synthese bibliographique digiwork-2012

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Page 1 SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE “TRAVAIL/ ENTREPRISES/ NUMÉRIQUE“ Repenser la place des individus au travail dans une société numérique REMARQUES Ce travail a été réalisé en amont du lancement de l’expédition FING DIGIWORK pendant l’été 2012. Il a ensuite alimenté les réflexions sur « le travail et l’entreprise » de l’étude prospective La dynamique d’Internet, prospective 2030, publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en juin 2013. Nous faisons le choix de publier ce “ document de travail “ tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communauté ouverte Digiwork les éléments de lecture ayant servi à la réflexion. Nous prions donc les lecteurs d’être indulgents quant au style, aux possibles approximations, aux manques, aux fautes restées cachées… Nous sommes bien sûr preneurs de toutes remarques enrichissant la réflexion, et vous invitons à cet effet à rejoindre le groupe Digiwork du réseau social de la FING.

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Ce travail a été réalisé en amont du lancement de l’expédition FinG DigiWork pendant l’été 2012. Il a ensuite alimenté les réflexions sur « le travail et l’entreprise » de l’étude prospective la dynamique d’internet, prospective 2030, publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en juin 2013. Nous faisons le choix de publier ce “ document de travail “ tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communauté ouverte Digiwork les éléments de lecture ayant servi à la réflexion. Pour toute remarque, question, écrivez-nous sur le réseau social FING http://www.reseaufing.org/pg/blog/group:98977/new/

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Page 1

SynthèSe bibliographique de la littérature Scientifique

“Travail/ EnTrEPrisEs/ numériquE“

repenser la place des individus autravail dans une société numérique

remarqueS

Ce travail a été réalisé en amont du lancement de l’expédition FinG DiGiWOrK pendant l’été

2012. il a ensuite alimenté les réflexions sur « le travail et l’entreprise » de l’étude prospective la

dynamique d’internet, prospective 2030, publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la

prospective en juin 2013.

nous faisons le choix de publier ce “ document de travail “ tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communauté ouverte Digiwork les éléments de lecture ayant servi à la réflexion.

nous prions donc les lecteurs d’être indulgents quant au style, aux possibles approximations, aux manques, aux fautes restées cachées… nous sommes bien sûr preneurs de toutes remarques enrichissant la réflexion, et vous invitons à cet effet à rejoindre le groupe Digiwork du réseau social de la FinG.

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sommaire

0 - introduction

1 – deS conceptionS moderneS du travail et de l’entrepriSe, aujourd’hui en criSe

2 - l’entrepriSe moderne, née de l’émergence deS technologieS et dépaSSée par elleS

3 - travail et activité : verS un brouillage deS frontièreS

4 - enjeux et riSqueS identifiéS, évolutionS et rapportS de force

5 - pointS de bifurcation poSSibleS ou pointS de rupture potentielle

bibliographie

02/05

06/11

12/17

18/21

22/23

24/26

01

2.1 l’entreprise : lieu par excellence de l’innovation technologique ?

2.2 l’entreprise : lieu par excellence de l’activité inventive ?

2.3 En question

1.1 le travail un fait total, forgé, depuis le 19e siècle, dans le rapport à la technique

1.2 Des crises économiques masquant des crises du travail et de l’entreprise

1.3 un modèle en transition vers une économie de la connaissance

1.4 En question

4.1 les tensions fondatrices

4.2 les grands enjeux

1. nouvelle géographie des entreprises

2. “ Tous entrepreneurs ! “

3. Entreprise étendue

4. l’open data des entreprises

5. la place Tahrir dans les entreprises

6. nouvelle maladie professionnelle : le « burn out »

7. les big data : point fort du revenu universel d’existence

8. le travailleur nomade et sa musette d’outils numériques

3.1 le travail sous pression

3.2 De l’éclatement

3.3 De nouvelles figures de travailleur : de l’activité à l’empowerment

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0. introduction

le travail subit de nombreuses pressions issues du numérique : éclatement de l’unité de temps et de lieu par la mobilité des équipements et l’accroisse-ment du travail immatériel, effacement des fron-tières entre vie privée et vie professionnelle, proces-sus d’innovation ouverte, intensification du travail, accroissement des contrôles et de la surveillance, risques de sécurités, pannes, dysfonctionnements, inégalité de compétences d’usages entre jeunes et vieux… mais aussi hausse de productivité et diminu-tion du nombre d’emplois, effacement des frontières entre travail et activité.

ainsi, analyser l’impact des TiC sur le travail, c’est considérer le travail aux prises avec le progrès tech-nique, sous trois dimensions imbriquées :

> l’évolution des pratiques de travail dites produc-tives ou non productives, et dans leur rapport au temps, à l’espace, aux collectifs ;

> l’évolution des interactions individuelles et des collectifs de travail : émergence, cadre, organi-sation, finalité, valorisation, redistribution de la valeur, etc.

> l’évolution du système productif : la production de la valeur et sa mesure, la redistribution des richesses en revenus, en droit de protection et en droit de formation.

Or l’ensemble de ces dimensions est impactée par le numérique, mettant en crise le travail et l’entreprise.

l’article s’attache à mettre en évidence, au-delà des problématiques d’emploi, les transformations intrin-sèques au travail et aux collectifs de travail, pour questionner, in fine, « la valeur » : sa production, sa captation, sa redistribution, dans un contexte où plu-sieurs modèles économiques coexistent, et sont en tension.

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1 - 1 le travail un fait

total, forgé, depuiS le 19e

Siècle, danS le rapport à

la technique

les conceptions modernes du travail et de l’entreprise se sont forgées à la fin de la première révolution industrielle dans un lien étroit avec le progrès technique. selon B. sEGrEsTin et a. HaTCHuEl (2012) le développement de la science et des technologies de l’époque - élec-tricité, chimie, mécanique - a joué un rôle central dans l’émergence de l’entreprise. Pour savoir exploiter et accélérer le progrès technique, domestiquer l’inno-vation, il a fallu organiser l’activité inven-tive. Or les compétences nécessaires ne préexistent pas, c’est le collectif qui les détermine et les fait naître. l’entreprise se construit alors autour de l’innovation et la création collective (les auteurs avancent pour preuve le nombre crois-sant d’ingénieurs et de dépôt de brevet depuis la fin du 19e siècle). la relation de travail n’est pas une relation mar-chande, mais une relation de coopéra-tion et d’apprentissage collectif sur le long terme. les individus engagés dans l’action doivent accepter, pour innover, de se conformer aux règles collectives et voir leurs potentiels transformés en fonction des orientations communes.

le travail s’est ainsi structuré dans le cadre même de l’entreprise, et dans un rapport étroit à la technique. au cours du 19e et 20e siècle, il est devenu un fait total, sédimentant trois caractéristiques centrales (mEDa D., 1995) : la production de richesse et l’obtention d’un revenu 2) la liberté de création et d’épanouisse-ment personnel 3) l’obtention de droits et de protection.

1 - 2 deS criSeS écono-

miqueS maSquant deS

criSeS du travail et de

l’entrepriSe

l’emploi en difficulté danS preSque touS leS payS de l’ocde

aujourd’hui le travail et l’emploi sont au cœur de la valeur et du système pro-ductif capitaliste (croissance, revenu, consommation). Depuis les années 90, l’économie des pays de l’OCDE se carac-térise globalement par des crises écono-miques régulières, une croissance faible et un taux de chômage élevé. un constat s’impose : l’économie ne produit plus suffisamment d’emplois rémunérés. En 2012, l’économie mondiale (international labour Organization, 2012) affiche peu d’amélioration : une croissance faible aux alentours des 3%, voire nulle, et un maintien dans le chômage d’une grande partie des populations actives (6% en moyenne dans le monde, 11,6 % en zone euro) dont les jeunes (12% de chômage pour les jeunes dans le monde, 22% en zone euro). D’après l’institut du Travail, la capacité de l’économie mondiale à créer de nouveaux emplois a nette-ment baissé. Or en retour, la diminu-tion du pouvoir d’achat des actifs par-ticipe au maintien d’un faible niveau de croissance.

au-delà du prisme des crises écono-miques, l’analyse de la structuration du marché du travail depuis les années 90 met à jour des tendances constantes, et similaires aux pays de l’OCDE.

leS grandeS tendanceS du marché du travail danS leS payS de l’ocde de 1990 à 2011

un accroissement de la population active et de son niveau de formation

> un accroissement de la population active globale ;

> une masse salariale plus âgée (allongement de la durée de la vie en bonne santé et augmentation du taux d’emploi des travailleurs âgés - 55/64ans) et plus féminine ;

> une augmentation du niveau de for-mation chez les jeunes adultes .

une durée du travail en constante diminution

> une durée moyenne annuelle qui a fortement diminué de 1998 à 2008 (passant de 1821 à 1764 heures en moyenne), et continue à diminuer. En Europe la durée moyenne est

1. Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise

passée de 40H en 1991 à 36h en 2010. a noter : cette durée moyenne est aussi tirée par l’accroissement du temps partiel et l’impact du “sous-emploi” - réduction du temps de travail pour faire face à la crise)

> une augmentation de l’emploi à temps partiel . En Europe, cette catégorie représente 17% des salariés en 1991, 21% des salariés en 2010, et particulièrement des contrats de moins de 20H - 8% en 1991 à 14% en 2010.

