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Météo-orthopédie Le soleil orthopédique a brillé sur Bergen pen- dant plusieurs jours, si je puis ainsi résumer le compte-rendu de la récente réunion des « Lombariens » dans cette ville. Soleil déroutant si j’en crois un autre récit, de voyage celui-là, fait par un capitaine de Bergen parti très loin pour pêcher la morue. Revenant au port, fati- gué mais heureux, il aperçoit un rayon de soleil sur la ville. Il fait aussitôt demi-tour, repart vers la haute mer, persuadé d’avoir fait une erreur de navigation, car il n’y a jamais que des nuages sur Bergen mais pas de soleil. Pure malveillan- ce, bien sûr. J’espère que Raphaël Vialle nous renseignera souvent, il le fait bien, sur la météo- rologie rachidienne de Bergen ou d’ailleurs. Car il fait souvent bon, et même chaud, quand on parle d’orthopédie pédiatrique. C’est encore vrai aujourd’hui ; la lecture de ce numéro de la Gazette m’apporte un vent frais, porteur d’es- poir plus que de nostalgie, d’admiration pour un orthopédiatre de la première vague, Paul Masse. Son portrait est bien dessiné par Taussig ; je n’y adjoindrai que quelques réflexions. Il est fréquent de se donner des excuses, de s’at- tribuer quelque mérite, en accusant l’actualité de freiner nos enthousiasmes, de compliquer toutes choses, de restreindre comme jamais les bud- gets, en bref d’expliquer par elle nos difficultés et donc nos échecs et jusqu’à notre paresse. Il suffit pourtant de regarder attentivement vers l’arrière, pour voir ce que nos anciens, c’est l’exemple de Paul Masse qui m’incite à ce rétro- regard, ont réalisé dans les pires conditions qui aient été. La guerre de 39-45 et la longue pério- de de disette en tous genres qui l’a suivie, c’est ce temps là que Paul Masse et d’autres ont sinon choisi, du moins utilisé pour travailler, apprendre à opérer et à enseigner, bâtir les fon- dements de l’orthopédie pédiatrique. Tout man- quait sauf les maladies et les enfants malades. Ces maladies ont presque disparu pour beau- coup d’entre elles: les « spina bifida », la polio, les graves infections ostéo articulaires. Elles leur ont appris à bien raisonner, à penser plus au résultat fonctionnel retardé qu’à la satisfac- tion immédiate du « montage » métallique. C’était bien ; il en est resté, à l’évidence, un humanisme dont témoigne la foi de l’équipe qui prolonge l’action de Paul Masse. La sagesse, la compréhension, l’attention aux autres, parents et ébauche d’enfant, sont perceptibles (j’allais écrire palpables), dans les pages consacrées par Didier Pilliard à une consultation prénatale jus- tifiée par la découverte échographique d’une malformation. Une époque de pathologies a disparu, passion- nante et formatrice, mais l’ère de la chirurgie pédiatrique continue, riche en d’autres patholo- gies, formatrice et passionnante elle aussi à condition d’utiliser ce rétroregard, braqué sur ceux qui ont connu dans leur activité quoti- dienne plus de freins et de difficultés que nous. Alors, il fait aussi beau en avant qu’en arrière. Je ne puis savoir l’impression que fera la lec- ture de ce numéro de la Gazette sur les jeunes membres 1 de notre Société ; je crois, en revanche, que pour les vieux 2 , elle sera comme un été indien. Henri Carlioz 3 1Ceux qui ont moins de 74 ans 2Ceux qui ont dépassé 74 Editorial SO.F.O.P. SO.F.O.P. La Gazette La Gazette de la SO SOciété F Française d’ O Orthopédie P Pédiatrique N°19 la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com Bureau de la SOFOP Président : R. KOHLER 1 er Vice-Président : G. BOLLINI - 2 e Vice Président : J.F. MALLET Ancien Président : G. F. PENNECOT Secrétaire Général : J. COTTALORDA - Secrétaire Adjoint : A. HAMEL Trésorier : P. LASCOMBES - Trésorier Adjoint : C. ROMANA Membres du Bureau : J. GRIFFET , J. LECHEVALLIER, M. PEETERS Edito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 par Henri Carlioz Qui êtes-vous Paul Masse . . . . . . .2 par Gérard Taussig De l’Asile Impérial à l’Hôpital national de Saint Maurice . . . . . . .5 par Didier Pilliard et Gérard Taussig La consultation prénatale . . . . . . .8 par Didier Pilliard et Gérard Taussig Genu valgum et croissance résiduelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 d’après Paul Masse et Richard Bowen Epiphysiodèse par vissage percutanée . . . . . . . .12 par Jean Paul Métaizeau Le cas du jour : Histoire d’une lacune osseuse . . .16 par Maher Ben Ghachem, Mahmoud Smida Compte rendu de la 60 ème réunion annuelle de l’AACPDM . . . . . . . . . . . . . . . .18 par Christian Morin Compte rendu de la 33 ème réunion annuelle de l’ISSLS . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19 par Raphaël Vialle La limitation du nombre d’étudiants en Médecine... . . . . . . . . . . . . . . . .20 par Jean-Jacques Rombouts Mission orthopédique infantile au Burkina Faso... . . . . . . . . . . . . .21 par J. Cottalorda, R. Allary, C. Allary, C. Français, J. Bellity Réponse du cas du jour . . . . . . .23 par Maher Ben Ghachem, Mahmoud Smida Fondateur J.C. POULIQUEN † (Paris) Editorialiste H. CARLIOZ Rédacteur en chef C. MORIN (Berck) Membres : J CATON (Lyon) P CHRESTIAN (Marseille G FINIDORI (Paris) J L JOUVE (Marseille R KOHLER (Lyon) P LASCOMBES (Nancy) G F PENNEÇOT (Paris) M RONGIERES (Toulouse) J SALES DE GAUZY (Toulouse) R VIALLE (Paris) et le “ GROUPE OMBREDANNE” Correspondants étrangers M BEN GHACHEM (Tunis) R JAWISH (Beyrouth) I. GHANEM (Beyrouth) Editeur SAURAMPS MEDICAL S.a.r.l. D. TORREILLES 11, boul. Henri IV CS 79525 34960 MONTPELLIER Cedex 2 Tél. : 04 67 63 68 80 Fax : 04 67 52 59 05 Octobre - Novembre 2006 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours

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Météo-orthopédie

Le soleil orthopédique a brillé sur Bergen pen-dant plusieurs jours, si je puis ainsi résumer lecompte-rendu de la récente réunion des« Lombariens » dans cette ville. Soleil déroutantsi j’en crois un autre récit, de voyage celui-là,fait par un capitaine de Bergen parti très loinpour pêcher la morue. Revenant au port, fati-gué mais heureux, il aperçoit un rayon de soleilsur la ville. Il fait aussitôt demi-tour, repart versla haute mer, persuadé d’avoir fait une erreurde navigation, car il n’y a jamais que des nuagessur Bergen mais pas de soleil. Pure malveillan-ce, bien sûr. J’espère que Raphaël Vialle nousrenseignera souvent, il le fait bien, sur la météo-rologie rachidienne de Bergen ou d’ailleurs.Car il fait souvent bon, et même chaud, quandon parle d’orthopédie pédiatrique. C’est encorevrai aujourd’hui ; la lecture de ce numéro de laGazette m’apporte un vent frais, porteur d’es-poir plus que de nostalgie, d’admiration pourun orthopédiatre de la première vague, PaulMasse. Son portrait est bien dessiné parTaussig ; je n’y adjoindrai que quelquesréflexions.Il est fréquent de se donner des excuses, de s’at-tribuer quelque mérite, en accusant l’actualité defreiner nos enthousiasmes, de compliquer touteschoses, de restreindre comme jamais les bud-gets, en bref d’expliquer par elle nos difficultés etdonc nos échecs et jusqu’à notre paresse.Il suffit pourtant de regarder attentivement versl’arrière, pour voir ce que nos anciens, c’estl’exemple de Paul Masse qui m’incite à ce rétro-regard, ont réalisé dans les pires conditions quiaient été. La guerre de 39-45 et la longue pério-

de de disette en tous genres qui l’a suivie, c’estce temps là que Paul Masse et d’autres ontsinon choisi, du moins utilisé pour travailler,apprendre à opérer et à enseigner, bâtir les fon-dements de l’orthopédie pédiatrique. Tout man-quait sauf les maladies et les enfants malades.Ces maladies ont presque disparu pour beau-coup d’entre elles: les « spina bifida », la polio,les graves infections ostéo articulaires. Ellesleur ont appris à bien raisonner, à penser plusau résultat fonctionnel retardé qu’à la satisfac-tion immédiate du « montage » métallique. C’était bien ; il en est resté, à l’évidence, unhumanisme dont témoigne la foi de l’équipe quiprolonge l’action de Paul Masse. La sagesse, lacompréhension, l’attention aux autres, parentset ébauche d’enfant, sont perceptibles (j’allaisécrire palpables), dans les pages consacrées parDidier Pilliard à une consultation prénatale jus-tifiée par la découverte échographique d’unemalformation.Une époque de pathologies a disparu, passion-nante et formatrice, mais l’ère de la chirurgiepédiatrique continue, riche en d’autres patholo-gies, formatrice et passionnante elle aussi àcondition d’utiliser ce rétroregard, braqué surceux qui ont connu dans leur activité quoti-dienne plus de freins et de difficultés quenous. Alors, il fait aussi beau en avant qu’enarrière. Je ne puis savoir l’impression que fera la lec-ture de ce numéro de la Gazette sur lesjeunes membres1 de notre Société ; je crois,en revanche, que pour les vieux2 , elle seracomme un été indien.

Henri Carlioz 3

1Ceux qui ont moins de 74 ans 2Ceux qui ont dépassé 74

Editorial SO.F.O.P.SO.F.O.P.

La GazetteLa Gazettede la SOSOciété FFrançaise d’OOrthopédie PPédiatrique

N°19

la Gazette est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée à partir de votre ordinateur via notre adresse www.livres-medicaux.com

Bureau de la SOFOPPrésident : R. KOHLER

1er Vice-Président : G. BOLLINI - 2e Vice Président : J.F. MALLET

Ancien Président : G. F. PENNECOT

Secrétaire Général : J. COTTALORDA - Secrétaire Adjoint : A. HAMEL

Trésorier : P. LASCOMBES - Trésorier Adjoint : C. ROMANA

Membres du Bureau : J. GRIFFET , J. LECHEVALLIER, M. PEETERS

Edito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1par Henri Carlioz

Qui êtes-vous Paul Masse . . . . . . .2par Gérard Taussig

De l’Asile Impérial à l’Hôpital national de Saint Maurice . . . . . . .5par Didier Pilliard et Gérard Taussig

La consultation prénatale . . . . . . .8par Didier Pilliard et Gérard Taussig

Genu valgum et croissancerésiduelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10d’après Paul Masseet Richard Bowen

Epiphysiodèse par vissage percutanée . . . . . . . .12par Jean Paul Métaizeau

Le cas du jour :Histoire d’une lacune osseuse . . .16par Maher Ben Ghachem, Mahmoud Smida

Compte rendu de la 60ème réunion annuellede l’AACPDM . . . . . . . . . . . . . . . .18par Christian Morin

Compte rendu de la 33ème réunion annuellede l’ISSLS . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19par Raphaël Vialle

La limitation du nombre d’étudiantsen Médecine... . . . . . . . . . . . . . . . .20par Jean-Jacques Rombouts

Mission orthopédique infantileau Burkina Faso... . . . . . . . . . . . . .21par J. Cottalorda, R. Allary, C. Allary, C. Français, J. Bellity

Réponse du cas du jour . . . . . . .23par Maher Ben Ghachem, MahmoudSmida

FondateurJ.C. POULIQUEN † (Paris)

EditorialisteH. CARLIOZ

Rédacteur en chef C. MORIN (Berck)

Membres :

J CATON (Lyon)

P CHRESTIAN (Marseille

G FINIDORI (Paris)

J L JOUVE (Marseille

R KOHLER (Lyon)

P LASCOMBES (Nancy)

G F PENNEÇOT (Paris)

M RONGIERES (Toulouse)

J SALES DE GAUZY

(Toulouse)

R VIALLE (Paris)

et le “ GROUPE OMBREDANNE”

Correspondants étrangers

M BEN GHACHEM (Tunis)

R JAWISH (Beyrouth)

I. GHANEM (Beyrouth)

Editeur

SAURAMPS MEDICALS.a.r.l. D. TORREILLES

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Octobre - Novembre 2006 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours

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La rencontrePaul Masse a été d'abord, pour moi, une signature. Lesarticles qu'il donnait à la Revue du Praticien étaient unrégal, clarté du propos, style et caractère pratique. Le jourde ma nomination à l'internat, après une journée de "courseaux Patrons" qui rappelleront des souvenirs, pas toujoursagréables, aux plus anciens d'entre nous, je suis arrivé tardle soir chez Monsieur Laurence qui était chef de service dechirurgie pédiatrique à l'Hôpital Bretonneau dont MonsieurMasse était l'assistant. Ce géant souriant et affable que jen'avais jamais vu me promit une place pour le derniersemestre, de novembre 1966 à mai 67, tout en me disant quetoute cette course ne devait pas me gâter le plaisir d'avoirété nommé.

