuaire, doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publics ou d’outillages privés avec obligation de service public. » 82 Article 115-7-III du code des ports maritimes, modifié par le décret nº 99-782 du 9 septembre 1999 ; art. 11, Journal Officiel du 11 septembre 1999 83 Décret n° 2000-682 du 19 juillet 2000 approuvant la convention type d'exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes et modifiant le Code des ports maritimes, JOFR 21 juillet 2000
29
objectifs. La convention est soumise au conseil d’administration et approuvée par arrêté du
ministre en charge des ports maritimes et du ministre chargé du budget.
La convention que chaque terminal passe avec l’autorité portuaire est un acte
contractuel assorti de clauses réglementaires, portant sur l’organisation du service public ou
en définissant les obligations. Si l’exploitation porte sur le domaine public, le contrat est de
nature administrative et donne compétence aux juridictions administratives.
Le CE a jugé que la convention d’exploitation de terminal ne portait pas atteinte aux
intérêts syndicaux et que partant, le recours pour excès de pouvoir d’un syndicat contre le
décret approuvant la convention type irrecevable84.
Les ports de Marseille et du Havre ont aujourd’hui choisi de généraliser le modèle
économique de la convention d’exploitation pour l’exploitation de leurs terminaux. Au Havre,
la CMA CGM – GMP pour le Terminal de France, Maersk – TN pour le terminal de la Porte
Océane et MSC – TN pour le terminal Bougainville ont signé des CET avec l’autorité
portuaire. A Marseille, cela a été fait par MSC et Portsynergy (filiale de CMA CGM) pour le
terminal Fos2XL85.
« Nouvel instrument de management portuaire »86, la CET est un contrat
supplémentaire qui s’ajoute aux contrats classiques d’occupation domaniale, sans aucunement
se substituer à eux.
II. Le contenu de la convention d’exploitation de terminal
Conçues sur le modèle des conventions d’occupation du domaine public, les
conventions d’exploitation de terminal se composent à la fois de dispositions traditionnelles
visant à protéger l’affectation du domaine public et de dispositions innovantes dont le but est
d’augmenter le trafic et la qualité du service notamment par le jeu d’incitations financières
(A).
84 CE 14 juin 2002, n° 225113, Féd. Générale des transports et de l’équipement CFDT 85 Journal Le Marin, N° 3095, du 3 novembre 2006, p. 11 « Convention signée pour Fos2XL » ; Journal Le Marin, N° 3152, du 7 décembre 2007, p. 14 « Appel à projet pour Fos3XL et Fos4XL lancé » 86 « L’exploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du 21ème siècle », L. Fedi et R. Rézenthel DMF octobre 2007, p.828
30
Si ces règles sont à l’évidence signe d’un progrès dans le secteur, leur impact reste
limité en pratique (B).
A. Les apports de la convention d’exploitation de terminal
Le régime de la CET marque une nouvelle étape dans la relation entre l’autorité
portuaire et l’exploitant de terminal. Elle offre plus de souplesse à l’exploitation des
terminaux portuaires.
Première précision apportée par la convention à son article 1, la convention type
d’exploitation précise que le terminal mis à disposition de l’exploitant doit être spécialisé. On
entend par là, qu’il doit être affecté à un trafic spécialisé et non au trafic général d’un port.
Cette précision évite la redoutée « privatisation » des ports.
Dans cette même logique, l’article R 115-7 III du Code des ports maritimes dispose
que « le recours à ce mode de gestion, qui ne peut concerner qu’une partie du domaine
portuaire, doit être compatible avec le maintien en nombre suffisant d’outillages publiques ou
d’outillages privés avec obligation de service public ». Aucun droit d’exclusivité ne saurait
être reconnu à l’opérateur qui conclut une CET. Cette convention ne saurait créer de
monopole. L’autorité portuaire est libre de conclure d’autres conventions avec des entreprises
concurrentes. Cette disposition marque son attachement au respect des règles
communautaires.
Pour chaque exploitation, sont prévus des objectifs de trafic87. Les objectifs prévus au
contrat sont assortis de pénalités ou de bonus selon les résultats obtenus. On peut très bien
envisager que leur non-respect entraîne la résiliation de la CET, puisque les juges
reconnaissent que le non-respect des objectifs d’activité prévus au contrat puisse entraîner
résiliation du contrat88. Dans ce cas, aucune indemnité ne sera versée à l’exploitant.
La clause de trafic reste une « clause excessive » car la maitrise parfaite d’un trafic est
impossible et ne dépend pas uniquement des conditions d’exploitation du terminal89.
Apport important de la CET, l’exploitation peut porter à la fois sur le domaine public
et sur le domaine privé. La convention ne fait aucune distinction entre domaine public et
87 Art. 2 de la convention type d’exploitation 88 CE, sect., 13 juillet 1968, n° 73.161, Sté « Ets Serfati », Rec. CE p. 1 ; CE, 27 novembre 1974, n° 91.137, Sté Internationale Commerciale et Industrielle, Rec. CE, p. 593 89 Lamy Manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 345-58
31
domaine privé. Traditionnellement, la jurisprudence90 considère que lorsqu’un terminal est
implanté à la fois sur les deux domaines, seul le régime de la domanialité publique s’applique.
Dorénavant, les biens appartenant au domaine privé conservent ce régime malgré la
l’exploitation de terminal. C’est donc une situation mixte qui est ici reconnue91.
L’intérêt de cette position est notamment de permettre de remédier au flou qui existe
concernant l’étendue de la priorité d’embauche des dockers sur le domaine public. Si l’article
511-2 du Code des ports maritimes réserve cette priorité aux postes publics, la pression
sociale demeure forte pour revendiquer cet avantage sur l’ensemble du domaine public
portuaire92.
Dans la détermination des droits et obligations des parties, la CET confie à l’opérateur
de terminal la charge de l’exploitation technique et commerciale du terminal. A ce titre, il
bénéficie d’une priorité permanente d’usage des quais et gère les installations et services pour
son propre compte93.
L’article 5 de la convention type d’exploitation précise les moyens que le port mettra à
disposition de l’opérateur. Il pourra s’agir de terrains, terre-pleins, d’aménagements et
d’outillages publics selon des conditions financières différentes de celles de la procédure
d’instruction applicables aux redevances d’usage des outillages publics94. La mise à
disposition « n’entraîne en aucun cas transfert de propriété ou constitution de droits réels »95.
Cependant, on peut très bien imaginer la vente de terrains ou outillages, par acte distinct, à
l’opérateur, s’ils appartiennent au domaine privé du port.
Pour motif de vétusté, de sécurité ou tout motif d’intérêt général, l’autorité portuaire
peut toujours décider de mettre fin à la mise à disposition. Le retrait partiel peut être prononcé
après expiration d’un préavis de deux mois à compter de la notification de la décision à
l’exploitant. Dans ce cas, l’article 16.3 de la convention type exclut le droit à indemnité pour
l’exploitant.
Notons que la convention type prévoit que le port autonome puisse effectuer des
prestations de services à la demande de l’exploitant. Une convention particulière est alors
conclue. Elle précise les modalités et conditions de fourniture de ces prestations. L’objet de 90 CE 11 décembre 1957, sieurs Buffière et autres – Rec. p.666 91 « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », R. Rézenthel Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 1460 92 Lamy manutention, Activités de manutention, Régimes spéciaux, Section IV, n° 545-63 93 Art. 3.1 « L’exploitation technique et commerciale du terminal » de la convention type d’exploitation 94 La liste des terrains et terre-pleins indiquant leur superficie et leur nature publique ou privée ainsi que la liste des aménagements et celle des outillages sont annexées à la convention 95Art.5 in fine de la convention type d’exploitation
32
cette disposition, prévue à l’article 3.3 de la convention type, est de rassurer le personnel des
ports maritimes autonomes qui redoutent la privatisation de l’exploitation et maintenance des
outillages publics. Juridiquement non contestable, cette disposition ne doit cependant pas
aboutir à créer un abus de position dominante en créant un état de dépendance économique à
l’égard d’une entreprise cliente qui ne disposerait pas de solution équivalente.
L’innovation principale de la CET est le rééquilibrage des pouvoirs entre autorité
publique et exploitant de terminal et son évolution vers un véritable contrat synallagmatique.
Pour une gestion optimisée, l’opérateur est libre de choisir les membres de son
personnel. La seule exception notoire à la règle est l’obligation faite à l’autorité portuaire, ou
à l’opérateur qui succède à l’exploitation, de maintenir le personnel du terminal dans ses
fonctions à l’expiration de la convention d’exploitation ou dans le cas de son retrait. Cette
apparente restriction à la liberté de l’opérateur a pour but d’assurer la protection des droits du
personnel et de permettre au nouvel opérateur de se retrouver dans la même situation que son
prédécesseur vis-à-vis des charges salariales.
S’agissant de la stratégie commerciale et de la politique tarifaire, l’opérateur de
terminal a aussi un large pouvoir de décision.
Les conditions tarifaires de la mise à disposition des outillages publics sont
déterminées par la CET96. Les montants, les conditions de versement et les conditions de
révision sont fixés selon des modalités propres à chaque convention d’exploitation et ce par
dérogation aux articles R. 115-15 à R. 115-8 du Code des ports maritimes, applicables aux
outillages publiques concédés ou affermés ainsi qu’aux outillages privés utilisés dans le cadre
de l’obligation de service public.
La CET implique un commandement unique du terminal. L’idée est que l’opérateur
doit pouvoir disposer du pouvoir de gestion de l’ensemble des activités du terminal et de tous
les personnels. Bien que la CET ne règle pas la question du transfert de total des agents de
conduite et personnels de maintenance des ports vers les entreprises de manutention, elle
représente un « modèle convenable pour engager la modernisation et la compétitivité de nos
ports »97.
Dans cette logique renouvelée des contrats d’exploitation, l’occupation du domaine
public a elle aussi été assouplie. Il est désormais possible pour l’exploitant de prendre
96 Art. 11.2 de la convention type 97 ISEMAR, Note de Synthèse n°92, février 2007, « De nouvelles pistes pour la politique portuaire française »
33
l’initiative de résilier le contrat, sous réserve de respecter un préavis de trois mois et du
versement d’une indemnité à l’autorité portuaire. Dans le même sens, l’article 20 de la
convention type prévoit qu’en raison de la nature essentiellement commerciale des relations
entre l’opérateur et l’autorité portuaire, un recours à l’arbitrage pourra être décidé. Cette
disposition fait entrer la transaction dans les relations entre l’autorité portuaire et l’opérateur
de terminal.
La CET est un instrument juridique que l’on pourrait qualifier d’ « équitable », en ce
sens qu’il fait entrer une nouvelle logique contractuelle dans les relations entre l’autorité
portuaire et l’opérateur, laissant place à une conception renouvelée du partenariat
public/privé. Partant, elle permet une plus grande responsabilisation des acteurs98.
La question majeure qui se pose à présent est celle de savoir si la CET constitue une
délégation de service public.
D’un point de vue formel, on notera que l’article R 115-7-III du Code des ports
maritimes évoque uniquement le terme de « domaine portuaire », ne distinguant pas entre le
domaine public et le domaine privé et ne maintenant les obligations de service public que
pour les outillages privés. La domanialité ne semble plus se justifier.
Autre élément, l’absence de visa de la loi du 29 janvier 1993, dite « Loi Sapin », dans
le décret de 2000 approuvant la convention type d’exploitation de terminal99. L’octroi d’une
autorisation d’exploitation de terminal paraît dispenser d’un appel d’offre, comme c’est
d’ailleurs le cas des autorisations d’occupation temporaire qui n’impliquent pas l’exploitation
d’un service public.
La référence au service public semble avoir été volontairement omise dans la CET. Il
faut donc considérer que l’exploitation de terminal sous CET est une activité purement
commerciale.
La CET démontre qu’elle est un nouvel instrument juridique d’avantage conforme aux
réalités du commerce. En cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’Etat qui met en avant
la liberté du commerce et de l’industrie et le droit de la concurrence que le gestionnaire de
l’autorité portuaire doit s’engager à respecter100, elle semble aussi fortement s’inspirer du
98 Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de Marseille, colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM du lundi 23 juin 2008 99 La CET reste soumise à la procédure d’instruction du Code des ports maritimes et devront être appliquées les procédures relatives aux travaux portuaires, article L 155-1 et sv du Code des ports maritimes 100 CE Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex
34
droit communautaire, selon lequel, la manutention n’est pas considérée comme un service
d’intérêt économique et général101.
B. Les limites à l’innovation
La naissance de ce nouveau contrat ne fait pas pour autant table rase du passé.
Plusieurs des limites classiques à l’occupation du domaine portuaire imposées à l’exploitant
se retrouvent dans la CET. Il faut ajouter à cela, un ensemble de réserves émises par la
doctrine quant à la viabilité de ce contrat sur le long terme.
1. Les limites classiques des conventions d’occupation du domaine public
Comme toute occupation du domaine public, la CET a un caractère personnel.
L’article 3.2 dispose « L’entreprise est tenue d’exploiter directement en son nom le terminal
objet de la présente convention. Elle est tenue d’occuper elle-même et sans discontinuité les
biens immobiliers dans l’emprise du terminal ». L’opérateur qui confie à un tiers une partie de
l’exploitation du terminal, demeure tenu par les obligations imposées par la convention envers
le port et les tiers. La cession totale ou partielle de l’exploitation exercée par l’opérateur de
terminal n’est possible qu’avec l’accord du port, sous peine de résiliation du contrat.
L’exploitant de terminal informera le port de tout changement dans sa situation susceptible de
modifier le contrôle de l’entreprise102.
De la même manière que pour les concessions d’outillage public, l’article 7 de la
convention type impose, pour la réalisation de travaux de rénovation, modification ou
renouvellement des terre-pleins, aménagements et outillages mis à disposition, l’accord
préalable de l’autorité portuaire. Les modalités de financement sont prévues par la
convention. L’exécution des travaux est également soumise à l’accord du port103.
Concernant les dépenses d’entretien des terre-pleins, aménagements et outillages, la
convention type détermine lequel de l’opérateur ou de l’autorité portuaire en supportera le
coût et dans quelle mesure. Les responsabilités de chacun des cocontractants en dépendront.
101 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports maritimes : un progrès significatif », Journal de la Marine Marchande du vendredi 4 août 2000, p. 146 ; CJCE 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova Spa, aff. C-179/90, Rec. CJCE, I, page 5889 102 Au sens de l’art. L. 233-3 du Code de commerce 103 Art. 32 du règlement général de police des ports maritimes de commerce et de pêche
35
L’exploitant maintiendra en bon état de fonctionnement l’ensemble des ouvrages et
outillages mis à sa disposition pendant tout le temps de la convention. Il s’agit là d’une
obligation habituelle à laquelle sont soumis les occupants du domaine public, afin que les
prestations de services soient assurées de manière satisfaisante jusqu’au terme de la
convention.
L’article 17.2 de la convention type fait état d’un droit de préemption de port sur les
biens mobiliers appartenant à l’exploitant et installés sur le terminal. Si l’autorité portuaire
n’exerce pas son droit, l’exploitant devra remettre les lieux dans leur état initial.
S’agissant des biens immobiliers, l’article 17.3 retranscrit la « théorie des biens de
retour » et dispose qu’une fois la convention venue à terme, les biens immobiliers qui ont été
aménagés par l’opérateur reviennent de plein droit et gratuitement à l’autorité portuaire si elle
l’accepte, à défaut, les biens devront être remis dans leur état initial.
Au titre des obligations imposées à l’exploitant, on retrouve plusieurs obligations de
service public, bien qu’aucune référence au « service public » ne soit directement faite.
L’opérateur devra occuper sans discontinuité le terminal, se conformer aux objectifs de trafics
prévus, réalisation des investissements selon un calendrier, payer une redevance, assurer
l’entretien des ouvrages et installations et supporter sans contre dédommagement le retrait
partiel de terre-pleins, aménagements et outillages. Si la résiliation de la CET intervient,
l’exploitant sera tenu de verser une indemnité à l’autorité portuaire, sauf résiliation pour motif
d’intérêt général.
Enfin, l’autorisation d’occupation du terminal est nécessairement limitée dans le
temps. Il appartient aux parties de s’entendre sur ce point. L’article 13 de la convention type,
reprenant l’article L 34-1 al.3 de code du domaine de l’Etat, précise que la durée est appréciée
au regard des de la durée d’amortissement des investissements à la charge de l’entreprise.
C’est ici une volonté plutôt claire de ne pas voir les droits de l’opérateur devenir le jeu normal
de la concurrence104.
104 « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes : un progrès significatif », R. Rézenthel, Journal de la Marine Marchande, du vendredi 4 août 2000, n° 1460
36
2. Les faiblesses propres à la CET
Le rôle de la CET se trouve d’abord limité, en pratique, par l’obligation de se
conformer à une convention type.
De plus, la forme du décret exigé pour la validation de la convention type, a pour
conséquence d’alourdir la procédure en cas de dérogation à ce document type. L’article R
115-14 in fine du Code des ports maritimes prévoit dans ce cas l’approbation des ministres
chargés des ports maritimes, de l’économie et du budget.
Plusieurs critiques de la CET ont été émises par la Cour des comptes qui dénonce son
« caractère hybride, entre la convention d’occupation du domaine public et la concession
globale »105. La critique vient notamment du fait que le partage des risques entre le
gestionnaire de l’autorité portuaire et l’exploitant de terminal est insuffisamment formalisé
pour permettre une bonne saine, équilibrée et transparente. La CET fait peser un risque
commercial important sur l’autorité portuaire qui assume les charges d’amortissement et
d’exploitation des infrastructures, alors même que ces charges contribuent à la « performance
des terminaux »106.
Autre point soulevé, l’impact négatif résultant de la limitation du champ d’application
des CET aux seules superstructures. Cette restriction technique et économique est contestable,
car la qualité, comme l’entretien, et la disponibilité des infrastructures concourent à la
performance des terminaux.
La Cour dénonce également l’absence d’une « pleine maîtrise économique et
financière de l’entité que constitue le terminal ». Les conséquences sont l’absence de
« répartition juste et équitable des gains économiques et financiers des hausses de trafics
entre les deux parties concernées » ainsi que le défaut d’ « adaptation du montant des fonds
publics à la rentabilité socio-économique des projets ».
Autre interrogation soulevée par la doctrine, celle de savoir si l’autorité portuaire est
tenue de recourir à l’un des régimes prévus à l’article R 115-7 et suivants du code des ports
105 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p. 74 106 La Cour de comptes illustre le maintien d’un niveau élevé de risque commercial sur l’autorité portuaire en prenant pour exemple le port autonome du Havre dont la rémunération pour l’exploitation des premiers postes à quai de Port 2000 est constituée à 92% par les droits de port et à 8% des redevances des CET
37
maritimes français, ce qui aurait pour conséquence de réduire la liberté de choix du
gestionnaire.
La liste proposée est clairement non exhaustive et ce d’autant qu’elle fait l’impasse sur
l’autorisation d’occupation temporaire, contrat pourtant largement répandu. Le Docteur en
droit, Robert Rézenthel, pencherait en faveur d’une liberté de choix du régime domanial,
estimant qu’il doit être possible de conclure des contrats sui generis ou innomés107. La
question n’est pas tranchée et demeure une question doctrinale.
Sur le plan pratique, les différentes expériences menées connaissent un succès mitigé.
A Dunkerque, l’exploitation du terminal à conteneurs a seulement permis une réduction
significative des pertes sans permettre d’aboutir à une situation bénéficiaire. A Marseille et au
Havre, où des CET ont été passées pour l’exploitation de nouveaux terminaux, les
établissements portuaires ont été confrontés à la difficulté de respecter les engagements de
trafic, et à celle de concilier l’intérêt socio-économique des projets avec les exigences
commerciales des opérateurs. Les autorités publiques devront impérativement favoriser les
trafics dont les retombées sont les plus positives pour la collectivité en termes d’activité,
d’externalités et d’emplois108.
Autre faiblesse de la pratique, l’application généralisée de la loi du 29 janvier 1993
relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques. La procédure de mise en concurrence appliquée à l’ensemble des
appels à projet revient à ne plus faire de distinction entre les différents instruments juridiques
à la disposition de l’autorité portuaire109.
Il convient d’évoquer à nouveau l’Ordonnance du Tribunal de Marseille du 11 juin
2008110 , qui requalifie en concession d’outillage public, la mise à la disposition d’une forme
de radoub et de terre-pleins adjacents au bénéfice d’une entreprise de réparation navale. La
mise à disposition d’outillage public serait donc suffisante à entrainer la requalification de
l’ensemble d’un contrat en délégation de service public, avec les conséquences importantes
que cela entrainerait en termes de liberté de gestion. Le fait que l’activité concernée ne saurait
être qualifiée d’activité de service public semble indifférent. Il existe ici une réelle confusion
107 « La liberté de gestion du domaine des ports maritimes autonomes », R. Rézenthel, DMF 2000, p. 595 108 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », Chapitre 2, juillet 2006, p. 69 à 73 109 Intervention de Mme Claire Merlin-Merrien, Directrice des Affaires Juridiques du Port Autonome de Marseille lors du colloque INFO DROIT organisé par l’IMTM, le lundi 23 juin 2008 110 « Contentieux pré-contractuel pour l’exploitation d’une forme de radoub », Ordonnance du Tribunal administratif de Marseille n° 0803537, du 11 juin 2008, Observations de Claire Merlin-Merrien et Robert Rézenthel, DMF 694, juillet – août 2008, p. 674 à 683
38
de la notion d’outillage public. En principe, il doit être un ouvrage bien individualisé et ne pas
porter sur un ensemble portuaire composé de divers ouvrages.
La CET qui, selon l’article R 115-7 du Code des ports maritimes, peut prévoir la mise
à disposition d’outillages publics au bénéfice de l’exploitant de terminal, encourt le risque
d’une requalification en délégation de service public.
Analyser la CET comme une concession d’outillage portuaire serait un véritable retour
en arrière, relayant la CET au rang des conventions classiques inefficientes. Ce serait
également nier les efforts qui ont été mis en œuvre pour créer un contrat davantage en
conformité avec le droit de la concurrence. L’équipement public demeure au service d’une
activité et devrait suivre le régime juridique de l’activité à laquelle il est rattaché.
Le port autonome a fait appel de cette décision. La confirmation de l’ordonnance du
Tribunal de Marseille par la Cour de cassation aurait pour conséquence de multiplier les
délégations de service public dans les grands ports maritimes, où les terminaux se partagent la
zone.
La CET est un outil juridique qui reste expérimental demande à être consolidé. A
l’instar de M. Robert Rézenthel, on doit envisager ce contrat comme « une étape dans la
libéralisation de la gestion portuaire » et en aucun cas un « aboutissement ». Il évoque même
l’hypothèse d’une « suppression à terme de la convention type afin de laisser aux parties une
réelle liberté contractuelle » 111.
On retrouve aujourd’hui la CET au cœur du plan de relance des ports français.
Le projet de loi envisage de laisser, à chaque « grand port maritime », la liberté de fixer les
conditions d’utilisation du terminal. Chaque port aura donc un projet stratégique propre dont
il déterminera les modalités de mise en œuvre et d’exploitation sous réserve, le cas échéant,
du respect des objectifs de trafic.
Le texte consacre également une nouvelle terminologie pour la CET qui deviendra
« convention de terminal »112, dénotant clairement l’intention du législateur de consacrer cet
instrument juridique comme le contrat de droit commun des « grands ports maritimes » de
demain.
111 Rézenthel R. « Le régime d’exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes : un progrès significatif », Journal de la Marine Marchande, du vendredi 4 août 2000, n°1460 112 Projet de loi portant réforme portuaire, Art. 7, I. 2°
39
Avec la cession à venir des outillages publics par les « grands ports maritimes », il est
fort probable qu’il n’existe plus à terme de service public d’exploitation de ces outillages.
Dans ces conditions, l’occupation du terminal devient une simple autorisation domaniale113.
Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un
environnement portuaire compétitif et plus sûr
Le port est aujourd’hui l’objet de nombreuses politiques nationales, communautaires
et internationales. Réel enjeu en termes de compétitivité mais aussi en termes de sûreté, les
législations ont introduit d’avantage de sécurité dans la zone portuaire. Sécurité juridique dans
ses relations avec l’autorité portuaire (Section 1) et sécurité matérielle (Section 2), sont-elles
suffisantes pour faire des terminaux à conteneurs français une activité attractive aux yeux des
investisseurs ?
Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et
l’application du droit communautaire
Au niveau communautaire, il n’existe pas de politique portuaire commune. Le droit
communautaire n’impose pas l’harmonisation des régimes portuaires et il revient à chaque
Etat d’en définir ses propres modalités.
Cependant, la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE), soumet
l’ensemble des activités économiques, même exercées par une personne publique, aux règles
du droit de la concurrence, au rang desquels, la liberté des prestations des services, la libre
circulation des marchandises, et l’interdiction d’abus de position dominante ou d’entente.
Elle a jugé que les libertés et les principes fondamentaux consacrés par le Traité des
communautés européennes, étaient applicables aux activités portuaires annexes au
transport114.
La jurisprudence communautaire reconnaît également que les ports maritimes de
commerce sont des « entreprises » au sens du droit communautaire115 et ce, sans égard à leur
113 Tiré d’une correspondance mail du 29/07/2008 avec Mr. R. Rézenthel 114 CJCE 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova Spa, aff. C-179/90, Rec. CJCE, I, page 5889
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statut. Méconnaissant dans une large mesure la notion de service public116 et ignorant le
régime de la domanialité117, elle retient simplement que les activités de manutention, de
stockage et de mise à disposition de terrains ou outillages aux usagers portuaires, qui
constituent les activités essentielles du port, ont un caractère économique indiscutable.
Le jeu de la libre concurrence entre entreprises s’appréciera à l’échelle d’un marché
déterminé dans une zone géographique portuaire, d’avantage que dans un seul port. Le
marché doit être ouvert aux choix des mêmes opérateurs, impliquant un même usage des
produits et services d’un même marché. Toute restriction à la liberté du marché devra se
justifier au regard du fonctionnement de l’institution concernée. L’existence d’un service
public est insuffisante à lui seul à justifier une exception au droit de la concurrence.
La prise en considération du droit communautaire est croissante en droit interne dans
la jurisprudence118 comme dans les textes. La convention d’exploitation de terminal en est un
exemple.
On regrettera cependant la frilosité de l’Union Européenne dans la mise en place de la
libéralisation des services portuaires. Le projet de directive relative à l’accès au marché de
service portuaire, élaboré par la Commission des communautés, a été une seconde fois par le
Parlement européen, le 18 janvier 2008, sous la pression de plusieurs organisations
professionnelles opposantes.
La politique communautaire et son intégration dans les législations et jurisprudences
nationales ont contribué fortement à limiter le pouvoir discrétionnaire de l’autorité portuaire
dans sa gestion portuaire.
Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ?
L’exploitant de terminal a acquis un renforcement de ses droits face au détenteur de
l’autorité portuaire dont les prérogatives de puissance publique ont été davantage encadrées
(I). Mais s’il se trouve d’avantage « protégé » dans ses relations avec l’autorité portuaire, il
reste que sa situation demeure précaire s’agissant en particulier du financement de
115 L’entreprise au sens du droit communautaire est définie comme « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement », CJCE 23 avril 1991 – Höfner c/ Macreton – affaire n° C-41/90 116 CJCE 17 juillet 1997 – GT-Link – aff. n° C-242/95, Rec. p. I-4449 point 52, DMF 1997 p. 848, Gueguen-Hallouët et R. Rézenthel 117 CJCE 27 novembre 2003 – Enirisorse – aff. n° C-34/01 à 38/01 point 33 118 CE Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex
41
l’installation portuaire et de sa capacité à contrôler l’ensemble des moyens portuaires
concourant à l’exploitation de son activité. Les difficultés viennent pour l’essentiel du fait
que, dans les ports français, se mêlent acteurs et intérêts privés et publics (II).
I. La gestion privative des terminaux sécurisée
Le Conseil d’Etat a abondé dans le sens d’une approche plus compétitive des ports
maritimes. Dans une décision du 26 mars 1999119, il a considéré que les gestionnaires du
domaine public devaient respecter la liberté du commerce, mais aussi l’Ordonnance du 1er
décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence.
Le Conseil de la concurrence a lui récemment confirmé le principe de l’applicabilité
des règles de concurrence aux ports maritimes autonomes et aux entreprises avec lesquelles
des contrats d’occupation du domaine public sont conclus120
Dans ce contexte, droit interne et droit communautaire assurent d’avantage de sécurité
juridique à l’exploitant de terminal, dès la phase préliminaire de l’octroi des autorisations
d’exploitation (A), et jusqu’à la fin de la convention d’exploitation (B).
A. L’octroi des autorisations d’aménagement et d’exploitation de terminal à
conteneurs portuaire
La création de terminaux s’inscrit dans le cadre de la gestion domaniale des ports
maritimes et de l’exercice de prérogatives de puissance publique121. L’opportunité d’autoriser
une telle occupation appartient au pouvoir régalien de l’autorité portuaire.
L’aménagement et l’exploitation d’un terminal portuaire sont des activités ouvertes à
toute personne morale de droit privé ou privé. Ainsi, les groupements d’intérêt économique,
les associations ou les fondations sont des candidats potentiels.
Aujourd’hui, la tendance est à l’attribution de concessions au profit d’entreprises
privées et notamment des chargeurs, groupes financiers, entreprises de manutention ou de
consignation et à des compagnies d’armement. L’impression qui se dégage habituellement de 119 CE Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427 concl. J-H Stahl et note M. Bazex 120 Décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-28 du 13 septembre 2007 121 Article L111-2 du Code des ports maritimes qui définit les missions des ports autonomes
42
cet investissement du domaine public par des entreprises privées est celle d’une privatisation
des ports. Or, il ne faut pas oublier que les conventions passées avec l’autorité portuaire
demeurent précaires et limitées dans le temps122.
Pour faciliter l’implantation d’entreprises privées sur ses terrains, le gestionnaire du
domaine portuaire doit disposer d’une liberté d’action. Reste, qu’il ne saurait être tenu
d’accorder des autorisations d’occupations privatives123.
Si l’autorité portuaire demeure libre de choisir le futur opérateur qui aménagera ou
exploitera le terminal, elle le fera dans le respect des règles procédurales relatives à sa
désignation et dans le respect du droit de la concurrence. La discrimination dans le choix de
l’opérateur et notamment au regard des ressortissants de la Communauté européenne, sera
jugée contraire aux principes communautaire124.
S’agissant des mesures de publications, le recours à l’appel d’offres assure l’égalité
des candidats. Les critères de choix doivent être préalablement fixés et publiés. Jusqu’à
récemment, la Cour de cassation 125et le Conseil d’Etat 126ne soumettaient pas l’occupation du
domaine public ne portant pas sur l’exploitation d’un service public au droit de la concurrence
tel que prévu par l’Ordonnance du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la
concurrence127. Depuis, le Conseil d’Etat a modifié sa position128, estimant que les
dépendances du domaine public, qui sont le siège d’activités de production, de distribution et
de services, sont notamment soumises au principe de liberté du commerce et de l’industrie.
La mise en concurrence des offres par les ports autonomes, conformément à l’article 38 et
suivants de la loi du 29 janvier 1993 modifiée, ajoute de la transparence et assure le respect de
la théorie des « facilités essentielles ».
Le refus d’une demande d’occupation ne se justifiera que pour motif d’intérêt
général129, motif sérieux d’ordre technique ou écologique130. Parallèlement, la décision de
122 M. Mdendé, « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (Essai de synthèse et approches comparées) », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 207 123 Tribunal des conflits, 12 décembre 2005, EURL Croisières lorraines « La bergamote » c/ Voies navigeables de France – Rec. n°3455, Rec. p. 671 124 Art. 12 du Traité CE ; CJCE 29 juin 1999 Commission c/ Belgique – aff. n° C-172/98, DMF 1999, note R. Rézenthel ; CJCE 3 juin 1992, Commission c/ Italie – aff. n° C-360/89 – Rec. p. I-3401 125 Cass. Com. 29 mars 1994, société Paris, Gennevilliers c/ GIE Paris Terminal et ministre de l’économie et des finances – B.O. de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes du 4 mai 1994 p. 165 126 CE 13 juin 1997, société des transports pétroliers par pipe-line – AJDA 1997 p. 794 concl. C. Bergeal 127 Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence 128 CE, Sect. 26 mars 1999, société EDA, AJDA 1999 p. 427, concl. J-H Stahl, note M. Bazex 129 CE 6 mai 1997, M. Vanderhaeghen c/ ville de Dunkerque – Rec. p. 156
43
refus du renouvellement d’une autorisation domaniale par l’autorité portuaire devra être
dûment motivée131 .
Au final, le choix de l’exploitant demeure intuitu personae et sera fonction de l’intérêt
suscité par le candidat eu égard notamment à ses compétences, capitaux et projets de
développement. En cas de changement du profil du candidat, et si cela est susceptible de
compromettre l’effectivité et l’efficacité du service, l’autorité portuaire concédante peut
toujours résilier la convention passée avec lui.
L’ intuitu personae explique que la cession de la convention à un autre exploitant, sans
l’accord préalable de l’autorité portuaire, est susceptible d’entrainer la résiliation du contrat.
La possibilité de cession peut toujours être prévue au cahier des charges et dans cette
hypothèse, le nouvel exploitant s’engage à se conformer aux conditions prévues au cahier des
charges.
De manière symétrique, l’autorité portuaire qui prend la décision de retirer une
autorisation d’occupation exerce une prérogative de puissance publique et devra avancer des
motifs d’intérêt général justifiant l’abandon de l’activité d’exploitation ou sa redéfinition en
des termes nouveaux132. Le CE a déjà pu sanctionner un retrait d’autorisation motivé par des
intérêts purement privés ou visant à trancher un litige entre personnes de droit privé.
Au niveau communautaire, la théorie des « facilités essentielles » vient également
restreindre le droit du gestionnaire du domaine portuaire de rejeter les demandes
d’occupation. Elle est une construction de la Commission européenne qui a été appliquée à
l’origine au port anglais de Holyhead et au port danois de Rodby133.
Cette théorie constitue est une exception au principe de la liberté contractuelle du
détenteur d’un monopole et s’impose aux ouvrages publics comme privés. L’opérateur en
situation de monopole qui prive les tiers d’accéder aux facilités essentielles qu’il détient
commet un abus de position dominante, sauf à démontrer un motif sérieux d’ordre technique,
sécuritaire ou environnemental. On entend par « facilité » les installations ou équipements
130 CJCE 11 juin 1985, Commission c/ Irlande – aff. 288/83 – Rec. p. 1261 point 28 ; CJCE 9 décembre 1997 – Commission c/ France – aff. C 265/95, Rec. p. I-6990, point 62 131 CE 12 décembre 1997, ville de Cannes c/ Milhau, Req. n° 160141 132 CE 31 juillet 1996, société des téléphériques du massif du Mont-Blanc – Rec. p. 334 133 Décision n°94/119/CE du 21 décembre 1993 relative au refus d’accès aux installations du port de Rödby, JOCE n° L 55 du 26 février 1994, p. 52. Décision de la Commission n°94/19/CE du 21 décembre 1993 relative à une procédure d’application de l’article 86 du Traité CE : décision IV/34.689 – Sea Containers c/ Stena Sealink, JOCE n° L 15/8 du 18 janvier 1994, p. 8
44
sans l’utilisation desquels les concurrents ne peuvent servir leur clientèle. Le qualificatif
d’ « essentiel » résulte de l’absence d’alternative pour les autres opérateurs134.
La Commission des Communautés a déjà pu intervenir pour exiger le respect de la
théorie des facilités essentielles, exerçant son pouvoir d’injonction dans le cas de demandes
d’implantation restées infructueuses.
Cette théorie sera applicable lorsque le monopole porte sur un ouvrage ou un service
dont les concurrents sont dépendants pour l’exercice de leur activité et que les contraindre à
réaliser un tel ouvrage ou à assumer un tel service ait un caractère déraisonnable. Il convient
ici de rechercher s’il existe des solutions alternatives pour les opérateurs tiers sur un marché
déterminé, c’est-à-dire s’il existe des infrastructures équivalentes à proximité auxquelles ils
pourraient accéder et ce, même si elles sont moins avantageuses. Dans le cas contraire, il
convient de savoir si des considérations techniques, réglementaires ou économiques
empêchent ou rendent déraisonnable la création par les opérateurs tiers d’un ouvrage offrant
une solution équivalente. La Cour de cassation exige la preuve par le concurrent de son
impossibilité de mettre en œuvre des solutions alternatives économiquement raisonnables135.
Il faut également que celui qui détient l’ouvrage ou exploite le service en refuse
l’accès à son concurrent, sauf si en autoriser l’accès aux tiers risquait d’être préjudiciable pour
l’activité de monopole en faisant courir un risque d’interruption de l’activité.
Le Conseil de la concurrence a récemment fait application de la théorie des facilités
essentielles136, faisant preuve de la même sévérité que la CJCE face aux pratiques anti-
concurrentielles d’opérateurs portuaires exploitant une facilité essentielle. Il en fait même une
application extensive en n’exigeant pas, en l’espèce, la démonstration qu’il eut été
déraisonnable pour le concurrent de créer sa propre facilité, sans qu’ait été démontrée
l’absence d’autres possibilités d’implantation sur le domaine portuaire.
134 Gaëlle Gueguen-Hallouet « Les activités portuaires à l’épreuve de la concurrence (à propos de la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-28 du 13 décembre 2007) », DMF 680, mars 2008 135 Cass. Com. 12 juillet 2005, société NMPP, pourvoi n° 04-12388, Bull. Civ. IV n° 163 p. 174 136 Conseil de la concurrence 13 septembre 2007, décision n° 07-D-28
45
B. Une exploitation de terminal régulée
La maîtrise de la gestion du domaine public portuaire par l’autorité portuaire, qui
constitue une prérogative de puissance publique, lui confère de fait une position dominante.
C’est un droit dont l’établissement portuaire a seul compétence mais dont il pourra toujours
décider d’en concéder ou amodier une partie.
Le seul fait que l’autorité portuaire soit en position dominante n’est pas en lui-même
contraire aux principes communautaires, c’est l’exercice abusif de sa compétence qui sera
prohibé.
Les relations que l’autorité portuaire entretient avec l’opérateur de terminal sont régies
par les règles du droit public, parmi lesquelles figurent le Code des ports maritimes, les lois et
règlements relatifs à l’activité et la jurisprudence administrative. Pour encadrer l’exercice de
ses prérogatives, seront notamment appliqués, le droit d’accès aux documents
administratifs137, l’obligation de motivation des actes administratifs138, le principe de
précaution139, le principe de l’application du droit de la concurrence aux personnes publiques 140et le référé administratif.
Mais parce qu’une part importance du commerce intra-communautaire transite par les
structures portuaires, toute mesure prise dans le cadre de leur exploitation est susceptible
d’avoir un impact sur le commerce et la concurrence entre Etats membres et intéresse donc le
droit communautaire.
L’autorité portuaire qui utilise ses prérogatives de puissance publique dans le but
exclusif d’entraver l’exploitation d’un opérateur de terminal privé, ou de protéger la gestion
de terminaux qu’elle exploite elle-même ou exploités par d’autres opérateurs, commet un abus
de position dominante, prohibé par l’article 82 du Traité Communautés européennes141. De la
même manière, toute contrainte de l’autorité portuaire à utiliser son personnel serait un abus
de position dominante.
137 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ; décret n° 79-834 du 22 septembre 1979 138 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public 139 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ; CE 25 sept 1998, Association Greenpeace France – Rec. n° 194348, D.A. 1998 n° 310, JCP 1998-II, ed. G-10216, note J. Malafosse 140 Art. 53 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence 141 R. Rézenthel, « La gestion du domaine public portuaire dans une économie de marché et le droit de la concurrence », DMF 675, novembre 2006, p. 911
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Il est d’usage dans les ports d’intérêt national que l’exploitation de l’outillage public
soit confiée à un seul concessionnaire et, dans ce cas, c’est l’exploitant qui exerce de fait une
position dominante142. Des droits spéciaux lui sont attribués par l’autorité portuaire
concédante aux fins de satisfaire un but d’intérêt général. Ces droits exclusifs ne dérogent pas
aux principes communautaires s’ils n’affectent pas le développement des échanges « dans une
mesure contraire à l’intérêt de la communauté »143. Cependant, ils constitueront un abus de
position dominante contraire, si des tarifs disproportionnés aux services rendus étaient
appliqués144. Cette hypothèse ne serait néanmoins pas répréhensible si l’augmentation des
tarifs par le concessionnaire avait pour but de compenser le poids des sujétions résultant des
obligations de service public145.
Le droit communautaire prohibe également les aides d’Etat, incompatibles avec le
marché commun146. De fait, une aide logistique147, une garantie d’emprunt, une caution148 ou
la conversion d’une dette en capital149, ou encore un taux de redevance anormalement bas150,
peut constituer une distorsion de concurrence. De la même manière, les rabais et ristournes
sont interdites si elles ne reposent sur aucune prestation économique.
La Cour de justice des communautés européennes a cependant admis qu’une aide
puisse ne pas constituer une restriction à la concurrence dans la mesure où elle permet à
l’entreprise d’accomplir une mission d’intérêt général151.
On peut s’interroger sur la compatibilité au droit communautaire de la pratique qui
veut, qu’au terme d’une première autorisation d’occupation domaniale, l’autorité portuaire
devienne propriétaire des ouvrages qui ont été réalisés par l’opérateur. Bien que consacrée par
les textes, il apparaît que les conditions de mise à dispositions de ces ouvrages au profit du
successeur de l’exploitation de terminal soient susceptibles de constituer une aide d’Etat, dans
142 CJCE 17 juillet 1997, GT Link A/S, aff. n° C-242/95; CJCE 29 mars 2001, Portugal c/ Commission, aff. n° C-163/99, point 45 143 CJCE 23 mai 2000, Entreprenorforeningens Affalds/Miljosektion (FFAD), aff. n° C-209/98 point 74 144 CJCE 10 décembre 1991, Merci convenzionali Porto di Genova, aff. n° C-179/90 – Rec. p. I-5889 points 16, 17 et 19 ; Conseil de la concurrence, 13 décembre 2007, aff. n° 07-D-28 145 CJCE 18 juin 1998, société Corsica Ferries France, aff. n° C-266/96, Rec. p. I-3949 points 47, 50 et 54 146 Art. 87 du Traité des Communautés européennes 147 CJCE 11 juillet 1996 – SFEI – aff. n° C-39/94, Rec. p. I-3547 points 58, 61-62 ; TPI 14 décembre 2000 – Ufex c/ Commission – aff. n° T-613/97, Rec. p. II-4055 points 68-70, 74-75 148 CJCE 24 octobre 1996 – Allemagne c/ Commission – aff. n° C-329/93, C-62/95 et C-63/95 – Rec. p. I-5151 points 30-36 149 TPI 11 juillet 2002 – Cityflyer Express c/ Commission – aff. T-16/96, Rec. p. II-757 points 51, 53-56 150 Décision de la Commission n° 85/515/CEE du 11 février 1987 – JOCE n° L 295 du 20 octobre 1987 p. 25 151 CJCE 27 avril 1994, Almelo e.a. – affaire n° C-393/92 – Rec. p. I-1477 point 46 ; CJCE Ord. (4e ch) 25 mars 1998 – Fédération française des sociétés d’assurances et autres c/ Commission – affaire n° C-174/97 P – Rec. p. I-1305
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le cas où le prix d’amodiation, ou redevance, est inférieur au prix des loyers pratiqués dans la
région pour un même ouvrage152.
Dans le contexte actuel de partenariat entre le public et le privé qui caractérise
l’exploitation de nombreux services portuaires, il est tout à fait possible d’envisager que
l’autorité portuaire participe au capital de la société exploitante et en soit un actionnaire. A
l’évidence, la participation de l’autorité portuaire au capital d’une entreprise est susceptible
d’influer sur le comportement commercial de cette entreprise. Dans ce cas, n’y aurait-il pas un
risque d’entente illicite ? L’article 81 §1du Traité CE prohibe les ententes susceptibles d’avoir
un impact sur le commerce intra-communautaire. Si les ententes ne sont pas applicables aux
mesures prises par l’autorité portuaire dans le cadre de ses prérogatives de puissance
publique, ne pourraient-elles pas très bien être lui être reprochées lorsque l’autorité portuaire
est actionnaire d’une entreprise portuaire153? Dans cette hypothèse, l’autorité portuaire devra
impérativement se comporter comme un investisseur privé154.
L’exploitation de terminaux portuaires a gagné en sécurité. Cependant, le contexte de
partenariat public-privé qui entoure l’activité portuaire constitue encore un frein au
développement de l’activité.
II. Les limites du partenariat public/privé dans les ports français
La situation de l’exploitant de terminal demeure précaire du point de vue de la maîtrise
du personnel intervenant sur terminal (A), comme du point de vue du financement de son
activité (B). Des réformes sont nécessaires.
A. Un manque certain de concurrence entre manutentionnaires sur un terminal
1. Le double commandement dans la manutention française
152 R. Rézenthel, « La gestion du domaine public portuaire dans une économie de marché et le droit de la concurrence », DMF 675, novembre 2006, p. 913 153 R. Rézenthel « La gestion du domaine public portuaire dans une économie de marché et le droit de la concurrence », DMF 675, novembre 2006, p. 915 154 TPI 30 avril 1998 – Cityflyer Express c/ Commission – aff. n° T-16/96, Rec. p. II-757 points 51, 53 – 56
48
Le modèle français est un modèle dans lequel les ports exercent à la fois les fonctions
d’autorité portuaire et d’opérateurs d’outillages. Ce modèle, très fréquent autrefois dans les
pays latins155, a progressivement disparu au profit du modèle du port « propriétaire foncier »
ou port « landlord »156. Dans ce dernier schéma, le port assure uniquement ses fonctions
régaliennes d’aménagement et de valorisation du domaine portuaire. L’exploitation des
installations et outillages sur le domaine public est confiée à des opérateurs.
Témoins d’un contexte portuaire français semi-public semi-privé, les terminaux
portuaires à conteneurs se caractérisent par « une organisation sociale complexe héritée du
passé qui ne favorise ni la recherche de la performance commerciale, ni celle de la qualité de
service »157.
En effet, le personnel de manutention qui intervient sur terminal ne constitue pas un
corps homogène. Cohabitent deux catégories de personnel placés sous commandements
distincts. On trouve d’une part, les ouvriers dockers, pour majorité salariés des entreprises de
manutention et qui ont en charge la manutention des marchandises et la mise en œuvre des
outillages des entreprises de manutention. On trouve d’autre part, les grutiers et portiqueurs,
salariés des établissements portuaires, qui ont en charge la conduite des outillages à quai.
Les premiers sont essentiellement sous le commandement d’entreprises privées, les
seconds sous le commandement du port autonome. De statut différent, leur régime juridique
est différent.
Tous concourent pourtant à une même activité commerciale, qui demeure sous la
responsabilité unique de l’exploitant. Ouvriers dockers et portiqueurs doivent travailler en
étroite coordination pour charger et décharger les navires à quai. Toute opération nécessite
simultanément la présente des portiqueurs manœuvrant les engins et celle des dockers
assurant la manutention à bord et sur les quais.
Les entreprises de manutention dépendent aujourd’hui des moyens de l’autorité
portuaire pour réaliser le cœur de leur mission. Les outillages à quai sont le facteur
déterminant de la qualité, fiabilité et coût du service et pourtant les entreprises n’ont pas de
pouvoir de commandement sur eux.
155 L’Espagne et l’Italie ont notamment abandonné ce modèle portuaire respectivement en 1992 et 1994 156 Modèle d’organisation des ports de tradition hanséatique de la mer du Nord qui s’exporte de plus en plus en Europe et dans le monde 157 Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p. 38
49
Cette dichotomie de commandement, tout en se révélant anti concurrentielle, impacte
aussi grandement sur la compétitivité des ports français.
2. La nécessité d’une réforme de l’organisation de la manutention portuaire
La Cour des comptes avait déjà dénoncé, dans son rapport public particulier de
1999158, ce manque d’unité de la profession de manutentionnaire sur les terminaux,
considérant que c’était l’une des causes principales du manque de productivité et de fiabilité
des ports français. La Cour avait souligné l’enjeu de la réorganisation de la gestion des
terminaux, seule à même d’assurer l’unité de commandement des opérations de manutention
et de réduire leur coût. Elle avait, à ce titre, recommandé l’adoption rapide des textes
nécessaires pour faire aboutir les projets d’opérateur unique, en appelant l’attention des
pouvoirs publics sur la nécessité de préserver un fonctionnement concurrentiel des places
portuaires dans le domaine de la manutention.
