tel un dieu païen - celia scott

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    Celia Scott

    Tel un dieu paen

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    Cet ouvrage a t publi en langue anglaise sous le titre :WHERE THE GOD DWELL

    La loi du 11 mars 1957 nautorisant aux termes desalinas 2 et 3 de larticle 41, dune part, que les copies ou

    reproductions strictement rserves lusage priv ducopiste et non destines une utilisation collective, et,dautre part, que les analyses et les courtes citationsdans tin but dexemple et dillustration, toutereprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faitesans le consentement de lauteur, ou de ses ayants droitou ayants cause, est illicite (alina 1er de larticle 40).Cette reprsentation ou reproduction, par quelqueprocd que ce soit, constituerait donc une contrefaonsanctionne par les articles 425 et suivants du Codepnal.

    1985, Cella Scott 1986, traduction franaise : Edimail S.A.53, avenue Victor-Hugo, Paris XVI ; Tl. 45-00-65-00

    ISBN 2-280-00367-8ISSN 0182-3531

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    Ils nappartenaient pas au mme monde...Lorna a du mal cacher sa dconvenue. Linsolent

    Crtois qui la dfie la veille nest autre que Jason

    Peritakis, le propritaire du terrain o travaille lquipearchologique dont elle est la photographe ! Etcontrairement ses compatriotes, il ne semble gureapprcier les trangres mancipes...

    Quimporte, Lorna est trop enthousiasme par labeaut de lle pour sen soucier. Mais pourquoi ne peut-elle oublier leur rencontre ? Irrite, la jeune femmedcide dviter lavenir cet homme au regardprovocateur...

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    Lorna sortit le premier tirage du bain fixateur et lerina soigneusement. Quand la photographie fut sche,

    elle lexamina attentivement. Un sourire de satisfactionse peignit sur ses lvres bien dessines. La photo taitexcellente ! Tous les dtails des poteries que lon avaitdcouvertes la veille sur le chantier archologiqueressortaient nettement. Aprs avoir mis la photo de ct,elle se consacra aux autres tirages.

    Une mche dore caressait sa joue brlante. Loura la

    repoussa derrire son oreille, remerciant le ciel davoirpens se faire couper les cheveux Toronto avant devenir en Crte. Son ancienne coiffure tait parfaite auCanada, mais pour une photographe travaillant dans desconditions difficiles, des cheveux longs nauraient tquembarrassants. Et de plus, elle aimait la sensation delibert que lui donnait cette nouvelle coupe.

    La jeune femme suspendit le dernier tirage pour le

    faire scher puis elle sortit de la petite chambre noireimprovise dans une des pices de lauberge.

    Son amie la rejoignit sur le chemin de la chambrequelles partageaient. Susan tait en sortie de bain et enpantoufles, un sac en ponge la main, une serviettehumide sur lpaule.

    Mas-tu laiss de leau, Susie ? demanda Lorna en

    ouvrant la porte de la chambre.Elle se dirigea vers le placard pour y prendre sa

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    bouteille de shampooing. Naie crainte, leau ne manque pas ce soir. Vasily a

    rempli le rservoir ce matin. Dieu soit lou ! sexclama Lorna en tant son tee-

    shirt humide de sueur. Jai tellement chaud ! Et je mesens si sale !

    Elle enfila un peignoir en coton du mme bleu queses yeux.

    Comme je tenvie ta silhouette, Lorna, dit Susan ensallongeant sur son lit. Quelle taille fais-tu ? Un trente-huit ?

    Trente-six, avoua Lorna.Susan soupira tristement. Cest injuste. Dautant que je ne maigrirai jamais,

    jen suis sre !Lorna clata de rire et gagna la salle de bains vtuste.

    Il tait difficile de croire que Susan tait son ane dunan. A certains moments, sa compagne se conduisaitcomme une enfant.

    Lorsquelle ouvrit le robinet de la douche, un flotdeau chauffe par le soleil coula sur elle. Elle sentit quela fatigue de la journe svanouissait comme par magieet, tout en se savonnant vigoureusement, elle se mit chanter.

    Une serviette sur la tte, elle retourna ensuite dans lachambre, o Susan tait en train denfiler un pantaloncouleur pche trop troit pour elle. Aprs avoir luttquelques minutes avec la fermeture glissire, lamalheureuse sexamina dans le miroir dun air dubitatif.

    Ce pantalon a d rtrcir, murmura-t-elle.Pleine de tact, Lorna sabstint de tout commentaire.

    Elle enfila ses sous-vtements puis se dirigea vers lapenderie.

    Ne crains-tu pas davoir trop chaud en pantalon,

    Susie ? Les soires ne sont gure plus fraches que lesjournes.

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    Cest tout ce que jai de propre, rpondit Susie.Lorna dcrocha une robe bleue et blanche quelle

    tendit son amie. Veux-tu la mettre ? Elle devrait taller, et son tissu

    lger est de circonstance...Susan contempla le vtement avec convoitise. Tu me la prterais, vraiment ? Ce serait

    merveilleux !Elle ta grand-peine son pantalon puis sempressa

    denfiler la robe. Celle-ci, de coupe ample, dissimulait sesrondeurs et la faisait paratre plus grande. En se voyantdans la glace, elle eut un sourire ravi.

    Elle est magnifique ! Merci, Lorna. Oui, elle te va trs bien, acquiesa Lorna en

    passant un chemisier crme sur sa jupe de coton rouge.Garde-la, Susan, je ten fais cadeau.

    Lorna ! Es-tu sre... ? Je laime beaucoup mais... Son style te convient mieux qu moi. Dailleurs,

    jai beaucoup daffaires. Cest un des avantages davoir

    t photographe de mode pendant longtemps. Ce devait tre passionnant de travailler dans un tel

    milieu. Cela ne te manque pas ? senquit Susan. Pas du tout ! Au dbut, cela ma amuse, mais

    aprs quatre ans ctait devenu ennuyeux mourir ! Attends dtre reste quelques mois ici... Tu verras

    que travailler sur un chantier archologique est toutaussi ennuyeux. Et en plus, cest puisant !

    Tout en parlant, Susan bouriffa ses cheveux boucls jusqu ce quils forment un halo sombre autour de satte.

    puisant, peut-tre. Par contre, je ne crois pas quecela puisse devenir lassant, rpondit pensivement Lorna.Dcouvrir des objets si anciens et chargs dhistoire esttellement excitant !

    Il est vrai que tu sembles passionne, observaSusan. Jai remarqu ton enthousiasme chaque fois que

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    nous faisons une trouvaille. Ce nest pas de lenthousiasme, objecta Lorna, qui

    se maquillait. Simple intrt professionnel.Pourtant, la jeune femme savait que Susan avait

    raison. Depuis quelle tait descendue de lavion Hraklion, trois semaines plus tt, elle avait limpressionquon lui avait jet un sort. Elle tait sous le charme dela Crte. Tout ce quelle voyait lenchantait.

    Elle mit des boucles doreille en argent puis glissadeux bracelets assortis ses poignets dlicats.

    Jignore ce quil en est pour toi, Susie, mais jaiaffreusement faim !

    Lintresse opina vivement. Moi aussi, jai une faim de loup !Lorna clata de rire et les deux amies, lune grande et

    blonde, lautre petite et brune, descendirent dner.Leurs collgues taient assis une longue table

    dresse sous les arbres. Vasily avaient accroch auxbranches des lampions qui clairaient la rivire

    descendant vers la valle. Lair chaud de la nuit sentait lethym et la verveine.

    Lorna ! O tais-tu ? Nous pensions que tu ttaisperdue ! cria Nikos Peritakis.

    Nikos tait lun des habitants du village quitravaillaient sur le chantier.

    Viens, je tai gard une place ! dit-il en dsignant lachaise ct de lui.

    Nous sommes deux, rpliqua schement Lorna.Elle naimait pas la faon dont Nikos se conduisait

    avec la pauvre Susan, la traitant comme quantitngligeable.

    On apporta un autre sige et Susan sinstalla ladroite de Nikos. Lun des tudiants amricains versa Lorna un verre de retsina frais quelle but avec plaisir

    avant de prendre un morceau de pain croustillant et unecuillre de tsatziki, un mlange de concombre et de

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    yogourt parfum lail. Connais-tu la nouvelle ? demanda Nikos en se

    penchant vers elle. Ma famille est rentre dAthnes.Lorna resta sur la rserve. Nikos tait un cousin de la

    puissante famille Peritakis, propritaire non seulementdu terrain o avaient lieu les fouilles, mais aussidimmenses plantations dolives, de citrons et doranges,de mme que dune superbe villa dans la montagne et deterrains dans toute la Crte. Selon Nikos, son cousinlavait spoli de sa part dhritage la mort de son oncle ;il tait donc maintenant oblig daugmenter comme ilpouvait ses maigres revenus. Il se montrait trs amer surce sujet. Aussi, bien que sa situation inspirt de lasympathie Lorna, les lamentations du jeune homme luiportaient-elles souvent sur les nerfs.

    Tout est prt pour le mariage de ma cousine, repritNikos. Tu peux tre sre que son frre an aura veill ce que cette alliance soit avantageuse. Jason ne faitjamais rien qui ne puisse lui rapporter un bnfice.

    Il finit son verre de vin et sen versa un autre. Il est triste dtre pauvre, Lorna, particulirement

    quand les choses auraient pu tre diffrentes. Il estinjuste dtre oblig de travailler pour assurer sasubsistance.

    Lorna se coupa un morceau de pain. Il mest difficile den juger, observa-t-elle

    schement, jai toujours d gagner ma vie. Oui, seulement tu as un bon salaire, rtorqua-t-il.

    Et tu es canadienne. De plus, tes parents ne telaisseraient jamais dans la misre.

    Cette conversation commenait ennuyer Lorna. Centait pas la premire fois que Nikos suggrait quellevenait dune famille riche. Or il se trompait. Pourtant, ellenavait aucune intention de len informer, jugeant que le

    sujet ne le concernait pas.Fort heureusement, Vasily apporta la suite du dner

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    et la conversation en resta l.Dans cette auberge de campagne, il ny avait pas de

    menu. Cependant, la nourriture tait simple etsavoureuse. Ce soir-l, ils mangrent des youvarlakia,

    boulettes de viande la sauce au citron accompagnesdune montagne de pommes de terre frites saupoudredorigan, des haricots verts la menthe, du fromage dechvre et des olives du pays, et en guise de dessert, desoranges provenant des plantations des Peritakis.

    Aprs le caf, mue par une impulsion subite, Lornadcida daller se promener avant de se coucher. Ellesesquiva discrtement sans se faire remarquer de Nikos.

    Comme elle atteignait la route, Vasily lappela. Miss Lorna, puis-je vous parler ?Revenant sur ses pas, elle le rejoignit. Cest propos de votre chambre noire. Vous savez

    que plusieurs tudiants vont arriver dAthnes pour aidersur le chantier ?

    Oui, acquiesa la jeune femme. Le professeur

    Spanakis nous a avertis quune douzaine de personnesde lcole darchologie arriveraient dans la semaine.

    Je suis bien ennuy, dclara Vasily. O vont-ilsdormir ?

    Avez-vous besoin de ma chambre noire ? Je pourrais en loger quatre ou cinq dans cette

    pice, admit-il. Et ce nest pas tout, il y a aussi leproblme du rfrigrateur.

    Lorna entreposait en effet ses films dans lerfrigrateur de lauberge.

