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"L'Africain" n° 244, avril – mai 2010 40 TABLE DES MATIÈRES "L'Africain" n° 244, avril – mai 2010 Page 1 Pour façonner lucidement l'avenir du Congo A. MOBE FANSIAMA 3 PHOTOS SPECIAL : CINQUANTENAIRE DE L'INDÉPENDANCE DE LA RD CONGO 6 L'enseignement et le développement au Congo M. EKWA bis Isal s.j. 15 Évolution de l'organisation politique … du Congo depuis 1960 B.J. TSHIBUABUA-KAPY'A 28 30 juin 1960 à Léopoldville, souvenir d'un témoin V. CHARLES s.j. 29 Patrice Emery LUMUMBA, notre Aufklärer TEDANGA I.B. 30 Fondation Père Everard PERSPECTIVES ET POLITIQUE 31 Afrique/Haïti : bilan des indépendances (I) Th. AMOUGOU RÉSUMÉS DE THÈSE 34 Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa B. MUZINGU N. 35 Énergies durables pour le développement en Afrique M. DJUIKOM À TRAVERS LIVRES ET REVUES 37 Fatoumata Fathy SIDIBE, Une saison Africaine E. VAN SEVENANT 38 Nouvelles familiales 38 Annonce : festival L'Afrique visionnaire 39 PHOTOS Page 2 de la couverture : présentation de "L'Africain" Page 3 de la couverture : mots croisés n° 265 Vincenzo SORETTI "L'Africain" : éd. responsable : Eddy VAN SEVENANT, dir. du C.A.C.E.A.C. Asbl, Michel Hakizimana, secrétaire de rédaction, rue Léon Bernus 7, 6000 Charleroi, Tél. ++ 32 (0)71 31 31 86. Fax : ++ 32 (0)71 31 31 84 E-mail : [email protected] Comité de rédaction : Antwerpen : G. Muheme Bagalwa ; Bruxelles : Valérien Mudoy, Camille Tedanga Ipota ; Liège : J.C. Mputu ; Louvain-la-Neuve : Sabine Kakunga ; Namur : Tite Kubushishi, Eustache Niyitugabira. Allemagne : Shungu M. Tundanonga-Dikunda, e-mail : [email protected] France : Anicet Mobe Fansiama RD Congo : Jean-Pierre Mbwebwa Kalala et François Budim'bani Yambu, FCK., B.P. 1534, Kinshasa. ABONNEMENTS : 48 ème année : Année académique 2009-2010. abonnement ordinaire : Belgique : 15 Europe : 22 reste du monde : 25 abonnement de soutien : 25 payables au CCP 000-1178819-75 du C.A.C.E.A.C. Asbl, Charleroi (Belgique) ou par mandat postal international (si par chèque bancaire, ajouter les frais). Si payement par virement à partir de l'étranger, utiliser les codes : IBAN BE05 0001 1788 1975 BIC BPOTBEB1 Les articles n'engagent que leurs auteurs. Cette revue est publiée avec le soutien de la DGCD.

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Page 1: TABLE DES MATIÈRES L'Africain n° 244, avril – mai 2010 · 29 Patrice Emery LUMUMBA, ... Le 30 juin 1960, le ... en Belgique par ce discours témoigne de l’importance considérable

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TABLE DES MATIÈRES"L'Africain" n° 244, avril – mai 2010

Page

1 Pour façonner lucidement l'avenir du Congo A. MOBE FANSIAMA

3 PHOTOS

SPECIAL : CINQUANTENAIRE DE L'INDÉPENDANCE DE LA RD CONGO6 L'enseignement et le développement au Congo M. EKWA bis Isal s.j.

15 Évolution de l'organisation politique … du Congo depuis 1960 B.J. TSHIBUABUA-KAPY'A28 30 juin 1960 à Léopoldville, souvenir d'un témoin V. CHARLES s.j.29 Patrice Emery LUMUMBA, notre Aufklärer TEDANGA I.B.30 Fondation Père Everard

PERSPECTIVES ET POLITIQUE31 Afrique/Haïti : bilan des indépendances (I) Th. AMOUGOU

RÉSUMÉS DE THÈSE34 Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa B. MUZINGU N.35 Énergies durables pour le développement en Afrique M. DJUIKOM

À TRAVERS LIVRES ET REVUES37 Fatoumata Fathy SIDIBE, Une saison Africaine E. VAN SEVENANT38 Nouvelles familiales38 Annonce : festival L'Afrique visionnaire

39 PHOTOSPage 2 de la couverture : présentation de "L'Africain"Page 3 de la couverture : mots croisés n° 265 Vincenzo SORETTI

"L'Africain" : éd. responsable : Eddy VAN SEVENANT, dir. du C.A.C.E.A.C. Asbl, Michel Hakizimana,secrétaire de rédaction, rue Léon Bernus 7, 6000 Charleroi, Tél. ++ 32 (0)71 31 31 86. Fax : ++ 32 (0)71 31 31 84E-mail : [email protected]é de rédaction : Antwerpen : G. Muheme Bagalwa ; Bruxelles : Valérien Mudoy, Camille Tedanga Ipota ;Liège : J.C. Mputu ; Louvain-la-Neuve : Sabine Kakunga ; Namur : Tite Kubushishi, Eustache Niyitugabira.

Allemagne : Shungu M. Tundanonga-Dikunda, e-mail : [email protected] : Anicet Mobe FansiamaRD Congo : Jean-Pierre Mbwebwa Kalala et François Budim'bani Yambu, FCK., B.P. 1534, Kinshasa.

ABONNEMENTS : 48ème année : Année académique 2009-2010.abonnement ordinaire : Belgique : 15 €

Europe : 22 €reste du monde : 25 €

abonnement de soutien : 25 €payables au CCP 000-1178819-75 du C.A.C.E.A.C. Asbl, Charleroi (Belgique) ou par mandat postal international(si par chèque bancaire, ajouter les frais). Si payement par virement à partir de l'étranger, utiliser les codes :IBAN BE05 0001 1788 1975 BIC BPOTBEB1

Les articles n'engagent que leurs auteurs.Cette revue est publiée avec le soutien de la DGCD.

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En marge du cinquantenaire de l'indépendance du CongoDe la connaissance intelligente du passé à l’intelligence critique du

présent pour façonner lucidement le devenir du Congo

a RD Congo célèbre le50°anniversaire de sonindépendance, le 30 juin

2010. Est-il vain d'espérer que lecinquantenaire soit l'occasion de libérerl'écriture et l'enseignement de cette paged'histoire du corset culturel (néo)colonialqui en a perverti l'intelligence ?

En 2005, en France, la pensée -universitaire, intellectuelle etjournalistique - s’enlisa dans un marécagepollué et polluant avec la loi du 23 février.En son article 4, celle-ci imposait auxprogrammes scolaires de reconnaître "lecaractère positif de la présence françaiseoutre- mer."

Le tintamarre médiatique,l’agitation politique et les querelles deschapelles universitaires n’ont,heureusement, pas fait de l’ombre àl’Exposition "La Mémoire du Congo. LeTemps colonial" qu’organisait de février àoctobre 2005, à Tervuren, le Musée Royalde l’Afrique Centrale (MRAC).

Cet événement culturel a mis enexergue la valeur inestimable del’expertise africaniste du MRAC. Aussi,un tel événement ne peut rester figé dans"l’instant présent"qui s’oublie lelendemain.

Il appartient, au contraire, auxuniversitaires belges et congolais, libresde tout préjugé (néo)colonial de renverserles tendances, de briser les pesanteurs(néo)coloniales pour interroger lesfondamentaux sur lesquels reposent lesquestionnements épistémologiques liés àl’écriture et à l’enseignement de l’histoirecoloniale.

Cette interrogation passe aussi parune très large diffusion dans l’ensembledu corps social des outils d'analyse pourque Belges et Congolais s’approprient

avec esprit critique des pans entiers deleur histoire commune.

Penser et construire le Congo avec lesacquis d’une mémoire historiqueépurée de toute mythologie

Le 18 octobre 1908, le RoiLEOPOLD II signe la loi (Chartecoloniale) adoptée par le parlement – le20 août par les députés et le 9 septembrepar les sénateurs - érigeant l’Étatindépendant du Congo (1885-1908), enune colonie belge. La souveraineté belgesur le Congo devint effective le 15novembre 1908. Le 30 juin 1960, leCongo accède à la souverainetéinternationale.

Il est à craindre que l’essentiel dece fait historique majeur ne soit noyédans le flot impétueux des cérémoniesofficielles qui seront organisées pourrappeler des événements sans une analysecritique articulée et "où la liturgie de lacommémoration enterre et étouffe le sensde l’événement."1

Cette démarche politique, seservant, parfois, des universitaires,participe, la plupart du temps, d’unestratégie bien rodée illustrant piteusementl’avertissement que nous lançaitl’historien britannique HOBSBAWMconstatant que "l’histoire est plus quejamais révisée ou même inventée par desgens qui ne souhaitent pas connaître lepassé véritable mais seulement un passéqui s’accorde à leurs intérêts. Notreépoque est celle de la grande mythologiehistorique."2

En ce temps de désarroi, il importede conférer à la connaissance historique

1 Ignacio RAMONET, "Amnésies... " Manière devoir, n° 82, Monde Diplomatique, Paris, août-sept.2005, p. 6.2 E. HOBSBAWM : Interesting times. A twentieth -century life. Londres, Panthéon Books, 2005.

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une fonction civique et pédagogiquepermettant aux acteurs de cette histoireainsi qu’à leurs héritiers de maîtriser leurpassé et de l’interroger afin de répondreavec discernement aux interrogations duprésent.

Le 30 juin 1960, lors de laproclamation de l’indépendancecongolaise, le Roi BAUDOUIN prononçaun discours hagiographique, bienconforme à ce que fut ce régime colonialinfatué. Il y exalta l’œuvre coloniale etexigea des Congolais la reconnaissance àl’égard des coloniaux pour l’œuvrecivilisatrice accomplie sur les terrescongolaises.

Ce fut un "discours simplificateur,oublieux de quelques vérités historiques,sans références aux erreurs coloniales etaux souffrances du peuple congolais. Sonton paternaliste, quelque peu moralisateur,heurte bien des Africains présents et lesreprésentants du tiers-monde. Il étonneaussi beaucoup d’Européens."3

Dans sa réponse, non prévue, lePremier Ministre LUMUMBA s’employaà rétablir la vérité historique et à féliciterles Congolais, principaux artisans del’émancipation politique de leur pays.Aussi rendit-il hommage à ceux qui ontpayé de leur vie pour que le pays se libèredu joug colonial. Il refusa quel’indépendance fût considérée comme undon de la Belgique.

La virulence des réactions suscitéesen Belgique par ce discours témoigne del’importance considérable des enjeux,culturels et politiques, liés à l’écriture et àl’enseignement de l’histoire du Congotant durant la période coloniale qu’aprèsl’indépendance. En 1984, le débatconcluant la diffusion de la série BulaMatari que la télévision belgefrancophone (RTBF) consacra à lacolonisation suscita aussi de vivesréactions dans plusieurs secteurs desopinions publiques belges. Il en fut demême après la parution du livre d’AdamHOCHSCHILD et la diffusion du

3 J. G. LIBOIS et J. HEINEN : Belgique Congo1960, Bruxelles, Pol-His, 1989, p. 144.

documentaire de Peter BATE consacrésaux violences coloniales subies par lesCongolais pendant l’État indépendant deLEOPOLD II.

Alors que le 13 juin 1929, l’InstitutRoyal Colonial Belge (IRCB) créa en sonsein une commission chargée d’écrirel’histoire du Congo, il fallut attendrel’année académique 1966-1967 pourqu’un département d’histoire soit organiséà l’université Lovanium à Kinshasa,pourtant fondée depuis 1954. L’IRCBavait pour objet d’organiser la propagandecoloniale dans le haut enseignement,d’assurer la liaison entre les différentsorganismes s’occupant d’étudescoloniales, d’entreprendre toutes étudesscientifiques concernant la colonisation.

En février 2004, le Président JosephKABILA prononce, devant le Sénat deBelgique, un discours d’hommage auxpionniers de l’aventure coloniale alorsqu’au sein de l’université belge s’esquisseune historiographie qui nous invite à(re)lire intelligemment les versants lesplus sombres – longtemps occultés - de lapage coloniale, particulièrementléopoldienne. Citons entre autres lesouvrages de :- Guy VANTHEMSCHE : La Belgique etle Congo. Nouvelle Histoire de Belgique,vol. 4, Bruxelles, Complexe, 2007 ;- Jean STENGERS : Congo. Mythes etréalités. Bruxelles, Racine, 2005 ;- V. DUJARDIN, V. ROSOUX et T. deWILDE (sous la direction de) :LEOPOLD II. Entre génie et gêne.Bruxelles, Racine, 2009.

Donner un sens significatif et une suitecitoyenne aux commémorationsofficielles et aux colloques desuniversitaires …

Pendant des décennies, les dogmeset les mythologies sécrétés par lesdifférents pouvoirs ont obscurcil’intelligence du politique et en ont falsifiél’histoire. Une relecture critique del’histoire permettrait de se défaire de cesmythologies et de retrouver lesévénements qui ont marqué la "marchedes Congolais", acteurs historiques dont

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les mobilisations sociales et politiques ontfaçonné le devenir de leur pays : soulignerles facteurs qui ont produit des effetsbénéfiques de ces mobilisations ainsi queles causes -conjoncturelles et structurelles– des drames qui ont anéanti lesespérances nées de l’indépendance.

Force est de constater que, près de50 ans après l’indépendance, - commedans beaucoup d'autres pays africains -l’essentiel des problèmes hérités de lacolonisation figurent parmi les principauxécueils sur lesquels bute la RD Congo. Ils’agit, en l’occurrence, de la(re)construction de l’état et de sesprincipaux appareils commel’administration, la justice et l’armée.Celle–ci n’est toujours pas conçue etorganisée en outil de défense nationale,garant de l’intégrité territoriale mais eninstrument de répression dressé contre lespopulations civiles pour peser sur la viepolitique, au profit d’ambitionspersonnelles.

Par ailleurs, des convoitisesétrangères rivales continuent d’empêcherl’émergence des élites politiques,soucieuses de l'intérêt national. Ainsi estprivilégié le parrainage étranger sur lalégitimité issue des élections libres,démocratiques, plurielles etconcurrentielles.

Une certaine historiographiecoloniale - voire post-coloniale - continuede décrire le Congo colonial comme unebrillante réussite économique. Rares sontles études qui soulignent que cet essoréconomique fut un trompe-l’œil :producteurs de richesses, les Congolaisétaient, cependant, privés de tout droitsyndical jusqu’en 1946 et étaient, enoutre, exclus du circuit du profit et duchamp des décisions au sein desentreprises. Ainsi, les Européens (1% dela population) détenaient 95% du capitalinvesti, 88% de l’épargne et représentaient45% de la masse salariale.

Belgique-Congo : quel devenir encommun ?

Congo, miroir des Belges ! C’est ences termes que Jean-Claude WILLAME et

Hervé CNUDDE introduisent l’excellentdossier que la Revue Nouvelle de janvier -février 2005 consacre à la colonisationbelge afin de répondre aux controversesqu’a suscitées le téléfilm britannique surle Roi LEOPOLD II "Le roi blanc, lecaoutchouc rouge, la mort noire" de PeterBATE.

Le poids diplomatique de laBelgique sortit consolidé des écrasantesvictoires militaires des Congolais en1914-1918 sur les troupes allemandes auCameroun, Ruanda-Urundi etTanganyika. Les immenses effortsmilitaires, économiques et financiers deguerre des Congolais imposèrent laBelgique à la table des vainqueurs en1945. Entre 1947 et 1958, la Belgiqueinstalle des bases militairesmétropolitaines au Congo à Kamina,Kitona et Banana.

Désormais considéré comme unréduit national belge, le Congo fut intégrédans le dispositif défensif de l'Europeoccidentale. Le contrôle économique etcommercial qu’exerce la Belgique, auCongo, sur les matières premièresstratégiques comme l’uranium, renforçason influence politique au sein de l’Otan.

La décolonisation du Congo est unedes plus lamentables et elle discréditel’ensemble de la classe politique belge,aveuglée par la représentationgéopolitique tirée de la possession d’unvaste territoire colonial.

Les logiques perverses de la guerrefroide ont rabougri les politiques decoopération européenne en Afrique. Lesrivalités franco-belges et franco-américaines en Afrique centrale ontlourdement hypothéqué le devenir duCongo. La mondialisation néo-libéralemarginalise l’Afrique et gêne l’émergenced’une Europe pouvant contrebalancerl’hyperpuissance américaine.

Ancrée au cœur de la constructioneuropéenne dès ses origines, la Belgiquedevrait jouer un rôle diplomatiqued'adjuvant afin de faire assurer, par lesélites congolaises – voulant utiliser leurs

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compétences scientifiques au profit deleur peuple - une meilleure coordinationdes politiques de coopération bilatérale etmultilatérale dans la région meurtrie desGrands-Lacs, notamment au Congo.

L'adjuvant diplomatique devrait,d’une part, transformer l’expertise qu’ontaccumulée certains pays sur l’Afrique enun atout pour rationaliser les politiques decoopération afin qu’elles satisfassent lesaspirations des peuples africains. Il devraitaussi, d’autre part, revitaliser les énergiespolitiques afin de servir un vaste desseinrépondant aux enjeux du monde actuel.

