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1 Maurice BURTEAUX SAVOIR le sabre japonais Parce que les forgerons japonais ont trouvé dans les alliages ferreux produits par Tatara le matériau idéal pour la fabrication des lames de sabre, il est utile de s’intéresser à cette fabrication. Pour ce faire, il faut d’abord nécessaire, que le lecteur en excuse l’auteur, se remettre en mémoire l’évolution des alliages fer/carbone entre 0 et 2% de carbone, cette étendue correspondant au domaine du fer pur et des aciers. Quand la teneur en carbone augmente on constate l’évolution habituelle sui- vante (fig.2 ) : lors de l’essai de traction sur un barreau, - la limite élastique R0,002 augmente : le matériau se déforme moins facile- ment de façon permanente; - la résistance à la rupture R aug- mente ; le métal peut supporter des efforts plus grands; - la striction Z, c’est-à-dire la réduction de section due à l”étirement et l’allongement A au moment de la rup- ture diminuent : cela traduit une dimi- nution de la malléabilité et de la ductiti- lité; le métal devient plus dur (voir HB), et cet effet est amplifié, si besoin est, par l’effet de la trempe; la résilience K diminue, c’est-à-dire que le matériau est moins résistant aux chocs; la proportion de cémentite Fe3C augmente; ce composé très dur Tatara Métallurgie d'une légende japonaise d’après [1] fig.2 : Évolution des caractéristiques mécaniques d’un acier en fonction de la teneur en carbone, d’après [2]

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Page 1: Tatara - Ouvaton · four Tatara et son sou fflet Le four. “Tatara est un fourneau fait en argile, et l’intérieur ressemble à une nef .” [11]. Tous les auteurs sont d’accord

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Maurice BURTEAUX

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le sabre japonaisParce que les forgerons japonais onttrouvé dans les alliages ferreux produitspar Tatara le matériau idéal pour lafabrication des lames de sabre, il estutile de s’intéresser à cette fabrication.Pour ce faire, il faut d’abord nécessaire,que le lecteur en excuse l’auteur, seremettre en mémoire l’évolution desalliages fer/carbone entre 0 et 2% decarbone, cette étendue correspondantau domaine du fer pur et des aciers.

Quand la teneur en carbone augmenteon constate l’évolution habituelle sui-vante (fig.2 ) :

• lors de l’essai de traction sur unbarreau,

- la limite élastique R0,002 augmente :le matériau se déforme moins facile-ment de façon permanente;

- la résistance à la rupture R aug-mente ; le métal peut supporter desefforts plus grands;

- la striction Z, c’est-à-dire la réductionde section due à l”étirement etl’allongement A au moment de la rup-ture diminuent : cela traduit une dimi-nution de la malléabilité et de la ductiti-lité;

• le métal devient plus dur (voir HB),et cet effet est amplifié, si besoinest, par l’effet de la trempe;

• la résilience K diminue, c’est-à-direque le matériau est moins résistantaux chocs;

• la proportion de cémentite Fe3Caugmente; ce composé très dur

TataraMétallurgie d'une légende

japonaise

d’après [1]

fig.2 : Évolution des caractéristiquesmécaniques d’un acier en fonction dela teneur en carbone, d’après [2]

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permet d’obtenir un bon tranchantdes outils de coupe, par contre il esttrès fragile.

De là, on comprend que si l’on utilise unmatériau homogène, dont la teneur encarbone est la même dans toute lalame, on peut fabriquer un sabre“moyen”, en choisissant un acier assezcarburé pour qu’il puisse être trempé(c’est-à-dire un acier contenant aumoins 0,3 % de carbone), dont le tran-chant est convenable, mais pas excep-tionnel, et dont les propriétés mécani-ques sont quelconques.

Pour les alliages fer/carbone, on peutconsulter l’étude Fer, carbone, acier...l’alliance des mots, texte de l’auteur,sur le même site, dans la rubrique Sa-voir l’Acier.

L’art des forgerons japonais a consisté àutiliser deux ou trois alliages ferreuxdifférents (d’après [3], [4] et [5]) :

• du fer ou de l’acier très doux, peucarburé;

• de l’acier dur, fortement carburé;

• de l’acier mi-dur, moyennementcarburé;

et à placer dans la lame du sabre cha-cun de ces alliages, là où on utilise aumieux ses propriétés physiques. Dans leprocédé le plus élaboré, on emploieainsi :

• du fer pur ou un acier doux aucoeur de la lame;

• de l’acier peu ou moyennementcarburé -voir l’Oris(h)igane- pour le

dos et le côté de la lame;

• de l’acier carburé, très dur pour letranchant.

Pour réduire l’hétérogénéité des maté-riaux, chacun des lopins de fer oud’acier subit une séquence comprenantun chauffage, un aplatissement, unpliage sur lui-même et un forgeage;cette séquence d’opérations est répétéede plusieurs fois; on arrive ainsi à sou-der ensemble jusqu’à 1024 couches(pour 10 pliages) ou 32768 couches

fig.3 : Divers sabres japonais, d’après [6].

fig.4 : Sabres japonais, d’après [7]

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(pour 15 pliages) 1.

Après le forgeage qui permetd’assembler les différents alliages pourformer la lame, celle-ci est soumise àune trempe sélective, principalementpour la partie la plus chargée en car-bone; la méthode consiste à protégerpar de l’argile la partie qu’on ne veutpas tremper.

