synthese bibliographique digiwork-2012

of 17 /17
Page 1 SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE “TRAVAIL/ ENTREPRISES/ NUMÉRIQUE“ Repenser la place des individus au travail dans une société numérique REMARQUES Ce travail a été réalisé en amont du lancement de l’expédition FING DIGIWORK pendant l’été 2012. Il a ensuite alimenté les réflexions sur « le travail et l’entreprise » de l’étude prospective La dynamique d’Internet, prospective 2030, publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en juin 2013. Nous faisons le choix de publier ce “ document de travail “ tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communauté ouverte Digiwork les éléments de lecture ayant servi à la réflexion. Nous prions donc les lecteurs d’être indulgents quant au style, aux possibles approximations, aux manques, aux fautes restées cachées… Nous sommes bien sûr preneurs de toutes remarques enrichissant la réflexion, et vous invitons à cet effet à rejoindre le groupe Digiwork du réseau social de la FING.

Author: la-fing

Post on 01-Sep-2014

2.278 views

Category:

Technology


0 download

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Ce travail a été réalisé en amont du lancement de l’expédition FinG DigiWork pendant l’été 2012. Il a ensuite alimenté les réflexions sur « le travail et l’entreprise » de l’étude prospective la dynamique d’internet, prospective 2030, publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective en juin 2013. Nous faisons le choix de publier ce “ document de travail “ tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communauté ouverte Digiwork les éléments de lecture ayant servi à la réflexion. Pour toute remarque, question, écrivez-nous sur le réseau social FING http://www.reseaufing.org/pg/blog/group:98977/new/

TRANSCRIPT

  • Page 1 Repenser la place des individus au travail dans une socit numrique Synthse bibliographique de la littrature scientifique Travail/ Entreprises/ Numrique Remarques Ce travail a t ralis en amont du lancement de lexpdition FING DIGIWORK pendant lt 2012. Il a ensuite aliment les rflexions sur le travail et lentreprise de ltude prospective La dynamique dInternet, prospective 2030, publie par le Commissariat gnral la stratgie et la prospective en juin 2013. Nous faisons le choix de publier ce document de travail tel que produit initialement pour fournir aux membres de la communaut ouverte Digiwork les lments de lecture ayant servi la rflexion. Nous prions donc les lecteurs dtre indulgents quant au style, aux possibles approximations, aux manques, aux fautes restes caches Nous sommes bien sr preneurs de toutes remarques enrichissant la rflexion, et vous invitons cet effet rejoindre le groupe Digiwork du rseau social de la FING.
  • Page 2 Page 3 SOmmaire 01 02/05 0 - introduction 1 Des conceptions modernes du travail et de lentreprise, aujourdhui en crise 1.1 Le travail un fait total, forg, depuis le 19e sicle, dans le rapport la technique 1.2 Des crises conomiques masquant des crises du travail et de lentreprise 1.3 Un modle en transition vers une conomie de la connaissance 1.4 En question 06/11 2 - Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles 2.1 Lentreprise : lieu par excellence de linnovation technologique ? 2.2 Lentreprise : lieu par excellence de lactivit inventive ? 2.3 En question 12/17 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires 3.1 Le travail sous pression 3.2 De lclatement 3.3 De nouvelles figures de travailleur : de lactivit lempowerment 18/21 4 - Enjeux et risques identifis, volutions et rapports de force 4.1 Les tensions fondatrices 4.2 Les grands enjeux 22/23 5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle 1. Nouvelle gographie des entreprises 2. Tous entrepreneurs ! 3. Entreprise tendue 4. Lopen data des entreprises 5. La place Tahrir dans les entreprises 6. Nouvelle maladie professionnelle : le burn out 7. Les big data : point fort du revenu universel dexistence 8. Le travailleur nomade et sa musette doutils numriques 24/26 bibliographie
  • Page 4 Page 1 0. INtroduction Le travail subit de nombreuses pressions issues du numrique : clatement de lunit de temps et de lieu par la mobilit des quipements et laccroissement du travail immatriel, effacement des frontires entre vie prive et vie professionnelle, processus dinnovation ouverte, intensification du travail, accroissement des contrles et de la surveillance, risques de scurits, pannes, dysfonctionnements, ingalit de comptences dusages entre jeunes et vieux mais aussi hausse de productivit et diminution du nombre demplois, effacement des frontires entre travail et activit. Ainsi, analyser limpact des TIC sur le travail, cest considrer le travail aux prises avec le progrs technique, sous trois dimensions imbriques : >> lvolution des pratiques de travail dites productives ou non productives, et dans leur rapport au temps, lespace, aux collectifs ; >> lvolution des interactions individuelles et des collectifs de travail : mergence, cadre, organisation, finalit, valorisation, redistribution de la valeur, etc. >> lvolution du systme productif : la production de la valeur et sa mesure, la redistribution des richesses en revenus, en droit de protection et en droit de formation. Or lensemble de ces dimensions est impacte par le numrique, mettant en crise le travail et lentreprise. Larticle sattache mettre en vidence, au-del des problmatiques demploi, les transformations intrinsques au travail et aux collectifs de travail, pour questionner, in fine, la valeur : sa production, sa captation, sa redistribution, dans un contexte o plusieurs modles conomiques coexistent, et sont en tension.
  • Page 2 1 - 1 Le travail un fait total, forg, depuis le 19e sicle, dans le rapport la technique 1. Des conceptions modernes du travail et de lentreprise, aujourdhui en crise Les conceptions modernes du travail et de lentreprise se sont forges la fin de la premire rvolution industrielle dans un lien troit avec le progrs technique. Selon B. SEGRESTIN et A. HATCHUEL (2012) le dveloppement de la science et des technologies de lpoque - lectricit, chimie, mcanique - a jou un rle central dans lmergence de lentreprise. Pour savoir exploiter et acclrer le progrs technique, domestiquer linnovation, il a fallu organiser lactivit inventive. Or les comptences ncessaires ne prexistent pas, cest le collectif qui les dtermine et les fait natre. Lentreprise se construit alors autour de linnovation et la cration collective (Les auteurs avancent pour preuve le nombre croissant dingnieurs et de dpt de brevet depuis la fin du 19e sicle). La relation de travail nest pas une relation marchande, mais une relation de coopration et dapprentissage collectif sur le long terme. Les individus engags dans laction doivent accepter, pour innover, de se conformer aux rgles collectives et voir leurs potentiels transforms en fonction des orientations communes. Le travail sest ainsi structur dans le cadre mme de lentreprise, et dans un rapport troit la technique. Au cours du 19e et 20e sicle, il est devenu un fait total, sdimentant trois caractristiques centrales (MEDA D., 1995) : la production de richesse et lobtention dun revenu 2) la libert de cration et dpanouissement personnel 3) lobtention de droits et de protection. 1 - 2 Des crises cono- Aujourdhui le travail et lemploi sont au cur de la valeur et du systme productif capitaliste (croissance, revenu, consommation). Depuis les annes 90, lconomie des pays de lOCDE se caractrise globalement par des crises conomiques rgulires, une croissance faible et un taux de chmage lev. Un constat simpose : lconomie ne produit plus suffisamment demplois rmunrs. En 2012, lconomie mondiale (International Labour Organization, 2012) affiche peu damlioration : une croissance faible aux alentours des 3%, voire nulle, et un maintien dans le chmage dune grande partie des populations actives (6% en moyenne dans le monde, 11,6 % en zone euro) dont les jeunes (12% de chmage pour les jeunes dans le monde, 22% en zone euro). Daprs lInstitut du Travail, la capacit de lconomie mondiale crer de nouveaux emplois a nettement baiss. Or en retour, la diminution du pouvoir dachat des actifs participe au maintien dun faible niveau de croissance. Au-del du prisme des crises conomiques, lanalyse de la structuration du march du travail depuis les annes 90 met jour des tendances constantes, et similaires aux pays de lOCDE. Les grandes tendances du march du travail dans les pays de lOCDE de 1990 2011 Un accroissement de la population active et de son niveau de formation >> un accroissement de la population active globale ; >> une masse salariale plus ge (allongement de la dure de la vie en bonne sant et augmentation du taux demploi des travailleurs gs 55/64ans) et plus fminine ; >> une augmentation du niveau de formation chez les jeunes adultes . miques masquant des crises du travail et de lentreprise Lemploi en difficult dans presque tous les pays de lOCDE Une dure du travail en constante diminution >> une dure moyenne annuelle qui a fortement diminu de 1998 2008 (passant de 1821 1764 heures en moyenne), et continue diminuer. En Europe la dure moyenne est Page 3 1 Des conceptions modernes du travail et de lentreprise, aujourdhui en crise passe de 40H en 1991 36h en 2010. A noter : cette dure moyenne est aussi tire par laccroissement du temps partiel et limpact du sous-emploi - rduction du temps de travail pour faire face la crise) des 10 % de travailleurs les mieux pays ont augment par rapport ceux des 10 % de travailleurs les moins bien rmunrs, depuis le milieu des annes 1990. >> Une augmentation de lemploi temps partiel . En Europe, cette catgorie reprsente 17% des salaris en 1991, 21% des salaris en 2010, et particulirement des contrats de moins de 20H - 8% en 1991 14% en 2010. La faute aux technologies? >> Une augmentation du chmage de longue dure . >> pour un rle damplificateur de la globalisation et de la mise en rseau de lconomie, du la dmatrialisation, (CASTELLS M. 2001), et avec pour consquence une interdpendance mondiale de