Le transit portuaire présente des risques spécifiques liés principalement aux problèmes
de rupture de charge. De la maitrise totale, par les entreprises de manutention, des outillages
et personnes intervenant à quai pour ces opérations, résulterait une réelle efficacité du service
de la manutention en France.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité de parvenir à une clarification
entre public et privé, notamment sur les terminaux à conteneurs portuaires qui constituent un
réel enjeu économique159.
La mesure de l’enjeu a été prise en compte par les politiques. Le projet de réforme
portuaire, présenté en début d’année, a été définitivement adopté par le Parlement le 4 juillet
2008160.
La réforme se dessine autour de 4 axes majeurs : le recentrage des missions de l’Etat
sur ses seules fonctions régaliennes, la réforme de la gestion portuaire pour l’intégration de
nouveaux partenaires, la coordination entre les ports d’une même façade et enfin, la mise en
place d’un commandement unique pour les activités de manutention sur les terminaux. Sur ce
dernier point, l’objectif est triple. Il vise l’ « amélioration de la productivité de ces
158 Rapport de la Cour des comptes, « La politique portuaire française », octobre 1999, p. 149 et 150 159 Yann Bessoule « Public-privé : une clarification s’impose », Journal Le Marin, n° 3132, 20 juillet, 2007, p. 31, 32, 33 160 Loi portant réforme portuaire n° 2008-660 du 4 juillet 2008, publiée au JO n° 156 du 5 juillet 2008
50
opérations, de développement de l’investissement privé dans les ports français et de
rétablissement de la confiance des principaux clients des ports, armateurs et chargeurs »161.
La clarification des relations public-privé sur les terminaux à conteneurs est une priorité.
La réalisation d’un commandement unique, indispensable à la rationalisation de la
gestion du maillon portuaire et à la clarification des responsabilités de ses acteurs, demeure
très controversée. Pourtant, juridiquement, le transfert des personnels salariés de l’autorité
portuaire vers le privé est possible. La concession comme la convention d’exploitation de
terminal peuvent constituer le cadre juridique permettant le transfert du contrat de travail des
agents du port autonome vers une autre structure162. Le fonctionnement normal du service
public portuaire n’en serait pas remis en cause. L’expérience a eu lieu à Dunkerque163 via une
convention collective de la manutention portuaire, qui a apporté les garanties financières
nécessaires au personnel concerné. Les personnels du port de Dunkerque semblent d’avantage
conscients de l’intérêt de cette stratégie en termes de productivité et d’emplois à terme, peu
être parce que le port de Dunkerque est directement concerné par la concurrence des ports du
nord. Une approche pragmatique port par port semble plus favorable à l’apaisement du climat
social.
La problématique du double commandement dans le secteur de la manutention fait
écho à celle du financement des terminaux qui trouve également sa source dans la confusion
qui existe entre public et privé.
B. Le point sensible du financement des terminaux portuaires
1. Mise en lumière du problème
Les ports sont des zones hautement capitalistiques. Leur développement dépend des
investissements qui leurs sont consacrés. Les investissements en zone portuaire augmentent.
Les établissements portuaires et les entreprises de manutention en sont les premiers
investisseurs, hors zones logistiques et industrielles.
161 Dossier de presse, Plan de relance des ports du 8 avril 2008, publié par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire 162 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème siècle, Mélanges offerts à P. Bonassies, éd. Moreux, 2001, p.308 163 Le transfert du personnel a eu lieu en 1999 dans le domaine des pondéreux et en 2001 pour les conteneurs
51
Les établissements portuaires ont vocation à réaliser les infrastructures du port,
nécessaires à tous les usagers du port et pérennes dans le temps. Les entreprises de
manutention sont appelées, elles, à investir dans les superstructures destinées à
l’aménagement de leurs terminaux164. Cette complémentarité des sources d’investissement est
nécessaire pour mobiliser des capitaux importants et ainsi permettre aux ports de s’accroitre et
d’attirer à leur tour des capitaux étrangers.
Ce système de complémentarité s’il est nécessaire, reste perfectible. En France, les
investissements se caractérisent par un manque de visibilité au niveau du partage des
responsabilités entre les investisseurs privés et publics. Les établissements portuaires en
participant à l’aménagement et au financement des superstructures, on amené à la confusion
des missions. Dans un cadre concurrentiel idéal, les établissements portuaires n’auraient pas à
intervenir dans le secteur économique, au risque de fausser la concurrence en privilégiant
certains opérateurs aux dépens d’autres.
Ajouter au manque de visibilité des investissements, un soutien insuffisant de l’Etat.
En 2006, Cour des comptes qui a procédé à un nouvel examen de l’activité d’outillage
des ports autonomes maritimes, conclut au fort déficit de l’activité et au retard des ports
français165.
Il est indispensable d’encourager l’investissement privé car, seules, les autorités
portuaires ne peuvent pas assurer le développement des zones portuaires.
2. L’état de la législation en matière de garantie de financement
Alors qu’elle en avait l’occasion, la réforme récente du Code du domaine de l’Etat a
fait preuve de timidité et d’un manque certain de réalisme. Le Code général de la propriété
des personnes publiques qui en est issu166, reprend les principes de la Loi du 25 juillet
1994167, dont les dispositions avaient été reprises par le Code du domaine de l’Etat.
164 Terre-pleins, hangars, engins de manutention, grues, portiques 165 Pour l’étude des déficits de l’activité d’outillage port par port, voir : Cour des comptes, Rapport public thématique sur « les ports français face aux mutations du transport maritime : urgence de l’action », juillet 2006, p. 57 et 58 166 L’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 abrogea les articles L 34-1 et sv du Code du domaine de l’Etat 167 Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l'Etat et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public, JORF n°171 du 26 juillet 1994 page 10749 ;
52
Le principe de l’existence de droits réels au bénéfice des occupants du domaine public,
est désormais affirmé à l’article L 2122-6 du Code général de la propriété des personnes
publiques.
L’article L 2122-8 précise que ces droits ne peuvent notamment « être hypothéqués
que pour garantir les emprunts contractés par le titulaire de l'autorisation en vue de financer
la réalisation, la modification ou l'extension des ouvrages, constructions et installations de
caractère immobilier situés sur la dépendance domaniale occupée ». Les droits réels dont
l’opérateur est titulaire ne peuvent donc garantir que les seuls ouvrages réalisés sur le
domaine occupé par lui. Cette mesure ignore clairement la stratégie des grands opérateurs qui
possèdent des succursales dans les principaux ports de commerce et qui entendent donner une
garantie sur un ouvrage implanté dans un port pour financer la réalisation d’un autre dans un
autre port. Cette restriction constitue à l’évidence un frein au financement des travaux
portuaires et contrevient, en plus, au principe de libre circulation des capitaux168.
Au regard de l’article L 2122-13 du Code général de la propriété des personnes
publiques, le titulaire du droit d’occupation ne pourra pas non plus recourir au crédit-bail
pour financer la réalisation d’ouvrages sur le domaine portuaire, lorsque le domaine occupé
est destiné à l’exploitation d’un service public. Cette mesure qui peut se justifier par la rupture
de service public qui pourrait résulter de la résiliation du contrat, reste source d’insécurité
juridique au vue de la difficulté certaine de déterminer la consistance de la notion de service
public, surtout depuis la création de la convention d’exploitation de terminal. L’étendue de
l’interdiction de recourir au crédit-bail n’est pas juridiquement certaine169.
Il faut ajouter ici que ces dispositions ne sont pas d’ordre public et qu’il est toujours
possible pour le gestionnaire de l’autorité portuaire de concéder un droit de propriété aux
occupants du domaine public.
Mais plutôt que d’attendre l’assouplissement des règles de la domanialité publique
portuaire, les gestionnaires de l’autorité portuaire pourraient faciliter l’implantation
d’opérateurs privés en décidant simplement de déclasser des terrains du domaine public170, et
ce d’autant que les investisseurs privés retirent plus d’avantages en s’implantant sur le
domaine privé. Il s’agit là d’un acte de gestion. L’idée n’est pas de permettre ensuite la
cession du domaine déclassé, mais de permettre l’occupation de ce domaine sous régime privé
168 R. Rézenthel « Le régime d’exploitation des terminaux portuaires », Etudes de droit maritime à l’aube du 21ème siècle, Mélanges offerts à P. Bonassies, éd. Moreux 2001, p. 302 169 R. Rézenthel « La liberté de gestion du domaine des ports maritimes autonomes », DMF 2000, n° 605, p. 594 170 Loi n° 65-491 du 29 juin 1965 relative à l’autonomie des ports maritimes
53
avec les garanties plus importantes que cela implique pour l’occupant. Le Conseil d’Etat
avait, dès 1980, considéré que le déclassement pouvait intervenir dans le but de rendre les
implantations industrielles possibles171.
On notera enfin, à travers le vaste programme d’investissements accompagnant la Loi
de relance des ports français, la volonté du Gouvernement de viabiliser les infrastructures
majeures en cours et de financer les projets de nouveaux terminaux portuaires. Il entend ainsi
donner aux ports les moyens de faire face à la concurrence européenne et mondiale.
L’enveloppe globale des contrats de projets de 2007 à 2013 est de 1542 M d’euros dont 271
M d’euros à la charge de l’Etat.
Section 2- Accroissement de la sécurité et de la sûreté sur le terminal à
conteneurs
Le port et ses installations sont devenus les lieux de toutes les vigilances.
Les terminaux constituent une zone sensible. Les flux de véhicules, de marchandises et
de personnes sont continus. Pour détecter les menaces d’actes illicites qui pèsent sur les
installations portuaires, on a assisté, ces dernières années, à la multiplication des mesures de
sécurité sur les terminaux portuaires (I). Avec l’introduction du Code international pour la
sécurité des navires et des installations portuaires, les terminaux portuaires disposent
désormais d’une réelle politique de sûreté (II).
I. Les mesures de sécurité
Les parcs à conteneurs sont, aujourd’hui, des zones hautement sécurisés. Ilotage,
contrôle des accès, télésurveillance, éclairages, sont les outils développés par les ports et les
opérateurs de terminaux pour sécuriser leurs installations.
Parmi les équipements de sûreté classiques, on trouve la clôture, l’éclairage, le
contrôle d’accès aux installations.
171 Avis CE Ass. 16 octobre 1980, Rev. droit immobilier 1981 p. 309
54
L’accès aux installations devra être sécurisé d’une part par des dispositifs matériels
empêchant physiquement l’accès à la zone et, d’autre part, par l’instauration de contrôle
d’identité à l’entrée du terminal.
La tendance ces dernières années a été de compléter les services de sécurité des ports
par des moyens privés, en requérant les services de sociétés de surveillances privées.
Aujourd’hui, l’ensemble des structures portuaires mette en place leur propre système de
sécurité, pour accroitre la fiabilité du gardiennage des marchandises.
Le système de surveillance consiste en un contrôle accru des sorties de marchandises.
Il consiste également en un contrôle informatisé de l’emplacement des marchandises dans
l’enceinte portuaire. Des rondes régulières de jour et de nuit sont réalisées par des équipes de
sécurité.
La vidéosurveillance est installée sur l’ensemble de la zone portuaire. Le système de
vidéo détection devrait progressivement le remplacer. Le système de vidéosurveillance permet
un contrôle des flux de personnes pénétrant dans l’enceinte du port. Il sécurise le site et réduit les
risques de vols. Il a, en plus, un effet dissuasif. Les caméras, équipées de détecteurs de
mouvements, déclenchent une alarme sonore et visuelle au centre de surveillance. Les
informations pourront ensuite être retravaillées à l’aide d’un ordinateur.
Le suivi informatique s’est fortement développé ces dernières années. Il permet
d’assurer, en temps réel, le suivi des marchandises et le déroulement des opérations de
chargement ou déchargement des conteneurs. L’exploitant a une connaissance quasi-
immédiate des problèmes qui surviennent sur terminal. Ce suivi est notamment important
pour la gestion des dangereux.
Le Code International pour la Sûreté des navires et des Installations Portuaires, ou
Code ISPS, exige le contrôle des accès aux installations portuaires et préconise la réalisation
de clôture autour des terminaux portuaires172. Ces exigences, ont facilité la matérialisation du
terminal.
Un terminal sûr est un gage de confiance pour les armateurs et opérateurs du monde
maritime.
172 Amendement à l’annexe de la Convention SOLAS, chapitre XI-2, Annexe 2
55
II. La politique de sûreté des installations portuaires
Les événements du 11 septembre 2001 ont fait prendre la mesure de la nécessite
impérieuse de parvenir à une coopération entre Etats pour la mise en place de mesures de
sûreté. L’objectif de ces mesures est l’éradication du risque terroriste. Elles prescrivent le
respect d’une procédure unique pour tous les ports et installations portuaires (A). Les
prescriptions faites au niveau des installations portuaires sont appréhendées (B).
A. Instauration d’une politique de sûreté dans les ports et leurs installations portuaires
Suivant la conférence diplomatique qui s’est tenue à l’Organisation Maritime
Internationale, du 9 au 13 décembre 2002, un certain nombre de modifications à la
Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) ont
été adoptées. Les modifications dont la portée est la plus considérable concernent le Code
international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS)173.
Le Code ISPS, entré en vigueur le 1er juillet 2004, est un nouveau régime global sur la
sûreté au moyen duquel on vise à établir un régime international de coopération entre les
gouvernements, les organismes gouvernementaux, l’industrie du transport maritime et
l’industrie portuaire. L’idée est de parvenir à déterminer les mesures à prendre pour prévenir
les incidents portant sur la sûreté des navires et des installations portuaires, et d’appliquer les
dites mesures. L’ensemble de ces obligations a été repris en droit interne dans le Code des
ports maritimes français174.
Le Code ISPS impose aux installations portuaires la réalisation d’une évaluation de
sûreté puis l’établissement d’un plan de sûreté propre à chaque site.
L’évaluation de la sûreté est établie par un service de l’Etat ou par un organisme de
sûreté habilité, dont la compétence a été reconnue par une commission nationale
d’habilitation. Elle consiste en un recensement des menaces et risques susceptibles de peser
173 Publié par le décret n° 2004-290 du 26 mars 2004 174 Décret 2007/476 du 29 mars 2007 relatif à la sûreté du transport maritime et des opérations maritimes, qui ajoute le chapitre Ier du titre II du Livre III de la partie réglementaire du Code des ports maritimes
56
sur l’installation175. L’analyse des risques doit se faire au regard de l’ensemble des aspects de
l’exploitation portuaire, à savoir les bâtiments, les infrastructures, matériels et les zones
d’interface. Seront identifiés les points vulnérables de l’exploitation pouvant constituer une
cible pour les actions terroristes. Ils pourront être dus à un facteur humain, à la faiblesse des
infrastructures, des politiques ou encore des procédures. Seront identifiés les biens et
infrastructures essentiels à protéger. L’évaluation se conclut par la proposition de mesures et
procédures à observer en cas d’atteinte à la sûreté.
L’évaluation de sûreté faite, l’opérateur de terminal désigne, parmi son personnel, un
agent de sûreté expérimenté, ou « Port Facility Security Officer »176, qui établira un projet de
plan de sûreté de l’installation portuaire177 ou « Port Facility Security Plan », ensuite soumis
à l’avis du comité local de sûreté portuaire avant d’être soumis à l’agrément du Préfet. Ce
plan détermine les mesures de sûreté élémentaires, opérationnelles et physiques que
l’installation portuaire doit appliquer à tout moment. Le plan indique aussi les mesures de
sûreté additionnelles ou renforcées que l’installation prendra pour passer au niveau de sûreté
plus élevé. Enfin, il indique les mesures à prendre en niveau de sûreté le plus élevé.
Les évaluations et plans de sûreté doivent être réévalués au plus tous les cinq ans.
L’administration se réserve le droit de faire réaliser des audits des installations portuaires pour
apprécier la mise en application des prescriptions du Code ISPS.
Les mesures et procédures de sûreté doivent être appliquées dans l'installation
portuaire de manière à entraîner un minimum de perturbations ou de retards pour les
passagers, le navire, le personnel du navire et les visiteurs, les marchandises et les services.
La question est maintenant de savoir dans quelle mesure la mise en œuvre des
procédures de sûreté engage la responsabilité de l’opérateur de terminal.
175 L’évaluation de sûreté de l’installation portuaire est définie par l’article 15 du code ISPS et précisée par l’article B/15.3 obligatoire (règlement 725/2004) ; Art. R 321-25 du code des ports maritimes 176 L’article 17.2 du Code ISPS définit le rôle de l’agent de sûreté de l’installation portuaire 177 Défini par l’article 16 du Code ISPS, et précisé par les articles B/16.3 et B/16.8 obligatoires (règlement 725/2004) ; Art. R 321-26 du Code des ports maritimes
57
B. L’assimilation des installations portuaires aux terminaux
La Convention SOLAS et le Code ISPS, définissent l’installation portuaire comme
«un emplacement, tel que désigné par le Gouvernement contractant ou par l’autorité
désignée, où a lieu l’interface navire/port ». Elle «comprend les zones telles que les zones de
mouillage, les postes d’attente et leurs abords à partir de la mer, selon le cas »178.
L’interface navire/port est ensuite définie comme les interactions qui se produisent
lorsqu’un navire est directement et immédiatement affecté par des activités entraînant le
mouvement de personnes, de marchandises, ou la fourniture de services portuaires vers le
navire ou à partir du navire.
Alors que certains Etats, à l’instar des Etats-Unis, considèrent le port dans sa globalité
comme une installation portuaire, ou au contraire limitent la notion aux seuls bords à quai
pour la partie terrestre, la France considère qu’un port est constitué de plusieurs installations
portuaires et que le terminal entier est une installation portuaire.
L’article R 321-23 du Code des ports maritimes 179 précise que « la liste des
installations portuaires situées à l'intérieur de la zone portuaire de sûreté (…) est arrêtée
pour chaque port par le représentant de l'Etat dans le département sur proposition de
l'autorité portuaire. L'arrêté identifie l'exploitant, le périmètre et les principales
caractéristiques physiques et fonctionnelles de chaque installation ». Il s’agit donc en France
d’une décision décentralisée au niveau départemental.
Dans une circulaire n° 922 du 19 décembre 2003 du Directeur du transport maritime,
des ports et du littoral, aux préfets des départements littoraux, il est précisé qu’en France, la
notion d'installation portuaire correspondra pour l'essentiel à la notion de terminal
portuaire180, alors même, comme nous l’avons vu, que la notion de terminal portuaire ne
bénéficie pas d’une définition claire. Il est ensuite précisé que l’installation portuaire peut
regrouper les postes d'accostage, les emprises des quais et des terre-pleins, les zones de
manutention et éventuellement de stockage, les éventuelles installations dédiées à la
manutention ou à l'accueil des véhicules ou des passagers, à savoir les portiques à conteneurs,
les bras de déchargement, les passerelles d'accès ou encore gares maritimes. A l’inverse, les
178 Chapitre XI-2, Règlementation 1.1.8 de la Convention SOLAS 179 Crée par Décret 2007-476 du 29 mars 2007, art. 1 JORF 30 mars 2007 180 Annexe 1, 2.1 de la circulaire n°922 DTMPL du 19 décembre 2003 pour la mise en œuvre des mesures de renforcement de la sûreté des installations portuaires
58
installations portuaires ne s'étendront pas aux installations industrielles implantées dans les
zones portuaires car leur l'exploitation n'est pas intrinsèquement liée à l'exploitation portuaire.
Cette interprétation française de la notion se révèle fonctionnelle. Assimilée à un
terminal portuaire, l’installation portuaire correspond donc à une emprise géographique, à un
mode de trafic déterminé et est sous la responsabilité d’un exploitant.
La mise en œuvre des règles de sûreté dans les ports se fera par le découpage des ports
en plusieurs installations portuaires. En fonction des délimitations retenues pour l’installation
portuaire, son gestionnaire devra assurer notamment le contrôle des accès et la surveillance
de la zone. Le poids des obligations pourra varier du simple au centuple selon la
circonscription de telle installation.
Avec le Code ISPS, la notion de « zone d’accès restreint » est apparue, et avec elle des
obligations supplémentaires, à savoir notamment la pose de clôtures périmétriques, le contrôle
des accès, les visites de sûreté, l’agrément et l’habilitation du personnel, le port d’un titre de
circulation et le panneautage.
L’interface port/navire peut être considérée comme une zone d’accès restreint181 et
c’est ce que préconise le Code des ports maritimes depuis 2007, qui prévoit qu’une zone
d’accès restreint est créée dans toute installation portuaire destinée entre autres à l’accueil des
portes conteneurs182.
Ainsi, se sont alourdies les responsabilités de l’opérateur de terminal en termes de
sûreté. Il lui incombera de se conformer aux nombreuses prescriptions du Code ISPS 183en
précisant tout de même qu’il n’aura cependant pas en principe à en supporter le coût. En
France, dès lors que des mesures ont pour objet la sûreté nationale, les frais qu’elles
engendrent pour leur mise en place ne seront pas supportés par l’entreprise qui en reçoit
l’obligation mais par l’Etat184.
Ici encore, la clarté et la précision devront être de rigueur dans la détermination des
limites et contours de l’installation portuaire, et de ses possibles zones d’accès restreint, pour
déterminer les moyens humains et matériels, et pour assurer correctement la sûreté des
installations portuaires.
181 Code ISPS, Partie B, Section 16 § 16.25, point 1 182 Art. R 321-31 du code des ports maritimes, modifié par Décret n° 2007-476 du 29 mars 2007 ; Art. 1 JOFR 183 Partie A du Code ISPS 184 CE Ass. 30 oct 1996, Mme Wajs, Req. n° 136071 et 142688, Rec. p. 387 ; CJCE 11 août 1995, Sté Dubois c/ Garonor exploitation, aff. n° C-16/94, Rec. p. I-2432
59
Si du point de vue de la sécurité et de la sûreté le passage sur terminal est
effectivement une phase à haut risque, cette affirmation se vérifie également en terme de
responsabilité pour l’exploitant de terminal qui s’engage, contractuellement à garder la
marchandise qui lui est confiée par le transporteur ou l’ayant droit à la marchandise.
60
TITRE 2
Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal à
conteneurs pour les dommages causés aux marchandises
Le passage en terminal est le « passage obligé » entre le bord et la terre pour le
déplacement des conteneurs par voie maritime. Il est l’occasion de la naissance de relations
contractuelles entre un exploitant de terminal et le transporteur ou l’ayant droit à la
marchandise.
Aborder l’étude de la responsabilité de l’exploitant de terminal, c’est d’abord constater
le manque profond d’unité des régimes juridiques qui leurs sont applicables. Après avoir
envisagé de manière non exhaustive les différents régimes qu’il serait possible d’appliquer,
nous centrerons notre étude sur le régime français de l’entrepreneur de manutention ainsi que
sur la Convention de Vienne du 19 avril 1991, sur la responsabilité des exploitants de
terminaux de transport dans le commerce international.
Si l’opérateur de terminal est susceptible de se trouver dans des situations juridiques
différentes et ce en fonction du rôle qu’il occupera dans la chaîne du déplacement du
conteneur (Chapitre 2), son intervention sera toujours liée à l’existence d’un conteneur qu’il
prendra sous sa garde. Se posent ici les problématiques classiques au droit des transports que
sont la « prise en charge », la « garde » et la « livraison » du conteneur (Chapitre 1).
Chapitre 1- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal à
conteneurs portuaire
Dès l’instant où le conteneur franchit l’entrée du terminal jusqu’au moment où il
franchit la sortie, l’opérateur de terminal en est juridiquement responsable. Sa phase de
responsabilité est marquée, de bout en bout, par les opérations de reconnaissance et de
contrôle du conteneur réalisées à l’entrée et la sortie du terminal (Section 1).
Pendant le séjour du conteneur sur terminal, l’opérateur réalisera sous sa
responsabilité, les opérations de gerbage et d’arrimage du conteneur sur le parc, la prise de
mesures particulières propres à la nature de la marchandise, la garde du conteneur ainsi que
son déplacement à l’intérieur du terminal (Section 2).
61
Section 1- La phase de responsabilité
La période de responsabilité de l’opérateur de terminal doit être délimitée avec
précision, car elle sera capitale pour la détermination des responsabilités de chacun des
intervenants au transport.