Paul Masse à BretonneauCe n'est que lorsque je suis arrivé dans le service deBretonneau que j'ai fait la connaissance de Monsieur Masse.Les internes passaient 3 mois en orthopédie et 3 mois enviscérale avec Marcel Bourreau. J'ai commencé par l'ortho-pédie. Paul Masse était alors attaché d'orthopédie, tempspartiel alors que Laurence avait opté pour le temps plein, undes premiers à Paris en 1958, après la réforme Debré. Ilavait 2 salles communes d'hospitalisation au deuxièmeétage avec un bloc opératoire attenant. Il venait 3 ou 4 mati-nées par semaine et il avait son activité privée "en ville"l'après midi. L'activité était celle d'un service de chirurgieorthopédique pédiatrique recevant des urgences: traitementdes fractures, luxations congénitales de hanches, traitementdes séquelles de polio encore fréquentes alors. Il faut rap-peler qu'il avait introduit et développé avec Madame Danielle traitement fonctionnel du pied bot varus équin congéni-tal. Il était à l'époque responsable du service d'adultes ducentre de rééducation pour handicapés de Fontainebleau,maintenant installé à Coubert. Il réalisait dans le service destransferts tendineux sur ces membres supérieurs de tétra-plégiques ou des traitements d'escarres. Il était aussiconsultant en orthopédie au Centre des Tout-Petits àAntony, structure de rééducation destinée aux enfants han-dicapés moteurs de moins de 6 ans d'où venaient pour sefaire opérer les enfants poliomyélitiques, arthrogryposiquesou porteurs de spina bifida paralytiques. Bensahel étaitalors l'assistant et il avait 2 chefs de clinique, Moitrel etMorschoine. Le travail de la semaine était organisé demanière rigoureuse: séances opératoires, visites des enfantsen salle, consultations externes; rien n'était laissé auhasard, en particulier le respect des horaires. De telle sorteque même lorsqu'il n'était pas présent, les choses se fai-saient avec rigueur: c'était comme ça et pas autrement! Maisen même temps, ou peut être à cause de cela, il régnait danscet étage une atmosphère paisible, familiale et aussi stu-dieuse. L'attention portée aux enfants, aux parents, à tout lepersonnel correspondait à l'idée que j'avais des relationshumaines dans le travail et en dehors. J'acceptais de faireun travail sur l'épiphysiodèse dans le traitement des inéga-lités. A l'occasion de séances de travail chez lui, j'ai fait laconnaissance de son épouse Nathalie Masse, elle-mêmepédiatre, orientée sur la pédiatrie sociale et Directrice desenseignements au Centre International de l'Enfance.Chaleureuse et passionnée, connaissant les problèmes de

croissance staturale, elle nous donnait parfois son avis. Sadisparition en 1975 a été une épreuve où nous avons essayéd'accompagner au mieux notre Maître.

Paul Masse à St Maurice A la création de l'Institut National de Réadaptation à StMaurice en 1968, il avait accepté le poste de chef de servicede l'un des services d'enfants. Réunir sur un seul site, tousles moyens de traitement, chirurgie, rééducation, appa-reillage et scolarité, était un de ses souhaits qu'il pouvaitmettre en oeuvre. On retrouve là un de ses traits de carac-tère : ne pas vivre sur l'acquis mais faire des projets et lesréaliser pour répondre aux besoins des malades, desfamilles et des professionnels. Il m'a alors proposé de venircomme assistant. Cette demande allait dans le sens du sou-hait de mon épouse de ne pas quitter Paris et du mien detravailler dans une structure publique. Et c'est ainsi quependant mon clinicat de 1968 à 1970, j'ai pu commencer àparticiper à l'activité du service, staff et interventions avantde le rejoindre complètement en octobre 1970.

Il y avait les locaux, mais pas de personnel. Certains ontquitté Bretonneau pour le suivre : une panseuse, une infir-

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Qui êtes-vous Paul Masse ?par Gérard Taussig

Fig. 1 : Le docteur Masse vers 1975

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mière anesthésiste, sa secrétaire privée, le chef kinésithéra-peute qui a abandonné sa pratique privée, Madame Danielqui était devenue Sous Directrice de l'école nationale de kiné-sithérapie de St.Maurice, créée dans les suites des événe-ments de mai 1968 et dont il a été le premier Directeur oùtout aussi était à inventer. Il a eu la chance de trouver surplace deux secrétaires médicales dont l'une est encore enplace, Michèle, qui a su organiser le secrétariat de manièreexemplaire.

Le service comportait 70 lits répartis sur un rez-de-chausséepour les grands de 6 à 18 ans et un étage pour les enfants demoins de 6 ans. Il importait de trouver des solutions pourfaire cohabiter des métiers différents sur un espace finale-ment assez restreint. Comment faire vivre en harmonie desprofessionnels aussi différents que des paramédicaux, kiné-sithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, infirmières,aides soignantes, personnel de service et éducateurs, ensei-gnants et médecins, ayant chacun leurs objectifs propres,pour faire en sorte qu'il existe une cohérence de prise encharge de l'enfant et des parents ? Ses qualités d'organisateur,sa capacité d'écoute, sa gentillesse et son attention à tousmais aussi son autorité (pas l'autoritarisme), sa rigueur dansle travail inspiraient dévouement et respect. Il avait instituéune réunion hebdomadaire d'une heure chaque semaineavant le staff médical où tous pouvaient (devaient ?) être pré-sents. Les problèmes du service sous tous ces aspects étaientexposés, discutés dans un échange libre auquel tous pou-vaient prendre part et dire son point de vue sans risquerd'être en quoi que ce soit mis en cause à titre personnel.Chacun a pu comprendre que la vie en commun comme leschoix médicaux pour des pathologies où le terme de guérisonn'a pas de sens, est faite de compromis et de choix faits encommun. Il avait été à Bretonneau à l'origine d'une étude réa-lisée par deux psychologues pendant 4 ans sur les incidencespsychologiques des traitements orthopédiques avec hospita-lisation qui l'avait confirmé dans la nécessité d'avoir ces pro-fessions dans nos services. Il y en avait même deux, partransformation d'un poste d'assistante sociale.

Les pathologies des enfants étaient celles rencontrées danstous les services d'orthopédie pédiatrique avec toutefois sur-tout celles non guérissables mais améliorables par tous lesmoyens à notre disposition, y compris la chirurgie : séquellesde poliomyélite, spina bifida, arthrogryposes, infirmité motri-ce d'origine cérébrale, adressés directement ou que nousconfiait le service voisin tenu par le Dr Gagnard, enfants mal-formés congénitaux des membres, comme dans le servicevoisin mais avec cette différence que notre but n'était pas deles hospitaliser mais de leur permettre de vivre chez leursparents avec une scolarité normale. De telle sorte que cetteprise en charge a été de plus en plus réalisée à travers laconsultation externe pluridisciplinaire, ce qui n’a pas été sansdifficultés de reconnaissance par l'Administration.

D'emblée le service avait ouvert des chambres d'accueil pourles parents. En effet, le recrutement dépassait largement leslimites de l'Ile de France, comme d'ailleurs toutes les struc-tures de rééducation à l'époque tant il manquait dans nos pro-vinces de chirurgiens orthopédistes formés à la pédiatrie. Cestemps sont heureusement révolus.

Le staff médical constituait un temps fort du service. Y parti-cipait le personnel médical et paramédical mais aussi toutesles personnes concernées par l'enfant présenté qui était enrègle générale entré le lundi précédent. Chacun des interve-nants concernés avait jusqu'au jeudi pour l'examiner. Austaff, après présentation de l'enfant par l'interne, la discus-sion était ouverte à laquelle chacun dans son domaine pou-vait librement s'exprimer. C'est dans la salle de kinésithérapieque se tenait cette réunion. Les participants étaient assis encercle, symbolisant l'égalité. Les remarques de chacun pou-vaient être prises en compte dans la décision médicale finaleet chacun en connaissait les raisons.

Cette habitude de réfléchir ensemble sur chacun des enfantsnous a beaucoup aidés par la suite lorsque nous avons étéamenés à faire des consultations anténatales. Elle nous aaussi disciplinés sur le respect des horaires. Monsieur Masseavait coutume de rappeler qu'une personne en retard enpénalisait plusieurs autres. Il était lui-même si ponctuel qu'ilest arrivé à sa secrétaire de l'appeler chez lui s'il avait unretard de 5 minutes. Il nous a transmis cette "infirmité".

Il avait sciemment limité les jours de visites des parents afinde ne pas pénaliser les autres enfants de la famille et unefeuille d'information mensuelle remplie par tous ceux quis'occupaient de l'enfant était adressée aux familles, ce quiétait un lien pour celles qui habitaient loin.

Un parcours de médecin ...et de combattantIl faut dire un mot de son parcours médical: il avait éténommé à l'externat en 1938. Mobilisé en 1939, il a passé lesannées 1940 et 41 à Montpellier d'où il a rejoint les ForcesFrançaises Libres en 1942. Il a fait la campagne d'Italiecomme médecin dans un régiment de tirailleur de montagnesce qui lui a valu la croix de guerre avec 4 citations et laLégion d'Honneur à titre militaire. Il a été ensuite nommé àl'internat de Paris en 1946 et fait sa thèse en 1949 sur le trai-tement des cals vicieux de l'extrémité inférieure du radius

Qui êtes-vous Paul Masse ?par Gérard Taussig

Fig. 2 : Façade de l’Hôpital National de Saint Maurice

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chez Merle d'Aubigné. Il a été ensuite chef de clinique chi-rurgicale infantile et d'orthopédie et a été admissible àl'agrégation en orthopédie en 1961 sans pouvoir êtrenommé, faute de place. Il est resté attaché d'orthopédie de1950 à 1968 à l'hôpital Bretonneau, avant de venir à StMaurice de 1968 jusqu'à sa retraite en 1984.

Sa contribution scientifiqueA la SOFCOT, il a été successivement Secrétaire général,Trésorier puis Président en 1984 où il succédait à Stagnara.Il a largement contribué avec ses amis de la même généra-tion (Méary....) au nouvel élan de la Société. Il avait batailléavec d'autres pour que l'Orthopédie soit reconnue commeune Spécialité. Il insistait dans son discours d'ouverture ducongrès 1983 sur 3 points : la spécialisation ne doit pas selimiter aux seuls aspects chirurgicaux de notre art maisenglober la connaissance des autres traitements possibles,médicaux, rééducation, appareillage et que la chirurgie "nedevait être qu'un recours suprême à n'employer que si elleapporte au malade, en échange des souffrances qu'elleentraîne, un avantage substantiel". Il soumettait aussi à laréflexion le sens du progrès des techniques : soit mettre aupoint des techniques de plus en plus sophistiquées réser-vées à certains ou les simplifier pour être utilisables partous, sans en altérer la qualité. Si le traitement des invalidi-tés, enfin, est notre raison d'être, nous ne pouvons nousdésintéresser de leurs préventions. Il avait inventé aucongrès le "Quoi de neuf?".

Il a été associé au comité de rédaction de InternationalOrthopedics dès son lancement en 1975 et il en a été ensui-te Président du comité de rédaction jusqu'à 70 ans. Il a tou-jours estimé que ces fonctions ne pouvaient avoir qu'untemps et qu'il fallait savoir céder la place aux plus jeunes. Illui semblait normal qu'il existe un âge pour la retraite et que

c'est dans l'ordre normal des choses.

Ses travaux scientifiques portent sur de nombreux aspectsde notre spécialité. Il étonnait toujours nos visiteurs (etnous-mêmes) par sa capacité de passer d'une pathologie àl'autre avec l'autorité que confère le savoir. Certaines toute-fois avaient non pas sa préférence mais les centres où il tra-vaillait le poussait à privilégier les atteintes paralytiquescentrales et périphériques puis à St Maurice les malforméscongénitaux dont il avait déjà une large expérience àBretonneau. En feuilletant sa liste de travaux, on relève aumoins un article ou publication annuelle entre 1950 et 1952puis entre 3 et 8 les années suivantes. On ne peut les citertoutes. Néanmoins il vaut la peine de relever une enquêtesur le Genu Valgum de l'enfant réalisée avec Granjon etLacombe en allant voir les enfants dans les écoles et en lessuivant au cours de leur croissance, enquête sociale sur lespieds bots suivis à Bretonneau, les enraidissements enextension par fibrose progressive du quadriceps, lesinfirmes moteurs cérébraux dans un symposium de la SOF-COT, le traitement des escarres du paraplégique, les trans-plantations tendineuses précoces chez l'enfant poliomyéli-tique, "un ancien combattant de 9 mois" article d'humeur oùil stigmatise le fait que ce sont les commissions d'appa-reillage des Anciens Combattants qui ont leur mot à dire(ceci en 1975!), les coxa vara rachitiques, les fractures ettraumatismes du coude où il montre bien l'unicité de cettearticulation etc...Il a participé à de nombreux ouvrages depédiatrie sociale en particulier.