lconomie, et un emballement de la finance. Un niveau de productivit en hausse >> une progression toujours plus rapide de la productivit du travail depuis une quinzaine dannes (aux USA, la productivit aurait progress de 25% de 1967 1982, puis de 30% de 1997 2007 ). >> depuis 1991 le niveau de productivit du travail dans les pays dvelopps reste beaucoup plus importants que dans les pays en dveloppement (sauf pour lAsie qui les a rattraps) : en 2011 le travailleur moyen dun pays en dveloppement produit moins dun cinquime de la production du travailleur moyen dun pays dvelopp . >> une intensification du travail a t observe en Europe puis 90 2000, puis sest ralentie sur la dernire dcennie . Baisse de la valeur produite par le travail et ingalit de rpartition des gains >> Un recul de la part du travail dans les revenus des pays de lOCDE. Les raisons identifies sont la hausse de la productivit et laccroissement de lintensit capitalistique, lintensification de la concurrence nationale et internationale, laffaiblissement du pouvoir de ngociation des travailleurs et lvolution des institutions de la ngociation collective. >> Une augmentation des ingalits de revenu marchand : dans 16 des 19 pays de lOCDE pour lesquels des donnes sont disponibles, les gains Vis--vis de ces tendances de fond observes sur deux dcennies dans presque tous les pays de lOCDE, limpact des technologies est habituellement point deux titres : >> pour un rle daccroissement de la productivit du travail ; productivit qui transforme les tches, les fonctions ncessaires lactivit, et en particulier en diminue le nombre (BRIAN A., 2011). Jrmy RIFKIN (1995) ds 95 prvoyait que les TIC, ayant gagn tous les pans de lconomie (suite linformatisation massive des entreprises durant les annes 80 et des marchs financiers) conduiraient une productivit trs forte des entreprises, et une croissance sans emploi. Lconomie numrique plus destructrice que productrice demploi ? Aujourdhui mme lconomie numrique, secteur de grande productivit et porteur de croissance, se rvle peu cratrice demplois, limage de la Silicon Valley en perte nette demploi depuis 15 ans. Depuis dix ans, on croit que le numrique va crer des emplois. Or il cre peu demplois directs, et contribue plutt supprimer des bureaucraties ou des rentes. Loptimisation sans prcdent quil permet (dans le domaine de la consommation, des services) devrait contribuer faire baisser le travail, au sens ancien du terme. Mais pas lactivit : car en amont du travail proprement dit (produire un service, un bien, un contenu), on voit se dvelopper toute une activit de veille, dautoformation, de-rputa-
  • Page 4 1 Des conceptions modernes du travail et de lentreprise, aujourdhui en crise tion, de connexion, dchanges, dexprimentations (COLIN N., VERDIER H. 2012) 1-3 Un modle en transition vers une conomie de la connaissance La part croissante du travail immatriel Depuis la fin des annes 90 les analyses issues de tout champ disciplinaire thories de la croissance, thorie du changement technique et de linnovation, thorie conomique - convergent pour affirmer lmergence dune conomie de la connaissance (CORSANI A. 2003). Economie de la connaissance, nouvelle re informationnelle, socit de la connaissance, capitalisme cognitif Le flottement smantique sous-jacent aux diffrentes dnominations rvle des oppositions danalyse quant limpact des technologies dans cette rvolution du travail et du systme productif. Le point commun entre ces diffrentes thories est la reconnaissance de la part grandissante du paradigme informationnel dans le travail (CASTELLS, 1996) : le travail, mme dexcution, est de plus en plus un travail de gestion dinformations, et qui ncessite de lanalyse, des prises de dcision. La rponse politique de lEurope LUnion europenne a fait de lconomie de la connaissance son axe majeur de dveloppement conomique sur les annes 2000/2010, travers la Stratgie de Lisbonne . Ce qui devient stratgique dans le travail repose sur les comptences technique, scientifique, organisationnelle et communicationnelle et les capacits crative et adaptative. Le noyau de lconomie de la connaissance est li lappropriation des connaissances et la production continuelle dinnovation. La transformation vers lconomie de la connaissance soulve en effet de complexes questions sur la valeur des biens informationnels au regard de leurs principes de non-rivalit et non-exclusivit et du processus de pollinisation luvre (MOULIER-BOUTANG Y. 2010). Des positions antagonistes se dveloppent entre : >> un march sophistiquant un droit de la proprit prive par de nouvelles enclosures : brevets, licences, DRM ; (ne serait-ce que par les rentes monopolistiques que la valorisation marchande de la connaissance recre parfois), >> et des courants communautaires proposant de nouvelles mthodes de production et de diffusion de connaissances, sans droit de proprit exclusif (une conception des biens communs informationnels : logiciel libre, licence GNU, Creative commons) (VECAM, 2011, JULLIEN N., 2010). Les productions collaboratives sautorisent dsormais concurrencer de manire frontale les productions propritaires , la fois sur la qualit, sur le prix et sur les valeurs. La tension entre marchand et non-marchand est forte. Elle laisse place des formes alternatives de conception, de production, de consommation, de gestion des cycles de vie des produits mais aussi des formes nouvelles de contrle et de privatisation des savoirs (via par exemple les DPI Deep Packets Inspection). Lhypothse cognitif du capitalisme Les thories du capitalisme cognitif diffrent de celle de lconomie de la connaissance, par leur conception spcifique du rle jou par les technologies, et leur impact sur les conceptions du travail. Pour (NEGRI A., 2008), le passage du capitalisme industriel un capitalisme cognitif nest pas prdtermin par les technologies mais acclr par elles : les TIC ne peuvent correctement fonctionner que grce un savoir vivant capable de les mobiliser, car cest la connaissance qui gouverne le traitement de linformation, information qui demeure autrement une ressource strile, comme le serait le capital sans le travail. La force cratrice principale Page 5 1 Des conceptions modernes du travail et de lentreprise, aujourdhui en crise la base de la rvolution des TIC ne provient pas dune dynamique dinnovation impulse par le capital. Elle repose sur la constitution de rseaux sociaux de coopration du travail souvent porteurs dune organisation alternative aussi bien lentreprise quau march comme formes de coordination de la production . Le savoir et la connaissance taient auparavant incorpors au capital fixe de lentreprise. Cest aujourdhui le travail vivant dune population instruite, cultive, qui fait la diffrence, et joue le rle jou jadis par le capital fixe. La connaissance est de plus en plus collectivement partage, lintrieur des entreprises comme dans leurs rapports lextrieur. A lchelle de chaque entreprise, lactivit cratrice de valeur concide de moins en moins avec lunit de lieu et de temps propre aux rglages des temps collectifs de la priode fordiste. Dautre part, et lchelle sociale, la production de richesses et de connaissances sopre de plus en plus en amont du systme des entreprises et de la sphre marchande (NEGRI A. 2008). Lhumain, nouveau capital Cette conception du travail vivant fait du capital humain et du niveau dinstruction de la population active le facteur crucial de la nouvelle richesse des nations (MOULIER-BOUTANG Y. 2007). Lhumain devient le nouveau capital et ses capacits dapprentissage, dinnovation, dadaptation continue, de formation sont centrales. Bien que cette affirmation puisse tre partage par les thoriciens no-marxistes comme par le groupe dintrim Manpower , ses implications en terme dorganisation du travail peuvent tre, elles, trs opposes. En effet la cration de connaissances, nouveau moteur de lconomie, est conditionne aussi bien par ce qui se passe dans lentreprise, que par ce qui se passe en dehors. Autrement dit, les entreprises nont plus la dtention de cette production de connaissances utiles leur comptitivit. Les connaissances correspondent au contraire aux productions collectives de lhomme pour et par lhomme assures traditionnellement par les institutions communes du Welfare State (sant, ducation, formation, culture, recherche publique et universitaire, etc.) (NEGRI 2008). Le dveloppement de lindividu social reprsente le fondement essentiel de la production et de la richesse. Les activits hors travail deviennent alors aussi importantes que les activits au travail, car cest l que les individus dveloppent leur intelligence, leur vivacit, leur capacit dimprovisation, de communication et de coopration. Cette nouvelle donne pourrait tre source de rsurgence de conflits portant sur lautodtermination de lorganisation du travail et les finalits sociales de la production (VERCELLONE C., 2008). Les exigences des travailleurs lgard de lentreprise pourraient augmenter. 1 4 En question Pour les analystes du capitalisme cognitif, cette nouvelle conception du travail pourrait avoir plusieurs consquences : >> premirement il pourrait devenir impossible, lavenir, de sparer invention et innovation, production et innovation, producteur et utilisateur (CORSINI 2003), si ce nest sous langle de la redistribution, ou non, des richesses qui rsultent ; >> deuximement le travail immatriel tendrait se confondre avec un travail de production de soi (GORZ A. 2003), et requerrait ainsi une mobilisation totale des capacits et des dispositions des individus, y compris affectives. Dsormais, il ne nous est plus possible de savoir partir de quand nous sommes en dehors de ce qui peut nous tre demand au travail. A la limite, ce nest plus le sujet qui adhre au travail ; ce serait plutt le travail qui adhre au sujet . >> troisimement, dans la mme ligne, le concept mme de travail productif pourrait stendre lensemble des temps sociaux. La connaissance, soit-elle artistique, philosophique, culturelle, langagire ou scientifique, pourrait devenir alors une marchandise comme les autres.
