télé-réalité

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 La télé-réalité La télé-réalité : des situations de compétition pour éliminer et gagner Dans le magazine “ Label France ” la sociologue Monique Dagnaud dé finit ainsi la télé-réalité :  “ Ce sont des émissions qui font du spectacle avec la vie des gens ordinaires, en particulier avec leur intimité. Dans les années 1980-1990, ces émissions étaient surtout constituées par des témoignages ou des confessions ” de personnes qui exposaient leurs problèmes ou leurs souffrances d’ordre privé : les reality shows. Aujourd’hui, la télé-réalité recouvre davantage des di vertis sements dans lesquels les participants sont plac és dans des situations de compétition, donnant souvent lieu à des procédures d’élimination de certains d’entre eux, et où l’on observe leurs réactions psychologiques ou physiques à un certain nombre d’épreuves. Ce que l’on teste, c’est leur vulnérabilité. Ces je ux permettent d’abord de gagner des prix. Dans le cas de “ Loft story ”, le prix à gagner c’est tout simplement le fait de passer à l’écran, c’est-à- dire la notoriété médiatique et tout ce qui s’y rapporte. ” La tél é-r éalité (tr adu cti on de real-li fe soa p) est cha rgée d’ambi guï car ces “ émi ssions pl ongen t des anonymes dans des si tuations arti fi ci el les, pour montrer leurs actions prétendument “ réelles ” . ” (Le Monde du 28 décembre 2002) Dans la grille des programmes, où se situe la télé-réalité ? Mesuré en temps d’antenne de par le monde, le genre majeur reste la fiction (42 %), suivi du divertissement (33 %), là où  justement la télé-réalité prend une part croissante. Viennent ensuite les informations (18 %) , le sport (6 %) et l’incontournable poste des divers (1 %). Dans l’article que nous vous proposons, il n’est pas dans nos intentions de faire une analyse sociol ogi que ou ps ychologi que du phénomène de télé-réali ; il s’ agit de dég ager les mécanismes économiques qui permettent l’émergence d’un nouveau marché de la télévision comme point de départ et développement de produits complémentaires. Un peu d’histoire… ou comment la alit é s’ est progressivement construite en 30 ans L’ancêtre de la télé-réalité a été diffusé en janvier 1973. “ An American Fami ly ” séri e documentaire et feuilleton montrait, en plusieurs épisodes, la vie d’une famille aisée de Santa Barbara, la famille Loud. Puis le concept se propage : “ The Family ” fut diffusée en Grande-Bretagne sur la BBC en 1974 (une fami lle ouvrière inst allée à Readin g), “ Sylva nia Waters ” paraît en 1992 sur la chaîne australienne ABC… En 1996, la BBC lance la série “ Airport ” qui filme la vie de plusieurs personnes travaillant dans un aéroport. La chaîne américaine MTV filme en 1992 pour la première fois des anonymes en dehors de leur cadre de vie réel avec “ The Real World ”. En septembre 1997, la chaî ne publique suédois e SVT est la premiè re à diff user une émis sion que nous connaissons en France sous le nom de “ Koh-lanta ” : elle se nommai t alors  “ Expédition Robinson ”. Mais c’est en 1999 que ce que nous connaissons sous le nom de “ Loft Story ” est créé : la chaîne privée hollandaise Veronica lance “ Big Brother ” et pour la première fois les épisodes se déroulent en temps réel. Le producteur de cette émission s’appelle… Endemol. La même année, la chaîne publique néo-zélandais TV2 lance pour la première fois le concept que nous connaissons sous le nom de “ Popstar ” qui avait pour objet de former de jeunes talents. Enfin, la combinaison de “ Popstar ” et du vote des téléspectateurs a donné naissance au concept “ Star Academy ”. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le téléspectateur paie pour pouvoir participer à l’événement télévi suel. “ Dans la télé d’aujourd’hui, le market ing est un élémen t important ” reconn aît Etienne Mougeotte. (Le Monde du 29 octobre 2002 : Comment la télé-réalité a métamorphosé la télévision) Écho-Gestion - Numéro 3 - Décembre 2003  http://pedagogi e.ac-aix-marse ille.fr/ecolyc/ revue/n3 1