Il a contribué, avec l'aide de la Cimade (ComitéIntermouvement Auprès Des Evacués), à restructurer l'hô-pital St Paul de Hanoi et réalisé de nombreuses missions enAfrique avec l'aide du Centre International de l'Enfance.

Il avait organisé, au congrès 1975 de la SOFCOT,une table ronde sur le pied bot. Plutôt que deprendre des chirurgiens chevronnés, il avaitconvié uniquement des jeunes chefs de clinique,Jean Bénichou, Alain Diméglio, Jean Marc Morel,Michel Onimus, Jean Paul Padovani et RaphaëlSeringe.Tous ceux qui ont publié avec lui ont bénéficiétoujours, parfois aussi soufferts de l'attachementqu'il porte au style et à la qualité de l'expression.Le Littré trônait en bonne place chez lui, nous at-on dit.

L’art d’être grand -pèreOn ne savait pas grand chose de ses hobbies, lamarche en montagne et en famille comptaitbeaucoup ; il savait en parler. Découvrir laFrance ne peut se faire que sur de petites routes,loin des nationales et évidemment des auto-routes. C'est après sa retraite que nous avonsappris son goût pour la menuiserie et le violon :il fabrique des meubles et joue régulièrementdans un orchestre classique dans la région de l'Ilede France où il vit et profite de ses enfants etpetits enfants.

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Qui êtes-vous Paul Masse ?par Gérard Taussig

Fig. 3 : Paul Masse examinant un enfant vietnamien

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Une oeuvre “sociale” du Second EmpireC'est en 1855 que le ministre de l'intérieur présente àl'Empereur Napoléon III son idée de construire une sorted'asile pour assurer, au sortir de l'hôpital, la convalescence,voire même, pour les plus atteints, leur retraite, arguant que"l'industrie comme la guerre a des blessés...l'atelier, le chan-tier, vrais champs d'honneur de l'ouvrier, le renvoient mala-de ou mutilé".Il n'existait encore aucun établissement de ce genre à Paris.L'Empereur, autant par sympathie que par habileté poli-tique, témoigna souvent sa volonté d'améliorer le sort desclasses "souffrantes". L'Empereur "aime le peuple" disaitMorny, et Persigny d'ajouter qu'il Lui plairait d'êtrel'Empereur "socialiste". Il convient de rappeler aussi queHaussmann a entrepris ses grands travaux à partir de 1853,attirant des ouvriers de toute la France qui travaillaient sou-vent jour et nuit.M.de Monthion, économiste et philanthrope, avait bien déjàlégué aux hôpitaux en 1819, la somme considérable dequatre millions huit cent cinquante mille francs (francs or!)pour les "pauvres", afin de créer une maison de convales-cence, mais le projet avait avorté, ses détracteurs disant"que les médecins ne manqueraient pas d'y envoyer lesvieillards incurables, les phtisiques....qui occuperaient leslits pendant une période indéterminée sans avantages poureux et sans intérêt pour la science"...et les convalescents

modestes continuaient à s'entasser dans les hôpitaux.Le décret du 8 mars 1855 créa, sur le domaine de laCouronne, deux asiles pour les ouvriers blessés, l'un auVésinet pour les femmes et l'autre à l'opposé à la lisière duBois de Vincennes sur dix-sept hectares du plateau deGravelle pour les hommes. Il prendra le nom d'AsileImpérial de Vincennes, bien que situé sur la commune deSaint Maurice qui s'était séparé de Charenton en 1842. Unbudget de deux millions de francs or a été attribué pour laconstruction de l'hôpital destiné à recevoir cinq cents conva-lescents. La construction a été confiée à Eugène Laval, déjàarchitecte de la Bibliothèque Nationale et de la bibliothèqueSainte Geneviève, place du Panthéon.

L’Asile Impérial voit le jourLa première pierre fut posée le 14 Août 1855 avec inaugu-ration deux ans plus tard en 1857 et accueil de 894 conva-lescents dans les 4 derniers mois de cette année là.L'aspect de la grille d'entrée, des jardins et des bâtimentsvus depuis la porte n'ont pas changé depuis. A l'arrière dupavillon central, flanqué d'ailes de retour, d'autres pavillonsavec cours intérieures gazonnées , séparées par des prome-noirs couverts facilitent la circulation. Les noms donnés auxpavillons et galeries, Franklin, Vaucanson,Montgolfier...rappellent les inventeurs et industrielscélèbres, en hommage à la révolution industrielle du temps.

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Il importait de faire à la fois "beau et pas cher". L'Empereuravait souhaité construire une sorte de palais "qui n'évoqueni un hospice ni une prison". Les clôtures seront discrètes etla cour d'honneur comportera des parterres de fleurs et unbassin. La brique de Bourgogne et la pierre de Paris sontutilisées pour le pavillon central. Les chambres sont orien-tées au midi et on évite les grandes salles communes.Beaucoup dans l'entourage de l'Empereur jugeait cetteentreprise utopique et l'architecte se vit recommander deconstruire "pour 30 ans". L'utilisation de matériau léger, boiset moellon plutôt que fer, lui permet de construire léger avecun prix de revient de 196,50 francs au mètre carré contre250 francs pour une gare....mais ce qu'on gagne immédiate-ment est perdu ensuite en frais de réparation et d'entretien,comme le dira plus tard un directeur de l'asile. Dès 1861, ilapparaît que les locaux sont insuffisants. Lors d'une visite "àl'improviste" à 6 heures du soir de l'Empereur et de sonépouse, il constate la chose et ordonne l'ouverture de 123lits supplémentaires dans des locaux construits entre 1862et 1868.

Un financement originalLe décret de 1855 prévoit les frais de fonctionnement. D'unepart une dotation en immeubles de rapport dans desimmeubles habités par des ouvriers (les ouvriers subven-tionnent les soins de l'ouvrier malade, déjà la solidarité!),d'autre part les pensionnaires doivent payer, s'ils ne sont pasouvriers de chantier, de 50 centimes à un franc par jour(déjà le forfait!), les sociétés de secours mutuel ou les chefsd'usine peuvent prendre un abonnement pour leursouvriers, des dons et enfin un prélèvement de 1% sur lemontant des travaux publics adjugés dans Paris et en ban-lieue (cette disposition a été supprimée dans les années1970).

Des « visiteurs » célèbresDe nombreuses activités de loisirs sont proposées auxconvalescents, la bibliothèque dispose de livres offerts parles éditeurs et depuis 1866 jusqu'en 1870, des conférenciersde renom, l'archevêque de Paris, des membres de l'Institut,des professeurs de lycée viennent faire des causeries surdes sujets divers : Jacquart et l'industrie textile par exempleet bien entendu des cours de morale. Le 15 Août, la fête del'Empereur est célébrée de manière fastueuse. Celle du 14juillet, à partir de 1880, le sera moins. L'hôpital dépend duministère de l'intérieur, puis de la santé et reste encoremaintenant national.Parmi les personnes accueillies, il faut citer Verlaine qui y afait 3 séjours en 1887 et 1890, venant de Cochin et Tenon,en relation avec des problèmes de genou et de jambe. Il enparle dans "Mes Hôpitaux" et "Chroniques de l'hôpital". Il ydécrit les locaux, mais aussi les sentiments qui s'emparentdes malades. A travers un humour parfois grinçant, avecdes instants de tristesse ou d'espoir, chaque menu fait quo-tidien prend une saveur particulière. Il fait revivre les pro-menades dans le parc, la lecture à la bibliothèque, la visitedu médecin, les odeurs, les insomnies et bruits de la nuit, lamort qui rode, l'espoir de la sortie, l'ennui, l'attente.

L’ « HSNM » Au fil des années, la population accueillie s'est chroniciséeet on avait tendance à hospitaliser des cas sociaux. Lesinternes de Paris se souviennent de ces patients adressés àSt Maurice dans les années 1960. L'hôpital a été réquisi-tionné par les Allemands pendant la seconde guerre mon-diale et il a pris le nom d'"Etablissement National desConvalescents" après la seconde guerre.Dès 1960, la Direction de la Santé avait projeté la créationd'un Institut National de Réadaptation afin d'hospitaliserdes patients, de perfectionner les méthodes de rééducationet de pouvoir dans ce centre, qui se voulait "pilote",accueillir des professionnels français ou étrangers en for-mation. Le projet est approuvé en 1963. Il comporte unepartie adulte de 380 lits et une partie enfants de 180 lits, unensemble de consultations et de soins de rééducation, unplateau technique, une école d'ergothérapie, un complexed'enseignement avec internat et salles de conférences. Ilsera abandonné mais repris ensuite sous une autre forme.Le drame de la thalidomide au Bénélux et en Allemagne, lacrainte de le voir se produire en France, a conduit RadioLuxembourg le 22 novembre 1962 à lancer un appel à lagénérosité du public, sous le patronage de Mme DeniseLegris, elle-même née avec de graves malformations desquatre membres. La somme de 4 millions de francs futrecueillie et le ministre de la santé, M.Raymond Marcellin,affecte la première tranche du programme prévu, en rajou-tant une somme permettant la création de 3 services d'unecapacité globale de 180 lits dont la construction va de 1963à 1967.Changer l'appellation de l'hôpital a été difficile. Nous étionsallés à la fin des années 1970, à quatre médecins, dont M.Masse, au ministère pour plaider cette cause qui a mis dutemps à se concrétiser. Elle a abouti au renouveau de l'hôpi-tal et à son appellation actuelle.Déjà dans le secteur adulte, en 1972, s'était ouvert un centrede dialyse. Mais il a fallu attendre 1980 pour que soit crééun service de rééducation rhumatologique et en 1983 unservice de rééducation de sportifs avec des médecins res-ponsables de qualité. Un service de soins de suite de Sida aété ouvert tandis que le service de médecine se spécialisepour certaines pathologies. Un plateau technique avec labo-ratoire, radiologie conventionnelle et balnéothérapie estconstruit en 1995.L'école nationale de kinésithérapie de 300 élèves a été crééesur le site dans le sillage de mai 1968 par Mlle MadeleineDienesch, Secrétaire d'Etat aux Affaires Sociales, afin d'éla-borer de nouvelles manières d'enseigner cette discipline.Monsieur Masse en a été le premier Directeur avec MmeDaniel comme Directrice technique.D'autres structures se sont implantées depuis 1987 : uneantenne de l'école de santé de Rennes, un pôle de santépublique en 1991, avec le Centre européen pour la sur-veillance épidémiologique du Sida, le Réseau de santépublique, l'Unité 88 de l'Inserm, spécialisée dans l'épidé-miologie sociale et économique etc...Le Service lui même a changé au cours des années. Dans lesplans initiaux, la chirurgie n'était pas prévue. C'est l'arrivéede Monsieur Masse qui a conduit à aménager un bloc opé-ratoire dans les sous-sols. Service de chirurgie et rééduca-tion, nous recevions des enfants seulement pour la chirur-

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gie, la rééducation ou pour les deux. Déjà MonsieurCahuzac avait, à Ramonville-Saint-Agne, prôné la réunionsur un seul site de tous les moyens médicaux, chirurgicaux,de rééducation et de scolarité pour les enfants présentantdes infirmités motrices, d'origine neurologique en particu-lier. En 1995, la vague des "restructurations" a emporté les"petites" structures et a conduit l'administration à supprimerle bloc opératoire en nous proposant d'aller opérer lesenfants sur un autre site et de les ramener ensuite pour larééducation. A 5 ans de la retraite, compte tenu que cette

idée allait à l'encontre de celles que nous avions défendue(l'unicité de lieu), il a paru clair qu'il fallait arrêter cette acti-vité chirurgicale pour offrir aux chirurgiens orthopédistespédiatres de la région parisienne un nouveau lieu de réédu-cation pour leurs enfants et confier la chefferie de service àun médecin de Médecine Physique et Rééducation, leDocteur Florence Guillou depuis l'an 2000, tout en conti-nuant le travail sur les malformés congénitaux desmembres avec le Docteur Pilliard qui l'avait pris en chargedepuis le départ à la retraite de Monsieur Masse.

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Le pourquoi de cette consultationQuand, pour la première fois, notre équipe a été interrogéepar une équipe d'obstétrique à la fin des années 1980, laquestion qui nous était posée était la suivante : peut-onvivre avec une anomalie des membres? La réponse ne pou-vait qu'être oui puisque beaucoup d'adultes témoignent decette possibilité. L’interrogation des obstétriciens était cellede la légitimité de l'interruption de grossesse.La loi du 4 juillet 2001, dans ses alinéas 1 et 2 de l'articleL22-13, stipule que l' IMG est possible en cas de mise enpéril grave de la santé physique ou mentale de la mère, oude fortes probabilités que l'enfant à naître soit atteint d'uneaffection "d'une particulière gravité reconnue comme incu-rable". Les textes ne disent pas ce qu'on entend par cestermes "de particulière gravité ou incurable". Les anomaliesde membres sont incurables car on ne peut remplacer unmembre absent (nous ne parlons pas de greffes de membresqui posent les problèmes que l'on connaît). On ne peut quefaire des substituts par prothèse. Quant à la gravité particu-lière, les choses sont affaire de point de vue : à partir de quelniveau d'anomalie est-ce particulièrement grave? Et pourqui? Pour l’enfant? Pour les parents?Depuis 1989, les obstétriciens nous ont de plus en plusdemandé de rencontrer ces couples quand l'échographieavait décelé une anomalie de membres pour les éclairer euxet ces couples sur la vie de ces enfants et adultes, les traite-ments possibles etc. afin de les aider à prendre une décisionsur la suite à donner à la grossesse.