A l’export, l’exploitant de terminal intervient, en général, après un pré-transport
routier et avant un transport maritime. La partie qui livre le conteneur au terminal sera le
chargeur ou, plus généralement, le transporteur routier agissant soit pour le compte du
chargeur soit pour le compte du transporteur maritime185. La marchandise sera ensuite remise
au transporteur maritime.
A l’import, il interviendra après un transport maritime et avant un post acheminement
par voie terrestre. La partie qui livre le conteneur sera généralement le manutentionnaire
chargé des opérations de déchargement du navire par le transporteur maritime. L’opérateur de
terminal livrera la marchandise au destinataire ou au transporteur routier.
La prise en charge et la livraison sont les deux bornes du contrat passé avec l’opérateur
de terminal pour la garde de conteneurs sur parc. Critères abstraits, sans définition légale, ils
permettent d’avoir une certaine souplesse. Les acteurs du transport pourront alors s’entendre
contractuellement sur les limites de leur prestation.
Si les litiges sont plutôt rares à la prise en charge, ils sont nombreux au moment de la
livraison. Nous envisagerons d’abord l’étude de la prise en charge (I) avant celle de la
livraison (II).
I. De la prise en charge du conteneur à l’entrée sur terminal
Notion phare du droit des transports, la prise en charge marque le début de la
responsabilité de celui à qui la marchandise est confiée. Si la prise en charge de la
marchandise implique que l’opérateur en devient juridiquement le responsable, elle implique
185 Selon que le pré-transport est du « merchant haulage » ou du « carrier haulage »
62
corrélativement la réalisation d’un certain nombre d’opérations physiques (A) pour que celui
qui en prend la charge puisse préserver sa responsabilité en cas de dommages antérieurs (B).
A. Compréhension de la notion et opérations pratiques
L’opérateur qui prend en charge un conteneur, en devient juridiquement responsable.
Cette prise en charge est consécutive à l’accomplissement de plusieurs opérations de
contrôle. A l’entrée du conteneur sur terminal, l’opérateur a pour mission de recevoir et
reconnaitre la marchandise. Pour ce faire, il procède au pointage et à l’examen extérieur des
conteneurs. Car si le transporteur maritime est censé vérifier le contenu du conteneur, et qu’il
a la faculté de procéder à son ouverture à tout moment pour vérifier l’état de la marchandise,
l’opérateur de terminal n’a pas cette faculté. Le transporteur qui accepte délibérément de ne
pas procéder au contrôle de la marchandise empotée, accepte implicitement de faire confiance
aux déclarations du chargeur sur le document de transport. Le transporteur peut décider de
taxer le fret en fonction de la nature de la marchandise. En revanche, l’opérateur,
généralement payé « à la boite », n’a pas la liberté de décider de l’ouverture d’un conteneur. Il
a pour mission de restituer le conteneur dans l’état dans lequel on lui a confié. L’opérateur
ignore donc le nombre, l’état et le poids des colis contenus dans les conteneurs dont il a la
charge. Il devra prendre soin de le rappeler dans les documents de prise en charge ou de sortie
de terminal qu’il utilise. Ces observations ne seront à l’évidence pas valables si l’opérateur de
terminal procède lui-même à l’empotage du conteneur sur terminal.
Hors le cas particulier de l’empotage sur terminal, l’opérateur de terminal procède
uniquement au contrôle des structures du conteneur. Il notera toutes les anomalies
susceptibles de faire courir un risque à la marchandise contenue à l’intérieur. Il faut ici
réserver le cas du plancher qui, on l’admet, est difficile voire impossible à contrôlé selon le
type de remorque utilisé pour l’acheminement du conteneur au terminal. Un contrat type
pourra très bien prévoir une clause d’exonération de l’exploitant de terminal pour les
dommages dont il ne pouvait raisonnablement vérifier l’existence.
S’agissant des structures que l’opérateur peut raisonnablement contrôler, il doit par
exemple signaler un trou qui pourrait être la cause d’un dommage de mouille, un enfoncement
ou encore une déformation d’un côté du conteneur qui sont le signe que le conteneur a subi
des chocs violents ayant pu endommager la marchandise. Le mauvais état général du
63
conteneur doit également être mentionné, et ce même s’il est manifestement bien antérieur au
voyage en cause.
En plus des structures du conteneur, l’opérateur devra vérifier qu’il n’existe pas de
traces de coulage attestant de dommages à l’intérieur ou encore de traces de boue visibles
impliquant que le conteneur est resté plusieurs jours dans une flaque d’eau, avec un dommage
potentiel de mouille pour la marchandise. Le réceptionnaire du conteneur devra également
vérifier l’état des pièces dépassant d’un conteneur hors norme. Un examen attentif de la bâche
sera nécessaire pour déceler une possible anomalie.
Le conteneur qui ne répond plus aux normes de sécurité, sera isolé pour subir les
réparations nécessaires.
Pour un examen rigoureux du conteneur, le terminal devra posséder de moyens de
contrôle adaptés pour permettre à celui qui livre le conteneur de constater contradictoirement
avec l’opérateur de terminal les dommages au conteneur. Ainsi, on trouvera des passerelles
surélevées pour avoir une vue d’ensemble du conteneur et permettre un examen de son toit et
de ses points ISO. On ne pourra reprocher au transporteur routier de ne pas procéder au
contrôle lorsque les moyens offerts par le terminal sont précaires voire inexistants.
Aujourd’hui, de nombreux terminaux sont équipés de machine scannant les conteneurs à leur
arrivée sur parc. Le conteneur est pris sous plusieurs angles et le contrôle des images
numériques se fait à partir des bureaux de l’opérateur. Cette technique est un gain de temps et
de main d’œuvre.
Dans tous les cas, l’opérateur prendra soin de vérifier l’état et le numéro de plomb
avec celui indiqué sur le titre de transport. Si le conteneur est déplombé, il devra
immédiatement le replomber, pour éviter que sa responsabilité ne puisse être ultérieurement
recherchée pour des événements antérieurs à sa prise en charge186.
L’efficacité de ce contrôle à la prise en charge pourra être déterminante pour la mise
en jeu de la responsabilité de l’opérateur de terminal.
Cependant, en pratique les contrôles manquent en général d’assiduité et seuls les
dommages apparents seront signalés. Les causes sont multiples mais toutes rattachées au
maître mot de la réalisation d’économies. Le transport conteneurisé se caractérise par la
rapidité des rotations. La préoccupation de tous les intervenants au transport est de soutenir la
cadence des déchargements des navires, et ce au détriment d’un contrôle rigoureux. Ajouter à 186 CA Paris 30 novembre 1993, BTL 1994.106
64
cela, le coût financier et salarial du contrôle des conteneurs peu compatible avec le forfait de
passage sur terminal. Mais ces réalités ne sont que de pures données économiques et seront
sans effet lorsque le moment de la détermination des responsabilités de chacun dans un litige
viendra. D’où l’intérêt d’une bonne traçabilité des contrôles dans la chaîne des transports.
Le fait que l’exploitant de terminal soit aussi le manutentionnaire qui procède au
déchargement du navire n’est pas une garantie suffisante. Il est vraisemblable que le contrôle
des conteneurs au moment du déchargement soit encore plus théorique que celui réalisé à
l’entrée sur terminal, au regard aux cadences difficiles du déchargement des navires.
Dès lors que l’entreprise de manutention et l’opérateur de terminal sont des entités
juridiques différentes et même si l’une est filiale de l’autre, les responsabilités de chacune
sont susceptibles d’être différentes et les polices d’assurance qui les couvrent également.
C’est la raison pour laquelle, chacun des intervenants doit procéder avec soin au contrôle des
conteneurs.
Le moment important de la prise en charge est logiquement matérialisé par un
document qui atteste que le conteneur entre juridiquement sous la garde d’un nouvel
intervenant de la chaine de transport. Les compagnies maritimes recommandent l’utilisation
d’imprimés préétablis dans un but de normalisation, de rapidité et d’efficacité. Ces fonctions
seront en général remplies par le procès-verbal de prise en charge ou « Equipement
Interchange Report » qui atteste de l’entrée comme de la sortie du terminal.
Il est essentiel que le document de prise en charge soit le plus explicite possible. La
pratique, nous le verrons, manque cependant de rigueur. Ajouter à cela la place grandissante
que prend l’informatique dans le suivi de la chaîne de transport, au point que dans plusieurs
terminaux, il n’y a plus d’E.I.R lors de l’arrivée des conteneurs sur terminal. Les informations
sont directement saisies dans le système informatique que l’entreprise a en commun avec le
transporteur maritime.
Les responsabilités éventuelles seront déterminées par différence entre l’état à la mise
en service du conteneur et l’état vérifiée à l’entrée du terminal. Si les défauts du conteneur ne
sont pas relevés sur le document de prise en charge, l’opérateur encourt le risque de voir sa
responsabilité engagée pour ces anomalies qui sont pourtant antérieures à son intervention.
D’où l’intérêt pour l’exploitant de constater avec le plus de précision et de clarté possible
l’état du conteneur qui lui est remis et de procéder à toutes les vérifications possibles et
65
raisonnables, pour accepter de prendre en charge le conteneur et la marchandise qu’il contient,
le cas échéant qu’en y apposant des réserves.
B. La prise de réserves à la prise en charge
La prise de réserves est une protection juridique efficace pour l’opérateur chaque fois
que le conteneur est endommagé ou que le contrôle effectué laisse présager un dommage
certain de la marchandise contenue à l’intérieur. Dans l’hypothèse où le conteneur serait
déplombé ou que le numéro ne correspondrait pas au numéro d’origine, l’opérateur de
terminal émet une réserve au bordereau de livraison.
L‘effet des réserves est différent selon le type de responsabilité qui pèse sur
l’opérateur de terminal. En droit français, pour les opérations de reconnaissance à terre des
marchandises et de leur gardiennage dans des emplacements réservés à ces effets, il pèse sur
l’opérateur une responsabilité dite de plein droit187. La prise de réserve à la prise en charge
aura pour effet de renverser la charge de la preuve et de détruire la présomption de conformité
des marchandises aux énonciations du document de transport.
Si l’exploitant ne prend pas de réserves sur le récépissé de dépôt, il sera présumé avoir
reçu la marchandise en bon état, telle que décrite au connaissement188. La présomption qui
pèse sur l’exploitant ne saurait cependant être une présomption irréfragable. Il appartiendra à
l’exploitant, qui entend mettre en jeu la responsabilité du transporteur maritime ou routier,
d’en rapporter la preuve concrète malgré l’absence de réserve à la prise en charge, mais la
preuve en sera d’autant plus difficile. La simple démonstration de son absence de faute, de
l’année avancée de construction du conteneur, du fait que des réserves antérieures aient été
prises pour ce même conteneur, ou encore des imperfections du conteneur signalées à la sortie
du terminal sont inopérantes en l’absence de réserves utiles en temps et en heure. En
revanche, dès lors que le transporteur prendra ensuite en charge ce même conteneur sans
réserve, le recours contre l’exploitant pour des vols constatés à destination sera quasi
impossible189.
187 D. n° 66-1078, 31 décembre 1966, art. 80 188 Cass. Com. 17 janvier 1995, BTL 1995, p. 384 189 CA Aix-en-Provence, 2e ch., 2 mai 1991, UAP c/ Zim Israël et a., Lamyline pour un conteneur pris en charge par le transporteur routier ; CA Rouen, 2e ch. civ., 26 nov. 1998, DMF 1999, p. 327, pour un conteneur pris en charge par le transporteur maritime
66
Pour être efficaces, les réserves devront être claires, précises et motivées. Les réserves
devront viser un défaut précis et désigner les causes ou manifestations du désaccord avec les
déclarations de celui entre les mains duquel l’opérateur reçoit la marchandise. A l’inverse,
seront inefficaces les réserves dites « de style », de formulation générale et non motivées.
Si le principe est clair, la pratique démontre un manque certain de rigueur dans la prise
de réserve. Le trafic conteneurisé a donné un nouveau regain au problème des clauses de
style.
Dans une logique de normalisation et de gestion efficace des entrées et sorties de
conteneurs du parc, les opérateurs ont simplifié la transcription de leur contrôle lors de la
prise en charge à de simples croix sur un croquis aux endroits où le conteneur est endommagé.
La pratique de ces imprimés a été consacrée par l’usage. Le plus souvent, ces imprimés
codifient, par des lettres ou des chiffres, le type d’avarie observée et son importance. Ce
codage est utile pour connaitre, au vue de l’importance de la défectuosité du conteneur, le
risque potentiel d’avaries de la marchandise qui y est empotée. Les croix, tout comme les
lettres ou les chiffres, portés au document ne sauraient être regardées comme des réserves, en
ce qu’elles ne sont en rien précises et motivées. Elles pourront au mieux exprimés une réserve
dans le cadre d’accords entre participants à un même contrat mais jamais à l’égard de tiers.
Elles doivent nécessairement s’accompagner de commentaires précis.
Cette simplicité en ferait presque oublier l’importance juridique de la prise en charge
de conteneurs à l’entrée sur terminal. Les contrôles physiques effectués par le personnel du
terminal, aussi importants soient ils, ne sauraient utilement préserver leur responsabilité, en
l’absence de réserves claires, précises et motivées.
II. A la livraison
De manière symétrique à la prise en charge, la « livraison » marque la fin de la période de
responsabilité de l’opérateur de terminal et s’accompagne d’opérations de contrôle (B). En
revanche, à l’inverse de la prise en charge, ce sont les nouveaux responsables des conteneurs
qui veilleront à signaler toute anomalie par la prise de réserves (B).
67
A. Compréhension de la notion
Notion phare du droit des transports, la livraison a, en France, longtemps fait débat.
Elle a pour effet de mettre fin au contrat de l’opérateur de terminal et donc à sa responsabilité.
Longtemps la jurisprudence a considéré la livraison comme une opération juridique.
Adoptant une conception documentaire, les juges considéraient que la livraison avait lieu par
le simple accomplissement des formalités documentaires par l’ayant droit190. Après de
nombreuses critiques qui opposaient le fait qu’il ne pouvait y avoir livraison en l’absence de
tout contrôle du destinataire, les juges ont rallié une conception matérielle191. Ainsi, la
livraison peut se définir comme la remise matérielle de la marchandise, par celui qui en a la
garde, à l’ayant droit, ce dernier devant être en mesure d’en prendre possession, de vérifier
son état et de prendre toute réserve utile. La notion s’apprécie ainsi au cas par cas par les
juges, en fonction du type de transport en cause, des spécificités techniques propres à la
manutention de telle marchandise, ainsi que des particularités géographiques et
administratives de chaque port. Ni la simple reconnaissance de la marchandise, ni la simple
remise du document de transport ne suffit à caractériser un transfert de détention192.
La mise en pratique du principe de livraison juridique et matérielle ne se révèle pas
sans difficulté d’autant que l’on retrouve à la livraison les mêmes contraintes de temps et de
rendement qu’à la prise en charge.
Si l’entreposage a lieu à l’export, l’opérateur livrera les conteneurs qu’il aura reçus du
chargeur, au navire où à l’entrepreneur de manutention que le transporteur maritime aura
désigné. Dans ce cas, la liste des conteneurs prévus pour l’embarquement lui est fournie
suffisamment à l’avance pour qu’il soit en mesure de mettre les conteneurs à disposition. Ce
préavis sera variable selon les moyens dont le terminal dispose et pourra être négocié. Le
terminal a intérêt à suivre les cadences de chargement des navires pour être au mieux
compétitif. Certains contrats entre transporteur maritime et opérateur de terminaux
contiennent même un engagement de rendement journalier.
La livraison se fera après un contrôle contradictoire des conteneurs en sortie de
terminal. En pratique, un tel contrôle ne sera possible que s’il est réalisé préalablement à la
sortie effective du terminal, dès réception de la liste de chargement. Seront ainsi réalisés en
190 Aix, 13 mars 1987, DMF 1989.123, note P. Bonassies 191 Cass. Com. 17 novembre 1992, navire Rolline, DMF 1993.563, note P. Bonassies 192 Andrée Chao, « Livraison maritime, une notion fixe dans un espace variable », BTL 1994, n° 2574, du 4 juillet 1994, p. 516
68
simultané la localisation des conteneurs, leur reconnaissance et leur préparation en vue de leur
sortie.
En tout état de cause, la livraison ne sera possible qu’une fois la marchandise
dédouanée. Les formalités douanières autorisant l’exportation doivent être préalablement
accomplies par le chargeur ou son représentant. A l’export, l’opérateur de terminal autorise la
livraison uniquement après avis des autorités douanières, lorsqu’il reçoit un bon à embarquer
de la douane. Si le passage sur terminal est un import, le destinataire ou son représentant
remet à l’opérateur de terminal le bon à enlever de la douane attestant que les formalités
douanières ont été accomplies.
Il est rare que l’opérateur de terminal sache à quelle date l’ayant droit à la marchandise
viendra la récupérer. Il ne sait pas non plus à quelle date l’ayant droit accomplit auprès du
transporteur maritime ou de son agent les formalités nécessaires l’autorisant à prendre
livraison. Il sera simplement informé de la qualité de l’ayant droit au moment où celui-ci lui
présentera au terminal le document attestant de ses droits.
Pour être en cohérence avec la conception matérielle de la livraison, la marchandise
sera réputée livrée une fois le conteneur mis à la disposition de l’ayant droit, et une fois la
reconnaissance du conteneur par les deux parties terminée. Ainsi, la date de livraison
coïncidera avec la date du contrôle de l’état du conteneur, réalisé contradictoirement.
Il est ainsi exigé de l’opérateur de terminal qu’il mette le destinataire ou son
représentant en mesure de procéder au contrôle du conteneur. S’il ne peut être réalisé en
raison de l’inaccessibilité du conteneur ou qu’il ne peut être réalisé sans risque pour la
sécurité, la livraison ne saurait être effective. Il doit assurer un environnement sécurisé et dans
le délai prévu pour la livraison, lorsqu’un délai est prévu au contrat de transport.
L’ayant droit à la marchandise et l’opérateur de terminal vérifient l’aspect extérieur du
conteneur, l’intégrité du plomb ainsi que la température s’il s’agit d’un conteneur frigorifique.
Lorsque le conteneur est ensuite acheminé via un autre moyen de transport jusqu’à
destination finale, le transporteur, routier en général, procède à son tour au contrôle extérieur
du conteneur, du plomb et de la température si nécessaire. Le transporteur routier signe le
bordereau de livraison et sa reconnaissance vaut décharge définitive de l’opérateur de
terminal.
Les observations du contrôle réalisé contradictoirement sur terminal sont consignées
sur le bon de livraison. Le document sera daté et signé par les deux parties.
69
Ce moment charnière devra faire l’objet de toute l’attention de l’opérateur et la plus
grande vigilance doit être apportée à la rédaction du document attestant la livraison car il est
la preuve de l’état dans lequel le conteneur a été livré.
B. La prise de réserves à la livraison
A la livraison, la prise de réserve ou non par le destinataire ou le transporteur maritime
déterminera le sort de la responsabilité de l’opérateur pour le reste du transport. Si la livraison
se fait sans réserve, tout recours ultérieur contre l’opérateur de terminal sera normalement
voué à l’échec. En revanche, si des réserves sont formulées à son encontre au moment de la
livraison, il sera présumé avoir causé les dommages constatés et pourra difficilement échapper
à sa mise en cause.
Si des réserves sont émises à la sortie du terminal par le destinataire et qu’elles ne
l’avaient pas été par l’opérateur de terminal au moment de la prise en charge, il sera présumé
responsable pour ces dommages.
Il est important que l’opérateur de terminal se limite aux réserves éventuelles prises à
l’entrée sur terminal du conteneur.
A l’import, le destinataire formulera en général ses réserves au transporteur maritime.
L’opérateur de terminal informe dans tous les cas son donneur d’ordres des réserves émises
sur le bon à livraison.
A destination, il n'est pas rare que le destinataire, le chargeur ou encore le « notifié »
demande qu'il soit autorisé à procéder à l'échantillonnage de la marchandise sur terminal
préalablement à sa livraison. Si la procédure est autorisée par l’opérateur maritime, le
requérant s’engage à prendre à sa charge tous les frais qui pourraient résulter de l’opération.
70
Section 2- Les prestations réalisées par l’opérateur sur le terminal
L’opérateur de terminal a vocation à assurer la garde de millions de conteneurs chaque
année. Cela implique une gestion efficace du parc et un professionnalisme dans
l’accomplissement des prestations effectuées sur conteneur durant leur séjour sur le terminal
(I). Il serait réducteur de penser que le conteneur est préservé de tous risques. Si cette
« boîte » d’acier a une structure robuste et que ses dimensions normalisées permettent une
manutention plus facile, un conteneur sur parc reste sujet à de nombreuses menaces
extérieures (II).
I. Séjour du conteneur sur terminal
Le conteneur pris en charge par le terminal devient sous la garde de l’opérateur de
terminal. En pratique, cela signifie que le conteneur séjourne sur terminal.
A son arrivée, le conteneur sera d’abord manutentionné pour être positionné sur le parc (A).
Une fois positionné, l’opérateur aura l’obligation de veiller au bon déroulement de
l’entreposage (B), à défaut de quoi sa responsabilité pourrait être engagée.
A. Les opérations de manutention et de positionnement sur terminal
A l’arrivée du conteneur, l’opérateur effectue le déchargement et le positionnement sur
le parc de stockage. La manutention à l’entrée du terminal et le gerbage du conteneur sont
effectués sous sa responsabilité.
En pratique, c’est souvent un seul et même entrepreneur qui assurera le déplacement
du conteneur du navire vers le terminal et le déplacement à l’intérieur du terminal, même si
juridiquement, le premier est sous la responsabilité de l’entrepreneur de manutention et non
de l’opérateur de terminal.
En tout état de cause, l’endroit où le conteneur est déposé est désigné par l’opérateur
de terminal qui doit s’assurer de la bonne exécution de ses instructions.
Le suivi des conteneurs sur parc est aujourd’hui complètement informatisé, l’opérateur de
terminal devant être à même de savoir à tout moment où se trouve tel conteneur, dans quelle
travée. Ainsi, dès l’arrivée du conteneur sur terminal, le chariot cavalier qui le prend en
71
charge recevra en direct l’information de son emplacement. Tout changement de
positionnement pendant la durée de stationnement sera signalé.
Le levage des conteneurs s'effectue à partir des 4 pièces de coins supérieures à l'aide
des verrous tournants (« twist locks ») qui s'y engagent. De nombreux engins peuvent réaliser
le levage. Leur point commun est la présence d'un cadre rectangulaire portant les « twist
locks » appelé selon les ports, le « spreader » ou « palonnier » ou encore « plafonnier ». Sur
les quais maritimes, on retrouve des portiques, des élévateurs à flèche, ou encore des grues
mobiles qui assurent les transbordements et les déplacements. Les chariots cavaliers
(« straddle-carrier »), très hauts et très mobiles assurent le gerbage.
Pour optimiser l’utilisation des zones de stockage, les conteneurs sont gerbés sur
plusieurs hauteurs. Si nécessaire, des « twist locks » doubles sont placés entre chaque
conteneur gerbé et assurent la rigidité de l'ensemble.
Les marchandises sont positionnées selon un plan de stockage des conteneurs réalisé
en fonction de critères propres à chaque terminal. L’idée directrice est de disposer les
marchandises dans un ordre précis de façon à les appréhender et à les reconnaître rapidement
à l’arrivée du navire ou de l’ayant droit, tout en assurant leur sécurité193.
Les conteneurs sont classés en fonction de leur destination et de leur type.
Selon la nature de la marchandise, un positionnement particulier est également prévu. Pour les
conteneurs frigorifiques, des zones équipées de branchements électriques sont prévues pour
permettre d’assurer une fourniture de froid continue. Pour les marchandises dites dangereuses,
des emplacements sont également prévus, en général en périphérie de terminal. La législation
s’est durcie en la matière et prévoit que le non-respect des règles de manutention et
d’entreposage des matières dangereuses applicables aux matières dangereuses est puni de
deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende194.
En tout état de cause, les conditions de stockage des marchandises devront respecter
les prescriptions générales de la réglementation portuaire, comme les prescriptions
particulières qui lui ont été imposées pour l’entreposage de la marchandise. L’opérateur de
terminal qui ne s’y conforme pas et qui ne respecte pas la distance de sécurité prescrite pour
l’entreposage d’une marchandise sera responsable des dommages occasionnés195.