> une augmentation du chômage de longue durée .

un niveau de productivité en hausse

> une progression toujours plus rapide de la productivité du travail depuis une quinzaine d’années (aux usa, la productivité aurait progressé de 25% de 1967 à 1982, puis de 30% de 1997 à 2007 ).

> depuis 1991 le niveau de productivité du travail dans les pays développés reste beaucoup plus importants que dans les pays en développement (sauf pour l’asie qui les a rattrapés) : en 2011 le travailleur moyen d’un pays en développement produit moins d’un cinquième de la produc-tion du travailleur moyen d’un pays développé .

> une intensification du travail a été observée en Europe puis 90 à 2000, puis s’est ralentie sur la dernière décennie .

baisse de la valeur produite par le travail et inégalité de répartition des gains

> un recul de la part du travail dans les revenus des pays de l’OCDE. les raisons identifiées sont la hausse de la productivité et l’accroissement de l’intensité capitalistique, l’intensi-fication de la concurrence nationale et internationale, l’affaiblissement du pouvoir de négociation des tra-vailleurs et l’évolution des institu-tions de la négociation collective.

> une augmentation des inégalités de revenu marchand : dans 16 des 19 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, les gains

des 10 % de travailleurs les mieux payés ont augmenté par rapport à ceux des 10 % de travailleurs les moins bien rémunérés, depuis le milieu des années 1990.

la faute aux technologieS…?

vis-à-vis de ces “tendances de fond“ observées sur deux décennies dans presque tous les pays de l’OCDE, l’im-pact des technologies est habituelle-ment pointé à deux titres :

> pour un rôle d’amplificateur de la globalisation et de la mise en réseau de l’économie, du à la dématériali-sation, (CasTElls m. 2001), et avec pour conséquence une interdépen-dance mondiale de l’économie, et un emballement de la finance.

> pour un rôle d’accroissement de la productivité du travail ; producti-vité qui transforme les tâches, les fonctions nécessaires à l’activité, et en particulier en diminue le nombre (Brian a., 2011). Jérémy riFKin (1995) dès 95 prévoyait que les TiC, ayant gagné tous les pans de l’économie (suite à l’informatisation massive des entreprises durant les années 80 et des marchés finan-ciers) conduiraient à une produc-tivité très forte des entreprises, et une croissance sans emploi.

l’économie numérique pluS deS-tructrice que productrice d’emploi ?

aujourd’hui même l’économie numé-rique, secteur de grande productivité et porteur de croissance, se révèle peu créatrice d’emplois, à l’image de la silicon valley en perte nette d’emploi depuis 15 ans. “Depuis dix ans, on croit que le numérique va créer des emplois. Or il crée peu d’emplois directs, et contribue plutôt à supprimer des bureaucraties ou des rentes. l’optimisation sans précé-dent qu’il permet (dans le domaine de la consommation, des services) devrait contribuer à faire baisser le travail, au sens ancien du terme. mais pas l’activité : car en amont du travail proprement dit (produire un service, un bien, un contenu), on voit se développer toute une activité de veille, d’autoformation, d’e-réputa-

1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise

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tion, de connexion, d’échanges, d’expé-rimentations…“ (COlin n., vErDiEr H. 2012)

1-3 un modèle en tranSi-

tion verS une économie de

la connaiSSance

la part croiSSante du travail immatériel

Depuis la fin des années 90 les ana-lyses issues de tout champ disciplinaire – théories de la croissance, théorie du changement technique et de l’innova-tion, théorie économique… - convergent pour affirmer l’émergence d’une éco-nomie de la connaissance (COrsani a. 2003). Economie de la connaissance, nouvelle ère informationnelle, société de la connaissance, capitalisme cognitif… le flottement sémantique sous-jacent aux différentes dénominations révèle des oppositions d’analyse quant à l’impact des technologies dans cette révolution du travail et du système productif.

le point commun entre ces différentes théories est la reconnaissance de la part grandissante du « paradigme infor-mationnel » dans le travail (CasTElls, 1996) : le travail, même d’exécution, est de plus en plus un travail de gestion d’in-formations, et qui nécessite de l’analyse, des prises de décision.

la réponSe politique de l’europe

l’union européenne a fait de l’écono-mie de la connaissance son axe majeur de développement économique sur les années 2000/2010, à travers la stratégie de lisbonne .

Ce qui devient stratégique dans le travail repose sur les compétences technique, scientifique, organisationnelle et com-municationnelle et les capacités créative et adaptative. le noyau de l’économie de la connaissance est lié à l’appropria-tion des connaissances et à la produc-tion continuelle d’innovation.

la transformation vers l’économie de la connaissance soulève en effet de com-plexes questions sur « la valeur » des

biens informationnels au regard de leurs principes de non-rivalité et non-exclusi-vité et du processus de « pollinisation » à l’œuvre (mOuliEr-BOuTanG Y. 2010).

Des positions antagonistes se déve-loppent entre :

> un marché sophistiquant un droit de la propriété privée par de « nouvelles enclosures » : brevets, licences, Drm ; (ne serait-ce que par les rentes monopolistiques que la valorisa-tion marchande de la connaissance recrée parfois),

> et des courants communautaires proposant de nouvelles méthodes de production et de diffusion de connaissances, sans droit de pro-priété exclusif (une conception des « biens communs informationnels » : logiciel libre, licence Gnu, Creative commons) (vECam, 2011, JulliEn n., 2010).

les productions collaboratives s’auto-risent désormais à concurrencer de manière frontale les productions « pro-priétaires », à la fois sur la qualité, sur le prix et sur les valeurs. la tension entre marchand et non-marchand est forte. Elle laisse place à des formes alterna-tives de conception, de production, de consommation, de gestion des cycles de vie des produits… mais aussi à des formes nouvelles de contrôle et de pri-vatisation des savoirs (via par exemple les DPi Deep Packets inspection).

l’hypothèSe du capitaliSme cognitif

les théories du « capitalisme cognitif » différent de celle de l’économie de la connaissance, par leur conception spé-cifique du rôle joué par les technolo-gies, et leur impact sur les conceptions du travail. Pour (nEGri a., 2008), le passage du capitalisme industriel à un capitalisme cognitif n’est pas prédéter-miné par les technologies mais accéléré par elles : « les TiC ne peuvent correcte-ment fonctionner que grâce à un savoir vivant capable de les mobiliser, car c’est la connaissance qui gouverne le traite-ment de l’information, information qui demeure autrement une ressource stérile, comme le serait le capital sans le travail. la force créatrice principale à

1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise 1 – Des conceptions modernes du travail et de l’entreprise, aujourd’hui en crise

la base de la révolution des TiC ne pro-vient pas d’une dynamique d’innovation impulsée par le capital. Elle repose sur la constitution de réseaux sociaux de coopération du travail souvent porteurs d’une organisation alternative aussi bien à l’entreprise qu’au marché comme formes de coordination de la production ». le savoir et la connaissance étaient auparavant incorporés au capital fixe de l’entreprise. C’est aujourd’hui le « travail vivant » d’une population instruite, culti-vée, qui fait la différence, et joue le rôle joué jadis par le capital fixe. la connais-sance est de plus en plus collectivement partagée, à l’intérieur des entreprises comme dans leurs rapports à l’exté-rieur. « a l’échelle de chaque entreprise, l’activité créatrice de valeur coïncide de moins en moins avec l’unité de lieu et de temps propre aux réglages des temps collectifs de la période fordiste. D’autre part, et à l’échelle sociale, la produc-tion de richesses et de connaissances s’opère de plus en plus en amont du système des entreprises et de la sphère marchande » (nEGri a. 2008).

l’humain, nouveau capital

Cette conception du « travail vivant » fait du « capital humain » et du niveau d’instruction de la population active « le facteur crucial de la nouvelle richesse des nations » (mOuliEr-BOuTanG Y. 2007). l’humain devient le nouveau capital et ses capacités d’apprentissage, d’innovation, d’adaptation continue, de formation sont centrales. Bien que cette affirmation puisse être partagée par les théoriciens néo-marxistes comme par le groupe d’intérim manpower , ses implications en terme d’organisation du travail peuvent être, elles, très oppo-sées. En effet la création de connais-sances, nouveau moteur de l’économie, est conditionnée aussi bien par ce qui se passe dans l’entreprise, que par ce qui se passe en dehors. autrement dit, les entreprises n’ont plus la détention de cette production de connaissances utiles à leur compétitivité. les connais-sances « correspondent au contraire aux productions collectives de l’homme pour et par l’homme assurées tradition-nellement par les institutions communes du Welfare state (santé, éducation, formation, culture, recherche publique

et universitaire, etc.)” (nEGri 2008). le développement de l’individu social représente le fondement essentiel de la production et de la richesse. les acti-vités hors travail deviennent alors aussi importantes que les activités au travail, car c’est là que les individus développent leur intelligence, leur vivacité, leur capa-cité d’improvisation, de communication et de coopération.