    Je sais par exprience que les tudiants ont delapptit, poursuivit Vasily. Je vais devoir stockerdavantage de nourriture...

    Aucun problme, coupa Lorna. Je rglerai laquestion avec le professeur ds demain. Nous trouverons

    une solution, ne vous inquitez pas.Elle quitta un Vasily profondment soulag et

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    sengagea sur la route qui menait vers la montagne. Elleignorait encore comment elle allait rsoudre ce problmede chambre noire, mais elle y rflchirait le lendemain.

    Elle atteignit bientt un embranchement. Ce soir-l,

    la jeune femme dlaissa le sentier qui descendait vers lechantier pour sengager dans le chemin escarp. Unebrise lgre plaquait sa jupe sur ses cuisses nues etbouriffait ses cheveux soyeux.

    Aprs avoir march une quinzaine de minutes, ellesassit afin dadmirer la vue qui soffrait elle au clair delune. Elle sentait lombre des montagnes au-dessus delleet elle se promit de revenir avec son appareil prendrequelques clichs. Elle voulait runir assez de photos pourfaire un livre sur la Crte, un bon livre qui montreraitcette le et ses habitants tels quils taient.

    Lorna ferma les yeux, sensible la tranquillit dulieu. Elle entendait le faible murmure de la rivire quiprenait sa source un peu plus haut. On aurait dit unemusique... Oui, il y avait effectivement une musique,

    seulement ce ntait pas celle de la rivire ! Ouvrant lespaupires, Lorna reprit son ascension. Peu aprs, ellearriva un btiment peint en blanc adoss au pied de lamontagne. De la lumire brillait aux fentres ; unemlodie grecque schappait par la porte entrebille. Detemps autre, il y avait comme un bruit de porcelainebrise...

    Elle sapprocha de lune des vitres afin de regarder lintrieur. La pice tait pleine de gens installs depetites tables. Dans un angle, prs du bar, trois hommesassis sur une estrade jouaient de leurs instrumentstraditionnels. Devant eux, dautres dansaient. Parfois,lun des danseurs prenait une assiette de porcelaine surlune des tables et la laissait tomber sur le sol. Puis ilcontinuait se mouvoir au milieu des dbris.

    Lorna se fraya discrtement un chemin dans la salleenfume. Elle prit place une petite table non loin du

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    comptoir.La danse se terminait. Aprs avoir aval une gorge

    de bire, les musiciens se remirent jouer.Lorna commanda une limonade. A la diffrence des

    Crtois quelle avait rencontrs, le barman tait peuavenant. Quand il posa la bouteille et le verre devant elle,il ignora ses remerciements, les lvres pinces en signede rprobation.

    Lorna parcourut la pice du regard. Il y avait lquelques jeunes gens en uniforme, sans doute despermissionnaires de la base navale toute proche,quelques hommes plus gs et plusieurs bergers vtusdu costume crtois traditionnel : de larges pantalons prisdans de hautes bottes, une ceinture la taille et unturban noir autour de la tte, dont les franges leurtombaient sur le front.

    Brusquement, elle se rendit compte quelle tait laseule femme dans ce bar ! Voil qui expliquait lattitudedu tenancier. Elle tait entre dans un caf rserv aux

    hommes ! Eh bien, elle partirait ds quelle aurait bu salimonade. Mais jusque-l, elle avait bien lintentiondcouter la musique, dtudier loisir les traits typsdes gens qui lentouraient et de simprgner de cetteatmosphre pittoresque.

    Lorna vit un homme se dtacher dun groupe quibavardait prs de la porte. Une fois au centre de la salle,il resta un moment immobile, les bras levs, son visagemat et ses cheveux bruns clairs par la lampe. Puis il setourna vers elle et se mit danser. Il tait beaucoup plusgrand que tous les autres, plus athltique aussi. Ilportait galement un costume crtois : une culotte decheval noire et de hautes bottes en cuir noir. Sa chemiseblanche, ouverte jusqu la taille, dvoilait son torsemuscl. Il avait les yeux ferms, comme sil tait en

    extase. On aurait dit un dieu paen.Un mlange de peur et... dautre chose, une motion

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    quelle ne connaissait pas, submergea Lorna. Elle nepouvait dtacher ses yeux de lui. Ctait comme si unprince de lpoque minoenne tait revenu la vie, unprince qui dansait devant une bergre avant de lenlever.

    Tandis que la musique sacclrait, il excuta un sautcompliqu. En retombant sur ses pieds, il ouvrit les yeuxet les plongea droit dans ceux de Lorna. Ils taient vertscomme une rivire de montagne, pleins de provocation.Un sourire moqueur simprima sur les lvres sensuellesdu Crtois. Sans interrompre sa danse, il prit uneassiette sur une table et la laissa tomber terre.

    Lorna tait maintenant le centre de lattention. Silhomme avait dirig un projecteur sur elle, il ne lauraitpas rendue plus visible. Dans la pnombre, elle sentaitque tous se dlectaient de son embarras.

    Ses joues taient brlantes, cependant elle ne baissapas les yeux. Elle avait conscience du dfi que lui lanaitlinconnu et elle navait aucune envie de le laissertriompher, quel que soit le jeu auquel ils jouaient.

    Au bout de ce qui lui parut une ternit, la musiquesarrta enfin. Le danseur baissa les bras, puis il restaimmobile la regarder.

    Alors Lorna leva les mains et lentement, avecinsolence, applaudit par trois fois. Ensuite, prenant sonverre, elle se dtourna avec une expression de mpris.Toutefois, elle nosa pas le porter ses lvres, craignantde strangler avec sa limonade tant elle tait furieuse.

    Elle fut soulage de voir lhomme sloigner, mais ellene put rprimer un mouvement de surprise quand lebarman posa sur sa table deux verres douzo, un verredeau et un bol de pois chiches.

    Quest-ce que cela ? Je nai rien command. Cest moi qui ai command. Pour vous souhaiter la

    bienvenue dans notre village.

    Ctait linconnu qui lavait provoque qui venait deparler. Il se tenait debout ct de sa table. Le barman

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    sen alla avec un sourire entendu.De prs, lhomme semblait encore plus grand. La

    jeune femme remarqua que ses yeux verts avaient desreflets dors et quils luisaient comme ceux dun chat.

    Incontestablement, il tait trs beau. Seulement, cela nefaisait quajouter lantipathie quil lui inspirait. Lorna semfiait des hommes trop sduisants, et le comportementde celui-ci ntait pas pour rduire sa dfiance...

    Je ne bois pas avec les trangers, dit-ellefroidement avant de dtourner la tte.

    Loin de le dcourager, cette rponse parut le rendreencore plus audacieux.

    En Crte, il ny a pas dtrangers, observa-t-ilironiquement. En outre, refuser mon offre serait uneinsulte.

    Trs bien, lana-t-elle. Je men vais, alors...Mais en se levant, elle se heurta le front contre la

    lampe. Ses yeux bleus se remplirent de larmes, tout lafois de douleur et de colre.

    Vous tes-vous fait mal ? senquit-il en lobligeant se rasseoir.

    Il se pencha vers elle sous prtexte dexaminer sonfront. Il tait si proche quelle pouvait sentir la chaleur deson corps.

    Ce nest rien ! protesta Lorna. La lampe vous a salie...Il sortit un mouchoir de sa poche, en trempa le coin

    dans le verre deau et lui tamponna le front.Elle recula comme sil la menaait dun tisonnier

    brlant. Je vous affirme que ce nest rien ! sexclama-t-elle,

    surprise de la violence des ractions que cet hommefaisait natre en elle.

    Dans un haussement dpaules, il lui tendit le

    mouchoir en lui conseillant : Vous devriez essuyer cela. La peau est un peu

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    rafle.Sans un mot, Lorna sortit un petit miroir de son sac

    et nettoya la plaie. Ce ntait pas bien grave, mais elleaurait probablement une bosse le lendemain. Elle replia

    soigneusement le mouchoir, non sans remarquer quiltait du coton le plus fin, avant de le lui rendre.

    Si vous ne voulez pas douzo, peut-tre accepterez-vous un autre verre de limonade ? suggra le Crtoisavec un sourire moqueur.

    Je ne veux rien, merci, sinon que lon me laisseseule.

    Mou theos ! Cest pour tre seule que vous tesvenue ici ? Jai du mal le croire, appuya-t-il endsignant la salle bonde.

    Peu mimporte que vous le croyiez ou non, rpliquaLorna. Cest la vrit. Je suis entre simplement pourregarder.

    Pour dcouvrir les coutumes des pittoresquespaysans de notre belle le ?

    Oui, quelque chose comme a...La jeune femme commenait comprendre que son

    interlocuteur tait diffrent des autres clients. Il avait unair dautorit incontestable, il parlait un anglais parfait etses vtements taient dune coupe irrprochable.

    Je suis tonn que ce genre de distractions puissevous intresser, poursuivit-il avec hauteur. Enfin, sansdoute aimez-vous visiter les bas-fonds...

    Je ntais pas dans les bas-fonds jusqu ce quevous me rejoigniez, rtorqua Lorna, les yeux tincelantsde colre.

    Elle se leva rapidement, sans se cogner cette fois,puis se dirigea vers la porte. Elle navait pas fait deux pasau-dehors quil tait auprs delle.

    O allez-vous ? demanda-t-il dun ton premptoire.

    Cela ne vous regarde pas !Il la saisit brusquement par le bras et se pencha sur

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    elle. Ne soyez pas stupide ! siffla-t-il. Ce nest pas un

    endroit pour une femme seule. Je vais vous reconduire.Prs du caf, elle remarqua une Mercedes blanche

    qui luisait faiblement au clair de lune. Non, laissez-moi, le rabroua-t-elle en se dgageant. Vous, les Amricaines, vous tes toutes les

    mmes ! jeta-t-il avec mpris. Vous regardez leshabitants du pays comme si vous tiez au zoo. Et quand,dans votre ignorance de nos coutumes, vous dpassez lalimite, vous vous tonnez que lon vous traite sansrespect.

    Pour votre gouverne, sachez que je ne suis pasamricaine, mais canadienne. De plus, je ne savais pasque javais dpass la limite, comme vous dites.

    Ne vous est-il pas venu lide que frquenter cegenre de caf nest pas convenable pour une jeune femmesolitaire ? A moins, bien sr, quelle cherche de lacompagnie, railla-t-il.

    Est-ce l ce que vous croyez ? questionna Lorna,carlate. Vous croyiez que jtais en qute dune... duneaventure ?

    Il est frquent que de jolies touristes aient enviedajouter un amant grec leurs souvenirs de vacances,rpondit-il dune voix tranante.

    Si ctait mon cas, objecta-t-elle, tremblantedindignation, vous tes le dernier homme que jechoisirais !

    Peu importe. Je suis bien dcid vousraccompagner. Alors cessez de discuter, ou je devrai vousfaire monter de force dans la voiture.

    Ne doutant pas quil mettrait sa menace excution,la jeune femme le suivit en silence jusqu son vhicule.

    Le tableau de bord de la Mercedes indiquait minuit

    pass. Lorna se maudit intrieurement de streembarque dans cette promenade. Dans quel tat serait-

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    elle le lendemain matin ? En outre, elle tait dsorientepar la dtermination de lhomme dune tonnante beautassis ses cts. Jamais elle navait rencontrauparavant quelquun comme lui.

    Quand ils arrivrent lauberge, plonge danslobscurit, Lorna sortit rapidement de la voiture.