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La télé-réalité

La télé-réalité : des situations de compétition pour éliminer et gagner 

Dans le magazine “ Label France ” la sociologue Monique Dagnaud définit ainsi la télé-réalité : “ Ce sont des émissions qui font du spectacle avec la vie des gens ordinaires, en particulieravec leur intimité. Dans les années 1980-1990, ces émissions étaient surtout constituées pardes témoignages ou des confessions ” de personnes qui exposaient leurs problèmes ou leurssouffrances d’ordre privé : les reality shows. Aujourd’hui, la télé-réalité recouvre davantagedes divertissements dans lesquels les participants sont placés dans des situations decompétition, donnant souvent lieu à des procédures d’élimination de certains d’entre eux, et oùl’on observe leurs réactions psychologiques ou physiques à un certain nombre d’épreuves. Ceque l’on teste, c’est leur vulnérabilité. Ces jeux permettent d’abord de gagner des prix. Dans lecas de “ Loft story ”, le prix à gagner c’est tout simplement le fait de passer à l’écran, c’est-à-dire la notoriété médiatique et tout ce qui s’y rapporte. ” 

La télé-réalité (traduction de real-life soap) est chargée d’ambiguïté car ces “ émissionsplongent des anonymes dans des situations artificielles, pour montrer leurs réactions

prétendument “ réelles ” . ” (Le Monde du 28 décembre 2002)

Dans la grille des programmes, où se situe la télé-réalité ? Mesuré en temps d’antenne de parle monde, le genre majeur reste la fiction (42 %), suivi du divertissement (33 %), là où

 justement la télé-réalité prend une part croissante. Viennent ensuite les informations (18 %) ,le sport (6 %) et l’incontournable poste des divers (1 %).

Dans l’article que nous vous proposons, il n’est pas dans nos intentions de faire une analysesociologique ou psychologique du phénomène de télé-réalité ; il s’agit de dégager lesmécanismes économiques qui permettent l’émergence d’un nouveau marché de la télévisioncomme point de départ et développement de produits complémentaires.

Un peu d’histoire… ou comment la télé réalité s’est progressivementconstruite en 30 ans

L’ancêtre de la télé-réalité a été diffusé en janvier 1973. “ An American Family ” sériedocumentaire et feuilleton montrait, en plusieurs épisodes, la vie d’une famille aisée de SantaBarbara, la famille Loud.Puis le concept se propage : “ The Family ” fut diffusée en Grande-Bretagne sur la BBC en1974 (une famille ouvrière installée à Reading), “ Sylvania Waters ” paraît en 1992 sur lachaîne australienne ABC… En 1996, la BBC lance la série “ Airport ” qui filme la vie de plusieurspersonnes travaillant dans un aéroport.La chaîne américaine MTV filme en 1992 pour la première fois des anonymes en dehors de leurcadre de vie réel avec “ The Real World ”.

En septembre 1997, la chaîne publique suédoise SVT est la première à diffuser une émissionque nous connaissons en France sous le nom de “ Koh-lanta ” : elle se nommait alors

 “ Expédition Robinson ”.Mais c’est en 1999 que ce que nous connaissons sous le nom de “ Loft Story ” est créé : lachaîne privée hollandaise Veronica lance “ Big Brother ” et pour la première fois les épisodes sedéroulent en temps réel. Le producteur de cette émission s’appelle… Endemol.La même année, la chaîne publique néo-zélandais TV2 lance pour la première fois le conceptque nous connaissons sous le nom de “ Popstar ” qui avait pour objet de former de jeunestalents.Enfin, la combinaison de “ Popstar ” et du vote des téléspectateurs a donné naissance auconcept “ Star Academy ”.Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le téléspectateur paie pour pouvoir participer à l’événement

télévisuel. “ Dans la télé d’aujourd’hui, le marketing est un élément important ” reconnaîtEtienne Mougeotte. (Le Monde du 29 octobre 2002 : Comment la télé-réalité a métamorphoséla télévision)

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Ce bref historique suggère des attributs du concept de cette vraie-fausse vie : documentairedevenu divertissement puis jeu, ingrédients dramatiques, “ valeurs positives ”, anonymesprenant le pouvoir symbolique à la télévision, télévision interactive et marketing télévisuel.