  • Page 6 Selon Sgrestin-Hatchuel, la nature profonde de lentreprise moderne (exploiter et acclrer le progrs technologique, en organisant lactivit collective, inventive), a t dvoye par la financiarisation accrue de lconomie . 2Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles Or partir des annes 2000, une autre volution dstabilise la nature mme de lentreprise : la dmocratisation des technologies et leur diffusion au grand public. Cette dynamique a eu des impacts forts sur lorganisation du travail (clatement de lunit de temps, de lieu), sur les interactions entre lentreprise et ses partenaires/fournisseurs (des collaborations productives se tissent en dehors de lentreprise), sur les espaces dmergence de linnovation. Lentreprise nest plus le lieu privilgi de dveloppement et dusages des technologies, ni non plus le seul lieu de linnovation. 2 - 1 Lentreprise : lieu par excellence de linnovation technologique ? Jusquen 2000 lentreprise est le lieu privilgi des technologies de pointe Les annes 1970-1990 ont connu linformatisation massive des entreprises, avec des dynamiques successives de centralisation et de dcentralisation. La littrature acadmique est abondante sur les processus dimplmentation et limpact de lautomatisation, des solutions de gestion intgre (EDI, puis PGI, ERP ), des systmes dinformation internes (intranet, extranet), de linformatique individuelle et du dveloppement du rseau internet... Lquipement informatique des entreprises sest droul de manire successive jusquen dbut 2000. Le changement complet des parcs informatiques pour le passage lan 2000 et le passage leuro a t une aubaine pour les SII. Mais lclatement de la bulle internet qui leur a succd, a marqu le ralentissement de linvestissement des entreprises dans loutil de travail. Aujourdhui 94% des entreprises sont connectes Internet, mme si ce chiffre cache des disparits importantes en matire dquipement (en fonction de la taille et du secteur dactivit), comme dusages (en fonction des mtiers, du niveau de diplme, etc.). Daprs LASFARGUES Y. (CAS, 2012), on peut estimer quenviron 64% des salaris en France travaillent sur cran, et que plus de 30% disposent dun outil de mobilit. Jusquau tournant de lan 2000, lentreprise reprsentait le lieu mme de la captation de linnovation technologique issue de la R&D, et le lieu par excellence des technologies de pointe. Or sur la dernire dcennie, un important mouvement de dmocratisation des technologies numriques et des technologies de pointe a modifi les quilibres. Aprs 2000, une dmocratisation des technologies plus rapide dans la socit que dans les entreprises La baisse du cot des technologies est une constante depuis cent vingt ans (COLIN N., VERDIER H. 2012). Les annes 2000 ont marqu la dmocratisation de linformatique et lquipement personnel du grand public (ordinateur, tlphone portable, imprimante). Celui-ci sest dvelopp plus vite dans le grand public que dans les entreprises. Aujourdhui 86% des actifs franais ont accs internet depuis chez eux, contre 54% sur leur lieu de travail (pour les ouvriers 78% au domicile contre 25% au travail (LASFARGUES Y. in CAS, 2012). Les loisirs ont stimul les usages. Et cest au sein du foyer que la formation et lappropriation des TIC sont les plus fortes. () Lentreprise nest plus le lieu de linnovation des TIC. Les entreprises, mais aussi toutes les institutions (administrations, hpitaux, etc.) vivent plus ou moins bien ce dcalage technologique qui semble indiquer quelles sont moins bien quipes que les foyers. Elles doivent aussi apprendre grer le fait que les mmes outils puissent donner lieu des utilisations loisirs et des utilisations professionnelles . () Dautre part, les utilisateurs, plus forms donc plus critiques que par le pass deviennent plus exigeants et comparent lergonomie intui- Page 7 2 - Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles tive et ludique des logiciels grand public lergonomie austre et complexe des logiciels entreprise. Ils ont aussi souvent tendance stonner que le matriel professionnel soit moins performant que le matriel personnel (LASFARGUES Y. in CAS, 2012). De grandes firmes comme Apple ont compris cette volution en nayant plus doffres commerciales privilgies destination des entreprises. Mobilit et informatique dans les nuages : vers un clatement de lunit de lieu et de temps de lentreprise A partir des annes 2000, la part dinvestissement des entreprises dans loutil de travail sest focalise sur la portabilit des quipements (ordinateurs, tlphones, tablettes, Smartphones) et de linformatique dans les nuages (laccessibilit hors les murs de lentreprises des contenus, des applications, des services). Linformatique dans les nuages ou cloud computing permet lentreprise de disposer distance et la demande de ressources informatiques, quil sagisse dinfrastructures, de plateformes, ou de logiciels dapplication. (KLEIN T. in CAS 2012). Entre lquipement individuel mobile et laccs distance au systme dinformation, les conditions sont runies pour que un grand nombre de collaborations de travail se droule aussi bien lintrieur qu lextrieur de lentreprise, dans le cadre des heures officielles de travail ou en dehors. Lunit de temps et de lieu clate. Des pratiques nouvelles se dveloppent : le tltravail, le free seating ou desk sharing (partager ou ne plus avoir de bureau dans lentreprise) et mme le nearshoring (externalisation de lactivit vers des personnes travaillant depuis chez eux, pour faire baisser les cots). Pour les travailleurs du savoir, le travail distance se banalise. Les TIC permettent de travailler nimporte o, nimporte quand, rendant ainsi le travail intellectuel ubiquitaire . (BENEDETTO-MEYER M, KLEIN T., in CAS 2012) Des systmes dinformations en tension et risques scuritaires Une culture du travail mobile, hors les murs et de lquipement personnel sest dveloppe au point quaujourdhui 70% des tudiants universitaires pensent que le bureau est dpass, et quil nest pas ncessaire de sy rendre rgulirement. 3 tudiants sur 5 considrent que le tltravail et la souplesse des horaires sont des droits. Et 80% dentre eux veulent pouvoir choisir leur propre matriel de travail. Les pratiques de BYOD Bring your on device deviennent courante . En tout cas les individus sont de plus en plus nombreux hybrider leurs outils : venir au bureau avec leur propre quipement (souvent plus performant que celui de lentreprise), contourner les systmes dinformation trop rigides en ayant recours leur smartphone, leur ordinateur personnel. Dun ct les systmes dinformation focalisent les tensions en tant vcu comme des systmes contraignants, accroissant la charge, la complexit, la lenteur du travail, particulirement en cas de dysfonctionnements . De lautre ils deviennent cependant centraux dans la relation du travailleur lentreprise, particulirement en situation de travail hors les murs : il en constitue le systme nerveux , et le nud dappartenance. Ces pratiques deviennent trs problmatiques pour les entreprises ntant plus capables dassurer la scurit informatique des changes, la traabilit des usages, la scurisation des donnes. Les risques sont multiples : perte de confidentialit des informations stratgiques, attaques malveillantes du systme dinformations, dysfonctionnements et ruptures accidentelles. Les Lab : dmocratisation de la proprit et de lusage des outils technologiques La double dynamique de dmocratisation des outils technologiques et de travail collaboratif a donn naissance des dispositifs dun genre nouveau : les FabLab / Biolab (ex: lapaillasse.org) / Robolab / Brainlab... Ces dispositifs de nature plutt associatives mutualisent des outils technologiques de pointe afin de les rendre accessibles un plus grand nombre de personnes, capables
  • 2 - Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles den imaginer des usages ou des projets nouveaux, par le biais de lintelligence collective. Les fablab sont ainsi des plateformes de prototypage rapide dobjets physiques, sadressant aux entrepreneurs, designers, artistes, tudiants (EYCHENNE F., 2012), et qui se caractrisent par : >> leur ouverture : gratuitement ou un tarif trs accessible ; >> leur communaut : la communaut des utilisateurs anime le lieu, apporte ses savoir-faire, ses comptences ; >> et la dynamique de dmocratisation de la fabrication : la fabrication personnelle, le Do-It-Your-Self prvalent, et font baisser les barrires linnovation. Si la proprit des outils change, ceux-ci ntant plus lapanage des entreprises ou des laboratoires institutionnels de recherche, les capacits de production qui en dcoulent aussi. 