    Au revoir, lana-t-elle sans le remercier.A cet instant, une silhouette sortit de lombre et

    savana vers elle. Lorna ? O tais-tu ? Je minquitais, dit Nikos en

    trbuchant.De toute vidence, il tait ivre. Qui est ton ami ? senquit-il avec force. Pour lamour de Dieu, Nikos, chuchota Lorna, tu

    vas rveiller tout le monde.Au mme moment, linconnu sortit de la voiture pour

    se diriger vers Nikos. Il sentretint voix basse mais surun ton autoritaire. Nikos se tourna ensuite vers Lorna,une expression amre sur le visage.

    Il me vole toujours ce que je veux, gmit-il.Pourquoi ne mas-tu pas dit que tu le connaissais,Lorna ?

    Jignore de quoi tu parles, rtorqua Lorna,exaspre.

    Mon cousin, tu ne mavais pas dit que tu leconnaissais ! Et moi qui tai attendue toute la nuit !

    Ton cousin ! sexclama Lorna, abasourdie.Elle jeta un coup doeil vers lhomme qui se tenait un

    peu lcart. Il inclina la tte dun air moqueur. Permettez-moi de me prsenter, lcha-t-il de sa

    voix tranante. Je suis Jason Peritakis.

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    Une fois revenue de sa surprise quant lidentit delinconnu, Lorna passa une bonne demi-heure

    convaincre Nikos de laisser son cousin le reconduire chezlui. Aussi, quand elle se coucha enfin, il taithorriblement tard.

    Contrairement son habitude, elle eut du mal serveiller le lendemain. Il lui fallut se traner hors du lit etlorsquelle arriva au chantier, la force du soleil matinal,qui dordinaire la mettait de bonne humeur, ne russit

    qu lui donner la migraine. Aprs tre entre dans lundes baraquements, elle rangea ses appareils dans un sacen plastique pour les protger de la poussire, puis lesplaa dans une bote tanche. Ensuite, elle enfona sursa tte un vieux chapeau en lin dont son frre lui avaitfait cadeau des annes plus tt, rentra son tee-shirt dansson short effrang et se mit en qute du professeurSpanakis.

    Elle le trouva presque aussitt. Il se tenait au milieudun petit groupe qui nettoyait avec de grandesprcautions un morceau descalier que lon venait dedcouvrir. En la voyant, il laccueillit chaleureusement.

    Kalimera, Lorna ! Les choses vont merveille, vousdevriez pouvoir prendre les photos vers midi.

    Il tait visiblement dexcellente humeur. Lorna eut

    quelques remords de gcher sa joie en lui apprenant lamauvaise nouvelle propos de sa chambre noire.

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    Tandis quelle lui expliquait le problme, il se morditpensivement les lvres.

    Nous pourrions louer un rfrigrateur pour lesfilms, dit-il enfin, mais une chambre noire... cest moins

    facile dnicher. Quoi quil en soit, je vais y rflchir.Peut-tre Hraklion, quoique... ce ne serait paspratique. Mais ne vous inquitez pas, il existe srementune solution...

    Sur ce, il la quitta pour aller rprimander lun desouvriers.

    La jeune femme partit aider Susan, occupe trierles poteries que lon avait dterres. Ce travail demandaitune extrme attention.

    A quelle heure es-tu rentre hier soir ? demandaSusan sans interrompre sa besogne.

    Tard, rpondit laconiquement Lorna. Sans aucun doute. Je tai attendue longtemps...

    avec Nikos. Dis-moi, Lorna, est-ce que Nikos te plat ? Pas particulirement.

    Le visage de Susan sclaira. Jen suis heureuse, commenta-t-elle. Je ne crois

    pas que ce soit quelquun de bien. Il boit trop. Il taitivre, hier soir.

    Ne men parle pas ! Cest une des raisons pourlesquelles je suis monte si tard.

    Tu las donc vu ? Oui, il tait devant lauberge quand nous... quand

    je suis rentre.Lorna navait pas lintention de cacher quoi que ce

    soit son amie, mais elle se sentait trop fatigue etsurtout trop trouble par sa brve rencontre avec JasonPeritakis pour lui en faire le rcit.

    Nanmoins, Susan ntait pas stupide. Nous ? sexclama-t-elle en carquillant les yeux.

    Avec qui es-tu revenue ? Personne dintressant. Un homme ma ramene,

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    voil tout. Un homme agrable ? En fait, non. Aurais-tu de laspirine, Susan ?

    ajouta-t-elle, dsireuse de changer de sujet. Jai une

    affreuse migraine, ce matin.Susan lui trouva des cachets et leur conversation en

    resta l. Cependant, Lorna ne parvenait pas oublier ladanse sensuelle de Jason Peritakis au caf.

    A midi, lquipe sarrta ; tout le monde sinstalla lombre des oliviers pour le djeuner. Ce repas fort simpletait invariablement constitu de pain, de fromage etdolives... Ensuite, Lorna alla examiner le morceaudescalier, puis, avec laccord du professeur Spanakis,elle se mit au travail.

    Elle prit dabord des gros plans de dtails, nhsitantpas sallonger par terre pour saisir le meilleur angle,avant de satteler aux photos densemble. Mais pourleffet quelle cherchait, elle ntait pas assez ensurplomb. Aussi monta-t-elle sur une chelle, son

    appareil autour du cou. Appuye contre les derniersbarreaux, elle avait une excellente vue sur lescalier. Ellevenait de dcider quelle avait assez de clichs lorsquelleentendit un craquement inquitant. Lchelle se dtachadu mur et commena osciller dangereusement de plusen plus vite. Lorna poussa un cri et, en professionnelleconsciencieuse, leva son appareil au-dessus de sa ttepour le protger. Dj elle se raidissait dans lattente dela chute. Cest alors quun homme bondit afin de larecevoir dans ses bras.

    Elle tomba sur lui si violemment quils roulrentplusieurs fois sur le sol avant de simmobiliser. tourdie,Lorna ta son chapeau et son regard rencontra deuxyeux verts qui la fixaient avec stupfaction.

    Vous ! explosa Jason Peritakis. Ctait vous, sous

    ce chapeau !Lorna se dgagea de son treinte.

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    Que faites-vous ici ? demanda-t-elle dune voixfaible.

    Ce terrain mappartient, il est normal que jemintresse aux progrs du chantier.

    Il repoussa lchelle et se leva, tout en sefforantvainement de dpoussirer sa culotte de cheval couleurfauve. Puis il tendit la main Lorna afin de laider semettre debout son tour.

    Vous vous tes fait mal ? senquit-il. Peu importe, cest mon appareil qui minquite.Aprs lavoir examin attentivement, elle poussa un

    soupir de soulagement. Rien de cass, Dieu merci !La jeune femme le glissa dans son tui. Alors

    seulement, elle saperut que ses bras et ses jambestaient maculs de terre.

    Il semble que je ne sois pas blesse, grce vous,reprit-elle. Merci, monsieur Peritakis.

    Sans prter attention ses paroles, son sauveur la

    contemplait dun air constern. Et vous, que faites-vous ici ? questionna-t-il

    abruptement. Vous travaillez ici ? Oui, je fais partie de lquipe archologique. A quel titre ?Il criait presque, prsent. Je suis la photographe du chantier, rpondit Lorna

    avec dignit. Vous tes la photographe ! Mou theos ! sexclama-t-

    il en se dtournant.Avant que Lorna nait eu le temps de sinterroger sur

    son trange raction, le professeur les avait rejoints. Quest-il arriv ? Il y a eu un accident ? Ce nest rien, professeur, le rassura Lorna. Mon

    chelle est tombe, voil tout.

    Pas sur lescalier, jespre ? Non, sur monsieur Peritakis, rpliqua-t-elle

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    ironiquement. Mais nous sommes indemnes, ne voustracassez pas.

    Vous devriez tre plus prudente, Lorna, observa leprofesseur. Nous ne pouvons pas nous permettre de vous

    perdre, il y a trop faire...Il se tourna vers Jason. Ainsi, vous avez rencontr Miss McCann ? En effet, rpondit Jason dune voix tranante. Lorna, M. Peritakis vous a-t-il parl de son offre

    gnreuse ? demanda le professeur.Lorna secoua la tte, ce qui lui arracha une grimace.

    Sa migraine empirait. Il nous a propos de transformer lune des pices

    de sa ville en chambre noire, dclara le professeur dunair triomphant. Et ce nest pas tout ! Il a pouss lagentillesse jusqu vous inviter sjourner chez lui. De lasorte, vous serez tout prs de votre salle de travail, etcela librera un lit lauberge.

    Abasourdie, Lorna tenta de se reprendre.

    Cest hors de question. Il mest impossibledhabiter chez M. Peritakis.

    Nayez crainte, sa mre y rside en ce moment, cesera donc tout fait convenable, souligna le professeur.

    L nest pas la question... commena Lorna.Mais dj, le vieil homme stait loign. Lorna se

    tourna vers son bienfaiteur. Pourquoi navoir rien dit ? lana-t-elle. Vous ne

    souhaitez pas plus que moi que jaille habiter chez vous. Cest vrai, je ne savais pas que vous tiez la

    photographe lorsque jai fait cette suggestion auprofesseur. Nanmoins, il est trop tard pour reculer,maintenant.

    Je ne vois pas pourquoi, cest stupide !Elle tait trangement irrite de son aveu quant son

    peu denthousiasme pour la recevoir chez lui. Cest vous qui tes stupide, grommela-t-il. Stupide

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    et ignorante. Ne comprenez-vous pas quen Crte, il estimpensable de revenir sur une offre dhospitalit ?

    Si vous croyez que je vais accepter votre invitation,vous vous trompez ! sexclama la jeune femme, rouge

    dindignation. Ne soyez pas assommante ! Tout est rgl, le

    professeur Spanakis est daccord.Elle sapprtait protester de nouveau, mais Jason

    larrta dun geste. Plus un mot ! De toute manire, je marrangerai

    pour ne pas vous rencontrer. Vous ne me verrezpratiquement pas, je vous le promets.

    Cest parfait ! glapit Lorna, un peu purilement. Jenverrai une voiture vous chercher demain. Vous

    pourrez visiter la pice laquelle jai pens pour lachambre noire et faire une liste de ce dont vous aurezbesoin.

    Scartant delle, il ramassa sa cravache. Vous devriez aller vous nettoyer, reprit-il. Vos

    coupures pourraient sinfecter.Lorna baissa les yeux sur ses jambes bronzes. A

    plusieurs endroits, quelques gouttes de sang perlaient.Pniblement, elle entreprit de remonter la cte vers lecampement.

    Laissez-moi vous aider, proposa Jason en luitendant la main.

    Merci, je vais trs bien, mentit-elle. Mou theos ! Je nai jamais rencontr une femme

    aussi entte ! Est-ce que vous tes ne ainsi ?Elle allait rtorquer que sil la trouvait si dsagrable,

    il navait qu partir quand brusquement, elle se sentitdfaillir et dut sagripper lui. Il glissa aussitt un brasautour de sa taille.

    Voulez-vous vous reposer un moment ? demanda-

    t-il gentiment. Non... Je peux... jy arriverai, balbutia-t-elle.

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    Je ne crois pas, objecta-t-il en la soulevant dansses bras.

    Parvenus devant le baraquement, ils trouvrentSusan qui crivait un rapport.