La télé-réalité aujourd’hui : des programmes à l’écran, des sociétés deproduction en amont

La télé-réalité d’aujourd’hui correspond d’abord à une infrastructure financière dont l’exemplele plus visible est le cas de la société de production Endemol France (propriétaire du concept

 “ Loft Story ”) d’origine hollandaise et dont le propriétaire est l’opérateur espagnol Telefonica.

Endemol France a produit 1 166 heures de programmes pendant la saison 2001-2002 (voirune liste de ses émissions en annexe 1). Grâce au succès de “ Loft Story ”, Endemol France estdevenu le premier producteur national d’émissions de divertissement en France.

Les mêmes émissions – faisant appel à des participants anonymes – sont diffusées dans lemonde entier et représentent une manne financière pour les chaînes commerciales. Ainsi lamaison mère Endemol détient-elle un catalogue de 400 programmes distribués dans une

quinzaine de pays.

Quel est l’environnement qui a favorisé le développement de ce nouveau type d’émission ?Nous verrons qu’il se caractérise par un excès d’offre, des téléspectateurs zappeurs et desémissions traditionnelles qui s’essoufflent ou coûtent trop cher.

Face à cette offre pléthorique, comment se comporte le téléspectateur ?

… armés de leur télécommande, des téléspectateurs zappeurs…

Aujourd’hui l’outil qui est au centre de l’activité, c’est la télécommande. Cet outil est d’uneredoutable efficacité : le devenir des chaînes télé est suspendu au bout de l’index d’untéléspectateur qui n’a même pas besoin de bouger. Une image de trop, un son qui dérange, unprésentateur qui s’ennuie pendant quelques secondes, une cravate mal nouée, une couleur quine convient pas et la sanction tombe comme dans l’arène ; jadis on baissait le pouce etmaintenant on appuie sur une autre chaîne – souvent non choisie – et la sanction tombe, choixnégatif car le téléspectateur ne choisit pas un autre programme, il quitte celui-ci sans choisirune destination, il fera le même cheminement dans la seconde qui suit, et ainsi de suite

 jusqu’à ce qu’il trouve une chaîne qu’il sera disposé à garder un temps jamais défini.

Dans cette perspective, les chaînes de télévision sont amenées à chercher un concept quirendra captif le téléphage, l’idéal étant que ce dernier puisse zapper à l’infini mais reste dansle même univers de communication, à savoir le même groupe financier.

… et des émissions traditionnelles qui s’essoufflent ou coûtent trop cher

Les films font moins recette, l’audience du sport s’essouffle, les évènements footballistiquesont atteint des sommets en termes de droits de retransmission.

Droits de retransmission télévisuels pour le mondial(Europe occidentale) en millions de dollars

1994 301998 472002 500

SOURCE / UER, Kirsch, Sport

Dans ce contexte, les télévisions investissent de plus en plus dans de nouveaux programmesde divertissement. Il fallait trouver un nouveau concept et les émissions de télé-réalité sontune réussite car, pour des raisons différentes, elles plaisent au public et aux chaînes : le public

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y retrouve ses valeurs et peut devenir acteur et les chaînes y trouvent : succès d’audience,amélioration de leur image et rentabilité.

Aïe mes valeurs ! ou la composante sociale de la télé-réalité

Pour capter l’attention il faut donc se différencier car nous vivons aujourd’hui une crise detoutes les valeurs “ générales ” “ intégratrices ”, la massification ne fait plus recette et lesconsommateurs comme les téléspectateurs cherchent des produits et des services qui mettenten lumière certaines particularités de leur caractère.

Dès lors il existe une stratégie marketing faite de solutions depuis longtemps rôdées sur tousles marchés qui atteignent une forme de saturation : c’est la segmentation. Comme le disait P.Kotler, avant l’élaboration tactique du plan de marchéage et ses fameux 4 P, la réflexionstratégique passe par 4 P stratégiques : “ Probe, Partition, Prioritize, Position ”. Dans le casétudié, on explore les valeurs en hausse (probe), on segmente le marché selon ces valeurs(partition), on cible les groupes majoritaires qui s’identifieront à ces valeurs (prioritize), enfinon positionne le concept qui théâtralisera ces attentes (position).