Enfin, la finition de la lame permetd’utiliser d’une part les “dessins d’acier”dus à l’assemblage par forgeage etd’autre part la ligne de trempe pourdonner un aspect véritablement artisti-que à cette arme redoutable. (fig.3 etfig.4)

Le métal de la lame (d’après[8],[9],[10] et [11])

Comme dit ci-dessus, le procédé Tatarafournit le métal pour la fabrication de lalame du sabre grâce à une circonstancepropre à ce procédé : on y produittoute la gamme des alliages ferreux,depuis le fer et l’acier plus ou moinscarburé, jusqu’à la fonte.

Au total, le métal est obtenu in fine,avec un très faible rendement; on es-time que l’acier de la lame représenteentre 1 et 10 % du minerai de fer misen oeuvre. Tatara est d’abord respon-sable de ce fait (voir infra le chapitreVI), et ensuite les nombreux forgeageset les chauffes correspondantes pro-voquent des pertes de matières paroxydation, étincelles, décarburation,etc. En contrepartie, ces nombreux fo r-geages permettent d’expulser toutetrace des scories mêlées au métal.

Quand on aborde le produit de Tatara,on rencontre deux termes japonaisdifférents :

1) Kera, qui est la masse de métal d’oùl’on tire plusieurs sortes d’acier : leTamahagane, le Bukera, le Kerazuku,etc... Le Bukera et le Kerazuku sontemployés pour faire des couteaux, desoutils et de l’outillage agricole.

1 Le nombre de couches est égal à 2 élevé àla puissance correspondant au nombre depliages. Avec 10 pliages, on n = 2 puissance10 = 1024 couches.

2) Watetsu, qui est l’appellation géné-rique de l’alliage de fer et carbone pro-duit, et dont la meilleure partie est unacier nommé Tamahagane. Le Watetsucomprend en plus du Tamahagane, duHotyotetsu (une sorte de fer), du Zuku(de la fonte). Par soudage, on mélangele Tamahagane à du Hotyotetsu pourfabriquer un autre acier, probablementmoins carburé, l’Oros(h)igane, la com-position de ce dernier étant variabled’un forgeron à l’autre.

2) Le forgeron distingue ces différentsmatériaux par leur dureté; il les casseen petits morceaux de quelques centi-mètres et prépare les lopins en soudantpar forgeage ces petits morceaux; cettesuite d’opérations (cassage, chauffage,aplatissage, pliage et forgeage est ré-pétée plusieurs fois.)

Le Tamahagane est considéré commele meilleur acier pour fabriquer les la-mes. On trouve trois significations pource terme :

a) " Tamahagane, signifie acier enboule... Après avoir été travaillé, onlui donne une forme approximati-vement sphérique, d’où son nom.”[12].

b) “L’acier japonais est habituellementfait en Tamahagane. Tama signifiebijou et Hagane signifie acier.” [13].

c) “L’acier produit des deux côtés de laloupe (le Kera)... est appelé Tama-hagane, acier noble, ce qui s’épellecomme ‘mère du métal’ en carac-tères japonais.” [28]

Le métal de Tatara a été aussi utilisé,avec les mêmes principes, pour faired’autres pièces que les sabres : “LeHyakushö Denki (chronique paysanne)datant d’environ 1684, indique que leshoues et les faucilles sont faites d’unmélange de fer forgé et d’acier, le pre-mier étant utilisé comme ‘couche debase’.” [14] p.13. On notera aussi, àpartir de métal souvent peu carburé, lafabrication de clous dont d’anciens spé-cimens ont été étudiés par K.HORIKAWA [15].

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définition de TATARA dansl’Encyclopédie japonaise"Tatara" se dit d’un soufflet ou d’unprocédé de fabrication de la fonte danslequel on utilise le soufflet. Ce procédéa été pratiqué depuis l’antiquité au Ja-pon en utilisant des sables ferrugineux.A l’introduction du procédé ‘occidental’ 2

à la fin de l’ère Meiji (début du XXèmes.), il a été pratiquement abandonné.

Le four Tatara est façonné d’argile ré-fractaire. Les sables ferrugineux et lecharbon de bois sont amenés à destempératures très élevées au moyen dusoufflet. Le four Tatara mesure environ2,7 m de long, 0,9 m de large et 0,9 à1,2 m de haut pour la fabrication del’acier japonais -Wahagane-ou de 1,2 à1,5 m de haut pour la fabrication de lafonte -Wasen-. Pour la première utilisa-tion, le four est appelé Keraoshi-ro etpour la seconde Zukoshi-ro. La durée devie de ces fours est de 3 à 4 jours. Ta-tara désignait également les gens dumétier :

- Murague ou chef;- Sumisaka ou adjoint;- Bango ou souffleur;- Haganezukuti ou fondeur;- Kannaji ou mineur.” [16].

l’origine de TATARALa recherche de l’origine de cette tech-nique de production du fer, pose laquestion de la naissance de la sidérur-gie au Japon. D’après D. WAGNER [17],les premières pièces en fer fabriquéesdans ce pays datent de la fin de la pé-riode Yayio (IIIème s. avant JC/IIIèmes. après JC), mais on ne sait pas si lefer utilisé était produit sur place ou im-porté.

D. WAGNER rapporte par ailleurs qu’ona trouvé à Fukuoka, dans l’île de Kyu-shu, ce qui semble être un foyer deproduction du fer par le procédé direct3,qui pourrait être l’ancêtre du Tatara; ce 2 Procédé occidental : Ici, synonyme de pro-cédé indirect de fabrication du fer et del’acier, ou de procédé en deux temps : dansun premier temps, à partir du minerai de fer,on fabrique de la fonte au haut fourneau etdans un deuxième temps la fonte est décar-burée pour donner du fer ou de l’acier. Ceprocédé est opposé au procédé direct -voir(c) ci-dessous-.3 Procédé direct : Procédé qui permet deproduire du fer et parfois de l’acier , en uneseule étape, à partir d’un minerai. Tatara estun procédé direct..

foyer est daté entre la fin de la périodeKofun (vers 700 après JC) et la fin de lapériode Nara (794 après JC). D’unefaçon plus générale, cet auteur penseque la production japonaise de fer par leprocédé direct a été vraisemblablementintroduite au Japon, à partir de la Sibé-rie; il élimine l’hypothèse chinoise parceque l’histoire du procédé direct en Chineest toujours incertaine.