193 Cette phase est appelée « allotissement » 194 Art. L. 342-1 du code des ports maritimes 195 CA Aix-en-Provence, 24 avr. 1986, Ass. générales sénégalaises c/ Chargeurs maritimes et a., Lamyline
72
Par mesure de sécurité, les conteneurs sont placés porte contre porte si le terminal ne
dispose pas de moyens au sol empêchant l’ouverture des portes. La distance porte à porte
devra permettre à une personne d’opérer les contrôles sans permettre l’ouverture entière des
portes. La disposition du parc sur terminal peut être un facteur d’augmentation ou de
diminution des risques de vols ou de dommage.
Le stationnement sur terminal ne saurait être illimité dans le temps. L’entreposage
représente un coût financier et de main d’œuvre. L’article L 333-1 du Code des ports
maritimes interdit de « laisser les marchandises séjourner sur les quais, terre-pleins et
dépendances d'un port maritime au-delà du délai prévu par le règlement général de police ou,
si le délai prévu est plus long, par le règlement particulier ». A expiration de ce délai, les
marchandises peuvent être enlevées d'office aux frais et risques de leur propriétaire, et à la
diligence des officiers de port.
B. La garde du conteneur sur terminal
La garde du conteneur constitue la responsabilité principale de l’opérateur de terminal.
Le manutentionnaire doit apporter tous les soins nécessaires à la conservation de la
marchandise. Selon le type de marchandises, l’accomplissement de ses obligations le mèneront à
s’acquitter de certaines tâches, liées aux spécificités des diverses marchandises. Elles sont
généralement précisées dans les contrats passés avec les armateurs ou les intérêts marchandise,
selon les termes de leur intervention. Les tâches les plus détaillées concernent logiquement les
conteneurs « reefers », compte tenu des risques inhérents à la marchandise sous température
dirigée. Ainsi, l’opérateur de terminal pourra être contractuellement tenu de vérifier les
températures des conteneurs frigorifiques durant leur séjour sur parc196. Il doit alors procéder au
branchement et débranchement du conteneur au moment du stockage, vérifier en outre le bon
fonctionnement du groupe frigorifique, surveiller et relever les températures à intervalles
réguliers, transmettre les données au transporteur maritime et enfin lui signaler immédiatement
toute anomalie.
Au titre de prestation supplémentaire, les opérations d’empotage et de dépotage
pourront être réalisées sur terminal. L’opérateur vérifie alors l’état du conteneur mis à sa
196 CA Rouen, 2ème ch., 21 fév. 2002, GMP c/ P&O Nedlloyd, BTL 2002, p. 371; T. com. de Marseille, 13 fév. 2007, n° 2005F05218, Groupama c/ CMA CGM et a., BTL 2007, p. 482
73
disposition pour réaliser l’empotage et s’assure que la quantité de marchandise déclarée par le
chargeur est exacte. Il décide ensuite d’un plan de chargement qui tiendra compte à la fois des
règles d’arrimage, du poids total de la marchandise et de la charge utile autorisée. Une fois
l’empotage terminé, il plombe le conteneur et relève le numéro de plomb scellé.
S’il réalise cette opération, il ne pourra pas dans ce cas invoquer l’absence de connaissance de
la nature ainsi que de la quantité de la marchandise contenue dans le conteneur.
II. L’occurrence des dommages à la marchandise sur terminal
Plusieurs incidents sont susceptibles de se produire sur terminal. Un conteneur pourra
être abimé par un engin de manutention ou lors d’une manœuvre de manutention, mais il
pourra encore être pillé ou voir la température prescrite non respectée.
Les jurisprudences sont intervenues pour préciser la responsabilité de celui qui a la
garde de la marchandise, en fonction de ses missions. Tenu d’une obligation de sécurité, de
soin et de diligence, l’opérateur devra mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour
préserver la sécurité des conteneurs sur son parc (A), il devra aussi faire preuve de diligence
dans l’accomplissement de sa mission de garde et opérera un examen vigilant de la
marchandise qui lui a été confiée (B). L’opérateur qui n’agira pas en bon professionnel
conformément aux intérêts de ses mandants pourra être sanctionné.
A. Manquement à son obligation de sécurité
Ne respecte pas son obligation de sécurité, et engage sa responsabilité, l’opérateur qui
n’observe pas les mesures minimums de sécurité lors du positionnement des conteneurs (porte
contre porte, espace restreint entre les conteneurs, etc.), l’opérateur qui laisse la marchandise
« sensible » sans surveillance ou encore celui qui traite les marchandises dangereuses comme
des marchandises ordinaires.
Même dans l’hypothèse où l’opérateur prendrait toutes les mesures appropriées pour
préserver sa responsabilité, et en particulier s’il fait des réserves dès la constatation de
74
l’avarie, il pourra toujours se voir reprocher le caractère imparfait des conditions de stockage
et d’entreposage197.
Lorsque des déformations de la structure du conteneur sont signalées ou que le
conteneur est endommagé et n’est plus « spreadable », l’opérateur doit isoler ce conteneur.
S’il laisse le conteneur sur parc et que celui-ci cause ensuite un dommage à un autre
conteneur, à une machine de manutention, il commet une faute.
Les vols sur terminaux sont aujourd’hui beaucoup moins nombreux eu égard aux
progrès réalisés dans la conception des plombs de conteneurs et au renforcement des mesures
de sécurité préventives. Néanmoins, si un vol se produit, il est toujours susceptible d’engager
la responsabilité de l’entrepreneur qui ne se sera pas prémuni contre ces risques voire qui les
aura augmentés. En effet, il pourra lui être reproché le manque de moyens mis en œuvre pour
assurer la sécurité de son terminal mais aussi l’absence de mesures conservatoires suite à la
constatation d’un pillage de conteneurs. La responsabilité de l’opérateur sera appréciée
différemment selon les conditions d’accès au terminal et la périodicité des rondes.
Ainsi, il doit être vigilant et signaler toute anomalie susceptible d’indiquer qu’un vol a
eu lieu. La principale indication sera la présence d’un plomb non conforme. L’intégrité d’un
plomb tend à prouver que le conteneur n’a pas été ouvert.
Lorsqu’un conteneur est trouvé déplombé, l’opérateur a l’obligation d’apposer un
nouveau plomb, pour éviter de nouveaux vols. Il avisera, dans le même temps, son assureur
ainsi que le déposant ou l’ayant droit pour qu’il soit procédé à un constat contradictoire.
L’opérateur qui ne procède pas à l’apposition de nouveaux scellés dès l’absence de plomb
détecté, commet une faute caractérisée par un manquement à son obligation de sécurité198.
Les juges déclarent systématiquement l’opérateur responsable lorsqu’il remet un
conteneur démuni de son plomb d’origine, en l’absence de réserves199. L’opérateur qui
explique qu’il s’est simplement contenté de reporter sur l’ « outturn report », le numéro de
plomb mentionné au connaissement200, verra son argument rejeté. L’opérateur qui ouvre un
197 CA Aix-en-Provence, 19 fév. 1986, Caillaud et Cie et a. c/ divers ass., Lamyline 198 Cass. com., 7 fév. 1995, n° 92-21.102, BTL 1995, p. 145; CA Rouen, 2ème ch. civ., 4 fév. 1993, GIE Gamac c/ Sagatrans eta., Lamyline 199 CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 4 déc. 1992, Ass. pour le transit et le transport et a. c/ Intramar et a., Lamyline 200 CA Rouen, 8 déc. 1998, DMF 2000, p. 118
75
conteneur et le dépote sans préserver sa responsabilité, ne pourra rapporter de preuve
suffisante pour écarter sa mise en cause en cas de manquants constatés à destination201.
Beaucoup plus fréquentes sont les mises en cause de responsabilité pour manquement
à son obligation de diligence et de soins.
B. Manque de diligence et de soins
Les dommages aux conteneurs entreposés sont la première cause d’incidents sur
terminal. Le dommage au conteneur peut être causé par la manœuvre du conteneur lui-même,
par la manœuvre d’un engin de manutention qui vient butter contre le conteneur ou encore par
la manœuvre d’un autre conteneur venant heurter le premier.
L’incident entraîne la responsabilité de son auteur. Dès l’occurrence de l’accident, l’opérateur
devra immédiatement aviser sa compagnie d’assurance et en informer le déposant ou ayant-
droit en vue d’un constat contradictoire voire d’une expertise. Si les manœuvres ont été
réalisées par un tiers, par exemple le transporteur routier, l’opérateur prendra soin de
préserver son recours contre ce tiers responsable en lui formulant ses réserves.
Pour les marchandises qui nécessitent un transport sous température dirigée, le
chargeur indique précisément au document de transport que la marchandise doit être
transportée sous température dirigée, la température exigée et s’il s’agit de degré Celsius ou
Fahrenheit. Ces indications seront reportées sur tout document de suivi et prise en charge du
conteneur et le maintien à la température exigée fait parti du contrat de transport. L’opérateur
de terminal sera responsable si la température prescrite n’est pas respectée alors que le
conteneur se trouvait sous sa garde.
Plusieurs causes peuvent être à l’origine de l’augmentation ou de la chute de la
température fournie. Il pourra s’agir d’une défaillance de système d’alimentation propre au
terminal, mais aussi d’une erreur de réglage de la température ou encore d’un acte de
malveillance, d’un défaut de surveillance ou d’une négligence. Dans toutes ses hypothèses,
l’opérateur prendra soin d’en aviser le déposant ou l’ayant-droit et de prendre toutes les
mesures qui s’imposent202.
201 CA Aix-en-Provence, 4 fév. 1986, Escoffre c/ Nedlloyd Lijnien BV et a., Lamyline 202 P. Emo et C. Tinel, Terminal à conteneurs portuaire, Guide pratique et juridique des opérations réalisées sur terminal, ed. Celse Paris, 1997
76
En revanche, l’opérateur ne saurait être tenu responsable des dommages causés par la
défaillance du système de régulation de la température du conteneur dès lors qu’il prend toute
les mesures pour palier le plus rapidement à ce problème en dépotant et réempotant la
marchandise dans un autre conteneur après en avoir au préalable avisé les parties concernées.
En pratique, c’est souvent en constatant l’état des marchandises à destination que le
problème de température est révélé. Ainsi, les transporteurs qui se voient reprocher le non
respect des températures prescrites, vérifient les relevés de températures ou « dataloggers » et
si les coupures ont eu lieu sur terminal, ils se retournent contre le terminal.
Autre manquement à son obligation de soin et de diligence sanctionné par les juges,
« l’omission de prendre les mesures permettant de chiffrer rapidement le montant des
dommages et d’en limiter l’étendue » alors qu’il n’avait pas déposé de réserve valable à
l’égard de son mandant. Cela paraît impliquer une obligation de procéder au dépotage du
conteneur pour en pointer le contenu avec la liste de colisage203.
Les juges ont également pu ajouter au titre des obligations du gardien de la
marchandise, une obligation d’information à l’égard des autorités portuaires et de ses clients.
Ainsi, l’opérateur qui n’informe pas ses clients des risques encourus par la marchandise
entreposée sur terminal en raison des grèves par exemple, engage sa responsabilité204.
Les réserves s’imposent dès lors que le conteneur est déplombé, enfoncé ou
simplement ouvert205.
S’il a procédé à l’empotage sur terminal, l’opérateur de terminal sera présumé
responsable des manquants constatés à destination lorsque le conteneur est livré portes
fermées et plomb conforme. Il le sera également lorsque les dommages sont consécutifs à un
mauvais arrimage de la marchandise à l’intérieur du conteneur. En tout état de cause, il sera
responsable de toute avarie même antérieure à l’empotage s’il n’a pas pris de réserve lors de
la prise en charge.
Les questions des fonctions et responsabilités de l’opérateur de terminal envisagées, il
s’agit maintenant se savoir quel régime juridique lui sera applicable.
203 CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 4 avr. 2001, SA Plissonneau c/ Mutuelles du Mans, DMF 2002, p. 325 ; T. com. Marseille, 10 sept. 1993, Cie Allianz Via Assurance c/ CMA, BTL 1993, p. 648 ; CA Aix-en-Provence, 10 nov. 1988, BT 1989, p. 623 204 CA Rouen, 2e ch. civ., 26 juin 1997, Juris-Data n° 1997-057518 205 CA Rouen, 2e ch. civ., 4 fév. 1993, Juris-Data n° 1993-041512
77
Chapitre 2- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal
Alors que les opérateurs de terminaux font partie intégrante des chaines de transport
internationales et que la tendance est à l’uniformisation de l’activité, leur régime de
responsabilité peut varier d’un pays à un autre (Section 1). Quel paradoxe pour une activité
qui connait aujourd’hui la globalisation et la concentration, que de se trouver sujette aux
« aléas » des législations locales dans lesquels ces grands groupes installent leur activité.
C’est bien ce qui est apparu aux Nations Unies qui ont créé une convention
internationale sur la responsabilité de l’exploitant de terminal. Ce projet a vu le jour en 1991
mais n’est toujours pas entrée en vigueur 206(Section 2).
Section 1 – Les régimes actuels de responsabilité
Il n’existe pas à ce jour de régime juridique de responsabilité uniforme applicable aux
opérateurs de terminaux, aucun texte juridique ne définissant d’ailleurs le terme d’ « opérateur
de terminal ». Ce qui caractérise l’activité c’est la multitude des régimes potentiellement
applicables à la responsabilité de l’opérateur (I). En France, on appliquera généralement à
l’opérateur de terminal le régime juridique de l’entrepreneur de manutention (II).
I. Multiplicité des régimes applicables
Aucune convention internationale ne réglementant de manière impérative les phases
ante et post transport, chaque Etat applique aux phases terrestres du transport maritime sa
législation interne(A).
Le terme d’ « opérateur de terminal », n’ayant pas de définition claire et uniforme, il
pourra se voir appliquer différents régimes juridiques empruntés à d’autres auxiliaires de
transport selon le rôle qui aura été le sien lors de la chaîne d’acheminement du conteneur (B).
206 Texte entier de la Convention à l’Annexe 3
78
A. Absence d’uniformité des régimes d’un port à l’autre
Le droit maritime international n’envisage pas les prestations réalisées sur terminal
comme faisant partie intégrante du contrat de transport maritime. La Convention de Bruxelles
de 1924, dont on peut considérer qu’elle représente la législation internationale en matière de
transport maritime, instaure un régime juridique impératif qui s’étend du « chargement » de la
cargaison à bord du navire à son « déchargement » du navire207. Le transporteur demeure en
plus responsable des phases de chargement, manutention, arrimage, garde. Les notions
matérielles de « chargement » et « déchargement ».
La loi française, au contraire, délimite son champ d’application en usant des notions
abstraites et juridiques de « prise en charge » et de « livraison »208 tout en garantissant que la
prise en charge et la livraison ne puissent intervenir qu’au plus tard avant la livraison et au
plus tôt après le déchargement209. Le choix de ces notions avait pour but de combattre la
théorie du sectionnement qui avait longtemps prévalue et de parvenir à réaliser l’ « unité
juridique » dont le Doyen Rodière appelait de ses vœux, pour que la condition de la
marchandise soit identique dès lors qu’elle se trouve sous la responsabilité du transporteur
maritime. Ainsi, cette approche permet de dissocier le début et la fin de la responsabilité du
transporteur maritime des opérations de chargement et de déchargement, pour y inclure les
phases de séjour à quai des marchandises, antérieurement ou postérieurement au transport
maritime. Dans un souci d’harmonisation des régimes, le législateur a mis en place un régime
comparable à celui du transporteur maritime pour les opérateurs intervenant à quai, aux côtés
du transporteur maritime.
On le constate, les limites assignées par la Convention de Bruxelles et par la Loi
française de 1966 ne sont pas identiques. La « livraison » qui borne le contrat de transport
sous le régime de la loi française, peut prendre place après la phase de « déchargement » qui
borne, elle le régime de la Convention de 1924. Existe donc un laps de temps plus ou moins
important qui ne se trouve pas régit par le texte international de référence210. C’est
précisément cette phase qui concerne l’opérateur de terminal.
207 Art. 1 e) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, Pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par le protocole du 23 février 1968 et par le protocole du 21 décembre 1979 208 Art. 15 Loi n° 66-420 du 18 juin 1966, sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes 209 Art. 38 du décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966, sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes 210 Sur la question de la détermination des opérations relevant du transport maritime, voir Traité de droit maritime, de P. Bonassies et C. Scapel, LGDJ, éd. 2006, p. 590 à 595
79
La Loi française du 18 juin 1966 donne à cette question un principe de conflit de lois
simple et énonce, dans son article 57, qu’ « en matière internationale, les opérations (de
manutention portuaire) sont soumises à la loi du port où opère l’entrepreneur ». La loi
applicable dépend ainsi du pays où les opérations seront exécutées et le juge saisi d’un litige
pourra être amené à rechercher le contenu de la loi d’un port étranger voire même à
l’interpréter211.
Cette solution, bien qu’opportune, n’est cependant pas réellement compatible avec la
Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles212, et
semble devoir être écartée. Au niveau communautaire aujourd’hui, toute opération qui ne
tombe pas sous le coup de la Convention de 1924, relève de la Convention de Rome de 1980
qui devrait écarter la loi applicable si les parties choisissent de soumettre leurs relations à une
loi déterminée. A défaut, la Convention désigne la loi du pays avec lequel le contrat a les liens
les plus étroits, c’est celle-ci qui sera applicable aux relations contractuelles.
Chaque Etat construit donc son propre régime de responsabilité en fonction des
opérations en question. En France, les opérations de manutention effectuées dans un port
français sont régies par la loi du 18 juin 1966 et à son décret d’application213.
B. La qualité sous laquelle l’opérateur intervient
Le transport maritime est un monde où les opérations sont complexes et les auxiliaires
de transport nombreux. Le rôle des intermédiaires est souvent occupé par eux indifféremment.
L’exploitant de terminal obéit à cette règle et en fonction du rôle économique qu’il aura joué
dans la chaîne de transport, les modalités de sa responsabilité varieront.
Il convient de distinguer deux situations.
Soit le passage sur terminal est un élément du contrat de transport, c’est-à-dire qu’il
intervient après la « prise en charge » par le transporteur maritime au port de départ ou avant
la « livraison » au port de déchargement. Dans ce cas, le contrat de passage en terminal est
211 Cass. Com. 19 déc. 1983, BT 1984, p. 445; Cass. Com. 28 fév. 1984, n°81-15.614, BT 1984, p.556; CA Paris, 5ème ch, sect A, 3 avr. 1996, Antwerp Combined Terminals c/ Sampo Insurance Cy, BTL 1996, p. 538 212 Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, Journal officiel n° L 266 du 09/10/1980 p. 0001 - 0019 213 CA Aix-en-Provence, 7 déc. 1971, DMF 1972, p. 527 ; CA Aix-en-Provence, 13 juin 1972, BT 1972, p. 370 ; CA Paris, 23 nov. 1973, DMF 1974, p. 227
80
passé par transporteur maritime avec l’opérateur. Dans ce cas, s’il s’agit d’opérations réalisées
dans un port français, la loi du 18 juin 1966 est applicable, que l’opérateur de terminal soit
aussi entrepreneur de manutention ou si ses prestations sont effectuées à l’intérieur du contrat
de transport.
Deuxième situation, le passage sur terminal fait l’objet d’un contrat extérieur au
contrat de transport. Dans ce cas, le cocontractant de l’exploitant de terminal est le chargeur
ou le destinataire. Cette situation se rencontre notamment dans les Etats africains. En France,
lorsque l’on ne se trouve pas en présence d’une entreprise de manutention, la garde des
conteneurs sur parc pourra se faire dans le cadre d’un contrat de dépôt ou un contrat
d’entreprise ou encore un contrat de mandat.
Le contrat de dépôt implique une obligation de garde et de restitution pour le
dépositaire à qui le déposant confie sa marchandise214. Dans ce cas, l’opérateur de terminal est
débiteur d’une obligation de moyens mais devra faire la preuve de son absence de faute ou de
négligence en cas de dommages à la marchandise. On remarquera que l’obligation qui est
faite au déposant d’apporter à la chose déposée les mêmes soins qu’il apporte aux choses qui
lui appartiennent215, est difficilement compatible avec l’absence de connaissance du contenu
du conteneur. Sa responsabilité risque donc d’être plus facilement engagée.
Le contrat de dépôt se rencontre aussi lorsque le client négocie avec le gestionnaire du
terminal un contrat supplémentaire au contrat de transport en cas d’enlèvement tardif, au-delà
des délais fixés par le contrat de transport initial.
On peut également envisager que l’opérateur de terminal intervienne conformément à
un contrat d’entreprise mais, dans ce cas, la garde de la marchandise ne sera qu’une des
prestations réalisées. Dès lors que la prestation principale est la garde, on tombe dans le
contrat de dépôt.
L’opérateur de terminal pourra très bien aussi intervenir dans le cadre d’un contrat de
mandat et pourra notamment avoir la qualité de transitaire. Le transitaire qui a pour mission
l’accomplissement des différents actes juridiques et matériels que commande le passage de la
marchandise d’un mode de transport à un autre, conformément aux instructions de son
mandant, pour son compte et en son nom, aura notamment pour mission la garde et la
214 C.civ., art. 1915 s. 215 C. civ., art. 1927 ; Civ. 1ère, 1er oct. 1997, Resp. civ. Et assur. 1997.367
81
conservation des marchandises. Les règles de droit commun du mandat lui seront alors
applicables et sa responsabilité pourra être engagée en cas de faute prouvée216.
On rappellera que l’opérateur de terminal peut être amené, et c’est surtout le cas dans
les ports des pays enclavés, à accomplir des fonctions qui ne sont pas prévues par les textes,
telles à la fois des missions de consignataire, de transitaire, de commissionnaire en douane ou
encore de courtier217. Opérations terrestres et maritimes peuvent être amenées à se confondre
en pratique.
La qualité juridique retenue aura des conséquences importantes en termes de
responsabilité. Par exemple, si l’opérateur de terminal est transitaire, le régime de
responsabilité applicable est celui de faute prouvée alors que s’il est entrepreneur de
manutention, il sera présumé responsable de tout dommage. En termes de prescription, selon
que l’on applique le droit maritime ou le droit commun, elle variera de 1 à 5 ans218.
Ces situations de fait donnent naissance à de multiples situations juridiques. Dans un
souci de concision, nous nous attacherons maintenant à la situation de l’opérateur de terminal
entrepreneur de manutention, situation qui demeure la plus courante en France.
Le régime de responsabilité envisagé, il s’agit maintenant de déterminer dans quelles
conditions la responsabilité de l’opérateur de terminal entrepreneur de manutention peut être
mis en cause.
II. L’application à l’opérateur de terminal du régime de responsabilité juridique de
l’entrepreneur de manutention français
Le régime des entreprises de manutention a été institué par la loi du 18 juin 1966 et
son décret d’application. Il s’applique à tout opérateur de terminal dès lors qu’il est
« entrepreneur de manutention » au sens de la loi de 1966 et que les opérations qu’il réalise
sont exécutées dans un port français.
216 C. civ., art. 1991 et 1992 217 « Les mécanismes juridiques d’exploitation des terminaux portuaires (essai de synthèse et approches comparées) », Martin Ndendé, Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, tome XXIII, 2005, p. 209 et 210 218 Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile publiée au Journal Officiel du 18 juin 2008
82
Lorsque le passage sur terminal est un élément de la réalisation du contrat de transport,
et qu’un dommage à la marchandise intervient lors de cette phase de stockage, le transporteur
en est responsable vis-à-vis des autres parties au contrat de transport, chargeur ou destinataire,
envers lesquelles il s’est engagé à acheminer cette marchandise jusqu’au port convenu et à la
restituer dans l’état dans lequel elle lui a été confiée. Le transporteur se retourne ensuite
contre l’opérateur de terminal entrepreneur de manutention, véritable responsable.
Seront envisagés successivement, le régime de responsabilité du manutentionnaire (A)
et les modalités de sa mise en jeu (B).
A. Le régime de responsabilité de l’entrepreneur de manutention
Pour éviter la « distorsion » du contentieux que le Doyen Rodière dénonçait, qui
consistait à mettre en jeu la responsabilité du manutentionnaire plutôt que celle du
transporteur maritime pour bénéficier de l’absence de responsabilité limitée du
manutentionnaire et d’une prescription de dix ans, la législation de 1966 a instauré un régime
équivalent à celui du transporteur maritime219.