L’expérience du service de rééducationNous avions déjà depuis des années pris l'habitude, en tantque service de rééducation orthopédique, de recevoir enéquipe les familles des enfants atteints de pathologievariées, IMC, traumatismes crâniens, myopathes, fragilitésosseuses. C'est bien entendu le médecin, mais aussi le kiné-sithérapeute et/ou l'ergothérapeute, l'infirmière, l'aide soi-gnante, l'éducateur, l'enseignant et le psychologue qui, ins-tallés en cercle, reçoivent les familles pour à la fois entendreensemble ce que ces parents ont à dire et leur faire part denos observations. Ceci permet de faire participer chacundes membres qui ont l'enfant en charge et de savoir lesquestions et les réponses qui ont été données, renforçant lacohérence d'équipe. Ces consultations pouvaient durer plusd'une heure. C'est tout naturellement que nous avons fait demême pour les consultations anténatales avec le médecin,une psychologue, une ergothérapeute et/ou un kinésithéra-peute, tous installés en cercle, mettant tout le monde sur lemême plan du moins sur le plan symbolique en supprimantle bureau-barrière du médecin.

Les parents nous ont souvent dit après coup qu’ils avaientété surpris de ne pas se trouver seuls face au médecin.D'emblée, le médecin leur présente les personnes et la rai-son de leur présence. Nous leur disons que nous prendronsle temps qu’il faut pour que s’instaure un dialogue à plu-sieurs voix où chacun peut s'exprimer dans son domaine decompétence ou réagir aux mots dits. Le colloque singulieren tête à tête du médecin avec un couple, dans ce domaine,nous a toujours paru beaucoup plus difficile à gérer. Il exis-te forcément une lourde charge émotionnelle puisque fina-lement on ne parle que de la vie et de la mort de cet enfant.

Comment le médecin ne peut-il être lui-même envahi par ladétresse de ce couple? Comment peut-il à lui seul toujourssaisir le "non encore dit" de ces parents et saisir les diffé-rences dans les mots et attitudes du père et de la mère?Comment à la fois penser à ce qu'on va dire, le dire et ana-lyser les réactions de chacun des parents à ce qu'on dit?C'est, pour nous, le bénéfice de ce dialogue à plusieurs dontles parents nous ont porté témoignage par la suite.

Le déroulement de la consultationIl existe deux temps successifs dans ces consultations. Le premier est de savoir qui est assez rapide, est de savoirla raison de cette consultation et donc pour le médecin deprendre connaissance des documents apportés, de définirpour les parents et les personnes présentes le type d'ano-malie, appuyé éventuellement par un schéma, le stade de lagrossesse et les circonstances de la découverte et ce qui leura déjà été dit. Nous devons nous appuyer sur les comptesrendus des échographistes. Nous ne sommes pas échogra-phistes mais les parents attendent parfois de notre part plusque ce qui leur a déjà été dit. Le deuxième temps est celui du dialogue qui commence às'instaurer, guidé par les mots des parents. Il n'existe pas deschémas obligatoires : ce sont les paroles qui commandent.Chacun des professionnels va répondre dans son domainede compétence et répondre aux questions du couple. Si cha-cune de ces consultations se déroule de manières diffé-rentes, on peut quand même schématiser trois attitudesparentales différentes.

Des situations variéesCertains couples sont décidés à interrompre la grossesse :ils nous le disent d'emblée, se demandant bien à haute voixce qu'ils font là, étant donné que leur décision est prise.Cette consultation ne représente pour eux qu'une épreuvede plus dans ce parcours si difficile. Pour nous s'est poséelongtemps une question à laquelle nous avons mis du tempsà trouver une réponse : peut-on, doit-on parler de traite-ment, de la vie de ces enfants et des adultes ayant cette ano-malie? Nous avons fini par conclure ensemble que c'est biencette information que nos « adresseurs » attendaient denous, pour les parents bien sûr, mais aussi pour eux-mêmesavant toute prise de décision. Il importe de dire à cesparents que nous entendons bien leur demande, mais que,même si c'est « inentendable » pour eux à ce moment là,nous sommes sollicités pour le leur dire. Il faut aussi leurdire que leur attitude a été celle de beaucoup de couplesdans un premier temps après l'annonce, que certainsavaient pu ensuite, après réflexion, changer d'avis et que cen'est pas dans l'urgence que se prend cette décision. Lanécessité de mûrir leur décision est nécessaire afin den'avoir pas ensuite à se reprocher une décision trop hâtive-ment prise. Il faut savoir que si certaines équipes sontaccessibles à cette demande d'interruption, d'autres le sontmoins et que, pour aboutir, il leur faudra peut-être faire le «parcours du combattant ».

Plus faciles sont les cas où les parents ont décidé de pour-suivre la grossesse. Il s'est souvent déjà passé plus de 10 à15 jours depuis l'annonce. Ils viennent préparer et se prépa-rer à la venue de cet enfant différent. Nous leur proposons

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La consultation prénatalepar Didier Pilliard et Gérard Taussig

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de rencontrer des parents ayant un enfant avec la mêmeanomalie et des Associations de Parents existantes. Cesconsultations ont un caractère finalement plus serein,contrastant avec la situation précédente.

Entre ces deux situations extrêmes, se situent celles où lecouple est en interrogation sur la suite à donner à la gros-sesse. Ce sont souvent des consultations faites dans destemps très rapprochés après l'annonce. Les futurs parentssont, dans le même temps, anéantis par cette annoncerécente mais aussi désireux de s'informer le plus complète-ment possible sur tout ce que cette anomalie impliqueracomme suivi, traitement, impact sur leur vie et celle de cetenfant. Dans certains cas où le diagnostic est fait à une datetrès proche des délais de l'IVG, il nous est demandé de voirles couples en urgence extrême, ce qui ne leur laisse pas letemps nécessaire à leur réflexion dans la prise de décision.Il nous est apparu, au fil des années, que plutôt que de trai-tement, il importait pour eux d'orienter la discussion surleur vécu personnel et de couple, la place de cet enfant dansleur histoire, le ressenti de l'un et de l'autre, les réactions deleur famille et amis, l'expérience de cas semblables qu'ilavaient pu rencontrer. C'est réellement un temps deréflexion à plusieurs voix. C'est eux-mêmes qui nous ont dit,surtout dans les cas d'annonce récente, leur incapacité à separler,"chacun est en dedans de soi", et cette consultationleur avait permis enfin de se parler et qu'alors tout avaitchangé. Ils pouvaient partager cette angoisse et cette déci-sion qu'ils auraient à prendre ensemble. La question de l'in-terruption de grossesse n'est jamais abordée par nous enpremier, mais nous y répondons dans tous ces aspects, s'ilsla posent.

Un chapitre un peu à partest celui des pieds bots quenous voyons de plus en plusen consultation anténatale etdont la problématique n'estpas tout à fait la même. Le diagnostic entre piedpositionnel et pied bot estactuellement difficile à pré-ciser par les échographisteset ces couples nous sontadressés pour " pieds varus ".Il nous faut leur délivrer uneinformation la plus complètepossible sans inquiéter maiségalement sans rien occulter.Laisser entendre qu'un piedbot peut être annonciateurd'autre chose est difficile àentendre même si devant unpied varus les échogra-phistes cherchent bien àvoir s'il est parfaitementisolé. L'annonce d'un piedvarus est souvent très malvécue par les parents et noussommes surpris du nombrede demandes d'interruption

de grossesse dans ces cas. On voit bien que quelque soit letype d'anomalie annoncée le choc de l'annonce est impor-tant et qu'il faut parler avec les parents et les aider àprendre le temps de la réflexion .

Un positionnement prudentNous cherchons toujours à éviter d’influencer le choix desparents. Mais il est vrai que dans les anomalies sévères, trèsrares, qui vont imposer des appareillages compliqués avecou sans chirurgie ou qui vont avoir des répercussionsimportantes sur l'autonomie, il est de notre devoir de le leurdire, sans masquer les difficultés qui les attendent.Notre but n'est pas de leur dire ce qu'ils doivent faire. Si cha-cun des membres de notre équipe peut avoir ses idées per-sonnelles, en tant qu'équipe il ne nous appartient pas d’enfaire état. Notre but a toujours été d'aider ces parents àréfléchir et à choisir ensemble la solution qui leur permette,quelle qu'elle soit, de continuer à vivre en accord avec eux-mêmes en essayant d’éviter d’éventuels reproches. C'est laraison pour laquelle il est nécessaire de leur donner denotre temps et de leur faire comprendre qu'il est nécessairequ'ils prennent du temps, comme pour toute décision oùl'essentiel est en jeu, et qu’elle leur paraisse la mieux adap-tée, sans qu’on puisse prévoir quelle sera la durée de cetteréflexion.Nos études ne nous avaient pas préparé à ce type de situa-tion où nous sommes confrontés à une décision de vie del’enfant et où nous nous interrogeons sur ce qu’est unenfant « normal » dans l’évolution de cette société où nousdevons assurer notre rôle de médecin.Un jeune garçon de 7 ans, sans antécédents pathologiques,

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Fig. 1 Agénésie de l’avant-bras Fig. 2 Malformation de la main à l'écho + 3D

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Parmi les quelques travaux que Paul Masse a consacrés augenu valgum de l’adolescent on retiendra qu’il fut l’un despremiers à envisager une prédiction « scientifique » del’âge de l’épiphysiodèse.

Ce schéma (Fig. 1), extrait de l’article de P Masse et H Zreikdans la Revue de Chirurgie Orthopédique en 1985 (tome 71,page 321), prend l’exemple d’un tibia valgus que l’on sou-haite normaliser par une épiphysiodèse.La correction du tibia valgum suppose le passage de la posi-tion « a » à la position « b ». Ceci peut s’obtenir par uneostéotomie d’addition traçant un trait d’ostéotomie perpen-diculaire à l’axe du tibia valgum et l’amenant après ouver-ture externe perpendiculaire à l’axe normal du tibia. L’angle ainsi formé par les perpendiculaires aux deux axesdu tibia, avant et après correction, est égal à l’angle de cesdeux axes.Un résultat analogue est obtenu par l’épiphysiodèse interne,le coin d’addition étant obtenu progressivement par la crois-sance amenant le point A en un point A’ alors que G restefixe.Les angles AGA’ et MGM’ sont égauxLes deux triangles A’AG et M’M G sont isocèles et sem-blablesLe rapport AA’/AG étant égal au rapport MM’/MG, AA’(croissance nécessaire à la correction du valgus) seraégal à MM’ (moitié de la distance inter-malléolaire) mul-tiplié par AG (largeur de la physe tibiale) et divisé par MG(longueur du tibia).Cette croissance nécessaire à la correction du valgus serarapportée sur les courbes de croissance du tibia proximal deGreen et Anderson pour connaître la date théorique del’épiphysiodèse. Mais du fait de la relative imprécision desdonnées de base, âge osseux en particulier, les auteurs sedonnent une marge de manœuvre assez large en reportantsur les courbes de Green et Anderson le chiffre de crois-sance nécessaire multiplié par 3. Ceci permet de se mettre à

l’abri des hypocorrections, les hypercorrections étant à pré-venir par une surveillance tous les 4 mois et l’ablation dumoyen d’épiphysiodèse quand la correction est atteinte.

La même année, dans le Clinical Orthopaedics, paraissaitsous la plume de Richard Bowen la méthode de prévisionutilisée à l’A I du Pont Institute pour des problèmes simi-laires.Supposant une épiphysiodèse partielle médiale du tibia, lacroissance latérale restante représente un arc de cercle dontle rayon r est égal à la largeur de la physe (Fig. 2). On peuten déduire une relation simple entre la longueur de cet arc,l’angle de la déformation à corriger et la largeur de la physe(arc/angle de la déformation = 2r/360). La croissancenécessaire à la correction du valgus est donc égale à l’anglede la déformation multiplié par Π fois la largeur de la physeet divisé par 180. Il sera alors possible de déterminer la dated’une épiphysiodèse partielle en combinant cette longueurd’arc aux graphiques de Green et Anderson (Fig. 3).