    Lorna ! Quest-il arriv ? scria-t-elle. Ce nest rien, Susie, rpondit Lorna tandis que

    Jason la dposait sur un vieux fauteuil de jardin. Avez-vous de leau et un mouchoir propre ?

    intervint Jason. Oui, nous avons de leau, acquiesa Susie,

    visiblement fascine par le Crtois.Elle entra dans lune des cabanes pour en ressortir

    peu aprs avec une bassine quelle posa aux pieds deLorna.

    Cest de leau froide, jespre que a ira. Par contre,je nai pas trouv de linge propre...

    Tant pis, rpliqua le jeune homme en sortant unmouchoir blanc de sa poche.

    Il le trempa dans leau et sapprtait nettoyer les

    plaies de Lorna quand elle lui prit le tissu fin des mains. Je peux le faire, maugra-t-elle. Je me sens trs

    bien maintenant.Se rendant compte quelle se montrait dsagrable,

    elle se reprit. Cest le second mouchoir que je vous salis,

    observa-t-elle. Je vous les laverai et... Ne vous inquitez pas pour cela, coupa Jason. Je

    veillerai simplement en avoir une quantit suffisante,puisquil semble que vous soyez sujette aux accidents.

    Pas du tout ! protesta Lorna.Sans lui prter plus dattention, Jason se tourna vers

    Susan, un sourire charmeur aux lvres. Celle-ci devintcarlate.

    Permettez-moi de me prsenter : je suis Jason

    Peritakis. Je constate que Miss McCann va mieux, tantdonn quelle recommence me contredire. Aussi vais-je

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    la laisser vos bons soins, Miss... ? Hunt, Susan Hunt. Enchant, Miss Hunt, dit-il en prenant sa petite

    main potele dans la sienne. Miss McCann devrait se

    reposer cet aprs-midi, mais je prfre que ce soit vousqui le lui suggriez. Elle se fait un devoir de toujours fairele contraire de ce que je lui conseille.

    Oh, naturellement ! balbutia Susan, subjugue. Dans ce cas, au revoir Miss Hunt. Herete.Son sourire svanouit comme il se tournait vers

    Lorna. Sur un bref signe de tte, il sloigna. Ainsi, cest l Jason Peritakis, lcha Susan en

    soupirant. Il est merveilleux ! Je suis sre quil serait daccord avec toi sur ce

    point, rtorqua Lorna en se levant lentement. Avoue quil est trs beau, commenta Susan dune

    voix rveuse. Si lon veut. En tout cas, il est trs galant. Aprs tout, il ta

    porte jusquici. Il nallait pas me laisser vanouie sur le sol ! Mme

    Jason Peritakis nest pas assez mal lev pour a !Un claquement de sabots les interrompit. Mont sur

    un magnifique pur-sang roux, Jason Peritakis slanaitau grand galop sur le sentier.

    Regarde, haleta Susan, on dirait un cow-boy ! Il ny a pas de cow-boy en Grce ! trancha Lorna.

    Pour lamour du ciel, parlons dautre chose !Susan insista pour raccompagner Lorna lauberge.

    Elle sy reposerait un moment avant de dvelopper lesphotos du jour. En chemin, Lorna informa sa compagnede son installation imminente dans la villa des Peritakis.

    Oh, quelle chance tu as ! La maison a lairmerveilleuse. De plus il fait tellement plus frais dans la

    montagne ! Oui, mais tous mes amis habitent lauberge.

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    Voyons, tu seras avec nous la plupart du temps.Imagine, la villa des Peritakis !... Enfin, tu memanqueras, Lorna.

    Je regrette que tu ne puisses pas venir avec moi,

    Susie. Malheureusement, tout cela a t dcid sans quelon me demande mon avis.

    Aucune importance. Je suis certaine que tupasseras un sjour dlicieux. Je tenvie...

    Oh non, Susie, dit Lorna en souriant. Tu esbeaucoup trop gentille pour envier qui que ce soit.

    Nen sois pas si sre ! Quand je pense que tu vasvivre sous le mme toit que ce merveilleux homme, jensuis presque jalouse.

    Tu nas aucune raison de ltre. Jason Peritakis etmoi nprouvons que de lantipathie lun pour lautre.

    Jason est trs loin de te trouver antipathique,protesta Susan en se garant devant lauberge. Aucontraire, tu lui plais beaucoup.

    Je men moque... Je ten prie, Susan, essayons de

    ne plus parler de lui pendant au moins vingt-quatreheures.

    Aprs une bonne nuit de sommeil, Lorna se sentittout fait remise. Elle cacha ses corchures sous unelongue jupe de coton multicolore et enfila un tee-shirtviolet. Ses cheveux lisses paraissaient presque blancssous le soleil matinal et ses yeux taient dun bleu aussitincelant quun ciel sans nuages.

    Quand elle descendit pour le petit djeuner, Nikosbuvait une tasse de caf lombre dun arbre.

    Bonjour Nikos ! lana Lorna en sasseyant face lui.

    Est-il vrai que tu vas tinstaller chez mon cousin ?

    senquit-il sans prambule. Oui, cest exact. Le professeur a arrang cela hier.

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    Elle versa du miel dans le yaourt que Vasily venait deposer devant elle.

    Vous voyez, Vasily, vous allez pouvoir rcuprervotre rfrigrateur ainsi quun lit.

    Jai appris cela, Miss Lorna. Je suis triste que vousquittiez lauberge, cependant...

    Vous me verrez trs souvent, je ne ferai que dormir la villa.

    Pourquoi nas-tu pas refus ? sinforma Nikos dsque Vasily les eut laisss.

    Et pourquoi aurais-je refus ? Tu nes pas oblige de dormir chez Jason, dclara-

    t-il ironiquement. Tout a t dcid par le professeur et ton cousin.

    Dailleurs, cela ne te regarde en rien.Nikos ninsista pas, dautant que leurs collgues les

    rejoignirent cet instant. Tout le monde tait dj aucourant du dpart de Lorna, qui se vit lobjet de forceplaisanteries amicales. Convaincue quils ne la croiraient

    pas si elle prtendait regretter son dmnagement, elle secontenta de sourire sans se soucier de leurs moqueries.

    Quand le groupe regagna le chantier, chacunsaperut immdiatement que quelque chose nallait pas.Lassistante du professeur leur demanda de se rendredans la hutte o lon entreposait les trouvailles du jouravant de les envoyer Hraklion. Le professeur les yattendait. Il avait sentretenir avec toute lquipe.

    A lintrieur de cette cabane poussireuse, la chaleurtait touffante. Le visage grave, le professeur se tenaitprs dune table sur laquelle se trouvaient des poteriesprtes tre expdies Hraklion. Il y eut desmurmures gns, puis le vieil homme sclaircit la gorgeet le silence se fit.

    Le professeur parla dabord en grec ; ceux qui

    comprenaient la langue parurent atterrs par ses propos.Un brouhaha de voix sleva bientt dans la pice. Le

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    professeur leva la main pour obtenir le calme. Maintenant, je vais rpter ce que jai dit en

    anglais. Vous vous souvenez des deux miniatures quenous avons dcouvertes la semaine dernire ?

    Lorna se les rappelait parfaitement bien. Elle les avaitphotographies aprs quon les eut nettoyes. Il sagissaitde remarquables spcimens de lart minoen.

    Hier soir, je suis venu emballer nos dernirestrouvailles, poursuivit le professeur. Hlas, lorsque jaiouvert la bote contenant ces miniatures, je me suisaperu quelle tait vide.

    Sa dclaration suscita une exclamation gnrale. A nen pas douter, cest un vol. Comme vous le

    savez tous, il existe un march noir pour des antiquitsde ce genre. Mais vous nignorez pas que notregouvernement tient ce genre de larcin pour extrmementgrave. Je nai pas besoin de vous confier ce que jenpense. Cet vnement est susceptible daffecter le moralde toute lquipe. A cause de ce qua fait lun de vous,

    chacun doit tre souponn. Ceci est pour moi laspect leplus dplorable de cette affaire. Aussi ai-je dcid dedonner une chance au voleur. Je lui accorde quarante-huit heures pour restituer les miniatures. Ce dlaicoul, javertirai la police et je veillerai personnellement ce que le coupable soit svrement puni.

    Lagitation samplifia encore et lun des tudiantstoussa nerveusement.

    A prsent, vous pouvez retourner au travail, repritle professeur. Je conseille notre larron de bien mditermes paroles.

    Consterns, ils quittrent tous la petite hutte. Au-dehors, Lorna rejoignit Susan.

    Quelle histoire lamentable ! commenta cettedernire. Qui pourrait tre responsable dun tel mfait ?

    Dieu seul le sait, rpondit Lorna. Qui que ce soit, jespre seulement quil aura le bon sens de rendre les

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    miniatures.Chacun retourna tristement son poste. Lorna

    navait pas de photos faire, aussi offrit-elle Susan delaider tiqueter les objets. Elles taient en plein travail

    quand on vint avertir Lorna quune voiture lattendaitpour la conduire la villa. Elle savana aussitt vers lalimousine noire conduite par un chauffeur en livre.

    Un moment plus tard, le vhicule sengageait dansune alle borde de lauriers-roses. Peu aprs, la maisonapparut dans un tournant. En la voyant, Lorna en eut lesouffle coup. Ses murs couleur de miel brillaient commede lor sous le soleil. Sur la terrasse, deux grandes jarresde style minoen semblaient monter la garde ; lonaccdait par un petit escalier un jardin o toutes sortesde fleurs poussaient profusion. Il y avait aussiplusieurs bancs de pierre lombre des arbres et uneimmense piscine ovale. Au-del du parc stendaient lesorangeraies et les oliveraies des Peritakis, limites par lesmontagnes qui surplombaient la mer.

    blouie, Lorna ne remarqua pas quune jeune filleavait quitt lune des chaises longues au bord de lapiscine pour venir laccueillir.

    Miss McCann ?Elle tait plus grande que la plupart des Crtoises,

    mince et bronze. Ses longs cheveux noirs bouclstaient retenus par un ruban.

    Je suis Ariane Peritakis. Mon frre ma charge devous recevoir sa place.

    Ainsi, comme il lavait promis, Jason lvitait. Lornasavait quelle aurait d en tre soulage, maistrangement, ce ntait pas le cas. Elle se sentaitdsappointe ; il lui fallut se contraindre sourire Ariane, dont les yeux taient du mme vert que ceux deson frre.

    Merci, dit-elle. Jespre que je ne vous drangepas ?

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    Pas le moins du monde. Cest un plaisir pournous. Tous les Crtois aiment les trangers.

    Elle sourit et la parfaite htesse laissa place unejeune fille timide.

    De plus, vous moffrez loccasion de pratiquer monanglais. Voyez-vous, mon fianc fait beaucoup daffairesavec ltranger, surtout avec lAmrique, et jauraibesoin... pour recevoir ses relations...

    Dans sa simplicit, elle semblait tellement diffrentede son frre quelle plut aussitt Lorna.

    Maintenant, si vous voulez bien me suivre, je vaisvous montrer la pice que vous pourriez utiliser commechambre noire.

    Elle entrana Lorna sur un chemin ombrag menantderrire la maison. L, elles traversrent une petite courpuis arrivrent devant un btiment de pierre qui slevait lombre dun arbre charg de fleurs pourpres,inconnues de Lorna.

    Ariane ouvrit la lourde porte en bois et fit entrer son

    invite. Elle appuya ensuite sur un interrupteur. Leplafonnier dispensait une lumire presque aveuglante.

    Vous voyez, vous auriez llectricit, expliquaAriane, et mon frre veillerait faire installer une arrivedeau. Naturellement, ce nest pas trs confortable, le solest en terre... mais nous pourrions tout arranger votregot.