2 2 Lentreprise : lieu par excellence de lactivit inventive ? Avant le progrs scientifique tait rincorpor dans lentreprise, et linnovation prenait corps dans le travail des quipes de R&D au sein des entreprises. Avec la baisse du cot des technologies, et leur diffusion massive dans la socit, les choses changent : les processus dinnovation souvrent. Des activits inventives, productives se dveloppent dans lentreprise comme au-dehors. Place des collaborateur/ partenaire/fournisseur Sur les vingt dernires annes de contexte conomique tendu, les entreprises ont cherch dvelopper des interactions de travail dune grande adaptabilit avec leurs salaris comme leurs partenaires (fournisseurs, prestataires, etc.). Linformatisation rend possible le saucissonnage (unbundling) de la quasi-totalit des maillons de la chaine de valeur, leur recomposition sous Page 8 dautres formes, mais aussi lmergence dacteurs spcialiss sur chacun de ces maillons. Beaucoup de fonctions ont ainsi t externalises. Des intermdiaires ont disparu, dautres sont (r)apparus. Lentreprise (re)compose ses quipes au gr des besoins des projets , sur un mode horizontal. Des partenaires et fournisseurs sont associs de manire presque organique la conduite de projets, la conception dinnovation, la production juste temps . Si la souplesse de ce mode de collaboration, quand celui-ci fonctionne, permet une productivit plus grande, elle peut crer en revanche une moindre fidlit des collaborateurs et engendrer des rseaux phmres. In fine, par le besoin danimer constamment lco-systme de collaborateurs, les cots de transaction augmentent. Affaiblissement et transformation des liens de subordination : vers un management de la subsidiarit ? Dun ct la rationalisation des process et la traabilit des actions rendues possibles par linformatique tendent offrir des outils dorganisation et de contrle du travail aux managers. Mais de lautre la dspacialisation, lindividualisation, et les pratiques de contournement bousculent le management classique : elle ncessite de renforcer les changes avec les collaborateurs, lcosystme de partenaires ; de leur laisser une plus grande part dautonomie et une souplesse dorganisation. Elle modifie la comptabilisation du temps de travail, qui devient plus difficile. Le management de lcosystme de partenaires est lui aussi complexe. Ceux-ci souhaitent tre considrs comme des maillons essentiels de la chane, et non plus comme de simples sous-traitants. Pour sassurer de leur disponibilit, de leur fidlit, de leur implication, le manager doit constamment animer le rseau, dans un rle de community manager . Pour conduire les employs comme les prestataires, au niveau dautonomie et de responsabilisation souhait, un management de la subsidiarit se met en place : les individus ne reoivent plus Page 9 2 - Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles des ordres mais des pouvoirs dagir . Manager les connaissances ou crer les conditions du travail collaboratif ? Pour faire face aux nouveaux besoins de management des connaissances en entreprises, le knowledge management a tent de fournir, au tournant du 21e sicle, des outils et des mthodes. Lobjectif est la fois de manager le patrimoine immatriel de lentreprise (ses mthodes, sa culture, ses mmoires, ses valeurs, ses brevets, ses documents de travail), et de capter, faire circuler, transmettre les savoirs et les savoir-faire des individus qui la composent. Le KM est une approche qui tente de manager des items aussi divers que penses, ides, intuitions, pratiques, expriences mis par des gens dans lexercice de leur profession (PRAX J.-Y., 2000). Il sous-tend lintelligence conomique de lentreprise, cest--dire sa capacit identifier, manier, partager les informations stratgiques pour elles. Si les diffrents projets de KM ont connu, sur la dcennie passe, des succs parfois mitigs, ils nen ont pas moins servi de phase dessai . Plus que le stockage et la catgorisation des savoirs, lenjeu est aujourdhui de mettre facilement en relation les individus, via des rseaux sociaux, et de favoriser le travail collaboratif. Au-del des rseaux sociaux dentreprise, dautres outils de partage et de travail collaboratif voient le jour, dont le plus durable dentre eux : le wiki . Absence de corps intermdiaires et rgulation sociale des collectifs en question Les syndicats et corps intermdiaires sont eux aussi touchs par limpact des TIC : commencer par les modes de communications aux salaris (pas tous prsents sur les lieux de travail, pas tous quips dordinateurs ou dadresse mail), que la dmatrialisation a complexifis : lutilisation des systmes dinformation internes ou de la messagerie professionnelle ne fait pas lobjet dun encadrement juridique clair . Lexercice de communication dpend du bon fonctionnement du rseau informatique de lentreprise et de labsence dentrave laccomplissement du travail . Par ailleurs la traabilit des changes remet en question leur confidentialit interne (risque dinterception par la direction), comme externe : si les changes se droulent lextrieur de lentreprise, de son SI, les informations relevant de la gestion du personnel ou des relations sociales peuvent aussi tre plus facilement interceptes par la concurrence. Par ailleurs les nouveaux outils de communication sont parfois mal matriss par les organisations syndicales par manque de moyens, dexpertise ou de familiarit (vieillissement des militants), et qui nuit la visibilit ou la prsence des corps intermdiaires sur les rseaux. Ils remettent aussi en cause les frontires entre militants, adhrents, non-adhrents. Les mouvements syndicaux se sont structurs en regard de lancienne organisation du travail (unit de temps / lieu / collectif). Cela les empche peut-tre aujourdhui dtre prsents au sein des dynamiques collaboratives qui se dveloppement aux frontires des organisations, ou entre collectifs dindpendants. Mais si lon constate une dstabilisation, voire une faiblesse des corps intermdiaires traditionnels, cela ne veut pas dire que les revendications et le mode dorganisation sociale soient compltement paralyss. De nouvelles formes dexpression sociale voient le jour utilisant les potentialits des TIC pour diffuser linformation stratgique, fdrer les acteurs, accompagner le dialogue social, limage du blog lafusionpourlesnuls.com (DRESSEN M., 2011). Spontanes, parpilles, et parfois phmres, ces dynamiques ne constituent pas encore - de contre-pouvoir institutionnel durable, mais elles jouent un rle de rgulateur des relations sociales. Le nouveau paradigme de linnovation ouverte, permanente, ascendante Rseaux tendus de collaborateurs, management des connaissances, dmocratisation des outils, dveloppement du travail collaboratif petit petit la comptitivit dune entreprise se joue dans sa capacit innover en continu,
  • 2 - Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles susciter linnovation de la part dautres acteurs de son eco-systme, et capter une part de la valeur cre dans un systme dinnovation ouverte ( pollinisation ). En 2005/2006, le concept dinnovation ouverte est thoris par les amricains CHESBROUGH H. et VON HIPEL E. Le paradigme de linnovation ouverte forme lantithse du modle traditionnel dintgration verticale, o la recherchedveloppement interne dbouche sur des produits dvelopps en interne que la firme commercialise ensuite ellemme. (...) Linnovation ouverte est un paradigme qui considre quen cherchant faire progresser leurs produits, les firmes peuvent et doivent utiliser des ides externes autant quinternes, et des chemins internes et externes vers le march. (CHESBROUGH H. 2005). Linnovation merge des interactions et collaborations de travail, pouvant se situer aux frontires de lentreprise. La force de la multitude (1) : captation de la valeur Les principaux gants de linternet (Google, Amazon, Twitter, Youtube, Flickr) ont compris cette dynamique dinnovation ouverte et ont pouss le modle lextrme. Plutt que de produire et de fournir des contenus, ils se sont construit essentiellement sur la captation de la valeur produite par les internautes : contenus, annotations, valuations, soit toutes traces dactivits La principale dimension de la rvolution numrique est la puissance dsormais luvre lextrieur des organisations, la puissance des individus duqus, outills, connects, la puissance de ce que nous appelons la multitude (COLIN N., VERDIER H., 2012). Ce qui est au cur de la production de valeur, pour les auteurs, cest la crativit de la multitude : cest--dire le rsultat de lactivit cognitive de centaines de millions dutilisateurs dapplications et de linfinit dinteractions entre ces centaines de millions dutilisateurs . Ce capital humain demeure en-dehors de lorganisation et non accessible dans le cas dune relation entre un client et son fournisseur. Si ce modle de la captation de la contribution des internautes fonctionne aujourdhui, ce nest pas sans soulever Page 10 pourtant dimportantes questions politiques sur la rcupration des donnes des fins de services marchands, et plus globalement sur la valorisation des contributions. La force de la multitude (2) : production open source A loppos de ces exemples, des communauts dinternautes participent sciemment et bnvolement la production collaborative de connaissances tout en veillant au format de circulation de cette information (licence libre, biens communs informationnels). Lexemple le plus connu tant Wikipdia. Or ce modle, restreint jusqu prsent la production de connaissances, est en train de stendre la production de biens tangibles, dobjets. Ainsi lexprience de lingnieur amricain Joe Justice autour de wikispeed (un projet de construction de voiture peu chre, peu consommatrice dessence, rapide, et rpondant aux normes de scurit) montre-t-elle de nouvelles faons de travailler et de produire collectivement, hors de tout cadre organisationnel classique. Pour conceptualiser, dvelopper et produire le vhicule lquipe sest appuye sur une mthode de fabrication extrme , sappuyant sur des mthodes de Lean (utiliser le moins de chose possible), mthodes agiles (rduire le cot des itrations), scrum (dcoupages des tches), XP (extrme programming : travail des quipes en binme pour la capitalisation des connaissances). Les membres de lquipe sont tous volontaires (bnvoles), provenant du monde entier. Cette initiative nouvelle dmontre en tout cas les capacits dmergence de collectifs de travail productifs via la mise en rseau du net, et de nouvelles formes de management. 2-3 En question >> La dmocratisation des outils technologiques, et leur accs et usage par un plus grand nombre : un mouvement passager ou une tendance de fond ? ; >> la firme horizontale et laffaiblisse- Page 11 2 - Lentreprise moderne, ne de lmergence des technologies et dpasse par elles ment du lien de subordination laisse place quel nouveau pouvoir ? Quel nouveau rapport de forces ? Quel corps intermdiaires ? ; >> Crise de lentreprise. Lorganisation professionnelle : un objet social rinventer. >> Linnovation permanente : une exigence de lconomie financire ? >> Lconomie de la contribution : quelle production et redistribution de valeur ?