Le concept de télé-réalité dans sa grande diversité fait appel à des “ valeurs ” enfouies au plus

profond de chacun de nous qui peuvent revenir à la surface grâce au travail des concepteursd’émissions de télé-réalité. Le concept de chaque émission de télé-réalité s’organise autourd’une idée force et toute l’organisation se fédère autour de cette idée : la cible étant précisée,les moyens sont adaptés car il faut retenir le téléspectateur, il ne doit pas zapper.

Prenons deux émissions phares, “ Star Academy ” et “ le Loft ”.

Dans “ Star Academy ” il y a le mot “ Academy ” qui signifie dans la langue anglo-saxonne “ école ”. Les “ Starac ” donnent l’impression d’apprendre, de s’entraîner, de répéter, des’approprier des méthodes, d’utiliser des outils, somme toute ils miment un processus scolaire.Ce qui ressort de l’examen de leur pratique d’acquisition des connaissance c’est le mimétisme…(voir René Girard1), ils font comme si... Nous dirons qu’ils font semblant d’apprendre, aussi un

œil peu exercé leur donnera-t-il le quitus du savoir-faire.Certes il y a eu une sélection. Sauf que plusieurs milliers de jeunes gens, ce n’est plus unesélection mais plutôt une loterie. Cette sélection va bien au-delà de tout système sérieux carrappelons qu’il y a en phase finale un ou une gagnante pour plus de 10 000 candidats. Desétudes ont montré qu’au-delà d’un certain nombre de candidats, si les places disponibles sontaussi réduites, la probabilité d’effectuer le bon choix est identique que l’on prenne de critèresobjectifs de sélection ou que l’on procède à un choix au hasard.

 “ Le loft ” est un huis clos où il ne se passe rien et où il ne doit rien se passer, c’est un conceptpurement voyeuriste. Noël Mamère et Patrick Farbiaz considèrent que “ la vie est devenue unemarchandise, “ Loft Story ” n’en est que l’expression la plus médiatique, la plus sophistiquée.Tout s’achète, tout se vend, tout se voit. ” (Source : “ La vie rêvée du Loft ”, éditions Ramsay,

2001). Il y eut plus de 45 000 candidats pour cette émission !

D’autres émissions développent des concepts quelque peu différents. “ L’île de la tentation ” veut mettre en lumière la résistance des participants à surmonter des épreuves d’ordre moral(dichotomie bien/mal). “ Koh-lanta ” a pour but avoué de mesurer la résistances desparticipants à subir des épreuves humiliantes, et à faire preuve de solidarité envers lesmembres du groupe (dichotomie bien/mal). “ Le maillon faible ” est fondé sur la dénonciationpublique du participant le plus faible. C'est une application très rigoureuse de la penséemarginaliste. Cette segmentation touche également la santé avec l’émission de M6 “ J’ai décidéde maigrir ”.

Fear Factor quant à lui mise sur la peur : “ Ils ont des peurs, des phobies mais aussi l’envie

intense de se surpasser. Les candidats sélectionnés pour participer à Fear Factor sont desgens ordinaires au courage exemplaire... Parmi les trois hommes et les trois femmes qui

1 Sur le désir mimétique, voir http://membres.lycos.fr/yrol/LITTERA/GIRARD/girard.htmÉcho-Gestion - Numéro 3 - Décembre 2003

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chaque semaine vont affronter des épreuves où l’eau, le feu, les bestioles, le vide, la vitesse,seront leurs principaux adversaires, il n’y a que des gens déterminés ” (Source :http://www.tf1.fr/fearfactor)

M6 a lancé une nouvelle émission de télé-réalité, “ The bachelor” produit par W9 filiale de M6. “ The bachelor ” a connu un grand succès sur la chaîne ABC aux Etats-Unis, c’est un feuilletonqui a pour but de faire sélectionner à un célibataire une femme parmi les 25 qui lui sont

présentées.