Fig. 2 Représentation schématique de la correction par épiphysio-dèse partielle du tibia d’une déformation angulaire

Genu valgum et croissance résiduelled’après Paul Masse et Richard Bowen

Fig. 1 Axes schématiques d’un tibia valgus (a) et d’un tibia normal(b). La correction du valgus par épiphysiodèse interne dessine deuxtriangles isocèles semblables A’AG et M’M G (c)

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Fig. 3 Méthode de Leahey et Bowen pour déterminer une date d’épiphysiodèse partielle en cas de déformation angulaire du fémur ou dutibia. D’après Clinical Orthopaedics and related research-Tome 198-p187

Genu valgum et croissance résiduelled’après Paul Masse et Richard Bowen

1- choisir le graphique approprié au sexe (girl, boy) et lieu projeté d’épiphysiodèse (distal femur ou proximal tibia)2- dans la partie centrale de la feuille, rechercher l’angulation de la déformation (angular deformity) sur la ligne verticale correspondant à

la largeur de la physe (physeal distance)3- tracer à partir de ce point une horizontale qui va couper le graphique approprié en tenant compte des déviations standard de taille. 4- il ne reste plus qu’à abaisser la verticale sur l’axe des abscisses pour déterminer l’âge osseux (skeletal age) auquel l’épiphysiodèse doit

être effectuée.

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Cette technique consiste à provoquer une épiphysiodèse enpontant le cartilage conjugal au moyen d’une ou deux visintroduites en percutané. Le geste est techniquement assezsimple et d’exécution rapide, les dommages aux partiesmolles sont minimes, la récupération fonctionnelle est trèsrapide. La préservation du cartilage conjugal, laisse unepossibilité de reprise de la croissance après ablation dumatériel.

MatérielLes vis utilisées sont de type spongieux ; elles peuvent êtreà filetage distal, à condition qu’il y ait au moins 4 à 5 toursde spire de part et d’autre du cartilage de croissance, maiselles seront plus difficiles à ôter que des vis filetées sur touteleur longueur.Les vis canulées sont d’un usage pratique, mais il est plusdifficile de guider précisément la broche guide souvent tropsouple, or la précision de la disposition des vis est trèsimportante. Une mèche de 4,5 assez rigide est facile àréorienter en la retirant de quelques centimètres et en la fai-sant tourner sur place tout en corrigeant sa direction.

Les montagesEpiphysiodèse pour inégalitéDeux vis suffisent pour arrêter complètement le fonction-nement d’un cartilage conjugal. Elles doivent être placéesde façon précise pour obtenir un blocage complet ; un effetpartiel induirait immanquablement une modification axiale.Les deux vis doivent traverser la plaque de croissance àproximité du plan coronal de façon à éviter tout risque deflessum dû à une position trop postérieure, ou de recurva-tum en cas de position trop antérieure.Dans le plan frontal le point de pénétration de la physe doitêtre distant de sa périphérie d’environ 1/4 ou 1/3 de la lar-geur de l’os.

Montages croisés (Fig. 1)

Chaque vis, est introduite assez loin de la physe sur lesfaces médiale et latérale de la métaphyse. Leur trajetoblique, croise l’axe anatomique de l’os, franchit le cartila-ge de croissance, puis s’arrête dans l’épiphyse à proximitéde la surface articulaire qu’elles ne doivent absolument pasfranchir. Afin d’éviter tout contact entre les vis au niveau deleur point de croisement, ce qui modifierait le trajet de ladeuxième vis, celles-ci doivent cheminer dans deux plansdifférents, mais très proches du plan coronal. - Au niveau du fémur, la vis médiale est disposée légère-

ment en avant du plan coronal de l’os, la vis latérale légè-rement en arrière. La raison de cette disposition est d’évi-ter de léser les éléments vasculo-nerveux en cas d’échap-pée de la mèche en arrière.

- Au niveau du tibia, la vis latérale est introduite 1 cm enarrière de la TTA, afin de ne pas pénétrer les muscles dela loge antéro-externe, la vis médiale est introduite prèsdu bord postérieur de l’os.

- Au niveau du péroné, l’épiphysiodèse n’est pas nécessairesi le freinage escompté sur le tibia ne dépasse pas 2 cm,sinon, la vis par sécurité sera introduite sous contrôle dela vue. Mais à ce niveau un simple curetage semble suffi-sant.

Dans la mesure du possible, les orifices d’entrée des deuxvis doivent être décalés de 1 à 2 cm en hauteur de façon àéviter de fragiliser la métaphyse.

Montage direct (Fig. 1)Chaque vis est introduite dans la métaphyse, à proximité ducartilage de conjugaison, assez verticale pour le traversersans franchir l’axe médian de l’os. Ce montage n’est pastoujours possible, car son trajet presque parallèle à l’axe dumembre, n’est réalisable que si les parties molles sont peuépaisses, et si la zone métaphysaire est très évasée. Il estsurtout utile au niveau de la métaphyse fémorale distalepour corriger un genu valgum.

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Epiphysiodèse par vissage percutanéepar Jean Paul Métaizeau

Fig. 1 : Epiphysiodèse pour inégalité.A gauche montage croisé, à droite montage direct

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Epiphysiodèse pour déviation axiale (Fig. 2)La correction d’une déviation axiale est obtenue en dispo-sant une seule vis perforant le cartilage conjugal dans leplan coronal, le plus près possible du bord latéral pour ungenu varum, du bord médial pour un genu valgum.Selon la morphologie du bloc métaphyso-épiphysaire ilsera plus facile d’utiliser un montage croisé, ou direct.

Epiphysiodèse de la cheville (Fig. 3)Les épiphysiodèses sont d’indication plus rare au niveau dela cheville, mais elles peuvent être utiles :- lorsque le blocage proximal seul paraît insuffisant, - pour éviter une inégalité à la suite d’un traumatisme du

cartilage conjugal tibial distal, - ou pour corriger une déviation axiale de l’interligne tibio-

tarsien. La première vis est introduite par la pointe de la malléoleinterne, il n’est pas nécessaire qu’elle franchisse la lignemédiane, ce qui facilitera l’insertion de la deuxième vis.Celle-ci est introduite de haut en bas à partir du bord posté-rieur de la face interne du tibia, et dirigée vers la partieexterne de l’épiphyse.La vis péronière est introduite de bas en haut par le bordantérieur de la malléole externe.

TechniqueLe membre inférieur est drapé stérilement jusqu’à la racinede la cuisse, l’usage du garrot n’est pas indispensable. Lerepérage du trajet des vis (Fig. 4) se fait en déposant deuxobjets rectilignes sur la face antérieure de la zone à épiphy-siodèser. Le premier sert à matérialiser la position de la vis,

sur le trajet de laquelle il se projette. Le second, transversal,perpendiculaire à l’axe de l’os au niveau du point d’entréede la vis dans la corticale sert à repérer la position de l’inci-sion cutanée.Celle-ci débute au milieu de la face latérale ou médiale dumembre, au niveau du point d’entrée cortical, donc àl’aplomb du repère transversal, et se prolonge sur 2cm versla diaphyse. L’aponévrose est perforée, puis le muscle estdissocié au moyen d’une paire de ciseaux, jusqu’au contactosseux. La corticale est forée perpendiculairement à la sur-face osseuse, puis la mèche est orientée vers le cartilage

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Epiphysiodèse par vissage percutanéepar Jean Paul Métaizeau

Fig. 2 Epiphysiodèse pour déviation axialeA gauche pour genu varum, à droite pour genu valgumCes schémas représentent les situations les plus courantes où le genu-valgum est à composante fémorale, et le genu-varum à composantetibiale. Mais une étude radiologique de la déformation permettra de localiser la déformation pour parfois réaliser une épiphysiodèse fémora-le pour genu-varum, ou tibiale pour genu-valgum, voire fémorale et tibiale.

Fig. 3 Epiphysiodèse de la cheville

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conjugal. Un premier contrôle de face et de profil permetune éventuelle correction du trajet de la mèche. Celle-ci estensuite poussée pour franchir le cartilage de croissance ets’arrêter dans l’épiphyse au ras de l’os sous chondral de lasurface articulaire. Il faut faire attention de ne pas pénétrerdans l’articulation en avançant avec précaution et en réali-sant de fréquents contrôles radiographiques. La mèche est retirée et remplacée par une vis soigneuse-ment mesurée pour que sa tête ne saille pas trop dans lesparties molles, et que sa pointe reste 1 à 2 mm de la surfa-ce articulaire.Après un contrôle radiographique de face et de profil strictafin de vérifier la bonne position du matériel, la mobilité del’articulation est testée. La peau est fermée, puis un panse-ment compressif est mis en place. L’immobilisation n’est pasutile mais en cas de douleurs une simple attelle amoviblepeut être maintenue 2 à 3 jours.

Suites opératoiresLa marche est autorisée le jour même, éventuellement avecdes cannes anglaises pour les quelques cas où la douleurreste importante. La pratique sportive est possible après 2 et3 semaines.Quelques séances de rééducation pourront être utiles si larécupération fonctionnelle paraît trop lente, mais le plussouvent, la raideur temporaire n’excède pas quelques jours,et, aucune kinésithérapie n’est nécessaire.Un premier contrôle clinique est effectué à 1 mois afin devérifier que la fonction de l’articulation est normale, puis lepatient est suivi tous les 6 mois avec une téléradiographie etun cliché de profil de façon à pouvoir intervenir sur uneéventuelle anomalie.Il n’est bien entendu pas possible de rattraper une insuffi-sance de correction due à un geste trop tardif. Par contre,en cas d’hypercorrection, l’ablation du matériel permettrala reprise de la croissance si le matériel est resté en placemoins de 18 mois, et si la maturité osseuse complète estsuffisamment éloignée. A proximité de la fin de croissance,cette reprise est le plus souvent harmonieuse, ou trop peu

importante pour compromettre le résultat final. Mais chezun patient plus jeune, la reprise de croissance peut êtrenulle ou insuffisante, nécessitant une épiphysiodèse contro-latérale en cas d’inégalité, ou inverse en cas de déviationaxiale. Elle peut également être excessive, les vis enlevéesseront alors remises en place.

L’ablation du matérielSi la correction est bonne et que la fin de croissance estatteinte, l’ablation du matériel n’est pas absolument indis-pensable. Nous savons tous que ce geste peut être très dif-ficile lorsque les vis sont en place depuis plus de 2 ans. Ellesne seront donc enlevées que sur la demande du patientaprès lui avoir clairement expliqué les avantages et incon-vénients respectifs de l’ablation du matériel ou de saconservation.

ConclusionL’épiphysiodèse par vissage percutané présente par rapportau curetage l’inconvénient de nécessiter l’implantation d’unmatériel qui sera peut-être difficile à enlever.

Mais elle cumule de nombreux avantages- Une réalisation technique aisée et rapide.- Un effet certain et quasi immédiat, la bonne position des

vis sur la radiographie permet d’être certain - que l’épi-physiodèse sera efficace sans effets parasites.

- L’absence de fragilisation de la jonction métaphyso-épi-physaire qui permet

- Une reprise fonctionnelle le plus souvent très rapide caren outre, le matériel introduit à distance de l’articulationet de ses ligaments ne perturbe pas leur action.

- Sa réversibilité si le matériel a été posé depuis moins de 2ans et qu’il reste suffisamment de croissance.

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Epiphysiodèse par vissage percutanéepar J.P. Métaizeau

Fig. 4 : Repérage du trajet des vis

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« Orthopédie pédiatrique : membres inférieurset bassin » est l’ouvrage français tant attendu detechnique chirurgicale entièrement consacré àl’enfant et à l’adolescent. Sous la direction deHenry Carlioz et Rémi Kohler, d’éminents chi-rurgiens orthopédistes pédiatres ont décrit cha-pitre après chapitre tous les gestes chirurgicauxindispensables à connaître et à maîtriser avecperfection en orthopédie pédiatrique. Le classe-ment par topographie permet de retrouver aisé-ment toutes les pathologies : luxation congénita-le et épiphysiolyse fémorale proximale pour lebassin et la hanche, raideur en extension dugenou et pathologie fémoro-patellaire, pseudar-

throse congénitale de jambe, pied bot varuséquin, pied convexe congénital, pied plat valguset pied creux, hallux valgus… Au fil des cha-pitres, s’ajoutent toutes les interventions ortho-pédiques quelles soient osseuses comme lesostéotomies pelviennes, fémorales et crurales,ou articulaires comme les arthrodèses du pied,ou encore tendineuses comme les ténotomies etles transferts tendineux habituels. Un chapitreest entièrement consacré aux tumeurs osseusesdepuis la biopsie chirurgicale jusqu’aux amputa-tions, tout en traitant avec minutie les spécifici-tés des tumeurs bénignes et malignes. Un autrechapitre concerne la correction des inégalités delongueur et des déformations des membres infé-rieurs abordant aussi bien les différents types defixation externe que les clous centro-médul-laires, ou encore les méthodes d’épiphysiodèsechirurgicale et de désépiphysiodèse. Enfin sontenvisagés des gestes d’urgence nécessaires entraumatologie dont les aponévrotomies.

La lecture de chaque chapitre est d’autant plusfacile que le texte est agrémenté d’encarts rap-pelant les points essentiels, les trucs et astuces,les pièges à éviter ou encore les risques de lachirurgie. L’ensemble est magnifiquement illus-

tré par des photographies en couleur et dessuperbes dessins de technique opératoire dontla précision rend l’acte chirurgical compréhen-sible pour tous y compris les non chirurgiens.