Nourrir un tel dessein, fécondé parles ressources de trois régions et de troiscommunautés, contribuerait certainementà dégager la politique belge de querellesbyzantines.

Les francophones ont accueilli lePrésident KABILA ! Tel est le titre d’unarticle paru, le 27 septembre 2007, dansun quotidien bruxellois pour souligner lecontraste entre les attitudes qu’ontaffichées les personnalités politiquesbelges lors du séjour du Chef de l’Étatcongolais. Il faut dégager l’appartenancedes peuples à la francophonie de cettevision ségrégationniste et instrumentaliséeaux fins de repositionnement néo-colonialiste.

Que vive l’histoire !

Ainsi s’intitule la préface quedonne le professeur Elikya M’BOKOLOau livre de son collègue IsidoreN’DAYWEL "Nouvelle histoire duCongo. Des origines à la Républiquedémocratique du Congo", Le Cri, Afrique-Editions, Bruxelles, 2009.

Près de 50 ans après, ce titre faitécho à la dernière lettre qu’adressa lePremier Ministre Patrice LUMUMBA àson épouse Pauline : "L’Afrique écrira sapropre histoire et elle sera au nord et ausud du Sahara une histoire de gloire et dedignité".

Écrire, étudier et enseignerl’histoire du Congo… mais laquelle ?Celle - bien-sûr - qu’ont produite lesCongolais, - acteurs lucides desévénements qui ont conduit àl’indépendance de leur pays - et qui a seslongues durées et ses accélérations, sescontinuités et ses ruptures, sesdynamiques et ses récurrences.

Il importe donc que lesuniversitaires qui s’investissent dansdifférents projets liés au cinquantenaireadoptent une démarche intellectuelledégagée de tout prophétisme intellectuel,rompant radicalement avec la conceptionclientéliste du rôle d’intellectuel imposéepar le régime mobutiste. Il faut, aucontraire, plaider pour des logiquesacadémiques où les savoirs, notammenthistoriques, ne seraient plus thésaurisés àl’université par des élites scientifiquesinféodées aux intérêts économiques depuissants groupes financiers et politiques.

Il faut prôner, au contraire, unerationalité universitaire préconisant unetrès large diffusion des savoirs dansl’ensemble de la société civile afin que lesCongolais s’en servent, à bon escient,comme instruments culturels d’exercicede la pensée critique et de la raisonémancipatrice et comme outils dedéveloppement économique pourrenforcer la démocratie politique etsociale.

Le cinquantenaire est doncl'occasion pour créer et fertiliser un espaceintellectuel où les africanistesfrancophones - africains, français, belges,québécois, canadiens et suisses -mettronten commun leurs ressources pour sortirles africanismes universitaires des sentiersbattus - encombrés des clichés éculés -afin de produire des outils conceptuelspour appréhender les problématiquesafricaines avec une rigueur scientifiquealliant le respect des peuples africains.

Anicet MOBE FANSIAMAChercheur en Sciences Sociales, membre du Collectif des Intellectuels Congolais DEFIS, Paris

Membre du comité de rédaction del’Année Francophone Internationale AFI (Université Laval Québec)

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S P É C I A L : C I N Q U A N T E N A I R E D EL ' I N D É P E N D A N C E D E L A R D C O N G O

L’enseignement et le développement au Congo50 ans après l’indépendance

NDLR : Le 2 février 2010 à la Maison Africaine de Bruxelles, le Révérend Père M. EKWAbis Isal s.j. a donné un exposé, dont le texte est repris ci-dessous, dans le cadre du cycle deconférences organisé par cette maison, en collaboration avec l'UROME et le Comité deCoordination de l'Opinion congolaise de la diaspora, sur le thème : "Indépendance duCongo : rupture ou continuité ?".

Introduction

inquante ans aprèsl’indépendance de la coloniebelge, une réflexion sur

l’enseignement au Congo pose en fait enfiligrane la question suivante : quel auraitété le sort de l’Afrique noire (de la RDCongo en particulier), si le cours de sonhistoire n’avait pas été modifié au XIXème

siècle avec la naissance de l’école de typeoccidental fondée sur l’écriture ?

Certes, le cours de cette histoireavait déjà été marqué par les différentesponctions opérées sur la population négro-africaine depuis le XVème siècle par latraite des Nègres.

Il reste que le premier grand chocsubi par nos sociétés et qui a eu desrépercussions irréversibles sur le systèmetraditionnel de l'éducation est venu de lacolonisation européenne des XIXème etXXème siècles et de l’introduction del’école de type occidental : l’école dontparle L’aventure ambiguë de CheikhHamidou KANE à travers le personnagede la Grande Royale, la sœur du GrandChef des Diallobés : "Je viens vous direceci : moi, Grande Royale, je n’aime pasl’école étrangère. Je la déteste. Mon avisest qu’il faut y envoyer nos enfantscependant … Ce que je propose est quenous acceptions de mourir en nos enfantset que les étrangers qui nous ont défaitsprennent en eux toute place que nousaurons laissée libre."

Lorsque la Belgique accordal’indépendance à sa colonie, le 30 juin

1960, la carte scolaire des provinces duBandundu, du Bas-Congo, du Kasaï, duKatanga et de la ville province deKinshasa ne présentait plus guèred’espaces inoccupés. Sur l’ensemble dupays, pour une population de 15 millionsd’habitants, 1.800.000 jeunesfréquentaient l’école dont 829 étudiantsdans les universités de Kinshasa et deLubumbashi. À l’exception de 250 nonafricains environ, et de très raresAfricains, les étudiants de ces universitésétaient des enfants d’illettrés. Il est vraiqu’il y avait d’assez nombreux étudiantsblancs dans les universités du Congojusqu’en 1960 : c’était notamment unmoyen d’affirmer leur niveauinternational.

Dans quel contexte l’institutionscolaire est-elle née au Congo ? Qu’est-ceque le nouveau système a apporté au"système" traditionnel d’éducation ?Comment s’est-il développé ? L’école de"l’aventure ambiguë" a suscité desréactions contradictoires : elle est accuséeencore d’aliéner la personnalité, sanscompter son coût excessif. Sa nécessitén’a jamais été pourtant mise en doute demanière sérieuse.

Le cinquantenaire del’indépendance du Congo est uneoccasion indiquée pour honorer lamémoire des architectes belges qui ontconstruit, au cœur de l’Afrique, unsystème éducatif qui a transformé levisage d’un sous continent de 2,5 millionsde Km².

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La genèse de ce système seraabordée en trois volets correspondant auxtrois époques de l’éducation que je mesuis permis par ailleurs d’appeler "lestrois saisons de l’éducation" dans un paysqui ne compte, avec quelques variantes,que deux saisons (saison sèche et saisondes pluies).

La période pré-coloniale

Naguère, dans le village de monenfance, autour d’un foyer, sous la clartéde la lune, une tante ou un oncle racontaitaux enfants des fables chargées de morale.La morale des fables revenait dans le rêve,marquant ainsi les comportements pourune vie d’adultes responsables.

Plus tard, parents et anciens leurapprenaient les traditions du clan, sonorigine, l’arbre généalogique, lesmigrations, les conquêtes et les guerres,les conflits, les alliances et mésalliancesinter-claniques, le totem ou l’animal tabouidentifiant la souche ancestrale commune.L’enfant s’ouvrait progressivement auxsecrets de la botanique, de la biologie etde la médecine, surtout des plantesmédicinales.

L'apprentissage de la géographieconsistait à connaître les rivières et lesruisseaux, les sentiers, les brousses et leslimites des forêts ou des propriétésléguées par les ancêtres. On initiait àl'astronomie en montrant le ciel tapisséd'étoiles auxquelles on donnait des nomscorrespondant aux activités saisonnièresde chasse ou de pêche.

La mémoire des éducateurscontenait aussi le code de droitcoutumier : les subtiles distinctionsjuridiques entre personnes etcommunautés, les règles qui présidaient àl'attribution du nom aux enfants à partir dela tradition héritée des ancêtres. Ainsil'enfant était-il rattaché à ceux de sonsang, ses ancêtres qui veillaient sur luidans l'au-delà, eux-mêmes étant sous ladépendance d'un Dieu-Créateur, unique etbon, agissant par leur intermédiaire.

Une habile pédagogie inspirait lesétapes de l'éducation traditionnelle. Toutd'abord, l'enfant était introduit à la sagessede façon "gestuelle". Il devait apprendre àdanser les naissances et les décès, lessemailles, les récoltes, la chasse et lapêche. C'est après seulement, lorsque sonesprit était plus ouvert, qu'on luiexpliquait le sens des gestes avec lesquelsson être physique et social était déjàfamiliarisé.

C'était l'heure des proverbes et deslégendes, narrés à l'ombre d'un arbre.Venait, enfin, dans certaines sociétés,pour l'adolescent, le temps des grandesinitiations. De ces mois d'épreuvesphysiques et morales dans des lieux deréclusion, de cette formation de l'esprit etdu caractère, des hommes devaient sortir,connaisseurs et dépositaires des rites etdes secrets de la communauté, etsolidairement responsables de chacun deses membres.

L'éducation traditionnelle était lebien commun de toute la société et nulenfant n'en était privé. Son empire étaitabsolu, ses contraintes efficaces.

Le jeune homme qui n'aurait passubi l'épreuve de l'initiation se serait sentidéshonoré et aucune jeune fille n'eûtaccepté de l'épouser. Avant le mariage etdurant toute la vie, la jeune fille puis lafemme avait l’obligation de respecter lecode de la sexualité de sa tribu ; l’hommeétait lié par des règles strictes d’éthique.Telle était l'éducation traditionnelle.

Ainsi donc, école de la vie,l'éducation traditionnelle apprenait auxenfants à servir la famille, le clan et legroupe ; à s'insérer dans le réseau social età maîtriser les rites d'interaction, àperpétuer le clan, à décoder les gestes etles symboles, à intérioriser les croyancesvéhiculées, à travers les âges, par lesgénérations précédentes, sur le mondevisible et invisible ; à maîtriser le faisceaudes tabous et interdits que nul ne pouvaitvioler sans mettre en péril sa propre vie etcelle du groupe. Tous les enfants devaients'imprégner des valeurs à promouvoir et

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des fautes à bannir. De sorte qu'au soir desa vie, l'individu était fier deconfesser : "J’ai engendré mes enfants, jen’ai jamais volé, je n’ai commis nimeurtre ni assassinat. En paix, laconscience tranquille, je vais rejoindremes ancêtres. Auprès d’eux je trouveraima place."4

Adaptée à la réalité concrète,destinée à tout enfant, relevant de laresponsabilité commune du clan,l’éducation traditionnelle portait en elle, lavaleur d’équilibre. Elle a permis à nossociétés de survivre, d’évoluer et des’ouvrir à de nouvelles perspectives.

La période coloniale

Implantée par l’étranger à partir de1880, au bord du lac Tanganyika à l’est età Boma au Bas-fleuve à l’ouest (pour 40élèves), la nouvelle école venue del’Occident suscita pendant longtemps laméfiance des populations. On sait lasomme d’efforts déployés alors pouramener les enfants à l’école, pour les ymaintenir, pour les ramener presque deforce après des fugues sans cesserenouvelées. Que dire de la scolarisationdes jeunes filles ! Celles que l’onparvenait à inscrire à l’école primaire n’yfaisaient généralement que des apparitionséphémères ! Les classes supérieures sedépeuplaient à vue d’œil.

Enfants comme parents ne voyaientdans l’école ni un intérêt religieux ni unmoyen d’améliorer leur situation socio-économique. Entre la cueillette deschenilles et des champignons, entre lapêche, la chasse si importante en régionforestière du fleuve et des rivièrespoissonneuses et la fréquentation del’école, l’intérêt faisait pencher la balanceen faveur de la chasse, de la pêche et de lacueillette. À ce manque de motivations’ajoutaient les difficultés touchant letransport, l’insuffisance du personnelenseignant, les langues d’enseignement etla carence en manuels scolaires.

4 Confession d’un vieillard dans les sociétéstraditionnelles, Cadicec-information n°49, 1987, p.32.

L’agent colonial et le missionnairene pouvant rayonner lui-même de sonposte central qu’à pied ou en tipoy, c’étaitune gageure de fonder des succursales oùpouvait s’organiser un enseignementsérieux et contrôlé. Les premiers camionsdestinés aux gros travaux ne firent leurapparition qu’en 1928 dans les diocèsesde Lisala (Equateur) et de Luluabourg(Kasaï). La première voiture, une Ford,est arrivée à Lemfu (Bas-Congo) en 1927après un voyage sensationnel. 5

Fort peu nombreux, lesmissionnaires enseignants furentcontraints de faire de leurs premiersélèves des maîtres chargés d’enseigneraux autres enfants les rudiments qu’ilsavaient eux-mêmes reçus. Les écoles deformation des maîtres furent crééesprogressivement, à Mikalay d’abord, àKisantu et à Kikwit ensuite. Leurqualification ne cessa de s’améliorer.

Choisir une langue d’enseignementdans un pays dont la multiplicité deslangues évoquait la tour de Babel était unexercice pour le moins compliqué. Lefrançais s’imposa dès 1892 commevéhicule d’enseignement par-dessus ladiversité ethnique des enfants inscrits.Mais, à partir de 1922, on décida l’usagedes langues congolaises pour la formationdes auxiliaires techniques et de la majoritédes enfants congolais. La mosaïque deslangues en présence poussa versl’adoption des langues régionales(kikongo, lingala, tshiluba, swahili) etquelques langues vernaculaires (le mongo,kiyaka, amashi, otetela, etc.) dans desaires géographiques précises, pourfaciliter la compréhension des matièresd’enseignement. Avec le développementdu système éducatif et grâce à unemeilleure formation des moniteurs enfrançais, l’enseignement du françaiss’imposa d’année en année.

Par ailleurs et dans le même temps,où trouver des livres dans les différenteslangues en usage dans les écoles ? Il

5 Où en est l’Enseignement au Congo ? 1960. p. 3.Bureau de l’Enseignement Catholique, B.P. 3258Léopoldville République du Congo.

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fallait les composer de toutes pièces, lesimprimer à grands frais, en des tiragesforcément réduits, puisque les languesvernaculaires citées plus haut n’avaientguère connu d’expansion hors de leur aire.Il fallut songer aux éditions adaptées pourl’enseignement du français.

Au demeurant, si enseigner sous unarbre le catéchisme et les premierséléments de lecture et de calcul était sansdoute concevable, un enseignementcomplet, même de degré primaire,exigeait des installations adéquates. Laplupart des postes de mission quihébergeaient des écoles ne commencèrentd’être construits en matériaux définitifsqu’après la crise économique des années30 et le krach boursier de 1929 à NewYork.

Pour la période coloniale, on peutparler de l’enseignement avant et après laseconde guerre mondiale : en effet, letaux de scolarisation qui était de 12 % en1930-1934, passe à 37% durant la période1950-1954, avec 6% d’augmentationannuelle.

Fin 1959, pour une population de 5à 14 ans évaluée à 3.040.000 enfants,1.700.000 fréquentaient l’enseignementprimaire. Le taux de scolarisationatteignait 56 %. Le Congo se rangeait auxcôtés de l’Italie et du Chili. Il devançaitdes pays tels que l’Espagne, laYougoslavie, le Mexique, le Costa Rica etla Chine. Le pourcentage d’accroissementpassait de 6 à 10 %, plaçant la coloniebelge au premier rang du monde pourl’accroissement annuel des effectifsinscrits à l’enseignement primaire.6

On s’étonne du retard mis par laBelgique pour former des élites capablesde gérer l’État, comme la France auSénégal, la Grande Bretagne au Ghana,par exemple. L’école de type occidentaldate de 1816 au Sénégal et s’aligne sur lesprogrammes métropolitains en 1927, plusd’un siècle plus tard (111 ans !).L’enseignement universitaire comptait

6 Où en est l’Enseignement au Congo, o.p., p. 11.

476 étudiants en 1954 au Sénégal ;pourtant il y avait été introduit dans lesannées 30. Sans doute faut-il aussicompter les Sénégalais inscrits ausupérieur en France. Il faut noter qu’en1960, il n’existait que dix universités enAfrique ; 700 africains étudiaient àl’étranger, principalement en France, enGrande Bretagne et aux Etats-Unis.

Les deux décennies suivantes, quicoïncident en partie avec les "trenteglorieuses" européennes, verront lenombre d'enfants scolarisés en Afriquenoire être multiplié par 4 pour le primaire,par 6 pour le secondaire et par 20 pour lesétudiants des universités. C’est à ceniveau qu’apparaît la force du Congo quidisposait d’une base large et solidepermettant d’avancer rapidement versl’enseignement supérieur. Avec le rail quiouvrait son économie sur le monde etl’école, qui formait les cerveaux pourprendre en charge le développement, lepays disposait des deux atoutsgarantissant un avenir et une ouverture surle monde. Mais son avance au niveau del’enseignement primaire sur des paysd’Europe et d’Amérique aujourd’huiplacés sur l’orbite du développement,n’empêche pas de constater que le Congomanquait de cadres pour le promouvoir etle guider vers le développement et que,comme les autres pays de l’Afrique noire,il courait lui aussi le risque d’être "malparti", à l’indépendance : à la fois pour lesraisons générales que René DUMONTindiquait à ce sujet en 1962 dans sonlivre7, et pour les raisons spécifiques liéesà la colonisation du Congo, notammentcelle fort controversée de sa durée, dontles planificateurs les plus hardisn’envisageaient pas le terme avant 1980.8

La période post-coloniale

En dépit de son avance au niveaude l’enseignement primaire sur beaucoupde pays de la région et même sur certains

7 René DUMONT, L’Afrique noire est mal partie.Paris, éditions du Seuil, 1962.8 A.A. J Van BILSEN, Vers l’Indépendance duCongo et du Ruanda-Urundi. Kinshasa,P.U.Z./CEDAF, 1977 (2ème éd.).