Cette nouvelle donne pourrait être source de « résurgence de conflits portant sur l’autodétermination de l’organisation du travail et les finalités sociales de la pro-duction » (vErCEllOnE C., 2008). les exigences des travailleurs à l’égard de l’entreprise pourraient augmenter.

1 – 4 en queStion

Pour les analystes du capitalisme cogni-tif, cette nouvelle conception du travail pourrait avoir plusieurs conséquences :

> premièrement il pourrait devenir impossible, à l’avenir, de séparer invention et innovation, production et innovation, producteur et utili-sateur (COrsini 2003), si ce n’est sous l’angle de la redistribution, ou non, des richesses qui résultent ;

> deuxièmement le travail immaté-riel tendrait à se confondre avec un travail de production de soi (GOrZ a. 2003), et requerrait ainsi une mobi-lisation totale des capacités et des dispositions des individus, y compris affectives. “Désormais, il ne nous est plus possible de savoir à partir de quand nous sommes “en dehors” de ce qui peut nous être demandé au travail. a la limite, ce n’est plus le sujet qui adhère au travail ; ce serait plutôt le travail qui adhère au sujet” .

> troisièmement, dans la même lignée, le concept même de travail produc-tif pourrait s’étendre à l’ensemble des temps sociaux. la connaissance, soit-elle artistique, philosophique, culturelle, langagière ou scientifique, pourrait devenir alors une marchan-dise comme les autres.

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selon ségrestin-Hatchuel, la nature pro-fonde de l’entreprise moderne (exploiter et accélérer le progrès technologique, en organisant l’activité collective, inven-tive), a été dévoyée par la financiarisa-tion accrue de l’économie .

Or à partir des années 2000, une autre évolution déstabilise la nature même de l’entreprise : la démocratisa-tion des technologies et leur diffusion au grand public. Cette dynamique a eu des impacts forts sur l’organisation du travail (éclatement de l’unité de temps, de lieu), sur les interactions entre l’en-treprise et ses partenaires/fournis-seurs (des collaborations productives se tissent en dehors de l’entreprise), sur les espaces d’émergence de l’innova-tion. l’entreprise n’est plus le lieu privi-légié de développement et d’usages des technologies, ni non plus le seul lieu de l’innovation.

2 - 1 l’entrepriSe : lieu par

excellence de l’innova-

tion technologique ?

juSqu’en 2000 l’entrepriSe eSt le lieu privilégié deS technolo-gieS de pointe

les années 1970-1990 ont connu l’in-formatisation massive des entreprises, avec des dynamiques successives de centralisation et de décentralisation. la littérature académique est abon-dante sur les processus d’implémenta-tion et l’impact de l’automatisation, des solutions de gestion intégrée (EDi, puis PGi, ErP ), des systèmes d’information internes (intranet, extranet), de l’infor-matique individuelle et du développe-ment du réseau internet...

l’équipement informatique des entre-prises s’est déroulé de manière suc-cessive jusqu’en début 2000. le changement complet des parcs infor-matiques pour le passage à l’an 2000 et le passage à l’euro a été une aubaine pour les sii. mais l’éclatement de la bulle internet qui leur a succédé, a marqué le ralentissement de l’investissement des entreprises dans l’outil de travail.

aujourd’hui 94% des entreprises sont connectées à internet, même si ce chiffre cache des disparités impor-tantes en matière d’équipement (en fonction de la taille et du secteur d’acti-vité), comme d’usages (en fonction des métiers, du niveau de diplôme, etc.). D’après lasFarGuEs Y. (Cas, 2012), on peut estimer qu’environ 64% des sala-riés en France travaillent sur écran, et que plus de 30% disposent d’un outil de mobilité.

Jusqu’au tournant de l’an 2000, l’entre-prise représentait le lieu même de la captation de l’innovation technologique issue de la r&D, et le lieu par excellence des technologies de pointe. Or sur la dernière décennie, un important mou-vement de démocratisation des tech-nologies numériques et des technologies de pointe a modifié les équilibres.

aprèS 2000, une démocratiSa-tion deS technologieS pluS rapide danS la Société que danS leS entrepriSeS

« la baisse du coût des technologies est une constante depuis cent vingt ans » (COlin n., vErDiEr H. 2012). les années 2000 ont marqué la démocratisation de l’informatique et l’équipement personnel du grand public (ordinateur, téléphone portable, imprimante). Celui-ci s’est développé plus vite dans le grand public que dans les entreprises. aujourd’hui 86% des actifs français ont accès à internet depuis chez eux, contre 54% sur leur lieu de travail (pour les ouvriers 78% au domicile contre 25% au travail (lasFarGuEs Y. in Cas, 2012). les loisirs ont stimulé les usages. Et c’est au sein du foyer que la formation et l’appro-priation des TiC sont les plus fortes. « (…) l’entreprise n’est plus le lieu de l’innova-tion des TiC. les entreprises, mais aussi toutes les institutions (administrations, hôpitaux, etc.) vivent plus ou moins bien ce décalage technologique qui semble indiquer qu’elles sont moins bien équi-pées que les foyers. Elles doivent aussi apprendre à gérer le fait que les mêmes outils puissent donner lieu à des utilisa-tions « loisirs » et des utilisations « pro-fessionnelles ». (…) D’autre part, les utili-sateurs, plus formés donc plus critiques que par le passé deviennent plus exi-geants et comparent l’ergonomie intui-

2 - l’entreprise moderne, née de l’émergence des techno-logies et dé-passée par elles

tive et ludique des logiciels « grand public » à l’ergonomie austère et complexe des logiciels entreprise. ils ont aussi souvent tendance à s’étonner que le matériel professionnel soit moins performant que le matériel personnel » (lasFarGuEs Y. in Cas, 2012). De grandes firmes comme apple ont compris cette évolution en n’ayant plus d’offres commerciales pri-vilégiées à destination des entreprises.

« mobilité » et « informatique danS leS nuageS » : verS un écla-tement de l’unité de lieu et de tempS de l’entrepriSe

a partir des années 2000, la part d’in-vestissement des entreprises dans l’outil de travail s’est focalisée sur la porta-bilité des équipements (ordinateurs, téléphones, tablettes, smartphones) et de « l’informatique dans les nuages » (l’accessibilité – hors les murs de l’entre-prises – des contenus, des applications, des services). « l’informatique dans les nuages ou ‘cloud computing’ permet à l’entreprise de disposer à distance et à la demande de ressources informa-tiques, qu’il s’agisse d’infrastructures, de plateformes, ou de logiciels d’application. (KlEin T. in Cas 2012).

Entre l’équipement individuel mobile et l’accès à distance au système d’infor-mation, les conditions sont réunies pour que un grand nombre de collaborations de travail se déroule aussi bien à l’inté-rieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, dans le cadre des heures officielles de travail ou en dehors. l’unité de temps et de lieu éclate. Des pratiques nouvelles se déve-loppent : le télétravail, le free seating ou desk sharing (partager ou ne plus avoir de bureau dans l’entreprise) et même le nearshoring (externalisation de l’activité vers des personnes travaillant depuis chez eux, pour faire baisser les coûts).

Pour les travailleurs du savoir, le travail à distance se banalise. les TiC permettent de travailler n’importe où, n’importe quand, rendant ainsi le travail intellectuel « ubiquitaire ». (BEnEDETTO-mEYEr m, KlEin T., in Cas 2012)

deS SyStèmeS d’informationS en tenSion et riSqueS SécuritaireS

une culture du travail mobile, hors les

murs et de l’équipement personnel s’est développée au point qu’aujourd’hui 70% des étudiants universitaires pensent que le bureau est dépassé, et qu’il n’est pas nécessaire de s’y rendre régulière-ment. 3 étudiants sur 5 considèrent que le télétravail et la souplesse des horaires sont des droits. Et 80% d’entre eux veulent pouvoir choisir leur propre maté-riel de travail.

les pratiques de BYOD « Bring your on device » deviennent courante . En tout cas les individus sont de plus en plus nombreux à hybrider leurs outils : à venir au bureau avec leur propre équipement (souvent plus performant que celui de l’entreprise), à contourner les systèmes d’information trop rigides en ayant recours à leur smartphone, leur ordina-teur personnel.

D’un côté les systèmes d’information focalisent les tensions en étant vécu comme des systèmes contraignants, accroissant la charge, la complexité, la lenteur du travail, particulièrement en cas de dysfonctionnements . De l’autre ils deviennent cependant centraux dans la relation du travailleur à l’entre-prise, particulièrement en situation de travail « hors les murs » : il en consti-tue le « système nerveux », et le nœud d’appartenance.