Au contraire, M. VIÉ semble plutôtchoisir l’hypothèse chinoise quand ilécrit que, pour la période allant duIIIème s. au VIème s. après JC, lesroyaumes coréens bénéficient de latechnique chinoise -dont la métallurgie-,et que le Yamato (état primitif du Japoninstallé à l’ouest de la grande île, On-shu) la reçoit par des relais coréens[18] p.7 et 8. Pour un autre auteur,”avant 900, les sabres sont essentielle-ment l'oeuvre de forgerons chinois etcoréens, encore que quelques forgeronsjaponais commencent à s'y mettre.Leurs lames sont droites et ne font quereprendre la forme des sabres chinois.”On peut envisager que les introductionsau Japon de la technique de fabricationdu sabre d’une part, et de la techniquede production du fer d’autre part, sontconcomitantes. [6]

Sans préjuger de l’importance de lalangue, on notera d’abord ici que lehaut fourneau japonais -Ko ro- s’écriten kanji, c’est-à-dire en idéogrammeschinois, alors que Tatara est écrit enhiragana, ensemble de caractères pu-rement japonais (fig.1 en tête d’article).On écrit aussi : “Il y a beaucoup dethéories sur l’origine du mot Tatara.Une possibilité est qu’il soit dérivé deTatars, qui désigne une tribu turque quia été célèbre pour son habileté au tra-vail du fer -ceci priviligierait l’hypothèsesibérienne de D. WAGNER-.Enfin, uneautre théorie est que Tatara vient de‘tatari’, qui signifie exorciser le démon.”[12]

four Tatara et son souffletLe four.

“Tatara est un fourneau fait en argile, etl’intérieur ressemble à une nef .” [11].Tous les auteurs sont d’accord sur laconstruction en argile seule, contraire-ment à beaucoup de fours du procédédirect où l’argile est renforcée soit parun agrégat de pierre, soit par unestructure de bois ou de pierre, ou bienest mêlée de paille... La présence d’uneargile de qualité est d’ailleurs l’un deséléments de la géographie de Tatara.

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Le four est un vaisseau allongé de plusde 3 mètres de longueur pour 1,2 à 1,5mètres de largeur pour environ 1,1mètre de hauteur (fig.5) . D’après [19]p.123, ce four est bâti sur une fondationépaisse de plus de 3 mètres, composéede haut en bas de couches successivesde pierres, de bardeaux puis d’argile etenfin d’environ un mètre de charbon debois tassé. Sur cette dernière couche,on installe le fond du four constituéd’environ 500 mm de charbon de boisécrasé et tassé et l’on monte les mursen argile. Dans l’exemple cité par [19],on emploie un mélange d’argiles tenantenviron 55 % de silice, 19 % d’alumineet 7 % d’oxyde de fer. Dans le bas dumur, sur chacun des grands côtés, onménage 16 tuyères pour le soufflage,soit 32 au total, ce qui est considérablepar comparaison avec les autres foursdu procédé direct; ce grand nombre detuyères assure une répartition régulièredu vent, ce qui ne peut que favoriser lamarche du four.

La fig.6 montre un four Tatara terminéet en séchage; on distingue les trousdes tuyères sur le grand côté et 3 trouspour l’écoulement des laitiers sur lepetit côté; à droite le Murage surveillel’opération de séchage. Il est probableque cette construction correspond audernier stade de l’évolution du four,vers la fin de sa vie (deuxième moitiédu XIXème siècle); comparée à ce foursophistiqué, la forge catalane de lapremière moitié du XIXème siècle paraîtun outil bien grossier.

Un four proche du four Tatara.

D’après [20], G. JULEFF a découvert auSri-Lanka des fours qui auraient produitde l’acier par le procédé direct, pendantenviron 1500 ans, à partir du IIIème s.avant JC. Ces fours à peu près rectan-gulaires (fig.7), étaient adossés à unecolline, et ventilés par tirage naturelgrâce à leur 14 tuyères placées de façonà ce que le tirage soit activé par le ventdominant de la région.

Le soufflet.

La nature du soufflet employé au toutdébut de la mise en oeuvre de Tataran’est pas connu, si ce n’est qu’on peutavoir la quasi certitude qu’il fonction-nement sous l’action de l’homme. Onpeut penser avec R. F. TYLECOTE ([22]p.49) que les Japonais connaissaient lesoufflet chinois, en bois et à piston; cesoufflet manuel et efficace, qui a ététrès tôt à double effet, avait d’ailleursété à l’origine des avancées de la sidé-rurgie chinoise (fig.8).

fig.5 : Schéma du four Tatara, d’après[19].

fig.6 : Four Tatara prêt au chargement, d’après [19]

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fig.7 : Four du Sri-Lanka [20]

fig.8 : Soufflet chinois, d’après [21].fig.9 : Soufflet japonais, d’après [25].

fig.10 : Charbon de bois, d’après [26] fig.11 : Sable ferrugineux, d’après [27].

