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Alain Gougeon Directeur de recherche INSERM INSERM U-1052 et ANIPATH, Faculté de Médecine Laënnec, 7, rue Guillaume Paradin, 69372 Lyon cedex 08, Tél. 04 78 77 10 51, E-mail : alain.gougeon@ inserm.fr Mots-clés : follicule ovarien, granulosa, thèque interne, facteurs de croissance, gonadotrophines, stéroïdogenèse. 16 Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 Synthèse La croissance folliculaire dans l’ovaire humain hez la femme, la folliculogenèse débute lorsque des follicules de la réserve entrent en croissance ; elle se termine avec l’ovu- lation d’un seul follicule par cycle. Ce proces- sus peut être divisé en 4 étapes principales : – activation des follicules au repos, – début de la croissance folliculaire, – sélection du futur follicule ovulatoire parmi une population de follicules sélectionnables (2mm) et, – maturation du follicule préovulatoire. Tandis que les aspects morphologiques et dynamiques de la croissance folliculaire humaine n’ont pas changé de façon substantielle au cours des dernières années [1], des avancées significa- tives dans la connaissance des facteurs régulant la fonction ovarienne ont été réalisées grâce à différentes techniques telles que la culture in vitro, l’utilisation de souris trangéniques, la génomique et la protéomique ainsi que l’ana- lyse phénotypique de patientes porteuses de mutations spontanées affectant la fertilité. L’une des avancées les plus spectaculaires réali- sées ces dernières années concerne le rôle joué par l’ovocyte qui agit comme une « horloge de la folliculogenèse » [2] en agissant sur l’acti- vation des follicules au repos, en accélérant la croissance du follicule et en favorisant la matu- ration terminale. Cette revue a pour objet de rappeler les changements morphologiques et fonctionnels affectant les follicules aux diffé- rents stades de leur développement ainsi que les régulations mises en œuvre. Initiation de la croissance folliculaire La réserve ovarienne Les follicules au repos (Figures 1A, B, C) constituent la réserve ovarienne. Leur effec- tif, 250 000 à 500 000 par ovaire à la naissance, représente entre 91 et 98 % de la population folliculaire totale. Leur nombre diminue avec l’âge, à une vitesse, probablement variable d’un individu à l’autre, qui s’accélère progressive- ment, notamment après 38 ans [3]. Lorsque la ménopause survient, la réserve ovarienne ne contient plus que quelques centaines de folli- cules. Déplétion de la réserve par apoptose Chez la femme, l’apoptose, difficile à détec- ter en raison de la disparition extrêmement rapide de l’ovocyte (Figure 1E), est respon- sable de l’épuisement de la réserve ovarienne surtout avant l‘âge de 30 ans [3]. La survie ou l’apoptose d’un follicule résulte d’une balance entre l’action de facteurs de survie (anti-apoptotiques) et de facteurs pro-apop- totiques. Les modèles de souris déficientes ou surexprimant bcl-2 et bax [4] montrent que ces facteurs jouent, respectivement, un rôle clé dans la survie et l’atrésie des follicules ovariens. Toutefois en raison du grand nombre de protéines impliquées dans l’apoptose, ces facteurs ne sont sans doute pas les seuls respon- sables de l’appauvrissement de la réserve chez la jeune femelle dans des conditions physiolo- giques normales. De nouvelles investigations sont donc nécessaires. Epuisement de la réserve par activation des follicules au repos Chez la femme, les follicules entrent en croissance de façon continue depuis la vie fœtale jusqu’à la ménopause. La chronologie précise des évènements conduisant à l’activa- tion des follicules au repos n’est pas établie, mais il a été montré que cette activation n’est pas dépendante des gonadotrophines.

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Alain Gougeon Directeur de recherche INSERM

INSERM U-1052 et ANIPATH, Faculté de Médecine Laënnec, 7, rue Guillaume Paradin, 69372 Lyon cedex 08, Tél. 04 78 77 10 51, E-mail : [email protected]

Mots-clés : follicule ovarien,granulosa,thèque interne, facteurs de croissance,gonadotrophines,stéroïdogenèse.