    Cest parfait ! sexclama Lorna. Et lair est si fraisici !

    Oui, mme en plein t. Cest merveilleux ! Je vous suis extrmement

    reconnaissante, Miss Peritakis, ainsi qu... votre frre. Endaxi !La satisfaction de Lorna tait manifeste. Elle

    dvisageait sa compagne en souriant.

    Bien, allons boire quelque chose, maintenant.Vous tablirez plus tard la liste de ce dont vous aurez

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    besoin. Jason se chargera de tout.A la mention de ce nom, le sourire de Lorna

    svanouit. Inutile de dranger votre frre. Miss Peritakis, je

    remettrai cette liste au professeur, il sen occupera. Nousavons une allocation pour ce genre de dpenses.

    Je sais, dit tranquillement Ariane. Cest mon frrequi finance le chantier.

    Notant la surprise de Lorna, elle enchanarapidement :

    Je vous demanderai de garder cela pour vous,personne nest au courant.

    Je nen parlerai personne, assura Lorna.Cette rvlation contrariait la jeune femme. Elle avait

    maintenant limpression dtre une employe de JasonPeritakis.

    Elles sinstallrent dans un coin de la terrasse quidonnait sur les orangeraies.

    Ma mre sexcuse de navoir pu tre l aujourdhui,

    annona Ariane en versant deux verres de nissinadaglace. Il lui fallait se rendre Hraklion. Il reste encorebeaucoup faire pour le mariage.

    Elle essayait de prendre un air blas, mais ses mainstremblaient dexcitation.

    A quand le grand jour ? senquit Lorna. Dans deux semaines, rpondit Ariane en

    balbutiant presque dimpatience. Tous les habitants desenvirons sont invits, de mme que lquipe du chantier.Nous sommes tellement heureux ! Mon fianc estarmateur, ce sera une alliance fructueuse pour nos deuxfamilles.

    Lorna tressaillit. Et pour vous ? interrogea-t-elle avec plus de

    vivacit quelle ne laurait voulu.

    Ariane la considra avec tonnement. Pour moi aussi, naturellement. Kosti et moi

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    sommes trs amoureux lun de lautre. Eh bien, je pense quil a beaucoup de chance ! Merci. Mais croyez-moi, jen ai galement. Je

    connais Kosti depuis mon enfance et je lai toujours

    aim. Touche par cette confidence. Lorna sourit son

    htesse. Je suis sincrement contente pour vous, Miss

    Peritakis. Appelez-moi Ariane, je vous en prie. Je sens que

    nous allons tre amies, aussi navons-nous pas besoindtre si crmonieuses, nest-ce pas ?

    Effectivement. Je mappelle Lorna.Elles se serrrent solennellement la main, puis Ariane

    clata dun rire joyeux. Maintenant, nous sommes amies pour la vie,

    dcrta-t-elle. Dans ma famille, nous sommes trsconstants dans nos amitis.

    Lorna ntait pas encore assez intime avec Ariane

    pour lui demander sils taient aussi constant dans leursinimitis. Elle se contenta donc de sourire et davaler unegorge de nissinada. A cet instant, elle entendit le bruitdun galop ; levant les yeux, elle aperut Jason, enculotte de cheval crme et chemise vert fonc, quiapprochait rapidement de la maison. Aussitt, elle sesaisit de son sac et de son appareil et bondit sur sespieds prte prendre cong.

    Merci de votre accueil, Ariane. Je vous apporteraima liste demain.

    Mais Ariane ntait pas dcide la laisser partir. Restez donc, Lorna. Jason vient darriver, il vous

    reconduira.Lorna prtexta que le chantier ntait pas trs loin et

    que la marche lui ferait du bien. Cependant Ariane

    refusa de lcouter. Marcher par cette chaleur ! Non, Lorna, Jason

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    vous raccompagnera. Dailleurs, il en sera ravi.Lorna en doutait. Nanmoins comme il lui tait

    difficile dinsister, elle se rassit.Quelques minutes plus tard, Jason les rejoignait, les

    cheveux encore bouriffs par sa course. Il sinclinalgrement devant Lorna, puis se laissa tomber sur unechaise en face delle, sans cesser de la dtailler avecintrt. Mal laise, elle se rendit compte que son tee-shirt tait un peu trop dcollet. Sapercevant de sonembarras, Jason sourit lgrement et son regard se fitplus insolent. Enfin il dtourna la tte pour prendre leverre quAriane lui tendait.

    Merci kookla.Il se tourna de nouveau vers Lorna, les traits durcis. Eh bien, Miss McCann, le vieil entrept fera-t-il

    une chambre noire convenable ? Cela ira parfaitement, merci, rpondit-elle

    froidement. Je suis sre que le professeur Spanakis vousen sera extrmement reconnaissant.

    Il haussa les sourcils dun air ironique. Et vous ? Partagez-vous sa gratitude ?Lorna rougit, irrite. Maudit soit cet homme ! Il

    russissait mme la faire paratre ingrate. Naturellement, rpliqua-t-elle avec brusquerie. Je

    vous sais gr de tout ce qui peut maider dans montravail.

    Consciente de ce que cette rponse pouvait avoir dediscourtois, la jeune femme rougit encore davantage.

    Jason lui dcocha un coup doeil glacial. Quelle chance a le professeur Spanakis davoir une

    assistante si dvoue ! Je pense que Miss McCann estlexemple mme de la femme amricaine qui travaille,poursuivit-il avec ironie ladresse de sa soeur.

    Et moi, je pense que tu devrais cesser de lappeler

    Miss McCann, rpondit Ariane, notant la tension quiexistait entre eux. Son prnom est Lorna.

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    Lorna ? rpta-t-il. Un trs joli prnom. Mepermettrez-vous den user ?

    Mais certainement, monsieur Peritakis. Allons ! railla-t-il. Je ne peux vous appeler Lorna si

    vous continuez mappeler ainsi... Trs bien... Jason, dit Lorna en se levant.

    Maintenant, il faut que je retourne travailler. Laissez-moi finir mon verre, puis je vous

    reconduirai, suggra son hte. Il est vraiment inutile de... Mou theos ! Lorna, faites-moi la grce de ne pas

    discuter chaque fois que je vous propose de vous rendreservice !

    Il reposa son verre demi plein avant dajouter pluscalmement :

    Mme si vous deviez dvaler le sentier aussi vitequune chvre, cela serait tout de mme plus rapide envoiture. Et les montagnes ne vont pas senvoler, nayezcrainte, vous pourrez faire vos photos.

    Sans doute mais la lumire, elle, va changer, lanaLorna rageusement, contrarie de voir quel point il taitsduisant.

    Sa chemise entrouverte laissait voir une fine chaneen or autour de son cou. La jeune femme ne pouvait nierle magntisme qui se dgageait de cet homme...

    Etsi, jeta-t-il en se levant, exaspr. Je menvoudrais de vous empcher de travailler une minute deplus. Venez, je vais vous emmener...

    Lorna dit rapidement au revoir Ariane avant de luiemboter le pas. Sans regarder si elle le suivait, il gagnale garage grandes enjambes. L, ignorant, lalimousine, il se dirigea vers une jeep gare ct dunevoiture de sport rouge. En passant devant la Mercedes etune conduite intrieure, Lorna se demanda combien de

    voitures possdaient les Peritakis. Jason sauta dans la jeep et alluma le moteur,

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    refusant ostensiblement daider Lorna monter. Elleremit ses lunettes de soleil afin de cacher lclair decolre qui brillait dans ses yeux bleus, dcide sematriser. Aprs tout, il avait rsolu le problme de sa

    chambre noire... Par ailleurs, le professeur Spanakisnapprcierait certainement pas quelle insulte leurbienfaiteur tous deux.

    Jason appuya sur lacclrateur ; aussitt, la voituredvala le sentier qui menait la route. Lorna dutsagripper son sige tandis quils descendaient vers lechantier. Le vent balayait ses cheveux, elle avaitlimpression que tous ses os allaient se rompre. Enquelques minutes, ils arrivrent destination et Jasonsarrta dans un crissement de pneus.

    Je pense que vous tes lheure, dit-il froidement. Merci de mavoir ramene, rpliqua-t-elle

    schement. Mme de cette faon... Auriez-vous eu peur ?Lorna navait aucune intention de laisser qui que ce

    soit, et Jason Peritakis moins quun autre, la traiter avecune telle condescendance.

    Peur ? Grand Dieu non ! lana-t-elle avecdsinvolture. Jai toujours aim les voitures rapides.

    Je ne crois pas que ce soit vrai.Elle haussa les paules. Croyez ce que vous voudrez. Je nai pas lhabitude

    de jouer ce genre de jeux. Oh si ! objecta-t-il. Cest ce que vous avez fait

    lautre soir. Lautre soir ? Au caf, quand je dansais. Mais de quoi parlez-vous donc ? senquit Lorna,

    totalement dsoriente. Je parle de votre manque dhonntet. Lorna vous

    mavez repouss le soir de notre rencontre, il aurait tplus honnte de me dire la vrit.

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    La jeune femme ta ses lunettes afin de mieux leregarder.

    La vrit ? Oui, la vrit ! Au lieu de prtendre que, je vous

    dplaisais, il aurait t plus... franc de votre part demavouer que vous tiez engage avec quelquun dautre.

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    Lorna contemplait son compagnon, bouche be. Vous ne niez pas ? reprit-il.

    Alors elle perdit tout son sang-froid. Jignorais que javais des comptes vous rendre

    sur ma vie prive ! lcha-t-elle, furieuse. Vous avez raison, rpondit Jason. Nanmoins, si

    vous devez vivre sous mon toit, je vous demanderai devous montrer discrte. Comme vous lavez certainementremarqu, en Crte, nous ne sommes pas aussi... aussi

    libraux que vous ltes en Amrique.Avant quelle nait eu le temps de rpliquer, il avaitdj dmarr. Tremblante dune rage impuissante, Lornarejoignit ses collgues qui djeunaient lombre desoliviers. Elle sassit ct de Susan et se coupa unmorceau de pain croustillant.

    Eh bien, questionna Susan, quoi ressemble lavilla ?

    Elle est magnifique... Continue, insista Susan. Dcris-la moi. Je ne peux pas, je suis trop en colre.Susan parut amuse. Toi, tu tes encore dispute avec le merveilleux

    Jason ! Merveilleux ! Odieux, tu veux dire ! Il vient tout

    juste de maccuser davoir des moeurs lgres ! Vraiment ? Mais tu las dtromp, jespre ?

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    Pourquoi laurais-je fait, riposta Lorna en prenantune olive. Ma vie prive ne le concerne pas.

    Tu dois comprendre quil est Crtois, expliqua sonamie, et donc de temprament jaloux. Cest sa nature.

    Sa nature, cest dtre dtestable ! Je nai jamaisvu un homme aussi exasprant !

    Cest parce que tu lui plais, souligna calmementSusan. Si tu ne lui plaisais pas, il ne te ferait pas descnes.

    Oh, ne dis pas de sottises ! Je le connais peine.Susan entreprit de peler mthodiquement une

    orange. Pour quelquun que tu connais peine, il

    tintresse beaucoup, observa-t-elle.Lorna se passa nerveusement la main dans les

    cheveux. Excuse-moi, Susan, je suis insupportable

    aujourdhui. Mais vois-tu, tout semble tourner malbrusquement. Dabord, je dois quitter lauberge et me

    sparer de toi. Ensuite cette lamentable histoire de vol... L, je suis daccord avec toi. Enfin, celui qui a mis

    la main sur les miniatures les rapportera peut-tre. Celaarrangerait tout...