Ces pratiques deviennent très problé-matiques pour les entreprises n’étant plus capables d’assurer la sécurité infor-matique des échanges, la traçabilité des usages, la sécurisation des données. les risques sont multiples : perte de confi-dentialité des informations stratégiques, attaques malveillantes du système d’in-formations, dysfonctionnements et rup-tures accidentelles.

leS lab : démocratiSation de la propriété et de l’uSage deS outilS technologiqueS

la double dynamique de démocrati-sation des outils technologiques et de travail collaboratif a donné naissance à des dispositifs d’un genre nouveau : les Fablab / Biolab (ex: lapaillasse.org) / robolab / Brainlab... Ces dispositifs de nature plutôt associatives mutualisent des outils technologiques de pointe afin de les rendre accessibles à un plus grand nombre de personnes, capables

2 - l’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

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d’en imaginer des usages ou des projets nouveaux, par le biais de l’intelligence collective. les fablab sont ainsi « des pla-teformes de prototypage rapide d’ob-jets physiques, s’adressant aux entre-preneurs, designers, artistes, étudiants » (EYCHEnnE F., 2012), et qui se caracté-risent par :

> leur ouverture : gratuitement ou un tarif très accessible ;

> leur communauté : la commu-nauté des utilisateurs anime le lieu, apporte ses savoir-faire, ses com-pétences ;

> et la dynamique de démocratisation de la fabrication : la fabrication per-sonnelle, le Do-it-Your-self préva-lent, et font baisser les barrières à l’innovation.

si la propriété des outils change, ceux-ci n’étant plus l’apanage des entreprises ou des laboratoires institutionnels de recherche, les capacités de production qui en découlent aussi.

2 – 2 l’entrepriSe : lieu par

excellence de l’activité

inventive ?

avant le progrès scientifique était réin-corporé dans l’entreprise, et l’innovation prenait corps dans le travail des équipes de r&D au sein des entreprises. avec la baisse du coût des technologies, et leur diffusion massive dans la société, les choses changent : les processus d’inno-vation s’ouvrent. Des activités inventives, productives se développent dans l’en-treprise comme au-dehors.

place deS collaborateur/partenaire/fourniSSeur

sur les vingt dernières années de contexte économique tendu, les entre-prises ont cherché à développer des interactions de travail d’une grande adaptabilité avec leurs salariés comme leurs partenaires (fournisseurs, presta-taires, etc.). l’informatisation rend pos-sible le « saucissonnage » (unbundling) de la quasi-totalité des maillons de la chaine de valeur, leur recomposition sous

d’autres formes, mais aussi l’émergence d’acteurs spécialisés sur chacun de ces maillons. Beaucoup de fonctions ont ainsi été externalisées. Des intermédiaires ont disparu, d’autres sont (ré)apparus. l’entreprise (re)compose ses équipes au gré des besoins des « projets », sur un mode horizontal. Des partenaires et fournisseurs sont associés de manière presque organique à la conduite de projets, à la conception d’innovation, à la production « juste à temps ».

si la souplesse de ce mode de collabo-ration, quand celui-ci fonctionne, permet une productivité plus grande, elle peut créer en revanche une moindre fidélité des collaborateurs et engendrer des réseaux éphémères. in fine, par le besoin d’animer constamment l’éco-système de collaborateurs, les « coûts de tran-saction » augmentent.

affaibliSSement et tranSfor-mation deS lienS de Subordina-tion : verS un management de la SubSidiarité ?

D’un côté la rationalisation des process et la traçabilité des actions rendues pos-sibles par l’informatique tendent à offrir des outils d’organisation et de contrôle du travail aux managers. mais de l’autre la déspacialisation, l’individualisation, et les pratiques de contournement bous-culent le management classique : elle nécessite de renforcer les échanges avec les collaborateurs, l’écosystème de partenaires ; de leur laisser une plus grande part d’autonomie et une sou-plesse d’organisation. Elle modifie la comptabilisation du temps de travail, qui devient plus difficile.

le management de l’écosystème de partenaires est lui aussi complexe. Ceux-ci souhaitent être considérés comme des maillons essentiels de la chaîne, et non plus comme de simples sous-traitants. Pour s’assurer de leur disponibilité, de leur fidélité, de leur impli-cation, le manager doit constamment animer le réseau, dans un rôle de « com-munity manager ».

Pour conduire les employés comme les prestataires, au niveau d’autonomie et de responsabilisation souhaité, un management de la subsidiarité se met en place : les individus ne reçoivent plus

des ordres mais des « pouvoirs d’agir ».

manager leS connaiSSanceS ou créer leS conditionS du travail collaboratif ?

Pour faire face aux nouveaux besoins de management des connaissances en entreprises, le knowledge manage-ment a tenté de fournir, au tournant du 21e siècle, des outils et des méthodes. l’objectif est à la fois de manager le patrimoine immatériel de l’entre-prise (ses méthodes, sa culture, ses mémoires, ses valeurs, ses brevets, ses documents de travail…), et de capter, faire circuler, transmettre les savoirs et les savoir-faire des individus qui la com-posent. « le Km est une approche qui tente de manager des items aussi divers que pensées, idées, intuitions, pratiques, expériences émis par des gens dans l’exercice de leur profession » (PraX J.-Y., 2000). il sous-tend l’intelligence économique de l’entreprise, c’est-à-dire sa capacité à identifier, manier, partager les informations stratégiques pour elles.

si les différents projets de Km ont connu, sur la décennie passée, des succès parfois mitigés, ils n’en ont pas moins servi de phase « d’essai ». Plus que le stockage et la catégorisation des savoirs, l’enjeu est aujourd’hui de mettre facilement en relation les individus, via des réseaux sociaux, et de favoriser le travail collaboratif. au-delà des réseaux sociaux d’entreprise, d’autres outils de partage et de travail collaboratif voient le jour, dont le plus durable d’entre eux : le « wiki ».

abSence de corpS intermédiaireS et régulation Sociale deS col-lectifS en queStion

les syndicats et corps intermédiaires sont eux aussi touchés par l’impact des TiC : à commencer par les modes de communications aux salariés (pas tous présents sur les lieux de travail, pas tous équipés d’ordinateurs ou d’adresse mail), que la dématérialisation a complexifiés : l’utilisation des systèmes d’information internes ou de la messagerie profes-sionnelle ne fait pas l’objet d’un enca-drement juridique clair . l’exercice de communication dépend « du bon fonc-tionnement du réseau informatique de

l’entreprise » et de « l’absence d’entrave à l’accomplissement du travail ». Par ail-leurs la traçabilité des échanges remet en question leur confidentialité interne (risque d’interception par la direction), comme externe : si les échanges se déroulent à l’extérieur de l’entreprise, de son si, les informations relevant de la gestion du personnel ou des relations sociales peuvent aussi être plus facile-ment interceptées par la concurrence.

Par ailleurs les nouveaux outils de com-munication sont parfois mal maîtrisés par les organisations syndicales par manque de moyens, d’expertise ou de familiarité (vieillissement des mili-tants), et qui nuit à la visibilité ou la pré-sence des corps intermédiaires sur les réseaux. ils remettent aussi en cause les frontières entre militants, adhérents, non-adhérents.

les mouvements syndicaux se sont structurés en regard de l’ancienne orga-nisation du travail (unité de temps / lieu / collectif). Cela les empêche peut-être aujourd’hui d’être présents au sein des dynamiques collaboratives qui se déve-loppement aux frontières des organisa-tions, ou entre collectifs d’indépendants.

mais si l’on constate une déstabilisation, voire une faiblesse des corps intermé-diaires traditionnels, cela ne veut pas dire que les revendications et le mode d’organisation sociale soient complè-tement paralysés. De nouvelles formes d’expression sociale voient le jour utili-sant les potentialités des TiC pour diffu-ser l’information stratégique, fédérer les acteurs, accompagner le dialogue social, à l’image du blog lafusionpourlesnuls.com (DrEssEn m., 2011). spontanées, épar-pillées, et parfois éphémères, ces dyna-miques ne constituent pas – encore - de contre-pouvoir institutionnel durable, mais elles jouent un rôle de régulateur des relations sociales.

le nouveau paradigme de l’inno-vation ouverte, permanente, aScendante…

réseaux étendus de collaborateurs, management des connaissances, démocratisation des outils, développe-ment du travail collaboratif… petit à petit la compétitivité d’une entreprise se joue dans sa capacité à innover en continu, à

2 - l’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles2 - l’entreprise moderne, née de l’émergence des technologies et dépassée par elles

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susciter l’innovation de la part d’autres acteurs de son eco-système, et à capter une part de la valeur créée dans un système d’innovation ouverte (« pollinisa-tion »). En 2005/2006, le concept d’inno-vation ouverte est théorisé par les amé-ricains CHEsBrOuGH H. et vOn HiPEl E. « le paradigme de l’innovation ouverte forme l’antithèse du modèle traditionnel d’intégration verticale, où la recherche-développement interne débouche sur des produits développés en interne que la firme commercialise ensuite elle-même. (...) l’innovation ouverte est un paradigme qui considère qu’en cher-chant à faire progresser leurs produits, les firmes peuvent et doivent utiliser des idées externes autant qu’internes, et des chemins internes et externes vers le marché. » (CHEsBrOuGH H. 2005).

l’innovation émerge des interactions et collaborations de travail, pouvant se situer aux frontières de l’entreprise.