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Le soufflet d’origine, probablement auXVIIème siècle, été remplacé par unsoufflet actionné au pied (foot bellow),comme le confirment plusieurs indica-tions. Pour T. YAMANOUCHI ([23] p.7),ceux qui actionnent le soufflet “le mar-chent”; pour un autre auteur, “Tataraest un énorme soufflet à pied. Desfemmes le poussent pour envoyer l’airdans le fourneau pour fondre le sableferrugineux.” [24]. Pour sa part, M.TATE déclare que le Japon inventa unsoufflet efficace, dont la disposition(fig.9), convient bien à une manoeuvreau pied : “Tatara se développa pleine-ment, il y a environ 300 ans, avecl’invention du soufflet, très économe enmain d’oeuvre, appelé Tenbin Fuigo.”[25] p.61. D’après le schéma ce souf-flet, dit à bascule, comportait deuxsoufflets élémentaires en bois (assezsemblables aux soufflets de bois utilisésen Europe au XVIIIème s.) disposéssymétriquement par rapport à un con-duit central qui récupérait le vent. Lesdeux soufflets élémentaires étaient re-liés entre eux par une tringlerie dispo-sée de telle sorte que l’un des souffletsétait en aspiration pendant que l’autreétait en expiration, d’où un souffle con-tinu vers le four. Quand plusieurs per-sonnes étaient préposées au fonction-nement du soufflet, elles devaient agirde concert, d’où des chants cadencésdont un exemple est le “le chant Tatarad’Eboshi” du film d’animation MononokeHime :

“Un, deux, même les bébés peuventpousser (*),Trois, quatre, même un ogre pleurerait(**),L’amour en or d’une femme Tatara,Fait fondre et couler, et transforme enlame (***).” [24].

La cadence n’apparaît pas de façon évi-dente, mais ce chant est la traductiondu texte anglais, lui-même traduit dujaponais ! On y trouve le soufflage engroupe (*), la pénibilité (**) l’objectiffinal, le sabre (***).

Au moins dans certains cas, le souffletde Tatara est en bois de cèdre ([23]p3). Le vent est amené du soufflet àchaque tuyère par un tuyau de bambouterminé par une extrémité en fer. Legrand nombre de tuyères mise en placede chaque côté du four, nécessited’installer à la sortie du soufflet un dis-tributeur de vent d’où partent 16 tuyauxde bambou. L’aspect de ce distributeurlui a fait attribuer le nom de Tatsu nokuchi, c’est-à-dire gueule de dragon[25].

les matières premièresLe combustible.

Dans tous les foyers de réduction duminerai de fer, il faut une combustionde façon à atteindre une températuresuffisante pour déclencher les réactionschimiques et il faut la présence d’unagent réducteur pour séparer l’oxygènedu fer. Dans les procédés directs an-ciens, les deux rôles sont tenus par unseul combustible, le charbon de bois(fig.10 ); pour Tatara, ce sera vrai jus-qu’à la fin de son exploitation au débutdu XIXème s. Dans une expérimentationmoderne de Tatara, on a utilisé ducharbon de bois de pin, “à cause de sadensité, de la durée de sa combustionet de la chaleur dégagée.” [1].

L’avantage du charbon de bois estd’être exempt de soufre et donc depermettre l’opération avec un laitieracide, ce qui se produit naturellementparce que la plupart des minerais de fer-dont celui utilisé pour Tatara- sontacides. En d’autres termes, l’opérationde Tatara ne nécessite pas d’employerun fondant basique.

Avec sa forte consommation de charbonde bois par tonne de métal, Tataraponctionnait lourdement le bois dans lesforêts, et à cause de cela, le Mont Fu-kudagashira, dans la préfectured’Hiroshima, était nommé Kenashi-yama (la montagne chauve) [27].

Le minerai.

Le seul minerai utilisé dans Tatara estdu sable ferrugineux, et D. WAGNERpense même que ce procédé est le ré-sultat d’une adaptation d’un autre pro-cédé direct dans le but de consommerdes sables ferrugineux [17].

Généralement, dans les sables ferrugi-neux l’oxyde de fer est de la magnétiteFe3O4, qui donne à ces sables unecouleur noire (fig.11) . La magnétite enroche est peu réductible, d’une partpour une raison chimique car elle peutêtre considérée comme l’addition d’unemolécule de FeO et d’une molécule deFe2O3, or FeO est réduit dans condi-tions beaucoup plus coûteuses en élé-ment réducteur que Fe2O3 -qui estl’oxyde de la majotité des minerais defer-, et d’autre part parce qu’elle esttrès compacte et donc difficile à péné-trer par les gaz réducteurs. Le sableferrugineux ne présente pas ce dernierinconvénient à cause de la petitesse desgrains, qui assure, à masse égale, unesurface de contact avec le gaz bien plusgrande que dans le cas de la roche.

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En outre, les sables ferrugineux sontgénéralement titanifères; l’oxyde detitane passe presqu’entièrement dans lelaitier, qui devient moins fluide, sauf àaugmenter sa température; dans uneexpérimentation moderne, on utilise unminerai contenant moins de 9 %d’oxyde de titane, TiO2 [1].

Par ailleurs, la forme sableuse est ungros inconvénient dans les grands foursà cuve, comme le haut fourneau, parceque ces fours fonctionnent avec grandedynamique (vitesse de déplacement dessolides non négligeable; vitesse de gazélevée) et les grains de sable qui col-matent les vides entre les morceauxfreinent considérablement cette dyna-mique; ce n’est évidemment pas le caspour Tatara, où les déplacements degaz et de solides sont très limités dansle temps et dans l’espace.

Enfin, au Japon, ces sables contien-nent très peu d’impuretés : 0.026% dephosphore et 0.002% de soufre, d’après[28].