  • Page 12 3-1 Le travail sous pression Un travail de plus en plus abstrait, complexe et individualis 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires Lusage des TIC contribue changer la nature du travail et des comptences mises en uvre pour lexercer : la part dabstraction (ne serait-ce que lecture, criture) devient de plus en plus grande Le commercial ne voit plus le client, le vendeur ne voit plus le stock, loprateur ne touche plus la vanne Il ne sagit plus dagir directement mais de recueillir, traiter et transformer des volumes dinformation toujours plus importants . (BENEDETTO-MEYER M., KLEIN T., in CAS 2012) La surcharge informationnelle, du au traitement dun nombre croissant dinformations morcelles, dsordonnes, cre un stress, qui se cumule des problmes de dispersion de lattention au travail (DATCHARY, 2004). Produire un travail de qualit ncessite de savoir/ pouvoir se dconnecter. Les TIC joueraient aussi sur la complexification et lindividualisation des tches, les individus tant invits organiser leur propre travail, travailler en mode projet et simultanment sur plusieurs projets, collaborer et tre disponibles pour leurs clients et partenaires extrieurs. En dfinitive, de lindividualisation des tches lindividualisation des trajectoires, le pas est franchi. Intensification du travail et accroissement de la productivit individuelle Le travail est sous pression : de la recherche de productivit, de lintensification du rythme, de la complexification des tches, dun univers marchand hyperconcurrentiel et interdpendant, dune exigence dhyperractivit aux clients. Dans ce contexte, les TIC jouent un rle dquipement des normes de productivit, des vises managriales, de la mise en concurrence et du volume de lactivit et denrichissement de la panoplie des outils de contrle . (CHEVALLET R., MOATTY F. 2012). Cette intensification du travail , observe durant les annes 90, semble stre ralentie dans la deuxime moiti des annes 2000 (EUROFOUND DUBLIN, 2011). Pour 67% des travailleurs europens, le rythme du travail dpend en premier lieu des demandes des clients, des usagers, des patients. Or la communication par les TIC participe crer une culture de limmdiatet (se sentir oblig de rpondre un email ds rception). Pour BESSEYRE DES HORTS C.-H., ISAAC H., (2006), lubiquit permise par la portabilit des quipements participe cette intensification et laccroissement de la productivit individuelle grce la rduction des exigences spatiales et temporelles dans la ralisation du travail, laccroissement de la flexibilit, la diminution des cots de coordination, lamlioration de la communication et de lchange de connaissances, () limmdiatet de laccs linformation, la hausse de la performance dans la prise de dcision, laccroissement de la ractivit face aux clients . Contrle accru mais ingalement rparti Les TIC renforcent les mesures de contrle du travail, et ce de plusieurs manires (CHEVALLET R., MOATTY F., 2012) : la prescription visant encadrer par des normes et des procdures de qualit le travail, le contrle direct via la surveillance, la traabilit, ou la remonte en temps rel des rsultats, ou enfin le contrle exerc par les pairs ou les clients. Les TIC offrent ainsi des modalits de contrle indites et performantes qui sajoutent ou se substituent celles qui existent dj . La frquence de contrle, dans les entreprises utilisant les TIC semble sintensifier (GREENAN et al. 2012), sauf pour les utilisateurs de TIC avans, qui apparaissent comme un salariat de confiance . Le travail nomade quip en TIC apparat aussi moins contrl et plus autonome que les autres (COUTROT T., 2004). Tandis que dautres catgories, comme de mtiers ou dentreprises (voice-picking, tloprateurs) versent dans lexcs inverse, engendrant baisse de lengagement au travail et risques psycho-sociaux. Page 13 Panne, incident, dysfonctionnement informatiques Les individus sont de plus en plus dpendants du bon fonctionnement des quipements informatiques et systme dinformation des entreprises. Selon lenqute COI 2006, la moiti des salaris dclare un rythme de travail perturb par des pannes et incidents informatiques. Ce qui est de lordre de la perturbation pour les salaris dentreprises peut se rvler une vritable paralysie pour les travailleurs domicile, indpendants ou tltravailleurs, ne pouvant compter que sur eux. 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires travailleurs, llargissement de lecosystme des collaborateurs, tendu un rseau de partenaires, fournisseurs, prestataires, etc. ; mais aussi par la complexification de la mesure du temps de travail productif : intimement ml lensemble des temps sociaux. Le mode projet tend aussi remanier les quipes, faire merger des chefs dquipe ponctuels qui doivent leur position moins un statut hirarchique qu des comptences spcifiques sur le projet en cours et une reconnaissance par les pairs. de ltanchit des sphres prives et professionnelles 3-2 De lclatement de lunit de temps et de lieu du travail Les TIC ont contribu de manire dterminante lclatement de lunit de temps et de lieu du travail. Les pratiques de travail en mobilit, distance, les pratiques de dbordement (travail en dehors des heures traditionnelles de bureau) ou dextra-temporalit, et lmergence de nouveaux lieux de travail (espaces de co-working, cafs quips de wifi, espaces Grands Voyageurs SNCF) font dsormais partie du paysage. Le travail intellectuel est devenu ubiquitaire (BENEDETTO-MEYER M, KLEIN T., 2012), saffranchissant par l du bureau . Le temps perdu nexiste plus et la proximit relationnelle dans les interactions de travail est devenue aussi importante que la proximit physique. Lclatement spatio-temporel du travail tient aussi au caractre de plus en plus tendu de lentreprise (externalisation, sous-traitance, partenariat). Les quipes productives de travail peuvent tre clates sur plusieurs structures, dans diffrents lieux gographiques, faisant courir un risque daffaiblissement du sentiment dappartenance. de la hirarchie Les pratiques managriales sont modifies en profondeur par la dspatialisation du travail, la prise dautonomie des Une des volutions les plus prouves par les individus est la porosit croissante des frontires entre les sphres prives et professionnelles. Lquipement personnel autorise les communications prives au bureau, de mme que la mobilit du travail et laccs au cloud de lentreprise distance favorisent le travail domicile. Linterpntration se joue dans les deux sens, requrant une vritable agilit temporelle de la part des individus. Si les TIC imposent parfois une disponibilit tout instant (en particulier dans le cadre du travail mobile, autonome), elles permettent galement une vraie concordance des temps entre les heures de travail, laccs distance diffrents services (e-administration, commerce), la joignabilit des rseaux de proximit. Le possible accomplissement de tches en parallle autorise alors la multiplicit dengagements. Utiliser les TIC au bureau des fins personnelles semble renforcer lagilit temporelle , non pas seulement dans une optique de rationalisation du temps de travail, mais aussi des autres temps sociaux dominants, comme la famille ou les loisirs (LE DOUARIN L., 2007). Lenqute de Laurence Le Douarin, portant sur lusage des TIC dans larticulation des temps sociaux par la population trs spcifique des cadres, valide lhypothse du busyness : les plus occups professionnellement se retrouvent galement parmi les plus actifs au plan culturel.
  • 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires des frontires entre travail et activit La rationalisation des temps par les TIC dpasse ainsi la sphre professionnelle et stend au non-travail. Il devient alors de plus en plus difficile de mesurer le temps de travail effectif rel, tant il est imbriqu et dpendant de la gestion des autres temps sociaux. Certaines entreprises, telles que Google, ont bien compris cette volution en proposant, en leur sein, des infrastructures et des services de loisirs. En plus de ses salles de sports, de musique, de cinma, ses crches intgres, ses SAS de dcompression, Google autorise par exemple ses salaris consacrer 1/5 de leur temps de travail des projets personnels. Ces projets, dune manire ou dune autre, - ne serait-ce que par lmulation forte qui rgne et incite les salaris tre cratifs et innovants pour lentreprise -, pourraient alimenter lavenir, les projets de lentreprise. de laffirmation de lindividualit pour la subjectivit Plus le salari a le sentiment de saccomplir au travail, plus il cr de la valeur, selon le concept de lempowerment (LE BOSSEE, LAVALLEE, 1993). Le travail a chang, passant du travail au sens dopration celui du travail au sens dvnement, tel que le dfinit Philippe Zarifian (1995). Travailler cest prendre en charge des vnements : savoir : y faire face avec succs lorsque ces vnements sont subis, ou bien les conduire lorsque ces vnements sont voulus, provoqus. Cela signifie que le travail est de nature subjective, quune part importante dpend du sujet, de son engagement, de ses choix. des repres : quand lagilit technique devient agilit sociale La question de lapprentissage des usages des TIC dans le cadre professionnel pose surtout la question du lien entre TIC et collectifs de travail. Les technologies sont en effet au cur de la rflexivit . Lapprentissage des TIC renvoie galement des questions rcurrentes : pourquoi tre ensemble et comment Page 14 sassocier ? Cela exige, de faon ritre, dapprendre sinsrer dans de nouvelles organisations socio-professionnelles, en comprendre les fonctionnements formels et informels, ainsi qu en matriser les modes dvolution. Lhabilit se servir des TIC son tour favorise la production de nouvelles connaissances sur ces organisations mergentes (). TIC, rflexivit institutionnelle et apprentissages organisationnels sentranent ainsi mutuellement dans un mouvement permanent. (SAINT LAURENT-KOGAN A.-F., METZGER J.-L. 2007). de la structuration des temps sociaux : formation initiale, travail, retraite Si lon considre que le capital humain est la source de la production de richesse, cest toute lorganisation des temps sociaux qui est changer. Le modle de socit se structurant schmatiquement autour de trente ans dapprentissage, trente ans dactivits, trente ans de retraite, nest ni individuellement satisfaisant, ni conomiquement opratoire. La manire dont se dessinent les modes de vie la retraite incite reconsidrer lensemble de la priode de vie active (RIVIERE C., BRUGIERE A., 2010). Le temps libre est un temps formateur quil est ncessaire de mieux inclure dans les trajectoires professionnelles, de mme que les temps de formation (VIARD J., 2004). Pour une meilleure adquation entre aptitudes individuelles et march du travail, il serait ncessaire de scuriser la formation tout au long de la vie, et le droit temporaire au rpit (TAVOILLOT P.-H., 2010). Or les TIC peuvent particulirement favoriser larticulation des diffrents temps sociaux, et lapprentissage tout au long de la vie. 3-3 De nouvelles figures de travailleur : de lactivit lempowerment Support doutils, dapplications et de services, linternet est aussi porteur dune certaine philosophie , que lon peut qualifier de libertaire, nourrie dans le contexte amricain de ses origines - Page 15 de la critique artiste du capitalisme (BOLTANSKI L., CHIAPELLO E., 1999, cit par CARDON D., 2010). Ses ides fortes sont dans sa version la plus radicale : lautonomie des individus, lauto-organisation, le refus des contraintes, et dans sa version plus lgre : lauthenticit, la crativit, et la transformation de soi (sous-entendu plutt que de la socit ). Cette philosophie libertaire a nourri des postures nouvelles de travail/activit : mouvement open source, mouvement hacker, gnration slasher, qui ne sont pas sans influence sur les volutions de la relation au travail des jeunes gnrations, comme des plus gs. Le travail open source Les communauts du logiciel libre et de lOpen Source revendiquent le dveloppement de logiciels ouverts, et encouragent la libert dinitiative. Leur production sappuie sur le travail de communauts de dveloppeurs individuels comme des entreprises, venant chacun, amliorer, corriger, tendre le contenu serviciel dun logiciel, voire le logiciel lui-mme, considr comme un bien commun. L o leur philosophie diffre, cest dans la nature des rutilisations. Avec les logiciels libres, les utilisateurs ont la libert dexcuter, copier, distribuer, tudier, modifier, amliorer le logiciel, et ce gratuitement. Avec les logiciels open source, cest essentiellement laccs aux codes sources qui est gratuit, car des services payants sappuyant sur les logiciels peuvent tre commercialiss. Les activits qui gravitent autour de ces mouvements peuvent tre ainsi commerciales (plusieurs milliers dinformaticiens sont salaris grce ces modles) comme non-commerciales (bnvolat). Get paid, get fit, make something cool , la philosophie du Hacker Cette philosophie de lautonomie et de la libert se retrouve aussi dans la figure des Hackers , mus par la satisfaction des aspirations personnelles, lpanouissement au travail, et une forte culture du partage (rappelons que les Hackers sont lorigine de linternet, des logiciels libres et de lordinateur personnel). Heureux comme un hacker , titrait rcemment 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires lAtelier de lemploi, site ditorial du groupe Manpower, mettant en avant les valeurs de ces travailleurs : Do it your self , libert et refus de la hirarchie. Une devise prvaut : >> Get paid : gagne ta vie ; >> Get fit : fais du sport , pour se librer lesprit, se maintenir en forme et gagner en confiance en soi ; >> Make something cool : amuse-toi . Lactivit de travail, guide par la passion, devient une voie dpanouissement, de ralisation de soi. Le texte culte dHakim Bey, TAZ Zone autonome temporaire, de 1997, exprime cette philosophie inspire de lutopie pirate consistant sexiler dans de microcommunauts apparaissant et disparaissant dans les interstices du pouvoir. () Il ne sagit pas ni de faire la rvolution, ni de transformer la socit, mais de changer sa vie plutt que de changer la vie. (CARDON D., 2010). De la figure du slasher , multitasking Lautonomie et la libert dans le travail semblent tre des aspirations majeures du nouveau monde du travail et en particulier pour la gnration dite Y . Consciente de linstabilit du march de lemploi, et des besoins de changement de trajectoire, cette gnration a intgr la flexibilit dans son parcours professionnel. Il en merge une nouvelle catgorie de travailleurs trentenaires, au capital culturel fort, dnomme slashers (catgorie encore marginale : leur poids tant estims 2,5% de la population active ), mixant volontairement des priodes de CCD, CDI, intrim, auto-entreprenarait, chmage. Que cette instabilit soit volontaire ou subie, les slashers militent pour un cumul demplois et le dveloppement de multiples comptences, afin de ne pas tre dpendants dune entreprise, ou dun secteur professionnel. Cette catgorie de travailleurs reflte-t-elle un vritable Don Juanisme professionnel ou une vulnrabilit des travailleurs dont le dsir individuel de ralisation de soi est instrumentalis par le march ?