la force de la « multitude » (1) : captation de la valeur

les principaux « géants » de l’inter-net (Google, amazon, Twitter, Youtube, Flickr…) ont compris cette dynamique d’innovation ouverte et ont poussé le modèle à l’extrême. Plutôt que de pro-duire et de fournir des contenus, ils se sont construit essentiellement sur la captation de la valeur produite par les internautes : contenus, annotations, éva-luations, soit toutes traces d’activités… « la principale dimension de la révolution numérique est la puissance désormais à l’œuvre à l’extérieur des organisations, la puissance des individus éduqués, outil-lés, connectés, la puissance de ce que nous appelons la multitude » (COlin n., vErDiEr H., 2012). Ce qui est au cœur de la production de valeur, pour les auteurs, c’est la créativité de la multi-tude : c’est-à-dire le résultat de « l’acti-vité cognitive de centaines de millions d’utilisateurs d’applications et de l’infinité d’interactions entre ces centaines de millions d’utilisateurs ». Ce capital humain demeure en-dehors de l’organisation et non accessible dans le cas d’une relation entre un client et son fournisseur.

si ce modèle de la captation de la « contribution des internautes » fonctionne aujourd’hui, ce n’est pas sans soulever

pourtant d’importantes questions poli-tiques sur la récupération des données à des fins de services marchands, et plus globalement sur la valorisation des contributions.

la force de la multitude (2) : production open Source

a l’opposé de ces exemples, des com-munautés d’internautes participent sciemment et bénévolement à la pro-duction collaborative de connaissances tout en veillant au format de circulation de cette information (licence libre, biens communs informationnels). l’exemple le plus connu étant Wikipédia. Or ce modèle, restreint jusqu’à présent à la produc-tion de connaissances, est en train de s’étendre à la production de biens tan-gibles, d’objets. ainsi l’expérience de l’ingénieur américain Joe Justice autour de « wikispeed » (un projet de construc-tion de voiture peu chère, peu consom-matrice d’essence, rapide, et répondant aux normes de sécurité) montre-t-elle de nouvelles façons de travailler et de produire collectivement, hors de tout cadre organisationnel classique. Pour conceptualiser, développer et produire le véhicule l’équipe s’est appuyée sur une méthode de fabrication extrême , s’appuyant sur des méthodes de lean (utiliser le moins de chose possible), méthodes agiles (réduire le coût des ité-rations), scrum (découpages des tâches), XP (extrême programming : travail des équipes en binôme pour la capitalisation des connaissances). les membres de l’équipe sont tous « volontaires » (béné-voles), provenant du monde entier. Cette initiative nouvelle démontre en tout cas les capacités d’émergence de collec-tifs de travail productifs via la mise en réseau du net, et de nouvelles formes de management.

2-3 en queStion

> la démocratisation des outils tech-nologiques, et leur accès et usage par un plus grand nombre : un mou-vement passager ou une tendance de fond ? ;

> la firme horizontale et l’affaiblisse-

ment du lien de subordination laisse place à quel nouveau pouvoir ? quel nouveau rapport de forces ? quel corps intermédiaires ? ;

> Crise de l’entreprise. l’organisation professionnelle : un objet social à réinventer.

> l’innovation permanente : une exigence de l’économie financière ?

> l’économie de la contribution : quelle production et redistribution de valeur ?

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3-1 le travail SouS

preSSion

un travail de pluS en pluS abStrait, complexe et individualiSé

l’usage des TiC contribue à changer la nature du travail et des compétences mises en œuvre pour l’exercer : la part d’abstraction (ne serait-ce que lecture, écriture) devient de plus en plus grande « le commercial ne voit plus le client, le vendeur ne voit plus le stock, l’opérateur ne touche plus la vanne… il ne s’agit plus d’agir directement mais de recueillir, traiter et transformer des volumes d’information toujours plus importants ». (BEnEDETTO-mEYEr m., KlEin T., in Cas 2012)

la surcharge informationnelle, du au traitement d’un nombre croissant d’in-formations morcellées, désordonnées, crée un stress, qui se cumule à des pro-blèmes de dispersion de l’attention au travail (DaTCHarY, 2004). Produire un travail de qualité nécessite de savoir/pouvoir se déconnecter.

les TiC joueraient aussi sur la complexi-fication et l’individualisation des tâches, les individus étant invités à organiser leur propre travail, à travailler en « mode projet » et simultanément sur plusieurs projets, à collaborer et être dispo-nibles pour leurs clients et partenaires extérieurs.

En définitive, de l’individualisation des tâches à l’individualisation des trajec-toires, le pas est franchi.

intenSification du travail et accroiSSement de la producti-vité individuelle

le travail est sous pression : de la recherche de productivité, de l’intensi-fication du rythme, de la complexifica-tion des tâches, d’un univers marchand hyperconcurrentiel et interdépendant, d’une exigence d’hyperréactivité aux clients. Dans ce contexte, les TiC jouent un rôle d’équipement « des normes de productivité, des visées managé-riales, de la mise en concurrence et du volume de l’activité » et d’enrichissement de « la panoplie des outils de contrôle

». (CHEvallET r., mOaTTY F. 2012). Cette intensification du travail , obser-vée durant les années 90, semble s’être ralentie dans la deuxième moitié des années 2000 (EurOFOunD DuBlin, 2011). Pour 67% des travailleurs euro-péens, le rythme du travail dépend en premier lieu des demandes des clients, des usagers, des patients. Or la commu-nication par les TiC participe à créer une culture de l’immédiateté (se sentir obligé de répondre à un email dès réception). Pour BEssEYrE DEs HOrTs C.-H., isaaC H., (2006), « l’ubiquité » permise par la portabilité des équipements parti-cipe à cette intensification et à l’accrois-sement de la productivité individuelle « grâce à la réduction des exigences spa-tiales et temporelles dans la réalisation du travail, l’accroissement de la flexibi-lité, la diminution des coûts de coordina-tion, l’amélioration de la communication et de l’échange de connaissances, (…) l’immédiateté de l’accès à l’information, la hausse de la performance dans la prise de décision, l’accroissement de la réactivité face aux clients ».

contrôle accru maiS inégale-ment réparti

les TiC renforcent les mesures de contrôle du travail, et ce de plusieurs manières (CHEvallET r., mOaTTY F., 2012) : la prescription visant à encadrer par des normes et des procédures de qualité le travail, le contrôle direct via la surveillance, la traçabilité, ou la remon-tée en temps réel des résultats, ou enfin le contrôle exercé par les pairs ou les clients. « les TiC offrent ainsi des modali-tés de contrôle inédites et performantes qui s’ajoutent ou se substituent à celles qui existent déjà ». la fréquence de contrôle, dans les entreprises utilisant les TiC semble s’intensifier (GrEEnan et al. 2012), sauf pour les utilisateurs de TiC avançés, qui « apparaissent comme un salariat de confiance ». le travail nomade équipé en TiC apparaît aussi moins contrôlé et plus autonome que les autres (COuTrOT T., 2004). Tandis que d’autres catégories, comme de métiers ou d’entreprises (voice-picking, télé-opérateurs) versent dans l’excès inverse, engendrant baisse de l’engagement au travail et risques psycho-sociaux.

3 - Travail et activité : vers un brouillage des fron-tières

panne, incident, dySfonctionne-ment informatiqueS

les individus sont de plus en plus dépen-dants du bon fonctionnement des équi-pements informatiques et système d’information des entreprises. selon l’en-quête COi 2006, la moitié des salariés déclare un rythme de travail perturbé par des pannes et incidents informa-tiques. Ce qui est de l’ordre de la per-turbation pour les salariés d’entreprises peut se révéler une véritable paralysie pour les travailleurs à domicile, indé-pendants ou télétravailleurs, ne pouvant compter que sur eux.

3-2 de l’éclatement…

…de l’unité de tempS et de lieu du travail

les TiC ont contribué de manière déter-minante à l’éclatement de l’unité de temps et de lieu du travail. les pratiques de travail en mobilité, à distance, les pratiques de « débordement » (travail en dehors des heures traditionnelles de bureau) ou d’extra-temporalité, et l’émergence de nouveaux lieux de travail (espaces de co-working, cafés équipés de wifi, espaces Grands voyageurs snCF) font désormais partie du paysage. le travail intellectuel est devenu « ubiqui-taire » (BEnEDETTO-mEYEr m, KlEin T., 2012), s’affranchissant par là du « bureau ». le temps perdu n’existe plus et la proximité relationnelle dans les interactions de travail est devenue aussi importante que la proximité physique.

l’éclatement spatio-temporel du travail tient aussi au caractère de plus en plus étendu de l’entreprise (externalisation, sous-traitance, partenariat). les équipes « productives » de travail peuvent être éclatées sur plusieurs structures, dans différents lieux géographiques, faisant courir un risque d’affaiblissement du sentiment d’appartenance.

… de la hiérarchie

les pratiques managériales sont modi-fiées en profondeur par la déspatialisa-tion du travail, la prise d’autonomie des

travailleurs, l’élargissement de l’eco-système des collaborateurs, étendu à un réseau de partenaires, fournisseurs, prestataires, etc. ; mais aussi par la com-plexification de la mesure du temps de travail productif : intimement mêlé à l’en-semble des temps sociaux.

le mode projet tend aussi à remanier les équipes, à faire émerger des chefs d’équipe ponctuels qui doivent leur posi-tion moins à un statut hiérarchique qu’à des compétences spécifiques sur le projet en cours et une reconnaissance par les pairs.