Chaque émission de télé-réalité se différencie donc par une “ valeur ”, une idée force quiconvient à un segment d’audience : enjeu financier, vedettariat, projet de carrière, projet demariage… Et le public est fidèle aux rendez-vous.

Aïe mon audience ! ou la composante commerciale de la télé-réalité

En matière d’audience, les chaînes ont pour objectif de maximiser leur audience (desémissions qui plaisent à toute la famille ou aux segments jeunes) et de la rajeunir, améliorantainsi leur image.

Audience

Téléspectateurs

Part d’audience

Star Academy 6,5 millions 36,5 %Popstars 4,3 millions 20 %

 “ Aucune autre forme de programme n’attire autant d’audience surtout dans la tranche des 18-49 ans, chère aux annonceurs, sur de telles durées ” (Capital de novembre 2002).

 “ Le loft ” a placé M6 en position dominante par rapport à TF1 puisqu’il a détrône le “ Bigdil ” capitalisant jusqu’à 70 % d’audience sur les 15-25 ans et près de 50 % sur les ménagères de

moins de 50 ans.

Si TF1 a été très critique envers M6 pour avoir pris l’initiative de diffuser “ Loft Story ” ,désormais TF1 s’est lancée dans la diffusion d’émissions de télé-réalité. “ Le but que nousavons poursuivi est l’établissement d’une relation forte avec un public jeune, car TF1 doits’adresser à tous les publics, même si elle ne peut le faire à tout moment ” déclare EtienneMougeotte.

Aïe ma rentabilité ! ou la composante financière de la télé-réalité

On peut dire que sous l’angle financier, un bon programme de télé-réalité présente quatrequalités : il est économique, son succès croissant fait monter le prix des écrans publicitaires, il

associe des produits dérivés pouvant aller jusqu’à dépasser les recettes publicitaires et au finalil peut rapporter deux fois plus que son coût.

Produire des émissions de télé-réalité est relativement économique d’autant que les joueurs nesont pas rémunérés comme des acteurs (voir l’annexe 3 sur le statut des joueurs). Un bonprogramme peut coûter deux fois moins cher qu’un film.

 “ Star Academy ” coûte en moyenne 610 000 euros par émission contre 1,2 million pour lepassage d’un film. “ Une diffusion en début de soirée de “ Star Academy ” coûte moins cherqu’un match de football de l’équipe de France ou le premier ou le deuxième passage d’un filmfrançais ” fait savoir Etienne Mougeotte. (Source : “ Le Monde ” février 2002)

Grâce à la hausse de ses audiences, M6 a pu “ augmenter trois fois de suite les tarifs des

écrans publicitaires. ” (Le Monde, février 2002). Lors de la finale de Star Academy le 12 janvier2003, le prix des écrans publicitaires a progressé de près de 18 %. L’écran publicitaireprécédant le début de l’émission a été facturé 53 360 euros.

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Le montant des recettes dérivées est souvent difficile à chiffrer ; cependant on estime que “ les produits dérivés liés aux émissions de télé-réalité représentent 30 à 40 % des recettestotales ”. Pour “ Star Academy ”, les recettes publicitaires représenteraient 74 % et lesproduits dérivés 26 % (disques, appels téléphoniques, jeux et magazines). Mais les ventesgénérées par “ Popstars ” sur M6 ont dépassé les recettes publicitaires. (le Monde du 29octobre 2002).

Une émission peut rapporter deux fois la mise : “ Même si toute tentative de calcul demeureextrêmement difficile, la mécanique “ Loft Story ” aurait rapporté à M6 près de 45 millionsd’euros de recettes pour un coût que l’on peut évaluer entre 100 et 170 millions de francs (26millions d’euros)… ” Et les recettes faramineuses des émissions à succès vont en augmentant.