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pays d’Europe et d’Amérique, le Congone disposait que d’une poignée dediplômés universitaires en 1960. Lescadres pour promouvoir le pays et leguider vers le développement espéré,faisaient cruellement défaut.

Ce fait ajoutait certainement àl’instabilité qui semblait être la marquepermanente du pays et son signeparticulier dès les premières heures de ladécolonisation. Former aussi rapidementque possible et en abondance, desressources humaines de qualité était doncdésormais la mission de l’école. Maiscelle-ci ne pouvait remplir cette missionsans être réformée. En effet, il ne fait pasde doute que l’école avait été organiséepour former les auxiliaires dont lacolonisation avait besoin. Ledéveloppement ne constituait pas sonordre du jour et l’indépendance n’avaitpas encore transformé les colonies en payssous-équipés ou sous-développés. Auplan juridique et structurel,l’enseignement colonial, avec sesdifférentes composantes (écolesofficielles, officielles congréganistes,libres subsidiées et écoles des sociétés),devait devenir un enseignement nationalcomportant des réseaux (officiel,catholique, protestant, kimbanguiste,islamique). Au plan pédagogique, lapolitique éducative devait se concentrersur la formation des cadres moyens etsupérieurs dont le pays manquait le plus.

Le temps des réformes

La réforme juridique

L’enseignement national procédaitde la Constitution de Luluabourg (quiremplaça, en 1964, la loi fondamentale de1960). Elle entérinait un principe déjàadopté dans les faits : l’enseignementnational était sous-tendu par les principesde démocratie, de pluralisme, de libertéd’initiative et de nationalisme. Sesdifférents réseaux étaient soumis auxexigences de : l’application d’unprogramme national unique commun àtoutes les écoles ; l’instauration d’uneinspection d’État pour le contrôle

administratif et pédagogique de tous lesétablissements scolaires ; et à partir de1967, un examen d’État sanctionnant lafin des études secondaires.

La brochure Pour un enseignementnational catholique9 publiée par le BECen 1963 et officiellement assumée parl’Assemblée des Évêques du Congocontribue à préparer les esprits à adoptercette législation unifiée. Bien qu’admisepar tous, cette option ne pouvait seréaliser sans accroître de manièresignificative le nombre de classes etd’enseignants, partant les ressourcesfinancières que lui consacrait l’État. Lavolonté politique ne pouvait suffire à elleseule. L’aide bilatérale, dont celle de laBelgique et du Canada en particulier, etl’aide multilatérale comme celle du FondsEuropéen de développement et d’autresorganismes, fournirent à cet égard unappui inestimable par l’assistance enpersonnel spécialisé, l’octroi de boursesde spécialisation et les infrastructuresmatérielles.

En rapport avec l’unification desréseaux, "l’africanisation fut l’autrepréoccupation de la réforme :africanisation des structuresadministratives, des agents et descontenus de l’enseignement."

La réforme pédagogique

En 1961, l’UNESCO réunit tous lespays africains à Addis-Abeba. LaConférence décida de rendre effectifs, envingt ans, la généralisation del’enseignement primaire, le déploiementproportionnel de l’enseignementsecondaire général, technique et normal,pour donner une impulsion décisive àl’enseignement supérieur. Dans cetteperspective, une commission de réformede l’enseignement secondaire au Congofut mise en place sur une base trèslargement participative.

À l’issue des travaux de lacommission, l’enseignement secondaire

9 Pour un enseignement catholique national.Léopoldville, Concordia, 1963.

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fut divisé en deux cycles : un cycled’orientation de deux ans, d’une part, etquatre années de formation en sectionsspécialisées, d’autre part.

Il fut décidé :

d’imposer le français comme seulelangue d’enseignement (au degréprimaire) ;

de prolonger la scolarité au niveausecondaire ;

d’aligner l’enseignement des filles surcelui des garçons ;

d’ouvrir le contenu de l’enseignementaux réalités culturelles africaines.

"Le Programme nationald’urgence" amena l’ouverture de milliersde classes du cycle d’orientation, lerecrutement d’inspecteurs etl’organisation de stages pour les maîtresen exercice. Dans cette réforme, lacréation des Instituts SupérieursPédagogiques, qui ne furent d’abord quedes écoles normales moyennes destinées àformer les enseignants qualifiés pour lesclasses du cycle d’orientation, fut uneétape décisive et prometteuse. (ISP-Kinshasa, 1961 ; BOMA transféré ensuiteà MBANZA-NGUNGU, 1963 ;BUKAVU, 1965 ; KIKWIT etLUBUMBASHI, 1966 ; BUNIA etMBUJI-MAYI, 1968).10

La Zaïrianisation et la crise del’enseignement

En 20 ans, le Congo est parvenu àformer une élite intellectuelle suffisantepour son développement : ingénieurs,médecins, juristes, professeurs et danstoutes les facultés universitaires, deschercheurs dans la plupart des disciplines.De l’école primaire à l’université, leCongo avait relevé le défi de prendre enmains son système éducatif, au point decommencer déjà à redouter un "exode descerveaux", que la crise engendrée par lesdeux chocs pétroliers des années 1970 etles mesures de zaïrianisation allaient de

10VERHEUST Th., Les études supérieures enRépublique Démocratique du Congo. Kinshasa,BEC.

plus en plus révéler et aggraver. À partirdes années 1973-1974, comme ce fut lecas pour l’économie, le système éducatiffut démoli par une étatisation mal étudiéeet mal appliquée. Tous les efforts et tousles acquis furent ébranlés :

a) Tous les enseignants devinrent desfonctionnaires de l’État : finis lescontrats ; finis le recrutement et lagestion personnalisée qui tiennentcompte de la compétence et desvaleurs de vie de l’enseignant ;

b) Tous les inspecteurs devinrent desfonctionnaires : finie l’action au ras dusol des inspecteurs diocésains,sillonnant les espaces de leursattributions ;

c) L’État devint le seul pouvoirorganisateur des écoles : finis lesréseaux scolaires protestant, catholiqueet autres … ; finies les responsabilitésdes partenaires efficients ;

d) Les jeunes cessèrent d’apprendrel’utilisation de leur intelligence et deleur volonté pour le vrai et le beau, …Les futurs dirigeants ne distinguentplus le vrai du faux, le beau du laid, lesmérites par l’effort et la chance,finalement le bien du mal. Le risque deles voir évoluer en marge de toutsystème éducatif devint rapidementréalité ;

e) La réussite aux examens s’achètecontre espèces sonnantes. Les élèves,les parents, les enseignants et lesfonctionnaires de l’éducationsuccombèrent au jeu de la corruption.

L’étatisation du système éducatiffut une erreur grave et tragique. Dans unsursaut de survie de la nation, elle futdénoncée en 1991-1992 par la ConférenceNationale Souveraine (CNS), forum quiréunit 2.800 délégués et qui prit l’optionde rompre avec l’ordre de la IIème

République pour un nouveau départ dupays. En matière d’éducation, desprincipes, des orientations et des optionslimpides, dynamiques et cohérentes furentarrêtés par ce forum et précisés en 1996par les États Généraux de l’Éducation. LaCNS a établi une Charte de l’éducation

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que les États Généraux de 1996 ont traduiten Projet du nouveau système éducatif quia notamment consacré comme optionsfondamentales : l’éducation, priorité despriorités (1), l’éducation pour tous (2), lepartenariat éducatif avec les 5 réseauxd’enseignement (3), la profession-nalisation de l’enseignement (4),l’éducation aux valeurs humaines,morales et spirituelles et civiques (5),l’intégration des valeurs culturelles (6), ladécentralisation de la gestion (7),l’éducation permanente (8), la lutte contreles inégalités en matière d’éducation (9) etl’éducation physique et sportive (10).

Ce projet avait pour horizon unesociété démocratique fondée sur lesvaleurs éthiques de liberté, d’égalité, deresponsabilité, de justice d’une part et surles valeurs de modernité s’exprimant entermes d’efficacité, de rentabilité, decompétitivité, d’organisation rationnelle,d’autre part et enfin sur les valeurs de laconnaissance : un savoir conduisant ausavoir-faire pour culminer dans le savoir-être et impliquant rigueur intellectuelle,sens critique, autocritique et créativité.

La situation de l’enseignement aujour-d’hui

La RD Congo compte 65 millionsd’habitants. Les effectifs scolairesdevraient être de 27 à 28,2% d’enfants (5à 14 ans) de la population congolaise. Ilsétaient seulement de 8.839.888 scolarisésau primaire en 2006-2007, soit 51%.11 Cetaux est très en deçà de celui de 1959 etsans comparaison avec celui de 1987-1988. Le recul est impressionnant. Ladémission de l’État dans ce domaine estévidente. Elle a contraint les parents àprendre partiellement en charge lessalaires des enseignants et lefonctionnement des établissements.

On comptait 829 étudiants dans lesdeux universités de Kinshasa et deLubumbashi en 1959. En 2002,l’enseignement supérieur comptait

11 R.D.C.-Projet PASE, annuaire statistique del’enseignement primaire, secondaire etprofessionnel, Année scolaire 2006-2007. Kinshasa,2008, p. 19.

200.000 étudiants12. L’année scolaire2008-2009 a reçu 408.000 élèvescandidats au diplôme d’État13.

Le pays parait beaucoup plus fournien ressources humaines qualifiées qu’àl’époque coloniale, singulièrement aumoment de l’indépendance. On seraittenté de dire que les objectifs de laréforme engagée dans les années 60 ontété atteints. Cela serait vrai si les indicesobjectifs de développement qui lui étaientimplicitement associés et doncexplicitement attendus, pouvaient êtreaussi lisibles que cette abondanceapparente des ressources humaines.L’échec relatif est notamment imputable àla zaïrianisation, aux pillages et auxguerres.

Dans l’Enseignement Supérieur etUniversitaire (ESU), la moyenne d’âgedes professeurs est de 52 ans. Le métiern’attire plus les jeunes et la relève poseproblème dans certaines facultés.

Les infrastructures scolairesinsuffisantes et vétustes et inégalementreparties selon les provinces ne permettentpas de faire face à la demande descolarisation. Pour une capacité d’accueilde 28.483 étudiants, les gestionnaires del’ESU doivent rivaliser d’imaginationpour gérer des effectifs de plus de 120.000étudiants. L’interruption brutale de toutecoopération structurelle et l’embargoauquel le pays est resté soumis de 1990 à2003, les pillages et les guerressuccessives que connaît le pays depuis1996 n’ont fait qu’aggraver la situation.Pour beaucoup de jeunes congolais,l’accès à une éducation de qualité nepasse pas prioritairement, comme il sedoit, par l’école.

La CNS a dénoncé les méfaits de lazaïrianisation et donc du régime deMOBUTU. Les travaux de ce forum ontcontribué à éveiller la conscience desCongolais quant à leur situation et à

12 Banque Mondiale, Le renouveau du systèmeéducatif de la République Démocratique du Congo :Priorités et alternatives, janvier 2005.13 Référence Plus du 23 juin 2009 parle de 414.132candidats. Un an plus tôt, il y en avait 378.222.

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ouvrir leur esprit sinon leur volonté à laprise en mains totale de leur destinée.

On ne sait si les Occidentaux, leurspartenaires dans le développement, ontapprécié les conclusions de la CNS,notamment en matière d’éducation,d’autant que, pour certains observateurs,ces assises prenaient parfois des allures detribunal contre les dirigeants politiques etleurs soutiens extérieurs.

L’attitude globale de rejet prise par"les gouvernements de libération" d’après1997 (soutenus notamment par lesAméricains) ne laisse pas penser quel’expérience de la CNS pouvait avoirquelque chance d’inspirer une quelconqueaction future. Il y a, du reste, une sorte dedichotomie entre la bienveillance affichéepar les partenaires occidentaux vis-à-visde la CNS et la décision de ces derniers derompre toute coopération structurelle avecle Congo/Zaïre la veille de ces assises. Entout état de cause, les gouvernementssuccessifs issus de l’AFDL (Alliance desForces Démocratiques pour la Libération)n’ont jamais pris en considération l’écoleet ses produits. Ils n’avaient pas deprogramme de développement ; ils nepouvaient en effet ignorer l’école et sesproduits, s’ils en avaient un. La Charte del’éducation conçue par la CNS reste dansl’état où l’ont laissée les États Générauxde l’Education : un Projet du nouveausystème éducatif qui attend une mise enœuvre.

Il est vrai que l’école ne seprésentait déjà plus elle-même commemoteur et facteur de développement. Elleapparaît à certains égards, comme un freinau développement du pays. Certainsestiment et pensent même démontrer quel’école, singulièrement l’université, estcontre le développement au Congo-Kinshasa14. Les contenus desenseignements, les méthodespédagogiques et le mode de contrôle desconnaissances permettent-ils d’affirmer demanière générale et sans autre nuance(idéologique) que l’école "forme

14 La thèse est notamment soutenue par EmileBONGEELI, Vice-Premier Ministre duGouvernement.

seulement à obéir et à reproduire ce qui aété défini ailleurs" et non à penser par soi-même et à initier dans de nouvellesvoies ? Il y a certainement un dévoiementde l’école par rapport aux objectifs de laréforme de 1961 et par rapport auxvaleurs prônées par la charte del’éducation de la CNS, quelles que soientses performances ou contreperformances,l’école reste pour la société un instrumentde sa reproduction.

La baisse du niveau d’études, lacorruption, le mythe des diplômes (àconquérir par tous les moyens, mêmesans grande valeur), tout cela quin’apporte rien au développement du paysn’est pas le fait de l’école seule mais aussiet principalement de la société et de sagouvernance. Évidemment la fuite descerveaux n’y contribue pas davantage. Eneffet, partie de loin, la RD Congo estparvenue à fournir, à certaines universitésréputées du monde, des professeurs devaleur qui n’ont eu ni l’occasion ni letemps de se rendre utiles à leur proprepays. L’université doit-elle encore sezaïrianiser ? Certes, le développementquantitatif a nécessairement conduit à unebaisse significative de la qualité del’enseignement. La baisse du niveau desétudes a porté préjudice aux bénéficiairesdirects de cet enseignement, élèves etétudiants. Il y a néanmoins des collèges etdes lycées qui tiennent leur place et quicontinuent à donner un enseignement trèsvalable pour des études de niveausupérieur et universitaire. De ce point devue, le vide des années 60 a été biencomblé15 .

Conclusion

Instrument de reproduction de lasociété, l’école postcoloniale tend às’éloigner des objectifs et des modèles del’éducation de la période précoloniale :elle contribue de plus en plus à unapprofondissement des inégalités là oùl’éducation traditionnelle se présentaitcomme le bien commun de toute lasociété dont nul enfant n’était privé.Option fondamentale de la CNS,

15 Martin EKWA, s.j., L’école trahie. ÉditionsCADICEC, 2004.

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"l’éducation pour tous" est un objectif quiva de pair avec celui d’une écoleperformante. Celle-ci exige dans la sociétédes dirigeants qui ont le souci de lapromotion de toute la population. Ladécolonisation a exploité les forces detransformation sur la base des principesuniversels appris à l’école. Le mouvementde démocratisation suppose et appelle unrelèvement du niveau scolaire de lapopulation.

Une réforme en appelle souvent uneautre. La réforme de l’enseignementengagée dans les années 1960 devait àcoup sûr en amener une autre avant laCNS, si la zairianisation et son cycle deradicalisations, de rétrocessions et deretour en arrière n’avaient fini pardéplacer le sens des priorités chez lesCongolais, en installant le discours et lapensée uniques de la IIème République. LaCNS aurait sans doute dû intervenir plustôt, en ce qui concerne l’éducation, pourdénoncer la politique ou l’incurie de laIIème République en cette matière. On esten effet en droit de se demanderaujourd’hui pourquoi le système éducatifproposé par la CNS n’a même pas connuune tentative de réalisation quinze ansaprès. Les excuses existent, la plusavouable étant les guerres imposées del’extérieur, qui laissent peu de temps à laréflexion sur les autres problèmes de lanation. L’éducation des enfants n’apourtant jamais été sacrifiée dans d’autresrégions du monde où sévissent desconflits armés, des combats politiquesâpres et impitoyables.