1. Les conditions d’application du régime de responsabilité de l’entrepreneur de manutention
Le régime juridique de la manutention sera applicable a toute entreprise, quelle que
soit sa qualification juridique dès lors qu’elle effectue le chargement, déchargement et la
garde de la marchandise. Ainsi, la législation a prévu qu’il pourrait être appliqué à un
transitaire ou encore à un consignataire220. Considérant qu’il s’agit là du principe français de
liberté d’entreprise, le régime de l’entrepreneur de manutention peut très bien s’appliquer à
l’opérateur de terminal.
Le régime de l’entrepreneur de manutention est toutefois un régime d’exception qui ne
s’applique qu’à certaines opérations précisément visées par les textes. La législation de 1966
entend appliquer le régime des entreprises de manutention exclusivement aux entreprises
219 Bonassies P., DMF 1994, p. 97 ; Chao A., BTL 1995, p. 72 220 Apport de la loi du 3 janvier 1969, art. 13 et art. 15
83
effectuant des opérations qui sont étroitement et directement liées au transport maritime, qui
en sont « le préalable ou la suite nécessaire »221.
Dans les ports, le recours à deux entreprises de manutention distincte pour effectuer
d’un côté les opérations de chargement et déchargement des navires et de l’autre pour les
opérations à terre, a été abandonné. Pour soutenir le rythme des escales et des cadences de
travaille, l’entreprise de manutention réalise le déplacement des conteneurs depuis le navire
jusqu’au terminal et inversement. Ce déplacement doit être compris comme étant le préalable
ou la suite nécessaire du transport maritime. Les conteneurs ne peuvent pas être déposés à
l’aplomb des portiques sans entraver le bon déroulement des opérations.
La délimitation des opérations de manutention pour les phases ante et post transport se
fait au gré des jurisprudences qui ont tendance à adopter une interprétation restrictive des
activités de manutention. La réalisation des opérations en zone portuaire n’est pas le gage de
leur caractère maritime. Classiquement, la jurisprudence considère que le déchargement des
marchandises transportées par un véhicule terrestre, camion comme wagon, constitue la phase
finale du contrat de transport terrestre222. Symétriquement, les opérations de chargement de la
marchandise sur un engin terrestre constituent la phase initiale du transport terrestre 223et sont
exclues des opérations visées par les articles 50 et 51 de la loi de 1966. L’opération qui
consiste au déchargement du navire et à la mise sur terre-plein de la marchandise constitue
une opération maritime à distinguer des opérations suivantes de chargement sur camion224.
Il semble néanmoins, comme le font remarquer Messieurs P. Bonassies et C. Scapel, qu’une
autre solution doive s’imposer lorsque c’est un entrepreneur de manutention qui intervient
pour la mise à quai de la marchandise225. Le point de départ des opérations maritimes peut
être constitué par le dépôt de la marchandise sur hangar lorsqu’elle est destinée à être
embarquée226. Mais, au-delà d’un certain temps, on peut considérer que l’acconier garde la
marchandise non plus conformément au contrat de transport, en vertu d’un contrat de
manutention passé avec le transporteur, mais plutôt en vertu d’un contrat de garde227.
221 Art. 50 et sv loi du 18 juin 1966 et art. 80 et 81 du décret du 31 décembre 1966 222 Cass. com., 19 jan. 1976, BT 1976, p. 163; Cass. com. 28 avr. 1978, DMF 1980, p. 269; CA Aix-en-Provence, 15 nov. 1990, BTL 1991, p. 591 ; 223 Cass. com., 3 fév. 1998, n° 96-11.525, BTL 1998, p. 124; T. com. Le Mans, 26 jan. 2004, TTMIA eta. c/ TCX, BTL 2004, p. 174 224 Cass. com., 28 sept. 2004, DMF 2005, p. 122 225 P. Bonassies et C. Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006, p. 441, faisant référence à une décision de la Cass. 22 juin 1993, Bull. des tr., 1993.714 et DMF 1994.95, obs. Bonassies 226 Cass. com., 20 fév. 1990, n° 88-14.495Y, Lamyline 227 Note de Tassel Y., DMF 2004, p. 45
84
Cependant le découpage entre opérations terrestres et maritimes n’est pas aisé d’autant
que le caractère « nécessaire » d’une opération reste emprunt de subjectivité. Certaine
juridiction auront une conception large, voire critiquable, considérant qu’un pré-
acheminement sur quelques kilomètres constitue un préalable au transport maritime228.
D’autres, n’admettront la qualité d’opération préalable et nécessaire au transport maritime que
de manière restrictive229. Il serait néanmoins intéressant que les juges évitent le
« sectionnement » du contrat de manutention.
2. Principe de responsabilité et cas d’exonération
Les opérateurs de terminaux sont principalement concernés par les opérations dites
« accessoires » visées à l’article 51 de la loi de 1966. Dans l’accomplissement de leur mission
de reconnaissance et de garde des marchandises, la loi fait peser sur eux une obligation de
résultat. L’article 53 b) de cette même loi exprime cette responsabilité de plein droit en
énonçant que l’opérateur de terminal sera présumé avoir reçu la marchandise telle que
déclarée par le déposant sur le document de transport, sauf à prendre des réserves. La
législation impute donc une obligation de résultat sanctionnée par une présomption de
responsabilité. Partant, il ne sera pas nécessaire de rapporter la preuve de la faute du
manutentionnaire ni d’établir un lien de causalité entre cette faute et le dommage.
Cette présomption court à partir du moment où le manutentionnaire prend la marchandise des
mains du transporteur maritime jusqu’au moment où il la livre à l’ayant droit230, et
inversement lorsqu’il s’agit d’un entreposage préalable au transport maritime.
Ainsi, il sera responsable dès lors qu’un dommage survient au cours de la période
pendant laquelle la marchandise était sous sa garde. Ainsi, il sera déclaré responsable des
manquants constatés à réception de la marchandise par le destinataire231, des avaries
marchandise nées de la baisse ou de la hausse des températures observée alors que le
conteneur frigorifique était sous sa garde232, ou encore des dommages de pollution
constatés233, de vols présumés avoir été commis lors de la garde de la marchandise234, des
228 CA Lyon, 3ème ch., 1er mars 1996, Martin c/ Peinetti, Lamyline 229 CA Aix-en-Provence, 25 juin 1974, navire Notre Dame d’Afrique, DMF 1974.22 ; Cass. com., 19 janv. 1976, DMF 1976.488 ; Cass. com., 28 sept. 2004, DMF 2005.122, obs. Y. Tassel 230 CA Aix-en-Provence, 2ème ch, 2 mai 1991, UAP c/ Zim Israël et a., Lamyline 231 CA Aix-en-Provence, 18 nov. 1977, BT 1978, p. 41 232 CA Rouen, 2ème Civ, 16 juin 2005, n° 03/04115, Hapag Lloyd France c/ Axa et a., Lamyline 233 T. com. Marseille, 18 fév. 1971, DMF 1971, p. 559 ; T. com. Marseille, 1 fév. 1974, Revue Scapel 1974, p. 5
85
dommages au conteneur résultant d’un défaut de soin dans sa mission de garde de la
marchandise ou lors des opérations de manutention235.
Cette présomption ne semble toutefois pas irréfragable. L’entrepreneur de manutention
pourra toujours s’exonérer s’il démontre que le dommage qui lui est imputé s’est, en réalité,
produit alors que la marchandise n’était pas sous sa garde236. Cette preuve est essentiellement
rapportée par la prise de réserves contre le bord à réception de la marchandise.
L’entrepreneur de manutention bénéficie également de cas exceptés, qui une fois
prouvés, l’exonèrent de sa responsabilité. L’article 53 b) de la loi du 18 juin 1966 vise
précisément les cas d’incendie, de faits constituant un « événement non imputable à
l’entrepreneur de manutention », de grève ou lock-out, d’une faute du chargeur et le cas de
vice propre de la marchandise. Ces cas sont à l’évidence très inspirés des cas exceptés
applicable au transporteur maritime237, et c’est précisément le reflet de la volonté du
législateur français de 1966 d’aligner le régime juridique de la manutention sur celui du
transporteur maritime. Ces cas exceptés ont néanmoins été adaptés à la spécificité des
opérations terrestres.
L’incendie, même de cause inconnue, est exonératoire238. Ce cas excepté crée un
véritable avantage au bénéfice du manutentionnaire par rapport à aux entreprises de droit
commun.
Le cas de grève ou lock-out sera exonératoire dès lors qu’elle touche l’entreprise elle-
même et qu’il existe une relation de cause à effet entre la grève et le dommage239. Ce cas
excepté ne pourra jouer qu’il est établi que l’acconier ne pouvait ignorer qu’un mouvement de
contestation se profilait, lui permettant de mettre en place les mesures nécessaires à
l’accomplissement de sa mission de garde240.
S’agissant du cas d’ « événement non imputable à l’entrepreneur de manutention », on
retrouve ici la notion de force majeure dont les caractéristiques nécessaires sont
234 CA Aix-en-Provence, 12 mai 1989, Mutuelles du Mans et a. c/ Somatrans et a., Lamyline ; T. com. Nanterre, 5ème ch, 13 sept. 2002, AGF c/ Shenker, BTL 2002, p. 715 235 T. com. Le Mans, 26 jan. 2004, TTMIA et a. c/ TCX, BTL 2004 ; CA Poitiers, 1ère Civ, 12 fév. 2003, n° 97/04224, Turbe c/ Yeu Continent, BTL 2004, p. 11 236 T. com. Marseille, 15 décembre 1998, AIG Europe c/ MSC et autres, Rev. Scapel 1999, p. 13 237 Art. 27 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 238 CA Aix-en-Provence, 24 avr. 1986, Ass. générales sénégalaises c/ chargeurs maritimes réunis et a., Lamyline 239 Cass. com. 5 juill. 1994, n° 92-17.385, n° 1597, Lamyline 240 CA Aix-en-Provence, 2ème Civ, 2 janv. 1992, Somotrans c/ La Neuchâteloise et a., Lamyline ; CA Aix-en-Provence, 31 oct. 1991, BTL 1992, p. 478 ; CA Aix-en-Provence, 2ème ch, 12 nov. 1998, CGM c/ Commercial Union, Lamyline
86
l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité. Cette expression donne au juge la faculté de
retenir des cas qui ne figurent pas dans l’énumération de l’article 53 b). Le manutentionnaire
qui l’invoque doit démonter qu’aucune faute n’a été commise par lui ou ses préposés. La
jurisprudence fait souvent preuve de sévérité dans son acceptation de ce cas excepté. Elle juge
l’acconier responsable des avaries consécutives au passage d’une tornade ou d’importants
coups de vent qui avaient été prévus par les bulletins météo241.
Enfin, le manutentionnaire pourra valablement s’exonérer si le dommage trouve son
origine dans une faute du chargeur. On rencontre notamment l’hypothèse d’un mauvais
marquage, dont le chargeur a la charge, ou encore d’un défaut de précision du type de
conteneur et de la température de transport qui a pu conduire le manutentionnaire à stocker la
marchandise comme un « dry » et non pas comme un « reefer », comme cela aurait dû être le
cas242. En revanche, l’acconier ne pourra se prévaloir de la faute du chargeur si les
particularités de la marchandise, bien que non signalées par le chargeur, étaient évidentes pour
le professionnel averti qu’il est.
La preuve d’un cas excepté ne laissa pas le demandeur sans recours. Il pourra toujours
ramener la preuve que le dommage est consécutif à une faute du manutentionnaire ou de son
préposé. Si sa faute est prouvée, l’entrepreneur de manutention ne pourra plus se retrancher
derrière un cas exceptés et le dommage lui sera imputable. Par exemple, si un incendie se
produit sur terminal, l’acconier sera déclaré responsable si la preuve d’un défaut de
surveillance est rapportée 243 ou encore si les règles de sécurité n’ont pas été observées244.
L’incendie qui ne peut être lié, ni à l’état du conteneur ni résulté d’un phénomène
d’inflammation spontané, lui sera également imputable245.
B. L’action en responsabilité de l’opérateur entrepreneur de manutention
1. Le titulaire du droit d’action contre l’entrepreneur de manutention
L’article 52 de la loi du 18 juin 1966 pose le principe selon lequel « l’entrepreneur de
manutention opère pour le compte de celui qui aura requis ses services, et sa responsabilité
241 CA Aix-en-Provence, 5 mars 1996, BT 1996, p. 465 ; CA Rouen, 2ème civ, 1er oct. 1998, BTL 1999, p. 219 242 CA Rouen, 2ème civ, 4 nov. 1999, Juris-Data n° 1999-111997 243 Cass. com. 10 fév. 1975, n° 73-13.447, BT 1975, p. 454 244 CA Aix-en-Provence, 24 avril 1986, Ass. générales sénégalaises c/ chargeurs maritimes réunis et a., Lamyline 245 CA Aix-en-Provence, 1er déc. 1987, Rev. Scapel 1987, p. 59
87
n’est engagée qu’envers celui-ci qui seul à une action contre lui ». Ainsi, le manutentionnaire
n’a de lien contractuel qu’avec celui qui a requis ses services, qui a seul un droit d’action
contre lui. Le contrat de manutention ne profite donc pas aux tiers. L’exercice de l’action en
responsabilité à l’encontre du manutentionnaire est réservé au cocontractant victime du
dommage. Il s’agit, en pratique, du transporteur maritime, dans le cadre d’un transport de
ligne, ou de l’affréteur, dans le cadre d’un « tramping ».
Certaines réserves ont été émises concernant les règles de recevabilité de l’action
contre l’entrepreneur de manutention instaurées par l’article 52 de la loi de 1966. Elle a été
jugée comme attribuant beaucoup trop d’importance à la règle de la relativité des contrats
surtout que les relations entre l’entrepreneur de manutention et le transporteur sont habituelles
et continues246. Même si ses services ont été requis par le transporteur, le manutentionnaire
sait bien qu’il agit aussi dans l’intérêt des ayant droits. Pourquoi le chargeur ou le destinataire
ne pourraient-ils pas avoir une action contre l’entrepreneur de manutention ? D’autant
qu’aujourd’hui, les distorsions de contentieux tant redoutées du Doyen Rodière ne sont plus à
craindre dans la mesure où le législateur a unifié les régimes de l’entrepreneur de manutention
et du transporteur.
Il faut ajouter à cela, un argument pratique. Pour un dommage causé en France par une
entreprise française, il est à l’évidence plus aisé pour le destinataire de la marchandise d’agir
directement contre l’entreprise de manutention responsable, avec la certitude que la loi
française s’appliquera.
En tout état de cause, le chargeur ou le destinataire auront un droit d’action contre le
manutentionnaire s’ils ont donné mandat au transporteur de désigner l’entreprise de
manutention pour leurs intérêts. L’article 81 du décret de 1966 oblige, dans ce cas, le
transporteur à aviser le manutentionnaire du mandat qu’il a reçu. Aucune précision sur la
forme que doit revêtir cet avis n’a été apportée.
En pratique, les « clauses de mandat » sont assez fréquentes dans les connaissements.
Elles ne peuvent viser que les opérations réalisées à terre par l’entreprise de manutention, car
la loi interdit au transporteur de se décharger de son obligation de procéder au chargement et
au déchargement du navire247.
246 P. Bonassies et C. Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006, p. 443, 444 247 Art. 38 du décret n° 66-1078 du 31 déc. 1966 ; Art. 3§2 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, Pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement
88
Ainsi, dès la mise à quai, l’entrepreneur de manutention est présumé agir pour le
compte des intérêts marchandise. La difficulté est que les transporteurs n’avisent pas, en
général, le manutentionnaire du mandat qui lui a été confié. L’absence d’avis est en principe
sanctionnée et l’ayant-droit ne pourra se prévaloir du mandat.
Il a été jugé que l’entrepreneur de manutention qui opère régulièrement pour un
transporteur est présumé avoir connaissance des termes du connaissement utilisé par le
transporteur et que partant, il était avisé de la clause de mandat248. D’autres jurisprudences
cependant, ont pu considérer que l’entrepreneur de manutention n’avait pas été avisé du
mandat en dépit de sa connaissance général du connaissement du transporteur et en dépit de
l’envoi d’une lettre à l’occasion du contrat annuel de manutention rappelant qu’il devait se
considérer comme agissant pour le compte des intérêts marchandise249. Nous ne pouvons
acquiescer cette dernière solution jurisprudentielle en ce qu’elle nie la réalité des relations
contractuelles suivies entre manutentionnaire et transporteur, tous deux professionnels avisés.
2. Les modalités de la responsabilité de l’entrepreneur de manutention
Depuis la loi du 23 décembre 1986, modifiant la loi du 18 juin 1966, l’entrepreneur de
manutention, à l’instar du transporteur maritime, bénéficie du « privilège » de ne pas
indemniser intégralement la victime d’un dommage dont il est responsable. Autrement dit, il
bénéficie de la limitation de responsabilité. L’article 54 de la loi de 1966 dispose que « la
responsabilité de l’entrepreneur de manutention (en réalité, l’indemnisation) ne peut en
aucun cas dépasser les montants fixés à l’article 28 et par le décret prévu à l’article 43 ».
L’article 28 se réfère lui-même à l’article 4 point 5, a) qui fixe la limitation de responsabilité à
666,67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme. L’unité de
compte est le droit de tirage spécial (DTS), tel que défini par le Fonds monétaire
international250. La limite la plus élevée est applicable. Le décret précise lui que la somme
totale due doit être calculée par référence à la valeur des marchandises au jour de leur
déchargement d’après le cours en Bourse ou d’après le prix du marché.
248 CA Aix-en-Provence, 13 juin 1972, navire Emma Methenitis, DMF 1973.262 ; Cass. com., 28 ai 1974, DMF 1974.717, note P. Bonnassies 249 CA Paris, 24 nov. 19976, navire Altaïr, DMF 1977.271 250 Art. 4, point 5, d) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, Pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée par le protocole du 23 février 1968 et par le protocole du 21 décembre 1979
89
Dans un arrêt du 15 février 1994, la Cour de cassation, par une lecture combinée des
articles 28 et 54 de la loi de 1966, considère que la limitation de responsabilité de
l’entrepreneur de manutention vise exclusivement les « pertes et avaries subies par la
marchandise », c’est-à-dire la limite de responsabilité applicable au transporteur, et non les
frais de dépotage et réempotage qui constituent des dommages d’une autre nature qui doivent
être réparés intégralement251. Elle accepte d’appliquer, quelques mois après, la limitation en
matière de retard252. La limitation de responsabilité comprendra à la fois les préjudices
matériels affectant la marchandise et les conséquences indirectes liées à sa perte comme les
droits et frais dus à l’administration253.
La conteneurisation et la palettisation ont apporté leur lot de complication et
notamment en ce qui concerne la base de référence pour le calcul de la limitation. Alors que la
création du régime légale de responsabilité de l’entrepreneur de manutention est marquée par
la volonté d’unifier les régimes du transporteur maritime et de l’entrepreneur de manutention,
certaines juridictions ont distingué entre les limitations applicables à eux. Si le document de
transport indique le nombre de colis contenu dans le conteneur, la limitation du transporteur
était calculée sur la base de ce nombre de colis, alors que la limitation de l’entrepreneur de
manutention était déterminée en fonction du poids déclaré254. En 1998, la Cour de cassation a
donné un coup d’arrêt à cette jurisprudence estimant que le calcul de la limitation de
responsabilité était identique pour les deux intervenants eu égard au fait que « les mentions du
connaissement constituent des éléments objectifs de calcul de la limitation légale de
responsabilité »255. Partant, les conditions du connaissement seront opposables au
manutentionnaire, et ce même s’il n’en a pas été informé par un document contractuel, procès
verbal ou liste de charge. Cette solution a depuis été confirmée par la Cour de cassation256.
Cette décision se justifie pleinement car la limitation instaurée par la législation de 1966 est
une limitation légale et non contractuelle257.
Cette limitation légale ne vaudra cependant qu’à l’égard des ayants-droits de la
marchandise et pas nécessairement à l’égard du transporteur avec qui il pourra avoir convenu
d’une limitation contractuelle258.
251 Cass. com., 15 février 1994, n° 92-13.707 et 92-15.052, Lamyline 252 Cass. com., 24 nov. 1994, n° 92-21.021/Z, Lamyline 253 CA Versailles, 27 nov. 1997, BTL 1998, p. 252 ; Cass. com., 20 mars 2001, n° 98-14.238, BTL 2001, p. 305 254 CA Aix-en-Provence, 13 fév. 1997, DMF 1997, p. 482 ; T. com. Marseille, 10 sept 1993, Allianz Via Assurances et a. c/ CMA, BTL 1993, p. 648 255 Cass. com., 9 juin 1998, n° 96-14.241, Bull. civ. IV, n° 191, BTL 1998, p. 477, DMF 1998, p. 810 256 Cass. com., 29 avr. 2003, n° 01-10.296, Lamyline 257 P. Bonnassies et C. Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ, 2006, p. 450 - 451
90
En posant le principe d’une limitation de responsabilité, l’article 54 de la loi de 1966
réserve dans le même temps le cas d’une déclaration de valeur notifiée à l’entrepreneur de
manutention dont l’effet est d’écarter le jeu de la limitation de responsabilité. Hormis cette
hypothèse, la responsabilité de l’acconier ne peut « en aucun cas » dépasser les montants de
l’article 28 de la loi. Cette formulation, si elle parait d’avantage être un oubli plutôt qu’une
volonté claire du législateur de limiter les cas de déchéance de limitation de responsabilité
pour le manutentionnaire, implique que, sauf dol, sa responsabilité ne peut être limitée. Si le
dol n’est pas mentionné dans le corps du texte, il est admis de principe que le dol est cause de
nullité des conventions259.
Ainsi, la législation établit une différenciation des régimes de responsabilité entre le
manutentionnaire et le transporteur, lequel sera déchu de son droit à limitation en cas de dol et
de faute inexcusable. En pratique, pour une faute inexcusable de l’acconier, le transporteur,
premier responsable vis-à-vis du destinataire avec qui il est lié par un contrat de transport,
l’indemnisera en totalité du dommage subi, mais ne pourra ensuite obtenir de l’entrepreneur
de manutention, véritable responsable, qu’une indemnisation limitée. La faute dolosive se
définit comme une faute commise avec l’intention de causer un dommage alors que la faute
inexcusable, a un caractère de gravité moins affirmé, et se définit comme une faute commise
« témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement 260». On
peut alors se retrouver dans une situation où les juges qualifient abusivement une faute grave
en faute dolosive pour pouvoir condamner l’entrepreneur261. Parfois, les juges se contentent
de dire que le dol est caractérisé262. Cependant, il est peu probable que les juges acceptent de
comprendre l’article 54 de la loi de 1966 comme renvoyant à l’article 28 de la même loi dans
sa totalité et y compris à la déchéance en cas de faute inexcusable, et non pas seulement à ses
montants. La Cour de cassation a affirmé récemment que seule la faute dolosive peut faire
perdre le bénéfice des limitations légales263. Seule une réforme législative, peu probable,
pourrait remédier à cela.
La prescription de l’action contre l’entrepreneur de manutention est de 1 an264, à
compter du jour où la marchandise a été remise au destinataire265.
258 Ph. Godin, « Les limitations de responsabilité de l’entrepreneur de manutention », DMF 1998.1107 259 C. civ., art. 1116 ; Rodière, Traité général de droit maritime, tome III, n° 838, Dalloz 1970 260 Art. 28, paragraphe 5, a), Loi n° 66-420 du 18 juin 1966 261 CA Aix-en-Provence, 11 mai 2004, Bull. des tr. 2004.387 et 18 mai 2004, DMF 2005.241, obs. Y. Tassel et obs. P. Bonassies, DMF 2005, Hors-série n° 9, au n° 87 262 Cass. com., 7 nov. 2006, n° 04-18.803, DMF 2007, p. 241 263 Cass. com., 5 déc. 2006, n° 04-18.051, DMF 2007, p. 40 264 Art. 56 loi n° 66-420 du 18 juin 1966
91
A la multitude de régimes applicables à l’entreprise qui réalise l’entreposage des
marchandises qui lui sont confiées, la Commission des Nations Unies pour le droit
commercial international a proposé un nouvel outil juridique international, resté lettre morte.
Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de
responsabilité des opérateurs de terminaux
La Convention internationale de Vienne sur la responsabilité des exploitants de terminaux
de transport dans le commerce international est le fruit d’un travail mené par la Commission
des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI ou UNCITRAL en
anglais) dont le projet a été adopté lors d’une Conférence diplomatique à Vienne le 17 avril
1991, en présence de nombreux Etats et organisations internationales266.