16 Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011

Synthèse

La croissance folliculaire dans l’ovaire humain

hez la femme, la folliculogenèse débute lorsque des follicules de la réserve entrent en croissance ; elle se termine avec l’ovu-

lation d’un seul follicule par cycle. Ce proces-sus peut être divisé en 4 étapes principales : – activation des follicules au repos, – début de la croissance folliculaire, – sélection du futur follicule ovulatoire parmi une population de follicules sélectionnables (≥ 2mm) et, – maturation du follicule préovulatoire. Tandis que les aspects morphologiques et dynamiques de la croissance folliculaire humaine n’ont pas changé de façon substantielle au cours des dernières années [1], des avancées significa-tives dans la connaissance des facteurs régulant la fonction ovarienne ont été réalisées grâce à différentes techniques telles que la culture in vitro, l’utilisation de souris trangéniques, la génomique et la protéomique ainsi que l’ana-lyse phénotypique de patientes porteuses de mutations spontanées affectant la fertilité. L’une des avancées les plus spectaculaires réali-sées ces dernières années concerne le rôle joué par l’ovocyte qui agit comme une « horloge de la folliculogenèse » [2] en agissant sur l’acti-vation des follicules au repos, en accélérant la croissance du follicule et en favorisant la matu-ration terminale. Cette revue a pour objet de rappeler les changements morphologiques et fonctionnels affectant les follicules aux diffé-rents stades de leur développement ainsi que les régulations mises en œuvre.

Initiation de la croissance folliculaire

La réserve ovarienne

Les follicules au repos (Figures 1A, B, C) constituent la réserve ovarienne. Leur effec-tif, 250 000 à 500 000 par ovaire à la naissance,

représente entre 91 et 98 % de la population folliculaire totale. Leur nombre diminue avec l’âge, à une vitesse, probablement variable d’un individu à l’autre, qui s’accélère progressive-ment, notamment après 38 ans [3]. Lorsque la ménopause survient, la réserve ovarienne ne contient plus que quelques centaines de folli-cules.

Déplétion de la réserve par apoptose

Chez la femme, l’apoptose, difficile à détec-ter en raison de la disparition extrêmement rapide de l’ovocyte (Figure 1E), est respon-sable de l’épuisement de la réserve ovarienne surtout avant l‘âge de 30 ans [3]. La survie ou l’apoptose d’un follicule résulte d’une balance entre l’action de facteurs de survie (anti-apoptotiques) et de facteurs pro-apop-totiques. Les modèles de souris déficientes ou surexprimant bcl-2 et bax [4] montrent que ces facteurs jouent, respectivement, un rôle clé dans la survie et l’atrésie des follicules ovariens. Toutefois en raison du grand nombre de protéines impliquées dans l’apoptose, ces facteurs ne sont sans doute pas les seuls respon-sables de l’appauvrissement de la réserve chez la jeune femelle dans des conditions physiolo-giques normales. De nouvelles investigations sont donc nécessaires.

Epuisement de la réserve par activation des follicules au repos

Chez la femme, les follicules entrent en croissance de façon continue depuis la vie fœtale jusqu’à la ménopause. La chronologie précise des évènements conduisant à l’activa-tion des follicules au repos n’est pas établie, mais il a été montré que cette activation n’est pas dépendante des gonadotrophines.

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En revanche, de nombreuses molé-cules sont impliquées dans l’activa-tion des follicules ou leur maintien au repos. La liaison du ligand (Figure 2) à son récepteur à domaine tyrosine kinase active la voie PI3K et conduit à l’entrée en croissance des follicules au repos. Cette voie est régulée par des molécules inhibitrices (Figure 2) dont la délétion conduit à l’épuisement prématuré de la réserve ovarienne lors de la stimulation [5]. Certains facteurs locaux appartenant à la famille du TGF-ß stimulent l’activa-tion des follicules au repos, tandis que l’AMH, issu des follicules en croissance, la bloque, indirectement, en inhibant des molécules activant la voie PI3K [6] (Figure 2). La production d’AMH, peut être stimulée par FOXO3 et FOXl2, ce dernier permet la transformation des CGs aplaties en CGs cuboïdales [7]. Chez la femme, une mutation de FoxL2 conduit à une insuffisance ovarienne prématurée chez les patientes souffrant d’un syndrome de BPES [8]. Avec l’AMH, la SST, qui est un puissant inhibiteur de la production d’AMPc dans la plupart des cellules épithéliales, inhibe partiel-lement l’activation des follicules de la réserve dans l’ovaire de souris in vitro [9].