Livre de référence de la spécialité, véritable étatde l’art en orthopédie pédiatrique vu par lesmembres de la Société Française d’OrthopédiePédiatrique, ce véritable « textbook » doit siégerdans toutes les bibliothèques des chirurgiensorthopédistes et sur le chevet des étudiants enchirurgie osseuse. De plus, la qualité de l’icono-graphie est telle qu’elle permet aisément auxpédiatres et aux médecins généralistes de pou-voir, en pré-opératoire, compléter l’informationauprès de leurs patients et de leurs familles. Cetouvrage est également une base de référenceque tout bloc opératoire doit acquérir afin defaciliter le travail des infirmier(e)s de sallesd’opérations.

Félicitons Henry Carlioz et Rémi Kohler d’avoirinitié la première partie des techniques chirurgi-cales en orthopédie pédiatrique.

Pierre Lascombes

ORTHOPEDIE PEDIATRIQUECCaarrlliioozz,, KKoohhlleerrFormat 21x27 cm, 336 pagesCouverture reliée, Masson, 2 294014952

Prix : 142 €

EMBROCHAGE CENTROMÉDULLAIRE ÉLASTIQUE STABLEPPiieerrrree LLaassccoommbbeess2-84299-809-X - 352 pages (Relié) - Format : 21 x 27

Prix : 92 €

C’est sans aucun doute grâce au travail de l’école de Nancy que nous devons aujourd’hui le succès de l’embrochage centro-médullaire élastique stable (ECMES). Cette ostéosynthèse devenue universelle dans le traitement des fractures de l’enfant etde l’adolescent présente l’avantage de respecter la biologie osseuse, tant lors de la consolidation que de la croissance rési-duelle.Dans un premier temps l’ouvrage expose de façon détaillée les principes fondamentaux de l’ECMES. D’une part les aspectstechniques tels que les propriétés biomécaniques, l’indispensable compréhension de la forme de l’implant et du rôle de l’élas-ticité et d’autre part les spécificités liées à la chirurgie pédiatrique, de l’accueil du blessé à sa réhabilitation. Sont ensuite décrits les aspects traumatiques des fractures diaphysaires et métaphysaires. Ces chapitres sont abondammentillustrés de radiographies et de schémas précis et documentés au travers de cas cliniques qui permettent au lecteur de pro-gresser et ainsi de faire diminuer l’éventualité de complications. Finalement, sont exposés les applications en orthopédie pédiatrique utilisant l’ECMES : les allongements des membres, lescorrections axiales et la prévention des fractures pathologiques.Dans la plus pure continuité de l’ouvrage écrit par Jean-Paul Métaizeau, ce livre est le reflet de plus de 25 années d’expé-rience de la technique originale quotidiennement appliquée dans le service de chirurgie infantile de l’hôpital d’enfants deNancy dirigé par le Professeur Pierre Lascombes.

Bibliographie

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présente des douleurs du creux popli-té droit depuis 6mois, douleurs rap-portées à un traumatisme direct aprèsune chute de bicyclette. Ces douleursne s’accompagnent pas de gène fonc-tionnelle.L’examen général trouve un enfant enbon état général, apyrétique et mar-chant avec une boiterie droite mini-me.L’examen locorégional du genou droitnote un léger comblement du creuxpoplité, douloureux à la palpationprofonde, sans signes inflammatoireslocaux. La mobilité du genou droit estlégèrement limitée en flexion par rap-port au genou gauche.Le bilan biologique ne montre aucuneanomalie.Sur les radiographies standard dugenou on découvre une lacune méta-physaire érodant la corticale posté-rieure du fémur distal. Cette lacuneovalaire mesure 20 mm sur 15mm,atteint le cartilage de croissance ets’accompagne d’une ostéopénie loco-régionale (Fig. 1). Sur la tomodensitométrie on note unprocessus tissulaire de contours flousérodant la corticale postérieure (Fig.

2) et se rehaussant de façon hétérogè-ne après injection du produit decontraste. Une adénopathie est égale-ment retrouvée.

Le diagnostic de tumeur osseuse sous-périostée ou de tumeur des partiesmolles érodant la corticale et envahis-sant l’os de l’extérieur vers l’intérieurest évoqué. Lors de la biopsie noustrouvons un tissu blanc grisâtrefriable entre une corticale érodée etun périoste ouvert. Cette lésion estadjacente à l’insertion du musclejumeau externe qui est de colorationpâle. Les prélèvements intéressentégalement ce muscle et l’adénopathie. L’étude histologique révèle une proli-fération de cellules ostéoclastiques etd’autres cellules à noyaux réguliersfusiformes parfois ovoïdes. Parailleurs, le ganglion et le muscle sontle siège d’un remaniement inflamma-toire non tumoral.

Les suites sont marquées par l’appari-tion d’un flessum du genou pourlequel est confectionné, sous anes-thésie générale, un plâtre en exten-sion qui sera conservé 2 semaines. Une IRM est faite au décours ; en voicila conclusion : infiltration tumoraledu creux poplité, mal limitée, avec

rehaussement intense musculo-péri-osté et anomalies du signal médullai-re épiphyso-métaphysaire (Fig. 3a).Cette la lésion siége au niveau de lazone d’insertion du muscle jumeauexterne dont le signal est modifié(Fig. 3b).

Que faire ?

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Le cas du jour : histoire d’une lacune osseusepar Maher Ben Ghachem, Mahmoud Smida

Notre solution est en fin de GazetteVous souhaitez la commenter ? Ecrivez nous !

Le « courrier des lecteurs est fait pour ça

Fig. 3b IRM : lésion en regard de l’inser-

tion du muscle jumeau externe

Fig. 1 Rx initiale : lacune corticale rétroet sus-condylienne

Fig. 2 TDM : érosion corticale postérieureet externe

Fig. 3a IRM: rehaussement intense et mallimité postéro-externe avec modificationdu signal médullaire

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Annonces des Réunions

15-16 mars 2007Hôpital La Timone à Marseille 31ème Séminaire d’enseignement de la SOFOP« Urgences en orthopédie pédiatrique »Renseignements Mme Camarca et Mme Mante (04.91.38.56.66 et06.84.61.66.12)[email protected] : 04.91.38.66.70

11-14 avril 2007Sorrento (Italie)26ème EPOS meetingwww.epos.efort.org

19-20 avril 2007Ecole de Kinésithérapie et de Rééducation (ENKRE)Hôpital National de Saint-Maurice14ème Séminaire Paramédical National de la SOFOP « Soins locaux et cicatrisation chez l’enfant »OrganisationC Romana, C Bourgeot (Hôpital Trousseau-Paris), D Pilliard(Saint Maurice)

17-20 maiTaormina (Sicile)38ème congrès du [email protected]

23-26 mai Hollywood ( !!!), Floride (USA)Réunion annuelle de la POSNA www.posna.org

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Boston, « berceau de le révolution américaine » a accueillidu 13 au 17 septembre, le 60ème congrés (Diamond Jubilee)de l’American Academy for Cerebral Palsy andDevelopmental Medecine (AACPDM).

700 participants provenaient de 20 pays « très » majoritai-rement anglophones. On pouvait y rencontrer des chirur-giens orthopédistes, neurochirugiens, pédiatres, neuro-logues, neuro-psychiatres (pysiatrist) médecins de rééduca-tion (physiatrist), chercheurs, kinésithérapeutes (pysiothe-rapist ou PT), ergothérapeutes (occupational therapist ouOT), orthophonistes (speech and hearing therapist ), éduca-teurs spécialisés (special education teacher), représentantd’associations de patients.

En dehors des classiques « Instructionnal courses » et desinnovants « Petits déjeuners avec les Experts », une cin-quantaine de communications d’assez bonne qualité ont étéprésentées. Signe des temps ( ?), trois quart des communi-cants étaient des communicantes (la parité à la mode US) etfait encore plus étonnant pour nous français le quart desprésentations l’était par des PT ou des OT (qui avaientpresque toutes, il faut le dire, un titre de PhD en poche).

Parmi les thèmes traités voici ceux qui m’ont paru le plusdigne d’attention.

- les effets bénéfiques sur le poids mais non sur le capitalosseux de l’alimentation par gastrostomie chez les quadri-plégiques, l’absence d’effet d’une supplémentation préven-tive en vitamine D, l’amélioration de la densité osseuse parun programme actif de verticalisation ( minimum 7 heurespar semaine).

- le caractère non concluant des essais de traitements médi-camenteux (modafinil et triexyphenidyl) pour tenter decontrôler les mouvements anormaux

- la fréquence et la quantification des troubles propriocep-tifs et des troubles de la commande volontaire chez l’IMC

- les effets bénéfiques de la marche « soutenue » sur tapisroulant (Fig. 1) sur la vitesse de marche et son coût énergé-tique, que ce soit dans le cadre d’un programme intensif surun minimum de 2 semaines ou plus prolongé, à la maison, àraison de 3 séances hebdomadaires.

De nombreuses communications ont eu pour sujet les outilsd’évaluation.

- pour la fonction motrice globale, utilisation assez généra-le du Gross Motor Function Measure (GMFM) avec 88 itemsou simplifié ( !!) avec 66 items, précis mais chronophage(traduit en français par Carole Bérard, c’est l’EFMG) et duGross Motor Function Classification System (GMFCS) avec5 niveaux définis pour 5 classes d’âge.

- par contre pour l’appréciation de la qualité de la vie , c’estla bouteille à l’encre ; j’ai répertorié pas moins de 14 sys-tèmes d’évaluation, tous différents selon qu’ils sont remplispar les professionnels de santé ou les enfants éventuelle-ment aidés par les parents, selon qu’ils intègrent les rela-

tions sociales de l’enfant, ses capacités scolaires ou spor-tives, sa perception de lui-même, selon qu’ils s’adressent àdes enfants lourdement handicapés ou très faiblementatteints, selon que la fonction des membres supérieurs estprise en compte, etc. Bref aucun n’est parfait ou, du moins,ne fait l’unanimité.

On restera donc très prudent dans l’évaluation des trèsnombreux papiers consacrés à l’évaluation des résultats destraitements chez l’enfant IMC et tout particulièrement de lachirurgie « multisite » ; si les effets bénéfiques sur la fonc-tion motrice globale sont nets, par contre ceux sur unemeilleure qualité de vie paraissent bien plus difficiles àapprécier et pas toujourscorrélés à une meilleurefonction locomotrice.

Cerise sur le gâteau, la visiteguidée, le dernier jour, duMuseum of Fine Art avec une «special exhibition » sur lespeintres américains du 19ème

siècle et Paris (Fig. 2). Qui a ditque l’ « Amérique » boudaitla « vieille Europe » ?

Fig. 2 : Madame X (MadamePierre Gautreau) par John SingerSargent 1883-84

Compte rendu de la 60ème réunion annuelle de l’AACPDM(American Academy for Cerebral Palsy and Developmental Medecine)

par Christian Morin

Fig. 1 : Marche “soutenue” sur tapis roulant

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La 33ème réunion annuelle de l’ISSLS se tenait cette année enEurope, dans la ville Bergen, nichée au fond d’un fjord ausud-ouest de la Norvège. Bergen est la deuxième ville dupays avec 239 000 habitants, le deuxième port du pays, villeuniversitaire et évêché. Le quartier de Bryggen, sur le port,est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Ses mai-sons de bois colorées (Fig. 1) sont les vestiges du comptoirde la puissante Ligue Hanséatique.Le programme scientifique du congrès était, comme, à l’ac-coutumée, dense et de très haute qualité. Au total plus de130 communications orales et près de 300 posters regrou-paient les congressistes des cinq continents autour de sujetstrès variés se rapportant tous à l’étude du rachis lombaire.Comme toujours, les seuls problèmes des lombalgies et dessténoses lombaires ont fait beaucoup parler d’eux ! Certainstravaux étaient spécifiquement orientés sur le rapport entrele coût et le bénéfice de la chirurgie du rachis lombaire.Ainsi, des auteurs de Belgique (REF) ont démontré que lecoût global du traitement chirurgical d’une sténose lombai-re était significativement plus faible si le patient était opérépar une équipe neurochirurgicale plutôt que par une équipeorthopédique1…Les travaux de recherche fondamentale étaient nombreuxavec notamment de nouvelles explications physiopatholo-giques de la dégénérescence discale précoce. Certainesdégénerescences discales et certaines lombalgies pour-raient ainsi être secondaires à des infections du disqueintervertébral. Le traitement antibiotique pourrait doncdevenir l’une des armes thérapeutiques contre les lombal-gies avec signal inflammatoire des plateaux vertébraux(Modic 1)2.

Les travaux spécifiquement consacrés à l’orthopédie pédia-trique n’étaient pas très nombreux. Le traitement chirurgi-cal du spondylolisthésis lombo-sacré reste comme chaqueannée controversé. Notons une série de soixante-neufpatients ayant eu une arthrodèse lombosacrée sans réduc-tion du glissement, et évalués cliniquement au recul moyen

de 17 ans ! Les excellents résultats fonctionnels avec cettetechnique sont confirmés avec un recul clinique particuliè-rement long3. Citons également deux travaux4, 5 faisant lepoint sur les fractures avec décollement épiphysaire desvertèbres lombaires chez l’enfant.