En réalité, la volonté politique pourbâtir un nouveau système éducatif a plutôtété absente. Peut-être les propositions,pourtant acceptées avec enthousiasme parla CNS, ont-elles été finalement jugéestrop nationalistes par ceux qui, hors de ceforum, étaient appelés à les mettre enœuvre. Dans le contexte de cette réforme,qui reste plus que jamais d’actualité, laplus importante à entreprendre, en termed’urgence, est sans doute celle de l’école

primaire et conséquemment, celle deshumanités pédagogiques destinées à laformation des enseignants de l’écolefondamentale. C’est la condition d’un bonpassage au secondaire, au supérieur et àl’université. C’est sans doute à ces deuxderniers niveaux que la rupture de lacoopération structurelle de 1990 avec lespartenaires les plus significatifs du tempsde la réforme a causé les plus grandsdommages, du moins les plus visiblesdans l’enseignement du Congo. C’estpourquoi la réforme de l’école primaireest l’étape la plus urgente. Sous réserved’actualisation du projet de la CNS et desÉtats Généraux de l’éducation, le nouveausystème éducatif doit participer audéveloppement et à la mise en valeur desressources humaines, en les aidant àprendre une part active à la création de larichesse nationale, à la vie politique de lacollectivité, à satisfaire leurs besoinsculturels pour mener une vie digne.

Reste la question centrale de lagouvernance par rapport aux produits del’école d’aujourd’hui. À cet égard, si unplan précis plaçait, à la tête de chacun desgroupements de nos campagnes et desquartiers de nos villes, les jeunesdiplômés (actuellement condamnés auchômage), avec la mission de veiller à laproduction agricole, de soutenir les unitésindustrielles, petites ou grandes, deprotéger l’environnement, (chasse etpêche), de favoriser les initiatives despopulations, de prendre en mainl’alphabétisation des adultes, même lesmoins performants des diplômés del’enseignement supérieur et universitaireseraient d’une grande utilité. Ils seraientdes agents précieux pour la mise en valeurd’immenses potentialités dont nous noustarguons, non sans raison ; ils pourraient,étant sur le terrain, en contact avec laréalité vécue, fournir à nos centres derecherche, menacés de tourner à vide,matière à diverses études et analyses pourla gestion et le développement de nosvilles et de nos campagnes (MartinEKWA s.j., École trahie, op. cit.).

Martin EKWA bis Isal s.j.

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Évolution de l’organisation politique, territoriale et administrativedu Congo de 1960 à ce jour

NDLR : le texte ci-dessous se situe dans le même cadre que le précédent : il reprendl'exposé donné le 2 mars 2010 à la Maison Africaine de Bruxelles.

e voudrai d’abord dire merciaux membres du Comité decoordination de l’opinion

congolaise de la diaspora, au président del’Union Royale belge pour les paysd’outre mer, UROME en sigle et à laMaison Africaine pour l’occasion quim’est donnée de pouvoir m’exprimer ences lieux nantis de souvenirs mémorablespour la plupart des cadres qui assumentaujourd’hui les hautes charges de l’État enAfrique, et surtout, de le faire en présencedes acteurs belges et congolais de terrainencore en vie. J’insiste sur ce dernieraspect parce que je suis convaincu que leterreau de la génération de cesconnaisseurs du Congo est en train de tarirdans l’ancienne métropole. Comprenezalors que les incompréhensions soientfréquentes entre nos deux pays. Enattendant de remédier à cet état de choses,c'est donc avec plaisir et grand intérêt quej’ai accepté de prendre la parole du hautde cette tribune pour tenter d'apporter mamodeste contribution à la problématiquede l’organisation politique, administrativeet territoriale de la RD Congo.

Il est sûrement difficile de dissociercette question de celle de ladécentralisation, car, comme vous leconstaterez plus loin, les lois qui régissentces deux matières sont la plupart du tempsles mêmes. La question qui nous estproposée comme thème principal d’oùdécoule mon exposé de ce jour est lasuivante : indépendance du Congo,rupture ou continuité ? Je fais remarquer,d’entrée de jeu, qu’elle soulève en moiquelques appréhensions et me met devantun choix dialectique tout en m’enfermantdans une voie sans alternative. Souvenez-vous, en passant, du fameux "Avantl’indépendance égale aprèsl’indépendance". Je suis convaincu que laRD Congo paie aujourd’hui, commeHaïti, le prix d’avoir fait un choix nonnégocié. Et je n’ai pas l’intention de dire

ici à qui la faute et m’arrête là. Cependant,je pense, s’agissant du thème central denotre cycle de conférences, que laquestion plausible aurait été celle desavoir quelle nouvelle perspective leCongo indépendant aurait imprimée à sonorganisation politique, territoriale etadministrative, de façon à nous permettrede procéder mutuellement à un "Droitd’inventaire".

En tout état de cause, si j’ai dit quela question principale soulevait desappréhensions, c‘est parce qu’en toutelogique, l’ancienne colonie Congo Belgedevenue République du Congo, puis RDCongo, République du Zaïre par la suite,et enfin, à nouveau RD Congo, avaitchangé de statut depuis le 30 juin 1960 etque ce changement impliquaitnaturellement rupture avec les formesd’organisation étatique destinées àl’expansion et à l’exploitation coloniales,là où celles-ci ne correspondaient plus auxenjeux nationaux et aux objectifs d’unpays souverain et en développement. Celane veut pas dire que l’on devrait inventerl’eau chaude. Mais, cela signifiesimplement qu’un effort de créativité etd’inventivité devrait être fait par les élitescongolaises dans le sens de laréhabilitation réfléchie de la perspectivehistorique relative à l’organisation dessociétés pré-coloniales et del’appropriation maîtrisée du destincommun à imprimer au cadre étatiquenational nécessairement endogène. Desauteurs plus compétents ont pris positionsur ce sujet ; certains ont recommandé denaviguer entre deux eaux ; d’autres ontsuggéré de respecter l’historicité de laSociété africaine en expérimentant lesstructures des États multi-ethniques envue de restaurer ou d’emprunter certainséléments pertinents des nations pré-coloniales appelées communément"ethnies". Ce sont les auteurs tels queMUDIMBE, Ki-ZERBO, NGOMA

J

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BINDA, Achille MBEMBE,TSHIYEMBE MWAYILA, ElikiaMBOKOLO, MAMOUDOU GAZIBO ouautres ZELEZA, que vous connaissezsûrement.

Au lieu de faire un survolhistorique harassant des multiplesréformes entreprises depuis 1960 dansmon pays, je vais compléter les propospertinents de mon alter ego, Louis deCLERCK, alias Tshitoko, en m’efforçantde résumer les contextes, les enjeux, lesapproches et les objectifs qui ont présidéaux différentes tentatives demodernisation de l’administrationterritoriale en RD Congo, à partir du 30juin 1960. À cet effet, mon exposé estsubdivisé comme suit : 1. État des lieux(de la Loi constitutionnelle et des lois surl’organisation politique, territoriale etadministrative du Congo ; enjeux et défisde la nouvelle organisation politique,territoriale et administrative et de ladécentralisation en RD Congo16 ; quelleperspective pour la décentralisationcongolaise ?; recommandations, stratégieet actions à mener) ; 2. Conclusion ; 3.Repères bibliographiques.

État des lieux

De l’État Indépendant du Congo, de1885 à 1908, à la renaissance de la RDCongo en mai 1997, par suite denombreux bouleversements d’ordrepolitique, le pays a changé plusieurs foisde dénomination. À chaque dénominationde notre pays correspond non seulementune période particulière de son évolutionpolitique, mais surtout desbouleversements très profonds qui ontmarqué son histoire chahutée.L’organisation de la période de telle

16 Synthèse de l’auteur de l’article de PhilippeBiyoya MAKUTU : Congo-Kinshasa : défis etenjeux de la décentralisation, 7 Août 2009 ; plus lescompléments audit article tirés de ses conférencesintitulées : "La démocratie par la constitution et lesélections. Cas de la RD Congo" et "Laproblématique des réformes administratives et dedécentralisation en RD Congo. Esquisse d’uneapproche systémique" ; "Le découpage territorial enRD Congo ou la politique de la charrue devant lesbœufs", in Cahier des sciences administratives, en2008.

dénomination ne ressemble qu’en peud’éléments à celle de la périodeprécédente, tellement les réformes ont étédiverses et parfois, profondes.

Un principe élémentaire demanagement public voudrait que de laconjonction de l’accomplissement desdevoirs et de la jouissance des droits, desuns et des autres, résulte le bonfonctionnement des institutionsterritoriales. Qu’en a-t-il été au Congoindépendant ? C’est la question à laquelleje vais tenter de répondre.

L’organisation territoriale que leCongo Belge a léguée à la RD Congo en1960 comprenait les circonscriptionsadministratives déconcentrées : lesprovinces, les districts et les territoires, etles circonscriptions administrativesdécentralisées : les circonscriptionsindigènes dans le milieu rural et lescentres pré-urbains d’une part et les villeset les communes dans le milieu urbaind’autre part. La décentralisationterritoriale avait été introduiteformellement dans l’organisationadministrative de notre pays d’abord lorsde l’institution des "Centres Extra-coutumiers" par le Décret du 23 novembre1931 et ensuite dans le milieu rurallorsque les circonscriptions indigènes ontété instituées en 1933 par le décret du 6décembre 1933. Mais la décentralisationappliquée à ces entités administratives"pour les indigènes", régies depuis le 10mai 1957 par un seul texte, était limitée ;elle était en fait hybride. Par la suite, ladécentralisation territoriale fut appliquéedans tous ses principes fondamentaux auxagglomérations urbaines lors del’institution des villes composées descommunes en 1957, comme entitésadministratives décentralisées de droitcommun et surtout lors de la réforme dustatut des villes et des communes réaliséepar le décret du 13 octobre 1957. Lesvilles et les communes congolaises ont étédonc le premier champ d’expérimentationde la véritable décentralisation territorialedans notre pays, depuis 1957.

Au regard de différentes tentativesde réformes effectuées en RD Congo,

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l’organisation politique de la Républiquedu Congo, du 30 juin 1960 au 31 juillet1964 et celle de la RD Congo, du 1er août1964 au 24 novembre 1965, n’ont passurvécu aux bouleversements continuelset nombreux des institutions politiques dela République du Zaïre pendant la IIème

République jusqu’au 17 mai 1997. Depuisle 27 mai 1997, l’organisation politiquerésultant du Décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif àl’organisation et à l’exercice du pouvoiren RD Congo était tout à fait différente decelle que nous avait léguée la IIème

République. Par contre, l’organisationadministrative et territoriale héritée de lacolonisation a résisté et survécu auxnombreuses réformes administratives tantopportunes qu’inopportunes opéréesdepuis le 30 juin 1960.

La résistance aux réformesinopportunes est plus marquante lorsqu’ils’agit de l’adaptation de l’organisationterritoriale héritée du Congo Belge àl’organisation politique inspirée par desconsidérations idéologiques qui ontcaractérisé particulièrement la IIème

République. Cette résistance estessentiellement constituée par lesinstitutions urbaines et communales.L’avant-avant dernière réforme desstructures territoriales du pays, qui a faitl’objet de la loi n° 95-005 du 20 décembre1995 portant décentralisation territoriale,administrative et politique de laRépublique du Zaïre pendant la(première) période de la transition, permetde confirmer cette observation. Cette loi aété publiée au journal officiel n°1 du 1er

janvier 1996, mais diffusée à la fin del’année 1996. La dernière réforme del’organisation territoriale pendant la(deuxième) période de la transitionconsacrée par le Décret-loi n° 081 du 2juillet 1998 portant organisationterritoriale et administrative de la RDCongo corrobore aussi cette affirmation. Ilfaudrait aussi noter que l’influencepersistante du modèle administratifcolonial n’est pas caractéristique de laseule RD Congo. Elle est observée, à desdegrés divers, de par le monde, dans tousles pays ayant connu dans leur histoire, la

colonisation sous une forme ou sous uneautre.

Dans l’ensemble, les réformes del’administration territoriale, de l’ÉtatIndépendant du Congo à 1998, paraissentinspirées de manière générale plus par desmotivations économico/politiques que pardes mobiles d’ouverture démocratique oude la prise en compte de la participationdu souverain primaire aux décisions leconcernant. L’on observe, par ailleurs, du"yo-yo" déroutant dans les choix dedécoupages territoriaux et du changementquasi permanent d’appellations. C’est direque toutes ces réformes ont été abordéessuivant des approches juridico-structurelles et ne procédaient pas d’unancrage social indispensable dans lesmilieux dans lesquels elles sont opérées. Ilest donc normal qu’elles n’aient apportéaucun changement, dès 1965, dans le vécuquotidien du peuple qui ne s’y reconnaîtpas nécessairement.

De la Loi constitutionnelle et desLois sur l’organisation politique, terri-toriale et administrative du Congo

S’il est admis par principe que lamatière relative à l’organisation politique,territoriale et administrative ou de ce quel’on qualifie communément de politiquede "décentralisation" d’un pays relèved’une loi, il est aussi établi que lesprincipes de son édiction soient levés dansla Loi fondamentale. C’est ce qui s’estpassé en RD Congo. Dans ce domaine, encinquante ans d’indépendance, la RDCongo a battu tous les recordsd’instabilité et a consommé 11constitutions au total, soit une moyenned’au moins deux constitutions tous lescinq ans :- de 1960 à 1967, deux constitutions. Laloi fondamentale du 19 mai 1960 relativeaux structures du Congo et la constitutiondu 1er août 1964, appelée constitution deLuluabourg. C’est cette constitution qui adonné la dénomination : "RépubliqueDémocratique du Congo" à notre pays.- du 24 juin 1967 au 5 juillet 1990, troisconstitutions révisées pratiquementsuivant l’humeur du Maréchal (24 juin1967 et 15 août 1974, 1er janvier 1983 et

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la dernière constitution de la 2ème

République est celle résultant de la loicontroversée du 5 juillet 1990, lors dudémarrage du processus démocratique).- de 1992 à 2003, l’organisation del’exercice du pouvoir pendant la périodede la transition a été régie par cinqconstitutions successives (trois lors de lapremière partie de la transition et deuxdurant le pouvoir AFDL et 1+4).- en 2006, il s’est agi de la onzièmeconstitution de la RD Congo, la loifondamentale élaborée par les Belgescomprise et la deuxième qui a été adoptéepar référendum, après celle de Luluabourgen 1964.

Les conditions dans lesquelles ceréférendum s’est déroulé avaient soulevédes critiques virulentes desconstitutionnalistes et autres politologues.Auguste MAMPUYA KANUK’ATSHIABO, professeur de droit de sonétat, pense par exemple que les optionsconstitutionnelles retenues en 2006éloignent la RD Congo du seuil d’un Étatde droit, atteint depuis la CNS en 1992 etque les textes adoptés ont pour mission decristalliser et de fixer pour longtempsencore, dans les normes autant que dansles mécanismes constitutionnels, despratiques contraires aux principesdémocratiques et éthiques (séparation etlimitation du pouvoir, contrôleparlementaire et juridictionnel, bonnegouvernance et éthique politique) ; sapeur est de voir, pour une énième fois,élaborer une constitution pour en avoirune, mais qui ne sert qu’à "arranger ladévolution du pouvoir et le statut desdirigeants". On se contente, d’après lui, duformalisme constitutionnel pour sacrifieraux apparences. Dès lors, il conclut que cesimple édulcorant, ce placebo, ne peutguérir le mal sans s’attaquer à ses racines,ses vraies causes.

Par rapport aux réformesterritoriales amorcées depuis sonaccession à la souveraineté nationale etinternationale, on peut estimer que laRépublique du Zaïre, redevenue RDCongo, a connu des fortunes diverses ence qui les concerne. Les contextes précisdes processus de réformes des premières

années d’indépendance et de la deuxièmeRépublique sont ceux de la guerre froide,du chaos administratif provoqué par ledépart précipité des fonctionnaires belgesde la colonie, des luttes intestines pour leleadership, de la lutte contre lacontamination communiste en Afriquecentrale et Australe, des deux guerres duShaba/Katanga (1977 – 1980), de lafronde parlementaire de 1979-1980, etbeaucoup plus près de nous, des"massacres des étudiants du campus deLubumbashi" qui avaient entraînél’isolement diplomatique du pouvoir deKinshasa et la suspension de lacoopération structurelle, d’abord avecl’ancienne métropole, et ensuite, avec lesautres partenaires bilatéraux etmultilatéraux et du vent de la perestroïkaet des consultations populaires initiées parfeu le Président MOBUTU, le 14 janvier1990. D’autres situeraient les mêmesbesoins de réforme, en ce qui concerne lepouvoir MOBUTU, aux années 70 où destimides révisions de la Constitutionavaient été opérées par le nouveaupouvoir, abusivement prétendu"révolutionnaire", qui venait d’être secouépar des frondes estudiantines de 1969 et1971 connues de tous.

S’agissant des lois relatives àl’organisation politique, territoriale etadministrative de la RD Congo,proprement dites, on en a dénombré dixavant la IIIème République, soit de 1967 à1998, étant donné que le découpage de1962 à 1963 a été opéré à la suite de larévision de la Loi fondamentale. Ilfaudrait retenir d’emblée que,conformément aux constitutionsdesquelles elles tirent leurs substances, leslois dont il est question ci-dessus ontservi respectivement à consacrer des"roitelets" lors de la gestion des Pères del’indépendance, à consolider lapersonnalisation du pouvoir et àinstitutionnaliser le MPR durant le longrègne du Maréchal du Zaïre, à procéder aupartage équitable et équilibré du pouvoirpendant la première partie de la longue etlaborieuse transition, à récompenser lessoutiens des "fausses guerres" delibération et à instituer un type

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d’administration nouveau, dénommé CPP,au cours de la seconde moitié de latransition ; enfin, les récentes ont servi àremercier ceux qui ne se sont pas abstenusde voter en 2006-2007, en ce qui concernela troisième République.