La croissance folliculaire entre l’initiation et le petit follicule antral (2 mm) : la croissance folliculaire basale

Aspects morphologiques

Chez la femme, le premier stade de la croissance est le grand follicule primaire (Figure 1D), dont les CGs possèdent des FSHR. Dans le follicule secondaire (Figure 1F), la thèque se vascularise et quand elle se différencie en 2 parties, la thèque externe et la thèque interne, qui contient des cellules stéroïdogènes (Figure 1H), le follicule est appelé préan-tral (Figure 1G). Le follicule préantral constitue la première classe de folli-cules en croissance dans une classifi-cation reposant sur l’aspect morpho-logique et le nombre de CGs. Dans le follicule à antrum, cavité remplie de liquide folliculaire dont la composition

Figure 1. Follicules présents dans l’ovaire humain. A à C : La réserve ovarienne (barre = 18 µm). A : follicule primordial, les CGs sont aplaties. B : follicule inter-médiaire ou transitoire, mélange de CGs aplaties et cuboïdales. C: petit follicule primaire, une couche de CGs cuboïdales autour d’un petit ovocyte. D à M : follicules en croissance. D: grand follicule primaire, une couche de CGs cuboïdales autour d’un grand ovocyte (barre = 20 µm). E: follicule primaire atrétique (en haut à droite) dans lequel l’ovocyte a disparu; un follicule primordial normal (à gauche) est présent (barre : 30 µm). F: folli-cule secondaire présentant 2 couches de CGs (barre = 40 µm). G : follicule préantral (classe 1) (barre = 75 µm). H: cellule épithélioïde (flèche) dans la thèque interne d’un follicule préantral (barre =18 µm). I: folli-cule à antrum débutant (classe 2) (barre = 100 µm). J : petit follicule à antrum (classe 2) (barre = 90 µm). K : petit follicule à antrum (classe 3), des follicules de la réserve sont présents à droite (barre = 160 µm). L : follicule à antrum (classe 4) (barre = 300 µm). M : follicule sélectionnable (classe 5) (barre = 530 µm).

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Synthèse

est proche de celle du plasma sanguin, les CGs entourant l’ovocyte constituent le cumulus oophorus (Figure 1, I à M). Par accumulation de liquide folliculaire et par prolifération des CGs et cellules de la TI, le follicule se développe à une vitesse de plus en plus grande. Lorsque son diamètre atteint 2 mm, le folli-cule est appelé follicule sélectionnable (Figure 1M). Chez la femme, le temps nécessaire à un follicule en début de croissance pour atteindre la taille de 2 mm est d’environ 5,5 mois (Figure 3). Cette chronologie a été validée récem-ment puisque un follicule préovula-toire a été observé 5 mois après auto transplantation de fragments de cortex ovarien congelés chez une patiente souf-frant d’un arrêt prématuré de la fonction ovarienne suite à une chimiothérapie pour lymphome de Hodgkin [10].

La croissance de l’ovocyte

C’est au début du développement folliculaire que l’ovocyte croît le plus vite. Son diamètre passe d’environ 40 µm dans le grand follicule primaire à environ 100 µm dans le follicule à antrum débutant. Après, sa croissance sera beaucoup plus lente puisqu’il atteindra environ 140 µm dans le folli-cule ovulatoire. La croissance normale de l’ovocyte nécessite un équilibre entre l’action stimulante du KL en provenance des CGs et celle, inhibitrice, du GDF9, produit par l’ovocyte [11].

Différenciation et prolifération des cellules de la thèque interne

C’est lorsque des cellules stéroïdo-gènes apparaissent dans la thèque, que la distinction entre thèque externe, principalement constituée de cellules du stroma et de fibroblastes, et thèque interne, renfermant les cellules produi-sant les androgènes, peut être faite. La différenciation des cellules de la thèque interne est sous le contrôle de facteurs locaux et/ou circulants (Figure 3). Chez la femme, ces cellules possèdent des LHR et synthétisent de l’androstènedione qui est le principal stéroïde aromatisable, tandis que la testostérone est produite

en bien moins grandes quantités. Cette production d’androgènes, en réponse à LH, résulte de l’activité d’enzymes telles que la P450scc et la P45017a/lyase ; elle est faible pendant la croissance folliculaire basale.