… de l’étanchéité deS SphèreS privéeS et profeSSionnelleS

une des évolutions les plus éprouvées par les individus est la porosité croissante des frontières entre les sphères privées et professionnelles. l’équipement per-sonnel autorise les communications privées au bureau, de même que la mobilité du travail et l’accès au cloud de l’entreprise à distance favorisent le travail à domicile. l’interpénétration se joue dans les deux sens, requérant une véritable agilité temporelle de la part des individus. si les TiC imposent parfois une disponibilité à tout instant (en par-ticulier dans le cadre du travail mobile, autonome), elles permettent également une vraie concordance des temps entre les heures de travail, l’accès à distance à différents services (e-administration, commerce), la joignabilité des réseaux de proximité. le possible accomplisse-ment de tâches en parallèle autorise alors la multiplicité d’engagements.

« utiliser les TiC au bureau à des fins personnelles semble renforcer « l’agilité temporelle », non pas seulement dans une optique de rationalisation du temps de travail, mais aussi des autres temps sociaux dominants, comme la famille ou les loisirs » (lE DOuarin l., 2007). l’enquête de laurence le Douarin, portant sur l’usage des TiC dans l’ar-ticulation des temps sociaux par la population très spécifique des cadres, valide l’hypothèse du « busyness » : les plus occupés professionnellement se retrouvent également parmi les plus actifs au plan culturel.

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

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… deS frontièreS entre travail et activité

la rationalisation des temps par les TiC dépasse ainsi la sphère professionnelle et s’étend au non-travail. il devient alors de plus en plus difficile de mesurer le temps de travail effectif réel, tant il est imbriqué – et dépendant – de la gestion des autres temps sociaux.

Certaines entreprises, telles que Google, ont bien compris cette évolution en proposant, en leur sein, des infrastruc-tures et des services de loisirs. En plus de ses salles de sports, de musique, de cinéma, ses crèches intégrées, ses sas de décompression, Google autorise par exemple ses salariés à consacrer 1/5 de leur temps de travail à des projets personnels. Ces projets, d’une manière ou d’une autre, - ne serait-ce que par l’émulation forte qui règne et incite les salariés à être créatifs et innovants pour l’entreprise -, pourraient alimenter à l’avenir, les projets de l’entreprise.

… de l’affirmation de l’individua-lité pour la « Subjectivité »

Plus le salarié a le sentiment de s’ac-complir au travail, plus il créé de la valeur, selon le concept de l’empowerment (lE BOssEE, lavallEE, 1993). le travail a changé, passant du travail au sens d’opération à celui du travail au sens d’événement, tel que le définit Philippe Zarifian (1995). Travailler c’est prendre en charge des événements : à savoir : y faire face avec succès lorsque ces évé-nements sont subis, ou bien les conduire lorsque ces événements sont voulus, provoqués. Cela signifie que le travail est de nature subjective, qu’une part impor-tante dépend du sujet, de son engage-ment, de ses choix.

… deS repèreS : quand l’agi-lité technique devient agilité Sociale

la question de l’apprentissage des usages des TiC dans le cadre profession-nel pose surtout la question du lien entre TiC et collectifs de travail. les technolo-gies sont en effet au cœur de la « réflexi-vité ». « l’apprentissage des TiC renvoie également à des questions récurrentes : pourquoi être ensemble et comment

s’associer ? Cela exige, de façon réitérée, d’apprendre à s’insérer dans de nou-velles organisations socio-profession-nelles, à en comprendre les fonctionne-ments formels et informels, ainsi qu’à en maîtriser les modes d’évolution. l’habilité à se servir des TiC à son tour favorise la production de nouvelles connaissances sur ces organisations émergentes (…). TiC, réflexivité institutionnelle et appren-tissages organisationnels s’entraînent ainsi mutuellement dans un mouvement permanent. » (sainT laurEnT-KOGan a.-F., mETZGEr J.-l. 2007).

… de la Structuration deS tempS Sociaux : formation initiale, travail, retraite

si l’on considère que le capital humain est à la source de la production de richesse, c’est toute l’organisation des temps sociaux qui est à changer. le modèle de société se structurant schématique-ment autour de trente ans d’appren-tissage, trente ans d’activités, trente ans de retraite, n’est ni individuellement satisfaisant, ni économiquement opéra-toire. la manière dont se dessinent les modes de vie à la retraite incite à recon-sidérer l’ensemble de la période de vie active (riviErE C., BruGiErE a., 2010). le temps libre est un temps formateur qu’il est nécessaire de mieux inclure dans les trajectoires professionnelles, de même que les temps de formation (viarD J., 2004). Pour une meilleure adéquation entre aptitudes individuelles et marché du travail, il serait nécessaire de sécuriser la formation tout au long de la vie, et le droit temporaire « au répit » (TavOillOT P.-H., 2010). Or les TiC peuvent particulièrement favoriser l’arti-culation des différents temps sociaux, et l’apprentissage tout au long de la vie.

3-3 de nouvelleS figureS

de travailleur : de l’acti-

vité à l’empowerment

support d’outils, d’applications et de ser-vices, l’internet est aussi porteur d’une certaine « philosophie », que l’on peut qualifier de libertaire, nourrie – dans le contexte américain de ses origines -

de la critique « artiste » du capitalisme (BOlTansKi l., CHiaPEllO E., 1999, cité par CarDOn D., 2010). ses idées fortes sont dans sa version la plus radicale : l’autonomie des individus, l’auto-organi-sation, le refus des contraintes, et dans sa version plus légère : l’authenticité, la créativité, et la transformation de soi (sous-entendu « plutôt que de la société »). Cette philosophie libertaire a nourri des postures nouvelles de travail/acti-vité : mouvement open source, mouve-ment hacker, génération slasher, qui ne sont pas sans influence sur les évolu-tions de la relation au travail des jeunes générations, comme des plus âgés.

le travail « open Source »

les communautés du « logiciel libre » et de « l’Open source » revendiquent le développement de logiciels ouverts, et encouragent la liberté d’initiative. leur production s’appuie sur le travail de communautés de développeurs « indivi-duels » comme des entreprises, venant chacun, améliorer, corriger, étendre le contenu serviciel d’un logiciel, voire le logiciel lui-même, considéré comme un bien commun. là où leur philosophie diffère, c’est dans la nature des réutili-sations. avec les logiciels libres, les utili-sateurs ont la liberté d’exécuter, copier, distribuer, étudier, modifier, améliorer le logiciel, et ce gratuitement. avec les logi-ciels open source, c’est essentiellement l’accès aux codes sources qui est gratuit, car des services payants s’appuyant sur les logiciels peuvent être commercialisés.

les activités qui gravitent autour de ces mouvements peuvent être ainsi com-merciales (plusieurs milliers d’informati-ciens sont salariés grâce à ces modèles) comme non-commerciales (bénévolat).

« get paid, get fit, make Something cool », la philoSo-phie du hacker

Cette philosophie de l’autonomie et de la liberté se retrouve aussi dans la figure des « Hackers », mus par la satisfaction des aspirations personnelles, l’épanouis-sement au travail, et une forte culture du partage (rappelons que les Hackers sont à l’origine de l’internet, des logiciels libres et de l’ordinateur personnel). « Heureux comme un hacker » , titrait récemment

l’atelier de l’emploi, site éditorial du groupe manpower, mettant en avant les valeurs de ces travailleurs : « Do it your self », liberté et refus de la hiérarchie.

une devise prévaut :

> Get paid : « gagne ta vie » ;

> Get fit : « fais du sport », pour se libérer l’esprit, se maintenir en forme et gagner en confiance en soi ;

> make something cool : « amuse-toi ». l’activité de travail, guidée par la passion, devient une voie d’épa-nouissement, de réalisation de soi.

le texte culte d’Hakim Bey, TaZ Zone autonome temporaire, de 1997, exprime cette philosophie inspirée de l’utopie pirate consistant à « s’exiler dans de microcommunautés apparaissant et disparaissant dans les interstices du pouvoir. (…) il ne s’agit pas ni de faire la révolution, ni de transformer la société, mais de changer sa vie plutôt que de changer la vie. » (CarDOn D., 2010).

de la figure du « SlaSher », « mul-titaSking » …

l’autonomie et la liberté dans le travail semblent être des aspirations majeures du nouveau monde du travail et en particulier pour la génération dite « Y ». Consciente de l’instabilité du marché de l’emploi, et des besoins de change-ment de trajectoire, cette génération a intégré la flexibilité dans son parcours professionnel. il en émerge une nouvelle catégorie de travailleurs trentenaires, au capital culturel fort, dénommée « slashers » (catégorie encore margi-nale : leur poids étant estimés à 2,5% de la population active ), mixant volon-tairement des périodes de CCD, CDi, intérim, auto-entreprenarait, chômage. que cette instabilité soit volontaire ou subie, les slashers militent pour un cumul d’emplois et le développement de mul-tiples compétences, afin de ne pas être dépendants d’une entreprise, ou d’un secteur professionnel. Cette catégorie de travailleurs reflète-t-elle un véritable « Don Juanisme professionnel » ou une vulnérabilité des travailleurs dont le désir individuel de réalisation de soi est instru-mentalisé par le marché ?