  • Page 16 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires De la figure coopratif du nomade Le secteur des TIC, par ses nouvelles formes dorganisation du travail, seraitil prcurseur des entreprises de demain ? Cest la conviction de la chercheuse belge Patricia Vandramin, conviction fonde sur trois caractristiques : une gestion des ressources humaines trs individualises, des modes organisationnels privilgiant rseaux et projets, et un personnel relativement jeune. Ces travailleurs recherchent de manire constante lchange entre pairs, la satisfaction dans le travail, et les conditions dun apprentissage permanent. Mais cette volont ne suppose ni la prexistence, ni la prennit des collectifs, ni leur inscription visible dans lespace . Do la notion de nomadisme coopratif . Si ces nouveaux travailleurs aspirent autant quautrefois la solidarit et au collectif, ils lenvisagent sur le modle du projet (partager des objectifs limits court terme), dans lequel ils sont prts sengager en sujets sans dlgation , avec des groupes provisoires composs de salaris appartenant des mtiers et des entreprises divers. Les individus ont toujours le souhait dintgrer un collectif, mais en tant acteur des transformations de celui-ci (METZGER J.-L., 2005). La figure du jeune retrait Lallongement de la dure de la vie en bonne sant modifie le profil de la population active, accroissant la part des travailleurs plus gs (mme si ces derniers peuvent tre majoritairement rejets du march de lemploi). En effet les travailleurs plus gs ont cumuls la fois du capital et de lexprience, et, sauf en situation de prcarit conomique, ils abordent le travail sous langle renforc du sens et de la finalit de leurs actions. Les jeunes retraits profitent du revenu dexistence procur par la retraite pour continuer mener une vie active (SEVE L., 2010) pleine de sens et trs fortement productrice de liens social : articulant des activits professionnelles (via le rseau professionnel), des activits associatives et militantes semi-professionnelles (la majorit des cadres des associations, et du personnel politique, sont des retraits - NOWIK L., MOREL G., 2006), des activits de loisirs et de dveloppement personnel, des activits de formation (reprise de cours, etc.), des activits familiales. Cette figure du jeune retrait actif pourrait bien caractriser les modes de vie pour tous demain. Vers de nouveaux collectifs de travail Quelles soient fortement impactes par les TIC ou pas, quelles soient conomiquement productives ou pas, de nouvelles organisations de travail mergent, durables ou phmres travers : >> les SCOP (socits coopratives participatives), ou les socits de portage salarial dessinent de nouvelles organisations collectives de travailleurs, mutualisant des ressources, des rseaux, recrant des liens et de lengagement solidaire ; >> les coworking-space se prsentent comme des lieux et des processus danimations favorisant le foisonnement et llaboration de projets collectifs, runissant des entreprises, des indpendants, des chercheurs, des tudiants, des personnes en recherche demploi ; >> les barcamps ou les hackatons sont des vnements phmres runissant des professionnels de tout bord, autour dune thmatique commune, et ayant pour objectif de concevoir des projets et de les prototyper ; >> Les Fablabs/Biolab sont des lieux de fabrication numrique ouverts et partags qui regroupent un ensemble de machines commande numrique, permettant chacun, sans connaissance technique pralable, de produire des objets, mme de haute technologie ; >> Les initiatives de production collaborative de type wikispeed : monter des quipes instantanes pour une production collaborative rpondant des critres spcifiques (produire moins cher, plus durable, en open source). Page 17 Sils peuvent apparatre encore confidentiels, ces dispositifs dessinent en tout cas des tendances de nouvelles organisations du travail collaboratif, adaptes aux changements continus dun ct, et aux vellits dautonomie et de libert de lautre. Ils jouent alors un rle de conditions dmergence et rpartiteur de projets, au sein dcosystme large de collaborateurs associs ou en rseaux, mais non salaris. Ctait, ds 1995, la transformation que BRIDGES W., 1995, voyait advenir pour les entreprises de demain : le passage dune structure constitue demplois un champ de travail accomplir. Ce passage dune logique demploi une logique de services renforce par la mobilit du travail, affirme la figure de travailleurs polyactifs, conduisant plusieurs carrires (CONSEIL DE LEUROPE 1995). En tout cas, lextension et la diversification des formes dinteraction et de collaboration constituent ainsi lun des plus puissants facteurs de changement du travail et des organisations. 3 - Travail et activit : vers un brouillage des frontires
  • Page 18 4.1 - Les tensions fondatrices Dans les trois domaines tudis (la production de valeur, lentreprise et les nouveaux collectifs, le rapport de lindividu au travail), de fortes tensions sont luvre, et autour desquelles de nouveaux quilibres se cherchent. 4 - Enjeux et risques identifis, volutions et rapports de force A - Autour de la valeur : nouvelles productions nouvelles redistributions nels (brevets, marques, proprit intellectuelle), dautres actifs immatriels prennent une valeur essentielle : les contributions des internautes, traces dusages et intelligence collective. Cet actif constitue une externalit positive, que les principaux gants du net cherchent et russissent capter (Google, Amazon, Facebook, Flickr, twitter, etc.). Cest la valeur produite par la dmocratisation des usages numriques qui est capte, et en cela questionne la privatisation des donnes personnelles, ou le caractre de bien commun des donnes personnelles massifies. Economie du format propritaire vs conomie alternative open source do it your self Emploi vs Travail Dun ct le nombre demplois diminue et ne couvre plus les besoins dune population active croissante. Lemployabilit des individus sest substitue la scurisation des parcours, mais sans effet quivalent, et crant de la prcarit. De lautre, des formes dactivit ou de travail non-productif nont pas de valorisation, pas de mesure ou dindicateurs, alors mme quelles alimentent une conomie de la contribution, voire de la captation (valeur capte par des entreprises qui en tirent des bnfices directs). Sur linternet deux formats de dveloppement des entreprises saffrontent : un format propritaire (qui prend particulirement la forme de plateformes de services propritaires appuyant son dveloppement sur des API), et un format ouvert et communautaire Open source , ou bas sur des pratiques du do it your self . Cela questionne les frontires de la privatisation et du bien commun, ainsi que du partage de la valeur. C - Pour lindividu au Equipement personnel vs systme dinformation, Ordre vs Dsordre Individualisme vs Rseaux En mme temps que le numrique a sous-tendu la rationalisation des process en entreprises, la gnralisation des systmes dinformation, des rgles de scurit, le numrique a aussi grandement amlior la performance de lquipement personnel et diminu son cot daccs : celui-ci pntre dans les entreprises et concurrence les outils internes, permet dchapper au contrle ou aux rgles de scurit contraignantes des SI. Les pratiques de BYOD se gnralisent. Les besoins en clouds vont sintensifier : cloud personnel, cloud professionnel de diffrentes natures vont se superposer. Mobilit vs Bureau Autonomie vs Subordination, Libert dorganisation vc Contrle, traabilit Entreprises vs Rseaux coopration, Vertical Horizontal Le modle de dveloppement de linternet prne, valorise et outille lautonomie des individus au travail, la libre entreprise, linitiative et linnovation individuelles, lquipement personnel. Mais le numrique permet aussi linverse : la mesure constante de lactivit (tableaux de bord, indicateurs), la traabilit et le contrle accrus, renforant les fonctionnements hirarchiques verticaux, la subordination, par ailleurs inhrente au Les relations de travail portes par les individus se dveloppent aussi bien dans le cadre de lentreprise qu ses frontires : les rseaux de coopration dessinent une entreprise tendue . Cest lre des cosystmes, remettant en question les autorits traditionnelles, au profit de linfluence , le management au profit des changes entre pairs, lautoorganisation et les mthodes agiles. Laugmentation de la productivit est alle de pair avec une intensification des cadences, une monte de la pression et du stress dun ct, et une baisse de la dure du travail de lautre, synonyme de temps libre et de dveloppement personnel. Les temps de pause, les loisirs deviennent essentiels et conditionnent le bien-tre et les capacits dendurance du travailleur sous pression. Certaines entreprises ont ainsi tendu le travail productif lensemble des temps sociaux, en proposant des structures de loisirs, dtente, en leur sein. individus lentreprise et A ct des actifs matriels (btiments, machines) ou immatriels tradition- contrat de travail. La tension est vive, et cre de lincomprhension mutuelle entre les individus et les organisations. de travail B - Dans le rapport des vs 4 - Enjeux et risques identifis, volutions et rapports de force La mobilit des outils rend le travail intellectuel ubiquitaire. Le SI cloud de lentreprise ainsi que le rseau de collaborateurs deviennent le vritable espace de travail des individus, leur point de rattachement. Mais si le travail en mobilit ou distance sest