Elle n’est à ce jour pas entrée en vigueur, faute de ratifications suffisantes. Seuls neuf
Etats signataires dont la France et les Etats-Unis l’ont approuvée267.
La convention a l’ambition de mettre en place un régime international de responsabilité
pour les opérateurs de terminaux (I). Elle fait preuve d’une originalité certaine sur plusieurs
points mais n’a cependant pas réussi à convaincre les Etats (II).
I. Une convention universaliste
A. Les objectifs ambitieux de la Convention de Vienne
La convention s’inscrit dans la lignée des conventions de la CNUDCI pour
l’avènement d’un nouvel « ordre juridique » moderne et pragmatique. L’idée de ses auteurs
est celle d’une convention s’appliquant, en principe, au dernier maillon de la chaîne de
265 Tr. de com. de Marseille, 17 nov. 1978, navire Antinea, Revue Scapel 1979.7 266 Voir la synthèse des débats : doc. A/44/17, Annuaire de la CNUDCI, vol XX, 1989, p.11-225 ; Voir travaux de la Conférence diplomatique, Publication des Nations Unies n°A/Conf. 152/14 267 Les Etats signataires sont l’Egypte, l’Espagne, les Etats-Unis, la France, le Gabon, la Géorgie, le Mexique, le Paraguay et les Philippines
92
transport, les autres maillons devant en théorie être couverts par les Règles de Hambourg de
1978 et la Convention sur le transport multimodal de 1980.
Dès son Préambule, la Convention réaffirme la « conviction que l’harmonisation et
l’unification progressives du droit commercial international, en réduisant ou en supprimant
les obstacles juridiques au courant des échanges internationaux, notamment ceux auxquels se
heurtent les pays en développement, contribueraient de façon appréciable à l’établissement
d’une coopération économique universelle entre tous les Etats, sur la base de l’égalité, de
l’équité et de la communauté d’intérêts, ainsi qu’à l’élimination de la discrimination dans le
commerce international et, partant, au bien être de tous les peuples (…) ».
L’idée est de faciliter la circulation des marchandises en instaurant des règles uniformes en
matière de responsabilité.
Le champ d’application de la convention, défini à son article 2, est large et ambitieux.
Elle vise les opérations exécutées par un exploitant qui a son établissement principal dans un
Etat partie à la Convention ainsi que les opérations réalisées dans le port d’un Etat partie. Le
droit international privé pourra aussi la désigner comme loi applicable lors d’un conflit de
lois.
Les opérations sont visées sous le terme global de« services relatifs au transport », et
concernent notamment « le stockage, l’entreposage, le chargement, le déchargement,
l’arrimage, le fardage, l’accorage »268 269.
La convention adopte une vision globale du transport et ne distingue plus entre les
divers modes de transports. Elle sera applicable dès lors que les opérations en cause peuvent
être qualifiées de « services relatifs au transport international de marchandises » et qu’elles
sont exécutées par ces entreprises de transport, en ne tenant compte ni du nom ni de la
désignation employée.
Son entrée en vigueur entrainera assurément des changements importants pour le
régime de responsabilité des entreprises de manutention, comme pour celui des exploitants de
terminaux portuaires comme aéroportuaires, sa vocation étant de s'appliquer autant aux
entrepreneurs de manutention maritime, qu'aux manutentionnaires des gares ferroviaires et
268 Art 1 d) de la Convention des Nations Unies du 19 avril 1991 sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international 269 Sur la question du caractère limitatif ou non de la liste : pour M. Ndendé la liste n’est assurément pas limitative (« Regards sur une convention méconnue…), alors que pour L. Fedi elle est une liste qui laisse présager un caractère non exhaustif (L. Fedi, « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », thèse sous la direction de C. Scapel, 2006, p. 478)
93
exploitants de terminaux de fret aérien. Il n'existera donc plus de régime dérogatoire
spécifique au transport maritime international270.
La Convention marque clairement son ambition universaliste à travers laquelle elle va
pouvoir ériger une réglementation impérative applicable aux opérateurs de terminaux dans
l’exercice de leurs activités.
B. La « juridicisation » 271 de l’exploitation des terminaux
La « juridicisation » de l’activité a pour but d’apporter plus de sécurité juridique à
l’opérateur, par l’instauration d’un régime impératif de responsabilité aux contours bien
définis.
La « juridicisation » passe d’abord par une définition « unifiée » de la notion de
« terminal ». Cette initiative s’inscrit en nette rupture avec l’approche fragmentaire des textes
actuels272. Dans sa définition, la Convention s’abstient de distinguer entre les terminaux dont
l’exploitation relève du droit public et ceux dont l’exploitation relève du droit privé. Elle ne
tient pas non plus compte de la nature de la personnalité juridique de l’exploitant Elle a
vocation à s’appliquer dès lors qu’il y a un terminal.
La « juridicisation » passe également par une unification documentaire. La Convention
prévoit que l’exploitant sera tenu d’émettre un document contractuel si son client lui demande
ou en tout cas le signer le document que le client lui présente permettant de justifier de la
réception de la marchandise et de son indentification273.
A défaut, l’exploitant sera présumé avoir reçu la marchandise en bon état.
La grande nouveauté ici par rapport aux législations nationales souvent inadaptées aux
exigences des communications modernes, est que la Convention admet que les documents
puissent être faits « sous toute forme »274, autorisant dès lors l’émission de documents sous
270 E. Caprioli, « A propos de la Convention de la CNUDCI sur la responsabilité des exploitants de terminaux dans le commerce international », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, t. XVIII, 2000, p.93 271 Ndendé Martin, « Regards sur une Convention internationale méconnue – La Convention de Vienne du 17 avril 1991 sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport », Revue de droit des transports n°4, Etude 6 272 Le problème de la définition de la notion de « terminal » a été abordé dans le Titre 1 du mémoire p. ? 273 Art. 4 §1 de la Convention de Vienne du 17 avril 1991 précitée 274 Art. 4 §3 de la Convention de Vienne du 17 avril 1991 précitée
94
forme d’un message électronique ou d’Echange de Données Informatisées (E.D.I.)275.
Pour pouvoir envisager un commerce électronique, il est obligatoire de passer par
l’informatisation de l’ensemble des phases du transport et y compris donc les prestations
réalisées dans les terminaux276, ce que la pratique réalise de plus en plus.
Enfin la « judiciarisation » passe par l’instauration d’un régime impératif de
responsabilité pour tous les opérateurs portuaires exploitants de terminaux.
II. L’avènement d’un régime innovant de responsabilité
Alors que la Convention de Bruxelles de 1924 qui a réussi à rassembler la quasi-
totalité des Etats autour de la notion de « transport maritime » n’a pas eu l’ambition de régir
les périodes du transport précédant le chargement et suivant le déchargement277, la
Convention de Vienne se propose de réaliser cette harmonisation des régimes des opérateurs à
terre. Tous conflits de lois seraient ainsi évités.
A. La nature de la responsabilité de l’opérateur de terminal sous le régime de la
Convention de Vienne
La question de la nature de la responsabilité de l’opérateur de terminal ici mise en
œuvre et d’autant plus délicate qu’il s’agit d’un régime « non pratiqué » par les juges.
A la lecture du texte de la Convention, des doutes peuvent légitimement être émis. En
effet, si la Convention semble d’abord établir une responsabilité de plein droit à la lecture de
la formule de principe « l’exploitant est responsable », il semble ensuite que cette
responsabilité s’apparente d’avantage à présomption de faute lorsque, tout de suite après, est
formulé un principe général d’exonération de responsabilité « à moins qu’il (l’exploitant) ne
prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires (…) ont pris toutes les mesures qui 275 Ce système se retrouve dans la Convention sur le transport multimodal de 1980 de la CNUDCI, dans les Incoterms 1990 et 2000, et dans le projet de la CNUDCI de « Convention sur le contrat de transport international de marchandises entièrement ou partiellement par mer » 276 E. Caprioli « A propos de la Convention de la CNUDCI sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international », Annuaire de droit maritime et océanique, Université de Nantes, t.XVIII, 2000, p. 93 277 Art. 1 e) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par le protocole du 23 février 1968 et par le protocole du 21 décembre 1979
95
pouvaient raisonnablement être exigées d’eux pour éviter ledit événement et ses
conséquences »278.
Ne pèserait donc pas sur l’exploitant de terminal une obligation de résultat. Il pourra
toujours rapporter la preuve de sa diligence de bon professionnel et démontrer qu’il a pris
toutes les mesures « raisonnables ». Le régime de la Convention est dès lors moins sévère que
le régime de responsabilité applicable aux transporteurs maritime, terrestre et aérien279.
Le parallèle avec les Règles de Hambourg de la CNUDCI est aisé. En effet, elles
utilisent la même formulation ambigüe pour exprimer le fondement du régime de
responsabilité du transporteur maritime280.
Du point de vue doctrinal, les conventions de la CNUDCI281 ont été interprétées
comme établissant une responsabilité de plein droit du transporteur maritime et de l’opérateur
de transport multimodal282. Mais peut-on seulement calquer ces interprétations sur la
Convention de Vienne ?
Il ne semble pas si on relève, comme l’a fait L. Fedi283, que la Convention de Vienne,
à la différence des conventions de la CNUDCI précédemment citées, ne contient pas de cas
exceptés. Le système original des cas exceptés propre au secteur des transports s’entend
comme la contre partie d’une responsabilité de plein droit supportée par le transporteur284.
Suivant ce raisonnement, l’absence de cas exceptés dans le régime de responsabilité prévu par
la Convention de Vienne démontre, par là même, l’absence d’un régime de responsabilité de
plein droit. La Convention de Vienne instaurerait un régime basé sur la présomption de faute.
C’est à l’évidence la jurisprudence qui déterminera le régime de responsabilité à
privilégier.
278 Art.5 §1 de la Convention de Vienne, « Fondement de la responsabilité » 279 Art 4 de la Convention de Bruxelles 1924, art. 27 de la loi du 18 juin 1966 pour le transporteur maritime ; Art. ?? pour le transporteur terrestre ; Art. 20 de la Convention de Varsovie interprétée par la jurisprudence comme une véritable responsabilité de plein droit pour le transporteur aérien, voir « Responsabilité du transporteur aérien », Lamy Transport, Tome 2, p. 608 280 Art. 5 de la Convention de Hambourg 281 Règles de Hambourg de 1978 et Convention des Nations Unies sur le transport multimodal international de 1980 282 C. Scapel « Le régime de la responsabilité de l’entrepreneur de transport multimodal », Colloque IMTM du 11 avril 1994, rencontre internationale, documents du colloque ; R. Rodière « La responsabilité du transporteur suivant les Règles de Hambourg », DMF 1978, p.451 et C. Scapel « Les réformes apportées par les Règles de Hambourg à la responsabilité du transporteur maritime », compte rendu de la Rencontre internationale du 25 novembre 1992 sur la Convention des Nations Unies, IMTM 1992, p.51 283 L. Fedi, thèse…. P. 480 284 P. Bonassies et C. Scapel, Traité de droit maritime, éd LGDJ, 2006, n° 1066
96
Si certains commentateurs plaident en faveur de ce régime de responsabilité285, en
prenant d’avantage en considération les relations entre l’opérateur de terminal et les usagers
dont la situation est aujourd’hui précaire, d’autres au contraire pointent du doigt les
distorsions qui pourraient en résulter. En effet, appliqué aux relations transporteur maritime –
opérateur de terminal, ce régime aurait pour effet de créer un déséquilibre certain au détriment
des transporteurs qui se verront appliquer un régime de responsabilité de plein droit alors que
les exploitants de terminaux bénéficieront d’un régime de responsabilité pour faute présumée.
Le transporteur déclaré responsable vis-à-vis de ses cocontractants pourra plus difficilement
appeler l’opérateur de terminal en garantie.
B. La mise en jeu de la responsabilité de l’opérateur de terminal sous le régime de la
Convention de Vienne
S’inspirant fidèlement du modèle des Règles de Hambourg, elle prévoit que
l’exploitant de terminal sera responsable du préjudice résultant de la perte et dommages subis
par la marchandise, ainsi que du retard dans la remise de la marchandise et ce lorsque
l’événement dommageable s’est produit alors que la marchandise était sous sa garde286.
Le système de responsabilité de l’exploitant est ici axé autour de la notion de
« garde ». Sa responsabilité s’étendra de la « prise en garde » jusqu’à la livraison à la
personne habilitée. Reste que la question de délimitation de la notion se posera ainsi que celle
de son articulation avec la notion de « prise en charge » qui marque le début de la
responsabilité du transporteur. En effet, la juxtaposition des deux régimes de responsabilité
semble inévitable rendant ainsi la distinction entre les opérations relevant de la responsabilité
du transporteur et celles relevant de la responsabilité de l’exploitant d’autant plus complexe. Il
appartiendra aux juges de faire la lumière sur ces interrogations au regard des circonstances
d’espèce287.
285 M. Ndendé « Regards sur une Convention internationale méconnue – La Convention de Vienne du 17 avril 1991 sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport », Revue de droit des transports n°4, Mai 2007, Etude 6, point 25 : « Nous avons la faiblesse de penser que ce sera un système plus équilibré, mais aussi en meilleur cohérence avec les orientations contemporaines et modernes des conventions internationales régissant les transports » ; en sens inverse, L. Fedi, thèse ….. p. 480 « au lieu d’opérer une certaine « égalité » dans les régimes juridiques entre opérateurs de transport et transporteurs. Cette iniquité contrecarre les objectifs de prise en considération des intérêts légitimes de toutes les parties concernées à savoir les chargeurs, les exploitants de terminaux ainsi que les transporteurs. » 286 Art. 5 §1 de la Convention de Vienne, « Fondement de la responsabilité » 287 Résolution partielle du problème de la détermination du début de la prise en garde par une référence à la « zone de compétence de l’exploitant », à partir des travaux préparatoires du groupe de travail de la CNUDCI,
97
On retrouve ensuite des traits communs aux systèmes de responsabilité des transports.
D’abord, on notera la mise en place d’une responsabilité limitée avec l’instauration de
plafonds de limitation de responsabilité.
A l’heure actuelle, selon le rôle économique qu’il occupera dans la chaîne de transport,
l’opérateur pourra être tenu d’une réparation intégrale. La Convention de Vienne propose
d’harmoniser les règles de responsabilité pour les dommages se produisant lorsque les
marchandises se trouvent sur terminaux288.
L’originalité vient ici de la mise en place d’un système de variation des plafonds en
fonction de l’existence ou non d’un « segment maritime » dans le transport objet du litige.
Si les marchandises sont remises à l’exploitant du terminal après un transport par mer ou en
vue d’un tel transport, sa responsabilité sera égale à 2,75 droits de tirage spéciaux (DTS) par
kilogramme, correspondant ainsi au montant prévu par les Règles de Hambourg. En revanche,
en l’absence de tout fragment maritime, le montant de réparation sera celui prévu par la
Convention de Genève de 1954 pour le transport routier, soit 8,33 DTS par kilogramme289.
Si ces montants de limitation sont à l’évidence les bienvenus pour les opérateurs portuaires et
s’ils permettent d’accorder le régime de responsabilité des exploitants de terminaux avec celui
des transporteurs maritimes, on se permettra tout de même d’émettre une réserve quant à
l’opportunité d’avoir adopté un taux identique à celui des Règles de Hambourg. Le risque est
de voir les taux d’indemnisation à l’égard des opérateurs portuaires retomber dans la critique
actuelle des montants d’indemnisation trop faibles qui bénéficient aux armateurs290.
Pour le cas particulier du retard, la Convention prévoit que la réparation s’élèvera à un
montant équivalent à deux fois et demi la somme due à l’exploitant pour les prestations qu’il
aura fournies aux marchandises dont la livraison aura été retardée, sans toutefois excéder le
total des sommes dues à lui pour l’ensemble des marchandises291. On remarquera que la
Convention ne prévoit de plafonds maximum que dans l’hypothèse de dommages dus au
voir la thèse de L. Fedi « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », Thèse sous la direction de C. Scapel, Aix-Marseille III, 2006, p.481, 482 288 Paragraphe 3 du Préambule de la Convention de Vienne 289 Art. 6 §1 de la Convention de Vienne « Limites de la responsabilité » 290 L. Fedi, « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », Thèse sous la direction de C. Scapel, Aix-Marseille III, 2006, p. 487 291 Art. 6 §2 de la Convention de Vienne « Limites de la responsabilité »
98
retard, paraissant ainsi ignorer les lourdes conséquences que peuvent avoir certains dommages
notamment sur l’environnement292.
La Convention de Vienne prévoit également les conditions de déchéance du droit à
une responsabilité limitée. Dans l’hypothèse d’une « faute intentionnelle » ou d’une « faute
inexcusable » de l’exploitant ou de l’un de ses préposés, mandataires ou toute autre personne
dont l’exploitant utilise les services, l’exploitant perdrait le droit de se prévaloir des plafonds
de limitation293. Sur ce dernier point, le texte marque son originalité par rapport aux autres
conventions 294qui ne prévoient la déchéance de la limitation qu’en cas de faute du
transporteur ou entrepreneur de transport multimodal. Cette règle, si elle apparait
correspondre à une certaine réalité, à savoir la relative fréquence des fautes commises par les
manutentionnaires salariés, « elle risque de perturber l’interprétation des autres textes sur le
transport »295. On imagine bien la complexité de la situation de l’opérateur de terminal,
responsable de sa faute et de celle de ses préposés, qui agirait pour le compte du transporteur
qui n’est lui responsable que de ses propres fautes.
La doctrine a pu faire remarquer la difficulté que constituerait la recherche de la faute
du préposé par la victime. Elle a également mis en avant la forte probabilité pour que la faute
prouvée du préposé rejaillisse sur l’opérateur de terminal, qui pourra se voir reprocher un
manquement à une obligation de sécurité ou un défaut d’entretien normal de ses installations
qui pourra, le cas échéant, revêtir le caractère de faute inexcusable296.
Mise à part la difficulté de savoir quelle conception adopter pour apprécier le caractère
de faute, l’introduction de la « faute inexcusable » alignerait définitivement le régime de
l’opérateur de terminal sur celui du transporteur.
Enfin la Convention de Vienne offre un droit d’action en responsabilité élargi.
Pourront agir en responsabilité contre l’opérateur, le fréteur, l’affréteur s’il s’agit d’un
affrètement, le transporteur, le consignataire et les ayants droit à la marchandise s’il s’agit
d’un contrat de transport. Lorsque le dommage est causé par les opérations de manutention, le
292 Exemple des accidents qui se produiraient sur un terminal à vracs liquides dangereux et qui entraineraient des pollutions importantes : cité par L. Fedi dans sa thèse « Le cadre de l’exploitation des terminaux pétroliers », Thèse sous la direction de C. Scapel, Aix-Marseille III, 2006 293 Art. 8 §1 et 2 de la Convention de Vienne « Déchéance du droit de limiter la responsabilité » 294 Convention de Bruxelles de 1924, Règles de Hambourg de 1979 et Convention sur le transport multimodal de 1980 295 P. Bonassiès « Note sur la Convention des Nations-Unies de 1991, sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transports dans le commerce international », Annales IMTM 1996, p. 137 296 L. Fedi, « Le cadre juridique de l’exploitation des terminaux pétroliers », Thèse sous la direction de C. Scapel, Aix-Marseille III, 2006, p. 488
99
transporteur sous la garde duquel se trouve la marchandise aura logiquement une action
récursoire contre l’exploitant du terminal.
Les actions en responsabilité contre l’opérateur de terminal se prescriront en deux ans,
prescription de principe pour les conventions de la CNUDCI.
Les avancés proposées par la Convention de Vienne vers l’harmonisation des régimes
de responsabilité et l’équilibre entre les parties ne sont pas à négliger. Le nouveau texte
permettrait avant tout d’apporter une sécurité juridique plus grande aux parties au transport.
Pour le chargeur, c’est la garantie d’un dédommagement de son préjudice indépendamment de
la mise en cause de la responsabilité du transporteur. Pour le transporteur, c’est l’assurance de
pouvoir bénéficier d’une action récursoire contre l’exploitant. Pour l’exploitant de terminaux,
c’est l’ « officialisation » et la clarification de son activité grâce à l’adoption de définitions
juridiques globales. La Convention permet aussi, à son bénéfice, la mise en place de sûretés
renforcées avec notamment un droit de rétention illimitée dans le temps ainsi qu’un droit de
vendre la marchandise297.
Mais peut-on adopter cette convention sans pour autant adopter les autres conventions
de la CNUDCI qui s’inscrivent dans la même logique ? Les échecs successifs des conventions
de la CNUDCI ne permettent pas aujourd’hui d’envisager l’avènement du « nouvel ordre
juridique » escompté.
297 Art. 10 de la Convention de Vienne, « Sûreté portant sur les marchandises »
100
Conclusion
L'activité d'exploitant de terminal souffre d'un manque certain de reconnaissance
légale. Nous ne pouvons qu’espérer une reconnaissance rapide, par les autorités publiques,
des spécificités attachées à cette activité.
Pour faire face à la concurrence internationale, les politiques ne peuvent plus se
contenter de réformes incomplètes. Les règles de la domanialité publique doivent
impérativement être assouplies pour autoriser plus de concurrence sur la zone portuaire. Il est
également primordial de repenser le maillon portuaire dans son entier comme maillon intégré
de la chaîne de transport.
Nous ne plaidons pas en faveur d’une privatisation des ports. Les ports ont besoin
d’une autorité publique de régulation mais recentrée sur ses seules fonctions régaliennes.
L'entrée des acteurs et des financements prives ne doivent pas faire craindre une privatisation
mais au contraire permettre d'optimiser la productivité et la compétitivité de l'activité
d'operateur de terminaux. Les conflits sociaux incessants qui ne rendent attractive, ni l’activité
d’exploitant de terminal, ni les ports français, témoignent de l’incapacité des autorités à faire
accepter les réformes portuaires. La « révolution culturelle 298» aura-t-elle lieu ?
Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal est lui aussi « victime » de la
frilosité du législateur. Si en France, le régime de l’entrepreneur de manutention s’adapte
relativement bien à l’activité d’exploitant de terminal, il serait tout de même opportun d’avoir
un régime unique de responsabilité des exploitants de terminaux, vu la globalisation de
l’activité aujourd’hui. Mais les Etats n’ont semble t- il pas la propension à édicter des règles
impératives en la matière. Malgré les critiques qu’elle a suscitées, la Convention de Vienne de
1991, a le mérite d’avoir tenter d’instaurer un régime de responsabilité harmonisé. En la
matière, les opérateurs de terminal sont en droit de demander plus de sécurité juridique.
298 Fedi L., Rézenthel R., « L’exploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du 21ème siècle », DMF 685, oct. 2007, p. 837
101
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104
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- Dossier de presse, Plan de relance des ports, 8 avril 2008, publié par le Ministère de
l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire
105
Annexes
Annexe 1 : Convention type d’exploitation de terminal..…………p. 106-116
Annexe 2 : « Equipment Interchange Report »……………………p. 117
Annexe 3 : Convention des Nations Unies du 19 avril 1991………p. 118-136
106
Annexe 1
Décret n°2000-682 du 19 juillet 2000
Décret approuvant la convention type d'exploitation de terminal dans les ports autonomes maritimes et modifiant le code des ports maritimes.
version consolidée au 4 janvier 2006 - version JO initiale
CONVENTION TYPE D'EXPLOITATION DE TERMINAL DANS LES PORTS AUTONOMES MARITIMES.
Annexe
La présente convention est conclue entre :
- le port autonome de ..., représenté par son directeur, dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du ..., qui sera dénommé le port ;
- et ..., représenté(e) par M. ..., qui sera dénommé(e) "l'entreprise" dans la présente convention.
Objet de la convention.
Annexe, article 1
La présente convention a pour objet de définir les conditions de l'exploitation (et le cas échéant de la réalisation) du terminal de ... spécialisé dans le ou les différents types de trafic suivants, désignés par le mode de conditionnement ou par la nature du produit :
La présente convention ne fait pas obstacle à ce que le port autorise, par toute décision unilatérale ou toute convention conclue avec d'autres entreprises, les mêmes activités ou trafics sur d'autres parties du domaine portuaire.
Un plan d'ensemble cadastré faisant apparaître la délimitation du terminal et un plan précisant sa localisation dans la circonscription du port sont annexés à la présente convention.
107
Objectifs de trafic du terminal.