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

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de la figure du nomade coopératif

le secteur des TiC, par ses nouvelles formes d’organisation du travail, serait-il précurseur des entreprises de demain ? C’est la conviction de la chercheuse belge Patricia vandramin, conviction fondée sur trois caractéristiques : une gestion des ressources humaines très individualisées, des modes organisa-tionnels privilégiant réseaux et projets, et un personnel relativement jeune. Ces travailleurs recherchent de manière constante l’échange entre pairs, la satis-faction dans le travail, et les conditions d’un apprentissage permanent. mais « cette volonté ne suppose ni la préexis-tence, ni la pérennité des collectifs, ni leur inscription visible dans l’espace ». D’où la notion de « nomadisme coopéra-tif ». si ces nouveaux travailleurs aspirent autant qu’autrefois à la solidarité et au collectif, ils l’envisagent sur le modèle du projet (partager des objectifs limités à court terme), dans lequel ils sont prêts à s’engager en sujets – sans délégation –, avec des groupes provisoires composés de salariés appartenant à des métiers et des entreprises divers. les individus ont toujours le souhait d’intégrer un collectif, mais en étant acteur des transforma-tions de celui-ci (mETZGEr J.-l., 2005).

la figure du « jeune retraité »

l’allongement de la durée de la vie en bonne santé modifie le profil de la popu-lation active, accroissant la part des tra-vailleurs plus âgés (même si ces derniers peuvent être majoritairement rejetés du marché de l’emploi). En effet les tra-vailleurs plus âgés ont cumulés à la fois du capital et de l’expérience, et, sauf en situation de précarité économique, ils abordent le travail sous l’angle renforcé du sens et de la finalité de leurs actions. les jeunes retraités profitent du revenu d’existence procuré par la retraite pour continuer à mener une vie active (sEvE l., 2010) pleine de « sens » et très for-tement productrice de liens social : arti-culant des activités professionnelles (via le réseau professionnel), des activités associatives et militantes semi-profes-sionnelles (la majorité des cadres des associations, et du personnel politique, sont des retraités - nOWiK l., mOrEl

G., 2006), des activités de loisirs et de développement personnel, des activi-tés de formation (reprise de cours, etc.), des activités familiales. Cette figure du « jeune retraité actif » pourrait bien caractériser les modes de vie pour tous demain.

verS de nouveaux collectifS de travail

qu’elles soient fortement impactées par les TiC ou pas, qu’elles soient économi-quement productives ou pas, de nou-velles organisations de travail émergent, durables ou éphémères à travers :

> les sCOP (sociétés coopératives participatives), ou les sociétés de portage salarial dessinent de nou-velles organisations collectives de travailleurs, mutualisant des res-sources, des réseaux, recréant des liens et de l’engagement solidaire ;

> les coworking-space se présentent comme des lieux et des processus d’animations favorisant le foisonne-ment et l’élaboration de projets col-lectifs, réunissant des entreprises, des indépendants, des chercheurs, des étudiants, des personnes en recherche d’emploi ;

> les barcamps ou les hackatons sont des événements éphémères réu-nissant des professionnels de tout bord, autour d’une thématique commune, et ayant pour objectif de concevoir des projets et de les pro-totyper ;

> les Fablabs/Biolab sont des lieux de fabrication numérique ouverts et partagés qui regroupent un ensemble de machines à commande numérique, permettant à chacun, sans connaissance technique préa-lable, de produire des objets, même de haute technologie ;

> les initiatives de production collabo-rative de type « wikispeed » : monter des équipes « instantanées » pour une production collaborative répon-dant à des critères spécifiques (produire moins cher, plus durable, en open source…).

s’ils peuvent apparaître encore confi-dentiels, ces dispositifs dessinent en tout cas des tendances de nouvelles orga-nisations du travail collaboratif, adap-tées aux changements continus d’un côté, et aux velléités d’autonomie et de liberté de l’autre. ils jouent alors un rôle de conditions d’émergence et réparti-teur de projets, au sein d’écosystème large de collaborateurs associés ou en réseaux, mais non salariés.

C’était, dès 1995, la transformation que BriDGEs W., 1995, voyait advenir pour les entreprises de demain : le passage d’une structure constituée d’emplois à un « champ » de travail à accomplir. Ce passage d’une logique d’emploi à une logique de services renforcée par la mobilité du travail, affirme la figure de travailleurs polyactifs, conduisant plu-sieurs carrières (COnsEil DE l’EurOPE 1995).

En tout cas, l’extension et la diversifica-tion des formes d’interaction et de col-laboration constituent ainsi l’un des plus puissants facteurs de changement du travail et des organisations.

3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières 3 - Travail et activité : vers un brouillage des frontières

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4.1 - leS tenSionS

fondatriceS

Dans les trois domaines étudiés (la production de valeur, l’entreprise et les nouveaux collectifs, le rapport de l’indi-vidu au travail), de fortes tensions sont à l’œuvre, et autour desquelles de nou-veaux équilibres se cherchent.

a - autour de la valeur

: nouvelleS produc-

tionS – nouvelleS

rediStributionS

emploi vS travail

D’un côté le nombre d’emplois diminue et ne couvre plus les besoins d’une popu-lation active croissante. l’employabilité des individus s’est substituée à la sécu-risation des parcours, mais sans effet équivalent, et créant de la précarité. De l’autre, des formes d’activité ou de travail non-productif n’ont pas de valorisation, pas de mesure ou d’indicateurs, alors même qu’elles alimentent une économie de la contribution, voire de la captation (valeur captée par des entreprises qui en tirent des bénéfices directs).

intenSification vS tempS libre

l’augmentation de la productivité est allée de pair avec une intensification des cadences, une montée de la pression et du stress d’un côté, et une baisse de la durée du travail de l’autre, synonyme de temps libre et de développement per-sonnel. les temps de pause, les loisirs deviennent essentiels et conditionnent le bien-être et les capacités d’endu-rance du travailleur sous pression. Certaines entreprises ont ainsi étendu le travail productif à l’ensemble des temps sociaux, en proposant des structures de loisirs, détente, en leur sein.

production de valeur vS captation de la valeur

a côté des actifs matériels (bâtiments, machines) ou immatériels tradition-

nels (brevets, marques, propriété intel-lectuelle), d’autres actifs immatériels prennent une valeur essentielle : les contributions des internautes, traces d’usages et intelligence collective. Cet actif constitue une externalité posi-tive, que les principaux géants du net cherchent et réussissent à capter (Google, amazon, Facebook, Flickr, twitter, etc.). C’est la valeur produite par la démocratisation des usages numé-riques qui est captée, et en cela ques-tionne la privatisation des données personnelles, ou le caractère de bien commun des données personnelles massifiées.

economie du format proprié-taire vS économie alternative open Source – do it your Self

sur l’internet deux formats de dévelop-pement des entreprises s’affrontent : un format propriétaire (qui prend par-ticulièrement la forme de plateformes de services propriétaires appuyant son développement sur des aPi), et un format ouvert et communautaire « Open source », ou basé sur des pratiques du « do it your self ». Cela questionne les frontières de la privatisation et du bien commun, ainsi que du partage de la valeur.

b - danS le rapport deS

individuS à l’entrepriSe et

aux nouveaux collectifS

de travail

autonomie vS Subordination, liberté d’organiSation vc contrôle, traçabilité

le modèle de développement de l’inter-net prône, valorise et outille l’autonomie des individus au travail, la libre entre-prise, l’initiative et l’innovation indivi-duelles, l’équipement personnel. mais le numérique permet aussi l’inverse : la mesure constante de l’activité (tableaux de bord, indicateurs), la traçabilité et le contrôle accrus, renforçant les fonc-tionnements hiérarchiques verticaux, la subordination, par ailleurs inhérente au

4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force

contrat de travail. la tension est vive, et crée de l’incompréhension mutuelle entre les individus et les organisations.

equipement perSonnel vS SyStème d’information, ordre vS déSordre

En même temps que le numérique a sous-tendu la rationalisation des process en entreprises, la généralisa-tion des systèmes d’information, des règles de sécurité, le numérique a aussi grandement amélioré la performance de l’équipement personnel et diminué son coût d’accès : celui-ci pénètre dans les entreprises et concurrence les outils internes, permet d’échapper au contrôle ou aux règles de sécurité contraignantes des si. les pratiques de BYOD se géné-ralisent. les besoins en « clouds » vont s’intensifier : cloud personnel, cloud pro-fessionnel de différentes natures vont se superposer.

mobilité vS bureau

la mobilité des outils rend le travail intel-lectuel ubiquitaire. le si « cloud » de l’en-treprise ainsi que le réseau de collabora-teurs deviennent le véritable « espace » de travail des individus, leur point de rat-tachement. mais si le travail en mobilité ou à distance s’est répandu, entrainant un brouillage des frontières, les trajets domicile-travail n’ont – encore - pas disparu, et deviennent des espaces pro-pices au pratique de « débordement ». le coût des énergies de transport pourrait cependant accélérer un processus de relocalisation du travail, et d’une nouvelle géographie de l’activité économique.