    Hlas, Susan faisait preuve dun optimisme excessif.Les quarante-huit heures scoulrent sans que lesstatuettes ne soient rendues ; au sein de lquipe,latmosphre devenait de plus en plus tendue. Les gensse regardaient dun air souponneux et les repas,autrefois bruyants et joyeux, taient maintenant expdis la va-vite. Le professeur Spanakis ayant prvenu lapolice, chaque membre de lquipe avait t interrog etsa chambre, fouille. Comme lavait prdit le vieil

    homme, le moral du groupe tait dsormais au plus bas.Lorna, quant elle, avait un problme

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    supplmentaire ; pas trs srieux, mais un problme toutde mme. A lvidence, Jason croyait quelle avait uneidylle avec Nikos. La jeune femme devinait que cetteconviction dcoulait de lattitude de Nikos le soir de leur

    rencontre. Elle ne savait comment ragir. La perspectivedune discussion avec Nikos ne la rjouissait gure,cependant elle nimaginait pas dautre solution.

    Ce soir-l, aprs que la police eut continu sonenqute, elle travailla plus tard que dhabitude et fut ladernire quitter le chantier. Son appareil autour ducou, elle sengageait sur la route quand elle sentenditappeler. Nikos surgit soudain dune des cabanes.

    Lorna, attends !Il la rejoignit sur le sentier. Tu vas lauberge ? Je taccompagne... Dommage

    que je nai plus de voiture, ajouta-t-il. Nous ne serionspas obligs de marcher dans cette poussire comme despaysans.

    Jaime marcher, rpondit Lorna en souriant.

    Son compagnon ignora sa remarque. Autrefois, moi aussi javais une belle voiture...

    comme Jason. Tu aurais d la voir, Lorna, elle taitrouge et...

    Quest-il arriv ? Je ne peux plus me permettre den avoir, dit-il en

    baissant les yeux. Jen suis navre.Elle supposait quil navait pas les moyens de sen

    acheter une et, la pense du nombre de voituresutilises par les Peritakis, elle se sentait pleine desympathie pour Nikos.

    Ne tinquite pas, Nikos, tu en auras une autre unjour.

    Possdes-tu un vhicule au Canada ?

    Je lai vendu. Je pense que jen achterai un autre mon retour. Une fois que jaurais trouv du travail et

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    que jaurais rcupr mes meubles. Tu dois tre riche pour avoir des meubles, lana

    Nikos dun air envieux. Tu as bien de la chance. Oui, jai de la chance. Mais je nai pas grand-

    chose : un lit, une armoire et un peu de vaisselle. Uneamie me garde tout cela, pour le moment.

    Il lui tait pnible davoir presque sexcuser. Car lajeune femme avait travaill dur pour soffrir ses quelquesbiens.

    Tu as une maison, reprit-elle. Alors tu as srementdes meubles, toi aussi.

    La maison appartient mon cousin. Et... je naipas de vrais meubles, rien que des vieilleries. Je devraisvivre dans une villa semblable celle des Peritakis aulieu de...

    Nous y revoil ! pensa Lorna avec lassitude. Elleregarda Nikos dans la pnombre et fut frappe de voir quel point il tait diffrent de son cousin. Ce ntait passeulement le fait quil soit plus petit ou que ses yeux

    soient bruns, non, ctait limpression de faiblesse quildgageait. Force lui fut dadmettre que sil lui fallaitdsigner celui des deux qui lattirait le plus, ellechoisirait Jason sans hsiter.

    Nikos parlait maintenant de lenqute policire, sujetsur lequel il se montrait trs vindicatif.

    Pourquoi ces policiers nous ennuient, je lignore.De toute faon, ils ne dcouvriront jamais qui a vol lesminiatures.

    Jespre bien que si !Comme de coutume, Nikos commenait lui porter

    sur les nerfs. Peut-tre les statuettes ont-elles simplement t

    perdues, poursuivit-il. Et en attendant, la police nousinsulte pour rien.

    La police ne ma pas insulte, commentaschement Lorna.

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    Voyons, trancha-t-il en la prenant par le bras,pourquoi nous quereller ? Peu importe ces miniatures...Jai une ide. Si nous allions chez moi ? Jai une bouteillede raki, nous boirons un ou deux verres... nous

    couterons de la musique et...Elle se libra de son treinte. Non merci, Nikos. Jai beaucoup faire ce soir. Tu travailles trop, Lorna. Viens chez moi, tu

    pourrais te dtendre...Ce disant, il se prcipita sur elle pour essayer de

    lembrasser. Mais elle fut plus rapide et lui dcocha uncoup de pied dans le tibia. Il recula, non sans pousser uncri.

    Mettons les choses au point, Nikos. Je suis icipour une tche bien prcise et je nai aucune enviedavoir une aventure. Alors, sil te plat, ne gche pasnotre amiti avec ce genre de choses... et cesse derpandre de fausses rumeurs.

    Il la dvisagea dun air coupable.

    Des rumeurs ? Jignore quoi tu fais allusion... Je crois que tu le sais parfaitement, au contraire.

    Maintenant, rentrons lauberge. Je meurs de faim.Au dner, Lorna sarrangea pour sasseoir loin de lui.

    Lorsquon servit le caf, Nikos tait dj ivre, aussi nesaperut-il pas quelle quittait la table. Elle partitdiscrtement avec lintention daller senfermer dans sanouvelle chambre noire, la villa.

    Cela faisait dj quelques jours quelle sy rendait ; lafamille Peritakis semblait absente. En tout cas, la seulepersonne quelle rencontrait tait le chauffeur, quiinsistait pour la reconduire chaque soir lauberge.

    La chambre noire tait parfaite. On avait mis dpaisrideaux lunique fentre et install une longue table trteaux. Il y avait galement un rfrigrateur, un

    fauteuil en osier, une bouilloire lectrique, ainsi quunpot de caf instantan, une tasse et un bocal de sucre.

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    La jeune femme tait sre que le caf tait une attentiondAriane.

    Ce soir-l, elle travailla plus tard que de coutume.Quand elle ressortit dans la nuit, elle jeta un coup dil

    vers la piscine et remarqua la silhouette dun homme enquilibre sur le plongeoir. Il resta immobile un instant, lecorps argent sous le clair de lune, puis il plongea. Ilnagea ensuite jusquau bord du bassin, se hissa hors deleau et secoua ses cheveux mouills avec une grcefline. Ctait Jason, Lorna le reconnut immdiatement.

    Elle tentait de regagner la terrasse sans bruitlorsquelle trbucha ; son sac tomba sur le sol. Jason criaquelque chose en grec et, jetant une serviette sur seslarges paules, se prcipita vers elle.

    Tout va bien, ce nest que moi, dit-elle ensagenouillant pour ramasser ses affaires.

    Vous mavez surpris, je croyais que jtais seul. Jai travaill dans la chambre noire.Brusquement, Lorna se souvint de leur dernire

    rencontre. Il ny avait personne avec moi, ajouta-t-elle

    schement. Je viens de rentrer dHraklion, annona Jason en

    la regardant gravement. En chemin, je me suis arrt lauberge. Je voulais vous voir.

    Eh bien, vous mavez trouve. Je dsirais mexcuser, prcisa-t-il. Je navais

    aucun droit de vous parler comme je lai fait. Je suisdsol.

    Lorna connaissait assez le caractre crtois poursavoir quil ne devait pas lui tre facile de sexprimerainsi. Cependant, elle navait aucune intention de semontrer conciliante.

    Aucune importance, je ny pensais dj plus.

    Comme jai de la chance que vous ne preniez pasce genre de choses au srieux ! persifla-t-il. Moi qui

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    craignais de vous avoir fait de la peine ! Aucun risque, Jason. Je ne me soucie gure de

    lopinion que lon peut avoir de moi. En ce cas, mit-il dune vois suave, vous ne verrez

    pas dinconvnient boire un verre avec moi... Le fait quenous soyons seuls dans la maison ne vous gnera pas.

    Cela ne me drangerait pas du tout, dit-elle sur lemme ton, malheureusement, je ne peux accepter. Votrechauffeur doit me reconduire, je ne veux pas le faireattendre.

    Comme vous tes attentionne, Lorna ! Ne vousinquitez pas, je vais envoyer le chauffeur se coucher etje vous reconduirai moi-mme.

    La jeune femme allait protester quil tait dj tard,mais elle eut limpression que ce serait admettre sadfaite. Cela reviendrait dire que la perspective dtreseule avec lui leffrayait. En consquent, elle prfragarder le silence.

    Son hte la prit par le bras en souriant, puis il

    lentrana vers une chaise longue, sur la terrasse. Je vais prparer les boissons, ensuite si vous

    voulez bien mexcuser, jirai me changer. Dsirez-vous dubrandy ou de louzo ?

    De louzo, sil vous plat, avec de leau.Il entra dans la maison et revint quelques minutes

    plus tard avec un plateau dargent sur lequel taientposs deux verres et une assiette dbordant de poischiches frits, dolives et de fromage, ainsi quun painbrun appel karveli.

    Pendant quil repartait se changer, Lorna sirotatranquillement son ouzo. Peu peu, elle se dtendit ;lorsquil la rejoignit, elle tait mollement allonge sur lescoussins bleus et blancs, son verre la main.

    Sur le seuil, il resta un moment la dtailler.

    Vos cheveux sont de la mme couleur que la lune,observa-t-il finalement.

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    Il tait vtu dun jean et dune chemise blanche. Unefois assis en face delle, il se versa un brandy.

    Avez-vous toujours eu les cheveux courts ?demanda-t-il avec dsinvolture.

    Non, je les ai fait couper juste avant de venir.Lorna se sentait aussi embarrasse quune

    adolescente son premier rendez-vous. Cest trs joli, appuya Jason. On a limpression

    que votre visage est encadr par les ptales dune fleurdore.

    Vous voulez dire que mes cheveux sont jaunes ?senquit-elle pour essayer de donner un tour moinspersonnel la conversation.

    Ne soyez pas stupide, commenta-t-il dune voixdouce. Vous savez trs bien ce que je veux dire. Car vousdevez avoir lhabitude de recevoir des compliments, nest-ce pas ?

    Oui, acquiesa-t-elle en reposant son verre.Il sapprtait lui en verser un autre.

    Non... sil vous plat, Jason. Il faut vraiment que jerentre.

    Pourquoi ? Quelquun vous attend ? Est-ce pourcela que vous tes si presse ?

    Non, bien sr que non. Simplement, je travailledemain et...

    Je ne vous retiendrai pas longtemps, coupa-t-il.Allons, un petit verre douzo ne vous fera pas de mal,surtout si vous mangez quelque chose. Vous navezmme pas got mes olives !

    Vos olives ? dit-elle en en saisissant une. Elles viennent de loliveraie des Peritakis, expliqua

    Jason aprs avoir empli son verre. A propos, serez-vousencore l pour la rcolte ?

    Quand est-ce ?

    Vers Nol. Cela donne lieu de grandesrjouissances. Ma mre offre boire et manger tout le

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    village. Ce doit tre merveilleux. Mais cest srement un

    gros travail de cueillir toutes ces olives ? Cela prendprobablement des semaines ?