Prolifération et différenciation des CGs

La FSH est le stimulant primaire de la croissance folliculaire. Pourtant, en dépit de la présence des FSHR sur les CGs, les follicules d’un diamètre infé-rieur à 2 mm sont insensibles aux varia-tions cycliques des taux de FSH. De plus, en absence (souris déficientes en FSH ou FSHR, mutations invalidantes de FSHß ou des FSHR chez la femme) ou quasi absence de FSH (hypogonadisme, hypo-physectomie), la folliculogenèse peut

se dérouler au moins jusqu’au stade sélectionnable (≥ 2mm) [1]. Toutefois, d’un point de vue quantitatif et qualita-tif elle est de moins bonne qualité que lorsque FSH est présente. Chez le singe, les androgènes stimulent le début de la croissance folliculaire en se liant à leurs récepteurs présents dans les CGs. Leur effet pourrait passer par le KL, la BMP15, le GDF9 et l’HGF [12], qui, avec d’autres facteurs locaux (Figure 3) stimulent, in vitro, la prolifération des CGs en absence de FSH. Ainsi, bien qu’en absence de FSH, la folliculogenèse puisse débuter en raison de l’action de facteurs locaux, elle ne peut être complète et conduire à l’ovulation que lorsque ces facteurs locaux agissent en synergie avec FSH.

L’AMH inhibe la prolifération des CGs induite par FSH, en synergie avec d’autres facteurs locaux (Figure 3) [13].

Activation

AMH

BMP4, 7,BMP15GDF9

AndrogènesLIF

SDF1E2, P4SST

PTEN,Tsc1 &2FOXO3p27

PGGF,BDNF, NT4,GDNF, NGF,Insuline...

KL, FGF2, KGF

Famille du TGFβ

Molécules diverses

Voie P13K via les RPTK(c-kit, TrkB, GFR1α, IGFR, NGFR)

Follicule au reposFollicule en croissance

+–

+– +–

Figure 2. Activation des follicules au repos.En se liant à leur récepteur à domaine tyrosine kinase (RPTK) (en bleu), des facteurs locaux (PDGF, FGF2, KGF) stimulent la production de KL, qui en se liant à c-kit, active la voie PI3K et conduit à l’entrée en croissance des follicules au repos. Des neurotrophines (NT4, GDNF, NGF) et l’insuline agissent directement sur le follicule au repos en se liant à leur récepteur (TrkB, GFR1a, IGFR, NGFR ) et activent la voie PI3K. Cette dernière est régu-lée négativement par des facteurs de transcription (p27, FOXO3), des protéines (Tsc1 & 2) ou une phospha-tase (PTEN). Certains membres de la famille du TGF-ß (BMP4 et 7), en provenance de divers compartiments ovariens stimulent, in vivo, l’activation des follicules au repos, tandis que d’autres (BMP15, GDF9) la stimu-lent in vitro. L’AMH qui maintient des follicules au repos, agit en réprimant la production de molécules (KL, c-kit, FGF2, KGF) activant la voie PI3K. Tandis que le rôle stimulant des androgènes et du LIF pour provoquer l’activation des follicules de la réserve, et que celui de la SST et de SDF1 pour l’inhiber sont bien établis, l’ef-fet inhibiteur de l’E2 et de la P4 doivent être confirmés.

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Produit en abondance par les petits folli-cules [14], elle est sans doute respon-sable de leur faible vitesse de crois-sance [1]. Lorsque la taille du follicule augmente, la production d’AMH dimi-nue et entraîne l’augmentation de cette vitesse, un effet sans doute amplifié par l’augmentation de la production d’an-drogènes par la thèque interne pendant le développement du follicule [15].

Au début de la croissance follicu-

laire, les CGs ne possèdent ni enzymes de la stéroïdogenèse, ni LHR , elles sont indifférenciées. Ce sont les facteurs, qui par ailleurs stimulent leur prolifération, qui répriment l’expression des protéines caractérisant l’état différencié des CGs (Figure 3) En outre, la concentration élevée d’IGFBPs dans les petits follicules [16] diminue la biodisponibilité des IGFs qui stimulent la prolifération et la diffé-renciation des CGs.