rpandu, entrainant un brouillage des frontires, les trajets domicile-travail nont encore - pas disparu, et deviennent des espaces propices au pratique de dbordement . Le cot des nergies de transport pourrait cependant acclrer un processus de relocalisation du travail, et dune nouvelle gographie de lactivit conomique. Intensification vs Temps libre Production de valeur Captation de la valeur Page 19 aux nouveaux collectifs de vs travail Lexigence dautonomie va de pair avec une forme dindividualisme : dans lentreprise, les objectifs sont individualiss, sur le march de lemploi, lindividu est seul face ses rseaux, qui reprsentent aussi son potentiel demployabilit. La figure de lindividualisme en rseau , du nomade collaboratif simpose avec dun ct ses risques potentiels de prcarisation, disolement, daffaiblissement des droits, et de lautre la redfinition de nouvelles forces sociales aux gomtries encore inconnues. Les nouvelles modalits de lien professionnel sont observer. Comptences individuelles vs apprentissages collectifs sur le long terme Les comptences individuelles deviennent des lments cls du recrutement. Elles sont considres comme les points saillants de lidentit des personnes, des mots cls permettant dtre rfrenc ou de se diffrencier sur les portails de lemploi. Or les comptences se dveloppent aussi au cours dapprentissage collectif sur le long terme. Le potentiel des individus est transform par le collectif, et rien ne rend compte ni des volutions personnelles, ni des comptences collectives . Le numrique exacerbe lindividualit. Continuit vs Discontinuit des parcours Lexigence conomique de flexibilit produit des parcours professionnels de plus en plus discontinus, qui, au-del de la prcarit, engendrent des problmes identitaires chez les individus. Linternet est la fois le lieu de la traabilit du parcours favorisant sa mise en visibilit et donc son unification (e-porfolio) mais favorisant aussi le non-oubli des accidents de parcours ; le lieu possible de lanonymat (blog et pseudo, activits de hackers, etc.) ; enfin aussi, un lieu possible de formation distance.
  • Page 20 4 - Enjeux et risques identifis, volutions et rapports de force Vie personnelle professionnelle vs vie Si la portabilit des outils et applications numriques tend brouiller les frontires entre vie prive et vie professionnelle, elle participe aussi unifier lidentit des individus, non pas dans le sens dune cohrence globale, mais au contraire dans le sens du maintien et de la co-existence dune pluralit dactivits et didentits. 4.2 - Les grands enjeux Enjeux conomiques : >> mieux comprendre les volutions du travail pour mieux travailler et produire de la valeur ; >> dvelopper la croissance ou changer les indicateurs du PIB par de nouvelles capacits de mesure, rendues possible par le numrique ; Enjeux dinnovation et de croissance conomique pour les entreprises : >> Trouver les bons collaborateurs, savoir les faire travailler ensemble ; >> Russir adapter les fonctionnements et les collectifs linnovation permanente ; Enjeux sociaux : >> Redistribuer les plus-values, procurer des revenus toute la population ; >> Permettre chacun de continuer se former, changer et trouver de perspectives de travail ; Enjeux de bien-tre pour la population active : >> tre serein et performant au travail ; >> trouver le ou les voies du dveloppement personnel ; Enjeux politiques >> Renouveler les formes du dialogue social, de manire ce quil traduise les rels rapports de force ; Page 21
  • Page 22 1) Nouvelle gographie des entreprises 5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle La portabilit des quipements, linformatique dans les nuages, la dimension immatrielle croissante du travail et la hausse du cot de lnergie continuent faire littralement clater lunit de temps et de lieux du travail. De nouvelles organisations se mettent en place autour dune multitude despaces de co-working situs dans les bassins de vie, les centres villes, et trs quips en outils de tl-confrence, en salles de runion. Les grands centres daffaires disparaissent, le march immobilier des particuliers se transforme car le travail domicile devient pratique courante. Laccs au systme dinformations et au rseau social de lentreprise (cosystme tendu) constitue les nouveaux points dattache au collectif de travail, les nouveaux privilges . Lactivit conomique se dcentralise. La pluriactivit se dveloppe. 2) Tous entrepreneurs ! La pression au travail dans les entreprises, et la prcarit des emplois sont telles, que la majorit des travailleurs fait dlibrment le choix du statut dindpendant. Le CDI devient tellement illusoire et peu panouissant, quil vaut mieux multiplier les temps partiels, et la multi-activit, voire les petits boulots pour augmenter ses revenus et taler les risques. La pluriactivit se dveloppe rapidement dans toutes les catgories sociales, depuis les travailleurs pauvres contraints de cumuler plusieurs jobs, jusquaux cadres qui dveloppent en auto-entrepreneurs des activits complmentaires. De leur ct, les entreprises se rorganisent autour de noyaux restreints de salaris stables, aux cts desquels une multitude de collaborateurs viennent prendre place pour des missions spcifiques. Chaque individu devient responsable de dvelopper et de valoriser ses comptences et son employabilit. Si cette tendance convient bien aux travailleurs du savoir, son extension aux travailleurs plus gs et moins quali- fis pose en revanche des problmes majeurs. Il faut inventer un nouveau filet de scurit. 3) Entreprise tendue Plusieurs fonctions de lentreprise sont externalises auprs des consommateurs : les internautes participent activement la cration de produits, la communication sur des marques, la vente des produits dune entreprise par marketing viral. De nouveaux modes de rtribution et de rmunration apparaissent. 4) Lopen data des Page 23 des salaires, retour dun management autoritaire, tyrannie de lurgence et de ladaptation, focalisation sur le court terme), les entreprises font face de nouvelles crises : internes. Les salaris nont plus confiance dans les entreprises. Des pratiques de sabotage, de fuite dinformations stratgiques deviennent courantes. Les individus changent sur les rseaux, des colres grondent de manire parse et spontane, et chappent compltement aux forces syndicales. Par lintermdiaire des rseaux sociaux et un effet de contagion, les rvoltes deviennent rvolutions, et plusieurs directions dentreprises sont renverses en mme temps. Les salaris veulent autodterminer et autoorganiser leur travail pour que celui-ci ait du sens. Les organisations se dmocratisent et se moralisent (RSE). entreprises La coexistence au travail de lquipement personnel et des systmes dinformation professionnels font peser dnormes risques de scurit aux entreprises. Les informations stratgiques sont captes au travers dchanges de convivialit sur les rseaux. Les rseaux sociaux professionnels (de type linkedin, viadeo) deviennent officieusement des organismes dintelligence conomique, tant lanalyse des cartographies des rseaux sociaux en disent long sur les projets en cours, les interactions. Le coeur stratgique des entreprises est aussi mis en danger par des dtournements dinformations, pratiqus par les salaris militant revendiquant une rciprocit de la transparence : si les donnes des administrations doivent tre ouvertes, si les donnes des usagers sont sans cesse captes, alors les entreprises ne peuvent plus tre opaques. Elles doivent assumer et mener leur propre dynamique open data . 6) Nouvelle maladie professionnelle : le burn out Lidentit numrique, rendue publique sur les rseaux, prime de plus en plus sur lidentit relle des personnes. La rflexivit sur soi est constante : rien des faits, des crits nest oubli, les rseaux relationnels professionnels saccumulent au fil des annes, sans que la page des expriences passes puissent tre tournes. Les CV / eportfolio sont nourris par les rseaux eux-mmes : lindividu, son volution de carrire, son identit numrique dpendent de plus en plus des autres. Cette perte de contrle de limage publique conduit de plus en plus des burn out identitaires. Les individus ne se retrouvent plus ou ne sassument plus eux-mmes. 7) Les big data : point fort 5) La place Tahrir dans du revenu universel les entreprises dexistence Suite la crise conomique 2008-2012, qui a t loccasion de nouvelles pressions sur le travail (dgraissage, blocage La rutilisation des donnes personnelles, symbolise par les Big Data , fait lobjet de luttes sociales et politiques importantes. Les entreprises 5 - Points de bifurcation possibles ou points de rupture potentielle pratiquant lanalyse et la rutilisation des donnes personnelles sont petit petit contraintes payer des droits de rutilisation aux usagers (faon CNIL / SACEM). Un revenu universel dexistence se met en place petit petit, autour de cette rtribution par le secteur priv, et dune allocation verse par les Etats. Les pratiques de travail se transforment. 8) Le travailleur nomade et sa musette doutils numriques Comme les ouvriers qualifis davant la rvolution industrielle, les individus rejoignent les organisations munis de leur propre musette numrique : des quipements, des environnements de travail, des rseaux professionnels actifs, mais aussi des expriences, des acquis professionnels, des mthodes. Grce une professionnalisation des outils grand public, les individus au travail capitalisent sur leurs expriences, se forgent des savoir-faire.