Annexe, article 2
En vue d'assurer le développement de l'activité au sein du port, le ou les objectifs de trafic du terminal et, le cas échéant, les objectifs de qualité des services, ainsi que leurs échéanciers respectifs, sont les suivants :
Les parties procèdent, au moins tous les ... ans à un examen conjoint des conditions de réalisation de ces objectifs. Après accord du conseil d'administration du port, du commissaire du Gouvernement et du membre du corps du contrôle général économique et financier, les objectifs et leurs échéanciers peuvent être révisés sans affecter l'économie générale de la convention, pour tenir compte notamment de l'évolution des marchés et des demandes nouvelles de services.
L'exploitation du terminal par l'entreprise.
Annexe, article 3
3.1. L'exploitation technique et commerciale du terminal
L'entreprise assure l'exploitation technique et commerciale du terminal.
A ce titre :
a) Elle a la responsabilité de toutes les opérations de débarquement, d'embarquement, de manutention et de stockage liées au navire et à la marchandise. Elle est tenue de mettre en place les moyens en personnel et les moyens techniques appropriés. Elle en assure la coordination vis-à-vis de ses clients ;
b) Elle construit les aménagements, outillages et, le cas échéant, les terre-pleins nécessaires au maintien et au développement de l'activité dans les conditions prévues à l'article 7 ;
c) Elle entretient les terre-pleins, aménagements et outillages selon les modalités prévues à l'article 8 ;
d) Elle assure la responsabilité de l'exploitant au regard de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, notamment de celles relatives aux installations classées, à la gestion de l'eau et à la protection de l'environnement.
3.2. Le caractère personnel de l'exploitation et la sous-traitance
L'entreprise est tenue d'exploiter directement en son nom le terminal objet de la présente convention.
Elle est tenue d'occuper elle-même et sans discontinuité les biens immobiliers dans l'emprise du terminal.
108
Toutefois elle pourra, après accord du port, confier à un tiers l'exécution d'une partie des opérations liées à l'exploitation du terminal. Dans ce cas, elle demeurera responsable envers le port et envers les tiers de l'accomplissement de toutes les obligations imposées par la présente convention.
Toute cession totale ou partielle de l'activité exercée par l'entreprise sur le terminal ne peut intervenir, sous peine de résiliation de la convention, qu'avec l'accord du port.
L'entreprise est tenue d'informer le port de tout changement dans la participation des associés, la composition de son capital ou la répartition des droits de vote, de nature à modifier le contrôle de l'entreprise au sens de l'article L233-3 du code de commerce.
3.3. Prestations de services du port autonome
Le port, à la demande de l'entreprise, peut effectuer des prestations de services. Les modalités et conditions de fourniture de ces prestations sont déterminées par une convention particulière.
3.4. Priorité d'usage des quais
Sous réserve de l'application des dispositions du livre III du code des ports maritimes et du règlement d'exploitation du port, et sauf cas de force majeure ou motifs de sécurité, l'entreprise bénéficie d'une priorité permanente d'usage du ou des quais dont les caractéristiques sont précisées ci-après :
L'entreprise indique en temps utile à la capitainerie du port l'ordre d'accostage souhaitable des navires au droit du terminal.
Les moyens à mettre en place par l'entreprise (le cas échéant).
Annexe, article 4
L'entreprise s'engage à mettre en place sur l'emprise du terminal tel que délimité à l'article 1er les moyens suivants, selon l'échéancier détaillé ci-dessous :
1. Biens immobiliers :
2. Biens mobiliers :
Les moyens mis à disposition par le port.
Annexe, article 5
Le port met à la disposition de l'entreprise :
1. Des terrains ou terre-pleins, desservis par un ou des quais ou accessibles aux navires par toute autre modalité, comportant les catégories suivantes :
109
a) Dépendances du domaine public, remis en jouissance ou appartenant au port autonome ;
b) Dépendances du domaine privé, remis en jouissance ou appartenant au port autonome ;
2. Le cas échéant des aménagements ;
3. Le cas échéant des outillages.
La liste des terrains ou terre-pleins, indiquant leur superficie et leur répartition entre dépendances du domaine public et dépendances du domaine privé, la liste des aménagements et la liste des outillages sont annexées à la présente convention.
La mise à disposition des terrains, terre-pleins, aménagements et outillages est constatée par des procès-verbaux dressés par le port contradictoirement avec l'entreprise.
Les modifications des moyens mis par le port à la disposition de l'entreprise, notamment dans le cas de retrait prévu à l'article 16, sont constatées par des procès-verbaux dressés dans les mêmes formes, après accord du commissaire du Gouvernement et du membre du corps du contrôle général économique et financier. Les listes annexées à la convention sont modifiées en conséquence. Les modifications sont obligatoirement mentionnées dans le plus prochain avenant à la convention.
La mise à disposition des terrains, terre-pleins, aménagements et outillages du port n'entraîne en aucun cas transfert de propriété ou constitution de droits réels.
Constitution de droits réels au profit de l'entreprise.
Annexe, article 6
L'entreprise bénéficie (ne bénéficie pas) de droits réels dans les conditions prévues par les articles L. 34-1 à L. 34-9 et R. 57-1 à R. 57-9 du code du domaine de l'Etat sur les biens immobiliers qu'elle réalise sur le domaine public en application de la présente convention.
La charge financière des travaux.
Annexe, article 7
7.1. Travaux relatifs aux moyens mis à la disposition de l'entreprise (le cas échéant)
Les travaux de rénovation, modification et renouvellement des terre-pleins, aménagements et outillages mis à la disposition de l'entreprise devront être autorisés par le port. Ils seront financés selon les modalités définies ci-dessous :
Ils seront réalisés selon des modalités définies dans une convention particulière.
7.2. Autres travaux et réalisations
110
Les travaux et réalisations autres que ceux mentionnés à l'article 7-1 sont à la charge exclusive de l'entreprise.
Les travaux et biens immobiliers qui seront réalisés par l'entreprise en complément de ceux prévus à l'article 4 sont soumis à une autorisation préalable du port.
L'entretien.
Annexe, article 8
8.1. La responsabilité des travaux d'entretien
Lorsqu'en application des stipulations des 8.2 et 8.3 une partie supporte en totalité les dépenses d'entretien d'ouvrages, terre-pleins, aménagements ou outillages, elle assure l'entière responsabilité de leur entretien.
Lorsque les dépenses d'entretien font l'objet d'une répartition entre les parties, une convention particulière détermine les responsabilités respectives des parties au regard notamment des règles de sécurité, ainsi que les modalités de réalisation des travaux d'entretien. Cette convention précise également les modalités de réparation des avaries.
8.2. Les quais et autres moyens d'accès au terminal
Les dépenses afférentes à l'entretien du ou des quais ou des autres moyens d'accès des navires au terminal ainsi que des souilles correspondantes peuvent être prises en charge selon les modalités suivantes :
8.3. Les terre-pleins, aménagements et outillages mis à disposition de l'entreprise (le cas échéant)
Les dépenses afférentes à l'entretien des terre-pleins, aménagements et outillages mis à la disposition de l'entreprise par le port sont prises en charge selon les modalités suivantes :
8.4. Les terre-pleins, aménagements et outillages réalisés par l'entreprise
L'entreprise s'oblige à maintenir à ses frais les terre-pleins, aménagements et outillages qu'elle a réalisés en bon état d'entretien et de fonctionnement.
Application des règlements.
Annexe, article 9
Les règlements généraux et particuliers en vigueur sur le port sont applicables dans les limites du terminal.
L'entreprise doit se conformer notamment aux décisions que le port autonome et les autorités compétentes prennent tant dans l'intérêt de la sécurité publique que de la sécurité de l'exploitation portuaire.
111
Responsabilité - Assurances.
Annexe, article 10
10.1. Sans préjudice des stipulations de l'article 8, l'entreprise est responsable de tout dommage résultant de l'exploitation du terminal, qu'il soit causé par elle-même ou par un de ses sous-traitants et qu'il soit subi par elle-même, le port, un tiers ou un usager. L'entreprise s'engage à réparer ce dommage.
10.2. L'entreprise s'engage à réparer les dommages qui seraient causés par des tiers dans les limites du terminal et fait son affaire de tout recours contre eux.
10.3. L'entreprise souscrit l'ensemble des assurances correspondant à l'exercice de ses responsabilités pour l'application de la présente convention, notamment du présent article et des articles 7 et 8. Elle communique au port copie des contrats et toutes pièces justificatives.
Redevances et autres rémunérations.
Annexe, article 11
11.1. Redevance domaniale
L'entreprise verse à la caisse de l'agent comptable du port une redevance annuelle pour l'occupation du domaine (terrains, terre-pleins et aménagements) mis à sa disposition par le port. Le montant, les conditions de versement et de révision de cette redevance sont fixés selon les modalités suivantes :
11.2. Autres rémunérations (le cas échéant)
L'entreprise verse selon les mêmes modalités pour les outillages mis à sa disposition par le port des redevances dont les montants, les conditions de versement et de révision sont fixés, par dérogation aux articles R. 115-15 à R. 115-18 du code des ports maritimes, selon les modalités suivantes :
Impôts et taxes.
Annexe, article 12
A compter de l'entrée en vigueur de la présente convention l'entreprise supportera tous les impôts et taxes, y compris ceux incombant ordinairement au propriétaire, et notamment l'impôt foncier, auxquels sont actuellement soumis ou pourraient être soumis les terrains, terre-pleins, aménagements et outillages mis à sa disposition ou réalisés par elle, quelles qu'en soient l'importance et la nature.
112
L'entreprise fera en outre, s'il y a lieu et sous sa responsabilité, la déclaration de constructions nouvelles ou de changement de consistance ou d'affectation prévue par les dispositions législatives et réglementaires applicables en matière fiscale.
Durée.
Annexe, article 13
Modifié par Décret n°2005-1796 du 28 décembre 2005 art. 2 (JORF 4 janvier 2006).
La présente convention est conclue pour une durée de
(déterminée en tenant compte de la durée d'amortissement des investissements à la charge de l'entreprise en application de l'article 4), cette durée courant à compter de la date d'approbation de ladite convention par les autorités compétentes.
Pénalités financières.
Annexe, article 14
En cas de manquement par l'entreprise aux obligations qui lui incombent en application de la présente convention, le port met en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'entreprise de régulariser la situation dans un délai d'au moins trois mois, sauf cas d'urgence. A l'expiration du délai imparti et en l'absence de régularisation, l'entreprise est passible du paiement d'une pénalité dont le montant est fixé par le port sans pouvoir excéder le double de la valeur mensuelle moyenne des redevances et autres rémunérations acquittées en application de l'article 11 au cours des douze mois précédant la mise en demeure susmentionnée.
Résiliation de la convention.
Annexe, article 15
15.1. Résiliation à l'initiative de l'entreprise
Si l'entreprise décide de résilier la présente convention, elle en informe le port au moins un an à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle verse au port, avant la prise d'effet de la résiliation, l'indemnité prévue à l'article 15.4.
15.2. Résiliation à l'initiative du port
a) Le port peut résilier la présente convention lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de règlement judiciaire au sens de l'article 1er de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée relative au règlement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
La liquidation judiciaire de l'entreprise entraîne de plein droit la résiliation de la convention.
113
b) Le port peut résilier la présente convention lorsque l'entreprise ne remplit pas les obligations qui découlent de la présente convention, et notamment :
- si l'entreprise ne respecte pas la spécificité du terminal en matière de trafics en traitant sur celui-ci des trafics différents de ceux qui sont précisés à l'article 1er ;
- si l'entreprise ne réalise pas les investissements prévus à l'article 4 aux échéances indiquées (le cas échéant) ;
- si, pendant ... années consécutives, les trafics sur le terminal sont inférieurs de ... % aux objectifs fixés à l'article 2 ou si la qualité des services n'est pas conforme aux objectifs définis à l'article 2.
Sauf urgence, le port met en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'entreprise de régulariser la situation dans un délai d'au moins trois mois. A l'expiration du délai imparti et en l'absence de régularisation, la résiliation peut être prononcée après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations et après audition si elle en fait la demande.
c) Le port peut résilier la présente convention pour un motif d'intérêt général.
Sauf urgence, la résiliation est prononcée après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations et, si elle en a fait la demande, a été entendue, et prend effet à l'expiration d'un délai d'au moins trois mois à compter de la notification de la décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
15.3. Résiliation d'un commun accord
A tout moment, le port et l'entreprise peuvent convenir d'une résiliation de la convention dans des conditions arrêtées par eux. La résiliation ne peut prendre effet sans accord préalable du conseil d'administration du port, du commissaire du Gouvernement et du membre du corps du contrôle général économique et financier.
15.4. Indemnisation
Aucune indemnité n'est due à l'entreprise par le port lorsque la résiliation intervient en application des articles 3.2, 15.1, 15.2 (a) et 15.2 (b).
Lorsque la résiliation est prononcée en application de l'article 15.2 (c), l'entreprise est indemnisée, conformément à l'article L. 34-3 du code du domaine de l'Etat, pour les investissements qui auront donné lieu à un droit réel, à raison du préjudice direct matériel et certain né de l'éviction anticipée.
Lorsque la résiliation est prononcée en application des articles 3.2, 15.1 et 15.2 (b), l'entreprise verse au port une indemnité égale à ... fois le montant annuel moyen des redevances et autres rémunérations acquittées en application de l'article 11 au cours des trois années précédant la résiliation.
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Retrait partiel de terre-pleins, d'aménagements et d'outillages mis à disposition et de priorité d'usage de quai.
Annexe, article 16
16.1. Pour des motifs de vétusté ou de sécurité les rendant impropres à leur usage, le port peut mettre fin à la mise à disposition de certains aménagements et outillages mentionnés à l'article 5.
16.2 (facultatif). Si les trafics sur le terminal sont inférieurs de % aux objectifs fixés à l'article 2 pendant années consécutives, sans être inférieurs au niveau défini à l'article 15.2 (b) permettant la résiliation de la convention, le port peut mettre fin à la mise à disposition des terre-pleins, des aménagements et outillages suivants : ainsi qu'à la priorité d'usage du ou des quais suivants :
Les redevances et autres rémunérations mentionnées à l'article 11 sont en conséquence modifiées dans les conditions suivantes :
Les objectifs définis à l'article 2 sont (le cas échéant) modifiés dans les conditions suivantes :
16.3. Les retraits partiels mentionnés aux articles 16.1 et 16.2 interviennent deux mois après notification à l'entreprise de la décision du port par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et, si dans ce délai de deux mois elle en a fait la demande, après audition de l'entreprise. Ils n'ouvrent pas droit à indemnité.
Sort des biens à l'expiration de la convention.
Annexe, article 17
A l'expiration de la convention, pour quelque cause que ce soit, le sort des biens est régi par les dispositions suivantes :
17.1. Terre-pleins, aménagements et outillages mis à disposition de l'entreprise (le cas échéant)
Les terre-pleins, aménagements et outillages mis à la disposition de l'entreprise seront remis au port en parfait état de fonctionnement et d'entretien, sauf stipulations contraires figurant dans les conventions particulières visées aux articles 7.1 et 8.3. En cas de manquement de l'entreprise à ses obligations, la remise en état pourra être effectuée d'office par le port, aux frais et risques de l'entreprise.
17.2. Mobiliers appartenant à l'entreprise
Le port dispose d'un droit de préemption sur tout ou partie des biens de caractère mobilier appartenant à l'entreprise et installés sur le terminal, sur la base de leur valeur comptable résiduelle.
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Sauf dans le cas où le nouvel exploitant du terminal reprend ces biens, l'entreprise est tenue d'enlever à ses frais et sans délai ceux sur lesquels le port n'aura pas exercé son droit de préemption, et de remettre dans leur état primitif les lieux sur lesquels ils étaient installés.
17.3. Biens immobiliers réalisés par l'entreprise
Le port établit la liste des terre-pleins et aménagements réalisés par l'entreprise qu'il souhaite conserver. Au terme de la convention, ces biens deviennent de plein droit et gratuitement la propriété du port, francs et quittes de tous privilèges et hypothèques. Les autres doivent être démolis, soit par l'entreprise, soit à ses frais.
La liste mentionnée à l'alinéa précédent est transmise à l'entreprise un an avant le terme normal de la convention. En cas de résiliation anticipée, le port la transmet au plus tard avant la prise d'effet de la décision de résiliation.
Lorsque l'entreprise aura réalisé, avec l'autorisation du port, des travaux autres que ceux prévus à l'article 4 et nécessaires à la poursuite, jusqu'au terme de la convention, de l'exploitation, le port pourra lui accorder à l'échéance de la convention une indemnité dont le montant ne sera pas supérieur à la valeur comptable résiduelle de ces travaux constatée à la fin de la convention. L'indemnisation ainsi accordée ne fait pas obstacle à ce que le port en transfère la charge finale sur l'entreprise qui poursuivra l'exploitation du terminal à l'échéance de la présente convention.
Frais de publication.
Annexe, article 18
Les frais du présent acte et ceux qui en seront la suite ou la conséquence sont à la charge de l'entreprise.
Publicité foncière.
Annexe, article 19
Lorsque le présent acte est constitutif de droits réels, il est soumis, aux frais de l'entreprise, à la formalité de publicité foncière.
Il sera publié au bureau des hypothèques de
dans les formes et conditions prévues par les articles 18-I c et 32 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 modifié.
La publication du présent acte donnera ouverture au droit fixe des actes innomés prévu à l'article 680 du code général des impôts. L'entreprise devra en outre acquitter le salaire du conservateur des hypothèques fixé en application de l'article 287 (15°) de l'annexe III du code général des impôts.
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Litiges.
Annexe, article 20
En cas de litige relatif à l'exécution de la présente convention et des conventions particulières conclues pour son application, les parties saisissent un collège de médiateurs composé de trois membres, l'entreprise et le port désignant chacun un médiateur, les deux médiateurs ainsi désignés choisissant le troisième membre du collège.
A l'issue de la procédure de médiation, constatée par le collège des experts, le litige est porté, s'il y a lieu, devant le tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le terminal objet de la convention.
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Annexe 2
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Annexe 3
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Table des matières
Abstract ................................................................................................................................... 1
Remerciements ........................................................................................................................ 2
Sommaire ................................................................................................................................ 3
Introduction - L’exploitation de terminaux à conteneurs portuaires, une activité économique prisée .................................................................................................................. 4
Titre 1 - Le régime d’exploitation du terminal à conteneurs portuaire .................................... 10
Chapitre 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect des règles de la domanialité portuaire ........................................................................................................... 11
Section 1- L’exploitation du terminal à conteneurs dans son contexte portuaire ............. 11
I. Le terminal à conteneurs et l’opérateur en charge de son exploitation .................. 11
A. Définition du terminal .................................................................................... 12
1. L’absence d’unité de conception de la notion ................................................ 12
2. Des références textuelles éparses ................................................................... 12
B. Compréhension de la notion d’ « opérateur de terminal» .............................. 14
1. Une notion incertaine ...................................................................................... 14
2. La compréhension de la notion dans le système français de la manutention . 15
II. Le port et le régime de domanialité portuaire .................................................... 17
A. La complexité de la réalité portuaire .............................................................. 18
B. La domanialité publique ................................................................................. 20
Section 2- les régimes d’occupation privative du domaine public portuaire .................... 24
I. Dès régimes classiques d’occupation domaniale inadaptés à la création d’un régime d’occupation propre à l’exploitation des terminaux .......................................... 24
A. La concession d’outillage public et l’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public ....................................................................................... 25
1. Le régime de la concession d’outillage public ............................................... 25
2. L’autorisation d’outillage privé avec obligation de service public ................ 26
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B. L’avènement d’un nouvel instrument juridique, « convention d’exploitation de terminal » .............................................................................................................. 27
II. Le contenu de la convention d’exploitation de terminal .................................... 29
A. Les apports de la convention d’exploitation de terminal ................................ 30
B. Les limites à l’innovation ............................................................................... 34
1. Les limites classiques des conventions d’occupation du domaine public ...... 34
2. Les faiblesses propres à la CET ...................................................................... 36
Chapitre 2- L’exploitation du terminal à conteneurs dans le respect d’un environnement portuaire compétitif et plus sûr ............................................................................................ 39
Section préliminaire- L’occupation du domaine public portuaire et l’application du droit communautaire .................................................................................................................. 39
Section 1- Quelle sécurité pour l’opérateur de terminal à conteneurs ? ........................... 40
I. La gestion privative des terminaux sécurisée ........................................................ 41
A. L’octroi des autorisations d’aménagement et d’exploitation de terminal à conteneurs portuaire .................................................................................................. 41
B. Une exploitation de terminal régulée .............................................................. 45
II. Les limites du partenariat public/privé dans les ports français .......................... 47
A. Un manque certain de concurrence entre manutentionnaires sur un terminal 47
1. Le double commandement dans la manutention française ............................. 47
2. La nécessité d’une réforme de l’organisation de la manutention portuaire .... 49
B. Le point sensible du financement des terminaux portuaires ........................... 50
1. Mise en lumière du problème ......................................................................... 50
2. L’état de la législation en matière de garantie de financement ...................... 51
Section 2- Accroissement de la sécurité et de la sûreté sur le terminal à conteneurs ....... 53
I. Les mesures de sécurité.......................................................................................... 53
II. La politique de sûreté des installations portuaires ............................................. 55
A. Instauration d’une politique de sûreté dans les ports et leurs installations portuaires ................................................................................................................... 55
B. L’assimilation des installations portuaires aux terminaux ............................. 57
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TITRE 2 Le régime de responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs pour les dommages causés aux marchandises ........................................................................................ 60
Chapitre 1- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal à conteneurs portuaire ............................................................................................................................... 60
Section 1- La phase de responsabilité ............................................................................... 61
I. De la prise en charge du conteneur à l’entrée sur terminal .................................... 61
A. Compréhension de la notion et opérations pratiques ...................................... 62
B. La prise de réserves à la prise en charge......................................................... 65
II. A la livraison ...................................................................................................... 66
A. Compréhension de la notion ........................................................................... 67
B. La prise de réserves à la livraison ................................................................... 69
Section 2- Les prestations réalisées par l’opérateur sur le terminal .................................. 70
I. Séjour du conteneur sur terminal ........................................................................... 70
A. Les opérations de manutention et de positionnement sur terminal ................ 70
B. La garde du conteneur sur terminal ................................................................ 72
II. L’occurrence des dommages à la marchandise sur terminal .............................. 73
A. Manquement à son obligation de sécurité ...................................................... 73
B. Manque de diligence et de soins ..................................................................... 75
Chapitre 2- L’étendue de la responsabilité de l’opérateur de terminal .............................. 77
Section 1 – Les régimes actuels de responsabilité ............................................................ 77
I. Multiplicité des régimes applicables ...................................................................... 77
A. Absence d’uniformité des régimes d’un port à l’autre ................................... 78
B. La qualité sous laquelle l’opérateur intervient ............................................... 79
II. L’application à l’opérateur de terminal du régime de responsabilité juridique de l’entrepreneur de manutention français ......................................................................... 81
A. Le régime de responsabilité de l’entrepreneur de manutention ...................... 82
1. Les conditions d’application du régime de responsabilité de l’entrepreneur de manutention ............................................................................................................ 82
2. Principe de responsabilité et cas d’exonération .............................................. 84
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B. L’action en responsabilité de l’opérateur entrepreneur de manutention ........ 86
1. Le titulaire du droit d’action contre l’entrepreneur de manutention............... 86
2. Les modalités de la responsabilité de l’entrepreneur de manutention ............ 88
Section 2- La Convention de Vienne pour un régime juridique unifié de responsabilité des opérateurs de terminaux .............................................................................................. 91
I. Une convention universaliste ................................................................................. 91
A. Les objectifs ambitieux de la Convention de Vienne ..................................... 91
B. La « juridicisation » de l’exploitation des terminaux ..................................... 93
II. L’avènement d’un régime innovant de responsabilité ....................................... 94
A. La nature de la responsabilité de l’opérateur de terminal sous le régime de la Convention de Vienne ............................................................................................... 94
B. La mise en jeu de la responsabilité de l’opérateur de terminal sous le régime de la Convention de Vienne ....................................................................................... 96
Conclusion .......................................................................................................................... 100
Bibliographie ...................................................................................................................... 101
Annexes ............................................................................................................................... 105
Annexe 1 ............................................................................................................................. 106
Annexe 2 ............................................................................................................................. 117
Annexe 3 ............................................................................................................................. 118