Les follicules sélectionnableset la sélection du follicule ovulatoire

Les follicules d’une taille supérieure à 2 mm, appelés follicules sélection-nables, sont présents à tous les stades du cycle [1]. En fin de phase lutéale, leur nombre est compris entre 3 et 11 par ovaire chez des femmes âgées de 24 à 33 ans. Ils sont très sensibles aux varia-tions gonadotropes cycliques puisque leur qualité et leur vitesse de croissance augmentent en réponse au pic intercycle de FSH (fin de phase lutéale et début de phase folliculaire) se produisant lors de la régression fonctionnelle du CJ. La stimulation ovarienne illustre parfai-tement leur réceptivité à FSH élevée puisque après injection d’hMG ou de FSH le nombre de follicules ponction-nés (en FIV) est proche du nombre de follicules sélectionnables observés en fin de phase lutéale. Chez toutes les espèces, ils se développent très vite, leurs besoins métaboliques sont donc élevés, ce qui conduit à l’accumulation de radicaux libres nécessitant l’action d’enzymes de détoxification [17]. Comme dans les follicules plus petits, l’aromatase est inhibée, et la concentration intrafolli-culaire d’E2 est très faible, comparée à celle des androgènes (Tableau 1). Cette dernière résulte d’une balance entre l’ac-tion d’une concentration élevée d’ac-tivine qui diminue la production des androgènes thécaux, et l’élévation du nombre de LHR et de la pulsatilité de LH pendant le début de la phase folli-culaire [1]. Ainsi, lorsque le follicule devient sélectionnable, ses GCs devien-nent sensibles à FSH en termes de proli-fération, mais pas en termes de produc-tion d’oestrogènes.

C’est parmi ces follicules sélection-nables que le futur follicule ovulatoire sera sélectionné, en fin de phase lutéale chez les femmes les plus âgées, en début de cycle chez les plus jeunes [18]. C’est alors le plus grand follicule, il se déve-loppe plus rapidement que les autres, et contrairement aux follicules sélection-nables, il synthétise de l’E2 (Tableau 1). Le rôle du système IGF dans le proces-sus de sélection apparaît de plus en plus clair [16]. L’IGFBP4, qui neutralise l’ac-tivité biologique de l’IGF-II, la princi-

Figure 3. Facteurs impliqués dans la régulation de la croissance folliculaire basale.Les différents types de follicules constitutifs de la croissance folliculaire basale, ainsi que leurs limites de taille et leur classification sont mentionnés dans cette figure. Les temps de passage des follicules dans chaque classe montrent qu’environ 90 jours sont nécessaires pour qu’un grand follicule primaire atteigne le stade préantral et que 70 jours seront nécessaires à ce dernier pour qu’il atteigne une taille d’environ 2 mm. Au début de la croissance basale, l’ovocyte se développe rapidement sous le contrôle du KL, lui même régulé négativement par GDF9, puis la thèque interne se différencie en réponse à l’action de facteurs locaux (KL, EGF, GDF9) ou circulants (IGF-I). Pendant la croissance basale, la différenciation des CGs (et notamment la stéroïdogenèse) est inhibée par des facteurs locaux (en rouge), tandis que leur prolifération est stimulée par ces mêmes molécules et d’autres facteurs agissant de façon locale. L’AMH inhibe la prolifération des CGs en réprimant la synthèse de molécules stimulatrices (en italiques gras). En se liant à l’IGF-II, les IGFBPs régu-lent négativement la stéroïdogenèse et la prolifération des CGs.