Comme il sied de le constater,l’ouverture démocratique etconséquemment la réorganisationpolitique, territoriale et administrative dupouvoir d’État se sont opérées auZaïre/Congo sous la pression desévénements politiques circonstanciésinternes et externes et non d’une manièreprogrammée et intelligente. C’estpourquoi, les lois promulguées à cet effet,ont contenu, expressément, des vices deconception, des lacunes nombreuses et desécueils préjudiciables à une bonneadministration territoriale décentralisée. Ilne s’agit ni plus ni moins que d’uneinstrumentalisation éhontée d’unetechnique d’administration ayant fait sespreuves partout ailleurs. Il est, parailleurs, clairement établi que lefonctionnement du mécanisme officiel del’État a été durement éprouvé etparticulièrement désarticulé au cours de lapériode dite de la "Transitiondémocratique", soit de 1990 à 1997, quis’est arrêtée net, un certain jour, le 17 mai1997, avec la prise de pouvoir parLaurent-Désiré KABILA. Cette prise depouvoir et la nouvelle période detransition, de 1997 à 2006, n’ont pascorrigé cet état de choses. Que ducontraire.

Suivant la Constitution du 18février 2006, la RD Congo s’estrésolument définie comme un Étatunitaire fortement décentralisé. L’article 2précise que : "La RD Congo est composéede la ville de Kinshasa et de 25 provincesdotées de la personnalité juridique".L’article 3 stipule que : "Les provinces etles entités territoriales décentralisées sontdotées de la personnalité juridique et sontgérées par les organes locaux". Et puis :"Ces entités territoriales (ville, commune,secteur, chefferie) jouissent de la libreadministration et de l’autonomie degestion de leurs ressources économiques,humaines, financières et techniques". Il

ressort de cette nouvelle constitution quela RD Congo s’organise à travers descollectivités territoriales. Mais lacollectivité dite "Province" est présentéecomme étant distincte des autrescollectivités dites "entités territorialesdécentralisées". En effet, si l’article 3reconnaît à toutes les collectivités lapersonnalité juridique, ainsi quel’autogestion (elles sont gérées par lesorganes locaux), les articles 201 à 205définissent précisément les matièresrelevant de la compétence exclusive despouvoirs provinciaux, celles relevant de lacompétence concurrente et celles relevantde la compétence exclusive du pouvoircentral. Concrètement, la nouvelleconstitution institue deux niveaux depouvoirs, le pouvoir central et le pouvoirprovincial ; dans l’entre temps, elleindique trois acteurs publics manifestementdotés de la personnalité juridique et de lalibre administration, à savoir la Province,le Pouvoir central et l’Entité territorialedécentralisée qui constitue une collectivité"autonome" au même titre que la Province(article 3). À l’évidence, la constitution de2006 procède d’un rude compromis entreles partisans de l’État unitaire et lespartisans de l’État fédéral. Ce vieux débatdivise les Congolais depuis 1960 et aproduit quelques tentatives significativesen 1982 – Loi VUNDOAWE - et en 1993(Acte constitutionnel harmonisé). S’il yavait du moins une certaine continuitédans le domaine, le Congo n’en serait pasà l’édiction des nouvelles lois dedécentralisation, mais à de simples amen-dements contextuels.

Quelques nouvelles lois dedécentralisation, sur onze prévues, ont étépromulguées par Joseph KABILA, le 1er

août 2009, et au début de cette année, leParlement congolais vient d’adopter, aumois de janvier dernier, celle relative auxsubdivisions au sein des provinces quiviennent s’ajouter à la panoplie de ces"chefs d’œuvre" de courte durée. Il s’agitde :- la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008portant principes fondamentaux relatifs àla libre administration des Provinces ;- la Loi organique n°08/015 du 7 octobre

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2008 portant modalités d’organisation etde fonctionnement de la conférence desGouverneurs de province ;- la Loi organique n°08/016 du 7 octobre2008 portant composition, organisation etfonctionnement des Entités territorialesdécentralisées et leurs rapports avec l’Étatet les Provinces.

Il convient d’ajouter à ces textes delois, les textes réglementaires relatifs à lamise en œuvre de la décentralisation prispar le gouvernement :- décret n°08/06 du 26 mars 2008 portantcréation d’un Conseil national de mise enœuvre et de suivi du processus dedécentralisation en RD Congo ;- l’Arrêté d’organisation et defonctionnement de la cellule Techniqued’appui à la décentralisation.

La loi organisant la Conférence desGouverneurs institue les présidents, 1er

vice- président et 2ème vice-président, tousmembres de l’exécutif, et qui ne font paspartie des entités décentralisées ; LesGouverneurs dont on pense recueillir lesavis se contentent du rôle desecrétaire/rapporteur ; celle promouvantl’autonomie des provinces contient desdispositions attentatoires aux principesélémentaires de décentralisation, du genrede l’interdiction faite aux entitésdécentralisées de recourir à l’empruntextérieur. En ce qui concerne lamultiplication de nouvelles provinces,probablement qu’elle ne se produira plusdans l’immédiat, s’il faut considérer lesderniers rebondissements. Légalement, ondevrait partager le Congo en vingt-sixprovinces dans trente six mois, à dater du18 février 2006.

Pourtant, le découpage territorialenvisagé par la RD Congo devrait êtreressenti comme une opportunité car iloffre des avantages si l'on prend encompte les dimensions continentales dupays qui se situent à 2.345.410 Km²,estime le sénateur Jacques MBADUNSITU, ancien gouverneur du Bas-Congo, qui avait fait une importanterestitution devant les députés et lessénateurs un certain lundi 8 octobre 2008dans un exposé intitulé : "Problématique

du découpage territorial de la RD Congo :opportunité et avantages - faiblesses - aviset considérations". Il affirme que plusieurspays, moins vastes que le nôtre, ontrecouru à cette technique pour unemeilleure gestion de leur espace national.À titre d'exemple, il cite : la France qui,avec 550.000 Km², environ quatre foismoins que la RD Congo, est découpée enplus ou moins 100 départements ouprovinces, en 341 arrondissements outerritoires, en 4.039 cantons ousecteurs/chefferies et en 36.783communes ou groupements. L'Allemagnequi, avec 357.050 Km², environ sept foismoins que la RD Congo, moins vaste quela province de l'Equateur qui mesure(403.282 Km²), est pourtant découpée en16 Régions/Länder ou Provinces, en 26districts ou territoires et en 16.127communes (secteurs ou chefferies). Vusous cet angle, dit-il, la décentralisation al'avantage de rapprocher l'administrationde l'administré, d'associer lescommunautés de base dans la gestion dela cité à travers des organes élus, dotésdes pouvoirs spécifiques propres, dans desmatières telles que définies dans laConstitution.

Il indique, par ailleurs, que laprovince Orientale actuelle, la plus vastede la RD Congo avec ses 503.293 Km²,est aussi vaste qu'un pays commel'Espagne et dépasse de loin le Cameroun(475.442 Km²) et la Suède (449.964Km²). Les Provinces du Katanga et del'Equateur, avec respectivement 496.877Km² et 403.282 Km², sont de loin plusétendues que le Japon (377.801 Km²), laCôte d'Ivoire (322.462 Km²) et l'Italie(301.278 Km²). Le Bandundu, qui a295.580 Km², supplante le Royaume Uni(244.100 Km²) et la Roumanie (237.500Km²). Le Kasaï Oriental, le KasaïOccidental et le Maniema, avecrespectivement 169.886 Km², 156.967Km² et 132.250 Km² de superficie, sontplus vastes que les pays suivants : laCorée du Nord (120.538 Km²), la Coréedu Sud (99.221 Km²) et le Portugal(92.072 Km²). Le Sud-Kivu, le Nord-Kivuet le Bas-Congo avec respectivement69.130 Km², 59.483 Km² et 53.920 Km²

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dépassent largement les Pays-Bas (34.182Km²), la Suisse (41.418 Km²) et laBelgique (30.518 Km²). La ville deKinshasa est, avec ses 9.965 Km², troisfois plus étendue que le Luxembourg(2.586 Km²).

Avec toutes ces données, on nepourrait que soutenir l'opération dudécoupage en RD Congo qui, à mes yeux,est une opportunité, car elle vise à corrigerla situation qui fait de la RD Congo unpays aux provinces trop vastes,difficilement gérables et a l'avantage derapprocher les gouvernés des gouvernants.Toutefois, cette opportunité présente desfaiblesses dans la mesure où le découpageprojeté a pour socle la transformation desanciens districts en provinces, excepté leBas-Congo. On a l'impression que l'on n'apas tenu compte des critères objectifs deviabilité des nouvelles provinces à créer.En effet, il n'y a eu ni recensement despopulations, ni consultation préalable despopulations concernées, ni inventaire desressources disponibles dans chaqueprovince à créer, ni consolidation dusentiment du vouloir-vivre collectif, niformation des experts et animateurs de laTerritoriale. Bien plus, on n'a pas non plustenu compte des infrastructuresadministratives, du redéploiement desfonctionnaires, des moyens financiers àmobiliser pour appliquer ladécentralisation, des textes réglementaireset du renfoncement des capacités degestion. Cela a pour conséquence quecertaines provinces à créer manquentpresque de tout. On peut se demanderalors si le seul critère qui consiste à fairedes anciens districts des provinces suffitpour asseoir le découpage territorial.

Même là, il y a à redire dans lamesure où la province Orientale, la plusvaste des 11 provinces du pays, ne seradécoupée qu'en quatre provinces. LeKatanga, avec une superficie de 496.877Km² et 8.949.000 habitants, n'alignera quequatre provinces alors que celle del'Equateur avec 403.292 Km² et 6.414.000habitants en disposera cinq. L'actuelleprovince de Bandundu, avec 295.580 Km²et 7.018.000 habitants, ne sera subdiviséequ'en trois provinces au même titre que le

Kasaï Oriental, deux fois moins étendu(169.886 Km² et 5.421.000 habitants). Lasuperficie de la nouvelle Province duKasaï Oriental créée avec ses 9.481 Km²,est moins étendue que la ville-province deKinshasa qui a 9.965 Km² et entre plus de5 fois dans la Province actuelle du Bas-Congo qui, elle, a 53.920 Km². D'autrepart, la configuration de certainesnouvelles provinces créées repose sur descritères purement ethniques. Certains casne manquent pas d'intérêt. Il s'agitnotamment des provinces ci-après : leKasaï Oriental est exclusivement pour lesBaluba ; le Kabinda pour les Basonge ; leSankuru pour les Batetela ; le KasaïCentral pour les Lulua ; le Nord-Oubangipour les Ngbandi et j’en passe … Commeon le voit, si le découpage est uneopportunité et offre des avantages à mêmede favoriser le développement en RDCongo, cette projection ne semble pasrégler la problématique de la gestionterritoriale du pays ; au contraire, ellecrée plus de problèmes qu'elle n'en résout.Ce qui est sûr, c'est que dans la mesure oùl'on n'a pas pris en compte des critèresobjectifs pour découper certainesprovinces, il va inévitablement se poserdes problèmes dans l'application duprocessus.

Concernant les enjeux de la réformede décentralisation et le découpageadministratif et territorial, on en retientgénéralement trois majeurs, à savoir :

a) la stabilisation du système politique etadministratif ;b) la dynamisation des économies locales ;c) l’enjeu socioculturel qui se situe auniveau de la reconnaissance des initiativesindividuelles et de groupe, de lavalorisation des ressources humaines, dusavoir et du savoir-faire au niveau local.

À cet égard, le ProfessuerKABEYA TSHIKUKU, de la RD Congo,dans un article très fouillé, démonte un àun les spécieux arguments avancés selonlesquels, au Congo, on veut, avec cesnouvelles lois sur le découpageadministratif, rapprocher l’administrationde l’administré ou que c’est dans le but deresponsabiliser la base sur la question de

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développement que l’on procède à ladécentralisation et me permet ainsi deconclure mon développement à ce sujet.En effet, partant de l’exemple du KasaïOriental découpé en trois provinces, ilaffirme, je le cite : "Une provincen’épanouit pas les citoyens en vertu de lalocalité choisie pour héberger sonadministration. Mais bien grâce à laqualité des hommes et des peuples quil’habitent, et à la quantité des ressources.Et davantage grâce au vouloir-vivreensemble qui anime les individus et lescommunautés.

Enfin, grâce à l’expérience et à lacompétence des dirigeants, et grâce àl’énergie imaginative de ces derniers". Ilpoursuit en affirmant que l’on va, avec cedécoupage territorial, vers plus dedétresse, car les défis sont légion et il enretient une demi-douzaine, à savoir : "i)résurgence du réflexe identitaire partout ;ii) hypothèque sur la paix civile dansl’ensemble du pays ; iii) recrudescence dela sensibilité aux inégalités ; iv)fragmentation de l’espace économique etperte des économies d’échelles ; v)exiguïté des provinces comme espaces dedéveloppement et vi) coût élevéd’interminables déménagements etemménagements des administrations etdes individus". Son atterrissage est assezéloquent, je le cite à nouveau : "À lalumière des exigences financières etmanagériales du prochain découpageadministratif, l’impression tend às’imposer que cette opération estsimplement un rêve inaccessible". Auxdernières nouvelles, sa prédiction, commerelevée plus haut, est en train de seconfirmer.

Enjeux et défis de la nouvelleorganisation politique, territoriale etadministrative et de la décentralisationen RD Congo17

Le Dialogue de Sun City à vocationde mettre en place un nouvel ordrepolitique et institutionnel avait eu pourentre autres missions, de résoudre le

17 Synthèse de l’auteur de l’article de PhilippeBIYOYA MAKUTU, voir supra.

conflit régional en RD Congo, dans sadouble dimension africaine et congolaise ;ce qui comportait l'exigence derefondation de l'État et de la Républiqueautrement que par le passé, sur unenouvelle répartition des compétencesadministratives en complément de cellecommencée, en 1982, au Kivu.Naturellement, le nouvel État post-électoral ne serait souverain et negarantirait le renforcement de l'Unité et dela Solidarité nationale que si le pouvoird'État était préalablement re-territorialisé,étant donné que les guerres d'agression etles rébellions armées avaient réussi àdécoupler le territoire géographique dupouvoir d'État, partition née et dépendantedu rapport des forces de belligérance.

La décentralisation pour gérer cenouveau contexte politique national ne sedéfinirait pas seulement comme un moded'organisation et de gestion administrativede l'État par transfert, délégation à unecollectivité publique locale ou à unorganisme spécialisé, d'une partie de sespouvoirs dans certaines matières. Elledevrait et doit intégrer le besoin de lareconstruction d'une nouvelleconfiguration territoriale interne par ledevoir d'une paix institutionnelleimpossible dans les conditions de carenced'État, de dilution de la souveraineténationale et du danger de partition de faitde la nation. Ce qui ne signifie nullementmorcellement et ghettoïsation, maisrationalisation du découpage et fédérationdes territoires en vue d’affronterefficacement les nouveaux défisoccasionnés par les crises dont questionplus haut.

La décentralisation, à cet égard,serait avant tout un processus derefondation, mieux de reconstruction del'État et de la nouvelle république. Ladécentralisation devrait dès lors traduire lavision d'une gouvernance stratégique depaix, c'est-à-dire être une politique auservice d'une grande ambition deréappropriation par les Congolais de leurdestin national. Un tel dessein politique nese réaliserait que par l'invention d'unnouveau système de gouvernancepolitique globale construisant son

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efficacité sur sa capacité de résoudrepacifiquement désormais les problèmes defond et les crises sociétales, de fonder saforce sur sa capacité de tirer les leçons detoute l’histoire tumultueuse et de bâtirl'avenir institutionnel national sur sacapacité de prévention et de la volonté decontrer à jamais des menaces à sa paix età sa sécurité par ses propres efforts.

La décentralisation ainsistratégiquement perçue aurait pour butavoué de participer à la construction de lapuissance nationale par une gouvernanceà objectif de décolonisation et delibération de l’espérance nationale de lapesanteur coloniale qui aura réussi àrendre infructueuses toutes velléités deréforme. Si les institutions politiques ontl’air de fonctionner en RD Congo, iln'apparaît pas encore de ruptures avec leslogiques de pouvoir du passé mobutien etde la transition de partage du pouvoir pourle pouvoir ; et la nation en tant que sociétécivile ne connaît aucun dynamisme. Danstous les cas, l'exhibitionnisme politiquedes vainqueurs des électionsdémocratiques rime trop bien avec lesavatars de l'immobilisme institutionnelatavique.

La nouvelle division territoriale etadministrative en RD Congo aurait eupour visées de réussir lareterritorialisation du pouvoir par une plusgrande participation citoyenne à ladéfense du territoire ; une modalité decontrôle de gestion de nos frontièresinternationales par l'éveil de l'esprit de ladéfense nationale, en même temps que ladémocratie recherchée devrait fonctionnercomme un impératif de défense et non unesimple redistribution du pouvoir. Il seserait agi d’une démocratie alternatived’échelle et endogène, épousant lescontours d’une société multiethniquefragmentée. Pour cela, l’on devrait élargirla base de la représentation sociologiqueau débat politique, faire bouger les lignesdes "enjeux fondateurs" des crises,démocratiser les processus detransformation et procéder à une sorte dedroit d’inventaire en vue d’uneréconciliation consciente, pour espérer

instaurer un jour une véritable démocratieauthentique en RD Congo.