Ce sable ferrugineux qui provient de ladésagrégation de roches, est mêlé àd’autres produits détritiques; il a unemasse volumique bien plus élevée queces autres produits et on utilise cettepropriété pour pratiquer une épurationpar gravité en jetant le sable brut dansune goulotte où coule un courantd’eau;d’après [29] cette méthodes’appelle Canna Nagashi.

Lors d’essais d’expérimentation de Ta-tara dans les années 1970, on a em-ployé deux sortes de sables ferrugineuxA et B dont voici les analyses en %(d’après [19]) :

Le minerai A -appelé Akome-Kagane-est donné comme plus réductible que leB -appelé Masa-Kagone- , et il est em-ployé au début de l’opération.

De son côté; M. TATE donne une teneuren fer de 58 à 60 % [25] p.61.

l’opération D’après [1] et [19].

L’opération commence par le remplis-sage du four par du charbon de bois; onallume ce charbon et on active la com-bustion en actionnant le soufflet; oncharge ensuite du charbon de bois pourmaintenir le four plein au fur et à me-sure que le charbon brûle aux tuyères.

Au bout de 2 à 3 heures, par suite de lacombustion du monoxyde de carboneproduit aux tuyères, une flammes’établit au dessus de la charge decharbon de bois. Cette flamme (fig.12et fig.13) persiste jusqu’à l’arrêt del’opération; sa couleur et sa vigueursont surveillées de près par le Muraguecar, avec l’aspect du laitier, ce sont lesseuls éléments qui lui permettent dejuger du déroulement de l’opération.

A l’apparition de la flamme, on com-mence à charger un peu de minerai,puis du charbon de bois, et ainsi desuite de façon alternée, pour maintenirle four plein. Lors des opérations décri-tes par Y. MATSUSHITA [19], on a,pendant 30 heures environ, chargé leminerai le plus réductible (A supra),puis, passé ce moment, on a enfournéle minerai B et augmenté le soufflage,ce qui , de manière logique, a provoquéune accélération du chargement . Cetteaccélération de l’allure est concomitanteavec le premier lâcher de laitier.

C’est le Murague qui décide du momentoù l’on arrête l’opération; ce point n’estpas très clair, car il est dit aussi quecette même opération dure 4 jours et 3nuits. On peut envisager au moins deuxhypothèses : 1° La masse de métal (ouloupe) qui s’est formée et le laitier quin’a pu être évacué, encombrent le basdu four, freinent ainsi l’entrée de ventet isolent le charbon de bois des tuyè-res, l’opération s’arrête d’elle même :une telle situation est décrite pour lesexpérimentations dans un four du pro-cédé direct aux Martys [26.]. 2° Pourdifférentes raisons (approvisionnement,masse de métal que l’on peut forger enune seule fois, limitation de l’usure dufour pour éviter un temps mort tropgrand entre deux opérations...), il paraîtpréférable de planifier la durée du cyclede production.

Après l’arrêt, pour sortir la loupe demétal du four, on abat un des grandscôtés du four au-dessus des tuyères(fig.14); nous avons vu supra que cetteloupe porte le nom de kera.

Les résultats et la théorie du procé-dé.

Dans une opération, “au total, on aconsommé environ 20 tonnes de sableferrugineux et 22 tonnes de charbon debois, et on a produit presque 4 tonnesde Kera et 0,7 tonne de fonte.” [19]

“On obtient une masse d’acier à l’étatspongieux appelée Kera, de 2,7 m delongueur, 1 m de largeur et 200 à 300mm d’épaisseur; elle pèse 2 à 2,5 tonn

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es, dont 1,5 à 1,8 tonne d’acier., ce quia nécessité 8 tonnes de sable et 13tonnes de charbon de bois.” [28]

Examinons le rapport combusti-ble/métal (ou mise au mille %o) etle rendement métal/minerai Rt :

L’examen des %o peut se faire àdeux niveaux :

a) La comparaison des deux appareilsmétallurgiques (Tatara et haut fourneau-HF-) est très déforable à Tatara, et sonhandicap est clairement dû à la tropfaible utilisation du monoxyde de ca r-bone CO, comme le montre un exempled’analyse du gaz à la partie supérieuredu four. Cette situation est une consé-quence, d’une part de la descente troprapide du minerai - la forme sableusedu minerai associée à sa masse volu-mique élevée en est la cause- et d’autrepart de la mauvaise réductibilité de lamagnétite, due à sa teneur en FeO.

b) Dans le cas du haut fourneau, pourdevenir du fer ou de l’acier, la fonteproduite doit passer à l’affinerie, quiconsomme beaucoup de combustible;d’où la nécessité de comparer Tatara àl’ensemble de la filière (haut fourneau +affinerie). On constate qu’au début duXIXème siècle il n’y a pas grande diffé-rence de consommation de charbon debois entre les deux filières, et d’aprèsM. TATE, c’est encore vrai au Japon àl’apparition des premiers hauts four-neaux (1860 à 1880) à cause du fonc-tionnement médiocre de ces derniers.Par contre vers la fin du XIXème s., lafilière européenne haut four-neau/affinerie est plus efficace que Ta-tara.

Le rendement Rt de Tatara est à com-parer à la teneur en fer du sable ferru-gineux de l’ordre de 55 à 60 %. Onconstate qu’environ la moitié du fer aété ainsi perdu pour la production, ets’est retrouvé dans le laitier.

Le laitier.

Y. MATSUSHITA in [19] en donne lesanalyses suivantes :

fig.12 : Fonctionnement schématique dufour Tatara.

fig.13 : Four Tatara en fonctionnement :flamme au dessus du four, d’après [12].

fig.14 : Extraction du Kera [19]

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Dans le laitier de Tatara, la teneur enFeO est considérable et la teneur en fermétal est non négligeable; ce fait expli-que le faible rendement métal/mineraide ce procédé.