Classe 5Sélectionnable 2-5 ans

10 jours

15 jours

Antrum-classe 41-2 mm

Antrum-classe 30,5 - 0,9 mm

IGFBPs

GDF9

Croissance ovocytaireKL

AMH

Proliférationdes CGs et TI

Stéroïdogenèse

Thèqueinterne

EGFKL

GDF9IGF-1

EGF, TGFα, FGF2,KGF, HGF, KL,

GDF9, BMP15,TGF , Activine A,

androgènes

++

+

20 jours

25 jours

~ 90 jours

Préantral - classe 10,15 - 0,2 mm

Secondaire0,06 - 0,15 mm

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Synthèse

pale IGF produite par les GCs préovu-latoires humaines, est dégradée par une protéase, la PAPP-A, stimulée par le pic de FSH intercycle. FSH stimule donc, indirectement, son propre effet sur la prolifération des CGs et leur stéroïdo-genèse via l’action de l’ IGF-II. Ainsi, le follicule sélectionnable possédant le seuil de réponse à FSH le plus bas sera le premier à bénéficier de l’action de l’IGF-II qu’il synthétise, sa vitesse de crois-sance s’accélérera et sa production d’E2 deviendra significative. Etant le premier à posséder des LHR sur ses GCs, il pourra continuer à grossir et entamer sa matu-ration préovulatoire en dépit de la chute de FSH, consécutive à l’augmentation de l’E2 et de l’inhibine A circulants. Le rôle majeur joué par l’IGF et la PAPP-A dans la sélection a été confirmé par une forte altération de la fertilité chez des souris déficientes en IGF-I [19] et en PAPP-A [20].

Maturation du follicule préovulatoire

Pendant la phase folliculaire, le folli-cule préovulatoire se développe très rapi-dement puisqu’ il passe de 6,9 ± 0,5 mm à 18,8 ± 0,5 mm au moment de l’ovula-tion, ses CGs subissant d’importantes transformations morphologiques dues à des modifications de l’organisation du cytosquelette. Siège d’un métabo-lisme intense il doit être protégé contre les radicaux libres. Ainsi, les souris défi-cientes en superoxyde dismutase 1,

possèdent moins de grands follicules antraux que les souris sauvages [21].

L’activité stéroïdogène devient considérable. D’un coté, une produc-tion croissante d’inhibine A stimule fortement la synthèse des androgènes thécaux qui seront aromatisés en E2 par les CGs des follicules > 10 mm où l’ex-pression de l’aromatase est stimulée par l’IGF-II et le NGF [22]. Avant la décharge ovulante, les CGs produisent de l’E2, tandis que la thèque interne produit des androgènes et des progestines, après, les CGs et la thèque synthétisent surtout des progestines (Tableau 1). Le passage des stéroïdes dans la circulation géné-rale est favorisé par une vascularisation intense induite par le VEGF produit par les CGs en réponse à LH [23]. L’apparition des LHR sur les CGs permet à ces dernières de répondre à LH et compense la chute de FSH. Ainsi quand LH est administrée avec de la rFSH, la croissance folliculaire est accélérée, les doses de FSH requises sont moindres et le développement des petits follicules est bloqué [24].

Après la décharge ovulante, le folli-cule préovulatoire est l’objet de trans-formations morphologiques et méta-boliques profondes. La lame basale se rompt, permettant aux capillaires sanguins d’envahir la granulosa et de fournir aux CGs le cholestérol néces-saire à la synthèse des progestines. Cette dernière est rendue possible par l’ex-pression d’enzymes de la stéroïdoge-nèse (3ßHSD, P450

scc , adrénodoxine et

StAR). En outre, les CGs, comme celles du cumulus, se dissocient les unes des autres. Cette dissociation est induite par des molécules apparentées à l’EGF, produites en réponse à LH [25], mais aussi par la Prostaglandine E [26], le GDF9 et la BMP15 [27]. L’activation des récepteurs de la P4 apparus dans les CGs entraîne un arrêt de leur prolifération.

Enfin, après la décharge ovulante, l’ovocyte reprend sa méiose et est ovulé au stade métaphase II.

Conclusion

Il n’y a aucun doute que notre connaissance de la folliculogenèse ovarienne a considérablement progressé au cours de ces dernières années. Tandis que le rôle de FSH et de LH comme stimulants primaires de ce processus reste incontestable, le rôle joué par les facteurs locaux est devenu de plus en plus documenté au cours de la dernière décade. Les CGs et la thèque interne, mais aussi, et de façon plus surpre-nante, l’ovocyte, produisent des molé-cules qui influencent, de façon positive ou négative, l’action des gonadotro-phines. A cet égard, il est fascinant de constater que nombre de fonctions folli-culaires sont contrôlées par une balance entre des facteurs inhibiteurs et stimu-lants, parfois redondants. Toutefois, en dépit d’une meilleure connaissance de la folliculogenèse chez les rongeurs, de nombreux processus restent mal connus chez la femme, principalement à cause de l’impossibilité d’expérimen-ter. Comprendre les causes de l’épuise-ment de la réserve ovarienne par apop-tose ou par activation des follicules au repos, ou bien élucider les mécanismes moléculaires impliqués dans l’acquisi-tion par les CGs de leur capacité maxi-male à répondre à FSH, constituent, parmi d’autres, des challenges passion-nants pour améliorer la fertilité fémi-nine dans les années à venir. Ainsi, en traitant in vitro des ovaires de souri-ceaux nouveau-nés par un inhibiteur de PTEN et un peptide stimulant la voie PI3K, l’équipe de Hsueh [28] a activé les follicules au repos présents dans ces ovaires. Transplantés sous la capsule rénale de souris castrées et traitées par