L'objectif même du développementnational, dont l'impulsion ou les centresd'impulsion viendrait de la base, nousoblige à une gouvernance économique quis'assure de notre capacité à demeurer uneéconomie libre dans le nouveau contextede la mondialisation - régionalisation.Comment économiquement nousautodéterminer lorsque l'espace nationalse trouve inséré dans l'espace régional etdans l'espace mondial en l'absence sur leterritoire des espaces nationaux depromotion de l'économie régionale et del'économie mondiale ? Je rejette lemessage économique de la guerred'agression et des rébellions arméesconsistant à partager nos ressources avecnos voisins et de créer avec eux desespaces ou zones de croissance et deprospérité communes sans réelle mise encommun des ressources et de destins, telqu’il a été relayé par une certaineopinion ; mais je pense plutôt qu’on peuteffectivement régionaliser notre économienationale. Cela n'irait pas sans emprise surl’accentuation confirmée de l'économieinformelle, économie de résistance, sanslaquelle le dépeuplement du Congo auraitété accéléré et dont les maillons fortspourraient être transformés en petites etmoyennes entreprises viables etfiscalisables.

La participation politique despopulations locales au processus dedécentralisation suppose avant toutl'engagement à renoncer au régimed'accumulation du pouvoir pour lepouvoir à la base, de la tendanceconfirmée à la tyrannie de la majorité etau pouvoir personnel ou à la dictature desoligarques/vainqueurs des élections et desrégimes de représentations. Cedésengagement politique doit se faire auprofit d'un nouveau projet national degouvernance décentralisée etdémocratique qui suppose la croissancepolitique et institutionnelle des partispolitiques ; la délocalisation du combatpolitique du centre vers la base et ladémultiplication des espaces publics ; uneréelle autonomie administrative et

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financière des entités décentralisées etl'institution d’une pratique diversifiée deconsultation politique et d'association à lagestion de la chose publique des forcesnationales compétentes de toute la nationen vue d'une capitalisation au maximumdu potentiel national.

Le contexte confus et particulier dudéroulement des récentes élections en RDCongo, la tyrannie de la majoritéprésidentielle dans la quasi-totalité desorganes délibérants tant nationaux queprovinciaux, me confortent dans laconviction selon laquelle l’objectifpremier de l’organisation politique,territoriale et administrative n’a pas étéatteint, et il ne le sera pas pour si tôt, auvu de la dérive autocratique qui s’instauredans mon pays. La question dudéveloppement est aussi battue en brèche,vu les agendas cachés et l’approchepoliticienne adoptée pour décentraliser leCongo, et surtout si l’on tient compte desrelents de re centralisation affichés demanière ostentatoire par le pouvoir centralde Kinshasa.

Quelle perspective pour la décentrali-sation congolaise ?

À mon avis, il est impératif qu’au-delà des dispositions juridiques en courset envisagées, des mécanismes techniqueset des instruments managériaux plausiblessoient, au préalable, implémentés à la baseafin de témoigner de cette volontépolitique de reconnaître le pouvoir dedécision et de gestion aux collectivitéslocales. En plus, il est de bon aloi quel’expérience du découpage de l’ancienKivu soit évaluée avant de se lancer dansune nouvelle aventure.

L’on devrait, par ailleurs,conformer impérativement, en matièred’approche et non de modèle, le processusen cours aux standards internationauxéprouvés, et dissiper, en amont, lesfaiblesses institutionnelles etorganisationnelles que recèlent lesstructures étatiques et territoriales envigueur. Les faiblesses du cadreinstitutionnel et organisationnel en placeen RD Congo consistent en :

a. niveau institutionnel :

- la présence des entités territoriales peuviables (cités, territoires, communesurbaines) ;

- la carence des organismesd’accompagnement de la décentra-lisation, une sorte de conseil national dedéveloppement des collectivités locales,des intercommunaux, etc. ;

- conflits de compétences entre villes,communes et territoires ;

- faible participation de la population à lagestion provinciale et locale à travers lesorganisations communautaires de base etenfin ;

- faiblesses sur le plan de l’exercice descontrôles de légalité, de contrôlebudgétaire et de contrôle démocratique.

b. niveau organisationnel :

- les faiblesses concernent lagestion administrative, la disponibilité dupersonnel qualifié et la modicité desbudgets des collectivités locales dues à larigidité de la fiscalité locale ;

- l’absence de formation, de lacoordination et le manque des agencesspécialisées ;

- la réticence et la résistance dugouvernement central à mettre en placeune véritable décentralisation ou unsystème véritablement fédéral et à laisserles collectivités jouer pleinement leur rôleen matière de planification, de gestion etde suivi des activités dont les compé-tences leur ont été formellementtransférées.

En plus des faiblessesorganisationnelles et institutionnelles ci-dessus, il y a aussi les carences du cadreprovincial de pilotage et de coordinationdes politiques de développement, degestion et de coordination des aides etcelles du système d’informationsstatistiques, qu’il faudrait solutionner.

Il est aussi indispensable d’adopterune approche interactive globale ainsiqu’une stratégie "Bottom-up", à même deproduire des résultats directementpalpables, au lieu d’utiliser la procédure"Top down" en vigueur. Bref, il faut

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manager le processus en cours, au lieu dele gérer par décrets et directivesintempestifs du pouvoir central. Sinon, leprocessus de décentralisation en cours etle découpage territorial projeté en RDCongo seraient, dans ce sens, une entorseaux principes élémentaires demanagement.

Recommandations, stratégie et actionsà mener

La restructuration dans le cadre del’administration du territoire envisagéedans le contexte de la restauration del’autorité de l’État, du maintien de l’ordre,de la garantie et de la protection des droitshumains fondamentaux, de la protectiondes minorités et de la satisfaction desbesoins des administrés par les servicespublics, ainsi que de la réformeadministrative, passe par la stratégied’institutionnalisation des structures et lagénéralisation de la Commune, demanière à supprimer la dichotomie mondeurbain-monde rural. Il faudrait en plusopérer des réformes structurelles etfonctionnelles susceptibles de conférerune souplesse suffisante à l’organisationdu territoire de la RD Congo.

a. Stratégies

1. Institutionnaliser, autonomiser et démo-cratiser le processus de décentralisation ;

2. Budgétiser et intégrer la décen-tralisation dans les programmes socio-économiques pluriannuels dedéveloppement ;

3. Redéfinir clairement les missionsdévolues au Ministère ayant en charge lesaffaires intérieures et opérer une révisionconséquente de ses structures organiquespolitiques, administratives et spécialisées ;

4. Procéder à une institutionnalisationrelative des structures organiques au seindes six coordinations ayant titre de"Secrétariat général" ou "Directiongénérale". Dans la seconde alternative, lacoordination sera assurée par un ou deuxSecrétaires généraux. Il s’agira de :a) la Direction générale des affairespolitiques (DGAP) ;

b) la Direction générale des Organismesspécialisés du maintien de l’ordre(OSMO) ;c) la Direction générale de l’Admi-nistration du Territoire (DGAT) ;d) la Direction générale des EntitésAdministratives décentralisées (EAD) ;e) la Direction générale de la fonctionpublique Territoriale (FPT) ;f) Inspection Générale de l’AdministrationTerritoriale (IT).

5. Mettre sur pieds une Fonction PubliqueTerritoriale qui aura pour vocation derapprocher l’Administration Publique et leService Public des administrés, de gérer etde protéger le personnel de carrière desservices publics de l’État, particulière-ment les agents de l’autorité affectés dansles provinces ;

6. Renforcer la capacité et l’efficacité desservices publics des collectivités locales(cités, chefferies, secteurs) et lescommunes qui correspondent à ungroupement national des citoyens unis parune communauté d’aspirations et qui tiresa force de son unité sociologiqueconstituant ainsi le meilleur instrument dela décentralisation ;

7. Promouvoir l'"Entité ÉconomiqueDécentralisée" (E.E.D) comme instrumentde l’aménagement du Territoire ;

8. Promouvoir la compétitivité universelledans les villes sur base d’une part, d’unejustification quantitative suite à lacroissance démographique assez généraledes espaces urbains et d’autre part, d’unejustification qualitative par la réformeadministrative, les lois de décentralisation,la révision du concept légal de la ville, leslois de démocratisation ou defédéralisation, l’évaluation économiquegénérale, l’évaluation du rôle de l’État, lesréglementations mondiales, continentales,nationales, l’internationalisation ou lamondialisation des affaires… qui ontgénéré une véritable réévaluation faisantou nécessitant que les collectivitésurbaines deviennent des acteursautonomes de la vie économique. Cetteautonomie des acteurs ne peut seconcrétiser que par une mise en

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compétition économique des villes dumonde ;

9. Délocaliser la tutelle et les mécanismesdes voies hiérarchiques et relativiser leprincipe de l’unité de commandement ;

10. Revoir impérieusement l’échellestructurelle de l’organisation territoriale etprocéder au regroupement harmonieuxdes espaces géographiquement contigus ;

11. Redéployer à la base les effectifs,ainsi que les matériels et équipements.Dans cet ordre d’idées, les cadres decommandement relèveraient, comme pourla Fonction Publique, de l’Administrationcentrale, tandis que les autresdépendraient de l’Administrationprovinciale. On peut aussi envisagersimplement la mise sur pied d’uneFonction Publique Territoriale.

12. Réhabiliter le managementgestationnel au sein de l’Administrationde l’État et de la Territoriale et formaliserles circuits ainsi que les procédures detraitement des dossiers et del’information ;

13. Réinstaurer ou redynamiser lesinstitutions judiciaires et administrativesde proximité, de contrôle de conformité,de régularité et juridictionnel (parexemple : Cour des Comptes, Conseild’Etat, Conseils Supérieurs de discipline,Tribunaux administratifs, ConseilEconomique et Social …).

b. Actions à entreprendre etréformes à opérer

Comme actions à entreprendre, ilfaudra :

1. Revoir et actualiser le cadre juridiqueen vigueur pour mettre fin aux loisactuelles en tenant compte du contenu descompétences et des objectifs stratégiquesdes responsables des entités de base(décentralisées) ;

2. Réduire le nombre des entitésdécentralisées pour dissiper les désordres,les conflits de compétences, surtout enmatière fiscale, et concentrer les effortssur les échelons utiles ;

3. Revaloriser le statut de la Ville, de laCommune et de la cité pour en faire unebase réelle d’imposition. MutatisMutandis avec les Régions et lesCollectivités locales…

4. Mettre sur pied une Écoled’Administration en vue de la formationen cours d’emplois au profit du personnelpolitico-administratif dans les domainesde gestion, de fiscalité, du droitadministratif, du code pénal, del’Administration des Projets, du processusdécisionnel, du Commerce, des travauxpublics, etc. ;

5. Ériger une administration provinciale etlocale propre avec une carrière spécifiqueet bien organisée, basée sur l’emploi etnon plus sur la carrière ;

6. Élaborer des programmes pluriannuelsd’équipement et d’aménagement local duTerritoire ;

7. Allouer aux Entités locales des moyensde transport et de communicationadéquats ;

8. Revaloriser les carrières publiqueslocales par l’engagement (recrutement) depersonnes qualifiées et réévaluer lessalaires des Fonctions Publiques locales ;

9. Améliorer la collecte des ressourceslocales par la simplification du systèmefiscal local (réduction de la nomenclaturedes taxes provinciales et locales) pour seconcentrer sur un canevas des taxesessentielles et productives, unediscrimination devant être, cependant,opérée sur une palette d’autres taxessecondaires qui pourront répondre auxspécificités de telle ou telle autre entité ;

10. Appliquer le coefficient deprogression pour opérer la redistributionentre les ménages riches et les ménagespauvres ;

11. Améliorer l’élasticité des recetteslocales par l’introduction du système destaxes a valorem de manière à fairecorrespondre les recettes locales auxévolutions économiques et à celles dupouvoir d’achat du contribuable ;

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12. Réorganiser l’impôt financier en vuede tirer profit de sa validité économique,surtout en milieu urbain ;

13. Mettre sur pieds une Caisse nationalede péréquation pour assister les Entitésnon pourvues ;

14. Créer les institutions financières decrédits et légaliser les mécanismes desprêts aux conditions favorables pourpermettre aux Entités de base de financerconvenablement leurs projets dedéveloppement et ce, dans le contexted’une autonomie légale et juridique.

Conclusion

Mon propos n’est pas de fairel’apologie d’un type d’organisation parrapport à un autre ni d’avoir idéalisé lapériode pré-coloniale vers laquelle on seretournerait tête baissée. Mais, aprèscinquante ans d’existence, on est en droitd’exiger un "droit d’inventaire". Droitd’inventaire de ceux qui ont prétendunous apporter la civilisation ousimplement la modernité ; droitd’inventaire aussi de nous-mêmes quiavons voulu de l’indépendance ou del’émancipation en vue d’ériger au cœur del’Afrique, un État de droit ou un État toutcourt.

Concernant le cinquantenaire, jevais me permettre une digression utile, enreprenant ce qu’en pense AchilleMBEMBE : "Nous voici donc en 2010,cinquante ans après la décolonisation. Y-a-t-il vraiment quoi que ce soit àcommémorer ou faut-il au contraire toutreprendre ? Restauration autoritaire par-ci,

multipartisme administratif par-là, ailleursmaigres avancées, au demeurantréversibles, et, à peu près partout, niveauxtrès élevés de violence sociale, voiresituations d’enkystement, de conflit larvéou de guerre ouverte, sur fond d’uneéconomie d’extraction qui, dans le droitfil de la logique mercantiliste coloniale,continue de faire la part belle à laprédation. Globalement, les choses sontdonc plutôt bloquées, surtout en Afriquefrancophone où, les manipulationsélectorales et les successions de père enfils aidant, l’on peut dire que l’on vit, defacto, sous des chefferies masquées. Si lesAfricains veulent la démocratie et debonnes dispositions légales, j'ai presqueenvie d’ajouter, si les Congolais veulentde la décentralisation et des bonnesdispositions légales, c’est à eux d’enpayer le prix. Personne ne le paiera à leurplace. Ils ne l’obtiendront pas non plus àcrédit. Ils auront néanmoins besoin des’appuyer sur de nouveaux réseaux desolidarité internationale, une grandecoalition morale en dehors des États – lacoalition de tous ceux qui croient que,sans sa part africaine, notre mondedécidément sera plus pauvre encore enesprit et en humanité."

Fort de ces prédictions deMBEMBE, je terminerai donc monpropos par une note d’optimisme enparaphrasant Antoine de SAINT-EXUPERY :"La vérité de demain seconstruit avec les erreurs d’hier". À mescompatriotes, je dis aussi : "Intégronsdans toute nouvelle démarche lacorrection des erreurs d’hier."

Benoît-Janvier TSHIBUABUA-KAPY’A Kalubi, ingénieur-conseilDoctorand en sciences politiques/ULg, maître de conférences

Belgique 2010

Repères bibliographiques- Plusieurs écrits du Prof. Léon de SAINT MOULIN sur "l’histoire de l’organisation administrative

de la RD Congo ".- Young CRAWFORD : Introduction à la politique zaïroise. Kinshasa-Kisangani-Lubumbashi,

éditions universitaires du Congo. Traduit de l’anglais par Paul DUCHESNE, Bruxelles, C.R.I.S.P.35, rue du Congrès, 1968.

- MAKOLO JIBIKILAYI : Les villes et les communes en République Démocratique du Congo :quarante ans d’expérience : Bilan et nouveaux défis; 1857-1997 ; 1958-1998, Kinshasa XV/B.P.20.671, éd. de l’Association Congolaise des sciences administratives, octobre 2000.

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- Le prof. TSHIYEMBE MWAYILA a réfléchi sur "le découpage de la RD Congo en 26 provincesou sa régionalisation est à la fois un défi et une vulnérabilité".

- Le prof. MAMPUYA KANUNK’A Tshabu, Projet de constitution : copie à refaire. Le Potentiel.- Constitution du 18 février 2006.- Philippe BIYOYA MAKUTU : Congo-Kinshasa : Défis et enjeux de la décentralisation, 7 Août

2009.- Benoit-Janvier TSHIBUABUA KAPIA Kalubi, La démocratie par la constitution et les élections.

Cas de la RD Congo" et " La Problématique des réformes administratives et de décentralisation enRD Congo. Esquisse d’une approche systémique. " in Cahier des sciences administratives, 2008.

30 juin 1960 à Léopoldville …. Souvenir d'un témoin

e 30 juin 1960, j'étais, eneffet, à Kinshasa, alorsappelée Léopoldville et je

faisais partie de la communauté jésuite duCollège Boboto, dénommé alors leCollège Albert 1er et situé dans le quartierde Kalima, à proximité du bâtiment quivenait d'être aménagé pour le futurparlement, près de la place royale oùtrônait la statue du Roi LEOPOLD II.