La formation de la loupe et lesréactions chimiques.“Il a été observé pendant les opérationsque les sables ferrugineux.... tombent àtravers le massif de charbon de bois etatteignent le Kera dans le bas du fouren moins de 3 secondes.Un échantillonpris à la surface du Kera (pendantl’opération) montre peu de signes decarburation, la teneur en carbone étantinférieure à 0,01 % . De ces observa-tions, on a conclu que les oxydes de fer,sous forme liquide ou solide et partie l-lement réduits, sont réduits en métalpar le charbon de bois ou le carbonedissous dans le fer liquide, seulement àla surface du Kera; la croissance duKera est due à l’agglomération de cemétal spongieux à sa surface.” [19]p.215.

Suite à cette remarque, on peut avan-cer le schéma de réactions suivant :

La productivité .

Tatara produit entre 2,25 et 6 tonnes demétal, en 70 heures pour certains au-teurs, en 4 jours et 3 nuits pourd’autres; on peut calculer la productivitéen tonnes produites par 24 heures, et lacomparer à celle du haut fourneau :

(Kamaishi se trouve sur la côte est deHonshu, au nord de la baie de Tokyo, etYawata est situé dans l’angle nord del’île de Kyushu).,

On constate que malgré les difficultésde mise au point des premiers hautsfourneaux japonais à Kamaishi, cesderniers, surtout quand ils ont con-sommé du coke, ont pris assez vite uneavance écrasante en matière de pro-

ductivité.

le métal produitÉchantillon de Tamahagane, fig.15.

Tous les auteurs s’accordent pour direque le métal produit par Tatara est trèspur, parce qu’il est élaboré, d’une part àl’aide de charbon de bois -qui, contrai-rement à la houille, est exempt desoufre- et de sable ferrugineux conte-nant peu d’impuretés, et d’autre part àune température relativement basse, cequi limite l’introduction des impuretés.

On dispose d’analyses de métal plus oumoins ancien provenant de clous récu-pérés dans les temples japonais, quisont tous construits en bois [15], etd’analyses des expérimentations desannées 1960 [19], [28] et 1970 [15].Pour la comparaison des teneurs ensoufre et phosphore, on donne de plusl’analyse, tirée de [33], de deux aciersmodernes, un acier pour emboutissageACE et un acier pour appareil à pressionACP.

L’hétérogénéité première du Tamaganaest attestée par les différencesd’analyse (pour [19], les deux échan-tillons sont tirés de la même loupe),mais aussi par la cristallographie et lesinclusions non-métalliques.

En ce qui concerne l’examen métallo-graphique, Y MATSUSHITA indique que“la structure de Tamahagane peut êtrevariable : dans une partie, c’est de la

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cémentite primaire4, dans une autre elleapparaît comme de la ferrite5 recristalli-sée, et dans une autre encore la ferriteest organisée en figures deWIDMANSTÄTTEN6.” [19]

En ce qui concerne les inclusions, K.HORIKAWA note ”Une grande quantitéde laitier était présente. La matrice enétait les silicates et les oxydes de ti-tane.” [15].

La méthode consistant à plier et à sou-der par forgeage, de nombreuses fois,les lopins préparés pour la fabricationde la lame, permet à la fois d’éliminer lelaitier des inclusions et d’homogénéiserle Tamahagane. De plus, il est possibleque, tout au moins au début, la pré-sence d’inclusions facilite la déformationlors du forgeage.

Enfin, avec M. TATE, on apprend queTatara peut être dédié à la fabricationde fonte; la température étant relati-vement faible, il est peu probable qu’onait pu la couler. “La plus grande partie(de la fonte) était convertie en fer mal-léable par un procédé appelé Ohkaji.”[25] p.1. Cette fonte est aussi le maté-riau utilisé pour faire les théières japo-naises. Au début des années 1850, àSuga (à l’ouest de l’île de Kyushu), oncoula des canons de fonte pour la pre-mière fois au Japon. La fonte était pro-duite par Tatara; après les premiersessais infructueux, la fonte était pré-traitée7 avant d’être enfournée dans un 4 La cémentite est un composé cristallisérépondant à la formule Fe3C; elle est diteprimaire lorsqu’elle est formée lors du refroi-dissement d’un alliage fer/carbone liquide.Sa présence est l’indice d’une teneur assezélevée en carbone.5 La ferrite est un des constituants des allia-ges fer/carbone composé de fer alpha et demoins de 0,2 % de carbone. Sa présence estdonc l’indice d’une teneur peu élevée encarbone.6 Figures de cristallisation d’un alliagefer/carbone, qui présentent des lignes ou desbandes qui se croisent à 60 ou 90°.

7 La fonte de Tatara produite dans des con-ditions de basse température, est de la fonteblanche et donc cassante (fig.22); ceci estconfirmé par deux faits constatés lors despremiers essais de moulage de canons : 1) ladifficulté de fondre la totalité de la charge dufour; or la fonte blanche fond à une tempé-rature plus élevée que la fonte grise, 2)l’éclatement des canons fabriqués avec cettefonte. Le prétraitement consistait donc pro-bablement à carburer la fonte, pour en faireplus ou moins une fonte grise.

four à réverbère chauffé au charbon debois, d’après [40].

les mythes, la géographie,l’archéologie, les musées.Au Japon, la religion est souvent pré-sente, c’est ainsi que sur la fig.16, onpeut distinguer à l’arrière plan, à ladroite du Murague, un temple en réduc-tion dédié à la religion shinto. Au débutdes années 1980, l’auteur a pu voir untel temple dans la salle de contrôle del’un des plus modernes et des plus groshauts fourneaux mondiaux.