    Nous ne les cueillons pas ! lana Jason en riant gorge dploye. Ce ne sont pas des oranges ! Non, noustendons des filets entre les arbres, puis nous secouonsles branches avec un bton. Mais vous avez raison, cesttrs long. Quelquefois, il faut plusieurs heures pourrcolter toutes les olives dun seul arbre. Les premiresfleurs du printemps ont dj fleuri avant que nous nenayons fini avec tous les oliviers.

    Jaimerais assister cela, surtout pour pouvoirfaire des photos.

    Pour votre album ? Encore un document sur les pittoresques paysans crtois ?

    Il y avait une note nettement sarcastique dans savoix.

    Cest la seconde fois que vous qualifiez les paysans

    de pittoresques. Vous tes dcidment trs agressif !Voyant quil ne rpondait pas, Lorna poursuivit : Lune des choses qui me frappent chez vos

    compatriotes, cest leur... leur noblesse, je ne peuxtrouver dautre mot. De plus, je suis sre que la vie nestpas facile en Crte ; pourtant, votre peuple est le plusgentil, le plus gnreux que je connaisse... videmment,il y a des exceptions.

    Jason leva son verre en souriant. Ses dents taientdune blancheur blouissante.

    Vous tes trs observatrice. La plupart des gensvisitent la Crte en t ; ils ne voient rien dautre que lesvilles et les rgions ctires, o le tourisme fait vivre lapopulation. Mais dans nos montagnes, cest une autrehistoire. Ici, la terre est dure et les hivers sont rigoureux.

    Du moins dans ce village y a-t-il du travail pour leshabitants dans les plantations Peritakis. Et la terre est

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    plus fertile grce notre rivire. Aussi la situation est-elle meilleure que dans dautres rgions. Nanmoins,cest une existence difficile, croyez-moi.

    Quest-ce quun... kipos ? interrogea Lorna.

    Chaque famille possde un bout de terrain que lonappelle un kipos.

    Ah oui, nous avons la mme chose au Canada. Ici, les gens hritent de leur kipos, expliqua Jason.

    Entre le salaire que je leur verse, les oranges et les olivesque nous leur donnons et ce quils font pousser sur leurkipos, ils arrivent sen sortir. Mais quand vousapercevez un couple de paysans peiner dans les champs,mme si cela vous parat pittoresque, si cela peut donnerune bonne photo pour votre album, souvenez-vous quecest un travail puisant, quils accomplissent sans seplaindre et avec dignit.

    Lorna reposa son verre sur le plateau. Vous tes trs injuste, Jason. Vous semblez

    toujours considrer que je regarde votre peuple

    distance. Or vous vous trompez compltement. Je suistombe amoureuse de ce pays. Cest comme si lonmavait jet un sort. Toutefois, cela ne mempche pas devoir les choses telles quelles sont. Je suis unephotographe professionnelle, ne loubliez pas. Mon mtierest de tmoigner, de montrer la vrit.

    Et que voyez-vous lorsque vous photographiez nosruines ?

    Je vois normment de choses ! rpliqua Lornasans pouvoir dissimuler son enthousiasme. Je redonnevie ces pierres. Jai limpression dentendre lebavardage des femmes de lantiquit en route vers lemarch, ou le grincement du tour pendant que le potiertravaille. Et l, voici la maison du boulanger, je peuxpresque deviner les fresques peintes sur le mur. De loin

    me parviennent les cris des enfants qui jouent dans larue, mls aux aboiements des chiens. Quand je mets

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    mon oeil sur le viseur de mon appareil, le chantier estsoudain anim, plein de beaut et damour.

    La jeune femme sinterrompit et eut un petit rire. Vous devez croire que je suis folle, reprit-elle.

    Je pense que vous tes belle... et trs surprenante,lcha Jason dune voix tout aussi caressante que sesyeux.

    Dieu ! pensa Lorna, rien ne va plus ! Il commence me faire des compliments et je commence aimer cela.Mieux vaut que je rentre...

    Jai pass un moment trs agrable, dit-elle ensemparant de son sac. A prsent, il faut vraiment que jeparte.

    Cette fois, son compagnon nmit pas dobjections. Ilfinit son verre, se leva et lui tendit la main. Elle taitchaude et ferme. Ce contact troubla tellement la jeunefemme que, tout en marchant, elle dgagea doucementses doigts des siens. Jason ne protesta pas, mais Lornasentit quil souriait dans lombre. Visiblement, il avait

    peru sa confusion. Elle se maudit intrieurement de nepas savoir mieux dissimuler ses motions.

    Il la ramena lauberge dans la Mercedes, dont ilavait relev la capote. Des toiles brillaient dans le cielau-del de la cime dentele des montagnes. Tandis quilsapprochaient de la demeure de Vasily, Jason dsigna lamaison de Nikos Lorna. Une lumire tait allume aurez-de-chausse.

    Ce soir, Nikos ne vous attend pas, observa-t-il. Il ne mattend pas tous les soirs.La jeune femme aurait voulu parler dun ton dgag,

    mais une certaine nervosit perait dans sa voix. Denouveau, Jason sourit, comme si elle avait donn labonne rponse une question informule.

    La voiture sarrta devant lauberge. Il ny avait

    personne en vue. Une main sur la poigne, Lorna setourna pour faire face Jason.

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    Merci pour le verre, murmura-t-elle poliment.Il coupa le contact. Demain, vous venez vous installer la villa, nest-

    ce pas ? demanda-t-il avec douceur.

    Cest exact. Je pense arriver en dbut de soire...si cela vous convient, bien sr...

    Sa main tait toujours sur la poigne, maiscurieusement, elle ne trouvait pas la force douvrir laportire. Il avait d lui jeter un charme, elle taitincapable de bouger !

    Vous ressemblez un rayon de lune dans votrerobe claire, dclara-t-il. Un ravissant fantme dargent...

    Elle clata dun rire qui trahissait sa panique. Dieu, quelle imagination vous avez, Jason !

    Croyez-moi, je ne suis quune fille tout fait ordinaire. Pas ordinaire, contesta Jason, et pas une fille,

    une femme... une femme trs dsirable.Il se pencha vers elle et prit doucement sa main

    crispe sur la poigne. Puis il posa ses lvres sur les

    siennes tout en appuyant adroitement sur un bouton droite du sige. Brusquement, Lorna se retrouvaallonge, Jason presque couch sur elle.

    Le charme tait rompu ! Elle se dgagea de sontreinte et chercha le bouton qui manoeuvrait le sige.En une seconde, elle tait revenue la verticale, mais sirapidement que leurs ttes se heurtrent. Sous le choc,les beaux yeux de Lorna semplirent de larmes.

    Mou theos ! sexclama Jason en se frottant le nez.Vous tes folle !

    Oui, folle de rage, rpliqua-t-elle en saisissant sonsac.

    Pourquoi ? Nest-ce pas la coutume au Canada desembrasser pour se souhaiter bonne nuit ?

    Il est inutile de sallonger pour cela !

    Sur ces paroles furieuses, elle allait ouvrit la portirequand il tendit le bras pour la retenir.

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    Je ne vous comprends pas, Lorna. Vousreconnaissez vous-mme que vous tes une jeune femmemoderne, une femme libre...

    Cela ne signifie pas que je doive me donner au

    premier venu dans une voiture. Vous vous tes conduitdune manire inqualifiable !

    A sa grande surprise, il clata de rire. Et cest pour cela que vous me faites saigner du

    nez ? Votre nez ne saigne pas, le rabroua Lorna en

    sortant du vhicule. Mais pour une femme libre... Mettez-vous en tte qutre une femme libre, cela

    veut dire avoir le droit de dire non ! Bonne nuit, JasonPeritakis !

    Lorsquelle entra dans la chambre, Susan lisait dansson lit.

    Quy a-t-il encore ? senquit-elle alors que Lorna sedshabillait.

    Deux Peritakis dans la mme journe, cestbeaucoup trop pour moi ! A ce rythme, je serai une ruinedici la fin de lt !

    Susan pouffa et se replongea dans sa lecture tandisque Lorna se glissait dans la salle de bains. Elle se passade la crme sur le visage et, ce faisant, effleura ses lvresencore brlantes du contact de la bouche de Jason.Ensuite, elle se frotta vigoureusement les dents, esprantfaire disparatre toute trace du baiser de cet homme etdu dsir quil avait veill en elle. Ce fut en vain.

    Maudit sois-tu, Jason Peritakis ! murmura-t-elle.Et ne tavise pas de devenir un problme pour moi...

    Mais au fond de son coeur, elle savait quil tait djtrop tard. Elle tait ensorcele.

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    Le lendemain soir, Lorna partit sinstaller la villa.Ariane lattendait sur le seuil et lui tendit les bras en

    signe de bienvenue. Enfin vous voil, Lorna ! Je suis si contente...Elle portait un ensemble de soie sauvage blanc et ses

    cheveux noirs taient nous en chignon. Aprs avoir faitentrer Lorna dans la maison, elle ordonna unedomestique de se charger des bagages.

    Nous venons juste de rentrer dAthnes. Et mon

    fianc ma appele il y a quelques minutes, ajouta-t-elle,resplendissante de bonheur. Son yacht est amarr Hraklion.

    Elle entrana si vite Lorna vers lescalier que celle-cieut peine le temps de jeter un coup doeil au hall. Surde lourdes tables en bois taient disposs des bouquetsde fleurs clatantes qui ressortaient sur les murs blancs.

    Sans cesser de bavarder, Ariane ouvrit une porte au

    bout du couloir. Voici votre chambre, Lorna. La fentre donne sur

    le jardin et les orangeraies. Oh Ariane, cest... cest merveilleux ! balbutia

    Lorna.La pice tait assez grande pour contenir un lit

    deux places, un bureau, un sofa et une armoire sans que

    lon sy sente ltroit. Les rideaux de soie et les paistapis, de couleur crme, saccordaient parfaitement avec

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    les tentures rose ple. Le sol tait en marbre blanc veinde rose. Sur la coiffeuse, un grand flacon de parfumChristian Dior voisinait avec un vase en argent contenantune simple rose pourpre. Une carte sur laquelle on avait

    crit Bienvenue tait appuye au miroir.La petite salle de bains mitoyenne tait tout aussi

    luxueuse. La baignoire en marbre rose avait la formedun coquillage et les robinets taient en bronze. On avaitsuspendu un peignoir de satin crme derrire la porte.

    Cest pour vous, Lorna, pour que vous soyezassortie au dcor, plaisanta Ariane.

    Lorna palpa le tissu soyeux. Je... cest trop ! Je ne sais comment vous

    remercier. Comment diable avez-vous trouv le temps... ?Avec tous les prparatifs de votre mariage...

    Oh, jaimerais men attribuer le mrite, rponditAriane. Mais en fait, cest Jason qui sest occup de tout.

    Jason !... Comme cest gentil lui ! Il faudra que jele remercie.

    Il tait ravi de sen charger. Maintenant, Lorna, ilfaut vous dpcher, le dner est dans une heure. Inutilede vous habiller, il ny aura que la famille.

    Avant que Lorna ait pu lui prciser quelle avait eulintention de retourner manger lauberge, Ariane avaitquitt la pice.

    La femme de chambre ayant entrepris de dfaire sesbagages, Lorna rsolut de prendre un bain. Elle jeta unepoigne de sels dans la baignoire et se plongea avecdlice dans leau parfume.