À vrai dire, je n'étais pas membredu corps enseignant du collège, maisaumônier-conseil d'un mouvement socialfondé en 1956 et qui s'appelait en abrégéle "CADICEC", un centre de réflexionpour cadres dirigeants catholiquesd'entreprises installées au Congo.

La journée du 30 juin débuta pourmoi avec le Te Deum solennel auquel jepus assister à 9 heures. C'était à l'égliseNotre Dame du Congo, située sur l'avenuequi porte aujourd'hui le nom du 24novembre.

La cérémonie se déroula enprésence du Roi BAUDOUIN, arrivé laveille et accompagné de son Premierministre. C'était la toute dernièremanifestation organisée sous l'égide de laBelgique et c'est pourquoi elle se terminapar la Brabançonne. La proclamation del'indépendance était prévue à 11 heures.

Dehors s'était rassemblée une foulenombreuse qui ne manquera pasd'acclamer le souverain belge à sa sortiede l'église.

Une heure plus tard, tous ceux quidevaient participer à la séanceparlementaire où devait être proclamée

l'indépendance rejoignaient le palais de lanation. Je disposais d'une carte de presse àtitre de représentant de la revueCADICEC. Cela me permit de prendreplace dans la tribune réservée auxjournalistes et c'est de là que j'ai suivicette séance historique où la Belgiquemettait fin à sa mission de puissancecoloniale sur le Congo. Tout débuta avecle discours du Roi BAUDOUIN qui futsuivi par celui de KASA-VUBU, lenouveau président de l'État souverain duCongo.

Brusquement et contre toute attente,la parole fut donnée à PatriceLUMUMBA, Premier ministre. Et ce futla douche écossaise, avec un très sévèreréquisitoire contre la Belgique, l'accusantd'avoir traité la population avec mépris, envrai négrier. Ainsi la tristesse s'empara denombreux Blancs dans l'assistance,offensés par ces paroles discourtoises.L'indépendance, cela se sentait, semasubitement l'inquiétude pour l'avenir et leRoi, indigné par les propos deLUMUMBA, souhaita reprendre sans plustarder l'avion pour Bruxelles. Les autoritéscongolaises lui demandèrent de rester,promettant que LUMUMBA rendrait unhommage public aux Belges lors dudéjeuner prévu au programme. Ce qui futfait avec dignité mais sans pouvoirmalheureusement rétablir un climatpolitique serein au sein de l'assembléeinvitée au palais de la nation.

À 15 heures, face au buildingadministratif, se déroula un défilémilitaire en présence du président KASA-VUBU et du Roi BAUDOUIN.

L

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Cela dura 50 minutes, puis aussitôtaprès une limousine conduisit le Roi etson Premier ministre à l'aéroport deNdjili. En les voyant partir, les Belgesprésents au défilé n'eurent pas envie de lessaluer par des applaudissements d'adieu.Pour eux, la journée de l'indépendance seterminait mal, sans allégresse. Le ciel était

demeuré couvert depuis le matin, un vraiciel de saison sèche.

Heureusement, le soir, la cité futtrès animée, gratifiée d'un superbe feud'artifice "au pont" Cabu tandis que desmusiques trépidantes de multiplesorchestres régalaient le nombreux publicvenu dans les bars …

Père Vincent CHARLES s.j.

Poème du cinquantenaire de l’indépendance de la RD Congo :Patrice Emery LUMUMBA, notre Aufklärer 18

"Et je me demandais en vain ce que les Nègres avaient pu faireau diable et au béké pour être ainsi opprimés par l’un et l’autre"

J. ZOBEL, La Rue Case-Nègres, Présence Africaine, 1974.

ans ce pays immense et beau à souhait qu’éclaire le soleil qui brille de tous sesmille feux

Le Destin est venu à toi sous la forme d’une carrière météorique et tellementhaletanteOnalowa19, Stanleyville, Léopoldville, Lodi20, Bolombo21, Thysville,

ElisabethvillePoète aux paroles de braise lancées dans le ciel opaque de l’oppression et du mépris sournoisLe sceau de la Maât22 sur la langue, tu refuses d’endosser la bure de tous ces culs bénitsTu te dresses contre ce monde inhibiteur de créativité historique de la noire humanitéTa voix puissante égrène les souffrances infligées à l’Afrique noire à travers les sièclesComme ce jour-là à Léo la Capitale et dans un torrent d’émoi patriotique galopant si viteQuand ta syntaxe et ton élocution qui se gaussent de l’orthoépie et de l’orthophonieallogènesPsalmodient avec audace un tableau saisissant de toutes nos souffrances sous l’occupation"Traite ", déportation massive, exploitation, colonisation, aliénation, razzias, apartheidEthnocidation des sociétés globales, génocides non reconnus, oppression rationnelleCulture et religion ignorées ou persécutées, négation anthropologique et ontologique

Durant tant de jours, ton combat prend un chemin escarpé à flanc de montagneTon combat pour une émancipation immédiate et non maquillée en opération cosmétiqueTa lutte pour la dignité, la liberté et l’identité propre du grand Congo de tes AncêtresLa force qui émane de toute ta personne, ta prescience et tes paroles meublent nos âmesMerveille que tu es, merveille que l’héritage légué au Congo, à la Nigritie et au MondeMoscou, Pékin, Haïti, Ghana, Soweto, Santiago de Cuba, Harlem, Conakry, Ile de GoréeDéconcerté devant la sémantique de ton discours et devant la vivacité de tes réparties

18 Mot d’origine allemande utilisé ici dans le sens de " Guide, éclaireur ".

19 Localité de naissance de P.E. LUMUMBA où est érigé un mini-monument à la gloire du héros.20 Localité du territoire de Mweka où fut arrêté LUMUMBA par le Colonel MPONGO.21 Localité du territoire de Dekese dont P.E. LUMUMBA a foulé le sol avant de retraverser le Sankuru vers Lodioù son épouse et ses enfants étaient aux mains du Colonel MPONGO.22 Maât est la divinité de la vérité, la justice et la rectitude dans la religion et la culture de l’Egypte négro-antique.Selon la thèse dite de l’antériorité, l’Egypte antique et nègre bénéficie des pratiques civilisationnelles du sud.

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L’ennemi gonflé comme une grenouille vaniteuse soudoie ses laquais compradoresAlors te voici en butte à une démonisation ou à une satanisation médiatique et planétaireLe nationaliste défenseur des intérêts du peuple est décrété communiste par l’ennemiTon activisme pour l’émancipation est assimilé à une activité antireligieuse et athéeVendu par les tiens auxquels, comme le Romain César, tu dis : Ata bino bandeko ba ngai 23 !Te revoici, dès potron-minet, condamné à une irrémédiable et cruelle mort, à une funeste finSacrifié en pleine force de l’âge sur l’autel des intérêts géostratégiques néocoloniauxDont tu as démonté allègrement les concussions et les multiples et abjectes avaniesUMHK24, alors séditieux holding minier et fief de la si sinistre Cinquième ColonneAinsi ton élégante silhouette dissoute dans un fût d’acide sulfurique vient à quitter ce mondeVers l’empyrée des héros de la Nigritie et du monde près de l’Incogniscible Onyashongo25

NKRUMAH, le CHE, NASSER, MAO, SÉKOU TOURÉ, KABILA père, MALCOLM X,Th. SANKARA, CABRAL

Onalengo26, mon Ami Unique, tu es à tout jamais l’œil et le bras de tout un peupleTes paroles continueront de couler en nous comme l’intarissable flot énergisant de MaâtElles tissent l’herméneutique de la condition politique, économique du Congo et de l’AfriqueTu as donné un limon à la psyché et à l’inconscient collectif des Congolais et des AfricainsTon nom s’auréole à présent d’un prestige inégalé, magique, indéboulonnable et universelTon assassinat politique reçoit, dans la postérité, une interprétation religieuse inattenduePatrice Emery LUMUMBA est attendu encore par tous ses partisans comme un Messie noir

Mais vois comment aujourd’hui ton Congo est pillé et truandé, radié et désarticulé, ruinéCongo territoire abandonné aux instincts et à l’appétit gourmand des prédateurs de tout poilColtan du Kivu, diamant du Kasai, or de Kilo Moto, métaux du Katanga, pétrole de MoandaPour libérer le Congo, nous nous ressourçons tous sous ton ombrelle épistémologiqueAimer le Congo et l’Afrique jusqu’au sacrifice de soi-même est une leçon pour nous tousVive le Congo de nos Ancêtres à jamais uni ! Vive l’Aufklärer Patrice Emery LUMUMBA !

Dr TEDANGA Ipota Bembela

FONDATION Père EVERARD

Nous renouvelons notre appel à la générosité des donateurs en faveur de laFondation Père EVERARD qui aide les étudiants démunis du Tiers-Monde aux étudesen Belgique.

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Grand et cordial MERCI de la part du CACEAC et de tous les bénéficiaires.

23 Le lingala "Ata bino bandeko ba ngai !" se traduit par " Même vous, mes frères ! "24 Union Minière du Haut Katanga.25 Un des noms attribués à Dieu en otεtεla, langue maternelle de P.E. LUMUMBA.26 L’otetela "Onalengo" se traduit par "Mon frère ; Fils du pays".

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P E R S P E C T I V E S E T P O L I T I Q U E

Afrique/Haïti : le bilan en clair-obscurdes indépendances en postcolonies noires (I)

"Maître de son destin, maître de ton destin, cher Togo, mon cher pays, te voilà libre, enfin27."

omme l’atteste cette citation, les indépendances africaines se sont fêtées, diteset vécues avec enthousiasme, soulagement et fierté. Elles se sont célébrées enchœur, dans les corps et les cœurs, avec exubérance et lyrisme. L’Afrique et les

Africains annonçaient un nouveau monde, une nouvelle vie, une nouvelle coopération et unnouvel homme. Ce fut un moment d’aboutissement victorieux, non seulement desrevendications identitaires, mais aussi d’une figure universelle qu’est l’égalité de tous leshommes.

Les leaders africains se voyaient en outre un destin commun d’anciens peuplesoccupés aujourd’hui autonomes : "Nous re-dédions maintenant notre action à la lutte pourémanciper les autres pays car l'indépendance du Ghana n'a aucun sens, tant qu'elle n'est pasliée à une libération totale du continent africain28", disait NKRUMAH en 1957. Ces leadersdevaient aussi combattre des dominations endogènes au continent tout en préservant desrapports parfois paternalistes avec d’anciennes puissances coloniales. C’est ce qui apparaîtdans la déclaration de MOKTAR Ould DADDAH en 1958 : "Au moment où la France nousdonne le droit de nous gouverner nous-mêmes et de nous déterminer librement, je dis non auMaroc ! Mauritaniens, nous étions. Mauritaniens, nous sommes. Mauritaniens, nousresterons !"29.

Les problèmes économiques que connaît actuellement l’Afrique suite à la dépendanceextérieure de ses économies étaient aussi déjà (pres)sentis et connus à cette époque oùprévalait une certaine ambiguïté entre le besoin d’indépendance et le besoin d’assimilationcivilisationnelle avec les puissances coloniales. Philibert TSIRANANA déclara en effet :"Nous considérons qu'il vaut mieux avoir une indépendance bien préparée, car uneindépendance politique anticipée nous conduirait à la dépendance la plus atroce qui soit, ladépendance économique. Nous continuons à faire confiance à la France et comptons sur legénie français pour trouver, le moment venu, une formule comparable à celle duCommonwealth britannique. Car, nous Malgaches, nous ne voudrons jamais nous séparer dela France. De culture française nous sommes, et nous voulons rester français.30"

Par contre, d’autres Africains étaient plus intransigeants et impatients par rapport auxpuissances coloniales. Ils ont beaucoup pesé sur la transition de leurs pays à l’indépendance :"Nous ne renonçons pas et nous ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel àl'indépendance. Il n'y a pas de dignité sans liberté : nous préférons la pauvreté dans la libertéà la richesse dans l'esclavage", dit SEKOU TOURE en 1958 dans un désormais célèbrediscours prononcé lors de la visite du Général de GAULLE à Conakry. Ahmadou AHIDJO,quant à lui, avertissait ses compatriotes du caractère incessant du combat de conquête de saliberté en ces termes : "Camerounais, Camerounaises, le Cameroun est libre et indépendant.L'indépendance et la liberté sont des biens qui se conquièrent et se reconquièrent chaquejour.31"

27 Sylvanus OLYMPIO, 27 avril 1960, Cérémonie d'indépendance du Togo.28 KWAME NKRUMAH, mars 1957, Discours sur l'indépendance du Ghana.29 MOKTAR Ould DADDAH, 25 février 1958, Réponse au discours de Mohammed V.30 Philibert TSIRANANA, 29 mai 1958, Discours à l'Assemblée nationale française.31 Ahmadou AHIDJO, 1er janvier 1960, Discours sur l’indépendance du Cameroun.

C

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Les indépendances africaines annoncèrent donc l’homme nouveau et une vie nouvelleobligatoirement meilleure pour l’Afrique et les Africains car, comme le disait PatriceLUMUMBA : "La République du Congo est proclamée et notre pays est aujourd'hui entre lesmains de ses enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons entamer un nouveaucombat, un sublime combat qui conduira notre pays à la paix, la prospérité et la grandeur.Ensemble, nous allons établir la justice sociale et assurer que chacun reçoive le justepaiement de son travail32." Ces mêmes leaders n’étaient pas naïfs quant à l’ampleur de latâche qui les attendait en tant que guides des nouveaux États indépendants. En conséquence,JOMO KENYATTA avertit : "Beaucoup de gens pensent que nous avons atteint l'Uhuru [laliberté, en kiswahili], que le soleil de la liberté brille, que la richesse tombera comme mannedu ciel. Moi, je vous dis que rien ne tombera du ciel. Nous devons travailler dur de nosmains pour sortir de la pauvreté, de l'ignorance et des maladies.33" Un des moyens pour s’ensortir était donc l’union de l’Afrique à laquelle appela un autre digne fils africain commesuit : "Je voudrais vous rappeler ce qu'un grand Américain a dit un jour: 'Unis nous restonsdebout, divisés, nous nous effondrons'. Cette affirmation est valable pour le Nigeriaaujourd'hui comme pour n'importe quel autre pays.34"

En 2010, un long chemin a été parcouru depuis ces déclarations d’intentions. Les Étatsafricains existent et font même déjà des dons à d’autres États en crise humanitaire.

En effet, la RD Congo a apporté une contribution de 2,5 millions de dollars à l’aideinternationale en faveur des Haïtiens frappés par le violent séisme du 12 janvier 2010. LePremier ministre congolais, Adolphe MUZITO, a remis la contribution de son pays auReprésentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RD Congo, Alain DOSS. Selon lePremier ministre congolais, ce geste humanitaire de solidarité et de compassion du peuplecongolais envers le peuple haïtien, "frère et ami", est aussi un geste de gratitude envers lacommunauté internationale qui a posé d’autres gestes en faveur du peuple congolais dans lesmêmes circonstances, notamment les crises humanitaires consécutives à la guerre. Lacontribution de la RD Congo a été remise au représentant du Programme des Nations uniespour le Développement (PNUD), qui la transmettra au siège des Nations Unies. Dans lemême ordre d’actions, le gouvernement camerounais a annoncé l'octroi d'une "assistancefinancière" d'un million de dollars en faveur d'Haïti et signale que les soldats camerounaistravaillent déjà aussi sur place dans des actions de sécurisation et de sauvetage. Au momentoù nous écrivons ces lignes, l’Union africaine réfléchit à une possible terre à proposer àcertains Haïtiens qui souhaiteraient partir d’Haïti pour l’Afrique.

En dehors de la catastrophe douloureuse de plus de 200.000 morts à laquellerépondent les gestes du Cameroun, de la RD Congo et d’autres pays africains aux côtés desgrandes puissances et de la communauté internationale, des pays africains ont, une fois n’estpas coutume, montré au monde entier que ceux qui sont généralement dits pauvres et trèsendettés, peuvent aussi donner, en confirmant ainsi que quand il y en a pour un, il y en apour deux. Ces gestes de solidarité venant du Sud et, surtout, d’une l’Afrique noire classéeau bas de l’échelle des indicateurs du développement, montrent par ailleurs que l’une desgrandes réalisations africaines de ces cinquante ans d’indépendance est surtout l’existenceconcrète d’États africains qui, théoriquement, ont les mêmes droits et devoirs que les autresdans le système international d’États. Ce n’était pas le cas avant les indépendances de 1960.Ces temps-là étaient encore ceux des expositions universelles de Bruxelles et de Paris où lesNègres, l’Afrique et leurs mœurs étaient objets du divertissement des "civilisés" en mald’exotisme. C’était des temps où les Occidentaux méprisaient des ailleurs dont l’être et lalogique de vie étaient dits "sauvages". Maintenant des frontières tangibles et reconnues, desdrapeaux, des hymnes nationaux, des nationalités et des Constitutions existent. Ce sont les

32 Patrice LUMUMBA, 30 juin 1960, Discours de l'indépendance du Congo.33JOMO KENYATTA, 12 décembre 1964, Discours lors de la commémoration de l'indépendance du Kenya.34 Abubakar TAFAWA BALEWA, Discours radiophonique diffusé au Nigeria.

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premiers faits symboliques et tangibles du réel succès des souverainetés nationales enAfrique.