La participation des équipes Européennes et particulière-ment Françaises à cette réunion scientifique est, cette annéeencore, restée très discrète ce que l’on peut regretter d’au-tant que les travaux cliniques et chirurgicaux sont généra-lement bien acceptés. La 34ème réunion annuelle de l’ISSLSse tiendra à Hong-Kong en juin 2007. La date limite de sou-mission en ligne des résumés (http://www.issls.org/) estfixée au 15 novembre 2006 alors à vos plumes !!!

Références

1. R GUNZBURG, M SZPALSKI, M DUBOIS, C MELOT. Surgeondependent cost of fusion and laminectomy: A population study

2. H ALBERT, C MANNICHE, J SORENSEN, B DELEURAN.Antibiotic treatment reduces pain and improves function in patientswith low back pain associated with Modic changes

3. D SCHLENZKA, T LAMBERG, V REMES, I HELENIUS, TYRJONEN, K OSTERMAN, P TERVAHARTIALA, S SEITSALO, MPOUSSA. Uninstrumented in situ fusion for severe isthmic spondy-lolisthesis in young patients – Long term clinical, functional andradiologic outcome.

4. R VIALLE, P MARY, H DUCOU LE POINTE, M LENOIR, JPDAMSIN, G FILIPE. Spinal fracture of the lumbar spine through theneurocentral synchondrosis . A report of two cases in battered chil-dren

5. F AHMAD, K SAIRYO, V GOEL, A BIYANI, N EBRAHEIM.Prevalence of ring fractures at the ossification stage, rather thancartilaginous stage in children – a biomechanical rationale

Contre rendu de la 33ème réunion annuelle de l’ISSLS(Internal Society for the study of the lumbar Spine)

par Raphaël Vialle

Fig. 1: Le quartier historique deBryggen, vu depuis le port.

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Le « World Health Report 2006 » (accessible àwww.who.int/whr/en.) pourrait faire sonner le glas du nume-rus clausus en médicine dans nos pays. L’ OrganisationMondiale de la Santé appelle à un plan d’action à l’échelleplanétaire pour stabiliser la force de travail médicale. Il man-querait 2,4 millions de « professionnels de la santé » dans lemonde (médecins, infirmières, sages-femmes) avec unepénurie criante dans 57 pays principalement d’Afrique sub-saharienne et d’Asie du Sud-Est.

Cette situation est aggravée par la migration des médecinsdes pays les plus pauvres vers les pays riches qui ont créé lapénurie en instaurant des limitations inconsidérées à la for-mation médicale en particulier l’Australie, le Canada,l’Angleterre et la France. Plus de 37% des médecins formésen Afrique du Sud travaillent dans des pays du monde occi-dental. Ces chiffres sont de 29% pour le Ghana, 19% pourl’Angola et de plus de 10% pour l’Ethiopie, l’Ouganda, leNigeria et le Zimbabwe. La Zambie a formé 600 médecinsdepuis son indépendance en 1964, mais seuls 50 se trouventencore aujourd’hui sur le sol national.En mai 2004, suite à l’élargissement de la Communauté euro-péenne on a craint une hémorragie médicale au départ deplusieurs des nouveaux pays membres principalement enLituanie, petit pays de 3,5 millions d’habitants qui compte10.000 médecins dont 27 % avaient affirmé leur intentiond’émigrer, ce qui a été freiné par une promesse d’augmenta-tion de leur salaire de 10% par an, chaque année pendant plu-sieurs années.

Plusieurs pays européens manquent de médecins. La Franceen particulier a induit une pénurie médicale en instaurant unnumerus clausus qui est descendu jusqu’ à 3.500 médecinspar an en 1992 : pour assurer la relève, il fallait former dansce pays 7 à 8.000 médecins au moins. La correction deserreurs du passé est rendue difficile du fait de la durée de laformation médicale et de la capacité limitée des Facultés deMédecine. Le vieillissement de la population médicale a crééun appel de professionnels étrangers dont la formation debase était souvent inférieure aux standards européens. Ils ontété confinés dans de petits hôpitaux de province avec des sta-tuts précaires. Ces médecins « faisant-fonction » constituentune sous-catégorie de médecins hospitaliers qui réclamentleur « régularisation » et l’obtiennent généralement auterme d’un parcours difficile. Il y aurait actuellement 24.000médecins dotés d’un diplôme extra-communautaire présentsen France dont un tiers seulement pratiqueraient la médeci-ne officiellement.En Grande-Bretagne, 31% des médecins et 13% des infir-mières sont nés en dehors du Royaume-Uni. Rien qu’en 2003,ce pays a délivré 5580 permis de travail à des professionnelsde la santé venus d’Afrique du Sud, 2825 du Zimbabwe, 1510du Nigeria et 850 du Ghana.

S’il est clair que le niveau de santé et de bien-être d’unepopulation n’est pas directement lié au nombre de médecins,il est encore plus clair que la pénurie peut avoir des consé-

quences sanitaires importantes. La Tanzanie n’a actuelle-ment que 2 ou 3 médecins pour 100.000 habitants. A l’échel-le mondiale, moins de 10% des femmes porteuses du virus duSida ont accès à la prophylaxie antirétrovirale afin d’éviter latransmission materno-fœtale du virus. Ce défaut d’accès auxsoins a des déterminants qui dépassent l’économique. Mêmel’élémentaire « éducation a la santé » qui peut se faire avecdes moyens matériels limités nécessite des professionnels dela santé en nombre suffisant.

Le vide que crée un numerus clausus inconsidéré est unappel à une immigration « sélective ». Celle-ci, quoique prô-née par certains politiciens, est éthiquement inacceptabledans la situation que nous rappelle l’OMS : nous n’avons pasle droit de vider l’Afrique ni les autres régions moins favori-sées que la nôtre de leurs médecins.

Par Jean-Jacques RomboutsDoyen de la Faculté de Médecine de l’UCL, Université Catholique de Louvain à 1200 Bruxelles .

Vous souhaitez répondre à cet articleEcrivez nous !

Vos réflexions alimenterons le « courrier des lecteurs »

La limitation du nombre d’étudiants en Médecine dans nos pays d’Europe occidentale

est-elle éthiquement acceptable dans un contexte de pénurie mondiale

par Jean-Jacques Rombouts

Dessin de Le Royer paru dans l’édition de «Le soir» du vendredi 7juillet 2006.

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Mission orthopédique infantile au Burkina Fasopar J. Cottalorda, R. Allary, C. Allary, C. Français, J. Bellity

Introduction

Nous avons eu la chance de participer à une mission humani-taire à l'hôpital Charles de Gaulle de Ouagadougou au BurkinaFaso du 3 au 17 février 2006.

Le Burkina Faso est un petit pays de l’Afrique de l’ouest. Il a letriste privilège de toujours faire partie du top 5 des pays les pluspauvres du monde, quels que soient les critères choisis. Il estmême le second pays le plus pauvre du monde sur les indica-teurs enseignement et accès aux soins.

L'hôpital Charles de Gaulle est l'hôpital universitaire pédia-trique de Ouagadougou et il a été financé par la France. Leslocaux sont modernes et l'architecture de cet hôpital pavillon-naire est plaisante. Par contre, l'équipement est très pauvre : pasde possibilité de soins intensifs et un bloc opératoire faiblementpourvu.

Nous sommes partis grâce à l'association "Les Enfants duNoma" (www.lesenfants dunoma.com). Cette association crééeet dirigée par Philippe Bellity, chirurgien plasticien à Paris, s'oc-cupe de traiter les enfants victimes du Noma. Cette maladieinfectieuse, à point de départ dentaire, se développe sur des ter-rains conjuguant malnutrition et absence d’hygiène dentaire.Un traitement antibiotique précoce permet, lorsque l’accès ausoin est possible, une guérison complète. Sans traitement, 90%des enfants décèdent. Les quelques survivants gardent desséquelles très importantes avec une nécrose de la face et uneankylose définitive des 2 maxillaires. En Europe, c’est dans lescamps de concentration nazis que les derniers cas ont étérecensés. L'association "Les Enfants du Noma" a pour but deredonner un visage « humain » à ces enfants. La chirurgieréparatrice permet à nouveau l’ouverture de la bouche et doncun retour à l’élocution. Dans la société Africaine, la sorcellerierégit la vie courante, et le Noma véhicule pour l’enfant et safamille une manifestation du « mauvais œil ». En réparant l'ap-parence physique de ces enfants, l’association leur permet unenouvelle socialisation. Pour la première fois cette année, sousl’égide de l’ambassade de France, une équipe d’orthopédieinfantile s’est greffée à la mission Noma. Il s’agissait doncessentiellement d’une mission d’évaluation.

Selection des patients La sélection des patients à opérer s’est bien déroulée grâce à unénorme travail réalisé en amont par un coopérant belge, instal-lé depuis plusieurs années au Burkina Faso, le docteur ThierryCoste, et par les chirurgiens pédiatres de l’hôpital Charles deGaulle. Avant notre arrivée, nous avons reçu par mail un résu-mé des dossiers avec photos, nous permettant ainsi de réfléchiraux indications opératoires et d’adapter le matériel que nousallions emporter. Comme souvent dans ces missions humani-taires, la consultation préopératoire sur place a dû être rapide,car trop dense, d’où la difficulté de poser certaines indicationsopératoires.

Il n’existe aucune couverture sociale au Burkina Faso. Les bur-kinabés qui ne disposent pas de moyens financiers n’ont aucu-ne possibilité pour se faire opérer. Notre mission opérait lesenfants gratuitement. Il s’agissait donc, pour de nombreusesfamilles démunies, d’une occasion unique de pouvoir faire soi-gner leur enfant. Il y avait foule dans la salle d’attente de l’hô-pital le samedi de notre consultation. Par la suite, le bouche à

oreille a bien fonctionné et tout au long de notre séjour, nousavons vu arriver régulièrement des enfants. Il n’a pas été pos-sible de tous les opérer et il a fallu faire un choix. Un desmoments les plus difficiles de la mission, a été d’annoncer à desparents que leur enfant n’était pas sélectionné pour une inter-vention chirurgicale alors qu’ils avaient mis tous leurs espoirsdans notre mission, et parfois aussi toutes leurs économies pourvenir jusqu’à Ouagadougou. Il faut savoir dire non et éviter deprogrammer des interventions non adaptées eu égard auxmoyens locaux limités. Nous en avons fait la cruelle expérienceavec une tumeur du tibia, certes bénigne mais très volumineu-se et ulcérée à la peau depuis de nombreux mois. C’était sansdoute une intervention trop longue et trop ambitieuse pour êtreréalisée à Ouagadougou et cet enfant a présenté dans les suitesune surinfection.

Les patients et leur pathologie Nous avons sous-estimé au début de notre mission le mauvaisétat nutritionnel des patients que nous avions à opérer. Cesenfants dénutris ont toujours une hémoglobine basse qui com-plique les suites opératoires. Ce fut le cas pour un patient por-teur d’une ostéomyélite du fémur qui avait une hémoglobine à9 g. Il n’était pas possible de mettre un garrot pneumatique enraison de la voie d’abord (de toute façon les quelques garrotsque nous avions réussi à nous faire prêter par un autre hôpitalétaient d’une efficacité aléatoire). Cette intervention a étéhémorragique (comme souvent dans les saucérisations pourcause infectieuse) et notre anesthésiste nous a demandé d’abré-ger le geste chirurgical. Bien que l’intervention ait été arrêtéeprécocement, cet enfant s’est retrouvé avec une hémoglobine à4,4 et a fait un choc hémorragique. Il a heureusement pu êtresauvé grâce à une transfusion sanguine et à l’efficacité de notreéquipe d’anesthésistes. Il faut savoir qu’obtenir du sang auBurkina Faso relève du parcours du combattant. Cet épisode amis en évidence la difficulté qu’il y a à programmer des inter-ventions hémorragiques chez des enfants ayant une hémoglo-bine basse. Pour les missions futures, nous avons prévu, lors dela sélection des malades quelques mois avant notre arrivée, deleur donner un traitement par fer pour qu’ils aient un taux d’hé-moglobine plus élevé. Nous allons aussi nous équiper en gar-rots efficaces.

La pathologie au Burkina Faso est très riche et peu de cas sontsemblables à ceux que nous traitons dans nos hôpitaux. Nousn’avions pas en charge la traumatologie d’urgence mais nousavons pu en voir des séquelles. C’est ainsi qu’un petit garçons’est présenté devant le bloc un matin, avec une fracture ouver-te de l’humérus datant de 4 mois. Son os sortait toujours à lapeau. Nous avons aussi vu un enfant qui avait une luxation pos-térieure du coude non réduite depuis 2 ans 1/2. Faute demoyens, ces enfants n’avaient pas eu accès aux soins. La patho-logie malformative est très importante car le diagnostic antenatal et l’interruption thérapeutique de grossesse n’existent pasau Burkina Faso. Nous avons vu en consultation des amputa-tions congénitales, des aplasies fémorales, des ectromélies lon-gitudinales externes, des scolioses malformatives et des mainsbotes radiales ou ulnaires. Malheureusement, pour plusieurs deces enfants, aucun geste chirurgical n’a été possible en raisondu peu de moyen dont nous disposions (opérer une scoliosemalformative par voie antérieure est inenvisageable à l’hôpitalCharles de Gaulle). Nous avons traité plusieurs cas de genu val-gum ou de genu varum très sévères le plus souvent d’originecarentielle (nous n’avons jamais autant palpé de chapelets cos-

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Mission orthopédique infantile au Burkina Fasopar J. Cottalorda, R. Allary, C. Allary, C. Français, J. Bellity

taux). Les ostéotomies de varisation ou de valgisation étaientquotidiennes durant notre séjour. La pathologie infectieuse est«historique» et a rythmé journellement notre fin de program-me par une saucérisation pour enlever des séquestres osseux.Nous avons aussi eu à traiter les séquelles de ces infectionsosseuses. Plusieurs ostéotomies de déflexion ont été réaliséespour réaxer des membres inférieurs et corriger des lordosescompensatoires. Certaines séquelles de ces infections avaientrendu les enfants grabataires.