Recettes en millions d’euros2001 2002 Accroissemen

tLoft story 76,2 123,8 + 62 %Star Academy 78, 3 113,4 + 45 %Popstars 20 32,2 + 61 %

Koh-Lanta 6,6 16,7 + 53 %Source : “ Capital ” - Plus c’est bête, plus ça rapporte ” Novembre 2002

La rentabilité de la stratégie multimédias peut être déterminante. Avec la stratégie de niche,on constate qu’il existe des créneaux dignes du jackpot : en termes de rentabilité “ StarAcademy ” n’est pas l’émission la plus rentable de TF1. C’est “ Allô Quizz ” qui avec une partd’audience de 0,7 % collecte chaque jour 275 000 appels téléphoniques (au même tarif etavec la même répartition que dans le cas de Star Academy).

Conclusion

De nouveaux concepts sont déjà sur le marché qui opposent les différentes chaînes, TF1 (Zonerouge, Fear Factor), M6 (The Bachelor, J’ai décidé de maigrir ”), Canal + (60 jours – 60 nuits),Canal Jimmy (7 minutes pour séduire)… Cette profusion d’émissions de télé-réalité met enlumière la concurrence acharnée que se livrent les chaînes privées pour capter lestéléspectateurs, en particulier TF1 et M6.

 “ Nice people ”, dernier né du phénomène télé-réalité sur les écrans français, ressemble àquelques détails près à la version TF1 du loft de M6. Ici aussi c’est Endemol France qui produitl’émission, mais cette fois-ci il y a polémique : M6 porte plainte contre TF1 et Endemol France.La “ petite chaîne qui monte ” considère que “ Nice people ” ne serait qu’une copie de “ Loftstory ” .

Dans un article du 7 mai 2003 publié par “ Le Monde ” il est fait grief par TF1 à EndemolFrance de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Etienne Mougeotte déclare que “ NicePeople n’est pas du tout une catastrophe commerciale ”. Alexia Laroche-Joubert directrice desprogrammes d’Endemol France précise “ Nous aurions dû mieux positionner notre programmeen le concentrant uniquement sur les candidats et leur vie quotidienne. L’enjeu doit être plusclair, plus lisible et plus humain. Tout cela sera rectifié dès la prochaine émission ”. Ces deuxdéclarations mettent en lumière ce que les promoteurs de ce type de divertissementrecherchent. C’est l’audience maximale (qui détermine le prix des écrans publicitaires) il fautcoller au plus près de ce que le téléspectateur recherche en regardant ce type d’émission, onne cherche rien d’autre qu’à attirer le prospect.

Françoise Capelle et Jean Osenda

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ANNEXES

ANNEXE 1 : UN APERCU DES RECETTES DES PRODUITS DERIVES

Star Academy

Ecrans publicitaires 120 millions d’eurosNombre de télé-spectateurs 11 millionsNombre de télé-spectateurs ayanttéléphoné

3 millions

Coût total des appels (0,60 euro par appel)France TélécomEndemol FranceTF1

1,8 million50 %25 %25 %

Revue mensuelle “ Star Academy ” 350 000 exemplaires

Licence de marque pour des produitsalimentaires, des vêtements ND

Inscription payante au “ fan club ” NDFréquentation du site internet NDVentes d’album Star Academy1 1,65 millions de

disques

ANNEXE 2 :

Depuis les succès rencontrés par le “ Loft ” sur M6, TF1 s’est engagée dans la “ télé-réalité ” elle verse à Endemol France 38 millions d’euros par an et cela pendant 5 ans pour être

approvisionnée en programmes de télé-réalité.TF1 a collecté 120 millions d’euros de recettes publicitaire en 16 émissions de “ StarAcademy ” en 2002.Ces recettes proviennentdes spots publicitairesdes appels téléphoniquesdes SMS liés aux votes des téléspectateurs (3 millions d’appels pour la finale)des produits dérivés (la revue de star academy)des ventes de disques

Dans un sondage publié par l’IFOP (juillet 2002) à la question :

A cette autre question les sondés ont réponduIl existe des émissions de télé-réalité qui organisent des compétitions entre despersonnes qui doivent triompher de situations de violence. Qu’en pensez-vous ?

Ce type d’émission me scandalise et je ne la regarderai pas 82 %Ce type d’émission m’intéresse et je pourrai la regarder 17 %Ne se prononcent pas 1 %

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