Si l’on remonte vers des temps plusanciens, c’est le mythe qui est pré-sent : “Kanayago-Shin a été révérépendant longtemps comme dieu de lafabrication du fer par ceux qui y partici-paient en fabriquant du charbon de boisou en produisant le métal... Il seraitdescendu du ciel (sur le dos d’un héronblanc)... et aurait déclaré que, sans lefer, il n’y avait pas d’issue pour laconstruction8 et la prospérité du Japon.”[23] p.1. Ce dieu va donc, si l’on osedire, au charbon, car, d’après la lé-gende, “Kanayago-Shin vint dans larégion d’Izumo. Il cherchait la meilleureplace pour produire du fer et de l’acier.Le procédé traditionnel Tatara nécessi-tait de disposer de sable ferrugineux, debeaucoup de charbon de bois, de l’argilepour le four. Kanayago-Shin recherchala région où se trouvait ces trois élé-ments... Il contruisit beaucoup de foursTatara dans la région de Oku-Izumo(voir fig.17 et fig.18).” [23] p.3 et 4. Et,bien naturellement, “le temple d’Izumoest dédié à Kanayago-Shin “ [23] p.1;il se trouve sur la carte d’OkuIzumo(fig.19) sous le nom de “Kanayagoshinto shrine”.

Dans un registre plus récent, d’après[35] et [36], le film d’animation de1997 par Hayao MIYAZAKI “Princesse 8 Allusion probable à la conquête intérieuredu Japon au VII et VIIIème siècles, à partirde l’État antique du Yamato.

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fig.16 : Chargement du four par le Murague [19].

p fig.18 : Izumo, d’après [34]

t fig.17 : Le Japon, d’après [34]

q fig.19 : OkuIzumo, d’après [34]

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MONOKOME”, qui se déroule pendantl’ère Muromachi (1336/1573), relate lalutte entre les habitants du Tatara Ba(endroit où l’on produit du fer, c’est-à-dire la cité du fer), qui coupent desarbres pour alimenter Tatara (jusqu’à ladéforestation, voir supra) et les Dieuxqui vivent dans le forêt et la protègent.

La géographie de Tatara, bien définiepar le besoin en minerai sableux, enforêts pour le charbon de bois et enargile, rejoint la légende : à Izumo, le“sable ferrugineux de haute pureté ap-pelé Masa peut être trouvé dans lesmontagnes et les rivières en grandequantité.” [29]; puis : ”Les techniquesTatara de fabrication du fer se dévelop-pèrent dans la région Oku-Izumo parcequ’elle était riche en un excellent sableferrugineux. L’acier d’Izumo a été trèsutilisé pour faire des sabres et desthéières 9à cause de son excellentequalité. Les techniques furent à leurapogée depuis l’ère Edo (1600/1867)jusqu’au début de l’ère Meiji(1868/1912) et environ 80 % de laproduction nationale était produitedans la région de Chugoku.” [12]. Larégion de Chugoku (Le pays du Centre)est une zone montagneuse qui consti-tue, à l’ouest, l’épine dorsale de lagrande île Honshu; elle est répartieentre les Préfectures de Shimane, Hiro-shima et Okayama. C’est principalementdans la première, où se trouve le dis-trict d’OkuIzumo, que l’on rencontraitles installations Tatara.

9 Les théières sont faites en métal fondu,c’est-à-dire en fonte, or Tatara en produi-sait; cette fonte dévait être refondue pourpermettre les moulages.

Cette exploitation importante a laissédes traces, que l’on a organisées enmusées; en particulier le “OkuIzumotatara-swords museum” a sa place surla carte de la fig.18, et on cite, entreautres :

Wakou museum, Yasugi Town, YasugiCity- Tatara Kakuro Denshokan Kamiai, NitaTown- OkuIzumo Tatara-to-Token Hall Yo-kota, Yokota Town- The History of Iron Museum Yoshida,Yoshida village- Sugaya Tatara in Sannai Aria Sugaya,Yoshida village- The Future and Science of Iron Mu-seum Yoshida, Yoshida village- Shirasu-Tatara Iron Smeltery RuinsAbu-cho.

Par ailleurs, dans la préfecture de Shi-mane, une Route du Fer cherche à pro-mouvoir l’ancienne fabrication du fer;elle comprend : Yasugi City, HiroseTown, Daito Town, Nita Town, YokotaTown et Yoshida Village.

fin et renaissancede TataraLa fig.20 nous montre un Tatara enaction; le soufflage est différent de ceque nous avons vu au chapitre IV carles soufflets sont clairement indépen-dants; ils sont actionnés au pied maisl’ouvrier s’aide des bras. De chaque côtédu four un grand écran protège lessouffleurs de la chaleur des flammes. Lelaitier sort par les trois trous de coulée

fig.20 : Four Tatara en action, d’après [28]

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que l’on retrouve sur le petit côté dufour.