Le bloc opératoire Avoir une équipe qui se connaît et qui à l’habitude de travaillerensemble est un gage d’efficacité. Aussi le chirurgien travaillait-il avec son infirmier de bloc opératoire, son anesthésiste et soninfirmière anesthésiste. Ce fonctionnement a certainementévité des complications graves dans les moments difficiles (lechoc hémorragique par exemple). Notre équipe, issue d’unmême hôpital français, a toujours eu soin d’intégrer les équipesburkinabées tant pour l’anesthésie que pour la chirurgie. Nousavons entretenu d’excellentes relations avec nos collègues afri-cains. Cette collaboration est la clef de la réussite, surtout enorthopédie infantile où les suites ont été confiées aux chirur-giens burkinabés. Pour cette raison, nous avons toujours opéréen tandem avec les membres de l’équipe de Charles de Gaulle.

Malgré une bonne volonté évidente de l’ensemble du personneldu bloc opératoire, les moyens dont on dispose sont dérisoires: pas d'amplificateur de brillance, pas de moteur, pas de plaque,pas de vis ni agrafe, pas de garrot pneumatique, etc. L’absenced’un amplificateur de brillance pour contrôler le geste chirurgi-cal et la position des broches rend de nombreuses interventionsimpossibles. Le marteau se désolidarise de son manche en per-manence et les ciseaux frappés ne sont pas aiguisés. Lesbroches ne piquent pas et il faut les couper en biais pourqu’elles soient pointues à leurs extrémités. Il n’y a qu’une seulepince coupe broches, aussi, lorsqu'elle a été utilisée, il fautprendre une Liston pour les autres interventions. Comme cettepince n’est pas prévue pour cet usage, elle est émoussée et peuefficace. En l'absence de moteur, les ostéosynthèses se font avecl'unique chignole à main ! Nous avions amené une perceuseachetée dans une grande surface que nous stérilisions au for-mol. Cette méthode nous a été préconisée par un chirurgienburkinabé en formation au Sénégal où elle est communémentutilisée. De toute les façons, « quand on n’a pas les moyens, onlibère son génie créateur » comme disait Thomas Sankara,l'ancien président du Burkina Faso. Nous mettions ensuite notreperceuse dans une housse stérile (deux précautions valentmieux qu'une) avec un trou pour faire passer la mèche, mais àcause du temps de stérilisation, nous ne pouvions l’utiliser quepour une seule intervention par jour.

Les journées de travail étaient longues (souvent de 8 heures à19 heures au bloc), avec parfois une panne de la climatisation(la température extérieure atteignait les 37°). Heureusement, iln’y avait ni appel téléphonique permanent, ni réunion quoti-dienne, ni T2A, etc. Cette mission a montré la nécessité de tra-vailler sur place avec un chirurgien capable d’assurer le suivides malades. Nous avons eu la chance de pouvoir coopérer trèsefficacement avec le Docteur Isso Ouedraogo et sa collabora-tion a été très précieuse. Le problème principal en orthopédieinfantile est la gestion des suites. Pour la plupart des interven-tions, les plâtres doivent être enlevés à 45 jours ou à deux mois,c’est-à-dire bien après le départ de la mission.

EnseignementNous avons consacré deux demi-journées à l’enseignement :une sur la pathologie chirurgicale et l’autre sur les gestes d’ur-gence réalisée par l’équipe d’infirmières. Elles ont été trèsappréciées. Il y a de toute évidence une très forte demande pourune formation continue au Burkina Faso. Nous avons pu dispo-ser pour notre enseignement d’un vidéo projecteur (prêté parl’ambassade de France). Ces techniques interactives avec desfilms vidéo intégrés ont interpellé notre auditoire. Il faut bienentendu adapter l’enseignement et éviter de présenter en coursdes techniques qui sont inaccessibles localement. Lors d’uncours sur l’ostéoarthrite du nourrisson, alors que nous insis-tions sur la nécessité d’évoquer ce diagnostic en premier lieuchez tout enfant fébrile ayant une douleur articulaire, notreauditoire nous a très gentiment dit que le premier diagnostic àévoquer chez eux, c’était le paludisme. L’enseignement dans cespays est un véritable échange, où on apporte notre connaissan-ce technique mais où il y a aussi beaucoup à apprendre de leurpart. Il y a en effet de nombreux domaines où leur expérienceest plus importante que la notre (pathologies malformatives,infectieuses, etc.). Ils savent également adapter leurs besoinsaux moyens dont ils disposent.

Pour conclure Il faudra peut-être envisager dans l’avenir des missions plusciblées, en particulier une mission chirurgicale orientée sur lamain. Elle pourrait prendre en charge aussi bien les mains brû-lées que les très nombreuses mains botes radiales ou ulnaires.

Les indications opératoires sont difficiles à poser car nousavons à faire à des pathologies inhabituelles qui nécessitent unopérateur expérimenté. La gestion de l’acte chirurgical dépend desmauvaises conditions matérielles, aussi est-il indispensable d’avoirun opérateur rapide pour diminuer au maximum les temps d’in-tervention, et donc les saignements et les risques infectieux. Cecipermet aussi de traiter le plus d’enfants possible. Cette mission aura été pour nous une formidable expérienceprofessionnelle, et bien plus encore humaine. Nous souhaitonscontinuer cette activité car il existe un travail énorme à réalisersur place. Bien sûr notre action reste une goutte d’eau dansl’océan, mais les enfants que nous avons pu traiter grâce àcette mission, n’auraient jamais pu l’être en raison de leurpauvreté. En échange, ils nous ont offert leur sourire et ilest des émotions que l’on a du mal à exprimer.

Faites nous part de vos expériencesen médecine humanitaire,

la Gazette, c’est aussi fait pour ça

Pas trop facile de prendre en charge ce type de problème au Burkina Faso

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Réponse du cas du jour : Histoire d’une lacune osseuse

par Maher Ben Ghachem, Mahmoud SmidaNotre inquiétude nous a poussés à faire une deuxième biop-sie. En dehors de l’aspect inflammatoire locorégional, aucunprocessus tumoral n’a été trouvé et l’étude histologique desdifférents prélèvements s’est avérée normale.Nous avons mis l’enfant sous AINS et l’évolution a été mar-quée par la disparition lente et progressive de la symptoma-tologie douloureuse avec un nettoyage radiologique completde la lacune corticale 18 mois après (Fig.4).Au recul de 7 ans, le genou est normal.

DISCUSSION

Chez l’enfant, le fémur distal est une localisation préféren-tielle pour les tumeurs bénignes et malignes. Le defect corti-cal ou irrégularité corticale du fémur distal est un processusbénin pseudo tumoral caractérisé par une lésion lytique éro-sive rétro et sus condylienne pouvant simuler un ostéosarco-me et posant ainsi un problème diagnostique (1, 4, 7).Desmoïde corticale ou desmoïde périosté (8, 10), termesayant une connotation néoplasique et retrouvés pour décrirecette lésion non tumorale, doivent être évités. Defect corticalfibreux, irrégularité corticale avulsive, ‘’tug lesion’’ ou mala-dies des insertions sont aussi utilisés pour nommer cettelésion fréquente et méconnue (2, 3, 9, 12). Cette variationdans la nomenclature semble être en rapport avec les diffé-rences dans l’interprétation histologique.

Souvent bilatérale, elle prédomine chez le garçon sportif. Sonsiège classique est postéro interne (Fig. 5) ou interne (5, 9,11). Rarement, elle peut toucher la région métaphysairepostéro externe comme dans notre cas (11).

La proximité des insertions musculaires semblerait être àl’origine de la lésion évoquant ainsi une pathogénie trauma-tique. Les forces exercées par les insertions musculaires, soitdu muscle long adducteur soit du jumeau interne ou externe,provoqueraient un remaniement ostéo-périosté avec une exa-gération de l’activité ostéoclastique et une prolifération d’untissu fibreux sous- périosté de réparation (9, 10). L’insertion

des muscles adducteurs sur l’ischion ou du grand pectoralsur l’humérus peut provoquer la même lésion (6).

Cette lésion corticale est rarement associée à une douleurmodérée. La majorité des patients sont asymptomatiques etla découverte de la lésion est fortuite sur une radiographiestandard pratiquée pour autre chose, un traumatisme parexemple (4, 11).

Radiologiquement, la lésion est arrondie ou ovalaire de 1 à 3cm de grand axe. Elle représente une érosion ou une irrégu-larité de la corticale postérieure qui devient sclérotique etépaissie avec parfois de petites calcifications des partiesmolles adjacentes, une réaction périostée de type compact oufinement spiculée et une ostéoporose locorégionale (4, 7, 9).Les investigations complémentaires ne sont pas indiquées. Latomodensitométrie ou l’IRM, quand elles sont faites, démon-trent la relation de l’insertion musculaire à la lésion osseuse(8, 10, 12) mais peuvent par contre aggraver l’anxiété dumédecin et des parents en montrant des images pouvantappartenir à un processus malin. C’était le cas de notrepatient. La scintigraphie osseuse peut montrer une hyper-fixation comme elle peut être négative (3).

La biopsie, elle aussi n’est pas indiquée mais elle peut se jus-tifier par l’inquiétude que peut susciter l’imagerie. L’examenhistologique met en évidence des phénomènes ostéoclas-tiques, des séquestres dans un tissu conjonctif richement cel-lulaire parfois très vascularisé mais sans anomalies cellu-laires ni d’atypies mitotiques (5, 7, 10).

Cette lésion corticale ne pose pas beaucoup de problèmes dediagnostic différentiel. Elle doit être différenciée essentielle-ment d’un ostéosarcome de surface qui est une lésion unila-térale évolutive et envahissant les parties molles adjacentes(5).

Le traitement consiste à une surveillance du patient. Le pro-nostic est excellent mais la disparition de la lésion nécessite-ra généralement de longs mois (5, 11).

Fig. 4 : Rx au recul de 18 mois : disparition de la lésion

Fig. 5 : Rx d’un autre enfant : siège classique postéro interne de lalésion

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REFERENCES

1- BARNES GRJ, GWINN JL. Distal irregularities of the femursimulating malignancy. AJR 1974, 122: 180-5.

2- BUFKIN WJ. The avulsive cortical irregularity. AJR 1971, 112:487-492.

3- BURROWS PE, GREENBERG ID. The distal femoral defect: tech-netium-99m pyrophosphate bone scan results. J Can Assoc Radiol1982, 33: 91-3.

4- CRAIGEN MA, BENNET GC, MACKENZIE JR, REID R.Symptomatic cortical irregularities of the distal femur simulatingmalignancy. J Bone Joint Surg 1994, 76(B):814-7.

5- DUNHAM WK, MARCUS NW, ENNEKING WR, HAUN C.Developmental defects of the distal femoral metaphysis. J BoneJoint Surg 1980, 62(A):801-6.

6- FULTON MN, ALBRIGHT JP, ELKHOURY GY. Cortical desmoid-like lesion of the proximal humerus and its occurrence in gymnasts(ringman’s shoulder lesion). Am J sports Med 1979, 7: 57-61

7- KREIS WR, HENSINGER RN. Irregularity of the distal femoralmetaphysis simulating malignancy. J Bone Joint Surg 1977, 59(A):38.

8- PENNES DR, BRAUNSTEIN EM. Computed tomography of cor-tical desmoid. Skel Radiol 1984, 12: 40-2.

9- RESNICK D, GREENWAY G. Distal femoral cortical defects, irre-gularities and excavations. Radiology 1982, 143: 345-54.

10- SUH JS, CHO JH, SHIN KH ET AL. MR appearance of distalfemoral cortical irregularity (Cortical desmoid). J ComputerAssisted Tomography 1996, 20: 328-32.

11- VERDONK PCM, VERSTRAETE K, VERDONK R. Distal femo-ral cortical irregularity in a 13-year old boy. A case report. ActaOrthop Belg 2003, 69: 377-81.

12- YAMAZAKI T, MARUOKA S, TAKAHASHI S ET AL. MR fin-dings of avulsive cortical irregularity of the distal femur. SkeletalRadiol 1995, 24: 43-6.

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Réponse du cas du jour : Histoire d’une lacune osseuse

par Maher Ben Ghachem, Mahmoud Smida

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