    Vingt minutes plus tard, aprs stre sche avec unepaisse serviette blanche, la jeune femme enfilait lepeignoir. Il lui allait parfaitement, ce qui prouvait queJason tait trs observateur. Lorna ne put dcider si celalui faisait plaisir ou non ; quoi quil en soit, cela

    lobligeait plus que jamais penser lui. A la vrit, ellesemblait mme incapable de penser quelquun ou

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    quelque chose dautre...Quand elle regagna la chambre, la domestique tait

    partie. Elle avait emport avec elle une brasse devtements, probablement pour les laver et les repasser.

    Bien quAriane let assure que le dner aurait lieudans lintimit, Lorna shabilla avec soin. Elle revtit sarobe favorite, en soie vert meraude ganse de mauve, etchaussa des sandales hauts talons. Elle soignagalement son maquillage, appliquant une ombre paupires verte et une touche de rouge lvres corailparticulirement clatant. Enfin, elle senveloppa dunnuage de parfum.

    En descendant, la jeune femme fut contrarie deconstater quelle tait nerveuse. Pour se calmer, elle fithalte dans le hall afin dexaminer une petite statuette enforme de tte de taureau, dont elle avait vu loriginaldans un muse dHraklion.

    Jolie, nest-ce pas ?Lorna sursauta violemment. Jason se trouvait juste

    derrire elle. Vous mavez fait peur ! Je ne vous avais pas

    entendu venir.Comme il posait la main sur son bras, Lorna dt se

    matriser pour dissimuler le plaisir que ce simple contactfaisait natre en elle.

    Je suis dsol, Lorna. Je ne voulais pas vouseffrayer.

    Elle baissa les manches de sa robe comme pour seprotger.

    Cest sans importance. Qui a ralis cette copie ? Un de mes amis dAthnes. Cest un spcialiste de

    la copie danciens. Dommage quil nait pu faire celle desminiatures. Le professeur ma dit quon ne les avaittoujours pas retrouves.

    Je sais, dit-elle. Mais je ne vois pas qui danslquipe aurait pu les voler.

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    Le visage de Jason sassombrit un court instant.Lorna se demanda ce qui pouvait le chagriner ce point.

    Vous tes superbe... et vous sentez divinementbon, dcrta Jason dans un sourire :

    Cest grce vous. Le parfum est dlicieux... quantau peignoir... Je tenais vous remercier. Cest si gentil vous, Jason ! Mais vous naviez vraiment pas besoin de...

    Mais si, coupa-t-il. Je voulais vous souhaiter labienvenue et surtout... me faire pardonner ma...maladresse de lautre soir. Cest la seconde fois que jemexcuse en vingt-quatre heures.

    Vous tes pardonn, assura Lorna en lui rendantson sourire.

    En ce cas, allons rejoindre les autres. Ma mre estimpatiente de vous rencontrer.

    Il ouvrit une porte et seffaa pour la laisser entrerdans un salon brillamment clair.

    La premire personne que remarqua Lorna fut unefemme dun certain ge, assise dans un fauteuil tendu de

    brocart. Elle tait lgamment vtue de noir, un doublerang de perles autour du cou. Ses cheveux gris taientrelevs en chignon et ses yeux, verts comme ceux deJason et dAriane, examinaient Lorna avec intrt.

    Jason prsenta Lorna sa mre. Mme Peritakis luitendit une main blanche charge de bagues. Sans trehostile, son regard tait froid et scrutateur ; Lornasentait que Katerina Peritakis navait pas lintentiondaccepter trop vite une trangre dans son intimit.

    Je vous remercie infiniment de votre hospitalit,madame Peritakis.

    Je vous en prie, cest un plaisir pour nous de vousrecevoir.

    Pourtant, je sais quel point vous tes occupe ence moment... avec les prparatifs du mariage.

    Vraiment, ce nest rien, renchrit KaterinaPeritakis. Je crois que vous ne connaissez pas mon futur

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    gendre, Kosti Theoari...Le jeune homme brun qui stait lev lentre de

    Lorna lui serra chaleureusement la main. g dunetrentaine dannes, il tait plus petit que Jason. Il avait

    un visage agrable, franc et srieux, et des yeux brunstrs vifs.

    Les prsentations faites, Lorna sassit face sonhtesse. On leur servit alors un apritif appel Propoma,un vin trs pic, avec un bol damandes et un plat depetites ctelettes grilles. Lorna avait trs faim, mais leregard perant de Mme Peritakis lintimidait. Aussi secontenta-t-elle de grignoter une ou deux amandes.

    Kosti et moi donnons une rception samedi,annona Ariane. Cela nous ferait trs plaisir si vousveniez, Lorna. Elle aura lieu sur le yacht et il y aurabeaucoup dinvits. Nous danserons, nous...

    Peut-tre Lorna naime-t-elle pas les rceptions,coupa Jason de sa voix tranante. Jai peur quelle ne soittrop absorbe par son travail pour goter ce genre de

    distractions. Vraiment ? riposta Lorna. En ce cas, vous avez

    tort.Elle se tourna vers Ariane. Merci beaucoup, Ariane, je serai ravie de me

    joindre vous.Kosti se pencha pour prendre une olive. Je suis certain que la soire vous plaira, Miss

    McCann. Il y aura mme un orchestre. Kosti ! intervint Ariane, il faut appeler Lorna par

    son prnom ! Je crois que les Amricains sont moins

    crmonieux que nous autres Grecs, dit gravement lamre de Jason. Ils sappellent facilement par leurprnom. Et jai entendu dire que dans les bureaux, il est

    frquent que les hommes soient en manches de chemise.Lorna se demanda ce que penserait cette svre

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    matrone du jean et du sweat-shirt quelle portait sur lechantier.

    Quand il fait vraiment trop chaud, moi aussijenlve ma veste au bureau, souligna Jason.

    Sa mre carta sa remarque dun geste impatient dela main.

    Parlez-moi de vous, Miss McCann. Je sais quevous travaillez. Mais votre famille ? Avez-vous des frreset surs ?

    Lorna comprit quelle allait devoir se soumettre uninterrogatoire en rgle. Son interlocutrice tait biendtermine apprendre tout ce quelle pourrait sur soninvite avant de lui accorder son amiti.

    Jai une soeur qui est marie, et mon frre travaillepour une compagnie ptrolire Singapour, rponditLorna.

    Cela parut insuffisant Mine Peritakis. Elle voulaitplus de dtails, manifestement.

    Et vos parents ?

    Ils se sont tus dans un accident de voiturelorsque javais quatorze ans. Ma sur, de sept ans monane, sest occupe de nous jusqu son mariage. A cettepoque, mon frre tait luniversit et jtudiais pourdevenir photographe.

    La mre de Jason semblait sincrement peine. Ma pauvre enfant ! Quelle tragdie ! Oui, cela a t une... une priode difficile.Les grands yeux de Lorna taient pleins de tristesse,

    mais elle se reprit rapidement. Du moins avais-je ma soeur et mon frre. Nous

    avons toujours t trs proches. Et maintenant, votre frre vit Singapour ? insista

    Katerina Peritakis. Pauvre Lorna ! Ainsi, vous navez personne pour

    veiller sur vous ? renchrit Ariane avec sollicitude. Ma foi non, dit Lorna en souriant. Je dois prendre

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    soin de moi toute seule... Vous y russissez parfaitement, appuya Jason en

    dsignant son nez dun air malicieux.Lorna rprima tant bien que mal un fou rire.

    Cependant, son htesse navait pas termin soninterrogatoire, mme si elle stait dj radoucie.

    Et votre soeur ? Vous la voyez souvent ? Elle et son mari vivent en Colombie britannique.

    Cest trois mille kilomtres de Toronto, prcisa Lorna. Je leur ai rendu visite Nol, afin de faire laconnaissance de mon neveu. Mais le voyage cote cher etJohn, le mari dAnn, est mdecin dans une petite ville. Ilne gagne pas assez dargent pour pouvoir men envoyer.

    Ils doivent vous manquer, observa Kosti enprenant la main dAriane. Il est pnible dtre spar deceux que lon aime.

    Oui, ils me manquent beaucoup, avoua Lorna.Toutefois, jaime mon mtier, dautant quil me permet debeaucoup voyager.

    Je ne travaillais pas et pourtant, jai beaucoupvoyag aussi, lana Mme Peritakis dun air rprobateurqui irrita Lorna.

    Voyagiez-vous seule ? Bien sr que non ! Jtais toujours accompagne

    de mon mari.Jason intervint. A notre poque, maman, les jeunes femmes

    parcourent le monde en solitaire... Sans aucun doute,Lorna trouverait ennuyeux de se dplacer avec son mari,nest-ce pas, Lorna ?

    Elle le regarda froidement avant de rpondre : Vous avez une ide trs particulire de ce quest

    une femme libre, Jason. Ma soeur, qui seconde sonmari comme infirmire et tient la maison, sans compter

    ses trois jeunes enfants lever, nen croirait pas sesoreilles si elle vous entendait. Et son mariage est une

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    russite, mme si elle et John ne sont pas bien riches.Le visage de la matresse de maison sclaira. Moi aussi, jai vcu une union heureuse. Quand

    mon poux est mort...

    Son regard sassombrit et Jason posa sa main sur lasienne.

    Enfin, je dois me rjouir de toutes les annes deflicit qui mont t accordes, reprit-elle. Etmaintenant, ces chers enfants vont se marier ! Je nepeux me laisser aller la tristesse...

    Aprs un instant de silence, la conversation prit untour plus gnral. Ils discutrent de la Crte, puis Kosti,le seul Athnien, vanta sa ville Lorna. Enfin, onannona que le dner tait servi ; Jason ouvrit la marchevers la salle manger.

    Limmense table tait recouverte dune nappe endamas dune blancheur immacule. Dans deschandeliers en argent, des bougies rpandaient unelumire dore sur les murs crpis. Au fond de la pice,

    un grand feu brlait dans la chemine. Les verres vinen cristal scintillaient et des vases pleins de rosesmettaient en valeur la blancheur de la nappe.

    Bien que fort simple, le repas fut exquis. Auconsomm au citron succdaient des pigeonneaux farcisau riz et aux noix, napps dune sauce au cognac, puisune salade de concombres et de tomates, le toutaccompagn dun vin ros bien glac. Aprs le dessert,du yaourt au miel et aux fruits, ils prirent le caf sur laterrasse.

    Ce soir-l, le ciel tait nuageux et un petit vent fraissoufflait. Le parfum du thym et du romarin emplissaitlair. Lorna se laissa aller sur sa chaise avec un soupir desatisfaction.

    Quelle vue magnifique ! Avez-vous toujours vcu

    ici, madame Peritakis ? Seulement aprs mon mariage. Par contre, les

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    Peritakis habitent cette rgion depuis des gnrations. La fortune des Peritakis a commenc par un petit

    kipos familial, observa Jason. Mes anctres ont construittout ce qui nous entoure de leurs mains. Un jour,

    jespre lguer tout cela mon fils.Katerina Peritakis posa sa tasse sur le plateau en

    argent. En ce cas, il faut te dpcher, Jason, observa-t-elle

    ironiquement. Tu vas sur tes trente-cinq ans. Il veut dabord me voir marie, maman, intervint

    Ariane en riant. Il ne sera libre de se choisir une femmeque dans deux semaines.

    Ces vieilles traditions sont dpasses, dcrtaKosti. Si Jason lavait dsir, il aurait pu se marier voilbien longtemps.

    En effet, renchrit Mme Peritakis dun ton sec.Jason prit la main de sa mre et la baisa. Tu sais bien que je cherche une femme comme toi,

    maman, railla-t-il. Et pour la dcouvrir... il faut du

    temps.Sa mre