Si la richesse financière du Nord fait qu’il monopolise pratiquement le champhumanitaire et de l’aide au développement qu’il gère par un cartel d’ONG et de Fondationsrichissimes, il semble que ceux qui souffrent le plus, l’Afrique en l’occurrence, puissentaussi investir ce champ, non de façon capitalistique, mais de façon plus "travaillistique" etempathique, car leurs conditions de vie quotidiennes les prédisposent à un humanitaire moinsinstrumental, même si celui-ci reste un mal nécessaire en situations extrêmes de catastrophenaturelle. L’Afrique peut inaugurer un humanitaire qui se fait avec moins de zèle du nanti etplus de cœur et de partage d’humanité face à d’autres humanités en déroute. C’est le zèlehumanitaire des nantis qui explique des dérives comme celles de l’Arche de Zoé au Tchad ouencore de ce groupe de baptistes américains qui, alors que l’armée américaine abat un travailcolossal pour aider Haïti à se relever, contingentent des enfants haïtiens qu’ils essaient defaire sortir clandestinement du pays, le 31 janvier 2010. L’Afrique doit donc aussi intégrerde toute urgence que le monde est loin de "l’Ujama", la grande famille fraternelle dont rêvaJulius NYÉRÉRÉ en son temps. Il est très souvent une arène de fauves qui font feu de toutbois pour assouvir leur faim.

Etant donné qu’il se développe, à côté de multiples humanitaires qui font bien leurtravail, un autre humanitaire business ou délinquant dont l’Afrique est très souvent victime,c’est l’occasion ici de répéter que faire de l’humanitaire ne donne pas tous les droits et qu’onn’aide pas les hommes contre leur gré ! Au 21ème siècle, un humanitaire non débarrassé desrapports de dominance et du mépris des lois et du réel des autres parce qu’ils seraientpauvres, ne semble qu’un recyclage moderne des présupposés condescendants qui fondèrentjadis "la mission civilisatrice". Ce sont les demandeurs d’aides, c’est-à-dire des pays commeHaïti ou encore les États africains, qui en pâtissent aussi aujourd’hui.

Parler du cinquantenaire des indépendances africaines et de cette catastrophe naturelled’Haïti présente d’autres liens. Ceux-ci se tissent autour du et par le mot indépendance. Etqui dit indépendance, dit aussi automatiquement une situation antérieure de colonie,d’occupation et d’inexistence comme entité spatiale et sociale, autonome et souveraine. Enconséquence, le peuple noir et la longue mémoire des événements traumatismes que furent latraite négrière, l’esclavage et la colonisation, lient aussi étroitement Haïti et l’Afrique. Eneffet, première république noire née en 1804, Haïti est déjà indépendante alors que l’Afrique,continent du Bénin d'où est originaire le lignage de TOUSSAINT LOUVERTURE, connaîtle début de sa colonisation qui, grosso modo, commence vers 1800. Il est donc indiqué, aumoment où nous parlons du cinquantenaire des indépendances du continent noir, d’évoquerla belle histoire d’Haïti. Histoire qui livre au monde la première révolte d’esclaves noirs pourla liberté et l’autodétermination à laquelle a droit tout peuple.

En effet, c’est lorsque l’Afrique noire tombe sous le joug colonial en 1800, quel’esclave haïtien décide d’en sortir et de baptiser son nouvel État du nom emprunté à lalangue des Taïnos, habitants de l’île exterminés par les conquérants espagnols au XVIème

siècle : Ayiti, "la terre des hautes montagnes". La sortie du joug colonial d’Haïti était doncaussi l’assurance que l’Afrique et les Africains qui y entraient en 1800, en sortiraient aussiun jour et qu’ils en avaient les moyens. TOUSSAINT LOUVERTURE et Jean-JacquesDESSALINES sont donc, dans une certaine mesure, les pères spirituels et les annonciateurslointains des Patrice LUMUMBA, UM NYOBE, Félix Roland MOUMIE, Mehdi BENBARKA, Nelson MANDELA et d’autres grandes figures africaines qui allèrent se souleveraprès la Seconde Guerre mondiale contre les puissances occupantes de l’Afrique. Endevenant le premier noir chef d’État, au sens occidental du terme, le leader TOUSSAINTLOUVERTURE et la révolte des esclaves haïtiens furent ce qu’Aimé CESAIRE considéra

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comme le moment où, pour la première fois, la Négritude se mit debout et dit qu’elle croyaiten son humanité35.

Cependant, au moment où l’Afrique fête le cinquantenaire des ses indépendances,Haïti est à deux cents ans d’indépendance. Mais ce premier État noir qui vient de subir uneautre catastrophe naturelle était déjà exsangue sociopolitiquement et économiquement avantcelle-ci. C’est un pays classé parmi les plus pauvres au monde et qui vit pratiquement grâce àl’aide internationale et aux transferts de fonds de ses travailleurs émigrés. Le tremblement deterre n’a fait que révéler au monde entier l’état de délabrement et de faillite assez poussé del’État haïtien. Il est donc crucial, après 200 ans d’indépendance pour Haïti, et 50 ansd’indépendance pour l’Afrique noire, où la situation n’est guère réjouissante sur le plan dudéveloppement, de se poser les deux questions suivantes :

Qu’est-ce que les autres, c’est-à-dire les acteurs historiques dominants, ont fait d’Haïtiet de l’Afrique noire ? et,

Qu’est-ce qu’Haïti et l’Afrique noire se sont fait à eux-mêmes pour être toujours sidémunis respectivement 200 ans et 50 ans après leurs indépendances ?

(à suivre)

Thierry AMOUGOU36

R E S U M É S D E T H È S E

1) Thèse de B. MUZINGU NZOLAMESO soutenue le 22 février2010 à l'Université Catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve

Titre : Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa en RD Congo :contraintes environnementales et stratégies des acteurs.

La pratique du maraîchage dans les sites organisés en coopératives estaujourd’hui stimulée par une demande locale importante, qu’accompagne uneaugmentation rapide de maraîchers. Mais l’on constate qu’en dépit de ses multiplesfonctions dont l’emploi, le revenu complémentaire, la contribution à la sécuritéalimentaire et à l’assainissement du milieu, qui font d’elle une activité montante enéconomie de survie, les maraîchers et leurs coopératives respectives œuvrent dans unenvironnement marqué par des contraintes et des opportunités.

Les contraintes rencontrées par les maraîchers handicapent la production et lacommercialisation des légumes. Tandis que les contraintes que rencontrent lescoopératives interagissent comme des facteurs régressifs à l’action organisationnelle.Le regroupement des différentes contraintes identifiées par les maraîchers a permisd’élaborer une typologie qui distingue les contraintes sociales, les contrainteséconomiques ainsi que les contraintes culturelles.

Cependant, des solutions alternatives peuvent être envisagées afin d’atténuer,sinon éviter ces contraintes. Elles passent par l’usage systématique des stratégiesinformelles de changement. Parmi elles, les acteurs recourent aux pratiques

35 Cité par Le Point, Hors Série, La Pensée Noire. Les textes fondamentaux, n°22, avril - mai 2009, p. 22.36 Camerounais, Maître de conférence, Université Catholique de Louvain (UCL), Belgique.

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financières informelles dont l’épargne, le microcrédit, le travail à l’exploitant et auxdiverses activités d’autofinancement. Des connaissances et des compétences variéesse rencontrent sur le terrain et sont échangées à travers ce qu’il est convenu denommer l’École au champ. Les acteurs font également concourir les réseauxrelationnels, qu’ils soient familial, linguistique ou confessionnel. Nous dégageons deces stratégies des acteurs, trois types de capitaux dont le capital économique, lecapital culturel et le capital social, qui s’interfèrent afin d’engranger les ressourcesnécessaires et de réduire les contraintes rencontrées dans les Sites MaraîchersCoopérativisés (SMC) enquêtés.

L’intérêt de la présente étude réside dans la mise en évidence d’une approcheinterdisciplinaire qui permet d'analyser des réalités complexes et pluri-dimensionnelles de changement, articulant structures et stratégies des acteurs autourdu changement. Ces stratégies constituent une véritable innovation qui participe etreprésente une authentique alternative aux modèles de développement.

B. MUZINGU NZOLAMESO

2) Thèse de Marthe DJUIKOM soutenue le 24 novembre 2008 àl'Université de Kassel (Allemagne)

Titre : Énergies durables pour le développement rural en Afriquesubsaharienne. Approche interdisciplinaire et défi organisationnel.

Notre travail attire l´attention sur un certain nombre de constats du champ dedéveloppement, notamment la perpétuation en milieu rural africain de la précarité etde la pauvreté. Cette pauvreté, prise dans son sens le plus profond et le plus diversavec Amartya SEN, explicité par J.L. DUBOIS, suppose une privation de"capabilités" qui fait des individus et des communautés locales les exclus et lesoubliés des systèmes. Ce que Paulo FREIRE appelle "objet" et qui justifie unehypothèse forte de travail centré sur l´Homme, plutôt comme "sujet" de sa propretransformation et du développement.

Ce travail montre et explique, en illustrant dans une chronologie historique,comment les politiques de développement mises en place et le comportement desacteurs à tous les niveaux sont la cause de cette situation.

Mais face à tout cela, les individus et les communautés plongés et vivant ensymbiose dans un environnement riche et divers en ressources et potentiels, restentattachés à ce qu´ils ont de plus profond, de plus intrinsèque, qui relève de leurhistoire, de leur culture et explique leur logique d'action, comme réaction etstratégies de vie et de survie. Pour l'extérieur qui domine et influence par lessystèmes, ils restent "objet", mais dans leurs nombreuses initiatives endogènes, ilsmontrent les capacités et les fondements à être "sujet" à leur échelle, à leur niveau.Seulement, mener des initiatives isolées, pour répondre à des besoins réels ponctuelset face à un système dominé par la logique de marché, cela ne peut à long terme queconduire au cercle vicieux de la pauvreté et de la misère.

Pour un développement durable, une vision holistique s'impose ; d'où lanécessité de changement. Non seulement un changement de système et de choix des

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politiques, mais aussi et surtout des comportements des acteurs à tous les niveaux etdes types de relations qu´ils entretiennent. Il est question de reconsidérer le chemindu développement qui intègre les logiques, les visions, les intérêts et les stratégies detous les intervenants. Que cela parte des initiatives endogènes ou de nouveaux projetscommuns, on s´engage dans un processus d´apprentissage collectif que PaulSINGER et Clarita MÜLLER-PLANTENBERG explicitent et développent dans lesconcepts d'incubation et des économies solidaires qui permettent l'auto-mobilisation,l'autodétermination et l'autogestion des communautés locales et partant une re-conceptualisation institutionnelle.

Un tel processus n´est envisageable que dans un cadre interdisciplinaire. Cecadre ne sera approprié que quand une communication compréhensible etcomplémentaire passera entre les acteurs des sciences sociales et ceux des domainestechniques et technologiques ; au point que, devant une non réalisation, voire unéchec de projet technique à cause des réalités sociologiques et culturelles, les"experts" techniques puissent dire avec le Professeur J. SCHMID : "il n'y a pas eud'échec, mais des apprentissages à intégrer dans la planification des études et projetstechniques/technologiques".

Pour illustrer ce cheminement analytique : de la théorie à la pratique, desconstats au changement en passant par les questionnements, les hypothèses, les axesdes stratégies et des actions concrètes de changement, nous avons choisi le thème del'énergie et spécifiquement l'énergie pour le développement rural durable en Afriquesubsaharienne. Le cheminement expérimental nous conduit à une démarche que nousavons nommée DRIEE pour dire : Développement Rural et Incubation d'EntreprisesEnergétiques.

Cette démarche part des constats que :

- L'énergie pour le monde rural est en général, au niveau international, trèssouvent assimilée à l'électricité, notamment pour l'éclairage. Pendant ce temps, enAfrique rurale subsaharienne, les premiers besoins énergétiques sont ceux pour laproduction agropastorale, la cuisson, la transformation et la conservation desaliments, etc.

- Et même parlant de cette électricité, cette population rurale, qui porte leséconomies nationales à près de 80%, a accès à moins de 5% de celle-ci, réduite àl'éclairage et non intégrée dans les activités de production.

- En plus, en reprenant l'analyse des experts, on voit que les projets d’accès àl'énergie/électricité se concentrent plus sur des technologies que sur les besoins, lapresque totalité des fonds pour l'énergie étant planifiée, comme le démontre KOUO(11/2008), en terme d'investissement dans l'infrastructure de production et dedistribution par les réseaux conventionnels / centralisés.

Ensuite cette démarche expérimentale de recherche-action, intègre ces constats,puis fait des inventaires et / ou des analyses descriptives et approfondies en Gambieet au Cameroun, portant sur les :

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- besoins, pratiques et initiatives locales en matière d'énergie, pour desindividus, ménages, groupes socioprofessionnels, groupes spécifiques comme lesfemmes, communautés rurales avec toutes leurs composantes,

- potentiels :

naturels, dont les sources énergétiques locales ;

socioculturels, dont les capacités organisationnelles empiriques descommunautés ;

humains, dont les connaissances et pratiques endogènes face auxproblèmes d'énergie.

Enfin, elle débouche sur la création d'une organisation avec laquelle et danslaquelle nous introduisons et testons la logique d'incubation et de l'économiesolidaire. Il s'agit de l'organisation FERDEDSI pour dire "Forum EnergiesRenouvelables - Développement Durable et Solidarité Internationale".

D´abord comme entreprise énergétique sociale et ensuite comme nicheinstitutionnelle de plusieurs micro-initiatives en milieu rural, FERDEDSI est donc àla fois une entreprise énergétique incubée, mais aussi un incubateur des organisationslocales.

Les premières actions sont dans les départements du Noun, de la Ménoua et desBamboutos, dans la province de l'Ouest au Cameroun. Des échangesinteruniversitaires (Nord-Sud et Sud-Sud) pendant la période de recherche sont enmutation pour des partenariats formels, non seulement entre universités, mais aussi etsurtout entre organisations locales et les universités.

Ce dernier type de partenariat, qui caractérise l'économie solidaire, est aussiune innovation du processus pour les cas africains, à l'instar de ce qui se passe enAmérique latine et dont nous faisons un apprentissage mutuellement bénéfique dansles groupes de travaux/ séminaires universitaires et des manifestationsinternationales.

Marthe DJUIKOM

À T R A V E R S L I V R E S E T R E V U E S

Fatoumata Fathy SIDIBÉ, Une saison africaine. Paris, éditions Présence africaine,2006. 160 pages.

C’est le premier roman de Fatoumata Fathy SIDIBE, auteure d’originemalienne et vivant actuellement à Bruxelles. Ce petit ouvrage se lit d’une traite carl’histoire est bien racontée et les personnages sont attachants.

À première vue, il s’agit ici d’une romance entre un beau Noir que sa familleaccepte, bien qu’à contre cœur, d’envoyer étudier en Europe et une jeune et jolieBlanche qui tombe sous le charme du premier cité. Mais au fil des pages, on se rendcompte que Fatoumata SIDIBE dépasse largement ce cadre un peu éculé pour se

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lancer dans la dénonciation de travers qui lui restent visiblement sur le cœur :revendications anti-colonialistes, revendications féministes, critique des élitesafricaines corrompues, déficiences structurelles des pays du sud, etc.

Cela fait finalement un peu fourre-tout car il est évidemment impossible en sipeu de pages de traiter à fond autant de sujets importants mais l’intention est louableet avec un peu de métier supplémentaire, nul doute que l’auteure a un bel avenirdevant elle. Et nous sommes persuadés qu’elle mettra autant de volonté à réussir sonparcours que ses deux héroïnes, la Noire et la Blanche en ont mis l’une et l’autre àeffacer les obstacles qu’elles ont dû affronter pour trouver leur épanouissementpersonnel.

Nous recommandons donc cet ouvrage à tous ceux qui veulent à la fois passerquelques heures d’agréable détente tout en ayant en même temps l’occasion deréfléchir sur des problèmes parfaitement contemporains.

E. VAN SEVENANT

N O U V E L L E S F A M I L I A L E S

Nous sommes heureux de vous faire part de la naissance :- le 26 mars 2010 à Vilvorde, de Mila-Anna Afining, fille aînée de NGOM Raphaël-Nkobb et PAN Sara

Nous lui souhaitons une vie heureuse.

C'est avec regret que nous vous faisons part du décès :- le 29 mars 2010 à Bruxelles, de Joseph NDAHIMANA

Ne soyons pas tristes de l'avoir perdu mais soyons reconnaissants de l'avoireu (Saint Augustin).

Annonce : L'Afrique visionnaire

À l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance de la RD Congo (et d'autres paysafricains), le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et le Musée Royal de l'Afrique centraleorganisent un grand festival dénommé : "L'Afrique visionnaire", du 30 mai au 26 septembre2010.

Au programme : musique, littérature, arts de la scène, débat, exposition Geo-graphics,etc. Contacts et informations : Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. www.bozar.be ;téléphones : 02/507 82 00 ; 02/507 82 57 ; e-mail : [email protected] ; MuséeRoyal de l'Afrique centrale : www.africamuseum.be ; www.congo2010.be ; e-mail :[email protected]

VENTE DE "L'AFRICAIN" AU NUMÉRO

A Bruxelles, L'Africain est en vente àLibrairie U.O.P.C

Avenue Gustave Demey 14-161160 BRUXELLES

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