entrepriSeS vS réSeaux de coopération, vertical vS horizontal

les relations de travail portées par les individus se développent aussi bien dans le cadre de l’entreprise qu’à ses fron-tières : les réseaux de coopération des-sinent une « entreprise étendue ». C’est l’ère des écosystèmes, remettant en question les autorités traditionnelles, au profit de « l’influence », le management au profit des échanges entre pairs, l’auto-organisation et les méthodes agiles.

c - pour l’individu au

travail

individualiSme vS réSeaux

l’exigence d’autonomie va de pair avec une forme d’individualisme : dans l’entre-prise, les objectifs sont individualisés, sur le marché de l’emploi, l’individu est seul face à ses réseaux, qui représentent aussi son potentiel d’employabilité. la figure de « l’individualisme en réseau », du « nomade collaboratif » s’impose avec d’un côté ses risques potentiels de pré-carisation, d’isolement, d’affaiblissement des droits, et de l’autre la redéfinition de nouvelles forces sociales aux géo-métries encore inconnues. les nouvelles modalités de « lien professionnel » sont à observer.

compétenceS individuelleS vS apprentiSSageS collectifS Sur le long terme

les compétences individuelles deviennent des éléments clés du recru-tement. Elles sont considérées comme les points saillants de l’identité des per-sonnes, des mots clés permettant d’être référencé ou de se différencier sur les portails de l’emploi. Or les compétences se développent aussi au cours d’appren-tissage collectif sur le long terme. le potentiel des individus est transformé par le collectif, et rien ne rend compte ni des évolutions personnelles, ni des « compétences collectives ». le numérique exacerbe l’individualité.

continuité vS diScontinuité deS parcourS

l’exigence économique de flexibilité produit des parcours professionnels de plus en plus discontinus, qui, au-delà de la précarité, engendrent des problèmes identitaires chez les individus. l’internet est à la fois le lieu de la traçabilité du parcours favorisant sa mise en visibilité et donc son unification (e-porfolio) mais favorisant aussi le non-oubli des acci-dents de parcours ; le lieu possible de l’anonymat (blog et pseudo, activités de hackers, etc.) ; enfin aussi, un lieu pos-sible de formation à distance.

4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force

Page 13: Synthese bibliographique digiwork-2012

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vie perSonnelle vS vie profeSSionnelle

si la portabilité des outils et applica-tions numériques tend à brouiller les frontières entre vie privée et vie pro-fessionnelle, elle participe aussi à unifier l’identité des individus, non pas dans le sens d’une cohérence globale, mais au contraire dans le sens du maintien et de la co-existence d’une pluralité d’activités et d’identités.

4.2 - leS grandS enjeux

enjeux économiqueS :

> mieux comprendre les évolutions du travail pour « mieux travailler » et produire de la valeur ;

> développer la croissance ou changer les indicateurs du PiB par de nou-velles capacités de mesure, rendues possible par le numérique ;

enjeux d’innovation et de croiS-Sance économique pour leS entrepriSeS :

> Trouver les bons collaborateurs, savoir les faire travailler ensemble ;

> réussir à adapter les fonctionne-ments et les collectifs à l’innovation permanente ;

enjeux Sociaux :

> redistribuer les plus-values, procurer des revenus à toute la population ;

> Permettre à chacun de continuer à se former, à changer et trouver de perspectives de travail ;

enjeux de bien-être pour la population active :

> être serein et performant au travail ;

> trouver le ou les voies du développe-ment personnel ;

enjeux politiqueS

> renouveler les formes du dialogue social, de manière à ce qu’il traduise les réels rapports de force ;

4 - Enjeux et risques identifiés, évolutions et rapports de force

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1) nouvelle géographie

deS entrepriSeS

la portabilité des équipements, l’infor-matique dans les nuages, la dimension immatérielle croissante du travail et la hausse du coût de l’énergie continuent à faire littéralement éclater l’unité de temps et de lieux du travail. De nou-velles organisations se mettent en place autour d’une multitude d’espaces de co-working situés dans les bassins de vie, les centres villes, et très équipés en outils de télé-conférence, en salles de réunion. les grands centres d’affaires disparaissent, le marché immobilier des particuliers se transforme car le travail à domicile devient pratique courante. l’accès au système d’informations et au réseau social de l’entreprise (éco-système étendu) constitue les nouveaux points d’attache au collectif de travail, les nouveaux « privilèges ». l’activité éco-nomique se décentralise. la pluriactivité se développe.

2) « touS entrepreneurS ! »

la pression au travail dans les entre-prises, et la précarité des emplois sont telles, que la majorité des travailleurs fait délibérément le choix du statut d’indépendant. le CDi devient tellement illusoire et peu épanouissant, qu’il vaut mieux multiplier les temps partiels, et la multi-activité, voire les petits boulots pour augmenter ses revenus et étaler les risques. la pluriactivité se développe rapidement dans toutes les catégories sociales, depuis les «travailleurs pauvres» contraints de cumuler plusieurs jobs, jusqu’aux cadres qui développent en auto-entrepreneurs des activités complémentaires.

De leur côté, les entreprises se réorga-nisent autour de noyaux restreints de salariés stables, aux côtés desquels une multitude de collaborateurs viennent prendre place pour des missions spéci-fiques. Chaque individu devient respon-sable de développer et de valoriser ses compétences et son «employabilité». si cette tendance convient bien aux «tra-vailleurs du savoir», son extension aux travailleurs plus âgés et moins quali-

fiés pose en revanche des problèmes majeurs. il faut inventer un nouveau filet de sécurité.

3) entrepriSe étendue

Plusieurs fonctions de l’entreprise sont externalisées auprès des consomma-teurs : les internautes participent acti-vement à la création de produits, à la communication sur des marques, à la vente des produits d’une entreprise par marketing viral. De nouveaux modes de rétribution et de rémunération apparaissent.

4) l’open data deS

entrepriSeS

la coexistence au travail de l’équipement personnel et des systèmes d’information professionnels font peser d’énormes risques de sécurité aux entreprises. les informations stratégiques sont captées au travers d’échanges de convivialité sur les réseaux. les réseaux sociaux pro-fessionnels (de type linkedin, viadeo) deviennent officieusement des orga-nismes d’intelligence économique, tant l’analyse des cartographies des réseaux sociaux en disent long sur les projets en cours, les interactions. le coeur straté-gique des entreprises est aussi mis en danger par des détournements d’infor-mations, pratiqués par les salariés mili-tant revendiquant une réciprocité de la transparence : si les données des administrations doivent être ouvertes, si les données des usagers sont sans cesse captées, alors les entreprises ne peuvent plus être opaques. Elles doivent assumer et mener leur propre dyna-mique « open data ».

5) la place tahrir danS

leS entrepriSeS

suite à la crise économique 2008-2012, qui a été l’occasion de nouvelles pres-sions sur le travail (dégraissage, blocage

5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture po-tentielle

des salaires, retour d’un management autoritaire, tyrannie de l’urgence et de l’adaptation, focalisation sur le court terme), les entreprises font face à de nouvelles crises : internes. les salariés n’ont plus confiance dans les entre-prises. Des pratiques de sabotage, de fuite d’informations stratégiques deviennent courantes. les individus échangent sur les réseaux, des colères grondent de manière éparse et spon-tanée, et échappent complètement aux forces syndicales. Par l’intermédiaire des réseaux sociaux et un effet de conta-gion, les révoltes deviennent révolutions, et plusieurs directions d’entreprises sont renversées en même temps. les sala-riés veulent autodéterminer et auto-organiser leur travail pour que celui-ci ait du sens. les organisations se démocra-tisent et se moralisent (rsE).

6) nouvelle maladie pro-

feSSionnelle : le « burn

out »

l’identité numérique, rendue publique sur les réseaux, prime de plus en plus sur l’identité réelle des personnes. la réflexivité sur soi est constante : rien des faits, des écrits n’est oublié, les réseaux relationnels professionnels s’accumulent au fil des années, sans que la page des expériences passées puissent être tour-nées. les Cv / eportfolio sont nourris par les réseaux eux-mêmes : l’individu, son évolution de carrière, son identité numérique dépendent de plus en plus des autres. Cette perte de contrôle de l’image publique conduit de plus en plus à des burn out identitaires. les individus ne se retrouvent plus ou ne s’assument plus eux-mêmes.

7) leS big data : point fort

du revenu univerSel

d’exiStence

la réutilisation des données person-nelles, symbolisée par les « Big Data », fait l’objet de luttes sociales et poli-tiques importantes. les entreprises

pratiquant l’analyse et la réutilisation des données personnelles sont petit à petit contraintes à payer des droits de réutilisation aux usagers (façon Cnil / saCEm). un revenu universel d’existence se met en place petit à petit, autour de cette rétribution par le secteur privé, et d’une allocation versée par les Etats. les pratiques de travail se transforment.

8) le travailleur nomade

et Sa muSette d’outilS

numériqueS

Comme les ouvriers qualifiés d’avant la révolution industrielle, les individus rejoignent les organisations munis de leur propre « musette » numérique : des équi-pements, des environnements de travail, des réseaux professionnels actifs, mais aussi des expériences, des acquis pro-fessionnels, des méthodes. Grâce à une professionnalisation des outils grand public, les individus au travail capitalisent sur leurs expériences, se forgent des savoir-faire.

5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle

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