  • Page 24 Bibliographie > COCHARD CORNILLEAU 2010 http://ses.ens-lyon.fr/l-ajustementde-l-emploi-dans-la-crise-132103. kjsp?RH=33, Articles Rapports > BASSANINI A., MANFREDI T., 2012 Capitals Grabbing Hand? A cross country cross industry analysis of the decline of the labour share, OCDE > BESSEYRE DES HORTS C.-H., ISAAC H., 2006, Limpact des TIC mobiles sur les activits des professionnels en entreprise , Revue franaise de gestion, n168-169 > BRIAN A., 2011, The Second Economy http://www.mckinseyquarterly.com/ The_second_economy_2853 > BRIDGES W., 1995, La conqute du travail , Ed. Village mondial, cit par D. Mda 1995, revue Esprit. > CHESBROUGH H., 2005, Open Innovation: A New Paradigm for Understanding Industrial Innovation , in Open Innovation: Researching a New Paradigm, Oxford University Press > CORSANI A., 2003, Savoir et travail dans le capitalisme cognitif : les impasses de lconomie politique, publi in Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ?, Ed. La Dispute http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/ revue/17-113.pdf > COUTROT T., 2004, Le tl-travail en France : 2% des salaris le pratiquent domicile, 5% de faon nomade , premires synthses, DARES, n51.3 > DATCHARY C., 2004, Prendre au srieux la question de la dispersion au travail : le cas dune agence de cration dvnements , Rseaux n134 > EUROPEAN EXPERT NETWORK ON ECONOMICS OD EDUCATION EENEE, 2007, Leffet de lducation sur lemploi, les salaires et la productivit : une perspective europenne, http:// ec.europa.eu/social/main. jsp?catId=1047 > FUMAGALLI A. MORINI C., 2008, Segmentation du travail cognitif et individualisation du salaire, Revue Multitudes N32, 2008. > JULLIEN N., 2010, Free/libre/open source software (FLOSS) : lessons for intellectual property rights management in a knowledge-based economy , http://halshs.archives-ouvertes.fr/ halshs-00410781/fr/ > LE DOUARIN L., 2007, Cest personnel ! Lusage des TIC par les cadres dans larticulation des temps sociaux : vers une volution de la rationalisation au travail , in LHomme et la Socit, Ed. LHarmattan, p.75 94 > LE BOSS Y., LAVALLE M., 1993, Page 25 Pouvoirs, valeurs temps, Economica, Paris, pp. 71-95, 2008 Empowerment et psychologie communautaire. Aperu historique et perspectives davenir . Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale. no 18. p 7-20. > MEDA D., 1995, La fin de valeur travail, in Revue Esprit Lavenir du travail, n8-9, aot-septembre, Ed. Seuil > METZGER J.-L., 2005, Entre individualisation des relations de travail et gestionarisation des espaces publics : la recherche sociologique en qute de problmatique , Rseaux 4/2005 (no 132), p. 219230. URL : www.cairn.info/revuereseaux-2005-4-page-219.htm. > NEGRI A., VERCELLONE C., 2008, Le Rapport capitale / travail dans le capitalisme cognitif, Multitudes, 2008/1 n 32, p. 39-50. DOI : 10.3917/mult.032.0039 > SEVE L., 2010, Reconsidrer le bien vieillir : pour une troisime vie active , Le Monde Diplomatique. > TAVOILLOT P.-H., 2010, Que faire du troisime ge de la vie, au-del des discours comptables ? Le droit au rpit durant la vie active, pralable son allongement , Le Monde, 13 fvrier. > THUDEROZ C., 1993, Du lien social dans lentreprise. Travail individualisme coopratif , Revue franaise de sociologie XXXVI, p.325-354 > VERCELLONE C., 2008, La thse du capitalisme cognitif : une mise en perspective historique et thorique , in Colletis G. et Paulr P. (coord.) Les nouveaux horizons du capitalisme, > BOLIER D., 2011 The Future of work What it means for individuals, business, markets and governments, The Aspen Institute http:// www. aspeninstitute.org/ publications/future-of-work > CISCO, 2012, Rapport Connected world technology http://www.cisco.com/en/US/netsol/ ns1120/index.html > Conseil de lEurope LEurope face au dfi de la mondialisation, les consquences sociales de la restructuration des conomies en Europe , Emploi et Socit. > Enqute sur les changements organisationnels et linformatisation, 2006, DARES, INSEE, CEE. > International Labour Organization, 2012, Tendances mondiales de lemploi 2012, prvenir une aggravation de la crise de lemploi http://ow.ly/tK9Qd > JOLING C., KRAAN K., 2008, Use of technologiy and working conditions in the European Union, Eurofound Dublin > NOWIK L., MOREL G., 2006, Engagement associatif : ces retraits qui veulent tre utiles aux autres , Congrs de lassociation franaise de sociologie, Bordeaux. > OECD, 2010, Regards sur lducation 2010 : Panorama . http://ow.ly/tK9u4 > OECD, 2012, Perspectives de lemploi de lOCDE 2012 , http://ow.ly/tKaei > Rapport de recherche Marnix Dressen, 2011, A lpreuve de la fusion ANPE/ ASSEDIC et de la loi du 20 aot 2008 portant rnovation de la dmocratie sociale , Ple Emploi dans la tourmente. Enqute sur les stratgies syndicales, Universit Lille 1, CNRS. > Tendances mondiales de lemploi, 2011, Le dfi dune reprise de lemploi, Bureau international du travail > TECHNOLOGICA France TELECOM, 2010, Etat des lieux sur le stress et les conditions de travail.
  • Page 26 > EVANS, HAGIV, SCHMALENSEE, 2006, How software platforms drive innovation and transform industries, MIT Press OUVRAGES > FERRY J.-M., 1995, LAllocation universelle. revenu de citoyennet, Ed. Cerf Pour un > AZAIS C., CORSANI A., DIEUAIDE P. (dir.), 2000, Vers un capitalisme cognitif. Mutations du travail et territoire, Ed. LHarmattan > GALBRAITH J.-K., 2004, Les mensonges de lconomie, une vrit pour notre temps, Ed. Grasset > BOLTANSKI L., CHIAPELLO E., Le Nouvel Esprit du capitalisme, Ed. Gallimard, 1999. > GINSBOURGER F., 2010, Ce qui tue le travail, Ed. Michalon. > BROADBENT S., 2011, Lintimit au travail, Ed. FYP > GRATTON L., 2011, The Shift : The Future of Work is Already Here, Ed. Harper Collins > CARDON D., 2010, La Dmocratie Internet. Promesses et limites, Ed. Le Seuil > CASTELLS M., 1996, La Socit en rseau, T1, Lre de linformation, Ed. Fayard > COHEN Daniel (1999), Nos temps modernes, Paris, Flammarion, coll. Champs > COLIN N., VERDIER H., 2012, LAge de la multitude, Ed. Armand Colin. > COUTROT T., 1999, Critique de lorganisation du travail, Ed. La Dcouverte, > DURAND J.-P., 2004, La Chane invisible. Travailler aujourdhui : flux tendu et servitude volontaire, Ed. Seuil > EYCHENNE F., 2012, FabLab lavant-garde de la nouvelle rvolution industrielle, Ed. FYP > GORZ A., 2003, Limmatriel, Connaissance, valeur et capital, Ed. Galile > JONES D., SUNDSTED T., BACIGALUPO T., 2009, Im outta here! How co-working is making the office obsolete, NotanMBA Press > MEDA D., 1995, Travail, une valeur disparition, Ed. Aubier en voie > MOULIER-BOUTANG Y., 2010, LAbeille et lEconomiste, Ed. Carnet Nord > PRAX J.-Y., 2000, Le Guide du knowledge management. Concepts et pratiques du management de la connaissance, Ed. Dunod > RIFKIN J., 1995, The End of Work, Ed. Putnam SAINT-LAURENT-KOGAN A.-M., METZGER J.-L., 2007, O va le travail lre numrique ?, Presse des Mines de Paris > SEGRESTIN B., HATCHUEL A., 2012, Refonder lentreprise, Ed. Le Seuil > VANDRAMIN P., 2004, Le Travail au singulier. Le lien social lpreuve de lindividualisation, Ed. LHarmattan-Acadmia Louvain La neuve > RIVIERE C.-A., BRUGIERE A., 2010, Bien vieillir grce au numrique, Ed. FYP > SARIFIAN P., 1995, Le Travail et lEvnement, Ed. LHarmattan de > MEDA D., 2010, Travail, la rvolution ncessaire, Ed. de lAube > MOULIER-BOUTANG Y., 1998, De lesclavage au salariat, conomie historique du salariat bride, Ed. PUF > MOULIER-BOUTANG Y., 2007, Le capitalisme cognitif : la nouvelle grande transformation, Ed. Amsterdam > VECAM 2011, Libres savoirs, les biens communs de la connaissance. Produire collectivitement, partager et diffuser les connaissances au XXIe sicle, Ed. C&F > VON HIPEL E., 2006, Democratizing Innovation, MIT Press Boo > VIARD J., 2004, Le Sacre du temps libre : la socit des 35H, Ed. de lAube. Page 27
  • Page 28 Repenser la place des individus au travail dans une socit numrique Partenaires de lexpdition Avec le soutien des grands partenaires de la Fing