Tableau 1. Evolution des concentrations (ng/mL) (± SEM) de stéroïdes présents dans le liquide folliculaire depuis le stade follicule sélectionnable jusqu’au stade

du follicule préovulatoire après la décharge ovulante.

Follicule type E2 A + T +DHT 17a-OHP P4 Total

Atrétique (1-5 mm) 20 ± 5 794 ± 90 – 73 ± 13 887

Sélectionnable 15 ± 5 638 ± 113 – 130 ± 45 783

Sélectionné 658 ± 38 487 ± 128 713 ± 318 417 ± 120 2275

Préovulatoire 1 1270 ± 161 542 ± 176 460 ± 112 440 ± 74 2712

Préovulatoire 2 2396 ± 348 203 ± 37 1002 ± 212 1228 ± 228 4829

Préovulatoire 3 2583 ± 228 287 ± 44 1812 ± 142 2464 ± 226 6146

Préovulatoire 4 1109 ± 142 79 ± 21 2034 ± 326 7773 ± 643 10995

Follicule préovulatoire, 1 : en mi-phase folliculaire quand les niveaux plasmatiques d’E2 s’élèvent ; 2 : au moment du pic d’E2 ; 3 : entre le pic d’E2 et la décharge de LH ; 4 : après la décharge de LH.Abréviations : E2 : oestradiol-17ß, A : androstènedione, T : testostérone, DHT : dihydro-testostérone, 17a-OHP : 17a-hydroxy progestérone, P4 : progestérone ;

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FSH, les follicules ont ovulé et fourni des ovocytes dont la fécondation a permis l’obtention de petits viables. Appliquée à des fragments de cortex ovarien humain, cette technique a permis après trans-plantation dans des souris immunodé-ficientes, l’obtention d’ovocytes mûrs. Ainsi, pour la première fois une équipe est parvenue à obtenir des ovocytes fécondables à partir de follicules primor-diaux chez la femme, démontrant ainsi l’apport de la recherche fondamentale chez les rongeurs à la clinique humaine.

Références

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AMH : hormone anti-müllerienne AMPc : 3’-5’ adenosine monophosphate cycliqueBMP : bone morphogenetic protein BPES : blepharophimosis-ptosis epicanthus inversus CJ : corps jauneE2 : œstradiol-17ß EGF : epidermal growth factor FGF2 : basic fibroblast growth factor FIV : Fécondation in vitroFOXL2 : Forkhead box L2FOXO3 : Forkhead box O3FSHR : récepteur de la FSHCG : cellules de la granulosaGDF : growth differentiation factorGDNF : glial-derived neurotrophic factor GFRa1 : glial cell line-derived neurotro-phic factor receptorHGF : hepatocyte growth factor hMG : human menopausal gonadotrophinIGF : insulin-like growth factorIGFBPs : IGF binding proteins KGF : keratinocyte growth factor KL : kit ligandLHR : récepteur de la LH

LIF : leukemia inhibiting factor NGF : nerve growth factor NT4 : neurotrophin 4 P4 : progestéroneP450scc : enzyme de clivage de la chaîne latérale du cholestérol P45017a/lyase : 17a-hydroxylase/lyasePAPP-A : pregnancy-associated plasma protein-A PDGF : platelet derived growth factor PI3K : phosphatidylinositol 3 kinasePTEN : Phosphatase and Tensin homolog 1RPTK : récepteur à domaine tyrosine kinaseSDF1: chemoattractive cytokine stromal derived factor-1SST : somatostatineStAR : steroid acute regulatory protein TGF-ß : transforming growth factor-ßTE : thèque externeTI : thèque interneTrkB : tyrosine kinase récepteur BTsc : Tumor suppressor tuberous sclerosis complex VEGF : vascular endothelium growth factor

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