La situation de Tatara ne pouvait durer;en effet, d’après [37], le premier hautfourneau “occidental” a été mis à feu enle 1/12/1857 près de Kamaishi et en1868, il y avait déjà 10 hauts fourneauxà Kamaishi. On s’accorde pour consta-ter que l’arrivée au Japon de cet intrusa donné le signal du déclin puis de ladisparition de Tatara, et la productionde ce procédé a effectivement cessé audébut du XXième siècle, époque -coincidence curieuse-, où, en Europe,s’éteignaient les derniers fours à pud-dler. Nous avons vu supra que les con-ditions techniques comparées de Tataraet du haut fourneau (suivi d’une affine-rie d’abord, puis d’une aciérie) ne pou-vaient que condamner le procédé anti-que. T. INOUE précise d’ailleurs qu’”ilest très étonnant que la loupe d’acierproduite par Tatara dans les expéri-mentations modernes, coûte 100000dollars la tonne, soit 200 fois le coûtd’un acier ordinaire !” [28] On doit ce-pendant remarquer que le haut four-neau de l’époque ne consommait que duminerai en morceaux, dont le Japonn’est pas très riche, ce qui a conduit àl’installation d’une sidérurgie du bord demer, essentiellement approvisionnéepar l’importation.

Tatara n’est toutefois pas mort sans quel’on cherche à l’améliorer. “Plusieurstentatives ont été faites pour modifierTatara en augmentant la hauteur de lacuve et en soufflant du vent chaud .L’un de ces fours avec une cuve de sec-tion pratiquement carrée (fig.21) a étéen opération à Yotoka -Préfecture deShimane- jusqu’en 1965, mais le sableferrugineux devait être mis sous laforme de boulettes pour assurer unemarche stable et une bonne efficaci-té10.” [25] p.1 et 2.

Des tentatives et des expérimentationsont été faites pour faire survivre Tata-ra :

“En 1933, on a fait revivre Tatara, sousle nom de Yasukuni Tatara, mais aprèscela on produisit très peu de Tamaha-gane.” [9].

“Un nouvel atelier Tatara été construit 10 Ce four, appelé Kaku-ro, n’est plus vrai-ment un four Tatara mais plutôt une sorte dehaut fourneau à cuve de section carrée, etsemble-t-il prismatique, et comme le hautfourneau, et pour les raisons exposées auchapitre IV, il ne pouvait consommer dusable ferrugineux en l’état.

fig.21 : Kaku-ro, d’après [25]

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près de Sugaya (Préfecture de Shi-mane)... Trois opérations successivesont été faites, de fin octobre au débutde novembre 1969,.” [19]. Les résuil-tats des ces essais ont beaucoup servidans la rédaction de cette étude.

“En 1977, un four traditionnel Tatara aété restauré à Yokota Town (Préfecturede Shimane) par la ‘Japanese Associa-tion of Arts and Swords -AssociationJaponaise des Arts et des Sabres-’ etdepuis le procédé a été mis en oeuvrequelques fois chaque année;” [12] etproduit 3 à tonnes d’acier par an,d’après [28].

Enfin, la fabrication, par des procédésmodernes, d’acier de très grande qua-lité, se perpétue dans l’usine de Yasugi(préfecture de Shimane). Elle a d’abordété assurée par la société Unpaku créeen 1891. Cette société a été plus tardabsorbée par la société Hitachi MetalsLtd.

lexiqueremarque : le e se prononce é; donccertains auteurs écrivent Hagané etKéra.

Bango : Ouvrier qui fait fonctionner lesoufflet de Tatara.

Bukera : Sorte d’acier produit par Ta-tara.

Canna Nagashi : Épuration du sableferrugineux par l’eau; voir Kannaji.

Hada : Grain de l’acier, dessin dû auforgeage [24]

Hagane : Acier; voir Haganesukuti, Ta-mahagane,Wahagane

Haganesukuti : Fondeur de Tatara.

Honba : Lieu d’extraction ou de prépa-ration du sable ferrugineux.

Hotyotetsu : L’un des produits de Tata-ra; sorte de fer.

Kaku-ro : Four Tatara transformé envue d’essayer de le rendre plus compé-titif.

Kannaji : Mineur; voir Canna Nagashi..

Kera : Loupe de métal produite parTatara en une opération.

Keraoshi-ro : Nom du four Tataraquand il produit de l’acier.

Kerazuku : Sorte d’acier produit parTatara.

Kiro : Conduit de vent entre le souffletet le four.

Kobuse : Lame de sabre constituéed’acier dur sur un coeur en acier doux[24]

Masa : Sable ferrugineux employécomme minerai de fer dans Tatara; ontrouve aussi Satetsu.

Murague : Chef du Tatara; chef de fa-brication.

Oros(h)igane : Sorte d’acier moins car-buré que le Tamahagane obtenu parmélange de

Tamahagane et d’Hotyotetsu.

Satetsu : Sable ferrugineux employécomme minerai de fer dans Tatara; ontrouve aussi Masa.

Sumisaken : Adjoint au chef du Tatara

Tamahagane : Acier produit par Tatara,qui est spécialement employé pour leslames de sabre.

Tatara Ba : Lieu de production du ferpar Tatara.

Tatara shi : Ancien nom de l’opérateur,syn. possible de Murague.

Tetsu : Le fer pur, mais aussi un termegénérique désignant un alliage ferreux;voir Watetsu ou

Tetsu-to-Hagane (Fonte et acier, nomd’un journal de la sidérurgie japonaise).

Wahagane : acier (japonais) fabriquépar Tatara; on trouve aussi Wakou.

Wakou : Acier fabriqué par Tatara [36];on trouve aussi Wahagane

Watetsu : Alliage de fer et de carboneproduit par Tatara; il comprend du Ta-mahagane, du Hotyotetsu, du Zuku.

Wasen : Fonte produite par Tatara: syn.Wazuku.

Wazuku : Fonte produite par Tatara:syn. Wasen.

Wasuqu : Variante orthographique deWazuku. [39]

Zuku : L’un des produits de Tatara;sorte de fonte

Zukoshi-ro : Nom du four Tatara quandil produit de la fonte.

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